CHAINE D’OR SUR L’ÉVANGILE DE SAINT JEAN
Édition numérique, https://www.i-docteurangelique.fr/DocteurAngelique,
Les œuvres complètes de
saint Thomas d'Aquin
Traduction entièrement
vérifiée et reprise par Charles Duyck en 2011.
Explication suivie des QUATRE EVANGILES
par le docteur angélique
SAINT THOMAS D’AQUIN
composée des interprètes grecs et latins, et surtout des ss. Pères
admirablement coordonnés et enchaînés
de manière à ne former qu’un seul texte suivi et appelé à juste titre
la
CHAÎNE D’OR
Edition où le texte corrigé par le P. Nicolaï a été revu avec le plus grand soin sur les textes originaux grecs et latins
TRADUCTION NOUVELLE
par
M. L’ABBE J.-M. PERONNE
Chanoine titulaire de l’Eglise de Soissons, ancien professeur d’Ecriture sainte et d’éloquence sacrée
Tome premier
PARIS
LIBRAIRIE DE LOUIS VIVÈS, ÉDITEUR
rue Delambre, 9
1868
Leçon 2 : Et le Verbe était en Dieu
Leçon 3 : Et le Verbe était Dieu.
Verset 2 : Il était au commencement avec Dieu.
Verset 3 : Toutes choses ont été faites par lui.
Leçon 6 : Et sans lui rien n'a été fait.
Verset 4 : Ce qui a été fait était vie en lui.
Leçon 8 : Et la vie était la lumière des hommes.
Verset 5 : Et la lumière luit dans les ténèbres
et les ténèbres ne l'ont pas comprise.
Sancti Thomae de Aquino, Catena aurea in
quatuor Evangelia, Expositio in Ioannem |
EXPLICATION SUIVIE DES QUATRE ÉVANGILES PAR SAINT THOMAS L’ÉVANGILE DE
JÉSUS-CHRIST SELON SAINT JEAN |
Prooemium |
PRÉFACE
|
Vidi dominum sedentem super solium excelsum et
elevatum; et plena erat domus a maiestate eius; et ea quae sub ipso erant,
replebant templum. Glossa. Divinae visionis sublimitate illustratus
Isaias propheta dixit vidi dominum sedentem et cetera. Hieronymus, super Isaiam. Quis sit iste dominus qui videtur,
in Evangelista Ioanne plenius discimus, qui ait : haec dixit Isaias, quando
vidit gloriam Dei, et locutus est de eo : haud dubium quin Christum
significet. Glossa. Unde ex verbis istis materia huius
Evangelii, quod secundum Ioannem describitur, designatur. Ex Eccles. Hist. Quia enim nativitatem salvatoris
secundum carnem vel Matthaeus, vel Lucas descripserant, reticuit hic Ioannes,
et a theologia atque ab ipsa eius divinitate sumit exordium; quae pars sine
dubio ipsi velut eximio per spiritum sanctum reservata est. Alcuinus. Unde cum omnibus divinae Scripturae
paginis Evangelium excellat, quia quod lex et prophetae futurum praedixerunt,
hoc completum dicit Evangelium; inter ipsos autem Evangeliorum scriptores
Ioannes eminet in divinorum mysteriorum profunditate : qui a tempore
dominicae ascensionis per annos sexaginta quinque verbum Dei absque
adminiculo scribendi usque ad ultima Domitiani tempora praedicavit; sed post
occisionem Domitiani, cum, Nerva permittente, de exilio rediisset Ephesum, compulsus
ab episcopis Asiae, de coaeterna patri divinitate Christi scripsit adversus
haereticos, qui Christum ante Mariam fuisse negabant. Unde merito in figura
quattuor animalium aquilae volanti comparatur, quae volat altius cunctis
avibus, et solis radios irreverberatis aspicit luminibus. Augustinus, in Ioannem. Transcendit enim Ioannes
omnia cacumina terrarum, transcendit omnes campos aeris, transcendit omnes
altitudines siderum, transcendit omnes choros et legiones Angelorum : nisi
enim transcenderet ista omnia quae creata sunt, non perveniret ad eum per
quem facta sunt omnia. Augustinus, de Cons. Evang. Ex quo intelligi datur,
si diligenter advertas, tres Evangelistas temporalia facta domini et dicta
quae ad informandos mores vitae praesentis maxime valerent, prosecutos, circa
activam virtutem fuisse versatos; Ioannem vero facta domini multo pauciora
narrantem, dicta vero eius, praesertim quae Trinitatis unitatem et vitae
aeternae felicitatem insinuarent, diligentius et uberius conscribentem, in
virtute contemplativa commendanda suam intentionem praedicationemque
tenuisse. Unde animalia tria, per quae tres alii Evangelistae designantur,
sive leo, sive homo, sive vitulus, in terra gradiuntur : quia tres
Evangelistae in his maxime occupati sunt quae Christus in carne operatus est,
et quae praecepta mortalis vitae exercendae carnem portantibus tradidit; at
vero Ioannes supra nubila infirmitatis humanae velut aquila volat, et lucem
incommutabilis veritatis acutissimis atque firmissimis oculis cordis intuetur
: ipsam enim maxime divinitatem domini, qua patri est aequalis, intendit,
eamque praecipue suo Evangelio, quantum inter homines sufficere credidit,
commendare curavit. Glossa. Potest igitur Evangelista Ioannes cum Isaia
propheta dicere vidi dominum sedentem super solium excelsum et elevatum,
inquantum acumine visus sui Christum in divinitatis maiestate regnantem
inspexit; quae quidem etiam sua natura excelsa est, et super omnia alia
elevata. Dicat etiam Evangelista Ioannes et plena erat domus a maiestate eius
: quia per ipsum narrat omnia esse facta, et suo lumine omnes homines in hunc
mundum venientes illustrari. Dicat etiam quod ea quae sub ipso erant,
replebant templum; quia dicit verbum caro factum est; et vidimus gloriam
quasi unigeniti a patre, plenum gratiae et veritatis, secundum quod de
plenitudine eius nos omnes accepimus. Sic igitur praemissa verba materiam
huius Evangelii continent, in quo ipse Ioannes dominum super solium excelsum
sedentem insinuat, divinitatem Christi ostendens; et terram ab eius maiestate
impleri ostendit, dum omnia per eius virtutem in esse producta ostendit, et
propriis perfectionibus repleta; et inferiora eius, idest humanitatis
mysteria, templum, idest Ecclesiam, replere docet, dum in sacramentis
humanitatis Christi et gratiam et gloriam fidelibus repromittit. Chrysostomus, in Ioannem. Quando igitur barbarus hic
et indisciplinatus talia loquitur quae nullus eorum qui in terra sunt hominum
novit unquam, si hic solus esset, miraculum magnum esset. Nunc autem cum his
et aliud isto maius tribuit argumentum, quod a Deo inspirata sunt ei quae
dicuntur hic, scilicet quod omnes audiunt, et suadet omnibus per omne tempus.
Quis ergo non admirabitur habitantem in eo virtutem? Origenes. Ioannes interpretatur gratia Dei, sive in
quo est gratia, vel cui donatum est. Cui autem theologorum donatum est ita
abscondita summi boni penetrare mysteria, et sic humanis mentibus intimare? |
« J'ai vu le Seigneur assis sur un trône sublime et
élevé, et la maison était pleine de sa majesté, et le bas de ses vêtements
remplissait le temple. » —
La Glose : Le prophète Isaïe, éclairé
des splendeurs d'une vision toute divine, dit : « J’ai vu le Seigneur
assis, etc... » —
Saint Jérôme : (sur Isaïe) Saint Jean
l'évangéliste nous apprend quel est le Seigneur qui apparut à Isaïe, lorsqu'[après
avoir cité une de ses prophéties], il ajoute : « Isaïe dit ces choses,
lorsqu'il vit sa gloire, et qu'il parla de lui » et nul doute que dans sa
pensée, il ne soit question du Christ. — La Glose : Voilà
donc dans ces paroles le sujet de l'Evangile, qui porte le nom de saint Jean. — L’histoire
ecclésiastique : (3, 34). Saint Matthieu et saint Luc ayant raconté ce
qui avait rapport à la naissance charnelle du Sauveur, saint Jean n'en dit
rien; il commence son Evangile par l'exposé de sa naissance éternelle et
divine, et nul doute que cette mission ne lui ait été réservée par l'Esprit
saint comme au plus éminent [des évangélistes]. —
Alcuin : L'Evangile est de beaucoup
supérieur à toutes les autres pages de l'Ecriture, parce que nous y voyons
l'accomplissement de toutes les prédictions de la loi et des prophètes; mais
saint Jean tient à son tour le premier rang parmi les autres évangélistes, à
cause de la profondeur des mystères divins qui lui ont été révélés. Après
l'ascension du Sauveur, il se contenta pendant soixante-cinq ans de prêcher
de vive voix la parole de Dieu sans rien écrire, jusqu'aux dernières années
de Domitien. Mais après la mort de cet empereur, Nerva, son successeur, ayant
permis au saint Apôtre de revenir à Ephèse, il écrivit à la prière des
évoques d'Asie, sur la divinité du Christ, coéternel au Père, contre les
hérétiques, qui niaient que Jésus-Christ fût antérieur à Marie. Aussi est-ce
avec raison que parmi les quatre animaux symboliques, il est comparé à
l'aigle qui vole plus haut que tous les autres oiseaux, et fixe d'un regard
intrépide les rayons du soleil sans en être ébloui. —
Saint Augustin : (sur Saint Jean, chap. 1). Jean s'élève au-dessus de tous les
sommets de la terre, au-dessus de tous les espaces de l'air, au-dessus de
toutes les hauteurs des astres, au-dessus de tous les chœurs et de toutes les
légions des anges. Et, en effet, à moins de s'élever au-dessus de toutes les
créatures, comment pourrait-il parvenir jusqu'à celui par qui tout a été créé
? —
Saint Augustin : (de l'acc. des Evang., 1, 5).
Si donc vous prêtez une sérieuse attention, vous pourrez vous rendre compte
que les trois premiers évangélistes qui se sont attachés principalement dans
leur récit aux faits de la vie mortelle de Notre-Seigneur, et aux paroles qui
tendent à la sanctification de la vie présente, semblent avoir eu pour intention
de s’intéresser à la vie active; saint Jean, au contraire, raconte peu de
faits de la vie de Notre-Seigneur, mais il reproduit dans toute leur étendue
et avec le plus grand soin ses discours, surtout ceux qui traitent de l'unité
des trois personnes divines et du bonheur de la vie éternelle, et parait
avoir eu pour dessein et pour fin, dans son récit, de relever le mérite de la
vie contemplative. Aussi les trois animaux, emblèmes des trois autres
évangélistes (le lion, l'homme, le taureau), marchent sur la terre, parce que
ces trois évangélistes ont eu pour but principal de rapporter les actions de
la vie mortelle du Christ, et les préceptes de morale qui doivent diriger les
hommes dans le cours de cette vie périssable et mortelle. Mais pour saint
Jean, semblable à l'aigle, il prend son vol au-dessus des nuages de la
faiblesse humaine, et contemple d'un œil intrépide et assuré la lumière de
l'immuable vérité. Il s'applique surtout à faire ressortir la divinité du
Seigneur, qui le rend égal à son Père, et à en donner aux hommes dans son
Evangile, une idée aussi étendue que l'intelligence humaine le permet. — La Glose : Saint
Jean l'évangéliste peut donc dire comme le prophète Isaïe : « J'ai vu le
Seigneur sur un trône élevé et sublime », lui qui, par la pénétration de
son regard, a contemplé le Christ régnant dans toute la majesté de la
divinité, dont la nature est élevée au-dessus de toutes les autres créatures.
L’évangéliste Jean peut dire aussi : « Et le temple était rempli de sa
majesté, » lui qui déclare que tout a été fait par lui et qu'il éclaire
de sa lumière tous ceux qui viennent en ce monde. Il peut dire encore « ce
qui était au-dessous de lui remplissait le temple, » lui qui nous révèle
en ces termes le mystère de l'incarnation : « Et le Verbe s'est fait
chair, et il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, sa gloire comme
Fils unique, né du Père, plein de grâce et de vérité, et nous avons tous reçu
de sa plénitude. » Ces paroles du prophète contiennent donc tout le sujet
de cet Evangile. Saint Jean nous représente le Seigneur assis sur un trône
élevé, en nous montrant la divinité de Jésus-Christ; il nous fait voir la
terre remplie de sa majesté, lorsqu'il nous montre toutes les créatures
tirées du néant par sa puissance et comme remplies de ses divines
perfections. Il nous enseigne encore que ce qui est au-dessous de lui (les
mystères accomplis dans son humanité), remplit le temple (c'est-à-dire
l'Eglise), lorsqu'il nous découvre dans les mystères de l'incarnation et de
la rédemption de Jésus-Christ une source abondante de grâce et de gloire pour
les fidèles. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 1 sur Saint Jean). Comment donc ce barbare, cet homme
sans lettres, a-t-il pu parler un langage si sublime, et révéler des vérités
qu'aucun homme ne connut jamais avant lui ? Cela serait déjà un prodige
extraordinaire; mais une preuve plus forte encore, que c'est l'inspiration
divine qui lui a dicté tout ce qu'il raconte dans son Evangile, c'est que les
hommes de tous les siècles l'écoutent et se laissent convaincre. Qui donc
n'admirerait la vertu toute-puissante qui habite en lui ? — Origène : (hom. 2 sur div. endr. de
l'Evang). Jean signifie la grâce de Dieu, ou celui en qui est la grâce, ou
celui à qui elle a été donnée. Mais de tous ceux qui ont traité des choses
divines, à qui a-t-il jamais été donné de pénétrer aussi profondément les
mystères cachés du souverain bien, et de les enseigner aux hommes ? |
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Caput 1 |
CHAPITRE PREMIER
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Lectio 1 [85974] Catena in Io., cap. 1 l. 1 Chrysostomus
in Ioannem. Omnibus aliis Evangelistis ab incarnatione incipientibus,
Ioannes transcurrens conceptionem, nativitatem, educationem, augmentationem,
mox de aeterna nobis generatione narrat, dicens in principio erat verbum.
Augustinus Lib. 83 quaest. Quod Graece logos
dicitur, Latine et rationem et verbum significat; sed hoc melius verbum
interpretatur, ut significetur non solum ad patrem respectus, sed ad illa
etiam quae per verbum facta sunt operativa potentia. Ratio autem, etsi nihil
per eam fiat, recte ratio dicitur. Augustinus in Ioannem. Quotidie autem dicendo verba
viluerunt nobis, quia sonando et transeundo viluerunt. Est verbum et in ipso
homine quod manet intus : nam sonus procedit ex ore. Est verbum quod vere
specialiter dicitur illud quod intelligis de sono, non ipse sonus. Augustinus de Trin. Quisquis autem potest
intelligere verbum, non solum antequam sonet, verum etiam antequam sonorum eius
imagines cogitatione volvantur, iam potest videre per hoc speculum atque in
hoc aenigmate aliquam verbi similitudinem, de quo dictum est in principio
erat verbum. Necesse est enim cum id quod scimus loquimur, ut ex ipsa
scientia quam memoria tenemus, nascatur verbum, quod eiusmodi sit omnino
cuiusmodi est illa scientia de qua nascitur. Formata quippe cogitatio ab ea
re quam scimus, verbum est, quod in corde dicimus; quod nec Graecum est, nec
Latinum, nec linguae alicuius. Sed cum id opus est in eorum quibus loquimur
proferre notitiam, aliquod signum quo significetur assumitur. Proinde verbum
quod foris sonat, signum est verbi quod intus latet, cui magis verbi competit
nomen : nam illud quod profertur carnis ore, vox verbi est, verbumque et
ipsum dicitur propter illud a quo ut foris appareat sumptum est. Basilius. Hoc autem verbum non est humanum verbum.
Quomodo enim erat in principio humanum verbum, ultimo loco accipiente homine
generationis principium? Non igitur in principio verbum erat humanum, sed nec
Angelorum : omnis enim creatura infra saeculorum terminos est, a creatore
essendi sumens principium. Sed audi Evangelium decenter : ipsum enim,
unigenitum verbum dixit. Chrysostomus in Ioannem. Si autem quis dixerit : cur
patrem dimittens, mox nobis de filio loquitur? Quoniam ille quidem manifestus
omnibus erat, etsi non ut pater, sed ut Deus, unigenitus autem ignorabatur :
ideo decenter eam, quae de isto est, cognitionem confestim initio studuit
imponere his qui nesciebant eum; sed neque patrem in his quae de filio sunt
sermonibus tacuit. Propter hoc autem et verbum eum vocavit. Quia enim
docturus erat quod hoc verbum unigenitus est filius Dei; ut non passibilem
aestimet quis generationem, praeveniens verbi nuncupatione, destruit
perniciosam suspicionem, esse ex Deo filium impassibiliter ostendens. Secunda
vero ratio est, quia ea quae sunt patris nobis annuntiare debebat. Non
simpliciter vero eum verbum dixit, sed cum articuli adiectione, a reliquis
ipsum separans. Consuetudo enim est Scripturae verba vocare leges Dei et
praecepta : hoc autem verbum substantia quaedam est, hypostasis, ens, ex ipso
proveniens impassibiliter patre. Basilius. Quare igitur verbum? Quia impassibiliter
natum est; quia est generantis imago, totum in seipso generantem demonstrans,
nihil inde separans, sed in seipso perfectum existens. Augustinus de Trin. Sicut enim scientia nostra illi
scientiae Dei, sic nostrum verbum quod nascitur de nostra scientia, dissimile
est illi verbo Dei, quod natum est de patris essentia. Tale est autem, ac si
dicerem de patris scientia, de patris sapientia; vel, quod est expressius, de
patre scientia, de patre sapientia. Verbum ergo Dei patris unigenitus filius,
per omnia patri similis et aequalis : hoc enim est omnino quod pater, non
tamen pater : quia iste filius, ille pater : ac per hoc novit omnia quae
novit pater; sed ei nosse de patre est, sicut esse : nosse enim et esse ibi
unum est; et ideo patri, sicut esse non est a filio, ita nec nosse. Proinde,
tamquam seipsum dicens, pater genuit verbum sibi aequale per omnia : non enim
seipsum integre perfecteque dixisset, si aliquid minus aut amplius esset in
eius verbo quam in seipso. Nostrum autem verbum interius, quod invenimus esse
utcumque illi simile, quantum sit etiam dissimile, non pigeat intueri. Est
enim verbum mentis nostrae quandoque formabile, nondum formatum, quiddam
mentis nostrae, quod hac atque hac volubili quadam motione iactamus, cum a
nobis nunc id, nunc illud, sicut inventum fuerit vel occurrerit, cogitatur;
et tunc fit verum verbum quando illud quod nos diximus volubili motione
iactare, ad id quod scimus pervenit, atque inde formatur, eius omnimodam
similitudinem capiens; ut quomodo res quaeque scitur, sic etiam cogitetur.
Quis non videat quanta sit hic dissimilitudo ab illo Dei verbo, quod in forma
Dei sic est ut non ante fuerit formabile, postea formatum, non aliquando
possit esse informe, sed sit forma simplex, et simpliciter aequalis ei de quo
est? Quapropter ita dicitur illud Dei verbum, ut Dei cogitatio non dicatur;
ne aliquid esse quasi volubile dicatur in Deo, quod nunc habeat, nunc
accipiat formam ut verbum sit, eamque possit amittere, atque informiter
quodammodo volutari. Augustinus de Verb. Dom. Est enim verbum Dei forma
quaedam non formata, sed forma omnium formarum, forma incommutabilis, sine
lapsu, sine defectu, sine tempore, sine loco, superans omnia, existens in
omnibus fundamentum quoddam, in quo sunt, et fastigium sub quo sunt. Basilius. Habet autem et verbum nostrum exterius
divini verbi similitudinem quamdam : nam nostrum verbum totam declarat mentis
conceptionem : quae namque mente concepimus, ea verbo proferimus. Et quidem
cor nostrum quasi fons quidam est : verbum vero prolatum quasi quidam rivulus
manans ex ipso. Chrysostomus in Ioannem. Considera etiam in
Evangelista prudentiam spiritualem. Noverat homines id quod antiquius est et
quod est ante omnia maxime honorantes et ponentes Deum : propter hoc primum
dicit principium : in principio, inquit, erat verbum. Origenes in Ioannem. Plura autem sunt signata ab hoc
nomine principium. Est enim principium, sicut itineris et longitudinis,
secundum illud : initium boni itineris iustorum exercitium. Est autem
principium et generationis, iuxta illud : hoc est principium creaturae
domini. Sed etiam Deum non enormiter asseret aliquis omnium principium. Illud
etiam ex quo sicut ex praeiacente materia alia fiunt, principium est penes
eos qui credunt illam ingenitam. Est enim principium secundum speciem; sicut
Christus principium eorum est qui secundum imaginem Dei formati sunt. Est
etiam principium disciplinae, secundum illud : cum deberetis esse magistri
propter tempus, rursus indigetis ut doceamini quae sunt elementa exordii
sermonum Dei. Duplex enim est documenti principium : hoc quidem natura, hoc
vero quoad nos; ut si dicatur, initium sapientiae fore natura quidem
Christum, inquantum sapientia et verbum Dei est; quoad nos vero inquantum
verbum caro factum est. Tot igitur significatis ad praesens nobis de
principio occurrentibus, potest accipi illud ex quo quid est agens. Conditor
enim Christus est velut principium, secundum quod sapientia est; ut verbum in
principio, quasi in sapientia sit. Plura enim bona de salvatore dicuntur.
Velut igitur vita in verbo est, sic verbum in principio, idest in sapientia
erat. Considera vero si possibile est secundum hoc significatum accipere nos
principium, prout secundum sapientiam, et exempla quae in ea sunt, fiunt
omnia; vel quia principium filii pater est, et principium creaturarum, et
omnium entium; per illud in principio erat verbum, verbum filium intelligas
in principio, idest in patre, dictum fore. Augustinus de Trin. Aut in principio sic dictum est
ac si diceretur : ante omnia. Basilius. Praevidit enim spiritus sanctus futuros
quosdam invidentes gloriae unigeniti, qui praeferrent sophismata ad
subversionem auditorum : quia si genitus est, non erat; et antequam genitus
esset, non erat. Ne igitur talia garrire praesumant, spiritus sanctus ait in
principio erat verbum. Hilarius de Trin. Transeunt tempora, transeunt saecula,
tolluntur aetates : pone aliquid quod voles tuae opinionis principium : non
tenes tempore : erat enim unde tractatur. Chrysostomus in Ioannem. Sicut autem quis cum stat
in navi secus littus, videt civitates et portus, cum vero eum aliquis in medium
pelagi duxerit, a prioribus quidem desistere facit, non tamen alicubi defigit
ei oculum, ita Evangelista hic super omnem nos ducens creaturam, suspensum
dimittit oculum, non dans suspicere aliquem finem ad superiora : hoc enim in
principio erat semper et infinite essendi significativum est. Augustinus de Verb. Dom. Sed dicunt : si filius est,
natus est; hoc fatemur. Adiungunt deinde : si natus est patri filius, erat
pater antequam ei filius nasceretur; hoc respuit fides. Ergo ait : rationem
mihi redde quomodo et filius nasci potuit patri, ut coaevus esset ei a quo
natus est. Post patrem enim nascitur filius, utique patri morituro
successurus. Similitudines adhibent de creaturis; et nobis laborandum est ut
et nos inveniamus similitudines earum rerum quas astruimus. Sed quomodo
possumus in creatura invenire coaeternum, quando in creatura nil invenimus
aeternum? Sed si possunt inveniri haec duo coaeva, generans et generatum, ibi
intelligimus coaeterna. Ipsa quidem sapientia dicta est in Scripturis candor lucis
aeternae, dicta est imago patris. Hinc capiamus similitudinem, ut inveniamus
coaeva, ex quibus intelligamus coaeterna. Nemo autem dubitat, quod splendor
de igne exit. Ponamus ergo ignem patrem illius splendoris : mox quidem ut
lucernam accendo, simul cum igne et splendor existit. Da mihi hic ignem sine
splendore, et credo tibi patrem sine filio fuisse. Imago existit de speculo,
hominis intuentis speculum; existit imago mox ut aspector extiterit : sed
ille qui inspicit erat antequam accederet ad speculum. Ponamus ergo aliquid
natum super aquam, ut virgultum, aut herbam : nonne cum imagine sua nascitur?
Si ergo semper esset virgultum, semper esset et imago de virgulto. Quod autem
de alio est, utique natum est. Potest ergo semper esse generans, et semper cum
illo quod de eo natum est. Sed dicet aliquis : ecce intellexi aeternum
patrem, coaeternum filium; tamen sicut effusum splendorem minus igne
lucentem, aut sicut effusam imaginem minus quam virgultum existentem dicimus.
Non, sed aequalitas omnimoda est. Non credo, ait, quia non invenisti
similitudinem. Fortassis autem invenimus in creatura quomodo intelligamus
filium et coaeternum patri, et nequaquam minorem; sed non illud possumus
invenire in uno genere similitudinum. Iungamus ergo ambo genera : unum unde
ipsi dant similitudines, et alterum unde nos dedimus. Dederunt enim illi
similitudinem ex his quae praeceduntur tempore ab his a quibus nascuntur,
sicut homo de homine; sed tamen homo et homo sunt eiusdem substantiae.
Laudamus ergo in ista nativitate aequalitatem naturae : deest aequalitas
temporis. In illo autem genere similitudinum quod nos dedimus de splendore
ignis et de imagine virgulti, aequalitatem naturae non invenis, invenis
coaevitatem. Totum ergo ibi quod hic ex partibus singulis et rebus singulis
invenitur; et non hoc solum quod in creaturis, totum invenio ibi sed tamquam
in creatore. Ex gestis Conc. Ephes. Propterea alicubi quidem
filium appellat patris, alicubi autem verbum nominat, alicubi autem
splendorem vocat Scriptura divina; singula horum nominum de ipso dicens, ut
intelligas ea quae de Christo dicuntur, esse contra blasphemiam : quia enim
tuus filius eiusdem tibi naturae fit, volens sermo ostendere unam substantiam
patris et filii, dicit filium patris, qui ex eo natus est unigenitus. Deinde
quoniam nativitas et filius apud nos ostentationem praebent passionis; ideo
hunc filium appellat et verbum, impassibilitatem nativitatis eius nomine isto
demonstrans. Sed quoniam pater quispiam factus ut homo, indubitanter senior
filio suo demonstratur; ne hoc ipsum etiam de divina natura putares,
splendorem vocat unigenitum patris : splendor enim nascitur quidem ex sole,
non autem intelligitur sole posterior. Coexistere ergo semper patri filium
splendor tibi denuntiet; impassibilitatem nativitatis ostendat verbum;
consubstantialitatem filii nomen insinuet. Chrysostomus in Ioannem. Sed dicunt illi, quoniam
hoc, idest in principio, non aeternitatem ostendit simpliciter : etenim et de
caelo istud et de terra dictum. In principio, inquit Genesis, fecit Deus
caelum et terram. Sed quid commune habet erat ad fecit? Sicut enim quod est,
cum de homine quidem dicitur, tempus praesens significat tantum; cum autem de
Deo, id quod est semper et aeternaliter; ita et erat de nostra quidem cum
dicitur natura, praeteritum significat tempus; cum autem de Deo, aeternitatem
ostendit. Origenes. Sum enim verbum duplicem habet
significationem : aliquando enim temporales motus secundum analogiam aliorum
verborum declarat, aliquando substantiam uniuscuiusque rei, de qua
praedicatur, sine temporali motu ullo designat; ideo et substantivum vocatur.
Hilarius de Trin. Respice igitur ad mundum,
intellige quid de eo scriptum est : in principio fecit Deus caelum et terram.
Fit ergo in principio quod creatur, et aetates continet quod in principio
continetur ut fieret. Piscator autem illitteratus, indoctus, liber a tempore,
solutus a saeculis est, vicit omne principium : erat enim quod est, neque in
tempore aliquo concluditur ut coeperit quod erat potius in principio quam fiebat.
Alcuinus. Contra eos ergo qui propter temporalem
nativitatem dicebant Christum non semper fuisse, incipit Evangelista de
aeternitate verbi, dicens in principio erat verbum. |
Verset 1.Au commencement était le Verbe. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 3 sur Saint Jean). Tandis que tous les autres
Evangélistes commencent par l'incarnation du Sauveur, saint Jean, sans
s'arrêter à sa conception, à sa naissance, à son éducation, aux progrès
successifs [de ses premières années], raconte immédiatement en ces termes la
génération éternelle : « Au commencement était le Verbe. » —
Saint Augustin : (Liv. des 83 quest). Le mot
grec λόγος signifie également en latin « raison »
et « verbe », mais ici la signification de « verbe » est
préférable, parce qu'elle exprime mieux les rapports, non seulement avec le
Père, mais aussi avec les créatures qui ont été faites par la puissance
opérative du Verbe. La raison, au contraire, même quand elle n'agit pas,
s'appelle toujours raison. —
Saint Augustin : (Traité 3 sur Saint Jean). L'usage journalier de la parole lui
fait perdre de son prix à nos yeux, [et nous en faisons peu de cas], à cause
de la nature passagère du son dont elle est revêtue. Or, il est une parole
dans l'homme lui-même qui reste dans l'intérieur de son âme, car le son est
produit par la bouche. La parole véritable, à laquelle convient
particulièrement ce nom, est celle que le son vous fait entendre, mais ce
n'est pas le son lui-même. —
Saint Augustin : (de la Trinité, 15, 10).
Celui qui peut comprendre la parole non seulement avant que le son de la voix
la rende sensible, mais avant même que l'image des sons se présente à la
pensée, peut voir déjà dans ce miroir et sous cette image obscure quelque
ressemblance du Verbe dont il est dit : « Au commencement était le Verbe.
» En effet, lorsque nous énonçons ce que nous savons, le verbe doit
nécessairement naître de la connaissance que nous possédons dans la mémoire,
et ce verbe doit être de même nature que la connaissance dont il est
l'expression. La pensée qui naît de ce que nous savons est un verbe que nous
exprimons intérieurement, et ce verbe n'est ni grec, ni latin, il
n'appartient à aucune langue. Mais lorsque nous voulons le produire au
dehors, nous sommes obligés d'employer un signe qui en soit l'expression. Le
verbe qui se fait entendre en dehors est donc le signe de ce verbe qui
demeure caché à l'intérieur, et auquel convient bien plus justement le nom de
verbe. Car ce qui sort de notre bouche de chair, c'est la voix du verbe, et
on ne lui donne le nom de verbe [ou de parole] que par son union avec la
parole intérieure, qui est son unique raison d'être. —
Saint Basile de Césarée : (hom. sur ces par). Le Verbe
dont parle ici l'Evangéliste n'est pas un verbe humain; comment, en effet,
supposer au commencement l'existence du verbe humain, alors que l'homme reçut
le principe de la génération le dernier de tous les êtres ? Ce Verbe qui
était au commencement, n'est donc point le verbe humain, ce n'est point non
plus le verbe des anges; car toute créature est postérieure à l'origine des
siècles, et a reçu du Créateur le principe de son existence. Ecoutez donc
l'Evangéliste comme il convient, c'est le Fils unique qu'il appelle le Verbe. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 2 sur Saint Jean). On pourrait se demander : mais pourquoi
saint Jean nous parle-t-il immédiatement du Fils, sans rien dire du Père ?
C'est que le Père était connu de tous les hommes, sinon comme Père, du moins
comme Dieu; le Fils unique, au contraire, n'était pas connu. Voilà pourquoi
l'Evangéliste s'applique dès le commencement à en donner la connaissance à
ceux qui ne l'avaient pas. Disons plus : il ne parle pas du Père qui est
compris dans tout ce qu'il dit du Fils. C'est pour cette raison qu'il lui
donne le nom de Verbe. Il veut enseigner que le Verbe est le Fils unique de
Dieu, pour que personne ne songe à une génération charnelle, et, en montrant
que ce Verbe a été engendré de Dieu d'une manière incorruptible, il détruit
toute conception erronée. Une seconde raison pour laquelle il lui donne ce
nom, c'est que le Fils de Dieu devait nous faire connaître ce qui concerne le
Père. Aussi ne l'appelle-t-il pas simplement Verbe, mais il le distingue de
tous les autres verbes, en ajoutant l'article. L'Ecriture a coutume d'appeler
verbe ou parole les lois et les commandements de Dieu; mais le Verbe dont il
est ici question est une substance, une personne, un être qui est né du Père
par une naissance exempte [de corruption et] de douleur. —
Saint Basile de Césarée : (hom. précéd). Mais pourquoi
est-il le Verbe ? parce que sa naissance est sans douleur, parce qu'il est
l'image de celui qui l'a engendré, qu'il le reproduit tout entier en
lui-même, sans aucune division, et en possédant comme lui toute perfection. —
Saint Augustin : (de la Trin., 15, 13). De
même qu'il existe une grande différence entre notre science et celle de Dieu,
le verbe qui est le produit de notre science est aussi bien différent du
Verbe de Dieu qui est né de l'essence même du Père; comme si je disais qu'il
est né de la science du Père, de la sagesse du Père, ou ce qui est plus
expressif encore, du Père, qui est science, du Père, qui est sagesse. Le
Verbe de Dieu, Fils unique du Père, est donc semblable et égal à son Père en
toutes choses; car il est tout ce qu'est le Père, il n'est cependant pas le
Père, parce que l'un est le Fils, et l'autre le Père. Le Fils connaît tout ce
que connaît le Père, puisqu'il reçoit du Père la connaissance en même temps
que l'être. Connaître et exister sont ici une seule et même chose; et ainsi
le Fils n'est point pour le Père le principe de la connaissance, parce qu'il
n'est pas pour lui le principe de l'existence. C'est donc comme en s'énonçant
lui-même, que le Père a engendré le Verbe qui lui est égal en toutes choses;
car il ne se serait pas énoncé dans toute son intégrité et dans toute sa
perfection, si son Verbe lui était inférieur ou supérieur en quelque chose.
N'hésitons pas à considérer quelle distance sépare de ce Verbe divin notre
verbe intérieur, dans lequel nous trouvons cependant quelque analogie avec lui.
Le verbe de notre intelligence ne reçoit pas immédiatement sa forme
définitive, c'est d'abord une idée vague qui s'agite dans l'intérieur de
notre âme, et qui est le produit des différentes pensées qui se présentent
successivement à notre esprit. Le verbe véritable n'existe, que lorsque de
ces pensées qui s'agitent et se succèdent dans notre âme, naît la
connaissance qui donne à son tour naissance au verbe, et ce verbe ressemble
en tout à cette connaissance; car la pensée doit nécessairement avoir la même
nature que la connaissance dont elle est le produit. Qui ne voit quelle
différence extrême dans le Verbe de Dieu, qui possède la forme [et la nature]
de Dieu sans l'avoir acquise par ces divers essais de formation, sans qu'il
puisse jamais la perdre, et qui est l'image simple et consubstantielle du
Père ? C'est la raison pour laquelle l'Evangéliste l'appelle le Verbe de
Dieu, plutôt que la pensée de Dieu; il ne veut pas qu'on puisse supposer en
Dieu une chose qui soit soumise au changement, [ou au progrès du temps]; qui
commence à prendre une forme qu'elle n'avait pas auparavant, et qu'elle peut
perdre un moment après en retombant dans les vagues agitations de
l'intelligence. —
Saint Augustin : (serm. 38 sur les par. du
Seig). C'est qu'en effet le Verbe de Dieu est la forme qui n'a jamais été
soumise à la formation, c'est la forme de toutes les formes, la forme
immuable, exempte de vicissitudes, de décroissance, de toute succession, de
toute étendue [mesurable], la forme qui surpasse toutes choses, qui existe en
toutes choses, qui est le fondement sur lequel reposent toutes choses, et le
faîte qui les couvre et les domine. —
Saint Basile de Césarée : (hom. précéd). Notre verbe
extérieur a quelque ressemblance avec le Verbe de Dieu. Notre verbe, en
effet, reproduit toute la conception de notre esprit, car nous exprimons par
la parole ce que notre intelligence a préalablement conçu. Notre cœur est
comme une source, et la parole que nous prononçons est comme le ruisseau qui
sort de cette source. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. précéd). Remarquez ici
la prudence spirituelle de l'Evangéliste. Il savait que les hommes avaient de
tout temps rendu des honneurs divins à l'être qu'ils reconnaissaient exister
avant toutes les créatures et qu'ils appelaient Dieu. C'est donc par cet être
qu'il commence en lui donnant le nom de principe : « Dans le principe
était le Verbe. » — Origène : Ce nom de principe ou de commencement a plusieurs significations. Il
peut signifier le commencement d'un chemin ou d'une longueur quelconque,
comme dans ces paroles : « Le commencement de la bonne voie est de faire
la justice. » (Pr 16, 5). Il signifie encore le principe [ou commencement]
de la génération, comme dans ces paroles du livre de Job : « Il est le
commencement des créatures de Dieu » ; et l'on peut, sans rien dire
d'extraordinaire, affirmer que Dieu est le commencement ou le principe de
toutes choses. Pour ceux qui regardent la matière comme éternelle et incréée,
elle est le principe de tous les êtres qui ont été tirés de cette matière
préexistante. Le mot principe a encore une signification plus particulière,
comme lorsque saint Paul dit que le Christ est le principe de ceux qui ont
été faits à l'image de Dieu. (Col 1) Il y a encore le commencement ou le
principe de la discipline [et de la morale chrétienne], et c'est dans ce sens
[que le même Apôtre dit aux Hébreux] : « Lorsqu'en raison du temps, vous
devriez être maîtres, vous avez encore besoin qu'on vous enseigne les
premiers commencements de la parole de Dieu. » (Hé 5, 12). Le mot
principe a lui-même deux sens différents, il y a le principe considéré dans
ses rapports avec nous, comme lorsqu’on dit que le Christ est par nature le
principe de la sagesse, en tant qu'il est la sagesse et le Verbe de Dieu; et
il est pour nous ce même principe en tant que Verbe fait chair. Parmi toutes
ces significations différentes du mot principe, nous pouvons choisir ici
celle qui exprime le principe agissant; car le Christ créateur est comme le
principe en tant qu'il est la sagesse, et le Verbe dans le principe, est la
même chose que le Verbe dans la sagesse; car le Sauveur est la source d'une
infinité de biens. De même donc que la vie était dans le Verbe, ainsi le
Verbe était dans le principe, c'est-à-dire dans la sagesse. Considérez, si
d'après cette signification, il est possible d'entendre le principe, dans ce
sens que c'est suivant les règles de cette sagesse, et les idées exemplaires
qu'elle renferme, que toutes choses ont été faites. Ou bien encore, comme le
Père est le principe du Fils, le principe des créatures et de tous les êtres,
il faut entendre ces paroles : « Dans le principe était le Verbe, »
dans ce sens que le Verbe qui était le Fils, était dans le principe,
c'est-à-dire dans le Père. —
Saint Augustin : (de la Trin., 6, 2). Ou bien
encore, ces paroles : « Au commencement, » dans le principe,
signifient : « Avant toutes choses. » —
Saint Basile de Césarée : (hom. précéd). Le
Saint-Esprit a prévu que des envieux [et les détracteurs] de la gloire du
Fils unique chercheraient à détruire par leurs sophismes la foi des fidèles
en disant : S'il a été engendré, on ne peut pas dire qu'il était, et avant
d'être engendré, il n'était pas. C'est pour fermer par avance la bouche à ces
blasphémateurs, que l'Esprit saint dit : « Au commencement était le Verbe.
» —
Saint Hilaire : (de la Trin., 2). Tous les
temps sont dépassés, tous les siècles sont franchis, toutes les années
disparaissent; imaginez tel principe que vous voudrez, vous ne pouvez
circonscrire celui-ci dans les limites du temps, il existait avant tout les
temps. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 2 sur Saint Jean). Lorsqu'un homme monte sur un navire,
tant qu'il est près du rivage, il voit se dérouler devant lui les ports et
les cités, mais dès qu'il est avancé en pleine mer, il perd de vue ces
premiers objets, sans que ses yeux puissent s'arrêter sur aucun point. Ainsi
l'Evangéliste, en nous élevant au-dessus de toutes les créatures, laisse
notre regard comme suspendu [et sans objet], et ne lui permet d'entrevoir ni
aucunes bornes dans les hautes régions où il l'a transporté, [ni aucunes
limites où il puisse se fixer], car ces paroles : « Au commencement, »
expriment à la fois l'Etre infini et éternel. —
Saint Augustin : (serm. 38 sur les par. du
Seign). On fait cette objection : S'il est Fils, donc il est né. Nous
l'avouons. Ils ajoutent : S'il est né un Fils au Père, il était Père avant la
naissance de son Fils. La foi rejette cette conclusion. Mais, poursuit-on,
expliquez-moi donc comment le Père a pu avoir un Fils, qui fut coéternel au Père
dont il est né, car le fils naît après son père pour lui succéder après sa
mort. Ils vont chercher leurs comparaisons dans les créatures, il nous faut
donc aussi trouver des comparaisons à l'appui des vérités que nous défendons.
Mais comment pouvoir trouver dans toute la création un être coéternel, alors
qu'aucune créature n'est éternelle ? Si nous pouvions trouver ici-bas deux
êtres absolument contemporains, l'un qui engendre, l'autre qui est engendré,
nous pourrions avoir une idée de l'éternité simultanée [du Père et du Fils].
La sagesse nous est représentée dans l'Ecriture comme l'éclat de la lumière
éternelle et comme l'image du Père. Cherchons dans ces deux termes une
comparaison qui, à l'aide de deux choses existant simultanément, puisse nous
donner l'idée de deux êtres coéternels. Personne n'ignore que l'éclat de la
lumière vient du feu; supposons donc que le feu est le père de cet éclat, dès
que j'allume une lampe, le feu et la lumière existent simultanément.
Donnez-moi du feu sans lumière, et je vous concéderai que le Père n'a point
eu de Fils. L'image doit son existence au miroir, cette image se produit dès
qu'un homme se regarde dans un miroir, mais celui qui se regarde dans un
miroir existait avant de s'en approcher. Prenons encore comme objet de
comparaison une plante on un arbuste nés sur le bord des eaux, est-ce que
leur image ne naît pas simultanément avec eux ? Si donc cet arbuste existait
toujours, l'image de l'arbuste aurait la même durée. Or, ce qui vient d'un autre
être est vraiment né de lui; l'être qui a engendré peut donc toujours avoir
existé avec celui qui est né de lui. Mais on me dira : Je comprends que le
Père soit éternel, et que le Fils lui soit coéternel, mais de la même manière
que je comprends l'éclat du feu moins brillant que le feu lui-même, ou comme
l'image de l'arbuste qui se produit [dans les eaux], moins réelle et moins
parfaite que l'arbuste lui-même. Non, l'égalité est parfaite et absolue. Je
ne le crois point, me réplique-t-on, parce que vous n’avez pas trouvé une
comparaison correcte. Peut-être, cependant, trouverons-nous dans les
créatures des choses qui nous feront comprendre comment le Fils est coéternel
au Père, sans lui être inférieur, mais ce ne sera pas dans un seul objet de
comparaison. Joignons donc ensemble deux comparaisons différentes, celle
qu'ils donnent eux-mêmes et celle que nous apportons. Ils ont emprunté leur
comparaison aux êtres qui sont postérieurs par le temps à ceux qui leur
donnent naissance, par exemple, à l'homme qui naît d'un autre homme; mais
cependant ces deux hommes ont une même nature. Nous trouvons donc dans cette
naissance l'égalité de nature, mais nous n'y trouvons pas l'égalité de temps.
Au contraire, dans cette autre comparaison empruntée à l'éclat du feu et à
l'image de l'arbuste, vous ne trouvez pas l'égalité de nature, mais l'égalité
de temps. Vous trouvez donc réunies en Dieu les propriétés qui sont
disséminées dans plusieurs créatures et dans plusieurs objets, et vous les
trouvez réunies, non pas comme elles sont dans les créatures, mais avec la
perfection qui convient au Créateur. — Actes du concile d'Éphèse : L'Écriture appelle le Fils, tantôt le Fils
du Père, tantôt le Verbe, tantôt [l'éclat de] la lumière éternelle, et elle
emploie tour à tour ces divers noms en parlant du Christ, pour les opposer
aux blasphèmes de l'hérésie. Votre fils est de même nature que vous;
l'Ecriture, pour vous montrer que le Père et le Fils ont une même substance,
appelle le Fils, qui est né du Père, son Fils unique. Mais comme la naissance
et de fils rappelle l'idée de souffrance, la sainte Ecriture appelle le Fils
de Dieu le Verbe, pour éloigner toute idée de souffrance de la génération
divine. Et encore, tout père est un homme, donc incontestablement plus âgé
que son fils, mais il n'en est pas de même pour la nature divine, et c'est
pour cela qu'elle appelle le Fils unique du Père, l'éclat de la lumière
éternelle. En effet, la lumière naît du soleil, mais elle ne lui est point
postérieure. Le nom d'éclat de la lumière éternelle vous montre donc que le
Fils est coéternel au Père, le nom de Verbe vous prouve l'impassibilité de sa
naissance, et le nom de Fils, sa consubstantialité avec le Père. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 2 sur Saint Jean). On objecte encore : Ces paroles : «
Au commencement, » ne signifient pas simplement [et nécessairement]
l'éternité, car n'est-il pas dit de la création du ciel et de la terre : «
Au commencement, Dieu fit le ciel et la terre.» ? (Gen.) Mais qu'a
de commun cette expression : « Il était, » avec cette autre : « Il
fit » ? Lorsqu'on dit d'un homme : « Il est » cette expression
marque le temps présent; lorsqu'on l'applique à Dieu, elle signifie celui qui
existe toujours et de toute éternité. De même l'expression : « Il était, »
appliquée à notre nature, signifie le temps passé, mais lorsqu'il s'agit de
Dieu, elle exprime son éternité. — Origène : (hom. 2. sur div. sujets). Le verbe être a une double signification,
tantôt il exprime les différentes successions de temps, lorsqu'il se conjugue
avec d'autres verbes; tantôt il exprime la nature de la chose dont on parle
sans aucune succession de temps, c'est pour cela qu'il est appelé verbe
substantif. —
Saint Hilaire : (De la Trin., 2). Jetez donc
un regard sur le monde, comprenez ce qui est écrit du monde : « Au
commencement Dieu créa le ciel et la terre. » Ce qui est créé reçoit donc
l'existence au commencement, et ce qui se trouve renfermé dans le principe
qui lui donne l'existence se trouve également renfermé dans les limites du
temps. Or, ce simple pêcheur, sans lettres, sans science, s'affranchit des
bornes du temps, remonte avant tous les siècles et s'élève au-dessus de tout
commencement. Car ce qui était, c'est ce qui est, ce qui n'est circonscrit
par aucune durée, et qui était au commencement ce qu'il est, bien plutôt qu'il
n'était fait. —
Alcuin : C'est donc contre ceux qui
alléguaient la naissance temporelle du Christ, pour enseigner qu'il n'avait
pas toujours existé, que l'Evangéliste commence son récit par l'éternité du
Verbe : « Au commencement était le Verbe. » |
Lectio 2 |
Leçon 2 : Et le Verbe était en Dieu
|
[85975] Catena in Io., cap. 1 l. 2 Chrysostomus
in Ioannem. Quia maxime Dei hoc est proprium, aeternum et sine principio
esse; hoc primum posuit : deinde ne quis audiens in principio erat verbum,
ingenitum verbum dicat, confestim hoc removit dicens et verbum erat apud Deum.
Hilarius de Trin. Sine principio enim est apud Deum,
et qui abest a tempore, non abest ab auctore. Basilius. Rursus hoc dicit propter blasphemantes
quod non erat. Ubi ergo erat verbum? Non in loco incircumscriptibilia
continentur. Sed ubi erat? Apud Deum : neque pater loco, neque filius
circumscriptione aliqua continentur. Origenes in Ioannem. Utile est etiam inducere, quod
verbum dicitur ad aliquos fieri, puta ad Osee, vel Isaiam, aut Ieremiam : ad
Deum autem non fit, quasi prius non ens apud ipsum : ex eo igitur quod
iugiter est in eo, dicitur et verbum erat apud Deum : quia nec a principio a
patre separatus est. Chrysostomus in Ioannem. Non etiam dixit : in Deo
erat, sed apud Deum erat, eam quae secundum hypostasim eius est aeternitatem
nobis ostendens. Theophylactus. Videtur autem mihi quod Sabellius ex
hoc dicto subversus est. Ipse enim dicebat, quod pater et filius et spiritus
sanctus una est persona, quae aliquando ut pater apparuit, aliquando ut
filius, aliquando ut spiritus sanctus. Manifeste vero confunditur ex hoc
verbo : et verbum erat apud Deum. Hic enim Evangelista alium declarat esse
filium, alium Deum, scilicet patrem. |
—
Saint Jean Chrysostome : (hom. 2 sur Saint Jean). C'est surtout le propre de Dieu
d'être éternel et sans commencement, c'est ce que l'Evangéliste a établi tout
d'abord, mais de peur qu'on ne vînt à conclure de ces paroles : « Au
commencement était le Verbe, » que le Verbe n'a pas été engendré, il
ajoute aussitôt pour repousser cette idée : « Et le Verbe était en Dieu. » —
Saint Hilaire : (De la Trin., 2). Il est en
Dieu sans aucun commencement, il n'est point soumis à la succession du temps,
mais il a un principe de son existence. —
Saint Basile de Césarée : (hom. précéd). Il s'exprime
encore de la sorte contre ceux qui osaient blasphémer que le Verbe n'était
pas. Où donc était le Verbe ? Il n'était pas dans un lieu, car ce qui ne peut
être circonscrit ne peut être soumis aux lois de l'espace. Mais où était-il
donc ? Il était en Dieu. Or, ni le Père, ni le Fils ne peuvent être contenus
dans aucun espace. — Origène : Il est utile de faire
remarquer que nous lisons dans l'Ecriture, que la parole a été adressée à
quelques-uns, par exemple à Osée, à Isaïe, à Jérémie; mais le Verbe n'est pas
fait en Dieu comme une chose qui n'existe pas en lui. C’est donc d’un être
qui est éternellement en lui, que l'Evangéliste dit : « Et le Verbe était
avec Dieu, » paroles qui prouvent que, même au commencement, le Fils n'a
jamais été séparé du Père. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 3 sur Saint Jean). Il ne dit pas : Il était en Dieu,
mais : « Il était avec Dieu, » nous montrant ainsi son éternité comme substance
distincte. — Théophylactus : Il me semble que l’erreur de Sabellius se
trouve détruite par ces paroles. Cet hérétique enseignait que le Père, le
Fils et le Saint-Esprit ne formaient qu’une seule personne, qui se
manifestait tantôt comme le Père, tantôt comme le Fils, et tantôt comme le
Saint-Esprit; mais quoi de plus fort pour le confondre que ces paroles : «
Et le Verbe était en Dieu » ? car l’Evangéliste déclare ouvertement
que le Fils est différent de Dieu, c'est-à-dire du Père. |
Lectio 3 |
Leçon 3 : Et le Verbe était Dieu.
|
[85976] Catena in Io., cap. 1 l. 3 Hilarius de Trin. Dices :
verbum sonus vocis est, enuntiatio negotiorum, et elocutio cogitationum : hoc
verbum in principio apud Deum erat, quia sermo cogitationis aeternus est, cum
qui cogitat sit aeternus. Sed quomodo in principio erat quod neque ante
tempus, neque post tempus est? Et nescio an ipsum possit esse in tempore.
Loquentium enim sermo neque est antequam loquantur, et cum locuti erunt, non
erit : in eo enim ipso quod loquuntur, dum finiunt, iam non erit id unde
coeperunt. Sed si primam sententiam rudis auditor admiseras, in principio
erat verbum, de sequenti quid quaeris : et verbum erat apud Deum? Numquid
audieras de Deo, ut sermonem reconditae cogitationis acciperes; aut
fefellerat Ioannem quid esset momenti inter inesse et adesse? Id enim quod in
principio erat, non in altero esse, sed cum altero praedicatur. Statum igitur
verbi et nomen expecta; dicit namque et Deus erat verbum. Cessat sonus vocis
et cogitationis eloquium. Verbum hic res est, non sonus; natura, non sermo;
Deus, non inanitas est. Hilarius de Trin. Simplex autem
nuncupatio est, et caret offendiculo adiectionis alienae. Ad Moysen dictum
est : dedi te Deum Pharaoni : sed numquid non adiecta nominis causa est, cum
dicitur Pharaoni? Moyses enim Pharaoni Deus datus est, dum timetur, dum
oratur, dum punit, dum medetur. Et aliud est Deum dari, et aliud Deum esse.
Memini quoque et alterius nuncupationis, ubi dicitur : ego dixi : dii estis;
sed in eo indulti nominis significatio est; et ubi refertur ego dixi,
loquentis potius sermo est, quam rei nomen. Cum autem audio et Deus erat
verbum, non dictum solum audio verbum, sed demonstratum esse intelligo quod
Deus est. Basilius. Sic igitur excludens
accusationem blasphemantium et quaerentium quid est verbum, respondet et Deus
erat verbum. Theophylactus. Vel aliter
continua. Postquam verbum erat apud Deum, manifestum est quod duae personae
erant, quamvis una natura in duabus existat; unde dicitur et Deus erat
verbum; ita ut una natura sit patri et filio, cum sit una deitas. Origenes. Adiciendum etiam,
quod verbum in eo quod fit ad prophetas, illustrat prophetas sapientiae
lumine : apud Deum vero est verbum obtinens ab eo quod sit Deus; unde
praelocavit hoc quod est verbum erat apud Deum, ei quod est Deus erat verbum.
Chrysostomus in Ioannem. Et non
ut Plato, hoc quidem intellectum quemdam, hoc vero animam mundi esse dicens :
haec enim procul sunt a divina natura. Sed dicunt : pater cum articuli
adiectione dictus est Deus, filius autem sine hac. Quid ergo, cum apostolus
dicat : magni Dei et salvatoris nostri Iesu Christi; et rursus : qui est
super omnia Deus; sed et Romanis scribens dicit : gratia vobis, et pax a Deo
patre nostro sine adiectione articuli. Sed et superfluum erat hic apponere
superius continue adiectum. Non igitur etsi non est adiectus filio articulus,
propter hoc filius minor est Deus. |
—
Saint Hilaire : (De la Trin., 2). Vous me
direz : Le Verbe, c'est le son de la voix, l'énoncé des choses, l'expression
des pensées. Le Verbe était dans le principe avec Dieu, parce que la parole,
expression de la pensée, est éternelle, lorsque celui qui pense est éternel
lui-même. Mais comment le Verbe était-il au commencement, lui qui n'est ni
avant, ni après le temps; je ne sais même s'il peut exister dans le temps ?
Lorsque les hommes parlent, leur parole n'existe pas avant qu'ils ouvrent la
bouche, et lorsqu'ils ont fini de parler, elle n'existe plus; au moment même
où ils arrivent à la fin de leurs discours, le commencement a cessé
d'exister; Mais si vous avez admis, tout ignorant que vous êtes, ces
premières paroles : « Au commencement était le Verbe, » pourquoi
demander ce que signifient les suivantes : « Et le Verbe était avec Dieu.
» Est-ce que vous pouviez supposer qu'en Dieu le Verbe était l'expression
d'une pensée cachée, ou bien Jean aurait-il ignoré la différence qui existe
entre ces deux termes : Etre et assister ? Ce qui était au commencement vous
est présenté comme étant, non pas dans un autre, mais avec un autre. Faites
donc attention au nom et à la nature qu'il donne au Verbe : « Et le Verbe
était Dieu. » Il n'est plus question du son de la voix, de l'expression
de la pensée; ce verbe est un être subsistant et non pas un son, c'est une
nature et non une simple expression, ce n'est pas une chose vaine, c'est un
Dieu. —
Saint Hilaire : (De la Trin., 7). C’est une
appellation simple, sans aucune addition étrangère qui puisse être matière à
difficulté. Il a bien été dit à Moïse : « Je t'ai établi le dieu de
Pharaon. » (Ex 7, 1). Mais on voit immédiatement la raison de cette
dénomination dans le mot qui l'accompagne : « de Pharaon, »
c'est-à-dire, que Moïse a été établi le dieu de Pharaon, pour s'en faire
craindre et prier, pour le châtier et pour le guérir; mais il y a une grande
différence entre ces deux choses : Etre établi le dieu de quelqu'un et être
véritablement Dieu. Je me rappelle encore un autre endroit des Ecritures où
nous lisons : « J'ai dit : Vous êtes des dieux. » (Ps 81) Mais [il est
facile de voir que] ce nom n'est donné ici que par simple concession; et ces
paroles : « J'ai dit, » expriment bien plutôt une manière de parler
que la réalité du nom qui est donné. Au contraire, lorsque j'entends ces
paroles : « Et le Verbe était Dieu », je comprends que ce n'est point
une simple dénomination, mais une véritable démonstration de sa divinité. —
Saint Basile de Césarée : (homél. précéd). C'est ainsi
que l'Evangéliste réprime les calomnies et les blasphèmes de ceux qui osent
demander : Qu'est-ce que le Verbe ? Il répond : « Et le Verbe était Dieu.
» — Théophylactus : On peut encore donner une autre liaison de ces paroles avec ce qui
précède. Puisque le Verbe était avec Dieu, il est évident qu'il y avait deux
personnes distinctes, n'ayant toutes deux qu'une seule et même nature; c'est
ce qu'affirmé l'Evangéliste : « Et le Verbe était Dieu, » c'est-à-dire
que le Père et le Fils n'ont qu'une même nature, comme ils n'ont qu'une même
divinité. — Origène : Ajoutons que [le Verbe ou] la parole que Dieu adressait aux prophètes,
les éclairait, de la lumière de la sagesse; au contraire, le Verbe qui est
avec Dieu, reçoit de Dieu la nature divine, et voilà pourquoi saint Jean a
fait précéder ces paroles : « Et le Verbe était Dieu » ; de ces
autres : « Et le Verbe était avec Dieu [ou en Dieu]. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 4 sur Saint Jean). Et il n'est pas Dieu dans le sens de
Platon, qui l'appelle tantôt une certaine intelligence, tantôt l'âme du
monde, toutes choses complètement étrangères à sa nature divine. Mais on nous
fait cette objection : Le Père est appelé Dieu avec addition de l'article, et
le Fils sans l'article. Que dit en effet l'apôtre saint Paul ? « du grand
Dieu et notre Sauveur Jésus-Christ. » (Tite, 2, 13). Et dans un autre
endroit : « Qui est Dieu au-dessus de toutes choses? » (Rm 9, 5).
C'est-à-dire, que le Fils est appelé Dieu sans article. [Nous répondons que
la même observation peut s'appliquer au Père. En effet, saint Paul écrivant
aux Philippiens, dit : « Qui ayant la forme et la nature de Dieu
(έν μορφή Θεού, sans
article), n'a point cru que ce fût pour lui une usurpation d'être égal à
Dieu. » (Ph 2, 6). Et dans son Epître aux Romains : « Grâce et paix soient à
vous de la part de Dieu (άπό Θεού, sans
article), notre Père, et de Jésus-Christ Notre Seigneur. » (Rm 1, 7)] [ajout de l’abbé Peronne]. D'ailleurs, il était
parfaitement inutile de mettre ici l'article, alors qu'on l'avait employé
mainte fois dans ce qui précède. Donc le Fils n'est pas Dieu dans un sens
plus restreint, parce que le nom de Dieu qui lui est donné n'est pas précédé
de l'article. |
Lectio 4 |
Verset 2 : Il était au commencement avec
Dieu.
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[85977] Catena in Io., cap. 1 l. 4
Hilarius de Trin. Quia dixerat
Deus erat verbum, trepido in dicto, et me insolens sermo commovet, cum unum
Deum prophetae nuntiaverunt. Sed ne quo ultra trepidatio mea progredi possit,
reddit sacramenti tanti piscator dispensationem, et refert ad unum omnia,
sine contumelia, sine abolitione, sine tempore, dicens hoc erat in principio
apud Deum : apud unum ingenitum Deum, ex quo ipse unius unigenitus Deus est,
praedicatur. Theophylactus. Et rursus ne
suspicio diabolica aliquos conturbaret, ne forte cum verbum Deus sit,
insurrexerit contra patrem, ut aliqui fabulantur gentilium, et separatus a
patre fuerit ipsi patri contrarius, dicit hoc erat in principio apud Deum;
quasi dicat : hoc Dei verbum nunquam a Deo extitit separatum. Chrysostomus in Ioannem. Vel ne
audiens in principio erat verbum, aeviternum quidem aestimes, seniorem vero
spatio aliquo patris vitam suscipias, induxit hoc erat in principio apud Deum
: non enim fuit unquam solitarius ab illo; sed semper Deus apud Deum erat.
Vel quia dixerat Deus erat verbum, ut non aestimet quis minorem esse deitatem
filii, confestim cognoscitiva propriae deitatis ponit, et aeternitatem
assumens, cum dicit hoc erat in principio apud Deum; et quod factum est
adiciens omnia per ipsum facta sunt. Origenes. Vel aliter. Postquam
praemiserat tres propositiones Evangelista, resumit tria in unum, dicens hoc
erat in principio apud Deum. In primo enim trium didicimus in quo erat
verbum, quia in principio erat; in secundo apud quem, quia apud Deum; in
tertio quid erat verbum, quia Deus. Velut ergo demonstrans verbum praedictum,
Deum, per hoc quod dicit hoc, et colligens in propositionem quartam hoc quod
est in principio erat verbum, et verbum erat apud Deum, et Deus erat verbum,
ait hoc erat in principio apud Deum. Quaerat autem aliquis, cur non est
dictum : in principio erat verbum Dei, et verbum Dei erat apud Deum, et Deus
erat verbum Dei. Quisquis autem unicam veritatem fatebitur esse; palam est
quoniam et demonstratio eius, quae est sapientia, una est. Sed si veritas
una, et sapientia una, verbum quoque quod veritatem enuntiat, et sapientiam
expandit in his qui susceptibiles sunt, unum siquidem erit. Nec hoc dicimus
inficiantes verbum Dei fore, sed ostendentes utilitatem omissionis huius
vocabuli Dei. Ipse quoque Ioannes in Apocalypsi dicit : et nomen eius verbum
Dei. Alcuinus. Qualiter autem ponit
substantivum verbum erat? Ut intelligeres omnia tempora praevenisse coaeternum
Deo patri verbum. |
—
Saint Hilaire : (De la Trin., 2). Ces
paroles : « Et le Verbe était Dieu, » m'étonnent, et cette locution
inusitée me jette dans le trouble, lorsque je me rappelle que les prophètes
ont annoncé un seul Dieu. Mais notre pêcheur calme bientôt ce trouble en
donnant la raison d'un si grand mystère; il rapporte tout à un seul Dieu, et
fait ainsi disparaître toute idée injurieuse à la divinité, toute pensée
d'amoindrissement ou de succession de temps, en ajoutant : « Il était au
commencement avec Dieu, » avec Dieu qui n'a pas été engendré, et dont il
est proclamé seul le Fils unique, qui est Dieu. — Théophylactus : Ou encore, c'est pour prévenir ce soupçon diabolique qui pouvait en
troubler plusieurs, que le Seigneur étant Dieu, s'était déclaré contre son
Père (comme l'ont imaginé les fables des païens), et séparé de son Père pour
se mettre en opposition avec lui, que l'Evangéliste ajoute : « Il était au
commencement avec Dieu, » c'est-à-dire le Verbe de Dieu n'a jamais eu
d'existence séparée de celle de Dieu. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 4 sur Saint Jean). Ou bien encore ces paroles : « Au
commencement était le Verbe, » tout en établissant l'éternité du Verbe,
pouvaient laisser croire que la vie du Père avait précédé, ne fût-ce que d'un
moment la vie du Fils; saint Jean va au-devant de cette pensée, et se hâte de
dire : « Il était dans le commencement avec Dieu, » il n'en a jamais
été séparé, mais il était toujours Dieu avec Dieu. Ou encore, comme ces
paroles : « Et le Verbe était Dieu, » pouvaient donner ù penser que la
divinité du Fils était moindre que celle du Père, il apporte aussitôt un des
attributs particuliers de la divinité, c'est-à-dire, l'éternité, en disant : «
Il était au commencement avec Dieu » ; et il fait ensuite connaître
quelle a été son œuvre, en ajoutant : « Toutes choses ont été faites par
lui. » — Origène : Ou bien encore,
l'Evangéliste résume les trois propositions qui précèdent dans cette seule
proposition : « Il était au commencement avec Dieu. » La première de
ces trois propositions nous a appris quand était le Verbe, il était au
commencement; la seconde, avec qui il était, avec Dieu; la troisième, ce
qu'il était, il était Dieu. Voulant donc démontrer que le Verbe dont il vient
de parler est vraiment Dieu, et résumer dans une quatrième proposition les
trois qui précèdent : « Au commencement était le Verbe », et « le
Verbe était avec Dieu », et « le Verbe était Dieu, » il
ajoute : « Il était au commencement avec Dieu. » Demandera-t-on
pourquoi l'Evangéliste n'a pas dit : « au commencement était le Verbe de
Dieu, et le Verbe de Dieu était avec Dieu, et le Verbe de Dieu était Dieu » ?
Nous répondons que pour tout homme qui reconnaît que la vérité est une, il
est évident que la manifestation de la vérité, manifestation qui est la
sagesse, doit être également une. Or, s'il n'y a qu'une seule vérité et
qu'une seule sagesse, la parole qui est l'expression de la vérité, et qui
répand la sagesse dans ceux qui sont capables de la recevoir, doit aussi être
une. En donnant cette réponse, nous sommes loin de dire que le Verbe n'est
pas le Verbe de Dieu, mais nous voulons simplement montrer l'utilité de
l'omission du mot Dieu. D'ailleurs, saint Jean lui-même dit dans l'Apocalypse
: « Et son nom est le Verbe de Dieu. » —
Alcuin : Mais pourquoi s'est-il servi
du verbe substantif, « il était » ? Pour vous faire comprendre
que le Verbe de Dieu, coéternel à Dieu le Père, précède tous les temps. |
Lectio 5 |
Verset 3 : Toutes choses ont été faites par
lui.
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[85978] Catena in Io., cap. 1 l. 5
Alcuinus. Postquam dixit de
natura filii, de operatione eius subiungit, dicens omnia per ipsum facta
sunt; idest, quidquid est, sive in substantia, sive in aliqua proprietate.
Hilarius de Trin. Vel aliter.
Erat quidem verbum in principio, sed potuit non esse ante principium. Sed
quid ille? Omnia per ipsum facta sunt. Infinitum est per quod fit omne quod
factum est; et cum ab eo sint omnia, et tempus ab eo est. Chrysostomus in Ioannem. Moyses
quidem incipiens Scripturam veteris testamenti, de sensibilibus nobis
loquitur, et haec enumerat per multa : in principio enim fecit Deus caelum et
terram. Deinde inducit, quoniam et lux facta est, et firmamentum et stellarum
naturae, et genera animalium. Evangelista vero haec omnia excedens uno verbo
comprehendit, ut cognita auditoribus, ad altiorem festinans materiam, totum
hunc librum instituens non de operibus, sed de conditore. Augustinus super Genesim. Cum
enim dicitur omnia per ipsum facta sunt, satis ostenditur et lux per ipsum
facta, cum dixit Deus : fiat lux; et similiter de aliis. Quod si ita est,
aeternum est, quod ait Deus : fiat lux, quia verbum Dei, Deus apud Deum,
patri coaeternus est, quamvis creatura temporalis facta sit. Cum enim verba
sint temporis, cum dicimus : quando et aliquando; aeternum tamen est in verbo
Dei, quando aliquid fieri debeat; et tunc fit quando fieri debuisse in illo
verbo est, in quo non est quando et aliquando : quoniam totum illud verbum
aeternum est. Augustinus super Ioannem. Quomodo
ergo potest fieri ut verbum Dei factum sit, quando Deus per verbum fecit
omnia? Si et verbum ipsum factum est, per quod aliud verbum factum est? Si
hoc dicis, quia est verbum verbi, per quod factum est illud; ipsum dico ego
unigenitum filium Dei. Si autem non dicis verbum Dei, concede non factum
verbum per quod facta sunt omnia. Augustinus de Trin. Et si
factum non est, creatura non est; si autem creatura non est, eiusdem cum
patre substantiae est, omnis enim substantia quae Deus non est, creatura est
: et quae creatura non est, Deus est. Theophylactus. Solent autem
Ariani dicere, quod sicut per serram ostium fieri dicimus, quasi per organum,
sic et per filium omnia facta fuisse dicuntur, non quod ipse sit factor, sed
organum; et sic facturam aiunt filium, tamquam factum ad hoc ut per eum omnia
fierent. Nos autem ad huiusmodi fictores mendacii simpliciter respondemus. Si
enim, ut dicitis, pater creasset ad hoc filium ut eo tamquam organo uteretur,
videretur quod inhonorabilior sit filius quam quae facta sunt; sicut ea quae
per serram sunt facta, ipso organo nobiliora existunt; nam serra propter ipsa
facta est. Sic et propter ipsa quae facta sunt, ut aiunt, pater creavit
filium; tamquam si non deberet Deus cuncta creare, nequaquam filium
produxisset. Quid his verbis insanius? Sed aiunt : quare non dixit quod omnia
verbum fecit; sed usus est hac praepositione per? Ne filium ingenitum
intelligeres, et sine principio, et Dei conditorem. Chrysostomus in Ioannem. Sed si
praepositio per conturbat te, et quaeris in Scriptura quod ipsum verbum omnia
faceret, audi David : initio tu, domine, terram fundasti, et opera manuum
tuarum sunt caeli. Quod autem hoc de unigenito dixerit, addisces ab apostolo
utente hoc verbo in epistola ad Hebraeos de filio. Si vero de patre hoc
prophetam dixisse dicis, Paulum vero filio adaptasse; idem fit rursus. Neque
enim id filio convenire dixisset, nisi vehementer consideraret quoniam quae
sunt dignitatis, cohonorabilia sunt utrique. Si rursus per praepositio
aliquam subiectionem tibi videtur inducere, cur Paulus eam de patre ponit?
Fidelis dominus, per quem vocati sumus in societatem filii eius. Et iterum :
Paulus apostolus per voluntatem Dei. Origenes. Erravit etiam in hoc
Valentinus, dicens verbum esse quod mundanae creationis praestitit causam
creatori. Sed si sic se habet veritas rerum, prout ipse intelligit, oportebat
scriptum fore per creatorem universa consistere a verbo, non autem e contra
per verbum a creatore. |
—
Alcuin : Après avoir exposé la nature
du Fils, l'Evangéliste fait connaître ses œuvres : « Toutes choses ont été
faites par lui, » c'est-à-dire, tout ce qui existe comme substance ou
comme propriété. —
Saint Hilaire : (De la Trin., 2). On pouvait
dire encore : Le Verbe était au commencement, mais il a pu ne pas exister
avant le commencement? Saint Jean répond : « Toutes choses ont été faites
par lui. » Celui par qui a été fait tout ce qui est fait est un être
infini, et comme toutes choses viennent de lui, il est aussi le principe du
temps. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 4 sur Saint Jean). Moïse commence l'histoire de l'Ancien
Testament par le récit détaillé de la création des choses extérieures : «
Au commencement, dit-il entre autres choses, Dieu fit le ciel et la
terre » ; paroles qu'il fait suivre de la création de la lumière, du
firmament, des étoiles et des différentes espèces d'animaux. L'Evangéliste,
an contraire, abrège et résume tout ce récit en un seul mot, comme étant
connu de ses auditeurs; il entreprend un sujet plus sublime, et consacre tout
son Evangile, non aux œuvres de la création, mais à la gloire du Créateur. —
Saint Augustin : (de la Gen., à la lett. 2).
Ces paroles : « Toutes choses ont été faites par lui, » nous prouvent
suffisamment que la lumière elle-même a été faite par lui, lorsque Dieu dit :
« Que la lumière soit, » de même que tous les autres ouvrages de la
création. Mais s'il en est ainsi, puisque le Verbe de Dieu, qui est Dieu
lui-même, est coéternel à Dieu le Père, cette parole que Dieu prononce : «
Que la lumière soit, » est éternelle, bien que la créature n'ait été
faite que dans le temps. Ces expressions que nous employons, « quand »,
« alors » désignent un temps déterminé, mais quand une chose doit
être faite par Dieu, elle est éternelle dans le Verbe de Dieu, et elle est
faite au moment où le Verbe a résolu de la faire, car dans ce Verbe, il n'y a
[aucune de ces successions de temps indiquées par] ces expressions « quand »,
« alors », parce que le Verbe tout entier est éternel. —
Saint Augustin : (Traité 1 sur Saint Jean). Comment donc pourrait-il se faire que
le Verbe de Dieu ait été fait, alors que c'est par le Verbe que Dieu a fait
toutes choses ? Et si ce Verbe a été fait, par quel autre Verbe a-t-il été
fait ? Si vous dites qu'il est le Verbe du Verbe par lequel il a été fait,
moi je l'appelle le Fils unique de Dieu. Mais si vous ne l'appelez pas le
Verbe du Verbe, reconnaissez qu'il n'a pas été fait, puisque toutes choses
ont été faites par lui. —
Saint Augustin : (De la Trin., 6). S'il n'a
pas été fait, il n'est pas créature, il a la même nature que son Père, car
toute substance qui n'est pas Dieu est créature, et la substance qui n'a pas
été créée est nécessairement la nature divine. — Théophylactus : Tel est le langage que tiennent les Ariens : tout a été fait par
le Fils, comme nous disons qu'une porte a été faite avec une scie qui a servi
d'instrument [à l'ouvrier], c'est-à-dire qu'il n'a pas agi comme créateur,
mais comme instrument. Et ils prétendent que le Fils a été fait pour servir
d'instrument à la création des autres êtres. Nous répondons simplement aux
auteurs de ce mensonge : Si, comme vous le dites, le Père avait créé le Fils
pour s'en servir comme d'un instrument, la nature du Fils serait beaucoup
moins noble que celle des autres créatures qui ont été faites par lui. De
même qu'une scie est d'un rang inférieur à celui des ouvrages qu'elle sert à
faire, puisqu'elle n'existe que pour eux; c'est par le même dessein,
disent-ils, que Dieu a créé le Fils, comme si Dieu n’eût jamais produit son
Fils, dans l'hypothèse où il n'aurait pas dû créer l'univers. Peut-on tenir
un raisonnement plus insensé ? Mais, ajoutent-ils, pourquoi l'Evangéliste
n'a-t-il pas dit que le Verbe a fait toutes choses, et s'est-il servi de la
préposition « par » [: « Toutes choses ont été faites par lui ? »]
C'est afin que vous ne croyez pas que le Fils n'a pas été engendré, qu'il est
sans principe, et comme le créateur de Dieu. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 5 sur Saint Jean). Si du reste cette expression : « par
lui » vous déconcerte, et que vous vouliez trouver dans l'Ecriture un
témoignage que le Verbe a tout fait lui-même, écoutez David : « Au
commencement, Seigneur, vous avez créé la terre, et les cieux sont les œuvres
de vos mains. » (Ps. 101) C’est du Fils unique que le prophète parle
ainsi, comme vous l'apprend l'apôtre saint Paul, qui lui applique ces paroles
dans son Epître aux Hébreux (He 1). Si vous prétendez que c'est du Père que
le prophète a voulu parler, et que saint Paul applique ces paroles au Fils,
notre raisonnement conserve toute sa force, car saint Paul ne les aurait
jamais appliquées au Fils, s'il n'avait été profondément convaincu que le
Père et le Fils ont la même puissance et la même divinité. Si la préposition « par »
vous parait indiquer une infériorité quelconque, pourquoi saint Paul remploie-t-il
à l'occasion du Père ? « Dieu, écrit-il aux Corinthiens, par lequel
vous avez été appelés à la société de son Fils Jésus-Christ, Notre-Seigneur,
est fidèle » (1 Co 1, 9) ; et encore : « Paul, Apôtre par la
volonté de Dieu ? » — Origène : Valentin est aussi tombé dans l'erreur, en disant que le Verbe avait
été pour le Créateur la cause de la création du monde. Car si les choses
étaient telles qu'il les affirme, l'Evangéliste aurait dû dire : que le Verbe
a tout fait par le Créateur, et non que le Créateur a tout fait par le Verbe. |
Lectio 6 |
Leçon 6 : Et sans lui rien n'a été fait.
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[85979] Catena in Io., cap. 1 l. 6 Chrysostomus
in Ioannem. Ut non aestimes, dum dicit omnia per ipsum facta sunt, illa
omnia solum dicere eum quae a Moyse dicta sunt, convenienter inducit et sine
ipso factum est nihil, sive visibile quid, sive intelligibile. Vel aliter. Ne
hoc quod dixit omnia per ipsum facta sunt, de signis suspiceris nunc dici, de
quibus reliqui Evangelistae locuti sunt, inducit et sine ipso factum est
nihil. Hilarius de Trin. Vel aliter.
Hoc quod dicitur, omnia per ipsum facta sunt, non habet modum : est ingenitus
qui factus a nemine est, est et ipse genitus ab innato. Reddidit auctorem cum
socium professus est, dicens sine ipso factum est nihil; cum enim nihil sine
eo, intelligo non esse solum : quia alius est per quem, alius sine quo non.
Origenes. Vel aliter. Ne
existimares ea quae per verbum facta sunt, per se existentia, non contenta a
verbo, ait et sine ipso factum est nihil; hoc est, nihil factum est extra
ipsum; quia ipse ambit omnia, conservans ea. Augustinus de quaest. Nov. et Vet.
Testam. Vel dicens sine ipso factum est nihil, nullo modo ipsum facturam
esse suspicari debere edocuit. Quomodo enim potest dici : ipse est factura,
cum nihil dicatur Deus sine ipso fecisse? Origenes super Ioannem. Vel
aliter. Si omnia per verbum facta sunt : de numero vero omnium est malitia,
et totus fluxus peccati; et haec per verbum facta sunt; et hoc est falsum.
Quantum igitur ad significata, nihil et non ens, unum sunt. Videtur autem
apostolus non entia prava dicere : vocat Deus ea quae non sunt tamquam ea
quae sunt. Totaque pravitas nihil dicitur, dum absque verbo facta est. Augustinus in Ioannem. Peccatum
enim non per ipsum factum est : et manifestum est quia peccatum nihil est, et
nihil fiunt homines cum peccant. Et idolum non per verbum factum est : habet
quidem formam quamdam humanam, et ipse homo per verbum factus est; sed forma
hominis in idolo non per verbum facta est : scriptum est enim : scimus quod
nihil est idolum. Ergo ista non sunt facta per verbum; sed quaecumque facta
sunt naturaliter, universa natura rerum, omnis omnino creatura ab Angelo
usque ad vermiculum. Origenes. Valentinus autem
exclusit ab omnibus per verbum factis quae sunt in saeculis facta, quae
credit ante verbum extitisse, praeter evidentiam loquens; siquidem quae
putantur ab eo divina, removentur ab omnibus, quae autem, velut ipse putat,
penitus destruuntur, vere dicuntur omnia. Quidam enim falso dicunt Diabolum
non esse creaturam Dei : inquantum enim Diabolus est, creatura Dei non est :
is autem cui accidit esse Diabolum, divina est creatura; ac si diceremus,
homicidam creaturam Dei non esse, qui tamen in eo quod homo est, creatura Dei
est. Augustinus de natura boni. Non
autem sunt audienda deliramenta hominum, qui nihil hoc loco aliquid
intelligendum esse putant, quia ipsum nihil in fine sententiae positum est;
nec intelligunt nihil interesse utrum dicatur : sine ipso nihil factum est,
an sine ipso factum est nihil. Origenes. Si accipiatur verbum
pro eo quod in quolibet hominum est, quia et ipsum insitum est cuilibet ab eo
quod in principio erat verbum, etiam sine hoc verbo nihil committimus,
simpliciter accipiendo quod dicitur nihil. Ait enim apostolus quod sine lege
peccatum mortuum erat; adveniente vero mandato peccatum revixit : non enim
reputatur peccatum, lege non existente; sed nec peccatum erat, non existente
verbo : quia dominus dicit : si non venissem et essem illis locutus, peccatum
non haberent. Quaelibet enim excusatio deficit volenti dare responsum de
crimine, dum verbo praesente ac iudicante quid est agendum, non obedit quis
illi. Nec propter hoc inculpandum est verbum, sicut nec magister, per cuius
disciplinam non remanet locus excusationis discipulo delinquenti velut de
ignorantia. Omnia ergo per verbum facta sunt, non solum naturalia, sed etiam
quae ab irrationabilibus fiunt. |
—
Saint Jean Chrysostome : (hom. 5 sur Saint Jean,) Ces paroles : « Toutes choses ont
été faites par lui, » ne comprennent pas seulement les êtres dont Moïse
nous rapporte la création; aussi saint Jean ajoute-t-il expressément : «
Et sans lui rien n'a été fait, », soit des choses visibles, soit des
invisibles. Ou encore : c'est afin qu'on ne fût point tenté de restreindre
aux miracles racontés par les autres évangélistes, ces paroles : « Toutes
choses ont été faites par lui, » qu'il ajoute : « Et sans lui rien n'a
été fait. » —
Saint Hilaire : (De la Trin., 2). Ou encore
: Ces paroles : « Toutes choses ont été faites par lui, » ont un sens
indéterminé. Or, il y a un être qui n'a pas été engendré et qui n'a été fait
par personne; il y a un Fils qui a été engendré par celui qui n'a pas eu de
naissance, et l'Evangéliste fait nécessai-rement supposer que le Père est
l'auteur de toutes choses, en parlant de celui qui lui est si étroitement
associé, et en disant : « Sans lui rien n'a été fait. » Car puisque
rien n'a été fait sans lui, je conclus nécessairement qu'il n'est pas seul,
mais qu'il y en a un par qui tout a été fait, et un autre sans lequel rien
n'a été fait. — Origène : (homélie 2 sur divers sujets). Ou encore : L'Evangéliste veut aller
au-devant de cette pensée qu'il y a des choses qui sont faites par le Verbe,
et d'autres qui existent par elles-mêmes indépendamment du Verbe, et c'est
pour cela qu'il ajoute : « Et sans lui rien n'a été fait, »
c'est-à-dire, rien n'a été fait en dehors de lui, car il embrasse, contient
et conserve toutes choses. —
Saint Augustin : (Quest. sur l'Anc. et le
Nouv. Test., 97). Ou bien encore : Ces paroles : « Sans lui rien n'a été
fait, » éloignent de nous jusqu'à l'idée que le Verbe soit une simple
créature. Comment soutenir, en effet, qu'il est une créature, lorsque
l'Evangéliste affirme que Dieu n'a rien fait sans lui ? — Origène : (Traité sur Saint Jean). Ou bien encore, si toutes choses ont
été faites par le Verbe, et qu'au nombre de toutes ces choses se trouve le
mal et tout le malheureux courant du péché, le Verbe serait donc l'auteur du
mal et du péché, ce qui est faux. Le néant et le non-être sont deux termes
qui ont la même signification. L'Apôtre lui-même semble appeler le mal le non-être,
lorsqu'il dit : « Dieu appelle les choses qui sont comme celles qui ne
sont pas » ; (Rm 4) ainsi sous le nom de « rien », il faut
comprendre le mal qui a été fait sans le Verbe. —
Saint Augustin : (Traité 1 sur Saint Jean). En effet, le péché n'a point été fait
par le Verbe, et il est évident que le péché c'est le rien, [ou le non-être,]
et que les hommes tombent dans le rien, lorsqu'ils commettent le péché.
L'idole, non plus, n'a pas été faite par le Verbe; elle a bien une forme
humaine, et c'est par le Verbe que l'homme a été fait. Mais la forme humaine
n'a pas été donnée à l'idole par le Verbe, car il est écrit : « Nous
savons qu'une idole n'est rien. » (1 Co 8) Donc aucune de ces choses n'a
été faite par le Verbe, mais il est l'auteur de tout ce qui existe dans la
nature, de l’universalité des choses, et de tout l'ensemble des créatures
depuis l'ange jusqu'au vermisseau. — Origène : (Traité 2 sur Saint Jean). Valentin retranche du nombre des
choses qui ont été faites par le Verbe, celles qui ont été faites dans les
siècles, et dont il fait remonter l'existence avant le Verbe; opinion
contraire à toute évidence; car les choses qu'il regarde comme divines ne
sont point comprises dans toutes ces choses [qui ont été faites par le Verbe],
et celles qui, à son avis, sont sujettes à la destruction, en font évidemment
partie. Quelques-uns prétendent, mais à tort, que le démon n'est pas une créature
de Dieu; ce n'est qu'en tant qu'il est démon, qu'il n'est pas créature de
Dieu, mais celui qui a eu le malheur de devenir un démon, est vraiment
l'œuvre de Dieu; ainsi, disons-nous qu'un homicide n'est point l'œuvre et la
créature de Dieu, bien que cependant comme homme il soit véritablement son
œuvre. —
Saint Augustin : (de la nature du bien, 25).
Il ne faut point s'arrêter à l'opinion absurde de ceux qui prétendent qu'il
faut entendre ici le rien d'un certain ordre d'êtres, parce que ce mot rien
se trouve placé à la fin de la phrase; ils ne comprennent pas qu'il n'y a
aucune différence entre ces deux manières de s'exprimer : « Sans lui, rien
n'a été fait, » ou : « Sans lui n'a été fait rien. » — Origène : (Traité 2 sur Saint Jean). Si l'on prend le verbe dans le sens
qu'il se trouve en chacun de nous, et qu'il nous a été donné par le Verbe qui
était au commencement, ou peut dire que nous ne faisons rien sans ce verbe,
en prenant le mot rien dans son sens le plus simple. L'Apôtre dit : « Que
sans la loi, le péché était mort, mais que le commandement étant survenu, le
péché est ressuscité » ; (Rm 7, 8-9) car le péché n'est pas imputé,
lorsque la loi n'est pas encore. Le péché n'existait pas non plus, avant que
le Verbe descendît sur la terre, au témoignage de Notre Seigneur lui-même : «
Si je n'étais pas venu, et que je ne leur eusse point parlé, ils n'auraient
pas de péché. » (Jn 15) En effet, il ne reste aucune excuse à celui
qui veut se justifier de ses fautes, alors qu'il a refusé d'obéir au Verbe
qui était présent, et qui lui indiquait ce qu'il devait faire. Nous ne devons
cependant ni inculper ni accuser le Verbe, pas plus qu'on ne peut accuser un
maître dont les leçons ont ôté à son élève tout moyen de rejeter ses fautes
sur son ignorance. Donc toutes choses ont été faites par le Verbe, non seulement
les choses de la nature, mais tous les êtres privés de raison. |
Lectio 7 |
Verset 4 : Ce qui a été fait était vie en
lui.
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[85980] Catena in Io., cap. 1 l. 7
Beda in Ioannem. Quia
Evangelista dixit omnem creaturam factam esse per verbum, ne quis forte
crederet mutabilem eius voluntatem, quasi qui subito vellet facere creaturam
quam ab aeterno nunquam ante fecisset, ideo docere curavit, factam quidem
creaturam in tempore; sed in aeterna creatoris sapientia, quando et quos
crearet semper fuisse dispositum; unde dicit quod factum est in ipso, vita
erat. Augustinus in Ioannem. Potest
autem sic punctari : quod factum est in ipso; et postea dicatur vita erat.
Ergo totum vita est, si sic pronuntiaverimus : quid enim non in illo factum
est? Ipse est enim sapientia Dei, et dicitur in Psalmo 103, 24 : omnia in
sapientia fecisti. Omnia igitur sicut per illum, ita et in illo facta sunt.
Si ergo quod in illo factum est, vita est, ergo et terra vita est, et lapis
vita est. Inhonestum est sic intelligere, ne nobis subrepat secta
Manichaeorum, et dicat quia habet vitam lapis, et habet vitam paries : solent
enim ista delirantes dicere; et cum reprehensi fuerint ac repulsi, quasi de
Scripturis proferunt dicentes : ut quid dictum est : quod factum est in ipso,
vita erat? Pronuntia ergo sic quod factum est : hic subdistingue; et deinde
infer in ipso vita erat. Facta est enim terra; sed ipsa terra quae facta est
non est vita. Est autem in ipsa Dei sapientia spiritualiter ratio quaedam qua
terra facta est; haec vita est. Sicut arca in omni opere non est vita; arca
in arte vita est, quia vivit anima artificis. Sic ergo quia sapientia Dei,
per quam facta sunt omnia, secundum artem continet omnia quae fiunt per ipsam
artem, non haec continuo sunt vita; sed quidquid factum est, vita est in illo.
Origenes. Potest autem et sic
distingui sine errore : quod factum est in ipso, et postea dicatur vita erat;
ut sit sensus : omnia quae per ipsum et in ipso facta sunt, in ipso vita sunt,
et unum sunt. Erant enim, hoc est in ipso subsistunt causaliter, priusquam
sint in seipsis effective. Sed si quaeris, quomodo et qua ratione omnia quae
per verbum facta sunt, in ipso vitaliter et uniformiter et causaliter
subsistunt, accipe exempla ex creaturarum natura. Conspice quomodo omnium
rerum quas mundi huius sensibilis globositas comprehendit, causae simul et
uniformiter in isto sole, qui est maximum mundi luminare, subsistunt; quomodo
numerositas herbarum et fructuum in singulis seminibus simul continetur;
quomodo multiplices regulae in arte artificis unum sunt, et in animo
disponentis vivunt; quomodo infinitus linearum numerus in uno puncto unum
subsistit; et huiusmodi varia perspice exempla, ex quibus velut physicae
theoriae pennis poteris arcana verbi mentis acie inspicere, et quantum datur
humanis rationibus, videre quomodo omnia quae per verbum sunt facta, in ipso
vivunt et facta sunt. Hilarius de Trin. Vel aliter
potest legi : in eo quod dixerat sine ipso factum est nihil, posset aliquis
perturbatus dicere : est ergo aliquid per alterum factum, quod tamen non sit
sine eo factum; et si aliquid per alterum, licet non sine eo, iam non per eum
omnia; quia aliud est fecisse, aliud est intervenisse facienti. Enarrat ergo
Evangelista quid non sine eo factum sit, dicens quod factum est in eo. Hoc
igitur non sine eo quod in eo factum est : nam id quod in eo factum est,
etiam per eum factum est : omnia enim per ipsum et in ipso creata sunt. In
ipso autem creata, quia nascebatur creator Deus; sed ex hoc sine eo nihil
factum est, quod tamen in eo factum est, quia nascens Deus vita erat, et qui
vita erat, non posteaquam natus erat, factus est vita. Nihil ergo sine eo
fiebat ex his quae in eo fiebant, quia vita est in quo fiebant; et Deus qui ab
eo natus est, non posteaquam natus est, sed nascendo quoque extitit. Chrysostomus in Ioannem. Vel
aliter. Non apponemus finale punctum, ubi dicitur sine ipso factum est nihil,
secundum haereticos. Illi enim volentes spiritum sanctum creatum dicere,
aiunt quod factum est in ipso, vita erat. Sed ita non potest intelligi.
Primum quidem neque tempus erat hic spiritus sancti meminisse; sed si de
sancto spiritu hoc dictum est, age, secundum eorum interim legamus modum :
ita enim nobis hoc inconveniens erit; cum enim dicitur quod factum est in
ipso, vita erat, spiritum sanctum dicunt dictum esse vitam; sed vita haec et
lux invenitur esse; inducit enim vita erat lux hominum. Quocirca, secundum
eos, lucem omnium hunc spiritum dicit. Quod autem superius verbum dicit, hic
consequenter et Deum et vitam et lucem nominat. Verbum autem caro factum est
: erit igitur spiritus sanctus incarnatus, non filius. Ideo dimittentes hunc
modum legendi, ad decentem veniamus lectionem et expositionem; hoc autem est
cum dicitur omnia per ipsum facta sunt, et sine ipso factum est nihil quod
factum est; ibi quiescere fac sermonem; deinde ab ea quae deinceps est
dictione incipe, quae dicit in ipso vita erat; ac si dicat sine eo factum est
nihil quod factum est, idest factibilium. Vides qualiter hac brevi adiectione
omnia correxit supervenientia inconvenientia. Inducens enim sine eo factum
est nihil, et adiciens quod factum est, et intelligibilia comprehendit, et
spiritum sanctum excepit : spiritus enim sanctus factibilis non est. Haec
igitur quae dicta sunt, de conditione rerum dixit Ioannes. Inducit autem et
eum qui est de providentia sermonem, dicens in ipso vita erat. Quemadmodum in
fonte qui generat abyssos, et in nullo minoratur fons; ita et in operatione
unigeniti quaecumque credas per eum facta esse, non minor ipse factus est.
Nomen autem vitae hic non solum conditionis est, sed et providentiae rerum,
quae est secundum permanentiam earum. Cum autem audis quoniam in ipso vita
erat, ne compositum aestimes : sicut enim pater habet vitam in seipso, ita
dedit et filio vitam habere. Ergo sicut patrem non utique dices compositum
esse, ita nec filium. Origenes in Ioannem. Vel
aliter. Oportet scire, quod salvator quaedam dicit non sibi esse, sed aliis;
quaedam vero et sibi et aliis. In hoc ergo quod dicitur quod factum est in
verbo, vita erat, scrutandum est an sibi et aliis vita est, vel aliis tantum;
et si aliis, quibus aliis. Idem autem est vita et lux; lux autem hominum est
: fit itaque hominum vita, quorum est lux; et sic in eo quod dicitur vita,
salvator dicitur non sibi, sed aliis. Haec quidem vita verbo praeexistenti
aderit, ex eo quod expiata a peccatis anima sit serena, et vita inseratur ei
qui verbi Dei se susceptibilem statuit. Unde verbum quidem in principio non
dixit factum : non enim erat quando principium verbo careret. Vita autem
hominum non semper erat in verbo; sed haec vita hominum facta est, eo quod
vita est lux hominum : cum enim homo non erat, nec lux hominum erat, luce
secundum habitudinem ad homines intellecta; et ideo dicit quod factum est in
verbo, vita erat; non autem : quod erat in verbo, vita erat. Invenitur autem
alia littera non incongrue habens : quod factum est in eo, vita est. Si autem
intelligamus vitam hominum quae in verbo fit, eum esse qui dixit : ego sum
vita, fatebimur neminem infidelium Christi vivere, sed cunctos esse mortuos
qui non vivunt in Deo. |
—
Saint Bède : L'Evangéliste vient de dire
que toute créature a été faite par le Verbe; mais afin qu'on ne pût supposer
dans le Verbe une volonté changeante (comme si par exemple il avait voulu
faire une créature à laquelle il n'aurait jamais songé de toute éternité), il
prend soin de nous enseigner que la création a eu lieu, il est vrai, dans le
temps, mais que le moment et l'objet de la création ont toujours existé dans
la pensée d'éternelle sagesse du créateur, vérité qu'expriment ces paroles : «
Ce qui a été fait était vie en lui. » —
Saint Augustin : (Traité 1 sur Saint Jean) On peut ainsi ponctuer ce texte : «
Ce qui a été fait en lui, était vie » et si nous adoptons cette
ponctuation, il faut dire : Tout était vie, car qu'y a-t-il qui ne soit fait
par lui ? Il est la sagesse de Dieu, et nous lisons dans le Psaume 103,24 : «Vous
avez tout fait dans la sagesse. » Toutes choses ont donc été faites en
lui comme elles ont été faites par lui. Mais si tout ce qui a été fait en lui
est vie, donc la terre est vie, donc la pierre est vie aussi. Gardons-nous de
cette interprétation inconvenante qui nous serait commune avec les
manichéens, et nous ferait tenir avec eux ce langage absurde, qu'une pierre,
qu'une muraille ont en elles la vie. Essaie-t-on de les reprendre et de les
réfuter ? ils cherchent à s'appuyer sur les Ecritures et nous disent :
Pourquoi est-il écrit : « Ce qui a été fait en lui, était vie ? » Il faut
donc préférer cette ponctuation : « Ce qui a été fait, était vie en lui. »
[Quel est le sens de ces paroles ?] La terre a été faite, mais la terre qui a
été faite n'est point la vie; ce qui est vie, c'est cette raison, cette pensée
éternelle qui existent dans la sagesse de bien, et en vertu de laquelle la
terre a été faite. Ainsi la vie n'est point dans un meuble quelconque,
lorsqu'il est exécuté; ce meuble, [ce bâtiment,] [si l'on veut], est vie dans
son plan, parce qu'il est vivant dans la pensée, [dans le dessein de
l'ouvrier ou] de l'architecte; de même comme la sagesse de Dieu, par laquelle
toutes choses ont été faites, contient dans ses plans éternels tout ce qui se
fait d'après ces plans, bien que ces choses ne soient point en elles-mêmes la
vie, elles sont vivantes dans celui qui les a faites. — Origène : (hom. sur div. suj). On peut
donc sans craindre d'erreur séparer ainsi les deux membres de cette phrase : «
Ce qui a été fait en lui, était vie, » et voici quel serait le sens :
Toutes les choses qui ont été faites par lui et en lui sont vivantes et une
même chose en lui. Car elles étaient, c'est-à-dire elles existaient en lui,
comme dans leur cause, avant d'exister effectivement en elles-mêmes.
Demandera-t-on comment et en vertu de quel plan toutes les choses qui ont été
faites par le Verbe sont vivantes en lui, et subsistent en lui d'une manière
uniforme comme dans leur cause ? La nature des êtres créés vous en offre des
exemples. Voyez comment toutes les choses que renferme la sphère de ce monde
visible subsistent comme dans leur cause et d'une manière uniforme dans le
soleil, qui est le plus grand des astres; comment le nombre infini des
végétaux et des fruits est contenu dans chacune des semences; comment les
règles multiples viennent se réduire à l'unité dans l'art de l'ouvrier, et
sont comme vivantes dans l'esprit qui les met en ordre; comment enfin le
nombre infini des lignes subsiste comme une seule unité dans un seul point. Examinez
les différents exemples de ce genre et vous pourriez vous élever comme sur
les ailes de la contemplation du monde physique jusqu'aux oracles du Verbe,
pour les considérer avec toute la pénétration de l'esprit, et pour voir
autant que cela est donné à des intelligences créées, comment toutes les
choses qui ont été faites par le Verbe sont vivantes et ont été faites en
lui. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 2). On peut
encore lire et entendre ces paroles d'une autre manière. En entendant
l'Evangéliste dire : « Sans lui rien n'a été fait, » quelque esprit
troublé pourrait dire : II y a donc quelque chose qui a été fait par un
autre, et qui cependant n'a pas été fait sans lui, et si quelque chose a été
fait par un autre, bien que non pas sans lui, toutes choses n'ont pas été
faites par lui; car il y a une grande différence entre faire soi-même, et
s'associer à l'opération d'un autre. L'Evangéliste expose donc que rien n'a
été fait sans lui en disant : « Ce qui a été fait en lui, » donc ce
qui a été fait en lui n'a pas été fait sans lui. Car ce qui a été fait en
lui, a été fait aussi par lui, au témoignage de l'Apôtre : « Toutes choses
ont été créées par lui et en lui ». (Col 1, 16). C'est pour lui
aussi que toutes choses ont été créées, parce que le Dieu créateur s'est
soumis à une naissance temporelle; mais ici rien n'a été fait sans lui de ce
qui a été fait en lui, parce que le Dieu qui voulait naître parmi nous était
la vie; et celui qui était la vie, n'a pas attendu sa naissance pour devenir
la vie. Rien donc de ce qui se faisait en lui, ne se faisait sans lui, parce
qu'il est la vie qui produisait ces choses, et le Dieu qui a consenti à
naître parmi nous, n'a pas attendu sa naissance pour exister, mais il
existait aussi en naissant. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 4 sur Saint Jean). Ou encore dans un autre sens, ne
plaçons pas après ces paroles : « Sans lui rien n'a été fait, » le
point qui termine la phrase, comme font les hérétiques qui prétendent que
l'Esprit saint a été créé, et qui lui appliquent celles qui suivent : « Ce
qui a été fait en lui, était la vie. » En effet, cette explication est
inadmissible. D'abord ce n'était pas le moment de parler ici de l'Esprit
saint; mais supposons qu'il soit question de l'Esprit saint, et admettons
leur manière de lire le texte, leur explication n'en sera ni moins absurde ni
moins inconvenante. Ils prétendent donc que ces paroles : « Ce qui a été
fait en lui était la vie, » s'appliquent à l'Esprit saint qui est la vie.
Mais cette vie est en même temps la lumière, car nous lisons à la suite : «
Et la vie était la lumière des hommes. » Donc d'après ces hérétiques,
c'est l'Esprit saint qui est appelé ici la lumière de tous. Mais ce que
l'Evangéliste appelait plus haut le Verbe, c'est ce qu'il appelle ici Dieu,
la vie et la lumière. Or, comme le Verbe s'est fait chair, ce sera donc
l'Esprit saint qui se sera incarné et non le Fils. Il faut donc renoncer à
cette manière de lire le texte, et adopter une lecture et une explication
plus raisonnables. Or, voici comme on doit lire : « Toutes choses ont été
faites par lui, et sans lui rien n'a été fait de ce qui a été fait, » et
arrêter là le sens de la phrase, puis recommencer ensuite : « En lui était
la vie », comme s'il disait : « Sans lui rien n'a été fait de ce qui
a été fait, » c'est-à-dire de tout ce qui devait être fait. Vous voyez
comment par une brève adjonction au premier membre de phrase, on fait
disparaître toute difficulté. En effet, en disant : « Sans lui rien n'a
été fait, » et en ajoutant : « de ce qui a été fait, »
l'Evangéliste embrasse toutes les créatures intelligibles, et exclut
évidemment l'Esprit saint, car l'Esprit saint ne peut être compris parmi les
créatures [qui pouvaient être faites et appelées à la vie]. Ces paroles de
saint Jean ont donc pour objet la création de l'univers; il en vient ensuite
à l'idée de la Providence dont il parle en ces termes : « En lui était la
vie. » De même que vous ne pouvez épuiser ni diminuer une de ces sources
profondes qui donnent naissance aux grands fleuves [et alimentent les mers],
ainsi vous ne pouvez supposer la moindre altération dans le Fils unique,
quelles que soient les œuvres que vous croyiez qu'il ait faites. Ces paroles
: « En lui était la vie, » ne se rapportent pas seulement à la
création, mais à la Providence qui conserve l'existence aux choses qui ont
été créées. Gardez-vous toutefois de supposer rien de composé [ou de créé]
dans le Fils, en entendant l'Evangéliste tous dire : « En lui était la
vie, » car « comme le Père a en soi la vie, ainsi a-t-il donné au
Fils d’avoir la vie en soi. » (Jn 5) Ne supposez donc rien de créé dans
le Fils, pas plus que vous ne le supposez dans le Père. — Origène : (Traité 3 sur Saint Jean). On peut donner encore cette autre
explication : Il faut se rappeler que dans le Sauveur certains attributs ne
sont point pour lui, mais pour les autres, et certains autres sont tout à la
fois pour lui et pour les autres. Comment donc doit-on ici entendre ces
paroles : « Ce qui a été fait dans le Verbe, était vie en lui ? »
Signifient-elles qu'il était la vie pour lui et pour les autres, ou qu'il ne
l'était que pour les autres ? et s'il ne l'était que pour les autres, quels
sont ces autres ? Le Verbe est à la fois vie et lumière. Or, il est la
lumière des hommes, il est donc aussi la vie de ceux dont il est la lumière,
et ainsi lorsque l'Evangéliste dit qu'il est la vie, ce n'est point pour lui,
mais pour ceux dont il est la lumière. Cette vie est inséparable du Verbe de
Dieu, et elle existe par lui, aussitôt qu'elle a été faite, il faut, en
effet, que [la raison ou] le Verbe soit comme préexistant dans l'âme pour [la
purifier], et lui donner une pureté exempte de tout péché, afin que la vie
puisse s'introduire et se répandre dans celui qui s'est rendu capable de
recevoir le Verbe de Dieu. Aussi l'Evangéliste ne dit pas que le Verbe a été
fait au commencement; car on ne peut supposer de commencement où le Verbe de
Dieu n'existât point, mais la vie des hommes n'était pas toujours dans le
Verbe; cette vie des hommes a été faite, parce que cette vie était la lumière
des hommes. En effet, avant que l'homme existât, il n'était pas la lumière
des hommes, cette lumière ne pouvant se comprendre que dans ses rapports avec
les hommes. C'est pourquoi saint Jean dit : « Ce qui a été fait était vie
dans le Verbe, » et non pas : Ce qui était dans le Verbe était vie.
D'après une autre variante qui n'est pas dénuée de fondement, on lit : «
Ce qui a été fait en lui, était vie. » Or, si nous comprenons que la vie
des hommes qui est dans le Verbe, est celle dont il a dit : « Je suis la
vie, » (Jn 11, 14) nous en conclurons qu'aucun de ceux qui refusent de
croire à Jésus-Christ n'a la vie en lui, et que tous ceux qui ne vivent pas
en Dieu sont morts. |
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Leçon 8 : Et la vie était la lumière des
hommes.
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Lectio 8 [85981] Catena in Io., cap. 1 l. 8 Theophylactus.
Dixerat in ipso vita erat, ne putares quod absque vita sit verbum; nunc
ostendit quod vita sit spiritalis, et lux rationalibus cunctis; unde dicitur
et vita erat lux hominum; quasi dicat : lux ista non est sensibilis, sed
intellectualis, illuminans ipsam animam. Augustinus super Ioannem. Ex ipsa enim vita
illuminantur homines, pecora non illuminantur, quia non habent rationales
mentes, quae possint videre sapientiam; homo autem factus ad imaginem Dei,
habet rationalem mentem, per quam possit percipere sapientiam. Ergo illa vita
per quam facta sunt omnia, lux est, et non quorumcumque animalium, sed
hominum. Theophylactus. Non autem dixit : lux est solum
Iudaeis, sed omnium hominum; omnes enim homines, inquantum intellectum et
rationem recepimus ab eo quod nos condidit verbo, intantum ab eo illuminari
dicimur : nam ratio nobis tradita, per quam rationales dicimur, lux est ad
operanda nos dirigens et non operanda. Origenes in Ioannem. Non est autem praetermittendum
quod vitam praemittit luci hominum : inconsequens enim erat illuminari non
viventem, et advenire illuminationi vitam. Si autem idem est vita erat lux
hominum, quod solum hominum, erit Christus lux atque vita solorum hominum.
Hoc autem opinari haereticum est. Non igitur quidquid dicitur aliquorum, illorum
solum est : scriptum est enim de Deo, quod sit Deus Abraham, Isaac et Iacob;
non tamen istorum tantum patrum dictus est Deus. Non ergo ex eo quod dicitur
lux hominum, excluditur quin sit aliorum. Alius vero contendit ex eo quod
scriptum est : faciamus hominem ad imaginem nostram : quod quidquid ad
imaginem ac similitudinem Dei factum est, intelligi debet per hominem. Sic
igitur lux hominum lux cuiuslibet rationalis creaturae est. |
— Théophylactus : L'Evangéliste vient de dire : « En lui était la vie, » pour
éloigner de vous cette pensée, que le Verbe n'avait point la vie. Il vous
enseigne maintenant qu'il est la vie spirituelle et la lumière de tous les
êtres raisonnables : « Et la vie était la lumière des hommes » ;
comme s'il disait : Cette lumière n'est point sensible, c'est une lumière
toute spirituelle qui éclaire l'âme elle-même. —
Saint Augustin : (Traité 1 sur Saint Jean). C'est cette vie qui éclaire tous les
hommes; les animaux sont privés de cette lumière, parce qu'ils n'ont point
d'âmes raisonnables, capables de voir la sagesse. L'homme, au contraire, qui
a été fait à l'image de Dieu, est doué d'une âme raisonnable qui lui permet
de comprendre la sagesse. Ainsi cette vie qui a donné l'existence à toutes
choses, est en même temps la lumière, qui éclaire non pas indistinctement
tous les animaux, mais les hommes [raisonnables]. — Théophylactus : Il ne dit pas que cette lumière éclaire seulement les Juifs, c'est la
lumière de tous les hommes. Tous les hommes, en effet, par là même qu'ils
reçoivent l'intelligence et la raison du Verbe qui les a créés, sont éclairés
de cette divine lumière; car la raison qui nous a été donnée, et qui fait de
nous des êtres raisonnables, est la lumière qui nous éclaire sur ce que nous
devons faire et sur ce que nous devons éviter. — Origène : N'oublions pas de remarquer
que le Verbe est la vie avant d'être la lumière des hommes; il eût été peu
logique de dire qu'il éclairait ceux qui n'avaient point la vie, et de faire
précéder la vie par la lumière. Mais si ces paroles : « La vie était la
lumière des hommes, » doivent s'entendre exclusivement des hommes, il en
faudra conclure que Jésus-Christ n'est la lumière et la vie que des hommes
seuls, ce qui est hérétique. Lors donc qu'une chose est affirmée de
quelques-uns, ce n'est pas à l'exclusion des autres. Ainsi, il est écrit de
Dieu, qu'il est le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob; évidemment, il n'est
pas exclusivement le Dieu de ces patriarches. De ce qu'il est la lumière des
hommes, il ne s'ensuit donc point qu'il ne soit pas également la lumière pour
d'autres. Il en est qui s'appuient sur ces paroles : « Faisons l'homme à
notre image » pour soutenir qu'il faut ici comprendre sous le nom
d'hommes tous les êtres qui ont été faits à l'image et à la ressemblance de
Dieu; et ainsi la lumière des hommes, c'est la lumière qui éclaire toute
créature raisonnable. |
Lectio 9 |
Verset 5 : Et la lumière luit dans les
ténèbres et les ténèbres ne l'ont pas comprise.
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[85982] Catena in Io., cap. 1 l. 9 Augustinus in Ioannem. Quia vita illa est lux
hominum, sed stulta corda capere istam lucem non possunt, quia peccatis suis
aggravantur, ut eam videre non possint; ne ideo cogitent quasi absentem esse
lucem, quia eam videre non possunt, sequitur et lux in tenebris lucet, et
tenebrae eam non comprehenderunt. Quomodo enim homo positus in sole caecus,
praesens est illi sol, sed ipse soli absens est; sic omnis stultus caecus
est, et praesens est illi sapientia. Sed cum caeco praesens est, oculis eius
absens est : non quia illa ipsi absens est, sed quia ipse absens est ab illa.
Si tamen et tunc idem est vita et lux hominum, nullus
manens in tenebris perfecte vivere comprobatur, nec quisquam viventium
consistit in tenebris. Origenes in Ioannem. Tenebrae autem huiusmodi
hominum non natura sunt, secundum illud Pauli : eramus aliquando tenebrae,
nunc autem lux in domino. Origenes. Vel aliter. Lux in tenebris fidelium
animarum lucet, a fide inchoans, ad spem trahens. Imperitorum vero cordium
perfidia et ignorantia lucem verbi Dei in carne fulgentis non
comprehenderunt. Sed iste sensus moralis est. Physica vero horum verborum
theoria talis est. Humana natura, etsi non peccaret, suis propriis viribus
non lucere posset : non enim naturaliter lux est, sed particeps lucis : capax
siquidem sapientiae est, non ipsa sapientia. Sicut ergo aer per semetipsum
non lucet, sed tenebrarum vocabulo nuncupatur; ita nostra natura dum per
seipsam consideratur, quaedam tenebrosa substantia est, capax ac particeps
lucis sapientiae : et sicut aer dum solares radios participat, non dicitur
per se lucere, sed solis splendor in eo apparere; ita rationabilis nostrae
naturae pars, dum praesentiam verbi Dei possidet, non per se res
intelligibiles et Deum suum, sed per insitum sibi divinum lumen cognoscit.
Lux itaque in tenebris lucet : quia Dei verbum vita et lux hominum in nostra
natura, quae per se investigata et considerata, informis quaedam tenebrositas
invenitur, lucere non desinit : et quoniam ipsa lux omni creaturae est
incomprehensibilis, tenebrae eam non comprehenderunt. Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter totum ab illo
loco et vita erat lux hominum. Primum nos de conditione docuerat; deinde
dicit et quae secundum animam bona praebuit nobis veniens verbum; unde dicit
et vita erat lux hominum. Non dicit : lux Iudaeorum; sed universaliter
hominum : non enim Iudaei solum, sed et gentes ad hanc venerunt cognitionem.
Non autem adiecit : et Angelorum; quoniam ei de natura humana sermo est,
quibus verbum venit evangelizans bona. Origenes. Quaerunt autem quare non verbum lux
hominum dictum est, sed vita quae in verbo fit; quibus respondemus : quia
vita quae ad praesens, non ea quae communis est rationalium et irrationalium
dicitur, sed quae adiungitur verbo quod in nobis fit per participationem verbi
primarii, ad discernendum apparentem vitam et non veram, et cupiendam veram
vitam. Prius ergo participamus vitam quae apud quosdam quidem est potentia,
non actu lux; qui scilicet non sunt avidi perquirere quae ad scientiam
pertinent; apud quosdam vero et actu lux efficitur, qui, secundum apostolum,
aemulantur dona meliora, scilicet verbum sapientiae. Chrysostomus in Ioannem. Vita enim adveniente nobis, solutum est mortis
imperium; et luce lucente nobis, non ultra sunt tenebrae; sed semper manet vita
quam mors superare non potest, nec tenebrae lucem; unde sequitur et lux in
tenebris lucet. Tenebras mortem et errorem dicit : nam lux quidem sensibilis
non in tenebris lucet, sed sine illis; praedicatio vero Christi in medio
erroris regnantis fulsit; et eum disparere fecit, et in vitam mortem fecit
mortuus Christus, ita eam superans ut eos qui detinebantur reduceret. Quia
igitur neque mors eam superavit, neque error; sed fulgida est eius
praedicatio ubique, et lucet cum propria fortitudine; propterea subdit et
tenebrae eam non comprehenderunt. Origenes. Est etiam sciendum, quod sicut lux hominum
nomen est duarum spiritualium rerum, sic et tenebrae : dicimus enim hominem
lucem possidentem, opera lucis perficere, et etiam cognoscere quasi
illustratum lumine scientiae; et e contrario tenebras dicimus illicitos
actus, et eam quae videtur scientia, non est autem. Sicut autem pater lux
est, et in eo tenebrae non sunt ullae, sic et salvator. Sed quia
similitudinem carnis peccati subiit, non incongrue de eo dicitur, quod
tenebrae in eo sunt aliquae, ipso in se suscipiente nostras tenebras ut eas
dissiparet. Haec igitur lux, quae facta est vita hominum, radiat in tenebris
animarum nostrarum, et venit ubi princeps tenebrarum harum cum genere bellat
humano. Hanc lucem persecutae sunt tenebrae : quod patet ex his quae salvator
et eius filii sustinent, pugnantibus tenebris contra filios lucis. Verum quia
Deus patrocinatur, non invalescunt; unde non apprehendunt lucem, vel quia
celeritatem cursus lucis subsequi non valent propter propriam tarditatem, vel
quia si supervenientem expectant, fugantur luce appropinquante. Oportet autem
id considerare, quod non semper tenebrae in sinistra parte sumuntur, sed
quandoque in bona, posuit tenebras latibulum suum, dum ea quae sunt erga
Deum, ignota et imperceptibilia sunt. De hac ergo laudata caligine dicam,
quoniam versus lucem pergit, illamque apprehendit : quia quod erat caligo,
dum ignorabatur, in lucem cognitam vertitur ei qui didicit. Augustinus de Civ. Dei. Hoc autem initium sancti
Evangelii quidam Platonicus aureis litteris perscribendum, et per omnes
Ecclesias in locis eminentissimis proponendum esse dicebat. Beda in Ioannem. Nam alii Evangelistae Christum in
tempore natum describunt, Ioannes vero eumdem in principio testatur fuisse,
dicens in principio erat verbum. Alii inter homines eum subito apparuisse
commemorant; ille ipsum apud Deum semper fuisse testatur, dicens et verbum
erat apud Deum. Alii eum verum hominem, ille verum confirmat Deum, dicens et
Deus erat verbum. Alii hominem apud homines eum temporaliter conversatum;
ille Deum apud Deum in principio manentem ostendit, dicens hoc erat in
principio apud Deum. Alii magnalia quae in homine gessit perhibent; ille quod
omnem creaturam per ipsum Deus pater fecerit, docet, dicens omnia per ipsum
facta sunt, et sine ipso factum est nihil. |
—
Saint Augustin : (Traité 1 sur Saint Jean). Cette vie était donc la lumière des
hommes, mais les cœurs des insensés ne peuvent comprendre cette lumière,
appesantis qu'ils sont par leurs péchés qui leur dérobent la vue de cette
divine lumière. Toutefois, qu'ils ne croient pas que cette lumière est loin
d'eux, parce qu'ils ne peuvent la voir : « Et la lumière luit dans les
ténèbres, dit l'Evangéliste, et les ténèbres ne l'ont pas comprise. »
Placez un aveugle devant le soleil, le soleil lui est présent, mais il est
comme absent pour le soleil. Or, tout insensé est un aveugle; la sagesse est
devant lui, mais comme elle est devant un aveugle, elle est comme absente à
ses yeux, non parce qu'elle est loin de lui, mais parce qu'il est loin
d'elle. — Origène : (Traité 3 sur Saint Jean). Si la vie est la même chose que la
lumière des hommes, aucun de ceux qui sont dans les ténèbres ne vit
véritablement, comme aucun de ceux qui sont vivants n'est dans les ténèbres, car tout homme qui a la vie
est dans la lumière, comme réciproquement tout homme qui est dans la lumière
a la vie en lui. Or, d'après ce que nous avons dit des contraires, nous
pouvons comprendre et apprécier ici les contraires dont l'Evangéliste ne
parle pas. Le contraire de la vie c'est la mort, et le contraire de la
lumière des hommes, ce sont les ténèbres qui couvrent leur intelligence. Donc
celui qui est dans les ténèbres est aussi dans la mort, et celui qui fait des
œuvres de mort ne peut être que dans les ténèbres; celui au contraire qui
fait des œuvres de lumière, ou celui dont les œuvres brillent devant les
hommes, et qui a toujours présent le souvenir de Dieu, n'est point dans la
mort, d'après cette parole du Psaume sixième : « Celui qui se souvient de
vous n'est point redevable à la mort. » Que les ténèbres des hommes et de la mort soient
telles de leur nature ou pour d'autres causes, c'est une autre question. Or,
nous étions autrefois ténèbres, mais nous sommes devenus lumière en Notre
Seigneur (Ep 5), si nous sommes tant soit peu
initiés à la sainteté et à la vie spirituelle. Tout homme qui a été autrefois
ténèbres, l'a été comme l'apôtre saint Paul, tout en demeurant capable de
devenir lumière dans le Seigneur. — (Hom. 2 sur div. suj). Ou
bien encore, dans un autre sens, la lumière des hommes, c'est Notre Seigneur
Jésus-Christ, qui s'est manifesté lui-même dans la nature humaine à toute
créature raisonnable et intelligente, et a révélé aux cœurs des fidèles les
mystères de sa divinité qui le rend égal au Père; ce que saint Paul exprime
en ces termes : « Vous étiez autrefois ténèbres, vous êtes maintenant lumière
dans le Seigneur. » Dites donc : « La lumière luit dans les ténèbres, » parce
que le genre humain tout entier était plonge, non par nature, mais par suite
du péché originel dans les ténèbres de l'ignorance qui lui dérobaient la
connaissance de la vérité; or Jésus-Christ, après être né d'une Vierge, a
brillé comme une vive lumière dans le cœur de tous ceux qui veulent le
connaître. Il en est toutefois qui persistent à demeurer dans les ténèbres
épaisses de l'impiété et de l'incrédulité, voilà pourquoi l'Evangéliste
ajoute : « Et les ténèbres ne l'ont point comprise, » c'est-à-dire, la lumière luit dans les ténèbres des âmes
fidèles, ténèbres qu'elle dissipe en faisant naître la foi et en conduisant à
l'espérance. Mais l'ignorance et la perfidie des cœurs privés de la sagesse
n'ont pu comprendre la lumière du Verbe de Dieu qui brillait dans une chair
mortelle. Telle est l'explication morale de ces paroles; en voici le sens
littéral : La nature humaine, en la supposant même exempte de péché, ne
pourrait pas luire par ses propres forces, car de sa nature elle n'est pas
lumière, mais capable seulement de participer à la lumière; elle peut
recevoir la sagesse, mais elle n'est pas la sagesse elle-même. L'air qui nous
environne ne luit point par lui-même et ne mérite que le nom de ténèbres.
Ainsi notre nature, considérée en elle-même, est une certaine substance
ténébreuse, capable d'être éclairée par la lumière de la sagesse. Lorsque
l'atmosphère est pénétrée par les rayons du soleil, on ne peut pas dire
qu'elle luit par elle-même, mais qu'elle est éclairée par la lumière du
soleil; ainsi, lorsque la partie intelligente de notre nature jouit de la
présence du Verbe, ce n'est point par elle-même qu'elle arrive à la
connaissance des réalités intelligibles et de son Dieu, mais par la lumière
divine, qui l'éclairé de ses rayons. La lumière luit donc dans les ténèbres,
parce que le Verbe de Dieu, qui est la vie et la lumière des hommes, ne cesse
de répandre cette lumière dans notre nature qui, considérée en elle-même,
n'est qu'une substance ténébreuse et informe, et comme la lumière par
elle-même est incompréhensible à toute créature, c'est avec raison que
l'Evangéliste ajoute : « Et les ténèbres ne l'ont point comprise. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 4 sur Saint Jean). On peut encore expliquer ces paroles :
« La vie était la lumière des hommes » dans un autre sens :
L'Evangéliste a voulu d'abord nous parler de la création, et il nous apprend
ensuite les biens spirituels dont le Verbe nous a comblés en venant parmi
nous, en disant : « Et la vie était la lumière des hommes. » Il ne dit
pas : Il était la lumière des Juifs, mais [il était la lumière] de tous les
hommes sans exception; car ce ne sont pas seulement les Juifs, mais les
Gentils, qui sont parvenus à la connaissance du Verbe. S'il n'ajoute pas [qu'il
était la lumière] des anges, c'est qu'il parle seulement ici de la nature humaine
à laquelle le Verbe de Dieu est venu annoncer de si grands biens. — Origène : (Traité 1 sur Saint Jean). On nous demande pourquoi ce n'est
point le Verbe qui est appelé la lumière des hommes, mais la vie qui est dans
le Verbe ? Nous répondons que la vie dont il est ici question n'est pas la
vie qui est commune aux créatures raisonnables et non douées de raison, mais
celle qui est unie au Verbe et qui nous est donnée par la participation à ce
Verbe primitif [et essentiel], pour nous faire discerner la vie apparente et
sans réalité et désirer la véritable vie. Nous participons donc premièrement
à la vie qui, pour quelques-uns, n'est point encore la possession actuelle de
la lumière, mais la faculté de la recevoir, parce qu'ils n'ont point un désir
assez vif de ce qui peut leur donner la connaissance. Pour d'autres, au
contraire, cette vie est la participation actuelle à la lumière, ce sont ceux
qui, suivant le conseil de l'Apôtre, recherchent les dons les plus parfaits
(1 Co 12), c'est le Verbe de la sagesse. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 4 sur Saint Jean). [Ou bien encore, la vie dont parle
ici l'Evangéliste, n'est pas seulement celle que nous avons reçue par la
création, mais la vie éternelle et immortelle qui nous est préparée par la
providence de Dieu]. Lorsque nous entrons en possession de cette vie,
l'empire de la mort est à jamais détruit, et dès que cette lumière brille à
nos yeux, les ténèbres disparaissent sans retour; ni la mort ne peut
triompher de cette vie qui est éternelle, ni les ténèbres obscurcir celte
lumière qui ne s'éteindra jamais. « Et la lumière luit dans les ténèbres.
» Ces ténèbres, c'est la mort et l'erreur, car la lumière sensible ne
luit pas dans les ténèbres, mais elles disparaissent à son approche, tandis
que la prédication de Jésus-Christ a brillé au milieu de l'erreur qui
étendait son règne sur toute la terre et l'a chassée devant elle; et
Jésus-Christ, par sa mort, a changé la mort en vie et a remporté sur elle un
triomphe si complet, qu'il a délivré ceux qu'elle retenait captifs. C'est
donc parce que cette prédication n'a pu être vaincue ni par la mort, ni par
l'erreur, et qu'elle brille de toute part du plus vif éclat et par sa propre
force, que l'Evangéliste ajoute : « Et les ténèbres ne l'ont point
comprise. » — Origène : (Traité 4 sur Saint Jean). Il faut savoir que le mot ténèbres,
comme le nom de lumière pour les hommes, signifie deux choses spirituelles.
Nous disons d'un homme qui est en possession de la lumière, qu'il fait les
œuvres de la lumière, et qu'il puise la connaissance au sein même de la
lumière de la science. Tout au contraire, nous appelons ténèbres les actes
coupables et la fausse science qui n'a que l'apparence de la science. Mais de
même que le Père est lumière et qu'il n'y a point en lui de ténèbres (1 Jn 1,
5), ainsi en est-il du Sauveur. Toutefois, comme il a revêtu la ressemblance
de la chair du péché (Rm 8), on peut dire sans inconvenance, qu'il y a en lui
quelques ténèbres, puisqu'il a pris sur lui nos ténèbres pour les dissiper.
Cette lumière, qui est devenue la vie des hommes, brille au milieu des
ténèbres de nos âmes, et répand ses clartés là où le prince de ces ténèbres
est en guerre avec le genre humain. (Ep 6) Les ténèbres ont persécuté cette
lumière, comme le prouve ce que le Sauveur et ses disciples ont eu à souffrir
dans ce combat des ténèbres contre les enfants de lumière. Mais grâce à la
protection divine, ces ténèbres restent sans force, et ne peuvent s'emparer
de la lumière, ou parce que la lenteur naturelle de leur marche ne leur permet
pas de suivre la course rapide de la lumière, ou parce qu'elles sont mises en
fuite à son approche si elles attendent son arrivée. Remarquons que les
ténèbres ne sont pas toujours prises en mauvaise part, et qu'elles sont
quelquefois le symbole d'une bonne chose, par exemple, dans ce passage [du
Psalmiste] : « Il a choisi sa retraite dans les ténèbres, »
c'est-à-dire que tout ce qui a rapport à Dieu, est comme caché et
incompréhensible pour l'intelligence humaine. Les ténèbres, entendues dans ce
sens, conduisent à la lumière et finissent par la saisir, car ce que
l'ignorance couvrait comme d'un nuage devient une lumière éclatante pour
celui qui a cherché à la connaître. —
Saint Augustin : (De la cité de Dieu, 10, 3).
Un platonicien a dit que le commencement de ce saint Evangile devrait être
écrit en lettres d'or et placé dans l'endroit le plus éminent de toutes les
Eglises. —
Saint Bède : En effet, les autres
Evangélistes racontent la naissance temporelle du Christ; saint Jean nous
affirme qu'il était au commencement, en disant : « »Au
commencement était le Verbe ». Les autres le font descendre aussitôt
du haut du ciel parmi les hommes; saint Jean déclare qu'il a toujours été
avec Dieu : « Et le Verbe était avec Dieu. » Les trois premiers
évangélistes décrivent sa vie mortelle au milieu des hommes; lui le présente
comme Dieu, en disant : « Et le Verbe était Dieu ». Les
autres le montrent vivant, en homme, parmi les hommes, dans le temps ; saint
Jean nous le présente comme Dieu étant avec Dieu au commencement : « Il
était au commencement avec Dieu. » Les trois autres racontent les grandes
choses qu'il a faites comme homme; saint Jean nous enseigne que Dieu le Père
a fait toutes choses par lui : « Toutes choses ont été faites par lui, et
rien n'a été fait sans lui. » |
Lectio 10 |
Versets 6-8.
|
[85983] Catena in Io., cap. 1 l. 10 Augustinus
in Ioannem. Ea quae dicta sunt superius, de divinitate Christi dicta sunt,
qui sic venit ad nos secundum quod apparuit homo. Quia igitur sic erat homo
ut lateret in illo Deus, missus est ante illum magnus homo, per cuius
testimonium inveniretur plusquam homo. Et quis est hic? Fuit homo. Theophylactus. Non Angelus, ut suspicionem multorum
destrueret. Augustinus. Et quomodo posset iste verum de Deo
dicere, nisi missus a Deo? Chrysostomus in Ioannem. Nihil de reliquo humanum
esse aestimo eorum quae dicuntur ab illo : non enim quae eius sunt, sed quae
mittentis omnia loquitur : ideo et Angelus nuncupatus est a propheta dicente
: ego mitto Angelum meum. Angeli enim virtus est nihil proprium dicere. Hoc
autem quod dicit fuit missus, non eius qui ad esse processus ostensivum est.
Sicut autem Isaias missus fuit non aliunde quam a mundo, sed a statu quo
vidit dominum sedentem super solium excelsum et elevatum, ad plebem; sic et
Ioannes a deserto ad baptizandum mittitur; ait enim : qui misit me baptizare,
ille mihi dixit : super quem videris spiritum descendentem et manentem super
eum, hic est qui baptizat in spiritu sancto. Augustinus. Quid vocabatur? Cui nomen erat Ioannes.
Alcuinus. Idest gratia Dei, vel in quo est gratia,
qui gratiam novi testamenti, idest Christum, suo testimonio primum mundo
innotuit. Vel Ioannes interpretatur cui donatum est, quia per gratiam Dei
donatum est illi regem regum non solum praecurrere, sed etiam baptizare. Augustinus in Ioannem. Quare venit? Hic venit in
testimonium, ut testimonium perhiberet de lumine. Origenes in Ioannem. Quidam improbare nituntur edita
de Christo testimonia prophetarum, dicentes non egere testibus Dei filium
habentem credulitatis sufficientiam tum in his quae protulit salubribus
verbis, tum in mirabilibus operibus suis. Siquidem et Moyses credi meruit per
verbum et virtutes, non egens praeviis testibus. Ad hoc dicendum est, quod
multis existentibus causis inducentibus ad credendum, plerumque quidam ex hac
demonstratione non admirantur, ex alia vero habent causam ut credant. Deus
autem est qui pro cunctis hominibus homo factus est. Constat igitur quosdam
ex dictis propheticis ad Christi admirationem coactos, mirantes tot prophetarum
ante eius adventum voces, constituentes nativitatis eius locum, et alia
huiusmodi. Illud quoque advertendum, quod prodigiosae virtutes ad credendum
provocare poterant eos qui tempore Christi erant, non autem post longa
tempora : nam fabulosa quaedam aestimata fuerunt : plus enim peractis
virtutibus facit ad credulitatem quae cum virtutibus quaeritur prophetia. Est
autem et tale quid dicere, quod quidam in hoc quod testimonium perhibent Deo,
honorati sunt. Privare vult ergo chorum prophetarum ingenti gratia qui dicit,
illos non oportere de Christo testimonium exhibere. Accessit autem his
Ioannes, ut testimonium de luce perhibeat. Chrysostomus in Ioannem. Non ea indigente
testimonio, sed propter quid, ipse Ioannes docet, dicens ut omnes crederent per
illum. Sicut enim carnem induit, ne omnes perderet; ita et praeconem hominem
misit, ut cognatam audientes vocem, facilius advenirent. Beda. Non autem ait : ut omnes crederent in illum :
maledictus enim homo qui confidit in homine; sed ut omnes crederent per
illum; hoc est, per illius testimonium crederent in lucem. Theophylactus. Si vero aliqui non crediderint,
excusabilis permanet ipse : nam sicut si aliquis includens se in domo
caliginis, et ipsum solis radius non illustret, ipse causam tribuit, et non
sol; sic Ioannes, ut omnes crederent, missus fuit; sed si minime consecutum
est, ipse huius rei causa non extitit. Chrysostomus. Quia vero multum apud nos maior qui
testatur, eo cui testimonium perhibet, et dignior fide esse videtur; ne quis
et de Ioanne hoc suspicetur, hanc suspicionem destruit, dicens non erat ille
lux; sed ut testimonium perhiberet de lumine. Si vero non huic instans
opinioni hoc resumpsit ut testimonium perhiberet de lumine, superfluum esset
quod dicitur, et magis iteratio sermonis quam explanatio doctrinae. Theophylactus. Sed dicet aliquis : ergo neque
Ioannem, neque sanctorum quempiam lucem esse vel fuisse dicemus. Sed si
sanctorum aliquem lucem velimus dicere, ponemus lucem absque articulo; ut si
interrogatus fueris utrum Ioannes est lux sine articulo, secure concedas; si
vero cum articulo, non concedas. Non enim est ipsa lux principalior; sed lux
dicitur quia secundum participationem lucem habeat a vero lumine. |
— Saint Augustin : (Traité 2 sur Saint Jean). Tout ce qui précède avait pour objet
la divinité de Jésus-Christ, qui, en venant à nous, s'est revêtu d'une forme
humaine. Mais comme dans le Verbe fait chair, l'humanité cachait un Dieu; un
homme extraordinaire fut envoyé devant lui, pour découvrir en lui, par son
témoignage, davantage qu’un homme. Et quel a été cet envoyé ? « Il y eut
un homme. » — Théophylactus : Ce ne fut pas un ange, pour détruire les idées qu'un grand nombre
s'était faites [de la nature de Jean-Baptiste]. —
Saint Augustin : Et comment pourra-t-il nous dire
la vérité en parlant de Dieu ? « Il fut envoyé de Dieu. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 6 sur Saint Jean). J’estime que cet envoyé de Dieu
tienne un langage purement humain, ce n'est point de lui-même qu'il vient
parler, toutes ses paroles lui sont dictées par celui qui l'a envoyé; c'est
pour cela qu'un prophète lui donne le nom d'ange en parlant de lui : «
Voici que j'envoie mon ange, » car le propre d’un ange (ou envoyé), c’est
de ne rien dire qui lui soit propre. Ces paroles : « Il fut envoyé, » ne
signifie pas un acte qui tend à donner l'être, [mais qui destine à
l'accomplissement d'un ministère]. De même qu'Isaïe ne fut pas appelé d'autre
part que du monde où il était, et qu'il fut envoyé au peuple du moment qu'il
eut vu le Seigneur assis sur un trône sublime et élevé; ainsi Jean fut envoyé
du désert pour baptiser, comme il l'atteste lui-même : « Celui qui m'a
envoyé baptiser, m'a dit : Celui sur lequel vous verrez l’Esprit Saint
descendre et demeurer au-dessus de lui, c’est Lui qui baptise dans l’Esprit
Saint ». —
Saint Augustin : Comment s'appelait-il ? «
Son nom était Jean. » —
Alcuin : c'est-à-dire, grâce de Dieu
ou celui en qui était la grâce de Dieu, c'est-à-dire, celui qui, le premier,
a fait connaître la grâce de Dieu, c'est-à-dire Jésus-Christ au monde par son
témoignage. Ou bien encore, le nom de Jean signifie il a été donné, parce
qu'il lui a été donné par la grâce de Dieu, non seulement d'être le
précurseur du Roi des rois, mais de le baptiser. —
Saint Augustin : Pourquoi fût-il envoyé ? «
Il vint comme témoin pour rendre témoignage à la lumière. » — Origène : (Traité 5 sur Saint Jean). Il en est qui cherchent à jeter le
blâme sur les témoignages que les prophètes ont rendus à Jésus-Christ, et qui
prétendent que le Fils de Dieu n'a pas besoin de témoins, et qu'il présente
des motifs suffisants de crédibilité, soit dans ses enseignements salutaires,
soit dans ses miracles tout divins. Moïse lui-même, disent-ils, ne mérita
créance que par ses paroles et ses actions d’éclat, sans avoir besoin d'être
précédé par des témoins. Nous répondons qu'il est un grand nombre de motifs
qui peuvent déterminer la foi, mais que tel motif, malgré sa force apparente,
ne produira sur quelques-uns aucune impression, tandis que tel autre sera
tout-puissant pour les amener à la foi. Or, Dieu a [des moyens à l'infini
pour amener] les hommes à croire qu'un Dieu a daigné se faire homme pour
sauver les hommes. Aussi est-ce un fait certain que les oracles des prophètes
en ont forcé un grand nombre à croire à la divinité de Jésus-Christ, étonnés
qu'ils étaient de voir que tant de prophètes l'avaient annoncé avant son
avènement, et prédit d'une manière précise le lieu de sa naissance, et
d'autres circonstances semblables. Il faut encore remarquer que les miracles extraordinaires
opérés par Jésus-Christ, avaient plus de force pour amener à la foi ceux qui
en étaient témoins ou ses contemporains, mais que plusieurs siècles après [ils
pouvaient n'avoir plus la même puissance], et passer même aux yeux de
quelques-uns pour des fables. Donc, lorsqu'un long espace de temps nous
sépare de ces miracles, le motif le plus fort de crédibilité, ce sont les
prophéties jointes aux miracles. Disons encore, que par ce témoignage rendu à
Dieu, plusieurs se sont couverts de gloire. C'est donc vouloir enlever au
chœur des prophètes la grâce signalée qui lui a été faite, que de contester
l'utilité des témoignages qu'ils ont rendus à Jésus-christ. Jean est venu se
joindre à ces prophètes, en rendant lui-même témoignage à la lumière. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 5 sur Saint Jean). Ce n'est pas sans doute que la
lumière eût besoin de témoignage, mais l'Evangéliste nous apprend le vrai
motif de la mission de Jean, dans les paroles suivantes : « afin que tous
crussent par lui. » Le Fils de Dieu a pris une chair mortelle pour sauver
tous les hommes d'une perte inévitable, et c'est par suite du même dessein
qu'il envoie devant lui un homme pour précurseur, afin que cette voix d'un de
leurs semblables les déterminât plus facilement à venir à lui. —
Saint Bède : L'Evangéliste ne dit pas : afin
que tous crussent en lui, (car maudit est l'homme qui met sa confiance dans
l'homme), (Jr 17, 5) mais : « afin que tous crussent par lui, »
c'est-à-dire, que tous par son témoignage crussent à cette lumière. — Théophylactus : Que quelques-uns aient refusé de croire, Jean n'en est pas
responsable. Si un homme s'enferme dans une maison obscure, et se prive ainsi
de voir les rayons du soleil, la faute n'en est pas au soleil mais bien à
lui-même; ainsi Jean a été envoyé, afin que tous crussent par lui; si ce but
n'a pas été entièrement atteint, le saint précurseur n'en est pas la cause. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 6 sur Saint Jean). D'après l'opinion commune, celui qui
rend témoignage nous paraît ordinairement supérieur à celui qui est l'objet
de son témoignage, et plus digne de foi; aussi l'Evangéliste se hâte de
détruire ici ce préjugé à propos de Jean en ajoutant : « Il n'était pas la
lumière, mais il était venu pour rendre témoignage à la lumière. » Si
telle n'a pas été son intention en répétant ces paroles : « pour rendre
témoignage à la lumière, » ce membre de phrase est complètement superflu.
Ce n'est pas un développement de la doctrine, c'est une répétition de mots
inutiles. —
Théophylactus : Mais la conclusion de ces paroles n'est-elle pas que ni Jean-Baptiste,
ni aucun autre saint n'ont été ou ne sont la lumière ? Si nous voulons donner
à un saint le nom de lumière, il faut employer le mot lumière sans article;
si l'on vous demande, par exemple : Jean est-il la lumière ? répondez qu'il
est lumière, sans mettre l'article, mais non pas la lumière avec l'article;
car il n'est pas la lumière par excellence, et il n'est lumière, que parce
qu'il est entré en participation de la vraie lumière. |
Lectio 11 |
Verset 9
|
[85984] Catena in Io., cap. 1 l.
11 Augustinus in Ioannem. De quo lumine Ioannes testimonium perhibeat,
ostendit dicens erat lux vera. Chrysostomus in Ioannem. Vel
aliter. Quia superius de Ioanne dixerat, quod venit et missus est ut testetur
de luce, ne quis hoc audiens propter testantis recentem praesentiam, de eo
cui testimonium perhibetur, talem quamdam suspicionem accipiat, reduxit
mentem, et ad eam quae supra omne principium est, transmisit existentiam,
dicens erat lux vera. Augustinus. Quare additum est
vera? Quia et homo illuminatus dicitur lux; sed vera lux illa est quae
illuminat; nam et oculi nostri dicuntur lumina, et tamen nisi aut per noctem
lucerna accendatur, aut per diem sol exeat, lumina illa sine causa patent;
unde subdit quae illuminat omnem hominem. Si omnem hominem, ergo et ipsum
Ioannem. Ipse ergo illuminabat, a quo se demonstrari volebat. Quomodo enim
plerumque fit ut in aliquo corpore radiato cognoscatur ortus esse sol quem
oculis videre non possumus; quia etiam qui saucios habet oculos, idonei sunt
videre parietem illuminatum, aut aliquid huiusmodi; sic omnes ad quos venerat
Christus, minus erant idonei eum videre. Radiavit Ioannem, et per illum
confitentem se illuminatum cognitus est ille qui illuminat. Dicit autem
venientem in hunc mundum, nam si illinc non recederet, non esset
illuminandus; sed ideo hic illuminandus, quia illinc recessit ubi homo
poterat esse illuminatus. Theophylactus. Erubescat
Manichaeus, qui conditoris maligni et tenebrosi nos asserit creaturas : non
enim illuminaremur, si veri luminis creaturae non essemus. Chrysostomus in Ioannem. Ubi
sunt etiam qui non dicunt eum verum Deum? Hic enim lux vera dicitur. Sed si
illuminat omnem hominem venientem in hunc mundum, qualiter tot sine lumine permanserunt?
Non enim omnes cognoverunt Christi culturam. Illuminat igitur omnem hominem
quantum ad eum pertinet; si autem quidam mentis oculos claudentes noluerunt
recipere lucis huius radios, non a lucis natura obtenebratio est eis, sed a
malitia eorum, qui voluntarie privant seipsos gratiae dono : nam gratia
quidem ad omnes effusa est; qui vero nolunt dono hoc frui, sibi ipsis hanc
imputent caecitatem. Augustinus Enchir. Vel quod
dicitur illuminat omnem hominem, sic intelligimus : non quia nullus est
hominum qui non illuminetur; sed quia nisi ab ipso nullus illuminatur. Beda. Sive naturali ingenio,
sive sapientia divina : sicut enim nemo a seipso esse, sic etiam nemo a
seipso sapiens esse potest. Origenes. Vel aliter. Non de
his qui de occultis seminum causis in species corporales procedunt, debemus
intelligere quod illuminat omnem hominem venientem in hunc mundum; sed de his
qui spiritualiter per regenerationem gratiae, quae datur in Baptismate, in
mundum veniunt invisibilem. Eos itaque vera lux illuminat qui in mundum
virtutum veniunt, non eos qui in mundum vitiorum ruunt. Theophylactus. Vel aliter.
Intellectus nobis traditus, ac nos dirigens, qui et naturalis ratio
nominatur, dicitur lux tradita nobis a Deo. Sed quidam male ratione utentes,
seipsos obscuraverunt. |
—
Saint Augustin : (Traité 2 sur Saint Jean). Nous voyons ici quelle est cette
lumière à laquelle Jean-Baptiste rend témoignage : « Celui-là était la
vraie lumière. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 6 sur Saint Jean). Ou bien encore, l'Evangéliste venait
de dire que Jean-Baptiste avait été envoyé et était venu pour rendre
témoignage à la lumière. Or, ce témoignage d'un homme envoyé tout récemment
pouvait faire croire à l'origine récente aussi de celui à qui il rendait
témoignage; il élève donc aussitôt nos pensées vers cette existence
antérieure à tout commencement, [et qui ne doit jamais avoir de fin] : «
Celui-là était la vraie lumière.» —
Saint Augustin : (Traité 2 sur Saint Jean). Pourquoi saint Jean ajoute-t-il le
mot « vraie » ? C'est qu'on donne aussi à l'homme qui est éclairé
le nom de lumière, mais la vraie lumière est celle qui éclaire elle-même. Nos
yeux aussi sont appelés des lumières, et cependant c'est en vain que ces
lumières sont ouvertes, si pour les éclairer, on n'allume une lampe pendant
la nuit, où si dans le jour le soleil ne répand sur eux ses clartés. Aussi
l'Evangéliste ajoute : « qui éclaire tout homme. » Si elle éclaire
tout homme, elle éclaire donc Jean lui-même. Elle éclairait donc celui
qu'elle avait choisi pour lui rendre témoignage. Il arrive souvent que le
soleil nous fait connaître son lever par la lumière qu'il fait rayonner sur
les corps, et cependant nous ne pouvons le voir de nos yeux. Ainsi ceux qui
ont les yeux trop malades [ou trop faibles pour voir le soleil], peuvent
cependant les arrêter sur un mur qui réfléchit sa lumière, sur une montagne ou
sur tout autre objet semblable. Il en était de même de ceux au milieu
desquels Jésus-Christ était venu, et qui étaient encore beaucoup moins
capables de le voir. Il a donc éclairé Jean de ses rayons, et Jean, qui
confessait hautement la source d'où lui venait cette lumière, fit connaître
ainsi celui qui l'éclairait. Il ajoute : « venant en ce monde, » c'est
qu'en effet, si l'homme ne venait pas en ce monde, il n'aurait pas besoin
d'être éclairé, mais il faut qu'il soit éclairé, parce qu'il a quitté
l'endroit où il aurait joui toujours de cette divine lumière. — Théophylactus : Que le manichéen rougisse d'oser dire que nous sommes l'œuvre d'un
Créateur mauvais et ténébreux; car jamais nous ne pourrions être éclairés si
nous n'étions les créatures de la vraie lumière. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 8 sur Saint Jean). Où sont aussi ceux qui prétendent que
Jésus-Christ n'est pas le vrai Dieu ? alors qu'il est appelé ici la vraie
lumière. Mais s'il éclaire tout homme venant en ce monde, comment se fait-il
qu'un si grand nombre soient demeurés en dehors de cette lumière ? Car tous
n'ont pas connu le culte qui est dû à Jésus-Christ. Il éclaire tout homme,
autant qu'il dépend de lui. Mais s'il en est qui ont fermé volontairement les
yeux de leur âme pour ne point recevoir les rayons de cette divine lumière,
les ténèbres dans lesquelles ils demeurent plongés, ne viennent pas de la
nature de la lumière, mais de la malice de ceux qui se privent volontairement
du don de la grâce. Car la grâce a été répandue sur tous les hommes et ceux
qui ont refusé de la recevoir, ne doivent imputer qu'à eux-mêmes leur
aveuglement. —
Saint Augustin : (Enchirid,, 109). Ces
paroles : « qui éclaire tout homme, » veulent dire non pas que tous
les hommes sans exception sont éclairés, mais que personne ne peut l'être que
par cette lumière. —
Saint Bède : Il nous éclaire, soit en
nous donnant la raison, soit en répandant en nous sa divine sagesse; car nous
ne pouvons nous donner la sagesse, pas plus que nous n'avons pu nous donner
l'existence. — Origène : (hom. 2 sur div. suj). Ou
bien encore, nous ne devons pas entendre ces paroles : « qui éclaire tout
homme venant en ce monde, » de ceux qui entrent dans le monde avec un
corps formé d'après les principes secrets qui président à la génération, mais
de ceux qui entrent dans le monde invisible par la régénération spirituelle
de la grâce conférée par le baptême. Voilà pourquoi cette lumière éclaire ceux
qui entrent dans le monde des vertus, et non pas ceux qui se précipitent dans
le monde des vices. — Théophylactus : Ou bien encore, cette lumière qui nous est donnée de Dieu, c'est
l'intelligence dont il nous a dotés pour nous diriger ici-bas, intelligence
qui s'appelle aussi la raison naturelle, mais un grand nombre, par le mauvais
usage de la raison, se sont jetés eux-mêmes dans les ténèbres. |
Lectio 12 |
Verset 10
|
[85985] Catena in Io., cap. 1 l.
12 Augustinus in Ioannem. Lux quae illuminat omnem hominem venientem in
hunc mundum, huc venit per carnem : quia dum hic esset per divinitatem, a
stultis, caecis et iniquis videri non poterat, de quibus supra dictum est
tenebrae eam non comprehenderunt : et ideo dicitur in mundo erat. Origenes. Ut enim qui loquitur,
dum loqui cessat, vox eius esse desinit, et evanescit, sic caelestis pater,
si verbum suum loqui cessaverit, effectus verbi, hoc est universitas verbo
condita, non subsisteret. Non autem putes
quia sic erat in mundo quomodo in mundo est terra, pecora, et homines; sed
quomodo artifex regens quod fecit; unde sequitur et mundus per ipsum factus
est. Non enim sic fecit quomodo facit faber : qui enim fabricat, extrinsecus
est ad illud quod fabricat. Deus autem infusus mundo, fabricat ubique positus,
et non recedit ab aliquo : praesentia maiestatis facit quod facit, et
gubernat quod facit. Sic ergo erat in mundo, quomodo per quem factus est
mundus. Chrysostomus. Et iterum, quia
in mundo erat, sed non ut mundi contemporaneus, propter hoc induxit et mundus
per ipsum factus est; per hoc et rursus te deducens ad aeternam existentiam
unigeniti; qui enim audierit quoniam opus eius hoc totum, et si valde
insensibilis fuerit, cogetur concedere ante opera esse factorem. Theophylactus. Simul autem hic
et Manichaei subvertit rabiem, qui malignum conditorem cuncta produxisse
dicebat; necnon et Arii, qui filium Dei dicebat creaturam. Augustinus. Quid est autem
mundus per ipsum factus est? Caelum, terra, mare et omnia quae in eis sunt,
mundus dicitur. Iterum in alia significatione, dilectores mundi mundus
dicuntur; de quo sequitur et mundus eum non cognovit. Num enim caeli, aut
Angeli, aut sidera non cognoverunt creatorem, quem confitentur Daemonia,
omnia undique testimonium perhibuerunt? Sed qui non cognoverunt eum? Qui
amando mundum, dicti sunt mundus : amando enim mundum, habitamus corde in
mundo : nam qui non diligunt mundum, carne versantur in mundo, sed corde
inhabitant caelum; sicut apostolus dicit : nostra conversatio in caelis est.
Amando igitur mundum, hoc appellari meruerunt ubi habitant. Quomodo enim cum
dicimus : mala est illa domus aut bona, non parietes incusamus aut laudamus,
sed inhabitantes, sic et mundum dicimus qui inhabitant mundum amando. Chrysostomus in Ioannem. Qui
autem Dei erant amici, eum cognoverunt, etiam ante corporalem praesentiam :
unde et Christus ait quoniam Abraham pater vester exultavit ut videret diem
meum. Cum ergo nos interpellant gentiles, dicentes : quid est quod in ultimo
tempore venit nostram operaturus salutem, tanto tempore negligens nos?
Dicimus, quoniam et ante hoc in mundo erat, et providebat operibus suis, et
omnibus dignis cognitus erat : et si eum mundus non cognovit, hi tamen quibus
mundus non erat dignus, eum cognoverunt. Dicens autem mundus eum non
cognovit, breviter causam ignorantiae praebuit. Mundum enim vocat homines qui
soli mundo affixi sunt, et quae mundi sunt sapiunt. Nihil autem ita turbat
mentem, ut liquefieri amore praesentium. |
—
Saint Augustin : (Traité 2 sur Saint Jean). La lumière qui éclaire tout homme
venant en ce monde, est venue sur la terre sous le voile d'une chair
mortelle; car tant qu'elle n'y était que par la divinité, elle était
invisible pour les insensés, pour les aveugles et pour les méchants dont
saint Jean a dit plus haut : « Les
ténèbres ne l'ont point comprise, » c'est pour cela qu'il dit ici : « Il était dans le monde. » — Origène : (hom. 2 sur div. suj).
Lorsque celui qui parle cesse de parler, sa voix cesse de se faire entendre et
disparaît; de même si le Père céleste ne faisait plus entendre son Verbe,
l'œuvre du Verbe, c'est-à-dire l'univers qu'il a créé, cesserait d'exister. —
Saint Augustin : (Traité 2 sur Saint Jean). N'allez pas croire qu'il était dans
le monde comme sont dans le monde la terre, les animaux, les hommes, [ou
comme le ciel, le soleil, les étoiles]; il y était comme un ouvrier qui
dirige l'ouvrage sorti de ses mains : «
Et le monde a été fait par lui. » Toutefois il n'a pas créé le monde
comme un ouvrier fait son ouvrage, car l'ouvrier est en dehors de l'ouvrage
qu'il travaille, Dieu, au contraire, est comme répandu dans le monde qu'il
crée, il est présent partout, et il n'est pas un seul être qui soit en dehors
de son immensité. C'est donc par la présence de sa majesté, qu'il fait tout
ce qu'il crée, et qu'il gouverne tout ce qu'il a créé. Il était donc dans le
monde, comme le Créateur du monde. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 8 sur Saint Jean). Et encore, comme il était dans le
monde, mais sans être contemporain du monde, l'Evangéliste ajoute : « Et le monde a été fait par lui »,
et il vous élève ainsi jusqu'à l'existence éternelle du Fils unique. En
effet, en entendant dire que tout cet univers est son ouvrage, fût-on d'une
intelligence bornée, on sera forcé de reconnaître qu'il existait avant son ouvrage. — Théophylactus : Saint Jean confond en même temps l'erreur insensée des Manichéens, qui
prétendaient que c'était un mauvais principe qui avait créé toutes choses, et
celle des Ariens qui osaient soutenir que le Fils de Dieu était une simple
créature. —
Saint Augustin : (comme précéd). Que
signifient ces paroles : « Le monde a
été fait par lui » ? On appelle monde le ciel, la terre, la mer, et
tout ce qu'ils contiennent. Dans un autre sens, on donne encore ce nom à ceux
qui aiment le monde, et c'est de ce monde qu'il est dit : « Le monde ne l'a point connu. » On ne
peut dire, en effet, ni du ciel, ni des anges, ni des astres, qu'ils n'ont
pas connu le Créateur, dont les démons eux-mêmes confessent la puissance.
Toutes les créatures lui ont donc rendu témoignage. Quels sont ceux qui ne
l'ont point connu ? Ceux qui sont appelés le monde, parce qu'ils aiment le
monde, car en aimant le monde, nous habitons de cœur dans le monde; ceux, au
contraire, qui n'aiment pas le monde, sont de corps dans le monde, mais ils
habitent le ciel par le cœur, suivant ces paroles de l'Apôtre : « Pour nous, nous vivons déjà dans le
ciel. » (Ph 3) C'est donc parce qu'ils ont aimé le monde, qu'ils ont
mérité eux-mêmes le nom du monde où ils habitent. Lorsque nous disons d'une maison
qu'elle est bonne ou qu'elle est mauvaise, ce n'est point aux murs que
s'adressent notre blâme ou nos louanges, mais à ceux qui l'habitent; c'est
ainsi que nous appelons monde ceux qui habitent le monde par leurs
affections. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 8 sur Saint Jean). Quant aux amis de Dieu, ils l'ont
connu avant même qu'il eût rendu sa présence sensible, [c'est-à-dire avant
son avènement en ce monde], comme le prouvent ces paroles du Christ : « Abraham, votre père, a tressailli du
désir de voir mon jour. » (Jn 8, 56). Lors donc que les Gentils nous
adressent ce reproche : Pourquoi le Sauveur n'est-il venu opérer notre
salut que dans les derniers temps, après tant de siècles écoulés, sans qu'il
ait pensé à nous ? Nous leur répondons, qu'avant même son avènement, il était
dans le monde, sa providence s'étendait à toutes ses œuvres, et il était
connu de tous ceux qui en étaient dignes; et si le monde ne l'a pas connu,
ceux dont le monde n'était pas digne, ont mérité de le connaître. En disant :
« Le monde ne l'a point connu, » il
a indiqué sommairement la cause de cette ignorance; car le monde ici sont les
hommes qui ne sont attachés qu'au monde, qui n'ont de goût et d'affection que
pour le monde; or rien ne trouble autant l'âme que l'amour énervant des
choses présentes. |
Lectio 13 |
Versets 11-13
|
[85986] Catena in Io., cap. 1 l.
13 Chrysostomus in Ioannem. Dixit quod mundus eum non cognovit, de
superioribus loquens temporibus; sed de reliquo sermonem induxit ad
praedicationis tempora, et ait in propria venit. Augustinus in Ioannem. Quia
scilicet omnia per ipsum facta sunt. Theophylactus. Vel per propria
mundum intelligas, sive Iudaeam, quam pro hereditate elegerat. Chrysostomus in Ioannem. In
propria ergo venit, non gratia suae necessitatis, sed gratia beneficii
suorum. Sed unde venit qui omnia implet, et ubique adest? Ea quidem quae ad
nos condescensione hoc operatus est : quia enim in mundo existens, non
putabatur adesse, eo quod nondum cognoscebatur, dignatus est induere carnem.
Manifestationem vero hanc et condescensionem adventum vocat. Misericors autem
existens Deus omnia facit, ut nos secundum virtutem splendeamus; et propter
hoc quidem nullum necessitate, suasione vero et beneficiis volentes ad se
attrahit; et propterea venientem eum hi quidem susceperunt, alii vero non
receperunt. Nullum enim vult invitum neque coactum habere famulatum : invitum
enim trahi, par est cum eo qui totaliter non servit; unde sequitur et sui eum
non receperunt. In Ioannem. Iudaeos nunc suos dicit, ut populum peculiarem;
sed et omnes homines ut ab ipso factos : et sicut superius pro communi
verecundatus natura dicebat, quoniam mundus per ipsum factus conditorem non
cognovit, ita et hic rursus pro Iudaeorum anxius indevotione gravius ponit
accusationem, dicens et sui eum non receperunt. Augustinus. Si autem omnino
nullus recepit, nullus ergo salvus factus est. Nemo enim salvus fiet, nisi
qui Christum receperit venientem; et ideo addit quotquot autem receperunt eum.
Chrysostomus in Ioannem. Sive
sint servi sive liberi, sive Graeci sive barbari, sive insipientes sive
sapientes, sive mulieres sive viri, sive pueri, sive senes, omnes eodem digni
facti sunt honore, de quo sequitur dedit eis potestatem filios Dei fieri.
Augustinus. Magna benevolentia.
Unicus natus est, et noluit manere unus; non timuit habere coheredes, quia
hereditas eius non fit angusta, si eam multi possederint. Chrysostomus. Non autem dixit,
quoniam fecit eos filios Dei fieri; sed dedit eis potestatem filios Dei
fieri; ostendens quoniam multo opus est studio, ut eam, quae in Baptismo
adoptionis formata est, imaginem incontaminatam semper custodiamus : simul
autem ostendens quoniam potestatem hanc nullus nobis auferre poterit, nisi
nos ipsi auferamus. Si enim qui ab hominibus dominium aliquarum rerum
suscipiunt, tantum habent robur quantum fere hi qui dederunt; multo magis nos
qui a Deo potimur hoc honore. Simul autem ostendere vult quoniam haec gratia
advenit volentibus et studentibus : etenim in potestate est liberi arbitrii
et gratiae operatione filios Dei fieri. Theophylactus. Vel quia in
resurrectione filiationem perfectissimam consequemur, secundum quod apostolus
dicit : adoptionem filiorum Dei expectantes redemptionem corporis nostri.
Dedit ergo potestatem filios Dei fieri, idest hanc gratiam in futura gratia
consequendi. Chrysostomus. Et quia in his
ipsis ineffabilibus bonis, hoc quidem est Dei, scilicet dare gratiam; illud
vero hominis, idest praebere fidem, subiungit his qui credunt in nomine eius.
Quid igitur non dicis nobis, o Ioannes, quod eorum sit supplicium qui eum non
receperunt? Quia numquid isto supplicio fiet maius quando praeiacente eis
potestate filios Dei fieri, non fiant, sed volentes seipsos tanto privant
honore? Sed etiam inextinguibilis eos suscipiet ignis, quod postea
manifestius revelabit. Augustinus. Credentes ergo quia
filii Dei fiunt et fratres Christi, utique nascuntur; nam si non nascuntur,
filii quomodo esse possunt? Sed filii hominum nascuntur ex carne et sanguine,
et ex voluntate viri, et complexu coniugii. Illi autem quomodo nascuntur
subdit qui non ex sanguinibus, tamquam maris et feminae. Sanguina vel
sanguines non est Latinum; sed quia Graece positum est pluraliter, maluit
ille qui interpretabatur, sic ponere, et quasi minus Latine loqui secundum
grammaticos, et tamen explicare veritatem secundum auditum infirmorum. Ex
sanguinibus enim maris et feminae homines nascuntur. Beda. Sciendum etiam est, quia
in Scripturis sanctis sanguis, cum dicitur pluraliter, peccatum significare
solet; unde : libera me de sanguinibus. Augustinus in Ioannem. In eo
autem quod sequitur neque ex voluntate carnis, neque ex voluntate viri,
carnem pro femina posuit : quia de costa facta cum esset, Adam dixit : hoc
nunc os de ossibus meis, et caro de carne mea. Ponitur ergo caro pro uxore
quomodo aliquando spiritus pro marito : quia ille imperare debet, ista
servire. Quid enim peius est domo ubi femina habet imperium super virum? Hi
ergo neque ex voluntate carnis, neque ex voluntate viri, sed ex Deo nati sunt.
Beda. Carnalis enim singulorum
generatio a complexu coniugii duxit originem : at vero spiritualis spiritus
sancti gratia ministratur. Chrysostomus. Hoc autem narrat
Evangelista, ut vilitatem et humilitatem prioris partus, qui est per
sanguinem et voluntatem carnis, addiscentes, et altitudinem secundi, qui per
gratiam et nobilitatem est, cognoscentes, magnam quamdam hic suscipiamus
intelligentiam et dignam dono ipsius qui genuit, et multum post hoc studium
demonstremus. |
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 9 sur Saint Jean). Ces paroles
: « Le monde ne l'a point connu, »
doivent s'entendre des temps qui ont précédé l'incarnation. Celles qui
suivent : « Il est venu dans son
héritage, » se rapportent aux temps de la prédication de l'Evangile. —
Saint Augustin : (Traité 2 sur Saint Jean). [«
Il est venu dans son héritage, »] parce que toutes choses ont été faites
par lui. — Théophylactus : On peut donc entendre ici ou le monde, ou la Judée, qu'il avait
choisie pour héritage. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 9 et 10 sur Saint Jean). Il est venu dans son héritage, non
pas dans un motif d'intérêt personnel [(car Dieu n'a besoin de personne)],
mais pour combler les siens de bienfaits. Mais d'où a pu venir celui qui
remplit tout de son immensité, et qui est présent partout ? C'est par un
effet de sa grande condescendance qu'il est venu jusqu'à nous; il était dans
le monde, sans que le monde pensât à sa présence, parce qu'il n'en était pas
connu; il a donc daigné se revêtir d'un corps sensible. C'est cette
manifestation et cette condescendance, qu'il appelle sa présence ou son
avènement [(hom. 11)]. Or, Dieu, plein de bonté et de miséricorde, ne néglige
rien de ce qui peut nous élever à une vertu éminente. Aussi ne veut-il
s'attacher personne par force ou par nécessité, et ne veut nous attirer à lui
que par la persuasion et par les bienfaits. De là vient que, quand il vint,
les uns le reçurent, et les autres refusèrent de le recevoir; car il ne veut
pas qu'on soit à son service malgré soi et comme par contrainte; celui qui le
sert de mauvaise grâce, est à ses yeux comme celui qui refuse complètement de
le servir : « Et les siens ne l'ont pas
reçu. » (hom. 9). L'Evangéliste appelle les Juifs les siens, comme étant
son peuple privilégié, ou bien tous les hommes comme étant tous ses
créatures. Dans l’étonnement où le jetait la conduite insensée du genre
humain, il s'est écrié plus haut : « Le
monde a été fait par lui, et le monde n'a point connu son Créateur » ;
ici l'ingratitude des Juifs le remplit d'indignation, et il lance contre eux
cette accusation bien plus grave : « Et
les siens ne l'ont pas reçu. » —
Saint Augustin : (Traité 1 sur S. Jean). Mais
si personne absolument ne l'a reçu, personne donc n'est sauvé; car la
condition essentielle du salut, c'est de recevoir Jésus-Christ, aussi
l'Evangéliste ajoute : « Tous ceux qui
l'ont reçu, » etc... —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 10 sur Saint Jean). Esclaves ou hommes libres, grecs ou
barbares, savants ou illettrés, hommes ou femmes, enfants ou vieillards, tous
ont été rendus dignes du même honneur : «
Il leur a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu. » —
Saint Augustin : (comme précéd). Quelle
extrême bonté ! il était né Fils unique, et il n'a pas voulu demeurer seul;
il n'a pas craint d'avoir des cohéritiers, parce que son héritage ne peut
être amoindri si un grand nombre y a part. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 10). Il ne dit pas
qu'il les fit enfants de Dieu, mais qu' « il leur à donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu »,
nous apprenant ainsi que ce n'est qu'au prix de grands efforts que nous
pouvons conserver sans tache ce caractère de l'adoption qui a été imprimé et
gravé dans notre âme par le baptême. Il nous enseigne encore que personne ne
peut nous ôter ce pouvoir, si nous-mêmes ne consentons à nous en dépouiller.
Ceux à qui les hommes délèguent une partie de leur puissance ou de leur
autorité, la possèdent presque à l'égal de ceux qui la leur ont donnée; à
plus forte raison en sera-t-il ainsi de nous qui avons reçu cet honneur de
Dieu même. Il veut encore nous apprendre que cette grâce n'est donnée qu'à
ceux qui la veulent et qui la recherchent; car c'est le concours du libre
arbitre et de l'opération de la grâce, qui nous fait enfants de Dieu. — Théophylactus : Ou bien encore, il veut parler ici de cette filiation parfaite, dont
la résurrection doit nous mettre en possession, d'après ces paroles de
l'Apôtre : « Attendant l'effet de
l'adoption divine, la rédemption de notre corps. » (Rm 8) Il nous a donc
donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, c'est-à-dire d'obtenir cette
grâce dans la vie future. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 10). Comme dans la
distribution de ces biens ineffables, il appartient à Dieu de donner la
grâce, de même qu'il appartient à l'homme de faire acte de foi, saint Jean
ajoute : « à ceux qui croient en son
nom. » Pourquoi ne nous dites-vous pas, Jean, quel sera le supplice de
ceux qui n'ont pas voulu le recevoir ? Mais quel supplice plus grand pour
ceux qui ont reçu le pouvoir de devenir enfants de Dieu, que de refuser de le
devenir, et de se priver volontairement d'un si grand honneur ? Toutefois ce
ne sera pas leur seul supplice, ils seront condamnés à un feu qui ne
s'éteindra jamais, comme l'Evangéliste le déclarera plus ouvertement dans la
suite. (Jn 3) —
Saint Augustin : (même traité). Ceux qui
croient en son nom deviennent donc enfants de Dieu et frères de Jésus-Christ,
et prennent par là même une nouvelle naissance. Comment, en effet, sans cette
seconde naissance pourraient-ils devenir enfants de Dieu ? Les enfants des
hommes naissent de la chair et du sang, de la volonté de l'homme et de
l'union des époux. Mais comment naissent les enfants de Dieu ? « Ils ne sont pas nés des sangs,
c'est-à-dire, de l'homme et de la femme. » Le mot sangs (sanguina ou
sanguines) n'est pas latin, mais comme cette expression est au pluriel dans
le texte grec, le traducteur aima mieux la rendre de la sorte, sauf à
employer un mot peu correct aux yeux des grammairiens, pour faire mieux
comprendre la vérité aux esprits moins intelligents. En effet, les enfants
naissent du mélange du sang de l'homme et de la femme. —
Saint Bède : Il est bon aussi de
remarquer que dans la sainte Ecriture, le mot sang au pluriel signifie
ordinairement le péché, comme dans ce passage du Psaume 50 : « Délivrez-moi des sangs (de sanguinibus).
» —
Saint Augustin : (même traité). Dans les
paroles suivantes : « ni de la volonté
de la chair, ni de la volonté de l'homme » ; la chair est synonyme
de la femme, [en souvenir de sa création]. Lorsque, en effet, elle eut été
créée d'une côte du premier homme, Adam lui dit : « Voici l'os de mes os et la chair de ma chair. » Le mot chair
signifie donc ici la femme, de même que souvent l'esprit est le symbole du
mari, parce que son rôle est de commander, et celui de la femme de servir.
Quelle maison plus mal ordonnée, en effet, que celle où la femme commande au
mari ? Les enfants de Dieu ne sont donc nés ni de la volonté de la chair, ni
de la volonté de l'homme, mais de Dieu. —
Saint Bède : La génération charnelle de
tous les hommes tire son origine de l'union des époux, tandis que la
génération spirituelle a pour principe la grâce de l'Esprit saint. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 10 sur Saint Jean). L'Evangéliste, en parlant ainsi, veut
nous faire comprendre d'un côté la bassesse et l’humilité de la première
génération qui vient du sang et de la volonté de la chair, et l'élévation de
la seconde qui vient de la grâce et ennoblit notre nature, afin que nous
ayons une haute idée de la grâce qui nous a engendrés, et que nous ne
négligions rien pour la conserver. |
Lectio 14 |
Verset 13
|
[85987] Catena in Io., cap. 1 l.
14 Augustinus in Ioannem. Cum dixisset ex Deo nati sunt, quasi ne
miraremur et horreremus tantam gratiam, et nobis incredibile videretur, quia
homines ex Deo nati sunt; quasi securitatem faciens, ait et verbum caro
factum est. Quid ergo miraris quia homines ex Deo nascuntur? Attende ipsum
Deum ex hominibus natum. Chrysostomus in Ioannem. Vel
aliter. Cum dixisset quoniam ex Deo nati sunt qui susceperunt eum, huius
honoris posuit causam, hoc scilicet verbum fieri carnem : factus est enim
proprius filius Dei hominis filius, ut filius hominum faciat filios Dei. Cum
autem audieris quoniam verbum caro factum est, ne turberis : neque enim
substantiam convertit in carnem; hoc enim vere impium est intelligere; sed
manens quod est, servi formam assumpsit. Quia enim sunt qui dicunt, quoniam
phantasmata quaedam fuerint omnia quae incarnationis sunt; eorum blasphemiam
destruens, hanc dictionem factum est posuit, non transmutationem substantiae,
sed carnis verae assumptionem repraesentare volens. Si vero dixerint :
quoniam Deus omnipotens est, quare et in carnem transmutari non potuit?
Dicemus quod transmutari ab illa incommutabili natura omnino procul est. Augustinus de Trin. Sicut autem
verbum nostrum vox quodammodo corporis fit assumendo eam in qua manifestatur
sensibus hominum, sic verbum Dei caro factum est, assumendo eam in qua et
ipsum manifestaretur sensibus hominum. Et sicut verbum nostrum fit vox, nec
mutatur in vocem, ita verbum Dei caro quidem factum est; sed absit ut
mutaretur in carnem : assumendo quippe illam, non in eam se consumendo, et
hoc nostrum vox fit, et illud caro factum est. Ex gestis Concilii Ephesini. Sermo
etiam quem proferimus, quo in alterutris locutionibus utimur, sermo est
incorporeus, non aspectui subiectus, non tactu tractabilis; sed cum sermo
induerit litteras et elementa, visibilis fit, aspectu comprehenditur, tactu
tractatur, sic et verbum Dei, quod naturaliter invisibile est, visibile fit;
et quod natura incorporeum est, invenitur esse tractabile. Alcuinus. Cum etiam credamus
animam incorpoream corpori coniungi, ut ex his duobus fiat unus homo,
facilius possumus credere divinam substantiam incorpoream animae in corpore
coniungi in unionem personae; ita ut verbum in carnem non sit conversum, nec
caro in verbum; cum nec corpus in animam, nec anima convertatur in corpus.
Theophylactus. Apollinarius
autem Laodicensis in hoc verbo haeresim statuit : dicebat enim, quod Christus
animam rationalem non habuit sed tantum carnem; habens divinitatem pro anima,
quae corpus dirigit et gubernat. Augustinus contra Serm. Arian. Si
autem moventur in eo quod scriptum est, quod verbum caro factum est, nec ibi
anima nominatur; intelligant carnem pro homine positam, a parte totum,
figuratae locutionis modo, sicuti est : ad te omnis caro veniet; item quod ex
operibus legis non iustificabitur omnis caro; quod apertius alio loco dicitur
: non iustificabitur homo ex operibus legis. Sic itaque dictum est verbum
caro factum est; ac si diceret : verbum homo factum est. Theophylactus. Evangelista
volens ostendere inenarrabilem Dei condescensum, carnem commemorat, ut illius
admiremur misericordiam, quoniam propter nostram salutem quod omnino remotum
et distans est ab eius natura, assumpsit, scilicet carnem; anima namque habet
aliquam propinquitatem ad Deum. Si autem verbum incarnatum est, et humanam
animam non assumpsit; sequeretur quod adhuc animae nostrae curatae non essent
: quod enim non assumpsit, non sanctificavit. Et qualis derisio, cum anima
prius peccaverit, ut carnem assumendo sanctificaverit, id quod est
principalius infirmum reliquerit? Subvertitur ex hoc dicto Nestorius, qui
dicebat quod non Deus verbum ipse idem factus est homo ex sacro conceptus
sanguine virginis; sed virgo peperit hominem qui omnis virtutis dotatus erat
specie, et Dei verbum illi erat coniunctum : et ex hoc duos filios asserebat
: unum natum de virgine, scilicet hominem; alterum de Deo, scilicet Dei filium,
homini illi coniunctum secundum gratiae habitudinem et amorem. Contra quem
Evangelista dixit, quod ipsum verbum factum est homo, non quod verbum
inveniens hominem virtuosum, se sibi coniunxerit. Cyrillus ad Nestorium. Carnem
enim animatam anima rationali uniens verbum sibi secundum subsistentiam,
ineffabiliter et inintelligibiliter factus est homo, et appellatus est filius
hominis, non secundum voluntatem solam aut beneplacitum, sed neque in
assumptione personae solius. Diversae quidem quoad unionem collatae naturae;
unus autem ex ambabus Christus et filius; non quasi differentia naturarum
interempta propter adunationem. Theophylactus. Addiscimus ergo
per hoc quod dicitur verbum caro factum est, quia ipsum verbum est homo, et
filius Dei existens factus est filius mulieris; quae principaliter Dei
genitrix nuncupatur, tamquam Deum in carne genuerit. Hilarius de Trin. Quidam autem
volentes unigenitum Deum, qui in principio apud Deum erat Deus verbum, non
substantivum Deum esse, sed sermonem vocis emissae, ut quod loquentibus
verbum suum, hoc sit patri Deo filius, argute subrepere volunt, ne subsistens
verbum Deus, et manens in forma Dei Christus homo natus sit : ut cum hominem
illum humanae potius originis causa quam spiritualis conceptionis sacramentum
animaverit, non Deus verbum hominem se ex partu virginis efficiens extiterit;
sed, ut in prophetis spiritus prophetiae, ita in Iesu verbum Dei fuerit. Et
arguere nos solent, quod Christum dicamus esse natum non nostri corporis
atque animae hominem, cum nos verbum carnem factum, nostrae similitudinis
natum hominem praedicemus, ut vere Dei filius vere filius hominis natus sit;
et ut per se sibi assumpsit ex virgine corpus, ita ex se sibi animam
assumpsit; quae utique ab homine numquam gignentium originibus praebetur : et
cum ipse ille filius hominis sit, quam ridicule praeter Dei filium, qui
verbum caro factum est, alium nescio quem tamquam prophetam verbo Dei
animatum praedicabimus, cum dominus Iesus Christus et Dei filius et hominis
filius sit? Chrysostomus. Ne autem ab eo
quod dictum est verbum caro factum est, inconvenienter suspiceris versionem
illius incorruptibilis naturae, subdit et habitavit in nobis. Quod enim
habitat, non idem est cum habitaculo, sed aliud : aliud autem dico secundum
naturam : unione vero et copulatione unum est Deus verbum caro, neque
confusione facta, neque destructione substantiarum. Alcuinus. Vel habitavit in
nobis, idest inter homines conversatus est. |
—
Saint Augustin : (même traité). Cette idée
d'une naissance qui vient de Dieu était de nature à inspirer un sentiment
d'étonnement mêlé de frayeur pour une si grande grâce, et il pouvait même
paraître incroyable que les hommes soient nés de Dieu. Aussi l'Evangéliste
s'empresse de nous rassurer, en ajoutant : « Et le Verbe a été fait chair. » Qu'y a-t-il d'étonnant que des
hommes naissent de Dieu ? Considérez Dieu lui-même qui a voulu naître des
hommes. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 11 sur Saint Jean). Ou bien encore : après avoir dit que
ceux qui l'ont reçu ont reçu de Dieu une nouvelle naissance, il fait
connaître la cause d'un si grand honneur, c'est que le Verbe s'est fait
chair, car le propre Fils de Dieu est devenu le Fils de l'homme, afin que le
Fils de l’homme rende les hommes enfants de Dieu. Lorsque vous entendez dire
que le Verbe s'est fait chair, ne vous laissez pas troubler par ces paroles.
Il n'a point changé en chair la nature divine (interprétation qui serait une
impiété), mais il a pris la forme de serviteur en demeurant ce qu'il est.
C'est pour confondre les blasphèmes de ceux qui prétendent que tout ce qui a
rapport à l'incarnation était fantastique [et imaginaire] que l'Evangéliste
s'est servi de cette expression : « a
été fait, » expression qui ne signifie pas un changement de substance,
mais l'union du Fils de Dieu à une chair véritable. S'ils viennent nous dire
que Dieu étant tout-puissant, a bien pu changer en chair sa nature divine,
nous répondrons que Dieu [peut tout ce qui n'atteint pas directement son être
divin]. Or, toute idée de changement est directement opposée à cette nature
immuable. —
Saint Augustin : (De la Trin., 15, 11) De
même que notre Verbe [ou notre parole] devient en quelque sorte la voix du
corps en s'unissant à elle pour se manifester aux sens des hommes, ainsi le Verbe
de Dieu s'est fait chair, en s'unissant à elle pour se manifester aussi aux
hommes; notre verbe devient voix, mais il n'est pas changée en voix; ainsi le
Verbe de Dieu s'est fait chair, mais loin de nous la pensée qu'il ait été
changé en chair. Il s'est uni à la chair, mais il ne s'est pas transformé en
chair, il s'est fait chair comme notre parole se fait voix. — Concile
d’Éphèse : La parole qui sort de nos lèvres et dont nous faisons usage dans nos
rapports avec les autres hommes, est une parole incorporelle qui n'est
sensible ni à la vue, ni au toucher; mais lorsqu'elle s'est comme revêtue de
lettres et de formes extérieures, elle devient visible et accessible à la vue
comme au toucher. De même le Verbe de Dieu qui, par sa nature, est invisible,
est devenu visible; il est incorporel aussi par sa nature, et il a pris un
corps accessible au toucher. Ces paroles : « Le Verbe s'est fait chair, » ne
doivent pas s'entendre dans un autre sens que celui-ci : Dieu s'est fait
homme en prenant un corps et une âme. De même que chacun de nous est un
composé d'un corps et d'une âme qui ne forment qu'un seul homme; ainsi
Jésus-Christ, depuis son incarnation, ne fait qu'une seule personne formée de
la divinité, d'un corps, et d'une âme. La divinité du Verbe a daigné s'unir à
cette nature humaine qu'elle avait choisie spécialement pour qu'elle devînt
une seule personne en Jésus-Christ. La nature divine n'a subi dans cette
union aucune altération, aucun changement, elle s'est simplement unie à la
nature humaine qu'elle n'avait pas auparavant. (Liv. 3, de la foi en la
Trin., chap. 9). C'est une vérité incontestable que le Fils de Dieu a pris,
non pas la personne, mais la nature humaine pour l'unir à sa personne divine
et éternelle; l'homme a comme passé en Dieu, non point par un changement de
nature, mais par son union avec la personne divine. Il n'y a donc point deux
Christs, il n'y a qu'un seul Christ, Dieu et homme tout à la fois. (Liv. 1,
cont. Félix d'Urgel). Cette union du Verbe avec la chair est tellement
ineffable, que pour l'exprimer, nous disons que le Verbe s'est fait chair,
quoique le Verbe n'ait pas été changé en chair, et cette chair est appelée
Dieu, bien qu'elle ne soit pas elle-même changée en la nature divine. (Liv.
3). Nous confessons donc qu'il y a dans la seule personne de Jésus-Christ
deux natures unies entre elles par un lien si ineffable, que chacune d'elles
conservant ses propriétés, cette sainte et admirable union nous présente, non
pas un changement ou une altération de la divinité, mais une élévation
sublime pour l'humanité, c'est-à-dire, que Dieu n'a pas été changé en
l'homme, mais l'homme glorifié en Dieu, etc. (Dans la Glose). —
Alcuin : (Liv. 1, chap. 1, sur Saint Jean). Nous croyons qu'une âme incorporelle
peut être unie à un corps, et que l'union de ces deux substances fait un seul
homme; nous devons croire plus facilement que la nature divine qui est
incorporelle, s'est unie à une âme jointe à un corps pour former une seule
personne, de manière que le Verbe n'a pas été changé en chair, ni la chair
dans le Verbe, pas plus que le corps ne se change en âme, ni l'âme en corps. — Théophylactus : Apollinaire de Laodicée a voulu appuyer son hérésie sur ces paroles;
il prétendait que le Christ n'avait point eu d'âme raisonnable, mais
seulement un corps ayant pour âme la divinité qui gouvernait et dirigeait le
corps. —
Saint Augustin : (cont. Les Ar., ch. 9). Vous
êtes impressionné de ce qu'il est écrit que le Verbe s'est fait chair, sans
qu'il soit question de l'âme ? Mais rappelez-vous que la chair est souvent
mise pour l'homme tout entier en vertu de cette locution figurée qui emploie
la partie pour le tout, comme dans ces paroles : « Toute chair viendra à vous. » (Ps 64) Et dans ces autres : « Nulle chair ne sera justifiée par les
œuvres de la loi. » Ce que l'Apôtre explique plus clairement dans
l'Epître aux Galates : « L'homme ne
sera point justifié par les œuvres de la loi. » (Ga 2) Ces paroles : « Le Verbe s'est fait chair, » ont
donc la même signification que celles-ci : « Le Verbe s'est fait homme. » — Théophylactus : Si l'Evangéliste nomme de préférence la chair, c'est pour nous montrer
la condescendance indicible de Dieu, et nous faire admirer sa miséricorde qui
l'a porté à s'unir pour notre salut, à ce qui est séparé de sa nature par une
distance incommensurable, c'est-à-dire la chair. L'âme, en effet, a quelques
points de proximité avec Dieu. Mais si le Verbe, en s'incarnant, n'avait pas
pris une âme humaine, il s'ensuivrait que nos âmes ne seraient pas guéries,
car le Sauveur n'a sanctifié que ce qu'il s'est uni. C'est l'âme qui, la
première s'est rendue coupable, ne serait-il donc pas ridicule de supposer
qu'il se soit uni la chair pour la sanctifier, tandis qu'il aurait délaissé
la partie la plus noble de l'homme, comme aussi la plus malade ? Ainsi se
trouve encore détruite l'hérésie de Nestorius, qui enseignait que ce n'est
pas le Verbe-Dieu qui s'est fait homme et qui a été conçu du sang d'une
Vierge, mais que la Vierge a enfanté un homme, orné et enrichi de toutes les
vertus, et que le Verbe de Dieu s'était uni. Il concluait de là qu'il y avait
en Jésus-Christ deux fils, l'un né de la Vierge, qui était homme, l'autre né
de Dieu, c'était son Fils, qui était uni à cet homme par les liens de la
grâce et de la charité. L'Evangéliste lui a répondu d'avance, en affirmant
que c'est le Verbe lui-même qui s'est fait homme, et non pas que le Verbe a
fait choix d'un homme vertueux pour s'unir à lui. —
Saint Cyrille d’Alexandrie : (Lett. 8 à Nestor.; 4 dans
l'édit. lat). Le Verbe s'est fait homme en s'unissant une chair animée d'une
âme raisonnable, par une union ineffable et incompréhensible, qui ne fait en
lui qu'une seule personne, et il a été appelé Fils de l'homme, non par suite
d'une simple union de volonté ou de bon vouloir, ni parce qu'il avait pris la
simple personnalité de l'homme, mais par suite de l'union véritable de deux
natures différentes qui n'ont formé qu'un seul Christ et qu'un seul Fils,
sans que cette union étroite ait détruit la différence des deux natures. —
Théophylactus : De ces paroles : « Le Verbe
s'est fait chair, » nous concluons que le Verbe s'est fait homme, et que
tout en demeurant Fils de Dieu, il est devenu fils de la femme, à qui nous
donnons le nom distinctif de mère de Dieu, en tant qu'elle a véritablement
engendré Dieu selon la chair. —
Saint Hilaire : (De la Trin., 10). Il en est
qui veulent que le Fils unique de Dieu, c'est-à-dire, le Dieu Verbe, qui
était en Dieu au commencement, ne soit pas Dieu substantiellement, mais
seulement la parole d'une voix qui s'est produite, c'est-à-dire que le Fils
serait pour Dieu [le Père] ce que la parole est pour ceux qui la profèrent.
Par suite de cette erreur, ils cherchent à nier, par leurs raisonnements
insidieux, que le Verbe-Dieu soit né comme homme et comme Christ, en
demeurant Dieu. Ils donnent à cette conception et à cette naissance une cause
toute naturelle, et refusent de leur reconnaître un caractère mystérieux et
divin, de sorte que dans leur sentiment, le Dieu Verbe n'a pas reçu son
humanité d'un enfantement virginal, mais il a été simplement dans la personne
de Jésus, comme l'esprit de prophétie était dans les prophètes. Ils nous
reprochent d'ailleurs de dire que le Christ, dans sa naissance, n'a pas pris
un corps et une âme [semblables au nôtre], alors que nous professons
hautement que le Verbe fait chair a pris en naissant une nature comme à la
nôtre, et qu'il est vrai fils de Dieu, en même temps qu'il est né vrai Fils
de l'homme. Mais de même qu'il avait reçu de la Vierge un corps qu'il avait
lui-même créé, c'est de lui-même aussi que vient l'âme qu'il s'est unie, et
qui d'ailleurs n'est jamais donnée à l'homme par voie de génération. Or,
puisqu'il est certain qu'il est Fils de l'homme, n'est-il pas ridicule de
supposer en dehors du Fils de Dieu, du Verbe fait chair, je ne sais quel
prophète, animé par le Verbe de Dieu, alors qu'il est certain que le Seigneur
Jésus-Christ est à la fois Fils de Dieu et Fils de l'homme ? —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 10 sur Saint Jean). L'Evangéliste détruit par avance la
fausse idée que ces paroles : « Le
Verbe s'est fait chair, » pourraient faire naître dans certains esprits,
d'un changement ou d'une transformation de cette nature incorruptible, en
ajoutant : « et il a habité parmi nous.
» Car celui qui habite n'est pas une même chose avec le lieu qu'il
habite, il en diffère. Je parle ici de la différence de nature, car en vertu
de l'union étroite qui existe entre les deux natures, le Dieu Verbe fait
chair, ne forme qu'une seule personne sans aucune confusion, comme sans
destruction de ces deux natures. —
Alcuin : Ou bien encore : « Il a habité parmi nous, »
c'est-à-dire, il a vécu [et conversé] parmi les hommes. |
Lectio 15 |
Verset 14
|
[85988] Catena in Io., cap. 1 l. 15 Chrysostomus
in Ioannem. Cum dixisset, quod filii Dei facti sumus, et non aliter quam
per hoc quod verbum caro factum est; rursus ipsius dicit et aliud lucrum et
vidimus gloriam eius : quam utique non vidissemus, nisi per consortium
humanitatis visus esset nobis. Si enim Moysi non sustinuerunt faciem
glorificatam videre, sed velamine opus fuit; qualiter divinitatem nudam
existentem, inaccessibilem etiam ipsis superioribus virtutibus, nos lutei et
terrestres sufferre possemus? Augustinus in Ioannem. Vel aliter. Verbum caro
factum est, et habitavit in nobis, ista nativitate collyrium fecit, unde
tergerentur oculi nostri, ut possimus videre maiestatem eius per eius
humanitatem; et ideo dicitur et vidimus gloriam eius. Gloriam eius nemo
posset videre, nisi humilitate carnis sanaretur. Irruerat enim homini quasi
pulvis in oculum de terra : oculus iste sauciatus erat, et terra illuc
mittitur ut sanetur : caro te obcaecaverat, caro te sanat. Carnalis enim
anima facta erat, consentiendo carnalibus affectibus; inde fuerat oculus
cordis caecatus : medicus fecit tibi collyrium, quoniam sic venit ut de carne
vitia carnis extingueret. Verbum enim caro factum est, ut possis dicere
vidimus gloriam eius. Chrysostomus. Subdit autem, quasi unigeniti a patre
: quia multi prophetarum glorificati sunt, puta Moyses, Eliseus et alii multi
quicumque miracula ostenderunt; sed et Angeli hominibus apparentes, et eam
quae est propriae naturae coruscantem lucem manifestantes, sed et Cherubim et
Seraphim cum multa gloria visa sunt a propheta. Ab omnibus his nos abducens
Evangelista, et supra omnem naturam et conservorum nostrorum claritatem
erigens mentem, ad ipsum nos perducit verticem; quasi dicat : non ut
prophetae aut alterius hominis, vel Angeli, aut Archangeli, aut alicuius
superiorum virtutum, est gloria quam vidimus; sed quasi ipsius regis, ipsius
naturalis filii unigeniti. Gregorius Moralium. In sacro enim eloquio sicut et
quasi aliquando non pro similitudine ponitur, sed pro veritate; unde et
istud, quasi unigeniti a patre. Chrysostomus. Ac si diceret : vidimus gloriam qualem
decebat, et conveniens est habere unigenitum et naturalem filium. Consuetudo
enim multorum, regem valde ornatum videntium, est ut cum aliis enarrantes non
possunt universalem repraesentare claritatem, hoc inducunt : quid oportet
multa dicere? Quasi rex ibat. Sic et Ioannes dicit vidimus gloriam eius,
gloriam quasi unigeniti a patre. Angeli enim apparentes ut servi, et dominum
habentes, omnia agebant; ipse vero ut dominus cum humili forma apparens. Sed
et creaturae dominum cognoverunt, stella magos vocans, Angeli pastores, puer
exultans in utero : sed et pater testatus est de caelis, et Paraclytus super
ipsum advenit; sed et ipsa rerum natura omni tuba clarius clamavit, quoniam
rex caelorum advenerat : etenim Daemones fugiebant, infirmitatis species
solvebantur, mortuos dimittebant sepulchra, et animas a malitia ad virtutis
verticem agebat. Quid utique quis dicat praeceptorum philosophiam, caelestium
legum virtutem, angelicae urbanitatis bonam ordinationem? Origenes. Eius autem quod sequitur, plenum gratiae
et veritatis, duplex intellectus est. Potest enim de humanitate ac divinitate
incarnati verbi accipi; ita ut plenitudo gratiae referatur ad humanitatem,
secundum quam Christus caput est Ecclesiae et primogenitus creaturae
universae : quoniam maximum et principale gratiae exemplum, qua nullis
praecedentibus meritis homo efficitur Deus, in ipso primordialiter
manifestatum est. Potest etiam plenitudo gratiae Christi de spiritu sancto
intelligi, cuius septiformis operatio humanitatem Christi implevit. Plenitudo
vero veritatis ad divinitatem refertur. Origenes in Ioannem. Si vero plenitudinem gratiae et
veritatis de novo testamento mavis intelligere, non incongrue pronuntiabis
plenitudinem gratiae novi testamenti esse per Christum donatam, et legalium
symbolorum veritatem in ipso esse impletam. Theophylactus. Vel plenum gratia, prout eius verbum
gratiosum erat, dicente David : diffusa est gratia in labiis tuis; et
veritate, secundum quod Moyses et prophetae loquebantur aut operabantur in
figura, Christus autem cum veritate. |
—
Saint Jean Chrysostome : (hom. 11 sur Saint Jean). Nous avons donc été faits enfants de
Dieu et en vertu du mystère du Verbe fait chair; l'Evangéliste nous fait
connaître un nouveau bienfait de l'incarnation : « Et nous avons vu sa gloire » ; car jamais nous n'aurions
pu la voir, si lui-même ne s'était manifesté à nous sous une forme semblable
à la nôtre. En effet, si les Hébreux n'ont pu soutenir l'éclat du visage
glorifié de Moïse, qu'il fallut couvrir d'un voile, comment, nous, dont
l'origine et les instincts sont tout terrestres, pourrions-nous soutenir à
découvert la vue de la Divinité, inaccessible même aux vertus supérieures des
cieux. —
Saint Augustin : (Traité 2 sur Saint Jean). Ou bien encore, ces paroles : « Le Verbe s'est fait chair, et il a
habité parmi nous, » nous apprennent que le Verbe a fait du mystère de sa
naissance comme un collyre pour éclaircir les yeux [de notre cœur], et nous
permettre de voir sa Majesté à travers son humanité : « Et nous avons vu sa gloire. » Personne ne pourrait voir sa
gloire, s'il n'était guéri par l'humilité de son incarnation. L'œil de
l'homme était comme obscurci par la poussière soulevée de la terre, il avait
les yeux malades, et Dieu lui met comme de la terre sur les yeux pour les
guérir. La chair vous avait aveuglé, c'est la chair qui vous guérit. L'âme
était devenue charnelle en donnant son consentement aux affections de la
chair, et c'est ainsi que l'œil du cœur avait été aveuglé. Le médecin vous a
fait un collyre en venant revêtu d'une chair mortelle pour réprimer les vices
de la chair, car le Verbe s'est fait chair, afin que vous puissiez dire : « Nous avons vu sa gloire. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 12 sur Saint Jean). Saint Jean ajoute : « comme la gloire du Fils unique. »
C'est, qu'en effet, un grand nombre de prophètes ont été glorifiés, tels que
Moïse, Elisée, et beaucoup d'autres qui ont opéré de grands miracles. Il en
est de même des anges qui, en apparaissant aux hommes, ont fait briller à
leurs yeux la gloire qui est propre à leur nature; c'est ainsi que les
chérubins et les séraphins ont été vus par le prophète, environnés d'une
gloire éclatante. L'Evangéliste nous élève bien au-dessus de cette gloire,
au-dessus de toute nature et de toute gloire créée, et nous conduit jusqu'au
faite de tous les biens. Or voici le sens de ses paroles : La gloire que nous
avons vue n'est pas la gloire d'un prophète, d'un homme ordinaire, ni même
d'un ange, d'un archange, ou de quelqu'une des puissances supérieures, mais
c'est comme la gloire du roi lui-même,
du Fils unique par nature. —
Saint Grégoire : (Moral., 18, 6). En effet,
dans les saintes Ecritures, les particules « de même », « comme »
(sicut, quasi), n'indiquent pas toujours une simple ressemblance,
mais quelquefois une parfaite identité, comme dans ces paroles : « comme du Fils unique du Père. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 12 sur Saint Jean). Comme s’il disait : nous voyons
la gloire telle qu’il le fallait : posséder le Fils unique par nature. Beaucoup
de ceux qui ont vu un roi dans toute sa gloire et sa majesté, dans
l'impuissance où ils sont de rendre comme ils le voudraient l'impression
produite sur eux par tant d'éclat et de splendeur, s'expriment ordinairement
de la sorte : Pourquoi vous en dirai-je davantage ? C'était comme un roi. Saint
Jean s'exprime de la même manière : «
Nous avons vu sa gloire comme, celle du Fils unique du Père. » Lorsque
les anges apparaissaient, c'était toujours comme des serviteurs qui exécutent
les ordres de leur maître; mais le Fils de Dieu, quoique sous une forme pleine
d’humilité, se révèle comme étant le Seigneur. D'ailleurs, les créatures le
reconnaissent comme leur Maître; l'étoile, en appelant les mages [à son
berceau]; les anges, en annonçant sa naissance aux bergers; l'enfant
(Jean-Baptiste), en tressaillant dans le sein de sa mère. Le Père lui-même
lui a rendu témoignage du haut des cieux, et le Paraclet en descendant sur
lui lors de son baptême. Que dis-je, toute la nature a proclamé bien plus
haut que la multitude qu'il était le roi des cieux. Il mettait les démons en
fuite, il guérissait toutes les maladies, faisait sortir les morts de leurs
tombeaux, retirait les âmes de l'abîme du mal pour les conduire au sommet des
plus éminentes vertus. Qui pourrait dire la sagesse de ses préceptes, la
force de ses lois divines et la belle harmonie de la vie toute angélique
qu'il est venu établir parmi les hommes ? — Origène : (hom. 2 sur div. suj). Les
paroles qui suivent : « plein de grâce
et de vérité, » peuvent s'entendre de deux manières différentes, c'est-à-dire
de l'humanité et de la divinité du Verbe incarné. Ainsi la plénitude de la
grâce se rapporterait à l'humanité, par laquelle le Christ est le chef de
l'Eglise et le premier né de toute créature. En effet, c'est en lui que s'est
manifesté le plus grand et le plus merveilleux effet de la grâce, en vertu de
laquelle l'homme est devenu dieu sans aucun mérite de sa part. La plénitude
de la grâce eu Jésus-Christ peut encore s'entendre de l'Esprit saint, dont
les sept dons remplirent l'humanité du Sauveur. (Is 11) La plénitude de la
vérité se rapporte à la divinité. — Origène : Si vous aimez mieux
appliquer au Nouveau Testament cette plénitude de grâce et de vérité, vous
pourriez dire avec beaucoup de vraisemblance que la plénitude de la grâce du
Nouveau Testament nous a été donnée par Jésus-Christ, et que la vérité des
symboles figuratifs de la loi s'est accomplie en lui. — Théophylactus : Ou encore, il est plein de grâce, à cause de la grâce de ses paroles,
comme le prédit David : « La grâce est
répandue sur vos lèvres » (Ps 44); il est plein de vérité, en comparaison
de Moïse et des prophètes qui parlaient ou agissaient eu figure, tandis que
toutes les paroles comme toutes les actions de Jésus-Christ étaient vérité. |
Lectio 16 |
Verset 15 |
[85989] Catena in Io., cap. 1 l. 16 Alcuinus.
Dixerat superius fuisse missum hominem ad perhibendum testimonium; hic
determinat testimonium suum, quod manifeste praecursor pronuntiavit; unde
dicitur Ioannes perhibet testimonium de ipso. Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter hoc inducit; ac
si dicat : non aestimetis quod nos qui fuimus cum eo multo tempore et mensae
ipsius communicavimus, propter gratiam hoc testemur; quia Ioannes, qui antea
eum non viderat, nec ei commoratus fuerat, ei testimonium perhibebat.
Multoties autem Evangelista revolvit eius testimonium, quia multam
admirationem huius viri habebant Iudaei. Et alii quidem Evangelistae
antiquorum meminerunt prophetarum, dicentes : hoc factum est ut impleatur
quod dictum est per prophetam; hic autem altiorem et recentiorem testem
inducit, non intendens a servo dominatorem facere fide dignum, sed auditorum
imbecillitati condescendens. Quemadmodum enim nisi servi formam assumpsisset,
non ita facile susceptibilis factus esset; ita nisi servi voce auditum
conservorum praeexcitasset, nequaquam multi Iudaeorum verbum Christi
suscepissent. Sequitur et clamat; idest, cum propalatione, cum libertate,
sine subtractione omnia praedicat. Non autem a principio dixit, quoniam hic
est filius Dei unigenitus naturalis; sed clamat dicens hic erat quem dixi :
qui post me venit, ante me factus est, quia prior me erat. Quemadmodum enim
matres avium, non confestim pullos suos volationem docent; sed primo quidem
extra nidum educunt, postea vero aliam multo velociorem volationem apponunt;
sic et Ioannes non confestim Iudaeos ad alta duxit, sed interim paululum a
terra eos evolare docuit, dicens, quod Christus melior eo erat; quod non
parum interim erat. Et vide qualiter sapienter inducit testimonium : non enim
solum apparentem Christum monstrat; sed et antequam apparuisset eum
praedicat; quod significatur in hoc quod dicit hic erat de quo dixi. Hoc
autem fecit ut facile susceptibilis esset Christus, hominum mente iam
praedetenta ab aliis quae de eo dicta erant, et nihil ad hoc humilitas
habitus noceret. Ita enim humili et communi omnibus forma Christus utebatur,
ut si simul et verba haec audissent de eo, et eum considerassent, Ioannis
testimonium derisissent. Theophylactus. Dicit autem qui post me venit,
videlicet secundum tempora nativitatis : sex enim mensibus prior Christo
Ioannes erat secundum humanitatem. Chrysostomus. Vel hoc non dicit de
ea generatione quae est ex Maria : iam enim natus erat Christus quando haec a
Ioanne dicebantur; sed de adventu eius ad praedicationem. Dicit autem ante me
factus est; idest, clarior est et honorabilior; ac si dicat : non quia prior
veni ad praedicandum, ex hoc maiorem me esse illo existimetis. Theophylactus. Ariani vero hanc litteram sic
exponunt, volentes ostendere quod Dei filius non est a patre genitus, sed
factus, sicut una alia creatura. Augustinus in Ioannem. Non ergo
intelligitur : factus est antequam ego essem factus; sed antepositus est mihi.
Chrysostomus. Si autem quod dicitur ante me factus
est, de productione ad esse intelligeretur, superfluum esset quod additur
quia prior me erat. Quis enim est ita insipiens ut ignoret quoniam ex quo
ante eum factus est, prior eo erat? Aliter autem e contrario oporteret
dicere, scilicet : prior me erat, quia ante me factus est. Ergo quod dicit
ante me factus est, de honore intelligitur : hoc enim quod futurum erat,
factum dicit, quia consuetudo erat antiquorum prophetarum de futuris quasi de
iam praeteritis loqui. |
—
Alcuin : Nous avons vu plus haut
qu'un homme avait été envoyé pour rendre témoignage; l'Evangéliste rapporte
ici le témoignage que le Précurseur rend publiquement [à l'élévation de
l'humanité en Jésus-Christ et à l'éternité de son existence divine] : « Jean rend témoignage de lui. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 13 sur Saint Jean). Ou bien, tel est le motif qui a
déterminé l'Evangéliste à rapporter ce témoignage : Ne croyez pas,
semble-t-il dire, que c'est pour avoir longtemps vécu avec le Sauveur et nous
être assis à la même table, que nous lui rendons ainsi un témoignage de
reconnaissance; car Jean-Baptiste qui ne l'avait pas vu auparavant, qui
n'avait point vécu avec lui, lui rend le même témoignage. L’évangéliste
revient à plusieurs reprises sur ce témoignage, [et le reproduit avec le plus
grand soin sous différentes formes], parce que les Juifs avaient
Jean-Baptiste en très grande estime. Les autres évangélistes ont invoqué les
oracles des anciens prophètes. « Ceci
s'est fait, disent-ils, afin que
fût accomplie la parole du prophète. » Saint Jean, au contraire, produit
un témoin plus élevé, et aussi plus récent, non qu'il prétende donner du
crédit au Maître par le témoignage du serviteur, mais pour se mettre au
niveau de la faiblesse de ses auditeurs. Si le Fils de Dieu n'eût pris la
forme de serviteur, il n'eût pu être reçu facilement par les hommes; de même
s'il n'eût préparé par la voix de son serviteur l'esprit de ses semblables,
peu de Juifs eussent consenti à recevoir la parole de Jésus-Christ : « Et il dit à haute voix,»
c'est-à-dire qu'il parle publiquement, [avec confiance et] en toute liberté,
et sans rien dissimuler. Toutefois, il ne commence point par dire que Jésus
est le Fils unique de Dieu par nature, mais il dit à haute voix : « Voici celui dont je disais : Celui qui
doit venir après moi, a été fait pins grand que moi, parce qu'il était avant
moi. » Les mères des petits oiseaux n'apprennent pas tout de suite à
voler à leurs petits; ils commencent par les faire sortir de leur nid, puis [les
laissent se reposer, puis les exercent de nouveau, et] enfin leur font
prendre un essor plus rapide dans les airs. Jean-Baptiste fait de même, il ne
porte pas tout d'abord les Juifs à de hautes considérations, mais il les
élève insensi-blement au-dessus de la terre en leur disant que le Christ
était au-dessus de lui, ce qui était un grand point. Et voyez avec quelle
prudence il lui rend témoignage. Il n'attend pas que Jésus soit présent pour
le faire connaître, il l'annonce avant qu'il eût paru [au milieu des Juifs].
C'est ce qu'indiquent ces paroles : «
Voici celui dont je disais, ». Jean-Baptiste agit de la sorte pour
préparer les esprits à recevoir plus facilement Jésus-Christ, sans que
l’esprit des hommes soit tenu éloigné par tout ce qui avait été dit de lui
auparavant et sans être arrêté par l'extrême simplicité de son extérieur. En
effet, le Sauveur avait un extérieur si simple et si ordinaire, que si les
Juifs n'avaient entendu parler de lui qu'après l'avoir vu, ils se seraient
moqués du témoignage de Jean. —
Théophylactus : Il dit : « Celui qui vient après
moi, » dans l'ordre de la naissance temporelle; Jean-Baptiste, en effet,
précédait le Christ de six mois sous ce rapport. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 13). Ou bien encore, il
ne parle pas ici de la naissance de Jésus du sein de Marie; car Jésus était
déjà né, quand Jean-Baptiste tenait ce langage, mais du commencement de sa
vie évangélique. Il dit : « il a été
fait avant moi, » c'est-à-dire qu'il est plus illustre et plus digne
d'honneur. Ne croyez pas, semble-t-il dire, que je sois plus grand que lui,
parce que je le précède dans la carrière de la prédication. — Théophylactus : Les ariens interprètent ce passage, dans ce sens que le Fils de Dieu
n'est pas engendré du Père, mais qu'il a été fait comme toutes les autres
créatures. —
Saint Augustin : (Traité 3 sur Saint Jean). Ces paroles ne veulent donc pas dire
: Il a été fait avant que je fusse fait moi-même, mais il a été placé
au-dessus de moi. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. précéd). Si ces
paroles : « Il a été fait avant moi, »
devaient s'entendre du commencement de l'existence, il serait fort inutile
d'ajouter : « parce qu'il était avant
moi. » Car qui est assez ignorant, pour ne pas savoir que celui qui a été
fait avant lui était avant lui ? Si telle avait été son intention, voici
comme il aurait dû s'exprimer : Il était avant moi, parce qu'il a été fait
avant moi. Ces paroles : « Il a été
fait avant moi, » doivent donc s'entendre d'une priorité d'honneur, et
Jean-Baptiste présente comme étant déjà accompli ce qui devait se faire,
selon la coutume des anciens prophètes qui parlaient des choses à venir comme
si elles étaient déjà passées. |
Lectio 17 |
Versets 16-17
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[85990] Catena in Io., cap. 1 l. 17 Origenes.
Sermo iste in persona Baptistae de Christo testantis prolatus est; quod
plurimos fallit, ex hic usque illuc ille enarravit, credentes in persona
Ioannis apostoli recitari, inconsequens autem est putare, subito et quasi
intempestive interrumpi Baptistae sermonem ex verbo discipuli; et cuique
scienti percipere dictorum collationem, in propatulo constat series dicti;
dixerat enim ob hoc ante me factus est, qui prior me erat. Ex hoc autem
coniecto priorem me fore, quod ex eius plenitudine ego quidem, et ante me
prophetae accepimus gratiam secundam pro prima. Pertigerunt enim et illi post
figuras per spiritum ad veritatis speculationem. Hinc etiam perpendimus ex
plenitudine eius accipientes, legem quidem per Moysen fore datam, gratiam
autem et veritatem per Iesum Christum, nedum fore datam, sed factam; patre
quidem legem dante per Moysen, gratiam et veritatem faciente per Iesum. Sed
si Iesus est qui dicit : ego sum veritas, quomodo veritas fit per Iesum? Sed
intelligendum est, quod ipsa veritas substantialis (ex qua prima veritate et
eius imagine sculptae sunt multae veritates in his qui veritatem tractant)
nequaquam per Iesum Christum facta est, nec prorsus per aliquem; sed veritas,
puta quae consistit in Paulo et apostolis, per Iesum Christum facta est. Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter. Coniungit hic
testimonio Ioannis Baptistae suum testimonium Ioannes Evangelista, dicens et
de plenitudine eius nos omnes accepimus. Non praecursoris est verbum, sed
discipuli; quasi dicat : etiam nos omnes duodecim, et omnis plenitudo
fidelium, et qui nunc sunt, et futurorum, de plenitudine eius accepimus. Augustinus in Ioannem. Quid autem accepistis? Et
gratiam pro gratia : ut nescio quid nos voluerit intelligere de plenitudine
eius accepisse, et insuper gratiam pro gratia : accepimus enim de plenitudine
eius primo gratiam, et rursus accepimus gratiam pro gratia. Quam gratiam
primo accepimus? Fidem. Vocatur enim gratia, quia gratis datur. Hanc ergo
accepit gratiam primam peccator, ut eius peccata dimitterentur; et iterum
gratiam pro gratia; idest, pro hac gratia in qua ex fide vivimus, recepturi
sumus aliam, idest vitam aeternam : vita enim aeterna quasi merces est fidei
: sed quia ipsa fides gratia est, vita aeterna gratia est pro gratia. Non
erat ista gratia in veteri testamento : quia lex minabatur, non opitulabatur;
iubebat, non sanabat : languorem ostendebat, non auferebat, sed praeparabat
medico venturo cum gratia et veritate; unde sequitur quia lex per Moysen data
est; gratia et veritas per Iesum Christum facta est. Mortem enim temporalem
et aeternam occidit mors domini tui : ipsa est gratia quae promissa et non
habita erat in lege. Chrysostomus in Ioannem. Vel accepimus gratiam pro
gratia; idest, pro veteri novam. Sicut enim est iustitia et iustitia, adoptio
et adoptio, circumcisio et circumcisio, ita gratia et gratia; sed illa quidem
ut typus, haec vero ut veritas. Hoc autem induxit, ostendens quoniam et
Iudaei gratia salvabantur, sed et nos omnes gratia salvi sumus :
misericordiae autem et gratiae fuit legem suscipere. Propterea cum dixisset
gratiam pro gratia, ostendens magnitudinem eorum quae data sunt, subdit quia
lex per Moysen data est, gratia et veritas per Iesum Christum facta est. Et
supra quidem Ioannes ad seipsum comparans Christum, ait ante me factus est :
hic autem Evangelista ad eum qui illo tempore magis in admiratione apud
Iudaeos erat quam Ioannes, Christi comparationem facit, scilicet ad Moysen.
Et considera prudentiam. Non personarum, sed rerum comparationem facit,
gratiam et veritatem legi opponens; et huic addit data est, quod ministrantis
erat; huic autem facta est, quod est regis cum potestate omnia operantis : cum
gratia quidem, quia cum potestate omnia dimittebat peccata. Et gratiam quidem
eius Baptismatis donum, et adoptio quae per spiritum nobis datur, et alia
multa ostendunt : veritatem autem plenius sciemus si figuras veteris legis
didicerimus : ea enim quae in novo testamento perficienda erant, in veteri
testamento figurae praescripserunt, quas Christus veniens adimplevit. Unde
figura data est per Moysen, veritas per Christum facta est. Augustinus de Trin. Vel gratiam referamus ad
scientiam, veritatem ad sapientiam : in rebus enim per tempus ortis illa
summa gratia est, quod homo in unitate personae coniunctus est Deo : in rebus
vero aeternis summa veritas recte tribuitur Dei verbo. |
— Origène : (Traité 5 sur Saint Jean). Ces paroles sont la continuation du
témoignage que Jean-Baptiste rend à Jésus-Christ, et beaucoup se trompent en
attribuant les réflexions qui suivent à saint Jean l'Evangéliste, jusqu'à ces
paroles : « Le Fils unique, qui est
dans le sein du Père, nous l'a fait connaître. » C'est faire violence au
texte que de supposer que le discours du Précurseur est interrompu brusquement
et d’une manière quasi intempestive par les réflexions de l'Evangéliste, et
l'enchaînement des paroles est ici visible pour qui est capable de le saisir.
Jean-Baptiste venait de dire : « Il a
été fait plus grand que moi, parce qu'il était avant moi. » Or, [poursuit-il],
je suis porté à croire [et à conclure] qu'il est avant moi, parce que nous
avons reçu, moi, et les prophètes avant moi, une seconde grâce après la
première; car l'esprit de Dieu, après les symboles figuratifs, les a conduits
jusqu'à la contemplation de la vérité. En recevant ainsi de sa plénitude,
nous comprenons que la loi a été donnée par Moïse, et que la grâce et la
vérité ont été données ou plutôt ont été faites par Jésus-Christ; car Dieu le
Père a donné la loi par Moïse, et il a fait la grâce et la vérité par
Jésus-Christ. Mais puisque Jésus a dit : «
Je suis la vérité, » comment la vérité a-t elle pu être faite par lui ?
Nous répondons que la vérité substantielle[, la vérité première] qui est le
principe et le modèle de toutes les vérités qui existent dans l'esprit de
ceux qui enseignent la vérité, n'a été faite ni par Jésus-Christ ni par aucun
autre; la vérité qui a été faite par Jésus-Christ est donc celle que nous
remarquons dans saint Paul et dans les autres Apôtres. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 13 sur Saint Jean). On peut dire encore que saint Jean
l'Evangéliste joint ici son témoignage à celui de Jean-Baptiste. Ainsi ces
paroles : « Et nous avons reçu tous de
sa plénitude, » etc..., ne sont pas les paroles du Précurseur, mais
celles du disciple, et voici quel en est le sens : Et nous autres aussi, les
douze Apôtres, et toute la multitude des fidèles présents et futurs, nous
avons tous reçu de sa plénitude. —
Saint Augustin : (Traité 3 sur Saint Jean). Et qu'avez-vous donc reçu ? « grâce pour grâce, » c'est-à-dire que
nous avons reçu de sa plénitude je ne sais quoi d'ineffable, et ensuite grâce
pour grâce. Ainsi nous avons reçu de sa plénitude d'abord la grâce, et nous
avons reçu ensuite grâce pour grâce. Quelle est la première grâce que nous
avons reçue ? La foi, qui est appelée grâce, parce qu'elle est donnée
gratuitement. Le pécheur a donc reçu cette première grâce qui a été pour lui
le principe de la rémission de ses péchés; et il a de nouveau reçu grâce pour
grâce, c'est-à-dire que, pour cette grâce qui nous fait vivre de la foi, nous
en recevrons une autre, c'est-à-dire la vie éternelle. Car la vie éternelle
est comme la récompense de la foi, et comme la foi est une grâce, la vie
éternelle est aussi une grâce donnée pour une autre grâce. Cette grâce
n'existait pas dans l'Ancien Testament, parce que la loi menaçait sans porter
secours; elle commandait sans guérir, elle montrait le mal sans le faire
disparaître, et se contentait de préparer les hommes à recevoir le médecin
qui devait venir avec la grâce et la vérité. Voilà pourquoi l'Evangéliste
ajoute : « La loi a été donnée par
Moïse, mais la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ, » car la
mort de votre Seigneur a détruit la mort temporelle et la mort éternelle; et
c'est là cette grâce que la loi promettait et ne donnait pas. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 14 sur Saint Jean). Ou bien, nous avons reçu grâce pour
grâce, c'est-à-dire une grâce nouvelle pour la grâce ancienne. De même, en
effet, qu'il y a justice et justice, adoption et adoption, circoncision et
circoncision, il y a aussi grâce et grâce, la première comme figure, la
seconde comme vérité. Jean-Baptiste parle de la sorte pour prouver aux Juifs
qu'eux-mêmes n'étaient sauvés que par grâce, et que nous-mêmes, [tous tant
que nous sommes], nous ne pouvons arriver au salut que par la grâce. Ce fut
donc une véritable grâce, et un acte de miséricorde que la loi qui fut donnée
aux Juifs. Aussi l'Evangéliste, en disant « grâce
pour grâce », voulant faire ressortir la grandeur des dons qui ont
été faits, ajoute : « La loi a été
donnée par Moïse, mais la grâce et la vérité par Jésus-Christ». Il avait
plus haut établi une comparaison entre Jésus-Christ et lui, en disant : « Il a été fait plus grand que moi. »
Ici saint Jean fait cette comparaison entre Jésus-Christ et Moïse qui fut, en
ce temps-là, pour les Juifs l'objet d'une bien plus grande admiration que
Jean-Baptiste. Et voyez quelle est ici sa prudence : Il n'établit pas la
comparaison entre les personnes, mais entre les choses, et il oppose la grâce
et la vérité à la loi, aussi bien que cette expression : « a été donnée, » à cette autre : « a été faite. » Il dit de la loi qu'elle a été donnée, c'était
l'œuvre d'un serviteur [qui transmet ce qu'il a reçu selon l'ordre qui lui a
été imposé]. Ces paroles, au contraire : «
La grâce et la vérité ont été faites, » indiquent un roi qui opère tout
par sa puissance, c'est ce que faisait Jésus : par grâce vraiment, parce que
par sa puissance il remettait tous les péchés. [« Vos péchés vous sont remis
(Mc 2, 9), et encore : « Afin que vous sachiez que le Fils de l'homme a le
pouvoir de remettre les péchés, » etc. (Mc 2, 10 et 11). Vous voyez comme la
grâce a été faite par Jésus-Christ, considérez comment la vérité nous est
aussi venue de la même manière]. Le don du baptême, le bienfait de l'adoption
qui nous est donné par le Saint-Esprit, et une multitude d'autres dons sont
les preuves de la grâce. Quant à la vérité, nous comprendrons mieux [comment
elle est venue par Jésus-Christ], si nous avons une connaissance parfaite des
figures de la loi; car tout ce qui devait s'accomplir dans le Nouveau
Testament a été annoncé et figuré dans l'Ancien, et c'est Jésus-Christ qui
est venu accomplir toutes ces figures. C'est ainsi que la figure a été donnée
par Moïse, et que la vérité a été faite par Jésus-Christ. —
Saint Augustin : (de la Trin., 13, 20). Ou
bien encore, nous pouvons rapporter la grâce à la science, et la vérité à la
sagesse. Parmi les choses qui ont pris naissance dans le cours des temps, la
grâce par excellence qui nous a été donnée, c'est que l'homme ait été uni à
Dieu en unité de personne; et dans les choses de l'éternité, la vérité suprême
et par excellence doit s'entendre du Verbe de Dieu. |
Lectio 18 |
Verset 18
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[85991] Catena in Io., cap. 1 l. 18 Origenes
in Ioannem. Incongrue Heracleon asserit hoc promulgatum fuisse non a
Baptista, sed a discipulo : nam si illud de plenitudine eius nos omnes
accepimus, a Baptista prolatum est, quomodo non est sequens, ipsum de gratia
Christi suscipientem, et secundam pro prima gratia, confitentemque, legem per
Moysen fore traditam, gratiam vero et veritatem per Iesum Christum prodiisse;
intellexisse qualiter Deum nemo vidit unquam, quodque unigenitus, cum in
patris gremio requiescat, interpretationem ipsi Ioanni, nec non omnibus his
qui de perfectione gustaverint, concesserit? Non enim nunc primitus
annuntiavit : nam priusquam Abraham fieret, docet nos Abraham exultasse, ut
videret eius gloriam. Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter. Evangelista
ostendens multam eminentiam donorum Christi ad ea quae per Moysen dispensata
sunt, vult de reliquo causam rationalem differentiae dicere : nam ille quidem
famulus existens, minorum rerum factus est minister; hic vero dominator et
regis filius existens, multo maiora nobis attulit coexistens semper patri, et
videns eum : propter hoc ita intulit, dicens Deum nemo vidit unquam. Augustinus ad Paulinam. Quid ergo est quod Iacob
dicit : vidi dominum facie ad faciem; et quod de Moyse scriptum : quia
loquebatur cum Deo facie ad faciem; et illud quod propheta Isaias loquens de
seipso ait : vidi dominum Sabaoth sedentem in throno? Gregorius Moralium. Sed patenter datur intelligi
quod quamdiu hic mortaliter vivitur, videri per quasdam imagines potest Deus;
sed per ipsam naturae suae speciem non potest; ut anima gratia spiritus
afflata, per figuras quasdam Deum videat; sed ad ipsam vim eius essentiae non
pertingat. Hinc est enim quod Iacob, qui Deum se vidisse testatur, nonnisi
Angelum vidit : hinc est quod Moyses, qui cum Deo facie ad faciem loquitur,
dicit : ostende mihi temetipsum manifeste, ut videam te. Ex qua eius
petitione colligitur, quia eum sitiebat per incircumscriptae naturae suae
claritatem cernere, quem iam coeperat per quasdam imagines videre. Chrysostomus. Si autem antiqui patres ipsam viderunt
naturam, nequaquam differenter considerassent : simplex enim quaedam est et
infigurabilis; non sedet, neque stat, neque ambulat; haec enim corporum sunt
: unde et per prophetam dicit : ego visionem multiplicavi eis, et in manibus
prophetarum assimilatus sum; hoc est, condescendi eis, non quod eram apparui
: quia enim filius Dei per veram carnem appariturus erat nobis, primo
excitavit eos videre Deum, sicut possibile erat eis videre. Augustinus ad Paulinam. Sed cum scriptum sit : beati
mundo corde, quoniam ipsi Deum videbunt, et iterum : cum apparuerit, similes
ei erimus, quoniam videbimus eum sicuti est, quid est quod hic dicitur Deum
nemo vidit unquam? An fortasse respondetur, quod illa testimonia de videndo
Deo sunt, non de viso? Ipsi enim Deum videbunt, dictum est, non viderunt; et
non vidimus, sed : videbimus eum sicuti est : Deum enim nemo vidit unquam :
vel in hac vita sicuti ipse est, vel etiam in Angelorum vita, sicut visibilia
ista quae corporali visione cernuntur. Gregorius Moralium. Si vero a quibusdam potest in
hac corruptibili carne viventibus, sed tamen inaestimabili virtute
crescentibus, quodam contemplationis acumine aeterna claritas Dei videri; hoc
ab hac sententia non abhorret, quoniam quisquis sapientiam, quae Deus est,
videt, huic vitae funditus moritur, ne iam eius amore teneatur. Augustinus super Genesim. Nisi enim ab hac vita
quisque quodammodo moriatur, sive omnino exiens de corpore, sive ita aversus
et alienatus a carnalibus sensibus, ut merito nesciat, sicut apostolus ait
utrum in corpore, an extra corpus sit, non in illam rapitur et subvertitur
visionem. Gregorius. Sciendum vero est, quod fuere nonnulli
qui Deum dicerent in illa regione beatitudinis in claritate sua conspici, sed
in natura minime videri. Quos nimirum minor inquisitionis subtilitas fefellit
: neque enim illi simplici et incommutabili essentiae aliud est claritas,
aliud natura. Augustinus ad Paulinam. Si autem dicitur, in hoc
quod scriptum est Deum nemo vidit unquam, homines tantummodo intelligendos :
nam hoc apostolus planius explicans : quem nemo, inquit, hominum vidit, sed
nec videre potest, ut ita dictum sit Deum nemo vidit unquam, ac si diceretur
: nullus hominum, quaestio illa solvi videbitur, ut non sit huic sententiae
contrarium quod dominus ait : Angeli eorum semper vident faciem patris mei;
ut scilicet Angelos Deum videre credamus, quem nemo vidit unquam, scilicet
hominum. Gregorius. Sunt tamen nonnulli qui nequaquam Deum
videre nec Angelos suspicantur. Chrysostomus in Ioannem. Dicentes, quod ipsum quod
Deus est, non solum prophetae, sed nec Angeli viderunt, neque Archangeli. Sed
si interrogaveris eos, audies de substantia nihil respondentes. Gloria vero
in excelsis Deo non solum cantantes, sed et in terra pax hominibus bonae
voluntatis. Et si a Cherubim et Seraphim concupiveris aliquid discere,
mysticam sanctimonii melodiam audies, et quoniam plenum est caelum et terra
gloria eius. Augustinus ad Paulinam. Quod quidem intantum verum
est, quia Dei plenitudinem nullus non solum oculis corporis, sed vel ipsa
mente aliquando comprehendit. Aliud est enim videre, aliud totum videndo
comprehendere : quandoquidem id videtur quod praesens utcumque sentitur;
totum autem comprehenditur videndo quod ita videtur ut nihil eius lateat
videntem, aut cuius fines circumspici possunt. Chrysostomus. Sic igitur solus patrem videt filius
et spiritus sanctus. Quod enim creabilis est naturae, qualiter poterit videre
quod increabile est? Ita igitur nullus novit Deum, ut filius; unde sequitur
unigenitus filius, qui est in sinu patris, ipse enarravit. Ne propter nominis
communionem unum quemdam eorum qui gratia facti sunt filiorum esse existimes
eum, primo quidem adiectus est articulus. Si vero hoc non sufficit tibi, audi
aliud nomen unigenitus. Hilarius de Trin. Naturae quidem fides non satis
explicata videbatur ex nomine filii, nisi proprietatis virtus per exceptionis
significantiam adderetur; praeter filium enim et unigenitum nihil
cognominans, suspicionem penitus adoptionis exclusit, cum veritatem nominis
unigeniti natura praestaret. Chrysostomus. Sed et aliud posuit, dicens qui est in
sinu patris. Etenim in sinu conversari multo plus est quam simpliciter videre
: nam qui simpliciter videt, non omnino eius quod videt cognitionem habet :
qui vero in sinu conversatur, nihil ignorabit. Cum igitur audieris quod
nullus cognoscit patrem nisi filius, nequaquam dicas, quoniam etsi plus omnibus
novit patrem, sed non quantus est novit eum : propterea Evangelista in sinu
patris eum morari dicit, ut non aestimemus per id aliud significatum quam
familiaritatem unigeniti, et coaeternitatem ad patrem. Augustinus in Ioannem. In sinu enim patris, idest in
secreto patris : non enim Deus habet sinum, quemadmodum nos habemus in
vestibus; aut cogitandus est sic sedere quomodo nos; aut forte cinctus est,
ut sinum haberet : sed quia sinus noster intus est, secretum patris sinus
patris vocatur. Qui ergo in secreto patris novit patrem, ipse enarravit quod
vidit. Chrysostomus in Ioannem. Sed quid enarravit? Quoniam
unus est Deus. Sed et hoc reliqui prophetae et Moyses clamant : quid ergo
plus didicimus a filio in sinibus paternalibus existente? Primum quidem ipsa
haec quae alii narraverunt, sunt enarrata ex operatione unigeniti; deinde
quoniam multo maiorem suscepimus doctrinam per unigenitum, et cognovimus
quoniam spiritus est Deus, et quod eos qui adorant eum, in spiritu et
veritate adorare oportet, et quoniam Deus pater est unigeniti. Beda. Praeterea sciendum, quia si ad praeteritum
referatur quod ait enarravit, homo factus enarravit quid de Trinitatis
unitate sentiendum, qualiter ad eius contemplationem properandum, quibus
actibus sit perveniendum. Si vero referatur ad futurum, tunc enarrabit cum
electos suos ad visionem claritatis suae inducet. Augustinus. Fuerunt autem homines qui dicerent,
vanitate cordis sui decepti : pater invisibilis est, filius autem visibilis
est. Si ergo propter carnem filius visibilis dicitur, et nos concedimus, et
est Catholica fides; si autem, ut ipsi dicunt, antequam incarnaretur, multum
delirant, si Christus sapientia Dei et virtus Dei est : sapientia enim Dei
videri oculis non potest. Si verbum hominis oculis non videtur, verbum Dei
sic videri potest? Chrysostomus. Non igitur soli ipsi proprium est Deum
nemo vidit unquam, sed et filio : quia, ut Paulus dicit, est imago Dei
invisibilis; qui vero invisibilis imago est, et ipse invisibilis est. |
— Origène : (Traité 6 sur Saint Jean). C'est sans aucune raison qu'Héracléon
prétend que ces paroles ne sont point de Jean-Baptiste, mais de
l'Evangéliste. En effet, si les paroles qui précèdent : « Nous avons tous reçu de sa plénitude, » ont été dites par le
saint Précurseur, comment ne pas admettre comme conséquence, que celui qui
avait reçu de la plénitude de Jésus-Christ et une seconde grâce pour la
première, celui qui avait déclaré que la loi avait été donnée par Moïse, et
que la grâce et la vérité étaient venues par Jésus-Christ, ait compris
comment personne n'a jamais vu Dieu, mais que le Fils unique, qui repose dans
le sein du Père, a donné la connaissance de ces mystères, non seulement à
Jean, mais à tous ceux qui marchent dans les voies de la perfection ? Et ce
n'est pas la première fois que celui qui est dans le sein du Père les
révélait, [comme si avant les Apôtres, personne n'avait été digne de recevoir
cette révélation]; car lui qui existait avant qu'Abraham fût fait, nous
apprend qu'Abraham a tressailli du désir de voir sa gloire, et qu'il en a été
rempli de joie. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 15 sur Saint Jean). Ou bien, c'est l'Evangéliste lui-même
qui, pour faire ressortir la prééminence des dons que Jésus-Christ nous a
faits sur ceux dont Moïse a été le dispensateur, nous indique le véritable
motif de cette supériorité. Moïse, simple serviteur, a été le dispensateur de
grâces moins importantes; Jésus, au contraire, le souverain Seigneur et Fils
de roi, a répandu sur nous des grâces d'un ordre bien supérieur, lui dont
l'existence est éternelle comme celle du Père, et qui jouit éternellement de
sa présence. Voila l'explication de ces paroles : « Personne n'a jamais vu Dieu. » —
Saint Augustin : (Lettre 112 à Pauline). Que
signifient donc ces paroles de Jacob : «
J'ai vu le Seigneur face, à face, » (Gn 32) et ce qui est écrit de Moïse,
qu'il parlait à Dieu face à face (Ex 33), et encore ce que le prophète Isaïe
dit de lui-même : « J'ai vu le Seigneur
des armées assis sur un trône ? » (chap. 6) —
Saint Grégoire : (Moral., 28, 18) Ces textes
nous donnant clairement à comprendre que pendant cette vie mortelle, on peut
bien voir Dieu sous certaines figures, mais jamais dans la claire
manifestation de sa nature, c'est-à-dire que l'âme comme inspirée par la
grâce de l'Esprit saint, le voit comme à travers certaines figures, mais sans
pouvoir jamais parvenir à la vue intime de son essence. C'est ainsi que
Jacob, qui affirme qu'il a vu Dieu, n a vu cependant qu'un ange; c'est ainsi
encore que Moïse, qui parlait à Dieu face à face, lui fait cette prière : « Manifestez-vous à moi ouvertement, afin
que je vous voie ». D'où nous pouvons conclure qu'il avait soif de voir
dans toute sa splendeur cette nature infinie qu'il avait commencé à voir dans
des figures imparfaites. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. précéd). Si les
patriarches de l'Ancien Testament avaient véritablement vu la nature divine,
ils ne l'auraient point vue sous des formes différentes, car cette divine
nature est simple et sans figure, on ne peut la supposer ni assise, ni debout,
ni en marche, toutes choses qui ne conviennent qu'aux corps. Aussi écoutez
comment Dieu parle par son prophète : «
J'ai multiplié pour eux les visions, et ils m'ont représenté à vous sous des
images différentes. » (Os 12) C'est-à-dire, je me suis accommodé à leur
faiblesse; je ne leur ai pas apparu tel que j'étais. Comme le Fils de Dieu
devait se manifester à nous dans une chair véritable, il les préparait dès
lors à voir Dieu, autant que cela leur était possible. —
Saint Augustin : (Lettr. à Pauline). Mais
comment concilier ces paroles : «
Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu'ils verront Dieu, » (Mt 5)
et ces autres : « Lorsqu'il apparaîtra,
nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu'il est, »
avec celles-ci : « Personne n'a jamais
vu Dieu » ? On peut répondre que les témoignages qu'on vient de
citer ont pour objet la vision future de Dieu, et non la vision actuelle. Le
texte dit en effet : « Ils verront
Dieu, » et non : Ils ont vu Dieu; de même encore : « Nous le verrons tel qu'il est, » et non pas : Nous l'avons vu.
Or, Jean dit ici : « Personne n'a
jamais vu Dieu, » ou dans cette vie tel qu'il est, ou même dans la vie
des anges, où Dieu n'est pas vu comme le sont les objets extérieurs par les
yeux du corps. —
Saint Grégoire : (Moral., 18, 28). Que
cependant, même dans cette chair corruptible, des âmes qui ont fait
d'immenses progrès dans la vertu puissent voir la splendeur divine avec les
yeux perçants de la contemplation, cela n'est nullement en contradiction avec
ces paroles; car celui qui a le bonheur de voir la sagesse qui est Dieu,
meurt entièrement à la vie présente, et s'affranchit ainsi de toutes ses
affections. —
Saint Augustin : (De la Gen.; explic.
littér., 27) Si, en effet on ne meurt à cette vie soit en se séparant
réellement du corps, soit en se détachant si parfaitement des sens
extérieurs, qu'on puisse dire avec l’Apôtre, qu’on ne sait si on est avec son
corps ou en dehors de son corps (2 Co 12), on ne peut être élevé jusqu'à la
hauteur de cette contemplation. —
Saint Grégoire : (Moral., 18, 28). Il faut
savoir que certains ont prétendu que, même dans cette région du bonheur, Dieu
pourra être vu dans sa gloire, mais nullement dans sa nature. Leurs
recherches plus subtiles qu’ approfondies les ont induits en erreur, car pour
cette essence simple et immuable la gloire n'est pas différente de la nature. —
Saint Augustin : (Lettre à Pauline).
Dira-t-on que ces paroles : « Personne n'a jamais vu Dieu, » doivent
s'entendre des hommes seuls, comme l'explique plus ouvertement l'Apôtre,
quand il dit : « Qu’aucun homme ou que nul homme n'a vu et ne peut voir. »
(1 Tm 6) La difficulté se résout d'elle-même, et ces paroles : « Personne
n’a jamais vu Dieu, » ne sont nullement en opposition avec ces autres du
Sauveur : « Leurs anges voient toujours la face de mon Père, » (Mt 18)
puisque nous croyons en effet que les anges voient Dieu, qu'aucun homme n'a
jamais pu voir. —
Saint Grégoire : (Moral., 18, 28). D'autres
cependant soutiennent qu'il est impossible, même aux anges de voir Dieu. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. précéd). Certainement,
ni les prophètes, ni les anges, ni les archanges, n'ont jamais vu ce qu'est
Dieu en lui-même. Si vous interrogez les anges, vous ne les entendrez pas
parler de la substance divine, ils se contentent de chanter : Non seulement
gloire à Dieu au plus haut des cieux à ceux qui le chantent, mais aussi paix
sur la terre aux hommes de bonne volonté. (Lc 2) Désirez-vous apprendre
quelque chose de plus des chérubins et des séraphins ? Vous n'entendrez
sortir de leur bouche que cette hymne mystérieuse de la sainteté de Dieu : «
Le ciel et la terre sont pleins de sa gloire. » (Is 6) —
Saint Augustin : (Lett. à Pauline). Ces
paroles sont encore vraies en ce sens que personne n'a jamais pu comprendre, non
seulement des yeux du corps, mais par les forces de son esprit, la plénitude
de l'essence divine. Il y a, en effet, une grande différence entre la simple
vision et la compréhension parfaite. Nous voyons ce dont nous apercevons la
présence de quelque manière que ce soit, mais nous comprenons une chose quand
nous la voyons si parfaitement, qu'aucune des parties qui la composent
n'échappe à nos investigations et que nous pouvons en distinguer les limites. —
Saint Augustin : [référence à vérifier] Il n'y a donc que le Fils et l'Esprit saint qui puissent voir le Père,
car comment une simple nature créée pourrait-elle voir une nature incréée ?
Personne donc ne connaît le Père, si ce n'est le Fils : « Le Fils unique,
qui est dans le sein du Père, nous l'a fait connaître. » Et de peur que l’utilisation
du même nom de Fils vous donne à penser qu'il s'agit ici d'un de ceux qui
sont devenus fils de Dieu par sa grâce, l'article précède le mot Fils [(ό
υίος)]. Et si cela ne suffit pas encore, on vous dit que
c'est le Fils unique. —
Saint Hilaire : (De la Trin., 6) Le nom de
Fils ne paraissait pas encore assez explicite pour exprimer la nature divine,
si Jean-Baptiste n'y ajoutait une propriété qui le rend exclusif et
incommunicable. En effet, par l'emploi de ces seuls mots : Fils et unique, il
exclut toute idée d'adoption, puisque la nature divine seule peut remplir
toute la signification de ce nom : unique. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. précéd). Il ajoute
encore une autre preuve de la même vérité : « qui est dans le sein du
Père, » privilège bien supérieur à celui de voir simplement Dieu. Celui
qui ne fait que le voir, n'a pas une connaissance parfaite de ce qu'il voit.
Mais celui qui demeure dans le sein du Père, ne peut rien ignorer [de ce qui
est en Dieu]. Lors donc que vous entendez ces paroles : « Personne ne
connaît le Père, si ce n'est le Fils, » ne les prenez pas dans ce sens
que le Fils a du Père une connaissance supérieure à celle de tous les hommes,
mais qui cependant n'embrasse point l'immensité de son être, car
l'Evangéliste vous dit qu'il demeure dans le sein du Père, pour vous faire
comprendre son union intime avec le Père, et son existence coéternelle avec
lui. —
Saint Augustin : (Tr. 3 sur Saint Jean. ) « dans le sein du Père, »
c'est-à-dire dans le secret du Père, car Dieu n'a pas de sein comme celui que
nous formons avec nos vêtements, il ne s'assoie point comme nous, il ne porte
pas de ceinture qui puisse former un sein. Mais on appelle le secret du Père
le sein du Père, parce que le sein chez nous est comme une partie intime de
nous-mêmes. C'est donc celui qui a connu le Père dans le secret du Père, qui
nous a raconté ce qu'il a vu. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. précéd). Comment nous
l'a-t-il raconté ? En proclamant qu'il n'y a qu'un seul Dieu; mais c'est ce
que Moïse et les prophètes avaient fait avant lui. Que nous a donc fait
connaître de plus le Fils, qui demeurait dans le sein du Père ? Il nous a
enseigné d'abord que les prophètes n'ont annoncé l'existence d'un seul Dieu
que par la vertu du Fils unique; secondement, que nous avons reçu par ce Fils
unique des grâces bien plus grandes et plus abondantes; troisièmement, que
Dieu est esprit, et que ceux qui l'adorent doivent l'adorer en esprit et en
vérité (Jn 4), et enfin que Dieu est le Père du Fils unique. —
Saint Bède : Si on rapporte au passé ce
mot (enarravit), « il a raconté », nous dirons que le Fils de
l'homme nous a fait connaître ce que nous devions penser et croire de l'unité
de la Trinité, comment nous devons nous élever jusqu'à la contemplation d'un
si grand mystère et par quelles œuvres nous pouvons y parvenir. Si on traduit
ce mot au futur (ennarabit), le sens sera que le Fils racontera [ce qu'il a
vu dans le sein du Père], lorsqu'il introduira ses élus dans les célestes
clartés de la vision éternelle. —
Saint Augustin : (Traité 3). Il s'est trouvé
des hommes qui, trompés par la vanité de leur cœur, ont dit : Le Père est
invisible, le Fils, au contraire, est visible. Si dans leur pensée, le Fils
est visible, parce qu'il s'est revêtu d'un corps sensible, nous sommes de
leur avis, et c'est aussi ce qu'enseigne la foi catholique; mais s'ils
prétendent qu'il était visible avant même son incarnation, ils tombent dans
une grave absurdité. Jésus-Christ est la sagesse et la vertu de Dieu, or la
sagesse de Dieu ne peut pas être vue des yeux du corps. La parole, le verbe
de l'homme est invisible pour les yeux de l'homme, comment le Verbe de Dieu
pourrait-il être visible ? —
Saint Jean Chrysostome : (hom. préc). Ce n'est donc
pas au Père seul que se rapportent ces paroles : « Personne n'a jamais vu
Dieu », mais elles sont également vraies du Fils, dont saint Paul a
dit : « Il est l'image du Dieu invisible, » or, celui qui est l'image
d'un être invisible, est invisible lui-même. |
Lectio 19 |
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[85992] Catena in Io., cap. 1 l. 19 Origenes. Secundum legitur hoc testimonium a Ioanne
Baptista de Christo prolatum, incipiente primo illic : hic est de quo dixi,
et desinente ibi : ipse enarravit. Theophylactus. Vel aliter. Postquam superius dixit
Evangelista, quod Ioannes testabatur de Christo : ante me factus est, nunc
subiungit quando praemissum testimonium reddiderit Christo Ioannes; unde
dicit et hoc est testimonium Ioannis, quando miserunt Iudaei ab Hierosolymis
sacerdotes et Levitas ad Ioannem. Origenes. Iudaei quidem ab Hierosolymis, ut cognati
existentes Baptistae de stirpe sacerdotali existentis, sacerdotes et Levitas
destinant, sciscitaturos quis esset Ioannes; eos scilicet qui reputati sunt
secundum electionem ab aliis differre; et ab electo Hierosolymorum loco.
Ioannem itaque quaerunt cum tanta veneratione; erga Christum autem nihil
huiusmodi factum legitur a Iudaeis. Sed quod erga Ioannem Iudaei, hoc Ioannes
erga Christum prosequitur, per proprios discipulos interrogans : tu es qui
venturus es, an alium expectamus? Chrysostomus in Ioannem. Sic autem fide dignum
aestimaverunt esse Ioannem, ut ei de seipso dicenti crederent; unde dicitur
ut interrogarent eum : tu quis es? Augustinus in Ioannem. Non autem mitterent nisi
moverentur excellentia auctoritatis eius, quia ausus est baptizare. Origenes. Ioannes autem, ut videtur, discernebat ex
quaestione, sacerdotum et Levitarum dubitationem, ne forte Christus esset
baptizans; apertius tamen illud profiteri cavebant, ne temerarii putarentur.
Quapropter merito, ut eorum opinio fallax de eo primitus aboleretur, ac
subinde veritas propalaretur, quod non sit Christus ante omnia manifestat;
unde sequitur et confessus est, et non negavit : et confessus est : quia non
sum ego Christus. Hic etiam adiciamus, quia tempus adventus Christi populum
recreabat quodammodo iam praesens existens, legisperitis ex sacris Scripturis
illius tempus speratum colligentibus : propter quod Theodas non modicam multitudinem
quasi Christus congregavit, et post illum Iudas Galilaeus in diebus
professionis. Cum ergo ferventius Christi expectaretur adventus, Iudaei
transmittunt ad Ioannem, per hoc quod est tu quis es? Conicere volentes si
ipse se Christum fateretur. Non autem ex eo quod dicit non sum ego Christus,
negavit : ex hoc enim ipso confessus est veritatem. Gregorius in Evang. Negavit plane quod non erat, sed
non negavit quod erat, ut veritatem loquens, eius membrum fieret cuius sibi
nomen fallaciter non usurparet. Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter. Passi erant
Iudaei quamdam humanam passionem ad Ioannem. Indignum enim aestimabant,
subici eum Christo propter multa quae Ioannis claritatem demonstrabant :
quorum primum erat genus illustre, principis enim sacerdotum filius erat;
deinde dura educatio, humanorum despectio. In Christo autem contrarium
videbatur : genus humile, quod ei exprobrabant dicentes : nonne hic est fabri
filius? Dieta communis, et vestimenta nihil plus multis habentia. Quia igitur
Ioannes continue ad Christum mittebat, volentes magis Ioannem habere
magistrum, mittunt ad eum, opinantes per blanditias eum allicere ad
confitendum se Christum esse. Non ergo quosdam contemptibiles mittunt, ut ad
Christum, ministros et Herodianos, sed sacerdotes et Levitas; et non
quoscumque, sed eos qui erant ex Hierosolymis, hoc est honorabiliores; et ad
hoc mittunt ut interrogarent tu quis es? Non quasi ignorantes, sed volentes
eum inducere ad hoc quod dixi : unde Ioannes ad mentem et non ad
interrogationem eis respondit et confessus est, et non negavit; et confessus
est : quia non sum ego Christus. Et vide sapientiam Evangelistae. Tertio
quasi idem dicit, et virtutem Baptistae indicans, et malitiam et amentiam
Iudaeorum. Devoti enim famuli est, non solum non rapere gloriam domini, sed
oblatam a multis respuere. Turbae quidem ex ignorantia ad hanc venerunt
suspicionem ut Ioannem Christum aestimaret; hi vero a maligna mente, ex qua
interrogabant eum, aestimantes per blanditias attrahere ad hoc quod volebant
: nisi enim excogitassent hoc, respondenti non sum ego Christus, dixissent :
non hoc suspicati sumus, non hoc venimus interrogaturi. Sed capti et
manifesti effecti ad aliud veniunt; unde sequitur et interrogaverunt eum :
quid ergo? Elias es tu? Augustinus. Noverant enim quod praecessurus erat
Elias Christum : non enim alicui ignotum erat nomen Christi apud Hebraeos;
sed non putabant illum esse Christum; nec tamen omnino putaverunt Christum
non esse venturum; et cum sperarent futurum, offenderunt in praesentem.
Sequitur et dixit : non sum. Gregorius in Evang. Ex his verbis nobis quaestio
valde implexa generatur. Alio quippe in loco inquisitus a discipulis dominus
de Eliae adventu, respondit : si vultis scire, Ioannes ipse est Elias.
Requisitus autem Ioannes dicit non sum Elias. Quomodo ergo propheta veritatis
est si eiusdem veritatis sermonibus concors non est? Origenes. Dicet aliquis quod se ignorabat Ioannes
esse Eliam; et hoc nimirum utentur documento qui assistunt iteratae
incorporationis rationi, tamquam anima denuo induente corpora. Quaerunt enim
Iudaei per Levitas ac sacerdotes, an esset Elias, cum iteratae corporis
assumptionis documentum verax arbitrantur, quasi paternum existens, nec
alienum ab arcanorum suorum doctrina. Ob hoc itaque dicit Ioannes : Elias non
sum; nam nescit primaevam vitam propriam. Qualiter autem videtur rationabile,
si tamquam propheta spiritu illuminatus est, et de Deo et unigenito tanta
narravit, ignorasse de seipso an unquam eius anima fuerit in Elia? Gregorius in Evang. Sed si subtiliter veritas ipsa
requiratur, hoc quidem quod inter se contrarium sonat, quomodo contrarium non
sit invenitur. Ad Zachariam namque de Ioanne Angelus dixit : ipse praecedet
ante illum in spiritu et virtute Eliae, quia scilicet sicut Elias secundum
domini adventum praeveniet, ita Ioannes praevenit primum; sicut ille
praecursor venturus est iudicis, ita iste praecursor factus est redemptoris.
Ioannes igitur in spiritu Elias erat, in persona Elias non erat. Quod autem
dominus fatetur de spiritu, hoc Ioannes denegat de persona : quia et iustum
sic erat ut discipulis dominus spiritalem de Ioanne sententiam diceret, et
Ioannes turbis carnalibus non de suo spiritu, sed de corpore responderet.
Origenes. Respondit ergo Levitis et sacerdotibus :
non sum, coniectans propositum quaestionis eorum : non enim sapiebat
praemissa examinatio, si idem spiritus esset in utroque; sed si Ioannes esset
ipse Elias qui assumptus est, nunc apparens, secundum quod a Iudaeis
expectabatur, absque nativitate. Primus autem arbitrans resumptionem
corporum, dicet, quod inconsequens est filium Zachariae tanti sacerdotis in
senio natum, super omnem humanam expectationem, ignorari a sacerdotibus et
Levitis ipsum natum fuisse; maxime Luca testante quod factus est timor in
omnibus habitantibus circa eos. Sed forsan quoniam prope finem Eliam
expectabant ante Christum, quasi tropice sciscitari videntur : an es tu qui
praenuntias Christum venturum? Et caute respondit : non sum. Sed nihil
mirabile. Sicut in salvatore, pluribus scientibus ex Maria nativitatem eius,
quidam fallebantur putantes eum Ioannem Baptistam vel Eliam, aut aliquem
prophetarum; sic et in Ioanne quosdam ortus eius ex Zacharia non latebat; et
quidam dubitabant, si forsan qui expectabatur Elias apparuit in Ioanne.
Quoniam vero cum plures in Israel editi fuerint prophetae, unus de quo Moyses
prophetaverat, praesertim expectabatur, iuxta illud : prophetam vobis
suscitabit Deus ex fratribus vestris : sicut mihi, illi parebitis; tertio
sciscitantur, non si foret propheta simpliciter, sed cum articulo, ut in
Graeco ponitur; unde sequitur propheta es tu? Per singulos enim prophetas
noverat populus Israel neminem eorum fore hunc quem Moyses prophetaverat, qui
sicut Moyses medius staret inter Deum et homines, et accepto testamento a Deo
traderet discipulis. Hoc autem illis nomen non Christo attribuentibus, sed
arbitrantibus alium a Christo ipsum fore, Ioannes scivit quoniam et Christus
ille propheta esset; unde subditur et respondit : non. Augustinus in Ioannem. Vel quia Ioannes maior erat
quam propheta : quia prophetae longe praenuntiaverunt, Ioannes praesentem
demonstrabat. Sequitur dixerunt ergo ei : quis es, ut responsum demus his qui
miserunt nos? Quid dicis de teipso? Chrysostomus in Ioannem. Vides hic vehementius insistentes
et interrogantes; hunc autem cum mansuetudine eas quae non erant verae
suspiciones destruentem, et eam quae est vera ponentem : unde sequitur ait :
ego vox clamantis in deserto. Augustinus. Isaias illud dixit; in Ioanne prophetia
ista completa est. Gregorius in Evang. Scitis autem quod unigenitus
filius verbum patris vocatur. Ex ipsa autem nostra locutione cognoscimus,
quia prius vox sonat, ut verbum possit audiri. Ioannes ergo vocem se asserit
esse, quia verbum praecedit, et per eius ministerium, patris verbum ab
hominibus auditur. Origenes. Ineleganter autem Heracleon de Ioanne et
prophetis considerans, ait, quoniam verbum quidem salvator est, vox autem per
Ioannem intelligitur; solus enim sonus est omnis gradus propheticus. Cui
dicendum, quod si non significativam vocem dederit tuba, nemo se accinget ad
praelium. Si ergo nil aliud quam sonus est vox prophetica, quomodo
transmittit nos ad illam salvator? Scrutamini Scripturas. Dicit autem Ioannes
se esse vocem non clamantem in deserto, sed clamantis in deserto, eius
scilicet qui stabat et clamabat : si quis sitit, veniat ad me, et bibat.
Clamat enim ut distantes auditu percipiant, et gravem habentes auditum
sentiant immensitatem eorum quae dicuntur. Theophylactus. Vel quia veritatem manifeste annuntiat
: omnes enim qui in lege erant, obscure loquebantur. Gregorius. Vel in deserto Ioannes clamat, quia quasi
derelictae ac destitutae Iudaeae solatium redemptoris annuntiat. Origenes. Opus autem vocis in deserto clamantis est
ut anima a Deo destituta, ad rectam faciendam viam domini revocetur,
nequaquam pravitatem serpentini gressus prosequendo : secundum
contemplationem quidem sublimatam in veritate absque permixtione mendacii, et
secundum actionem post congruam speculationem licitum opus referentem; unde
sequitur dirigite viam domini, sicut dixit Isaias propheta. Gregorius. Via domini ad cor dirigitur, cum
veritatis sermo humiliter auditur; via domini ad cor dirigitur, cum ad
praeceptum vita praeparatur. |
Versets 19-23— Origène : (Traité 6 sur Saint Jean). C'est ici le second témoignage que
nous voyons Jean-Baptiste rendre à Jésus-Christ, puisque le premier commence
à ces paroles : « Voici celui dont je disais », et se termine par
ces autres : « C'est lui qui l'a raconté. » — Théophylactus : On peut dire encore que l'Evangéliste, après avoir rapporté le
témoignage rendu par Jean-Baptiste à Jésus-Christ : « Il a été fait plus
grand que moi, » nous fait
connaître maintenant l'époque à laquelle le précurseur a rendu ce témoignage
: « Et tel est le témoignage de Jean, lorsque les Juifs lui envoyèrent, de
Jérusalem, des prêtres et des lévites, etc... » — Origène : (Traité 6). Les Juifs qui envoient cette députation depuis Jérusalem étaient
parents de Jean-Baptiste, comme étant eux-mêmes de race sacerdotale, et ils
envoient pour demander à Jean qui il était, des prêtres et des lévites [de
Jérusalem], c'est-à-dire des hommes élevés au-dessus des autres, et par leur
vocation, et par la ville qu'ils habitaient. Ils s'adressent donc à Jean avec
les marques du plus grand respect, jamais on ne lit que les Juifs agirent de
cette manière à l'égard du Sauveur. Mais la démarche qu'ils font aujourd'hui
auprès de Jean-Baptiste, le précurseur la fit lui-même à l'égard de
Jésus-Christ, en envoyant ses propres disciples lui demander : « Etes-vous
celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 16 sur Saint Jean). Jean-Baptiste était à leurs yeux si
digne de foi, qu'ils étaient disposés à croire au témoignage qu'il rendrait de
lui-même : « Ils envoyèrent pour demander : Qui êtes vous ? » —
Saint Augustin : (Traité 4 sur Saint Jean). Ils ne lui auraient pas envoyé cette
députation, s'ils n'avaient été frappés du caractère de supériorité qui
brillait en sa personne parce qu’il osait donner le baptême. — Origène : (Traité 6 sur Saint Jean).
Jean-Baptiste, semble-t-il, démêlait dans la question des prêtres et des
lévites le doute où ils étaient, s'il n'était pas le Christ qui baptisait,
doute qu'ils se gardaient bien de produire au dehors, de crainte de paraître
téméraires. Aussi s'empresse-t-il tout d'abord de détruire cette opinion
erronée, et de préparer ainsi les voies à la vérité, en déclarant ouvertement
qu'il n'est pas le Christ. « Loin de nier, il déclara : ‘Je ne
suis pas le Christ’ ». Ajoutons que le temps où le Christ devait
venir était pour le peuple juif un temps d'espérance et de joie dont il
jouissait par avance, parce que les docteurs de la loi recueillaient dans les
saintes Ecritures les témoignages qui attestaient que ce temps était proche;
c'est ce qui explique comment Théodas réunit autour de lui une assez grande
multitude de peuple, comme s’il était le Christ, et après lui Judas le
Galiléen, au temps du dénombrement du peuple. (Ac 5) Comme l'avènement du
Christ était alors l'objet des plus ardents désirs, les Juifs envoient
demander à Jean : « Qui êtes-vous ? » pour savoir s'il avouerait qu'il
était le Christ. Or, en disant : « Je ne suis point le Christ », il ne
nie pas, mais au contraire, confesse ouvertement la vérité. —
Saint Grégoire : (hom. 7 sur les Evang). Il
nie clairement ce qu'il n'est pas, mais il ne nie pas ce qu'il est. Son
langage, est celui de la vérité, et il mérite ainsi de devenir le membre de
celui dont il ne voulait pas usurper injustement le nom. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 16 sur Saint Jean). On peut dire encore que les Juifs
avaient à l'égard de Jean-Baptiste, des sentiments beaucoup trop humains. Ils
regardaient comme indigne de lui d'être inférieur au Christ, à cause de
l'éclat extraordinaire qui entourait toutes les circonstances de sa vie, sa
naissance illustre (il était fils du prince des prêtres), son éducation
austère, et le mépris qu'il faisait des choses humaines. Jésus-Christ, au
contraire, paraissait venir d'une famille obscure, comme les Juifs le lui
reprochaient : « Est-ce qu'il n'est pas le fils du charpentier ? » et
sa manière de se nourrir et de se vêtir n'avait rien qui le distinguât des
autres hommes. Or, comme Jean envoyait continuellement à Jésus-Christ, et que
les Juifs cependant auraient voulu l'avoir pour maître, ils lui envoient une
députation, dans l'espérance de l'amener par leurs flatteries, à déclarer
qu'il était le Christ. Ce ne sont donc point des hommes méprisables qu'ils
lui députent (comme lorsqu'ils envoient au Christ des serviteurs et des
hérodiens), mais des prêtres et des lévites, et encore n'étaient-ce pas les
premiers venus, mais des prêtres de Jérusalem, c'est-à-dire les plus
honorables d'entre eux. Ils lui envoient donc demander : « Qui êtes-vous ?
», non pas qu'ils ignorent ce qu'il est, mais parce qu'ils veulent
l'amener à répondre ce que je viens de dire. Aussi Jean-Baptiste répond à
leurs pensées plutôt qu'à leur question : « Il confessa, et il ne le nia
point, il confessa : Je ne suis pas le Christ. » Et voyez la sagesse de
l'Evangéliste, il répète trois fois à peu près la même expression, pour faire
ressortir la vertu de Jean-Baptiste, et la malice insensée des Juifs; car
c'est le devoir d'un serviteur fidèle, non seulement de ne pas ravir la gloire
qui appartient à son maître, mais de la rejeter quand elle lui est offerte,
même par un grand nombre. C'était par ignorance que le peuple conjecturait
que Jean-Baptiste pourrait être le Christ, tandis que c'est avec mauvaise
intention que les prêtres et les lévites lui adressent cette question,
espérant l'amener par leurs flatteries au résultat qu'ils désiraient. Si
telle n'avait pas été leur intention, lorsque Jean leur eut répondu : « Je
ne suis pas le Christ, » ils se fussent empressés de dire : Nous n'avons
jamais eu cette pensée, ce n'est pas ce que nous sommes venus vous demander.
Mais honteux de voir leur pensées ainsi dévoilées, ils passent aussitôt à une
autre question : « Qui êtes-vous donc, lui dirent-ils ? Etes-vous
Elie ?» —
Saint Augustin : (Traité 4 sur Saint Jean). Ils savaient qu'Elie devait précéder
le Christ, car le nom du Christ n'était ignoré de personne chez les Juifs.
Ils ne croyaient pas que Jean-Baptiste fût le Christ, ils n'avaient pas
cependant perdu toute espérance de l'avènement prochain du Christ, et avec
cette espérance, la venue du Christ fut pour eux comme une véritable pierre
de scandale. « Et il répondit : Je ne le suis pas. » —
Saint Grégoire : (hom. 7). Cette réponse
donne lieu à une difficulté assez grande : les disciples de Jésus l'ayant un
jour questionné sur l'avènement d'Elie, il leur répondit : « Puisque vous
voulez le savoir, c'est Jean lui-même qui est Elie. » (Mt 11) Ici on
demanda à Jean-Baptiste lui-même s'il est Elie, et il répond : « Je ne le
suis pas. » Comment peut-il être le prophète de la vérité, si ces paroles
sont en désaccord avec celles de la vérité ? — Origène : (Traité précédent). On dira peut-être que Jean-Baptiste ignorait qu'il
fût Elie, et c'est l'opinion que soutiennent ceux qui adhèrent à la doctrine
de la transmigration des âmes dans de nouveaux corps. Les Juifs lui demandent
donc par les prêtres et les lévites s'il était Elie, parce qu'ils admettent
comme véritable le dogme de la transmigration successive des âmes, dogme
conforme à leurs traditions et à leurs doctrines secrètes; et Jean-Baptiste
leur répond : « Je ne suis pas Elie, » parce qu'il ignore sa première
existence dans un autre corps. Mais comment peut-on supposer raisonnablement
que Jean, qui, comme prophète, a été inondé des lumières de l'Esprit saint,
et nous a révélé de si grandes vérités sur Dieu et sur son Fils unique, ait
pu ignorer que son âme avait autrefois animé le corps d'Elie ? —
Saint Grégoire : (hom. 7). Si l'on veut
examiner à fond cette difficulté, on trouvera le moyen de découvrir que cette
contradiction apparente ne l’est pas. Que dit, en effet, l'ange à Zacharie ? «
Il marchera devant lui dans l'esprit et la vertu d'Elie, » c'est-à-dire
que Jean-Baptiste devait précéder le premier avènement, comme Elie devra un
jour précéder le second; de même qu'Elie sera le précurseur du Juge, ainsi
Jean-Baptiste devait être le précurseur du Rédempteur; Jean-Baptiste était
donc Elie en esprit, mais il ne l'était pas en personne. Ce que le Sauveur
affirme de l'esprit d'Elie, Jean le nie de la personne. Il était juste, en
effet, que le Seigneur parlât de Jean à ses disciples dans un sens spirituel,
tandis que Jean devait répondre au peuple encore grossier, non au sens
spirituel mais au sens charnel. — Origène : Jean répondit donc aux prêtres
et aux lévites : « Je ne le suis pas, » en devinant l'intention
qui avait dicté leur demande. Cette question, en effet, avait pour but de
savoir, non pas s'il avait le même esprit qu'Elie, mais s'il était en réalité
cet Elie qui avait été enlevé dans les cieux, et qui, sans passer par une
nouvelle naissance, apparaissait de nouveau conformément à l'attente des
Juifs. Ceux qui croient à la transmigration des âmes dans de nouveaux corps,
diront qu'il est invraisemblable que des prêtres et des lévites pussent
ignorer la naissance d'un fils que Zacharie, prêtre si distingué, eut dans sa
vieillesse, et ce contre toute attente humaine, surtout lorsque saint Luc
nous atteste qu'à sa naissance, tous les habitants du voisinage furent
remplis de crainte[, et que le bruit de ces merveilles se répandit dans tout
le pays des montagnes de Judée]. Peut-être, comme ils savaient qu'Elie
viendrait avant Jésus-Christ vers la fin du monde, demandent-ils à
Jean-Baptiste, dans le sens figuré : « Est-ce vous qui annoncez l'arrivée
du Christ, qui doit venir [à la fin du monde] ? » Et il répond avec
sagesse : « Non, ce n'est pas moi. » Cela n’a rien d’extraordinaire.
Comme dans le cas du Sauveur : un grand nombre savait que Jésus était né
de Marie, mais quelques-uns ne laissaient pas de tomber dans cette erreur
qu'il pouvait être Jean-Baptiste, ou Elie, ou quelqu'un des prophètes; [il
n'y a donc rien d'étonnant que], tandis que les uns savaient parfaitement que
Jean-Baptiste était fils de Zacharie, d'autres fussent dans le doute s'il
n'était pas le prophète Elie qu'ils attendaient. Mais comme il avait paru
plusieurs prophètes en Israël, l'objet de leur attente était surtout en
prophète que Moïse avait annoncé en ces termes : « Dieu vous suscitera un
prophète du milieu de vos frères, vous lui obéirez comme à moi. » (Dt 5,
5; Ex 24, 7-8). C'est ce qui explique la troisième question qu'ils font à
Jean-Baptiste, non pas s'il était simplement prophète, mais s'il était le
prophète avec l'article, comme porte le texte grec : « Etes-vous le
prophète ? » Le peuple d'Israël savait, qu'aucun des prophètes n'avait
été celui que Moïse avait annoncé, et qui devait, à l'exemple de ce
législateur du peuple de Dieu, être le médiateur entre Dieu et les hommes, et
transmettre à ses disciples le testament ou l'alliance qu'il recevait de
Dieu. Or, tandis que les Juifs refusaient de reconnaître dans Jésus-Christ ce
prophète prédit par Moïse, et voulaient attribuer ce nom à un autre que lui,
Jean savait que Jésus était vraiment ce prophète. Aussi répond-il : « Je
ne le suis pas. » —
Saint Augustin : (Traité précéd). Peut-être
répond-il de la sorte, parce qu'il était plus grand qu'un prophète, les
prophètes ayant prédit le Christ longtemps à l'avance, tandis que Jean le
montrait présent au milieu des hommes. « Ils lui dirent donc : Qui
êtes-vous, afin que nous donnions une réponse à ceux qui nous ont envoyés ? Que
dis-tu de toi-même ?» —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 16 sur Saint Jean). Voyez comme ils insistent et le
pressent de nouvelles questions, et comme Jean-Baptiste leur répond avec
douceur en détruisant toutes leurs fausses idées et leur faisant connaître ce
qu'il était en vérité : « Il répondit : Je suis la voix de celui qui crie
dans le désert. » —
Saint Augustin : (Traité précéd). Cette
prophétie d'Isaïe a reçu son accomplissement dans la personne de
Jean-Baptiste. —
Saint Grégoire : (hom. 7). Vous savez que le
Fils unique de Dieu est appelé le Verbe du Père; or, notre langage nous aide
à nous rendre compte de ce fait, que la voix doit retentir d'abord, pour que
le verbe puisse être entendu. Jean affirme donc qu'il est la voix, parce
qu'il précède le Verbe, et que c'est par son ministère que le Verbe du Père a
été connu des hommes. — Origène : Héracléon, dans ses
réflexions absurdes sur Jean et les prophètes, reconnaît que le Sauveur est
bien le Verbe, et que Jean est la voix, parce que tout prophète n'est qu'un
son. Nous lui répondrons par ces paroles de l'Apôtre : « Si la trompette
ne rend qu'un son confus, qui est-ce qui se préparera au combat ? » (1 Co
14) Si donc la voix des prophètes n'est qu'un son, comment le Sauveur nous
ordonne-t-il de recourir à cette voix ? « Scrutez les Ecritures, nous
dit-il. » (Jn 5, 1). Or, Jean déclare qu'il est non pas la voix qui
crie dans le désert, mais « la voix de celui qui crie dans le désert, »
c'est-à-dire de celui qui se tenait debout et disait à haute voix : « Si
quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive. » (Jn 7) Il parle à
haute voix pour se faire entendre de ceux qui étaient éloignés, et aussi pour
faire comprendre à ceux qui ont l'ouïe dure, l'importance des vérités qu'il
leur enseignait. — Théophylactus : Ou bien encore, Jean est la voix, parce qu'il annonce ouvertement la
vérité, tandis que sous la loi le langage des prophètes était couvert d'obscurité. —
Saint Grégoire : (hom. 7). Ou encore, Jean
criait dans le désert, parce qu'il venait annoncer la consolation du
Rédempteur à la Judée, semblable à un lieu désert et abandonné. — Origène : (Traité précéd). La voix qui crie dans le désert est nécessaire à
l'âme abandonnée de Dieu, pour la ramener dans les voies droites qui
conduisent à lui, sans qu'elle s'égare davantage dans les voies tortueuses du
serpent mauvais, pour l'élever par la méditation jusqu'à la contemplation de
la vérité sans mélange d'erreur, et faire succéder à cette méditation
sérieuse la pratique des bonnes œuvres. Voilà le sens de ces paroles : «
Rendez droite la voie du Seigneur, comme a dit le prophète Isaïe. » —
Saint Grégoire : (hom. 7). La voie du
Seigneur va droit au cœur, lorsqu'on écoute avec humilité la parole de
vérité; elle va droit au cœur lorsqu'elle le prépare à l'accomplissement des
divins préceptes. |
Lectio 20 |
Versets 24-28
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[85993] Catena in Io., cap. 1 l. 20 Origenes. Facta responsione versus sacerdotes et Levitas,
denuo missum est a Pharisaeis; unde dicitur et qui missi fuerant erant ex
Pharisaeis. Quantum enim ex ipso sermone coniecturari contingit, dico tertium
hoc esse testimonium. Vide tamen quomodo iuxta sacerdotalem et leviticam
personam est cum mansuetudine prolatum illud tu quis es? Nihil enim arrogans
vel protervorum in eorum quaestione continetur, sed cuncta decentia veros Dei
ministros. Sed Pharisaei secundum suum nomen divisi et importuni ex discordia
contumeliosas voces praetendunt Baptistae; unde sequitur et dixerunt ei :
quid ergo baptizas, si tu non es Christus, neque Elias, neque propheta? Non
quasi scire volentes, sed prohibere eum a Baptismo. Deinde vero nescio quo
pacto proni ad Baptismum iverunt ad Ioannem. Huius autem solutio est, quia Pharisaei
non credentes accedunt ad Baptisma, sed ex hypocrisi, cum timerent populum.
Chrysostomus in Ioannem. Vel ipsi idem sacerdotes et
Levitae ex Pharisaeis erant. Et quia blanditiis eum non valuerunt
supplantare, accusationem ei immittere tentant, cogentes eum dicere quod non
erat; unde sequitur et interrogaverunt eum, et dixerunt : quid ergo baptizas,
si tu non es Christus, neque Elias, neque propheta? Quasi audaciae videbatur
esse baptizare, si Christus non erat, nec praecursor illius, nec praeco, idest
propheta. Gregorius in Evang. Sed sanctus quisque etiam cum
perversa mente requiritur, a bonitatis suae studio non mutatur. Unde Ioannes
quoque ad verba invidiae praedicamenta respondit vitae; unde sequitur
respondit eis dicens : ego baptizo in aqua. Origenes. Ad illud enim quid ergo baptizas? Quid
aliud afferri decebat, nisi proprium Baptismum carnale praetendere? Gregorius. Ioannes enim non spiritu, sed aqua
baptizat : quia peccata solvere non valebat : baptizatorum corpora per aquam
lavat, sed tamen animas per veniam non lavat. Cur ergo baptizat qui peccata
per Baptismum non relaxat? Nisi ut praecursionis suae ordinem servans,
scilicet qui nasciturum nascendo praevenerat, baptizaturum quoque dominum
baptizando praeveniret; et qui praedicando factus est praecursor Christi,
baptizando etiam praecursor eius fieret imitatione sacramenti; qui inter haec
mysterium redemptionis nostrae annuntians, hanc in medio hominum et stetisse
asserit et nesciri; sequitur enim medius autem vestrum stetit quem vos nescitis
: quia per carnem dominus apparens, et visibilis extitit corpore, et
invisibilis maiestate. Chrysostomus. Hoc autem dixit, quoniam decens erat
Christum commixtum esse populo, ut unum multorum, se ubique humilem esse
docentem. Cum autem dixit quem vos nescitis, scientiam hic cognitionem
certissimam dicit; puta quis est, et unde. Augustinus in Ioannem. Humilis enim non videbatur,
et propterea lucerna accensa est. Theophylactus. Vel medius erat Pharisaeorum dominus;
sed ignorabant eum, quia ipsi Scripturas se scire putabant : et inquantum in
illis praenuntiabatur dominus, medius eorum erat, scilicet in cordibus eorum;
sed nesciebant eum, eo quod Scripturas non intelligebant. Vel aliter. Medius
quidem erat, inquantum mediator Dei existens et hominum Christus Iesus medius
Pharisaeorum extitit, volens illos Deo iungere; sed ipsi nesciebant eum. Origenes. Vel aliter. Hoc edito ego baptizo in aqua,
ad illud quid ergo baptizas? Ad secundum si tu non es Christus? Praeconium de
praecedenti Christi substantia proponit, quod tanta sit ei virtus quod
invisibilis sit sua deitate, cum sit praesens cuilibet et totum per orbem
diffusus : quod notatur ex illo medius vestrum stetit. Hic enim per totam
orbis machinam effluxit, sic ut quae creantur, per ipsum creentur; omnia enim
per ipsum facta sunt : unde palam est quod inquirentibus a Ioanne quid ergo
baptizas? Ipse medius erat. Vel quod dicitur in medio vestrum stetit,
intelligendum est de nobis hominibus. Cum enim simus rationales, in medio
nostrum existit; ex eo quod principale, scilicet cor, in medio totius
corporis insitum est. Qui ergo verbum in medio gerunt, non autem cognoscunt
de illius natura, nec de quo fonte manavit, nec quomodo consistit in eis; hi
verbum in medio sui obtinentes ignorant, quod tamen Ioannes agnovit : unde
exprobrando dicit ad Pharisaeos quem vos nescitis. Quia expectantes Pharisaei
Christi adventum, nihil tam arduum de eo contemplabantur, solum hominem
sanctum existimantes eum esse. Dicit autem stetit : nam stat pater
invariabilis existens et impermutabilis : stat quoque verbum eius ad
salvandum continuo, quamvis carnem suscipiat, quamvis medium hominum stet
invisibile. Ne vero putet aliquis alium esse invisibilem ad omnes homines
venientem, vel ad universum orbem, ab eo qui humanatus est et in terra
comparuit, subdit qui post me venit, hoc est qui post me appariturus est. Non
autem idem denotatur hic per hoc quod dicit post, et cum Iesus nos post se
invitat; illic enim sequi post ipsum praecipitur nobis, ut eius indagando
vestigia, perveniamus ad patrem : hic autem ut pateat quid sequatur ex
Ioannis dogmatibus : venit enim ut cuncti credant per eum, praeparati ad
perfectum verbum per minora. Dicit ergo ipse est qui post me venit. Chrysostomus in Ioannem. Ac si diceret : ne
aestimetis totum in meo consistere Baptismate; si enim meum Baptisma
perfectum esset, alius non veniret post me, aliud Baptisma daturus. Sed haec
praeparatio est illius, et transibit in proximo, ut umbra et imago; sed
oportet eum qui veritatem imponet, venire post me : si enim hoc esset
perfectum, nequaquam secundi locus quaereretur; et ideo subdit qui ante me
factus est, hic est honorabilior et clarior. Gregorius. Sic namque dicitur ante me factus est, ac
si dicatur : antepositus est mihi. Post me ergo venit, quia postmodum natus;
ante me autem factus est, quia mihi praelatus. Chrysostomus. Ne autem existimes comparabilem esse
excellentiam hanc, incomparabilitatem ostendere volens, subiungit cuius ego
non sum dignus ut solvam corrigiam calceamenti; quasi dicat : intantum est
ante me ut ego neque in ultimis ministrorum vocari dignus sim : calceamentum
enim solvere ultimi ministerii res est. Augustinus. Unde et si dignum se diceret tantummodo
corrigiam calceamenti solvere, multum se habuisset. Gregorius in Evang. Vel aliter. Mos apud veteres
fuit ut si quis eam quae sibi competeret, accipere uxorem nollet, ille ei
calceamentum solveret qui ad hanc sponsus iure propinquitatis veniret. Quid
igitur inter homines Christus, nisi sanctae Ecclesiae sponsus apparuit? Recte
ergo Ioannes se indignum esse ad solvendam corrigiam eius calceamenti
denuntiat; ac si aperte dicat : redemptoris vestigia non denudare valeo; quia
sponsi nomen mihi immeritus non usurpo. Quod tamen intelligi et aliter
potest. Quis enim nesciat quod calceamenta ex mortuis animalibus fiant?
Incarnatus vero dominus veniens, quasi calceatus apparuit, qui in divinitate
sua morticina nostrae corruptionis assumpsit. Corrigia ergo calceamenti est
ligatura mysterii. Ioannes ergo solvere corrigiam calceamenti eius non valet
: quia incarnationis mysterium nec ipse investigare sufficit; ac si patenter
dicat : quid mirum si mihi ille praelatus est quem post me quidem natum
considero, sed nativitatis eius mysterium non comprehendo? Origenes in Ioannem. Quidam vero non inepte dixit,
hoc sic intelligendum. Non sum ego tanti ut causa mei descendat a magnalibus,
ac carnem quasi calceamentum suscipiat. Chrysostomus in Ioannem. Et quia Ioannes cum decenti
libertate ea quae de Christo sunt, omnibus praedicabat, propterea Evangelista
et locum designat, dicens haec in Bethania facta sunt trans Iordanem, ubi
erat Ioannes baptizans. Non enim in domo, neque in angulo Christum
praedicabat, sed Iordanem transiens in media multitudine, praesentibus
omnibus qui ab eo baptizabantur. Quaedam vero exemplariorum certius habent in
Bethabora : Bethania enim non ultra Iordanem, neque in deserto erat, sed
prope Hierosolymam. Glossa. Vel duae sunt Bethaniae : una trans
Iordanem, altera citra non longe a Ierusalem, ubi Lazarus fuit suscitatus.
Chrysostomus. Hoc autem et propter aliam causam
designat : quia enim res non antiquas narrabat, sed ante parvum tempus
contingentes, praesentes et videntes testes facit eorum quae dicuntur,
demonstrationem a locis tribuens. Alcuinus. Bethania vero domus obedientiae
interpretatur; per quam innuitur quia per obedientiam fidei omnes ad Baptisma
debent pervenire. Origenes. Bethabora vero interpretatur domus
praeparationis, et convenit cum Baptismo praeparantis domino plebem
perfectam. Iordanis autem interpretatur descensus eorum. Quis autem erit hic
fluvius nisi salvator noster, per quem ingredientem in hunc mundum mundari
convenit, non suum descendentem descensum, sed humani generis? Hic segregat
donatas a Moyse, ab his quae per Iesum donantur, sortes; huius rivuli
laetificant civitatem Dei. Sicut autem draco latitat in Aegyptiaco fluvio,
ita Deus in isto. Pater enim est in filio; et qui proficiscuntur illuc ubi se
lavent, opprobrium Aegypti deponunt, ac apti ad perceptionem hereditatis
parantur, necnon a lepra mundantur, et duplicis capaces sunt gratiae, ac
prompti fiunt ad susceptionem spiritus almi, in aliud flumen nequaquam
descendente spiritali columba. Trans Iordanem vero Ioannes baptizat, ut
praecursor venientis non innocentes sed peccatores vocaret. |
— Origène : (Traité 7 sur Saint Jean). Après que Jean-Baptiste eut fait
cette réponse aux prêtres et aux lévites, les pharisiens l'interrogèrent de
nouveau : « Or, ceux qui avaient été envoyés, étaient des pharisiens.»
Autant qu'il est permis de le conjecturer d'après le contexte, ce fut là le
troisième témoignage. On peut remarquer que les prêtres et les lévites
avaient fait au saint Précurseur une question pleine de convenance et
conforme à leur caractère : « Qui êtes-vous ? » Cette question n'est
ni insolente ni déplacée, tout y est digne de vrais ministres de Dieu. Mais
les pharisiens, justifiant la signification de leurs noms, qui veut dire
divisés, importuns et fâcheux, font à Jean-Baptiste, par esprit de division,
une question blessante : « Ils l'interrogèrent, et lui dirent : Pourquoi
donc baptisez-vous, si vous n'êtes ni le Christ, ni Elie, ni le Prophète ? »
Ce n'est point qu'ils désirent eu savoir la raison, ils veulent tout
simplement l'empêcher de baptiser. Avec cela, je ne sais quel motif les
portait encore à recevoir le baptême de Jean. Pour expliquer cette conduite,
il faut dire que les pharisiens venaient recevoir ce baptême sans y croire,
par hypocrisie, et par crainte du peuple. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 15 sur S, Jean). On peut
dire encore que les prêtres et les lévites eux-mêmes étaient du nombre des
pharisiens; ils n'ont pu triompher de Jean par leurs flatteries, ils
cherchent donc à l'accuser pour le forcer de faire un aveu contraire à la
vérité : « Et ils l'interrogèrent et lui dirent : Pourquoi baptisez-vous,
si vous n'êtes ni le Christ, ni Elie, ni le Prophète ? » Comme si c'était
une témérité [impardonnable] de baptiser, sans être le Christ, ou son
précurseur, ou son héraut, c'est-à-dire un prophète. —
Saint Grégoire : (hom. 7). Mais l'amour de la
bonté dans les saints est à l'épreuve même des questions malveillantes qui
leur sont adressées. Aussi Jean-Baptiste ne répond à ces paroles dictées par
un sentiment de jalousie, que par les enseignements de la vie : « Il leur
répondit : Moi, je baptise dans l'eau. » — Origène : (Traité 8 sur Saint Jean). Quelle
autre réponse convenait-il de faire à cette question : « Pourquoi
baptisez-vous ? » que de bien définir la nature de son baptême qui était
un baptême purement corporel. — Saint
Grégoire : (hom. 7). En effet, Jean-Baptiste ne
baptisait pas dans l'esprit, mais dans l'eau, parce que son baptême ne
pouvait effacer les péchés; ce baptême lavait dans l'eau les corps de ceux
qui venaient le recevoir, mais ne purifiait pas les âmes par le pardon.
Pourquoi donc baptise-t-il, puisque son baptême ne peut remettre les péchés ?
C'était pour remplir encore ici son office de précurseur; sa propre naissance
avait précédé la naissance du Seigneur, son baptême devait aussi précéder le
baptême du Sauveur. Il avait été le précurseur du Christ en l'annonçant aux
Juifs, il était juste qu'il le fût aussi par un baptême qui était la figure
du sacrement du baptême, et qu'en baptisant de la sorte, il annonçât le
mystère de notre rédemption, et déclarât que le Rédempteur se trouvait au
milieu d'eux, sans en être connu : « Mais il y en a un au milieu de vous
que vous ne connaissez pas. » C'est qu'en effet, le Seigneur s'étant
manifesté dans un corps sensible, il était visible dans son corps, et
invisible dans sa majesté. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 16). Jean-Baptiste
parlait de la sorte, parce que le Sauveur était mêlé au peuple, comme un
homme parmi d’autres, pour nous apprendre qu'il voulait en tout pratiquer
l'humilité. Ces paroles : « que vous ne
connaissez pas, » doivent s'entendre d'une connaissance parfaite, qui
s'étendit par conséquent à la nature du Sauveur et à son origine divine. —
Saint Augustin : (Traité 4 sur Saint Jean). Son humilité le couvrait comme d'un
voile qui ne permettait pas de le voir, c'est pour cela qu'il fallut allumer
une lampe. — Théophylactus : Ou bien le Seigneur était au milieu des pharisiens sans en être connu,
parce qu'ils prétendaient savoir les Ecritures; comme le Seigneur s'y trouve
annoncé, il était au milieu d'eux, c'est-à-dire au milieu de leurs cœurs,
mais ils ne le connaissaient pas, parce qu'ils ne comprenaient pas les
Ecritures. Ou bien encore, Jésus-Christ était au milieu des pharisiens, en
tant que médiateur de Dieu et des hommes pour les unir à Dieu, mais les
pharisiens ne le connaissaient pas. — Origène : (Traité 7) Ou bien encore,
après avoir répondu à la première partie de leur question : « Pourquoi baptisez-vous ? » en leur
disant : « Moi, je baptise, dans l'eau,
» il répond à la seconde partie : «
Si vous n'êtes pas le Christ, » en faisant l'éloge de la nature
supérieure et divine du Christ, dont la puissance est si grande qu'il est
invisible dans sa divinité, bien qu'il soit présent partout, et comme répandu
dans tout ce vaste univers, ce qu'il veut exprimer par ces paroles : « Il y en a un au milieu de vous. » En
effet, il est répandu dans tout cet univers, et en pénètre toutes les
parties, tout ce qui est créé ne l'est que par lui; car toutes choses ont été
faites par lui. Il était donc évidemment au milieu de ceux qui demandaient à
Jean-Baptiste : « Pourquoi
baptisez-vous ? » Ou bien encore, ces paroles : « Il y en a un au milieu de vous, » doivent s'entendre de nous
tous; car il est au milieu de nous, en tant que nous sommes des êtres
raisonnables, puisque la partie la plus excellente de notre âme, c'est-à-dire
notre cœur, se trouve au milieu de notre corps. Ceux donc qui portent le
Verbe au milieu d'eux, mais qui ne connaissaient ni sa nature, ni son
origine, ni la manière dont il est en eux, ont le Verbe au milieu d'eux, sans
le connaître. Mais pour Jean, ils le connaissent, de là ce reproche qu'il
leur fait : « [Il y en a un au milieu
de vous] que vous ne connaissez pas. » Les pharisiens qui attendaient la
venue du Christ, n'apercevaient en lui rien d'aussi élevé, et le regardaient
simplement comme un homme saint. [Voilà pourquoi Jean-Baptiste leur reproche
d'ignorer l'excellence et la supériorité du Sauveur]. Il leur dit : « Il se tient au milieu de vous, » car
de même que le Père reste toujours immuable et au-dessus de toute
vicissitude, ainsi le Verbe se tient aussi toujours prêt à nous sauver, c'est
dans ce but qu'il s'est incarné, et qu'il se tient au milieu des hommes comme
invisible [et sans en être connu]. Et pour ne pas laisser à penser que celui
qui est invisible, qui pénètre le cœur de tous les hommes, et l'univers tout
entier, est différent de celui qui s'est incarné et qui s'est manifesté sur
la terre, Jean-Baptiste ajoute : « [C'est
lui] qui doit venir après moi, » c'est-à-dire qui doit se manifester aux
hommes après moi. L'expression après, n'a pas ici le même sens que dans ces
paroles où Jésus nous invite à marcher après lui. (Mt 16; Lc 9) D'un côté, le
Sauveur nous ordonne de le suivre, afin de pouvoir parvenir jusqu'au Père en
marchant sur ses traces; de l'autre, Jean-Baptiste veut nous faire connaître
le but et la fin de sa prédication : il est venu pour préparer les hommes,
par la foi, à recevoir des enseignements plus parfaits que ceux qu'il leur
donnait. C’est pourquoi il ajoute : «
C'est lui qui doit venir après moi » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. préced). C’est-à-dire
: Ne croyez pas que mon baptême contienne toute perfection, s'il en était
ainsi, un autre ne viendrait pas après moi pour donner un baptême différent.
Mon baptême en est la préparation, il passera comme une ombre et une image
pour faire place à la réalité; car il faut que celui qui doit annoncer la
vérité, vienne après moi. Si mon baptême était parfait, il n'y aurait pas
lieu de lui en substituer un second. Aussi a-t-il soin d'ajouter : « qui a été fait plus grand que moi, »
c'est-à-dire qui est plus illustre et plus digne d'honneur que moi. —
Saint Grégoire : Ces paroles : « Il a été fait avant moi, » veulent
dire « il m'a été préféré ». Il vient après moi; parce que sa
naissance a suivi la mienne, mais il a été fait avant moi, parce qu'il a été
placé au-dessus de moi. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 16 sur Saint Jean). Mais Jean-Baptiste ne veut pas
laisser supposer qu'on puisse établir une comparaison entre l’excellence du
Christ et la sienne, et pour montrer que sa gloire est incomparable, il
ajoute : « Je ne suis pas digne de
dénouer la courroie de sa chaussure, » c'est-à-dire : il est
tellement élevé au-dessus de moi, que je ne suis pas digne d'être compté au nombre
de ses derniers serviteurs, car c'est un des derniers offices, que de dénouer
la courroie des chaussures. —
Saint Augustin : (Traité 4 sur Saint Jean). Se juger digne seulement de dénouer
la courroie de sa chaussure, eût déjà été dans Jean-Baptiste un grand acte
d'humilité. —
Saint Grégoire : (hom. préc). On peut encore
donner cette explication. C'était un usage chez les anciens Juifs, que
lorsqu'un homme refusait de prendre pour femme celle que la loi lui faisait
un devoir d'épouser, celui qui devait l'épouser alors par ordre de parenté, déliait
la chaussure au premier. Or, sous quel titre Jésus-Christ s'est-il surtout
manifesté parmi les hommes ? comme l'Epoux de la sainte Eglise. C'est donc
avec raison que Jean-Baptiste se déclare indigne de dénouer la courroie de sa
chaussure, comme s'il faisait ouvertement un aveu : Je ne suis pas digne de
déchausser les pieds du Rédempteur, parce que je ne veux pas usurper
injustement le titre d'époux. On peut encore l'entendre dans un autre sens.
Qui ne sait que les chaussures sont faites de la peau des animaux, que l'on
dépouille après leur mort ? Or, le Sauveur par son incarnation, apparut comme
ayant les pieds couverts d'une chaussure, en unissant sa divinité à notre
nature mortelle et corruptible. La courroie de la chaussure est donc comme le
lien de cette union mystérieuse. Jean-Baptiste ne peut dénouer la courroie de
sa chaussure, parce que lui-même ne peut approfondir le mystère de
l'incarnation, et il semble tenir ce langage : Qu'y a-t-il d'étonnant qu'il ait
été placé au-dessus de moi, lui qui est né, il est vrai, après moi, mais dont
la naissance est pour moi un mystère incompréhensible ? — Origène : Un auteur a donné de ce
passage cette interprétation qui a quelque vraisemblance : Je n'ai pas assez
d'importance pour que le Fils de Dieu descende pour moi des hauteurs des
cieux et se revête d'un corps mortel comme d'une chaussure. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 17 sur Saint Jean). Jean-Baptiste prêchait publiquement
les prérogatives du Christ avec une indépendance pleine de dignité, et
l'Evangéliste désigne le lieu [où il faisait entendre sa voix] : « Ceci se passa à Béthanie, au delà du
Jourdain, où Jean baptisait. » Ce n'est ni dans l'intérieur d'une maison,
ni dans un lieu retiré qu'il annonçait Jésus-Christ, c'était au-delà du
Jourdain, au milieu d'une nombreuse multitude, et en présence de ceux qu'il
avait baptisés. Quelques exemplaires portent, et peut-être avec plus de
raison : « A Bethabara, » car
Béthanie n'est ni au delà du Jourdain, ni dans le désert, mais près de
Jérusalem. — La Glose : Ou
bien, il faut admettre deux endroits du nom de Béthanie, l'un au delà du
Jourdain, et l'autre non loin de Jérusalem, et où Lazare fut ressuscité. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 17). C'est encore pour
un autre motif que l'Evangéliste fait connaître le nom du lieu où Jean
baptisait. Il racontait des faits dont la date n'était pas éloignée, et
remontaient à quelque temps seulement auparavant; il appelle donc en
témoignage de la véracité de son récit ceux qui avaient été les témoins
oculaires de ces faits, qu'il confirme par la désignation des lieux où ils se
sont passés. —
Alcuin : Béthanie signifie maison
d'obéissance, ce qui nous apprend que c'est par l'obéissance de la foi, que
tous les hommes doivent parvenir au baptême. — Origène : (Traité 7 sur Saint Jean. ) Béthabora signifie encore maison de
la préparation, et cette signification se rapporte parfaitement au baptême de
Jean, qui avait pour fin de préparer au Seigneur un peuple parfait. Le mot
Jourdain veut dire leur descente; or, quel est ce fleuve, si ce n'est notre
Sauveur qui purifie tous ceux qui entrent dans le monde, en descendant et en
s'humiliant non pour lui-même, mais dans la personne du genre humain. Ce
fleuve sépare les terres et les villes données par Moïse, de celles qui ont
été données par Josué, et les eaux rapides de ce fleuve portent la joie dans
la cité de Dieu. (Ps 45, 5) De même que le serpent se cache dans le fleuve
d'Egypte, ainsi Dieu se cache dans ce fleuve, car le Père est dans le Fils,
et ceux qui viennent pour se purifier dans ses eaux, se dépouillent de
l'opprobre de l'Egypte, et se rendent dignes d'avoir part à l'héritage, ils
sont purifiés de la lèpre, et ils méritent de recevoir une double grâce et de
voir descendre en eux l'Esprit de Dieu, car la colombe spirituelle ne descend
point sur un autre fleuve. C'est au delà du Jourdain que Jean donne son
baptême, comme précurseur de celui qui venait appeler non les justes, mais
les pécheurs. |
Lectio 21 |
Versets 20-31 |
[85994] Catena in Io., cap. 1 l. 21 Origenes.
Post testimonium Ioannis, iam videtur Iesus veniens ad eum, non solum
adhuc perseverantem, sed et potiorem effectum : quod per diem secundariam
designatur; unde dicitur altera die vidit Ioannes Iesum venientem ad se.
Pridem autem Iesu mater protinus ut illum concepit, ad matrem Ioannis
praegnantem proficiscitur, et per vocem pervenientem ad aures Elisabeth ex
Mariae salutatione exultat Ioannes conceptus in utero; hic autem post Ioannis
testimonium, ipse videtur a Baptista, accedens ad eum. Prius autem auditu
aliorum instruitur aliquis, ac deinde oculate inspicit illa. Per hoc autem
quod Maria ad Elisabeth venit minorem, et filius Dei ad Baptistam, ad
fervorem opitulandi minoribus, et ad modestiam admonemur. Verum unde ad
Baptistam venit salvator, non hic dicitur; sed ex dictis Matthaei colligimus
dicentis : tunc venit Iesus a Galilaea ad Iordanem ad Ioannem, ut
baptizaretur ab eo. Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter. Matthaeus
adventum Christi ad Baptismum praesentialiter dicit; Ioannes autem, et rursus
eum ivisse ad Ioannem ostendit post Baptisma; et hoc manifestat quod postea
dicit quia vidi spiritum descendentem et cetera. Partiti enim sunt sibi
Evangelistae tempora narrationis : Matthaeus enim ea quae antequam ligaretur
Ioannes Baptista praeteriens, festinat ad ea quae deinceps sunt tempora; sed
Ioannes his maxime immoratur, quae scilicet ante incarcerationem Ioannis
fuerunt; unde hic dicitur altera die vidit Ioannes Iesum venientem ad se.
Cuius igitur gratia secundo post Baptismum ad eum veniebat? Quia ipsum
baptizaverat cum multis; ut nullus suspicetur quoniam ex eadem causa ex qua
et alii, ad Ioannem veniret; puta peccata confessurus, aut in poenitentiam
abluendus in flumine. Propterea ergo accedit, dans Ioanni occasionem corrigendi
hanc suspicionem, quam Ioannes per verba correxit; unde sequitur et ait :
ecce agnus Dei, ecce qui tollit peccatum mundi. Qui igitur ita purus erat ut
aliorum peccata absolvere posset, manifestum est quoniam non ut confiteretur
peccata accedit, sed ut occasionem det Ioanni loquendi de ipso. Venit etiam
secundo, ut hi qui priora audierant, certius recipiant quae praedicta sunt,
et alia rursus audiant. Dicit autem ecce agnus Dei, innuens quod hic est qui
olim quaerebatur, rememorans prophetiae Isaiae, et umbrae quae secundum
Moysen erat, ut a figura facilius eos ducat ad veritatem. Augustinus in Ioannem. Si autem agnus Dei est
innocens, et Ioannes agnus; an non et ipse est innocens? Sed omnes ex illa
propagine veniunt de qua cantat gemens David : ego in iniquitatibus conceptus
sum. Solus ergo ille agnus qui non sic venit : non enim in iniquitate
conceptus est, nec in peccatis mater eius eum in utero aluit, quem virgo
concepit, virgo peperit, quia fide concepit, et fide suscepit. Origenes in Ioannem. Sed cum quinque offerantur
animalia in templo : tria terrestria : vitulus, ovis et capra; volatilia vero
duo : turtur et columba; et de ovibus tria adducantur : aries, ovis, agnus;
de genere ovium agnum memoravit : agnum enim in oblationibus quotidianis
offerri videmus, unum quidem mane, alterum vero vespere. Quaenam autem
oblatio alia potest esse quotidiana a rationali natura comprehendenda, nisi
verbum vigens, agnus typice nuncupatum? Hoc nempe censebitur oblatio matutina
ad frequentiam intellectus in divinis relatum : neque enim anima pati potest
ut summis iugiter insistat, eo quod corporis terrestris et gravis coniugium
est sortita. Ex hoc etiam verbo quod Christus est agnus, coniectare de
pluribus poterimus : et quodammodo vespere pertingemus ad corporalia
procedentes. Qui autem hunc obtulit agnum ad immolandum, Deus fuit in homine
reconditus, magnus sacerdos, qui dixit : nemo tollit animam meam a me, sed
ego pono eam; unde dicitur agnus Dei : ipse enim nostros languores accipiens,
totius mundi tollens peccata, mortem quasi Baptismum suscepit. Apud Deum enim
non pertransit incorrectum quidquid agimus quod disciplina indigeat, quae per
difficilia exercetur. Theophylactus. Vel dicitur Christus agnus Dei,
inquantum Deus pater mortem Christi acceptavit pro nostra salute, vel
inquantum eum pro nobis tradidit morti : sicut enim dicere consuevimus : haec
oblatio est talis hominis, idest quam talis homo obtulit; sic et Christus
dicitur agnus Dei, dantis scilicet filium suum pro nostra salute in mortem.
Et ille quidem agnus typicus nullius omnino peccatum sustulit; hic vero
peccatum universi orbis terrarum : periclitantem enim mundum eruit ab ira
Dei; unde subdit ecce qui tollit peccatum mundi. Non autem dixit : qui
tollet, sed qui tollit peccatum mundi, quasi semper hoc faciente ipso : non
enim tunc solum tulit cum passus est, sed ex illo tempore usque ad praesens
tollit, non semper crucifixus; unam enim pro peccatis obtulit oblationem, sed
semper purgans per illam. Gregorius Moralium. Tunc autem ab humano genere
plene peccatum tolletur, cum per incorruptionis gloriam nostra corruptio
permutabitur : esse namque a culpa liberi non possumus, quousque in corporis
morte tenemur. Theophylactus. Sed quare non dixit : peccata mundi,
sed peccatum? Ut videlicet per hoc quod dixit peccatum, universaliter
peccatum videretur innuere; sicut consuevimus dicere, quod homo eiectus est
de Paradiso, idest omne genus humanum. Beda. Vel peccatum mundi dicitur originale peccatum,
quod est commune totius mundi; quod quidem peccatum originale et singulorum
superaddita Christus per gratiam relaxat. Augustinus. Qui enim de nostra natura peccatum non
assumpsit, ipse est qui tollit nostrum peccatum. Nostis, quia quidam homines
dicunt : nos tollimus peccata ab hominibus quia sancti sumus : si enim non
fuerit sanctus qui baptizat, quomodo tollit peccatum alterius, cum sit ipse
homo plenus peccato? Contra istas disputationes hic legamus ecce qui tollit
peccatum mundi, ut non sit praesumptio hominibus in homines. Origenes. Sicut tamen iugi oblationi agni cognatae
sunt reliquae oblationes legales, sic huius agni oblationi cognatae
oblationes videntur mihi effusiones sanguinis martyrum, quorum patientia et
confessione et promptitudine ad bonum, obtunduntur machinationes impiorum.
Theophylactus. Quia vero superius illis qui ex
Pharisaeis venerant Ioannes dixerat quod medius vestrum stat quem vos
nescitis, hic ignorantibus demonstrat, dicens hic est de quo dixi : post me
venit vir qui ante me factus est. Vir dominus dicitur propter aetatis
perfectionem : nam triginta annorum baptizatus est; vel quia spiritualis
animae vir est, et Ecclesiae sponsus; unde Paulus : despondi vos uni viro
virginem castam exhibere Christo. Augustinus in Ioannem. Post me autem venit, quia
posterior natus est; ante me factus est, quia praelatus est mihi. Gregorius in Evang. Praelationis autem eius causas
aperit, cum subiungit quia prior me erat; ac si aperte dicat : inde me etiam
post natus superat quo eum nativitatis suae tempora non angustant : nam qui
per matrem in tempore nascitur, sine tempore est a patre generatus. Theophylactus. Ausculta, o Ari. Non dixit : quia
prior me creatus est, sed quia prior me erat. Audiat hoc Pauli Samosateni
abusio, quod non ex Maria sumpsit primordium; quia si essendi principium
sumpsit ex virgine, qualiter prior extitit praecursore? Nam manifestum est
quod praecursor Christum in sex mensibus superabat secundum humanam
generationem. Chrysostomus in Ioannem. Ut autem non videatur ex
amicitia propter cognationem ei testimonium perhibere, quia cognatus eius
erat secundum carnem, propterea dicit ego nesciebam eum. Et secundum rationem
hoc contingit : etenim in deserto conversatus est Ioannes. Miracula vero
quaecumque Christo puero existente facta sunt, puta quae circa magos, et
quaecumque talia, ante multum contigerant tempus, Ioanne et ipso valde puero
existente. In medio vero tempore ignotus omnibus existebat; propter quod
subdit sed ut manifestetur in Israel, propterea veni ego in aqua baptizans.
Hinc enim manifestum est quoniam et illa signa quae quidam dicunt a Christo
in pueritia facta, mendacia et fictiones sunt. Si enim a prima aetate
miracula fecisset Iesus, nequaquam neque Ioannes eum ignorasset, nec reliqua
multitudo indiguisset magistro ad manifestandum eum. Non igitur ipse Christus
Baptismate indigebat, neque aliquam aliam causam habebat illud lavacrum quam
praemonstrationem facere eius fidei quae est in Christum. Non enim dixit : ut
mundem eos qui baptizantur, neque : ut liberem a peccatis, veni baptizans; sed
ut manifestetur in Israel. Sed numquid sine Baptismate non licebat praedicare
et inducere turbas? Sed facilius ita factum est : nequaquam enim cucurrissent
omnes, si sine Baptismate praedicatio facta esset. Augustinus in Ioannem. Ubi ergo cognitus est dominus,
superfluo ei via parabatur, quia cognoscentibus se, ipse factus est via.
Itaque non duravit diu Baptisma Ioannis, sed quoadusque demonstratus est
dominus humilis. Ergo ut daretur nobis a domino humilitatis exemplum ad
percipiendam salutem Baptismi, suscepit Baptismum servi; et ne praeponeretur
Baptismus servi Baptismo domini, baptizati sunt alii Baptismo conservi. Sed
qui baptizati sunt Baptismo conservi, oportebat ut baptizarentur Baptismo
domini; qui autem baptizantur Baptismo domini, non opus habent Baptismo
conservi. |
— Origène : (Traité 6 sur Saint Jean). Après ce témoignage de Jean-Baptiste,
nous voyons Jésus venir à lui; le Précurseur, non seulement persévère dans
son témoignage, mais il expose des effets plus merveilleux encore [de la
venue du Rédempteur], et qui sont comme figurés par le second jour dont il
est question : « Le jour suivant, Jean
vit Jésus venant à lui. » Autrefois la mère de Jésus, aussitôt qu'elle
l'eut conçu, était allé visiter la mère de Jean qui était enceinte, et aussitôt
que la voix de Marie, qui saluait sa parente, eut frappé les oreilles
d'Elisabeth, Jean tressaillit dans le sein de sa mère. Ici, après le
témoignage de Jean-Baptiste, celui-ci voit venir à lui et s'approcher de lui
Jésus lui-même. Il est dans l'ordre que l'homme soit d'abord instruit par le
témoignage des autres, avant de juger par ses yeux [de la vérité de ce qui
lui a été enseigné]. La visite de Marie à Elisabeth, qui était son
inférieure, et la démarche du Fils de Dieu, qui vient trouver Jean-Baptiste,
nous apprennent l'humilité et le zèle avec lequel nous devons nous rendre
utiles à ceux qui sont nos inférieurs. Nous ne voyons pas ici de quel endroit
le Sauveur vint trouver Jean-Baptiste, mais nous pouvons le conclure de ces
paroles de saint Matthieu : « Alors
Jésus vint de la Galilée sur les bords du Jourdain, pour être baptisé par
lui. » (Mt 2) —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 17). Ou bien, saint
Matthieu raconte l'arrivée de Jésus-Christ [sur les bords du Jourdain] pour
recevoir le baptême, et saint Jean une autre démarche du Sauveur pour se
rendre près de Jean-Baptiste après son baptême, c'est ce que semble indiquer
la suite de son récit : « J'ai vu
l'Esprit descendre du ciel comme une colombe, etc... » Les Evangélistes se sont comme partagé, en effet, les
diverses époques de la vie de Jésus. Saint Matthieu passe sous silence tous
les faits qui ont précédé la prison de Jean-Baptiste, et passe immédiatement
aux événements qui l'ont suivie; tandis que saint Jean s'attache surtout à
raconter les faits qui ont eu lieu avant que le Précurseur fût incarcéré.
C'est ce qu'il fait en ces termes : «
Le lendemain, Jean vit Jésus venir à lui ». Pourquoi Jésus vient-il
trouver Jean-Baptiste une seconde fois après son baptême ? parce que le
Sauveur avait été baptisé avec un grand nombre d'autres, et qu'il ne voulait
pas qu'on pût soupçonner qu'il était venu trouver Jean-Baptiste pour le même
motif que les autres, c'est-à-dire pour confesser ses péchés, ou recevoir
dans le Jourdain le baptême de pénitence. Il revient donc trouver
Jean-Baptiste, pour lui donner occasion de détruire ce soupçon, ce que Jean
fait en ces termes : « Et il dit :
Voici l'Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde. » Il était de toute
évidence, en effet, que celui dont la pureté devait effacer les péchés des
autres, ne venait pas pour confesser ses péchés, mais pour donner occasion à
Jean-Baptiste de lui rendre témoignage. Disons encore qu'il vient une seconde
fois pour confirmer la vérité des premiers témoignages dans l'esprit de ceux
qui les avait entendus, et les préparer à en recevoir d'autres. Jean-Baptiste
dit : « Voici l'Agneau de Dieu, »
pour signifier que c'est cet Agneau qui était autrefois attendu, pour
rappeler la prophétie d'Isaïe, les symboles figuratifs de la loi ancienne, et
conduire ainsi plus facilement les hommes à la vérité par les figures. —
Saint Augustin : (Traité 4 sur Saint Jean). Si un agneau est innocent, et que
Jean soit un agneau, n'est-il pas innocent par là même ? Mais tous les hommes
descendent de cette race coupable dont David disait en gémissant : « Voici que j'ai été conçu dans
l'iniquité. » (Ps 50) Il n'y a donc que cet Agneau qui ne soit point né
de cette race. Il n'a point été conçu dans l'iniquité, et sa mère ne l'a
point nourri dans son sein d'un sang impur. Il a été conçu par une vierge,
enfanté par une vierge, parce qu'elle l'a conçu par la foi, et que c'est par
la foi qu'elle lui a donné le jour. — Origène : (Traité 6 sur Saint Jean). On offrait dans le temple comme
victimes cinq espèces d'animaux, trois choisies parmi les animaux terrestres,
le veau, la brebis et la chèvre, deux parmi les oiseaux, la tourterelle et la
colombe. L'espèce ovine en fournissait trois : le bélier, la brebis et
l'agneau, et parmi ces trois derniers, Jean-Baptiste choisit l'agneau comme
figure du Sauveur, parce que nous voyons que l'agneau était la victime des
sacrifices qu'on offrait chaque jour, l'un le matin et l'autre le soir. Or,
quel est ce sacrifice que la nature raisonnable doit offrir à Dieu chaque
jour, si ce n'est le Verbe toujours plein de force, [de vie et de beauté,] et
qui nous est ici représenté sous la figure d'un agneau ? C'est lui qui sera
notre sacrifice du matin, qui applique notre intelligence à la méditation des
vérités divines, car notre âme ne peut toujours être appliquée à des choses
aussi relevées, à cause de son étroite union avec ce corps mortel qui
l'appesantit. De cette vérité que Jésus-Christ est un agneau, nous pourrions
tirer encore plusieurs conséquences très utiles, et nous arriverions ainsi
jusqu'au sacrifice du soir, qui représente les choses corporelles. Or, celui
qui a offert cet agneau en sacrifice, c'est Dieu qui était comme caché dans
l'homme; c'est le grand-prêtre qui a dit : « Personne ne m'ôte la vie, mais je la donne de moi-même, » (Jn
10) et c'est pour cela qu'il est appelé l'Agneau de Dieu; car il a pris sur
lui toutes nos infirmités (Is 53); il a effacé tous les péchés du monde (1 P
2); et a reçu la mort comme un baptême. (Lc 12) Dieu, en effet, ne laisse
passer sans les reprendre [et les châtier] aucune de nos actions contraires à
sa loi, et ce n'est qu'au prix des plus grands efforts qu'elles peuvent être
ramenées à cette règle divine. —
Théophylactus : Ou bien encore, Jésus-Christ est appelé l'Agneau de Dieu, en ce sens
que sa mort a été acceptée par Dieu le Père pour notre salut, ou parce qu'il
l'a livré lui-même à la mort pour nous sauver. C'est ainsi que nous avons
coutume de dire : « Cette offrande est de tel homme, » c'est-à-dire que cet
homme l'a offerte; de même Jésus-Christ est appelé l'Agneau de Dieu, parce
que Dieu a offert son Fils à la mort pour notre salut. L'agneau figuratif n'a
effacé le péché d'aucun homme; l'Agneau véritable a effacé le péché du monde
tout entier qu'il a délivré de la colère de Dieu, aux châtiments de laquelle
il était exposé. C'est pour cela que Jean-Baptiste dit : « Voici celui qui efface le péché du monde. » Il ne dit pas : Qui
effacera, mais : « qui efface les
péchés du monde, » c'est-à-dire qu'il continue toujours de le faire. Ce
n'est pas seulement dans sa passion [et sur la croix] qu'il efface le péché
du monde, il n'a cessé de l'effacer depuis sa mort jusqu'à présent, il n'est
pas toujours crucifié, il est vrai, puisqu'il n'a offert qu'un seul sacrifice
pour nos péchés, mais il ne cesse de les effacer par la vertu de ce
sacrifice. —
Saint Grégoire : (Moral., 8, 20). Il ôtera
entièrement le péché du genre humain, lorsque notre corruption sera remplacée
par la glorieuse incorruptibilité; car nous ne pouvons être affranchis de
tout péché tant que nous sommes retenus captifs dans ce corps de mort. — Théophylactus : Mais pourquoi dit-il : « le
péché du monde, » et non pas : les péchés du monde ? C'est pour renfermer
dans cette dénomination générale l'universalité des péchés, comme lorsque
nous disons : l'homme a été chassé du paradis, pour dire : le genre
humain tout entier. —
Saint Bède : Ou bien, le péché du monde
signifie le péché originel, qui est commun au genre humain tout entier. Or,
c'est ce péché originel, et tous ceux que les hommes y ont ajoutés, que
Jésus-Christ efface par sa grâce. —
Saint Augustin : (Traité 4 sur Saint Jean). Celui qui, en prenant notre nature,
n'a point pris notre péché, est celui-là même qui efface notre péché. Vous
savez qu'il est des hommes qui tiennent ce langage : Nous remettons les
péchés aux hommes, parce que nous sommes saints; car si celui qui baptise n'a
pas la sainteté, comment peut-il effacer le péché d'un autre, lui dont l'âme
est souillée par toute sorte de péchés ? A ces prétentions, nous nous
contentons d'opposer ces paroles : «
Voici celui qui efface le péché du monde, » paroles qui détruisent toute
confiance présomptueuse dans les hommes. — Origène : (comme préced). De même qu'au sacrifice de l'agneau figuratif les
autres sacrifices prescrits par la loi se trouvaient joints par un lien
étroit, ainsi au sacrifice de l'Agneau véritable, viennent s'unir par un lien
non moins intime, d'autres sacrifices semblables, le sacrifice des martyrs
qui répandent leur sang, et dont la patience, la foi et le zèle ardent
détruisent et anéantissent tous les obstacles que les impies voudraient
apporter au bien. —
Théophylactus : Jean-Baptiste avait dit précédemment à ceux qu'on lui avait envoyés : « Il y en a un au milieu de vous que vous
ne connaissez pas, » il le fait connaître maintenant à ceux qui
l'ignoraient : « C'est celui dont j'ai
dit : Un homme vient après moi, qui a été fait avant moi.» Il appelle le
Seigneur un homme, parce qu'il avait atteint la plénitude de l'âge, puisqu'il
fut baptisé à l'âge de trente ans; ou encore, parce qu'il est le mari
spirituel de l'âme et l'époux de l'Eglise, ce qui a fait dire à saint Paul : « Je vous ai fiancés à un seul homme qui
est Jésus-Christ, pour vous présenter à lui comme une vierge toute pure. »
(2 Co 2) — Saint Augustin : (Traité 4 sur Saint Jean). Il est venu |