CHAINE D’OR SUR L’ÉVANGILE DE SAINT JEAN
Édition numérique, https://www.i-docteurangelique.fr/DocteurAngelique,
Les œuvres complètes de
saint Thomas d'Aquin
Traduction entièrement
vérifiée et reprise par Charles Duyck en 2011.
Explication suivie des QUATRE EVANGILES
par le docteur angélique
SAINT THOMAS D’AQUIN
composée des interprètes grecs et latins, et surtout des ss. Pères
admirablement coordonnés et enchaînés
de manière à ne former qu’un seul texte suivi et appelé à juste titre
la
CHAÎNE D’OR
Edition où le texte corrigé par le P. Nicolaï a été revu avec le plus grand soin sur les textes originaux grecs et latins
TRADUCTION NOUVELLE
par
M. L’ABBE J.-M. PERONNE
Chanoine titulaire de l’Eglise de Soissons, ancien professeur d’Ecriture sainte et d’éloquence sacrée
Tome premier
PARIS
LIBRAIRIE DE LOUIS VIVÈS, ÉDITEUR
rue Delambre, 9
1868
Leçon 2 : Et le Verbe était en Dieu
Leçon 3 : Et le Verbe était Dieu.
Verset 2 : Il était au commencement avec Dieu.
Verset 3 : Toutes choses ont été faites par lui.
Leçon 6 : Et sans lui rien n'a été fait.
Verset 4 : Ce qui a été fait était vie en lui.
Leçon 8 : Et la vie était la lumière des hommes.
Verset 5 : Et la lumière luit dans les ténèbres
et les ténèbres ne l'ont pas comprise.
Sancti Thomae de Aquino, Catena aurea in
quatuor Evangelia, Expositio in Ioannem |
EXPLICATION SUIVIE DES QUATRE ÉVANGILES PAR SAINT THOMAS L’ÉVANGILE DE
JÉSUS-CHRIST SELON SAINT JEAN |
Prooemium |
PRÉFACE
|
Vidi dominum sedentem super solium excelsum et
elevatum; et plena erat domus a maiestate eius; et ea quae sub ipso erant,
replebant templum. Glossa. Divinae visionis sublimitate illustratus
Isaias propheta dixit vidi dominum sedentem et cetera. Hieronymus, super Isaiam. Quis sit iste dominus qui videtur,
in Evangelista Ioanne plenius discimus, qui ait : haec dixit Isaias, quando
vidit gloriam Dei, et locutus est de eo : haud dubium quin Christum
significet. Glossa. Unde ex verbis istis materia huius
Evangelii, quod secundum Ioannem describitur, designatur. Ex Eccles. Hist. Quia enim nativitatem salvatoris
secundum carnem vel Matthaeus, vel Lucas descripserant, reticuit hic Ioannes,
et a theologia atque ab ipsa eius divinitate sumit exordium; quae pars sine
dubio ipsi velut eximio per spiritum sanctum reservata est. Alcuinus. Unde cum omnibus divinae Scripturae
paginis Evangelium excellat, quia quod lex et prophetae futurum praedixerunt,
hoc completum dicit Evangelium; inter ipsos autem Evangeliorum scriptores
Ioannes eminet in divinorum mysteriorum profunditate : qui a tempore
dominicae ascensionis per annos sexaginta quinque verbum Dei absque
adminiculo scribendi usque ad ultima Domitiani tempora praedicavit; sed post
occisionem Domitiani, cum, Nerva permittente, de exilio rediisset Ephesum, compulsus
ab episcopis Asiae, de coaeterna patri divinitate Christi scripsit adversus
haereticos, qui Christum ante Mariam fuisse negabant. Unde merito in figura
quattuor animalium aquilae volanti comparatur, quae volat altius cunctis
avibus, et solis radios irreverberatis aspicit luminibus. Augustinus, in Ioannem. Transcendit enim Ioannes
omnia cacumina terrarum, transcendit omnes campos aeris, transcendit omnes
altitudines siderum, transcendit omnes choros et legiones Angelorum : nisi
enim transcenderet ista omnia quae creata sunt, non perveniret ad eum per
quem facta sunt omnia. Augustinus, de Cons. Evang. Ex quo intelligi datur,
si diligenter advertas, tres Evangelistas temporalia facta domini et dicta
quae ad informandos mores vitae praesentis maxime valerent, prosecutos, circa
activam virtutem fuisse versatos; Ioannem vero facta domini multo pauciora
narrantem, dicta vero eius, praesertim quae Trinitatis unitatem et vitae
aeternae felicitatem insinuarent, diligentius et uberius conscribentem, in
virtute contemplativa commendanda suam intentionem praedicationemque
tenuisse. Unde animalia tria, per quae tres alii Evangelistae designantur,
sive leo, sive homo, sive vitulus, in terra gradiuntur : quia tres
Evangelistae in his maxime occupati sunt quae Christus in carne operatus est,
et quae praecepta mortalis vitae exercendae carnem portantibus tradidit; at
vero Ioannes supra nubila infirmitatis humanae velut aquila volat, et lucem
incommutabilis veritatis acutissimis atque firmissimis oculis cordis intuetur
: ipsam enim maxime divinitatem domini, qua patri est aequalis, intendit,
eamque praecipue suo Evangelio, quantum inter homines sufficere credidit,
commendare curavit. Glossa. Potest igitur Evangelista Ioannes cum Isaia
propheta dicere vidi dominum sedentem super solium excelsum et elevatum,
inquantum acumine visus sui Christum in divinitatis maiestate regnantem
inspexit; quae quidem etiam sua natura excelsa est, et super omnia alia
elevata. Dicat etiam Evangelista Ioannes et plena erat domus a maiestate eius
: quia per ipsum narrat omnia esse facta, et suo lumine omnes homines in hunc
mundum venientes illustrari. Dicat etiam quod ea quae sub ipso erant,
replebant templum; quia dicit verbum caro factum est; et vidimus gloriam
quasi unigeniti a patre, plenum gratiae et veritatis, secundum quod de
plenitudine eius nos omnes accepimus. Sic igitur praemissa verba materiam
huius Evangelii continent, in quo ipse Ioannes dominum super solium excelsum
sedentem insinuat, divinitatem Christi ostendens; et terram ab eius maiestate
impleri ostendit, dum omnia per eius virtutem in esse producta ostendit, et
propriis perfectionibus repleta; et inferiora eius, idest humanitatis
mysteria, templum, idest Ecclesiam, replere docet, dum in sacramentis
humanitatis Christi et gratiam et gloriam fidelibus repromittit. Chrysostomus, in Ioannem. Quando igitur barbarus hic
et indisciplinatus talia loquitur quae nullus eorum qui in terra sunt hominum
novit unquam, si hic solus esset, miraculum magnum esset. Nunc autem cum his
et aliud isto maius tribuit argumentum, quod a Deo inspirata sunt ei quae
dicuntur hic, scilicet quod omnes audiunt, et suadet omnibus per omne tempus.
Quis ergo non admirabitur habitantem in eo virtutem? Origenes. Ioannes interpretatur gratia Dei, sive in
quo est gratia, vel cui donatum est. Cui autem theologorum donatum est ita
abscondita summi boni penetrare mysteria, et sic humanis mentibus intimare? |
« J'ai vu le Seigneur assis sur un trône sublime et
élevé, et la maison était pleine de sa majesté, et le bas de ses vêtements
remplissait le temple. » —
La Glose : Le prophète Isaïe, éclairé
des splendeurs d'une vision toute divine, dit : « J’ai vu le Seigneur
assis, etc... » —
Saint Jérôme : (sur Isaïe) Saint Jean
l'évangéliste nous apprend quel est le Seigneur qui apparut à Isaïe, lorsqu'[après
avoir cité une de ses prophéties], il ajoute : « Isaïe dit ces choses,
lorsqu'il vit sa gloire, et qu'il parla de lui » et nul doute que dans sa
pensée, il ne soit question du Christ. — La Glose : Voilà
donc dans ces paroles le sujet de l'Evangile, qui porte le nom de saint Jean. — L’histoire
ecclésiastique : (3, 34). Saint Matthieu et saint Luc ayant raconté ce
qui avait rapport à la naissance charnelle du Sauveur, saint Jean n'en dit
rien; il commence son Evangile par l'exposé de sa naissance éternelle et
divine, et nul doute que cette mission ne lui ait été réservée par l'Esprit
saint comme au plus éminent [des évangélistes]. —
Alcuin : L'Evangile est de beaucoup
supérieur à toutes les autres pages de l'Ecriture, parce que nous y voyons
l'accomplissement de toutes les prédictions de la loi et des prophètes; mais
saint Jean tient à son tour le premier rang parmi les autres évangélistes, à
cause de la profondeur des mystères divins qui lui ont été révélés. Après
l'ascension du Sauveur, il se contenta pendant soixante-cinq ans de prêcher
de vive voix la parole de Dieu sans rien écrire, jusqu'aux dernières années
de Domitien. Mais après la mort de cet empereur, Nerva, son successeur, ayant
permis au saint Apôtre de revenir à Ephèse, il écrivit à la prière des
évoques d'Asie, sur la divinité du Christ, coéternel au Père, contre les
hérétiques, qui niaient que Jésus-Christ fût antérieur à Marie. Aussi est-ce
avec raison que parmi les quatre animaux symboliques, il est comparé à
l'aigle qui vole plus haut que tous les autres oiseaux, et fixe d'un regard
intrépide les rayons du soleil sans en être ébloui. —
Saint Augustin : (sur Saint Jean, chap. 1). Jean s'élève au-dessus de tous les
sommets de la terre, au-dessus de tous les espaces de l'air, au-dessus de
toutes les hauteurs des astres, au-dessus de tous les chœurs et de toutes les
légions des anges. Et, en effet, à moins de s'élever au-dessus de toutes les
créatures, comment pourrait-il parvenir jusqu'à celui par qui tout a été créé
? —
Saint Augustin : (de l'acc. des Evang., 1, 5).
Si donc vous prêtez une sérieuse attention, vous pourrez vous rendre compte
que les trois premiers évangélistes qui se sont attachés principalement dans
leur récit aux faits de la vie mortelle de Notre-Seigneur, et aux paroles qui
tendent à la sanctification de la vie présente, semblent avoir eu pour intention
de s’intéresser à la vie active; saint Jean, au contraire, raconte peu de
faits de la vie de Notre-Seigneur, mais il reproduit dans toute leur étendue
et avec le plus grand soin ses discours, surtout ceux qui traitent de l'unité
des trois personnes divines et du bonheur de la vie éternelle, et parait
avoir eu pour dessein et pour fin, dans son récit, de relever le mérite de la
vie contemplative. Aussi les trois animaux, emblèmes des trois autres
évangélistes (le lion, l'homme, le taureau), marchent sur la terre, parce que
ces trois évangélistes ont eu pour but principal de rapporter les actions de
la vie mortelle du Christ, et les préceptes de morale qui doivent diriger les
hommes dans le cours de cette vie périssable et mortelle. Mais pour saint
Jean, semblable à l'aigle, il prend son vol au-dessus des nuages de la
faiblesse humaine, et contemple d'un œil intrépide et assuré la lumière de
l'immuable vérité. Il s'applique surtout à faire ressortir la divinité du
Seigneur, qui le rend égal à son Père, et à en donner aux hommes dans son
Evangile, une idée aussi étendue que l'intelligence humaine le permet. — La Glose : Saint
Jean l'évangéliste peut donc dire comme le prophète Isaïe : « J'ai vu le
Seigneur sur un trône élevé et sublime », lui qui, par la pénétration de
son regard, a contemplé le Christ régnant dans toute la majesté de la
divinité, dont la nature est élevée au-dessus de toutes les autres créatures.
L’évangéliste Jean peut dire aussi : « Et le temple était rempli de sa
majesté, » lui qui déclare que tout a été fait par lui et qu'il éclaire
de sa lumière tous ceux qui viennent en ce monde. Il peut dire encore « ce
qui était au-dessous de lui remplissait le temple, » lui qui nous révèle
en ces termes le mystère de l'incarnation : « Et le Verbe s'est fait
chair, et il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, sa gloire comme
Fils unique, né du Père, plein de grâce et de vérité, et nous avons tous reçu
de sa plénitude. » Ces paroles du prophète contiennent donc tout le sujet
de cet Evangile. Saint Jean nous représente le Seigneur assis sur un trône
élevé, en nous montrant la divinité de Jésus-Christ; il nous fait voir la
terre remplie de sa majesté, lorsqu'il nous montre toutes les créatures
tirées du néant par sa puissance et comme remplies de ses divines
perfections. Il nous enseigne encore que ce qui est au-dessous de lui (les
mystères accomplis dans son humanité), remplit le temple (c'est-à-dire
l'Eglise), lorsqu'il nous découvre dans les mystères de l'incarnation et de
la rédemption de Jésus-Christ une source abondante de grâce et de gloire pour
les fidèles. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 1 sur Saint Jean). Comment donc ce barbare, cet homme
sans lettres, a-t-il pu parler un langage si sublime, et révéler des vérités
qu'aucun homme ne connut jamais avant lui ? Cela serait déjà un prodige
extraordinaire; mais une preuve plus forte encore, que c'est l'inspiration
divine qui lui a dicté tout ce qu'il raconte dans son Evangile, c'est que les
hommes de tous les siècles l'écoutent et se laissent convaincre. Qui donc
n'admirerait la vertu toute-puissante qui habite en lui ? — Origène : (hom. 2 sur div. endr. de
l'Evang). Jean signifie la grâce de Dieu, ou celui en qui est la grâce, ou
celui à qui elle a été donnée. Mais de tous ceux qui ont traité des choses
divines, à qui a-t-il jamais été donné de pénétrer aussi profondément les
mystères cachés du souverain bien, et de les enseigner aux hommes ? |
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Caput 1 |
CHAPITRE PREMIER
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Lectio 1 [85974] Catena in Io., cap. 1 l. 1 Chrysostomus
in Ioannem. Omnibus aliis Evangelistis ab incarnatione incipientibus,
Ioannes transcurrens conceptionem, nativitatem, educationem, augmentationem,
mox de aeterna nobis generatione narrat, dicens in principio erat verbum.
Augustinus Lib. 83 quaest. Quod Graece logos
dicitur, Latine et rationem et verbum significat; sed hoc melius verbum
interpretatur, ut significetur non solum ad patrem respectus, sed ad illa
etiam quae per verbum facta sunt operativa potentia. Ratio autem, etsi nihil
per eam fiat, recte ratio dicitur. Augustinus in Ioannem. Quotidie autem dicendo verba
viluerunt nobis, quia sonando et transeundo viluerunt. Est verbum et in ipso
homine quod manet intus : nam sonus procedit ex ore. Est verbum quod vere
specialiter dicitur illud quod intelligis de sono, non ipse sonus. Augustinus de Trin. Quisquis autem potest
intelligere verbum, non solum antequam sonet, verum etiam antequam sonorum eius
imagines cogitatione volvantur, iam potest videre per hoc speculum atque in
hoc aenigmate aliquam verbi similitudinem, de quo dictum est in principio
erat verbum. Necesse est enim cum id quod scimus loquimur, ut ex ipsa
scientia quam memoria tenemus, nascatur verbum, quod eiusmodi sit omnino
cuiusmodi est illa scientia de qua nascitur. Formata quippe cogitatio ab ea
re quam scimus, verbum est, quod in corde dicimus; quod nec Graecum est, nec
Latinum, nec linguae alicuius. Sed cum id opus est in eorum quibus loquimur
proferre notitiam, aliquod signum quo significetur assumitur. Proinde verbum
quod foris sonat, signum est verbi quod intus latet, cui magis verbi competit
nomen : nam illud quod profertur carnis ore, vox verbi est, verbumque et
ipsum dicitur propter illud a quo ut foris appareat sumptum est. Basilius. Hoc autem verbum non est humanum verbum.
Quomodo enim erat in principio humanum verbum, ultimo loco accipiente homine
generationis principium? Non igitur in principio verbum erat humanum, sed nec
Angelorum : omnis enim creatura infra saeculorum terminos est, a creatore
essendi sumens principium. Sed audi Evangelium decenter : ipsum enim,
unigenitum verbum dixit. Chrysostomus in Ioannem. Si autem quis dixerit : cur
patrem dimittens, mox nobis de filio loquitur? Quoniam ille quidem manifestus
omnibus erat, etsi non ut pater, sed ut Deus, unigenitus autem ignorabatur :
ideo decenter eam, quae de isto est, cognitionem confestim initio studuit
imponere his qui nesciebant eum; sed neque patrem in his quae de filio sunt
sermonibus tacuit. Propter hoc autem et verbum eum vocavit. Quia enim
docturus erat quod hoc verbum unigenitus est filius Dei; ut non passibilem
aestimet quis generationem, praeveniens verbi nuncupatione, destruit
perniciosam suspicionem, esse ex Deo filium impassibiliter ostendens. Secunda
vero ratio est, quia ea quae sunt patris nobis annuntiare debebat. Non
simpliciter vero eum verbum dixit, sed cum articuli adiectione, a reliquis
ipsum separans. Consuetudo enim est Scripturae verba vocare leges Dei et
praecepta : hoc autem verbum substantia quaedam est, hypostasis, ens, ex ipso
proveniens impassibiliter patre. Basilius. Quare igitur verbum? Quia impassibiliter
natum est; quia est generantis imago, totum in seipso generantem demonstrans,
nihil inde separans, sed in seipso perfectum existens. Augustinus de Trin. Sicut enim scientia nostra illi
scientiae Dei, sic nostrum verbum quod nascitur de nostra scientia, dissimile
est illi verbo Dei, quod natum est de patris essentia. Tale est autem, ac si
dicerem de patris scientia, de patris sapientia; vel, quod est expressius, de
patre scientia, de patre sapientia. Verbum ergo Dei patris unigenitus filius,
per omnia patri similis et aequalis : hoc enim est omnino quod pater, non
tamen pater : quia iste filius, ille pater : ac per hoc novit omnia quae
novit pater; sed ei nosse de patre est, sicut esse : nosse enim et esse ibi
unum est; et ideo patri, sicut esse non est a filio, ita nec nosse. Proinde,
tamquam seipsum dicens, pater genuit verbum sibi aequale per omnia : non enim
seipsum integre perfecteque dixisset, si aliquid minus aut amplius esset in
eius verbo quam in seipso. Nostrum autem verbum interius, quod invenimus esse
utcumque illi simile, quantum sit etiam dissimile, non pigeat intueri. Est
enim verbum mentis nostrae quandoque formabile, nondum formatum, quiddam
mentis nostrae, quod hac atque hac volubili quadam motione iactamus, cum a
nobis nunc id, nunc illud, sicut inventum fuerit vel occurrerit, cogitatur;
et tunc fit verum verbum quando illud quod nos diximus volubili motione
iactare, ad id quod scimus pervenit, atque inde formatur, eius omnimodam
similitudinem capiens; ut quomodo res quaeque scitur, sic etiam cogitetur.
Quis non videat quanta sit hic dissimilitudo ab illo Dei verbo, quod in forma
Dei sic est ut non ante fuerit formabile, postea formatum, non aliquando
possit esse informe, sed sit forma simplex, et simpliciter aequalis ei de quo
est? Quapropter ita dicitur illud Dei verbum, ut Dei cogitatio non dicatur;
ne aliquid esse quasi volubile dicatur in Deo, quod nunc habeat, nunc
accipiat formam ut verbum sit, eamque possit amittere, atque informiter
quodammodo volutari. Augustinus de Verb. Dom. Est enim verbum Dei forma
quaedam non formata, sed forma omnium formarum, forma incommutabilis, sine
lapsu, sine defectu, sine tempore, sine loco, superans omnia, existens in
omnibus fundamentum quoddam, in quo sunt, et fastigium sub quo sunt. Basilius. Habet autem et verbum nostrum exterius
divini verbi similitudinem quamdam : nam nostrum verbum totam declarat mentis
conceptionem : quae namque mente concepimus, ea verbo proferimus. Et quidem
cor nostrum quasi fons quidam est : verbum vero prolatum quasi quidam rivulus
manans ex ipso. Chrysostomus in Ioannem. Considera etiam in
Evangelista prudentiam spiritualem. Noverat homines id quod antiquius est et
quod est ante omnia maxime honorantes et ponentes Deum : propter hoc primum
dicit principium : in principio, inquit, erat verbum. Origenes in Ioannem. Plura autem sunt signata ab hoc
nomine principium. Est enim principium, sicut itineris et longitudinis,
secundum illud : initium boni itineris iustorum exercitium. Est autem
principium et generationis, iuxta illud : hoc est principium creaturae
domini. Sed etiam Deum non enormiter asseret aliquis omnium principium. Illud
etiam ex quo sicut ex praeiacente materia alia fiunt, principium est penes
eos qui credunt illam ingenitam. Est enim principium secundum speciem; sicut
Christus principium eorum est qui secundum imaginem Dei formati sunt. Est
etiam principium disciplinae, secundum illud : cum deberetis esse magistri
propter tempus, rursus indigetis ut doceamini quae sunt elementa exordii
sermonum Dei. Duplex enim est documenti principium : hoc quidem natura, hoc
vero quoad nos; ut si dicatur, initium sapientiae fore natura quidem
Christum, inquantum sapientia et verbum Dei est; quoad nos vero inquantum
verbum caro factum est. Tot igitur significatis ad praesens nobis de
principio occurrentibus, potest accipi illud ex quo quid est agens. Conditor
enim Christus est velut principium, secundum quod sapientia est; ut verbum in
principio, quasi in sapientia sit. Plura enim bona de salvatore dicuntur.
Velut igitur vita in verbo est, sic verbum in principio, idest in sapientia
erat. Considera vero si possibile est secundum hoc significatum accipere nos
principium, prout secundum sapientiam, et exempla quae in ea sunt, fiunt
omnia; vel quia principium filii pater est, et principium creaturarum, et
omnium entium; per illud in principio erat verbum, verbum filium intelligas
in principio, idest in patre, dictum fore. Augustinus de Trin. Aut in principio sic dictum est
ac si diceretur : ante omnia. Basilius. Praevidit enim spiritus sanctus futuros
quosdam invidentes gloriae unigeniti, qui praeferrent sophismata ad
subversionem auditorum : quia si genitus est, non erat; et antequam genitus
esset, non erat. Ne igitur talia garrire praesumant, spiritus sanctus ait in
principio erat verbum. Hilarius de Trin. Transeunt tempora, transeunt saecula,
tolluntur aetates : pone aliquid quod voles tuae opinionis principium : non
tenes tempore : erat enim unde tractatur. Chrysostomus in Ioannem. Sicut autem quis cum stat
in navi secus littus, videt civitates et portus, cum vero eum aliquis in medium
pelagi duxerit, a prioribus quidem desistere facit, non tamen alicubi defigit
ei oculum, ita Evangelista hic super omnem nos ducens creaturam, suspensum
dimittit oculum, non dans suspicere aliquem finem ad superiora : hoc enim in
principio erat semper et infinite essendi significativum est. Augustinus de Verb. Dom. Sed dicunt : si filius est,
natus est; hoc fatemur. Adiungunt deinde : si natus est patri filius, erat
pater antequam ei filius nasceretur; hoc respuit fides. Ergo ait : rationem
mihi redde quomodo et filius nasci potuit patri, ut coaevus esset ei a quo
natus est. Post patrem enim nascitur filius, utique patri morituro
successurus. Similitudines adhibent de creaturis; et nobis laborandum est ut
et nos inveniamus similitudines earum rerum quas astruimus. Sed quomodo
possumus in creatura invenire coaeternum, quando in creatura nil invenimus
aeternum? Sed si possunt inveniri haec duo coaeva, generans et generatum, ibi
intelligimus coaeterna. Ipsa quidem sapientia dicta est in Scripturis candor lucis
aeternae, dicta est imago patris. Hinc capiamus similitudinem, ut inveniamus
coaeva, ex quibus intelligamus coaeterna. Nemo autem dubitat, quod splendor
de igne exit. Ponamus ergo ignem patrem illius splendoris : mox quidem ut
lucernam accendo, simul cum igne et splendor existit. Da mihi hic ignem sine
splendore, et credo tibi patrem sine filio fuisse. Imago existit de speculo,
hominis intuentis speculum; existit imago mox ut aspector extiterit : sed
ille qui inspicit erat antequam accederet ad speculum. Ponamus ergo aliquid
natum super aquam, ut virgultum, aut herbam : nonne cum imagine sua nascitur?
Si ergo semper esset virgultum, semper esset et imago de virgulto. Quod autem
de alio est, utique natum est. Potest ergo semper esse generans, et semper cum
illo quod de eo natum est. Sed dicet aliquis : ecce intellexi aeternum
patrem, coaeternum filium; tamen sicut effusum splendorem minus igne
lucentem, aut sicut effusam imaginem minus quam virgultum existentem dicimus.
Non, sed aequalitas omnimoda est. Non credo, ait, quia non invenisti
similitudinem. Fortassis autem invenimus in creatura quomodo intelligamus
filium et coaeternum patri, et nequaquam minorem; sed non illud possumus
invenire in uno genere similitudinum. Iungamus ergo ambo genera : unum unde
ipsi dant similitudines, et alterum unde nos dedimus. Dederunt enim illi
similitudinem ex his quae praeceduntur tempore ab his a quibus nascuntur,
sicut homo de homine; sed tamen homo et homo sunt eiusdem substantiae.
Laudamus ergo in ista nativitate aequalitatem naturae : deest aequalitas
temporis. In illo autem genere similitudinum quod nos dedimus de splendore
ignis et de imagine virgulti, aequalitatem naturae non invenis, invenis
coaevitatem. Totum ergo ibi quod hic ex partibus singulis et rebus singulis
invenitur; et non hoc solum quod in creaturis, totum invenio ibi sed tamquam
in creatore. Ex gestis Conc. Ephes. Propterea alicubi quidem
filium appellat patris, alicubi autem verbum nominat, alicubi autem
splendorem vocat Scriptura divina; singula horum nominum de ipso dicens, ut
intelligas ea quae de Christo dicuntur, esse contra blasphemiam : quia enim
tuus filius eiusdem tibi naturae fit, volens sermo ostendere unam substantiam
patris et filii, dicit filium patris, qui ex eo natus est unigenitus. Deinde
quoniam nativitas et filius apud nos ostentationem praebent passionis; ideo
hunc filium appellat et verbum, impassibilitatem nativitatis eius nomine isto
demonstrans. Sed quoniam pater quispiam factus ut homo, indubitanter senior
filio suo demonstratur; ne hoc ipsum etiam de divina natura putares,
splendorem vocat unigenitum patris : splendor enim nascitur quidem ex sole,
non autem intelligitur sole posterior. Coexistere ergo semper patri filium
splendor tibi denuntiet; impassibilitatem nativitatis ostendat verbum;
consubstantialitatem filii nomen insinuet. Chrysostomus in Ioannem. Sed dicunt illi, quoniam
hoc, idest in principio, non aeternitatem ostendit simpliciter : etenim et de
caelo istud et de terra dictum. In principio, inquit Genesis, fecit Deus
caelum et terram. Sed quid commune habet erat ad fecit? Sicut enim quod est,
cum de homine quidem dicitur, tempus praesens significat tantum; cum autem de
Deo, id quod est semper et aeternaliter; ita et erat de nostra quidem cum
dicitur natura, praeteritum significat tempus; cum autem de Deo, aeternitatem
ostendit. Origenes. Sum enim verbum duplicem habet
significationem : aliquando enim temporales motus secundum analogiam aliorum
verborum declarat, aliquando substantiam uniuscuiusque rei, de qua
praedicatur, sine temporali motu ullo designat; ideo et substantivum vocatur.
Hilarius de Trin. Respice igitur ad mundum,
intellige quid de eo scriptum est : in principio fecit Deus caelum et terram.
Fit ergo in principio quod creatur, et aetates continet quod in principio
continetur ut fieret. Piscator autem illitteratus, indoctus, liber a tempore,
solutus a saeculis est, vicit omne principium : erat enim quod est, neque in
tempore aliquo concluditur ut coeperit quod erat potius in principio quam fiebat.
Alcuinus. Contra eos ergo qui propter temporalem
nativitatem dicebant Christum non semper fuisse, incipit Evangelista de
aeternitate verbi, dicens in principio erat verbum. |
Verset 1.Au commencement était le Verbe. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 3 sur Saint Jean). Tandis que tous les autres
Evangélistes commencent par l'incarnation du Sauveur, saint Jean, sans
s'arrêter à sa conception, à sa naissance, à son éducation, aux progrès
successifs [de ses premières années], raconte immédiatement en ces termes la
génération éternelle : « Au commencement était le Verbe. » —
Saint Augustin : (Liv. des 83 quest). Le mot
grec λόγος signifie également en latin « raison »
et « verbe », mais ici la signification de « verbe » est
préférable, parce qu'elle exprime mieux les rapports, non seulement avec le
Père, mais aussi avec les créatures qui ont été faites par la puissance
opérative du Verbe. La raison, au contraire, même quand elle n'agit pas,
s'appelle toujours raison. —
Saint Augustin : (Traité 3 sur Saint Jean). L'usage journalier de la parole lui
fait perdre de son prix à nos yeux, [et nous en faisons peu de cas], à cause
de la nature passagère du son dont elle est revêtue. Or, il est une parole
dans l'homme lui-même qui reste dans l'intérieur de son âme, car le son est
produit par la bouche. La parole véritable, à laquelle convient
particulièrement ce nom, est celle que le son vous fait entendre, mais ce
n'est pas le son lui-même. —
Saint Augustin : (de la Trinité, 15, 10).
Celui qui peut comprendre la parole non seulement avant que le son de la voix
la rende sensible, mais avant même que l'image des sons se présente à la
pensée, peut voir déjà dans ce miroir et sous cette image obscure quelque
ressemblance du Verbe dont il est dit : « Au commencement était le Verbe.
» En effet, lorsque nous énonçons ce que nous savons, le verbe doit
nécessairement naître de la connaissance que nous possédons dans la mémoire,
et ce verbe doit être de même nature que la connaissance dont il est
l'expression. La pensée qui naît de ce que nous savons est un verbe que nous
exprimons intérieurement, et ce verbe n'est ni grec, ni latin, il
n'appartient à aucune langue. Mais lorsque nous voulons le produire au
dehors, nous sommes obligés d'employer un signe qui en soit l'expression. Le
verbe qui se fait entendre en dehors est donc le signe de ce verbe qui
demeure caché à l'intérieur, et auquel convient bien plus justement le nom de
verbe. Car ce qui sort de notre bouche de chair, c'est la voix du verbe, et
on ne lui donne le nom de verbe [ou de parole] que par son union avec la
parole intérieure, qui est son unique raison d'être. —
Saint Basile de Césarée : (hom. sur ces par). Le Verbe
dont parle ici l'Evangéliste n'est pas un verbe humain; comment, en effet,
supposer au commencement l'existence du verbe humain, alors que l'homme reçut
le principe de la génération le dernier de tous les êtres ? Ce Verbe qui
était au commencement, n'est donc point le verbe humain, ce n'est point non
plus le verbe des anges; car toute créature est postérieure à l'origine des
siècles, et a reçu du Créateur le principe de son existence. Ecoutez donc
l'Evangéliste comme il convient, c'est le Fils unique qu'il appelle le Verbe. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 2 sur Saint Jean). On pourrait se demander : mais pourquoi
saint Jean nous parle-t-il immédiatement du Fils, sans rien dire du Père ?
C'est que le Père était connu de tous les hommes, sinon comme Père, du moins
comme Dieu; le Fils unique, au contraire, n'était pas connu. Voilà pourquoi
l'Evangéliste s'applique dès le commencement à en donner la connaissance à
ceux qui ne l'avaient pas. Disons plus : il ne parle pas du Père qui est
compris dans tout ce qu'il dit du Fils. C'est pour cette raison qu'il lui
donne le nom de Verbe. Il veut enseigner que le Verbe est le Fils unique de
Dieu, pour que personne ne songe à une génération charnelle, et, en montrant
que ce Verbe a été engendré de Dieu d'une manière incorruptible, il détruit
toute conception erronée. Une seconde raison pour laquelle il lui donne ce
nom, c'est que le Fils de Dieu devait nous faire connaître ce qui concerne le
Père. Aussi ne l'appelle-t-il pas simplement Verbe, mais il le distingue de
tous les autres verbes, en ajoutant l'article. L'Ecriture a coutume d'appeler
verbe ou parole les lois et les commandements de Dieu; mais le Verbe dont il
est ici question est une substance, une personne, un être qui est né du Père
par une naissance exempte [de corruption et] de douleur. —
Saint Basile de Césarée : (hom. précéd). Mais pourquoi
est-il le Verbe ? parce que sa naissance est sans douleur, parce qu'il est
l'image de celui qui l'a engendré, qu'il le reproduit tout entier en
lui-même, sans aucune division, et en possédant comme lui toute perfection. —
Saint Augustin : (de la Trin., 15, 13). De
même qu'il existe une grande différence entre notre science et celle de Dieu,
le verbe qui est le produit de notre science est aussi bien différent du
Verbe de Dieu qui est né de l'essence même du Père; comme si je disais qu'il
est né de la science du Père, de la sagesse du Père, ou ce qui est plus
expressif encore, du Père, qui est science, du Père, qui est sagesse. Le
Verbe de Dieu, Fils unique du Père, est donc semblable et égal à son Père en
toutes choses; car il est tout ce qu'est le Père, il n'est cependant pas le
Père, parce que l'un est le Fils, et l'autre le Père. Le Fils connaît tout ce
que connaît le Père, puisqu'il reçoit du Père la connaissance en même temps
que l'être. Connaître et exister sont ici une seule et même chose; et ainsi
le Fils n'est point pour le Père le principe de la connaissance, parce qu'il
n'est pas pour lui le principe de l'existence. C'est donc comme en s'énonçant
lui-même, que le Père a engendré le Verbe qui lui est égal en toutes choses;
car il ne se serait pas énoncé dans toute son intégrité et dans toute sa
perfection, si son Verbe lui était inférieur ou supérieur en quelque chose.
N'hésitons pas à considérer quelle distance sépare de ce Verbe divin notre
verbe intérieur, dans lequel nous trouvons cependant quelque analogie avec lui.
Le verbe de notre intelligence ne reçoit pas immédiatement sa forme
définitive, c'est d'abord une idée vague qui s'agite dans l'intérieur de
notre âme, et qui est le produit des différentes pensées qui se présentent
successivement à notre esprit. Le verbe véritable n'existe, que lorsque de
ces pensées qui s'agitent et se succèdent dans notre âme, naît la
connaissance qui donne à son tour naissance au verbe, et ce verbe ressemble
en tout à cette connaissance; car la pensée doit nécessairement avoir la même
nature que la connaissance dont elle est le produit. Qui ne voit quelle
différence extrême dans le Verbe de Dieu, qui possède la forme [et la nature]
de Dieu sans l'avoir acquise par ces divers essais de formation, sans qu'il
puisse jamais la perdre, et qui est l'image simple et consubstantielle du
Père ? C'est la raison pour laquelle l'Evangéliste l'appelle le Verbe de
Dieu, plutôt que la pensée de Dieu; il ne veut pas qu'on puisse supposer en
Dieu une chose qui soit soumise au changement, [ou au progrès du temps]; qui
commence à prendre une forme qu'elle n'avait pas auparavant, et qu'elle peut
perdre un moment après en retombant dans les vagues agitations de
l'intelligence. —
Saint Augustin : (serm. 38 sur les par. du
Seig). C'est qu'en effet le Verbe de Dieu est la forme qui n'a jamais été
soumise à la formation, c'est la forme de toutes les formes, la forme
immuable, exempte de vicissitudes, de décroissance, de toute succession, de
toute étendue [mesurable], la forme qui surpasse toutes choses, qui existe en
toutes choses, qui est le fondement sur lequel reposent toutes choses, et le
faîte qui les couvre et les domine. —
Saint Basile de Césarée : (hom. précéd). Notre verbe
extérieur a quelque ressemblance avec le Verbe de Dieu. Notre verbe, en
effet, reproduit toute la conception de notre esprit, car nous exprimons par
la parole ce que notre intelligence a préalablement conçu. Notre cœur est
comme une source, et la parole que nous prononçons est comme le ruisseau qui
sort de cette source. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. précéd). Remarquez ici
la prudence spirituelle de l'Evangéliste. Il savait que les hommes avaient de
tout temps rendu des honneurs divins à l'être qu'ils reconnaissaient exister
avant toutes les créatures et qu'ils appelaient Dieu. C'est donc par cet être
qu'il commence en lui donnant le nom de principe : « Dans le principe
était le Verbe. » — Origène : Ce nom de principe ou de commencement a plusieurs significations. Il
peut signifier le commencement d'un chemin ou d'une longueur quelconque,
comme dans ces paroles : « Le commencement de la bonne voie est de faire
la justice. » (Pr 16, 5). Il signifie encore le principe [ou commencement]
de la génération, comme dans ces paroles du livre de Job : « Il est le
commencement des créatures de Dieu » ; et l'on peut, sans rien dire
d'extraordinaire, affirmer que Dieu est le commencement ou le principe de
toutes choses. Pour ceux qui regardent la matière comme éternelle et incréée,
elle est le principe de tous les êtres qui ont été tirés de cette matière
préexistante. Le mot principe a encore une signification plus particulière,
comme lorsque saint Paul dit que le Christ est le principe de ceux qui ont
été faits à l'image de Dieu. (Col 1) Il y a encore le commencement ou le
principe de la discipline [et de la morale chrétienne], et c'est dans ce sens
[que le même Apôtre dit aux Hébreux] : « Lorsqu'en raison du temps, vous
devriez être maîtres, vous avez encore besoin qu'on vous enseigne les
premiers commencements de la parole de Dieu. » (Hé 5, 12). Le mot
principe a lui-même deux sens différents, il y a le principe considéré dans
ses rapports avec nous, comme lorsqu’on dit que le Christ est par nature le
principe de la sagesse, en tant qu'il est la sagesse et le Verbe de Dieu; et
il est pour nous ce même principe en tant que Verbe fait chair. Parmi toutes
ces significations différentes du mot principe, nous pouvons choisir ici
celle qui exprime le principe agissant; car le Christ créateur est comme le
principe en tant qu'il est la sagesse, et le Verbe dans le principe, est la
même chose que le Verbe dans la sagesse; car le Sauveur est la source d'une
infinité de biens. De même donc que la vie était dans le Verbe, ainsi le
Verbe était dans le principe, c'est-à-dire dans la sagesse. Considérez, si
d'après cette signification, il est possible d'entendre le principe, dans ce
sens que c'est suivant les règles de cette sagesse, et les idées exemplaires
qu'elle renferme, que toutes choses ont été faites. Ou bien encore, comme le
Père est le principe du Fils, le principe des créatures et de tous les êtres,
il faut entendre ces paroles : « Dans le principe était le Verbe, »
dans ce sens que le Verbe qui était le Fils, était dans le principe,
c'est-à-dire dans le Père. —
Saint Augustin : (de la Trin., 6, 2). Ou bien
encore, ces paroles : « Au commencement, » dans le principe,
signifient : « Avant toutes choses. » —
Saint Basile de Césarée : (hom. précéd). Le
Saint-Esprit a prévu que des envieux [et les détracteurs] de la gloire du
Fils unique chercheraient à détruire par leurs sophismes la foi des fidèles
en disant : S'il a été engendré, on ne peut pas dire qu'il était, et avant
d'être engendré, il n'était pas. C'est pour fermer par avance la bouche à ces
blasphémateurs, que l'Esprit saint dit : « Au commencement était le Verbe.
» —
Saint Hilaire : (de la Trin., 2). Tous les
temps sont dépassés, tous les siècles sont franchis, toutes les années
disparaissent; imaginez tel principe que vous voudrez, vous ne pouvez
circonscrire celui-ci dans les limites du temps, il existait avant tout les
temps. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 2 sur Saint Jean). Lorsqu'un homme monte sur un navire,
tant qu'il est près du rivage, il voit se dérouler devant lui les ports et
les cités, mais dès qu'il est avancé en pleine mer, il perd de vue ces
premiers objets, sans que ses yeux puissent s'arrêter sur aucun point. Ainsi
l'Evangéliste, en nous élevant au-dessus de toutes les créatures, laisse
notre regard comme suspendu [et sans objet], et ne lui permet d'entrevoir ni
aucunes bornes dans les hautes régions où il l'a transporté, [ni aucunes
limites où il puisse se fixer], car ces paroles : « Au commencement, »
expriment à la fois l'Etre infini et éternel. —
Saint Augustin : (serm. 38 sur les par. du
Seign). On fait cette objection : S'il est Fils, donc il est né. Nous
l'avouons. Ils ajoutent : S'il est né un Fils au Père, il était Père avant la
naissance de son Fils. La foi rejette cette conclusion. Mais, poursuit-on,
expliquez-moi donc comment le Père a pu avoir un Fils, qui fut coéternel au Père
dont il est né, car le fils naît après son père pour lui succéder après sa
mort. Ils vont chercher leurs comparaisons dans les créatures, il nous faut
donc aussi trouver des comparaisons à l'appui des vérités que nous défendons.
Mais comment pouvoir trouver dans toute la création un être coéternel, alors
qu'aucune créature n'est éternelle ? Si nous pouvions trouver ici-bas deux
êtres absolument contemporains, l'un qui engendre, l'autre qui est engendré,
nous pourrions avoir une idée de l'éternité simultanée [du Père et du Fils].
La sagesse nous est représentée dans l'Ecriture comme l'éclat de la lumière
éternelle et comme l'image du Père. Cherchons dans ces deux termes une
comparaison qui, à l'aide de deux choses existant simultanément, puisse nous
donner l'idée de deux êtres coéternels. Personne n'ignore que l'éclat de la
lumière vient du feu; supposons donc que le feu est le père de cet éclat, dès
que j'allume une lampe, le feu et la lumière existent simultanément.
Donnez-moi du feu sans lumière, et je vous concéderai que le Père n'a point
eu de Fils. L'image doit son existence au miroir, cette image se produit dès
qu'un homme se regarde dans un miroir, mais celui qui se regarde dans un
miroir existait avant de s'en approcher. Prenons encore comme objet de
comparaison une plante on un arbuste nés sur le bord des eaux, est-ce que
leur image ne naît pas simultanément avec eux ? Si donc cet arbuste existait
toujours, l'image de l'arbuste aurait la même durée. Or, ce qui vient d'un autre
être est vraiment né de lui; l'être qui a engendré peut donc toujours avoir
existé avec celui qui est né de lui. Mais on me dira : Je comprends que le
Père soit éternel, et que le Fils lui soit coéternel, mais de la même manière
que je comprends l'éclat du feu moins brillant que le feu lui-même, ou comme
l'image de l'arbuste qui se produit [dans les eaux], moins réelle et moins
parfaite que l'arbuste lui-même. Non, l'égalité est parfaite et absolue. Je
ne le crois point, me réplique-t-on, parce que vous n’avez pas trouvé une
comparaison correcte. Peut-être, cependant, trouverons-nous dans les
créatures des choses qui nous feront comprendre comment le Fils est coéternel
au Père, sans lui être inférieur, mais ce ne sera pas dans un seul objet de
comparaison. Joignons donc ensemble deux comparaisons différentes, celle
qu'ils donnent eux-mêmes et celle que nous apportons. Ils ont emprunté leur
comparaison aux êtres qui sont postérieurs par le temps à ceux qui leur
donnent naissance, par exemple, à l'homme qui naît d'un autre homme; mais
cependant ces deux hommes ont une même nature. Nous trouvons donc dans cette
naissance l'égalité de nature, mais nous n'y trouvons pas l'égalité de temps.
Au contraire, dans cette autre comparaison empruntée à l'éclat du feu et à
l'image de l'arbuste, vous ne trouvez pas l'égalité de nature, mais l'égalité
de temps. Vous trouvez donc réunies en Dieu les propriétés qui sont
disséminées dans plusieurs créatures et dans plusieurs objets, et vous les
trouvez réunies, non pas comme elles sont dans les créatures, mais avec la
perfection qui convient au Créateur. — Actes du concile d'Éphèse : L'Écriture appelle le Fils, tantôt le Fils
du Père, tantôt le Verbe, tantôt [l'éclat de] la lumière éternelle, et elle
emploie tour à tour ces divers noms en parlant du Christ, pour les opposer
aux blasphèmes de l'hérésie. Votre fils est de même nature que vous;
l'Ecriture, pour vous montrer que le Père et le Fils ont une même substance,
appelle le Fils, qui est né du Père, son Fils unique. Mais comme la naissance
et de fils rappelle l'idée de souffrance, la sainte Ecriture appelle le Fils
de Dieu le Verbe, pour éloigner toute idée de souffrance de la génération
divine. Et encore, tout père est un homme, donc incontestablement plus âgé
que son fils, mais il n'en est pas de même pour la nature divine, et c'est
pour cela qu'elle appelle le Fils unique du Père, l'éclat de la lumière
éternelle. En effet, la lumière naît du soleil, mais elle ne lui est point
postérieure. Le nom d'éclat de la lumière éternelle vous montre donc que le
Fils est coéternel au Père, le nom de Verbe vous prouve l'impassibilité de sa
naissance, et le nom de Fils, sa consubstantialité avec le Père. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 2 sur Saint Jean). On objecte encore : Ces paroles : «
Au commencement, » ne signifient pas simplement [et nécessairement]
l'éternité, car n'est-il pas dit de la création du ciel et de la terre : «
Au commencement, Dieu fit le ciel et la terre.» ? (Gen.) Mais qu'a
de commun cette expression : « Il était, » avec cette autre : « Il
fit » ? Lorsqu'on dit d'un homme : « Il est » cette expression
marque le temps présent; lorsqu'on l'applique à Dieu, elle signifie celui qui
existe toujours et de toute éternité. De même l'expression : « Il était, »
appliquée à notre nature, signifie le temps passé, mais lorsqu'il s'agit de
Dieu, elle exprime son éternité. — Origène : (hom. 2. sur div. sujets). Le verbe être a une double signification,
tantôt il exprime les différentes successions de temps, lorsqu'il se conjugue
avec d'autres verbes; tantôt il exprime la nature de la chose dont on parle
sans aucune succession de temps, c'est pour cela qu'il est appelé verbe
substantif. —
Saint Hilaire : (De la Trin., 2). Jetez donc
un regard sur le monde, comprenez ce qui est écrit du monde : « Au
commencement Dieu créa le ciel et la terre. » Ce qui est créé reçoit donc
l'existence au commencement, et ce qui se trouve renfermé dans le principe
qui lui donne l'existence se trouve également renfermé dans les limites du
temps. Or, ce simple pêcheur, sans lettres, sans science, s'affranchit des
bornes du temps, remonte avant tous les siècles et s'élève au-dessus de tout
commencement. Car ce qui était, c'est ce qui est, ce qui n'est circonscrit
par aucune durée, et qui était au commencement ce qu'il est, bien plutôt qu'il
n'était fait. —
Alcuin : C'est donc contre ceux qui
alléguaient la naissance temporelle du Christ, pour enseigner qu'il n'avait
pas toujours existé, que l'Evangéliste commence son récit par l'éternité du
Verbe : « Au commencement était le Verbe. » |
Lectio 2 |
Leçon 2 : Et le Verbe était en Dieu
|
[85975] Catena in Io., cap. 1 l. 2 Chrysostomus
in Ioannem. Quia maxime Dei hoc est proprium, aeternum et sine principio
esse; hoc primum posuit : deinde ne quis audiens in principio erat verbum,
ingenitum verbum dicat, confestim hoc removit dicens et verbum erat apud Deum.
Hilarius de Trin. Sine principio enim est apud Deum,
et qui abest a tempore, non abest ab auctore. Basilius. Rursus hoc dicit propter blasphemantes
quod non erat. Ubi ergo erat verbum? Non in loco incircumscriptibilia
continentur. Sed ubi erat? Apud Deum : neque pater loco, neque filius
circumscriptione aliqua continentur. Origenes in Ioannem. Utile est etiam inducere, quod
verbum dicitur ad aliquos fieri, puta ad Osee, vel Isaiam, aut Ieremiam : ad
Deum autem non fit, quasi prius non ens apud ipsum : ex eo igitur quod
iugiter est in eo, dicitur et verbum erat apud Deum : quia nec a principio a
patre separatus est. Chrysostomus in Ioannem. Non etiam dixit : in Deo
erat, sed apud Deum erat, eam quae secundum hypostasim eius est aeternitatem
nobis ostendens. Theophylactus. Videtur autem mihi quod Sabellius ex
hoc dicto subversus est. Ipse enim dicebat, quod pater et filius et spiritus
sanctus una est persona, quae aliquando ut pater apparuit, aliquando ut
filius, aliquando ut spiritus sanctus. Manifeste vero confunditur ex hoc
verbo : et verbum erat apud Deum. Hic enim Evangelista alium declarat esse
filium, alium Deum, scilicet patrem. |
—
Saint Jean Chrysostome : (hom. 2 sur Saint Jean). C'est surtout le propre de Dieu
d'être éternel et sans commencement, c'est ce que l'Evangéliste a établi tout
d'abord, mais de peur qu'on ne vînt à conclure de ces paroles : « Au
commencement était le Verbe, » que le Verbe n'a pas été engendré, il
ajoute aussitôt pour repousser cette idée : « Et le Verbe était en Dieu. » —
Saint Hilaire : (De la Trin., 2). Il est en
Dieu sans aucun commencement, il n'est point soumis à la succession du temps,
mais il a un principe de son existence. —
Saint Basile de Césarée : (hom. précéd). Il s'exprime
encore de la sorte contre ceux qui osaient blasphémer que le Verbe n'était
pas. Où donc était le Verbe ? Il n'était pas dans un lieu, car ce qui ne peut
être circonscrit ne peut être soumis aux lois de l'espace. Mais où était-il
donc ? Il était en Dieu. Or, ni le Père, ni le Fils ne peuvent être contenus
dans aucun espace. — Origène : Il est utile de faire
remarquer que nous lisons dans l'Ecriture, que la parole a été adressée à
quelques-uns, par exemple à Osée, à Isaïe, à Jérémie; mais le Verbe n'est pas
fait en Dieu comme une chose qui n'existe pas en lui. C’est donc d’un être
qui est éternellement en lui, que l'Evangéliste dit : « Et le Verbe était
avec Dieu, » paroles qui prouvent que, même au commencement, le Fils n'a
jamais été séparé du Père. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 3 sur Saint Jean). Il ne dit pas : Il était en Dieu,
mais : « Il était avec Dieu, » nous montrant ainsi son éternité comme substance
distincte. — Théophylactus : Il me semble que l’erreur de Sabellius se
trouve détruite par ces paroles. Cet hérétique enseignait que le Père, le
Fils et le Saint-Esprit ne formaient qu’une seule personne, qui se
manifestait tantôt comme le Père, tantôt comme le Fils, et tantôt comme le
Saint-Esprit; mais quoi de plus fort pour le confondre que ces paroles : «
Et le Verbe était en Dieu » ? car l’Evangéliste déclare ouvertement
que le Fils est différent de Dieu, c'est-à-dire du Père. |
Lectio 3 |
Leçon 3 : Et le Verbe était Dieu.
|
[85976] Catena in Io., cap. 1 l. 3 Hilarius de Trin. Dices :
verbum sonus vocis est, enuntiatio negotiorum, et elocutio cogitationum : hoc
verbum in principio apud Deum erat, quia sermo cogitationis aeternus est, cum
qui cogitat sit aeternus. Sed quomodo in principio erat quod neque ante
tempus, neque post tempus est? Et nescio an ipsum possit esse in tempore.
Loquentium enim sermo neque est antequam loquantur, et cum locuti erunt, non
erit : in eo enim ipso quod loquuntur, dum finiunt, iam non erit id unde
coeperunt. Sed si primam sententiam rudis auditor admiseras, in principio
erat verbum, de sequenti quid quaeris : et verbum erat apud Deum? Numquid
audieras de Deo, ut sermonem reconditae cogitationis acciperes; aut
fefellerat Ioannem quid esset momenti inter inesse et adesse? Id enim quod in
principio erat, non in altero esse, sed cum altero praedicatur. Statum igitur
verbi et nomen expecta; dicit namque et Deus erat verbum. Cessat sonus vocis
et cogitationis eloquium. Verbum hic res est, non sonus; natura, non sermo;
Deus, non inanitas est. Hilarius de Trin. Simplex autem
nuncupatio est, et caret offendiculo adiectionis alienae. Ad Moysen dictum
est : dedi te Deum Pharaoni : sed numquid non adiecta nominis causa est, cum
dicitur Pharaoni? Moyses enim Pharaoni Deus datus est, dum timetur, dum
oratur, dum punit, dum medetur. Et aliud est Deum dari, et aliud Deum esse.
Memini quoque et alterius nuncupationis, ubi dicitur : ego dixi : dii estis;
sed in eo indulti nominis significatio est; et ubi refertur ego dixi,
loquentis potius sermo est, quam rei nomen. Cum autem audio et Deus erat
verbum, non dictum solum audio verbum, sed demonstratum esse intelligo quod
Deus est. Basilius. Sic igitur excludens
accusationem blasphemantium et quaerentium quid est verbum, respondet et Deus
erat verbum. Theophylactus. Vel aliter
continua. Postquam verbum erat apud Deum, manifestum est quod duae personae
erant, quamvis una natura in duabus existat; unde dicitur et Deus erat
verbum; ita ut una natura sit patri et filio, cum sit una deitas. Origenes. Adiciendum etiam,
quod verbum in eo quod fit ad prophetas, illustrat prophetas sapientiae
lumine : apud Deum vero est verbum obtinens ab eo quod sit Deus; unde
praelocavit hoc quod est verbum erat apud Deum, ei quod est Deus erat verbum.
Chrysostomus in Ioannem. Et non
ut Plato, hoc quidem intellectum quemdam, hoc vero animam mundi esse dicens :
haec enim procul sunt a divina natura. Sed dicunt : pater cum articuli
adiectione dictus est Deus, filius autem sine hac. Quid ergo, cum apostolus
dicat : magni Dei et salvatoris nostri Iesu Christi; et rursus : qui est
super omnia Deus; sed et Romanis scribens dicit : gratia vobis, et pax a Deo
patre nostro sine adiectione articuli. Sed et superfluum erat hic apponere
superius continue adiectum. Non igitur etsi non est adiectus filio articulus,
propter hoc filius minor est Deus. |
—
Saint Hilaire : (De la Trin., 2). Vous me
direz : Le Verbe, c'est le son de la voix, l'énoncé des choses, l'expression
des pensées. Le Verbe était dans le principe avec Dieu, parce que la parole,
expression de la pensée, est éternelle, lorsque celui qui pense est éternel
lui-même. Mais comment le Verbe était-il au commencement, lui qui n'est ni
avant, ni après le temps; je ne sais même s'il peut exister dans le temps ?
Lorsque les hommes parlent, leur parole n'existe pas avant qu'ils ouvrent la
bouche, et lorsqu'ils ont fini de parler, elle n'existe plus; au moment même
où ils arrivent à la fin de leurs discours, le commencement a cessé
d'exister; Mais si vous avez admis, tout ignorant que vous êtes, ces
premières paroles : « Au commencement était le Verbe, » pourquoi
demander ce que signifient les suivantes : « Et le Verbe était avec Dieu.
» Est-ce que vous pouviez supposer qu'en Dieu le Verbe était l'expression
d'une pensée cachée, ou bien Jean aurait-il ignoré la différence qui existe
entre ces deux termes : Etre et assister ? Ce qui était au commencement vous
est présenté comme étant, non pas dans un autre, mais avec un autre. Faites
donc attention au nom et à la nature qu'il donne au Verbe : « Et le Verbe
était Dieu. » Il n'est plus question du son de la voix, de l'expression
de la pensée; ce verbe est un être subsistant et non pas un son, c'est une
nature et non une simple expression, ce n'est pas une chose vaine, c'est un
Dieu. —
Saint Hilaire : (De la Trin., 7). C’est une
appellation simple, sans aucune addition étrangère qui puisse être matière à
difficulté. Il a bien été dit à Moïse : « Je t'ai établi le dieu de
Pharaon. » (Ex 7, 1). Mais on voit immédiatement la raison de cette
dénomination dans le mot qui l'accompagne : « de Pharaon, »
c'est-à-dire, que Moïse a été établi le dieu de Pharaon, pour s'en faire
craindre et prier, pour le châtier et pour le guérir; mais il y a une grande
différence entre ces deux choses : Etre établi le dieu de quelqu'un et être
véritablement Dieu. Je me rappelle encore un autre endroit des Ecritures où
nous lisons : « J'ai dit : Vous êtes des dieux. » (Ps 81) Mais [il est
facile de voir que] ce nom n'est donné ici que par simple concession; et ces
paroles : « J'ai dit, » expriment bien plutôt une manière de parler
que la réalité du nom qui est donné. Au contraire, lorsque j'entends ces
paroles : « Et le Verbe était Dieu », je comprends que ce n'est point
une simple dénomination, mais une véritable démonstration de sa divinité. —
Saint Basile de Césarée : (homél. précéd). C'est ainsi
que l'Evangéliste réprime les calomnies et les blasphèmes de ceux qui osent
demander : Qu'est-ce que le Verbe ? Il répond : « Et le Verbe était Dieu.
» — Théophylactus : On peut encore donner une autre liaison de ces paroles avec ce qui
précède. Puisque le Verbe était avec Dieu, il est évident qu'il y avait deux
personnes distinctes, n'ayant toutes deux qu'une seule et même nature; c'est
ce qu'affirmé l'Evangéliste : « Et le Verbe était Dieu, » c'est-à-dire
que le Père et le Fils n'ont qu'une même nature, comme ils n'ont qu'une même
divinité. — Origène : Ajoutons que [le Verbe ou] la parole que Dieu adressait aux prophètes,
les éclairait, de la lumière de la sagesse; au contraire, le Verbe qui est
avec Dieu, reçoit de Dieu la nature divine, et voilà pourquoi saint Jean a
fait précéder ces paroles : « Et le Verbe était Dieu » ; de ces
autres : « Et le Verbe était avec Dieu [ou en Dieu]. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 4 sur Saint Jean). Et il n'est pas Dieu dans le sens de
Platon, qui l'appelle tantôt une certaine intelligence, tantôt l'âme du
monde, toutes choses complètement étrangères à sa nature divine. Mais on nous
fait cette objection : Le Père est appelé Dieu avec addition de l'article, et
le Fils sans l'article. Que dit en effet l'apôtre saint Paul ? « du grand
Dieu et notre Sauveur Jésus-Christ. » (Tite, 2, 13). Et dans un autre
endroit : « Qui est Dieu au-dessus de toutes choses? » (Rm 9, 5).
C'est-à-dire, que le Fils est appelé Dieu sans article. [Nous répondons que
la même observation peut s'appliquer au Père. En effet, saint Paul écrivant
aux Philippiens, dit : « Qui ayant la forme et la nature de Dieu
(έν μορφή Θεού, sans
article), n'a point cru que ce fût pour lui une usurpation d'être égal à
Dieu. » (Ph 2, 6). Et dans son Epître aux Romains : « Grâce et paix soient à
vous de la part de Dieu (άπό Θεού, sans
article), notre Père, et de Jésus-Christ Notre Seigneur. » (Rm 1, 7)] [ajout de l’abbé Peronne]. D'ailleurs, il était
parfaitement inutile de mettre ici l'article, alors qu'on l'avait employé
mainte fois dans ce qui précède. Donc le Fils n'est pas Dieu dans un sens
plus restreint, parce que le nom de Dieu qui lui est donné n'est pas précédé
de l'article. |
Lectio 4 |
Verset 2 : Il était au commencement avec
Dieu.
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[85977] Catena in Io., cap. 1 l. 4
Hilarius de Trin. Quia dixerat
Deus erat verbum, trepido in dicto, et me insolens sermo commovet, cum unum
Deum prophetae nuntiaverunt. Sed ne quo ultra trepidatio mea progredi possit,
reddit sacramenti tanti piscator dispensationem, et refert ad unum omnia,
sine contumelia, sine abolitione, sine tempore, dicens hoc erat in principio
apud Deum : apud unum ingenitum Deum, ex quo ipse unius unigenitus Deus est,
praedicatur. Theophylactus. Et rursus ne
suspicio diabolica aliquos conturbaret, ne forte cum verbum Deus sit,
insurrexerit contra patrem, ut aliqui fabulantur gentilium, et separatus a
patre fuerit ipsi patri contrarius, dicit hoc erat in principio apud Deum;
quasi dicat : hoc Dei verbum nunquam a Deo extitit separatum. Chrysostomus in Ioannem. Vel ne
audiens in principio erat verbum, aeviternum quidem aestimes, seniorem vero
spatio aliquo patris vitam suscipias, induxit hoc erat in principio apud Deum
: non enim fuit unquam solitarius ab illo; sed semper Deus apud Deum erat.
Vel quia dixerat Deus erat verbum, ut non aestimet quis minorem esse deitatem
filii, confestim cognoscitiva propriae deitatis ponit, et aeternitatem
assumens, cum dicit hoc erat in principio apud Deum; et quod factum est
adiciens omnia per ipsum facta sunt. Origenes. Vel aliter. Postquam
praemiserat tres propositiones Evangelista, resumit tria in unum, dicens hoc
erat in principio apud Deum. In primo enim trium didicimus in quo erat
verbum, quia in principio erat; in secundo apud quem, quia apud Deum; in
tertio quid erat verbum, quia Deus. Velut ergo demonstrans verbum praedictum,
Deum, per hoc quod dicit hoc, et colligens in propositionem quartam hoc quod
est in principio erat verbum, et verbum erat apud Deum, et Deus erat verbum,
ait hoc erat in principio apud Deum. Quaerat autem aliquis, cur non est
dictum : in principio erat verbum Dei, et verbum Dei erat apud Deum, et Deus
erat verbum Dei. Quisquis autem unicam veritatem fatebitur esse; palam est
quoniam et demonstratio eius, quae est sapientia, una est. Sed si veritas
una, et sapientia una, verbum quoque quod veritatem enuntiat, et sapientiam
expandit in his qui susceptibiles sunt, unum siquidem erit. Nec hoc dicimus
inficiantes verbum Dei fore, sed ostendentes utilitatem omissionis huius
vocabuli Dei. Ipse quoque Ioannes in Apocalypsi dicit : et nomen eius verbum
Dei. Alcuinus. Qualiter autem ponit
substantivum verbum erat? Ut intelligeres omnia tempora praevenisse coaeternum
Deo patri verbum. |
—
Saint Hilaire : (De la Trin., 2). Ces
paroles : « Et le Verbe était Dieu, » m'étonnent, et cette locution
inusitée me jette dans le trouble, lorsque je me rappelle que les prophètes
ont annoncé un seul Dieu. Mais notre pêcheur calme bientôt ce trouble en
donnant la raison d'un si grand mystère; il rapporte tout à un seul Dieu, et
fait ainsi disparaître toute idée injurieuse à la divinité, toute pensée
d'amoindrissement ou de succession de temps, en ajoutant : « Il était au
commencement avec Dieu, » avec Dieu qui n'a pas été engendré, et dont il
est proclamé seul le Fils unique, qui est Dieu. — Théophylactus : Ou encore, c'est pour prévenir ce soupçon diabolique qui pouvait en
troubler plusieurs, que le Seigneur étant Dieu, s'était déclaré contre son
Père (comme l'ont imaginé les fables des païens), et séparé de son Père pour
se mettre en opposition avec lui, que l'Evangéliste ajoute : « Il était au
commencement avec Dieu, » c'est-à-dire le Verbe de Dieu n'a jamais eu
d'existence séparée de celle de Dieu. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 4 sur Saint Jean). Ou bien encore ces paroles : « Au
commencement était le Verbe, » tout en établissant l'éternité du Verbe,
pouvaient laisser croire que la vie du Père avait précédé, ne fût-ce que d'un
moment la vie du Fils; saint Jean va au-devant de cette pensée, et se hâte de
dire : « Il était dans le commencement avec Dieu, » il n'en a jamais
été séparé, mais il était toujours Dieu avec Dieu. Ou encore, comme ces
paroles : « Et le Verbe était Dieu, » pouvaient donner ù penser que la
divinité du Fils était moindre que celle du Père, il apporte aussitôt un des
attributs particuliers de la divinité, c'est-à-dire, l'éternité, en disant : «
Il était au commencement avec Dieu » ; et il fait ensuite connaître
quelle a été son œuvre, en ajoutant : « Toutes choses ont été faites par
lui. » — Origène : Ou bien encore,
l'Evangéliste résume les trois propositions qui précèdent dans cette seule
proposition : « Il était au commencement avec Dieu. » La première de
ces trois propositions nous a appris quand était le Verbe, il était au
commencement; la seconde, avec qui il était, avec Dieu; la troisième, ce
qu'il était, il était Dieu. Voulant donc démontrer que le Verbe dont il vient
de parler est vraiment Dieu, et résumer dans une quatrième proposition les
trois qui précèdent : « Au commencement était le Verbe », et « le
Verbe était avec Dieu », et « le Verbe était Dieu, » il
ajoute : « Il était au commencement avec Dieu. » Demandera-t-on
pourquoi l'Evangéliste n'a pas dit : « au commencement était le Verbe de
Dieu, et le Verbe de Dieu était avec Dieu, et le Verbe de Dieu était Dieu » ?
Nous répondons que pour tout homme qui reconnaît que la vérité est une, il
est évident que la manifestation de la vérité, manifestation qui est la
sagesse, doit être également une. Or, s'il n'y a qu'une seule vérité et
qu'une seule sagesse, la parole qui est l'expression de la vérité, et qui
répand la sagesse dans ceux qui sont capables de la recevoir, doit aussi être
une. En donnant cette réponse, nous sommes loin de dire que le Verbe n'est
pas le Verbe de Dieu, mais nous voulons simplement montrer l'utilité de
l'omission du mot Dieu. D'ailleurs, saint Jean lui-même dit dans l'Apocalypse
: « Et son nom est le Verbe de Dieu. » —
Alcuin : Mais pourquoi s'est-il servi
du verbe substantif, « il était » ? Pour vous faire comprendre
que le Verbe de Dieu, coéternel à Dieu le Père, précède tous les temps. |
Lectio 5 |
Verset 3 : Toutes choses ont été faites par
lui.
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[85978] Catena in Io., cap. 1 l. 5
Alcuinus. Postquam dixit de
natura filii, de operatione eius subiungit, dicens omnia per ipsum facta
sunt; idest, quidquid est, sive in substantia, sive in aliqua proprietate.
Hilarius de Trin. Vel aliter.
Erat quidem verbum in principio, sed potuit non esse ante principium. Sed
quid ille? Omnia per ipsum facta sunt. Infinitum est per quod fit omne quod
factum est; et cum ab eo sint omnia, et tempus ab eo est. Chrysostomus in Ioannem. Moyses
quidem incipiens Scripturam veteris testamenti, de sensibilibus nobis
loquitur, et haec enumerat per multa : in principio enim fecit Deus caelum et
terram. Deinde inducit, quoniam et lux facta est, et firmamentum et stellarum
naturae, et genera animalium. Evangelista vero haec omnia excedens uno verbo
comprehendit, ut cognita auditoribus, ad altiorem festinans materiam, totum
hunc librum instituens non de operibus, sed de conditore. Augustinus super Genesim. Cum
enim dicitur omnia per ipsum facta sunt, satis ostenditur et lux per ipsum
facta, cum dixit Deus : fiat lux; et similiter de aliis. Quod si ita est,
aeternum est, quod ait Deus : fiat lux, quia verbum Dei, Deus apud Deum,
patri coaeternus est, quamvis creatura temporalis facta sit. Cum enim verba
sint temporis, cum dicimus : quando et aliquando; aeternum tamen est in verbo
Dei, quando aliquid fieri debeat; et tunc fit quando fieri debuisse in illo
verbo est, in quo non est quando et aliquando : quoniam totum illud verbum
aeternum est. Augustinus super Ioannem. Quomodo
ergo potest fieri ut verbum Dei factum sit, quando Deus per verbum fecit
omnia? Si et verbum ipsum factum est, per quod aliud verbum factum est? Si
hoc dicis, quia est verbum verbi, per quod factum est illud; ipsum dico ego
unigenitum filium Dei. Si autem non dicis verbum Dei, concede non factum
verbum per quod facta sunt omnia. Augustinus de Trin. Et si
factum non est, creatura non est; si autem creatura non est, eiusdem cum
patre substantiae est, omnis enim substantia quae Deus non est, creatura est
: et quae creatura non est, Deus est. Theophylactus. Solent autem
Ariani dicere, quod sicut per serram ostium fieri dicimus, quasi per organum,
sic et per filium omnia facta fuisse dicuntur, non quod ipse sit factor, sed
organum; et sic facturam aiunt filium, tamquam factum ad hoc ut per eum omnia
fierent. Nos autem ad huiusmodi fictores mendacii simpliciter respondemus. Si
enim, ut dicitis, pater creasset ad hoc filium ut eo tamquam organo uteretur,
videretur quod inhonorabilior sit filius quam quae facta sunt; sicut ea quae
per serram sunt facta, ipso organo nobiliora existunt; nam serra propter ipsa
facta est. Sic et propter ipsa quae facta sunt, ut aiunt, pater creavit
filium; tamquam si non deberet Deus cuncta creare, nequaquam filium
produxisset. Quid his verbis insanius? Sed aiunt : quare non dixit quod omnia
verbum fecit; sed usus est hac praepositione per? Ne filium ingenitum
intelligeres, et sine principio, et Dei conditorem. Chrysostomus in Ioannem. Sed si
praepositio per conturbat te, et quaeris in Scriptura quod ipsum verbum omnia
faceret, audi David : initio tu, domine, terram fundasti, et opera manuum
tuarum sunt caeli. Quod autem hoc de unigenito dixerit, addisces ab apostolo
utente hoc verbo in epistola ad Hebraeos de filio. Si vero de patre hoc
prophetam dixisse dicis, Paulum vero filio adaptasse; idem fit rursus. Neque
enim id filio convenire dixisset, nisi vehementer consideraret quoniam quae
sunt dignitatis, cohonorabilia sunt utrique. Si rursus per praepositio
aliquam subiectionem tibi videtur inducere, cur Paulus eam de patre ponit?
Fidelis dominus, per quem vocati sumus in societatem filii eius. Et iterum :
Paulus apostolus per voluntatem Dei. Origenes. Erravit etiam in hoc
Valentinus, dicens verbum esse quod mundanae creationis praestitit causam
creatori. Sed si sic se habet veritas rerum, prout ipse intelligit, oportebat
scriptum fore per creatorem universa consistere a verbo, non autem e contra
per verbum a creatore. |
—
Alcuin : Après avoir exposé la nature
du Fils, l'Evangéliste fait connaître ses œuvres : « Toutes choses ont été
faites par lui, » c'est-à-dire, tout ce qui existe comme substance ou
comme propriété. —
Saint Hilaire : (De la Trin., 2). On pouvait
dire encore : Le Verbe était au commencement, mais il a pu ne pas exister
avant le commencement? Saint Jean répond : « Toutes choses ont été faites
par lui. » Celui par qui a été fait tout ce qui est fait est un être
infini, et comme toutes choses viennent de lui, il est aussi le principe du
temps. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 4 sur Saint Jean). Moïse commence l'histoire de l'Ancien
Testament par le récit détaillé de la création des choses extérieures : «
Au commencement, dit-il entre autres choses, Dieu fit le ciel et la
terre » ; paroles qu'il fait suivre de la création de la lumière, du
firmament, des étoiles et des différentes espèces d'animaux. L'Evangéliste,
an contraire, abrège et résume tout ce récit en un seul mot, comme étant
connu de ses auditeurs; il entreprend un sujet plus sublime, et consacre tout
son Evangile, non aux œuvres de la création, mais à la gloire du Créateur. —
Saint Augustin : (de la Gen., à la lett. 2).
Ces paroles : « Toutes choses ont été faites par lui, » nous prouvent
suffisamment que la lumière elle-même a été faite par lui, lorsque Dieu dit :
« Que la lumière soit, » de même que tous les autres ouvrages de la
création. Mais s'il en est ainsi, puisque le Verbe de Dieu, qui est Dieu
lui-même, est coéternel à Dieu le Père, cette parole que Dieu prononce : «
Que la lumière soit, » est éternelle, bien que la créature n'ait été
faite que dans le temps. Ces expressions que nous employons, « quand »,
« alors » désignent un temps déterminé, mais quand une chose doit
être faite par Dieu, elle est éternelle dans le Verbe de Dieu, et elle est
faite au moment où le Verbe a résolu de la faire, car dans ce Verbe, il n'y a
[aucune de ces successions de temps indiquées par] ces expressions « quand »,
« alors », parce que le Verbe tout entier est éternel. —
Saint Augustin : (Traité 1 sur Saint Jean). Comment donc pourrait-il se faire que
le Verbe de Dieu ait été fait, alors que c'est par le Verbe que Dieu a fait
toutes choses ? Et si ce Verbe a été fait, par quel autre Verbe a-t-il été
fait ? Si vous dites qu'il est le Verbe du Verbe par lequel il a été fait,
moi je l'appelle le Fils unique de Dieu. Mais si vous ne l'appelez pas le
Verbe du Verbe, reconnaissez qu'il n'a pas été fait, puisque toutes choses
ont été faites par lui. —
Saint Augustin : (De la Trin., 6). S'il n'a
pas été fait, il n'est pas créature, il a la même nature que son Père, car
toute substance qui n'est pas Dieu est créature, et la substance qui n'a pas
été créée est nécessairement la nature divine. — Théophylactus : Tel est le langage que tiennent les Ariens : tout a été fait par
le Fils, comme nous disons qu'une porte a été faite avec une scie qui a servi
d'instrument [à l'ouvrier], c'est-à-dire qu'il n'a pas agi comme créateur,
mais comme instrument. Et ils prétendent que le Fils a été fait pour servir
d'instrument à la création des autres êtres. Nous répondons simplement aux
auteurs de ce mensonge : Si, comme vous le dites, le Père avait créé le Fils
pour s'en servir comme d'un instrument, la nature du Fils serait beaucoup
moins noble que celle des autres créatures qui ont été faites par lui. De
même qu'une scie est d'un rang inférieur à celui des ouvrages qu'elle sert à
faire, puisqu'elle n'existe que pour eux; c'est par le même dessein,
disent-ils, que Dieu a créé le Fils, comme si Dieu n’eût jamais produit son
Fils, dans l'hypothèse où il n'aurait pas dû créer l'univers. Peut-on tenir
un raisonnement plus insensé ? Mais, ajoutent-ils, pourquoi l'Evangéliste
n'a-t-il pas dit que le Verbe a fait toutes choses, et s'est-il servi de la
préposition « par » [: « Toutes choses ont été faites par lui ? »]
C'est afin que vous ne croyez pas que le Fils n'a pas été engendré, qu'il est
sans principe, et comme le créateur de Dieu. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 5 sur Saint Jean). Si du reste cette expression : « par
lui » vous déconcerte, et que vous vouliez trouver dans l'Ecriture un
témoignage que le Verbe a tout fait lui-même, écoutez David : « Au
commencement, Seigneur, vous avez créé la terre, et les cieux sont les œuvres
de vos mains. » (Ps. 101) C’est du Fils unique que le prophète parle
ainsi, comme vous l'apprend l'apôtre saint Paul, qui lui applique ces paroles
dans son Epître aux Hébreux (He 1). Si vous prétendez que c'est du Père que
le prophète a voulu parler, et que saint Paul applique ces paroles au Fils,
notre raisonnement conserve toute sa force, car saint Paul ne les aurait
jamais appliquées au Fils, s'il n'avait été profondément convaincu que le
Père et le Fils ont la même puissance et la même divinité. Si la préposition « par »
vous parait indiquer une infériorité quelconque, pourquoi saint Paul remploie-t-il
à l'occasion du Père ? « Dieu, écrit-il aux Corinthiens, par lequel
vous avez été appelés à la société de son Fils Jésus-Christ, Notre-Seigneur,
est fidèle » (1 Co 1, 9) ; et encore : « Paul, Apôtre par la
volonté de Dieu ? » — Origène : Valentin est aussi tombé dans l'erreur, en disant que le Verbe avait
été pour le Créateur la cause de la création du monde. Car si les choses
étaient telles qu'il les affirme, l'Evangéliste aurait dû dire : que le Verbe
a tout fait par le Créateur, et non que le Créateur a tout fait par le Verbe. |
Lectio 6 |
Leçon 6 : Et sans lui rien n'a été fait.
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[85979] Catena in Io., cap. 1 l. 6 Chrysostomus
in Ioannem. Ut non aestimes, dum dicit omnia per ipsum facta sunt, illa
omnia solum dicere eum quae a Moyse dicta sunt, convenienter inducit et sine
ipso factum est nihil, sive visibile quid, sive intelligibile. Vel aliter. Ne
hoc quod dixit omnia per ipsum facta sunt, de signis suspiceris nunc dici, de
quibus reliqui Evangelistae locuti sunt, inducit et sine ipso factum est
nihil. Hilarius de Trin. Vel aliter.
Hoc quod dicitur, omnia per ipsum facta sunt, non habet modum : est ingenitus
qui factus a nemine est, est et ipse genitus ab innato. Reddidit auctorem cum
socium professus est, dicens sine ipso factum est nihil; cum enim nihil sine
eo, intelligo non esse solum : quia alius est per quem, alius sine quo non.
Origenes. Vel aliter. Ne
existimares ea quae per verbum facta sunt, per se existentia, non contenta a
verbo, ait et sine ipso factum est nihil; hoc est, nihil factum est extra
ipsum; quia ipse ambit omnia, conservans ea. Augustinus de quaest. Nov. et Vet.
Testam. Vel dicens sine ipso factum est nihil, nullo modo ipsum facturam
esse suspicari debere edocuit. Quomodo enim potest dici : ipse est factura,
cum nihil dicatur Deus sine ipso fecisse? Origenes super Ioannem. Vel
aliter. Si omnia per verbum facta sunt : de numero vero omnium est malitia,
et totus fluxus peccati; et haec per verbum facta sunt; et hoc est falsum.
Quantum igitur ad significata, nihil et non ens, unum sunt. Videtur autem
apostolus non entia prava dicere : vocat Deus ea quae non sunt tamquam ea
quae sunt. Totaque pravitas nihil dicitur, dum absque verbo facta est. Augustinus in Ioannem. Peccatum
enim non per ipsum factum est : et manifestum est quia peccatum nihil est, et
nihil fiunt homines cum peccant. Et idolum non per verbum factum est : habet
quidem formam quamdam humanam, et ipse homo per verbum factus est; sed forma
hominis in idolo non per verbum facta est : scriptum est enim : scimus quod
nihil est idolum. Ergo ista non sunt facta per verbum; sed quaecumque facta
sunt naturaliter, universa natura rerum, omnis omnino creatura ab Angelo
usque ad vermiculum. Origenes. Valentinus autem
exclusit ab omnibus per verbum factis quae sunt in saeculis facta, quae
credit ante verbum extitisse, praeter evidentiam loquens; siquidem quae
putantur ab eo divina, removentur ab omnibus, quae autem, velut ipse putat,
penitus destruuntur, vere dicuntur omnia. Quidam enim falso dicunt Diabolum
non esse creaturam Dei : inquantum enim Diabolus est, creatura Dei non est :
is autem cui accidit esse Diabolum, divina est creatura; ac si diceremus,
homicidam creaturam Dei non esse, qui tamen in eo quod homo est, creatura Dei
est. Augustinus de natura boni. Non
autem sunt audienda deliramenta hominum, qui nihil hoc loco aliquid
intelligendum esse putant, quia ipsum nihil in fine sententiae positum est;
nec intelligunt nihil interesse utrum dicatur : sine ipso nihil factum est,
an sine ipso factum est nihil. Origenes. Si accipiatur verbum
pro eo quod in quolibet hominum est, quia et ipsum insitum est cuilibet ab eo
quod in principio erat verbum, etiam sine hoc verbo nihil committimus,
simpliciter accipiendo quod dicitur nihil. Ait enim apostolus quod sine lege
peccatum mortuum erat; adveniente vero mandato peccatum revixit : non enim
reputatur peccatum, lege non existente; sed nec peccatum erat, non existente
verbo : quia dominus dicit : si non venissem et essem illis locutus, peccatum
non haberent. Quaelibet enim excusatio deficit volenti dare responsum de
crimine, dum verbo praesente ac iudicante quid est agendum, non obedit quis
illi. Nec propter hoc inculpandum est verbum, sicut nec magister, per cuius
disciplinam non remanet locus excusationis discipulo delinquenti velut de
ignorantia. Omnia ergo per verbum facta sunt, non solum naturalia, sed etiam
quae ab irrationabilibus fiunt. |
—
Saint Jean Chrysostome : (hom. 5 sur Saint Jean,) Ces paroles : « Toutes choses ont
été faites par lui, » ne comprennent pas seulement les êtres dont Moïse
nous rapporte la création; aussi saint Jean ajoute-t-il expressément : «
Et sans lui rien n'a été fait, », soit des choses visibles, soit des
invisibles. Ou encore : c'est afin qu'on ne fût point tenté de restreindre
aux miracles racontés par les autres évangélistes, ces paroles : « Toutes
choses ont été faites par lui, » qu'il ajoute : « Et sans lui rien n'a
été fait. » —
Saint Hilaire : (De la Trin., 2). Ou encore
: Ces paroles : « Toutes choses ont été faites par lui, » ont un sens
indéterminé. Or, il y a un être qui n'a pas été engendré et qui n'a été fait
par personne; il y a un Fils qui a été engendré par celui qui n'a pas eu de
naissance, et l'Evangéliste fait nécessai-rement supposer que le Père est
l'auteur de toutes choses, en parlant de celui qui lui est si étroitement
associé, et en disant : « Sans lui rien n'a été fait. » Car puisque
rien n'a été fait sans lui, je conclus nécessairement qu'il n'est pas seul,
mais qu'il y en a un par qui tout a été fait, et un autre sans lequel rien
n'a été fait. — Origène : (homélie 2 sur divers sujets). Ou encore : L'Evangéliste veut aller
au-devant de cette pensée qu'il y a des choses qui sont faites par le Verbe,
et d'autres qui existent par elles-mêmes indépendamment du Verbe, et c'est
pour cela qu'il ajoute : « Et sans lui rien n'a été fait, »
c'est-à-dire, rien n'a été fait en dehors de lui, car il embrasse, contient
et conserve toutes choses. —
Saint Augustin : (Quest. sur l'Anc. et le
Nouv. Test., 97). Ou bien encore : Ces paroles : « Sans lui rien n'a été
fait, » éloignent de nous jusqu'à l'idée que le Verbe soit une simple
créature. Comment soutenir, en effet, qu'il est une créature, lorsque
l'Evangéliste affirme que Dieu n'a rien fait sans lui ? — Origène : (Traité sur Saint Jean). Ou bien encore, si toutes choses ont
été faites par le Verbe, et qu'au nombre de toutes ces choses se trouve le
mal et tout le malheureux courant du péché, le Verbe serait donc l'auteur du
mal et du péché, ce qui est faux. Le néant et le non-être sont deux termes
qui ont la même signification. L'Apôtre lui-même semble appeler le mal le non-être,
lorsqu'il dit : « Dieu appelle les choses qui sont comme celles qui ne
sont pas » ; (Rm 4) ainsi sous le nom de « rien », il faut
comprendre le mal qui a été fait sans le Verbe. —
Saint Augustin : (Traité 1 sur Saint Jean). En effet, le péché n'a point été fait
par le Verbe, et il est évident que le péché c'est le rien, [ou le non-être,]
et que les hommes tombent dans le rien, lorsqu'ils commettent le péché.
L'idole, non plus, n'a pas été faite par le Verbe; elle a bien une forme
humaine, et c'est par le Verbe que l'homme a été fait. Mais la forme humaine
n'a pas été donnée à l'idole par le Verbe, car il est écrit : « Nous
savons qu'une idole n'est rien. » (1 Co 8) Donc aucune de ces choses n'a
été faite par le Verbe, mais il est l'auteur de tout ce qui existe dans la
nature, de l’universalité des choses, et de tout l'ensemble des créatures
depuis l'ange jusqu'au vermisseau. — Origène : (Traité 2 sur Saint Jean). Valentin retranche du nombre des
choses qui ont été faites par le Verbe, celles qui ont été faites dans les
siècles, et dont il fait remonter l'existence avant le Verbe; opinion
contraire à toute évidence; car les choses qu'il regarde comme divines ne
sont point comprises dans toutes ces choses [qui ont été faites par le Verbe],
et celles qui, à son avis, sont sujettes à la destruction, en font évidemment
partie. Quelques-uns prétendent, mais à tort, que le démon n'est pas une créature
de Dieu; ce n'est qu'en tant qu'il est démon, qu'il n'est pas créature de
Dieu, mais celui qui a eu le malheur de devenir un démon, est vraiment
l'œuvre de Dieu; ainsi, disons-nous qu'un homicide n'est point l'œuvre et la
créature de Dieu, bien que cependant comme homme il soit véritablement son
œuvre. —
Saint Augustin : (de la nature du bien, 25).
Il ne faut point s'arrêter à l'opinion absurde de ceux qui prétendent qu'il
faut entendre ici le rien d'un certain ordre d'êtres, parce que ce mot rien
se trouve placé à la fin de la phrase; ils ne comprennent pas qu'il n'y a
aucune différence entre ces deux manières de s'exprimer : « Sans lui, rien
n'a été fait, » ou : « Sans lui n'a été fait rien. » — Origène : (Traité 2 sur Saint Jean). Si l'on prend le verbe dans le sens
qu'il se trouve en chacun de nous, et qu'il nous a été donné par le Verbe qui
était au commencement, ou peut dire que nous ne faisons rien sans ce verbe,
en prenant le mot rien dans son sens le plus simple. L'Apôtre dit : « Que
sans la loi, le péché était mort, mais que le commandement étant survenu, le
péché est ressuscité » ; (Rm 7, 8-9) car le péché n'est pas imputé,
lorsque la loi n'est pas encore. Le péché n'existait pas non plus, avant que
le Verbe descendît sur la terre, au témoignage de Notre Seigneur lui-même : «
Si je n'étais pas venu, et que je ne leur eusse point parlé, ils n'auraient
pas de péché. » (Jn 15) En effet, il ne reste aucune excuse à celui
qui veut se justifier de ses fautes, alors qu'il a refusé d'obéir au Verbe
qui était présent, et qui lui indiquait ce qu'il devait faire. Nous ne devons
cependant ni inculper ni accuser le Verbe, pas plus qu'on ne peut accuser un
maître dont les leçons ont ôté à son élève tout moyen de rejeter ses fautes
sur son ignorance. Donc toutes choses ont été faites par le Verbe, non seulement
les choses de la nature, mais tous les êtres privés de raison. |
Lectio 7 |
Verset 4 : Ce qui a été fait était vie en
lui.
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[85980] Catena in Io., cap. 1 l. 7
Beda in Ioannem. Quia
Evangelista dixit omnem creaturam factam esse per verbum, ne quis forte
crederet mutabilem eius voluntatem, quasi qui subito vellet facere creaturam
quam ab aeterno nunquam ante fecisset, ideo docere curavit, factam quidem
creaturam in tempore; sed in aeterna creatoris sapientia, quando et quos
crearet semper fuisse dispositum; unde dicit quod factum est in ipso, vita
erat. Augustinus in Ioannem. Potest
autem sic punctari : quod factum est in ipso; et postea dicatur vita erat.
Ergo totum vita est, si sic pronuntiaverimus : quid enim non in illo factum
est? Ipse est enim sapientia Dei, et dicitur in Psalmo 103, 24 : omnia in
sapientia fecisti. Omnia igitur sicut per illum, ita et in illo facta sunt.
Si ergo quod in illo factum est, vita est, ergo et terra vita est, et lapis
vita est. Inhonestum est sic intelligere, ne nobis subrepat secta
Manichaeorum, et dicat quia habet vitam lapis, et habet vitam paries : solent
enim ista delirantes dicere; et cum reprehensi fuerint ac repulsi, quasi de
Scripturis proferunt dicentes : ut quid dictum est : quod factum est in ipso,
vita erat? Pronuntia ergo sic quod factum est : hic subdistingue; et deinde
infer in ipso vita erat. Facta est enim terra; sed ipsa terra quae facta est
non est vita. Est autem in ipsa Dei sapientia spiritualiter ratio quaedam qua
terra facta est; haec vita est. Sicut arca in omni opere non est vita; arca
in arte vita est, quia vivit anima artificis. Sic ergo quia sapientia Dei,
per quam facta sunt omnia, secundum artem continet omnia quae fiunt per ipsam
artem, non haec continuo sunt vita; sed quidquid factum est, vita est in illo.
Origenes. Potest autem et sic
distingui sine errore : quod factum est in ipso, et postea dicatur vita erat;
ut sit sensus : omnia quae per ipsum et in ipso facta sunt, in ipso vita sunt,
et unum sunt. Erant enim, hoc est in ipso subsistunt causaliter, priusquam
sint in seipsis effective. Sed si quaeris, quomodo et qua ratione omnia quae
per verbum facta sunt, in ipso vitaliter et uniformiter et causaliter
subsistunt, accipe exempla ex creaturarum natura. Conspice quomodo omnium
rerum quas mundi huius sensibilis globositas comprehendit, causae simul et
uniformiter in isto sole, qui est maximum mundi luminare, subsistunt; quomodo
numerositas herbarum et fructuum in singulis seminibus simul continetur;
quomodo multiplices regulae in arte artificis unum sunt, et in animo
disponentis vivunt; quomodo infinitus linearum numerus in uno puncto unum
subsistit; et huiusmodi varia perspice exempla, ex quibus velut physicae
theoriae pennis poteris arcana verbi mentis acie inspicere, et quantum datur
humanis rationibus, videre quomodo omnia quae per verbum sunt facta, in ipso
vivunt et facta sunt. Hilarius de Trin. Vel aliter
potest legi : in eo quod dixerat sine ipso factum est nihil, posset aliquis
perturbatus dicere : est ergo aliquid per alterum factum, quod tamen non sit
sine eo factum; et si aliquid per alterum, licet non sine eo, iam non per eum
omnia; quia aliud est fecisse, aliud est intervenisse facienti. Enarrat ergo
Evangelista quid non sine eo factum sit, dicens quod factum est in eo. Hoc
igitur non sine eo quod in eo factum est : nam id quod in eo factum est,
etiam per eum factum est : omnia enim per ipsum et in ipso creata sunt. In
ipso autem creata, quia nascebatur creator Deus; sed ex hoc sine eo nihil
factum est, quod tamen in eo factum est, quia nascens Deus vita erat, et qui
vita erat, non posteaquam natus erat, factus est vita. Nihil ergo sine eo
fiebat ex his quae in eo fiebant, quia vita est in quo fiebant; et Deus qui ab
eo natus est, non posteaquam natus est, sed nascendo quoque extitit. Chrysostomus in Ioannem. Vel
aliter. Non apponemus finale punctum, ubi dicitur sine ipso factum est nihil,
secundum haereticos. Illi enim volentes spiritum sanctum creatum dicere,
aiunt quod factum est in ipso, vita erat. Sed ita non potest intelligi.
Primum quidem neque tempus erat hic spiritus sancti meminisse; sed si de
sancto spiritu hoc dictum est, age, secundum eorum interim legamus modum :
ita enim nobis hoc inconveniens erit; cum enim dicitur quod factum est in
ipso, vita erat, spiritum sanctum dicunt dictum esse vitam; sed vita haec et
lux invenitur esse; inducit enim vita erat lux hominum. Quocirca, secundum
eos, lucem omnium hunc spiritum dicit. Quod autem superius verbum dicit, hic
consequenter et Deum et vitam et lucem nominat. Verbum autem caro factum est
: erit igitur spiritus sanctus incarnatus, non filius. Ideo dimittentes hunc
modum legendi, ad decentem veniamus lectionem et expositionem; hoc autem est
cum dicitur omnia per ipsum facta sunt, et sine ipso factum est nihil quod
factum est; ibi quiescere fac sermonem; deinde ab ea quae deinceps est
dictione incipe, quae dicit in ipso vita erat; ac si dicat sine eo factum est
nihil quod factum est, idest factibilium. Vides qualiter hac brevi adiectione
omnia correxit supervenientia inconvenientia. Inducens enim sine eo factum
est nihil, et adiciens quod factum est, et intelligibilia comprehendit, et
spiritum sanctum excepit : spiritus enim sanctus factibilis non est. Haec
igitur quae dicta sunt, de conditione rerum dixit Ioannes. Inducit autem et
eum qui est de providentia sermonem, dicens in ipso vita erat. Quemadmodum in
fonte qui generat abyssos, et in nullo minoratur fons; ita et in operatione
unigeniti quaecumque credas per eum facta esse, non minor ipse factus est.
Nomen autem vitae hic non solum conditionis est, sed et providentiae rerum,
quae est secundum permanentiam earum. Cum autem audis quoniam in ipso vita
erat, ne compositum aestimes : sicut enim pater habet vitam in seipso, ita
dedit et filio vitam habere. Ergo sicut patrem non utique dices compositum
esse, ita nec filium. Origenes in Ioannem. Vel
aliter. Oportet scire, quod salvator quaedam dicit non sibi esse, sed aliis;
quaedam vero et sibi et aliis. In hoc ergo quod dicitur quod factum est in
verbo, vita erat, scrutandum est an sibi et aliis vita est, vel aliis tantum;
et si aliis, quibus aliis. Idem autem est vita et lux; lux autem hominum est
: fit itaque hominum vita, quorum est lux; et sic in eo quod dicitur vita,
salvator dicitur non sibi, sed aliis. Haec quidem vita verbo praeexistenti
aderit, ex eo quod expiata a peccatis anima sit serena, et vita inseratur ei
qui verbi Dei se susceptibilem statuit. Unde verbum quidem in principio non
dixit factum : non enim erat quando principium verbo careret. Vita autem
hominum non semper erat in verbo; sed haec vita hominum facta est, eo quod
vita est lux hominum : cum enim homo non erat, nec lux hominum erat, luce
secundum habitudinem ad homines intellecta; et ideo dicit quod factum est in
verbo, vita erat; non autem : quod erat in verbo, vita erat. Invenitur autem
alia littera non incongrue habens : quod factum est in eo, vita est. Si autem
intelligamus vitam hominum quae in verbo fit, eum esse qui dixit : ego sum
vita, fatebimur neminem infidelium Christi vivere, sed cunctos esse mortuos
qui non vivunt in Deo. |
—
Saint Bède : L'Evangéliste vient de dire
que toute créature a été faite par le Verbe; mais afin qu'on ne pût supposer
dans le Verbe une volonté changeante (comme si par exemple il avait voulu
faire une créature à laquelle il n'aurait jamais songé de toute éternité), il
prend soin de nous enseigner que la création a eu lieu, il est vrai, dans le
temps, mais que le moment et l'objet de la création ont toujours existé dans
la pensée d'éternelle sagesse du créateur, vérité qu'expriment ces paroles : «
Ce qui a été fait était vie en lui. » —
Saint Augustin : (Traité 1 sur Saint Jean) On peut ainsi ponctuer ce texte : «
Ce qui a été fait en lui, était vie » et si nous adoptons cette
ponctuation, il faut dire : Tout était vie, car qu'y a-t-il qui ne soit fait
par lui ? Il est la sagesse de Dieu, et nous lisons dans le Psaume 103,24 : «Vous
avez tout fait dans la sagesse. » Toutes choses ont donc été faites en
lui comme elles ont été faites par lui. Mais si tout ce qui a été fait en lui
est vie, donc la terre est vie, donc la pierre est vie aussi. Gardons-nous de
cette interprétation inconvenante qui nous serait commune avec les
manichéens, et nous ferait tenir avec eux ce langage absurde, qu'une pierre,
qu'une muraille ont en elles la vie. Essaie-t-on de les reprendre et de les
réfuter ? ils cherchent à s'appuyer sur les Ecritures et nous disent :
Pourquoi est-il écrit : « Ce qui a été fait en lui, était vie ? » Il faut
donc préférer cette ponctuation : « Ce qui a été fait, était vie en lui. »
[Quel est le sens de ces paroles ?] La terre a été faite, mais la terre qui a
été faite n'est point la vie; ce qui est vie, c'est cette raison, cette pensée
éternelle qui existent dans la sagesse de bien, et en vertu de laquelle la
terre a été faite. Ainsi la vie n'est point dans un meuble quelconque,
lorsqu'il est exécuté; ce meuble, [ce bâtiment,] [si l'on veut], est vie dans
son plan, parce qu'il est vivant dans la pensée, [dans le dessein de
l'ouvrier ou] de l'architecte; de même comme la sagesse de Dieu, par laquelle
toutes choses ont été faites, contient dans ses plans éternels tout ce qui se
fait d'après ces plans, bien que ces choses ne soient point en elles-mêmes la
vie, elles sont vivantes dans celui qui les a faites. — Origène : (hom. sur div. suj). On peut
donc sans craindre d'erreur séparer ainsi les deux membres de cette phrase : «
Ce qui a été fait en lui, était vie, » et voici quel serait le sens :
Toutes les choses qui ont été faites par lui et en lui sont vivantes et une
même chose en lui. Car elles étaient, c'est-à-dire elles existaient en lui,
comme dans leur cause, avant d'exister effectivement en elles-mêmes.
Demandera-t-on comment et en vertu de quel plan toutes les choses qui ont été
faites par le Verbe sont vivantes en lui, et subsistent en lui d'une manière
uniforme comme dans leur cause ? La nature des êtres créés vous en offre des
exemples. Voyez comment toutes les choses que renferme la sphère de ce monde
visible subsistent comme dans leur cause et d'une manière uniforme dans le
soleil, qui est le plus grand des astres; comment le nombre infini des
végétaux et des fruits est contenu dans chacune des semences; comment les
règles multiples viennent se réduire à l'unité dans l'art de l'ouvrier, et
sont comme vivantes dans l'esprit qui les met en ordre; comment enfin le
nombre infini des lignes subsiste comme une seule unité dans un seul point. Examinez
les différents exemples de ce genre et vous pourriez vous élever comme sur
les ailes de la contemplation du monde physique jusqu'aux oracles du Verbe,
pour les considérer avec toute la pénétration de l'esprit, et pour voir
autant que cela est donné à des intelligences créées, comment toutes les
choses qui ont été faites par le Verbe sont vivantes et ont été faites en
lui. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 2). On peut
encore lire et entendre ces paroles d'une autre manière. En entendant
l'Evangéliste dire : « Sans lui rien n'a été fait, » quelque esprit
troublé pourrait dire : II y a donc quelque chose qui a été fait par un
autre, et qui cependant n'a pas été fait sans lui, et si quelque chose a été
fait par un autre, bien que non pas sans lui, toutes choses n'ont pas été
faites par lui; car il y a une grande différence entre faire soi-même, et
s'associer à l'opération d'un autre. L'Evangéliste expose donc que rien n'a
été fait sans lui en disant : « Ce qui a été fait en lui, » donc ce
qui a été fait en lui n'a pas été fait sans lui. Car ce qui a été fait en
lui, a été fait aussi par lui, au témoignage de l'Apôtre : « Toutes choses
ont été créées par lui et en lui ». (Col 1, 16). C'est pour lui
aussi que toutes choses ont été créées, parce que le Dieu créateur s'est
soumis à une naissance temporelle; mais ici rien n'a été fait sans lui de ce
qui a été fait en lui, parce que le Dieu qui voulait naître parmi nous était
la vie; et celui qui était la vie, n'a pas attendu sa naissance pour devenir
la vie. Rien donc de ce qui se faisait en lui, ne se faisait sans lui, parce
qu'il est la vie qui produisait ces choses, et le Dieu qui a consenti à
naître parmi nous, n'a pas attendu sa naissance pour exister, mais il
existait aussi en naissant. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 4 sur Saint Jean). Ou encore dans un autre sens, ne
plaçons pas après ces paroles : « Sans lui rien n'a été fait, » le
point qui termine la phrase, comme font les hérétiques qui prétendent que
l'Esprit saint a été créé, et qui lui appliquent celles qui suivent : « Ce
qui a été fait en lui, était la vie. » En effet, cette explication est
inadmissible. D'abord ce n'était pas le moment de parler ici de l'Esprit
saint; mais supposons qu'il soit question de l'Esprit saint, et admettons
leur manière de lire le texte, leur explication n'en sera ni moins absurde ni
moins inconvenante. Ils prétendent donc que ces paroles : « Ce qui a été
fait en lui était la vie, » s'appliquent à l'Esprit saint qui est la vie.
Mais cette vie est en même temps la lumière, car nous lisons à la suite : «
Et la vie était la lumière des hommes. » Donc d'après ces hérétiques,
c'est l'Esprit saint qui est appelé ici la lumière de tous. Mais ce que
l'Evangéliste appelait plus haut le Verbe, c'est ce qu'il appelle ici Dieu,
la vie et la lumière. Or, comme le Verbe s'est fait chair, ce sera donc
l'Esprit saint qui se sera incarné et non le Fils. Il faut donc renoncer à
cette manière de lire le texte, et adopter une lecture et une explication
plus raisonnables. Or, voici comme on doit lire : « Toutes choses ont été
faites par lui, et sans lui rien n'a été fait de ce qui a été fait, » et
arrêter là le sens de la phrase, puis recommencer ensuite : « En lui était
la vie », comme s'il disait : « Sans lui rien n'a été fait de ce qui
a été fait, » c'est-à-dire de tout ce qui devait être fait. Vous voyez
comment par une brève adjonction au premier membre de phrase, on fait
disparaître toute difficulté. En effet, en disant : « Sans lui rien n'a
été fait, » et en ajoutant : « de ce qui a été fait, »
l'Evangéliste embrasse toutes les créatures intelligibles, et exclut
évidemment l'Esprit saint, car l'Esprit saint ne peut être compris parmi les
créatures [qui pouvaient être faites et appelées à la vie]. Ces paroles de
saint Jean ont donc pour objet la création de l'univers; il en vient ensuite
à l'idée de la Providence dont il parle en ces termes : « En lui était la
vie. » De même que vous ne pouvez épuiser ni diminuer une de ces sources
profondes qui donnent naissance aux grands fleuves [et alimentent les mers],
ainsi vous ne pouvez supposer la moindre altération dans le Fils unique,
quelles que soient les œuvres que vous croyiez qu'il ait faites. Ces paroles
: « En lui était la vie, » ne se rapportent pas seulement à la
création, mais à la Providence qui conserve l'existence aux choses qui ont
été créées. Gardez-vous toutefois de supposer rien de composé [ou de créé]
dans le Fils, en entendant l'Evangéliste tous dire : « En lui était la
vie, » car « comme le Père a en soi la vie, ainsi a-t-il donné au
Fils d’avoir la vie en soi. » (Jn 5) Ne supposez donc rien de créé dans
le Fils, pas plus que vous ne le supposez dans le Père. — Origène : (Traité 3 sur Saint Jean). On peut donner encore cette autre
explication : Il faut se rappeler que dans le Sauveur certains attributs ne
sont point pour lui, mais pour les autres, et certains autres sont tout à la
fois pour lui et pour les autres. Comment donc doit-on ici entendre ces
paroles : « Ce qui a été fait dans le Verbe, était vie en lui ? »
Signifient-elles qu'il était la vie pour lui et pour les autres, ou qu'il ne
l'était que pour les autres ? et s'il ne l'était que pour les autres, quels
sont ces autres ? Le Verbe est à la fois vie et lumière. Or, il est la
lumière des hommes, il est donc aussi la vie de ceux dont il est la lumière,
et ainsi lorsque l'Evangéliste dit qu'il est la vie, ce n'est point pour lui,
mais pour ceux dont il est la lumière. Cette vie est inséparable du Verbe de
Dieu, et elle existe par lui, aussitôt qu'elle a été faite, il faut, en
effet, que [la raison ou] le Verbe soit comme préexistant dans l'âme pour [la
purifier], et lui donner une pureté exempte de tout péché, afin que la vie
puisse s'introduire et se répandre dans celui qui s'est rendu capable de
recevoir le Verbe de Dieu. Aussi l'Evangéliste ne dit pas que le Verbe a été
fait au commencement; car on ne peut supposer de commencement où le Verbe de
Dieu n'existât point, mais la vie des hommes n'était pas toujours dans le
Verbe; cette vie des hommes a été faite, parce que cette vie était la lumière
des hommes. En effet, avant que l'homme existât, il n'était pas la lumière
des hommes, cette lumière ne pouvant se comprendre que dans ses rapports avec
les hommes. C'est pourquoi saint Jean dit : « Ce qui a été fait était vie
dans le Verbe, » et non pas : Ce qui était dans le Verbe était vie.
D'après une autre variante qui n'est pas dénuée de fondement, on lit : «
Ce qui a été fait en lui, était vie. » Or, si nous comprenons que la vie
des hommes qui est dans le Verbe, est celle dont il a dit : « Je suis la
vie, » (Jn 11, 14) nous en conclurons qu'aucun de ceux qui refusent de
croire à Jésus-Christ n'a la vie en lui, et que tous ceux qui ne vivent pas
en Dieu sont morts. |
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Leçon 8 : Et la vie était la lumière des
hommes.
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Lectio 8 [85981] Catena in Io., cap. 1 l. 8 Theophylactus.
Dixerat in ipso vita erat, ne putares quod absque vita sit verbum; nunc
ostendit quod vita sit spiritalis, et lux rationalibus cunctis; unde dicitur
et vita erat lux hominum; quasi dicat : lux ista non est sensibilis, sed
intellectualis, illuminans ipsam animam. Augustinus super Ioannem. Ex ipsa enim vita
illuminantur homines, pecora non illuminantur, quia non habent rationales
mentes, quae possint videre sapientiam; homo autem factus ad imaginem Dei,
habet rationalem mentem, per quam possit percipere sapientiam. Ergo illa vita
per quam facta sunt omnia, lux est, et non quorumcumque animalium, sed
hominum. Theophylactus. Non autem dixit : lux est solum
Iudaeis, sed omnium hominum; omnes enim homines, inquantum intellectum et
rationem recepimus ab eo quod nos condidit verbo, intantum ab eo illuminari
dicimur : nam ratio nobis tradita, per quam rationales dicimur, lux est ad
operanda nos dirigens et non operanda. Origenes in Ioannem. Non est autem praetermittendum
quod vitam praemittit luci hominum : inconsequens enim erat illuminari non
viventem, et advenire illuminationi vitam. Si autem idem est vita erat lux
hominum, quod solum hominum, erit Christus lux atque vita solorum hominum.
Hoc autem opinari haereticum est. Non igitur quidquid dicitur aliquorum, illorum
solum est : scriptum est enim de Deo, quod sit Deus Abraham, Isaac et Iacob;
non tamen istorum tantum patrum dictus est Deus. Non ergo ex eo quod dicitur
lux hominum, excluditur quin sit aliorum. Alius vero contendit ex eo quod
scriptum est : faciamus hominem ad imaginem nostram : quod quidquid ad
imaginem ac similitudinem Dei factum est, intelligi debet per hominem. Sic
igitur lux hominum lux cuiuslibet rationalis creaturae est. |
— Théophylactus : L'Evangéliste vient de dire : « En lui était la vie, » pour
éloigner de vous cette pensée, que le Verbe n'avait point la vie. Il vous
enseigne maintenant qu'il est la vie spirituelle et la lumière de tous les
êtres raisonnables : « Et la vie était la lumière des hommes » ;
comme s'il disait : Cette lumière n'est point sensible, c'est une lumière
toute spirituelle qui éclaire l'âme elle-même. —
Saint Augustin : (Traité 1 sur Saint Jean). C'est cette vie qui éclaire tous les
hommes; les animaux sont privés de cette lumière, parce qu'ils n'ont point
d'âmes raisonnables, capables de voir la sagesse. L'homme, au contraire, qui
a été fait à l'image de Dieu, est doué d'une âme raisonnable qui lui permet
de comprendre la sagesse. Ainsi cette vie qui a donné l'existence à toutes
choses, est en même temps la lumière, qui éclaire non pas indistinctement
tous les animaux, mais les hommes [raisonnables]. — Théophylactus : Il ne dit pas que cette lumière éclaire seulement les Juifs, c'est la
lumière de tous les hommes. Tous les hommes, en effet, par là même qu'ils
reçoivent l'intelligence et la raison du Verbe qui les a créés, sont éclairés
de cette divine lumière; car la raison qui nous a été donnée, et qui fait de
nous des êtres raisonnables, est la lumière qui nous éclaire sur ce que nous
devons faire et sur ce que nous devons éviter. — Origène : N'oublions pas de remarquer
que le Verbe est la vie avant d'être la lumière des hommes; il eût été peu
logique de dire qu'il éclairait ceux qui n'avaient point la vie, et de faire
précéder la vie par la lumière. Mais si ces paroles : « La vie était la
lumière des hommes, » doivent s'entendre exclusivement des hommes, il en
faudra conclure que Jésus-Christ n'est la lumière et la vie que des hommes
seuls, ce qui est hérétique. Lors donc qu'une chose est affirmée de
quelques-uns, ce n'est pas à l'exclusion des autres. Ainsi, il est écrit de
Dieu, qu'il est le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob; évidemment, il n'est
pas exclusivement le Dieu de ces patriarches. De ce qu'il est la lumière des
hommes, il ne s'ensuit donc point qu'il ne soit pas également la lumière pour
d'autres. Il en est qui s'appuient sur ces paroles : « Faisons l'homme à
notre image » pour soutenir qu'il faut ici comprendre sous le nom
d'hommes tous les êtres qui ont été faits à l'image et à la ressemblance de
Dieu; et ainsi la lumière des hommes, c'est la lumière qui éclaire toute
créature raisonnable. |
Lectio 9 |
Verset 5 : Et la lumière luit dans les
ténèbres et les ténèbres ne l'ont pas comprise.
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[85982] Catena in Io., cap. 1 l. 9 Augustinus in Ioannem. Quia vita illa est lux
hominum, sed stulta corda capere istam lucem non possunt, quia peccatis suis
aggravantur, ut eam videre non possint; ne ideo cogitent quasi absentem esse
lucem, quia eam videre non possunt, sequitur et lux in tenebris lucet, et
tenebrae eam non comprehenderunt. Quomodo enim homo positus in sole caecus,
praesens est illi sol, sed ipse soli absens est; sic omnis stultus caecus
est, et praesens est illi sapientia. Sed cum caeco praesens est, oculis eius
absens est : non quia illa ipsi absens est, sed quia ipse absens est ab illa.
Si tamen et tunc idem est vita et lux hominum, nullus
manens in tenebris perfecte vivere comprobatur, nec quisquam viventium
consistit in tenebris. Origenes in Ioannem. Tenebrae autem huiusmodi
hominum non natura sunt, secundum illud Pauli : eramus aliquando tenebrae,
nunc autem lux in domino. Origenes. Vel aliter. Lux in tenebris fidelium
animarum lucet, a fide inchoans, ad spem trahens. Imperitorum vero cordium
perfidia et ignorantia lucem verbi Dei in carne fulgentis non
comprehenderunt. Sed iste sensus moralis est. Physica vero horum verborum
theoria talis est. Humana natura, etsi non peccaret, suis propriis viribus
non lucere posset : non enim naturaliter lux est, sed particeps lucis : capax
siquidem sapientiae est, non ipsa sapientia. Sicut ergo aer per semetipsum
non lucet, sed tenebrarum vocabulo nuncupatur; ita nostra natura dum per
seipsam consideratur, quaedam tenebrosa substantia est, capax ac particeps
lucis sapientiae : et sicut aer dum solares radios participat, non dicitur
per se lucere, sed solis splendor in eo apparere; ita rationabilis nostrae
naturae pars, dum praesentiam verbi Dei possidet, non per se res
intelligibiles et Deum suum, sed per insitum sibi divinum lumen cognoscit.
Lux itaque in tenebris lucet : quia Dei verbum vita et lux hominum in nostra
natura, quae per se investigata et considerata, informis quaedam tenebrositas
invenitur, lucere non desinit : et quoniam ipsa lux omni creaturae est
incomprehensibilis, tenebrae eam non comprehenderunt. Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter totum ab illo
loco et vita erat lux hominum. Primum nos de conditione docuerat; deinde
dicit et quae secundum animam bona praebuit nobis veniens verbum; unde dicit
et vita erat lux hominum. Non dicit : lux Iudaeorum; sed universaliter
hominum : non enim Iudaei solum, sed et gentes ad hanc venerunt cognitionem.
Non autem adiecit : et Angelorum; quoniam ei de natura humana sermo est,
quibus verbum venit evangelizans bona. Origenes. Quaerunt autem quare non verbum lux
hominum dictum est, sed vita quae in verbo fit; quibus respondemus : quia
vita quae ad praesens, non ea quae communis est rationalium et irrationalium
dicitur, sed quae adiungitur verbo quod in nobis fit per participationem verbi
primarii, ad discernendum apparentem vitam et non veram, et cupiendam veram
vitam. Prius ergo participamus vitam quae apud quosdam quidem est potentia,
non actu lux; qui scilicet non sunt avidi perquirere quae ad scientiam
pertinent; apud quosdam vero et actu lux efficitur, qui, secundum apostolum,
aemulantur dona meliora, scilicet verbum sapientiae. Chrysostomus in Ioannem. Vita enim adveniente nobis, solutum est mortis
imperium; et luce lucente nobis, non ultra sunt tenebrae; sed semper manet vita
quam mors superare non potest, nec tenebrae lucem; unde sequitur et lux in
tenebris lucet. Tenebras mortem et errorem dicit : nam lux quidem sensibilis
non in tenebris lucet, sed sine illis; praedicatio vero Christi in medio
erroris regnantis fulsit; et eum disparere fecit, et in vitam mortem fecit
mortuus Christus, ita eam superans ut eos qui detinebantur reduceret. Quia
igitur neque mors eam superavit, neque error; sed fulgida est eius
praedicatio ubique, et lucet cum propria fortitudine; propterea subdit et
tenebrae eam non comprehenderunt. Origenes. Est etiam sciendum, quod sicut lux hominum
nomen est duarum spiritualium rerum, sic et tenebrae : dicimus enim hominem
lucem possidentem, opera lucis perficere, et etiam cognoscere quasi
illustratum lumine scientiae; et e contrario tenebras dicimus illicitos
actus, et eam quae videtur scientia, non est autem. Sicut autem pater lux
est, et in eo tenebrae non sunt ullae, sic et salvator. Sed quia
similitudinem carnis peccati subiit, non incongrue de eo dicitur, quod
tenebrae in eo sunt aliquae, ipso in se suscipiente nostras tenebras ut eas
dissiparet. Haec igitur lux, quae facta est vita hominum, radiat in tenebris
animarum nostrarum, et venit ubi princeps tenebrarum harum cum genere bellat
humano. Hanc lucem persecutae sunt tenebrae : quod patet ex his quae salvator
et eius filii sustinent, pugnantibus tenebris contra filios lucis. Verum quia
Deus patrocinatur, non invalescunt; unde non apprehendunt lucem, vel quia
celeritatem cursus lucis subsequi non valent propter propriam tarditatem, vel
quia si supervenientem expectant, fugantur luce appropinquante. Oportet autem
id considerare, quod non semper tenebrae in sinistra parte sumuntur, sed
quandoque in bona, posuit tenebras latibulum suum, dum ea quae sunt erga
Deum, ignota et imperceptibilia sunt. De hac ergo laudata caligine dicam,
quoniam versus lucem pergit, illamque apprehendit : quia quod erat caligo,
dum ignorabatur, in lucem cognitam vertitur ei qui didicit. Augustinus de Civ. Dei. Hoc autem initium sancti
Evangelii quidam Platonicus aureis litteris perscribendum, et per omnes
Ecclesias in locis eminentissimis proponendum esse dicebat. Beda in Ioannem. Nam alii Evangelistae Christum in
tempore natum describunt, Ioannes vero eumdem in principio testatur fuisse,
dicens in principio erat verbum. Alii inter homines eum subito apparuisse
commemorant; ille ipsum apud Deum semper fuisse testatur, dicens et verbum
erat apud Deum. Alii eum verum hominem, ille verum confirmat Deum, dicens et
Deus erat verbum. Alii hominem apud homines eum temporaliter conversatum;
ille Deum apud Deum in principio manentem ostendit, dicens hoc erat in
principio apud Deum. Alii magnalia quae in homine gessit perhibent; ille quod
omnem creaturam per ipsum Deus pater fecerit, docet, dicens omnia per ipsum
facta sunt, et sine ipso factum est nihil. |
—
Saint Augustin : (Traité 1 sur Saint Jean). Cette vie était donc la lumière des
hommes, mais les cœurs des insensés ne peuvent comprendre cette lumière,
appesantis qu'ils sont par leurs péchés qui leur dérobent la vue de cette
divine lumière. Toutefois, qu'ils ne croient pas que cette lumière est loin
d'eux, parce qu'ils ne peuvent la voir : « Et la lumière luit dans les
ténèbres, dit l'Evangéliste, et les ténèbres ne l'ont pas comprise. »
Placez un aveugle devant le soleil, le soleil lui est présent, mais il est
comme absent pour le soleil. Or, tout insensé est un aveugle; la sagesse est
devant lui, mais comme elle est devant un aveugle, elle est comme absente à
ses yeux, non parce qu'elle est loin de lui, mais parce qu'il est loin
d'elle. — Origène : (Traité 3 sur Saint Jean). Si la vie est la même chose que la
lumière des hommes, aucun de ceux qui sont dans les ténèbres ne vit
véritablement, comme aucun de ceux qui sont vivants n'est dans les ténèbres, car tout homme qui a la vie
est dans la lumière, comme réciproquement tout homme qui est dans la lumière
a la vie en lui. Or, d'après ce que nous avons dit des contraires, nous
pouvons comprendre et apprécier ici les contraires dont l'Evangéliste ne
parle pas. Le contraire de la vie c'est la mort, et le contraire de la
lumière des hommes, ce sont les ténèbres qui couvrent leur intelligence. Donc
celui qui est dans les ténèbres est aussi dans la mort, et celui qui fait des
œuvres de mort ne peut être que dans les ténèbres; celui au contraire qui
fait des œuvres de lumière, ou celui dont les œuvres brillent devant les
hommes, et qui a toujours présent le souvenir de Dieu, n'est point dans la
mort, d'après cette parole du Psaume sixième : « Celui qui se souvient de
vous n'est point redevable à la mort. » Que les ténèbres des hommes et de la mort soient
telles de leur nature ou pour d'autres causes, c'est une autre question. Or,
nous étions autrefois ténèbres, mais nous sommes devenus lumière en Notre
Seigneur (Ep 5), si nous sommes tant soit peu
initiés à la sainteté et à la vie spirituelle. Tout homme qui a été autrefois
ténèbres, l'a été comme l'apôtre saint Paul, tout en demeurant capable de
devenir lumière dans le Seigneur. — (Hom. 2 sur div. suj). Ou
bien encore, dans un autre sens, la lumière des hommes, c'est Notre Seigneur
Jésus-Christ, qui s'est manifesté lui-même dans la nature humaine à toute
créature raisonnable et intelligente, et a révélé aux cœurs des fidèles les
mystères de sa divinité qui le rend égal au Père; ce que saint Paul exprime
en ces termes : « Vous étiez autrefois ténèbres, vous êtes maintenant lumière
dans le Seigneur. » Dites donc : « La lumière luit dans les ténèbres, » parce
que le genre humain tout entier était plonge, non par nature, mais par suite
du péché originel dans les ténèbres de l'ignorance qui lui dérobaient la
connaissance de la vérité; or Jésus-Christ, après être né d'une Vierge, a
brillé comme une vive lumière dans le cœur de tous ceux qui veulent le
connaître. Il en est toutefois qui persistent à demeurer dans les ténèbres
épaisses de l'impiété et de l'incrédulité, voilà pourquoi l'Evangéliste
ajoute : « Et les ténèbres ne l'ont point comprise, » c'est-à-dire, la lumière luit dans les ténèbres des âmes
fidèles, ténèbres qu'elle dissipe en faisant naître la foi et en conduisant à
l'espérance. Mais l'ignorance et la perfidie des cœurs privés de la sagesse
n'ont pu comprendre la lumière du Verbe de Dieu qui brillait dans une chair
mortelle. Telle est l'explication morale de ces paroles; en voici le sens
littéral : La nature humaine, en la supposant même exempte de péché, ne
pourrait pas luire par ses propres forces, car de sa nature elle n'est pas
lumière, mais capable seulement de participer à la lumière; elle peut
recevoir la sagesse, mais elle n'est pas la sagesse elle-même. L'air qui nous
environne ne luit point par lui-même et ne mérite que le nom de ténèbres.
Ainsi notre nature, considérée en elle-même, est une certaine substance
ténébreuse, capable d'être éclairée par la lumière de la sagesse. Lorsque
l'atmosphère est pénétrée par les rayons du soleil, on ne peut pas dire
qu'elle luit par elle-même, mais qu'elle est éclairée par la lumière du
soleil; ainsi, lorsque la partie intelligente de notre nature jouit de la
présence du Verbe, ce n'est point par elle-même qu'elle arrive à la
connaissance des réalités intelligibles et de son Dieu, mais par la lumière
divine, qui l'éclairé de ses rayons. La lumière luit donc dans les ténèbres,
parce que le Verbe de Dieu, qui est la vie et la lumière des hommes, ne cesse
de répandre cette lumière dans notre nature qui, considérée en elle-même,
n'est qu'une substance ténébreuse et informe, et comme la lumière par
elle-même est incompréhensible à toute créature, c'est avec raison que
l'Evangéliste ajoute : « Et les ténèbres ne l'ont point comprise. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 4 sur Saint Jean). On peut encore expliquer ces paroles :
« La vie était la lumière des hommes » dans un autre sens :
L'Evangéliste a voulu d'abord nous parler de la création, et il nous apprend
ensuite les biens spirituels dont le Verbe nous a comblés en venant parmi
nous, en disant : « Et la vie était la lumière des hommes. » Il ne dit
pas : Il était la lumière des Juifs, mais [il était la lumière] de tous les
hommes sans exception; car ce ne sont pas seulement les Juifs, mais les
Gentils, qui sont parvenus à la connaissance du Verbe. S'il n'ajoute pas [qu'il
était la lumière] des anges, c'est qu'il parle seulement ici de la nature humaine
à laquelle le Verbe de Dieu est venu annoncer de si grands biens. — Origène : (Traité 1 sur Saint Jean). On nous demande pourquoi ce n'est
point le Verbe qui est appelé la lumière des hommes, mais la vie qui est dans
le Verbe ? Nous répondons que la vie dont il est ici question n'est pas la
vie qui est commune aux créatures raisonnables et non douées de raison, mais
celle qui est unie au Verbe et qui nous est donnée par la participation à ce
Verbe primitif [et essentiel], pour nous faire discerner la vie apparente et
sans réalité et désirer la véritable vie. Nous participons donc premièrement
à la vie qui, pour quelques-uns, n'est point encore la possession actuelle de
la lumière, mais la faculté de la recevoir, parce qu'ils n'ont point un désir
assez vif de ce qui peut leur donner la connaissance. Pour d'autres, au
contraire, cette vie est la participation actuelle à la lumière, ce sont ceux
qui, suivant le conseil de l'Apôtre, recherchent les dons les plus parfaits
(1 Co 12), c'est le Verbe de la sagesse. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 4 sur Saint Jean). [Ou bien encore, la vie dont parle
ici l'Evangéliste, n'est pas seulement celle que nous avons reçue par la
création, mais la vie éternelle et immortelle qui nous est préparée par la
providence de Dieu]. Lorsque nous entrons en possession de cette vie,
l'empire de la mort est à jamais détruit, et dès que cette lumière brille à
nos yeux, les ténèbres disparaissent sans retour; ni la mort ne peut
triompher de cette vie qui est éternelle, ni les ténèbres obscurcir celte
lumière qui ne s'éteindra jamais. « Et la lumière luit dans les ténèbres.
» Ces ténèbres, c'est la mort et l'erreur, car la lumière sensible ne
luit pas dans les ténèbres, mais elles disparaissent à son approche, tandis
que la prédication de Jésus-Christ a brillé au milieu de l'erreur qui
étendait son règne sur toute la terre et l'a chassée devant elle; et
Jésus-Christ, par sa mort, a changé la mort en vie et a remporté sur elle un
triomphe si complet, qu'il a délivré ceux qu'elle retenait captifs. C'est
donc parce que cette prédication n'a pu être vaincue ni par la mort, ni par
l'erreur, et qu'elle brille de toute part du plus vif éclat et par sa propre
force, que l'Evangéliste ajoute : « Et les ténèbres ne l'ont point
comprise. » — Origène : (Traité 4 sur Saint Jean). Il faut savoir que le mot ténèbres,
comme le nom de lumière pour les hommes, signifie deux choses spirituelles.
Nous disons d'un homme qui est en possession de la lumière, qu'il fait les
œuvres de la lumière, et qu'il puise la connaissance au sein même de la
lumière de la science. Tout au contraire, nous appelons ténèbres les actes
coupables et la fausse science qui n'a que l'apparence de la science. Mais de
même que le Père est lumière et qu'il n'y a point en lui de ténèbres (1 Jn 1,
5), ainsi en est-il du Sauveur. Toutefois, comme il a revêtu la ressemblance
de la chair du péché (Rm 8), on peut dire sans inconvenance, qu'il y a en lui
quelques ténèbres, puisqu'il a pris sur lui nos ténèbres pour les dissiper.
Cette lumière, qui est devenue la vie des hommes, brille au milieu des
ténèbres de nos âmes, et répand ses clartés là où le prince de ces ténèbres
est en guerre avec le genre humain. (Ep 6) Les ténèbres ont persécuté cette
lumière, comme le prouve ce que le Sauveur et ses disciples ont eu à souffrir
dans ce combat des ténèbres contre les enfants de lumière. Mais grâce à la
protection divine, ces ténèbres restent sans force, et ne peuvent s'emparer
de la lumière, ou parce que la lenteur naturelle de leur marche ne leur permet
pas de suivre la course rapide de la lumière, ou parce qu'elles sont mises en
fuite à son approche si elles attendent son arrivée. Remarquons que les
ténèbres ne sont pas toujours prises en mauvaise part, et qu'elles sont
quelquefois le symbole d'une bonne chose, par exemple, dans ce passage [du
Psalmiste] : « Il a choisi sa retraite dans les ténèbres, »
c'est-à-dire que tout ce qui a rapport à Dieu, est comme caché et
incompréhensible pour l'intelligence humaine. Les ténèbres, entendues dans ce
sens, conduisent à la lumière et finissent par la saisir, car ce que
l'ignorance couvrait comme d'un nuage devient une lumière éclatante pour
celui qui a cherché à la connaître. —
Saint Augustin : (De la cité de Dieu, 10, 3).
Un platonicien a dit que le commencement de ce saint Evangile devrait être
écrit en lettres d'or et placé dans l'endroit le plus éminent de toutes les
Eglises. —
Saint Bède : En effet, les autres
Evangélistes racontent la naissance temporelle du Christ; saint Jean nous
affirme qu'il était au commencement, en disant : « »Au
commencement était le Verbe ». Les autres le font descendre aussitôt
du haut du ciel parmi les hommes; saint Jean déclare qu'il a toujours été
avec Dieu : « Et le Verbe était avec Dieu. » Les trois premiers
évangélistes décrivent sa vie mortelle au milieu des hommes; lui le présente
comme Dieu, en disant : « Et le Verbe était Dieu ». Les
autres le montrent vivant, en homme, parmi les hommes, dans le temps ; saint
Jean nous le présente comme Dieu étant avec Dieu au commencement : « Il
était au commencement avec Dieu. » Les trois autres racontent les grandes
choses qu'il a faites comme homme; saint Jean nous enseigne que Dieu le Père
a fait toutes choses par lui : « Toutes choses ont été faites par lui, et
rien n'a été fait sans lui. » |
Lectio 10 |
Versets 6-8.
|
[85983] Catena in Io., cap. 1 l. 10 Augustinus
in Ioannem. Ea quae dicta sunt superius, de divinitate Christi dicta sunt,
qui sic venit ad nos secundum quod apparuit homo. Quia igitur sic erat homo
ut lateret in illo Deus, missus est ante illum magnus homo, per cuius
testimonium inveniretur plusquam homo. Et quis est hic? Fuit homo. Theophylactus. Non Angelus, ut suspicionem multorum
destrueret. Augustinus. Et quomodo posset iste verum de Deo
dicere, nisi missus a Deo? Chrysostomus in Ioannem. Nihil de reliquo humanum
esse aestimo eorum quae dicuntur ab illo : non enim quae eius sunt, sed quae
mittentis omnia loquitur : ideo et Angelus nuncupatus est a propheta dicente
: ego mitto Angelum meum. Angeli enim virtus est nihil proprium dicere. Hoc
autem quod dicit fuit missus, non eius qui ad esse processus ostensivum est.
Sicut autem Isaias missus fuit non aliunde quam a mundo, sed a statu quo
vidit dominum sedentem super solium excelsum et elevatum, ad plebem; sic et
Ioannes a deserto ad baptizandum mittitur; ait enim : qui misit me baptizare,
ille mihi dixit : super quem videris spiritum descendentem et manentem super
eum, hic est qui baptizat in spiritu sancto. Augustinus. Quid vocabatur? Cui nomen erat Ioannes.
Alcuinus. Idest gratia Dei, vel in quo est gratia,
qui gratiam novi testamenti, idest Christum, suo testimonio primum mundo
innotuit. Vel Ioannes interpretatur cui donatum est, quia per gratiam Dei
donatum est illi regem regum non solum praecurrere, sed etiam baptizare. Augustinus in Ioannem. Quare venit? Hic venit in
testimonium, ut testimonium perhiberet de lumine. Origenes in Ioannem. Quidam improbare nituntur edita
de Christo testimonia prophetarum, dicentes non egere testibus Dei filium
habentem credulitatis sufficientiam tum in his quae protulit salubribus
verbis, tum in mirabilibus operibus suis. Siquidem et Moyses credi meruit per
verbum et virtutes, non egens praeviis testibus. Ad hoc dicendum est, quod
multis existentibus causis inducentibus ad credendum, plerumque quidam ex hac
demonstratione non admirantur, ex alia vero habent causam ut credant. Deus
autem est qui pro cunctis hominibus homo factus est. Constat igitur quosdam
ex dictis propheticis ad Christi admirationem coactos, mirantes tot prophetarum
ante eius adventum voces, constituentes nativitatis eius locum, et alia
huiusmodi. Illud quoque advertendum, quod prodigiosae virtutes ad credendum
provocare poterant eos qui tempore Christi erant, non autem post longa
tempora : nam fabulosa quaedam aestimata fuerunt : plus enim peractis
virtutibus facit ad credulitatem quae cum virtutibus quaeritur prophetia. Est
autem et tale quid dicere, quod quidam in hoc quod testimonium perhibent Deo,
honorati sunt. Privare vult ergo chorum prophetarum ingenti gratia qui dicit,
illos non oportere de Christo testimonium exhibere. Accessit autem his
Ioannes, ut testimonium de luce perhibeat. Chrysostomus in Ioannem. Non ea indigente
testimonio, sed propter quid, ipse Ioannes docet, dicens ut omnes crederent per
illum. Sicut enim carnem induit, ne omnes perderet; ita et praeconem hominem
misit, ut cognatam audientes vocem, facilius advenirent. Beda. Non autem ait : ut omnes crederent in illum :
maledictus enim homo qui confidit in homine; sed ut omnes crederent per
illum; hoc est, per illius testimonium crederent in lucem. Theophylactus. Si vero aliqui non crediderint,
excusabilis permanet ipse : nam sicut si aliquis includens se in domo
caliginis, et ipsum solis radius non illustret, ipse causam tribuit, et non
sol; sic Ioannes, ut omnes crederent, missus fuit; sed si minime consecutum
est, ipse huius rei causa non extitit. Chrysostomus. Quia vero multum apud nos maior qui
testatur, eo cui testimonium perhibet, et dignior fide esse videtur; ne quis
et de Ioanne hoc suspicetur, hanc suspicionem destruit, dicens non erat ille
lux; sed ut testimonium perhiberet de lumine. Si vero non huic instans
opinioni hoc resumpsit ut testimonium perhiberet de lumine, superfluum esset
quod dicitur, et magis iteratio sermonis quam explanatio doctrinae. Theophylactus. Sed dicet aliquis : ergo neque
Ioannem, neque sanctorum quempiam lucem esse vel fuisse dicemus. Sed si
sanctorum aliquem lucem velimus dicere, ponemus lucem absque articulo; ut si
interrogatus fueris utrum Ioannes est lux sine articulo, secure concedas; si
vero cum articulo, non concedas. Non enim est ipsa lux principalior; sed lux
dicitur quia secundum participationem lucem habeat a vero lumine. |
— Saint Augustin : (Traité 2 sur Saint Jean). Tout ce qui précède avait pour objet
la divinité de Jésus-Christ, qui, en venant à nous, s'est revêtu d'une forme
humaine. Mais comme dans le Verbe fait chair, l'humanité cachait un Dieu; un
homme extraordinaire fut envoyé devant lui, pour découvrir en lui, par son
témoignage, davantage qu’un homme. Et quel a été cet envoyé ? « Il y eut
un homme. » — Théophylactus : Ce ne fut pas un ange, pour détruire les idées qu'un grand nombre
s'était faites [de la nature de Jean-Baptiste]. —
Saint Augustin : Et comment pourra-t-il nous dire
la vérité en parlant de Dieu ? « Il fut envoyé de Dieu. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 6 sur Saint Jean). J’estime que cet envoyé de Dieu
tienne un langage purement humain, ce n'est point de lui-même qu'il vient
parler, toutes ses paroles lui sont dictées par celui qui l'a envoyé; c'est
pour cela qu'un prophète lui donne le nom d'ange en parlant de lui : «
Voici que j'envoie mon ange, » car le propre d’un ange (ou envoyé), c’est
de ne rien dire qui lui soit propre. Ces paroles : « Il fut envoyé, » ne
signifie pas un acte qui tend à donner l'être, [mais qui destine à
l'accomplissement d'un ministère]. De même qu'Isaïe ne fut pas appelé d'autre
part que du monde où il était, et qu'il fut envoyé au peuple du moment qu'il
eut vu le Seigneur assis sur un trône sublime et élevé; ainsi Jean fut envoyé
du désert pour baptiser, comme il l'atteste lui-même : « Celui qui m'a
envoyé baptiser, m'a dit : Celui sur lequel vous verrez l’Esprit Saint
descendre et demeurer au-dessus de lui, c’est Lui qui baptise dans l’Esprit
Saint ». —
Saint Augustin : Comment s'appelait-il ? «
Son nom était Jean. » —
Alcuin : c'est-à-dire, grâce de Dieu
ou celui en qui était la grâce de Dieu, c'est-à-dire, celui qui, le premier,
a fait connaître la grâce de Dieu, c'est-à-dire Jésus-Christ au monde par son
témoignage. Ou bien encore, le nom de Jean signifie il a été donné, parce
qu'il lui a été donné par la grâce de Dieu, non seulement d'être le
précurseur du Roi des rois, mais de le baptiser. —
Saint Augustin : Pourquoi fût-il envoyé ? «
Il vint comme témoin pour rendre témoignage à la lumière. » — Origène : (Traité 5 sur Saint Jean). Il en est qui cherchent à jeter le
blâme sur les témoignages que les prophètes ont rendus à Jésus-Christ, et qui
prétendent que le Fils de Dieu n'a pas besoin de témoins, et qu'il présente
des motifs suffisants de crédibilité, soit dans ses enseignements salutaires,
soit dans ses miracles tout divins. Moïse lui-même, disent-ils, ne mérita
créance que par ses paroles et ses actions d’éclat, sans avoir besoin d'être
précédé par des témoins. Nous répondons qu'il est un grand nombre de motifs
qui peuvent déterminer la foi, mais que tel motif, malgré sa force apparente,
ne produira sur quelques-uns aucune impression, tandis que tel autre sera
tout-puissant pour les amener à la foi. Or, Dieu a [des moyens à l'infini
pour amener] les hommes à croire qu'un Dieu a daigné se faire homme pour
sauver les hommes. Aussi est-ce un fait certain que les oracles des prophètes
en ont forcé un grand nombre à croire à la divinité de Jésus-Christ, étonnés
qu'ils étaient de voir que tant de prophètes l'avaient annoncé avant son
avènement, et prédit d'une manière précise le lieu de sa naissance, et
d'autres circonstances semblables. Il faut encore remarquer que les miracles extraordinaires
opérés par Jésus-Christ, avaient plus de force pour amener à la foi ceux qui
en étaient témoins ou ses contemporains, mais que plusieurs siècles après [ils
pouvaient n'avoir plus la même puissance], et passer même aux yeux de
quelques-uns pour des fables. Donc, lorsqu'un long espace de temps nous
sépare de ces miracles, le motif le plus fort de crédibilité, ce sont les
prophéties jointes aux miracles. Disons encore, que par ce témoignage rendu à
Dieu, plusieurs se sont couverts de gloire. C'est donc vouloir enlever au
chœur des prophètes la grâce signalée qui lui a été faite, que de contester
l'utilité des témoignages qu'ils ont rendus à Jésus-christ. Jean est venu se
joindre à ces prophètes, en rendant lui-même témoignage à la lumière. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 5 sur Saint Jean). Ce n'est pas sans doute que la
lumière eût besoin de témoignage, mais l'Evangéliste nous apprend le vrai
motif de la mission de Jean, dans les paroles suivantes : « afin que tous
crussent par lui. » Le Fils de Dieu a pris une chair mortelle pour sauver
tous les hommes d'une perte inévitable, et c'est par suite du même dessein
qu'il envoie devant lui un homme pour précurseur, afin que cette voix d'un de
leurs semblables les déterminât plus facilement à venir à lui. —
Saint Bède : L'Evangéliste ne dit pas : afin
que tous crussent en lui, (car maudit est l'homme qui met sa confiance dans
l'homme), (Jr 17, 5) mais : « afin que tous crussent par lui, »
c'est-à-dire, que tous par son témoignage crussent à cette lumière. — Théophylactus : Que quelques-uns aient refusé de croire, Jean n'en est pas
responsable. Si un homme s'enferme dans une maison obscure, et se prive ainsi
de voir les rayons du soleil, la faute n'en est pas au soleil mais bien à
lui-même; ainsi Jean a été envoyé, afin que tous crussent par lui; si ce but
n'a pas été entièrement atteint, le saint précurseur n'en est pas la cause. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 6 sur Saint Jean). D'après l'opinion commune, celui qui
rend témoignage nous paraît ordinairement supérieur à celui qui est l'objet
de son témoignage, et plus digne de foi; aussi l'Evangéliste se hâte de
détruire ici ce préjugé à propos de Jean en ajoutant : « Il n'était pas la
lumière, mais il était venu pour rendre témoignage à la lumière. » Si
telle n'a pas été son intention en répétant ces paroles : « pour rendre
témoignage à la lumière, » ce membre de phrase est complètement superflu.
Ce n'est pas un développement de la doctrine, c'est une répétition de mots
inutiles. —
Théophylactus : Mais la conclusion de ces paroles n'est-elle pas que ni Jean-Baptiste,
ni aucun autre saint n'ont été ou ne sont la lumière ? Si nous voulons donner
à un saint le nom de lumière, il faut employer le mot lumière sans article;
si l'on vous demande, par exemple : Jean est-il la lumière ? répondez qu'il
est lumière, sans mettre l'article, mais non pas la lumière avec l'article;
car il n'est pas la lumière par excellence, et il n'est lumière, que parce
qu'il est entré en participation de la vraie lumière. |
Lectio 11 |
Verset 9
|
[85984] Catena in Io., cap. 1 l.
11 Augustinus in Ioannem. De quo lumine Ioannes testimonium perhibeat,
ostendit dicens erat lux vera. Chrysostomus in Ioannem. Vel
aliter. Quia superius de Ioanne dixerat, quod venit et missus est ut testetur
de luce, ne quis hoc audiens propter testantis recentem praesentiam, de eo
cui testimonium perhibetur, talem quamdam suspicionem accipiat, reduxit
mentem, et ad eam quae supra omne principium est, transmisit existentiam,
dicens erat lux vera. Augustinus. Quare additum est
vera? Quia et homo illuminatus dicitur lux; sed vera lux illa est quae
illuminat; nam et oculi nostri dicuntur lumina, et tamen nisi aut per noctem
lucerna accendatur, aut per diem sol exeat, lumina illa sine causa patent;
unde subdit quae illuminat omnem hominem. Si omnem hominem, ergo et ipsum
Ioannem. Ipse ergo illuminabat, a quo se demonstrari volebat. Quomodo enim
plerumque fit ut in aliquo corpore radiato cognoscatur ortus esse sol quem
oculis videre non possumus; quia etiam qui saucios habet oculos, idonei sunt
videre parietem illuminatum, aut aliquid huiusmodi; sic omnes ad quos venerat
Christus, minus erant idonei eum videre. Radiavit Ioannem, et per illum
confitentem se illuminatum cognitus est ille qui illuminat. Dicit autem
venientem in hunc mundum, nam si illinc non recederet, non esset
illuminandus; sed ideo hic illuminandus, quia illinc recessit ubi homo
poterat esse illuminatus. Theophylactus. Erubescat
Manichaeus, qui conditoris maligni et tenebrosi nos asserit creaturas : non
enim illuminaremur, si veri luminis creaturae non essemus. Chrysostomus in Ioannem. Ubi
sunt etiam qui non dicunt eum verum Deum? Hic enim lux vera dicitur. Sed si
illuminat omnem hominem venientem in hunc mundum, qualiter tot sine lumine permanserunt?
Non enim omnes cognoverunt Christi culturam. Illuminat igitur omnem hominem
quantum ad eum pertinet; si autem quidam mentis oculos claudentes noluerunt
recipere lucis huius radios, non a lucis natura obtenebratio est eis, sed a
malitia eorum, qui voluntarie privant seipsos gratiae dono : nam gratia
quidem ad omnes effusa est; qui vero nolunt dono hoc frui, sibi ipsis hanc
imputent caecitatem. Augustinus Enchir. Vel quod
dicitur illuminat omnem hominem, sic intelligimus : non quia nullus est
hominum qui non illuminetur; sed quia nisi ab ipso nullus illuminatur. Beda. Sive naturali ingenio,
sive sapientia divina : sicut enim nemo a seipso esse, sic etiam nemo a
seipso sapiens esse potest. Origenes. Vel aliter. Non de
his qui de occultis seminum causis in species corporales procedunt, debemus
intelligere quod illuminat omnem hominem venientem in hunc mundum; sed de his
qui spiritualiter per regenerationem gratiae, quae datur in Baptismate, in
mundum veniunt invisibilem. Eos itaque vera lux illuminat qui in mundum
virtutum veniunt, non eos qui in mundum vitiorum ruunt. Theophylactus. Vel aliter.
Intellectus nobis traditus, ac nos dirigens, qui et naturalis ratio
nominatur, dicitur lux tradita nobis a Deo. Sed quidam male ratione utentes,
seipsos obscuraverunt. |
—
Saint Augustin : (Traité 2 sur Saint Jean). Nous voyons ici quelle est cette
lumière à laquelle Jean-Baptiste rend témoignage : « Celui-là était la
vraie lumière. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 6 sur Saint Jean). Ou bien encore, l'Evangéliste venait
de dire que Jean-Baptiste avait été envoyé et était venu pour rendre
témoignage à la lumière. Or, ce témoignage d'un homme envoyé tout récemment
pouvait faire croire à l'origine récente aussi de celui à qui il rendait
témoignage; il élève donc aussitôt nos pensées vers cette existence
antérieure à tout commencement, [et qui ne doit jamais avoir de fin] : «
Celui-là était la vraie lumière.» —
Saint Augustin : (Traité 2 sur Saint Jean). Pourquoi saint Jean ajoute-t-il le
mot « vraie » ? C'est qu'on donne aussi à l'homme qui est éclairé
le nom de lumière, mais la vraie lumière est celle qui éclaire elle-même. Nos
yeux aussi sont appelés des lumières, et cependant c'est en vain que ces
lumières sont ouvertes, si pour les éclairer, on n'allume une lampe pendant
la nuit, où si dans le jour le soleil ne répand sur eux ses clartés. Aussi
l'Evangéliste ajoute : « qui éclaire tout homme. » Si elle éclaire
tout homme, elle éclaire donc Jean lui-même. Elle éclairait donc celui
qu'elle avait choisi pour lui rendre témoignage. Il arrive souvent que le
soleil nous fait connaître son lever par la lumière qu'il fait rayonner sur
les corps, et cependant nous ne pouvons le voir de nos yeux. Ainsi ceux qui
ont les yeux trop malades [ou trop faibles pour voir le soleil], peuvent
cependant les arrêter sur un mur qui réfléchit sa lumière, sur une montagne ou
sur tout autre objet semblable. Il en était de même de ceux au milieu
desquels Jésus-Christ était venu, et qui étaient encore beaucoup moins
capables de le voir. Il a donc éclairé Jean de ses rayons, et Jean, qui
confessait hautement la source d'où lui venait cette lumière, fit connaître
ainsi celui qui l'éclairait. Il ajoute : « venant en ce monde, » c'est
qu'en effet, si l'homme ne venait pas en ce monde, il n'aurait pas besoin
d'être éclairé, mais il faut qu'il soit éclairé, parce qu'il a quitté
l'endroit où il aurait joui toujours de cette divine lumière. — Théophylactus : Que le manichéen rougisse d'oser dire que nous sommes l'œuvre d'un
Créateur mauvais et ténébreux; car jamais nous ne pourrions être éclairés si
nous n'étions les créatures de la vraie lumière. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 8 sur Saint Jean). Où sont aussi ceux qui prétendent que
Jésus-Christ n'est pas le vrai Dieu ? alors qu'il est appelé ici la vraie
lumière. Mais s'il éclaire tout homme venant en ce monde, comment se fait-il
qu'un si grand nombre soient demeurés en dehors de cette lumière ? Car tous
n'ont pas connu le culte qui est dû à Jésus-Christ. Il éclaire tout homme,
autant qu'il dépend de lui. Mais s'il en est qui ont fermé volontairement les
yeux de leur âme pour ne point recevoir les rayons de cette divine lumière,
les ténèbres dans lesquelles ils demeurent plongés, ne viennent pas de la
nature de la lumière, mais de la malice de ceux qui se privent volontairement
du don de la grâce. Car la grâce a été répandue sur tous les hommes et ceux
qui ont refusé de la recevoir, ne doivent imputer qu'à eux-mêmes leur
aveuglement. —
Saint Augustin : (Enchirid,, 109). Ces
paroles : « qui éclaire tout homme, » veulent dire non pas que tous
les hommes sans exception sont éclairés, mais que personne ne peut l'être que
par cette lumière. —
Saint Bède : Il nous éclaire, soit en
nous donnant la raison, soit en répandant en nous sa divine sagesse; car nous
ne pouvons nous donner la sagesse, pas plus que nous n'avons pu nous donner
l'existence. — Origène : (hom. 2 sur div. suj). Ou
bien encore, nous ne devons pas entendre ces paroles : « qui éclaire tout
homme venant en ce monde, » de ceux qui entrent dans le monde avec un
corps formé d'après les principes secrets qui président à la génération, mais
de ceux qui entrent dans le monde invisible par la régénération spirituelle
de la grâce conférée par le baptême. Voilà pourquoi cette lumière éclaire ceux
qui entrent dans le monde des vertus, et non pas ceux qui se précipitent dans
le monde des vices. — Théophylactus : Ou bien encore, cette lumière qui nous est donnée de Dieu, c'est
l'intelligence dont il nous a dotés pour nous diriger ici-bas, intelligence
qui s'appelle aussi la raison naturelle, mais un grand nombre, par le mauvais
usage de la raison, se sont jetés eux-mêmes dans les ténèbres. |
Lectio 12 |
Verset 10
|
[85985] Catena in Io., cap. 1 l.
12 Augustinus in Ioannem. Lux quae illuminat omnem hominem venientem in
hunc mundum, huc venit per carnem : quia dum hic esset per divinitatem, a
stultis, caecis et iniquis videri non poterat, de quibus supra dictum est
tenebrae eam non comprehenderunt : et ideo dicitur in mundo erat. Origenes. Ut enim qui loquitur,
dum loqui cessat, vox eius esse desinit, et evanescit, sic caelestis pater,
si verbum suum loqui cessaverit, effectus verbi, hoc est universitas verbo
condita, non subsisteret. Non autem putes
quia sic erat in mundo quomodo in mundo est terra, pecora, et homines; sed
quomodo artifex regens quod fecit; unde sequitur et mundus per ipsum factus
est. Non enim sic fecit quomodo facit faber : qui enim fabricat, extrinsecus
est ad illud quod fabricat. Deus autem infusus mundo, fabricat ubique positus,
et non recedit ab aliquo : praesentia maiestatis facit quod facit, et
gubernat quod facit. Sic ergo erat in mundo, quomodo per quem factus est
mundus. Chrysostomus. Et iterum, quia
in mundo erat, sed non ut mundi contemporaneus, propter hoc induxit et mundus
per ipsum factus est; per hoc et rursus te deducens ad aeternam existentiam
unigeniti; qui enim audierit quoniam opus eius hoc totum, et si valde
insensibilis fuerit, cogetur concedere ante opera esse factorem. Theophylactus. Simul autem hic
et Manichaei subvertit rabiem, qui malignum conditorem cuncta produxisse
dicebat; necnon et Arii, qui filium Dei dicebat creaturam. Augustinus. Quid est autem
mundus per ipsum factus est? Caelum, terra, mare et omnia quae in eis sunt,
mundus dicitur. Iterum in alia significatione, dilectores mundi mundus
dicuntur; de quo sequitur et mundus eum non cognovit. Num enim caeli, aut
Angeli, aut sidera non cognoverunt creatorem, quem confitentur Daemonia,
omnia undique testimonium perhibuerunt? Sed qui non cognoverunt eum? Qui
amando mundum, dicti sunt mundus : amando enim mundum, habitamus corde in
mundo : nam qui non diligunt mundum, carne versantur in mundo, sed corde
inhabitant caelum; sicut apostolus dicit : nostra conversatio in caelis est.
Amando igitur mundum, hoc appellari meruerunt ubi habitant. Quomodo enim cum
dicimus : mala est illa domus aut bona, non parietes incusamus aut laudamus,
sed inhabitantes, sic et mundum dicimus qui inhabitant mundum amando. Chrysostomus in Ioannem. Qui
autem Dei erant amici, eum cognoverunt, etiam ante corporalem praesentiam :
unde et Christus ait quoniam Abraham pater vester exultavit ut videret diem
meum. Cum ergo nos interpellant gentiles, dicentes : quid est quod in ultimo
tempore venit nostram operaturus salutem, tanto tempore negligens nos?
Dicimus, quoniam et ante hoc in mundo erat, et providebat operibus suis, et
omnibus dignis cognitus erat : et si eum mundus non cognovit, hi tamen quibus
mundus non erat dignus, eum cognoverunt. Dicens autem mundus eum non
cognovit, breviter causam ignorantiae praebuit. Mundum enim vocat homines qui
soli mundo affixi sunt, et quae mundi sunt sapiunt. Nihil autem ita turbat
mentem, ut liquefieri amore praesentium. |
—
Saint Augustin : (Traité 2 sur Saint Jean). La lumière qui éclaire tout homme
venant en ce monde, est venue sur la terre sous le voile d'une chair
mortelle; car tant qu'elle n'y était que par la divinité, elle était
invisible pour les insensés, pour les aveugles et pour les méchants dont
saint Jean a dit plus haut : « Les
ténèbres ne l'ont point comprise, » c'est pour cela qu'il dit ici : « Il était dans le monde. » — Origène : (hom. 2 sur div. suj).
Lorsque celui qui parle cesse de parler, sa voix cesse de se faire entendre et
disparaît; de même si le Père céleste ne faisait plus entendre son Verbe,
l'œuvre du Verbe, c'est-à-dire l'univers qu'il a créé, cesserait d'exister. —
Saint Augustin : (Traité 2 sur Saint Jean). N'allez pas croire qu'il était dans
le monde comme sont dans le monde la terre, les animaux, les hommes, [ou
comme le ciel, le soleil, les étoiles]; il y était comme un ouvrier qui
dirige l'ouvrage sorti de ses mains : «
Et le monde a été fait par lui. » Toutefois il n'a pas créé le monde
comme un ouvrier fait son ouvrage, car l'ouvrier est en dehors de l'ouvrage
qu'il travaille, Dieu, au contraire, est comme répandu dans le monde qu'il
crée, il est présent partout, et il n'est pas un seul être qui soit en dehors
de son immensité. C'est donc par la présence de sa majesté, qu'il fait tout
ce qu'il crée, et qu'il gouverne tout ce qu'il a créé. Il était donc dans le
monde, comme le Créateur du monde. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 8 sur Saint Jean). Et encore, comme il était dans le
monde, mais sans être contemporain du monde, l'Evangéliste ajoute : « Et le monde a été fait par lui »,
et il vous élève ainsi jusqu'à l'existence éternelle du Fils unique. En
effet, en entendant dire que tout cet univers est son ouvrage, fût-on d'une
intelligence bornée, on sera forcé de reconnaître qu'il existait avant son ouvrage. — Théophylactus : Saint Jean confond en même temps l'erreur insensée des Manichéens, qui
prétendaient que c'était un mauvais principe qui avait créé toutes choses, et
celle des Ariens qui osaient soutenir que le Fils de Dieu était une simple
créature. —
Saint Augustin : (comme précéd). Que
signifient ces paroles : « Le monde a
été fait par lui » ? On appelle monde le ciel, la terre, la mer, et
tout ce qu'ils contiennent. Dans un autre sens, on donne encore ce nom à ceux
qui aiment le monde, et c'est de ce monde qu'il est dit : « Le monde ne l'a point connu. » On ne
peut dire, en effet, ni du ciel, ni des anges, ni des astres, qu'ils n'ont
pas connu le Créateur, dont les démons eux-mêmes confessent la puissance.
Toutes les créatures lui ont donc rendu témoignage. Quels sont ceux qui ne
l'ont point connu ? Ceux qui sont appelés le monde, parce qu'ils aiment le
monde, car en aimant le monde, nous habitons de cœur dans le monde; ceux, au
contraire, qui n'aiment pas le monde, sont de corps dans le monde, mais ils
habitent le ciel par le cœur, suivant ces paroles de l'Apôtre : « Pour nous, nous vivons déjà dans le
ciel. » (Ph 3) C'est donc parce qu'ils ont aimé le monde, qu'ils ont
mérité eux-mêmes le nom du monde où ils habitent. Lorsque nous disons d'une maison
qu'elle est bonne ou qu'elle est mauvaise, ce n'est point aux murs que
s'adressent notre blâme ou nos louanges, mais à ceux qui l'habitent; c'est
ainsi que nous appelons monde ceux qui habitent le monde par leurs
affections. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 8 sur Saint Jean). Quant aux amis de Dieu, ils l'ont
connu avant même qu'il eût rendu sa présence sensible, [c'est-à-dire avant
son avènement en ce monde], comme le prouvent ces paroles du Christ : « Abraham, votre père, a tressailli du
désir de voir mon jour. » (Jn 8, 56). Lors donc que les Gentils nous
adressent ce reproche : Pourquoi le Sauveur n'est-il venu opérer notre
salut que dans les derniers temps, après tant de siècles écoulés, sans qu'il
ait pensé à nous ? Nous leur répondons, qu'avant même son avènement, il était
dans le monde, sa providence s'étendait à toutes ses œuvres, et il était
connu de tous ceux qui en étaient dignes; et si le monde ne l'a pas connu,
ceux dont le monde n'était pas digne, ont mérité de le connaître. En disant :
« Le monde ne l'a point connu, » il
a indiqué sommairement la cause de cette ignorance; car le monde ici sont les
hommes qui ne sont attachés qu'au monde, qui n'ont de goût et d'affection que
pour le monde; or rien ne trouble autant l'âme que l'amour énervant des
choses présentes. |
Lectio 13 |
Versets 11-13
|
[85986] Catena in Io., cap. 1 l.
13 Chrysostomus in Ioannem. Dixit quod mundus eum non cognovit, de
superioribus loquens temporibus; sed de reliquo sermonem induxit ad
praedicationis tempora, et ait in propria venit. Augustinus in Ioannem. Quia
scilicet omnia per ipsum facta sunt. Theophylactus. Vel per propria
mundum intelligas, sive Iudaeam, quam pro hereditate elegerat. Chrysostomus in Ioannem. In
propria ergo venit, non gratia suae necessitatis, sed gratia beneficii
suorum. Sed unde venit qui omnia implet, et ubique adest? Ea quidem quae ad
nos condescensione hoc operatus est : quia enim in mundo existens, non
putabatur adesse, eo quod nondum cognoscebatur, dignatus est induere carnem.
Manifestationem vero hanc et condescensionem adventum vocat. Misericors autem
existens Deus omnia facit, ut nos secundum virtutem splendeamus; et propter
hoc quidem nullum necessitate, suasione vero et beneficiis volentes ad se
attrahit; et propterea venientem eum hi quidem susceperunt, alii vero non
receperunt. Nullum enim vult invitum neque coactum habere famulatum : invitum
enim trahi, par est cum eo qui totaliter non servit; unde sequitur et sui eum
non receperunt. In Ioannem. Iudaeos nunc suos dicit, ut populum peculiarem;
sed et omnes homines ut ab ipso factos : et sicut superius pro communi
verecundatus natura dicebat, quoniam mundus per ipsum factus conditorem non
cognovit, ita et hic rursus pro Iudaeorum anxius indevotione gravius ponit
accusationem, dicens et sui eum non receperunt. Augustinus. Si autem omnino
nullus recepit, nullus ergo salvus factus est. Nemo enim salvus fiet, nisi
qui Christum receperit venientem; et ideo addit quotquot autem receperunt eum.
Chrysostomus in Ioannem. Sive
sint servi sive liberi, sive Graeci sive barbari, sive insipientes sive
sapientes, sive mulieres sive viri, sive pueri, sive senes, omnes eodem digni
facti sunt honore, de quo sequitur dedit eis potestatem filios Dei fieri.
Augustinus. Magna benevolentia.
Unicus natus est, et noluit manere unus; non timuit habere coheredes, quia
hereditas eius non fit angusta, si eam multi possederint. Chrysostomus. Non autem dixit,
quoniam fecit eos filios Dei fieri; sed dedit eis potestatem filios Dei
fieri; ostendens quoniam multo opus est studio, ut eam, quae in Baptismo
adoptionis formata est, imaginem incontaminatam semper custodiamus : simul
autem ostendens quoniam potestatem hanc nullus nobis auferre poterit, nisi
nos ipsi auferamus. Si enim qui ab hominibus dominium aliquarum rerum
suscipiunt, tantum habent robur quantum fere hi qui dederunt; multo magis nos
qui a Deo potimur hoc honore. Simul autem ostendere vult quoniam haec gratia
advenit volentibus et studentibus : etenim in potestate est liberi arbitrii
et gratiae operatione filios Dei fieri. Theophylactus. Vel quia in
resurrectione filiationem perfectissimam consequemur, secundum quod apostolus
dicit : adoptionem filiorum Dei expectantes redemptionem corporis nostri.
Dedit ergo potestatem filios Dei fieri, idest hanc gratiam in futura gratia
consequendi. Chrysostomus. Et quia in his
ipsis ineffabilibus bonis, hoc quidem est Dei, scilicet dare gratiam; illud
vero hominis, idest praebere fidem, subiungit his qui credunt in nomine eius.
Quid igitur non dicis nobis, o Ioannes, quod eorum sit supplicium qui eum non
receperunt? Quia numquid isto supplicio fiet maius quando praeiacente eis
potestate filios Dei fieri, non fiant, sed volentes seipsos tanto privant
honore? Sed etiam inextinguibilis eos suscipiet ignis, quod postea
manifestius revelabit. Augustinus. Credentes ergo quia
filii Dei fiunt et fratres Christi, utique nascuntur; nam si non nascuntur,
filii quomodo esse possunt? Sed filii hominum nascuntur ex carne et sanguine,
et ex voluntate viri, et complexu coniugii. Illi autem quomodo nascuntur
subdit qui non ex sanguinibus, tamquam maris et feminae. Sanguina vel
sanguines non est Latinum; sed quia Graece positum est pluraliter, maluit
ille qui interpretabatur, sic ponere, et quasi minus Latine loqui secundum
grammaticos, et tamen explicare veritatem secundum auditum infirmorum. Ex
sanguinibus enim maris et feminae homines nascuntur. Beda. Sciendum etiam est, quia
in Scripturis sanctis sanguis, cum dicitur pluraliter, peccatum significare
solet; unde : libera me de sanguinibus. Augustinus in Ioannem. In eo
autem quod sequitur neque ex voluntate carnis, neque ex voluntate viri,
carnem pro femina posuit : quia de costa facta cum esset, Adam dixit : hoc
nunc os de ossibus meis, et caro de carne mea. Ponitur ergo caro pro uxore
quomodo aliquando spiritus pro marito : quia ille imperare debet, ista
servire. Quid enim peius est domo ubi femina habet imperium super virum? Hi
ergo neque ex voluntate carnis, neque ex voluntate viri, sed ex Deo nati sunt.
Beda. Carnalis enim singulorum
generatio a complexu coniugii duxit originem : at vero spiritualis spiritus
sancti gratia ministratur. Chrysostomus. Hoc autem narrat
Evangelista, ut vilitatem et humilitatem prioris partus, qui est per
sanguinem et voluntatem carnis, addiscentes, et altitudinem secundi, qui per
gratiam et nobilitatem est, cognoscentes, magnam quamdam hic suscipiamus
intelligentiam et dignam dono ipsius qui genuit, et multum post hoc studium
demonstremus. |
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 9 sur Saint Jean). Ces paroles
: « Le monde ne l'a point connu, »
doivent s'entendre des temps qui ont précédé l'incarnation. Celles qui
suivent : « Il est venu dans son
héritage, » se rapportent aux temps de la prédication de l'Evangile. —
Saint Augustin : (Traité 2 sur Saint Jean). [«
Il est venu dans son héritage, »] parce que toutes choses ont été faites
par lui. — Théophylactus : On peut donc entendre ici ou le monde, ou la Judée, qu'il avait
choisie pour héritage. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 9 et 10 sur Saint Jean). Il est venu dans son héritage, non
pas dans un motif d'intérêt personnel [(car Dieu n'a besoin de personne)],
mais pour combler les siens de bienfaits. Mais d'où a pu venir celui qui
remplit tout de son immensité, et qui est présent partout ? C'est par un
effet de sa grande condescendance qu'il est venu jusqu'à nous; il était dans
le monde, sans que le monde pensât à sa présence, parce qu'il n'en était pas
connu; il a donc daigné se revêtir d'un corps sensible. C'est cette
manifestation et cette condescendance, qu'il appelle sa présence ou son
avènement [(hom. 11)]. Or, Dieu, plein de bonté et de miséricorde, ne néglige
rien de ce qui peut nous élever à une vertu éminente. Aussi ne veut-il
s'attacher personne par force ou par nécessité, et ne veut nous attirer à lui
que par la persuasion et par les bienfaits. De là vient que, quand il vint,
les uns le reçurent, et les autres refusèrent de le recevoir; car il ne veut
pas qu'on soit à son service malgré soi et comme par contrainte; celui qui le
sert de mauvaise grâce, est à ses yeux comme celui qui refuse complètement de
le servir : « Et les siens ne l'ont pas
reçu. » (hom. 9). L'Evangéliste appelle les Juifs les siens, comme étant
son peuple privilégié, ou bien tous les hommes comme étant tous ses
créatures. Dans l’étonnement où le jetait la conduite insensée du genre
humain, il s'est écrié plus haut : « Le
monde a été fait par lui, et le monde n'a point connu son Créateur » ;
ici l'ingratitude des Juifs le remplit d'indignation, et il lance contre eux
cette accusation bien plus grave : « Et
les siens ne l'ont pas reçu. » —
Saint Augustin : (Traité 1 sur S. Jean). Mais
si personne absolument ne l'a reçu, personne donc n'est sauvé; car la
condition essentielle du salut, c'est de recevoir Jésus-Christ, aussi
l'Evangéliste ajoute : « Tous ceux qui
l'ont reçu, » etc... —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 10 sur Saint Jean). Esclaves ou hommes libres, grecs ou
barbares, savants ou illettrés, hommes ou femmes, enfants ou vieillards, tous
ont été rendus dignes du même honneur : «
Il leur a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu. » —
Saint Augustin : (comme précéd). Quelle
extrême bonté ! il était né Fils unique, et il n'a pas voulu demeurer seul;
il n'a pas craint d'avoir des cohéritiers, parce que son héritage ne peut
être amoindri si un grand nombre y a part. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 10). Il ne dit pas
qu'il les fit enfants de Dieu, mais qu' « il leur à donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu »,
nous apprenant ainsi que ce n'est qu'au prix de grands efforts que nous
pouvons conserver sans tache ce caractère de l'adoption qui a été imprimé et
gravé dans notre âme par le baptême. Il nous enseigne encore que personne ne
peut nous ôter ce pouvoir, si nous-mêmes ne consentons à nous en dépouiller.
Ceux à qui les hommes délèguent une partie de leur puissance ou de leur
autorité, la possèdent presque à l'égal de ceux qui la leur ont donnée; à
plus forte raison en sera-t-il ainsi de nous qui avons reçu cet honneur de
Dieu même. Il veut encore nous apprendre que cette grâce n'est donnée qu'à
ceux qui la veulent et qui la recherchent; car c'est le concours du libre
arbitre et de l'opération de la grâce, qui nous fait enfants de Dieu. — Théophylactus : Ou bien encore, il veut parler ici de cette filiation parfaite, dont
la résurrection doit nous mettre en possession, d'après ces paroles de
l'Apôtre : « Attendant l'effet de
l'adoption divine, la rédemption de notre corps. » (Rm 8) Il nous a donc
donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, c'est-à-dire d'obtenir cette
grâce dans la vie future. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 10). Comme dans la
distribution de ces biens ineffables, il appartient à Dieu de donner la
grâce, de même qu'il appartient à l'homme de faire acte de foi, saint Jean
ajoute : « à ceux qui croient en son
nom. » Pourquoi ne nous dites-vous pas, Jean, quel sera le supplice de
ceux qui n'ont pas voulu le recevoir ? Mais quel supplice plus grand pour
ceux qui ont reçu le pouvoir de devenir enfants de Dieu, que de refuser de le
devenir, et de se priver volontairement d'un si grand honneur ? Toutefois ce
ne sera pas leur seul supplice, ils seront condamnés à un feu qui ne
s'éteindra jamais, comme l'Evangéliste le déclarera plus ouvertement dans la
suite. (Jn 3) —
Saint Augustin : (même traité). Ceux qui
croient en son nom deviennent donc enfants de Dieu et frères de Jésus-Christ,
et prennent par là même une nouvelle naissance. Comment, en effet, sans cette
seconde naissance pourraient-ils devenir enfants de Dieu ? Les enfants des
hommes naissent de la chair et du sang, de la volonté de l'homme et de
l'union des époux. Mais comment naissent les enfants de Dieu ? « Ils ne sont pas nés des sangs,
c'est-à-dire, de l'homme et de la femme. » Le mot sangs (sanguina ou
sanguines) n'est pas latin, mais comme cette expression est au pluriel dans
le texte grec, le traducteur aima mieux la rendre de la sorte, sauf à
employer un mot peu correct aux yeux des grammairiens, pour faire mieux
comprendre la vérité aux esprits moins intelligents. En effet, les enfants
naissent du mélange du sang de l'homme et de la femme. —
Saint Bède : Il est bon aussi de
remarquer que dans la sainte Ecriture, le mot sang au pluriel signifie
ordinairement le péché, comme dans ce passage du Psaume 50 : « Délivrez-moi des sangs (de sanguinibus).
» —
Saint Augustin : (même traité). Dans les
paroles suivantes : « ni de la volonté
de la chair, ni de la volonté de l'homme » ; la chair est synonyme
de la femme, [en souvenir de sa création]. Lorsque, en effet, elle eut été
créée d'une côte du premier homme, Adam lui dit : « Voici l'os de mes os et la chair de ma chair. » Le mot chair
signifie donc ici la femme, de même que souvent l'esprit est le symbole du
mari, parce que son rôle est de commander, et celui de la femme de servir.
Quelle maison plus mal ordonnée, en effet, que celle où la femme commande au
mari ? Les enfants de Dieu ne sont donc nés ni de la volonté de la chair, ni
de la volonté de l'homme, mais de Dieu. —
Saint Bède : La génération charnelle de
tous les hommes tire son origine de l'union des époux, tandis que la
génération spirituelle a pour principe la grâce de l'Esprit saint. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 10 sur Saint Jean). L'Evangéliste, en parlant ainsi, veut
nous faire comprendre d'un côté la bassesse et l’humilité de la première
génération qui vient du sang et de la volonté de la chair, et l'élévation de
la seconde qui vient de la grâce et ennoblit notre nature, afin que nous
ayons une haute idée de la grâce qui nous a engendrés, et que nous ne
négligions rien pour la conserver. |
Lectio 14 |
Verset 13
|
[85987] Catena in Io., cap. 1 l.
14 Augustinus in Ioannem. Cum dixisset ex Deo nati sunt, quasi ne
miraremur et horreremus tantam gratiam, et nobis incredibile videretur, quia
homines ex Deo nati sunt; quasi securitatem faciens, ait et verbum caro
factum est. Quid ergo miraris quia homines ex Deo nascuntur? Attende ipsum
Deum ex hominibus natum. Chrysostomus in Ioannem. Vel
aliter. Cum dixisset quoniam ex Deo nati sunt qui susceperunt eum, huius
honoris posuit causam, hoc scilicet verbum fieri carnem : factus est enim
proprius filius Dei hominis filius, ut filius hominum faciat filios Dei. Cum
autem audieris quoniam verbum caro factum est, ne turberis : neque enim
substantiam convertit in carnem; hoc enim vere impium est intelligere; sed
manens quod est, servi formam assumpsit. Quia enim sunt qui dicunt, quoniam
phantasmata quaedam fuerint omnia quae incarnationis sunt; eorum blasphemiam
destruens, hanc dictionem factum est posuit, non transmutationem substantiae,
sed carnis verae assumptionem repraesentare volens. Si vero dixerint :
quoniam Deus omnipotens est, quare et in carnem transmutari non potuit?
Dicemus quod transmutari ab illa incommutabili natura omnino procul est. Augustinus de Trin. Sicut autem
verbum nostrum vox quodammodo corporis fit assumendo eam in qua manifestatur
sensibus hominum, sic verbum Dei caro factum est, assumendo eam in qua et
ipsum manifestaretur sensibus hominum. Et sicut verbum nostrum fit vox, nec
mutatur in vocem, ita verbum Dei caro quidem factum est; sed absit ut
mutaretur in carnem : assumendo quippe illam, non in eam se consumendo, et
hoc nostrum vox fit, et illud caro factum est. Ex gestis Concilii Ephesini. Sermo
etiam quem proferimus, quo in alterutris locutionibus utimur, sermo est
incorporeus, non aspectui subiectus, non tactu tractabilis; sed cum sermo
induerit litteras et elementa, visibilis fit, aspectu comprehenditur, tactu
tractatur, sic et verbum Dei, quod naturaliter invisibile est, visibile fit;
et quod natura incorporeum est, invenitur esse tractabile. Alcuinus. Cum etiam credamus
animam incorpoream corpori coniungi, ut ex his duobus fiat unus homo,
facilius possumus credere divinam substantiam incorpoream animae in corpore
coniungi in unionem personae; ita ut verbum in carnem non sit conversum, nec
caro in verbum; cum nec corpus in animam, nec anima convertatur in corpus.
Theophylactus. Apollinarius
autem Laodicensis in hoc verbo haeresim statuit : dicebat enim, quod Christus
animam rationalem non habuit sed tantum carnem; habens divinitatem pro anima,
quae corpus dirigit et gubernat. Augustinus contra Serm. Arian. Si
autem moventur in eo quod scriptum est, quod verbum caro factum est, nec ibi
anima nominatur; intelligant carnem pro homine positam, a parte totum,
figuratae locutionis modo, sicuti est : ad te omnis caro veniet; item quod ex
operibus legis non iustificabitur omnis caro; quod apertius alio loco dicitur
: non iustificabitur homo ex operibus legis. Sic itaque dictum est verbum
caro factum est; ac si diceret : verbum homo factum est. Theophylactus. Evangelista
volens ostendere inenarrabilem Dei condescensum, carnem commemorat, ut illius
admiremur misericordiam, quoniam propter nostram salutem quod omnino remotum
et distans est ab eius natura, assumpsit, scilicet carnem; anima namque habet
aliquam propinquitatem ad Deum. Si autem verbum incarnatum est, et humanam
animam non assumpsit; sequeretur quod adhuc animae nostrae curatae non essent
: quod enim non assumpsit, non sanctificavit. Et qualis derisio, cum anima
prius peccaverit, ut carnem assumendo sanctificaverit, id quod est
principalius infirmum reliquerit? Subvertitur ex hoc dicto Nestorius, qui
dicebat quod non Deus verbum ipse idem factus est homo ex sacro conceptus
sanguine virginis; sed virgo peperit hominem qui omnis virtutis dotatus erat
specie, et Dei verbum illi erat coniunctum : et ex hoc duos filios asserebat
: unum natum de virgine, scilicet hominem; alterum de Deo, scilicet Dei filium,
homini illi coniunctum secundum gratiae habitudinem et amorem. Contra quem
Evangelista dixit, quod ipsum verbum factum est homo, non quod verbum
inveniens hominem virtuosum, se sibi coniunxerit. Cyrillus ad Nestorium. Carnem
enim animatam anima rationali uniens verbum sibi secundum subsistentiam,
ineffabiliter et inintelligibiliter factus est homo, et appellatus est filius
hominis, non secundum voluntatem solam aut beneplacitum, sed neque in
assumptione personae solius. Diversae quidem quoad unionem collatae naturae;
unus autem ex ambabus Christus et filius; non quasi differentia naturarum
interempta propter adunationem. Theophylactus. Addiscimus ergo
per hoc quod dicitur verbum caro factum est, quia ipsum verbum est homo, et
filius Dei existens factus est filius mulieris; quae principaliter Dei
genitrix nuncupatur, tamquam Deum in carne genuerit. Hilarius de Trin. Quidam autem
volentes unigenitum Deum, qui in principio apud Deum erat Deus verbum, non
substantivum Deum esse, sed sermonem vocis emissae, ut quod loquentibus
verbum suum, hoc sit patri Deo filius, argute subrepere volunt, ne subsistens
verbum Deus, et manens in forma Dei Christus homo natus sit : ut cum hominem
illum humanae potius originis causa quam spiritualis conceptionis sacramentum
animaverit, non Deus verbum hominem se ex partu virginis efficiens extiterit;
sed, ut in prophetis spiritus prophetiae, ita in Iesu verbum Dei fuerit. Et
arguere nos solent, quod Christum dicamus esse natum non nostri corporis
atque animae hominem, cum nos verbum carnem factum, nostrae similitudinis
natum hominem praedicemus, ut vere Dei filius vere filius hominis natus sit;
et ut per se sibi assumpsit ex virgine corpus, ita ex se sibi animam
assumpsit; quae utique ab homine numquam gignentium originibus praebetur : et
cum ipse ille filius hominis sit, quam ridicule praeter Dei filium, qui
verbum caro factum est, alium nescio quem tamquam prophetam verbo Dei
animatum praedicabimus, cum dominus Iesus Christus et Dei filius et hominis
filius sit? Chrysostomus. Ne autem ab eo
quod dictum est verbum caro factum est, inconvenienter suspiceris versionem
illius incorruptibilis naturae, subdit et habitavit in nobis. Quod enim
habitat, non idem est cum habitaculo, sed aliud : aliud autem dico secundum
naturam : unione vero et copulatione unum est Deus verbum caro, neque
confusione facta, neque destructione substantiarum. Alcuinus. Vel habitavit in
nobis, idest inter homines conversatus est. |
—
Saint Augustin : (même traité). Cette idée
d'une naissance qui vient de Dieu était de nature à inspirer un sentiment
d'étonnement mêlé de frayeur pour une si grande grâce, et il pouvait même
paraître incroyable que les hommes soient nés de Dieu. Aussi l'Evangéliste
s'empresse de nous rassurer, en ajoutant : « Et le Verbe a été fait chair. » Qu'y a-t-il d'étonnant que des
hommes naissent de Dieu ? Considérez Dieu lui-même qui a voulu naître des
hommes. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 11 sur Saint Jean). Ou bien encore : après avoir dit que
ceux qui l'ont reçu ont reçu de Dieu une nouvelle naissance, il fait
connaître la cause d'un si grand honneur, c'est que le Verbe s'est fait
chair, car le propre Fils de Dieu est devenu le Fils de l'homme, afin que le
Fils de l’homme rende les hommes enfants de Dieu. Lorsque vous entendez dire
que le Verbe s'est fait chair, ne vous laissez pas troubler par ces paroles.
Il n'a point changé en chair la nature divine (interprétation qui serait une
impiété), mais il a pris la forme de serviteur en demeurant ce qu'il est.
C'est pour confondre les blasphèmes de ceux qui prétendent que tout ce qui a
rapport à l'incarnation était fantastique [et imaginaire] que l'Evangéliste
s'est servi de cette expression : « a
été fait, » expression qui ne signifie pas un changement de substance,
mais l'union du Fils de Dieu à une chair véritable. S'ils viennent nous dire
que Dieu étant tout-puissant, a bien pu changer en chair sa nature divine,
nous répondrons que Dieu [peut tout ce qui n'atteint pas directement son être
divin]. Or, toute idée de changement est directement opposée à cette nature
immuable. —
Saint Augustin : (De la Trin., 15, 11) De
même que notre Verbe [ou notre parole] devient en quelque sorte la voix du
corps en s'unissant à elle pour se manifester aux sens des hommes, ainsi le Verbe
de Dieu s'est fait chair, en s'unissant à elle pour se manifester aussi aux
hommes; notre verbe devient voix, mais il n'est pas changée en voix; ainsi le
Verbe de Dieu s'est fait chair, mais loin de nous la pensée qu'il ait été
changé en chair. Il s'est uni à la chair, mais il ne s'est pas transformé en
chair, il s'est fait chair comme notre parole se fait voix. — Concile
d’Éphèse : La parole qui sort de nos lèvres et dont nous faisons usage dans nos
rapports avec les autres hommes, est une parole incorporelle qui n'est
sensible ni à la vue, ni au toucher; mais lorsqu'elle s'est comme revêtue de
lettres et de formes extérieures, elle devient visible et accessible à la vue
comme au toucher. De même le Verbe de Dieu qui, par sa nature, est invisible,
est devenu visible; il est incorporel aussi par sa nature, et il a pris un
corps accessible au toucher. Ces paroles : « Le Verbe s'est fait chair, » ne
doivent pas s'entendre dans un autre sens que celui-ci : Dieu s'est fait
homme en prenant un corps et une âme. De même que chacun de nous est un
composé d'un corps et d'une âme qui ne forment qu'un seul homme; ainsi
Jésus-Christ, depuis son incarnation, ne fait qu'une seule personne formée de
la divinité, d'un corps, et d'une âme. La divinité du Verbe a daigné s'unir à
cette nature humaine qu'elle avait choisie spécialement pour qu'elle devînt
une seule personne en Jésus-Christ. La nature divine n'a subi dans cette
union aucune altération, aucun changement, elle s'est simplement unie à la
nature humaine qu'elle n'avait pas auparavant. (Liv. 3, de la foi en la
Trin., chap. 9). C'est une vérité incontestable que le Fils de Dieu a pris,
non pas la personne, mais la nature humaine pour l'unir à sa personne divine
et éternelle; l'homme a comme passé en Dieu, non point par un changement de
nature, mais par son union avec la personne divine. Il n'y a donc point deux
Christs, il n'y a qu'un seul Christ, Dieu et homme tout à la fois. (Liv. 1,
cont. Félix d'Urgel). Cette union du Verbe avec la chair est tellement
ineffable, que pour l'exprimer, nous disons que le Verbe s'est fait chair,
quoique le Verbe n'ait pas été changé en chair, et cette chair est appelée
Dieu, bien qu'elle ne soit pas elle-même changée en la nature divine. (Liv.
3). Nous confessons donc qu'il y a dans la seule personne de Jésus-Christ
deux natures unies entre elles par un lien si ineffable, que chacune d'elles
conservant ses propriétés, cette sainte et admirable union nous présente, non
pas un changement ou une altération de la divinité, mais une élévation
sublime pour l'humanité, c'est-à-dire, que Dieu n'a pas été changé en
l'homme, mais l'homme glorifié en Dieu, etc. (Dans la Glose). —
Alcuin : (Liv. 1, chap. 1, sur Saint Jean). Nous croyons qu'une âme incorporelle
peut être unie à un corps, et que l'union de ces deux substances fait un seul
homme; nous devons croire plus facilement que la nature divine qui est
incorporelle, s'est unie à une âme jointe à un corps pour former une seule
personne, de manière que le Verbe n'a pas été changé en chair, ni la chair
dans le Verbe, pas plus que le corps ne se change en âme, ni l'âme en corps. — Théophylactus : Apollinaire de Laodicée a voulu appuyer son hérésie sur ces paroles;
il prétendait que le Christ n'avait point eu d'âme raisonnable, mais
seulement un corps ayant pour âme la divinité qui gouvernait et dirigeait le
corps. —
Saint Augustin : (cont. Les Ar., ch. 9). Vous
êtes impressionné de ce qu'il est écrit que le Verbe s'est fait chair, sans
qu'il soit question de l'âme ? Mais rappelez-vous que la chair est souvent
mise pour l'homme tout entier en vertu de cette locution figurée qui emploie
la partie pour le tout, comme dans ces paroles : « Toute chair viendra à vous. » (Ps 64) Et dans ces autres : « Nulle chair ne sera justifiée par les
œuvres de la loi. » Ce que l'Apôtre explique plus clairement dans
l'Epître aux Galates : « L'homme ne
sera point justifié par les œuvres de la loi. » (Ga 2) Ces paroles : « Le Verbe s'est fait chair, » ont
donc la même signification que celles-ci : « Le Verbe s'est fait homme. » — Théophylactus : Si l'Evangéliste nomme de préférence la chair, c'est pour nous montrer
la condescendance indicible de Dieu, et nous faire admirer sa miséricorde qui
l'a porté à s'unir pour notre salut, à ce qui est séparé de sa nature par une
distance incommensurable, c'est-à-dire la chair. L'âme, en effet, a quelques
points de proximité avec Dieu. Mais si le Verbe, en s'incarnant, n'avait pas
pris une âme humaine, il s'ensuivrait que nos âmes ne seraient pas guéries,
car le Sauveur n'a sanctifié que ce qu'il s'est uni. C'est l'âme qui, la
première s'est rendue coupable, ne serait-il donc pas ridicule de supposer
qu'il se soit uni la chair pour la sanctifier, tandis qu'il aurait délaissé
la partie la plus noble de l'homme, comme aussi la plus malade ? Ainsi se
trouve encore détruite l'hérésie de Nestorius, qui enseignait que ce n'est
pas le Verbe-Dieu qui s'est fait homme et qui a été conçu du sang d'une
Vierge, mais que la Vierge a enfanté un homme, orné et enrichi de toutes les
vertus, et que le Verbe de Dieu s'était uni. Il concluait de là qu'il y avait
en Jésus-Christ deux fils, l'un né de la Vierge, qui était homme, l'autre né
de Dieu, c'était son Fils, qui était uni à cet homme par les liens de la
grâce et de la charité. L'Evangéliste lui a répondu d'avance, en affirmant
que c'est le Verbe lui-même qui s'est fait homme, et non pas que le Verbe a
fait choix d'un homme vertueux pour s'unir à lui. —
Saint Cyrille d’Alexandrie : (Lett. 8 à Nestor.; 4 dans
l'édit. lat). Le Verbe s'est fait homme en s'unissant une chair animée d'une
âme raisonnable, par une union ineffable et incompréhensible, qui ne fait en
lui qu'une seule personne, et il a été appelé Fils de l'homme, non par suite
d'une simple union de volonté ou de bon vouloir, ni parce qu'il avait pris la
simple personnalité de l'homme, mais par suite de l'union véritable de deux
natures différentes qui n'ont formé qu'un seul Christ et qu'un seul Fils,
sans que cette union étroite ait détruit la différence des deux natures. —
Théophylactus : De ces paroles : « Le Verbe
s'est fait chair, » nous concluons que le Verbe s'est fait homme, et que
tout en demeurant Fils de Dieu, il est devenu fils de la femme, à qui nous
donnons le nom distinctif de mère de Dieu, en tant qu'elle a véritablement
engendré Dieu selon la chair. —
Saint Hilaire : (De la Trin., 10). Il en est
qui veulent que le Fils unique de Dieu, c'est-à-dire, le Dieu Verbe, qui
était en Dieu au commencement, ne soit pas Dieu substantiellement, mais
seulement la parole d'une voix qui s'est produite, c'est-à-dire que le Fils
serait pour Dieu [le Père] ce que la parole est pour ceux qui la profèrent.
Par suite de cette erreur, ils cherchent à nier, par leurs raisonnements
insidieux, que le Verbe-Dieu soit né comme homme et comme Christ, en
demeurant Dieu. Ils donnent à cette conception et à cette naissance une cause
toute naturelle, et refusent de leur reconnaître un caractère mystérieux et
divin, de sorte que dans leur sentiment, le Dieu Verbe n'a pas reçu son
humanité d'un enfantement virginal, mais il a été simplement dans la personne
de Jésus, comme l'esprit de prophétie était dans les prophètes. Ils nous
reprochent d'ailleurs de dire que le Christ, dans sa naissance, n'a pas pris
un corps et une âme [semblables au nôtre], alors que nous professons
hautement que le Verbe fait chair a pris en naissant une nature comme à la
nôtre, et qu'il est vrai fils de Dieu, en même temps qu'il est né vrai Fils
de l'homme. Mais de même qu'il avait reçu de la Vierge un corps qu'il avait
lui-même créé, c'est de lui-même aussi que vient l'âme qu'il s'est unie, et
qui d'ailleurs n'est jamais donnée à l'homme par voie de génération. Or,
puisqu'il est certain qu'il est Fils de l'homme, n'est-il pas ridicule de
supposer en dehors du Fils de Dieu, du Verbe fait chair, je ne sais quel
prophète, animé par le Verbe de Dieu, alors qu'il est certain que le Seigneur
Jésus-Christ est à la fois Fils de Dieu et Fils de l'homme ? —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 10 sur Saint Jean). L'Evangéliste détruit par avance la
fausse idée que ces paroles : « Le
Verbe s'est fait chair, » pourraient faire naître dans certains esprits,
d'un changement ou d'une transformation de cette nature incorruptible, en
ajoutant : « et il a habité parmi nous.
» Car celui qui habite n'est pas une même chose avec le lieu qu'il
habite, il en diffère. Je parle ici de la différence de nature, car en vertu
de l'union étroite qui existe entre les deux natures, le Dieu Verbe fait
chair, ne forme qu'une seule personne sans aucune confusion, comme sans
destruction de ces deux natures. —
Alcuin : Ou bien encore : « Il a habité parmi nous, »
c'est-à-dire, il a vécu [et conversé] parmi les hommes. |
Lectio 15 |
Verset 14
|
[85988] Catena in Io., cap. 1 l. 15 Chrysostomus
in Ioannem. Cum dixisset, quod filii Dei facti sumus, et non aliter quam
per hoc quod verbum caro factum est; rursus ipsius dicit et aliud lucrum et
vidimus gloriam eius : quam utique non vidissemus, nisi per consortium
humanitatis visus esset nobis. Si enim Moysi non sustinuerunt faciem
glorificatam videre, sed velamine opus fuit; qualiter divinitatem nudam
existentem, inaccessibilem etiam ipsis superioribus virtutibus, nos lutei et
terrestres sufferre possemus? Augustinus in Ioannem. Vel aliter. Verbum caro
factum est, et habitavit in nobis, ista nativitate collyrium fecit, unde
tergerentur oculi nostri, ut possimus videre maiestatem eius per eius
humanitatem; et ideo dicitur et vidimus gloriam eius. Gloriam eius nemo
posset videre, nisi humilitate carnis sanaretur. Irruerat enim homini quasi
pulvis in oculum de terra : oculus iste sauciatus erat, et terra illuc
mittitur ut sanetur : caro te obcaecaverat, caro te sanat. Carnalis enim
anima facta erat, consentiendo carnalibus affectibus; inde fuerat oculus
cordis caecatus : medicus fecit tibi collyrium, quoniam sic venit ut de carne
vitia carnis extingueret. Verbum enim caro factum est, ut possis dicere
vidimus gloriam eius. Chrysostomus. Subdit autem, quasi unigeniti a patre
: quia multi prophetarum glorificati sunt, puta Moyses, Eliseus et alii multi
quicumque miracula ostenderunt; sed et Angeli hominibus apparentes, et eam
quae est propriae naturae coruscantem lucem manifestantes, sed et Cherubim et
Seraphim cum multa gloria visa sunt a propheta. Ab omnibus his nos abducens
Evangelista, et supra omnem naturam et conservorum nostrorum claritatem
erigens mentem, ad ipsum nos perducit verticem; quasi dicat : non ut
prophetae aut alterius hominis, vel Angeli, aut Archangeli, aut alicuius
superiorum virtutum, est gloria quam vidimus; sed quasi ipsius regis, ipsius
naturalis filii unigeniti. Gregorius Moralium. In sacro enim eloquio sicut et
quasi aliquando non pro similitudine ponitur, sed pro veritate; unde et
istud, quasi unigeniti a patre. Chrysostomus. Ac si diceret : vidimus gloriam qualem
decebat, et conveniens est habere unigenitum et naturalem filium. Consuetudo
enim multorum, regem valde ornatum videntium, est ut cum aliis enarrantes non
possunt universalem repraesentare claritatem, hoc inducunt : quid oportet
multa dicere? Quasi rex ibat. Sic et Ioannes dicit vidimus gloriam eius,
gloriam quasi unigeniti a patre. Angeli enim apparentes ut servi, et dominum
habentes, omnia agebant; ipse vero ut dominus cum humili forma apparens. Sed
et creaturae dominum cognoverunt, stella magos vocans, Angeli pastores, puer
exultans in utero : sed et pater testatus est de caelis, et Paraclytus super
ipsum advenit; sed et ipsa rerum natura omni tuba clarius clamavit, quoniam
rex caelorum advenerat : etenim Daemones fugiebant, infirmitatis species
solvebantur, mortuos dimittebant sepulchra, et animas a malitia ad virtutis
verticem agebat. Quid utique quis dicat praeceptorum philosophiam, caelestium
legum virtutem, angelicae urbanitatis bonam ordinationem? Origenes. Eius autem quod sequitur, plenum gratiae
et veritatis, duplex intellectus est. Potest enim de humanitate ac divinitate
incarnati verbi accipi; ita ut plenitudo gratiae referatur ad humanitatem,
secundum quam Christus caput est Ecclesiae et primogenitus creaturae
universae : quoniam maximum et principale gratiae exemplum, qua nullis
praecedentibus meritis homo efficitur Deus, in ipso primordialiter
manifestatum est. Potest etiam plenitudo gratiae Christi de spiritu sancto
intelligi, cuius septiformis operatio humanitatem Christi implevit. Plenitudo
vero veritatis ad divinitatem refertur. Origenes in Ioannem. Si vero plenitudinem gratiae et
veritatis de novo testamento mavis intelligere, non incongrue pronuntiabis
plenitudinem gratiae novi testamenti esse per Christum donatam, et legalium
symbolorum veritatem in ipso esse impletam. Theophylactus. Vel plenum gratia, prout eius verbum
gratiosum erat, dicente David : diffusa est gratia in labiis tuis; et
veritate, secundum quod Moyses et prophetae loquebantur aut operabantur in
figura, Christus autem cum veritate. |
—
Saint Jean Chrysostome : (hom. 11 sur Saint Jean). Nous avons donc été faits enfants de
Dieu et en vertu du mystère du Verbe fait chair; l'Evangéliste nous fait
connaître un nouveau bienfait de l'incarnation : « Et nous avons vu sa gloire » ; car jamais nous n'aurions
pu la voir, si lui-même ne s'était manifesté à nous sous une forme semblable
à la nôtre. En effet, si les Hébreux n'ont pu soutenir l'éclat du visage
glorifié de Moïse, qu'il fallut couvrir d'un voile, comment, nous, dont
l'origine et les instincts sont tout terrestres, pourrions-nous soutenir à
découvert la vue de la Divinité, inaccessible même aux vertus supérieures des
cieux. —
Saint Augustin : (Traité 2 sur Saint Jean). Ou bien encore, ces paroles : « Le Verbe s'est fait chair, et il a
habité parmi nous, » nous apprennent que le Verbe a fait du mystère de sa
naissance comme un collyre pour éclaircir les yeux [de notre cœur], et nous
permettre de voir sa Majesté à travers son humanité : « Et nous avons vu sa gloire. » Personne ne pourrait voir sa
gloire, s'il n'était guéri par l'humilité de son incarnation. L'œil de
l'homme était comme obscurci par la poussière soulevée de la terre, il avait
les yeux malades, et Dieu lui met comme de la terre sur les yeux pour les
guérir. La chair vous avait aveuglé, c'est la chair qui vous guérit. L'âme
était devenue charnelle en donnant son consentement aux affections de la
chair, et c'est ainsi que l'œil du cœur avait été aveuglé. Le médecin vous a
fait un collyre en venant revêtu d'une chair mortelle pour réprimer les vices
de la chair, car le Verbe s'est fait chair, afin que vous puissiez dire : « Nous avons vu sa gloire. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 12 sur Saint Jean). Saint Jean ajoute : « comme la gloire du Fils unique. »
C'est, qu'en effet, un grand nombre de prophètes ont été glorifiés, tels que
Moïse, Elisée, et beaucoup d'autres qui ont opéré de grands miracles. Il en
est de même des anges qui, en apparaissant aux hommes, ont fait briller à
leurs yeux la gloire qui est propre à leur nature; c'est ainsi que les
chérubins et les séraphins ont été vus par le prophète, environnés d'une
gloire éclatante. L'Evangéliste nous élève bien au-dessus de cette gloire,
au-dessus de toute nature et de toute gloire créée, et nous conduit jusqu'au
faite de tous les biens. Or voici le sens de ses paroles : La gloire que nous
avons vue n'est pas la gloire d'un prophète, d'un homme ordinaire, ni même
d'un ange, d'un archange, ou de quelqu'une des puissances supérieures, mais
c'est comme la gloire du roi lui-même,
du Fils unique par nature. —
Saint Grégoire : (Moral., 18, 6). En effet,
dans les saintes Ecritures, les particules « de même », « comme »
(sicut, quasi), n'indiquent pas toujours une simple ressemblance,
mais quelquefois une parfaite identité, comme dans ces paroles : « comme du Fils unique du Père. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 12 sur Saint Jean). Comme s’il disait : nous voyons
la gloire telle qu’il le fallait : posséder le Fils unique par nature. Beaucoup
de ceux qui ont vu un roi dans toute sa gloire et sa majesté, dans
l'impuissance où ils sont de rendre comme ils le voudraient l'impression
produite sur eux par tant d'éclat et de splendeur, s'expriment ordinairement
de la sorte : Pourquoi vous en dirai-je davantage ? C'était comme un roi. Saint
Jean s'exprime de la même manière : «
Nous avons vu sa gloire comme, celle du Fils unique du Père. » Lorsque
les anges apparaissaient, c'était toujours comme des serviteurs qui exécutent
les ordres de leur maître; mais le Fils de Dieu, quoique sous une forme pleine
d’humilité, se révèle comme étant le Seigneur. D'ailleurs, les créatures le
reconnaissent comme leur Maître; l'étoile, en appelant les mages [à son
berceau]; les anges, en annonçant sa naissance aux bergers; l'enfant
(Jean-Baptiste), en tressaillant dans le sein de sa mère. Le Père lui-même
lui a rendu témoignage du haut des cieux, et le Paraclet en descendant sur
lui lors de son baptême. Que dis-je, toute la nature a proclamé bien plus
haut que la multitude qu'il était le roi des cieux. Il mettait les démons en
fuite, il guérissait toutes les maladies, faisait sortir les morts de leurs
tombeaux, retirait les âmes de l'abîme du mal pour les conduire au sommet des
plus éminentes vertus. Qui pourrait dire la sagesse de ses préceptes, la
force de ses lois divines et la belle harmonie de la vie toute angélique
qu'il est venu établir parmi les hommes ? — Origène : (hom. 2 sur div. suj). Les
paroles qui suivent : « plein de grâce
et de vérité, » peuvent s'entendre de deux manières différentes, c'est-à-dire
de l'humanité et de la divinité du Verbe incarné. Ainsi la plénitude de la
grâce se rapporterait à l'humanité, par laquelle le Christ est le chef de
l'Eglise et le premier né de toute créature. En effet, c'est en lui que s'est
manifesté le plus grand et le plus merveilleux effet de la grâce, en vertu de
laquelle l'homme est devenu dieu sans aucun mérite de sa part. La plénitude
de la grâce eu Jésus-Christ peut encore s'entendre de l'Esprit saint, dont
les sept dons remplirent l'humanité du Sauveur. (Is 11) La plénitude de la
vérité se rapporte à la divinité. — Origène : Si vous aimez mieux
appliquer au Nouveau Testament cette plénitude de grâce et de vérité, vous
pourriez dire avec beaucoup de vraisemblance que la plénitude de la grâce du
Nouveau Testament nous a été donnée par Jésus-Christ, et que la vérité des
symboles figuratifs de la loi s'est accomplie en lui. — Théophylactus : Ou encore, il est plein de grâce, à cause de la grâce de ses paroles,
comme le prédit David : « La grâce est
répandue sur vos lèvres » (Ps 44); il est plein de vérité, en comparaison
de Moïse et des prophètes qui parlaient ou agissaient eu figure, tandis que
toutes les paroles comme toutes les actions de Jésus-Christ étaient vérité. |
Lectio 16 |
Verset 15 |
[85989] Catena in Io., cap. 1 l. 16 Alcuinus.
Dixerat superius fuisse missum hominem ad perhibendum testimonium; hic
determinat testimonium suum, quod manifeste praecursor pronuntiavit; unde
dicitur Ioannes perhibet testimonium de ipso. Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter hoc inducit; ac
si dicat : non aestimetis quod nos qui fuimus cum eo multo tempore et mensae
ipsius communicavimus, propter gratiam hoc testemur; quia Ioannes, qui antea
eum non viderat, nec ei commoratus fuerat, ei testimonium perhibebat.
Multoties autem Evangelista revolvit eius testimonium, quia multam
admirationem huius viri habebant Iudaei. Et alii quidem Evangelistae
antiquorum meminerunt prophetarum, dicentes : hoc factum est ut impleatur
quod dictum est per prophetam; hic autem altiorem et recentiorem testem
inducit, non intendens a servo dominatorem facere fide dignum, sed auditorum
imbecillitati condescendens. Quemadmodum enim nisi servi formam assumpsisset,
non ita facile susceptibilis factus esset; ita nisi servi voce auditum
conservorum praeexcitasset, nequaquam multi Iudaeorum verbum Christi
suscepissent. Sequitur et clamat; idest, cum propalatione, cum libertate,
sine subtractione omnia praedicat. Non autem a principio dixit, quoniam hic
est filius Dei unigenitus naturalis; sed clamat dicens hic erat quem dixi :
qui post me venit, ante me factus est, quia prior me erat. Quemadmodum enim
matres avium, non confestim pullos suos volationem docent; sed primo quidem
extra nidum educunt, postea vero aliam multo velociorem volationem apponunt;
sic et Ioannes non confestim Iudaeos ad alta duxit, sed interim paululum a
terra eos evolare docuit, dicens, quod Christus melior eo erat; quod non
parum interim erat. Et vide qualiter sapienter inducit testimonium : non enim
solum apparentem Christum monstrat; sed et antequam apparuisset eum
praedicat; quod significatur in hoc quod dicit hic erat de quo dixi. Hoc
autem fecit ut facile susceptibilis esset Christus, hominum mente iam
praedetenta ab aliis quae de eo dicta erant, et nihil ad hoc humilitas
habitus noceret. Ita enim humili et communi omnibus forma Christus utebatur,
ut si simul et verba haec audissent de eo, et eum considerassent, Ioannis
testimonium derisissent. Theophylactus. Dicit autem qui post me venit,
videlicet secundum tempora nativitatis : sex enim mensibus prior Christo
Ioannes erat secundum humanitatem. Chrysostomus. Vel hoc non dicit de
ea generatione quae est ex Maria : iam enim natus erat Christus quando haec a
Ioanne dicebantur; sed de adventu eius ad praedicationem. Dicit autem ante me
factus est; idest, clarior est et honorabilior; ac si dicat : non quia prior
veni ad praedicandum, ex hoc maiorem me esse illo existimetis. Theophylactus. Ariani vero hanc litteram sic
exponunt, volentes ostendere quod Dei filius non est a patre genitus, sed
factus, sicut una alia creatura. Augustinus in Ioannem. Non ergo
intelligitur : factus est antequam ego essem factus; sed antepositus est mihi.
Chrysostomus. Si autem quod dicitur ante me factus
est, de productione ad esse intelligeretur, superfluum esset quod additur
quia prior me erat. Quis enim est ita insipiens ut ignoret quoniam ex quo
ante eum factus est, prior eo erat? Aliter autem e contrario oporteret
dicere, scilicet : prior me erat, quia ante me factus est. Ergo quod dicit
ante me factus est, de honore intelligitur : hoc enim quod futurum erat,
factum dicit, quia consuetudo erat antiquorum prophetarum de futuris quasi de
iam praeteritis loqui. |
—
Alcuin : Nous avons vu plus haut
qu'un homme avait été envoyé pour rendre témoignage; l'Evangéliste rapporte
ici le témoignage que le Précurseur rend publiquement [à l'élévation de
l'humanité en Jésus-Christ et à l'éternité de son existence divine] : « Jean rend témoignage de lui. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 13 sur Saint Jean). Ou bien, tel est le motif qui a
déterminé l'Evangéliste à rapporter ce témoignage : Ne croyez pas,
semble-t-il dire, que c'est pour avoir longtemps vécu avec le Sauveur et nous
être assis à la même table, que nous lui rendons ainsi un témoignage de
reconnaissance; car Jean-Baptiste qui ne l'avait pas vu auparavant, qui
n'avait point vécu avec lui, lui rend le même témoignage. L’évangéliste
revient à plusieurs reprises sur ce témoignage, [et le reproduit avec le plus
grand soin sous différentes formes], parce que les Juifs avaient
Jean-Baptiste en très grande estime. Les autres évangélistes ont invoqué les
oracles des anciens prophètes. « Ceci
s'est fait, disent-ils, afin que
fût accomplie la parole du prophète. » Saint Jean, au contraire, produit
un témoin plus élevé, et aussi plus récent, non qu'il prétende donner du
crédit au Maître par le témoignage du serviteur, mais pour se mettre au
niveau de la faiblesse de ses auditeurs. Si le Fils de Dieu n'eût pris la
forme de serviteur, il n'eût pu être reçu facilement par les hommes; de même
s'il n'eût préparé par la voix de son serviteur l'esprit de ses semblables,
peu de Juifs eussent consenti à recevoir la parole de Jésus-Christ : « Et il dit à haute voix,»
c'est-à-dire qu'il parle publiquement, [avec confiance et] en toute liberté,
et sans rien dissimuler. Toutefois, il ne commence point par dire que Jésus
est le Fils unique de Dieu par nature, mais il dit à haute voix : « Voici celui dont je disais : Celui qui
doit venir après moi, a été fait pins grand que moi, parce qu'il était avant
moi. » Les mères des petits oiseaux n'apprennent pas tout de suite à
voler à leurs petits; ils commencent par les faire sortir de leur nid, puis [les
laissent se reposer, puis les exercent de nouveau, et] enfin leur font
prendre un essor plus rapide dans les airs. Jean-Baptiste fait de même, il ne
porte pas tout d'abord les Juifs à de hautes considérations, mais il les
élève insensi-blement au-dessus de la terre en leur disant que le Christ
était au-dessus de lui, ce qui était un grand point. Et voyez avec quelle
prudence il lui rend témoignage. Il n'attend pas que Jésus soit présent pour
le faire connaître, il l'annonce avant qu'il eût paru [au milieu des Juifs].
C'est ce qu'indiquent ces paroles : «
Voici celui dont je disais, ». Jean-Baptiste agit de la sorte pour
préparer les esprits à recevoir plus facilement Jésus-Christ, sans que
l’esprit des hommes soit tenu éloigné par tout ce qui avait été dit de lui
auparavant et sans être arrêté par l'extrême simplicité de son extérieur. En
effet, le Sauveur avait un extérieur si simple et si ordinaire, que si les
Juifs n'avaient entendu parler de lui qu'après l'avoir vu, ils se seraient
moqués du témoignage de Jean. —
Théophylactus : Il dit : « Celui qui vient après
moi, » dans l'ordre de la naissance temporelle; Jean-Baptiste, en effet,
précédait le Christ de six mois sous ce rapport. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 13). Ou bien encore, il
ne parle pas ici de la naissance de Jésus du sein de Marie; car Jésus était
déjà né, quand Jean-Baptiste tenait ce langage, mais du commencement de sa
vie évangélique. Il dit : « il a été
fait avant moi, » c'est-à-dire qu'il est plus illustre et plus digne
d'honneur. Ne croyez pas, semble-t-il dire, que je sois plus grand que lui,
parce que je le précède dans la carrière de la prédication. — Théophylactus : Les ariens interprètent ce passage, dans ce sens que le Fils de Dieu
n'est pas engendré du Père, mais qu'il a été fait comme toutes les autres
créatures. —
Saint Augustin : (Traité 3 sur Saint Jean). Ces paroles ne veulent donc pas dire
: Il a été fait avant que je fusse fait moi-même, mais il a été placé
au-dessus de moi. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. précéd). Si ces
paroles : « Il a été fait avant moi, »
devaient s'entendre du commencement de l'existence, il serait fort inutile
d'ajouter : « parce qu'il était avant
moi. » Car qui est assez ignorant, pour ne pas savoir que celui qui a été
fait avant lui était avant lui ? Si telle avait été son intention, voici
comme il aurait dû s'exprimer : Il était avant moi, parce qu'il a été fait
avant moi. Ces paroles : « Il a été
fait avant moi, » doivent donc s'entendre d'une priorité d'honneur, et
Jean-Baptiste présente comme étant déjà accompli ce qui devait se faire,
selon la coutume des anciens prophètes qui parlaient des choses à venir comme
si elles étaient déjà passées. |
Lectio 17 |
Versets 16-17
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[85990] Catena in Io., cap. 1 l. 17 Origenes.
Sermo iste in persona Baptistae de Christo testantis prolatus est; quod
plurimos fallit, ex hic usque illuc ille enarravit, credentes in persona
Ioannis apostoli recitari, inconsequens autem est putare, subito et quasi
intempestive interrumpi Baptistae sermonem ex verbo discipuli; et cuique
scienti percipere dictorum collationem, in propatulo constat series dicti;
dixerat enim ob hoc ante me factus est, qui prior me erat. Ex hoc autem
coniecto priorem me fore, quod ex eius plenitudine ego quidem, et ante me
prophetae accepimus gratiam secundam pro prima. Pertigerunt enim et illi post
figuras per spiritum ad veritatis speculationem. Hinc etiam perpendimus ex
plenitudine eius accipientes, legem quidem per Moysen fore datam, gratiam
autem et veritatem per Iesum Christum, nedum fore datam, sed factam; patre
quidem legem dante per Moysen, gratiam et veritatem faciente per Iesum. Sed
si Iesus est qui dicit : ego sum veritas, quomodo veritas fit per Iesum? Sed
intelligendum est, quod ipsa veritas substantialis (ex qua prima veritate et
eius imagine sculptae sunt multae veritates in his qui veritatem tractant)
nequaquam per Iesum Christum facta est, nec prorsus per aliquem; sed veritas,
puta quae consistit in Paulo et apostolis, per Iesum Christum facta est. Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter. Coniungit hic
testimonio Ioannis Baptistae suum testimonium Ioannes Evangelista, dicens et
de plenitudine eius nos omnes accepimus. Non praecursoris est verbum, sed
discipuli; quasi dicat : etiam nos omnes duodecim, et omnis plenitudo
fidelium, et qui nunc sunt, et futurorum, de plenitudine eius accepimus. Augustinus in Ioannem. Quid autem accepistis? Et
gratiam pro gratia : ut nescio quid nos voluerit intelligere de plenitudine
eius accepisse, et insuper gratiam pro gratia : accepimus enim de plenitudine
eius primo gratiam, et rursus accepimus gratiam pro gratia. Quam gratiam
primo accepimus? Fidem. Vocatur enim gratia, quia gratis datur. Hanc ergo
accepit gratiam primam peccator, ut eius peccata dimitterentur; et iterum
gratiam pro gratia; idest, pro hac gratia in qua ex fide vivimus, recepturi
sumus aliam, idest vitam aeternam : vita enim aeterna quasi merces est fidei
: sed quia ipsa fides gratia est, vita aeterna gratia est pro gratia. Non
erat ista gratia in veteri testamento : quia lex minabatur, non opitulabatur;
iubebat, non sanabat : languorem ostendebat, non auferebat, sed praeparabat
medico venturo cum gratia et veritate; unde sequitur quia lex per Moysen data
est; gratia et veritas per Iesum Christum facta est. Mortem enim temporalem
et aeternam occidit mors domini tui : ipsa est gratia quae promissa et non
habita erat in lege. Chrysostomus in Ioannem. Vel accepimus gratiam pro
gratia; idest, pro veteri novam. Sicut enim est iustitia et iustitia, adoptio
et adoptio, circumcisio et circumcisio, ita gratia et gratia; sed illa quidem
ut typus, haec vero ut veritas. Hoc autem induxit, ostendens quoniam et
Iudaei gratia salvabantur, sed et nos omnes gratia salvi sumus :
misericordiae autem et gratiae fuit legem suscipere. Propterea cum dixisset
gratiam pro gratia, ostendens magnitudinem eorum quae data sunt, subdit quia
lex per Moysen data est, gratia et veritas per Iesum Christum facta est. Et
supra quidem Ioannes ad seipsum comparans Christum, ait ante me factus est :
hic autem Evangelista ad eum qui illo tempore magis in admiratione apud
Iudaeos erat quam Ioannes, Christi comparationem facit, scilicet ad Moysen.
Et considera prudentiam. Non personarum, sed rerum comparationem facit,
gratiam et veritatem legi opponens; et huic addit data est, quod ministrantis
erat; huic autem facta est, quod est regis cum potestate omnia operantis : cum
gratia quidem, quia cum potestate omnia dimittebat peccata. Et gratiam quidem
eius Baptismatis donum, et adoptio quae per spiritum nobis datur, et alia
multa ostendunt : veritatem autem plenius sciemus si figuras veteris legis
didicerimus : ea enim quae in novo testamento perficienda erant, in veteri
testamento figurae praescripserunt, quas Christus veniens adimplevit. Unde
figura data est per Moysen, veritas per Christum facta est. Augustinus de Trin. Vel gratiam referamus ad
scientiam, veritatem ad sapientiam : in rebus enim per tempus ortis illa
summa gratia est, quod homo in unitate personae coniunctus est Deo : in rebus
vero aeternis summa veritas recte tribuitur Dei verbo. |
— Origène : (Traité 5 sur Saint Jean). Ces paroles sont la continuation du
témoignage que Jean-Baptiste rend à Jésus-Christ, et beaucoup se trompent en
attribuant les réflexions qui suivent à saint Jean l'Evangéliste, jusqu'à ces
paroles : « Le Fils unique, qui est
dans le sein du Père, nous l'a fait connaître. » C'est faire violence au
texte que de supposer que le discours du Précurseur est interrompu brusquement
et d’une manière quasi intempestive par les réflexions de l'Evangéliste, et
l'enchaînement des paroles est ici visible pour qui est capable de le saisir.
Jean-Baptiste venait de dire : « Il a
été fait plus grand que moi, parce qu'il était avant moi. » Or, [poursuit-il],
je suis porté à croire [et à conclure] qu'il est avant moi, parce que nous
avons reçu, moi, et les prophètes avant moi, une seconde grâce après la
première; car l'esprit de Dieu, après les symboles figuratifs, les a conduits
jusqu'à la contemplation de la vérité. En recevant ainsi de sa plénitude,
nous comprenons que la loi a été donnée par Moïse, et que la grâce et la
vérité ont été données ou plutôt ont été faites par Jésus-Christ; car Dieu le
Père a donné la loi par Moïse, et il a fait la grâce et la vérité par
Jésus-Christ. Mais puisque Jésus a dit : «
Je suis la vérité, » comment la vérité a-t elle pu être faite par lui ?
Nous répondons que la vérité substantielle[, la vérité première] qui est le
principe et le modèle de toutes les vérités qui existent dans l'esprit de
ceux qui enseignent la vérité, n'a été faite ni par Jésus-Christ ni par aucun
autre; la vérité qui a été faite par Jésus-Christ est donc celle que nous
remarquons dans saint Paul et dans les autres Apôtres. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 13 sur Saint Jean). On peut dire encore que saint Jean
l'Evangéliste joint ici son témoignage à celui de Jean-Baptiste. Ainsi ces
paroles : « Et nous avons reçu tous de
sa plénitude, » etc..., ne sont pas les paroles du Précurseur, mais
celles du disciple, et voici quel en est le sens : Et nous autres aussi, les
douze Apôtres, et toute la multitude des fidèles présents et futurs, nous
avons tous reçu de sa plénitude. —
Saint Augustin : (Traité 3 sur Saint Jean). Et qu'avez-vous donc reçu ? « grâce pour grâce, » c'est-à-dire que
nous avons reçu de sa plénitude je ne sais quoi d'ineffable, et ensuite grâce
pour grâce. Ainsi nous avons reçu de sa plénitude d'abord la grâce, et nous
avons reçu ensuite grâce pour grâce. Quelle est la première grâce que nous
avons reçue ? La foi, qui est appelée grâce, parce qu'elle est donnée
gratuitement. Le pécheur a donc reçu cette première grâce qui a été pour lui
le principe de la rémission de ses péchés; et il a de nouveau reçu grâce pour
grâce, c'est-à-dire que, pour cette grâce qui nous fait vivre de la foi, nous
en recevrons une autre, c'est-à-dire la vie éternelle. Car la vie éternelle
est comme la récompense de la foi, et comme la foi est une grâce, la vie
éternelle est aussi une grâce donnée pour une autre grâce. Cette grâce
n'existait pas dans l'Ancien Testament, parce que la loi menaçait sans porter
secours; elle commandait sans guérir, elle montrait le mal sans le faire
disparaître, et se contentait de préparer les hommes à recevoir le médecin
qui devait venir avec la grâce et la vérité. Voilà pourquoi l'Evangéliste
ajoute : « La loi a été donnée par
Moïse, mais la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ, » car la
mort de votre Seigneur a détruit la mort temporelle et la mort éternelle; et
c'est là cette grâce que la loi promettait et ne donnait pas. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 14 sur Saint Jean). Ou bien, nous avons reçu grâce pour
grâce, c'est-à-dire une grâce nouvelle pour la grâce ancienne. De même, en
effet, qu'il y a justice et justice, adoption et adoption, circoncision et
circoncision, il y a aussi grâce et grâce, la première comme figure, la
seconde comme vérité. Jean-Baptiste parle de la sorte pour prouver aux Juifs
qu'eux-mêmes n'étaient sauvés que par grâce, et que nous-mêmes, [tous tant
que nous sommes], nous ne pouvons arriver au salut que par la grâce. Ce fut
donc une véritable grâce, et un acte de miséricorde que la loi qui fut donnée
aux Juifs. Aussi l'Evangéliste, en disant « grâce
pour grâce », voulant faire ressortir la grandeur des dons qui ont
été faits, ajoute : « La loi a été
donnée par Moïse, mais la grâce et la vérité par Jésus-Christ». Il avait
plus haut établi une comparaison entre Jésus-Christ et lui, en disant : « Il a été fait plus grand que moi. »
Ici saint Jean fait cette comparaison entre Jésus-Christ et Moïse qui fut, en
ce temps-là, pour les Juifs l'objet d'une bien plus grande admiration que
Jean-Baptiste. Et voyez quelle est ici sa prudence : Il n'établit pas la
comparaison entre les personnes, mais entre les choses, et il oppose la grâce
et la vérité à la loi, aussi bien que cette expression : « a été donnée, » à cette autre : « a été faite. » Il dit de la loi qu'elle a été donnée, c'était
l'œuvre d'un serviteur [qui transmet ce qu'il a reçu selon l'ordre qui lui a
été imposé]. Ces paroles, au contraire : «
La grâce et la vérité ont été faites, » indiquent un roi qui opère tout
par sa puissance, c'est ce que faisait Jésus : par grâce vraiment, parce que
par sa puissance il remettait tous les péchés. [« Vos péchés vous sont remis
(Mc 2, 9), et encore : « Afin que vous sachiez que le Fils de l'homme a le
pouvoir de remettre les péchés, » etc. (Mc 2, 10 et 11). Vous voyez comme la
grâce a été faite par Jésus-Christ, considérez comment la vérité nous est
aussi venue de la même manière]. Le don du baptême, le bienfait de l'adoption
qui nous est donné par le Saint-Esprit, et une multitude d'autres dons sont
les preuves de la grâce. Quant à la vérité, nous comprendrons mieux [comment
elle est venue par Jésus-Christ], si nous avons une connaissance parfaite des
figures de la loi; car tout ce qui devait s'accomplir dans le Nouveau
Testament a été annoncé et figuré dans l'Ancien, et c'est Jésus-Christ qui
est venu accomplir toutes ces figures. C'est ainsi que la figure a été donnée
par Moïse, et que la vérité a été faite par Jésus-Christ. —
Saint Augustin : (de la Trin., 13, 20). Ou
bien encore, nous pouvons rapporter la grâce à la science, et la vérité à la
sagesse. Parmi les choses qui ont pris naissance dans le cours des temps, la
grâce par excellence qui nous a été donnée, c'est que l'homme ait été uni à
Dieu en unité de personne; et dans les choses de l'éternité, la vérité suprême
et par excellence doit s'entendre du Verbe de Dieu. |
Lectio 18 |
Verset 18
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[85991] Catena in Io., cap. 1 l. 18 Origenes
in Ioannem. Incongrue Heracleon asserit hoc promulgatum fuisse non a
Baptista, sed a discipulo : nam si illud de plenitudine eius nos omnes
accepimus, a Baptista prolatum est, quomodo non est sequens, ipsum de gratia
Christi suscipientem, et secundam pro prima gratia, confitentemque, legem per
Moysen fore traditam, gratiam vero et veritatem per Iesum Christum prodiisse;
intellexisse qualiter Deum nemo vidit unquam, quodque unigenitus, cum in
patris gremio requiescat, interpretationem ipsi Ioanni, nec non omnibus his
qui de perfectione gustaverint, concesserit? Non enim nunc primitus
annuntiavit : nam priusquam Abraham fieret, docet nos Abraham exultasse, ut
videret eius gloriam. Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter. Evangelista
ostendens multam eminentiam donorum Christi ad ea quae per Moysen dispensata
sunt, vult de reliquo causam rationalem differentiae dicere : nam ille quidem
famulus existens, minorum rerum factus est minister; hic vero dominator et
regis filius existens, multo maiora nobis attulit coexistens semper patri, et
videns eum : propter hoc ita intulit, dicens Deum nemo vidit unquam. Augustinus ad Paulinam. Quid ergo est quod Iacob
dicit : vidi dominum facie ad faciem; et quod de Moyse scriptum : quia
loquebatur cum Deo facie ad faciem; et illud quod propheta Isaias loquens de
seipso ait : vidi dominum Sabaoth sedentem in throno? Gregorius Moralium. Sed patenter datur intelligi
quod quamdiu hic mortaliter vivitur, videri per quasdam imagines potest Deus;
sed per ipsam naturae suae speciem non potest; ut anima gratia spiritus
afflata, per figuras quasdam Deum videat; sed ad ipsam vim eius essentiae non
pertingat. Hinc est enim quod Iacob, qui Deum se vidisse testatur, nonnisi
Angelum vidit : hinc est quod Moyses, qui cum Deo facie ad faciem loquitur,
dicit : ostende mihi temetipsum manifeste, ut videam te. Ex qua eius
petitione colligitur, quia eum sitiebat per incircumscriptae naturae suae
claritatem cernere, quem iam coeperat per quasdam imagines videre. Chrysostomus. Si autem antiqui patres ipsam viderunt
naturam, nequaquam differenter considerassent : simplex enim quaedam est et
infigurabilis; non sedet, neque stat, neque ambulat; haec enim corporum sunt
: unde et per prophetam dicit : ego visionem multiplicavi eis, et in manibus
prophetarum assimilatus sum; hoc est, condescendi eis, non quod eram apparui
: quia enim filius Dei per veram carnem appariturus erat nobis, primo
excitavit eos videre Deum, sicut possibile erat eis videre. Augustinus ad Paulinam. Sed cum scriptum sit : beati
mundo corde, quoniam ipsi Deum videbunt, et iterum : cum apparuerit, similes
ei erimus, quoniam videbimus eum sicuti est, quid est quod hic dicitur Deum
nemo vidit unquam? An fortasse respondetur, quod illa testimonia de videndo
Deo sunt, non de viso? Ipsi enim Deum videbunt, dictum est, non viderunt; et
non vidimus, sed : videbimus eum sicuti est : Deum enim nemo vidit unquam :
vel in hac vita sicuti ipse est, vel etiam in Angelorum vita, sicut visibilia
ista quae corporali visione cernuntur. Gregorius Moralium. Si vero a quibusdam potest in
hac corruptibili carne viventibus, sed tamen inaestimabili virtute
crescentibus, quodam contemplationis acumine aeterna claritas Dei videri; hoc
ab hac sententia non abhorret, quoniam quisquis sapientiam, quae Deus est,
videt, huic vitae funditus moritur, ne iam eius amore teneatur. Augustinus super Genesim. Nisi enim ab hac vita
quisque quodammodo moriatur, sive omnino exiens de corpore, sive ita aversus
et alienatus a carnalibus sensibus, ut merito nesciat, sicut apostolus ait
utrum in corpore, an extra corpus sit, non in illam rapitur et subvertitur
visionem. Gregorius. Sciendum vero est, quod fuere nonnulli
qui Deum dicerent in illa regione beatitudinis in claritate sua conspici, sed
in natura minime videri. Quos nimirum minor inquisitionis subtilitas fefellit
: neque enim illi simplici et incommutabili essentiae aliud est claritas,
aliud natura. Augustinus ad Paulinam. Si autem dicitur, in hoc
quod scriptum est Deum nemo vidit unquam, homines tantummodo intelligendos :
nam hoc apostolus planius explicans : quem nemo, inquit, hominum vidit, sed
nec videre potest, ut ita dictum sit Deum nemo vidit unquam, ac si diceretur
: nullus hominum, quaestio illa solvi videbitur, ut non sit huic sententiae
contrarium quod dominus ait : Angeli eorum semper vident faciem patris mei;
ut scilicet Angelos Deum videre credamus, quem nemo vidit unquam, scilicet
hominum. Gregorius. Sunt tamen nonnulli qui nequaquam Deum
videre nec Angelos suspicantur. Chrysostomus in Ioannem. Dicentes, quod ipsum quod
Deus est, non solum prophetae, sed nec Angeli viderunt, neque Archangeli. Sed
si interrogaveris eos, audies de substantia nihil respondentes. Gloria vero
in excelsis Deo non solum cantantes, sed et in terra pax hominibus bonae
voluntatis. Et si a Cherubim et Seraphim concupiveris aliquid discere,
mysticam sanctimonii melodiam audies, et quoniam plenum est caelum et terra
gloria eius. Augustinus ad Paulinam. Quod quidem intantum verum
est, quia Dei plenitudinem nullus non solum oculis corporis, sed vel ipsa
mente aliquando comprehendit. Aliud est enim videre, aliud totum videndo
comprehendere : quandoquidem id videtur quod praesens utcumque sentitur;
totum autem comprehenditur videndo quod ita videtur ut nihil eius lateat
videntem, aut cuius fines circumspici possunt. Chrysostomus. Sic igitur solus patrem videt filius
et spiritus sanctus. Quod enim creabilis est naturae, qualiter poterit videre
quod increabile est? Ita igitur nullus novit Deum, ut filius; unde sequitur
unigenitus filius, qui est in sinu patris, ipse enarravit. Ne propter nominis
communionem unum quemdam eorum qui gratia facti sunt filiorum esse existimes
eum, primo quidem adiectus est articulus. Si vero hoc non sufficit tibi, audi
aliud nomen unigenitus. Hilarius de Trin. Naturae quidem fides non satis
explicata videbatur ex nomine filii, nisi proprietatis virtus per exceptionis
significantiam adderetur; praeter filium enim et unigenitum nihil
cognominans, suspicionem penitus adoptionis exclusit, cum veritatem nominis
unigeniti natura praestaret. Chrysostomus. Sed et aliud posuit, dicens qui est in
sinu patris. Etenim in sinu conversari multo plus est quam simpliciter videre
: nam qui simpliciter videt, non omnino eius quod videt cognitionem habet :
qui vero in sinu conversatur, nihil ignorabit. Cum igitur audieris quod
nullus cognoscit patrem nisi filius, nequaquam dicas, quoniam etsi plus omnibus
novit patrem, sed non quantus est novit eum : propterea Evangelista in sinu
patris eum morari dicit, ut non aestimemus per id aliud significatum quam
familiaritatem unigeniti, et coaeternitatem ad patrem. Augustinus in Ioannem. In sinu enim patris, idest in
secreto patris : non enim Deus habet sinum, quemadmodum nos habemus in
vestibus; aut cogitandus est sic sedere quomodo nos; aut forte cinctus est,
ut sinum haberet : sed quia sinus noster intus est, secretum patris sinus
patris vocatur. Qui ergo in secreto patris novit patrem, ipse enarravit quod
vidit. Chrysostomus in Ioannem. Sed quid enarravit? Quoniam
unus est Deus. Sed et hoc reliqui prophetae et Moyses clamant : quid ergo
plus didicimus a filio in sinibus paternalibus existente? Primum quidem ipsa
haec quae alii narraverunt, sunt enarrata ex operatione unigeniti; deinde
quoniam multo maiorem suscepimus doctrinam per unigenitum, et cognovimus
quoniam spiritus est Deus, et quod eos qui adorant eum, in spiritu et
veritate adorare oportet, et quoniam Deus pater est unigeniti. Beda. Praeterea sciendum, quia si ad praeteritum
referatur quod ait enarravit, homo factus enarravit quid de Trinitatis
unitate sentiendum, qualiter ad eius contemplationem properandum, quibus
actibus sit perveniendum. Si vero referatur ad futurum, tunc enarrabit cum
electos suos ad visionem claritatis suae inducet. Augustinus. Fuerunt autem homines qui dicerent,
vanitate cordis sui decepti : pater invisibilis est, filius autem visibilis
est. Si ergo propter carnem filius visibilis dicitur, et nos concedimus, et
est Catholica fides; si autem, ut ipsi dicunt, antequam incarnaretur, multum
delirant, si Christus sapientia Dei et virtus Dei est : sapientia enim Dei
videri oculis non potest. Si verbum hominis oculis non videtur, verbum Dei
sic videri potest? Chrysostomus. Non igitur soli ipsi proprium est Deum
nemo vidit unquam, sed et filio : quia, ut Paulus dicit, est imago Dei
invisibilis; qui vero invisibilis imago est, et ipse invisibilis est. |
— Origène : (Traité 6 sur Saint Jean). C'est sans aucune raison qu'Héracléon
prétend que ces paroles ne sont point de Jean-Baptiste, mais de
l'Evangéliste. En effet, si les paroles qui précèdent : « Nous avons tous reçu de sa plénitude, » ont été dites par le
saint Précurseur, comment ne pas admettre comme conséquence, que celui qui
avait reçu de la plénitude de Jésus-Christ et une seconde grâce pour la
première, celui qui avait déclaré que la loi avait été donnée par Moïse, et
que la grâce et la vérité étaient venues par Jésus-Christ, ait compris
comment personne n'a jamais vu Dieu, mais que le Fils unique, qui repose dans
le sein du Père, a donné la connaissance de ces mystères, non seulement à
Jean, mais à tous ceux qui marchent dans les voies de la perfection ? Et ce
n'est pas la première fois que celui qui est dans le sein du Père les
révélait, [comme si avant les Apôtres, personne n'avait été digne de recevoir
cette révélation]; car lui qui existait avant qu'Abraham fût fait, nous
apprend qu'Abraham a tressailli du désir de voir sa gloire, et qu'il en a été
rempli de joie. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 15 sur Saint Jean). Ou bien, c'est l'Evangéliste lui-même
qui, pour faire ressortir la prééminence des dons que Jésus-Christ nous a
faits sur ceux dont Moïse a été le dispensateur, nous indique le véritable
motif de cette supériorité. Moïse, simple serviteur, a été le dispensateur de
grâces moins importantes; Jésus, au contraire, le souverain Seigneur et Fils
de roi, a répandu sur nous des grâces d'un ordre bien supérieur, lui dont
l'existence est éternelle comme celle du Père, et qui jouit éternellement de
sa présence. Voila l'explication de ces paroles : « Personne n'a jamais vu Dieu. » —
Saint Augustin : (Lettre 112 à Pauline). Que
signifient donc ces paroles de Jacob : «
J'ai vu le Seigneur face, à face, » (Gn 32) et ce qui est écrit de Moïse,
qu'il parlait à Dieu face à face (Ex 33), et encore ce que le prophète Isaïe
dit de lui-même : « J'ai vu le Seigneur
des armées assis sur un trône ? » (chap. 6) —
Saint Grégoire : (Moral., 28, 18) Ces textes
nous donnant clairement à comprendre que pendant cette vie mortelle, on peut
bien voir Dieu sous certaines figures, mais jamais dans la claire
manifestation de sa nature, c'est-à-dire que l'âme comme inspirée par la
grâce de l'Esprit saint, le voit comme à travers certaines figures, mais sans
pouvoir jamais parvenir à la vue intime de son essence. C'est ainsi que
Jacob, qui affirme qu'il a vu Dieu, n a vu cependant qu'un ange; c'est ainsi
encore que Moïse, qui parlait à Dieu face à face, lui fait cette prière : « Manifestez-vous à moi ouvertement, afin
que je vous voie ». D'où nous pouvons conclure qu'il avait soif de voir
dans toute sa splendeur cette nature infinie qu'il avait commencé à voir dans
des figures imparfaites. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. précéd). Si les
patriarches de l'Ancien Testament avaient véritablement vu la nature divine,
ils ne l'auraient point vue sous des formes différentes, car cette divine
nature est simple et sans figure, on ne peut la supposer ni assise, ni debout,
ni en marche, toutes choses qui ne conviennent qu'aux corps. Aussi écoutez
comment Dieu parle par son prophète : «
J'ai multiplié pour eux les visions, et ils m'ont représenté à vous sous des
images différentes. » (Os 12) C'est-à-dire, je me suis accommodé à leur
faiblesse; je ne leur ai pas apparu tel que j'étais. Comme le Fils de Dieu
devait se manifester à nous dans une chair véritable, il les préparait dès
lors à voir Dieu, autant que cela leur était possible. —
Saint Augustin : (Lettr. à Pauline). Mais
comment concilier ces paroles : «
Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu'ils verront Dieu, » (Mt 5)
et ces autres : « Lorsqu'il apparaîtra,
nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu'il est, »
avec celles-ci : « Personne n'a jamais
vu Dieu » ? On peut répondre que les témoignages qu'on vient de
citer ont pour objet la vision future de Dieu, et non la vision actuelle. Le
texte dit en effet : « Ils verront
Dieu, » et non : Ils ont vu Dieu; de même encore : « Nous le verrons tel qu'il est, » et non pas : Nous l'avons vu.
Or, Jean dit ici : « Personne n'a
jamais vu Dieu, » ou dans cette vie tel qu'il est, ou même dans la vie
des anges, où Dieu n'est pas vu comme le sont les objets extérieurs par les
yeux du corps. —
Saint Grégoire : (Moral., 18, 28). Que
cependant, même dans cette chair corruptible, des âmes qui ont fait
d'immenses progrès dans la vertu puissent voir la splendeur divine avec les
yeux perçants de la contemplation, cela n'est nullement en contradiction avec
ces paroles; car celui qui a le bonheur de voir la sagesse qui est Dieu,
meurt entièrement à la vie présente, et s'affranchit ainsi de toutes ses
affections. —
Saint Augustin : (De la Gen.; explic.
littér., 27) Si, en effet on ne meurt à cette vie soit en se séparant
réellement du corps, soit en se détachant si parfaitement des sens
extérieurs, qu'on puisse dire avec l’Apôtre, qu’on ne sait si on est avec son
corps ou en dehors de son corps (2 Co 12), on ne peut être élevé jusqu'à la
hauteur de cette contemplation. —
Saint Grégoire : (Moral., 18, 28). Il faut
savoir que certains ont prétendu que, même dans cette région du bonheur, Dieu
pourra être vu dans sa gloire, mais nullement dans sa nature. Leurs
recherches plus subtiles qu’ approfondies les ont induits en erreur, car pour
cette essence simple et immuable la gloire n'est pas différente de la nature. —
Saint Augustin : (Lettre à Pauline).
Dira-t-on que ces paroles : « Personne n'a jamais vu Dieu, » doivent
s'entendre des hommes seuls, comme l'explique plus ouvertement l'Apôtre,
quand il dit : « Qu’aucun homme ou que nul homme n'a vu et ne peut voir. »
(1 Tm 6) La difficulté se résout d'elle-même, et ces paroles : « Personne
n’a jamais vu Dieu, » ne sont nullement en opposition avec ces autres du
Sauveur : « Leurs anges voient toujours la face de mon Père, » (Mt 18)
puisque nous croyons en effet que les anges voient Dieu, qu'aucun homme n'a
jamais pu voir. —
Saint Grégoire : (Moral., 18, 28). D'autres
cependant soutiennent qu'il est impossible, même aux anges de voir Dieu. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. précéd). Certainement,
ni les prophètes, ni les anges, ni les archanges, n'ont jamais vu ce qu'est
Dieu en lui-même. Si vous interrogez les anges, vous ne les entendrez pas
parler de la substance divine, ils se contentent de chanter : Non seulement
gloire à Dieu au plus haut des cieux à ceux qui le chantent, mais aussi paix
sur la terre aux hommes de bonne volonté. (Lc 2) Désirez-vous apprendre
quelque chose de plus des chérubins et des séraphins ? Vous n'entendrez
sortir de leur bouche que cette hymne mystérieuse de la sainteté de Dieu : «
Le ciel et la terre sont pleins de sa gloire. » (Is 6) —
Saint Augustin : (Lett. à Pauline). Ces
paroles sont encore vraies en ce sens que personne n'a jamais pu comprendre, non
seulement des yeux du corps, mais par les forces de son esprit, la plénitude
de l'essence divine. Il y a, en effet, une grande différence entre la simple
vision et la compréhension parfaite. Nous voyons ce dont nous apercevons la
présence de quelque manière que ce soit, mais nous comprenons une chose quand
nous la voyons si parfaitement, qu'aucune des parties qui la composent
n'échappe à nos investigations et que nous pouvons en distinguer les limites. —
Saint Augustin : [référence à vérifier] Il n'y a donc que le Fils et l'Esprit saint qui puissent voir le Père,
car comment une simple nature créée pourrait-elle voir une nature incréée ?
Personne donc ne connaît le Père, si ce n'est le Fils : « Le Fils unique,
qui est dans le sein du Père, nous l'a fait connaître. » Et de peur que l’utilisation
du même nom de Fils vous donne à penser qu'il s'agit ici d'un de ceux qui
sont devenus fils de Dieu par sa grâce, l'article précède le mot Fils [(ό
υίος)]. Et si cela ne suffit pas encore, on vous dit que
c'est le Fils unique. —
Saint Hilaire : (De la Trin., 6) Le nom de
Fils ne paraissait pas encore assez explicite pour exprimer la nature divine,
si Jean-Baptiste n'y ajoutait une propriété qui le rend exclusif et
incommunicable. En effet, par l'emploi de ces seuls mots : Fils et unique, il
exclut toute idée d'adoption, puisque la nature divine seule peut remplir
toute la signification de ce nom : unique. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. précéd). Il ajoute
encore une autre preuve de la même vérité : « qui est dans le sein du
Père, » privilège bien supérieur à celui de voir simplement Dieu. Celui
qui ne fait que le voir, n'a pas une connaissance parfaite de ce qu'il voit.
Mais celui qui demeure dans le sein du Père, ne peut rien ignorer [de ce qui
est en Dieu]. Lors donc que vous entendez ces paroles : « Personne ne
connaît le Père, si ce n'est le Fils, » ne les prenez pas dans ce sens
que le Fils a du Père une connaissance supérieure à celle de tous les hommes,
mais qui cependant n'embrasse point l'immensité de son être, car
l'Evangéliste vous dit qu'il demeure dans le sein du Père, pour vous faire
comprendre son union intime avec le Père, et son existence coéternelle avec
lui. —
Saint Augustin : (Tr. 3 sur Saint Jean. ) « dans le sein du Père, »
c'est-à-dire dans le secret du Père, car Dieu n'a pas de sein comme celui que
nous formons avec nos vêtements, il ne s'assoie point comme nous, il ne porte
pas de ceinture qui puisse former un sein. Mais on appelle le secret du Père
le sein du Père, parce que le sein chez nous est comme une partie intime de
nous-mêmes. C'est donc celui qui a connu le Père dans le secret du Père, qui
nous a raconté ce qu'il a vu. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. précéd). Comment nous
l'a-t-il raconté ? En proclamant qu'il n'y a qu'un seul Dieu; mais c'est ce
que Moïse et les prophètes avaient fait avant lui. Que nous a donc fait
connaître de plus le Fils, qui demeurait dans le sein du Père ? Il nous a
enseigné d'abord que les prophètes n'ont annoncé l'existence d'un seul Dieu
que par la vertu du Fils unique; secondement, que nous avons reçu par ce Fils
unique des grâces bien plus grandes et plus abondantes; troisièmement, que
Dieu est esprit, et que ceux qui l'adorent doivent l'adorer en esprit et en
vérité (Jn 4), et enfin que Dieu est le Père du Fils unique. —
Saint Bède : Si on rapporte au passé ce
mot (enarravit), « il a raconté », nous dirons que le Fils de
l'homme nous a fait connaître ce que nous devions penser et croire de l'unité
de la Trinité, comment nous devons nous élever jusqu'à la contemplation d'un
si grand mystère et par quelles œuvres nous pouvons y parvenir. Si on traduit
ce mot au futur (ennarabit), le sens sera que le Fils racontera [ce qu'il a
vu dans le sein du Père], lorsqu'il introduira ses élus dans les célestes
clartés de la vision éternelle. —
Saint Augustin : (Traité 3). Il s'est trouvé
des hommes qui, trompés par la vanité de leur cœur, ont dit : Le Père est
invisible, le Fils, au contraire, est visible. Si dans leur pensée, le Fils
est visible, parce qu'il s'est revêtu d'un corps sensible, nous sommes de
leur avis, et c'est aussi ce qu'enseigne la foi catholique; mais s'ils
prétendent qu'il était visible avant même son incarnation, ils tombent dans
une grave absurdité. Jésus-Christ est la sagesse et la vertu de Dieu, or la
sagesse de Dieu ne peut pas être vue des yeux du corps. La parole, le verbe
de l'homme est invisible pour les yeux de l'homme, comment le Verbe de Dieu
pourrait-il être visible ? —
Saint Jean Chrysostome : (hom. préc). Ce n'est donc
pas au Père seul que se rapportent ces paroles : « Personne n'a jamais vu
Dieu », mais elles sont également vraies du Fils, dont saint Paul a
dit : « Il est l'image du Dieu invisible, » or, celui qui est l'image
d'un être invisible, est invisible lui-même. |
Lectio 19 |
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[85992] Catena in Io., cap. 1 l. 19 Origenes. Secundum legitur hoc testimonium a Ioanne
Baptista de Christo prolatum, incipiente primo illic : hic est de quo dixi,
et desinente ibi : ipse enarravit. Theophylactus. Vel aliter. Postquam superius dixit
Evangelista, quod Ioannes testabatur de Christo : ante me factus est, nunc
subiungit quando praemissum testimonium reddiderit Christo Ioannes; unde
dicit et hoc est testimonium Ioannis, quando miserunt Iudaei ab Hierosolymis
sacerdotes et Levitas ad Ioannem. Origenes. Iudaei quidem ab Hierosolymis, ut cognati
existentes Baptistae de stirpe sacerdotali existentis, sacerdotes et Levitas
destinant, sciscitaturos quis esset Ioannes; eos scilicet qui reputati sunt
secundum electionem ab aliis differre; et ab electo Hierosolymorum loco.
Ioannem itaque quaerunt cum tanta veneratione; erga Christum autem nihil
huiusmodi factum legitur a Iudaeis. Sed quod erga Ioannem Iudaei, hoc Ioannes
erga Christum prosequitur, per proprios discipulos interrogans : tu es qui
venturus es, an alium expectamus? Chrysostomus in Ioannem. Sic autem fide dignum
aestimaverunt esse Ioannem, ut ei de seipso dicenti crederent; unde dicitur
ut interrogarent eum : tu quis es? Augustinus in Ioannem. Non autem mitterent nisi
moverentur excellentia auctoritatis eius, quia ausus est baptizare. Origenes. Ioannes autem, ut videtur, discernebat ex
quaestione, sacerdotum et Levitarum dubitationem, ne forte Christus esset
baptizans; apertius tamen illud profiteri cavebant, ne temerarii putarentur.
Quapropter merito, ut eorum opinio fallax de eo primitus aboleretur, ac
subinde veritas propalaretur, quod non sit Christus ante omnia manifestat;
unde sequitur et confessus est, et non negavit : et confessus est : quia non
sum ego Christus. Hic etiam adiciamus, quia tempus adventus Christi populum
recreabat quodammodo iam praesens existens, legisperitis ex sacris Scripturis
illius tempus speratum colligentibus : propter quod Theodas non modicam multitudinem
quasi Christus congregavit, et post illum Iudas Galilaeus in diebus
professionis. Cum ergo ferventius Christi expectaretur adventus, Iudaei
transmittunt ad Ioannem, per hoc quod est tu quis es? Conicere volentes si
ipse se Christum fateretur. Non autem ex eo quod dicit non sum ego Christus,
negavit : ex hoc enim ipso confessus est veritatem. Gregorius in Evang. Negavit plane quod non erat, sed
non negavit quod erat, ut veritatem loquens, eius membrum fieret cuius sibi
nomen fallaciter non usurparet. Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter. Passi erant
Iudaei quamdam humanam passionem ad Ioannem. Indignum enim aestimabant,
subici eum Christo propter multa quae Ioannis claritatem demonstrabant :
quorum primum erat genus illustre, principis enim sacerdotum filius erat;
deinde dura educatio, humanorum despectio. In Christo autem contrarium
videbatur : genus humile, quod ei exprobrabant dicentes : nonne hic est fabri
filius? Dieta communis, et vestimenta nihil plus multis habentia. Quia igitur
Ioannes continue ad Christum mittebat, volentes magis Ioannem habere
magistrum, mittunt ad eum, opinantes per blanditias eum allicere ad
confitendum se Christum esse. Non ergo quosdam contemptibiles mittunt, ut ad
Christum, ministros et Herodianos, sed sacerdotes et Levitas; et non
quoscumque, sed eos qui erant ex Hierosolymis, hoc est honorabiliores; et ad
hoc mittunt ut interrogarent tu quis es? Non quasi ignorantes, sed volentes
eum inducere ad hoc quod dixi : unde Ioannes ad mentem et non ad
interrogationem eis respondit et confessus est, et non negavit; et confessus
est : quia non sum ego Christus. Et vide sapientiam Evangelistae. Tertio
quasi idem dicit, et virtutem Baptistae indicans, et malitiam et amentiam
Iudaeorum. Devoti enim famuli est, non solum non rapere gloriam domini, sed
oblatam a multis respuere. Turbae quidem ex ignorantia ad hanc venerunt
suspicionem ut Ioannem Christum aestimaret; hi vero a maligna mente, ex qua
interrogabant eum, aestimantes per blanditias attrahere ad hoc quod volebant
: nisi enim excogitassent hoc, respondenti non sum ego Christus, dixissent :
non hoc suspicati sumus, non hoc venimus interrogaturi. Sed capti et
manifesti effecti ad aliud veniunt; unde sequitur et interrogaverunt eum :
quid ergo? Elias es tu? Augustinus. Noverant enim quod praecessurus erat
Elias Christum : non enim alicui ignotum erat nomen Christi apud Hebraeos;
sed non putabant illum esse Christum; nec tamen omnino putaverunt Christum
non esse venturum; et cum sperarent futurum, offenderunt in praesentem.
Sequitur et dixit : non sum. Gregorius in Evang. Ex his verbis nobis quaestio
valde implexa generatur. Alio quippe in loco inquisitus a discipulis dominus
de Eliae adventu, respondit : si vultis scire, Ioannes ipse est Elias.
Requisitus autem Ioannes dicit non sum Elias. Quomodo ergo propheta veritatis
est si eiusdem veritatis sermonibus concors non est? Origenes. Dicet aliquis quod se ignorabat Ioannes
esse Eliam; et hoc nimirum utentur documento qui assistunt iteratae
incorporationis rationi, tamquam anima denuo induente corpora. Quaerunt enim
Iudaei per Levitas ac sacerdotes, an esset Elias, cum iteratae corporis
assumptionis documentum verax arbitrantur, quasi paternum existens, nec
alienum ab arcanorum suorum doctrina. Ob hoc itaque dicit Ioannes : Elias non
sum; nam nescit primaevam vitam propriam. Qualiter autem videtur rationabile,
si tamquam propheta spiritu illuminatus est, et de Deo et unigenito tanta
narravit, ignorasse de seipso an unquam eius anima fuerit in Elia? Gregorius in Evang. Sed si subtiliter veritas ipsa
requiratur, hoc quidem quod inter se contrarium sonat, quomodo contrarium non
sit invenitur. Ad Zachariam namque de Ioanne Angelus dixit : ipse praecedet
ante illum in spiritu et virtute Eliae, quia scilicet sicut Elias secundum
domini adventum praeveniet, ita Ioannes praevenit primum; sicut ille
praecursor venturus est iudicis, ita iste praecursor factus est redemptoris.
Ioannes igitur in spiritu Elias erat, in persona Elias non erat. Quod autem
dominus fatetur de spiritu, hoc Ioannes denegat de persona : quia et iustum
sic erat ut discipulis dominus spiritalem de Ioanne sententiam diceret, et
Ioannes turbis carnalibus non de suo spiritu, sed de corpore responderet.
Origenes. Respondit ergo Levitis et sacerdotibus :
non sum, coniectans propositum quaestionis eorum : non enim sapiebat
praemissa examinatio, si idem spiritus esset in utroque; sed si Ioannes esset
ipse Elias qui assumptus est, nunc apparens, secundum quod a Iudaeis
expectabatur, absque nativitate. Primus autem arbitrans resumptionem
corporum, dicet, quod inconsequens est filium Zachariae tanti sacerdotis in
senio natum, super omnem humanam expectationem, ignorari a sacerdotibus et
Levitis ipsum natum fuisse; maxime Luca testante quod factus est timor in
omnibus habitantibus circa eos. Sed forsan quoniam prope finem Eliam
expectabant ante Christum, quasi tropice sciscitari videntur : an es tu qui
praenuntias Christum venturum? Et caute respondit : non sum. Sed nihil
mirabile. Sicut in salvatore, pluribus scientibus ex Maria nativitatem eius,
quidam fallebantur putantes eum Ioannem Baptistam vel Eliam, aut aliquem
prophetarum; sic et in Ioanne quosdam ortus eius ex Zacharia non latebat; et
quidam dubitabant, si forsan qui expectabatur Elias apparuit in Ioanne.
Quoniam vero cum plures in Israel editi fuerint prophetae, unus de quo Moyses
prophetaverat, praesertim expectabatur, iuxta illud : prophetam vobis
suscitabit Deus ex fratribus vestris : sicut mihi, illi parebitis; tertio
sciscitantur, non si foret propheta simpliciter, sed cum articulo, ut in
Graeco ponitur; unde sequitur propheta es tu? Per singulos enim prophetas
noverat populus Israel neminem eorum fore hunc quem Moyses prophetaverat, qui
sicut Moyses medius staret inter Deum et homines, et accepto testamento a Deo
traderet discipulis. Hoc autem illis nomen non Christo attribuentibus, sed
arbitrantibus alium a Christo ipsum fore, Ioannes scivit quoniam et Christus
ille propheta esset; unde subditur et respondit : non. Augustinus in Ioannem. Vel quia Ioannes maior erat
quam propheta : quia prophetae longe praenuntiaverunt, Ioannes praesentem
demonstrabat. Sequitur dixerunt ergo ei : quis es, ut responsum demus his qui
miserunt nos? Quid dicis de teipso? Chrysostomus in Ioannem. Vides hic vehementius insistentes
et interrogantes; hunc autem cum mansuetudine eas quae non erant verae
suspiciones destruentem, et eam quae est vera ponentem : unde sequitur ait :
ego vox clamantis in deserto. Augustinus. Isaias illud dixit; in Ioanne prophetia
ista completa est. Gregorius in Evang. Scitis autem quod unigenitus
filius verbum patris vocatur. Ex ipsa autem nostra locutione cognoscimus,
quia prius vox sonat, ut verbum possit audiri. Ioannes ergo vocem se asserit
esse, quia verbum praecedit, et per eius ministerium, patris verbum ab
hominibus auditur. Origenes. Ineleganter autem Heracleon de Ioanne et
prophetis considerans, ait, quoniam verbum quidem salvator est, vox autem per
Ioannem intelligitur; solus enim sonus est omnis gradus propheticus. Cui
dicendum, quod si non significativam vocem dederit tuba, nemo se accinget ad
praelium. Si ergo nil aliud quam sonus est vox prophetica, quomodo
transmittit nos ad illam salvator? Scrutamini Scripturas. Dicit autem Ioannes
se esse vocem non clamantem in deserto, sed clamantis in deserto, eius
scilicet qui stabat et clamabat : si quis sitit, veniat ad me, et bibat.
Clamat enim ut distantes auditu percipiant, et gravem habentes auditum
sentiant immensitatem eorum quae dicuntur. Theophylactus. Vel quia veritatem manifeste annuntiat
: omnes enim qui in lege erant, obscure loquebantur. Gregorius. Vel in deserto Ioannes clamat, quia quasi
derelictae ac destitutae Iudaeae solatium redemptoris annuntiat. Origenes. Opus autem vocis in deserto clamantis est
ut anima a Deo destituta, ad rectam faciendam viam domini revocetur,
nequaquam pravitatem serpentini gressus prosequendo : secundum
contemplationem quidem sublimatam in veritate absque permixtione mendacii, et
secundum actionem post congruam speculationem licitum opus referentem; unde
sequitur dirigite viam domini, sicut dixit Isaias propheta. Gregorius. Via domini ad cor dirigitur, cum
veritatis sermo humiliter auditur; via domini ad cor dirigitur, cum ad
praeceptum vita praeparatur. |
Versets 19-23— Origène : (Traité 6 sur Saint Jean). C'est ici le second témoignage que
nous voyons Jean-Baptiste rendre à Jésus-Christ, puisque le premier commence
à ces paroles : « Voici celui dont je disais », et se termine par
ces autres : « C'est lui qui l'a raconté. » — Théophylactus : On peut dire encore que l'Evangéliste, après avoir rapporté le
témoignage rendu par Jean-Baptiste à Jésus-Christ : « Il a été fait plus
grand que moi, » nous fait
connaître maintenant l'époque à laquelle le précurseur a rendu ce témoignage
: « Et tel est le témoignage de Jean, lorsque les Juifs lui envoyèrent, de
Jérusalem, des prêtres et des lévites, etc... » — Origène : (Traité 6). Les Juifs qui envoient cette députation depuis Jérusalem étaient
parents de Jean-Baptiste, comme étant eux-mêmes de race sacerdotale, et ils
envoient pour demander à Jean qui il était, des prêtres et des lévites [de
Jérusalem], c'est-à-dire des hommes élevés au-dessus des autres, et par leur
vocation, et par la ville qu'ils habitaient. Ils s'adressent donc à Jean avec
les marques du plus grand respect, jamais on ne lit que les Juifs agirent de
cette manière à l'égard du Sauveur. Mais la démarche qu'ils font aujourd'hui
auprès de Jean-Baptiste, le précurseur la fit lui-même à l'égard de
Jésus-Christ, en envoyant ses propres disciples lui demander : « Etes-vous
celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 16 sur Saint Jean). Jean-Baptiste était à leurs yeux si
digne de foi, qu'ils étaient disposés à croire au témoignage qu'il rendrait de
lui-même : « Ils envoyèrent pour demander : Qui êtes vous ? » —
Saint Augustin : (Traité 4 sur Saint Jean). Ils ne lui auraient pas envoyé cette
députation, s'ils n'avaient été frappés du caractère de supériorité qui
brillait en sa personne parce qu’il osait donner le baptême. — Origène : (Traité 6 sur Saint Jean).
Jean-Baptiste, semble-t-il, démêlait dans la question des prêtres et des
lévites le doute où ils étaient, s'il n'était pas le Christ qui baptisait,
doute qu'ils se gardaient bien de produire au dehors, de crainte de paraître
téméraires. Aussi s'empresse-t-il tout d'abord de détruire cette opinion
erronée, et de préparer ainsi les voies à la vérité, en déclarant ouvertement
qu'il n'est pas le Christ. « Loin de nier, il déclara : ‘Je ne
suis pas le Christ’ ». Ajoutons que le temps où le Christ devait
venir était pour le peuple juif un temps d'espérance et de joie dont il
jouissait par avance, parce que les docteurs de la loi recueillaient dans les
saintes Ecritures les témoignages qui attestaient que ce temps était proche;
c'est ce qui explique comment Théodas réunit autour de lui une assez grande
multitude de peuple, comme s’il était le Christ, et après lui Judas le
Galiléen, au temps du dénombrement du peuple. (Ac 5) Comme l'avènement du
Christ était alors l'objet des plus ardents désirs, les Juifs envoient
demander à Jean : « Qui êtes-vous ? » pour savoir s'il avouerait qu'il
était le Christ. Or, en disant : « Je ne suis point le Christ », il ne
nie pas, mais au contraire, confesse ouvertement la vérité. —
Saint Grégoire : (hom. 7 sur les Evang). Il
nie clairement ce qu'il n'est pas, mais il ne nie pas ce qu'il est. Son
langage, est celui de la vérité, et il mérite ainsi de devenir le membre de
celui dont il ne voulait pas usurper injustement le nom. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 16 sur Saint Jean). On peut dire encore que les Juifs
avaient à l'égard de Jean-Baptiste, des sentiments beaucoup trop humains. Ils
regardaient comme indigne de lui d'être inférieur au Christ, à cause de
l'éclat extraordinaire qui entourait toutes les circonstances de sa vie, sa
naissance illustre (il était fils du prince des prêtres), son éducation
austère, et le mépris qu'il faisait des choses humaines. Jésus-Christ, au
contraire, paraissait venir d'une famille obscure, comme les Juifs le lui
reprochaient : « Est-ce qu'il n'est pas le fils du charpentier ? » et
sa manière de se nourrir et de se vêtir n'avait rien qui le distinguât des
autres hommes. Or, comme Jean envoyait continuellement à Jésus-Christ, et que
les Juifs cependant auraient voulu l'avoir pour maître, ils lui envoient une
députation, dans l'espérance de l'amener par leurs flatteries, à déclarer
qu'il était le Christ. Ce ne sont donc point des hommes méprisables qu'ils
lui députent (comme lorsqu'ils envoient au Christ des serviteurs et des
hérodiens), mais des prêtres et des lévites, et encore n'étaient-ce pas les
premiers venus, mais des prêtres de Jérusalem, c'est-à-dire les plus
honorables d'entre eux. Ils lui envoient donc demander : « Qui êtes-vous ?
», non pas qu'ils ignorent ce qu'il est, mais parce qu'ils veulent
l'amener à répondre ce que je viens de dire. Aussi Jean-Baptiste répond à
leurs pensées plutôt qu'à leur question : « Il confessa, et il ne le nia
point, il confessa : Je ne suis pas le Christ. » Et voyez la sagesse de
l'Evangéliste, il répète trois fois à peu près la même expression, pour faire
ressortir la vertu de Jean-Baptiste, et la malice insensée des Juifs; car
c'est le devoir d'un serviteur fidèle, non seulement de ne pas ravir la gloire
qui appartient à son maître, mais de la rejeter quand elle lui est offerte,
même par un grand nombre. C'était par ignorance que le peuple conjecturait
que Jean-Baptiste pourrait être le Christ, tandis que c'est avec mauvaise
intention que les prêtres et les lévites lui adressent cette question,
espérant l'amener par leurs flatteries au résultat qu'ils désiraient. Si
telle n'avait pas été leur intention, lorsque Jean leur eut répondu : « Je
ne suis pas le Christ, » ils se fussent empressés de dire : Nous n'avons
jamais eu cette pensée, ce n'est pas ce que nous sommes venus vous demander.
Mais honteux de voir leur pensées ainsi dévoilées, ils passent aussitôt à une
autre question : « Qui êtes-vous donc, lui dirent-ils ? Etes-vous
Elie ?» —
Saint Augustin : (Traité 4 sur Saint Jean). Ils savaient qu'Elie devait précéder
le Christ, car le nom du Christ n'était ignoré de personne chez les Juifs.
Ils ne croyaient pas que Jean-Baptiste fût le Christ, ils n'avaient pas
cependant perdu toute espérance de l'avènement prochain du Christ, et avec
cette espérance, la venue du Christ fut pour eux comme une véritable pierre
de scandale. « Et il répondit : Je ne le suis pas. » —
Saint Grégoire : (hom. 7). Cette réponse
donne lieu à une difficulté assez grande : les disciples de Jésus l'ayant un
jour questionné sur l'avènement d'Elie, il leur répondit : « Puisque vous
voulez le savoir, c'est Jean lui-même qui est Elie. » (Mt 11) Ici on
demanda à Jean-Baptiste lui-même s'il est Elie, et il répond : « Je ne le
suis pas. » Comment peut-il être le prophète de la vérité, si ces paroles
sont en désaccord avec celles de la vérité ? — Origène : (Traité précédent). On dira peut-être que Jean-Baptiste ignorait qu'il
fût Elie, et c'est l'opinion que soutiennent ceux qui adhèrent à la doctrine
de la transmigration des âmes dans de nouveaux corps. Les Juifs lui demandent
donc par les prêtres et les lévites s'il était Elie, parce qu'ils admettent
comme véritable le dogme de la transmigration successive des âmes, dogme
conforme à leurs traditions et à leurs doctrines secrètes; et Jean-Baptiste
leur répond : « Je ne suis pas Elie, » parce qu'il ignore sa première
existence dans un autre corps. Mais comment peut-on supposer raisonnablement
que Jean, qui, comme prophète, a été inondé des lumières de l'Esprit saint,
et nous a révélé de si grandes vérités sur Dieu et sur son Fils unique, ait
pu ignorer que son âme avait autrefois animé le corps d'Elie ? —
Saint Grégoire : (hom. 7). Si l'on veut
examiner à fond cette difficulté, on trouvera le moyen de découvrir que cette
contradiction apparente ne l’est pas. Que dit, en effet, l'ange à Zacharie ? «
Il marchera devant lui dans l'esprit et la vertu d'Elie, » c'est-à-dire
que Jean-Baptiste devait précéder le premier avènement, comme Elie devra un
jour précéder le second; de même qu'Elie sera le précurseur du Juge, ainsi
Jean-Baptiste devait être le précurseur du Rédempteur; Jean-Baptiste était
donc Elie en esprit, mais il ne l'était pas en personne. Ce que le Sauveur
affirme de l'esprit d'Elie, Jean le nie de la personne. Il était juste, en
effet, que le Seigneur parlât de Jean à ses disciples dans un sens spirituel,
tandis que Jean devait répondre au peuple encore grossier, non au sens
spirituel mais au sens charnel. — Origène : Jean répondit donc aux prêtres
et aux lévites : « Je ne le suis pas, » en devinant l'intention
qui avait dicté leur demande. Cette question, en effet, avait pour but de
savoir, non pas s'il avait le même esprit qu'Elie, mais s'il était en réalité
cet Elie qui avait été enlevé dans les cieux, et qui, sans passer par une
nouvelle naissance, apparaissait de nouveau conformément à l'attente des
Juifs. Ceux qui croient à la transmigration des âmes dans de nouveaux corps,
diront qu'il est invraisemblable que des prêtres et des lévites pussent
ignorer la naissance d'un fils que Zacharie, prêtre si distingué, eut dans sa
vieillesse, et ce contre toute attente humaine, surtout lorsque saint Luc
nous atteste qu'à sa naissance, tous les habitants du voisinage furent
remplis de crainte[, et que le bruit de ces merveilles se répandit dans tout
le pays des montagnes de Judée]. Peut-être, comme ils savaient qu'Elie
viendrait avant Jésus-Christ vers la fin du monde, demandent-ils à
Jean-Baptiste, dans le sens figuré : « Est-ce vous qui annoncez l'arrivée
du Christ, qui doit venir [à la fin du monde] ? » Et il répond avec
sagesse : « Non, ce n'est pas moi. » Cela n’a rien d’extraordinaire.
Comme dans le cas du Sauveur : un grand nombre savait que Jésus était né
de Marie, mais quelques-uns ne laissaient pas de tomber dans cette erreur
qu'il pouvait être Jean-Baptiste, ou Elie, ou quelqu'un des prophètes; [il
n'y a donc rien d'étonnant que], tandis que les uns savaient parfaitement que
Jean-Baptiste était fils de Zacharie, d'autres fussent dans le doute s'il
n'était pas le prophète Elie qu'ils attendaient. Mais comme il avait paru
plusieurs prophètes en Israël, l'objet de leur attente était surtout en
prophète que Moïse avait annoncé en ces termes : « Dieu vous suscitera un
prophète du milieu de vos frères, vous lui obéirez comme à moi. » (Dt 5,
5; Ex 24, 7-8). C'est ce qui explique la troisième question qu'ils font à
Jean-Baptiste, non pas s'il était simplement prophète, mais s'il était le
prophète avec l'article, comme porte le texte grec : « Etes-vous le
prophète ? » Le peuple d'Israël savait, qu'aucun des prophètes n'avait
été celui que Moïse avait annoncé, et qui devait, à l'exemple de ce
législateur du peuple de Dieu, être le médiateur entre Dieu et les hommes, et
transmettre à ses disciples le testament ou l'alliance qu'il recevait de
Dieu. Or, tandis que les Juifs refusaient de reconnaître dans Jésus-Christ ce
prophète prédit par Moïse, et voulaient attribuer ce nom à un autre que lui,
Jean savait que Jésus était vraiment ce prophète. Aussi répond-il : « Je
ne le suis pas. » —
Saint Augustin : (Traité précéd). Peut-être
répond-il de la sorte, parce qu'il était plus grand qu'un prophète, les
prophètes ayant prédit le Christ longtemps à l'avance, tandis que Jean le
montrait présent au milieu des hommes. « Ils lui dirent donc : Qui
êtes-vous, afin que nous donnions une réponse à ceux qui nous ont envoyés ? Que
dis-tu de toi-même ?» —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 16 sur Saint Jean). Voyez comme ils insistent et le
pressent de nouvelles questions, et comme Jean-Baptiste leur répond avec
douceur en détruisant toutes leurs fausses idées et leur faisant connaître ce
qu'il était en vérité : « Il répondit : Je suis la voix de celui qui crie
dans le désert. » —
Saint Augustin : (Traité précéd). Cette
prophétie d'Isaïe a reçu son accomplissement dans la personne de
Jean-Baptiste. —
Saint Grégoire : (hom. 7). Vous savez que le
Fils unique de Dieu est appelé le Verbe du Père; or, notre langage nous aide
à nous rendre compte de ce fait, que la voix doit retentir d'abord, pour que
le verbe puisse être entendu. Jean affirme donc qu'il est la voix, parce
qu'il précède le Verbe, et que c'est par son ministère que le Verbe du Père a
été connu des hommes. — Origène : Héracléon, dans ses
réflexions absurdes sur Jean et les prophètes, reconnaît que le Sauveur est
bien le Verbe, et que Jean est la voix, parce que tout prophète n'est qu'un
son. Nous lui répondrons par ces paroles de l'Apôtre : « Si la trompette
ne rend qu'un son confus, qui est-ce qui se préparera au combat ? » (1 Co
14) Si donc la voix des prophètes n'est qu'un son, comment le Sauveur nous
ordonne-t-il de recourir à cette voix ? « Scrutez les Ecritures, nous
dit-il. » (Jn 5, 1). Or, Jean déclare qu'il est non pas la voix qui
crie dans le désert, mais « la voix de celui qui crie dans le désert, »
c'est-à-dire de celui qui se tenait debout et disait à haute voix : « Si
quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive. » (Jn 7) Il parle à
haute voix pour se faire entendre de ceux qui étaient éloignés, et aussi pour
faire comprendre à ceux qui ont l'ouïe dure, l'importance des vérités qu'il
leur enseignait. — Théophylactus : Ou bien encore, Jean est la voix, parce qu'il annonce ouvertement la
vérité, tandis que sous la loi le langage des prophètes était couvert d'obscurité. —
Saint Grégoire : (hom. 7). Ou encore, Jean
criait dans le désert, parce qu'il venait annoncer la consolation du
Rédempteur à la Judée, semblable à un lieu désert et abandonné. — Origène : (Traité précéd). La voix qui crie dans le désert est nécessaire à
l'âme abandonnée de Dieu, pour la ramener dans les voies droites qui
conduisent à lui, sans qu'elle s'égare davantage dans les voies tortueuses du
serpent mauvais, pour l'élever par la méditation jusqu'à la contemplation de
la vérité sans mélange d'erreur, et faire succéder à cette méditation
sérieuse la pratique des bonnes œuvres. Voilà le sens de ces paroles : «
Rendez droite la voie du Seigneur, comme a dit le prophète Isaïe. » —
Saint Grégoire : (hom. 7). La voie du
Seigneur va droit au cœur, lorsqu'on écoute avec humilité la parole de
vérité; elle va droit au cœur lorsqu'elle le prépare à l'accomplissement des
divins préceptes. |
Lectio 20 |
Versets 24-28
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[85993] Catena in Io., cap. 1 l. 20 Origenes. Facta responsione versus sacerdotes et Levitas,
denuo missum est a Pharisaeis; unde dicitur et qui missi fuerant erant ex
Pharisaeis. Quantum enim ex ipso sermone coniecturari contingit, dico tertium
hoc esse testimonium. Vide tamen quomodo iuxta sacerdotalem et leviticam
personam est cum mansuetudine prolatum illud tu quis es? Nihil enim arrogans
vel protervorum in eorum quaestione continetur, sed cuncta decentia veros Dei
ministros. Sed Pharisaei secundum suum nomen divisi et importuni ex discordia
contumeliosas voces praetendunt Baptistae; unde sequitur et dixerunt ei :
quid ergo baptizas, si tu non es Christus, neque Elias, neque propheta? Non
quasi scire volentes, sed prohibere eum a Baptismo. Deinde vero nescio quo
pacto proni ad Baptismum iverunt ad Ioannem. Huius autem solutio est, quia Pharisaei
non credentes accedunt ad Baptisma, sed ex hypocrisi, cum timerent populum.
Chrysostomus in Ioannem. Vel ipsi idem sacerdotes et
Levitae ex Pharisaeis erant. Et quia blanditiis eum non valuerunt
supplantare, accusationem ei immittere tentant, cogentes eum dicere quod non
erat; unde sequitur et interrogaverunt eum, et dixerunt : quid ergo baptizas,
si tu non es Christus, neque Elias, neque propheta? Quasi audaciae videbatur
esse baptizare, si Christus non erat, nec praecursor illius, nec praeco, idest
propheta. Gregorius in Evang. Sed sanctus quisque etiam cum
perversa mente requiritur, a bonitatis suae studio non mutatur. Unde Ioannes
quoque ad verba invidiae praedicamenta respondit vitae; unde sequitur
respondit eis dicens : ego baptizo in aqua. Origenes. Ad illud enim quid ergo baptizas? Quid
aliud afferri decebat, nisi proprium Baptismum carnale praetendere? Gregorius. Ioannes enim non spiritu, sed aqua
baptizat : quia peccata solvere non valebat : baptizatorum corpora per aquam
lavat, sed tamen animas per veniam non lavat. Cur ergo baptizat qui peccata
per Baptismum non relaxat? Nisi ut praecursionis suae ordinem servans,
scilicet qui nasciturum nascendo praevenerat, baptizaturum quoque dominum
baptizando praeveniret; et qui praedicando factus est praecursor Christi,
baptizando etiam praecursor eius fieret imitatione sacramenti; qui inter haec
mysterium redemptionis nostrae annuntians, hanc in medio hominum et stetisse
asserit et nesciri; sequitur enim medius autem vestrum stetit quem vos nescitis
: quia per carnem dominus apparens, et visibilis extitit corpore, et
invisibilis maiestate. Chrysostomus. Hoc autem dixit, quoniam decens erat
Christum commixtum esse populo, ut unum multorum, se ubique humilem esse
docentem. Cum autem dixit quem vos nescitis, scientiam hic cognitionem
certissimam dicit; puta quis est, et unde. Augustinus in Ioannem. Humilis enim non videbatur,
et propterea lucerna accensa est. Theophylactus. Vel medius erat Pharisaeorum dominus;
sed ignorabant eum, quia ipsi Scripturas se scire putabant : et inquantum in
illis praenuntiabatur dominus, medius eorum erat, scilicet in cordibus eorum;
sed nesciebant eum, eo quod Scripturas non intelligebant. Vel aliter. Medius
quidem erat, inquantum mediator Dei existens et hominum Christus Iesus medius
Pharisaeorum extitit, volens illos Deo iungere; sed ipsi nesciebant eum. Origenes. Vel aliter. Hoc edito ego baptizo in aqua,
ad illud quid ergo baptizas? Ad secundum si tu non es Christus? Praeconium de
praecedenti Christi substantia proponit, quod tanta sit ei virtus quod
invisibilis sit sua deitate, cum sit praesens cuilibet et totum per orbem
diffusus : quod notatur ex illo medius vestrum stetit. Hic enim per totam
orbis machinam effluxit, sic ut quae creantur, per ipsum creentur; omnia enim
per ipsum facta sunt : unde palam est quod inquirentibus a Ioanne quid ergo
baptizas? Ipse medius erat. Vel quod dicitur in medio vestrum stetit,
intelligendum est de nobis hominibus. Cum enim simus rationales, in medio
nostrum existit; ex eo quod principale, scilicet cor, in medio totius
corporis insitum est. Qui ergo verbum in medio gerunt, non autem cognoscunt
de illius natura, nec de quo fonte manavit, nec quomodo consistit in eis; hi
verbum in medio sui obtinentes ignorant, quod tamen Ioannes agnovit : unde
exprobrando dicit ad Pharisaeos quem vos nescitis. Quia expectantes Pharisaei
Christi adventum, nihil tam arduum de eo contemplabantur, solum hominem
sanctum existimantes eum esse. Dicit autem stetit : nam stat pater
invariabilis existens et impermutabilis : stat quoque verbum eius ad
salvandum continuo, quamvis carnem suscipiat, quamvis medium hominum stet
invisibile. Ne vero putet aliquis alium esse invisibilem ad omnes homines
venientem, vel ad universum orbem, ab eo qui humanatus est et in terra
comparuit, subdit qui post me venit, hoc est qui post me appariturus est. Non
autem idem denotatur hic per hoc quod dicit post, et cum Iesus nos post se
invitat; illic enim sequi post ipsum praecipitur nobis, ut eius indagando
vestigia, perveniamus ad patrem : hic autem ut pateat quid sequatur ex
Ioannis dogmatibus : venit enim ut cuncti credant per eum, praeparati ad
perfectum verbum per minora. Dicit ergo ipse est qui post me venit. Chrysostomus in Ioannem. Ac si diceret : ne
aestimetis totum in meo consistere Baptismate; si enim meum Baptisma
perfectum esset, alius non veniret post me, aliud Baptisma daturus. Sed haec
praeparatio est illius, et transibit in proximo, ut umbra et imago; sed
oportet eum qui veritatem imponet, venire post me : si enim hoc esset
perfectum, nequaquam secundi locus quaereretur; et ideo subdit qui ante me
factus est, hic est honorabilior et clarior. Gregorius. Sic namque dicitur ante me factus est, ac
si dicatur : antepositus est mihi. Post me ergo venit, quia postmodum natus;
ante me autem factus est, quia mihi praelatus. Chrysostomus. Ne autem existimes comparabilem esse
excellentiam hanc, incomparabilitatem ostendere volens, subiungit cuius ego
non sum dignus ut solvam corrigiam calceamenti; quasi dicat : intantum est
ante me ut ego neque in ultimis ministrorum vocari dignus sim : calceamentum
enim solvere ultimi ministerii res est. Augustinus. Unde et si dignum se diceret tantummodo
corrigiam calceamenti solvere, multum se habuisset. Gregorius in Evang. Vel aliter. Mos apud veteres
fuit ut si quis eam quae sibi competeret, accipere uxorem nollet, ille ei
calceamentum solveret qui ad hanc sponsus iure propinquitatis veniret. Quid
igitur inter homines Christus, nisi sanctae Ecclesiae sponsus apparuit? Recte
ergo Ioannes se indignum esse ad solvendam corrigiam eius calceamenti
denuntiat; ac si aperte dicat : redemptoris vestigia non denudare valeo; quia
sponsi nomen mihi immeritus non usurpo. Quod tamen intelligi et aliter
potest. Quis enim nesciat quod calceamenta ex mortuis animalibus fiant?
Incarnatus vero dominus veniens, quasi calceatus apparuit, qui in divinitate
sua morticina nostrae corruptionis assumpsit. Corrigia ergo calceamenti est
ligatura mysterii. Ioannes ergo solvere corrigiam calceamenti eius non valet
: quia incarnationis mysterium nec ipse investigare sufficit; ac si patenter
dicat : quid mirum si mihi ille praelatus est quem post me quidem natum
considero, sed nativitatis eius mysterium non comprehendo? Origenes in Ioannem. Quidam vero non inepte dixit,
hoc sic intelligendum. Non sum ego tanti ut causa mei descendat a magnalibus,
ac carnem quasi calceamentum suscipiat. Chrysostomus in Ioannem. Et quia Ioannes cum decenti
libertate ea quae de Christo sunt, omnibus praedicabat, propterea Evangelista
et locum designat, dicens haec in Bethania facta sunt trans Iordanem, ubi
erat Ioannes baptizans. Non enim in domo, neque in angulo Christum
praedicabat, sed Iordanem transiens in media multitudine, praesentibus
omnibus qui ab eo baptizabantur. Quaedam vero exemplariorum certius habent in
Bethabora : Bethania enim non ultra Iordanem, neque in deserto erat, sed
prope Hierosolymam. Glossa. Vel duae sunt Bethaniae : una trans
Iordanem, altera citra non longe a Ierusalem, ubi Lazarus fuit suscitatus.
Chrysostomus. Hoc autem et propter aliam causam
designat : quia enim res non antiquas narrabat, sed ante parvum tempus
contingentes, praesentes et videntes testes facit eorum quae dicuntur,
demonstrationem a locis tribuens. Alcuinus. Bethania vero domus obedientiae
interpretatur; per quam innuitur quia per obedientiam fidei omnes ad Baptisma
debent pervenire. Origenes. Bethabora vero interpretatur domus
praeparationis, et convenit cum Baptismo praeparantis domino plebem
perfectam. Iordanis autem interpretatur descensus eorum. Quis autem erit hic
fluvius nisi salvator noster, per quem ingredientem in hunc mundum mundari
convenit, non suum descendentem descensum, sed humani generis? Hic segregat
donatas a Moyse, ab his quae per Iesum donantur, sortes; huius rivuli
laetificant civitatem Dei. Sicut autem draco latitat in Aegyptiaco fluvio,
ita Deus in isto. Pater enim est in filio; et qui proficiscuntur illuc ubi se
lavent, opprobrium Aegypti deponunt, ac apti ad perceptionem hereditatis
parantur, necnon a lepra mundantur, et duplicis capaces sunt gratiae, ac
prompti fiunt ad susceptionem spiritus almi, in aliud flumen nequaquam
descendente spiritali columba. Trans Iordanem vero Ioannes baptizat, ut
praecursor venientis non innocentes sed peccatores vocaret. |
— Origène : (Traité 7 sur Saint Jean). Après que Jean-Baptiste eut fait
cette réponse aux prêtres et aux lévites, les pharisiens l'interrogèrent de
nouveau : « Or, ceux qui avaient été envoyés, étaient des pharisiens.»
Autant qu'il est permis de le conjecturer d'après le contexte, ce fut là le
troisième témoignage. On peut remarquer que les prêtres et les lévites
avaient fait au saint Précurseur une question pleine de convenance et
conforme à leur caractère : « Qui êtes-vous ? » Cette question n'est
ni insolente ni déplacée, tout y est digne de vrais ministres de Dieu. Mais
les pharisiens, justifiant la signification de leurs noms, qui veut dire
divisés, importuns et fâcheux, font à Jean-Baptiste, par esprit de division,
une question blessante : « Ils l'interrogèrent, et lui dirent : Pourquoi
donc baptisez-vous, si vous n'êtes ni le Christ, ni Elie, ni le Prophète ? »
Ce n'est point qu'ils désirent eu savoir la raison, ils veulent tout
simplement l'empêcher de baptiser. Avec cela, je ne sais quel motif les
portait encore à recevoir le baptême de Jean. Pour expliquer cette conduite,
il faut dire que les pharisiens venaient recevoir ce baptême sans y croire,
par hypocrisie, et par crainte du peuple. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 15 sur S, Jean). On peut
dire encore que les prêtres et les lévites eux-mêmes étaient du nombre des
pharisiens; ils n'ont pu triompher de Jean par leurs flatteries, ils
cherchent donc à l'accuser pour le forcer de faire un aveu contraire à la
vérité : « Et ils l'interrogèrent et lui dirent : Pourquoi baptisez-vous,
si vous n'êtes ni le Christ, ni Elie, ni le Prophète ? » Comme si c'était
une témérité [impardonnable] de baptiser, sans être le Christ, ou son
précurseur, ou son héraut, c'est-à-dire un prophète. —
Saint Grégoire : (hom. 7). Mais l'amour de la
bonté dans les saints est à l'épreuve même des questions malveillantes qui
leur sont adressées. Aussi Jean-Baptiste ne répond à ces paroles dictées par
un sentiment de jalousie, que par les enseignements de la vie : « Il leur
répondit : Moi, je baptise dans l'eau. » — Origène : (Traité 8 sur Saint Jean). Quelle
autre réponse convenait-il de faire à cette question : « Pourquoi
baptisez-vous ? » que de bien définir la nature de son baptême qui était
un baptême purement corporel. — Saint
Grégoire : (hom. 7). En effet, Jean-Baptiste ne
baptisait pas dans l'esprit, mais dans l'eau, parce que son baptême ne
pouvait effacer les péchés; ce baptême lavait dans l'eau les corps de ceux
qui venaient le recevoir, mais ne purifiait pas les âmes par le pardon.
Pourquoi donc baptise-t-il, puisque son baptême ne peut remettre les péchés ?
C'était pour remplir encore ici son office de précurseur; sa propre naissance
avait précédé la naissance du Seigneur, son baptême devait aussi précéder le
baptême du Sauveur. Il avait été le précurseur du Christ en l'annonçant aux
Juifs, il était juste qu'il le fût aussi par un baptême qui était la figure
du sacrement du baptême, et qu'en baptisant de la sorte, il annonçât le
mystère de notre rédemption, et déclarât que le Rédempteur se trouvait au
milieu d'eux, sans en être connu : « Mais il y en a un au milieu de vous
que vous ne connaissez pas. » C'est qu'en effet, le Seigneur s'étant
manifesté dans un corps sensible, il était visible dans son corps, et
invisible dans sa majesté. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 16). Jean-Baptiste
parlait de la sorte, parce que le Sauveur était mêlé au peuple, comme un
homme parmi d’autres, pour nous apprendre qu'il voulait en tout pratiquer
l'humilité. Ces paroles : « que vous ne
connaissez pas, » doivent s'entendre d'une connaissance parfaite, qui
s'étendit par conséquent à la nature du Sauveur et à son origine divine. —
Saint Augustin : (Traité 4 sur Saint Jean). Son humilité le couvrait comme d'un
voile qui ne permettait pas de le voir, c'est pour cela qu'il fallut allumer
une lampe. — Théophylactus : Ou bien le Seigneur était au milieu des pharisiens sans en être connu,
parce qu'ils prétendaient savoir les Ecritures; comme le Seigneur s'y trouve
annoncé, il était au milieu d'eux, c'est-à-dire au milieu de leurs cœurs,
mais ils ne le connaissaient pas, parce qu'ils ne comprenaient pas les
Ecritures. Ou bien encore, Jésus-Christ était au milieu des pharisiens, en
tant que médiateur de Dieu et des hommes pour les unir à Dieu, mais les
pharisiens ne le connaissaient pas. — Origène : (Traité 7) Ou bien encore,
après avoir répondu à la première partie de leur question : « Pourquoi baptisez-vous ? » en leur
disant : « Moi, je baptise, dans l'eau,
» il répond à la seconde partie : «
Si vous n'êtes pas le Christ, » en faisant l'éloge de la nature
supérieure et divine du Christ, dont la puissance est si grande qu'il est
invisible dans sa divinité, bien qu'il soit présent partout, et comme répandu
dans tout ce vaste univers, ce qu'il veut exprimer par ces paroles : « Il y en a un au milieu de vous. » En
effet, il est répandu dans tout cet univers, et en pénètre toutes les
parties, tout ce qui est créé ne l'est que par lui; car toutes choses ont été
faites par lui. Il était donc évidemment au milieu de ceux qui demandaient à
Jean-Baptiste : « Pourquoi
baptisez-vous ? » Ou bien encore, ces paroles : « Il y en a un au milieu de vous, » doivent s'entendre de nous
tous; car il est au milieu de nous, en tant que nous sommes des êtres
raisonnables, puisque la partie la plus excellente de notre âme, c'est-à-dire
notre cœur, se trouve au milieu de notre corps. Ceux donc qui portent le
Verbe au milieu d'eux, mais qui ne connaissaient ni sa nature, ni son
origine, ni la manière dont il est en eux, ont le Verbe au milieu d'eux, sans
le connaître. Mais pour Jean, ils le connaissent, de là ce reproche qu'il
leur fait : « [Il y en a un au milieu
de vous] que vous ne connaissez pas. » Les pharisiens qui attendaient la
venue du Christ, n'apercevaient en lui rien d'aussi élevé, et le regardaient
simplement comme un homme saint. [Voilà pourquoi Jean-Baptiste leur reproche
d'ignorer l'excellence et la supériorité du Sauveur]. Il leur dit : « Il se tient au milieu de vous, » car
de même que le Père reste toujours immuable et au-dessus de toute
vicissitude, ainsi le Verbe se tient aussi toujours prêt à nous sauver, c'est
dans ce but qu'il s'est incarné, et qu'il se tient au milieu des hommes comme
invisible [et sans en être connu]. Et pour ne pas laisser à penser que celui
qui est invisible, qui pénètre le cœur de tous les hommes, et l'univers tout
entier, est différent de celui qui s'est incarné et qui s'est manifesté sur
la terre, Jean-Baptiste ajoute : « [C'est
lui] qui doit venir après moi, » c'est-à-dire qui doit se manifester aux
hommes après moi. L'expression après, n'a pas ici le même sens que dans ces
paroles où Jésus nous invite à marcher après lui. (Mt 16; Lc 9) D'un côté, le
Sauveur nous ordonne de le suivre, afin de pouvoir parvenir jusqu'au Père en
marchant sur ses traces; de l'autre, Jean-Baptiste veut nous faire connaître
le but et la fin de sa prédication : il est venu pour préparer les hommes,
par la foi, à recevoir des enseignements plus parfaits que ceux qu'il leur
donnait. C’est pourquoi il ajoute : «
C'est lui qui doit venir après moi » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. préced). C’est-à-dire
: Ne croyez pas que mon baptême contienne toute perfection, s'il en était
ainsi, un autre ne viendrait pas après moi pour donner un baptême différent.
Mon baptême en est la préparation, il passera comme une ombre et une image
pour faire place à la réalité; car il faut que celui qui doit annoncer la
vérité, vienne après moi. Si mon baptême était parfait, il n'y aurait pas
lieu de lui en substituer un second. Aussi a-t-il soin d'ajouter : « qui a été fait plus grand que moi, »
c'est-à-dire qui est plus illustre et plus digne d'honneur que moi. —
Saint Grégoire : Ces paroles : « Il a été fait avant moi, » veulent
dire « il m'a été préféré ». Il vient après moi; parce que sa
naissance a suivi la mienne, mais il a été fait avant moi, parce qu'il a été
placé au-dessus de moi. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 16 sur Saint Jean). Mais Jean-Baptiste ne veut pas
laisser supposer qu'on puisse établir une comparaison entre l’excellence du
Christ et la sienne, et pour montrer que sa gloire est incomparable, il
ajoute : « Je ne suis pas digne de
dénouer la courroie de sa chaussure, » c'est-à-dire : il est
tellement élevé au-dessus de moi, que je ne suis pas digne d'être compté au nombre
de ses derniers serviteurs, car c'est un des derniers offices, que de dénouer
la courroie des chaussures. —
Saint Augustin : (Traité 4 sur Saint Jean). Se juger digne seulement de dénouer
la courroie de sa chaussure, eût déjà été dans Jean-Baptiste un grand acte
d'humilité. —
Saint Grégoire : (hom. préc). On peut encore
donner cette explication. C'était un usage chez les anciens Juifs, que
lorsqu'un homme refusait de prendre pour femme celle que la loi lui faisait
un devoir d'épouser, celui qui devait l'épouser alors par ordre de parenté, déliait
la chaussure au premier. Or, sous quel titre Jésus-Christ s'est-il surtout
manifesté parmi les hommes ? comme l'Epoux de la sainte Eglise. C'est donc
avec raison que Jean-Baptiste se déclare indigne de dénouer la courroie de sa
chaussure, comme s'il faisait ouvertement un aveu : Je ne suis pas digne de
déchausser les pieds du Rédempteur, parce que je ne veux pas usurper
injustement le titre d'époux. On peut encore l'entendre dans un autre sens.
Qui ne sait que les chaussures sont faites de la peau des animaux, que l'on
dépouille après leur mort ? Or, le Sauveur par son incarnation, apparut comme
ayant les pieds couverts d'une chaussure, en unissant sa divinité à notre
nature mortelle et corruptible. La courroie de la chaussure est donc comme le
lien de cette union mystérieuse. Jean-Baptiste ne peut dénouer la courroie de
sa chaussure, parce que lui-même ne peut approfondir le mystère de
l'incarnation, et il semble tenir ce langage : Qu'y a-t-il d'étonnant qu'il ait
été placé au-dessus de moi, lui qui est né, il est vrai, après moi, mais dont
la naissance est pour moi un mystère incompréhensible ? — Origène : Un auteur a donné de ce
passage cette interprétation qui a quelque vraisemblance : Je n'ai pas assez
d'importance pour que le Fils de Dieu descende pour moi des hauteurs des
cieux et se revête d'un corps mortel comme d'une chaussure. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 17 sur Saint Jean). Jean-Baptiste prêchait publiquement
les prérogatives du Christ avec une indépendance pleine de dignité, et
l'Evangéliste désigne le lieu [où il faisait entendre sa voix] : « Ceci se passa à Béthanie, au delà du
Jourdain, où Jean baptisait. » Ce n'est ni dans l'intérieur d'une maison,
ni dans un lieu retiré qu'il annonçait Jésus-Christ, c'était au-delà du
Jourdain, au milieu d'une nombreuse multitude, et en présence de ceux qu'il
avait baptisés. Quelques exemplaires portent, et peut-être avec plus de
raison : « A Bethabara, » car
Béthanie n'est ni au delà du Jourdain, ni dans le désert, mais près de
Jérusalem. — La Glose : Ou
bien, il faut admettre deux endroits du nom de Béthanie, l'un au delà du
Jourdain, et l'autre non loin de Jérusalem, et où Lazare fut ressuscité. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 17). C'est encore pour
un autre motif que l'Evangéliste fait connaître le nom du lieu où Jean
baptisait. Il racontait des faits dont la date n'était pas éloignée, et
remontaient à quelque temps seulement auparavant; il appelle donc en
témoignage de la véracité de son récit ceux qui avaient été les témoins
oculaires de ces faits, qu'il confirme par la désignation des lieux où ils se
sont passés. —
Alcuin : Béthanie signifie maison
d'obéissance, ce qui nous apprend que c'est par l'obéissance de la foi, que
tous les hommes doivent parvenir au baptême. — Origène : (Traité 7 sur Saint Jean. ) Béthabora signifie encore maison de
la préparation, et cette signification se rapporte parfaitement au baptême de
Jean, qui avait pour fin de préparer au Seigneur un peuple parfait. Le mot
Jourdain veut dire leur descente; or, quel est ce fleuve, si ce n'est notre
Sauveur qui purifie tous ceux qui entrent dans le monde, en descendant et en
s'humiliant non pour lui-même, mais dans la personne du genre humain. Ce
fleuve sépare les terres et les villes données par Moïse, de celles qui ont
été données par Josué, et les eaux rapides de ce fleuve portent la joie dans
la cité de Dieu. (Ps 45, 5) De même que le serpent se cache dans le fleuve
d'Egypte, ainsi Dieu se cache dans ce fleuve, car le Père est dans le Fils,
et ceux qui viennent pour se purifier dans ses eaux, se dépouillent de
l'opprobre de l'Egypte, et se rendent dignes d'avoir part à l'héritage, ils
sont purifiés de la lèpre, et ils méritent de recevoir une double grâce et de
voir descendre en eux l'Esprit de Dieu, car la colombe spirituelle ne descend
point sur un autre fleuve. C'est au delà du Jourdain que Jean donne son
baptême, comme précurseur de celui qui venait appeler non les justes, mais
les pécheurs. |
Lectio 21 |
Versets 20-31 |
[85994] Catena in Io., cap. 1 l. 21 Origenes.
Post testimonium Ioannis, iam videtur Iesus veniens ad eum, non solum
adhuc perseverantem, sed et potiorem effectum : quod per diem secundariam
designatur; unde dicitur altera die vidit Ioannes Iesum venientem ad se.
Pridem autem Iesu mater protinus ut illum concepit, ad matrem Ioannis
praegnantem proficiscitur, et per vocem pervenientem ad aures Elisabeth ex
Mariae salutatione exultat Ioannes conceptus in utero; hic autem post Ioannis
testimonium, ipse videtur a Baptista, accedens ad eum. Prius autem auditu
aliorum instruitur aliquis, ac deinde oculate inspicit illa. Per hoc autem
quod Maria ad Elisabeth venit minorem, et filius Dei ad Baptistam, ad
fervorem opitulandi minoribus, et ad modestiam admonemur. Verum unde ad
Baptistam venit salvator, non hic dicitur; sed ex dictis Matthaei colligimus
dicentis : tunc venit Iesus a Galilaea ad Iordanem ad Ioannem, ut
baptizaretur ab eo. Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter. Matthaeus
adventum Christi ad Baptismum praesentialiter dicit; Ioannes autem, et rursus
eum ivisse ad Ioannem ostendit post Baptisma; et hoc manifestat quod postea
dicit quia vidi spiritum descendentem et cetera. Partiti enim sunt sibi
Evangelistae tempora narrationis : Matthaeus enim ea quae antequam ligaretur
Ioannes Baptista praeteriens, festinat ad ea quae deinceps sunt tempora; sed
Ioannes his maxime immoratur, quae scilicet ante incarcerationem Ioannis
fuerunt; unde hic dicitur altera die vidit Ioannes Iesum venientem ad se.
Cuius igitur gratia secundo post Baptismum ad eum veniebat? Quia ipsum
baptizaverat cum multis; ut nullus suspicetur quoniam ex eadem causa ex qua
et alii, ad Ioannem veniret; puta peccata confessurus, aut in poenitentiam
abluendus in flumine. Propterea ergo accedit, dans Ioanni occasionem corrigendi
hanc suspicionem, quam Ioannes per verba correxit; unde sequitur et ait :
ecce agnus Dei, ecce qui tollit peccatum mundi. Qui igitur ita purus erat ut
aliorum peccata absolvere posset, manifestum est quoniam non ut confiteretur
peccata accedit, sed ut occasionem det Ioanni loquendi de ipso. Venit etiam
secundo, ut hi qui priora audierant, certius recipiant quae praedicta sunt,
et alia rursus audiant. Dicit autem ecce agnus Dei, innuens quod hic est qui
olim quaerebatur, rememorans prophetiae Isaiae, et umbrae quae secundum
Moysen erat, ut a figura facilius eos ducat ad veritatem. Augustinus in Ioannem. Si autem agnus Dei est
innocens, et Ioannes agnus; an non et ipse est innocens? Sed omnes ex illa
propagine veniunt de qua cantat gemens David : ego in iniquitatibus conceptus
sum. Solus ergo ille agnus qui non sic venit : non enim in iniquitate
conceptus est, nec in peccatis mater eius eum in utero aluit, quem virgo
concepit, virgo peperit, quia fide concepit, et fide suscepit. Origenes in Ioannem. Sed cum quinque offerantur
animalia in templo : tria terrestria : vitulus, ovis et capra; volatilia vero
duo : turtur et columba; et de ovibus tria adducantur : aries, ovis, agnus;
de genere ovium agnum memoravit : agnum enim in oblationibus quotidianis
offerri videmus, unum quidem mane, alterum vero vespere. Quaenam autem
oblatio alia potest esse quotidiana a rationali natura comprehendenda, nisi
verbum vigens, agnus typice nuncupatum? Hoc nempe censebitur oblatio matutina
ad frequentiam intellectus in divinis relatum : neque enim anima pati potest
ut summis iugiter insistat, eo quod corporis terrestris et gravis coniugium
est sortita. Ex hoc etiam verbo quod Christus est agnus, coniectare de
pluribus poterimus : et quodammodo vespere pertingemus ad corporalia
procedentes. Qui autem hunc obtulit agnum ad immolandum, Deus fuit in homine
reconditus, magnus sacerdos, qui dixit : nemo tollit animam meam a me, sed
ego pono eam; unde dicitur agnus Dei : ipse enim nostros languores accipiens,
totius mundi tollens peccata, mortem quasi Baptismum suscepit. Apud Deum enim
non pertransit incorrectum quidquid agimus quod disciplina indigeat, quae per
difficilia exercetur. Theophylactus. Vel dicitur Christus agnus Dei,
inquantum Deus pater mortem Christi acceptavit pro nostra salute, vel
inquantum eum pro nobis tradidit morti : sicut enim dicere consuevimus : haec
oblatio est talis hominis, idest quam talis homo obtulit; sic et Christus
dicitur agnus Dei, dantis scilicet filium suum pro nostra salute in mortem.
Et ille quidem agnus typicus nullius omnino peccatum sustulit; hic vero
peccatum universi orbis terrarum : periclitantem enim mundum eruit ab ira
Dei; unde subdit ecce qui tollit peccatum mundi. Non autem dixit : qui
tollet, sed qui tollit peccatum mundi, quasi semper hoc faciente ipso : non
enim tunc solum tulit cum passus est, sed ex illo tempore usque ad praesens
tollit, non semper crucifixus; unam enim pro peccatis obtulit oblationem, sed
semper purgans per illam. Gregorius Moralium. Tunc autem ab humano genere
plene peccatum tolletur, cum per incorruptionis gloriam nostra corruptio
permutabitur : esse namque a culpa liberi non possumus, quousque in corporis
morte tenemur. Theophylactus. Sed quare non dixit : peccata mundi,
sed peccatum? Ut videlicet per hoc quod dixit peccatum, universaliter
peccatum videretur innuere; sicut consuevimus dicere, quod homo eiectus est
de Paradiso, idest omne genus humanum. Beda. Vel peccatum mundi dicitur originale peccatum,
quod est commune totius mundi; quod quidem peccatum originale et singulorum
superaddita Christus per gratiam relaxat. Augustinus. Qui enim de nostra natura peccatum non
assumpsit, ipse est qui tollit nostrum peccatum. Nostis, quia quidam homines
dicunt : nos tollimus peccata ab hominibus quia sancti sumus : si enim non
fuerit sanctus qui baptizat, quomodo tollit peccatum alterius, cum sit ipse
homo plenus peccato? Contra istas disputationes hic legamus ecce qui tollit
peccatum mundi, ut non sit praesumptio hominibus in homines. Origenes. Sicut tamen iugi oblationi agni cognatae
sunt reliquae oblationes legales, sic huius agni oblationi cognatae
oblationes videntur mihi effusiones sanguinis martyrum, quorum patientia et
confessione et promptitudine ad bonum, obtunduntur machinationes impiorum.
Theophylactus. Quia vero superius illis qui ex
Pharisaeis venerant Ioannes dixerat quod medius vestrum stat quem vos
nescitis, hic ignorantibus demonstrat, dicens hic est de quo dixi : post me
venit vir qui ante me factus est. Vir dominus dicitur propter aetatis
perfectionem : nam triginta annorum baptizatus est; vel quia spiritualis
animae vir est, et Ecclesiae sponsus; unde Paulus : despondi vos uni viro
virginem castam exhibere Christo. Augustinus in Ioannem. Post me autem venit, quia
posterior natus est; ante me factus est, quia praelatus est mihi. Gregorius in Evang. Praelationis autem eius causas
aperit, cum subiungit quia prior me erat; ac si aperte dicat : inde me etiam
post natus superat quo eum nativitatis suae tempora non angustant : nam qui
per matrem in tempore nascitur, sine tempore est a patre generatus. Theophylactus. Ausculta, o Ari. Non dixit : quia
prior me creatus est, sed quia prior me erat. Audiat hoc Pauli Samosateni
abusio, quod non ex Maria sumpsit primordium; quia si essendi principium
sumpsit ex virgine, qualiter prior extitit praecursore? Nam manifestum est
quod praecursor Christum in sex mensibus superabat secundum humanam
generationem. Chrysostomus in Ioannem. Ut autem non videatur ex
amicitia propter cognationem ei testimonium perhibere, quia cognatus eius
erat secundum carnem, propterea dicit ego nesciebam eum. Et secundum rationem
hoc contingit : etenim in deserto conversatus est Ioannes. Miracula vero
quaecumque Christo puero existente facta sunt, puta quae circa magos, et
quaecumque talia, ante multum contigerant tempus, Ioanne et ipso valde puero
existente. In medio vero tempore ignotus omnibus existebat; propter quod
subdit sed ut manifestetur in Israel, propterea veni ego in aqua baptizans.
Hinc enim manifestum est quoniam et illa signa quae quidam dicunt a Christo
in pueritia facta, mendacia et fictiones sunt. Si enim a prima aetate
miracula fecisset Iesus, nequaquam neque Ioannes eum ignorasset, nec reliqua
multitudo indiguisset magistro ad manifestandum eum. Non igitur ipse Christus
Baptismate indigebat, neque aliquam aliam causam habebat illud lavacrum quam
praemonstrationem facere eius fidei quae est in Christum. Non enim dixit : ut
mundem eos qui baptizantur, neque : ut liberem a peccatis, veni baptizans; sed
ut manifestetur in Israel. Sed numquid sine Baptismate non licebat praedicare
et inducere turbas? Sed facilius ita factum est : nequaquam enim cucurrissent
omnes, si sine Baptismate praedicatio facta esset. Augustinus in Ioannem. Ubi ergo cognitus est dominus,
superfluo ei via parabatur, quia cognoscentibus se, ipse factus est via.
Itaque non duravit diu Baptisma Ioannis, sed quoadusque demonstratus est
dominus humilis. Ergo ut daretur nobis a domino humilitatis exemplum ad
percipiendam salutem Baptismi, suscepit Baptismum servi; et ne praeponeretur
Baptismus servi Baptismo domini, baptizati sunt alii Baptismo conservi. Sed
qui baptizati sunt Baptismo conservi, oportebat ut baptizarentur Baptismo
domini; qui autem baptizantur Baptismo domini, non opus habent Baptismo
conservi. |
— Origène : (Traité 6 sur Saint Jean). Après ce témoignage de Jean-Baptiste,
nous voyons Jésus venir à lui; le Précurseur, non seulement persévère dans
son témoignage, mais il expose des effets plus merveilleux encore [de la
venue du Rédempteur], et qui sont comme figurés par le second jour dont il
est question : « Le jour suivant, Jean
vit Jésus venant à lui. » Autrefois la mère de Jésus, aussitôt qu'elle
l'eut conçu, était allé visiter la mère de Jean qui était enceinte, et aussitôt
que la voix de Marie, qui saluait sa parente, eut frappé les oreilles
d'Elisabeth, Jean tressaillit dans le sein de sa mère. Ici, après le
témoignage de Jean-Baptiste, celui-ci voit venir à lui et s'approcher de lui
Jésus lui-même. Il est dans l'ordre que l'homme soit d'abord instruit par le
témoignage des autres, avant de juger par ses yeux [de la vérité de ce qui
lui a été enseigné]. La visite de Marie à Elisabeth, qui était son
inférieure, et la démarche du Fils de Dieu, qui vient trouver Jean-Baptiste,
nous apprennent l'humilité et le zèle avec lequel nous devons nous rendre
utiles à ceux qui sont nos inférieurs. Nous ne voyons pas ici de quel endroit
le Sauveur vint trouver Jean-Baptiste, mais nous pouvons le conclure de ces
paroles de saint Matthieu : « Alors
Jésus vint de la Galilée sur les bords du Jourdain, pour être baptisé par
lui. » (Mt 2) —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 17). Ou bien, saint
Matthieu raconte l'arrivée de Jésus-Christ [sur les bords du Jourdain] pour
recevoir le baptême, et saint Jean une autre démarche du Sauveur pour se
rendre près de Jean-Baptiste après son baptême, c'est ce que semble indiquer
la suite de son récit : « J'ai vu
l'Esprit descendre du ciel comme une colombe, etc... » Les Evangélistes se sont comme partagé, en effet, les
diverses époques de la vie de Jésus. Saint Matthieu passe sous silence tous
les faits qui ont précédé la prison de Jean-Baptiste, et passe immédiatement
aux événements qui l'ont suivie; tandis que saint Jean s'attache surtout à
raconter les faits qui ont eu lieu avant que le Précurseur fût incarcéré.
C'est ce qu'il fait en ces termes : «
Le lendemain, Jean vit Jésus venir à lui ». Pourquoi Jésus vient-il
trouver Jean-Baptiste une seconde fois après son baptême ? parce que le
Sauveur avait été baptisé avec un grand nombre d'autres, et qu'il ne voulait
pas qu'on pût soupçonner qu'il était venu trouver Jean-Baptiste pour le même
motif que les autres, c'est-à-dire pour confesser ses péchés, ou recevoir
dans le Jourdain le baptême de pénitence. Il revient donc trouver
Jean-Baptiste, pour lui donner occasion de détruire ce soupçon, ce que Jean
fait en ces termes : « Et il dit :
Voici l'Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde. » Il était de toute
évidence, en effet, que celui dont la pureté devait effacer les péchés des
autres, ne venait pas pour confesser ses péchés, mais pour donner occasion à
Jean-Baptiste de lui rendre témoignage. Disons encore qu'il vient une seconde
fois pour confirmer la vérité des premiers témoignages dans l'esprit de ceux
qui les avait entendus, et les préparer à en recevoir d'autres. Jean-Baptiste
dit : « Voici l'Agneau de Dieu, »
pour signifier que c'est cet Agneau qui était autrefois attendu, pour
rappeler la prophétie d'Isaïe, les symboles figuratifs de la loi ancienne, et
conduire ainsi plus facilement les hommes à la vérité par les figures. —
Saint Augustin : (Traité 4 sur Saint Jean). Si un agneau est innocent, et que
Jean soit un agneau, n'est-il pas innocent par là même ? Mais tous les hommes
descendent de cette race coupable dont David disait en gémissant : « Voici que j'ai été conçu dans
l'iniquité. » (Ps 50) Il n'y a donc que cet Agneau qui ne soit point né
de cette race. Il n'a point été conçu dans l'iniquité, et sa mère ne l'a
point nourri dans son sein d'un sang impur. Il a été conçu par une vierge,
enfanté par une vierge, parce qu'elle l'a conçu par la foi, et que c'est par
la foi qu'elle lui a donné le jour. — Origène : (Traité 6 sur Saint Jean). On offrait dans le temple comme
victimes cinq espèces d'animaux, trois choisies parmi les animaux terrestres,
le veau, la brebis et la chèvre, deux parmi les oiseaux, la tourterelle et la
colombe. L'espèce ovine en fournissait trois : le bélier, la brebis et
l'agneau, et parmi ces trois derniers, Jean-Baptiste choisit l'agneau comme
figure du Sauveur, parce que nous voyons que l'agneau était la victime des
sacrifices qu'on offrait chaque jour, l'un le matin et l'autre le soir. Or,
quel est ce sacrifice que la nature raisonnable doit offrir à Dieu chaque
jour, si ce n'est le Verbe toujours plein de force, [de vie et de beauté,] et
qui nous est ici représenté sous la figure d'un agneau ? C'est lui qui sera
notre sacrifice du matin, qui applique notre intelligence à la méditation des
vérités divines, car notre âme ne peut toujours être appliquée à des choses
aussi relevées, à cause de son étroite union avec ce corps mortel qui
l'appesantit. De cette vérité que Jésus-Christ est un agneau, nous pourrions
tirer encore plusieurs conséquences très utiles, et nous arriverions ainsi
jusqu'au sacrifice du soir, qui représente les choses corporelles. Or, celui
qui a offert cet agneau en sacrifice, c'est Dieu qui était comme caché dans
l'homme; c'est le grand-prêtre qui a dit : « Personne ne m'ôte la vie, mais je la donne de moi-même, » (Jn
10) et c'est pour cela qu'il est appelé l'Agneau de Dieu; car il a pris sur
lui toutes nos infirmités (Is 53); il a effacé tous les péchés du monde (1 P
2); et a reçu la mort comme un baptême. (Lc 12) Dieu, en effet, ne laisse
passer sans les reprendre [et les châtier] aucune de nos actions contraires à
sa loi, et ce n'est qu'au prix des plus grands efforts qu'elles peuvent être
ramenées à cette règle divine. —
Théophylactus : Ou bien encore, Jésus-Christ est appelé l'Agneau de Dieu, en ce sens
que sa mort a été acceptée par Dieu le Père pour notre salut, ou parce qu'il
l'a livré lui-même à la mort pour nous sauver. C'est ainsi que nous avons
coutume de dire : « Cette offrande est de tel homme, » c'est-à-dire que cet
homme l'a offerte; de même Jésus-Christ est appelé l'Agneau de Dieu, parce
que Dieu a offert son Fils à la mort pour notre salut. L'agneau figuratif n'a
effacé le péché d'aucun homme; l'Agneau véritable a effacé le péché du monde
tout entier qu'il a délivré de la colère de Dieu, aux châtiments de laquelle
il était exposé. C'est pour cela que Jean-Baptiste dit : « Voici celui qui efface le péché du monde. » Il ne dit pas : Qui
effacera, mais : « qui efface les
péchés du monde, » c'est-à-dire qu'il continue toujours de le faire. Ce
n'est pas seulement dans sa passion [et sur la croix] qu'il efface le péché
du monde, il n'a cessé de l'effacer depuis sa mort jusqu'à présent, il n'est
pas toujours crucifié, il est vrai, puisqu'il n'a offert qu'un seul sacrifice
pour nos péchés, mais il ne cesse de les effacer par la vertu de ce
sacrifice. —
Saint Grégoire : (Moral., 8, 20). Il ôtera
entièrement le péché du genre humain, lorsque notre corruption sera remplacée
par la glorieuse incorruptibilité; car nous ne pouvons être affranchis de
tout péché tant que nous sommes retenus captifs dans ce corps de mort. — Théophylactus : Mais pourquoi dit-il : « le
péché du monde, » et non pas : les péchés du monde ? C'est pour renfermer
dans cette dénomination générale l'universalité des péchés, comme lorsque
nous disons : l'homme a été chassé du paradis, pour dire : le genre
humain tout entier. —
Saint Bède : Ou bien, le péché du monde
signifie le péché originel, qui est commun au genre humain tout entier. Or,
c'est ce péché originel, et tous ceux que les hommes y ont ajoutés, que
Jésus-Christ efface par sa grâce. —
Saint Augustin : (Traité 4 sur Saint Jean). Celui qui, en prenant notre nature,
n'a point pris notre péché, est celui-là même qui efface notre péché. Vous
savez qu'il est des hommes qui tiennent ce langage : Nous remettons les
péchés aux hommes, parce que nous sommes saints; car si celui qui baptise n'a
pas la sainteté, comment peut-il effacer le péché d'un autre, lui dont l'âme
est souillée par toute sorte de péchés ? A ces prétentions, nous nous
contentons d'opposer ces paroles : «
Voici celui qui efface le péché du monde, » paroles qui détruisent toute
confiance présomptueuse dans les hommes. — Origène : (comme préced). De même qu'au sacrifice de l'agneau figuratif les
autres sacrifices prescrits par la loi se trouvaient joints par un lien
étroit, ainsi au sacrifice de l'Agneau véritable, viennent s'unir par un lien
non moins intime, d'autres sacrifices semblables, le sacrifice des martyrs
qui répandent leur sang, et dont la patience, la foi et le zèle ardent
détruisent et anéantissent tous les obstacles que les impies voudraient
apporter au bien. —
Théophylactus : Jean-Baptiste avait dit précédemment à ceux qu'on lui avait envoyés : « Il y en a un au milieu de vous que vous
ne connaissez pas, » il le fait connaître maintenant à ceux qui
l'ignoraient : « C'est celui dont j'ai
dit : Un homme vient après moi, qui a été fait avant moi.» Il appelle le
Seigneur un homme, parce qu'il avait atteint la plénitude de l'âge, puisqu'il
fut baptisé à l'âge de trente ans; ou encore, parce qu'il est le mari
spirituel de l'âme et l'époux de l'Eglise, ce qui a fait dire à saint Paul : « Je vous ai fiancés à un seul homme qui
est Jésus-Christ, pour vous présenter à lui comme une vierge toute pure. »
(2 Co 2) —
Saint Augustin : (Traité 4 sur Saint Jean). Il est venu après moi, parce que sa
naissance a suivi la mienne, mais « il
a été fait avant moi, » c'est-à-dire qu'il a été placé au-dessus de moi. —
Saint Grégoire : (hom. 7 sur les Evang). La
raison de cette prééminence de Jésus, c'est, ajoute-t-il : « qu'il était avant moi, »
c'est-à-dire : quoique ma naissance précède la sienne, il ne laisse pas
d'être au-dessus de moi, parce que son existence n'est point limitée par
l'époque de sa naissance, car celui qui est né d'une mère dans le temps, a
été engendré par son Père en dehors de toute succession de temps. — Théophylactus : Ecoutez ces paroles, ô Arius ! Jean ne dit pas : Il a été créé avant
moi, mais : « Il était avant moi. »
Que les sectateurs de Paul de Samosate entendent aussi ces paroles, et qu'ils
apprennent que Jésus ne tire pas sa première origine de Marie, car s'il avait
reçu d'elle le principe de son existence, comment aurait-il pu exister avant
son précurseur, puisqu'il est évident que la naissance de Jean-Baptiste précédait
de six mois la naissance temporelle de Jésus-Christ ? —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 17 sur Saint Jean). On pouvait soupçonner Jean-Baptiste
d'obéir à la voix de l'amitié ou aux liens du sang [qui l'unissaient à
Jésus-Christ] en lui rendant ce témoignage; aussi se hâte-t-il d'ajouter : « Et moi, je ne le connaissais pas, »
ce qui devait paraître vraisemblable, puisque Jean avait toujours vécu dans
le désert. Les prodiges qui avaient entouré le berceau de Jésus enfant, par
exemple, lors de l'adoration des mages, ou dans d'autres circonstances
semblables, remontaient à une époque déjà éloignée, et au temps de la
première enfance de Jean-Baptiste. Depuis, le Sauveur avait passé sa vie dans
l'obscurité, et sans être connu de personne, comme le déclare Jean-Baptiste
lui-même : « Mais c'est afin qu'il fût
manifesté en Israël, que je suis venu baptiser dans l'eau. » Donc tous
ces prétendus miracles que, disent certains, Jésus aurait accomplis dès son
enfance, sont autant de fictions dénuées de fondement. Si Jésus avait fait
des miracles dès sa première enfance, Jean l'aurait connu de quelque manière,
et le peuple n'eût pas en besoin qu'on le lui fit connaître. Ce baptême
n'était donc nullement nécessaire à Jésus-Christ, et il n'avait d'autre
raison que de préparer les hommes à croire en Jésus-Christ. Aussi
Jean-Baptiste ne dit pas : Je suis venu pour purifier ceux qui reçoivent mon
baptême, ou pour les délivrer de leurs péchés, mais : « Je suis venu, afin qu'il fût manifesté eu Israël. » Mais ne
pouvait-il donc faire connaître Jésus-Christ, et déterminer le peuple à
croire en lui, sans qu'il fût nécessaire de baptiser ? Oui, sans doute, mais
il atteignait ainsi plus facilement ce but, car la foule ne se fût pas
empressée d'accourir à lui, si la prédication n'eût pas été suivie du
baptême. —
Saint Augustin : (Traité 4 sur Saint Jean). Mais dès que le Seigneur fut connu,
il était inutile de lui préparer les voies, puisqu'il devenait lui-même la
voie pour ceux qui le connaissaient. Aussi le baptême de Jean ne dura plus
longtemps, et seulement jusqu'à ce qu'il eût fait connaître suffisamment le
Sauveur, si humble [dans tout son extérieur]. (Tr. 5). C'est donc pour nous
donner un exemple d'humilité, et nous engager à recevoir le baptême qui [efface
les péchés et] nous donne le salut, que le Seigneur a daigné être baptisé des
mains de son serviteur. Mais afin que le baptême du serviteur ne fût pas mis
au-dessus du baptême du Seigneur, d'autres reçurent aussi le baptême du
serviteur. Or ceux qui recevaient le baptême du serviteur, devaient encore
nécessairement recevoir le baptême du Seigneur, tandis que ceux qui
recevaient le baptême du Seigneur, n'avaient nul besoin du baptême du
serviteur. |
Lectio 22 |
Versets 32-34 |
[85995] Catena in Io., cap. 1 l. 22 Chrysostomus
in Ioannem. Quia Ioannes testatus est ita magnum quid quod sufficiens erat
auditores omnes stupefacere, puta quod totius orbis terrarum solus ipse
peccata tolleret, volens credibilius id facere, reduxit hoc ad Deum et
spiritum sanctum. Posset enim aliquis dicere Ioanni : qualiter igitur tu
cognovisti eum? Respondet quod per descensum spiritus sancti; unde sequitur
et testimonium perhibuit Ioannes, dicens : quia vidi spiritum descendentem
quasi columbam de caelo, et mansit super eum. Augustinus de Trin. Non autem
tunc unctus est Christus spiritu sancto quando super eum baptizatum velut
columba descendit : tunc enim corpus suum, scilicet Ecclesiam suam,
praefigurare dignatus est, in qua praecipue baptizati accipiunt spiritum
sanctum. Absurdissimum enim est ut credamus eum cum iam triginta esset
annorum (eius enim aetatis a Ioanne baptizatus est) accepisse spiritum
sanctum; sed venisse ad illud Baptisma, sicut sine ullo omnino peccato, ita
non sine spiritu sancto. Si enim de famulo eius et praecursore ipso Ioanne
scriptum est : spiritu sancto replebitur ab utero matris suae; qui quamvis
seminatus a patre, tamen spiritum sanctum in utero formatus accepit : quid de
homine Christo intelligendum est vel credendum, cuius carnis ipsa conceptio
non carnalis, sed spiritualis fuit? Augustinus de agone Christiano. Non
autem dicimus solum Christum verum corpus habuisse, spiritum autem sanctum
fallaciter apparuisse oculis hominum : sicut enim non oportebat ut homines
falleret filius Dei, sic nec spiritus sanctus. Sed omnipotenti Deo, qui
universam creaturam ex nihilo fabricavit, non erat difficile verum corpus
columbae sine aliarum columbarum ministerio figurare; sicut ei non fuit
difficile verum corpus in utero virginis sine virili semine fabricare. Augustinus in Ioannem. Duobus
autem modis ostendit visibiliter dominus spiritum sanctum; per columbam super
dominum baptizatum; per ignem vero super discipulos congregatos : ibi
simplicitas, hic fervor ostenditur. Ergo ne spiritu sanctificati dolum
habeant, in columba demonstratum est; et ne simplicitas frigida remaneat, in
igne demonstratum est. Nec movet, quia linguae divisae sunt : noli
dissipationem timere, unitatem in columba cognosce. Sic ergo oportebat
demonstrari spiritum sanctum venientem super dominum, ut cognoscat unusquisque,
si habeat spiritum sanctum, simplicem se esse debere sicut columbam, et
habere cum fratribus veram pacem, quam significant oscula columbarum.
Osculantur et corvi, sed laniant; a laniatu innocens est natura columbarum :
nam corvi de morte pascuntur, columba nonnisi de frugibus terrae vivit. Si
etiam gemunt columbae in amore, nolite mirari, quia in columbae specie voluit
demonstrari spiritus sanctus; ipse enim interpellat pro nobis gemitibus
inenarrabilibus. Non autem spiritus sanctus in semetipso, sed in nobis gemit,
quia gemere nos facit. Qui enim novit in pressura se esse mortalitatis huius,
peregrinari se a domino, quamdiu propter hoc gemit, bene gemit : spiritus
illum docuit gemere. Multi autem gemunt, infelicitate terrena, vel quassati
damnis, vel aegritudine corporis praegravati; sed non columbae gemitu gemunt.
Unde ergo debuit demonstrari spiritus sanctus unitatem quamdam designans,
nisi per columbam, ut pacatae Ecclesiae diceretur : una est columba mea? Unde
debuit humilitas figurari nisi per avem simplicem et gementem? Apparuit ibi
sancta et vera Trinitas : pater in voce dicente : tu es filius meus dilectus;
spiritus sanctus in columba. In ista Trinitate missi sunt apostoli baptizare
in nomine patris et filii et spiritus sancti. Gregorius Moralium. Dicit autem
manentem super eum : in cunctis namque fidelibus spiritus sanctus venit, sed
in solo mediatore semper singulariter permanet : quia eius humanitatem
nunquam deseruit, ex cuius divinitate procedit. Sed cum de eodem spiritu
discipulis dicatur : apud vos manebit, quomodo singulare signum erit quod in
Christo permanet? Quod citius cognoscemus, si dona spiritus discernamus. In
his enim donis, sine quibus ad vitam perveniri non potest, spiritus sanctus
in electis omnibus semper permanet; ut sunt mansuetudo, humilitas, fides,
spes, caritas; in illis autem quibus per ostensionem spiritus non nostra
servatur vita, sed aliorum quaeritur, non semper manet, sed aliquando se a
signorum ostensionibus subtrahit, ut humilius eius virtutes habeantur.
Christus autem in cunctis eum semper et continue habuit praesentem. Chrysostomus in Ioannem. Ne
autem aliquis aestimet spiritus Christum indiguisse sicut et nos, hanc etiam
destruit suspicionem, ostendens quod spiritus sancti descensio solum pro
manifestando Christo facta est; unde sequitur et ego nesciebam eum; sed qui
misit me baptizare in aqua, mihi dixit : super quem videris spiritum
descendentem et manentem super eum, hic est qui baptizat in spiritu sancto.
Augustinus in Ioannem. Quis
autem misit Ioannem? Si dicamus : pater, verum dicimus; si dicamus : filius,
verum dicimus. Manifestius autem est ut dicamus : pater et filius. Quomodo
ergo nesciebat eum a quo missus est? Si enim non noverat eum a quo voluit
baptizari, temere dicebat ego a te debeo baptizari. Noverat ergo eum : quid
ergo est quod dicit et ego nesciebam eum? Chrysostomus. Sed cum dicit
nesciebam eum, anterius tempus dicit, non tempus quod est prope Baptismum,
cum prohibebat eum, dicens ego a te debeo baptizari. Augustinus in Ioannem. Sed
legantur alii Evangelistae, qui planius illud dixerunt; et inveniemus
apertissime tunc descendisse columbam cum dominus ab aqua ascendit. Si ergo
post Baptisma descendit columba, et antequam baptizaretur dixit illi Ioannes ego
a te debeo baptizari; ante Baptismum illum noverat : quomodo ergo dixit ego
nesciebam eum; sed qui misit me baptizare? et cetera. Hoc audivit Ioannes, ut
nosceret eum quem non noverat, an forte ut plenius nosset quem iam noverat?
Noverat quidem dominum, noverat filium Dei, noverat quia ipse baptizaret in
spiritu sancto. Ante enim quam veniret ad fluvium Christus, cum multi ad
Ioannem concurrerent, ait illis qui post me venit, maior me est : ipse vos
baptizabit in spiritu sancto et igne. Sed quid? Non noverat, potestatem
Baptismi ipsum dominum habiturum et sibi retenturum (ne Paulus aut Petrus
diceret : Baptismus meus, sicut invenis dixisse : Evangelium meum), sed
ministerium plane transiturum in bonos et malos? Quid tibi faciat malus
minister, ubi bonus est dominus? Ecce post Ioannem baptizatum est, post
homicidam non est baptizatum : quia Ioannes dedit Baptismum suum, homicida
dedit Baptismum Christi; quod sacramentum tam sanctum est ut nec homicida
ministrante polluatur. Potuit autem dominus, si vellet, potestatem dare
alicui servo suo ut daret Baptismum suum tamquam vice sua, et constituere
tantam vim in Baptismate translato in servum, quantam vim haberet Baptisma
datum a domino. Hoc noluit ut in illo esset spes baptizatorum a quo
baptizatos se agnoscerent; et noluit servum ponere spem in servo. Si autem
daret hanc potestatem servis, tot essent Baptismata quot essent servi; et
quomodo dictum est Baptisma Ioannis, sic diceretur Baptisma Petri vel Pauli.
Per hanc ergo potestatem, quam solum sibi Christus retinuit, stat unitas
Ecclesiae, de qua dictum est : una est columba mea. Potest autem fieri ut
aliquis habeat Baptismum praeter columbam; ut prosit ei Baptismus praeter
columbam, non potest. Chrysostomus. Et quia pater
vocem emisit praedicans filium, superveniet spiritus sanctus vocem trahens
super caput Christi, ne quis praesentium existimaret dici de Ioanne quod
dictum est de Christo. Sed dicet aliquis : qualiter non crediderunt Iudaei,
si viderunt spiritum? Sed talia non solum indigent oculis corporis, sed magis
visione mentis. Si namque miracula facientem videntes, intantum ebrii erant a
livore ut contraria his quae videbantur, enuntiarent; qualiter solo adventu
spiritus sancti in specie columbae expulissent incredulitatem? Quidam vero
dicunt, non omnes vidisse spiritum, sed solum Ioannem, et eos qui devotius
dispositi erant. Etsi enim sensibilibus oculis possibile erat videre in
specie columbae spiritum descendentem; non tamen propter hoc necesse est
omnibus hoc fuisse manifestum. Etenim Zacharias in specie sensibili multa
consideravit, et Daniel, et Ezechiel; sed et Moyses multa vidit, qualia
aliorum nullus : unde subdit Ioannes et ego vidi, et testimonium perhibui,
quia hic est filius Dei. Agnum quidem eum vocaverat; et quoniam in spiritu
baptizare debebat, dixit, filium autem ante hoc nusquam. Augustinus in Ioannem. Oportebat
enim ut ille baptizaret qui est filius Dei unicus, non adoptatus. Adoptati
filii ministri sunt unici; unicus autem habet potestatem, adoptati ministerium. |
— Saint Jean
Chrysostome : (hom. 17 sur Saint Jean). Le
témoignage que Jean-Baptiste avait rendu à Jésus, qu'il pouvait seul remettre
les péchés du monde entier, avait pour objet un mystère si élevé qu'il
pouvait jeter dans la stupeur ceux qui l'entendaient, et c'est pour le rendre
plus digne de foi qu'il le fait remonter jusqu'à Dieu et à l'Esprit saint. En
effet, on pouvait dire à Jean : « Comment donc l'avez-vous connu ? » C'est,
répond-il par l'Esprit saint qui est descendu sur lui : « Et Jean rendit encore ce témoignage : J'ai vu l'Esprit saint
descendre sur lui comme une colombe, et il est demeuré sur lui. » —
Saint Augustin : (de la Trin., 15, 20). Ce
n'est pas cependant que Jésus n'ait reçu l'onction de l'Esprit saint, que
lorsqu'il descendit sur lui, après son baptême, sous la forme d'une colombe.
Le Sauveur daignait alors représenter son corps [mystique], c'est-à-dire son
Eglise, dans laquelle surtout ceux qui sont baptisés reçoivent l'Esprit
saint. Il serait, en effet, de la dernière absurdité de croire que Jésus ne
reçut l'Esprit saint qu'à l'âge de trente ans, puisqu'il avait cet âge
lorsqu'il fut baptisé et qu'il vint recevoir le baptême de Jean sans aucun
péché, mais aussi sans avoir reçu l'Esprit saint. Il est écrit de Jean, son
serviteur et son précurseur : « Il sera
rempli de l'Esprit saint dès le sein de sa mère, » et quoiqu'il eût un
homme pour père, il reçut l'Esprit saint dès le sein de sa mère, que
devrons-nous donc penser et croire de Jésus-Christ fait homme, lui dont la
conception dans le sein de sa mère eut pour principe, non point la chair,
mais l'Esprit ? —
Saint Augustin : (du comb. chrét., 22) Nous
ne disons pas que Jésus-Christ seul avait un véritable corps, tandis que
l'Esprit saint ne se manifesta aux yeux des hommes que sous une apparence
trompeuse. Il est aussi indigne de l'Esprit saint que du Fils de Dieu,
d'induire les hommes en erreur. Aussi disons-nous que Dieu dans sa
toute-puissance, qui a créé tout de rien, a pu fort bien créer un véritable
corps de colombe sans l'intermédiaire d'aucun oiseau de cette espèce, avec la
même facilité qu'il forma un véritable corps dans le sein de la Vierge, sans
le concours d'aucun homme. —
Saint Augustin : (Traité 6, sur Saint Jean). L'Esprit saint s'est manifesté aux
hommes sous deux formes visibles différentes, sous la forme d'une colombe
lorsqu'il descendit sur Notre Seigneur après son baptême, et sous la forme de
langues de feu quand il descendit sur les Apôtres réunis. D'un côté, c'est le
symbole de la simplicité, de l'autre, l'emblème de la ferveur. La forme de la
colombe apprend à ceux qui ont été sanctifiés par l'Esprit saint, à fuir
toute duplicité; et le feu enseigne [à la simplicité], à ne point faire ses
actions avec froideur. Ne vous étonnez pas que les langues soient divisées.
Ne craignez pas la division, reconnaissez dans la colombe le symbole de
l'unité. Il fallait que l'Esprit saint descendît sur Notre Seigneur sous la
forme d'une colombe, pour apprendre à tous les chrétiens qu'on reconnaîtra
qu'ils ont reçu l'Esprit saint s'ils ont la simplicité de la colombe et s'ils
vivent avec leurs frères dans cette paix véritable que figurent les baisers
des colombes. Les corbeaux donnent aussi des baisers, mais en même temps ils
déchirent; la nature de la colombe est étrangère à l’idée de déchirer, les
corbeaux se nourrissent de corps qui ont été mis à mort, ce que ne fait pas
la colombe, qui ne se nourrit que des fruits de la terre. Que si la colombe
fait entendre des gémissements d'amour, ne soyons pas surpris que l'Esprit
saint ait voulu apparaître sous la forme d'une colombe, lui qui intercède
pour nous par ses gémissements ineffables. (Rm 9) Ce n'est point en lui même,
mais en nous que l'Esprit saint gémit par les gémissements qu'il nous
inspire. Celui qui gémit d'être accablé sous le poids de ce corps mortel, et
de vivre éloigné du Seigneur, aussi longtemps que c’est pour cette raison
qu’il gémit, il gémit d'une manière agréable à Dieu, car c’est l’Esprit qui
lui apprend à gémir. Mais il en est beaucoup qui gémissent d'être privés de
la félicité de ce monde, ou d'être brisés par les épreuves, accablés sous le
poids écrasant des infirmités du corps, ce ne sont pas là les gémissements de
la colombe. Sous quelle forme devait se manifester l'Esprit saint pour
représenter l'unité, si ce n'est sous la forme de la colombe, afin de pouvoir
dire à l'Eglise, après lui avoir donné la paix : « Ma colombe est unique » ? (Ct 6) Quel symbole plus
convenable de l'humilité, que cet oiseau simple et gémissant ? La sainte et
véritable Trinité apparut tonte entière dans cette circonstance; le Père,
dans cette voix qui dit : « Vous êtes
mon Fils bien-aimé, » [le Fils dans celui qui est baptisé], et l'Esprit
saint dans la colombe. C'est au nom de cette Trinité, que les Apôtres ont été
envoyés pour baptiser au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. (Mt 28) —
Saint Grégoire : (Moral., 28, 41).
Jean-Baptiste ajoute : « et demeurer
sur lui, » car l'Esprit descend, il est vrai, dans le cœur de tous les
fidèles, mais c'est dans le médiateur seul qu'il demeure d'une manière
spéciale, parce qu'il ne s'est jamais séparé de l'humanité de Jésus, de la
divinité duquel il procède. Or le Sauveur parlant à ses disciples de cet
Esprit, leur dit aussi : « Il demeurera
en vous. » (Jn 16) A quel titre particulier demeure-t-il donc en
Jésus-Christ ? C'est ce qu'il nous sera facile de reconnaître si nous faisons
une distinction entre les dons de l'Esprit saint. S'agit-il des dons sans
lesquels il est impossible de parvenir à la vie, comme la douceur,
l'humilité, la foi, l'espérance et la charité, l'Esprit saint demeure dans
tous les fidèles. Mais quant aux dons qui ont pour objet la manifestation de
l'Esprit saint, et qui tendent moins à conserver la vie spirituelle en nous
qu'à l'établir dans les autres, l'Esprit saint ne demeure pas toujours en
ceux qui ont reçu ces dons, et il se dérobe quelquefois à l'éclat des
miracles pour rendre plus humbles les vertus qu'il a inspirées; Jésus-Christ,
au contraire, a eu toujours et en toutes circonstances l'Esprit saint en lui. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 17 sur Saint Jean). Que personne ne pense que
Jésus-Christ eut besoin de recevoir l'Esprit saint, comme nous avons besoin
de le recevoir nous-mêmes; Jean-Baptiste détruit ce soupçon, en déclarant que
l'unique motif de la descente du Saint-Esprit sur Jésus était de le faire
connaître : « Et moi je ne le
connaissais pas, mais celui qui m'a envoyé baptiser dans l'eau, m'a dit :
Celui sur qui tu verras l'Esprit saint descendre et se reposer, c'est lui qui
baptise dans l'Esprit saint. » —
Saint Augustin : (Traité 5 sur Saint Jean). Mais qui donc a envoyé Jean-Baptiste
? Si nous disons : le Père, nous disons vrai; si nous disons : le Fils, nous
disons vrai encore, mais beaucoup plus vrai, si nous disons le Père et le
Fils. Mais comment pouvait-il ne pas connaître celui qui l'avait envoyé ?
S'il ne connaissait pas celui des mains duquel il voulait recevoir le
baptême, il parlait donc d'une manière inconsidérée, lorsqu'il lui disait : « C'est moi qui dois être baptisé par
vous. » Il le connaissait donc, pourquoi donc alors affirme-t-il qu'il ne
le connaissait pas ? —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 17 sur Saint Jean). Jean-Baptiste, en disant : « Je ne le connaissais pas, » veut
parler d'une époque antérieure et non de celle du baptême, où il dit à Jésus
: « C'est moi qui dois être baptisé par
vous. » —
Saint Augustin : (Traité 5 sur Saint Jean). Mais lisons les autres évangélistes
qui se sont étendus davantage sur le baptême du Sauveur, nous y verrons de la
manière la plus claire que la colombe est descendue sur le Seigneur,
lorsqu'il sortit de l'eau. Or, si la colombe n'est descendue qu'après le
baptême, et que Jean-Baptiste ait dit à Jésus avant son baptême : « C'est moi qui dois être baptisé par
vous, » il le connaissait donc avant son baptême; et comment alors a-t-il
pu dire : « Je ne le connaissais pas,
mais celui qui m'a envoyé baptiser, etc...» ? Sont-ce ces dernières
paroles qui lui ont fait connaître celui qu'il ne connaissait pas ? Ou
peut-être était-ce pour connaître plus profondément celui qu’il ne
connaissait (qu’imparfaitement) ? Jean-Baptiste savait que le Sauveur
était le Fils de Dieu, il savait également qu'il baptiserait dans l'Esprit
saint. Car avant que Jésus-Christ se rendît sur les bords du Jourdain, alors
que le peuple venait en foule trouver Jean-Baptiste, il leur dit : « Celui qui vient après moi est plus grand
que moi, c'est lui qui vous baptisera dans l'eau et dans le feu. » Mais
que ne savait donc pas Jean-Baptiste ? Il ne savait pas que le pouvoir du
baptême devait appartenir exclusivement en propre au Seigneur, qui devait le
conserver, de manière à ce que ni Pierre ni Paul ne pussent dire : « mon
baptême, » comme nous voyons que Paul a dit : « mon Evangile » ; et que l'administration de ce sacrement
devait être confié également aux bons et aux mauvais. Que vous importe un
mauvais ministre, alors que le Seigneur est bon ? On a rebaptisé après le
baptême de Jean-Baptiste, ou n'a point rebaptisé après le baptême d'un
homicide, parce que Jean n'a donné que son baptême, et que l'homicide a donné
le baptême de Jésus-Christ, et que la sainteté de ce sacrement est si grande,
qu'elle ne peut être souillée par un ministre coupable d'homicide. Le
Seigneur aurait pu, s'il avait voulu, donner à l'un de ses serviteurs le pouvoir
d'administrer le baptême en son propre nom, et attribuer au sacrement de
baptême conféré au nom de son serviteur, une efficacité aussi grande que
celle du baptême donné par le Seigneur lui-même. Il ne l'a pas voulu, afin
que ceux qui reçoivent son baptême mettent toute leur espérance en celui au
nom duquel ils reconnaîtraient avoir été baptisés, et il n'a point voulu
qu'un serviteur plaçât son espérance dans un autre serviteur. S'il avait
transmis ce pouvoir à ses serviteurs, il y aurait autant de baptêmes qu'il y
a de serviteurs; et comme on a dit le baptême de Jean, on aurait dit aussi le
baptême de Pierre ou de Paul. Ce pouvoir que Jésus-Christ s’est exclusivement
réservé, est le fondement de l'unité de l'Eglise, dont il est dit : « Une seule est ma colombe. » (Ct 6)
Il peut se faire que quelqu'un ait reçu le baptême d'un autre que de la
colombe, mais il est impossible que ce baptême ait pour lui la moindre
efficacité. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 17 sur Saint Jean). Le Père avait fait entendre sa voix
pour proclamer son Fils, l'Esprit saint descend des cieux pour fixer les
paroles du Père sur la tête de Jésus-Christ, afin que personne ne fût tenté
d'attribuer à Jean ce qui ne convenait qu'à Jésus-Christ. Mais comment, me
dira-t-on, les Juifs ne crurent-ils pas s'ils ont vu l'Esprit saint [descendre
sur Jésus] ? C'est que de telles apparitions n'exigent pas seulement les yeux
du corps, mais encore ceux de l'âme. Lorsqu'ils furent témoins des miracles
que faisait Jésus, l'envie égara leur raison à ce point qu'ils affirmaient le
contraire de ce qu'ils avaient vu; comment donc veut-t-on que la seule
apparition de l'Esprit saint sous la forme d’une colombe ait pu dissiper leur
incrédulité ? Suivant quelques-uns, tous ne virent pas l'Esprit saint, mais
seulement Jean-Baptiste, et ceux dont les dispositions étaient meilleures;
car bien qu'il fût possible de voir des yeux du corps l'Esprit saint
descendre sous la forme d'une colombe, il n'était pas nécessaire que tous
fussent témoins de cette apparition miraculeuse. Le prophète Zacharie (Za
1-6), Daniel (Dn 7-10), Ezéchiel (Ez 1; 3; 8; 10-11; 37; 40; etc),
n'eurent-ils pas plusieurs visions sous des formes sensibles, [sans qu'aucun
autre en fût témoin] ? Moïse lui-même, n'a-t-il pas vu des choses qui n'ont
été révélées à aucun autre ? c'est pour cela que Jean-Baptiste ajoute : « J'ai vu et j'ai rendu témoignage que
celui-ci est le Fils de Dieu. » Il lui avait donné le nom d'Agneau de
Dieu, il avait annoncé qu'il baptiserait dans l'Esprit saint, mais jusqu'ici
il ne l'avait point appelé Fils de Dieu. —
Saint Augustin : (Traité 7 sur Saint Jean). C'était au Fils unique de Dieu, et
non point à un Fils adoptif que devait être réservé le pouvoir de baptiser.
Les fils adoptifs sont les ministres du Fils unique, le Fils unique a seul le
pouvoir du baptême, les fils adoptifs n'eu ont que l'administration. |
Lectio 23 |
Versets 35-36
|
[85996] Catena in Io., cap. 1 l. 23 Chrysostomus in
Ioannem. Quia multi his quae a principio Ioannes dicebat non attendebant,
secunda rursus eos excitat voce; unde dicitur altera die iterum stabat
Ioannes, et ex discipulis eius duo. Beda. Stabat quidem Ioannes, quia illam virtutum
arcem conscenderat, a qua nullis tentationum posset improbitatibus deici :
stabant cum illo discipuli, quia magisterium illius corde sequebantur
immobili. Chrysostomus. Sed quare non totum mundum circuivit,
in omni loco Iudaeae praedicans eum; sed stabat circa flumen, expectans eum
venire, ut ostenderet venientem? Quia scilicet per opera Christi hoc fieri
volebat. Vide etiam qualiter hoc maioris aedificationis fuit : quia enim
parvam immisit scintillam, repente flamma in altum elevata est. Alter autem
etsi circumiens hoc dixisset, videretur ex studio quodam humano fieri quae
fiebant, et suspicione plenum esset eius praeconium. Igitur prophetae quidem
et apostoli omnes absentem Christum praedicaverunt; hi quidem ante
praesentiam secundum carnem, illi vero post assumptionem : unde ut ostendatur
quod non voce solum, sed et oculis eum ostendebat, subditur et respiciens Iesum
ambulantem, dixit : ecce agnus Dei. Theophylactus. Respiciens, inquit, quasi oculis
innuens gratiam et admirationem quam habebat in Christo. Augustinus in Ioannem. Ioannes quidem amicus sponsi
erat; non quaerebat gloriam suam, sed testimonium perhibebat veritati : non
enim voluit apud se remanere discipulos suos, ut non sequerentur dominum; sed
magis ostendit quem sequerentur, dicens ecce agnus Dei. Chrysostomus. Non longum facit sermonem : quoniam
unum solum in studio habebat, adducere eos, et coniungere Christo : sciebat
enim quoniam de reliquo non indigerent eo testante. Non autem singulariter
discipulis loquitur de his Ioannes, sed eis publice cum omnibus : quia ex
communi doctrina suscipientes sequelam Christi, firmi de reliquo
permanserunt, non propter gratiam Christi sequentes eum, sed propter suum
lucrum : et non facit sermonem suum deprecativum, sed admiratur solum
praesentem, et demonstrat eis praeparationem propter quam venit, et modum
praeparationis : agnus enim utrumque insinuat : et dicit agnus, cum articuli
adiectione, excellentiam eius ostendens. Augustinus in Ioannem. Iste enim singulariter
dicitur agnus solus sine macula, sine peccato; non cuius maculae abstersae
sunt, sed cuius macula nulla fuerit : singulariter hic est agnus Dei, quia
singulariter huius agni sanguine solo homines redimi potuerunt. Hic est agnus
quem lupi timent, qui leonem occisus occidit. Beda. Ideo etiam agnum vocat, quia dona sui velleris
sponte largiturum, ex quo vestem nobis nuptialem facere possumus, idest
exempla vivendi nobis relicturum, praevidit, quibus in dilectione calefieri
deberemus. Alcuinus. Mystice autem stat Ioannes, cessat lex, et venit
Iesus, idest gratia Evangelii, cui ipsa lex perhibet testimonium. Ambulat
Iesus discipulos collecturus. Beda. Ambulatio etiam Iesu dispensationem
incarnationis, qua ad nos venire ac nobis exempla vivendi praebere dignatus
est, insinuat. |
— Saint Jean
Chrysostome : (Hom. 17 sur Saint Jean). Plusieurs
peut-être n'avaient pas prêté grande attention aux premiers discours de
Jean-Baptiste, il les rend donc plus attentifs en reprenant une seconde fois
son témoignage : « Le lendemain, dit
l'Evangéliste, Jean était encore là
avec deux de ses disciples. » —
Saint Bède : (hom. pour la vigil. de Saint And). Jean se tenait encore là, parce qu'il
s'était élevé dans la pratique des vertus à une telle hauteur, qu'il ne
pouvait en être renversé par aucune tentation, par aucune épreuve. Ses
disciples étaient avec lui, parce qu'ils suivaient les enseignements de leur
Maître avec un cœur plein de docilité. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. précéd). Mais pourquoi
Jean-Baptiste, au lieu de parcourir toute la Judée pour annoncer Jésus en
tous lieux, se tient-il sur les bords du Jourdain, attendant pour le faire
connaître, que le Sauveur vienne le trouver ? Parce qu'il voulait que cela
s’opère par les oeuvres mêmes de Jésus-Christ. Considérez d'ailleurs combien
cette conduite fut plus utile à l'édification des âmes. Jean-Baptiste ne fit
que jeter une petite étincelle, et on vit aussitôt s’élever une flamme
immense. Si un autre eût parcouru la Judée pour annoncer Jésus-Christ, on eût
pu l'accuser d'agir par un motif tout humain, et sa prédication eût donné
lieu à mille soupçons. C'est pour cette raison que les prophètes et tous les
Apôtres ont annoncé Jésus-Christ lorsqu'il n'était pas présent, les uns avant
son incarnation, les autres après son ascension. Mais voyez comme
Jean-Baptiste rend témoignage non seulement de la voix, mais des yeux : « Et regardant Jésus qui s'avançait, il
dit : Voici l'Agneau de Dieu. » — Théophylactus : Il regarde Jésus, comme pour exprimer par son regard les sentiments de
joie et d'admiration que lui fait éprouver la présence de Jésus-Christ. —
Saint Augustin : (Traité 7 sur Saint Jean). Jean était l'ami de l'Epoux, il ne
cherchait point sa propre gloire, mais rendait témoignage à la vérité, aussi
ne voulut-il point retenir près de lui ses disciples et les empêcher de
suivre le Seigneur, et c'est lui, au contraire, qui leur montre celui qu'ils
devaient suivre en leur disant : «
Voici l'Agneau de Dieu. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 17 sur Saint Jean). Il ne leur fait pas de longs
discours, il n'a qu'une chose en vue, c'est de les amener et de les unir à
Jésus-Christ, il savait que pour le reste, ils n'auraient pas besoin de son
témoignage. Pourquoi encore Jean-Baptiste ne s'adresse-t-il pas à ses
disciples en particulier, mais leur dit-il publiquement devant tout le peuple
: « Voici l'Agneau de Dieu. » En se
déterminant à suivre Jésus-Christ, par suite d'un enseignement qui
s'adressait à tous, leur résolution fut beaucoup plus ferme et plus
constante, et ce ne fut pas en considération de leur Maître, mais dans leur
intérêt, qu'ils s'attachèrent au Sauveur. Remarquons encore que le discours
de Jean-Baptiste ne contient aucune prière, il se contenta d'exprimer son
admiration à la vue de Jésus-Christ, de faire connaître la grâce qu'il
apporte an monde, et de quelle manière il doit purifier les âmes, deux choses
que signifie le nom d'Agneau. Il l'appelle l'Agneau avec l'article Ð άgνός,
c'est-à-dire l'Agneau par excellence. —
Saint Augustin : (Traité 7 sur Saint Jean). Le Sauveur est en effet l'Agneau
proprement dit, le seul qui soit sans péché, sans tache, dont on n'a pas en
besoin de laver les souillures, mais qui a été sans souillure aucune. Il est
par excellence l'Agneau de Dieu, parce que ce n'est que par le sang de cet
Agneau, que les hommes ont pu être rachetés. C'est cet Agneau que redoutent
les loups, et qui a donné la mort au lion après que lui-même avait été mis à
mort. —
Saint Bède : Il s'appelle encore Agneau,
parce qu'il devait nous laisser en don gratuit sa toison pour nous en faire
une robe nuptiale, c'est-à-dire qu'il a voulu nous laisser les exemples de sa
vie, pour nous communiquer les ardeurs de la charité. —
Alcuin : Dans le sens figuré, Jean
s'arrête, c'est-à-dire que la loi cesse, et Jésus vient, c'est-à-dire la
grâce de l'Evangile, à laquelle la loi elle-même rend témoignage. Jésus se
met en marche pour réunir ses disciples. —
Saint Bède : Cette marche de Jésus
représente la divine économie de l'incarnation, par laquelle il a daigné
venir jusqu'à nous, et nous laisser les exemples d'une vie sainte. |
Lectio 24 |
Versets 37-41
|
[85997] Catena in Io., cap. 1 l. 24 Alcuinus. Ioanne perhibente testimonium quia Iesus
esset agnus Dei, discipuli qui prius erant cum Ioanne, magistri imperium
implentes, secuti sunt Iesum; unde dicitur et audierunt eum duo discipuli
loquentem, et secuti sunt Iesum. Chrysostomus in Ioannem. Considera autem, quia
quando dixit : post me veniens ante me factus est, et quoniam non sum dignus
solvere corrigiam calceamenti eius, nullum cepit; sed quando de dispensatione
locutus est, et ad humiliora sermonem duxit dicens ecce agnus Dei, tunc
secuti sunt eum discipuli. Multi enim non ita adducuntur cum aliquid magnum
et excelsum de Deo dicatur, sicut cum benignum et amicum hominum audiunt, et
aliquid ad salutem hominum pertinens. Considerandum autem, quod Ioannes dicit
ecce agnus Dei, et Christus nihil loquitur : nam et sponsus cum silentio
adest : alii eum inducunt, et sponsam in manu eius ponunt; quam cum
acceperit, de ea disponit. Ita Christus venit copulaturus sibi Ecclesiam,
nihil ipse dixit; sed accessit solum amicus eius Ioannes, dexteram ei sponsae
imposuit, per sermones suos animas hominum in manus ei ponens; quos accipiens
ita disposuit ut ultra ad Ioannem non redirent. Sed aliud hic observandum est
: sicut enim in nuptiis non puella ad sponsum vadit, sed ipse ad eam
festinat, ita hic contingit : non enim in caelum ascendit hominum natura; sed
ad eam filius Dei accessit, et ad domum duxit paternam. Et quidem alii
discipuli Ioannis erant qui non solum secuti non sunt, sed et zelotype ad
Christum dispositi erant; qui autem meliores erant, simul audierunt et secuti
sunt, non quasi magistrum priorem contemnentes, sed ab eo persuasi,
promittente quod baptizaret in spiritu sancto Christus. Et vide discipulorum
studium cum verecundia fieri : neque enim mox ascendentes interrogaverunt
Iesum de necessariis et maximis rebus; neque publice, sed singulariter ei
loqui studuerunt; unde sequitur conversus autem Iesus, et videns eos
sequentes se, dicit eis : quid quaeritis? Hinc erudimur quia cum nos bene
velle inceperimus, tunc Deus dat nobis multas salutis occasiones. Interrogat
autem, non ut discat, sed ut per interrogationem magis eos familiares faciat,
et ampliorem fiduciam det, et ostendat eos auditione dignos. Theophylactus. Vide autem quod sequentibus se
dominus convertit faciem, et respexit : quia nisi per bonam operationem ipsum
secutus fueris, ad visionem faciei eius numquam pertinges, neque ad domum
eius poteris pervenire. Alcuinus. Ergo illi discipuli tergum ipsius
sequebantur ut viderent, et faciem domini videre non poterant; ideo convertit
se, et quodammodo de sua maiestate descendit, ut possint discipuli faciem
illius contemplari. Origenes. Forte autem non frustra post sextum
testimonium desinit Ioannes eos contestari, et Iesus secundum septimum dicit
quid quaeritis? Chrysostomus in Ioannem. Sed illi non solum
sequendo, sed interrogando amorem suum ad Christum manifestaverunt; unde
sequitur qui dixerunt ei : Rabbi (quod dicitur interpretatum magister), ubi
habitas? Nondum ab eo aliquid discentes, magistrum eum vocant, ad
discipulatum se impellentes, et causam ostendentes propter quid sequebantur.
Origenes. Congrua vero provectis ex Ioannis
testimonio prolatio depromens Christum doctorem, ac exprimens desiderare
habitaculum filii Dei contueri. Alcuinus. Nolunt enim transitorie uti eius
magisterio, sed inquirunt ubi maneat, ut et tunc in secreto verbis illius
imbui, et exinde saepius possent eum visitare et plenius instrui. Mystice
autem volunt sibi ostendi in quibus Christus habitet, ut eorum exemplo se
tales exhibeant in quibus velit habitare. Vel quod Iesum ambulantem vident,
et statim ubi maneat quaerunt, nos monet, ut cum incarnationem eius ad mentem
reducimus, sollicito corde eum rogemus ut mansionem aeterni habitaculi nobis
ostendat : unde quia videt bene petentes, libere eis sua reserat arcana; unde
sequitur dicit eis : venite et videte; quasi dicat : habitaculum meum
explicari non potest sermone, sed opere demonstratur. Venite ergo credendo et
operando, et videte intelligendo. Origenes. Vel per hoc quod dicit venite, ad actionem
invitat; per hoc autem quod dicit videte, ad contemplationem. Chrysostomus. Christus autem non dicit eis signa
domus neque locum, sed attrahit eos ad sequendum. Non dixit : non est tempus
nunc, audietis cras, si quid vultis discere; sed ut ad amicos et familiares
loquitur. Qualiter ergo alibi ait : filius hominis non habet ubi caput
reclinet, hic autem dicit venite et videte ubi habito? Sed per hoc quod dixit
: non habet ubi caput suum reclinet demonstravit quod habitaculum proprium
non habebat, non quod in domo non maneret; sequitur enim venerunt, et
viderunt ubi maneret, et manserunt ibi die illo. Cuius autem gratia manserunt
non adiungit Evangelista, quia manifestum erat quod propter doctrinam. Augustinus. Quam beatum autem diem duxerunt, quam
beatam noctem. Aedificemus ergo et nosmetipsi in corde nostro, et faciamus
domum, quo veniat ille et doceat nos. Theophylactus. Non frustra autem et tempus notavit
Evangelista, cum subdit hora autem erat quasi decima; ut tam doctores quam
discipulos erudiret, quod doctrina propter tempus non est praetermittenda.
Chrysostomus. Multum enim studium demonstrabant ad
audiendum, in eo quia neque ab hora aversi sunt, cum sol esset ad occasum. Et
multis quidem carni servientibus tempus quod est post escas, non est aptum ad
quippiam necessariorum, eo quod corpus escis gravatur. Ioannes vero, cuius
isti erant discipuli, non erat talis : sed cum multo maiori sobrietate
vespere degens quam nos mane. Augustinus. Numerus etiam iste legem significat,
quia in decem praeceptis data est lex. Venerat autem tempus ut impleretur lex
per dilectionem, quae a Iudaeis impleri non poterat per timorem; unde et
decima hora dominus audivit Rabbi : magister enim legis non est nisi dator
legis. Sequitur erat autem Andreas frater Simonis Petri unus ex duobus qui
audierant a Ioanne, et secuti fuerant eum. Chrysostomus in Ioannem. Cuius autem gratia alterius
nomen non ponitur? Quidam dicunt, propterea quia hic qui scribit est qui
secutus est eum. Quidam vero dicunt, quod ille alius non insignis erat : quae
igitur utilitas si didicerimus nomen illius? Neque enim septuaginta duorum
discipulorum nomina Evangelista posuit. Alcuinus. Vel duo discipuli qui secuti sunt Iesum,
sunt Andreas et Philippus. |
—
Alcuin : Les disciples de Jean ayant
entendu le témoignage qu'il rendait à Jésus, qu'il était l'Agneau de Dieu, se
montrèrent dociles à ses conseils et suivirent Jésus : « Les deux disciples l'entendirent parler ainsi, et suivirent Jésus.
» —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 17 sur Saint Jean). Remarquez que lorsque Jean-Baptiste
se contentait de dire : « Celui qui
vient après moi, est avant moi, et je ne suis pas digne de dénouer la
courroie de sa chaussure, » il n'a pris [ni gagné] personne; mais
aussitôt qu'il parle de son incarnation et par là même de ses humiliations,
en disant : « Voici l'Agneau de Dieu, »
ses disciples se mettent aussitôt à la suite de Jésus. Il en est un très grand
nombre qui se sentent moins attirés à Dieu par les considérations élevées sur
sa nature divine, que par l'exposé de sa bonté, de son amitié et de ce qu'il
a fait pour le salut des hommes. Remarquez que tandis que Jean-Baptiste
prononce ces paroles : «Voici l'Agneau
de Dieu, » Jésus ne dit rien. En effet, [d'après les usages reçus],
l'époux reste dans le silence, d'autres lui amènent l'épouse, et la lui
remettent entre les mains; mais aussitôt qu'il l'a prise pour épouse, il prend
soin d’elle. Ainsi lorsque Jésus-Christ vient pour épouser l'Eglise, il ne
dit rien non plus, Jean-Baptiste, son ami, s'approche seul, lui présente la
main droite de son épouse, lorsque par ses discours il remet comme entre ses
mains les âmes des hommes. Jésus les accueille et leur témoigne aussi tant
d'amour qu'elles ne retournent plus à Jean-Baptiste. Remarquons encore que
dans la célébration des noces, ce n'est pas la jeune fille qui va au-devant
de son époux, c'est lui-même qui vient la trouver [(quand ce serait un fils
de roi qui épouserait une humble servante)]; Notre Seigneur Jésus-Christ a
fait de même; la nature humaine n'est point montée dans les cieux, c'est le
Fils de Dieu qui est venu la trouver et qui l'a conduite dans la maison
paternelle. Il y eut sans doute d'autres disciples de Jean, qui non seulement
ne suivirent point Jésus-Christ, mais qui nourrirent contre lui des
sentiments d'envie, [et se montrèrent jaloux de sa gloire]. Mais ceux dont
les dispositions étaient meilleures s'attachèrent à Jésus aussitôt qu'ils
l'eurent connu, non par mépris de leur premier maître, mais par la persuasion
où ils étaient d'après les enseignements du Précurseur, que Jésus-Christ les
baptiserait dans l'Esprit saint. Considérez dans ces disciples un saint
empressement mêlé de réserve. En se mettant à la suite de Jésus, ils ne se
hâtent pas de l'interroger sur des questions capitales et très importantes,
et ce n'est pas en public, mais en particulier, qu'ils cherchent à lui parler
: « Alors Jésus s'étant retourné, et
les voyant qui le suivaient, leur dit : Que cherchez-vous ? » Ces paroles
nous apprennent que lorsque nous commençons sincèrement à vouloir le bien,
Dieu nous prodigue les occasions de salut. Jésus interroge ses disciples, non
pour en apprendre quelque chose, mais pour se les rendre plus familiers, leur
inspirer une plus grande confiance, et leur montrer qu'ils sont vraiment
dignes de l’écouter. —
Théophylactus : Considérez ici que Notre Seigneur se tourne vers ceux qui le suivent,
et abaisse sur eux ses regards; c'est qu'en effet, si vous ne marchez à sa
suite par la pratique des bonnes œuvres, vous ne parviendrez jamais à voir sa
face, ni à entrer dans sa maison. —
Alcuin : Ces deux disciples suivaient
donc Jésus par derrière, dans l'intention de le voir, mais sans pouvoir y
parvenir. Aussi Jésus se retourne, et descend, pour ainsi dire, des hauteurs
de sa majesté, afin que ses disciples puissent contempler sa face. — Origène : (Traité 7 sur Saint Jean). Peut-être
n'est-ce pas sans raison qu'après le sixième témoignage, Jean-Baptiste cesse
de parler de Jésus à ses disciples, et c'est Jésus lui-même qui se rend pour
ainsi dire un septième témoignage en leur demandant : « Que cherchez-vous ? » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 18 sur Saint Jean). Ces deux disciples font paraître leur
amour pour Jésus-Christ, non seulement par leur empressement à le suivre,
mais par la question qu'ils lui adressent : « Et ils demandèrent : Rabbi, (ce qui peut se traduire par) Maître,
où habitez-vous ? » Jésus ne leur a encore rien appris, et ils lui
donnent le nom de Maître pour se ranger d'eux-mêmes au nombre de ses
disciples, et lui faire connaître la raison qui les a déterminés à s'attacher
à lui. — Origène : Après avoir été convaincus
et amenés à Jésus par le témoignage de Jean, les deux disciples, par cette
question, reconnaissent Jésus pour leur docteur, et expriment le désir de
voir l'habitation du Fils de Dieu. —
Alcuin : Car ce n'est pas en passant qu'ils
veulent profiter de ses enseignements, ils lui demandent où il demeure, afin
de pouvoir se pénétrer de ses paroles dans le secret, visiter plus souvent le
Sauveur, et en recevoir une instruction plus parfaite. Dans le sens mystique,
ils demandent à Jésus-Christ dans quelles âmes il daigne habiter, afin qu'en
imitant leurs exemples, ils puissent mériter la même faveur. Ou bien encore,
ils virent Jésus marcher, et lui demandent aussitôt où il demeure; et il nous
enseigne par là, lorsque nous méditons intérieurement sur l'incarnation du
Fils de Dieu, à le prier avec instance de nous faire connaître le lieu de son
éternelle demeure. Jésus approuve la légitimité de leur demande, et leur
ouvre volontiers ses secrets : « Et il
leur dit : Venez et voyez. » C'est-à-dire : Ce n'est point par des
paroles, mais par des œuvres, que vous pouvez apprendre quelle est mon
habitation. Venez donc par la foi et par les œuvres, et vous verrez par
l'intelligence [qui vous sera donnée]. — Origène : Ou bien encore, par cette parole : «
Venez, » il les invite à la vie active, et par cette autre : « Voyez, » à la vie contemplative. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 18 sur Saint Jean). Jésus ne leur indique ni la maison ni
le lieu qu'il habitait, mais il les attire à sa suite, [et leur montre ainsi
qu'il les accepte pour ses disciples]. Il ne leur dit pas : « Il n'est pas
temps encore, demain vous apprendrez ce que vous désirez savoir », mais
il leur parle comme à des amis et à des familiers [qui auraient depuis
longtemps déjà vécu avec lui]. Mais comment concilier ce que le Sauveur dit
ailleurs : « Le Fils de l'homme n'a pas
où reposer sa tête, » (Mt 8; Lc 9) avec ce qu'il dit ici : « Venez et voyez quelle est ma demeure ? »
Ces paroles : « Le Fils de l'homme n'a
pas où reposer sa tête, » veulent simplement dire qu'il n'avait pas de
demeure en propre, et non pas qu'il n'habitait pas dans une maison. Voilà
pourquoi l'Evangéliste ajoute : « Ils
vinrent et virent où il demeurait, et ils restèrent près de lui ce jour-là ».
Saint Jean ne dit pas le motif qui les retint près de lui, il est évident que
c'était pour entendre ses leçons. —
Saint Augustin : (Traité 7 sur Saint Jean). Quel heureux jour pour ces disciples,
quelle heureuse nuit ! Construisons donc nous-mêmes aussi dans notre cœur, et
élevons une maison où Jésus vienne habiter et où il nous instruise. —
Théophylactus : Ce n'est pas sans raison que l'Evangéliste nous indique quelle heure
il était alors : « Or, il était
environ, la dixième heure» ; il voulait apprendre aux docteurs comme
aux disciples, qu'on ne doit point négliger le soin de la doctrine sous
prétexte de l'heure [avancée]. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. précéd). Ces disciples
montraient un grand zèle pour écouter, puisqu'ils n'étaient point arrêtés par
l'heure [avancée] qui touchait presque au coucher du soleil. La plupart des
hommes, esclaves des besoins de la chair, ne peuvent dans le temps qui suit
le repas appliquer leur esprit aux choses nécessaires, parce que leur corps
est appesanti par la nourriture. Mais tel n'était pas Jean-Baptiste, qui
avait formé ces disciples, et il pratiquait le soir une sobriété beaucoup
plus grande que n'est la nôtre le matin. —
Saint Augustin : (Traité précéd). La dixième
heure est encore ici le symbole de la loi qui a été donnée en dix préceptes.
Le temps était venu d'accomplir par l'amour cette loi que les Juifs ne
pouvaient accomplir par la crainte; aussi est-ce à la dixième heure que Notre
Seigneur s'entend donner le nom de Maître; car il n'y a de véritable maître
de la loi, que celui qui en est l'auteur. «
André, frère de Simon Pierre, était un de ceux qui avaient entendu le
témoignage de Jean, et qui avaient suivi Jésus. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 17 sur Saint Jean). Pourquoi l'Evangéliste ne nous
fait-il pas connaître le nom de l'autre disciple ? Il en est qui donnent pour
raison que saint Jean était lui-même ce disciple; d'autres, que ce disciple
n'était pas quelqu’un de remarquable. Il n'y avait donc aucune utilité à nous
apprendre son nom. L'Evangéliste ne nous a pas donné non plus le nom des
soixante-douze disciples. —
Alcuin : On peut dire encore que ces
deux disciples étaient André et Philippe. |
Lectio 25 |
Versets 41-43 |
[85998] Catena in Io., cap. 1 l. 25 Chrysostomus
in Ioannem. Andreas quae a Iesu didicit non detinuit apud seipsum; sed
festinat, et currit cito ad fratrem, traditurus ei bona quae suscepit; unde
dicitur invenit hic primum fratrem suum Simonem, et dixit ei : invenimus
Messiam (quod est interpretatum Christus). Beda. Hoc est enim vere dominum invenire, vera
illius dilectione fervere, fraternae quoque salutis curam gerere. Chrysostomus in Ioannem. Et quidem non dixerat
Evangelista quae Christus fuerat sequentibus se locutus; sed ex his quae hic
dicuntur licet addiscere. Quaecumque enim Andreas didicit, in brevi ostendit,
magistri virtutem, qui persuaserat eis, et eorum desiderium quod prius
habuerant, repraesentans : hoc enim verbum invenimus, est patientis pressuram
propter absentiam et exultantis postquam apparuit quod expectabatur. Augustinus in Ioannem. Messias autem Hebraice,
Graece Christus, Latine unctus dicitur : chrisma enim unctio est : ille autem
singulariter unctus est : unde omnes Christiani unguntur, secundum quod in
Psal. 44 dicitur : unxit te Deus Deus tuus oleo exultationis prae participibus
tuis : participes enim eius sunt omnes sancti; sed ille est singulariter
sanctus, et singulariter unctus. Chrysostomus. Et ideo non dixit Messiam simpliciter,
sed cum adiectione articuli. Considera vero ex ipso principio obedientem
Petri mentem : confestim enim cucurrit nihil tardans; unde sequitur et
adduxit eum ad Iesum. Sed nullus facilitatem ei imponat, si non prius multa
perquirens ita sermonem suscepit; conveniens enim est, et fratrem diligentius
ei dixisse hoc, et per longa verba; sed Evangelistae ubique multa
intermittunt, breviloquii curam habentes. Aliter autem neque dictum est
quoniam credidit simpliciter, sed quoniam duxit eum ad Iesum, illum ei de quo
dixerat traditurus, ut omnia ab illo discat. Ipse autem dominus incipit
revelare ea quae deitatis sunt, et paulatim ea aperire praedicationibus. Non
enim minus quam signa, prophetiae adducunt : hoc enim est maxime opus Dei,
quod neque imitari Daemones possunt : nam in miraculis quidem et phantasia
fit utique; futura autem praedicere cum certitudine, illius solius
incorruptibilis est naturae; unde sequitur intuitus autem eum Iesus dixit :
tu es Simon filius Ioanna; tu vocaberis Cephas (quod interpretatur Petrus).
Beda. Intuitus autem est eum non exterioribus oculis
solum, sed et aeterno divinitatis intuitu vidit cordis eius simplicitatem,
animi sublimitatem, cuius merito cunctae esset praeferendus Ecclesiae. Neque
autem in Petri vocabulo, quasi Hebraeo vel Syro, aliam interpretationem
quaerere oportet : quia idem est Graece et Latine Petrus, quod Syriace
Cephas; et in utraque lingua nomen a petra derivatur. Vocatur autem Petrus ob
firmitatem fidei, qua illi petrae adhaesit de qua apostolus ait : petra autem
erat Christus; qui sperantes in se ab hostis insidiis reddit tutos, et
spiritualium charismatum fluenta ministrat. Augustinus in Ioannem. Non est autem magnum quia
dominus dixit cuius filius esset iste : omnia enim nomina sanctorum suorum
sciebat, quos ante constitutionem mundi praedestinavit. Illud autem magnum
quia mutavit ei nomen, et fecit de Simone Petrum. Petrus autem a petra; petra
vero Ecclesia : ergo in Petri nomine figurata est Ecclesia. Et quis securus
est, nisi qui aedificat supra petram? Intentum autem te fecit dominus : nam
si antea Petrus vocaretur, non ita videres mysterium petrae, et putares casu
eum sic vocari, non providentia Dei. Ideo eum voluit aliud prius vocari, ut
ex ipsa commutatione nominis, sacramenti vivacitas commendaretur. Chrysostomus. Ideo etiam nomen mutavit, ut ostendat
quia ipse est qui vetus testamentum dedit et nomina transmutavit, qui Abram
Abraham vocavit, et Sarai Saram, et Iacob Israelem. Igitur multis quidem et a
nativitate nomina imposuit, ut Isaac et Samson; aliis autem post eam quae a
progenitoribus est nuncupationem, ut Petro et filiis Zebedaei : nam quibus
quidem a prima aetate debebat virtus clarescere, ex tunc nomina susceperunt;
quibus autem postea debebat augeri, postea nuncupatio posita est. Augustinus de Cons. Evang. Non autem parva
repugnantia potest putari si iuxta Iordanem, antequam Iesus isset in
Galilaeam, ad testimonium Ioannis Baptistae secuti sunt eum duo, quorum unus
erat Andreas, qui fratrem suum Simonem adduxit ad Iesum; quando et nomen ut
Petrus nominaretur accepit; cum ab aliis Evangelistis dicatur, quod eos in
Galilaea piscantes invenerit, atque ad discipulatum vocaverit : nisi quia
intelligendum est, non sic eos vidisse dominum iuxta Iordanem ut ei iam
inseparabiliter inhaererent; sed tantum cognovisse qui esset, eumque miratos
ad propria remeasse. Non autem quis arbitretur quod tunc Petrus nomen
accepit, ubi ait illi dominus : tu es Petrus, et super hanc petram aedificabo
Ecclesiam meam; sed ubi commemoratur ei dictum esse tu vocaberis Cephas (quod
interpretatur Petrus). Alcuinus. Vel aliter. Nondum imponit ei nomen, sed
praesignat quod postea fuit ei impositum, quando dixit ei Iesus : tu es
Petrus, et super hanc petram aedificabo Ecclesiam meam. Mutaturus autem nomen
Christus, voluit ostendere etiam nomen illud quod a parentibus datum erat,
non carere virtutis significatione. Simon enim obediens interpretatur, Ioanna
gratia, Iona columba; quasi dicat : tu es obediens, filius gratiae, vel
filius columbae, idest spiritus sancti : quia humilitatem de spiritu sancto
accepisti, ut vocante Andrea, videre me desiderares. Non enim dedignatus est
maior minorem sequi : quia non est ordo aetatis ubi est meritum fidei. |
— Saint Jean
Chrysostome : (hom. 19 sur Saint Jean). André ne
garda pas pour lui seul ce qu'il venait d'apprendre de Jésus, il s'empresse
de courir vers son frère pour lui faire part des grâces qu'il vient de
recevoir : « Or, il rencontra d'abord
son frère Simon, et lui dit : Nous avons trouvé le Messie (c'est-à-dire le
Christ). » —
Saint Bède : (hom. pour la vig. de Saint And). Oui, c'est bien d’avoir vraiment trouvé
le Seigneur, d'être embrasé pour lui d'un amour véritable, et plein de zèle
pour le salut de ses frères. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 19 sur Saint Jean). L'Evangéliste ne nous a pas rapporté
l'entretien de Jésus-Christ avec ces deux disciples, mais il nous est permis
de conjecturer quel en fut l'objet, par ce qu'André dit à son frère, et ce
peu de paroles nous en donne comme l'abrégé. Nous y trouvons, en effet, la
puissance du Maître qui avait porté le persuasion dans leurs âmes, et la
vivacité des désirs dont leur cœur était depuis longtemps animé. En effet,
cette parole : « Nous avons trouvé, »
exprime le travail de l'enfantement d'une âme qui soupirait ardemment après
la présence du Messie, et qui tressaille de joie d'avoir enfin trouvé l'objet
de ses désirs. —
Saint Augustin : Le mot Messie en hébreu,
Christ en grec, veut dire « oint » en latin; car le mot crisma signifie onction. C’est
Jésus qui, en particulier, a reçu l’onction ; tous les chrétiens
reçoivent l'onction, d'après ces paroles : « Votre Dieu vous a sacré d'une onction de joie, qui vous élève
au-dessus de tous ceux qui doivent la partager; » (Ps 44) tous les
saints, en effet, entrent en participation des dons du Christ, mais le Christ
lui-même est le saint par excellence, et a reçu par lui-même une onction [plus
parfaite]. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. précéd). Aussi André
ne l'appelle-t-il pas simplement Messie, mais le Messie avec l'article.
Remarquez comme tout d'abord Pierre avait un esprit docile, il accourt
aussitôt sans tarder, sans hésiter : «
Et il l'amena à Jésus. » Ne condamnons pas cette promptitude qui, sans
plus d'informations, le fait ajouter foi aux paroles de son frère. On peut
supposer raisonnablement qu'André prit soin de lui développer la grande
vérité qu'il lui annonçait; mais souvent les Evangélistes omettent un grand
nombre de choses pour abréger leur récit. D'ailleurs, il n'est pas dit que
Pierre crut immédiatement, mais que son frère l'amena à Jésus et le lui
confia pour qu'il apprit de lui toutes les vérités nécessaires. Or, le
Seigneur commence à lui révéler lui-même les secrets de sa divinité, et à
confirmer cette révélation par les prédictions qu'il fait de l'avenir. En
effet, les prophéties sont une preuve non moins forte que les miracles, elles
sont même plus particulièrement l'œuvre de Dieu, que les démons ne peuvent
imiter. Dans les miracles, l'illusion est possible, et on peut être trompé
par l'apparence. Mais il n'appartient qu'à la nature incorruptible de prédire
l'avenir d'une manière certaine. C'est ce que fait ici Jésus : « Et Jésus, l'ayant regardé, lui dit :
Vous êtes Simon, fils de Jonas, vous serez appelé Céphas, c'est-à-dire
Pierre. » —
Saint Bède : Jésus le considère non seulement
des yeux du corps, mais c'est du regard éternel de sa divinité, qu'il voit la
simplicité de son cœur et l'élévation de son âme qui devaient lui mériter
d'être placé un jour à la tête de toute l'Eglise. Il ne faut pas chercher une
autre signification du mot Pierre dans l'hébreu ou dans le syriaque; car le
mot Pierre a en grec et en latin la même signification que le mot Céphas en
syriaque, et dans les deux langues, ce nom dérive du mot « pierre ».
Or, cet Apôtre est appelé Pierre, à cause de la fermeté de la foi avec
laquelle il s'attacha à cette pierre, dont l'Apôtre a dit : « Or, la pierre était Jésus-Christ, »
qui délivre des embûches de l'ennemi ceux qui espèrent en lui, et qui répand
sur eux, comme un fleuve, l'abondance de ses grâces spirituelles. —
Saint Augustin : (Traité précéd). Il n'y a
rien d'étonnant à ce que le Seigneur ait dit de qui Simon était fils. Il
savait, en effet, le nom de tous les saints qu'il avait prédestinés avant la
création du monde. Mais ce qui est vraiment extraordinaire, c'est qu'il ait
changé son nom et l'ait appelé Pierre au lieu de Simon. Le nom de Pierre
vient du mot petra, pierre, et la pierre, c'est l'Eglise, donc le nom de
Pierre est la figure de l'Eglise. Et qui est solide, sinon celui qui
construit sur la pierre ? Le Seigneur veut exciter ici votre attention.
Si Pierre avait porté ce nom auparavant, vous n'auriez pas aussi bien
remarqué le mystère qu'il renferme, et vous auriez pu croire que ce nom vient
du hasard plutôt que d'une disposition providentielle. C'est pour cela que
Dieu a voulu qu'il portât auparavant un autre nom, pour faire ressortir plus
vivement dans le changement de nom la force du mystère qu'il renfermait. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 19). Jésus a changé
encore le nom de cet Apôtre, comme preuve qu'il était l'auteur de l'Ancien
Testament, et que c'était lui-même qui avait changé les noms des patriarches,
et appelé Abram, Abraham; Sarai, Sara (Gn 17), et Jacob, Israël. (Gn 32) Pour
plusieurs, il leur a donné leurs noms, dès leur naissance, par exemple à
Isaac (Gn 17), et à Samson. (Jg 13) Pour d'autres, au contraire, il a changé
les noms que leurs parents leur avaient donnés, c'est ce qu'il a fait ici
pour Pierre, et [plus tard] pour les fils de Zébédée. (Mc 3) Ceux dont la
vertu devait jeter un vif éclat dès leurs premières années, ont reçu alors
leur nom, tandis que ceux dont le mérite ne devait se produire que plus tard,
n'ont reçu aussi que plus tard le nom [que Dieu leur destinait]. —
Saint Augustin : (de l'acc. des Evang., 2,
17). Saint Jean raconte ici que c'est sur les bords du Jourdain (avant que
Jésus se rendit en Galilée), que, sur le témoignage de Jean-Baptiste, deux de
ses disciples, dont l'un, qui s'appelait André, amena son frère Simon à
Jésus, se mirent à la suite du Sauveur, et que ce fut alors que Simon reçut
le nom de Pierre. Or, il y a ce semble une assez grave contradiction entre ce
récit et celui des autres évangélistes, d'après lesquels Jésus rencontra
André et Simon qui pêchaient en Galilée, et les appela alors pour en faire
ses disciples. Sauf si l’on admet que ces deux frères ne s'attachèrent pas au
Sauveur inséparablement et d'une manière définitive, lorsqu'ils le
rencontrèrent sur les bords du Jourdain. Ils connurent seulement alors qui il
était, et ils retournèrent à leurs occupations. Que personne cependant
n'aille penser que Pierre ne reçut son nom que dans la circonstance
solennelle où Jésus lui dit : « Tu es
Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise. » (Mt 16) Il reçut ce
nom, lorsque le Sauveur lui dit : « Tu
t'appelleras Céphas, c'est-à-dire, Pierre. » (Jn 1) —
Alcuin : On peut dire encore que
Jésus ne lui donne pas ici le nom de Pierre, mais qu'il ne fait que présager
qu'il lui sera donné plus tard, lorsqu'il lui dira : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise. » (Mt
16) Mais au moment même de changer son nom, Jésus voulut faire ressortir la
signification mystérieuse du nom même qu'il avait reçu de ses parents. En
effet Simon veut dire, qui est obéissant, Joanna, signifie grâce, et Jona,
colombe. Le Sauveur semble donc lui dire : Vous êtes docile et obéissant, vous
êtes le fils de la grâce ou le fils de la colombe, c'est-à-dire, de l'Esprit
saint, car c'est l'Esprit saint qui vous a inspiré cette humilité, qui vous
fait venir à moi sur la parole d'André ; vous n'avez pas dédaigné, vous son
aîné, de suivre celui qui était plus jeune, car le mérite de la foi l'emporte
sur les prérogatives de l'âge. |
Lectio 26 |
Versets 43-46 |
[85999] Catena in Io., cap. 1 l. 26 Chrysostomus
in Ioannem. Postquam accepit Christus hos discipulos, venit de reliquo ad
alios convertendum, scilicet Philippum et Nathanaelem; unde dicitur in
crastinum autem voluit exire in Galilaeam. Alcuinus. A Iudaea scilicet, ubi erat Ioannes
baptizans, deferens honorem Baptistae, ne videatur magisterium eius minuere,
dum adhuc statum habet. Vocaturus etiam discipulum ad sequendum, voluit exire
in Galilaeam, idest in transmigrationem factam vel revelationem; ut sicut
ipse proficiebat sapientia et aetate et gratia apud Deum et homines, et sicut
passus est et resurrexit, et ita intravit in gloriam suam; sic etiam suos
sequaces ostenderet et exire et proficere in virtutibus, et per passiones ad
gaudia transmigrare debere; unde sequitur et invenit Philippum, et dicit ei
Iesus : sequere me. Sequitur qui imitatur humilitatem et passionem eius, ut
sit socius resurrectionis et ascensionis. Chrysostomus. Et vide quod antequam aliquis ei
adhaereret, nullum vocavit : nam si quidem nullo iam sponte adveniente
attraxisset, fortassis resiliissent : nunc autem a seipsis eligentes sequi
dominum, firmi de reliquo permanserunt. Philippum autem vocat, magis notum ei
existentem, quia in Galilaea nutritus erat. Sed unde Philippus secutus est
Christum? Nam Andreas quidem audiens a Ioanne Baptista, Petrus autem ab
Andrea; hic autem a nullo aliquid discens, solum dicente Christo ad eum
sequere me, confestim persuasus est. Conveniens est autem Philippum a Ioanne
audientem sequi Christum, vel etiam vocem Christi hoc operatam esse. Theophylactus. Non enim simpliciter omnibus vox
Christi dicebatur, sed fidelium interiora ad eius inflammabat amorem : deinde
quia in corde Philippi de Christo cogitatio inerat, et in libris Moysi
assidua lectio, ut expectaret Christum, statim cum vidit, credidit. Forte
autem ab Andrea et Petro de Christo aliquid didicit, quia ex eadem patria
erant; quod Evangelista videtur innuere per hoc quod subdit erat autem
Philippus a Bethsaida civitate Andreae et Petri. Chrysostomus. Christus etiam hinc suam virtutem
ostendit, quod a terra nullum ferente fructum, nam a Galilaea propheta non
surgit, inclytos discipulos elegit. Alcuinus. Bethsaida etiam domus venatorum
interpretatur; quo nomine civitatis curavit Evangelista ostendere quales tunc
iam animo erant Philippus, Petrus et Andreas, et quales officio erant futuri,
idest capiendis ad vitam animabus intenti. Chrysostomus. Non solum autem Philippus a Christo
persuasus est, sed praeco aliis fit; unde sequitur invenit Philippus
Nathanael, et dicit ei : quem scripsit Moyses in lege et prophetae, invenimus
Iesum filium Ioseph a Nazareth. Vide qualiter sollicitam mentem habebat, et
continue meditabatur quae sunt Moysi, et expectabat adventum Christi. Et
quidem quod Christus debebat venire, noverat prius; quoniam autem hic
Christus erat, ignorabat. Dicit autem quem scripsit Moyses et prophetae,
credibilem faciens suam praedicationem, et ex hinc persuadens auditorem quod
circa legem et prophetas sollicitus erat, et omnia perscrutans cum veritate
ut et Christus testatus est. Si vero dicit filium Ioseph, ne turberis : eius
enim filius aestimabatur esse. Augustinus in Ioannem. Cui scilicet desponsata erat
mater eius : nam quod ea intacta conceptus et natus sit, bene noverunt ex
Evangelio omnes Christiani. Addit autem et locum : a Nazareth. Theophylactus. Non quia in ea natus erat, sed
nutritus. Generatio enim eius multis erat incognita; sed quod in Nazareth
esset nutritus, cognitum erat. Et dixit ei Nathanael : a Nazareth potest
aliquid boni esse? Augustinus. Ambas pronuntiationes potest consequens
vox Philippi sequi : sive sic pronunties, tamquam confirmans : a Nazareth potest
aliquid boni esse : et ille dicat veni et vide; sive sicut dubitans, et totum
interrogans : a Nazareth potest aliquid boni esse? Veni et vide. Cum ergo
sive illo modo, sive isto pronuntietur, non repugnent verba sequentia,
nostrum est quaerere quid potius intelligamus in his verbis. Nathanael enim
doctissimus legis, cum audisset Philippum dicentem invenimus Iesum, audito a
Nazareth, erectus est in spem, et dixit a Nazareth potest aliquid boni esse.
Scrutatus enim erat Scripturas, et sciebat, quod non facile alii Scribae et
Pharisaei noverant, quia inde erat expectandus salvator. Alcuinus. Qui singulariter sanctus est, innocens,
impollutus; de quo propheta : exiet virga de radice Iesse, et Nazaraeus
(idest flos) de radice eius ascendet. Vel potest hic versiculus sub
dubitatione interrogative proferri. Chrysostomus. Audiverat enim Nathanael a Scripturis
quod a Bethlehem oporteret Christum venire, secundum illud : et tu, Bethlehem
terra Iuda, ex te exiet dux qui regat populum meum Israel. Cum igitur audivit
a Nazareth, dubitavit, non inveniens convenire enuntiationem Philippi cum
prophetica praedicatione. Nazaraeum autem vocant prophetae ab educatione et
conversatione. Considera vero eius in inquirendo prudentiam et mansuetudinem
: non enim dixit : decipis me, Philippe; sed interrogat dicens a Nazareth
potest aliquid boni esse? Valde autem et Philippus prudens erat; non enim
interrogatus frangitur, sed immoratur, virum volens ducere ad Christum; unde
sequitur dicit ei Philippus : veni et vide. Trahit quidem eum ad Christum,
sciens de reliquo eum non contradicturum, si verba et doctrinam illius
gustaverit. |
— Saint Jean
Chrysostome : (hom. 20 sur Saint Jean). Après ces
premiers disciples, Jésus cherche à en convertir d'autres, c'est-à-dire,
Philippe et Nathanaël : « Le lendemain
Jésus voulut aller en Galilée. » —
Alcuin : En partant de la Judée, où
Jean baptisait, Jésus quitte la Judée par honneur pour Jean-Baptiste, et pour
ne point affaiblir l'influence de ses enseignements qui devaient encore alors
se faire entendre. Sur le point d'appeler de nouveaux disciples à sa suite,
il se dirige vers la Galilée, qui signifie transmigration et changement, et
il apprend ainsi à ceux qui le suivent à sortir d'eux-mêmes, à faire de
continuels progrès dans la vertu, et à parvenir à la joie éternelle par les
souffrances, comme il a lui-même voulu avancer et croître en sagesse, en âge,
en grâce devant Dieu et devant les hommes (Lc 11), et passer par les
souffrances avant de ressusciter et d'entrer dans sa gloire : « Et il trouva Philippe, et Jésus lui dit
: ‘Suivez-moi’ ». On suit Jésus, quand on imite son humilité et sa
passion, pour avoir part à la gloire de sa résurrection et de son ascension. —
Saint Jean Chrysostome : (Hom 20). Remarquez que le
sauveur n’a appelé personne à sa suite, avant qu'on eût commencé à s'attacher
à lui; en effet, s'il avait cherché à se faire des disciples, avant que
quelques-uns ne se soient présentés spontanément, ils n'auraient peut-être
pas persévéré longtemps. Mais au contraire, ils lui restent d'autant plus
fidèlement attachés, que c'est volontairement qu'ils ont choisi de marcher à
sa suite. Il appelle d'abord Philippe, qui lui était plus connu parcequ’il
avait été élevé en Galilée. Mais comment expliquer cet empressement de
Philippe à suivre Jésus ? André l'avait suivi sur le témoignage de
Jean-Baptiste; Pierre, sur la parole d'André; Philippe n'a été instruit par
personne, et cette seule parole de Jésus-Christ : « Suivez-moi, » suffit pour le déterminer à le suivre. On peut
dire que Philippe avait déjà pris cette résolution lorsqu'il entendit
Jean-Baptiste, ou que la voix de Jésus suffit à produire cet effet. — Théophylactus : Car la voix du Sauveur n'était pas un simple son qui frappe les
oreilles, mais elle enflammait d'amour pour lui le cœur de ses disciples.
D'ailleurs, Philippe avait la connaissance du Christ, et lisait assidûment
les livres de Moïse, et y puisait l'espérance de son prochain avènement, il
crut donc en lui aussitôt qu'il le vit. Peut-être encore fut-il instruit quelque
peu par André et par Pierre, qui étaient du même pays, et l'Evangéliste
semble l'indiquer par ces paroles : «
Or, Philippe était de Bethsaïde, de la même ville qu'André et Pierre ». —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 20). Jésus-Christ fait
encore éclater sa puissance en choisissant les plus illustres de ses
disciples dans une terre qui n'avait porté jusqu'alors aucun fruit (car aucun
prophète n'était sorti de la Galilée). —
Alcuin : Bethsaïde, signifie aussi
maison des chasseurs, et par le nom de cette ville, l'Evangéliste veut nous
montrer ce qu'étaient déjà intérieurement Philippe, Pierre et André, et
comment ils rempliraient un jour la mission qui leur serait donnée en se
livrant tout entiers à la chasse spirituelle des âmes pour leur donner la
vie. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 20). Non seulement
Philippe fut convaincu par le Christ, mais il veut l'annoncer lui-même aux
autres : « Philippe trouva Nathanaël,
et lui dit : Nous avons trouvé celui de qui Moïse a écrit dans la loi, ainsi
que les proph ètes : c’est Jésus, fils de Joseph, de Nazareth».
Voyez quelles étaient les saintes préoccupations ds son esprit, comme il
méditait continuellement les livres de Moïse, et vivait dans l'attente de
l'avènement du Christ. Il savait bien sans doute que le Christ devait venir,
mais il ignorait jusque-là que Jésus fût le Christ. Il dit donc à Nathanaël :
« Celui de qui Moïse a écrit et que les
prophètes ont annoncé » ; il donne ainsi un nouveau poids à ses
paroles, en montrant que l'étude de la loi et des prophètes lui était chère,
et qu'il approfondissait tout en vérité, au témoignage de Jésus-Christ
lui-même. Ne soyez pas surpris qu'il appelle Jésus fils de Joseph, il passait
alors pour le fils de Joseph. —
Saint Augustin : (Traité précéd).
C'est-à-dire que sa mère était l'épouse de Joseph, car tous les chrétiens ont
appris de l'Evangile, que Jésus a été conçu et qu'il est né d'une Vierge. Il
ajoute le nom de son pays : « de
Nazareth. » — Théophylactus : Ce n'était pas le lieu de sa naissance, mais celui où il avait été
élevé. Sa naissance était inconnue d'un grand nombre, mais on savait qu'il
avait été élevé à Nazareth : «
Nathanaël lui dit : Peut-il venir quelque chose de bon de Nazareth ? » —
Saint Augustin : (Traité préced). La réponse
de Philippe se prête également à ces deux significations : ou bien la
proposition de Nathanaël est affirmative : « Il peut venir quelque chose de bon de Nazareth, » et Philippe
ajoute : « Venez et voyez, » ou
bien elle est dubitative et sous forme d'interrogation : « Peut-il venir quelque chose de bon de Nazareth ? » et Philippe
lui répond : « Venez et voyez. »
Quelle que soit du reste celle des deux significations qu'on adopte, elle
s'harmonise parfaitement avec ce qui suit. Il nous revient donc d’examiner
quel est le sens de ces paroles. Nathanaël, qui était très instruit dans la
loi, ayant entendu dire à Philippe : «
Nous avons trouvé Jésus de Nazareth» ; ce dernier mot réveilla son
espérance, et il dit : « Il peut venir quelque chose de bon de Nazareth. »
Car il avait approfondi les Ecritures, et il savait (ce que les scribes et
les pharisiens ignoraient), que c'était de Nazareth qu'on devait attendre le
Sauveur. —
Alcuin : C'est lui qui est le saint
par excellence, l'innocence, celui qui est sans tache et dont le prophète a
dit : « Un rejeton sortira de la tige
de Jessé, et du Nazaréen (une fleur) s'élèvera de sa racine. » (Is 11) On
peut encore entendre ces paroles dans un sens dubitatif et sous forme
d'interrogation. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. précéd). Nathanaël
savait, d'après les Ecritures, que Jésus devait sortir de Bethléem. Selon
l'oracle du prophète Michée : « Et toi
Bethléem, terre de Juda, c'est de toi que sortira le chef qui doit conduire
mon peuple d'Israël. » (Mi 5) Lors donc qu'il entend dire à Philippe : « Jésus de Nazareth, » il a un moment
d'hésitation, et trouve que cette indication de Philippe n'est pas en rapport
avec la prédication du prophète. Or, les prophètes donnent au Christ le nom
de Nazaréen, parce que c'est à Nazareth qu'il fut élevé et qu'il passa la
plus grande partie de sa vie. Remarquez encore la prudence et la douceur de
Nathanaël dans la question qu'il adresse à Philippe, il ne lui dit pas : Vous
m'induisez en erreur, Philippe, mais il lui fait cette simple question : « Peut-il venir quelque chose de bon de
Nazareth ? » Philippe, de son côté, n'est pas moins prudent, il n'est pas
déconcerté par la question de Nathanaël, mais il insiste et veut absolument
amener un nouveau disciple à Jésus-Christ : « Philippe lui dit : Venez et voyez. » Il l'entraîne jusqu'à
Jésus-Christ, bien convaincu qu'il ne lui résistera point dès qu'il aura
goûté la vérité de ses paroles et de sa doctrine. |
Lectio 27 |
Versets 47-51
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[86000] Catena in Io., cap. 1 l. 27 Chrysostomus
in Ioannem. Nathanael non suscipiendo ex Nazareth Christum esse, eam quae
illi erat circa Scripturas diligentiam ostendit; in non respuendo vero eum
qui annuntiaverat, multum desiderium quod habebat circa Christi praesentiam
monstravit. Sciebat enim quod poterat Philippus circa locum falli; unde sequitur
vidit Iesus Nathanael venientem ad se, et dicit de eo : ecce vere Israelita,
in quo dolus non est : quia nihil ad gratiam vel odium loquebatur. Augustinus in Ioannem. Vel aliter. Quid est in quo
dolus non est? Forte non habebat peccatum? Forte illi medicus non erat
necessarius? Absit. Nemo sic natus est ut medico illo non egeret. Dolus enim
est cum aliud agitur, et aliud fingitur : quo modo ergo in illo dolus non
erat, si peccator est? Fatetur se peccatorem; si enim peccator est et iustum
se dicit, dolus est in ore ipsius. Ergo in Nathanaele confessionem peccati
laudavit, non indicavit non esse peccatorem. Theophylactus. Sed Nathanael laudatus non acquievit
extemplo, sed expectavit, adhuc volens aliquid manifestius discere; et
interrogat; sequitur enim dicit ei Nathanael : unde me nosti? Chrysostomus. Ipse quidem igitur ut homo
investigabat, Iesus autem ut Deus respondebat : sequitur enim respondit Iesus
et dixit ei : priusquam te Philippus vocaret, cum esses sub ficu, vidi te :
non ut homo eum intuens, sed ut Deus desuper cognoscens. Vidi, inquit, te,
idest morum tuorum mansuetudinem. Dicit autem cum esses sub ficu : quoniam
nullus ibi erat, sed soli Philippus et Nathanael singulariter loquebantur :
propter hoc dictum est quod videns eum a longe dixit ecce vere Israelita; ut
scires quoniam antequam appropinquaret Philippus, haec loquebatur Christus,
et insuspicabile fiat Christi testimonium. Noluit autem Christus dicere : non
sum ex Nazareth, ut annuntiavit tibi Philippus; sed ex Bethlehem, ut non
faceret altercabilem sermonem; neque etiam per hoc dedisset argumentum
sufficiens quod ipse esset Christus; sed ostendit se Christum per hoc quod
praesens erat loquentibus illis. Augustinus. Quaerendum est enim an aliquid
significet arbor fici. Invenimus arborem fici maledictam, quia sola folia
habuit, et fructu caruit. In origine humani generis Adam et Eva, cum
peccavissent, de foliis ficus subcinctoria sibi fecerunt. Folia ergo
ficulneae intelliguntur peccata. Erat autem Nathanael sub arbore fici, tamquam
sub umbra mortis; ac si dominus ei dicat : o Israel, sine dolo quisquis es, o
popule Iudaeus ex fide, antequam te per apostolos meos vocarem, et cum esses
sub umbra mortis, et tu me non videres, ego te vidi. Gregorius Moralium. Vel cum esses sub ficu, vidi te;
idest, positum te sub umbra legis elegi. Augustinus de Verb. Dom. Recordatus est autem
Nathanael se fuisse sub ficu ubi non erat Christus praesentia corporali, sed
scientia spirituali; et quia sciebat se solum fuisse sub ficu, agnovit in
illo divinitatem. Chrysostomus in Ioannem. Sic ergo ab hac
praedicatione, et ab eo quod mentem scrutatus est eius, et quia cum adversus
eum dicere videretur, non culpavit, sed laudavit, cognovit quoniam vere est
Christus; unde sequitur respondit ei Nathanael, et ait : Rabbi, tu es filius
Dei, tu es rex Israel; quasi dicat : tu es qui expectabaris, tu es qui
quaerebaris. Quia enim argumentum inaltercabile suscepit, venit ad
confessionem, et in mora priori diligentiam ostendens, et in posteriori
confessione devotionem. Multi autem legentium sermonem hunc anxiantur :
Petrus enim qui post miracula et doctrinam confessus est, quoniam filius est
Dei, beatificatur, ut a patre revelationem iam suscipiens; Nathanael autem
ante signa et doctrinam hoc dicens, nihil tale audivit. Est igitur huius
causa, quoniam verba quidem eadem locutus est Petrus et Nathanael, non autem
eadem mente; sed Petrus quidem confessus est filium Dei ut Deum verum; hic
autem ut hominem nudum; dicens enim ei tu es filius Dei, induxit tu es rex Israel;
Dei autem filius non Israelis est rex solum, sed et orbis terrarum universi.
Hoc etiam manifestum est ex his quae consequuntur. Nam Petro nihil postea
addidit Christus : sed quasi perfecta eius existente fide, Ecclesiam se dixit
in confessione illius fabricaturum esse. Nathanael autem, quasi multa parte
et maiori confessionis deficiente, ad maiora educitur; nam sequitur et dixit
ei : quia dixi tibi : vidi te sub ficu, credis : maius his videbis; quasi
dicat : magnum tibi visum est hoc esse quod dixi, et propterea me regem
Israelis confessus es : quid igitur dices cum maius videbis? Et quid sit
istud maius, ostendit subdens et dicit eis : amen, amen dico vobis, videbitis
caelum apertum, et Angelos Dei ascendentes et descendentes super filium
hominis. Vide qualiter paulatim eum a terra abducit, et facit quod non ultra
aestimet Christum esse hominem solum : cui enim Angeli ministrant, qualiter
hic homo purus esset? Per hoc igitur suadet Angelorum se esse dominatorem :
sicut enim in proprium regis filium descenderunt et ascenderunt in eum
ministri regales; hoc quidem in tempore crucis, hoc vero in tempore
resurrectionis et ascensionis; sed et ante hoc, quando accesserunt et
ministrabant ei, et quando evangelizabant eius nativitatem. Futurum vero a
praeterito probavit; qui enim in praeteritis virtutem eius agnoverat, et de
futuris audiens facilius suscepit. Augustinus de Verb. Dom. Recolamus autem veterem
historiam, quando Iacob in somniis vidit scalam a terra pertingentem usque in
caelum, et dominus incumbebat super eam, et Angeli ascendebant et
descendebant per eam. Denique ipse Iacob quia intellexit quid viderit, posuit
lapidem et fudit oleum : dum unxit lapidem Iacob, numquid idolum fecit?
Significavit, non adoravit. Agnoscitis chrisma, agnoscite et Christum. Ipse
est lapis quem reprobaverunt aedificantes. Si ergo Iacob vidit scalam, qui
est Israel appellatus, et Nathanael iste vere Israelita erat; convenienter
somnium Iacob dominus dixit ei; quasi dicat : cuius nomine te appellavi,
ipsius somnium in te apparuit : videbis enim caelum apertum, et Angelos Dei
ascendentes et descendentes super filium hominis. Si autem ad illum
descendunt, et ad illum ascendunt, et sursum est, et hic est : sursum in se,
deorsum in suis. Augustinus in Ioannem. Sunt autem Angeli Dei boni
praedicatores praedicantes Christum; hoc est super filium hominis ascendunt
et descendunt, sicut Paulus, qui ascenderat usque ad tertium caelum,
descendit usque ad lac potum parvulis dandum. Dixit autem maius his videbis;
quia plus est quod nos dominus vocatos iustificavit, quam quod vidit iacentes
sub umbra mortis. Quid enim nobis proderat, si ibi mansissemus ubi nos vidit?
Quaeritur autem quare Nathanael, cui tantum testimonium perhibuit filius Dei,
inter duodecim apostolos non invenitur? Intelligere autem debemus, ipsum
eruditum fuisse et peritum legis : propterea noluit illum dominus inter
discipulos ponere, quia idiotas elegit, unde confunderet mundum. Volens enim
superborum frangere cervices, non quaesivit per oratorem piscatorem; sed de
piscatore lucratus est imperatorem. Magnus Cyprianus orator; sed prius Petrus
piscator; per quem postea crederet non tantum orator, sed etiam imperator. |
— Saint Jean
Chrysostome : (hom. 20 sur Saint Jean). Nathanaël,
en refusant d'admettre que le Christ devait sortir de Nazareth, fait voir
l'étude approfondie qu'il avait faite des Ecritures; et en consentant à
suivre celui qui lui annonçait sa présence, il montre le vif désir qu'il
avait de voir le Christ, car il présumait que Philippe pouvait se tromper sur
le lieu de sa naissance : « Jésus
voyant venir Nathanaël, dit de lui : Voici un vrai Israélite, dans lequel il
n'y a point de ruse. » [Il ne croit pas devoir lui faire aucun reproche,
bien que d'après ses paroles, il n’eut pas cru à l'instant même, parce qu'il
s'attachait plus que Philippe aux indications des oracles prophétiques. Jésus
porte donc de lui ce jugement : « Voici un vrai Israélite, dans lequel il n'y
a pas de ruse, »] parce que ses paroles ne respirent ni flatterie ni
aversion. —
Saint Augustin : (Traité précéd). Ou bien
encore, que signifie ces paroles : « dans
lequel il n'y a point de ruse ? » Veulent-elles dire que Nathanaël était
pur de tout péché, et qu'il n'avait pas besoin de médecin ? Non, sans doute,
car il n'est personne de ceux qui reçoivent le jour, qui n'ait besoin de
recourir à ce médecin. Or, la ruse consiste à feindre une chose et à en faire
une autre. Dans quel sens donc n'y avait-il point de ruse dans Nathanaël,
s’il est pécheur ? C'est-à-dire que s'il est pécheur, il ne craint pas de le
reconnaître; si au contraire il se disait juste, tout pécheur qu'il est, la
ruse se fût trouvée sur ses lèvres. Le Sauveur loue donc dans Nathanaël de
reconnaître sincèrement qu'il est pécheur, mais il ne veut nullement dire
qu'il soit sans péché. —
Théophylactus : Mais Nathanaël, malgré cet éloge, ne se rend pas aussitôt, il attend
une preuve plus évidente, et il interroge le Sauveur : « Nathanaël lui dit : D'où me connaissez-vous ? » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. précéd). La question de
Nathanaël est la question d'un homme, la réponse de Jésus est celle d'un Dieu
: « En réponse, Jésus lui dit : Avant
que Philippe vous appelât, lorsque vous étiez sous le figuier, je vous ai vu.
» II l'a vu, non pas des yeux de l'homme, mais de ce regard divin que
Dieu abaisse sur les hommes du haut des cieux. « Je vous ai vu, » c'est-à-dire, j'ai vu les habitudes de votre
vie. Il ajoute : « lorsque vous étiez
sous le figuier, » là où il n'y avait personne, si ce n'est Philippe et
Nathanaël qui s'entretenaient ensemble. L'Evangéliste fait remarquer que
c'est en voyant Nathanaël de loin, que Jésus dit de lui : « Voici un vrai Israélite, »
c'est-à-dire, avant que Philippe se fût approché de Jésus, de manière que
vous ne puissiez élever aucun soupçon sur le témoignage du Sauveur. Jésus ne
voulut pas répondre : Je ne suis pas né à Nazareth, comme Philippe vous l'a
dit, mais à Bethléem, pour ne pas soulever de discussion sur ce point, c'eût
été d'ailleurs une preuve insuffisante qu'il était le Christ, et il le prouve
[bien plus fortement] en leur démontrant qu'il était présent à leur
entretien. —
Saint Augustin : (Traité 6 sur Saint Jean). Examinons si ce figuier a ici une
signification particulière. Nous trouvons [dans l'Evangile], un figuier
maudit, parce qu'il n'avait que des feuilles et point de fruit. (Mt 21; Mc
11) Au commencement du monde Adam et Eve, après leur péché, se firent une
ceinture de feuilles de figuier. (Gn 3) Les feuilles du figuier sont donc la
figure des péchés. Or, Nathanaël était assis sous un figuier comme à l'ombre
de la mort, et le Seigneur semble lui dire : O Israël ! vous qui êtes sans
ruse ! O peuple qui vivez de la foi ! avant que je vous aie appelé par mes
Apôtres, lorsque vous étiez encore à l'ombre de la mort, et avant que vous ayez
pu me voir, je vous ai vu. —
Saint Grégoire : (Moral., 18, 20). Ou bien,
je vous ai vu pendant que vous étiez sous le figuier, c'est-à-dire, je vous
ai choisi lorsque vous étiez encore sous les ombres de la loi. —
Saint Augustin : (sermon 40 sur les paroles
du Seigneur). Nathanaël se souvint qu'il était sous le figuier où Jésus était
présent, non pas physiquement, mais par sa science spirituelle [et divine],
et comme il savait qu'il était seul sous ce figuier, il reconnut en lui sa
divinité. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 20 sur Saint Jean). Nathanaël reconnut donc que Jésus
était vraiment le Christ, à la révélation qu'il vient de lui faire, a la
connaissance qu'il avait de ses dispositions intérieures, et aussi parce que
loin de le reprendre, il a fait son éloge, après le langage peu favorable en
apparence que Nathanaël avait tenu à son égard : « Nathanaël lui répondit : Maître, vous êtes le Fils de Dieu, vous
êtes le roi d'Israël, » c'est-à-dire : vous êtes celui que nous
attendions, celui que nous cherchions. La preuve indubitable qui vient de lui
être donnée, détermine cet aveu; l'hésitation qu'il a manifestée d'abord
montre son zèle à chercher la vérité, et son empressement à la reconnaître
ensuite est une preuve de sa religion. (Hom. 21). Ce passage en embarrasse un
grand nombre; Pierre, disent-ils, qui a confessé que Jésus était le Fils de
Dieu, après avoir été témoin de ses miracles et de sa doctrine, est proclamé
bienheureux, de ce que le Père lui a révélé cette vérité, tandis que
Nathanaël, qui confesse la divinité de Jésus, sans avoir ni vu ses miracles,
ni entendu ses enseignements, ne reçoit point les mêmes louanges. En voici la
raison, c'est que Pierre et Nathanaël ont tenu le même langage mais sans y
attacher le même sens. Pierre a confessé que Jésus était le Fils de Dieu, et
vrai Dieu lui-même; Nathanaël, au contraire, ne voit encore en lui qu'un
homme. Car en lui disant : « Vous êtes
le Fils de Dieu » ; il
ajoute : « Vous êtes le roi d'Israël. »
Or, le Fils de Dieu n'est pas seulement le roi d'Israël, il est le roi de
tout l'univers. La suite du texte rend encore plus sensible cette différence.
En effet, Jésus-Christ n'ajouta rien à la confession de Pierre, il considéra
sa foi comme parfaite, et lui prédit que sur cette confession il bâtirait son
Eglise, tandis que pour Nathanaël, dont la confession était moins complète et
laissait beaucoup à désirer, il l'élève vers des considérations plus hautes :
« Et Jésus lui dit : Parce que je vous
ai dit : Je vous ai vu sous le figuier, vous croyez; vous verrez de plus
grandes choses, » c'est-à-dire : vous regardez comme une chose
extraordinaire ce que je vous ai dit, et c'est pour cela que vous me
proclamez roi d'Israël; que direz-vous donc, lorsque vous verrez de plus
grandes choses ? Et quelles sont ces choses ? « En vérité, en vérité, je vous le dis, vous verrez le ciel ouvert et
les anges de Dieu monter et descendre sur le Fils de l'homme. » Voyez
comme il l'élève peu à peu au-dessus de la terre, et l'amène à reconnaître
que le Christ n'est pas seulement un homme. Car comment celui qui a les anges
pour serviteurs, pourrait-il n'être qu'un homme ? Il se fait donc ainsi
connaître pour le maître des anges qui descendirent sur Jésus et montèrent
avec lui comme les ministres de sa divine royauté; ils descendirent sur lui
au moment de sa mort sur la croix, et montèrent au temps de sa résurrection
et de son ascension. Ils avaient déjà rempli précédemment ce ministère
lorsqu'ils s'approchèrent de lui pour le servir dans le désert, et aussi
lorsqu'ils annoncèrent sa naissance. Le Sauveur prouve donc ici l'avenir par
le passé. En reconnaissant les signes de sa puissance dans le passé,
Nathanaël pouvait plus facilement croire à la prédiction que le Sauveur lui
faisait pour l'avenir. —
Saint Augustin : (serm. 40 sur les par. du
Seig). Rappelons-nous l'ancienne histoire de Jacob, qui vit dans son sommeil
une échelle posée sur la terre et dont le sommet touchait au ciel ; le
Seigneur s’appuyait sur cette échelle, et les anges de Dieu qui montaient et
descendaient le long de l'échelle. (Gn 28) Jacob, comprenant cette vision,
prit la pierre [qu'il avait mise sous sa tête] et répandit de l'huile dessus.
Est-ce qu'il voulut en cela faire une idole ? Non, l'action de Jacob est ici
figurative, et il ne rend aucun culte d'adoration à cette pierre. Vous voyez
ici l'onction, reconnaissez aussi le Christ. Il est la pierre qui a été
repoussée par les bâtisseurs. Puisque Jacob, qui fut appelé Israël (Gn 32), a
vu cette échelle en songe, et que, d'un autre côté, Nathanaël, au témoignage
de Jésus, est un vrai Israélite, c'est avec raison que le Sauveur lui
rappelle le songe de Jacob, comme s'il lui disait : Le songe de celui dont je
vous ai attribué le nom se réalisera pour vous-même, vous verrez le ciel
ouvert, et les anges de Dieu monter et descendre sur le Fils de l'homme.
S'ils descendent sur lui, ils montent aussi jusqu'à lui, car il est tout à la
fois dans les hauteurs des cieux et sur la terre, il est en haut dans sa
propre nature, il est en bas dans la personne des siens. —
Saint Augustin : (Traité 7 sur Saint Jean). Les bons prédicateurs qui annoncent
vraiment Jésus-Christ, sont les anges de Dieu, ils montent et descendent sur
le Fils de l'homme, à l'exemple de saint Paul, qui monta jusqu'au troisième
ciel (2 Co 2), et qui est descendu jusqu'à donner du lait pour nourriture aux
petits enfants. (1 Co 3) Jésus dit à Nathanaël : « Vous verrez encore de plus grandes choses, » car la
justification de ceux que le Seigneur a appelés à la foi est un plus grand
miracle que de nous avoir vus couchés et étendus à l'ombre de la mort. Que
nous aurait-il servi, en effet, [qu'il nous vît], si nous étions restés à
l'ombre de la mort ? Mais pourquoi Nathanaël, à qui le Fils de Dieu a rendu
un si glorieux témoignage, ne fait-il point partie des douze Apôtres ? Nous devons
voir qu'il était instruit et versé dans la science de la loi, et c'est la
raison pour laquelle le Seigneur ne voulut point l'admettre au nombre de ses
Apôtres; il aima mieux choisir des ignorants pour confondre la vaine science
du monde. Dans le dessein qu'il avait formé d'abaisser la tête altière des
orgueilleux, ce n'est point par [l'éloquence d']un orateur qu'il voulut
amener à lui un pêcheur, c'est par ce simple pêcheur qu'il convertit à lui
les empereurs. Cyprien a été un grand orateur, mais avant lui nous voyons
Pierre, qui n'était que pêcheur, et c'est par lui que devaient croire dans la
suite, non seulement les orateurs, mais les empereurs eux-mêmes. |
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Caput 2 |
CHAPITRE II
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Lectio 1 |
Versets 1-4
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[86001] Catena in Io., cap. 2 l. 1 Chrysostomus in
Ioannem. Quoniam in Galilaea notus erat dominus, vocant eum ad nuptias;
unde sequitur et die tertia nuptiae factae sunt in Cana Galilaeae. Alcuinus. Galilaea est provincia, in qua est Cana
viculus. Chrysostomus. Vocant autem ad nuptias dominum, non
tamquam magnificum aliquem, sed simpliciter tamquam notum, et unum multorum :
unde hoc Evangelista declarans ait et erat mater Iesu ibi : sicut enim matrem
vocaverant, ita et filium; unde sequitur vocatus est autem Iesus et discipuli
eius ad nuptias : et accedit; neque enim ad dignitatem respiciebat suam, sed
ad beneficium nostrum. Qui enim non dedignatus est formam servi accipere,
neque dedignatus est ad nuptias venire servorum. Augustinus de Verb. Dom. Erubescat igitur homo esse
superbus, quoniam factus est humilis Deus. Ecce inter cetera filius virginis
venit ad nuptias, qui cum apud patrem esset, instituit nuptias. Beda. Quod etiam ad nuptias venire dignatus est,
iuxta litteram, fidem recte credentium confirmat. Porro Tatiani et Marcionis,
ceterorumque qui nuptiis detrahunt, perfidia quam sit damnabilis insinuat. Si
enim toro immaculato et nuptiis debita castitate celebratis culpa inesset,
nequaquam dominus ad has venire voluisset. Nunc autem quia bona est castitas
coniugalis, melior continentia vidualis, optima perfectio virginalis, ad
probandam omnium electionem graduum, discernendum tamen meritum singulorum,
ex intemerato Mariae virginis utero nasci dignatus est; e prophetico viduae
Annae ore mox natus benedicitur; a nuptiarum celebratoribus iam iuvenis
invitatus, has praesentia suae virtutis honorat. Augustinus in Ioannem. Quid autem mirum, si in illam
domum ad nuptias venit qui in hunc mundum ad nuptias venit? Habet enim hic
sponsam, quam redemit sanguine suo, et cui pignus dedit spiritum sanctum,
quam sibi coniunxerat in utero virginis. Verbum enim est sponsus, et sponsa
caro humana; et utrumque unus filius Dei, et idem filius hominis. Ille uterus
virginis Mariae thalamus eius est, unde processit tamquam sponsus de thalamo
suo. Beda. Nec vacat a mysterio quod die tertia nuptiae
factae referuntur. Primum quidem saeculi tempus ante legem, patriarcharum
exemplo; secundum sub lege, prophetarum scriptis; tertium sub gratia,
praeconiis Evangelistarum, quasi tertiae diei luce, mundo refulsit, in quo
dominus in carne natus apparuit. Sed et hoc quod in Cana Galilaeae, idest in
zelo transmigrationis, eaedem nuptiae factae perhibentur, typice denuntiat,
eos maxime gratia Christi dignos existere qui zelo fervere piae devotionis,
ac de vitiis ad virtutes, de terrenis ad aeterna norunt transmigrare.
Discumbente autem ad nuptias domino, vinum defecit, ut vino meliore per ipsum
facto manifestaretur gloria latentis in homine Dei; unde sequitur et
deficiente vino, dicit mater Iesu ad eum : vinum non habent. Chrysostomus. Dignum autem est quaerere, unde venit
in mentem matri magnum quid imaginari de filio : neque enim ante miraculum
fecerat; sequitur enim hoc fecit initium signorum Iesus. Sed revelari
incipiebat et a Ioanne, et ab his quae ad discipulos dixerat; sed ante haec
omnia ipsa conceptio, et ea quae post nativitatem facta sunt maximam ei de
puero imposuerunt aestimationem; unde Lucas dicit : Maria conservabat omnia
verba haec, conferens in corde suo. Cuius igitur gratia non ante ad miraculum
eum incitavit? Nam antea ut unus multorum ita conversabatur; unde non
praesumebat ei mater tale quid dicere; quia vero audivit quod Ioannes ei
testificatus est, et quod discipulos iam haberet, de reliquo confidenter
rogat. Alcuinus. Significat etiam in hoc loco synagogam
quae Christum provocat ad faciendum miraculum : familiare enim est Iudaeis
miracula inquirere. Sequitur et dicit ei Iesus : quid mihi et tibi, mulier?
Augustinus in Ioannem. Quidam derogantes Evangelio, et dicentes quod Iesus
non fuit natus de Maria virgine, hinc argumentum sumere conantur erroris sui,
ut dicant : quomodo erat mater eius cui dixit quid mihi et tibi, mulier? Sed
quis hoc narravit, ut credamus quia hoc dominus dixit? Nempe Ioannes
Evangelista. At ipse dixit et erat ibi mater Iesu. Quare hoc, nisi quia
utrumque verum est? Sed numquid ideo venit ad nuptias, ut doceret matres
contemni? Chrysostomus. Sed quod valde venerabatur matrem,
audi Lucam enarrantem, qualiter subditus parentibus erat. Nam ubi quidem
parentes nihil impediunt eorum quae sunt secundum Deum, debitum est subici
eis; quando autem non tempore debito aliquid quaerunt, et abscindunt nos a
spiritualibus, non ex hoc fallaris. Augustinus de symbolo. Ut ergo distingueret inter
Deum et hominem, quia secundum hominem minor et subditus erat, secundum autem
Deum supra omnes erat, dixit quid mihi et tibi est, mulier? Chrysostomus in Ioannem. Sed et propter aliam
causam, ut non suspecta essent miracula quae fiebant (ab his enim qui
indigebant, rogari oportuerat, non a matre), voluit ostendere quoniam omnia
decenti tempore operatur, non simul omnia faciens : quia confusio quaedam
esset; et ideo sequitur nondum venit hora mea; idest, nondum cognitus sum his
qui adsunt. Sed neque sciunt quoniam defecit vinum : sine eos primum hoc
sentire : qui enim necessitatem non praesentit, neque beneficii grandem
suscipiet sensum. Augustinus. Vel ideo quia dominus noster, secundum
quod Deus erat, matrem non habebat; secundum quod homo erat, habebat matrem.
Miraculum autem quod facturus erat, secundum divinitatem facturus erat, non
secundum infirmitatem humanam. Miraculum tamen exigebat mater; at ille
tamquam non agnoscens viscera humana, operaturus facta divina, dixit quid
mihi et tibi est, mulier? Tamquam dicat : quod in me facit miraculum, non tu
genuisti, deitatem meam. Dicitur autem mulier secundum femineum sexum, non
secundum corruptionem integritatis. Sed quia genuisti infirmitatem meam, tunc
te cognoscam cum ipsa infirmitas pendebit in cruce; unde subdit nondum venit
hora mea; quasi dicat : ibi te agnoscam cum pendere in cruce infirmitas
coeperit, cuius et mater es. Commendavit enim matrem discipulo, prius matre
moriturus, et ante mortem matris resurrecturus. Videte autem ne forte quomodo
invenerunt Manichaei occasionem perfidiae suae, quia dixit dominus quid mihi
et tibi est, mulier? Sic inveniant mathematici occasionem fallaciae, quia
dixit nondum venit hora mea. Dicunt enim : vides quia sub fato erat Christus,
quia dixit nondum venit hora mea. Credant autem Deo dicenti : potestatem
habeo ponendi animam meam, et iterum sumendi eam; et quaerant quare sit
dictum nondum venit hora mea : nec ideo iam sub fato ponant conditorem caeli
: quia si esset fatum de sideribus, non poterat esse sub necessitate siderum
conditor siderum. Adde quod non solum Christus non habuit quod appellas
fatum; sed nec tu, aut ille, aut quisquam hominum. Quare ergo dixit nondum
venit hora mea? Quia in potestate habebat quando moreretur; sed nondum
videbat esse opportunum ut illa potestate uteretur. Vocandi erant discipuli,
annuntiandum erat regnum caelorum, faciendae erant virtutes, commendanda erat
divinitas domini in miraculis, commendanda erat humanitas domini in ipsa
compassione mortalitatis. At ubi tantum fecit quantum sufficere iudicavit, venit
hora, non necessitatis, sed voluntatis; non conditionis, sed potestatis. |
— Saint Jean
Chrysostome : (hom. 21 sur Saint Jean). Jésus est
invité à ces noces, parce qu'il était très connu dans la Galilée : « Et trois jours après il se fit des noces
à Cana, en Galilée. » —
Alcuin : La Galilée est une province
de la Palestine, dans laquelle se trouve le bourg de Cana. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. précéd). Le Sauveur
est invité à ces noces, non pas comme un personnage considérable, mais
simplement comme une connaissance ordinaire, une parmi d’autres. C'est ce que
semble indiquer l'Evangéliste en ajoutant : « Et la mère de Jésus y était, » c'est-à-dire qu'ils invitèrent
le fils, parce qu'ils avaient invité la mère : « Et Jésus fut aussi convié aux noces avec ses disciples. » En se
rendant à cette invitation, il ne considère pas les intérêts de sa dignité,
mais le bien qui peut en résulter pour nous; il n'a pas dédaigné de prendre
la forme d'esclave, il ne dédaigne pas davantage de se rendre aux noces de
ses serviteurs. —
Saint Augustin : (serm. 41 sur les par. du
Seig). Que l'homme rougisse donc de son orgueil, en voyant comment un Dieu
pratique l'humilité. Entre autres raisons, le Fils de Dieu assiste aux noces d’une
jeune fille,upour montrer que c'était lui qui, avant son incarnation et
lorsqu'il était dans le sein de Dieu le Père, avait institué le mariage. —
Saint Bède : (hom pour le 1° dim. après
l'Epiphan). A la lettre, la démarche pleine de condescendance de Jésus, en
assistant à ces noces, confirme la foi des chrétiens, et démontre combien est
condamnable l'erreur de Tatien, de Marcion et d’autres, qui déclarent le
mariage illicite. Si le lit nuptial, orné de la pureté requise, et le
mariage, contracté avec la chasteté voulue, étaient illicites, le Seigneur
n'eût jamais voulu assister à ces noces. La chasteté conjugale est bonne, la
continence des veuves est meilleure, la perfection virginale est bien
supérieure; Notre Seigneur donc pour approuver le choix de ces divers états
de vie, et discerner cependant le mérite de chacun, a daigné naître du sein
immaculé de la Vierge Marie; aussitôt sa naissance, il a voulu recevoir les
bénédictions de la prophétesse Anne qui était veuve, et, dans sa jeunesse, il
honore de la présence de sa haute vertu les noces auxquelles il est invité. —
Saint Augustin : (Traité 8 sur Saint Jean). Qu'y a-t-il d'étonnant que le Fils de
Dieu se soit rendu à ces noces, lui qui est venu dans le monde pour célébrer
des noces [toutes divines] ? Il a, en effet, une épouse qu'il a rachetée de
son sang, à laquelle il a donné l'Esprit saint pour gage, et qu'il s'est unie
dans le sein de la Vierge Marie. Le Verbe est lui-même époux, et la nature
humaine est son épouse, et l'un et l'autre forment un seul Fils de Dieu,
comme un seul Fils de l'homme. Le sein de la Vierge Marie a été le lit
nuptial, d'où il s'avance comme un époux qui sort de sa chambre nuptiale. —
Saint Bède : Ces noces ont lieu trois
jours après [l'arrivée de Jésus en Galilée]; et cette circonstance n'est pas
sans mystère. Le premier âge [ou le premier jour du monde], avant la loi, a
été éclairé par les exemples éclatants des patriarches; le second sous la
loi, par les oracles des prophètes; le troisième sous la grâce, par les
écrits des Evangélistes, comme si brillait sur le monde la lumière de ce
troisième jour, et c'est dans ce troisième jour, que Notre Seigneur a voulu
naître dans une chair mortelle. Ces noces ont lieu à Cana, en Galilée,
c'est-à-dire (d'après la signification de ces deux mots), dans le zèle de la
transmigration, et cette circonstance apprend à ceux qui veulent se rendre
dignes de la grâce de Jésus-Christ, qu'ils doivent être enflammés du zèle
d'une religion véritable, et passer des vices à la pratique des vertus et des
choses de la terre à l'amour des biens célestes. Pendant que le Seigneur
prend part au repas des noces, le vin vient à manquer, et il le permet pour
faire éclater, par la création d'un vin plus exquis, la gloire qui est comme
cachée dans l'Homme-Dieu : « Et le vin,
venant à manquer, la mère de Jésus lui dit : Ils n'ont plus de vin. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 21 sur Saint Jean). Il est important d'examiner d'où
venait à la mère de Jésus, cette haute idée qu'elle avait de son Fils, alors
qu'il n'avait encore fait aucun miracle, puisque l'Evangéliste fait plus loin
cette remarque : « Ainsi Jésus fit à
Cana, en Galilée, le premier de ses miracles ». Nous répondons que sa
gloire commençait à se révéler par le témoignage de Jean, et par ce que Jésus
lui-même avait dit à ses disciples. D'ailleurs, et bien auparavant, sa
conception toute divine, et les prodiges qui entourèrent son berceau, avaient
donné à Marie la plus haute idée de l'enfant dont elle était mère. Saint Luc
confirme cette explication, lorsqu'il dit : « Et sa mère conservait toutes ces choses dans son cœur. »
Pourquoi donc Marie ne l'a-t-elle pressé plus tôt de faire des miracles ? [C'est
qu'il commençait seulement alors sa vie publique]; jusque-là sa vie
extérieure avait été celle d'un homme ordinaire, et sa mère n'avait osé lui
faire une demande semblable. Mais dès qu'elle eut appris le témoignage que
Jean lui avait rendu, et qu'elle l'eut vu entouré déjà de disciples, elle lui
fait cette prière avec confiance. —
Alcuin : Marie représente ici la
synagogue qui presse Jésus-Christ de faire un miracle; car les Juifs avaient
coutume de faire de semblables demandes. «
Jésus lui répondit : Femme, qu'y a-t-il de commun entre vous et moi ? » —
Saint Augustin : (Traité précéd). Il en est
qui osent contredire l'Evangile, affirmer que Jésus n'est point né de la
Vierge Marie, et ils cherchent à appuyer leur erreur sur ces paroles de Jésus
à Marie. Comment, objectent-ils, regarder comme sa mère celle à qui Jésus ne
craint pas de dire : « Qu'y a-t-il de
commun entre vous et moi ? » Mais quel est donc celui qui présente ces
dernières paroles du Seigneur à notre foi ? c'est Jean l'Evangéliste; mais
n'est-ce pas lui aussi qui vient de nous dire : « Et la mère de Jésus était là ? » Pourquoi s'exprime-t-il de la
sorte ? c'est que les deux choses sont vraies. Mais Jésus s'est-il donc rendu
à ces noces pour enseigner aux enfants à mépriser leurs mères ? —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 21). Jésus avait pour
sa mère un respect profond : écoutez saint Luc qui vous dit que « le Sauveur était soumis à ses parents. »
Tant que les parents, en effet, ne s'opposent pas à l'accomplissement de ce
que Dieu demande de nous, c'est un devoir de leur être soumis. Mais quand
leurs exigences sont inopportunes, et tendent à nous arracher à notre vie
spirituelle, il n'est plus sûr de leur obéir. —
Saint Augustin : (du symbole, 2, 5) Jésus, en
tant qu'homme, était inférieur à Marie, et il lui était soumis; mais en tant
que Dieu, il était au-dessus de toutes les créatures. C'est donc pour bien
distinguer entre l'homme et Dieu, qu'il dît à Marie : « Femme, qu'y a-t-il de commun entre vous et moi ? » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 21). Le Sauveur fait
encore cette réponse pour une autre raison, il ne veut pas que ses miracles
soient l'objet du moindre soupçon. En effet, c'étaient à ceux qui manquaient
du vin, et non à sa mère, de lui faire cette demande. Il veut donc montrer
qu'il fait toutes ses actions en temps convenable, avec discernement et sans
aucune confusion. C'est pour cela qu'il ajoute : « Mon heure n'est pas encore venue, » c'est-à-dire, je ne suis
pas encore connu de ceux qui sont ici; ils ne savent pas encore que le vin
manque, laissez-les donc s'en apercevoir tout d'abord. Celui qui n'a pas
éprouvé la nécessité d'un bienfait, n'en comprendra pas non plus
l'importance. — Saint
Augustin : (du symbole, 2, 5). Ou bien encore, Notre
Seigneur répond de la sorte, parce qu'en tant qu'il était Dieu, il n'avait pas
de mère; il en avait une en tant qu'homme, mais le miracle qu'il devait
opérer était l'œuvre de la divinité, et non de la faible nature humaine.
Cependant la mère de Jésus le pressait de faire ce miracle. Mais Jésus, alors
qu'il allait accomplir une oeuvre divine, semble méconnaître le sein où il a
été conçu, et il dit à sa mère : «
Femme, qu'y a-t-il de commun entre vous et moi ? » paroles dont voici le
sens : Vous n'avez pas engendré la puissance qui doit en moi opérer ce
miracle, c'est-à-dire ma divinité. (Il l'appelle femme, pour désigner son
sexe, et non pour l'assimiler aux femmes ordinaires). Mais comme c'est vous qui
avez engendré ce qu'il y a de faible en moi, je vous reconnaîtrai lorsque
cette faible nature humaine sera suspendue à la croix. Voilà pourquoi il
ajoute : « Mon heure n'est pas encore
venue, » c'est-à-dire, je vous reconnaîtrai lorsque cette humanité, dont
vous êtes la mère, sera attachée à la croix. C'est alors, en effet, qu'il
recommande sa mère à son disciple, parce qu'il allait mourir avant elle, et
qu'il devait ressusciter avant sa mort. Remarquez qu'à l'exemple des
manichéens qui cherchent un appui à leurs pernicieuses erreurs dans ces
paroles : « Qu'y a-t-il de commun entre
vous et moi ? » les astrologues veulent autoriser leur système erroné sur
ces autres paroles du Sauveur : « Mon
heure n'est pas encore venue. » Vous voyez, disent-ils, que Jésus-Christ
était assujetti au destin, puisqu'il déclare lui-même que son heure n'est pas
encore venue. Qu'ils se rendent donc à ces paroles du Fils de Dieu, lorsqu'il
dit : « J'ai le pouvoir de quitter la
vie, et de la reprendre ensuite » ; qu'ils cherchent le véritable
sens de ces paroles : « Mon heure n'est
pas encore venue » ; qu'ils
cessent d'asservir au destin le Créateur du ciel, car en supposant même
l'influence des astres sur la destinée de l'homme, le Créateur des astres
devait être nécessairement affranchi de cette influence. Ajoutez que non seulement
Jésus-Christ ne fut point soumis à ce que vous appelez destinée, ni vous, ni
un autre, ni aucun homme que ce soit. Que signifient donc ces paroles : « Mon heure n'est pas encore venue ? »
C'est qu'il avait le pouvoir de mourir quand il le voudrait, et que le temps
ne lui paraissait pas encore venu d'user de ce pouvoir. Il voulait auparavant
appeler ses disciples autour de lui, annoncer le royaume des deux, opérer les
prodiges et les miracles qui devaient faire reconnaître sa divinité, et aussi
manifester son humilité en se soumettant à toutes les infirmités de notre
nature mortelle. Lorsqu'il eut accompli suffisamment ces divers desseins,
l'heure vint pour lui, non l'heure de la nécessité, mais celle de sa volonté,
non l'heure imposée par la fatalité, mais déterminée par sa puissance. |
Lectio 2 |
Versets 5-12 |
[86002] Catena in Io., cap. 2 l. 2 Chrysostomus
in Ioannem. Quamvis dixerit nondum venit hora mea, postmodum fecit quod
mater dixerat; ut etiam ex hoc sufficiens esset demonstratio quod non
subiectus est horae. Si enim horae subiciebatur, qualiter debita hora nondum
facta hoc fecit? Deinde et propter honorem matris, ut non finaliter ei
contradicere videretur : neque eam tot praesentibus erubescere faceret :
adduxerat enim ad eum ministros, ut a pluribus fieret petitio; unde sequitur
dicit mater eius ministris : quodcumque dixerit vobis, facite. Beda. Quasi dicat : licet abnegare videatur, tamen
faciet : noverat enim eum mater pium et misericordem. Sequitur erant autem
ibi lapideae hydriae sex positae secundum purificationem Iudaeorum, capientes
singulae metretas binas vel ternas. Hydriae vocantur vasa aquarum receptui
parata; Graece enim aqua hydor dicitur. Alcuinus. Vasa autem aquarum receptui parata erant
secundum purificationem Iudaeorum, quia inter alias Pharisaeorum traditiones
etiam hoc observabant ut crebro se lavarent. Chrysostomus. Quia vero inaquosa est Palaestina, et
non erat multis in locis fontes et puteos invenire, replebant hydrias aqua,
ut non currerent ad flumina, si quando immundi fierent; sed de prope haberent
purgationis modum. Ne autem quidam infidelium suspicarentur quoniam, faece
intus remanente, deinde aqua immissa, vinum subtilissimum factum esset,
propterea ait secundum purificationem Iudaeorum, ostendens quod illa vasa
numquam vini receptacula facta erant. Augustinus in Ioannem. Metretas enim dicit mensuras
quasdam, tamquam si diceret urnas, amphoras, vel aliud huiusmodi. Metron enim
mensuram dicunt Graeci : inde appellatae metretae. Quod autem ait binas vel ternas, non ita accipiendum
est quod aliae binas, aliae ternas; sed eaedem ipsae caperent binas quae
etiam ternas. Sequitur dixit eis Iesus : implete hydrias aqua. Et impleverunt
eas usque ad summum. Chrysostomus. Sed quare antequam implevissent
hydrias aqua, non fecit signum? Quod multo mirabilius esset : quia scilicet
aliud est substantiam in aliam qualitatem transmutare, et ipsam substantiam
ex nihilo facere. Hoc quidem mirabilius est, sed non ita videtur credibile multis.
Propterea enim multoties a miraculorum magnitudine abstinet, volens magis
credibile esse quod fiebat. Cum hoc et perversa dogmata evertit. Quia enim
sunt quidam qui mundi conditorem alium esse dicunt, plura miraculorum ex
subiectis substantiis facit; si enim contrarius ei esset qui conditor est
mundi, non utique alienis uteretur ad propriae virtutis demonstrationem. Non
autem ipse aquam hausit, et tunc vinum ostendit, sed hoc iubet ministris, ut
eos testes haberet eius quod fiebat; unde sequitur et dicit eis Iesus :
haurite nunc, et ferte architriclino. Alcuinus. Triclinium ordo trium lectorum; clini enim
lectum significat. Architriclinus princeps triclinii, idest primus inter
convivas, qui more antiquo in lectis discumbebant; unde quidam architriclinum
intelligunt aliquem ex sacerdotibus Iudaeorum, qui nuptiis interesse
poterant, ut illos instruerent qualiter nuptiis uti deberent. Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter. Quia aliqui
possent dicere quod convivae ebrii erant, et sensus iudicantium corruptus, ut
nescirent utrum aqua vel vinum esset; hi autem quibus ministratio conviviorum
credita est, maxime vigiles sunt, unum opus habentes ut ornate et ordinate
omnia disponantur; ideo in testimonium eorum quae fiebant dixit dominus ferte
architriclino, propter evigilantem eius sensum : et non dixit : propinate
discumbentibus. Hilarius de Trin. Aqua igitur hydriis infunditur,
vinum calicibus hauritur : infundentis scientiae sensus non convenit
haurientis. Qui infuderunt, hauriri aquam existimant : qui hauriunt vinum,
infusum arbitrantur; unde sequitur ut autem gustavit architriclinus aquam
vinum factam, et non sciebat unde esset (ministri autem sciebant, qui
hauserant aquam), vocat sponsum architriclinus. Non autem aquae simplicitas
defecit, et vini sapor natus est; non per transfusionem potioris obtinetur
quod infirmius est; sed aboletur quod erat, et quod non erat coepit. Chrysostomus in Ioannem. Paulatim autem dominus
volebat cognosci suorum signorum virtutem; et ideo neque ipse revelabat quod
factum est, neque ministros architriclinus vocavit; non enim esset eis
creditum de puro homine existimato tale testimonium reddentibus : sed vocat
sponsum, qui maxime poterat conspicere quod fiebat. Non simpliciter autem
Christus vinum, sed vinum optimum fecit; unde sequitur et dicit ei : omnis
homo primum bonum vinum ponit, et cum inebriati fuerint, tunc id quod
deterius est. Talia enim sunt Christi miracula, ut multo his quae per naturam
fiunt, speciosiora et utiliora fiant. Igitur aqua vinum facta ministros testes
habuit; boni vero vini factio architriclinum et sponsum. Probabile autem est
et sponsum aliquid respondisse; sed Evangelista hoc praetermittit, tangens
solum id quod necessarium est scire, scilicet quoniam vinum aquam fecit; unde
statim subdit hoc fecit initium signorum Iesus in Cana Galilaeae. Tunc enim
signa maxime necessarium erat facere, quando discipuli iam congregati erant
devoti et attendentes his quae fiebant, manifeste aderant. Si vero dixerit
quis non esse argumentum sufficiens ut hoc sit principium signorum, quia
additur in Cana Galilaeae, quasi contingat alibi prius esse facta, dicemus,
quod et antea diximus, quia Ioannes dicit : ut manifestetur Israeli,
propterea veni baptizans. Si vero secundum primam aetatem miracula fecit,
nequaquam indigebant Israelitae alio manifestante eum. Qui enim in brevi
tempore ita per miraculorum multitudinem claruit, ut eius nomen manifestum
fieret omnibus; multo magis si puer existens a prima aetate miracula fecisset
: nam et ea quae fierent, inopinabiliora existimarentur ab infante facta, et
tempus amplius esset. Decenter autem non incepit signa facere ex prima aetate
: existimassent enim phantasiam esse incarnationem, et ante opportunum tempus
cruci eum tradidissent livore liquefacti. Augustinus in Ioannem. Hoc autem miraculum domini
quo de aqua vinum fecit, non est mirum eis qui noverunt quia Deus fecit. Ipse
enim fecit vinum illo die in hydriis qui omni anno hoc facit in vitibus; sed
hoc assiduitate amisit admirationem : itaque servavit sibi Deus inusitata
quaedam quae faceret, ut tamquam dormientes homines ad se colendum
mirabiliter excitaret; propter quod sequitur et manifestavit gloriam suam.
Alcuinus. Quia ipse est rex gloriae, qui sicut
dominus elementa mutabat. Chrysostomus. Et hoc quantum ex parte sua : etsi
vero tunc multi non cognoverunt, sed tamen omnes postea erant miraculum
audituri. Sequitur et crediderunt in eum discipuli eius : hi enim debebant
credere et facilius, et cum diligentia attendere his quae fiebant. Augustinus de Cons. Evang. Sed si tunc in eum
crediderunt, nondum erat discipuli cum ad nuptias vocati sunt; sed illo more
locutionis hoc dictum est quo loquimur cum dicimus apostolum Paulum in Tharso
Ciliciae natum : neque enim tunc iam erat apostolus. Ita discipulos Christi invitatos
ad nuptias cum audimus, non iam discipulos, sed qui futuri erant discipuli
intelligere debemus. Augustinus. Illa autem mysteria quae in isto
miraculo domini latent, videte. Oportebat impleri in Christo quae de illo
scripta erant. Illa erat aqua; fecit autem de aqua vinum, cum aperuit eis
sensum, et exposuit Scripturas : sic enim sapit quod non sapiebat, et
inebriat quod non inebriabat. Beda. Apparente enim domino in carne, vinosa legalis
sensus suavitas paulatim coeperat ob carnalem Pharisaeorum interpretationem a
prisca sua virtute deficere. Augustinus. Si autem iussisset aquam effundi, et
ipse mitteret vinum ex occultis creaturae finibus, videretur Scripturas
veteres improbasse. Cum autem ipsam aquam convertit in vinum, ostendit nobis
quod et Scriptura vetus ab ipso est : nam iussu ipsius impletae sunt hydriae.
Sed nihil sapit illa Scriptura, si non ibi Christus intelligatur. Novimus
autem legem ex quibus temporibus narret, idest ab exordio mundi; inde usque
ad hoc tempus quod nunc agimus, sexta aetas est : nam prima aetas computatur
ab Adam usque ad Noe, secunda a Noe usque ad Abraham, tertia ab Abraham usque
ad David, quarta a David usque ad transmigrationem Babylonis, quinta usque ad
Ioannem Baptistam, sexta inde usque ad finem saeculi. Sex ergo illae hydriae
sex aetates significant, quibus non defuit prophetia. Impletae sunt
prophetiae, plenae sunt hydriae. Quid est autem quod capiebant metretas binas
vel trinas? Si trinas tantum diceret, non curreret animus noster nisi ad
mysterium Trinitatis. Sed forte nec sic debemus inde sensum avertere, quia
dixit binas vel trinas : quia nominato patre et filio, consequenter et
spiritus sanctus intelligendus est. Oportet enim intelligi caritatem invicem
patris et filii, quod est spiritus sanctus. Sed est et alius intellectus non
praetermittendus : binae enim metretae intelliguntur in duobus generibus
hominum, idest Iudaeis et Graecis; tres autem propter Noe tres filios
significandos. Alcuinus. Ministri autem sunt doctores novi
testamenti, qui Scripturas aliis sacras spiritualiter interpretantur;
architriclinus autem est aliquis legisperitus, ut Nicodemus, Gamaliel,
Saulus. Dum ergo talibus Evangelii verbum committitur, quod in littera legis
occultabatur, quasi vinum de aqua factum architriclino propinatur. Et bene in
domo nuptiarum tres ordines discumbentium describuntur : quia Ecclesia tribus
ordinibus fidelium constat : coniugatorum, continentium et doctorum. Optimum
autem vinum Christus usque adhuc servavit, idest Evangelium usque ad sextam
aetatem distulit. |
—
Saint Jean Chrysostome : (hom. 22 sur Saint Jean). Bien que Jésus vienne de dire à sa
mère : « Mon heure n'est pas encore
venue, » il se rend cependant à ses désirs, et démontre amplement par là
qu'il n'était point soumis à l'heure. Car s'il était assujetti à une heure
déterminée, comment se fait-il qu'il opère ce miracle avant que l'heure soit
arrivée ? Un autre motif de cette conduite, c'est le témoignage d'honneur
qu'il veut donner à sa mère, pour ne point paraître la contredire et la couvrir
de honte devant tant de témoins; car elle avait fait approcher les
serviteurs, pour faire appuyer sa demande par un plus grand nombre de
personnes : « Sa mère dit à ceux qui
servaient, faites tout ce qu'il vous dira. » —
Saint Bède : Comme si elle leur disait :
Il fera ce miracle, bien qu'il paraisse le refuser, car sa mère connaissait
sa bonté et son âme compatissante : «
Or, il y avait là six urnes de pierre, installées pour les ablutions des
Juifs, contenant chacune deux ou trois mesures.» Ces urnes (en latin
hydriae), étaient des vases destinés à contenir de l'eau, et leur nom vient
du mot grec Øδωρ, qui veut dire eau. —
Alcuin : Ces vases étaient destinés à
contenir de l'eau pour servir aux purifications en usage chez les Juifs, qui,
entre autres traditions pharisaïques, observaient celle de se laver
fréquemment. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. précéd). Comme le sol
de Palestine est très aride, et qu'on y rencontre peu de fontaines et de
puits, les Juifs remplissaient d'eau de grandes urnes, pour n'être pas
obligés d'en aller chercher dans les fleuves, et pouvoir se purifier
facilement s'ils venaient à tomber dans quelque impureté légale.
L'Evangéliste ajoute : « qui servaient
aux purifications des Juifs, » pour ôter aux incrédules jusqu'à l'ombre
du soupçon qu'il restait au fond de ces vases de la lie avec laquelle en
jetant de l'eau dessus, on aurait fait un vin fort léger, et il montre aussi
jusqu'à l'évidence, que ces vases n'avaient jamais contenu de vin. —
Saint Augustin : (Traité 9 sur Saint Jean). Le mot metretas vient du grec
μέτρον, et signifie des vases d'une certaine
mesure, des urnes, des amphores ou autres vases semblables. —
Saint Bède : [référence à
vérifier] Ces
expressions « deux ou trois » ne veulent pas dire que parmi ces
vases, les uns contenaient deux mesures, les autres trois, mais que chacun
d'eux pouvait contenir deux ou trois mesures. « Jésus leur dit : Remplissez les urnes d'eau, et ils les remplirent
jusqu'au bord. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. précéd). Mais pourquoi
Jésus ne fit-il pas ce miracle avant que les urnes fussent remplies d'eau ?
Le miracle eût été bien plus éclatant, s'il eût fait sortir une nouvelle
substance du néant, au lieu de donner simplement de nouvelles propriétés à
une substance déjà existante. Oui, en effet, ce miracle est d'un ordre
supérieur, mais pour plusieurs il eût paru beaucoup moins digne de foi. Aussi
voyons-nous souvent Notre Seigneur affaiblir, pour ainsi dire, la grandeur de
ses miracles, pour les rendre plus croyables. Ajoutons qu'il opère un grand
nombre de miracles à l'aide de substances déjà existantes, pour détruire
cette pernicieuse erreur que le Créateur du monde est distinct du vrai Dieu,
car si ce [prétendu] créateur du monde lui était opposé, il ne ferait point
servir les objets qu'il a créés à démontrer sa puissance divine. Ce n'est
point Jésus lui-même qui puise dans les vases pour montrer que l'eau est
changée en vin, c'est aux serviteurs qu'il donne l'ordre de puiser pour les
rendre eux-mêmes témoins du miracle : «
Et Jésus leur dit : Puisez maintenant et portez-en au maître d'hôtel. » —
Alcuin : Le mot triclinium veut dire
une rangée de trois lits, du mot grec kλίνη,
lit de repos sur lequel les convives s'étendaient; l'Architriclinus, ou
président du festin, était le premier des convives qui, suivant l'usage
antique, étaient étendus sur des lits. Il en est qui pensent que ce président
du festin était un des prêtres juifs, qui pouvaient assister aux noces, pour
apprendre comment on devait s'y conduire. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 22). On aurait pu
objecter que les convives étaient ivres et que leur goût était émoussé au
point de ne plus pouvoir juger si c'était de l'eau ou du vin qu'on leur
présentait. Ceux au contraire qui étaient chargés du service de la table,
étaient particulièrement vigilants et n'avait qu'un soin, celui de préparer
tout avec ordre et intelligence. Aussi est-ce pour donner un témoin irrécusable
du miracle qu'il venait d'opérer, que Notre Seigneur dit aux serviteurs : « Portez-en au maître du festin, »
parce que son palais n'était pas émoussé, et non pas : Servez ce vin aux
convives. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 3). C'est de
l'eau que l'on verse dans les urnes, et c'est du vin que l'on en retire avec
les coupes; ceux qui ont rempli ces urnes diffèrent de sentiment avec ceux
qui viennent y puiser. Les premiers estiment qu’on y puisera de l'eau; ceux
au contraire qui puisent dans ces urnes croient qu'on les a remplies de vin :
« Sitôt que le maître du festin eut
goûté l'eau changée en vin, ne sachant d'où il venait (mais les serviteurs
qui avaient puisé l'eau le savaient), il appela l'époux. » Ce ne fut pas
un mélange, mais une création. L'eau pure disparut pour faire place à un vin
généreux; ce n'est point par le mélange d'une substance plus forte qu'on
obtient une liqueur plus faible; la première substance est complètement
détruite, et fait place à une substance qui n'existait pas encore. — Saint
Jean Chrysostome : Notre Seigneur voulait que
le caractère divin de ses miracles se révélât peu à peu; aussi ne fait-il pas
connaître lui-même ce qui vient d'arriver. Le maître du festin n'appelle pas
non plus les serviteurs (car leur témoignage n'eût pas suffi pour faire
admettre un miracle aussi étonnant de la part de celui que l'on regardait
comme un homme ordinaire); il s'adresse à l'époux qui était beaucoup plus on
mesure de voir et d'apprécier ce qui venait de se faire. Or, ce n'est pas un
vin ordinaire, mais un vin excellent que Notre Seigneur met à la place de
l'eau : « Et il lui dit : Tout homme
sert d'abord le bon vin, et quand les gens sont ivres, on sert le moins bon.
» En effet, un des caractères des miracles de Jésus-Christ, c'est d'être beaucoup
plus éclatants et aussi plus utiles que les choses qui sont le produit
ordinaire de la nature. Les serviteurs furent témoins du changement de l'eau
en vin, et le maître du festin aussi bien que l'époux, jugèrent eux-mêmes de
l'excellence de ce vin. Il est probable que l'époux exprima sa reconnaissance
en quelques paroles, mais l'Evangéliste n'en dit rien, il se contente de
rapporter ce qui est nécessaire, c'est-à-dire que Jésus a changé l'eau en
vin, et il ajoute aussitôt : « Ainsi
Jésus fit à Cana, en Galilée, le premier de ses miracles. » (hom. 23).
C'était le moment, en effet, d'opérer des miracles, puisqu'il était entouré
de disciples parfaitement disposés et qui suivaient avec une grande attention
toutes les actions du Sauveur, (hom. 21). Prétendrait-on qu'il n'y a point de
preuve suffisante que ce soit là le premier des miracles de Jésus, parce que
l'Evangéliste ajoute : « à Cana, en
Galilée, » ce qui permet de supposer qu'il en avait déjà fait ailleurs ?
Nous répondrons ce que nous avons déjà dit, en citant les paroles de
Jean-Baptiste : « C'est pour qu'il fût
manifesté en Israël, que je suis venu baptiser dans l'eau. » (Jn 1, 31).
Si le Sauveur avait fait des miracles dans sa première enfance, les
Israélites n'auraient pas eu besoin qu'on vînt le leur révéler. La multitude
des miracles que fit Jésus dans un court espace de temps, lui donnèrent une
si grande célébrité, que son nom était connu de tous. Mais sa réputation eût
été mille fois plus grande s'il avait commencé à faire des miracles dès ses
premières années, car des miracles faits par un enfant eussent paru plus
surprenants et ils auraient eu beaucoup plus de temps pour se répandre. Mais
il convenait qu'il ne fit point de miracles dès son enfance, car on eût
refusé de croire à son incarnation, et la jalousie extrême de ses ennemis les
aurait portés à le crucifier avant le temps qu'il avait marqué. —
Saint Augustin : (Traité 9 sur Saint Jean). Ce miracle par lequel Notre Seigneur
a changé l'eau en vin, n'a rien d'étonnant pour ceux qui savent que c'est
Dieu qui agit lui-même. Il opère aux noces de Cana, dans les urnes pleines
d'eau, ce qu'il fait tous les ans dans nos vignes, nous n'admirons pas cette
dernière transformation, parce qu'elle s'accomplit chaque année sous nos
yeux; Dieu s'est donc réservé de nouveaux prodiges pour réveiller les hommes
de leur assoupissement, et leur rappeler l'adoration qu'ils lui doivent,
voilà pourquoi l'Evangéliste ajoute : «
Et il manifesta sa gloire. » —
Alcuin : C'est qu'en effet, il est le
roi de gloire qui change les éléments avec une puissance souveraine. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 23). Voilà ce qu'il a
fait, de son côté du moins, pour manifester sa gloire. Si ce miracle fut
alors inconnu d'un grand nombre, tout l'univers devait dans la suite l'entendre
raconter. « Et ses disciples crurent en
lui. » Ils devaient, en effet, croire avec plus de facilité, et examiner
avec plus d'attention les faits dont ils étaient témoins. —
Saint Augustin : (de l'acc. des Evang., 2,
17). Mais si c’est alors seulement qu’ils crurent en lui, ils n'étaient donc
pas encore ses disciples, lorsqu'ils furent invités à ces noces ? Il faut
donc voir ici une manière de parler semblable à celle que nous employons,
lorsque nous disons que l'apôtre saint Paul est né à Tarse, en Cilicie, car
il est évident qu'il n'était pas Apôtre au moment de sa naissance. De même
lorsque nous lisons dans l'Evangile, que les disciples de Jésus-Christ furent
invités à ces noces, nous devons entendre qu'ils n'étaient pas encore ses
disciples, mais qu'ils devaient le devenir plus tard. —
Saint Augustin : (Traité 9 sur Saint Jean). Considérez maintenant les mystères
qui sont renfermés dans ce miracle du Seigneur; toutes les prédictions qui
avaient Jésus-Christ pour objet devaient recevoir en lui leur accomplissement.
C'était de l'eau qu'il avait sous les yeux, et il a changé cette eau en vin
lorsqu'il ouvrit l'intelligence de ses Apôtres et qu'il leur expliqua les
Ecritures. (Lc 24) C'est ainsi qu'il donne de la saveur à ce qui était
insipide, et une force enivrante à ce qui n'en avait aucune. —
Saint Bède : Au moment où le Seigneur se
manifesta dans le mystère de son incarnation, la saveur généreuse du vin de
la loi perdait insensiblement de sa force première par suite de
l'interprétation toute charnelle des pharisiens. —
Saint Augustin : (Traité précéd). S'il avait
fait répandre l'eau qui était dans les urnes pour la remplacer par un vin
qu'il aurait tiré des trésors cachés de la création, il aurait paru condamner
les livres de l'Ancien Testament. Mais au contraire, il change cette eau en
vin, et nous démontre ainsi qu'il est l'auteur de l'Ancien Testament, car
c'est par son ordre que les urnes ont été remplies d'eau. Mais cette Écriture
reste sans saveur si la foi n'y découvre pas le Christ. Nous savons que les
livres de la loi comprennent tout le temps qui s'est écoulé depuis le
commencement du monde, que ce temps se partage en six époques, et que nous
sommes dans la sixième de ces époques. La première se compte d'Adam jusqu'à
Noé; la seconde, de Noé à Abraham; la troisième, d'Abraham à David; la
quatrième de David jusqu'à la captivité de Babylone; la cinquième de la
captivité de Babylone jusqu'à Jean-Baptiste; la sixième, de Jean-Baptiste à
la fin du monde. Les six urnes sont donc la figure des six âges du monde
pendant lesquels la prophétie n'a pas fait défaut. Les urnes pleines
représentent les prophéties accomplies. Mais que signifie cette circonstance
qu'elles contenaient deux ou trois mesures ? Si l'Evangéliste n'avait dit que
trois mesures, notre esprit ne s'arrêterait qu’au mystère de la Trinité. Mais
de ce qu'il s'est exprimé autrement, en disant : « deux ou trois, » ce n'est pas une raison pour abandonner cette
interprétation, car là où le Père et le Fils sont nommés, on doit y joindre
aussi l'Esprit saint, qui est la charité mutuelle du Père et du Fils. Voici
une autre explication qu'on peut encore donner. Les deux mesures peuvent
représenter les deux peuples, Juifs et Grecs, et les trois mesures, les trois
enfants de Noé. —
Alcuin : Les serviteurs sont les
docteurs du Nouveau Testament, chargés d'expliquer aux simples fidèles le
sens spirituel des Ecritures. Le président du festin, c'est tout homme versé
dans la science de la loi, comme Nicodème, Gamaliel, Saul. L'eau changée en
vin que l'on présente au maître du festin, c'est la doctrine de l'Evangile
qui leur est confiée et qui était comme cachée sous la lettre de la loi. Nous
voyons à ce festin nuptial trois espèces différentes de convives, parce que
l'Eglise se compose de trois ordres de fidèles; les personnes mariées, les
vierges et les docteurs. Notre Seigneur Jésus-Christ a gardé le bon vin pour
la fin, parce qu'il a réservé l'Evangile pour le sixième âge du monde. |
Lectio 3 |
Versets 12-13
|
[86003] Catena in Io., cap. 2 l. 3 Chrysostomus
in Ioannem. Quoniam autem paulo post dominus Hierosolymam ascensurus erat,
Capharnaum adiit, ut non ubique fratres et matrem secum trahat; unde dicitur
post haec descendit Capharnaum ipse et mater eius et fratres eius et
discipuli eius; et ibi manserunt non multis diebus. Augustinus in Ioannem. Hic est autem dominus Deus
noster excelsus, ut nos faceret; humilis, ut nos reficeret; ambulans inter
homines, patiens humana, abscondens divina. Ecce habet matrem, habet fratres,
habet et discipulos. Inde fratres unde matrem. Fratres enim Scriptura nostra
appellare consuevit non eos solos qui nascuntur ex eodem utero aut ex eodem
patre; sed ex eodem gradu, velut compatrueles aut consobrinos. Unde ergo
fratres domino? Num enim Maria iterum peperit? Absit : inde coepit dignitas
virginum. Abraham patruus erat Lot, et Iacob Laban Syrum habebat avunculum;
et utrique dicti sunt fratres. Alcuinus. Fratres ergo domini dicuntur cognati
Mariae vel Ioseph, non filii Mariae vel Ioseph : quia non solum beata virgo,
sed etiam Ioseph testis castitatis eius ab omni actione coniugali immunis
permansit. Augustinus de Cons. Evang. Quod vero dicit et discipuli
eius, incertum est utrum iam illi adhaeserant etiam Petrus, et Andreas, et
filii Zebedaei. Matthaeus enim primo narrat quod venerit et habitaverit in
Capharnaum, et postea quod eos de navibus piscantes vocaverit. An forte
Matthaeus quod praetermiserat recapitulavit? Quia sine ulla consequentis
temporis differentia dixit : ambulans iuxta mare Galilaeae, vidit duos
fratres, an potius alii discipuli fuerunt? Scriptura enim evangelica et
apostolica non solum illos duodenos appellat discipulos eius, sed omnes qui
in Deum credentes ad regnum caelorum magisterio eius erudiebantur. Illud
etiam requirendum est, quomodo hic dicit, antequam Ioannes Baptista missus
esset in carcerem, Iesum venisse in Galilaeam : cum Matthaeus dicat : cum
autem audisset quod Ioannes traditus esset, secessit in Galilaeam : similiter
etiam et Marcus. Lucas etiam nihil quidem dicit de tradito Ioanne : sed post
Baptismum et tentationem Christi dicit eum iisse in Galilaeam, sicut illi
duo. Unde intelligitur tres Evangelistas non Ioanni Evangelistae contraria
narrasse, sed praetermisisse primum domini adventum in Galilaeam posteaquam
baptizatus est, quando illic aquam convertit in vinum. Eusebius Eccles. Hist. Cum enim trium Evangeliorum
ad Ioannem Evangelistam notitia pervenisset, probasse quidem dicitur fidem et
veritatem dictorum; deesse tamen vidit aliqua, et ea maxime quae primo
praedicationis suae tempore dominus gesserat : certum est enim quod in
superioribus tribus Evangeliis haec videntur sola contineri quae in eo gesta
sunt anno quo Ioannes Baptista vel inclusus est in carcere, vel punitus. Et
ideo rogatus dicitur Ioannes apostolus ut ea quae praeterierant priores ante
traditionem Ioannis, salvatoris gesta conscriberet. Unde si quis diligenter
consideret, inveniet Evangelia non dissonare; sed alterius temporis gesta
esse quae scribit Ioannes, alterius vero quae ceteri. Chrysostomus in Ioannem. Neque enim in Capharnaum
miraculum ullum tunc operatus est : qui enim civitatem habitabant illam, non
sane se habebant ad Christum, sed erant valde corrupti : ideo tamen accedit
et parum ibi trahit tempus propter eum qui ad matrem erat honorem. Beda. Ideo etiam non multis diebus ibi manserunt,
propter festum Paschae, quod iam appropinquabat; unde sequitur et prope erat
Pascha Iudaeorum. Origenes in Ioannem. Sed quid intendit ibi appositio
Iudaeorum? Non enim nationis alterius Paschae solemnitas fuerat. Forsan vero
quia quoddam est Pascha humanum eorum qui procul a proposito Scripturae
celebrant illud, quoddam vero divinum et verum, quod in spiritu et veritate
perficitur. Ad distinctionem ergo divini dicitur Iudaeorum. Sequitur et
ascendit Hierosolymam. Alcuinus. Bis in Evangeliis legitur Iesum
ascendisse Hierosolymam : semel in primo anno praedicationis, dum adhuc
Ioannes non erat missus in carcerem; de hoc ascensu nunc agitur; et iterum
illo anno quo erat passurus. Dedit autem nobis exemplum dominus quanta cura
divinis subdi debeamus imperiis. Si enim ipsa Dei filius decreta legis a se
data implebat, celebrans solemnitates cum ceteris hominibus, quanto studio
bonorum operum servi debent solemnitates et praevenire et celebrare? Origenes. Mystice autem, cum facta est nuptiarum
praeparatio in Cana Galilaeae, descendit una cum matre, fratribus et
discipulis in Capharnaum, quae interpretatur ager consolationis. Oportebat
enim post vini alacritatem, ad agrum consolationis, una cum matre et
discipulis ascendere salvatorem, consolaturum in futuris fructibus et in
agrorum multitudine suscipientes disciplinam eius, et animam quae illum
spiritu sancto concepit, et iuvandos ibi. Sunt enim quidam fructificantes, ad
quos dominus ipse descendit una cum verbi ministris atque discipulis,
adiuvans huiusmodi praesente matre sua. Videntur autem qui Capharnaum ducti
sunt, non capere diuturnam apud se Iesu praesentiam : quoniam illuminationem
quae de pluribus dogmatibus est, inferioris consolationis agellus non capit,
cum paucorum capax existat. Alcuinus. Vel Capharnaum villa pulcherrima est, et
significat mundum, in quem verbum patris descendit. Beda. Non multis autem diebus ibi mansit, quia parvo
in hoc mundo tempore cum hominibus conversatus est. Origenes. Est autem Hierosolyma civitas regis magni,
velut ipse salvator ait, ad quam nullus eorum qui manent in terris conscendit
nec ingreditur : sed quaelibet anima quae naturalem obtinet celsitudinem et
acumen intelligibilium perspicuum, eius civitatis est incola, ad quam solus
Iesus ascendisse dicitur. Videntur tamen post discipuli fore praesentes dum
recolunt zelus domus tuae comedit me; sed quasi in quolibet discipulorum
Iesus ascendit. |
— Saint Jean
Chrysostome : (hom. 23 sur Saint Jean). Le
Seigneur, peu de temps avant d'aller à Jérusalem, se rend à Capharnaüm, pour
ne pas conduire partout avec lui ses frères et sa mère : « Après cela, il descendit à Capharnaüm avec sa mère, ses frères et
ses disciples, et ils n'y demeurèrent que peu de jours. » —
Saint Augustin : (Traité 10 sur Saint Jean). Tel est le Seigneur notre Dieu, [le
Verbe de Dieu, le Verbe fait chair, le Fils du Père, le Fils de Dieu, et en
même temps le Fils de l'homme]. Il est le Très-Haut, et par là-même notre
Créateur, il s'est fait humble pour nous régénérer; il vit au milieu des
hommes, il se soumet aux infirmités de leur nature, et voile ainsi ses
attributs divins. Il a une mère, il a des frères, il a des disciples. Il a
des frères, par la même raison qu'il a une mère. Or, l'Ecriture a coutume de
donner le nom de frères, non seulement à ceux qui ont un même père ou une
même mère, mais encore à ceux qui sont nés au même degré de deux frères ou de
deux sœurs. Quelle était donc la parenté de ces frères avec le Seigneur ? car
il est certain que Marie n'eût pas d'autres enfants, puisque c'est à elle que
remonte l'honneur de la virginité. Abraham était oncle de Loth (Gn 12), et
Jacob avait également pour oncle Laban le Syrien (Gn 13), et cependant
l'Ecriture leur donne à tous le nom de frères. —
Alcuin : Les frères du Seigneur sont
donc les cousins de Marie et de Joseph, et non pas leurs fils, car non seulement
la bienheureuse Vierge, mais encore Joseph, le témoin de sa chasteté,
demeurèrent toujours étrangers à tout rapport conjugal. —
Saint Augustin : (de l'acc. des Evang., 2,
17). L'Evangéliste ajoute : « et ses
disciples. » Veut-il entendre par là Pierre et André, et les fils de
Zébédée ? c'est ce qu'il est difficile de dire. En effet, d'après saint
Matthieu, Notre Seigneur est venu d'abord à Capharnaüm, où il a fixé son séjour;
et ce n'est qu'après qu'il aurait appelé à sa suite ces deux disciples,
occupés alors à la pèche. Saint Matthieu a-t-il donc simplement récapitulé ce
qu'il avait omis, comme le ferait supposer l'absence dans son récit de
désignation précise de temps : « En se
promenant sur le bord de la mer de Galilée, il vit deux frères ? » Ou
bien les disciples dont il parle sont-ils différents [de Pierre et d'André,
et des fils de Zébédée] ? [Ces deux explications ont chacune leur probabilité].
On sait, en effet, que les saints Evangiles et les épîtres des Apôtres
donnent le nom de disciples, non seulement aux douze Apôtres, mais à tous
ceux qui croyaient en Jésus-Christ et que le Maître instruisait des mystères
du royaume des cieux. Comment encore saint Jean a-t-il pu dire que Jésus se
rendit en Galilée avant que Jean-Baptiste eût été mis en prison, tandis que
nous lisons dans saint Matthieu et dans saint Marc : « Jésus, ayant appris que Jean avait été jeté en prison, il se retira
en Galilée ? » Saint Luc lui-même ne dit rien de l'emprisonnement de
Jean, et comme les deux premiers Evangélistes, il place le voyage de Jésus en
Galilée après son baptême et sa tentation. Nous répondons que les trois
premiers Evangélistes ne sont pas en opposition avec saint Jean, mais qu'ils
ont tout simplement passé sous silence le premier voyage du Sauveur en
Galilée, voyage qui suivit immédiatement son baptême, et où il changea l'eau
en vin. —
Eusèbe : (Hist. éccles., 23, 24). Lorsque Jean l'Evangéliste eut pris
connaissance des trois premiers évangiles, il confirma par son témoignage
l'authenticité de la doctrine et la véracité des faits qu'ils contenaient,
mais il y découvrit quelques lacunes, surtout pour les premiers temps de la
prédication du Sauveur. Il paraît certain, en effet, que les trois premiers
évangiles ne contiennent que les faits qui se sont passés l'année où
Jean-Baptiste a été jeté dans les fers et mis à mort. C'est pour cela que l’apôtre
Jean fut prié de transmettre par écrit les événements de la vie du Sauveur
qui avaient précédé l'emprisonnement de Jean-Baptiste, et un examen attentif
découvrira que les Evangiles ne se contredisent pas, mais que saint Jean et
les trois premiers Evangélistes racontent des faits qui se sont passés dans
des temps différents. —
Saint Jean Chrysostome : Notre Seigneur ne fit alors
aucun miracle à Capharnaüm, parce que les gens qui habitaient cette cité
étaient fort mal disposés à son égard, et profondément corrompus. Cependant
il se rend dans cette ville et s'y arrête quelque temps, par considération
pour sa mère. —
Saint Bède : Cependant ils n'y restèrent
pas longtemps à cause de la fête de Pâques qui approchait : « Or, la pâque des Juifs était proche. » — Origène : (Traité 10 sur Saint Jean). Mais
pourquoi l'Evangéliste ajoute-t-il : « des
Juifs, » puisqu'aucun autre peuple ne célébrait cette fête ? C'est
peut-être qu'il y avait une pâque toute humaine, que les hommes célébraient
en dehors de l'institution de Dieu, et une pâque véritable et divine qui se
célébrait en esprit et en vérité, et c'est pour distinguer cette seconde
pâque de la première, qu'il ajoute : « des
Juifs. » « Et Jésus
monta à Jérusalem. » — Alcuin :
[référence
à vérifier] D'après
le récit évangélique, Jésus se rendit deux fois à Jérusalem, une première
fois, la première année de sa vie publique, avant que Jean-Baptiste eût été
jeté en prison (c’est de cette première venue à Jérusalem qu’on parle
maintenant), et une seconde fois l'année de sa passion. Notre Seigneur nous
apprend ici par son exemple la soumission parfaite que nous devons aux
commandements de Dieu. Si le Fils de Dieu a voulu accomplir les préceptes de
la loi dont il était l'auteur, en célébrant les fêtes légales comme les
autres hommes, avec quel soin et quelle exactitude ses serviteurs doivent-ils
célébrer les saintes solennités, et s'y préparer par la pratique des bonnes
œuvres ? — Origène : Dans le sens allégorique,
c'est après la préparation des noces à Cana, en Galilée, que Jésus, avec sa
mère, ses frères et ses disciples, descend à Capharnaüm, dont le nom signifie
le champ de la consolation. Après avoir donné le vin généreux qui augmente
l'ardeur, il était convenable que le Sauveur vint avec sa mère et ses
disciples dans le champ de la consolation pour consoler et aider par
l'espérance des fruits à venir, et par la perspective des champs nombreux
ceux qui embrassaient sa doctrine, et aussi l'âme de celle qui l'avait conçu
du Saint-Esprit. Ceux qui portent des fruits de salut voient descendre vers
eux Notre-Seigneur, avec les ministres de la parole et ses disciples, et le
Seigneur vient les fortifier en présence de sa sainte mère, et souvent même
par son intercession. Ceux qui ont été conduits à Capharnaüm, ne supportent
pas longtemps la présence continuelle de Jésus, parce que le champ de la
consolation terrestre ne peut supporter l'éclat d'un grand nombre de vérités,
et peut à peine en recevoir quelques-unes. —
Alcuin :
Ou bien encore, Capharnaüm signifie la campagne très belle, et figure le
monde dans lequel le Verbe de Dieu a voulu descendre. —
Saint Bède : Notre Seigneur n'y resta que
peu de jours, parce qu'en effet, il a passé peu de temps sur la terre au
milieu des hommes. — Origène : (Traité 11 sur Saint Jean).
Jérusalem, c'est la cité du grand roi, comme l'atteste le Sauveur lui-même;
(Mt 5, 35) et aucun de ceux qui restent sur la terre ne peut monter ni entrer
dans cette ville. Mais toute âme qui s'élève à la perfection de sa nature, et
arrive à comprendre les vérités spirituelles, mérite d'habiter cette ville
dans laquelle nous voyons Jésus seul entrer. Ses disciples y sont présents
eux-mêmes plus tard, lorsqu'ils se rappellent ces paroles : « Le zèle de votre maison me dévore, »
mais c'est Jésus qui monte encore dans la personne de chacun de ses
disciples. |
Lectio 4 |
Versets 13-17 |
[86004] Catena in Io., cap. 2 l. 4 Beda
super Matth. Dominus Ierusalem adveniens, continuo templum oraturus addit,
nobis dans exemplum ut quocumque properamus, domum Dei primo ingrediamur,
dominum deprecaturi; unde dicitur et invenit in templo vendentes boves et
oves et columbas. Augustinus in Ioannem. Sacrificia enim illi populo
pro eius carnalitate talia data sunt, quibus teneretur ne ad idola deflueret;
et immolabant boves et oves et columbas. Beda. Sed quia de longinquo properantes quae iussa
sunt immolari domino, secum ferre non poterant, eorum pretia deferebant :
unde nacta occasione, haec animalia in templo Scribae et Pharisaei vendi
instituerunt, ut venientes emerent et offerrent, eademque oblata ipsi aliis
venderent; et sic sua lucra accumularent. Unde et nummularii ad hoc sedebant
ad mensam, ut inter emptores venditoresque hostiarum prompta esset pecunia :
unde subditur et nummularios sedentes. Dominus autem nolens aliquid in domo
sua terrenae esse negotiationis, neque eius quae honesta putaretur,
negotiatores omnes expulit foras. Augustinus. Et qui flagellandus erat ab eis, prior
illos flagellavit; unde sequitur et cum fecisset quasi flagellum de
funiculis, omnes eiecit de templo. Theophylactus. Neque solum eos eiecit qui vendebant
et emebant, sed etiam res eorum; unde subditur oves quoque et boves et
nummulariorum effudit aes, et mensas evertit, scilicet nummularias, quae
erant quasi vasa denariorum. Origenes. Consideremus autem, ne forte enorme
videatur quod Dei filius captis funiculis parat sibi flagellum ad eiciendum
de templo. Unum tamen refugium ad horum responsionem relinquitur divina
potestas Iesu, ut cum volebat posset iracundiam hostium suffocare, quamvis
essent innumeri, et sedare mentium turbines : dominus enim dissipat
cogitationes gentium. Praesens autem historia in nullo minorem potestatem
praetendit his quae ab eo miraculosius edita sunt : quinimmo constat hanc
maiorem demonstrare potentiam miraculo quo aqua conversa est in vinum : eo
quod illic inanimata subsistit materia, hic vero tot millium hominum domantur
ingenia. Augustinus de Cons. Evang. Manifestum est autem non
semel, sed iterato hoc factum esse a domino. Sed illud primum commemoratur
hic a Ioanne, istud ultimum a ceteris tribus. Origenes. Et Ioannes quidem hic dicit quod expulit
vendentes de templo; Matthaeus autem ait quoniam expulit vendentes et
ementes. Multo autem maior numerus erat ementium quam vendentium; quorum
expulsio transcendebat dignitatem eius qui reputabatur filius carpentarii;
nisi quod divina potestate sibi omnes subiecit, ut dictum est. Beda. Commendatur autem in hac lectione utraque
Christi natura : humana quidem, in hoc quod matrem comitem habuisse
perhibetur; divina vero, in hoc quod verus Dei filius demonstratur; sequitur
enim et his qui vendebant columbas dixit : auferte ista hinc, et nolite
facere domum patris mei domum negotiationis. Chrysostomus in Ioannem. Ecce patrem vocat, et non
irascuntur : aestimant enim simpliciter eum dicere; sed quia postea apertius
loquebatur, ut solam repraesentaret parilitatis intelligentiam, propterea
saeviebant. Et Matthaeus quidem dicit quod eiciens eos dicebat : nolite
facere domum meam speluncam latronum : illud enim fecit ad passionem veniens,
ideo durioribus sermonibus utebatur; hoc autem in principio signorum fecit;
unde non ita aspera, sed remissa quodammodo increpatione utitur. Augustinus. Ecce templum illud figura adhuc erat, et
eiecit inde dominus omnes qui ad nundinas venerant. Et quae ibi vendebant?
Quae opus habebant homines in sacrificio illius temporis. Quid si ibi
ebriosos inveniret? Si negotiationis non debet fieri domus Dei, potationis
fieri debet? Chrysostomus. Sed cuius gratia tali vehementia
Christus usus est? Quia enim in sabbato curaturus erat, et multa facturus
quae videbantur eis esse legis transgressio, ut non videatur Deo contrarius,
hoc cum periculo fecit, dans intelligere quod qui periculis se exponit pro
bono ornatu domus, dominum domus non contemnit : et ideo, ut ostenderet sui
consonantiam ad Deum, non dixit : domum sanctam, sed domum patris mei. Et
propter hoc etiam subditur recordati vero sunt discipuli eius quia scriptum
est : zelus domus tuae comedit me. Beda. Discipuli enim videntes in eo hunc
ferventissimum zelum, recordati sunt quia zelo domus patris salvator eiecit
impios de templo. Alcuinus. Zelus, cum in bono accipitur, est quidam
fervor animi, quo mens relicto humano timore pro defensione veritatis
accenditur. Augustinus. Comeditur ergo zelus domus Dei, qui
omnia quae videt ibi perversa cupit emendare : et si emendare non potest, tolerat
et gemit. Si ergo in domo tua ne quid perversum fiat satagis, in domo Dei,
ubi salus proposita est, debes pati, quantum in te est, si quid perversi
videris? Amicus est? Admoneatur leniter; uxor est? Severissime frenetur;
ancilla est? Etiam verberibus compescatur. Fac quicquid potes pro persona
quam portas. Alcuinus. Mystice autem quotidie Deus spiritualiter
suam Ecclesiam intrat, et qualiter ibi unusquisque conversetur attendit.
Caveamus ergo ne in Ecclesia Dei fabulis, vel risibus, vel odiis, vel
cupiditatibus vacemus, ne improvisus veniens nos flagellet, et de Ecclesia
sua eiciat. Origenes in Ioannem. Possibile enim est
Hierosolymitanum quoque delicto subiacere, et capacissimos deviare : quod
nisi post delictum citissime convertantur, capacitatem amittunt. Invenit
igitur in templo, idest in sacris, vel in enuntiatione ecclesiastici
sermonis, quosdam qui patris domum, domum negotiationis constituebant, qui
scilicet venales exponunt boves, quos oportet servare ad aratrum, ne
retrocedentes non disponantur ad regnum Dei; qui etiam praeferunt mammonam
iniquitatis ovibus, ex quibus habent ornatus materiam; qui etiam solertiam
columbarum privata qualibet amaritudine vilipendunt. Cum ergo hos invenerit
salvator in domo sacrata, facto de funiculis flagello fugat illos una cum
venalibus ovibus et bobus suis, et spargit aeris pondera velut indigna in
domo Dei retineri, subvertitque constitutas tabulas in animabus avarorum, et
mandat ne ulterius in domo Dei columbae vendantur. Arbitror autem et exemplum
ipsum statuisse per praedicta secretius, ut intelligamus per hoc, si quid agi
debeat erga sacram illam oblationem a sacerdotibus, non debere ritu
sensibilium oblationum agi, nec legem observari debere, ut carnales Iudaei
volebant : nam Iesu propellente boves et oves, iubente auferri columbas, quae
ut plurimum offerebantur iuxta consuetudinem Iudaeorum, et subvertente mensas
materialium nummorum non expresse, sed figuraliter continentium divinas
impressiones, ea scilicet quae secundum legis Scripturam videbantur honesta,
et utente eo in plebem flagellis, dissolvenda et dispergenda haec erant,
translato regno ad eos qui ex gentibus crediderunt. Augustinus. Vel vendentes in Ecclesia sunt qui quae
sua sunt quaerunt, non quae Iesu Christi. Venale habent totum, quia volunt
redimi. Simon ideo volebat emere spiritum sanctum, quia vendere volebat :
erat enim de illis qui columbas vendunt : etenim in columba apparuit spiritus
sanctus : columba autem non est venalis; gratis datur, quia gratis vocatur.
Beda. Vendunt igitur columbas qui acceptam spiritus
sancti gratiam non gratis, ut praeceptum est, sed ad praemium dant; qui
manuum impositionem, qua spiritus sanctus accipitur, etsi non in quaestum
pecuniae, ad vulgi tamen favorem tribuunt; qui sacros ordines non ad vitae
meritum, sed ad gratiam largiuntur. Augustinus. Boves autem intelliguntur apostoli et
prophetae, qui nobis Scripturas sacras dispensaverunt. Qui ergo ipsis
Scripturis fallunt populos a quibus quaerunt honores, vendunt boves, vendunt
et oves, idest ipsas plebes, et cui vendunt, nisi Diabolo? Quidquid enim de
unica Ecclesia praeciditur, quis tollit nisi leo rugiens? Beda. Vel oves sunt opera munditiae et pietatis.
Vendunt ergo oves qui humanae gratia laudis pietatis exercent. Nummos mutuo
dant in templo qui aperte terrenis rebus in Ecclesia deserviunt. Domum etiam
domini faciunt domum negotiationis, non solum hi qui propter sacros ordines
pretium pecuniae vel laudis vel honoris quaerunt; verum etiam hi qui gradum
vel gratiam spiritualem, quam in Ecclesia domino largiente perceperunt, non
simplici intentione, sed cura humanae retributionis exercent. Augustinus. Signum autem quoddam nobis ostendit
dominus, quod fecit flagellum de resticulis, et inde negotiationem in templo
facientes flagellavit. Etenim unusquisque in peccatis suis restem sibi texit,
dum peccata addit peccatis. Quando ergo aliquid patiuntur homines propter
iniquitates suas, agnoscant quia dominus facit flagellum de resticulis, et
adhuc admonet eos ut mutent se : nam si se non mutaverint, audient in fine :
ligate illi manus et pedes. Beda. Facto igitur de funiculis flagello, illos
eiecit de templo : quia de parte sortis sanctorum eiciuntur qui inter sanctos
positi, vel ficte bona, vel aperte faciunt opera mala. Oves quoque et boves
eiecit : quia talium vitam pariter et doctrinam ostendit esse reprobam.
Nummulariorum quoque effudit aes, et mensas subvertit; quia damnatis in fine
reprobis, etiam ipsarum quas dilexerunt rerum tollet figuram. Venditionem
columbarum de templo auferri praecepit : quia gratia spiritus, quae gratis
accipitur, gratis dari debet. Origenes. Potest etiam per templum intelligi anima
studiosi, propter inhabitans verbum Dei, in qua ante doctrinam Iesu
constiterant terrestres et bestiales motus. Signum autem terrestrium motuum
bos est, quoniam est agri cultor; insensatorum autem motuum ovis, quod est
pluribus animalibus irrationalius; levium vero atque inconstantium mentium
signum est columba; eorum vero qui boni videntur, signa sunt aera, quae
Christus verbo doctrinae expellit, ut non ultra domus patris eius sit forum. |
—
Saint Bède : Aussitôt son arrivée à Jérusalem, Notre Seigneur se rend immédiatement
au temple pour prier, et nous donne ainsi l'exemple, quelque part que nous
allions, de nous rendre aussitôt dans la maison du Seigneur pour lui offrir
nos prières : « Et il trouva, dit l'Evangéliste, des hommes qui
vendaient des bœufs, des brebis et des colombes.» —
Saint Augustin : (Traité 10 sur Saint Jean). Ces sacrifices que Dieu avait imposés
à ce peuple étaient en rapport avec ses inclinations charnelles, et avaient
pour but de le détourner du culte des idoles; ils immolaient donc des bœufs,
des brebis et des colombes. —
Saint Bède : Mais comme ceux qui venaient
de loin ne pouvaient porter avec eux les victimes qu'ils devaient immoler,
ils en apportaient le prix. C'est ce qui donna lieu à l'usage établi par les
scribes et les pharisiens de vendre les animaux destinés aux sacrifices; les
pèlerins qui arrivaient achetaient ces animaux et les offraient à Dieu, et
les scribes et les pharisiens les revendaient à d'autres après qu'ils avaient
été offerts, et augmentaient ainsi leurs bénéfices. Des changeurs se tenaient
à leurs comptoirs pour faciliter les transactions entre les acheteurs et les
vendeurs, c'est pour cela que l'Evangéliste ajoute : « Et les changeurs
assis à leurs tables. » Le Seigneur ne veut pas souffrir dans sa maison
le moindre trafic terrestre, n'eut-il rien que de légitime, et il chasse
dehors, sans distinction, tous les trafiquants. —
Saint Augustin : Il flagelle le premier ceux
qui devaient un jour le flageller : « Et ayant fait comme un fouet avec
des cordes, il les chassa tous du temple » — Théophylactus : Il jette dehors non-seulement les acheteurs et les vendeurs, mais tout
ce qui leur appartenait : « Les brebis, les bœufs, et il jeta par terre
l'argent des changeurs, et renversa leurs tables, » c'est-à-dire les
comptoirs qui contenaient leur argent. — Origène : Examinons sérieusement cette
action qui peut nous paraître excessive, puisque nous y voyons le Fils de
Dieu se faire un fouet avec des cordes pour chasser ces vendeurs hors du
temple. A toutes les difficultés qu'on pourrait objecter, nous aurons
toujours pour réponse la puissance divine de Jésus, qui pouvait, lorsqu'il le
voulait, réprimer la fureur de ses ennemis, malgré leur nombre, et apaiser
l'agitation tumultueuse de leurs esprits; « car le Seigneur dissipe les
desseins des nations, il rend vaines les pensées des peuples » (Ps 32,
10). Ce fait ne le cède en rien aux miracles les plus éclatants de la vie du
Sauveur, on peut même assurer qu'il y déploie une puissance plus grande que
lorsqu'il changea l'eau en vin; car dans ce dernier miracle, il agit sur une
matière inanimée, tandis que dans le premier, c'est sur des milliers d'hommes
qu'il exerce sa domination. —
Saint Augustin : (de l'acc. des Evang., 2,
67). Il est évident que le fait dont il s'agit s'est répété deux fois, saint
Jean raconte ici le premier, et les trois autres Evangélistes le second. — Origène : D'après saint Jean, le Sauveur ne chassa que les vendeurs, tandis que
saint Matthieu y joint les acheteurs. Or, le nombre des acheteurs était
beaucoup plus considérable que celui des vendeurs, et il fallait pour les
chasser hors du temple, une puissance supérieure à celle du fils d'un
charpentier, comme on l'appelait; aussi était-ce par un effet de la puissance
divine, qu'il commanda, comme nous l'avons dit, à toute cette multitude. —
Saint Bède : Dans
ce passage, nous
voyons clairement les deux natures en Jésus-Christ, la nature humaine, parce
qu'il est accompagné de sa mère; et la nature divine, parce qu'il se révèle
comme étant le vrai Fils de Dieu. En effet, écoutons la suite : « Et il
dit à ceux qui vendaient des colombes : Emportez cela d'ici, et ne faites pas
de la maison de mon Père une maison de trafic. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 22 sur Saint Jean). Il appelle Dieu son Père, et ils ne
s'irritent point contre lui, parce qu'ils prennent cette appellation dans le
sens le moins rigoureux. Mais lorsque plus tard, il s'exprimera plus
clairement, de manière à leur faire comprendre qu'il est égal et
consubstantiel à son Père, ils se mettront en fureur. Saint Matthieu ajoute
qu'en les chassant, il disait : « Cessez de faire de cette maison une
caverne de voleurs. » Il agissait ainsi aux approches de sa passion, et
son langage était plus sévère. Au contraire, le fait raconté par saint Jean
avait lieu au début de sa vie publique et pleine de miracles; aussi ses
expressions sont moins dures, et ses reproches plus modérés. —
Saint Augustin : (Traité 10 sur Saint Jean). Ce temple n'était encore qu'un temple
figuratif, et le Seigneur en chasse tous ceux qui venaient y faire le trafic.
Et qu'y vendaient-ils ? Les victimes nécessaires aux sacrifices alors en
usage. Qu'aurait fait Jésus-Christ s'il y avait trouvé des hommes plongés
dans l'ivresse ? Si la maison de Dieu ne doit pas être une maison de
commerce, doit-on en faire une maison de buveurs? —
Saint Jean Chrysostome : (hom. précéd). Mais pourquoi
Notre Seigneur manifeste-t-il un si grand courroux ? Il devait opérer des
guérisons le jour du sabbat, et faire un grand nombre d'œuvres qui
paraissaient aux Juifs une véritable transgression de la loi de Dieu. C'est
donc pour leur prouver qu'il n'est point en opposition avec Dieu, qu'il chasse,
au péril de sa vie, les marchands hors du temple, et il donne à comprendre
que celui qui s'expose ainsi au danger pour défendre l'honneur de la maison,
ne peut être accusé de mépriser le maître de la maison; aussi pour montrer la
parfaite harmonie qui règne entre Dieu et lui, il ne dit pas : la maison
sainte, mais : « la maison de mon Père. » C'est pour la même raison
que l'Evangéliste ajoute : « Ses disciples se ressouvinrent alors qu'il
est écrit : Le zèle de votre maison me dévore. » —
Saint Bède : En effet, les disciples,
témoins de ce zèle si ardent, se ressouvinrent que c'était le zèle pour la
maison de son Père, qui lui faisait chasser les impies hors du temple. —
Alcuin : Le zèle, pris en bonne part,
est une certaine ardeur de l'âme qui l'enflamme du désir de défendre la
vérité en méprisant toute crainte des hommes. —
Saint Augustin : Celui qui est dévoré du zèle
de la maison de Dieu s'efforce d'en bannir tout ce qui pourrait la
déshonorer, et si cela lui est impossible, il gémit en souffrant un mal qu'il
ne peut empêcher; vous prenez soin qu'aucune action mauvaise ne se fasse dans
votre maison, devez-vous donc la souffrir, si vous pouvez l'empêcher dans la
maison de Dieu, où le salut éternel vous est annoncé ? Est-ce votre ami qui
lui manque de respect ? avertissez-le avec douceur; est-ce votre épouse ?
mettez un frein sévère à sa légèreté; est-ce votre servante ? employez même
les châtiments extérieurs pour la maintenir; en un mot, faites tout ce que
vous pouvez, eu égard à la position que vous occupez. —
Alcuin : Dans le sens allégorique,
Dieu entre tous les jours dans son Église, spirituellement, pour y considérer
la manière dont chacun s'y conduit. Gardons-nous donc de nous laisser aller
dans l'Eglise de Dieu à des futilités, à des rires, à des haines, à des
désirs passionnés, si nous ne voulons qu'il ne vienne à l'improviste nous
chasser à coups de fouet hors de sa maison. — Origène : Il peut arriver, en effet, que même un habitant de Jérusalem tombe
dans cette faute, et que les plus instruits s'écartent du droit chemin, et
s'ils ne reviennent au plutôt de leurs erreurs, ils perdent la pénétration de
leur esprit. Jésus trouve donc quelquefois dans le temple (c'est-à-dire, au
milieu des fonctions saintes et dans l'exercice de la prédication de la parole
divine), des hommes qui font de la maison de son Père une maison de commerce.
Ils mettent en vente les bœufs qu'ils auraient dû réserver pour la charrue et
empêcher de retourner en arrière pour les rendre propres au royaume de Dieu.
Il en est aussi qui préfèrent les richesses d'iniquité aux brebis qui
auraient pu suffire à leur entretien et à leur ornement. Il en est enfin qui
dédaignent la simplicité et l'innocence, et leur préfèrent l'amertume du cœur
[et les emportements de la colère, et pour un vil motif d'intérêt, ils
sacrifient la fidélité de ceux qui sont figurés par les colombes]. Lorsque le
Sauveur trouve ces hommes dans la maison sainte, il fait un fouet avec des
cordes et les chasse dehors avec les brebis et les bœufs qu’ils mettent en
vente; il jette à terre leur argent comme étant indigne de la maison de Dieu,
renverse les comptoirs dressés dans l'âme des avares, et défend de vendre
désormais des colombes dans la maison de Dieu. Ce fait renferme encore, si je
ne me trompe, un enseignement mystérieux et caché. Jésus veut nous faire
comprendre que les sacrifices que Dieu exigeait des prêtres ne devaient plus
être conformes aux sacrifices extérieurs de la loi, et que la loi elle-même
ne serait plus observée comme le voulaient les Juifs encore charnels. En
chassant les bœufs et les brebis, en commandant d'emporter les colombes, qui
étaient les offrandes ordinaires des Juifs; en renversant les tables
couvertes de cette monnaie matérielle qui était la figure indirecte de la loi
divine, c'est-à-dire, de ce qui était honnête et licite, à ne consulter que
la lettre de l'Ecriture; enfin en prenant un fouet pour chasser le peuple du
temple, Notre Seigneur nous apprenait que tout ce qui faisait partie de
l'ancienne loi devait être détruit et dispersé, et que le royaume ou le
sacerdoce des Juifs devait être transféré à ceux qui, parmi les nations, ont
embrassé la foi. —
Saint Augustin : Ou bien encore, ces vendeurs
dans l'Eglise sont ceux qui cherchent leurs intérêts, et non les intérêts de
Jésus-Christ. (Ph 2) Tout est vénal chez eux parce qu'ils veulent être payés
de tout. Pourquoi Simon voulait-il acheter l'Esprit saint ? Parce qu'il
voulait le vendre. Il était du nombre de ceux qui vendent les colombes, car
c'est sous la forme d'une colombe que l'Esprit saint a voulu apparaître,
cette colombe ne se vend pas, elle se donne gratuitement, parce qu'elle
s'appelle grâce. —
Saint Bède : Ceux-là donc vendent les
colombes, qui ne donnent pas gratuitement, comme Dieu l'ordonne, la grâce de
l'Esprit saint qu’ils ont reçue, mais qui la vendent à prix d'argent; ou bien
si ce n'est point à prix d'argent, c'est pour un vain désir de popularité
qu'ils accordent l'imposition des mains qui appelle le Saint-Esprit dans les
âmes, et ils confèrent les saints ordres, non d'après le mérite de la vie,
mais en sacrifiant à la complaisance. —
Saint Augustin : Les bœufs représentent les
Apôtres et les prophètes, par le moyen desquels Dieu nous a transmis les
saintes Ecritures. Ceux donc qui se servent des Ecritures pour tromper la multitude,
afin d'en recevoir des honneurs, vendent les bœufs, les brebis, c'est-à-dire
les peuples eux-mêmes; et à qui les vendent-ils ? au démon, car tout ce qui
est détaché de l'Eglise qui est une, est emporté par le démon comme un lion
rugissant [tourne autour de nous, cherchant quelqu'un à dévorer. (1 P 5, 8)]. —
Saint Bède : Ou bien, les brebis sont les
œuvres d'innocence et de piété. Vendre les brebis, c'est donc pratiquer la
piété en vue des louanges des hommes; les changeurs d'argent dans le temple sont
ceux qui se livrent publiquement dans l'Eglise aux intérêts de la terre. On
fait encore de la maison du Seigneur une maison de commerce, non seulement
quand on confère les saints ordres pour recevoir en échange de l'argent, des
louanges, des honneurs, mais encore quand on exerce le ministère tout
spirituel qu'on tient de Dieu, avec une intention qui n'est pas droite, et en
vue d'une récompense toute humaine. —
Saint Augustin : L'action de Notre-Seigneur,
faisant un fouet avec des cordes pour chasser les vendeurs hors du temple,
renferme un sens mystérieux et caché. Tout homme qui ne cesse d'ajouter de
nouveaux péchés à ceux qu'il a commis, se fait comme une corde de ses
iniquités. Lors donc que les hommes souffrent parce qu'ils sont coupables,
qu'ils reconnaissent que Dieu se fait comme un fouet avec des cordes, et les
avertit de changer de conduite, sinon ils entendront à la fin de leur vie
cette parole terrible : « Liez-lui les mains et les pieds. » (Mt 22) —
Saint Bède : Après avoir fait un fouet
avec des cordes, il chasse les vendeurs hors du temple, c'est-à-dire, qu'il
exclut du sort et de l'héritage des saints ceux qui se trouvant mêlés parmi
les saints pratiquent la vertu par hypocrisie ou commettent ouvertement le
mal. Il chasse également les brebis et les bœufs pour montrer que leur vie
comme leur doctrine sont également dignes de condamnation. Il jette à terre
l'argent des changeurs, et renverse leurs tables, parce que les réprouvés à
la fin du monde se verront enlever jusqu'à la figure de ce qu'ils avaient
aimé. Il commande de faire disparaître du temple la vente des colombes, pour
nous apprendre que la grâce de l'Esprit saint que nous recevons gratuitement,
doit aussi être donnée gratuitement. — Origène : Le temple peut encore être
considéré comme la figure de l'âme attentive à son salut, parce que la parole
de Dieu habite en elle, et qui avant d'avoir reçu les divins enseignements de
Jésus-Christ, servait d'habitation aux passions terrestres et aux instincts
des animaux sans raison. Le bœuf qui sert à la culture des champs, est le
symbole des passions de la terre, la brebis, le plus stupide des animaux, est
la figure des mouvements contraires à la raison; la colombe est l'image des
âmes légères et inconstantes, et les pièces d'argent, la figure de ceux qui
portent l'apparence de la vertu, et que Jésus-Christ chasse par sa divine
doctrine en défendant que la maison de son Père soit plus longtemps une place
publique. |
Lectio 5 |
Versets 18-22
|
[86005] Catena in Io., cap. 2 l. 5 Theophylactus.
Quia Iudaei videbant Iesum talia facere cum potestate multa, et dicentem
nolite facere domum patris mei, domum negotiationis : signum ab eo petunt;
unde dicitur responderunt ergo Iudaei, et dixerunt ei : quod signum ostendis
nobis, quia haec facis? Chrysostomus in Ioannem. Sed numquid signa opus
erant ut ea quae male fiebant cessare faceret? Nonne zelum talem accipere pro
domo Dei maximum signum virtutis erat? Non autem illius prophetiae
meminerant; sed signum petebant, simul quidem de suo turpi lucro impedito
dolentes, simul autem et per hoc prohibere eum volentes : opinantur enim eum
aut provocare ad miracula, aut cessare ab his quae fiebant. Propterea non dat
eis signum, sicut et petentibus signum respondit dicens : generatio mala et
adultera signum quaerit, et signum non dabitur ei, nisi signum Ionae
prophetae. Sed tunc quidem manifestius, nunc autem obscurius respondet idem.
Non autem is utique qui non petentes praeoccupat, et signa dat, hic petentes
avertisset, nisi mentem eorum cognovisset dolosam; sequitur enim et dixit eis
: solvite templum hoc, et in tribus diebus excitabo illud. Beda. Quia enim signum quaerebant a domino, quare
solita commercia proicere debuerit ex templo; respondit : quia ipsum templum
significabat templum corporis sui, in quo nulla prorsus esset alicuius macula
peccati; quasi dicat : sicut inanimatum templum a vestris commerciis
sceleribusque mea expio potestate, ita et hoc corporis mei templum, cuius
istud gestat figuram, vestris manibus dissolutum, tertia die resuscitabo.
Theophylactus. Nequaquam tamen illos ad homicidium
provocat dicens solvite; sed hoc eis affectantibus, non sibi esse absconditum
demonstrat. Audiant autem Ariani, quomodo dominus mortis destructor dixit
excitabo, virtute videlicet propria. Augustinus in Ioannem. Resuscitavit eum quidem et
pater, cui dicit : excita me, et reddam illis. Sed quid fecit pater sine
verbo? Quomodo ergo eum pater resuscitat, sic et filius resuscitavit : quia
filius dixit : ego et pater unum sumus. Chrysostomus. Propter quid autem signum
resurrectionis dat eis? Quoniam scilicet hoc maxime erat quod ostendebat eum
non esse hominem purum, posse adversus mortem statuere triumphum, et
tyrannidem eius longam velociter dissolvere. Origenes. Utraque autem, scilicet et corpus Iesu et
templum, exemplar mihi fore videntur Ecclesiae, eo quod ex vivis lapidibus
construitur in domum spiritualem, in sacerdotium sanctum, et propter illud :
vos estis corpus Christi et membra de membro. Quamvis autem dissolvi lapidum
videatur structura ac dissipari omnia ossa Christi adversitatibus
tribulationum; instaurabitur tamen templum, ac resuscitabitur die tertia,
quae in novo caelo et nova terra praesens erit. Sicut enim illud Christi
corpus sensibile crucifixum est ac sepultum, et postea resurrexit; sic et totale
sanctorum Christi corpus concrucifixum est Christo : quilibet enim eorum in
nullo alio gloriatur nisi in cruce Christi, per quam ipse crucifixus est
mundo. Sed et consepultus est Christo et resurrexit cum eo, quia in quadam
novitate vitae ambulat. Sed secundum beatam resurrectionem nondum surrexit;
unde non scriptum est : tertia die restaurabo illud, sed in tribus diebus :
perficitur enim eius erectio in omnibus tribus diebus. Theophylactus. Iudaei enim de inanimato templo
putantes eum hoc dicere, deridebant eum; unde sequitur dixerunt ergo Iudaei :
quadraginta et sex annis aedificatum est templum hoc, et tu in tribus diebus
excitabis illud? Alcuinus. Et notandum, quod non de prima
aedificatione, quae a Salomone septem annis perfecta est, sed de reaedificatione,
quae facta est sub Zorobabel per quadraginta et sex annos impedientibus
inimicis respondebant. Origenes. Vel dicit aliquis, quadraginta et sex
annorum exsurgere computum, ex quo David allocutus est Nathan prophetam
consulens de constructione templi, ex tunc satagens ad congregandam materiam
templi. Animadverte vero si possibile est quadragenarium numerum statui erga
templum propter quatuor elementa mundi, ac senarium propter hoc quod homo
sexto die creatus est. Augustinus de Trin. Vel hic numerus perfectioni
dominici corporis apte congruit; quadragies enim sexies seni fiunt ducenta
septuaginta sex; qui numerus dierum complet novem menses et sex dies. Ipsa
autem perfectio corporis domini tot diebus ad partum producta comperitur,
sicut a maioribus traditum suscipiens Ecclesiae custodit auctoritas. Octavo
enim Kalendas Aprilis conceptus creditur, quo et passus; natus autem traditur
octavo Kalendas Ianuarii. Ab illo ergo die usque ad istum computati ducenti
septuaginta sex reperiuntur dies, qui senarium numerum quadragies sexies
habent. Augustinus Lib. 83 quaest. Dicitur etiam conceptio
humana sic procedere, et perfici primis sex diebus, quasi lactis habeat
similitudinem, sequentibus novem diebus convertatur in sanguinem, deinde
duodecim diebus solidetur, reliquis decem et octo diebus formetur usque ad
perfecta lineamenta omnium membrorum; et in reliquo tempore usque ad tempus
partus magnitudine augeatur. Sex autem et novem et duodecim et decem et octo
in unum coacti, fiunt quadraginta quinque : addito ergo uno fiunt quadraginta
sex; qui si fuerint multiplicati per ipsum senarium numerum, qui huius
ordinationis caput tenet, fiunt ducenti septuaginta sex, idest novem menses,
et sex dies. Non ergo absurde quadraginta sex annis dicitur fabricatum esse
templum, quod corpus eius significabat; ut quot anni fuerint in fabricatione
templi, tot dies fuerint in corporis dominici perfectione. Augustinus in Ioannem. Vel aliter. Quia dominus
noster de Adam corpus accepit, non de Adam peccatum traxit; templum corporeum
inde sumpsit, non iniquitatem, quae de templo pellenda est. Si autem facias
quatuor nomina Graeca, anatoli, quod est oriens, dysis, quod est occidens,
Arctos, quod est Septemtrio, mesembria, quod est meridies, capita verborum
Adam habent. A quatuor enim ventis dominus collecturum se dicit electos suos
cum venerit ad iudicium. Habent autem litterae nominis Adam numerum secundum
Graecos; et ibi invenitur quadragintasex annis aedificatum templum. Habet
enim Adam alpha, quod est unum; et delta, quod quatuor; et alpha, quod est
unum; et mi, quod est quadraginta : et sic habet quadragintasex. Sed Iudaei,
quia caro erant, carnalia sapiebant; ille spiritualiter loquebatur, et de quo
templo diceret, per Evangelistam nobis aperuit; sequitur enim ille autem dicebat
de templo corporis sui. Theophylactus. Ex hoc autem Apollinarius
contradictionem sumit, volens ostendere, quod caro Christi esset inanimata,
eo quod templum sit inanimatum : ergo carnem Christi et lapidem et lignum
facies, quia ex his templum consistit. Si autem quod dicitur : anima mea
turbata est; et : potestatem habeo ponendi animam meam; nequaquam de anima
rationali dici dixeris; ubi pones illud : in manus tuas, domine, commendo
spiritum meum? Non enim hoc de anima irrationali intelligere poteris : neque
quod dicitur : non derelinques animam meam in Inferno. Origenes. Ideo autem corpus domini templum
intelligitur, quia sicut templum gloriam Dei continebat habitantem in ipso,
sic corpus Christi repraesentans Ecclesiam, unigenitum continet, qui est
imago Dei et gloria. Chrysostomus in Ioannem. Duo autem erant quae
obstabant discipulis ne interim intelligerent : unum ipsa resurrectio;
alterum vero, quod maius erat, scilicet quod Deus erat qui in illo corpore
habitabat; quod dominus occulte ostenderat, dicens solvite templum hoc, et in
tribus diebus excitabo illud. Et ideo subditur cum ergo resurrexisset a
mortuis, recordati sunt discipuli eius quia hoc dicebat de corpore suo, et
crediderunt Scripturae, et sermoni quem dixit Iesus. Alcuinus. Ante resurrectionem enim non intelligebant
Scripturas, quia nondum acceperant spiritum sanctum; sed in die
resurrectionis apparens dominus aperuit discipulis sensum ut intelligerent
quae de ipso scripta erant in lege et prophetis; et tunc crediderunt Scripturae
prophetarum, qui praedixerunt Christum tertia die resurrecturum, et sermoni
quem dixit Iesus solvite templum hoc. Origenes in Ioannem. Secundum anagogem vero,
complementum fidei attingemus in magna resurrectione totius corporis Iesu,
idest Ecclesiae eius; cum fides quae est ex specie, multum differat ab ea
quae est per speculum in aenigmate. |
—
Théophylactus : Les Juifs voyant Jésus agir avec une si grande puissance, et dire
hautement : « Cessez de faire de la
maison de mon Père une maison de trafic, » lui demandent un miracle. « Les Juifs prenant la parole, lui dirent
: Par quel miracle nous prouvez-vous que vous avez le droit de faire ces
choses ? » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 22). Etait-il donc
besoin d'un miracle pour lui donner le droit de mettre fin à des actions
coupables ? Le zèle ardent qu'il faisait paraître pour la maison de Dieu,
n'était-il pas une preuve éclatante de sa puissance ? Ils ne se souvenaient pas
de la prédiction du prophète, mais ils lui demandent un miracle, parce qu'ils
sont mécontents de le voir entraver le honteux trafic [auquel ils se
livraient dans le temple] et qu'ils veulent l'empêcher d'exercer cette
puissance. Ils ont la prétention de le déterminer ou à faire un miracle, ou à
revenir sur la défense qu'il leur a faite. Aussi Notre Seigneur ne leur
accorde pas le miracle qu'il demande. Il leur répond comme il fera plus tard
à ceux qui venaient lui demander un prodige dans le ciel : « Cette génération coupable et adultère
demande un signe, et il ne lui sera donné d'autre signe que celui du prophète
Jonas. » (Mt 12) [C'est la même réponse de part et d'autre], mais dans
cette dernière circonstance, le Sauveur s'exprime plus clairement, tandis
qu'ici sa réponse a quelque chose de plus obscur. Sans nul doute il eût
accédé à leur demande, lui qui multipliait les miracles avant même qu'on le
lui demandât, s'il n'avait remarqué tout ce que leur âme renfermait de
fourberie : « Il leur dit donc :
Détruisez ce temple, et je le relèverai en trois jours. » —
Saint Bède : Ils demandent à Notre
Seigneur un signe qui établit le droit qu'il se donnait de défendre dans le
temple le trafic qui s'y faisait ordinairement; et il leur répond que ce
temple était la figure de son corps dans lequel on ne pourrait trouver la
moindre tache du péché. Voici donc le sens de ses paroles : de même que je
purifie par ma puissance ce temple inanimé du trafic coupable et des crimes
dont vous le souillez, ainsi je ressusciterai après trois jours, lorsque tous
l'aurez détruit de vos propres mains, ce temple de mon corps, dont ce temple
matériel est la figure. —
Théophylactus : Ces paroles : «Détruisez ce
temple» ne sont pas toutefois une provocation à l'homicide, mais une
preuve que leurs desseins criminels ne lui sont pas inconnus. Or, que les Ariens
écoutent cette parole du Seigneur qui vient détruire l'empire de la mort : « Je le relèverai par ma propre puissance.
» —
Saint Augustin : (Traité 10 sur Saint Jean). C'est aussi Dieu le père qui l'a
ressuscité, comme il le lui demande [dans le livre des Psaumes] : « Ressuscitez-moi, et je le leur rendrai.
» (Ps 40, 10). Mais que fait le Père sans le Verbe ? De même donc que le
Père ressuscite le Fils, le Fils aussi se ressuscite lui-même, car le Fils a
dit : « Mon père et moi nous ne sommes
qu'un. » (Jn 10) —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 22). Mais pourquoi
leur donne-t-il [de préférence] le signe de sa résurrection ? Parce que ce
miracle était, de tous, celui qui prouvait invinciblement qu'il n'était pas
seulement un homme, qu'il pouvait triompher de la mort, et détruire d'un seul
coup l'empire tyrannique qu'elle exerçait depuis si longtemps. — Origène : (Traité 12 sur Saint Jean). Ces deux choses, le corps de Jésus et
le temple, me paraissent être la figure de l'Eglise qui est construite de
pierres vivantes pour former une maison spirituelle, un sacerdoce saint; et
aussi conformément à ces autres paroles : «
Vous êtes le corps de Jésus-Christ et les membres les uns des autres. »
(1 Co 12, 27). Cet édifice de pierre semble renversé, et les os du Christ
semblent dispersés par le vent des adversités et des tribulations, mais il
sera rétabli et ressuscitera le troisième jour qui doit répandre ses clartés
sur un nouveau ciel et sur une nouvelle terre. De même que le corps sensible
de Jésus-Christ a été crucifié et enseveli avant de ressusciter, ainsi le
corps mystique du Sauveur composé de tous les saints a été crucifié avec lui.
Aucun d'eux, en effet, qui se glorifie en autre chose qu'en la croix de Notre
Seigneur Jésus-Christ, par laquelle il est crucifié pour le monde. (Ga 6,
14). Aucun d'eux également qui ne soit enseveli avec Jésus-Christ, et ne
ressuscite avec lui, parce qu'il marche dans une sainte nouveauté de vie (Rm
6); mais aucun d'eux cependant n'a encore eu part à la bienheureuse
résurrection. Aussi n'est-il point écrit : Je le rétablirai le troisième
jour, mais : « dans trois jours, »
pour marquer que la restauration de ce temple s'accomplira pendant toute la
durée de ces trois jours. —
Théophylactus : Les Juifs qui s'imaginaient qu'il parlait du temple matériel, se
moquaient de lui. « Les Juifs
répartirent : On a mis quarante-six ans à bâtir ce temple, et vous le
rebâtirez en trois jours ? » —
Alcuin : Remarquez que les Juifs ne
veulent point parler ici de la première construction du temple par Salomon,
et qui dura sept ans, mais de sa reconstruction par Zorobabel, qui se
prolongea pendant quarante-six ans au milieu des obstacles sans nombre que
les ennemis ne cessaient d'y apporter. (Esd 1, 4). — Origène : Il en est qui prétendent qu'on peut compter ces quarante-six ans du
jour où David consulta le prophète Nathan sur la construction du temple,
s'occupant dès lors d'amasser les matériaux nécessaires. Examinez s’il ne
serait pas possible que ce nombre quarante appliqué au temple soit la figure
des quatre éléments du monde, et le nombre six le symbole du sixième jour où
l'homme fut créé ? —
Saint Augustin : (de la Trinité, chap. 5). On
peut dire encore que ce nombre exprime convenablement la perfection du corps
du Seigneur. En effet, six fois quarante-six font deux cent soixante-seize,
c'est-à-dire neuf mois et six jours. Or, c'est justement le temps que le
corps de Jésus se développa dans le sein de sa mère jusqu'au jour de sa
naissance, comme nous pouvons le conclure de la tradition de nos ancêtres,
tradition que l'Eglise a revêtue de son autorité. C'est en effet, le huitième
jour des calendes d'avril, [c'est-à-dire le vingt-cinq mars], que l'on croit
que Jésus fut conçu et souffrit sa passion, et c'est le huitième jour des
calendes de janvier, [c'est-à-dire le vingt-cinq décembre], qu'il est né.
Depuis le jour de sa conception jusqu'à celui de sa naissance, on compte donc
deux cent soixante-seize jours que l'on obtient par le nombre quarante-six
multiplié par six. —
Saint Augustin : (Liv. des 88 quest., quest.
6). Tels sont, dit-on, les phénomènes successifs de la conception de l'homme :
pendant les six premiers jours son corps a l'apparence du lait; durant les
neuf jours suivants ce lait se change en sang; ce sang se coagule pendant les
douze jours qui suivent; puis les organes se forment et les contours des
membres se dessinent pendant dix-huit autres jours, et le corps continue à se
développer le reste du temps jusqu'à l'époque de l'enfantement. Or, les
nombres six, neuf, douze, dix-huit additionnés ensemble, font quarante-cinq;
et en ajoutant un, quarante-six. Si on multiplie quarante-six par le nombre
six qui se trouve en tête de cette addition, on obtient deux cent
soixante-seize, c'est-à-dire neuf mois et six jours. Ce n'est donc point sans
raison qu'on a mis quarante-six ans à construire le temple qui était la
figure du corps du Sauveur, mais pour que les années de sa construction
fussent le symbole et l'image des jours pendant lesquels le corps du Seigneur
atteignit sa perfection. —
Saint Augustin : (Traité 10 sur Saint Jean). Ou bien encore, Notre Seigneur a reçu
son corps d'Adam, mais sans en prendre le péché. Il a donc reçu de lui le
temple de son corps, mais non l'iniquité qui doit être bannie de ce temple.
Si vous prenez les quatre mots grecs ¢νατολή,
orient; δύσις, l'occident; άρχτoς,
le septentrion; μεσημbρία, le midi;
et que vous réunissiez les quatre premières lettres de ces mots, vous avez le
nom d'Adam. Aussi le Seigneur nous déclare qu'il rassemblera ses élus des
quatre vents, lorsqu'il viendra juger les hommes. Les lettres qui servent à
former le nom d'Adam, correspondent en grec au nombre quarante-six qui est le
nombre d'années qu'a duré la construction du temple. Ce nom, en effet, est
composé de α, c'est-à-dire un; de δ, quatre; de α, c'est-à-dire
un; de m, quarante; ce qui fait en tout quarante-six. Mais les Juifs, esclaves
des inclinations de la chair, ne pouvaient goûter que les choses charnelles,
et ne comprenaient pas le langage spirituel du Sauveur. Aussi l'Evangéliste
nous explique de quel temple il voulait parler : « Mais Jésus voulait parler du temple de son corps. » —
Théophylactus : Apollinaire nous oppose ce texte pour prouver que la chair de
Jésus-Christ était inanimée, parce que le temple [auquel il la compare] était
lui-même inanimé. Dites donc alors que la chair de Jésus était un composé de
pierres et de bois, puisque tels sont les éléments qui entrent dans la
construction du temple. Vous prétendez que ces paroles : « Mon âme est troublée, » (Jn 12) « J'ai le pouvoir de donner mon âme, » (Jn 10) ne doivent point
s'entendre d'une âme raisonnable; dans quel sens prendrez-vous donc ces
paroles : « Seigneur, je remets mon âme
entre vos mains » ? (Lc 23) Car vous ne pouvez pas davantage
l'entendre d'une âme raisonnable, pas plus que ces autres paroles : « Vous ne laisserez pas mon âme dans
l'enfer. » (Ps 15) — Origène : Le corps du Seigneur est ici appelé le temple de Dieu, parce que de
même que le temple de Dieu était rempli de la gloire de Dieu qui l'habitait,
ainsi le corps de Jésus-Christ qui représente l'Eglise contient le Fils
unique, qui est l'image substantielle de la gloire de Dieu. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 22 sur Saint Jean). Deux choses s'opposaient à ce que les
disciples comprennent parfaitement le sens de ces paroles : la première,
c'était le fait même de la résurrection; la seconde, la plus importante, c'est
que Dieu lui-même habitait le temple de son corps, ce que le Seigneur avait
exprimé en termes mystérieux et cachés, en disant : « Détruisez ce temple, et je le relèverai en trois jours. » Aussi
ajoute-t-il : « Lors donc qu'il fut
ressuscité d'entre les morts, ses disciples se ressouvinrent qu'il avait dit
cela, et ils crurent à l'Ecriture et à la parole qu'avait dite Jésus.» —
Alcuin : Avant la résurrection, ils
ne comprenaient pas les Ecritures, parce qu'ils n'avaient pas encore reçu
l'Esprit saint, [et « l'Esprit saint n'avait pas encore été donné, parce que
Jésus n'était pas encore glorifié. »] (Jn 7) Mais le jour de sa résurrection,
Notre Seigneur apparut à ses disciples, et leur ouvrit l'intelligence pour
comprendre ce que la loi et les prophètes avaient prédit de lui. (Lc 24) « Et ils crurent alors à l'Ecriture, »
(c'est-à-dire aux prophètes qui avaient prédit qu'il ressusciterait le
troisième jour), et à la parole que Jésus leur avait dite : « Détruisez ce temple ». — Origène : Dans le sens analogique,
nous parviendrons au complément de la foi, au jour de la grande résurrection
du corps entier de Jésus, c'est-à-dire de son Eglise; car la foi qui voit Dieu
tel qu'il est, est bien différente de celle qui ne le voit que comme dans un
miroir et sous des images obscures. |
Lectio 6 |
Versets 23-25
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[86006] Catena in Io., cap. 2 l. 6 Beda. Superius Evangelista narravit quid dominus
Ierusalem adveniens gesserit; nunc vero eodem Hierosolymis commorante, quid
ab aliis erga eum actum fuerit refert; unde dicitur cum autem esset
Hierosolymis in Pascha in die festo, multi crediderunt in nomine eius,
videntes signa quae faciebat. Origenes. Respiciendum autem quomodo ex
signis eius plerique videntes credebant in eum. Non enim dicitur prodigia
fecisse Hierosolymis, nisi forte, cum facta sint, in Scripturis non
habeantur. Animadverte vero si possibile est in miraculis deputari quod
fecerit flagellum ex funiculis, et cunctos ex templo propulerit. Chrysostomus in Ioannem. Prudentiores autem fuerant
discipuli, qui ad Christum accesserant, non propter signa sed propter
doctrinam; nam grossiores quidem per signa trahuntur, rationabiliores vero
per prophetias seu doctrinam; unde subditur ipse autem Iesus non credebat
semetipsum eis. Augustinus in Ioannem. Quid sibi vult hoc illi
credebant in nomine eius, et ipse Iesus non credebat semetipsum eis? An forte
non credebant ei, et fingebant se credidisse? Sed non diceret Evangelista multi
crediderunt in nomine eius. Magna ergo res et mira. Credunt homines in
Christum, et Christus non se credit hominibus, praesertim quia filius Dei
est, et utique volens passus est, et si nollet, nunquam pateretur. Sed tales
sunt omnes catechumeni. Si dixerimus catechumeno : credis Christo? Respondet
: credo, et signat se. Si interrogemus eum : manducas carnem filii hominis?
Nescit quid dicimus, quia Iesus non se credidit ei. Origenes in Ioannem. Vel dicendum, quod Iesus non se
credidit credentibus in nomine eius, et non in illum. In illum enim credunt
qui angustam viam vadunt ducentem ad vitam : qui autem credunt signis, non in
eum, sed in nomine eius credunt. Chrysostomus. Vel hoc dicit, quia non confidebat in
eis ut in discipulis perfectis, neque committebat eis omnia dogmata, ut iam
firmiter fidelibus fratribus : non enim intendebat exterioribus verbis, ad
mentem eorum intrans, et tempus opportunum manifeste sciens; unde sequitur eo
quod ipse nosset omnes, et quia opus non erat ut quis testimonium perhiberet
de homine : ipse enim sciebat quid esset in homine. Scire enim ea quae sunt
in corde hominum, est Dei, qui solus corda plasmavit. Non indiget ergo
testibus, ut propriorum plasmatum mentem addiscat. Augustinus. Plus etiam noverat artifex quid esset in
opere suo, quam ipsum opus quid esset in semetipso. Nam et Petrus non noverat
quid in ipso esset quando dixit : tecum ero usque ad mortem; sed dominus
noverat quid esset in homine, dicens : priusquam gallus cantet, ter me
negabis. Beda. Quapropter monemur ut nunquam de conscientia
nostra securi simus, sed semper solliciti formidemus : quia quod nos latet,
aeternum arbitrum latere non valet. |
—
Saint
Bède : L'Evangéliste vient de raconter ce qu'avait
fait le Sauveur en arrivant à Jérusalem, il fait connaître maintenant la
conduite qui fut tenue à son égard pendant son séjour à Jérusalem : « Lorsque Jésus était à Jérusalem, à la
Pâque, pendant la fête, beaucoup crurent en son nom en voyant les miracles
qu’il faisait.» — Origène : Il nous faut examiner comment la vue des miracles dont ils furent
témoins en détermina un grand nombre à croire en lui; car nous ne lisons pas
qu'il ait fait aucun miracle à Jérusalem, à moins qu'il n'en ait fait sans
que l'Evangile les ait rapportés. C'est à vous de voir si l'on ne doit pas
mettre au nombre des miracles l'action de Jésus faisant un fouet avec des
cordes, et chassant les marchands hors du temple. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 22). Les disciples qui
s'étaient attachés à Jésus-Christ, non pour ses miracles, mais pour sa
doctrine, avaient été les mieux inspirés. En effet, les esprits vulgaires
sont attirés par l'éclat des miracles, tandis que les âmes plus élevées sont
beaucoup plus sensibles aux prophéties ou à la doctrine. Aussi l'Evangéliste
ajoute : « Mais Jésus ne se fiait pas à
eux. » —
Saint Augustin : (Traité 11) Que signifient
ces paroles ? « Ils croyaient au nom de
Jésus, et Jésus ne se fiait pas à eux ? » Est-ce qu'ils ne croyaient pas
en réalité, et faisaient-ils semblant de croire ? Mais alors l'Evangéliste
n'aurait pas dit aussi expressément : «
Beaucoup crurent en son nom. » Chose extraordinaire et merveilleuse ! Les
hommes croient en Jésus-Christ, et Jésus-Christ ne se fie pas aux hommes.
C'est surtout parce qu'il est le Fils de Dieu; s'il a souffert, c'est parce
que telle était sa volonté, et s'il ne l'avait pas voulu, il n'eût jamais
souffert. Or, tels sont tous les catéchumènes. Si nous demandons à un
catéchumène : Croyez-vous en Jésus-Christ ? il répond : je crois, et fait sur
lui le signe de la croix. Si nous lui faisons cette question : Mangez-vous la
chair du Fils de l'homme ? Il ne sait ce que nous lui disons, parce que Jésus
ne s'est pas encore confié à lui. — Origène : On peut dire encore que Jésus ne se fie pas à ceux qui croient en son
nom, mais qui ne croient pas encore en lui; car ceux-là seuls croient en lui
qui suivent la voie étroite qui conduit à la Vie. (Mt 7) Ceux dont la foi ne
repose que sur les miracles ne croient pas en lui, mais en son nom. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 22). Ou bien encore
l'Evangéliste s'exprime de la sorte, parce que Jésus ne se fiait pas à eux,
comme il se fie à des disciples parfaits, il ne leur confiait pas encore tous
ses dogmes, comme à des fidèles fortement affermis dans la foi; car il ne
s'arrêtait pas aux paroles qui sortent de la bouche, il pénétrait jusqu'au
fond des cœurs, et savait parfaitement le moment favorable [pour ses divines
communications]. C'est pour cela que l'auteur sacré ajoute : « Parce qu'il les connaissait tous, et
qu'il n'avait pas besoin que personne lui rendit témoignage d'aucun homme,
car il savait lui-même ce qu'il y avait dans l'homme. » En effet, il
n'appartient qu'à Dieu, qui seul a formé les cœurs des hommes, de connaître
ce qu'ils renferment de plus intime. Il n'avait donc nul besoin de
témoignages [étrangers] pour lui apprendre les pensées secrètes des cœurs
qu'il avait créés. —
Saint Augustin : (Traité 11). Cet ouvrier
connaissait mieux ce qui était dans son œuvre, que l'œuvre ne pouvait le
connaître elle-même. Ainsi Pierre ne sentait pas bien ce qui se passait au
fond de son cœur, lorsqu'il disait à Jésus : « Je vous suivrai jusqu'à la mort, » (Jn 13) mais Notre Seigneur
savait bien mieux ce qui était dans l'homme, lorsqu'il lui répondait : « Avant que le coq chante, vous me
renierez trois fois. » —
Saint Bède : Avertissement salutaire de
ne jamais nous reposer entièrement sur le témoignage de notre conscience,
mais d'être toujours dans une craintive sollicitude; car ce qui demeure caché
pour nous, ne saurait échapper aux yeux du Juge éternel. |
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Caput 3 |
CHAPITRE III
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Lectio 1 |
Versets 1-3
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[86007] Catena in Io., cap. 3 l. 1 Augustinus in
Ioannem. Superius dixerat quod, cum esset Hierosolymis (..) multi
crediderunt in nomine eius, videntes signa et prodigia quae faciebat; ex his
autem erat Nicodemus, de quo dicitur erat autem homo ex Pharisaeis Nicodemus
nomine. Beda. Cuius etiam dignitatis officium ostendit, cum
subditur princeps Iudaeorum; deinde quid egerit, cum subiecit hic venit ad
Iesum nocte, cupiens scilicet secreta eius allocutione plenius discere
mysteria fidei, cuius, aperta ostensione signorum, iam rudimenta perceperat.
Chrysostomus in Ioannem. Adhuc tamen a Iudaica
detinebatur infirmitate : propterea et nocte venit, trepidans in die hoc
facere; unde et Evangelista alibi dicit : quoniam ex principibus multi
crediderunt in eum; sed propter Iudaeos non confitebantur, ut non extra
synagogam fierent expulsi. Augustinus. Nicodemus etiam ex illo numero erat qui
crediderunt, sed nondum renati sunt : unde hoc ad rem pertinet quod in nocte
venit. Renati autem ex aqua et spiritu sancto, audiunt ab apostolo : fuistis
aliquando tenebrae, nunc autem lux in domino. Haymo. Vel pulchre in nocte venisse dicitur, quia
tenebris ignorantiae obnubilatus, ad tantam lucem nondum pervenerat ut
perfecte Deum verum crederet : nox enim in sacro eloquio pro ignorantia
ponitur; unde subditur et dixit ei : Rabbi, scimus quia a Deo venisti
magister. Quod autem Hebraice Rabbi, Latine dicitur magister. Magistrum ergo
appellat, et Deum tacet : quia credebat eum a Deo missum, sed tamen, ut
dictum est, Deum non agnoscebat. Augustinus. Unde autem iste crediderat, patet per id
quod subdit nemo enim potest haec signa facere quae tu facis, nisi fuerit
Deus cum eo. Sic ergo Nicodemus de illis multis erat qui crediderant in
nomine eius, videntes signa quae faciebat. Chrysostomus in Ioannem. Sed tamen neque a signis
aliquid magnum existimabat de eo; sed adhuc humanam habens de eo mentem, ut
de propheta loquitur, ad operationem eum missum dicens, et alieno auxilio
indigentem haec agere quae agebat; cum tamen pater perfectum eum genuerit, et
sufficientem sibi ipsi, et nihil habentem imperfectum. Quia vero Christi
studium erat interim non ita dignitatem suam revelare, sicut persuadere quod
nihil ex adverso agebat patri : propterea in verbis multoties humiliter
loquens videtur, in rebus autem cum potestate omnia operatur. Ideoque et
Nicodemo nunc manifeste quidem nihil excelsum loquitur de se ipso; occulte
autem ab humili eum opinione reducit, docens quod sufficiens sibi ipse est in
miraculorum operatione; unde subditur respondit Iesus, et dixit ei : amen,
amen dico tibi : nisi quis renatus fuerit denuo, non potest videre regnum Dei.
Augustinus. Isti sunt ergo quibus se credit Iesus
qui nati fuerint denuo, qui non in nocte veniunt ad Iesum, sicut Nicodemus;
tales enim iam etiam profitentur. Dicit ergo nisi quis renatus fuerit denuo,
non potest videre regnum Dei; quasi dicat : Chrysostomus. quia nondum es natus denuo, idest ex
Deo, spirituali generatione, notitia quam habes de me, spiritualis non est,
sed animalis et humana. Ego autem dico tibi, quod sive tu, sive alius
quicumque, nisi ex Deo denuo natus fuerit, non poterit apprehendere gloriam
quae circa me est; sed extra regnum erit; nam generatio quae per Baptismum
fit, illuminationem animae tribuit. Vel littera talis est : amen, amen dico tibi : nisi
quis renatus fuerit, etc.; hoc est, si tu non natus fueris desuper, et
dogmatum susceperis certitudinem alicubi, extra erras, et longe es a regno caelorum;
seipsum hic ostendens, et indicans quoniam non est hoc tantum quod videtur :
sed aliis oculis opus est ad videndum eum. Hoc autem quod dicit desuper, hi
quidem, idest de caelo, exponunt; alii vero, a principio. Igitur Iudaei
quidem si hoc audissent, deridentes utique discessissent; hic vero et in hoc
amorem discipuli ostendit quod a Christo ulterius interrogat. |
—
Saint
Augustin : (Traité 12 sur Saint
Jean). L'Evangéliste venait de dire que pendant le séjour de Jésus à
Jérusalem, beaucoup crurent en son nom, en voyant les prodiges et les
miracles qu'il opérait. De ce nombre était Nicodème, dont il est dit que
c’était un pharisien. —
Saint Bède : (pour la fête de l'inv. de
la sainte croix). Saint Jean nous fait connaître son rang: « C'était un des chefs des Juifs, ».
et la démarche qu'il fit : « Il vint de
nuit trouver Jésus. » Il désirait s'instruire plus à fond dans un
entretien secret des mystères de la foi, dont les miracles publics du Sauveur
lui avaient fait connaître les premiers éléments. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 24 sur Saint Jean). Cet homme était encore esclave de la
faiblesse judaïque, et il vient de nuit, parce qu'il craignait de faire de
jour cette démarche. C'est ce même motif de crainte auquel l'Evangéliste fait
allusion, lorsqu'il dit : « Cependant
plusieurs d'entre les princes mêmes crurent en lui, mais à cause des
pharisiens, ils ne le confessaient pas, de peur d'être chassés de la
synagogue. » (Jn 12, 12). —
Saint Augustin : (Traité 12). Nicodème était
du nombre de ceux qui crurent en Jésus-Christ, mais qui n'avaient pas encore
reçu une nouvelle naissance, et c'est la raison pour laquelle il vient de
nuit. C'est à ceux qui sont nés de nouveau de l'eau et de l'Esprit saint, que
l'Apôtre dit : « Vous avez été
autrefois ténèbres, vous êtes maintenant lumière dans le Seigneur. » — Haymon : Cette démarche qu'il fait
la nuit est parfaitement appropriée aux dispositions de son âme, encore
couverte des ténèbres de l'ignorance, et privée de cette vive lumière qui le
fit croire parfaitement au Dieu véritable; car la nuit, dans la sainte
Ecriture, est le symbole de l'ignorance : «
Et il lui dit : Maître, nous savons que vous êtes un docteur envoyé de Dieu.
» Le mot rabbi, en hébreu, a la même signification que le mot magister
(maître) en latin. Il donne à Jésus le nom de maître, et non celui de Dieu,
parce qu'il le regardait comme envoyé de Dieu, mais sans croire encore à sa
divinité. —
Saint Augustin : (Traité 12). Quel motif
l'avait porté à croire ? le voici : «
Car personne ne saurait faire les miracles que vous faites, si Dieu n'est
avec lui. » Nicodème faisait donc partie de ce grand nombre de Juifs qui
avaient cru au nom de Jésus, en voyant les miracles qu'il opérait. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 24). Cependant les
prodiges ne lui donnent pas encore une bien haute idée de Jésus, il avait de
lui une opinion toute humaine; il en parle comme d'un prophète envoyé de Dieu
pour une mission spéciale, et qui a besoin pour la remplir d'un secours
étranger, bien que son Père, en l'engendrant [de toute éternité], lui ait
communiqué toute perfection, qu'il se suffise à lui-même, et n'ait rien en
lui d'imparfait. Comme le dessein de Notre-Seigneur, pendant un certain
temps, était moins de révéler sa divinité, que de persuader qu'il n'était en
rien contraire à son Père, son langage est empreint de modération, tandis
qu'il déploie dans toutes ses actions un pouvoir souverain. C'est pour cette
raison qu'il ne révèle clairement à Nicodème rien de sublime sur sa personne;
mais il corrige seulement l'opinion peu relevée qu'il avait de lui, en lui
apprenant qu'il n'a besoin de personne pour opérer ses miracles : « Jésus lui répondit : « En vérité, en
vérité, je vous le dis, nul, s'il ne naît de nouveau, ne peut voir le royaume
de Dieu. » —
Saint Augustin : (Traité 12). Voilà ceux à
qui Jésus se fie, à ceux qui sont nés de nouveau, et ne viennent pas trouver
Jésus de nuit, comme Nicodème. Jésus lui dit donc : « Nul, s'il ne naît de nouveau, ne peut voir le royaume de Dieu. »
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 24) [référence à
vérifier] Paroles dont voici le sens : Comme vous n'êtes pas encore né
de nouveau par la génération spirituelle dont Dieu est l'auteur, la
connaissance que vous avez de moi est loin d'être spirituelle, elle est toute
charnelle et toute humaine. Or, je vous le déclare, ni vous, ni un autre,
quel qu'il soit, ne pouvez, sans cette nouvelle naissance qui vient de Dieu,
comprendre la gloire dont je suis environné, et vous restez nécessairement eu
dehors du royaume; car la génération dont le baptême est le principe, répand
les plus vives lumières dans l'âme. On peut encore suivre cette version : « En vérité, en vérité je vous le
dis : nul, à moins d'être né, etc... », c'est-à-dire votre naissance
ne vient pas d'en- haut, si vous n'avez pas reçu une foi ferme et
inébranlable aux vérités révélées, vous êtes hors de la voie, et loin du
royaume des cieux. Notre Seigneur parle ici de lui-même, et veut faire
comprendre qu'il n'est pas seulement ce qu'il parait extérieurement, mais
qu'il est besoin d'autres yeux pour le voir [tel qu'il est]. Suivant les uns,
cette expression : d'en- haut, signifie du ciel, suivant les autres, dès le
commencement. Si les Juifs avaient entendu cette doctrine, ils auraient bien
vite laissé Jésus eu se moquant de lui, mais Nicodème, en continuant
d'interroger Jésus-Christ, fait paraître l'amour d'un vrai disciple pour son
maître. |
Lectio 2 |
Versets 4-8
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[86008] Catena in Io., cap. 3 l. 2 Chrysostomus
in Ioannem. Veniens Nicodemus ad Iesum ut ad hominem, audiens maiora quam
ab homine, erigitur ad altitudinem eorum quae dicuntur, non quidem excidens a
fide; sed infert hanc impossibilitatem, ut in apertiorem provocet doctrinam.
Duo autem erant quae admirabatur : scilicet nativitas talis et regnum : neque
enim audita erant apud Iudaeos. Sed interim circa prius instat, et quod
maxime eius mentem concutiebat; unde dicitur dicit ad eum Nicodemus : quomodo
potest homo nasci, cum sit senex? Numquid potest in ventrem matris suae
iterato introire, et renasci? Beda. Sic verba ista sonare videntur, quasi puer
queat iterato in ventrem matris introire et renasci. Sed sciendum, quod ipse
senex erat; ideoque de se protulit exemplum; ac si diceret : ego sum senex et
meam quaero salutem : quomodo possum in ventrem matris introire et renasci?
Chrysostomus. Rabbi eum vocas, et a Deo venisse
dicis; et non suscipis quae dicuntur, sed loqueris ad magistrum dictionem
quae multam perturbationem inducit; hoc enim, scilicet quomodo quaerere,
eorum est qui non valide credunt, et multi sic quaerentes, a fide deciderunt;
hi quidem dicentes : quomodo Deus est incarnatus? Alii : quomodo mansit
impassibilis? Propterea et hic propter anxietatem modum exquirit. Sed cum
aliquis cogitationibus propriis spiritualia evertit, derisibilia loquitur.
Augustinus in Ioannem. Spiritus enim loquitur, et
ille carnem sapit : non noverat iste nisi unam nativitatem, scilicet ex Adam
et Eva; et ex Deo et Ecclesia nondum noverat. Sic tamen tu intellige
nativitatem spiritus quomodo intellexit Nicodemus nativitatem carnis : quomodo
enim uterus non potest repeti, sic nec Baptismus. Chrysostomus in Ioannem. Nicodemo autem decidenti ad
eam quae hic est nativitatem, Christus manifestius revelat spiritualis
nativitatis modum; unde sequitur respondit Iesus : amen, amen dico tibi : nisi
quis renatus fuerit ex aqua et spiritu sancto, non potest introire in regnum
Dei. Augustinus in Ioannem. Ac si dicat : tu carnalem
generationem intelligis; sed ex aqua et spiritu oportet quod nascatur homo
propter regnum Dei. Si propter haereditatem patris hominis temporalem
nascitur aliquis ex visceribus matris carnalis; et propter haereditatem
patris Dei sempiternam nascatur ex visceribus Ecclesiae. Cum autem ex duobus
homo consistat, ex corpore videlicet et anima, duplicem habet et huiusmodi
modum generationis; aqua enim quae visibilis est, ad emundationem corporis
intelligitur : spiritus vero invisibiliter concurrens, ad emundationem
invisibilis animae innuitur. Chrysostomus. Si vero quis interrogat : qualiter ab
aqua homo nascitur? Interrogo et ego : qualiter natus est Adam a terra? Sicut
enim in principio subiciebatur elementum terra, totum vero opus plasmantis
erat; ita et nunc subicitur elementum aqua, totum vero est spiritus gratiae.
Tunc Paradisum dedit in conversationem; nunc autem caelum nobis aperuit. Sed
quae est necessitas aquae his qui spiritum sanctum suscipiunt? Divina enim in
ea perficiuntur symbola, sepultura et mortificatio, resurrectio et vita.
Sicut enim in quodam sepulchro, in aqua nobis submergentibus capita, vetus
homo sepelitur, et submersus deorsum occultatur, deinde novus rursus
ascendit. Hoc etiam fit, ut discas quoniam virtus patris et filii et spiritus
sancti omnia complet, et quod Christus tres dies ad resurgendum expectavit.
Quod igitur est matrix fetui, hoc est fideli aqua : in aqua enim plasmatur,
et figuratur; sed quod in matrice plasmatur, tempore indiget : quod vero in
aqua, non ita, sed in uno momento omnia fiunt. Talis enim est natura corporum
ut tempore assumant perfectionem; in spiritualibus vero non est ita; quoniam
perfecta a principio constituuntur quae fiunt. Ex quo igitur ascendit a
Iordane dominus, non adhuc reptilia animarum viventium, sed animas
spirituales et rationabiles aqua reddit. Augustinus de Bapt. Parv. Sed quia non ait nisi quis
renatus fuerit ex aqua et spiritu, non habebit salutem, vel vitam aeternam;
sed non intrabit in regnum Dei; ad hoc, inquiunt quidam, parvuli baptizandi
sunt, ut sint cum Christo in regno Dei, ubi non erunt, si baptizati non
fuerint; quamvis et sine Baptismo si parvuli moriantur, salutem vitamque
aeternam habituri sint, quoniam nullo peccati vinculo astricti sunt. Sed cur
nascatur denuo, nisi renovandus a vetustate? Aut unde imago Dei non intrat in
regnum Dei, nisi impedimento prohibente peccati? Haymo. Talia autem ac tanta secreta mysteria
Nicodemo capere non valenti dominus ex carnali nativitate similitudinem
dedit, dicens quod natum est ex carne, caro est; et quod natum est ex
spiritu, spiritus est : sicut enim caro carnem procreat, ita quoque spiritus
spiritum parit. Chrysostomus in Ioannem. Nihil igitur sensibilium
inquiras, neque aestimes quod carnem generet spiritus : domini enim caro
genita est non quidem a spiritu solum sed etiam a carne. Quod autem natum est
ex spiritu, spirituale est. Nativitatem enim hic non eam quae secundum
substantiam, dicit, sed eam quae secundum honorem et gratiam. Si igitur et
filius Dei ita natus est, quid plus habebit omnibus qui ita nati sunt?
Invenietur autem et spiritu minor, cum eius nativitas gratia spiritus sit. Et
quomodo haec a Iudaicis distant dogmatibus? Vide autem et spiritus sancti
dignitatem : Dei enim opus videtur facere. Supra enim dixit, quoniam ex Deo
nati sunt; hic autem quoniam spiritus eos generat. Dicens autem Christus,
quoniam qui natus est ex spiritu, spiritus est, quia turbatum rursus vidit,
ad sensibile exemplum ducit sermonem, dicens non mireris quia dixi tibi :
oportet vos nasci denuo. Dicendo enim ne mireris, ostendit animi eius
turbationem. Ponit autem exemplum quod neque communionem aliquam ad corporum
grossitiem habet, neque ad incorporeorum perveniens naturam, quod est venti
delatio, dicens spiritus ubi vult spirat, et vocem eius audis : sed nescis
unde veniat aut quo vadat. Sic est omnis qui natus est ex spiritu. Quod
dicit, tale est. Si ventum nullus detinet, sed quo vult fertur : multo magis
spiritus actionem, naturae leges detinere non poterunt, non terminus
corporalis nativitatis, neque aliud quid talium. Quoniam autem de vento hic
dictum est, manifestat illud quod dicit vocem eius audis, idest sonitum
percussionis; non enim loquens infideli et nescienti spiritus actionem hoc
diceret. Dicit autem ubi vult spirat, non quasi electionem quamdam vento
habente, sed eam quae a natura est motionem, quae non prohibetur, et cum
potestate fit. Et nescis unde veniat, aut quo vadat; idest, si huius
spiritus, cuius sensum suscipis auditu et tactu, interpretari nescis viam,
qualiter divini spiritus operationem scrutaris? Unde subdit sic est omnis qui
natus est ex spiritu. Augustinus in Ioannem. Sed quis nostrum non videat
verbi gratia Austrum euntem a meridie ad Aquilonem, aut alium ventum
venientem ab oriente et occidente? Quomodo ergo nescimus unde veniat aut quo
eat? Beda. Spiritus igitur sanctus est qui ubi vult
spirat, quia ipse in potestate habet cuius cor gratia suae visitationis
illustret. Et vocem eius audis, cum te praesente loquitur is qui spiritu
sancto repletus est. Augustinus. Sonat Psalmus, sonat Evangelium, sonat
sermo divinus, vox spiritus est. Hoc igitur dicit, quia verbo et sacramento
invisibiliter adest spiritus sanctus, ut nascamur. Alcuinus. Ergo nescis unde veniat aut quo vadat;
quia etsi te praesente spiritus ad horam quempiam repleverit, non potest
videri quomodo in eum intraverit, vel quomodo redierit, quia natura est
invisibilis. Haymo. Sive nescis unde veniat, quia quomodo credentes ad
fidem introducat ignoras; vel quo vadat, quia quomodo fideles ad spem
perducat nescis; et sic est omnis qui natus est ex spiritu; ac si dicat :
spiritus sanctus spiritus invisibilis est; ita et quisquis ex spiritu
nascitur, invisibiliter nascitur. Augustinus. Vel aliter. Et si tu nascaris de
spiritu, hoc eris, ut ille qui non est natus adhuc de spiritu, nesciat unde
venias aut quo eas; hoc enim secutus ait sic est omnis qui natus est ex
spiritu. Theophylactus. Confundatur ergo Macedonius
impugnator spiritus, qui servum spiritum sanctum asseruit : spiritus enim
sanctus propria potestate et ubi vult, et qualiter vult operatur. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 24). Nicodème, en
venant trouver Jésus, ne voyait en lui qu'un homme, mais lorsqu'il l'entend
exposer des vérités supérieures à l'intelligence de l'homme, son esprit
s'efforce de s'élever à la hauteur de ces enseignements, restant encore à
l’écart de la foi; toutefois [les ténèbres qui couvrent son esprit ne lui
permettent pas de s'y maintenir, il est encore dans le doute et
l'incertitude, et] il objecte une espèce d'impossibilité, pour engager Notre
Seigneur à s'expliquer plus clairement. Deux choses surtout le jetaient dans
l'étonnement : la nouvelle naissance et le royaume, choses inouïes et
inconnues parmi les Juifs. Nicodème s'attache surtout à la première
difficulté qui troublait le plus ses idées : « Et Nicodème lui dit : Comment un homme peut-il naître lorsqu'il est
vieux ? Peut-il rentrer dans le sein de sa mère et naître de nouveau ? » —
Saint Bède : L'observation de Nicodème
semble indiquer que dans sa pensée un enfant peut rentrer dans le sein de sa
mère et naître de nouveau. Mais il faut se rappeler qu'il était déjà avancé
en âge, et qu'il se donne lui-même comme exemple : Je suis déjà vieux,
semble-t-il dire, je veux sincèrement arriver au salut, comment donc puis-je
rentrer dans le sein de ma mère et y prendre une nouvelle naissance ? —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 24). Quoi, vous
appelez Jésus, Maître, vous reconnaissez qu'il est envoyé de Dieu, et vous ne
recevez pas ses enseignements, et vous lui faites une question capable de
porter le trouble dans les esprits ? Chercher la raison des choses est en
effet le propre de ceux dont la foi est encore faible, et il en est beaucoup
qui ont perdu la foi au milieu de ces recherches, les uns en demandant :
Comment Dieu a-t-il pu s'incarner ? Les autres : Comment peut-il rester ainsi
impassible ? C'est sous l'impression de cette incertitude d'esprit que
Nicodème que Nicodème pose cette question. Mais voyez dans quelles pensées
ridicules tombent ceux qui veulent mêler leurs conceptions aux vérités
surnaturelles. —
Saint Augustin : (Traité 11 sur Saint Jean). C'est l'Esprit qui parle ici, et cet
homme n'a que des idées charnelles; il ne connaissait qu'une seule naissance,
celle qui vient d'Adam et d'Eve, et n'avait aucune connaissance de celle qui
vient de Dieu et de l'Eglise. Nous devons toutefois entendre la naissance
spirituelle comme Nicodème entendait la naissance charnelle, car de même
qu'on ne peut rentrer dans le sein de sa mère, on ne peut non plus recevoir
une seconde fois le baptême. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 24 sur Saint Jean). Notre-Seigneur, voyant que Nicodème
ne pouvait s'élever au-dessus de la génération charnelle, lui explique plus
clairement le mode de cette naissance toute spirituelle : « Jésus lui répondit : En vérité, en
vérité, je vous le dis, nul, s'il ne renaît de l'eau et de l'Esprit saint, ne
peut entrer dans le royaume de Dieu. » —
Saint Augustin : (Traité 11) Paroles dont
voici le sens : Vous ne pensez qu'à la génération charnelle, mais il faut que
l'homme naisse de l'eau et de l'Esprit saint pour entrer dans le royaume de
Dieu. Pour recueillir l'héritage de son père dans le temps, l'homme doit
naître du sein d'une mère mortelle; pour parvenir à l'héritage éternel de
Dieu le Père, il doit prendre une nouvelle naissance dans le sein de
l'Eglise. L'homme est composé de deux substances différentes, d'un corps et d'une
âme; cette naissance spirituelle a aussi un double mode d'action, l'eau qui
est visible sert à purifier le corps, et l'Esprit saint, dont l'opération est
invisible, purifie l'âme qui est également invisible. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 24). Si l'on me
demande comment l'homme peut recevoir de l'eau une nouvelle naissance, je
demanderai à mon tour comment Adam a pu naître de la terre ? Au commencement
la matière première était simplement de la terre, et la formation d'Adam est
tout entière l'œuvre du Créateur; de même ici la matière est l'eau, mais
cette nouvelle naissance est tout entière l'œuvre de l'Esprit de grâce. Dieu
alors donna au premier homme le paradis terrestre pour pour y vivre, il nous
ouvre maintenant le ciel. Mais pourquoi l'eau est-elle nécessaire à ceux qui
reçoivent l'Esprit saint ? Voici [la raison de ce mystère] : c'est que
l'eau est le symbole d'opérations divines, de la sépulture, de la
mortification, de la résurrection et de la vie. En effet, lorsque notre corps
est plongé dans l'eau comme dans un tombeau, le vieil homme est comme
enseveli, il disparaît tout entier dans cette immersion, et reparaît ensuite
tout renouvelé. C'est encore pour vous apprendre que la vertu du Père, du
Fils et du Saint-Esprit, remplit toutes choses, et que Jésus-Christ attendit
trois jours pour ressusciter. (hom. 26). L'eau est pour le fidèle comme le
sein de la mère pour l'enfant, c'est dans l'eau que le chrétien reçoit la vie
et sa forme. Mais l'enfant, pour se développer dans le sein de sa mère, a besoin
de temps, tandis que dans l'eau, le chrétien reçoit sa forme en un seul
instant. Il est en effet dans la nature des corps de n'atteindre leur
perfection que progressivement. Il n'en est pas ainsi des natures
spirituelles, elles sont parfaites aussitôt qu'elles existent. Depuis le jour
où Notre Seigneur est sorti des eaux du Jourdain, l'eau ne produit plus
seulement des reptiles et des animaux privés de raison, mais des âmes
spirituelles et raisonnables. —
Saint Augustin : (du bapt. des enf., 1, 30).
Notre Seigneur ne dit pas : Nul, s’il ne renaît de l'eau et de l'Esprit
saint, n'obtiendra le salut ou la vie éternelle, mais : « n'entrera pas dans le royaume de Dieu, » et il en est qui
concluent de ces paroles, qu'à la vérité les enfants doivent être baptisés
pour être avec le Christ dans le royaume de Dieu, où ils ne peuvent entrer
que par le baptême, mais qu'ils ne laissent pas, s'ils viennent à mourir sans
baptême, d'obtenir le salut et la vie éternelle, parce qu'ils ne sont
esclaves d'aucun péché. Mais pourquoi une nouvelle naissance, si ce n'est
pour produire un renouvellement complet de vie ? Ou quel sera l'obstacle qui
empêchera l'image de Dieu, d'entrer dans le royaume de Dieu, si ce n'est le
péché ? — Haymon : De si grands et de si
profonds mystères étaient au-dessus de l'intelligence de Nicodème, aussi
Notre Seigneur cherche-t-il à se faire comprendre par une comparaison
empruntée à la naissance charnelle : «
Ce qui est né de la chair est chair, ce qui est né de l’esprit est esprit »,
c'est-à-dire, de même que la chair engendre la chair, ainsi l'esprit engendre
l'esprit. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 26). Ne recherchez
donc pas les choses sensibles, et n'allez point penser que l'esprit engendre
la chair, car la chair elle-même du Sauveur n'a pas été produite par l'esprit
seul, mais par la chair. Mais ce qui est né de l'esprit est spirituel, la
naissance dont il est ici question n'est point celle qui produit la
substance, mais celle qui lui donne l'honneur et la grâce. Si telle a été la
naissance du Fils de Dieu, qu'a-t-il de plus que ceux qui ont eu part aussi à
cette naissance ? [Comment est-il le Fils unique de Dieu ? Car je suis né
aussi de Dieu, mais sans sortir de sa substance. Et s'il n'a point pour
principe la substance même de Dieu, en quoi diffère-t-il de nous. Que dis-je
?] Il serait même inférieur à l'Esprit saint, car cette nouvelle naissance
n'a lieu que par la grâce de l'Esprit saint. [Aurait-il donc besoin du
secours de l'Esprit saint pour continuer à être le Fils de Dieu ?] En quoi cette
doctrine différerait-elle de la doctrine des Juifs ? Considérez ici la
dignité de l'Esprit saint, il semble accomplir les œuvres mêmes de Dieu, il
est dit plus haut : « Ils sont nés de
Dieu. » Ici il nous déclare que c'est l'Esprit saint qui les engendre.
Notre Seigneur voit que ces paroles : «
Celui qui est né de l'esprit est esprit », jettent de nouveau le
trouble dans les idées de Nicodème, et il emprunte pour se faire comprendre
un nouvel exemple aux choses sensibles : «
Ne vous étonnez pas que je vous aie dit : Il faut que vous naissiez de
nouveau, » paroles qui indiquent visiblement le trouble produit dans
l'esprit de Nicodème. L'objet de la comparaison que choisit le Sauveur,
n'appartient pas précisément au monde matériel, il n'atteint pas non plus la
nature incorporelle; ce terme de comparaison, c'est le vent : « Le vent souffle où il veut, vous
entendez sa voix, mais vous ne savez d'où il vient ni où il va; ainsi en
est-il de tout homme qui est né de l'Esprit. » Voici l'explication de ces
paroles : Rien ne peut arrêter le vent, il se porte où il veut, à plus forte
raison l'action de l'Esprit saint ne pourra être entravée ni par les lois de
la nature, ni par les limites de la naissance corporelle, ni par aucun autre
obstacle semblable. Qu'il soit ici question du vent, c'est ce que prouvent
clairement les paroles suivantes : « et
vous entendez sa voix, » c'est-à-dire le son dont il frappe les airs. Car
le Sauveur n'eût point dit à un infidèle qui ne connaissait point l'action de
l'Esprit saint : « Vous entendez sa
voix. » Il ajoute : « Il souffle où
il veut, » non pas que le vent se détermine par un choix libre, mais
parce qu'il suit l'impulsion qu'il a reçue de la nature, et que sa force
n'est entravée par aucun obstacle : «
Et vous ne savez d'où il vient, ni où il va, » c'est-à-dire, si vous ne
pouvez connaître la voie que suit le vent dont vous entendez le son, et qui
est sensible au toucher, comment pourriez-vous pénétrer les opérations de
l'esprit de Dieu ? « Ainsi, ajoute
Notre-Seigneur, est tout homme qui est
né de l'Esprit. » —
Saint Augustin : (Traité 12 sur Saint Jean). Mais qui de nous, par exemple, ne
voit pas venir l’auster du midi au nord, ou un autre vent de l'orient à
l'occident ? Dans quel sens donc ne savons-nous pas d'où il vient, ni où il
va ? —
Saint Bède : (hom. pour l'Inv. de la
sainte Cr). C'est donc l'Esprit saint qui souffle où il veut, parce qu'il a
le pouvoir de choisir l’âme qu'il veut combler de la grâce de ses lumières,
et vous entendez sa voix, lorsque celui qui est rempli de l'Esprit saint,
parle en votre présence. —
Saint Augustin : (Traité 12). Vous entendez
le son des psaumes, le son de l'Evangile, le son de la parole divine, c'est
la voix de l'Esprit saint. Notre Seigneur s'exprime de la sorte, parce que
l'Esprit saint anime invisiblement la parole et le sacrement, pour nous
donner une nouvelle naissance. —
Alcuin : Vous ne savez d'où il vient,
ni où il va, car alors même que l'Esprit saint descendrait en votre présence
dans l'âme d'un de vos frères, vous ne pourriez voir ni comment il y est
entré, ni comment il en sortirait, parce qu'il est invisible de sa nature. — Haymon : Ou bien encore, vous
ne savez d'où il vient, parce que vous ignorez comment il conduit les hommes
à la foi, ni où il va, parce que vous ne savez non plus comment il les élève
jusqu'à l'espérance : « Ainsi est tout
homme qui est né de l'Esprit », c'est-à-dire : L'Esprit saint est un
esprit invisible, ainsi celui qui naît de l'esprit naît également d'une
manière invisible. —
Saint Augustin : (Tr. 12). Ou bien, lorsque
vous serez né vous-même de l'Esprit saint, vous serez une énigme pour celui
qui n'a point encore eu part à cette naissance, il ne saura ni d'où vous
venez, ni où vous allez. C'est pour cela que le Sauveur ajoute : « Ainsi en est-il de tout homme qui est né
de l'Esprit. » — Théophylactus : Quoi de plus propre à confondre Macédonius, cet ennemi de l'Esprit
saint, qui ose enseigner que ce divin Esprit n'est qu'un serviteur, puisque
d'après ces paroles, l'Esprit saint opère dans la plénitude de sa puissance,
et agit là où il veut et comme il veut ? |
Lectio 3 |
Versets 9-12 |
[86009] Catena in Io., cap. 3 l. 3 Haymo. Mysteria
divinae maiestatis Nicodemus capere non valet quae a domino audiebat : et
ideo rationem quaerens, factum non abnegans, non voto reprehendentis, sed
affectu discentis dominum interrogat; unde dicitur respondit Nicodemus, et
dixit ei : quomodo possunt haec fieri? Chrysostomus in Ioannem. Quia igitur adhuc in
Iudaica vilitate manet, et exemplo ita manifesto dicto ei, adhuc interrogat,
de reliquo asperius ad eum Christus loquitur; unde sequitur respondit et
dixit ei : tu es magister in Israel, et haec ignoras? Augustinus in
Ioannem. Quid putamus? Dominum huic magistro Iudaeorum quasi insultare
voluisse? Volebat quidem illum nasci de spiritu : nemo autem ex spiritu
nascitur nisi humilis fuerit, quia ipsa humilitas facit nos nasci de spiritu.
Ille autem magisterio inflatus erat, et alicuius momenti sibi esse videbatur,
quia doctor erat Iudaeorum. Deponit ergo dominus superbiam eius, ut possit
nasci de spiritu. Chrysostomus. Nequaquam tamen nequitiam accusat
viri, sed insipientiam et ruditatem solum. Sed dicet aliquis : quid commune
habet haec nativitas, de qua scilicet Christus locutus est, ad Iudaica
dogmata? Habet quidem commune : nam qui primus homo factus est, et quae de
costa facta est mulier, et quae steriles genuerunt, et quae per aquam
miracula perfecta sunt : dico autem, quod Elisaeus de aqua ferrum eduxit, et
quod Iudaei mare rubrum transierunt, et quod Naaman Syrus in Iordane purgatus
est : haec omnia nativitatem spiritualem et purgamentum in ea futurum
figuraliter personabant; et ea quae a prophetis sunt dicta, occulte ostendunt
hunc nativitatis modum; ut puta illud : renovabitur ut aquilae iuventus tua;
et : beati quorum remissae sunt iniquitates. Sed et Isaac figura huius
nativitatis erat. Haec igitur rememorans dixit tu es magister in Israel, et
haec ignoras? Rursus autem aliunde suum sermonem ei credibilem facit, ad
imbecillitatem eius condescendens, cum subdit amen, amen dico tibi, quia quod
scimus loquimur, et quod vidimus testamur, et testimonium nostrum non
accipitis. Apud nos visus aliis sensibus certior est; et si volumus aliquem
facere credere, ita dicimus, quoniam oculis nostris vidimus. Propterea
Christus humano loquens ad eum sermone, non visum sensibilem inducit; sed
manifestum est quod de certissima cognitione et non aliter se habente
loquitur. Igitur hoc quidem, idest quod scimus, ait de seipso solo. Haymo. Quaeritur autem quare pluraliter dicat quod
scimus loquimur. Ad quod dicendum, quod unigenitus Dei filius erat qui hoc
loquebatur; ostendens qualiter pater est in filio, et filius in patre, et
spiritus sanctus ab utroque indivisibilis procedat. Alcuinus. Vel dicit pluraliter, ac si dicat : ego et
illi qui modo spiritu sunt renati, intelligimus illud quod loquimur; et quod
vidimus apud patrem in abscondito, hoc testamur foris in mundo; et vos, qui
carnales estis et superbi, non accipitis testimonium nostrum. Theophylactus. Quod nequaquam de Nicodemo dicit, sed
de genere Iudaeorum, qui usque ad finem in perfidia permanserunt. Chrysostomus in Ioannem. Quod quidem non turbati
verbum est, sed mansuetudinem ostendentis. Hinc enim erudit nos, cum ad
aliquos locuti fuerimus et non persuaserimus, non tristari neque irasci, sed
nostrum sermonem credibilem facere, non solum non irascendo, sed etiam non
clamando; materia enim irae clamor est. Iesus autem dogmata excelsa tangere
debens, propter audientium infirmitatem se detinet multoties; et non continue
dignis sua magnitudine dogmatibus immoratur, sed magis his quae
condescensionem habent; unde hic subditur si terrena dixi vobis, et non
creditis, quomodo si dixero vobis caelestia, credetis? Augustinus. Hoc est, si non creditis quia templum
possum suscitare deiectum a vobis, quomodo credetis quia per spiritum sanctum
possunt homines regenerari? Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter. Si Baptismum
terrenum dicat, non mireris, quia in terra perficitur, et comparatione illius
nativitatis stupendae quae est ex substantia patris, terrena est gratiae
nativitas. Et bene non dixit : non intelligitis; sed non creditis : nam cum
quis aliqua per intellectum suscipere non valet, amentiae vel ignorantiae
imputatur; cum autem hoc non suscipiat aliquis quod solum fide oportet suscipere,
non amentiae sed infidelitatis est accusatio. Dicebantur autem haec, etsi non
credebantur, quia posteri erant ea suscepturi. |
— Haymon : Nicodème ne peut comprendre les mystères de la majesté divine que le
Sauveur vient de lui révéler; sans donc les nier, il lui en demande la
raison, non dans l'intention de le blâmer, il l'interroge dans le désir de
s'instruire : « Nicodème lui répondit :
Comment cela peut-il se faire ? » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 26). Il reste encore
dans les basses régions du judaïsme et malgré la comparaison si claire qui
lui a été donnée, il continue d'interroger, aussi Notre Seigneur lui
parle-t-il avec plus de sévérité : «Jésus
lui dit : Vous êtes maître en Israël, et vous ignorez ces choses ? » —
Saint Augustin : (Traité 12) Que faut-il en
penser ? L'intention de Notre Seigneur est-elle de blesser ce maître en
Israël ? Non, il voulait le faire naître de l'esprit. Or, personne ne naît de
l’esprit sans être humble, puisque c'est l'humilité elle-même qui nous fait
naître de l'esprit. Or, Nicodème était comme enflé de son titre de maître, et
il se croyait un homme important, parce qu'il était docteur des Juifs. Notre
Seigneur réprime donc son orgueil, pour qu'il puisse naître de l'esprit. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 26). Il n'accuse pas
ses mauvaises dispositions, il lui reproche seulement son ignorance et son
défaut de jugement. Mais quel rapport, me demandera-t-on, pouvait-il y avoir
entre cette naissance dont Jésus-Christ venait de parler et les croyances des
Juifs ? Le voici : La création du premier homme, la formation de la femme
d'une des côtes d'Adam, les femmes stériles qui sont devenues mères, les
miracles dont l'eau a été l'instrument, Elisée faisant surnager le fer sur
l'eau, les Juifs passant la mer Rouge à pied sec, Naaman le syrien guéri de
la lèpre dans les eaux du Jourdain, étaient autant de symboles figuratifs de
cette naissance spirituelle et de la purification qu'elle produit dans l'âme.
Les oracles des prophètes rendent à leur tour témoignage, quoique d'une
manière plus cachée, à la manière dont s'accomplit cette naissance, par
exemple dans ces paroles : « Votre
jeunesse sera renouvelée comme celle de l'aigle » (Ps 12) ; « Bienheureux ceux dont les iniquités sont
pardonnées. » (Ps 31). Isaac lui-même a été une figure de cette
naissance. Lui rappelant donc cela, Notre Seigneur dit à Nicodème : « Vous êtes maître en Israël et vous
ignorez ces choses ! » Le Sauveur donne une nouvelle preuve de la vérité
de ses paroles en ajoutant par condescendance pour la faiblesse de ce
pharisien : « En vérité, en vérité je
vous le dis, nous disons ce que nous savons, et nous attestons ce que nous
avons vu, et vous ne recevez pas notre témoignage. » La vue est pour nous
le plus sûr de tous les sens, et si nous voulons convaincre quelqu'un de
l'existence d'une chose, nous lui disons que nous l'avons vue de nos yeux.
C'est pour cette raison que Notre-Seigneur, parlant à Nicodème un langage
humain, lui donne pour motif de certitude qu'il a vu ce dont il parle. [Il ne
peut être ici question de la vue des yeux du corps, et] il est évident que le
Sauveur veut parler ici d'une connaissance des plus certaines et qui exclut
jusqu'à la possibilité de l'erreur. Or, ces paroles : « Nous savons » s'appliquent à lui seul [ou à son Père conjointement
avec lui]. — Haymon : Mais pourquoi dit-il au
pluriel : « Nous savons » ? Nous
répondons que c'était le Fils unique de Dieu qui parlait de la sorte et qu'il
montrait ainsi comment le Père est dans le Fils, le Fils dans le Père, et
comment le Saint-Esprit procède invisiblement de tous les deux. —
Alcuin : Ou bien il parle au pluriel
en ce sens : Moi et tous ceux qui ont eu le bonheur de renaître de l'Esprit
saint, nous comprenons ce que nous disons et ce que nous avons vu dans le
sein du Père, dans le secret, nous l'attestons publiquement dans le monde, et
vous qui êtes charnels et orgueilleux, vous ne recevez pas notre témoignage. — Théophylactus : Ce n'est point à Nicodème que s'appliquent ces paroles, mais à toute
la nation juive qui persévéra jusqu'à la fin dans son incrédulité. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 26). Ce n'est pas
l'aigreur qui inspire ces paroles à Notre-Seigneur, mais un sentiment de
douceur, ainsi nous apprend-il lorsque nos paroles n'auront point porté la
persuasion dans les cœurs, à ne point nous laisser aller ni à la tristesse,
ni à la colère, mais à rendre notre parole digne de foi, en évitant non seulement
la colère, mais les cris qui sont une cause de disputes. Plusieurs fois, Jésus,
sur le point de révéler des vérités sublimes, semble se retenir par égard
pour la faiblesse de ses auditeurs, il ne s'élève pas aussitôt à ces vérités
dignes de sa grandeur, mais traite de choses plus en rapport avec la
disposition des esprits : « Si vous ne
croyez pas lorsque je vous parle des choses qui sont sur la terre, comment
croirez-vous lorsque je vous parlerai des choses qui sont dans le ciel ? » —
Saint Augustin : (Traité 12). C'est-à-dire,
si vous ne croyez pas que je puisse relever le temple que vous aurez
renversé, comment croirez-vous que les hommes puissent être régénérés par
l'Esprit saint ? —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 27). Ou bien encore,
ne soyez point surpris, s'il appelle le baptême une chose terrestre, il
l'appelle ainsi, parce qu'il se confère sur la terre, et qu'en comparaison de
cette naissance étonnante qui fait sortir le Fils de la substance du Père, la
naissance même spirituelle de la grâce est une chose terrestre. Et c'est avec
raison qu'il ne dit pas : Vous ne comprenez point mais : « Vous ne croyez pas, » car qu'un homme ne puisse faire entrer
une vérité dans son intelligence, c'est un signe de folie ou d'ignorance,
mais qu'il refuse de donner son adhésion à une vérité qu'il doit simplement
croire, ce n'est plus de la folie, c'est une incrédulité coupable. Notre Seigneur
révélait ces vérités bien que ceux qui entendaient refusaient de les croire,
parce que plus tard elles devaient être crues [d'une foi vive]. |
Lectio 4 |
Versets 13
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[86010] Catena in Io., cap. 3 l. 4 Augustinus
de Peccat. Mer. et Remiss. Notata paululum eius imperitia qui se ceteris
de magisterio praeferebat, et omnium talium incredulitate reprehensa,
respondet quod alii credant, si illi non credunt ad illud quod interrogatus
est quomodo possunt ista fieri? Dicens et nemo ascendit in caelum, nisi qui descendit
de caelo, filius hominis qui est in caelo; quasi dicat : sic fiet generatio
spiritualis, ut sint caelestes homines ex terrenis; quod adipisci non
poterunt nisi membra mea efficiantur, ut ipse ascendat qui descendit, non
aliud deputans corpus suum, idest Ecclesiam suam, quam seipsum. Gregorius Moralium. Quia enim nos unum cum illo iam
facti sumus, unde solus venit in se, solus redit etiam in nobis; et is qui in
caelo semper est, ad caelum quotidie ascendit. Augustinus. Quamvis autem in terra factus sit filius
hominis, divinitatem tamen suam, qua in caelo manens, descendit ad terram,
non indignam censuit nomine filii hominis, sicut carnem suam dignatus est
nomine filii Dei. Per unitatem enim personae, qua utraque substantia unus est
Christus; et filius Dei ambulabat in terra, et idem ipse filius hominis
manebat in caelo. Fit ergo credibiliorum fides ex incredibilioribus creditis.
Si enim divina substantia longe distantior potuit propter nos ita suscipere
humanam substantiam, ut una persona fieret; quanto credibilius alii sancti
fiunt cum homine Christo unus Christus, ut omnibus per gratiam ascendentibus,
ipse unus ascendat in caelum qui de caelo descendit? Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter. Quia dixerat
Nicodemus scimus quoniam a Deo venisti magister, ne aestimetur ita esse
magister ut multi prophetarum de terra existentes, subiungit et nemo ascendit
in caelum nisi qui descendit de caelo, filius hominis qui est in caelo. Theophylactus. Cum vero filium hominis descendisse
de caelo audis, non putes quod de caelo caro descenderit : hoc enim
haereticorum dogma est, qui docebant, quod Christus de caelo corpus
sumpserat, et per virginem transierat. Chrysostomus. Filium enim hominis non carnem hic
vocavit, sed a minori substantia se totum nominavit : est enim ei consuetudo
multoties a divinitate, multoties ab humanitate totum vocare. Beda. Si enim aliquis homo nudus de monte ad
convallia descendat, et assumptis vestimentis et armis ad eumdem montem
ascendat, recte ipse idem qui prius descendit ascendisse perhibetur. Hilarius de Trin. Vel quia de caelo descendit,
conceptae de spiritu originis causa est : non enim corpori Maria originem
dedit, licet ad incrementa partumque corporis omne quod sexus sui est
naturale contulerit. Quod vero hominis filius est, susceptae in virgine
carnis est partus. Quod autem in caelis est, naturae semper permanentis
potestas est, quae non ex infinitatis suae virtute in regionem definiti
corporis coarctavit verbi Dei potestatem, et in forma servi manens ab omni
intra extraque caeli mundique circulo, caeli ac mundi dominus non abfuit. Per
hoc ergo et de caelo descendit, quia filius hominis est; et in caelis est,
quia verbum caro factum, non amiserat manere quod verbum est. Augustinus in Ioannem. Miraris autem quia hic erat,
et in caelo. Tales fecit discipulos suos. Paulum audi dicentem : nostra
conversatio in caelis est. Si homo Paulus ambulabat in terra et conversabatur
in caelis, Deus caeli et terrae non poterat esse in caelo et in terra? Chrysostomus. Vide autem, quia quod valde videtur
excelsum, indignum est sua magnitudine : non enim solum in caelo est, sed
ubique, et omnia replet. Sed adhuc ad imbecillitatem auditoris loquitur,
paulatim eum reducere volens. |
—
Saint
Augustin : (Du bapt. des enfants, 1, 31). Après avoir
relevé un peu l'ignorance de ce pharisien qui s'élevait au-dessus des autres
à cause de son titre de docteur, et blâmé l'incrédulité de ceux [qui refusent
de recevoir le témoignage de la vérité], Notre Seigneur ajoute qu'il en est
cependant qui croiront malgré l'incrédulité des autres, et à cette question :
« Comment cela peut-il se faire ? »
il répond : « Et personne n'est monté
au ciel que celui qui est descendu du ciel, le Fils de l'homme qui est dans
le ciel, » paroles dont voici le sens : L'effet de la génération
spirituelle est de rendre les hommes célestes de terrestres qu'ils étaient,
grâce qu'ils ne peuvent obtenir qu'en devenant mes membres, de manière que
celui qui monte soit le même qui est descendu, c'est-à-dire que Notre
Seigneur regarde son corps ou son Eglise comme lui-même. —
Saint Grégoire : (Moral,, 27, 11). Comme nous
sommes devenus une seule chose avec lui, il remonte seul avec nous dans le
ciel d'où il est descendu seul en lui-même; et ainsi celui qui reste toujours
dans le ciel, ne cesse de monter tous les jours dans le ciel. —
Saint Augustin : (Du bapt. des enfants). Bien
que ce soit sur la terre qu'il soit devenu Fils de l'homme, il n'a point jugé
indigne de sa divinité qui est descendue jusqu'à nous de porter le nom de
Fils de l'homme, tout en restant dans le ciel, de même qu'il a honoré son
humanité du nom de Fils de Dieu, car l'unité de personne qui existe entre les
deux natures fait qu'il n'y a qu'un seul Christ et fils de Dieu qui s'est
rendu visible sur la terre, de même que le Fils de l'homme demeurait dans les
cieux. La foi en des mystères plus incroyables prépare à croire des vérités
moins difficiles; car si la nature divine si éloignée de nous a pu cependant
s'unir, pour nous, à la nature humaine, de manière à ne former qu'une seule
personne; il est bien plus facile de croire que les hommes sanctifiés ne
fassent qu'un avec le Christ fait homme, et que tandis que tous montent au
ciel par un effet de sa grâce, il monte lui seul au ciel d'où il est
descendu. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 27). Ou bien encore,
comme Nicodème l'avait abordé en lui disant : « Nous savons que vous êtes un docteur envoyé de Dieu, » Notre
Seigneur veut détruire l'idée qui faisait de lui un maître à la manière des
nombreux prophètes qui avaient paru sur la terre, et c'est pour cela qu'il
ajoute : « Et personne n'est monté au
ciel que celui qui est descendu du ciel, le Fils de l'homme qui est dans le
ciel. » — Théophylactus : Lorsque vous entendez dire que le Fils de l'homme est descendu du
ciel, n'allez pas croire que la chair elle-même en est descendue, c'est là
une erreur des hérétiques qui enseignaient que le Christ avait pris son corps
dans le ciel, et n'avait fait que passer par le sein de la Vierge. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 27). La dénomination
de Fils de l'homme ici ne comprend pas seulement la chair [du Sauveur], mais
désigne toute sa personne par celle des deux natures qui est inférieure.
Maintes fois Notre Seigneur la désigne tout entière sous le nom de sa
divinité, ou sous celui de son humanité. —
Saint Bède : Qu'un homme descende sans
vêtements du sommet d'une montagne dans une vallée, et qu'il remonte sur
cette montagne après s'être revêtu de ses habits et de ses armes, on pourra
dire avec raison que celui qui remonte est le même qui est descendu. —
Saint Hilaire : (De la Trin., 10). Ou bien
encore, en tant qu'il est descendu du ciel, il est le principe de sa
conception par l’Esprit Saint dans le sein de Marie, car ce n'est pas
d'elle-même qu'elle a donné naissance au corps [du Sauveur], bien qu'elle ait
contribué pour toute la part naturelle à son sexe, au développement et à
l'enfantement de ce corps. Or, il est devenu le Fils de l'homme par suite de
la chair qu'il a prise dans le sein de la Vierge. Il est dans le ciel en
vertu de cette nature divine et immuable dont l'infinité ne fut jamais
resserrée dans les limites étroites d'un corps matériel, mais qui, tout en
demeurant par la puissance du Verbe, sous la forme d'un serviteur, ne laissa
pas comme maître du ciel et de la terre d'être présent par son immensité dans
toutes les parties de ce vaste univers. Il est donc descendu du ciel, parce
qu'il est le Fils de l'homme, et il est dans le ciel, parce que le Verbe en
se faisant chair n'a point perdu sa nature de Verbe de Dieu. —
Saint Augustin : (Traité 12). Vous êtes
surpris qu'il soit à la fois sur la terre et dans le ciel, mais il communique
le même privilège à ses disciples. Ecoutez, saint Paul : « Notre vie, dit le grand Apôtre, est dans les cieux. » Or, si
saint Paul qui n'était qu'un homme vivait à la fois sur la terre et dans les
cieux, le Dieu du ciel et de la terre ne pouvait-il pas être en même temps
dans le ciel et sur la terre ? —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 27). Voyez comme ce
qui nous parait élevé est indigne de la grandeur du Fils de Dieu. Non seulement
il est dans le ciel, mais il est partout et il remplit tout de son immensité.
Cependant il condescend à la faiblesse de celui à qui il parle, et il l'élève
peu à peu à des idées plus sublimes. |
Lectio 5 |
Versets 14-15
|
[86011] Catena in Io., cap. 3 l. 5 Chrysostomus
in Ioannem. Quia dixerat beneficium Baptismi, inducit huius causam,
scilicet crucem, dicens et sicut Moyses exaltavit serpentem in deserto, ita
exaltari oportet filium hominis. Beda. Magistrum legis Mosaicae ad spiritualem sensum
eiusdem legis inducit, recordans veteris historiae, et hanc in figuram suae
passionis atque humanae salvationis factam edisserens. Augustinus de Peccat. Mer. et Remiss. Serpentum enim
incursibus in deserto multi moriebantur; ac sic Moyses ex praecepto domini
exaltavit in deserto aeneum serpentem : hunc videntes sanabantur continuo.
Exaltatus serpens est mors Christi, eo significandi modo quo per efficientem
id quod efficitur significatur. A serpente quippe mors venit, qui peccatum, quo
mori meretur, homini persuasit; dominus autem in carnem suam non peccatum
transtulit tamquam venenum serpentis, sed mortem, ut esset in similitudine
carnis peccati poena sine culpa; unde in carne peccati et poena solveretur et
culpa. Theophylactus. Videas ergo figuram ad veritatem :
ibi enim serpentis similitudo speciem quidem bestiae habet, venenum autem non
habet; sic et hic Christus a peccato liber, in similitudinem carnis peccati
venit. Exaltari autem audiens, suspensionem intelligas in altum, ut sanctificaret
aerem qui sanctificaverat terram ambulando in ea : intelligas etiam per
exaltationem gloriam : nam illa crucis altitudo gloria Christi facta est : in
quo enim iudicari voluit, in hoc huius mundi principem iudicavit. Adam enim
iuste mortuus est, quia peccavit; dominus vero iniuste, quia peccatum non
fecit. Postquam ergo iniuste mortem sustinuit, superavit illum qui eum
tradidit morti, et sic liberavit Adam a morte. Sed in hoc devictum se invenit
: non enim potuit in cruce dominum contristare ut crucifigentes odiret; sed
magis diligebat, et pro eis orabat. Sic igitur crux Christi eius exaltatio et
gloria facta est. Chrysostomus. Ideo etiam non dixit : pendere oportet
filium hominis, sed exaltari, quia honestius hoc videbatur : unde et propter
audientem et propter figuram hoc posuit; ut discas quoniam cognata sunt
vetera novis; deinde ut cognoscas quoniam non invitus ad passionem venit; et
adhuc ut discas quoniam multis hinc nascitur salus. Augustinus. Sicut ergo tunc qui conspiciebat
exaltatum serpentem, a veneno sanabatur, et a morte liberabatur; sic nunc qui
conformatur similitudini mortis Christi per fidem Baptismumque eius, et a
peccato per iustificationem, et a morte per resurrectionem liberatur; hoc est
enim quod ait : ut omnis qui credit in eum, non pereat, sed habeat vitam
aeternam. Quid ergo opus est ut morti Christi per Baptismum conformetur
parvulus, si morsu serpentis non est omnino venenatus? Chrysostomus. Attende autem, quod passionem
obumbrate posuit, ne ex eius verbis fieret tristis auditor; fructum vero
passionis posuit manifeste. Si enim qui credunt in crucifixum, non pereunt;
multo magis qui crucifixus est, non perit. Augustinus in Ioannem. Hoc autem interest inter
figuratam imaginem et rem ipsam, quod illi sanabantur a morte ad temporalem
vitam; hi autem, ut habeant vitam aeternam. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 27). Le Sauveur vient
d'exposer les bienfaits du baptême, il en découvre maintenant la cause,
c'est-à-dire la croix : « Et comme
Moïse a élevé le serpent dans le désert, il faut que le Fils de l’homme soit
élevé ». —
Saint Bède : Il fait titrer ce docteur de
la loi mosaïque dans le sens spirituel de cette loi, et il lui rappelle un
fait de l'ancienne histoire de sa nation qu'il lui présente comme la figure
de sa passion et du salut du genre humain. —
Saint Augustin : (du bap. des enf., 32). Un
grand nombre d'Israélites moururent par suite des morsures des serpents; ce
fut donc par ordre du Seigneur, que Moïse éleva dans le désert un serpent
d'airain, et ceux qui le regardaient étaient aussitôt guéris. Ce serpent
élevé, c'est le symbole de la mort de Jésus-Christ, avec cette particularité
que c'est celui qui produit le mal qui devient ici le signe de ce qui doit la
réparer. C'est le serpent, en effet, qui a été l'auteur de la mort, en
persuadant à l'homme le péché qui a été la cause de sa mort. Or, Notre
Seigneur n'a point transporté dans sa chair le péché qui était le venin du
serpent, mais seulement la mort. Ainsi sa chair qui n'avait que la
ressemblance du péché a souffert la peine séparée du péché, pour détruire
dans la vraie chair du péché et la peine et la faute. —
Théophylactus : Considérez maintenant le rapport de la figure à la vérité. Ce serpent
d'airain avait la forme d'un serpent sans en avoir le venin, et c'est ainsi
que Notre Seigneur est venu avec la ressemblance de la chair de péché, mais
sans le moindre péché. Il a été élevé, c'est-à-dire suspendu dans les airs,
pour sanctifier l'air après avoir sanctifié la terre par les pas qu'il y
avait imprimés. On peut encore entendre par cette élévation la gloire [de
Jésus-Christ]; car cette élévation de la croix sur laquelle il a été attaché,
est devenue la gloire du Sauveur. Il veut être jugé par les hommes, et la
sentence qu'ils prononcent contre lui devient le jugement qu'il porte
lui-même contre le prince du monde. Adam a été soumis justement à la mort,
parce qu'il a péché, mais le Seigneur, en souffrant injustement la mort, parce
qu’il n’a pas péché, a triomphé de celui qui l’avait livré à la mort et a
délivré ainsi Adam de la mort. Mais le démon s’est trouvé complètement
vaincu; car il n'a pu inspirer au Sauveur attaché sur la croix aucun
sentiment de haine contre ceux qui crucifiaient; au contraire, son amour pour
eux grandissait, et le portait à prier son Père pour eux. C'est ainsi que la
croix de Jésus-Christ est devenue son exaltation et sa gloire. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 27). Notre Seigneur ne
dit pas : Il faut que le Fils de l'homme soit suspendu, mais : « Il faut qu'il soit élevé, » cette
dernière expression est plus convenable, et le Sauveur s'en sert pour montrer
le rapport intime de l'Ancien Testament avec le Nouveau, nous apprendre que
ce n'est point malgré lui qu'il a souffert la mort, et que cette mort a été
pour un grand nombre un principe de salut. —
Saint Augustin : (du bapt. des enf). Ceux qui
regardaient le serpent d'airain, élevé dans les airs, étaient guéris de la
maladie, et délivrés de la mort; de même celui qui reproduit en lui la
ressemblance de la mort de Jésus-Christ en croyant en lui et en recevant le
baptême, est délivré tout à la fois du péché par la justification, et de la
mort par la résurrection. C’est ce que le Sauveur exprime par les paroles
suivantes : « afin que tout homme qui
croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle. » Quel
besoin pour l’enfant de reproduire en lui la mort de Jésus-Christ par le
baptême, si son âme n'était point infectée par la morsure du serpent ? —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 27). Il n'est pas sans
intérêt de remarquer que Notre-Seigneur jette comme un voile sur sa passion,
pour ne point répandre la tristesse dans l'âme de celui qui l'écoutait; mais
il parle ouvertement du fruit de sa passion; car si ceux qui croient au
crucifié ne périssent pas, à plus forte raison celui qui a été crucifié ne
doit point périr. —
Saint Augustin : (Traité 12 sur Saint Jean). Il y a cette différence entre la
figure et la réalité, que les Israélites étaient guéris de la mort pour cette
vie temporelle, tandis que les autres le sont pour la vie éternelle. |
Lectio 6 |
Versets 16-18 |
[86012] Catena in Io., cap. 3 l. 6 Chrysostomus
in Ioannem. Quia dixerat oportet exaltari filium hominis, quo mortem
occulte significavit, ne auditor tristis ab his fieret verbis, humanum quid
de eo suspicans, et mortem eius aestimans non esse salutarem; hoc ad
rectitudinem reducit, filium Dei dicens eum qui datur ad mortem, et mortem
eius causam esse vitae aeternae; unde dicit sic enim Deus dilexit mundum, ut
filium suum unigenitum daret; ut omnis qui credit in eum, non pereat, sed
habeat vitam aeternam; quasi dicat : ne mireris quoniam ego debeo exaltari,
ut vos salvemini : etenim et patri hoc videtur; qui ita nos dilexit, ut pro
servis indevotis filium dederit. Dicendo autem sic Deus dilexit mundum,
multam indicat amoris intensionem. Multa enim est et infinita distantia : qui
enim immortalis, qui sine principio, qui magnitudo infinita, eos qui sunt ex
terra et cinere, infinitis plenos peccatis dilexit. Sed et ea quae post hoc
ponit, ostensiva sunt magni amoris : non enim servum, non Angelum, non
Archangelum dedit, sed filium suum. Rursus, si filios plures habuisset et
dedisset unum, hoc etiam esset maximum; nunc vero filium unicum dedit; unde
subdit unigenitum. Hilarius de Trin. Sed si dilectionis hinc fides est
creaturam creaturae praestitisse, non facit magni meriti fidem vilis et
spernenda iactura. Pretiosa autem sunt quae commendant caritatem, et ingentia
ingentibus aestimantur. Deus diligens mundum, filium non adoptivum, sed suum
et unigenitum dedit. Hic proprietas est, nativitas est, veritas est; non
creatio est, non adoptio est, non falsitas est : hic dilectionis et caritatis
fides est, ut ad mundi salutem et filium suum et unigenitum praestitisset.
Theophylactus. Videtur autem mihi quod, sicut dixit
superius, quod filius hominis descendit de caelo, cum caro de caelo non
descenderit; sed propter unam personam in Christo, quae Dei sunt attribuit
homini : sed et nunc e converso, quae sunt hominis, verbo Dei appropriat :
etenim Deus Dei filius impassibilis mansit; sed quia unus erat secundum
hypostasim Dei filius et homo qui passionem sustinuit; filius dari dicitur in
mortem, qui passibiliter patiebatur, non natura propria, sed carne propria.
Est autem maxima utilitas consecuta ex huiusmodi datione, mentem excedens humanam;
sequitur enim ut omnis qui credit in eum, non pereat, sed habeat vitam
aeternam. Vetus namque testamentum his qui servabant illud, dierum
longitudinem promittebat; Evangelium vero aeternam et insolubilem vitam. Augustinus. Notandum vero, quod eadem de filio Dei
unigenito replicat quae de filio hominis in cruce exaltato praemiserat,
dicens ut omnis qui credit in eum; quia idem redemptor et conditor noster
filius Dei ante saecula existens, filius hominis factus est in fine
saeculorum; ut qui per divinitatis suae potentiam nos creaverat ad
perfruendam beatitudinem perennis vitae, ipse per fragilitatem humanitatis
nostrae nos restauraret ad percipiendam quam perdidimus vitam. Alcuinus. Vere autem per filium Dei habebit mundus
vitam; quia non alia de causa venit in mundum nisi ut salvet mundum; unde
sequitur non enim misit Deus filium suum ut iudicet mundum, sed ut salvetur
mundus per ipsum. Augustinus in Ioannem. Quare enim salvator mundi
dictus est, nisi ut salvet mundum? Ergo quantum in medico est, sanare venit
aegrotum. Ipse se interimit qui praecepta medici servare non vult, aut
contemnit. Chrysostomus in Ioannem. Sed quia hoc dicit, multi
pigrorum in peccatorum magnitudine, et negligentiae superabundantia, Dei
abutentes misericordia, dicunt : non est Gehenna, non est supplicium; omnia
nobis Deus peccata dimittit. Sed considerandum, quod duo sunt Christi
adventus : qui iam factus est, et qui futurus. Et prior quidem factus est,
non ut iudicet quae facta sunt a nobis, sed ut dimittat. Secundus autem, non
ut dimittat, sed ut iudicet. De priori igitur ait : non veni ut iudicem
mundum; quia enim clemens est, non facit iudicium, sed interim remissionem
omnium peccatorum per Baptismum primo, et postea per poenitentiam; quia si
hoc modo non fecisset, universi simul perditi essent : omnes enim peccaverunt
et egent gratia Dei. Ne igitur aliquis crederet se impune peccare, subdit de
poena non credentis qui credit in eum, non iudicatur. Qui credit, inquit, non
qui investigat. Quid igitur si immundam habeat vitam? Maxime quidem Paulus
tales non fideles esse dicit : confitentur se nosse Deum, factis autem
negant. Sed hoc illud significat : quia secundum hoc qui credit, non
iudicatur; sed operum quidem graviorem sustinebit poenam; infidelitatis autem
causa non torquebitur. Alcuinus. Vel qui credit in eum et adhaeret ei ut
membrum capiti, non iudicabitur. Augustinus. Quid autem dicturum sperabas de eo qui
non credit, nisi quod iudicatur? Sed vide quid dicit : qui autem non credit,
iam iudicatus est. Nondum apparuit iudicium, sed iam factum est iudicium.
Novit enim dominus qui sunt eius; novit qui permaneant ad coronam et qui
permaneant ad flammam. Chrysostomus. Aut hoc dicit, quia ipsum discredere
impoenitentis supplicium est : esse enim extra lumen, etiam secundum se,
maximum supplicium est. Vel quod futurum est praenuntiat. Sicut enim qui
occidit hominem, etsi nondum sententia iudicantis condemnatus sit, rei tamen
natura condemnatus est; ita et qui incredulus est; sicut et Adam qua die
comedit de ligno, mortuus est. Gregorius Moralium. Vel aliter. In extremo iudicio
aliqui non iudicantur et pereunt, de quibus hic dicitur qui non credit, iam
iudicatus est. Non enim eorum tunc causa discutitur qui a conspectu districti
iudicis iam cum damnatione suae infidelitatis abscedunt. Professionem vero
fidei retinentes, sed professionis opera non habentes, redarguuntur ut
pereant. Qui vero nec fidei sacramenta tenuerunt, increpationem iudicis in
extrema examinatione non audiunt : quia praeiudicati in infidelitatis suae
tenebris, eius quem despexerant invectione argui non merentur. Princeps
namque terrenam rempublicam regens aliter punit civem interius delinquentem,
atque aliter hostem exterius rebellantem. In isto iura sua consulit; contra
hostem vero bella movet, dignaque eius malitiae tormenta retribuit; de malo
vero eius quid lex habeat non requirit; neque enim lege necesse est perimi
eum qui lege numquam potuit teneri. Alcuinus. Quare autem iudicatus est qui non credit,
causam assignat dicens quia non credit in nomine unigeniti filii Dei. In hoc
enim solo nomine est salus. Non habet Deus multos filios qui possint salvare;
hunc habet unigenitum, per quem salvat. Augustinus de Peccat. Mer. et Remiss. Ubi ergo
parvulos ponimus baptizatos, nisi inter eos qui crediderunt? Hoc enim eis
acquiritur per virtutem sacramenti et offerentium responsionem; ac per hoc
eos qui baptizati non sunt, inter eos qui non crediderunt, statuimus. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 27). Notre Seigneur
venait de dire : « Il faut que le Fils de
l'homme soit élevé, » paroles qui sont une prédiction voilée de sa mort,
il craint donc qu'elles ne jettent la tristesse dans l'âme de Nicodème,
qu'elles ne lui donnent de sa personne une idée toute humaine, et ne lui
fassent regarder la mort comme le terme définitif de son existence; il
redresse donc ses idées, en lui enseignant que c'est le Fils de Dieu qui est
livré à la mort, et que sa mort a été la cause de la vie éternelle. Il ajoute
donc : « C'est ainsi que Dieu a aimé le
monde, qu'il lui a donné son Fils unique, afin que tout homme qui croit en
lui ne périsse point, mais ait la vie éternelle.» Ne soyez donc pas
surpris, s'il est nécessaire que je sois élevé en croix pour votre salut,
telle est la volonté de mon Père, qui nous a aimés à ce point de livrer son
Fils pour des serviteurs ingrats et impies : « C'est ainsi que Dieu a aimé le monde ! » Il ne pouvait exprimer
plus fortement la grandeur de cet amour; car ces deux termes : Dieu et le
monde, sont sépares par une distance infinie. En effet, c'est celui qui est
immortel, qui est sans commencement, dont la grandeur est infinie, qui a aimé
ceux qui sont sortis de la terre et de la cendre, et qui sont pleins de
péchés innombrables. Mais ce qui suit exprime plus fortement encore cet amour
: Ce n'est pas un serviteur, ce n'est pas un ange, ce n'est pas un archange,
c'est son propre Fils qu'il a donné. S'il avait eu plusieurs fils, et qu'il
en eût sacrifié un, ce serait déjà la preuve d'un amour immense, mais c'est
son Fils unique qu'il nous a donné. Saint Jean dit donc : « son Fils unique ». —
Saint Hilaire : (de la Trin., 6). Donner une
créature à une autre créature, est un témoignage d'amour, et cependant le don
d'une chose de si peu d'importance, et que nous devons bientôt perdre, n'a
pas grand mérite. Les présents d'un grand prix attestent une charité plus
étendue, et les grands dons sont la preuve d'un grand amour. Dieu a aimé le
monde, et lui a donné non pas un fils adoptif, mais son Fils unique, son Fils
propre, son Fils par naissance, son Fils véritable. Ce n'est point ici un
fils par création, par adoption, un fils qui ne le serait pas en réalité.
Quel plus grand témoignage d'amour et de charité que d'avoir donné pour le
salut du monde un Fils, son Fils propre, son Fils unique ! —
Théophylactus : Notre Seigneur a dit plus haut que le Fils de l'homme est descendu du
ciel, bien que la chair n'en soit point descendue; et il s'exprime de la
sorte, me semble-t-il, parce qu'en vertu de l'unité de personne qui est en
Jésus-Christ, il attribue à l'homme toutes les propriétés de la nature
divine. De même ici, il attribue au Verbe de Dieu les propriétés de la nature
humaine. En effet, le Fils de Dieu est toujours demeuré impassible, mais
comme en vertu de l'union hypostatique le Fils de Dieu et l'homme qui a
souffert la mort ne faisaient qu'une seule personne, on dit que le Fils de
Dieu a été livré à la mort, parce qu'il a souffert véritablement, non pas
dans sa propre nature, mais dans la chair qu'il s'était rendue propre. Or,
les plus grands avantages découlent pour nous de cette sorte de don qui
dépasse la portée de l’esprit humain. Ecoutez la suite : « afin que tout homme qui croit en lui, ne périsse pas, mais qu'il
ait la vie éternelle. » En effet, l'Ancien Testament promettait aux
fidèles observateurs de la loi de longs jours sur la terre, l'Evangile promet
une vie impérissable et éternelle. —
Saint Bède : [référence à
vérifier] Remarquez
que Notre Seigneur applique au Fils unique de Dieu les mêmes paroles qu'il
avait dites précédemment du Fils de l'homme élevé sur la croix : « afin que tout homme qui croit en lui,
etc... », parce qu'en effet, notre Créateur et notre Rédempteur, le Fils
de Dieu qui existe avant tous les siècles, s'est fait homme à la fin des
siècles. Il nous avait créés par un acte de sa puissance divine pour jouir de
la félicité de la vie éternelle, il nous a rachetés par la faiblesse de la
nature humaine qu'il s'est unie pour nous remettre en possession de la vie
que nous avons perdue. —
Alcuin : On ne peut douter que le
Fils de Dieu ne donne la vie au monde, puisque c'est l'unique raison pour
laquelle il est venu en ce monde, comme il le déclare lui-même : « Car Dieu n'a pas envoyé son Fils dans le
monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui.» —
Saint Augustin : (Traité 12 sur Saint Jean). Pourquoi a-t-il été appelé le Sauveur
du monde, si ce n'est parce qu'il devait sauver le monde ? Le médecin a donc
fait tout ce qui dépendait de lui pour guérir le malade et celui qui ne veut
pas suivre les prescriptions du médecin ou qui les méprise, ne doit attribuer
sa mort qu'à lui-même. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 28). Il est beaucoup
d'âmes lâches et sans force qui, pour multiplier plus librement leurs
transgressions et s'endormir au sein de la plus profonde indifférence,
abusent de la miséricorde de Dieu, et s'autorisent de ces paroles du Sauveur
pour dire : « Il n'y a point d'enfer,
il n'y a point de supplice, Dieu nous pardonne tous nos péchés. » II faut
donc nous rappeler qu'il y a deux avènements de Jésus-Christ : le premier,
qui est accompli; le second, qui doit avoir lieu plus tard. Le premier a eu
pour objet, non pas de juger nos crimes, mais de nous les pardonner; dans le
second, Notre Seigneur viendra, non plus pour pardonner, mais pour juger.
C'est du premier de ces deux avènements qu'il dit : « Je ne suis pas venu pour juger le monde. » Comme il est la
bonté même, il ne veut pas juger, il nous remet tous nos péchés dans le
baptême d'abord, et ensuite dans le sacrement de pénitence; et s'il avait agi
autrement, tous les hommes auraient péri sans exception, car tous ont péché,
et ont besoin de la grâce de Dieu. Mais que personne ne s'autorise de ces
paroles pour pécher avec impunité, et qu'il apprenne quel sera le châtiment
de celui qui ne croit pas : « Il est déjà
jugé. » Il dit précédemment : «
Celui qui croit, n'est pas condamné, » remarquez, celui qui croit, non
pas celui qui cherche avec curiosité. Mais qu'en sera-t-il de ceux dont la
vie aura été souillée par le crime ? Saint Paul déclare qu'ils ne sont pas au
nombre des vrais fidèles : « Ils font
profession, dit-il, de connaître
Dieu, mais ils le renoncent par leurs œuvres. » (Tite, 1, 16). Ces
paroles signifient que celui qui croit ne sera pas jugé sur le point de la
foi, il sera puni plus sévèrement pour les crimes qu'il aura commis, mais il
ne le sera pas pour les crimes d'infidélité dont il n'est point coupable. —
Alcuin : Ou bien encore, celui qui
croit en lui, et s'attache à lui comme le membre à son chef, ne sera pas
jugé. —
Saint Augustin : (Traité 12). Mais que pensez-vous
qu’il va dire de celui qui ne croit pas, et [quelle sentence attendez-vous de
sa bouche], si ce n'est qu'il est jugé ? Ecoutez, en effet, ce que dit le
Sauveur : « Celui qui ne croit pas est
déjà jugé. » Le jugement n'a pas encore été rendu public, mais il a déjà
eu lieu, car le Seigneur connaît ceux qui lui appartiennent, il connaît ceux
à qui est réservée la couronne et ceux qu'attendent les flammes éternelles. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 28). Ou bien encore,
il s'exprime de la sorte, parce que l'incrédulité est elle-même un châtiment
pour l'âme impénitente, car quel plus grand supplice en soi que d'être placé
en dehors de la lumière ? Ou bien Notre Seigneur ne fait que prédire ce qui
doit arriver : celui qui s'est rendu coupable d'homicide avant même la
sentence du juge qui le condamne, est déjà condamné par la nature même de son
crime; il en est de même de l'incrédule, et c'est ainsi qu'Adam mourut le
jour où il mangea du fruit de l'arbre [de la science du bien et du mal]. —
Saint Grégoire : (Mor., 26, 20). On peut
encore donner cette explication. Au dernier jugement, il en est qui périront
sans être jugés, et c'est d'eux qu'il est dit ici : « Celui qui ne croit pas est déjà jugé, » car alors on ne
discutera pas la cause de ceux qui se présenteront devant le tribunal du Juge
sévère avec la condamnation que leur aura méritée leur incrédulité; ce sont
ceux qui ont toujours professé la vraie foi, mais dont les œuvres ne seront
pas conformes à la foi qui seront jugés et condamnés. Quant à ceux qui n'ont
jamais cru aux mystères de la foi, ils n'entendront point les reproches du
Juge au dernier jour, ils ont été jugés par avance au milieu des ténèbres de
leur incrédulité, et ils ne méritent même pas d'être convaincus par celui
qu'ils ont dédaigné de connaître. Le prince qui se trouve à la tète d’une
cité terrestre, punit différemment un de ses sujets coupables, et l'ennemi
qui l'attaque au dehors; pour le premier, il examine et discute ses droits;
quant à l'ennemi, il lui déclare la guerre, et lui inflige le châtiment que
mérite sa méchanceté sans examiner les prescriptions de la loi contre son
crime, car pourquoi punir au nom de la loi celui qui n'a jamais pu se
soumettre à la loi ? —
Alcuin : Mais pour quelle raison
celui qui ne croit point est-il déjà jugé ? La voici : « Parce qu'il ne croit point an nom du Fils unique de Dieu, » car
c'est par ce nom seul qu'on peut être sauvé. Dieu n'a pas un grand nombre de
Fils qui puissent sauver, il n'a que ce Fils unique pour être le Sauveur des hommes. —
Saint Augustin : (du bapt. des enf., chap.
33). Où donc placerons-nous les enfants qui ont reçu le baptême, si ce n'est
parmi ceux qui ont fait profession de la foi chrétienne ? c'est une grâce qui
leur est acquise, et par la vertu du sacrement, et par l'engagement que
contractent ceux qui les présentent. Par la même raison, nous plaçons les
enfants qui n'ont pu été baptisés parmi ceux qui n'ont pas eu la foi. |
Lectio 7 |
Versets 19-21
|
[86013] Catena in Io., cap. 3 l. 7 Alcuinus.
Reddit causam quare non crediderunt, et quare iuste damnantur, dicens hoc
est autem iudicium, quia lux venit in mundum. Chrysostomus in Ioannem. Quasi dicat : numquid ipsi
eam quaesierunt vel laboraverunt ut invenirent? Ipsa lux venit ad eos, nec ei
occurrerunt; unde sequitur et dilexerunt homines magis tenebras quam lucem.
Hic de reliquo omni eos privat excusatione : venit enim eripere a tenebris,
et ad lucem ducere. Quis ergo eius qui non vult ad lucem accedere,
miserebitur? Beda. Lucem seipsum appellat, de qua Evangelista
dixit : erat lux vera. Tenebras vero appellat peccata. Deinde, quia videbatur multis esse incredibile quod
dictum est (nullus enim tenebras praehonorat luci), subdit causam quare haec
passi sunt, dicens erant enim eorum opera mala. Et si quidem in iudicium
venisset, haberet hoc aliquam rationem; qui enim malorum sibi conscius est,
fugere iudicem consuevit; parcenti vero, qui dereliquerunt occurrunt. Decens
igitur erat eos qui multorum sibi ipsis erant conscii peccatorum, maxime
Christo ad ignoscendum venienti occurrere; quod et in multis factum est;
etenim publicani et peccatores venientes recumbebant cum Iesu. Quia vero
quidam sunt ita molles ad eos qui pro virtute sunt labores, ut usque ad
ultimum velint adhaerere malitiae; in horum iniuriam subdit omnis enim qui
male agit, odit lucem : quod quidem dictum est de his qui eligunt in malitia
manere. Alcuinus. Quia omnis qui male agit, odit lucem;
idest, qui est in intentione peccandi, cui placet peccatum, odit lucem, quae
detegit peccatum. Augustinus Confess. Quia enim falli nolunt et
fallere volunt, amant eam cum seipsam indicat, et oderunt eam cum eos ipsa
lux indicat. Inde retribuetur eis, ut eos nolentes manifestet, et eis ipsa
non sit manifesta. Amant ergo veritatem lucentem, oderunt eam redarguentem;
unde sequitur et non venit ad lucem, ut non arguantur opera eius. Chrysostomus. Eum enim qui in Paganismo vivit,
nullus redarguit, quia deos tales habet, et digna dogmatibus opera
demonstrat; qui vero Christi sunt male viventes ab omnibus rectis accusantur.
Si autem gentiles sunt recte viventes, hoc manifeste non novi. Non enim mihi
dicas eos qui a natura sunt mites et honesti; non enim est hoc virtus; sed
eum dic qui a passionibus sustinet violentiam, et sapienter vivit; sed non
utique habes. Si enim regni enuntiatio, et Gehennae minae, et alia tanta
documenta vix detinent homines in virtute, nullo horum persuasi pertransibunt
virtutem. Si vero hypocrisim fingunt, gloriae gratia hoc faciunt : unde cum
potuerint latere, non omittent uti malis desideriis. Quae etiam utilitas est
cum aliquis sobrius sit et non rapit, fit vero vanae gloriae servus? Hoc enim
non est recte vivere. Inanis enim gloriae servus fornicario non minor est :
multo enim plura et graviora operatur. Si autem quidam recte sunt viventes in
gentilibus, non hoc adversatur huic sermoni : quia non frequenter contingit,
sed raro. Beda. Moraliter etiam illi magis tenebras quam lucem
diligunt, qui suos praedicatores bene docentes odiis et detractionibus
insequuntur. Sequitur qui autem facit veritatem, venit ad lucem, ut
manifestentur opera eius, quia in Deo sunt facta. Chrysostomus. Non autem de his qui ab initio facti
sunt Christiani hoc dicit; sed tantum de his qui ex gentibus vel Iudaeis ad
rectam transponendi erant fidem. Ostendit enim quoniam nullus utique eliget
in errore vivens ad fidem venire, nisi prius inscribat sibi ipsi viam rectam.
Augustinus de Peccat. Mer. et Remiss. In Deo autem
facta dicit opera eius qui venit ad lucem : quia intelligit iustificationem
suam non ad sua merita, sed ad Dei gratiam pertinere. Augustinus in Ioannem. Sed si omnia opera Deus mala
invenit, quomodo quidam fecerunt veritatem, et venerunt ad lucem, idest ad
Christum? Sed dilexerunt tenebras magis quam lucem : ibi posuit vim. Multi
dilexerunt peccata sua, multi ea confessi sunt. Accusat Deus peccata tua : si
et tu accuses, adiungeris Deo. Oportet ut oderis in te opus tuum, et ames in
te opus Dei. Initium operum bonorum confessio est operum malorum : et tunc
facis veritatem, quia non te palpas, non tibi blandiris. Venis autem ad
lucem, quia hoc ipsum quod tibi displicuit peccatum tuum, non tibi
displiceret nisi Deus tibi luceret, et eius veritas tibi ostenderet. Facit
autem aliquis veritatem confessionis, et venit ad lucem in operibus bonis, etiam
propter illa quae videntur minuta esse peccata linguae aut cogitationum, aut
immorationis in rebus concessis; quoniam minuta plura peccata, si
negligantur, occidunt. Minutae sunt guttae quae flumen implent; minuta sunt
grana arenae; sed si multa arena imponatur, arena premit atque opprimit. Hoc
facit sentina neglecta, quod facit fluctus irruens paulatim. Per sentinam
intrat; sed diu intrando et non exhauriendo mergit navem. Quid est autem
exhaurire, nisi bonis operibus agere ne obruant peccata, gemendo, ieiunando,
tribuendo, ignoscendo? |
—
Alcuin : Notre Seigneur fait
connaître à la fois la cause de l'incrédulité des hommes et celle de leur juste
condamnation : « Or, la cause de cette
condamnation est que la lumière est venue dans le monde ». —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 28). C'est-à-dire, ils
n'ont eu besoin ni de recherches, ni d'efforts pour trouver la lumière, la
lumière elle-même est venue vers eux sans qu'ils aient été à sa rencontre : « Et ils ont mieux aimé les ténèbres que
la lumière. » Voilà ce qui rend les hommes tout à fait inexcusables. Le
Sauveur est venu les arracher aux ténèbres et les conduire à la lumière,
comment donc peut-on avoir pitié de celui [que la lumière vient trouver et]
qui refuse de s'approcher de cette lumière ? —
Saint Bède : Cette lumière, c'est Notre
Seigneur lui-même, dont l'Evangéliste a dit plus haut : « Il était la vraie lumière ». (Jean, 1). Les ténèbres sont les
péchés. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 28). [référence à vérifier] Cette haine de la lumière
devait paraître une chose incroyable pour plusieurs (car il n'est personne
qui préfère les ténèbres à la clarté), il fait donc connaître la cause de cet
aveuglement : « Car leurs œuvres,
ajoute-t-il, étaient mauvaises. »
S'il était venu pour juger les hommes, cette haine de la lumière aurait eu
quelque raison, car celui qui a conscience de ses crimes, cherche à fuir le
juge [qui doit le condamner], mais les coupables se présentent sans crainte
devant celui qui n'a pour eux que des paroles de pardon. Quoi de plus naturel
donc pour les hommes dont la conscience était chargée de si grands crimes,
d'aller au-devant du Sauveur, qui leur apportait le pardon ? C'est ce que
plusieurs ont fait, et nous voyons les publicains et les pécheurs; venir
s'asseoir à la même table que Jésus. Mais il en est dont la mollesse est si
grande, [que leurs mains tombent de langueur] devant ceux qui oeuvrent pour
la vertu, et qu'ils persévèrent dans le mal jusqu'à la fin de leur vie; Notre
Seigneur flétrit ouvertement celte lâcheté : « Quiconque fait le mal, hait la lumière, » ce qui est vrai de
ceux qui veulent obstinément persévérer dans le mal. —
Alcuin : « Tout homme qui fait le mal hait la lumière », c'est-à-dire que celui qui
est dans la résolution de pécher, qui aime le péché, hait par-là même la
lumière qui découvre le péché. —
Saint Augustin : (Confess., 10, 23). Les
hommes ne peuvent souffrir d'être trompés, et ils veulent tromper, voilà
pourquoi ils aiment la lumière quand elle se découvre, et la détestent quand
elle les découvre eux-mêmes. La juste punition de cet aveuglement sera que la
lumière les mettra en évidence malgré eux, pendant qu'elle-même leur sera
cachée. Ils aiment donc la lumière de la vérité, mais ils ne peuvent souffrir
ses censures : « Et il ne vient point à
la lumière, de peur que ses œuvres ne soient découvertes. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 28). On ne songe point
à reprendre de ses vices celui qui vit dans le paganisme, les dieux qu'il
adore sont esclaves des mêmes vices, et ses œuvres sont conformes à ses croyances.
Les disciples de Jésus-Christ, au contraire, qui mènent une vie déréglée,
sont accusés par tous les gens de bien; mais y a-t-il des païens qui vivent
vraiment selon la vertu ? Je n'en connais point quant à moi. Ne me citez pas,
en effet, des hommes qui sont naturellement doux et honnêtes (ce n'est point
là de la vertu), mais montrez-moi un homme qui soutient un rude combat contre
ses passions, et vit selon les règles de la sagesse, cela vous est
impossible. La promesse d'un royaume [éternel], la menace de l'enfer, et tant
d'autres vérités non moins importantes suffisent à peine pour retenir les
hommes dans la pratique du bien, comment voulez-vous que ceux qui n'ont
aucune de ces convictions aient quelque ardeur pour la vertu ? Vous
rencontrez peut-être chez quelques-uns d'entre eux des vertus apparentes, qui
n'ont pour motif que l'amour de la gloire. Aussi dès qu'ils peuvent espérer
qu'ils ne seront point découverts, ils ne se font aucun scrupule de suivre
tous leurs mauvais désirs. Or, à quoi leur sert d'être tempérants, de ne
point ravir le bien d'autrui, s'ils sont esclaves de la vaine gloire ? Ce
n'est pas là vivre dans la vertu, l'esclave de la vaine gloire n'est pas
moins coupable que le fornicateur, et cette passion lui fait commettre des
fautes, et plus nombreuses et plus graves. Mais admettons qu'il y ait chez
les païens quelques hommes vertueux, cela ne contredit nullement ce que nous
disons, parce que ces hommes vertueux sont rares et forment l'exception. —
Saint Bède : Dans le sens moral, ceux qui
préfèrent les ténèbres à la lumière, sont ceux qui poursuivent de leur haine
et de leurs calomnies les prédicateurs qui leur enseignent la saine doctrine.
« Mais celui qui fait la vérité vient à
la lumière, afin que ses œuvres apparaissent en Dieu. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 28). Notre Seigneur ne
veut point parler ici de ceux qui sont devenus chrétiens dès le commencement,
mais uniquement de ceux qui, parmi les Juifs et les Gentils, devaient
embrasser la vraie foi, et il veut nous enseigner qu'il est impossible à
celui qui vit dans l'erreur, de prendre la résolution d'embrasser la vraie
foi, à moins d'être décidé tout d'abord à mener une vie vertueuse et pure. —
Saint Augustin : (du bapt. des enf). Notre
Seigneur dit que les œuvres de celui qui vient à la lumière sont faites en
Dieu, parce qu'il comprend que sa justification est l'œuvre, non de ses
mérites, mais de la grâce de Dieu. —
Saint Augustin : (Traité 12 sur Saint Jean). Mais si Dieu a trouvé mauvaises
toutes les œuvres des hommes, comment se fait-il que quelques-uns ont obéi à
la vérité, et sont venus à la lumière qui est Jésus-Christ ? « Ils ont mieux aimé, dit plus haut le
Sauveur, les ténèbres que la lumière, »
là est le point important. Il en est beaucoup qui ont aimé leurs péchés, il
en est beaucoup qui les ont confessés. Dieu accuse vos péchés ; si vous
les accusez vous-même, vous faites cause commune avec Dieu. Il faut que vous
haïssiez en vous ce qui est votre œuvre, et que vous aimiez en vous l'œuvre
de Dieu. Le commencement des bonnes actions, c'est de confesser les mauvaises
: alors vous faites la vérité, vous ne vous écoutez pas, vous ne vous flattez
pas; vous approchez volontiers de la lumière, car jamais votre péché ne vous
déplairait, si Dieu ne faisait briller sa lumière à vos yeux et ne vous
découvrait sa vérité. Or, on peut se placer dans la vérité de la confession
et s'approcher de la lumière par la pratique des bonnes œuvres, même quand il
ne s'agit que de ces péchés légers de paroles ou de pensées, ou de l'usage
immodéré des choses permises, parce qu'en effet, ces péchés légers, s'ils se
multiplient et qu'on n'y fasse aucune attention, donnent la mort. Bien
petites sont les gouttes d'eau qui remplissent le fleuve, bien petits sont
les grains de sable, et cependant, ayez à porter une masse de grains de
sable, c'est un poids qui vous écrasera. Une ouverture qu'on néglige dans la
cale d'un vaisseau, produit les mêmes effets qu'une masse d'eau qui fait
irruption; cette eau entre peu à peu dans la cale, mais à force d'entrer sans
qu'on songe à l’épuiser, elle coule à fond le vaisseau. Or, [au sens moral],
épuiser l'eau c'est empêcher par nos bonnes oeuvres, par nos gémissements,
nos jeûnes, nos aumônes, le pardon des injures, que nous ne soyons accablés
sous le poids écrasant de nos fautes. |
Lectio 8 |
Versets 22-26
|
[86014] Catena in Io., cap. 3 l. 8 Chrysostomus
in Ioannem. Nihil veritate apertius neque fortius; quae neque latere vult,
neque periculum formidat, neque insidiis tremit, neque gloriam quae a multis
est desiderat, nulli humanorum obnoxia; unde et dominus in solemnitatibus
Ierusalem ascendebat; non se ostentans, neque honorem diligens, sed ut
pluribus sua dogmata proponeret, et miraculorum utilitatem. Postquam autem
solemnitates solvebantur, ad Iordanem frequenter veniebat, quia et illic
etiam turbae concurrebant; unde dicitur post haec venit Iesus et discipuli
eius in Iudaeam terram, et illic demorabatur cum eis. Beda. Dicit autem post haec, non continuo post
disputationem cum Nicodemo, quae facta est in Hierosolymis, sed peracto
spatio temporis de Galilaea in Iudaeam rediit. Alcuinus. Per Iudaeam quidem significantur
confitentes, quos visitat Christus : ubi enim est peccatorum confessio vel
divinarum laudum, illuc venit Christus et discipuli eius, idest doctrina et
illuminatio eius, et ibi moratur purgando a vitiis; unde sequitur et illic
demorabatur cum eis, et baptizabat. Chrysostomus. Cum autem Evangelista postmodum dicat
quod Iesus non baptizabat, sed discipuli eius, manifestum est quoniam et hic
hoc dicit, quod soli discipuli baptizabant. Augustinus in Ioannem. Baptizatus autem dominus
baptizabat non eo Baptismate quo baptizatus est : baptizatus est enim a
servo, ostendens humilitatis viam, et perducens ad Baptismum domini, hoc est
suum. Baptizabat enim Iesus quomodo dominus, quomodo Dei filius. Beda. Christo autem iam baptizante, adhuc baptizat
Ioannes; quia adhuc permanet umbra, nec debet praecursor cessare donec
veritas manifestetur; unde sequitur erat autem Ioannes baptizans in Aennon
iuxta Salim. Aennon Hebraice aqua : unde quasi nominis interpretationem
aperiens subdit quia aquae multae erant illic. Salim oppidum est iuxta
Iordanem situm, ubi olim Melchisedech regnavit. Hieronymus ad Evagrium. Nec refert utrum Salem aut
Salim nominetur, cum vocalibus in medio litteris perraro utantur Hebraei, et
pro voluntate lectorum ac regionum varietate, eadem verba diversis sonis
atque accentibus proferantur. Sequitur et veniebant, et baptizabantur. Beda. Quantum catechumenis nondum baptizatis prodest
doctrina fidei, tantum profuit Baptisma Ioannis ante Baptismum Christi : quia
sicut ille praedicabat poenitentiam et Baptismum Christi nuntiabat, et in
cognitionem veritatis quae mundo apparuit attrahebat : sic ministri Ecclesiae
primo erudiunt venientes ad fidem, post peccata eorum redarguunt, deinde in
Baptismo Christi remissionem promittunt, et sic in cognitionem et dilectionem
veritatis attrahunt. Chrysostomus. Discipulis autem Iesu baptizantibus,
non cessavit Ioannes baptizans usque ad incarcerationem; quod significat
Evangelista cum subdit nondum enim missus fuerat Ioannes in carcerem.
Beda. Ecce aperte notat facta Christi ante Ioannem incarceratum; quae alii
praeterierunt, incipientes ab his quae post missum Ioannem in carcerem facta
sunt. Augustinus. Quare autem baptizabat Ioannes? Quia
oportebat ut dominus baptizaretur. Non solum autem baptizatus est ab eo, ne
Baptismus Ioannis melior Baptismate domini videretur. Chrysostomus in Ioannem. Sed cuius gratia usque tunc
baptizabat? Si enim cessasset, aestimaretur zelo vel ira facere; sed
persistens, non sibi ipsi gloriam acquirebat, sed Christo auditores mittebat.
Et multo efficacius hoc faciebat quam discipuli Christi, quia insuspicabile
eius erat testimonium, et maiorem gloriam apud omnes habebat; ideo etiam adhuc
baptizabat, ne discipulos suos in ampliorem zelum immitteret. Aestimo autem
et propter hoc permissam esse mortem Ioannis, et eo sublato de medio, Iesum
maxime praedicare coepisse, ut omnis multitudinis affectio ad Christum
transiret, et non ultra his quae de utroque erant sententiis scinderetur.
Zelotype enim se habentes discipuli Ioannis ad Christi discipulos et ad ipsum
Christum, quia viderunt discipulos Christi baptizantes, coeperunt dicere ad
eos qui baptizabantur, quasi aliquid maius haberet Baptisma Ioannis
Baptismate discipulorum Christi; unde subditur facta est ergo quaestio ex
discipulis Ioannis cum Iudaeis de purificatione. Quoniam enim ipsi
quaestionem moverunt, sed non Iudaei, Evangelista occulte monstrat, non
dicens quod Iudaeus quaesivit, sed quod quaestio facta est ex discipulis
Ioannis. Augustinus. Intelligas ergo dixisse Iudaeos maiorem
esse Christum, et ad eius Baptisma debere concurri; illi autem nondum
intelligentes defendebant Baptismum Ioannis. Ventum est ergo ad ipsum
Ioannem, ut solveret quaestionem; unde sequitur et venerunt ad Ioannem, et
dixerunt ei : Rabbi, qui erat tecum trans Iordanem (..). ecce baptizat. Chrysostomus. Hoc est : quem tu baptizasti. Non
autem dixerunt : quem tu baptizasti : quia coacti essent et vocis eius
meminisse quae super eum est delata; sed dicunt qui erat tecum, quasi qui
discipuli ordinem habebat, nihil plus habens nobis, nunc se a te separans
baptizat. Addunt autem cui etiam testimonium perhibuisti; quasi dicant : quem
tu clarum ostendisti, et circumspectum fecisti, eadem tibi audet : et hoc est
quod dicunt ecce hic baptizat. Non autem in hoc solum aestimabant se excitare
eum, sed et in eo quod de reliquo ea quae ipsorum erant reprobabantur; unde
subdunt et omnes veniunt ad eum. Alcuinus. Quasi dicant : te dimisso omnes currunt ad
Baptismum illius quem tu baptizasti. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 29). Rien qui marche
plus à découvert, comme aussi rien de plus fort que la vérité; elle ne
cherche pas à se cacher, elle ne craint aucun danger, ne redoute aucune
embûche, elle ne désire point la gloire que donne le grand nombre, et n'est
soumise à aucune des faiblesses humaines. C'est ainsi que Notre Seigneur
venait à Jérusalem aux jours de fête, non pour se produire ou par amour de la
gloire, mais pour communiquer à un plus grand nombre ses enseignements, et
opérer des miracles dans leur intérêt. Après que les fêtes étaient passées,
il se rendait ordinairement sur les bords du Jourdain, où une foule
considérable se réunissait : « Après
cela, Jésus vint avec ses disciples dans la terre de Judée, et il séjournait
avec eux.» —
Saint Bède : Ces paroles : « Après cela, » ne signifient pas
immédiatement après l'entretien avec Nicodème, qui eut lieu à Jérusalem; et
il s'écoula un certain espace de temps, avant que Jésus revînt de la Galilée
en Judée. —
Alcuin : Le mot Judée signifie ceux
qui confessent et qui reçoivent la visite de Jésus-Christ, car là où il
trouve la confession des péchés ou des louanges divines, Jésus s'y rend avec
ses disciples (c'est-à-dire suivi de sa doctrine et de ses lumières), et il
demeure dans cette âme pour la purifier de ses crimes : « Et il y demeurait avec eux et il baptisait. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 29). Comme
l'Evangéliste déclare plus bas que Jésus ne baptisait pas, mais ses
disciples, il est évident qu'il faut entendre également que ses disciples
seuls baptisaient. —
Saint Augustin : (Traité 13 sur Saint Jean).. Le baptême que donnait le Sauveur
après qu'il fut baptisé n'était pas celui qu'il avait reçu; il avait voulu
être baptisé par son serviteur pour nous tracer la voie de l'humilité et nous
conduire jusqu'au baptême du Seigneur, c'est-à-dire à son baptême, mais Jésus
baptisait comme étant lui-même Seigneur, le Fils de Dieu. —
Saint Bède : Jean continue de baptiser
alors même que Jésus baptise, les ombres ne sont pas encore entièrement
dissipées, et le précurseur ne doit cesser son ministère que lorsque la
vérité se manifestera dans tout son jour : « Or, Jean baptisait à Ænon, près de Salim,» Ænon veut dire eau,
en hébreu et l'Evangéliste donne pour ainsi dire la signification de ce nom
en ajoutant : « parce qu'il y avait là
beaucoup d'eau. » Salim est une petite ville située sur les bords du
Jourdain, et où Melchisédech régna autrefois. — Saint Jérôme : (Lettre 126 à Evagr). Peu
importe qu'on dise Salem ou Salim, les Hébreux emploient très rarement les
voyelles au milieu des mots, et les mêmes mots ont une prononciation et un
accent tout différents suivant la volonté personnelle des lecteurs ou la
diversité des pays. « Et plusieurs y
venaient se faire baptiser. » —
Saint Bède : Le baptême de Jean avait
avant le baptême de Jésus-Christ la même efficacité que les enseignements de la
foi qui sont donnés aux catéchumènes. Comme lui, il prêchait la pénitence,
annonçait le baptême de Jésus-Christ, et attirait les hommes à la
connaissance de la vérité qui venait de se manifester au monde; c'est ainsi
que les ministres de l'Eglise commencent par enseigner ceux qui veulent
embrasser la foi, ils leur font voir ensuite l'énormité de leurs péchés, leur
en promettent la rémission par le baptême de Jésus-Christ, et les attire
ainsi à la connaissance et à l'amour de la vérité. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 29). Pendant que les
disciples de Jésus baptisent, Jean Baptiste continue de baptiser lui-même
jusqu'à son incarcération, comme l'indique l'Evangéliste en ajoutant : « Car Jean n'avait pas encore été mis en
prison. » —
Saint Bède : Nous voyons ici clairement
que cet Evangéliste raconte les faits de la vie de Jésus-Christ qui ont
précédé la captivité de Jean-Baptiste. Ces faits ont été passés sous silence,
par les autres Evangélistes qui commencent leur récit par les événements qui
suivirent cette incarcération. —
Saint Augustin : (Traité 13 sur Saint Jean). Or pourquoi Jean baptisait-il ? Parce
qu'il fallait que le Christ fût baptisé. Mais le Sauveur ne fut pas le seul
qui fut baptisé par le précurseur, afin que le baptême de Jean ne parût point
supérieur au baptême du Seigneur. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 29). Pourquoi encore
continuait-il de baptiser jusqu'alors ? S'il avait cessé de baptiser, on eût
attribué sa conduite à un sentiment de jalousie ou de mécontentement. Au
contraire en continuant de baptiser, il ne cherchait point sa propre gloire,
mais il envoyait de nouveaux disciples à Jésus-Christ; et sa parole avait
mille fois plus d'efficacité que celle des disciples du Christ, car son
témoignage était à l'abri de tout soupçon, et sa réputation était beaucoup
plus grande aux yeux de tous. Il baptisait encore pour ne pas augmenter
l'esprit de rivalité de ses disciples. Je pense du reste que Dieu permit la
mort de Jean-Baptiste, et que Jésus ne commença qu'après la mort du
précurseur le cours de ses prédications, afin que l'affection du peuple tout
entier lui fût acquise, les esprits n'étant plus partagés sur le mérite
respectif de l'un et de l'autre. En effet, les disciples de Jean
nourrissaient des sentiments de jalousie contre les disciples de
Jésus-Christ, et contre Jésus-Christ lui-même; dès qu'ils virent que les disciples
du Sauveur baptisaient, ils commencèrent à dire à ceux qui recevaient leur
baptême que le baptême de Jean était supérieur à celui des disciples de
Jésus-Christ : « Or, il s'éleva une
question entre les disciples de Jean et les Juifs à propos de la purification,
». Ce furent les disciples de Jean et non les Juifs qui soulevèrent cette
question. Ce que l'Evangéliste fait entendre en disant que cette question
s'éleva, non parmi les Juifs, mais entre les disciples de Jean et les Juifs. —
Saint Augustin : (Traité 13).Les Juifs
soutenaient probablement que Jésus était supérieur à Jean, et qu'on devait
recevoir son baptême; les disciples du précurseur, au contraire, ne
comprenant pas encore [cette supériorité], défendaient le baptême de leur
maître. On vint donc trouver Jean-Baptiste pour qu'il décidât la question : «
Les premiers étant venus trouver Jean, lui dirent : Maître, celui qui était
avec vous au delà du Jourdain, baptise, ». —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 29). C'est-à-dire,
celui que vous avez baptisé; mais ils se gardent bien de dire :
« que vous avez baptisé », car alors ils eussent été forcés de
rappeler aussi la voix qui se fit entendre au-dessus de lui; ils se
contentent donc de dire : « celui qui était avec vous », celui
qui était confondu avec vos disciples, qui n'avait rien qui le distinguât de
nous, se sépare maintenant de vous, et baptise lui-même. Ils ajoutent : « à
qui vous avez rendu témoignage. » C'est-à-dire celui dont vous avez
manifesté la gloire, sur qui vous avez attiré les regards, ose remplir le
même ministère que vous; car c’est ce que signifient ces paroles : « Voilà
qu'il baptise ». Et ce n'est point le seul grief qu'ils formulent contre
Jésus auprès de son précurseur, ils se plaignent encore de voir ses disciples
perdre de leur considération, et leur nombre diminuer de jour en jour. «
Et tous vont à lui. » —
Alcuin : C'est-à-dire, tous vous
abandonnent et courent se foire baptiser par celui que vous avez baptisé. |
Lectio 9 |
Versets 27-30
|
[86015] Catena in Io., cap. 3 l. 9 Chrysostomus
in Ioannem. Interrogatus Ioannes, non vehementer discipulos increpat,
timens ne ab eo separati, aliquid aliud operentur; sed remisse quodammodo eis
loquitur; unde dicitur respondit Ioannes, et dixit eis : non potest homo
accipere quidquam, nisi fuerit ei datum de caelo : quasi dicat : etsi
praeclara sunt quae Christi sunt, etsi omnes ad eum currunt, mirari non
oportet : Deus enim est qui hoc facit. Humana enim facile deprehensibilia
sunt, et imbecillia, et velociter defluunt; haec autem non talia sunt : non
ergo sunt humanitus adinventa, sed divinitus ordinata. Si autem humilius
loquitur de Christo, non mireris : non enim erat conveniens quod
praeassumptos a tali passione, scilicet invidiae, ab initio doceret omnia;
sed interim vult eos terrere, ostendens quod ad impossibilia conantur, et
quod Deo rebelles inveniuntur. Augustinus in Ioannem. Vel aliter. Hoc Ioannes de
seipso dicit : quasi homo de caelo accepi : ergo quia accepi ut aliquid
essem, inanem me vultis esse, ut loquar contra veritatem? Chrysostomus. Et vide quia hoc quod aestimabant
proponi in Christi subversione, quando dixerunt cui testimonium perhibuisti,
hoc in eos convertit, dicens ipsi vos mihi testimonium perhibetis, quod
dixerim : non sum ego Christus; quasi dicat : si verum meum testimonium
aestimatis, dicite quoniam illum mihi praehonorare oportet; unde subdit sed
quoniam missus sum ante illum; quasi dicat : minister sum, et ea quae sunt
eius qui me misit dico, non humana gratia blandiens ei, sed patri eius qui me
misit, ministrans. Alcuinus. Sed si aliquis dicat : quandoquidem tu non
es Christus, quis ergo es tu? Vel : quis est ille cui perhibes testimonium?
Ad hoc respondet : ille est sponsus; ego sum amicus sponsi, missus ut per me
sponsa praeparetur suo sponso; unde subditur qui habet sponsam, sponsus est.
Sponsam dicit Ecclesiam ex omnibus gentibus congregatam, quae virgo est
integritate mentis, perfectione caritatis, unitate Catholicae fidei,
concordia pacis, integritate animae et corporis; quae habet sponsum, de quo quotidie
generat. Beda. Ceterum frustra est virgo corpore quae virgo
non manet in mente. Hanc autem sponsam Christus in thalamo uteri virginalis
sibi sociavit, et eamdem pretio sui sanguinis redemit. Theophylactus. Omnis etiam animae sponsus Christus
est; sponsalium vero locus, ubi coniunctio efficitur, locus est Baptismatis,
sive Ecclesia. Dat vero arrham sponsae, peccatorum remissionem, spiritus
sancti communionem; perfectiora vero in futuro saeculo retribuet dignis.
Nullus autem alius est sponsus nisi solus Christus : omnes namque doctores
paranymphi existunt, sicut et praecursor. Nullus enim bonorum largitor est
nisi dominus : omnes alii ministri sunt bonorum, quae dantur a domino. Beda. Sponsam igitur suam dominus amico suo, idest
ordini praedicatorum, commendavit; qui eam non sibi, sed Christo zelare
debet; unde subditur amicus autem sponsi, qui stat et audit eum, gaudio
gaudet propter vocem sponsi. Augustinus. Quasi dicat : non est mea sponsa. Sed
numquid non gaudes in nuptiis? Immo gaudeo, ait, quia sum amicus sponsi. Chrysostomus. Sed qualiter qui dixit : non sum
dignus solvere corrigiam calceamenti, amicum nunc seipsum dicit? Non quidem
propter honoris aequalitatem, sed multitudinem gaudii repraesentare volens.
Non enim in talibus ita ministri sponsi laetantur sicut amici. Simul autem et
condescendens eorum imbecillitati amicum se dicit : quia enim aestimabant eum
morderi ab his quae fiebant, ostendit quod non solum non mordetur, sed et
valde gaudet, si sponsum sponsa cognoscit. Augustinus. Sed quare stat? Quia non cadit, quia
humilis est. Vide stantem in solido. Non sum dignus corrigiam calceamenti ei
solvere. Stat autem, et audit eum. Si ergo cadit, non audit eum : ergo stare
debet amicus sponsi et audire, idest permanere in gratia quam accepit, et
audire vocem ad quam gaudeat. Non, inquit, gaudeo propter vocem meam, sed
propter vocem sponsi gaudeo : ego in audiendo, ille in dicendo; ego auris,
ille verbum. Qui enim custodit sponsam vel uxorem amici sui dat quidem operam
ut nullus alius ametur; sed si amari se pro amico voluerit, et uti voluerit
commendata sibi, quam detestandus universo generi humano apparet? Multos
autem adulteros video, qui sponsam tanto pretio emptam possidere volunt, et
id agunt verbis suis ut pro sponso amentur. Chrysostomus. Vel aliter. Quod dicit qui stat, non
sine causa posuit; sed indicans quod quae sua sunt, iam cessaverunt, et
quoniam eum de reliquo stare oportet et audire : quod quidem dicit, a
parabola sermonem transferens ad propositum : quia enim sponsi et sponsae
mentionem fecerat, ostendit qualiter haec sponsalia fiant, quia per vocem et
doctrinam : fides enim est ex auditu; auditus autem per verbum Dei. Et
quoniam ea quae speraverat evenerunt, idcirco subdit in hoc autem gaudium
meum impletum est; idest, perfectum est a me opus quod fieri oportebat, et
plus nihil operari possum de reliquo. Theophylactus. Unde nunc gaudeo, quod scilicet omnes
illum attendunt. Si enim non accessisset ad sponsum sponsa, idest populus,
tunc dolerem ego paranymphus. Augustinus in Ioannem. Vel aliter. In hoc gaudium
meum impletum est, ut scilicet gaudeam ad vocem sponsi. Habeo gratiam meam;
plus non mihi assumo, ne quod accepi amittam. Qui enim vult gaudere de se,
tristis est; qui autem vult de Deo gaudere, semper gaudebit, quia Deus
sempiternus est. Beda. Gaudio autem gaudet homo propter vocem sponsi,
cum intelligit non se debere gaudere de sapientia sua, sed de sapientia quam
accepit a domino. Quisquis enim in benefactis non gloriam suam vel laudem
requirit, neque terrena lucra sed caelestia cupit, hic amicus est sponsi.
Chrysostomus in Ioannem. Deinde non solum circa
praesentia, sed etiam circa futura passionem invidiae a se removit, dicens
illum oportet crescere, me autem minui; quasi dicat : quae nostra sunt,
steterunt, et cessaverunt de reliquo; crescunt autem quae sunt illius. Augustinus. Sed quid est hoc illum oportet crescere?
Deus nec crescit, nec minuitur. Sed Ioannes et Iesus, quod ad carnem attinet,
coaevi erant : sex menses, qui intererant, nullam distinguunt aetatem. Magnum
est hoc sacramentum. Antequam veniret dominus, homines gloriabantur de se :
venit ille homo, ut minueretur hominis gloria et augeretur gloria Dei. Sic
enim venit ille ut dimitteret peccata, et homo confiteretur : etenim
confessio hominis, humilitas hominis, miseratio Dei, altitudo Dei. Hanc autem
veritatem etiam passionibus significaverunt Christus et Ioannes : nam Ioannes
capite minutus est, Christus autem in cruce exaltatus. Deinde natus est
Christus, cum iam inciperent crescere dies; natus est Ioannes quando
coeperant minui dies. Crescat ergo in nobis gloria Dei, et minuatur gloria
nostra, ut in Deo crescat et nostra. Quanto autem magis intelligis Deum,
videtur in te crescere Deus; non autem in se crescit, sed semper perfectus
est : sicut si curarentur alicuius oculi ex pristina caecitate, et inciperet
videre paululum lucis, et alia die plus videret, videretur ei lux crescere;
lux tamen perfecta est, sive ipse videat, sive non : sic enim et interior
homo proficit quidem in Deo, et Deus in illo videtur crescere; ipse autem
minuitur, ut a gloria sua decidat, et in gloria Dei surgat. Theophylactus. Vel aliter. Sicut aliorum luminarium,
adveniente sole, lumen extingui videtur, licet non sit secundum veritatem
extinctum, sed a maiori occultatum; sic et praecursor tamquam stella a sole
celatus, minui dicitur. Crescit autem Christus prout paulatim manifestat se
per miracula : non quod in virtutibus cresceret aut proficeret (haec nempe
Nestorii est opinio), sed secundum ostensionem divinitatis eius. |
—
Saint Jean Chrysostome : (hom. 29). Aux questions que lui font ses disciples,
Jean-Baptiste ne répond point par de sévères reproches, dans la crainte qu'en
se séparant de lui, ils ne se portent à une autre extrémité, il leur parle
donc en termes très modérés : « Jean répondit : L'homme ne peut rien
recevoir s'il ne lui a été donné du ciel. » C'est-à-dire, si la personne
de Jésus-Christ est environnée d'un éclat extraordinaire, si tous
s'empressent à l'envi autour de lui, il ne faut pas vous en étonner, c'est
Dieu qui est l'auteur de ces merveilles. Ce qui est purement humain, se
découvre facilement, est faible et passe rapidement, mais telle n'est point
la gloire de Jésus-Christ, ce n'est point ici l'œuvre de l'homme, tout est
empreint d'un caractère divin. Ne soyez pas surpris s'il ne parle point du
Sauveur en termes plus relevés, ses disciples étaient dominés par un
sentiment trop vif de jalousie pour qu'il fût opportun de les enseigner à
fond; il veut donc simplement leur inspirer un sentiment de crainte, en leur
montrant qu'ils tentent l'impossible et se mettent en opposition avec Dieu. —
Saint Augustin : (Traité 13) On peut dire
encore que Jean veut parler ici de lui-même : Comme homme, j'ai tout reçu du
ciel; si donc je dois à Dieu d'être quelque chose, voulez-vous donc que je
m'annihile moi-même en parlant contre la vérité ? —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 29). Remarquez comme
Jean-Baptiste retourne contre eux le trait dont ils avaient voulu se servir
contre Jésus-Christ, en disant : « celui à qui vous avez rendu témoignage.
» Il leur répond : « Vous-mêmes, vous m'êtes témoins que j'ai dit : Je
ne suis point le Christ, » c'est-à-dire, si vous croyez à la vérité de
mon témoignage, vous devez en conclure que je dois lui céder tout honneur. Il
ajoute : « Mais que j'ai été envoyé devant lui, » c'est-à-dire, je
suis un simple ministre, je fais connaître les ordres et la volonté de celui
qui m'a envoyé, je ne cherche pas à le flatter dans une pensée d'intérêt
personnel, je n'ai d'autre but que de remplir la mission que son Père m'a
confiée. —
Alcuin : On pouvait lui faire cette
difficulté : Puisque vous n'êtes pas le Christ, qui êtes-vous donc ? ou quel
est celui à qui vous rendez témoignage ? Il répond : Il est l'Epoux, et je
suis, moi, l'ami de l'Epoux, et envoyé devant lui pour préparer son Epouse à
le recevoir : « Celui qui a l'Epouse, est l'Epoux. » Cette Epouse,
c'est l'Eglise formée de toutes les nations, elle est vierge par l'intégrité
de son âme, la perfection de sa charité, l'unité de la foi catholique, la
concorde qui est le fruit de la paix, la pureté de son cœur et de son corps;
elle a un Epoux qui la rend mère tous les jours. —
Saint Bède : C'est bien inutilement
qu'une vierge a la pureté du corps, si elle ne demeure pas chaste en son âme.
Mais pour cette épouse, Jésus-Christ se l'est unie sur le lit nuptial du sein
virginal de sa mère, et l'a rachetée du prix de son sang. —
Théophylactus : Jésus-Christ est encore l'Epoux de toute âme [fidèle], et le lieu de
ces épousailles, le lieu où se contracte cette union, c'est l'Eglise où l'âme
reçoit le saint baptême. Les arrhes que l'Epoux donne à l'Epouse sont la
rémission des péchés, la communication du Saint-Esprit; et il réserve pour
l'autre vie des dons plus parfaits à ceux qui en seront dignes. Nul autre ne
peut prétendre à l'honneur d'être l'Epoux, que Jésus-Christ seul. Tous les
docteurs sont des paranymphes comme le Précurseur; mais Dieu seul est la
source de tous les biens célestes, tous les autres ne sont que les ministres
dont il se sert pour répandre ces biens. —
Saint Bède : Le Seigneur a donc confié
son Epouse à son ami, c'est-à-dire à l'ordre des prédicateurs qui doivent
être pour elle pleins de zèle, non dans leur intérêt, mais dans l'intérêt de
Jésus-Christ. Voilà pourquoi Jean-Baptiste ajoute : « Mais l'ami de
l'Epoux qui se tient debout et l'écoute, est ravi de joie à la voix de
l’époux.» —
Saint Augustin : (Traité 13). Il déclare donc
: Ce n'est pas mon Epouse. Vous demeurez donc étranger à la joie des noces ?
Tout au contraire, répond-il, je partage la joie de l'Epoux, parce que je
suis son ami. —
Saint Jean Chrysostome : (horn. 29). Mais comment
Jean-Baptiste, qui avait dit précédemment : « Je ne suis pas digne de
dénouer les courroies de sa chaussure, » se proclame maintenant son ami ?
Ce n'est pas qu'il prétende à l'honneur d'être son égal, il veut simplement
exprimer la plénitude de son allégresse; car la joie des serviteurs, dans ces
circonstances, est loin d'être aussi grande que celle des amis. C'est encore
par condescendance pour la faiblesse de ses disciples, qu'il se dit l'ami de
Jésus-Christ; ils s'imaginaient que tout ce qui se passait le blessait
vivement; il leur fait voir que loin d'en être blessé, il est au comble de la
joie, si l'Epoux est connu de son Epouse. —
Saint Augustin : (Traité 13). Mais pourquoi
se tient-il debout ? parce qu'il ne tombe pas, et parce qu'il est humble.
Voyez comme il s'appuie sur un terrain solide : « Je ne suis pas digne de
dénouer les courroies de ses souliers. » Il se tient debout et l'écoute;
s'il venait à tomber, il ne l'entendrait pas, l'ami de l'Epoux doit donc se
tenir debout et l'écouter, c'est-à-dire persévérer dans la grâce qu'il a
reçue, et écouter la voix qui le remplit d'allégresse. Je ne me réjouis pas,
dit-il, de ce que j'entends ma voix, mais de ce que j'entends la voix de
l'Epoux; ma joie c'est d'entendre, comme la sienne est de parler; je suis
l'oreille, il est la parole. Celui qui est chargé de garder la fiancée ou
l'épouse de son ami, veille avec soin à ce qu'elle ne donne son affection à
aucun autre. Mais s'il consentait lui-même a prendre dans son cœur la place
de son ami, et qu'il abusât du dépôt qui lui est confié, ne serait-il pas un
objet d'horreur pour le genre humain tout entier ? Combien je vois
d'adultères qui veulent posséder cette Epouse qui a été achetée à un si grand
prix, et dont toutes les paroles tendent à obtenir une affection qui n'est
due qu'à l'Epoux ? —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 29). Ou bien encore,
ces paroles : « qui se tient debout, » ont un sens particulier, et
signifient que le ministère de Jean-Baptiste est à son terme, et qu'il ne lui
reste plus qu'à se tenir debout et à écouter. Il passe ici de la figure à
l'objet figuré, il a pris pour comparaison l'époux et l'épouse, il montre
comment se fait leur union, c’est-à-dire par la voix et par la doctrine : «
Car la foi vient de ce qu'on a entendu, et on a entendu, parce qu'on prêche
la parole de Dieu. » (Rm 10) Et comme il voit toutes ses espérances
réalisées, il ajoute : « Cette joie est donc pleinement réalisée pour moi,
» c'est-à-dire l'œuvre qui m'a été confiée est pleinement accomplie, et
il ne me reste plus rien à faire. — Théophylactus : Je me réjouis donc de ce que tous s'empressent de tourner vers lui
leurs regards. Si l'épouse (c'est-à-dire le peuple), ne s’était pas approchée
de l'Epoux, moi, [son ami], son paranymphe, je serais dans la douleur. —
Saint Augustin : (Traité 14). Ou bien encore,
ma joie est au comble, parce qu'il m'est donné d'entendre la voix de l'Epoux.
C'est la faveur que je désirais, je n'en réclame pas d'autre, de peur de
perdre la grâce que j'ai reçue. Car celui qui cherche sa joie en lui-même
sera toujours triste, mais celui qui la place en Dieu ne verra jamais cesser
sa joie, parce que Dieu est éternel. —
Saint Bède : L'homme se réjouit
d'entendre la voix de l'Epoux, lorsqu'il comprend qu'il doit placer sa joie,
non dans sa propre sagesse, mais dans la sagesse qu'il a reçue du Seigneur;
car celui-là seul est l'ami de l'Epoux, qui ne recherche pour prix de ses
bonnes œuvres ni la gloire, ni les louanges, ni les avantages de la terre,
mais ne se propose que les récompenses éternelles. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 29). Jean-Baptiste
veut éteindre dans le cœur de ses disciples tout sentiment d'envie, non seulement
pour le présent, mais pour l'avenir, et il ajoute : « Il faut qu'il
croisse et que je diminue, » c'est-à-dire, ma mission et mon ministère
touchent à leur fin, tandis que la mission de Jésus doit toujours aller en
croissant. —
Saint Augustin : (Traité 14). Mais que signifient
ces paroles : « Il faut qu'il croisse ? » Dieu ne peut ni croître ni
diminuer; Jean-Baptiste et Jésus, sous le rapport de la naissance charnelle,
étaient contemporains, et les six mois qui séparaient l'une de l'autre ne
faisaient pas une différence d'âge. Ces paroles renferment un grand mystère;
avant la venue du Seigneur, les hommes mettaient toute leur gloire en
eux-mêmes, il est venu et s'est fait homme pour diminuer la gloire de
l'homme, et accroître la gloire de Dieu. Il est venu, en effet, pour
pardonner les péchés à l'homme, à la condition qu'il les confesserait. Or,
l'homme s'humilie quand il confesse ses péchés, et Dieu s'élève, pour ainsi
dire, quand il exerce la miséricorde. Cette vérité se trouve exprimée dans la
mort différente de Jésus-Christ et de Jean-Baptiste; Jean fut diminué de la
tête, et Jésus fut élevé en croix. Remarquez encore que Jésus vint au monde,
lorsque les jours commencent à croître, tandis que la naissance de Jean eut
lieu lorsqu'ils commencent à décroître. Que la gloire de Dieu croisse donc
dans notre âme, et que notre propre gloire s'amoindrisse, pour qu'elle puisse
elle-même s'accroître en Dieu. Or, plus vous avancez dans la connaissance de
Dieu, plus aussi Dieu paraît croître en vous; car il ne peut croître en lui-même,
puisqu'il est parfait de toute éternité. Lorsque les yeux d'un aveugle sont
guéris de leur cécité, il commence d’abord par voir un peu la lumière; le
jour suivant, il la voit davantage, la lumière paraît croître pour lui;
cependant elle a toute sa plénitude, toute sa perfection, qu'il la voie ou
qu'il ne la voie point; ainsi l'homme intérieur fait des progrès dans la
connaissance de Dieu, et Dieu paraît croître en lui, tandis qu'il s'amoindrit
lui-même et tombe, pour ainsi dire, de sa propre gloire, pour se relever dans
la gloire de Dieu. —
Théophylactus : Ou bien encore, lorsque le soleil paraît, la lumière des autres astres
du ciel paraît s'éteindre, et cependant elle n'est pas éteinte en réalité;
elle est simplement éclipsée par une lumière plus brillante; c’est ainsi que
le Précurseur paraît éclipsé comme une étoile par le soleil et on peut dire
qu’il diminue. Quant à Jésus-Christ, on le voyait croître successivement à
mesure qu'il se révélait par ses miracles, il ne croissait pas en vertus
suivant l'erreur insensée de Nestorius, mais il croissait en révélant
successivement les preuves de sa divinité. |
Lectio 10 |
Versets 31-32
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[86016] Catena in Io., cap. 3 l. 10 Chrysostomus
in Ioannem. Sicut vermis ligna corrodit et aerugo ferrum, ita vana gloria
nutrientem se perdit animam; ideo multo studio opus est ut hanc destruamus
passionem : unde Ioannes multis rationibus discipulos suos habentes passionem
hanc, vix mitigat; post illa enim quae antea dixerat, rursus eos aliis
disponit sermonibus, dicens qui desursum venit, super omnes est; quasi dicat
: quia vos meum extollitis testimonium, et ex hoc dicitis me esse digniorem
fide, eo scilicet cui testimonium perhibui; hoc necesse est vos scire, quod
non est eum qui de caelis venit, fieri fide dignum ab eo qui terram habitat;
et hoc est quod dicit super omnes est, quia ipse sibi sufficiens, et quod
omnibus incomparabiliter maior est. Theophylactus. Ipse enim Christus desursum venit a
patre descendens, et super omnes est, distinctus ab omnibus. Alcuinus. Vel desursum venit, idest de altitudine
humanae naturae, quam habuit ante peccatum primi hominis : de illa enim
altitudine assumpsit verbum Dei humanam naturam : non assumpsit culpam cuius
assumpsit poenam. Sequitur qui est de terra, de terra est, idest terrenus
est, et de terra loquitur, idest terrena loquitur. Chrysostomus. Et
nimirum non ex terra erant ei omnia : etenim animam habebat, et spiritum
participabat non ex terra. Qualiter igitur ipse de terra se esse dicit? Nihil
aliud per hoc ostendit occulte quam quod parvus est, utpote humi reptans, et
in terra natus, et nulla comparatione dignus ad Christum, qui nobis desuper
venit. Non autem dicit de terra loquitur, quoniam ex propria mente
loquebatur; sed de terra se loqui dicit in comparatione ad Christi doctrinam;
quasi dicat : parva et humilia sunt quae mea sunt, comparata his quae Christi
sunt, qualia decens est suscipere terrestrem naturam in comparatione ad illum
in quo sunt omnes thesauri sapientiae et scientiae Dei absconditi. Augustinus in Ioannem. Vel quod dicit de terra
loquitur, de homine dicebat quantum ad ipsum hominem pertinet. Si enim aliqua
loquitur divina, illuminatus est a Deo; sicut apostolus dicit : non autem
ego, sed gratia Dei mecum. Ergo Ioannes, et quod ad Ioannem pertinet, de terra
est, et de terra loquitur : si quid divinum audivistis a Ioanne, illuminantis
est, non recipientis. Chrysostomus. Extincta igitur discipulorum passione,
de reliquo cum ampliori propalatione loquitur de Christo : nam ante hoc
superfluum erat ista praemittere, in mente audientium locum habere nondum
valentia; unde sequitur qui de caelo venit. Augustinus. Idest, de patre venit, duobus modis
super omnes est : primo super omnem humanitatem, qui de ipsa, priusquam
peccaret, venit : secundo iuxta altitudinem patris, cui est aequalis. Chrysostomus. Magnum autem quid et excelsum dicens
de Christo, rursus ad humilius ducit sermonem, dicens et quod vidit et
audivit, hoc testatur. Quia scilicet per sensus hos omnia certissime
discimus, et digni fide aestimamur esse magistri de his quae visu suscepimus,
vel auditu apprehendimus; hoc de Christo astruere volens Ioannes dixit quod
vidit et audivit, hoc testatur : ostendens, quod nihil eorum quae ab ipso
dicebantur, falsum est, sed omnia vera sunt; quasi dicat : ego indigeo audire
ea quae ab illo dicuntur qui desuper venit, annuntians ea quae vidit et
audivit; idest, quae solus ipse manifeste novit. Theophylactus. Cum ergo audis quod Christus ea quae
audivit et vidit a patre, loquitur, non putes quod a patre indigeat
addiscere; sed quia omnia quaecumque naturaliter novit, a patre habet,
propter hoc a patre audire dicitur, quaecumque novit. Sed quid est quod
filius audivit a patre? Forte filius, patris verbum audivit? Immo filius
patris verbum est. Augustinus. Quando concipis verbum quod proferas,
rem vis dicere, et ipsa rei conceptio in corde tuo iam verbum est. Quomodo
ergo tu verbum quod loqueris, in corde habes, et apud te est, sic Deus edidit
verbum; hoc est, genuit filium. Cum ergo verbum Dei filius sit, filius autem
locutus est nobis, non verbum suum, sed verbum patris se nobis loqui voluit,
qui verbum patris loquebatur. Hoc ergo quomodo decuit et oportuit, dixit
Ioannes. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 30). De même que le
ver ronge le bois, et la rouille le fer, ainsi la vaine gloire perd l'âme qui
la nourrit. Aussi devons-nous mettre tous nos soins à détruire en nous cette
malheureuse passion. Malgré tant de raisons convaincantes, Jean-Baptiste peut
à peine guérir ses disciples atteints de cette funeste maladie, et , à la
suite de ce qu’il leur avait dit auparavant, il est comme obligé de leur
apporter de nouvelles raisons : « Celui
qui vient d'en haut, est au-dessus de tous. » Puisque vous avez en si
grande estime mon témoignage, leur dit-il, et que vous ne voyez rien qui soit
plus digne de foi que ce témoignage que j’ai donné, sachez donc que ce n'est
pas à celui qui habite la terre à recommander comme digne d'être cru celui
qui vient du ciel. Tel est le sens de ces paroles : « Il est au-dessus de tous, » c'est-à-dire, il se suffît à
lui-même, et sa grandeur est en dehors de toute comparaison. — Théophylactus : Jésus-Christ, en effet, vient d'en haut et descend du Père, et il
occupe une place si élevée qu'elle le distingue et le sépare de tous les
hommes. —
Alcuin : Ou bien encore : « Il vient d'en haut, » c'est-à-dire
des hauteurs que la nature humaine occupait avant le péché du premier homme.
C'est sur ces hauteurs que le Verbe de Dieu a pris la nature humaine, dont il
a revêtu les peines, sans prendre la faute. « celui qui tire son origine de la terre, est de la terre (c'est-à-dire
est terrestre), et parle de la terre »
(c'est-à-dire des choses terrestres). —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 30). Cependant
Jean-Baptiste ne venait pas tout entier de la terre, il avait une âme et il
participait de l'esprit, qui ne viennent point de la terre. Pourquoi donc
déclare-t-il qu'il vient de la terre ? Cette manière de s'exprimer signifie
simplement dans l'intention du Précurseur, qu'il est peu de chose, parce
qu'il vient de la terre, qu’il est né sur la terre, et qu'il ne peut en
aucune sorte entrer en comparaison avec Jésus-Christ qui est venu du ciel : « Il parle de la terre, » non pas dans
ce sens qu'il parle d'après ses propres inspirations, mais comparativement à
la doctrine de Jésus-Christ, comme s'il disait : Ma personne, ma doctrine
sont trop inférieures pour entrer en comparaison avec la personne et la
doctrine de Jésus-Christ; elles sont ce qu'il convient d'être à la nature [humaine
et] terrestre, comparée à celui en qui sont cachés tous les trésors de la
sagesse et de la science de Dieu. (Col 2, 3). —
Saint Augustin : (Traité 14). Ou bien, ces
paroles : « Il parle de la terre, »
doivent s'entendre de l'homme qui suit ses propres inspirations; car
lorsqu'il parle un langage divin, c'est Dieu qui l'éclaire, comme le
reconnaît le grand Apôtre : « Ce n'est
pas moi, mais la grâce de Dieu avec moi.» (1 Co 15, 10). C'est-à-dire que
Jean, considéré en lui-même, vient de la terre, et parle le langage de la
terre, et s'il vous a fait entendre le langage du ciel, ce n'est point de
lui-même, mais par un effet de la grâce qui l'a rempli de ses lumières. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 30). Jean-Baptiste,
ayant étouffé tout sentiment d'envie dans le cœur de ses disciples, leur parle
de Jésus-Christ avec une plus grande liberté, car tout ce qu'il aurait pu
dire auparavant eut été inutile, et n'eût point trouvé d'écho dans des
esprits si mal disposés. Il continue donc en ces termes : « Celui qui vient du ciel est au dessus de
tous. » — La Glose : [référence à vérifier] C'est-à-dire
celui qui vient du Père est au-dessus de tous de deux manières :
Premièrement, au-dessus de la nature humaine, qu'il n'a prise que dans un
état exempt de péché, et secondement, parce qu'il partage l'élévation du Père
dont il est l'égal. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 30). Après ces idées
si hautes et si relevées sur Jésus-Christ, Jean-Baptiste descend de ces
hauteurs et parle, pour ainsi dire, un langage plus humain : « Et ce qu'il a vu et entendu, il en rend
témoignage. » C'est par ces deux sens [de l'ouïe et de la vue] que nous
arrivons à une connaissance certaine de toutes choses, et nous sommes
regardés comme des maîtres dignes de foi, lorsque nous enseignons les choses
que nous avons vues ou entendues. Jean-Baptiste applique cette vérité à
Jésus-Christ en disant de lui : « Et ce
qu'il a vu et entendu, il en rend témoignage, » il établit ainsi que les
paroles du Sauveur ne renferment aucune erreur et que toutes sont vraies.
Quant à moi, semble-t-il dire, j'ai besoin d'être instruit par celui qui
vient du ciel, et j'annonce ce qu'il a vu et entendu, c'est-à-dire les
vérités dont il a seul une connaissance entière et parfaite. — Théophylactus : En entendant ces paroles : « Il
rend témoignage de ce qu'il a vu et entendu, de la part de Dieu » n'allez
pas croire que le Fils de Dieu ait besoin d'apprendre quelque chose de son
Père; tout ce que le Fils connaît en vertu de sa nature vient de son Père, et
c'est en ce sens qu'il apprend de son Père tout ce qu'il sait. Mais qu'est-ce
que le Fils a pu entendre du Père ? Peut-être la parole du Père ? Mais il est
lui-même la parole, le Verbe du Père. —
Saint Augustin : (Traité 14). Lorsque vous
concevez la parole que vous devez dire, vous voulez exprimer une idée, et la
conception de cette idée est déjà une parole dans votre cœur. Or, de même que
vous avez dans votre cœur la parole que vous devez dire, et qu'elle est
vraiment en vous, ainsi Dieu a produit [sa parole,] son Verbe, c'est-à-dire a
engendré son Fils. Donc, comme le Verbe de Dieu est le Fils de Dieu et que
c'est le Fils de Dieu qui a parlé, celui qui parlait le Verbe du Père a voulu
nous faire connaître non sa parole, mais le Verbe, la parole du Père.
Jean-Baptiste a exposé ce mystère autant qu'il était nécessaire de le faire,
et de la manière la plus convenable. |
Lectio 11 |
Versets 33-36 |
[86017] Catena in Io., cap. 3 l. 11 Chrysostomus
in Ioannem. Dixerat quod vidit, et audivit, hoc testatur; quasi excusans,
ne quia pauci interim credituri erant, falsa aestimarentur esse quae
dicuntur; et propter hoc subdit et testimonium eius nemo accipit, idest pauci
: habebat enim discipulos, qui accipiebant testimonium eius in his quae
dicebantur. In hoc autem suos discipulos tangit nondum credentes in eum :
simul etiam Iudaicam ostendit insensibilitatem, sicut et in principio
Evangelii dictum est in propria venit, et sui eum non receperunt. Augustinus in Ioannem. Vel aliter. Est quidam
populus praeparatus ad iram Dei damnandus cum Diabolo. Horum nemo accipit
testimonium Christi. Attendit ergo in spiritu divisionem, in genere autem
humano commixtionem; et quod nondum locis separatum est, separavit cordis
aspectu; et vidit duos populos, infidelium et fidelium. Attendit infideles,
et ait et testimonium eius nemo accipit : deinde tulit se a sinistra, et
aspexit ad dexteram, et secutus ait qui autem acceperit eius testimonium,
signavit. Chrysostomus. Idest, monstravit; et adhuc augens
timorem, addit quoniam Deus verax est; ostendens quoniam non aliter quis
discredet huic, nisi falsi arguerit Deum, qui misit illum : quia nihil extra
ea quae sunt patris loquitur; et hoc est quod subdit quem enim misit Deus,
verba Dei loquitur. Alcuinus. Vel aliter. Signavit, idest signum posuit
in corde suo, quasi singulare et speciale aliquid, hunc esse verum Deum, qui
passus est ad salutem humani generis. Augustinus. Quid est quia Deus verax est, nisi quia
homo mendax est, et Deus verax est? Quia nemo hominum potest dicere quid
veritas est, nisi illuminetur ab eo qui mentiri non potest. Deus ergo verax,
Christus autem Deus. Vis probare? Accipe testimonium eius, et invenies. Sed
si nondum intelligis Deum, nondum accepisti testimonium eius. Ipse ergo
Christus est Deus verax, et misit illum Deus. Deus misit Deum. Iunge ambos,
unus Deus : hoc enim quem misit Deus, de Christo dicebat, ut se ab ipso
distingueret. Quid autem? Ipsum Ioannem nonne Deus misit? Sed vide quid
adiungat non enim ad mensuram dat Deus spiritum. Hominibus ad mensuram dat,
unico filio non dat ad mensuram. Alii quidem datur per spiritum sermo
sapientiae, alii sermo scientiae; aliud habet ille, et aliud iste habet.
Mensura divisio quaedam donorum est, sed Christus quae dat, non ad mensuram
accepit. Chrysostomus. Spiritum autem hic actionem spiritus
sancti dicit : vult enim ostendere quoniam omnes quidem nos in mensura
spiritus actiones suscipimus; Christus autem omnem spiritus suscipit
actionem. Qualiter igitur erit dignus suspectus haberi? Nihil enim dicit quod
non Dei est, neque quod non spiritus est; et interim de Deo verbo nihil
loquitur, sed a patre et spiritu dignam fide facit doctrinam. Nam quoniam
Deus est, sciverant; et quoniam spiritus est, noverant, etsi non decentem de
eo opinionem habebant : quoniam autem filius est nesciverant. Augustinus. Quia ergo de filio dixerat non ad
mensuram dat Deus spiritum, subiungit pater diligit filium; et adiecit et
omnia dedit in manu eius : ut nosses et hic distincte, quoniam dictum est
pater diligit filium. Pater enim diligit Ioannem aut Paulum, et tamen non
omnia dedit in manu eorum. Pater diligit filium; sed quomodo filium, non
quomodo dominus servum; quomodo unicum, non quomodo adoptatum. Itaque omnia
dedit in manu eius, ut tantus sit filius quantus est pater. Ergo cum ad nos
dignatus est mittere filium, non putemus nobis aliquid minus missum quam est
pater. Theophylactus. Sic ergo secundum divinitatem omnia
dedit pater filio natura, non gratia. Vel dedit omnia in manu eius, secundum
humanitatem; dominatur enim omnium eorum et quae in caelo et quae in terra
sunt. Alcuinus. Et quia omnia sunt in manu eius, ergo et
vita aeterna; unde subdit qui credit in filium, habet vitam aeternam. Beda. Non debet hic intelligi fides quae verbo tenus
tenetur, sed quae operibus adimpletur. Chrysostomus. Non enim hic dicit quod credere in filium
sufficiat ad vitam habendam perpetuam, cum ipse alibi dicat : non omnis qui
dicit mihi : domine, domine, intrabit in regnum caelorum. Sed et quae in
spiritum est blasphemia, sufficit sola mittere in Gehennam. Sed etsi in
patrem et filium et spiritum sanctum quis recte crediderit, ne aestimemus
sufficere ad salutem : opus est enim nobis vita et conversatione recta.
Deinde sciens non ita promissione bonorum multos adduci ut terribilium minis,
in hoc sermonem concludit, dicens qui autem incredulus est filio, non videbit
vitam, sed ira Dei manet super eum. Vide qualiter hic ad patrem reducit eum
qui est supplicii sermonem : non enim dixit : ita filii, quamvis ipse sit
iudex, sed patrem iudicem instituit, magis terrere volens. Et non dicit
manebit in eo, sed super eum, ostendens quoniam nunquam ab eo desistet : ut
enim non aestimet quis mortem esse temporaneam, dixit non videbit vitam. Augustinus. Et non dixit ira Dei venit ad eum, sed
manet super eum; quia omnes qui nascuntur mortales, habent secum iram Dei,
quam accepit primus Adam. Venit filius Dei, non habens peccatum, et indutus
est mortalitate : mortuus est ut vivas. Qui ergo non vult credere in filium,
ira Dei manet super eum, de qua dicit apostolus : eramus natura filii irae. |
—
Saint
Jean Chrysostome : Jean-Baptiste vient de dire
expressément de Jésus-Christ : « Il
atteste ce qu'il a vu et entendu » pour défendre contre l'accusation
d'erreur les enseignements du Sauveur auxquels un si petit nombre devait
ajouter foi, comme il le déclare lui-même : « Et personne ne reçoit son témoignage; » personne, c'est-à-dire
un petit nombre de personnes; car il avait des disciples qui ajoutaient foi à
ses paroles. Jean-Baptiste fait ici allusion à ceux de ses disciples qui ne
croyaient pas encore en Jésus-Christ et condamne en même temps l'indifférence
coupable des Juifs. C'est ce que l'Evangéliste avait dit lui-même au
commencement de son Evangile : « Il est
venu chez lui, et les siens ne l'ont pas reçu. » (C'est-à-dire les Juifs
qui lui appartenaient d'une manière toute particulière). —
Saint Augustin : (Traité 14). Ou bien encore,
il est un peuple qui est comme réservé à la colère de Dieu, et qui doit être
condamné avec le démon; personne, parmi ce peuple, ne reçoit le témoignage du
Christ. Jean-Baptiste a donc considéré cette division que la différence
d'esprit établit dans ce mélange d'hommes qui composent le genre humain, il a
séparé par la pensée ceux que la distance des lieux n'a point encore séparés,
et il a vu deux peuples, le peuple des infidèles, et le peuple qui a embrassé
la foi. Il jette les yeux sur les infidèles, et dit : « Personne ne reçoit son témoignage.» Puis se détournant de la
gauche, il regarde à droite et ajoute : «
Celui qui reçoit son témoignage atteste que Dieu est véridique. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 30). C'est-à-dire
prouve qu'il est véridique. Jean-Baptiste veut inspirer ici une crainte
salutaire en disant : « que Dieu est
véridique, » et il montre par là qu'on ne peut refuser de croire en
Jésus-Christ sans accuser d'erreur Dieu qui l'a envoyé, parce qu'il
n'enseigne que la doctrine qu'il a reçue de son Père : « Car celui que Dieu a envoyé, dit les paroles de Dieu. » —
Alcuin : On peut encore entendre ces
paroles : (signavit, il a marqué
d'une empreinte) dans ce sens qu'il a gravé dans son cœur un signe distinct
et spécial que Jésus est le vrai Dieu qui a souffert pour le salut du genre
humain. —
Saint Augustin : (Traité 14). Que signifient
ces paroles : « Dieu est véridique, »
si ce n'est que l'homme est menteur et que Dieu est le seul qui soit vrai ?
Quel est l'homme en effet, qui peut dire ce que c'est que la vérité, s'il
n'est éclairé par celui qui ne peut mentir. Dieu est donc vrai, et
Jésus-Christ est Dieu. En voulez-vous la preuve ? Recevez son témoignage et
tous la trouverez. Mais si tous ne le reconnaissez pas comme Dieu, vous
n'avez pas encore reçu son témoignage. Jésus est donc le Dieu véridique, et
c'est Dieu qui l'a envoyé. C'est un Dieu qui a envoyé un Dieu, réunissez-les,
vous avez un seul Dieu. Ces paroles : «
Celui que Dieu a envoyé, » Jean-Baptiste les appliquait à Jésus-Christ,
pour bien établir la distinction qui existait entre le Sauveur et lui. Quoi
donc ? Est-ce que Jean-Baptiste n'était pas aussi l'envoyé de Dieu ? Oui,
mais écoutez la suite : « parce que Dieu
ne lui donne pas son esprit avec mesure. » Aux hommes, il le donne avec
mesure, à son Fils unique il le donne sans mesure. L'un reçoit de l'Esprit le
don de parler avec sagesse, l'autre reçoit du même Esprit le don de parler
avec science. (1 Co 12) Celui-ci reçoit une grâce, celui-là en reçoit une
autre. La mesure est une espèce de partage dans les dons, mais Jésus-Christ
ne reçoit pas avec mesure les grâces dont il est le principe et la source. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 30). Par Esprit,
Jean-Baptiste entend ici l'opération de l'Esprit saint, et il veut nous
apprendre que tous nous avons reçu dans une certaine mesure cette divine
opération de l'Esprit saint, tandis que Jésus-Christ l'a reçue toute entière,
comment donc avoir le moindre soupçon contre sa parole ? Il ne dit rien qui
ne soit de Dieu, qui ne soit de l'Esprit saint; il ne parle point pour le
moment du Dieu Verbe, et se contente de confirmer sa doctrine par l'autorité
du Père et de l'Esprit saint; car les Juifs croyaient qu'il existe un Dieu et
admettaient aussi l'existence de l'Esprit saint, sans en avoir toutefois une
idée convenable, mais ils ne connaissaient pas l'existence du Fils. —
Saint Augustin : (Traité 14). Il venait de
dire du Fils : « Il ne lui a pas donné
i'Esprit avec mesure. » Il ajoute : «
Le Père aime le Fils » et encore : «
et il a tout remis entre ses mains » pour vous faire comprendre toute
l'étendue de ces paroles : « Le Père
aime le Fils. » En effet, le Père aime Jean ou Paul, et cependant il n'a
pas tout remis entre leurs mains. Le Père aime le Fils, mais comme un père
aime son fils, non pas comme un maître aime son serviteur; comme on aime non
pas un fils adoptif, mais comme un fils unique. C'est pour cela qu'il lui a
tout remis entre ses mains, afin que la grandeur du Fils soit égale à la
grandeur du Père. Lors donc qu'il a daigné nous envoyer son Fils,
gardons-nous de penser qu'il nous ait envoyé quelqu'un qui lui soit
inférieur. —
Théophylactus : Ainsi donc, en vertu de sa divinité, Dieu a tout donné à son Fils par
nature et non par grâce; ou bien il a tout remis entre ses mains, sous le
rapport de son humanité, car Notre Seigneur Jésus-Christ est le maître de
tout ce qui existe dans le ciel et sur la terre. —
Alcuin : Puisque toutes choses ont
été remises entre ses mains, donc aussi la vie éternelle. C'est pour cela que
Jean-Baptiste ajoute : « Celui qui
croit au Fils a la vie éternelle. » —
Saint Bède : La foi dont il est ici
question, n'est pas celle qui ne consiste qu'en paroles, mais la foi qui
reçoit sa perfection des œuvres. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 31). Jean ne veut donc
point dire qu'il suffit de croire au Fils pour avoir la vie éternelle,
puisque Notre Seigneur déclare lui-même ailleurs que ce ne sont pas ceux qui
se contentent de dire : Seigneur, Seigneur, qui entreront dans le royaume des
cieux. Il nous apprend encore que le blasphème contre l'Esprit saint suffit
pour précipiter dans l'enfer. Ne croyons pas même que la foi pleine et
entière au Père, au Fils et au Saint-Esprit, suffise pour le salut, il faut y
joindre une vie sainte et une conduite exemplaire. Et comme le saint
Précurseur sait que la menace des châtiments a plus d'efficacité que la
promesse des récompenses, il conclut son discours par ces paroles : « Celui qui ne croit point au Fils ne
verra pas la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui. » Remarquez
comme il fait remonter au Père l'idée de châtiment, il ne dit pas : La colère
du Fils, bien qu'il soit juge lui-même, il ne parle que de la juste colère du
Père pour leur inspirer une crainte plus vive. Et il ne dit point : La colère
de Dieu demeurera en lui, mais : « Elle
demeurera sur lui, » c'est-à-dire, qu'elle ne le quittera jamais. Et pour
qu'on ne pense pas qu'il ne s'agit ici que d'une mort temporelle, il ajoute :
« Il ne verra point la vie. » —
Saint Augustin : (Traité 14). Il ne dit point
: La colère de Dieu vient à lui, mais : «
Elle demeure sur lui, » parce que tous les hommes qui naissent à cette
vie mortelle, portent avec eux la colère de Dieu qui est tombée sur le
premier Adam. Le Fils de Dieu est venu sans avoir de péché, et il s'est
revêtu de notre immortalité, et il a souffert la mort pour nous rendre la
vie. Celui donc qui refuse de croire au Fils, mérite de voir demeurer sur lui
cette colère de Dieu, dont l'Apôtre a dit : « Nous étions par nature des enfants de colère. » (Ep 2) |
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Caput 4 |
CHAPITRE IV
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Lectio 1 |
Versets 1-6
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[86018] Catena in Io., cap. 4 l. 1 Glossa. Postquam ostendit Evangelista qualiter
Ioannes repressit discipulorum suorum invidiam, quam de profectu doctrinae
Christi conceperant; hic ostendit quomodo Christus declinavit Pharisaeorum
malitiam, qui contra ipsum ex eadem causa zelo invidiae movebantur; unde
dicitur ut ergo cognovit Iesus quia audierunt Pharisaei. Augustinus in Ioannem. Utique dominus, si sciret
Pharisaeos ita de se cognovisse quod plures discipulos faceret, et quod
plures baptizaret, ut eis hoc ad salutem valeret sequendi eum, non
relinqueret Iudaeam terram, sed propter illos maneret ibi; quia vero cognovit
eorum scientiam, simul et invidentiam, quia non hoc propterea didicerunt ut
sequerentur, sed ut persequerentur, abiit inde. Poterat quidem et praesens ab
his non teneri, si nollet; sed in omni re quam gessit ut homo, hominibus in
se credituris praebebat exemplum, quia unusquisque servus Dei non peccat si
secesserit in alium locum videns furorem se persequentium. Fecit ergo hoc
ille magister bonus, ut doceret, non ut timeret. Chrysostomus in Ioannem. Hoc etiam fecit mitigans
eorum invidiam. Conveniens est etiam eum hoc fecisse, ut non discrederetur
carnis dispensatio : si enim retentus effugisset, in suspicionem devenisset
veritas carnis. Augustinus. Fortassis autem hoc moveat quod dictum
est baptizabat plures quam Ioannes; et postea subiectum est quamquam Iesus
non baptizaret. Quid ergo? Falsum dictum erat, et correctum est? Chrysostomus. Non autem ipse Christus baptizabat;
sed relatores volentes erigere eos qui audiebant, in invidiam, ita
annuntiabant, scilicet quod Christus plures baptizaret quam Ioannes. Sed
cuius gratia ipse non baptizaret, Ioannes praedixit dicens : ipse vos
baptizabit in spiritu sancto et igne. Nondum autem spiritum sanctum dabat :
decenter igitur nec baptizabat. Discipuli vero id agebant, volentes multos
adducere ad salutarem doctrinam : ut enim non semper circumeuntes
congregarent eos qui credituri erant, ut in Simone et fratre fecit, ideo
baptizare instituerunt. Nihil enim amplius habebat discipulorum Baptisma,
Ioannis Baptismate : utrumque enim expers erat ea quae ex spiritu est gratia;
et utrique una causa erat, scilicet adducere ad Christum eos qui
baptizabantur. Augustinus. Vel aliter. Utrumque verum est : quia
Iesus et baptizabat et non baptizabat : baptizabat enim, quia ipse mundabat;
non baptizabat, quia non ipse tingebat. Praebebant discipuli ministerium
corporis; praebebat ille adiutorium maiestatis, de quo dictum est : hic est
qui baptizat. Alcuinus. Solet autem quaeri si in Baptismo
discipulorum Christi spiritus sanctus daretur, cum dicatur : spiritus sanctus
nondum erat datus, quia Iesus nondum erat glorificatus. Sed sciendum, quia
dabatur spiritus, licet non ea manifestatione qua post ascensionem in linguis
igneis datus est; quia sicut ipse Christus in homine quem ferebat, semper
habebat spiritum, sed tamen postea super ipsum baptizatum visibiliter
descendit spiritus in specie columbae; sic ante manifestum et visibilem
adventum spiritus sancti quicumque sancti eum latenter habere potuerunt. Augustinus ad Seleucianum. Intelligimus autem
discipulos Christi iam fuisse baptizatos sive Baptismo Ioannis, sicut
nonnulli arbitrantur, sive, quod magis credibile est, Baptismo Christi :
neque enim ministerio baptizandi defuit, ut haberet baptizatos servos per
quos ceteros baptizaret, qui non defuit illius humilitatis ministerio, quando
eis lavit pedes. Chrysostomus. Secedens autem Christus de Iudaea,
rursus eisdem adhaeret quibus et prius; unde subditur et abiit iterum in
Galilaeam. Sicut autem apostoli expulsi a Iudaeis ad gentes venerunt, ita et
Christus ad Samaritanos accedit; sed tamen omnem auferens a Iudaeis
excusationem, non principaliter ad eos vadit, sed quasi transiens; quod
Evangelista occulte ostendit, dicens oportebat autem eum transire per mediam
Samariam. Accepit autem hanc nominationem, quia mons Samariae Somer
dicebatur, ab eo qui possedit; sed qui ibi habitabant, olim non Samaritani,
sed Israelitae vocabantur. Tempore autem procedente offenderunt Deum, et rex
Assyriorum ultra eos ibi manere non permisit; sed in Babylonem et Medos
duxit; in Samaria vero gentes ex diversis locis ductas habitare fecit. Volens
autem Deus ostendere quod non propter imbecillitatem Iudaeos tradidit, sed
propter peccata eorum qui traditi sunt; immisit barbaris leones, qui eos
laedebant. Annuntiata sunt haec regi, et mittit sacerdotem quemdam,
traditurum eis Dei leges. Sed tamen neque ita ex toto ab impietate
destiterunt, sed ex media parte. Etenim tempore procedente rursus ad idola
quidam resilierunt; venerabantur tamen Deum qui a monte Samaritanos seipsos
vocabant. Beda. Ideo autem oportebat ipsum transire per
Samariam, quia sita est inter Iudaeam et Galilaeam. Est autem Samaria
insignis provinciae Palaestinae civitas, adeo ut tota regio ei sociata
Samaria dicatur. Ad quem igitur ipsius regionis locum dominus verterit,
Evangelista ostendit; unde dicitur venit ergo in civitatem Samariae, quae
dicitur Sichar. Chrysostomus. Locus ille erat ubi pro Dina, levi et
Simeon gravem occisionem fecerunt. Theophylactus. Postquam autem filii Iacob illam
civitatem desertam fecerunt, occidentes Sichimitas, hanc civitatem desertam
tempore procedente dedit Iacob in sortem Ioseph; unde dicitur : do tibi
partem unam extra fratres tuos, quam tuli de manu Amorrhaei, in gladio et
arcu meo; et hoc est quod subditur iuxta praedium quod dedit Iacob Ioseph
filio suo. Sequitur erat autem ibi fons Iacob. Augustinus in Ioannem. Puteus erat : sed omnis
puteus fons, non omnis fons puteus : ubi enim aqua de terra manat, et usum
praebet haurientibus, fons dicitur; sed si in promptu et superficie sit, fons
tantum dicitur; si autem in alto et in profundo sit, ita puteus vocatur ut
nomen fontis non amittat. Theophylactus. Quare autem Evangelista de praedio et
fonte facit mentionem? Primo quidem ut, cum audieris mulierem dicentem quod
pater noster Iacob dedit nobis hunc fontem, non admireris; secundo ex
commemoratione fontis et praedii edocemur quod ea quae patriarchae propter
fidem quam in Deo habebant, adepti sunt, Iudaei propter eorum impietatem
perdiderunt, et eorum loca gentibus tradita sunt : quare nihil novi nunc
accidit quod gentiles pro Iudaeis regnum caelorum consecuti sunt. Chrysostomus in Ioannem. Christus igitur in Samariam
accedens, facilem et deliciosam vitam abiciens, laboriosam vero sequens, non
subiugalibus utitur, sed ita difficulter incedit ut ex itinere fatigetur;
erudiens nos ita a superfluis alienos esse ut multa necessaria abscindamus a
nobis; et hoc Evangelista ostendit, dicens Iesus ergo fatigatus ex itinere.
Augustinus. Invenimus Iesum fortem et infirmum :
fortem, quia in principio erat verbum; infirmum, quia verbum caro factum est.
Sic ergo infirmus Iesus, ab itinere fatigatus, sedebat super fontem. Chrysostomus. Quasi dicat : non in throno aut
pulvinari, sed simpliciter ut contingebat super terram. Sessio autem propter
laborem facta est, et ut expectaret discipulos, et propter aestum
refrigeraret corpus apud fontem; unde sequitur hora autem erat quasi sexta.
Theophylactus. Et ne quis incusaret dominum quare
ipse Samariam venerit, cum hoc discipulis suis prohibuerit, propter hoc
dicit, quod circa illum locum sedebat, scilicet ab itinere fessus. Alcuinus. Mystice autem dominus reliquit Iudaeam,
idest infidelitatem eorum qui eum reprobaverunt, et per apostolos abiit in
Galilaeam, idest in volubilitatem huius mundi, docens suos transmigrare de
vitiis ad virtutes. Praedium autem non tam Ioseph quam Christo arbitror
derelictum, cuius figuram Ioseph portaverit; quem vere sol adorat et luna et
omnes stellae. Ad hoc praedium venit dominus, ut Samaritani, qui hereditatem
sibi patriarchae Israel vindicare cupiebant, agnoscerent, et converterentur
ad Christum, qui est patriarchae legitimus heres factus. Augustinus. Iter autem ipsius est caro pro nobis
assumpta : qui enim ubique est, quo it, nisi quia non ad nos veniret nisi
formam visibilis carnis assumeret? Ideo fatigatus ab itinere, quid est aliud
quam fatigatus in carne? Quare ergo hora sexta? Quia aetate saeculi sexta.
Computa tamquam unam horam, unam aetatem ab Adam usque ad Noe; secundam a Noe
usque ad Abraham; tertiam ab Abraham usque ad David; quartam a David usque ad
transmigrationem Babylonis; quintam usque ad Baptismum Ioannis; inde sexta
agitur. Augustinus Lib. 83 quaest. Hora igitur sexta venit
ad puteum dominus noster. Video in puteo tenebrosam profunditatem. Admoneor
ergo intelligere mundi huius infimas partes, idest terrenas, quo venit
dominus Iesus hora sexta, idest sexta aetate generis humani, tamquam
senectute veteris hominis, quo iubemur exui, ut induamur novo; nam sexta
aetas senectus est : quoniam prima est infantia, secunda pueritia, tertia
adolescentia, quarta iuventus, quinta grandaevitas. Hora etiam sexta venit
dominus ad puteum, idest medio die; unde iam incipit sol iste visibilis
declinare in occasum : quoniam nobis vocatis a Christo, visibilium delectatio
minuitur, ut invisibilium amore homo interior recreatus ad interiorem lucem,
quae numquam excidit, revertatur. Quod autem sedit, humilitatem significat :
vel quoniam solent sedere doctores, magistri denuntiat personam. |
— La Glose : Après avoir rapporté comment Jean-Baptiste réprima les mouvements de jalousie
qu'excitait dans ses disciples le progrès de la doctrine de Jésus-Christ,
l'Evangéliste nous apprend ici comment le Sauveur se dérobe à la méchanceté
des pharisiens qui, pour la même raison, étaient animés contre lui des mêmes
sentiments d'envie : « Jésus donc ayant
su que les pharisiens avaient appris, etc...» —
Saint Augustin : (Traité 15). Si Notre
Seigneur avait prévu que les pharisiens, en apprenant qu'il faisait plus de
disciples que Jean-Baptiste, et qu'il en baptisait un plus grand nombre, se
détermineraient à marcher à sa suite pour sauver leur âme, il n'aurait point
quitté la Judée, et il y serait resté dans leur intérêt. Mais comme il vit
que cette connaissance ne produisait en eux que de l'envie, et leur inspirait
le désir, non de le suivre, mais de le persécuter, il s'éloigna de la Judée.
Il eut pu sans doute leur échapper s'il eût voulu, tout en restant au milieu
d'eux, mais dans toutes les actions qu'il a faites comme homme, il s'est
proposé de donner l'exemple à ceux qui devaient croire en lui, et de leur
apprendre qu'un serviteur de Dieu ne pèche pas en se retirant dans un autre
lieu pour se dérober à la fureur de ses persécuteurs. Ce n'est donc point par
crainte que le bon maître agit ainsi, mais pour nous instruire. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 31). Il le fit aussi
pour calmer leur jalousie. Il convenait qu’il agisse ainsi pour ne pas
affaiblir la foi au mystère de son incarnation, car la vérité de sa chair eût
pu paraître douteuse, si on l'avait vu échapper visiblement aux mains de ses
ennemis. —
Saint Augustin : (Traité 15). On sera
peut-être surpris de voir l'Evangéliste s'exprimer de la sorte : « Jésus en baptisait un plus grand nombre,
» et ajouter aussitôt : « quoique
Jésus ne baptisât point lui-même. » Quoi donc ? Est-ce que la première
proposition était fausse et avait besoin d'être rectifiée ? —
Saint Jean Chrysostome : (hom, 31). Le fait est que
Jésus-Christ ne baptisait pas lui-même, mais ceux qui firent ce rapport
affirmèrent que Jésus en baptisait un plus grand nombre que Jean, pour
exciter la jalousie de ceux qui les écoutaient. Jean-Baptiste nous donne du
reste la raison pour laquelle le Sauveur ne baptisait pas, lorsqu'il dit : « il vous baptisera lui-même dans l'Esprit
saint et dans le feu. » Or, comme il ne donnait pas encore l'Esprit
saint, il était convenable qu'il ne baptisât pas encore. Quant à ses
disciples, ils le faisaient pour en amener un plus grand nombre à la doctrine
du salut. C'est afin de n'être pas obligés de parcourir la Judée pour réunir
ceux qui devaient embrasser la foi, comme Jésus avait fait pour Simon et son
frère, qu'ils adoptèrent l'usage du baptême, car le baptême des disciples
n'avait rien de plus que le baptême de Jean, l'un et l'autre étaient
dépourvus de la grâce qui vient de l'Esprit, et tous deux avaient un seul et
même but, celui d'amener à Jésus-Christ ceux qui étaient baptisés. —
Saint Augustin : (Traité 15). On peut dire
encore que ces deux propositions sont vraies, c'est-à-dire que Jésus
baptisait et ne baptisait pas; il baptisait, parce que c'est lui qui
purifiait les âmes, et il ne baptisait pas, parce qu'il ne plongeait pas
lui-même dans l'eau. Les disciples prêtaient leur ministère extérieur, mais
lui, dont Jean-Baptiste disait : «
C'est lui qui baptise, » donnait à ce baptême l'appui d'une majesté toute
divine. —
Alcuin : On demande ordinairement si
on recevait le Saint-Esprit dans le baptême du Christ, puisqu'il est dit dans
l'Evangile selon saint Jean : «
L'Esprit saint n'était pas encore donné, parce que Jésus n'était pas encore
glorifié. » Nous répondons que l'Esprit saint était donné, mais sans
cette manifestation éclatante qui eut lieu, lorsqu'après l'ascension, il
descendit sur les Apôtres sous la forme de langues de feu. Jésus-Christ
posséda toujours l'Esprit saint dans l'humanité qu'il s'était unie, et
cependant l'Esprit saint descendit visiblement sur lui sous la forme d'une
colombe, lorsqu'il fut baptisé; c'est ainsi qu'avant l'avènement éclatant et
public de l'Esprit saint, quelques saints ont pu le recevoir d'une manière
plus secrète. —
Saint Augustin : (Lett. 18 à Séleucis). Il
faut admettre que les disciples de Jésus-Christ étaient déjà baptisés, soit
du baptême de Jean, comme le pensent certains, soit (ce qui est plus
vraisemblable) du baptême de Jésus-Christ; il n'est pas probable, en effet,
que le Sauveur ait omis de baptiser ses disciples qui devaient baptiser les
autres en son nom, lui qui remplit si exactement l'humble ministère de leur
laver les pieds. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 31). En s'éloignant de
la Judée, Notre Seigneur reprenait la suite de ses premiers desseins : « Et il s'en alla de nouveau en Galilée. »
Jésus vient chez les Samaritains, pour le même motif que les Apôtres,
repoussés par les Juifs, allèrent chez les Gentils; cependant, pour ôter toute
excuse aux Juifs, les Samaritains ne sont point le but principal de son
voyage, et il ne vient chez eux qu'en passant, c'est ce que l'Evangéliste
exprime en disant : « Or, il lui
fallait passer par la Samarie. » Cette contrée fut ainsi appelée, parce
que la montagne de Samarie, [qui donna son nom à la ville qu'on y bâtit],
s'appelait Somer, du nom de son ancien possesseur. Les premiers habitants de
cette ville et de cette contrée ne s'appelaient pas autrefois Samaritains,
mais Israélites. Dans la suite des temps, ils transgressèrent les lois de
Dieu, le roi d'Assyrie ne voulut plus les laisser dans leur pays, il les
emmena à Babylone et dans la Médie, et le repeupla de colons tirés de
diverses provinces assyriennes. Mais Dieu voulant prouver que ce n'était
point par impuissance qu'il avait livré les Juifs [aux mains de leurs ennemis],
mais pour les punir de leurs crimes, envoya contre ces peuples barbares et
idolâtres des lions qui dévastaient le pays. Le roi d'Assyrie, en ayant été
instruit, leur envoya un prêtre Israélite pour leur enseigner le culte et les
lois du Dieu des Juifs. Toutefois ils ne renoncèrent pas entièrement à leur
impiété, mais seulement en partie, et ils revinrent insensiblement au culte
des idoles, ils y mêlaient cependant le culte du vrai Dieu. Ils prirent le
nom de Samaritains, de la montagne même de Samarie. —
Saint Bède : Il lui fallait passer par la
Samarie, qui est située entre la Judée et la Galilée. Samarie est une des
villes les plus remarquables de la Palestine, et tellement importante [par sa
population], qu'elle a donné son nom à toute la contrée qui l'entoure. Or,
l'Evangéliste nous indique dans quel endroit de cette contrée Notre Seigneur
s'arrêta : « Il vint donc dans une
ville de Samarie, nommé Sichar. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 31). C'était le lieu
où Lévi et Siméon se vengèrent d'une manière sanglante de l'outrage fait à
Dina, leur sœur. (Gn 34) — Théophylacte : [référence à
vérifier] Après
que les fils de Jacob eurent rendu cette ville déserte par le meurtre des
Sichimites, le patriarche la donna par la suite en héritage à son fils
Joseph; [c'est à cette donation qu'il faisait allusion] lorsqu'il lui dit : « Je te donnerai de plus qu'à tes frères
la part de mon héritage que j'ai conquise par mon glaive et par mon arc de la
main des Amorrhéens, » (Gn 48) et que l'Evangéliste rappelle en ces
termes : « près de l'héritage que Jacob
donna à son fils Joseph. Là était le puits de Jacob. » —
Saint Augustin : (Traité 15). C'était un
puits, or tout puits est une fontaine (ou une source), mais toute fontaine
n'est pas un puits. L'eau qui jaillit des entrailles de la terre et satisfait
aux besoins de ceux qui viennent y puiser, s'appelle une source; si elle
jaillit à la surface de la terre et qu'elle soit comme sous la main, ce n'est
qu'une source, mais si l'eau est à une grande profondeur dans l'intérieur de
la terre, c'est un puits, mais il ne perd pas le nom de source. — Théophylactus : Mais pourquoi l'Evangéliste fait-il mention de cette fontaine et de
cet héritage ? Premièrement, pour que vous n'éprouviez aucune surprise
lorsque vous entendrez dire à cette femme que c'est leur père Jacob qui leur
a donné ce puits; secondement, pour vous apprendre par le souvenir de ce
puits et de cet héritage que les Juifs ont perdu par leur impiété ce que les
patriarches avaient reçu comme récompense de la foi qu'ils avaient en Dieu,
et que ces lieux avaient été livrés aux nations idolâtres; il n'y a donc rien
de nouveau ni d'étonnant à ce que le royaume des cieux passe encore des Juifs
aux Gentils. —
Saint Jean Chrysostome : (hom 31). Notre Seigneur
Jésus-Christ en se rendant dans la Samarie, ne fait usage d'aucune des
commodités de la vie, il choisit ce qu'il y a de plus pénible, il ne se sert
point de monture, et entreprend à pied un voyage si difficile qu'il en
éprouve une grande fatigue; ainsi nous apprend-il à renoncer à toutes les
superfluités et à nous priver même de beaucoup de choses nécessaires : C'est
ce que veut exprimer l'Evangéliste par ces paroles : « Jésus, fatigué de la route, [s'assit sur le bord du puits]. » —
Saint Augustin : (Traité 15). Il semble dire
: Nous avons trouvé Jésus à la fois plein de force et de faiblesse; plein de
force, parce qu'il est le Verbe qui était au commencement; plein de
faiblesse, parce que le Verbe s'est fait chair. C'est donc Jésus faible [parce
qu'il l'a voulu], qui, fatigué de la route, s'assied sur les bords du puits. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 31). Ainsi, ce n'est
ni sur un trône, ni sur des coussins qu'il est assis, mais simplement sur la
terre, comme cela se rencontrait. Il s'assied à cause de son effort, et pour
attendre ses disciples, et pour reposer et rafraîchir près de cette fontaine
son corps fatigué de la route et des ardeurs du soleil : « Or, il était environ la sixième heure. » — Théophylactus : L'Evangéliste prévient le reproche qu'on pourrait faire au Sauveur de
venir dans la Samarie après avoir lui-même défendu à ses disciples d'y aller,
en faisant remarquer que c'est pour se reposer de la fatigue du chemin que
Jésus s'est assis dans cet endroit. —
Alcuin : Dans le sens mystique, le
Seigneur quitte la Judée, (c'est-à-dire l'incrédulité de ceux qui ont refusé
de le recevoir), il s'en va dans la personne de ses apôtres en Galilée,
figure de la rapidité du monde, et nous apprend ainsi à passer nous-mêmes des
vices à la pratique des vertus. Ce champ, à mon avis, avait été laissé moins
à Joseph qu'à Jésus-Christ dont il était la figure, et qu'adorent
véritablement le soleil, la lune et les étoiles. Le Seigneur se rend dans ce champ,
afin que les Samaritains, qui revendiquaient pour eux l'héritage du
patriarche Jacob, puissent reconnaître le Christ qui est le légitime héritier
du patriarche, et se convertir à lui. —
Saint Augustin : (Traité 15). Le chemin qu'il
fait, c'est la chair qu'il a prise pour notre salut, car pour celui qui est
partout, venir à nous, c'est se revêtir d'une chair visible. Il est fatigué
de la route, c'est-à-dire fatigué des infirmités naturelles à la chair. Que
signifie la sixième heure ? Le sixième âge du monde. Comptez en effet comme
la première heure, le premier âge d'Adam jusqu'à Noé; le second, de Noé à
Abraham; le troisième d'Abraham jusqu'à David : le quatrième, de David
jusqu'à la transmigration de Babylone; le cinquième, de la transmigration de
Babylone jusqu'au baptême de Jean où commence le sixième âge. —
Saint Augustin : (Liv. des 83 Quest., quest.
64). C'est donc à la sixième heure du jour que Notre Seigneur vint s'asseoir
sur le bord du puits. Je vois dans ce puits une profondeur ténébreuse, je suis
autorisé à y reconnaître les parties inférieures de ce monde, c'est-à-dire la
terre sur laquelle le Seigneur Jésus est venu à la sixième heure,
c'est-à-dire au sixième âge du genre humain qui représente la vieillesse de
l'homme ancien dont nous devons nous dépouiller pour nous revêtir du nouveau.
La sixième heure en effet représente la vieillesse; la première, l'âge le
plus tendre; la seconde, l'enfance; la troisième, l'adolescence; la
quatrième, la jeunesse; la cinquième, l'âge mûr. Notre Seigneur vient encore
s'asseoir sur le bord de ce puits, vers la sixième heure, c'est-à-dire au
milieu du jour, alors que le soleil commence à descendre vers le couchant,
parce qu'en effet lorsque Jésus-Christ nous appelle à lui, nous sentons le
goût des biens visibles s'affaiblir en nous pour faire place à l'amour des
choses invisibles et les yeux de notre âme se tourner vers cette lumière
intérieure qui ne se couche jamais. Notre Seigneur est assis, ce qui peut
figurer son humilité, ou bien comme les docteurs ont coutume d'être assis,
pour nous rappeler qu'il est notre véritable maître. |
Lectio 2 |
Versets 7-12 |
[86019] Catena in Io., cap. 4 l. 2 Chrysostomus
in Ioannem. Ne quis dicat quoniam adversatur suo praecepto, Samaritanis
loquens, posuit Evangelista multas causas eius quae ad mulierem est
locutionis : non enim ad hoc venit antecedenter, ut Samaritanis loqueretur :
non tamen quia propter hoc non venit, advenientem ad se expellere oportebat;
dicitur enim venit mulier de Samaria haurire aquam. Vide quod et mulierem ostendit
propter aestum exeuntem ad aquam. Augustinus in Ioannem. Haec autem mulier forma est
Ecclesiae, non iustificatae, sed iam iustificandae. Pertinet autem ad
imaginem rei, quod ab alienigenis venit : Samaritani enim alienigenae
fuerunt, quamquam vicinas terras incolerent : ventura enim erat Ecclesia de
gentibus, et aliena a genere Iudaeorum. Theophylactus. Congrue autem disputatio ad mulierem
a siti sumpsit occasionem; sequitur enim dicit ei Iesus : da mihi bibere :
quia secundum humanitatem sitiebat et propter laborem et propter aestum. Augustinus Lib. 83 quaest. Sitiebat etiam Iesus
mulieris illius fidem : eorum enim fidem sitit pro quibus sanguinem fudit.
Chrysostomus. Discimus autem domini non solum circa itinera validum robur,
sed etiam circa cibaria negligentiam : non enim discipuli eius deferebant
victualia; propter hoc enim subdit discipuli autem eius abierant in
civitatem, ut cibos emerent. Hinc etiam Evangelista ostendit Christum humilem
in eo quod solus relinquebatur. Et nimirum poterat, si vellet, aut non omnes
emittere, aut abeuntibus illis alios ministros habere; sed noluit : etenim
ita discipulos assuefecit omnem superbiam conculcare. Sed fortasse dicet
aliquis : quid magnum est si humiles erant discipuli, piscatores existentes
et tabernaculorum factores? Sed repente facti sunt omnibus regibus
reverentiores, collocutores et secutores domini orbis terrarum. Maxime autem
qui ex humilibus sunt, quando dignitates quandoque assumpserint, facilius ad
superbiam elevantur, velut inexperte se habentes ad tantum honorem. Detinens
igitur discipulos dominus in eadem humilitate erudiebat eos ut per omnia se
restringerent. Mulier ergo audiens da mihi bibere, valde sapienter ad
formandam interrogationem eum qui a Christo accepit sermonem; unde sequitur
dicit ergo illi mulier : quomodo tu cum Iudaeus sis, a me bibere poscis, quae
sum mulier Samaritana? Iudaeum quidem eum esse aestimavit a figura et a
locutione. Intuere vero qualiter mulier inquisitiva erat. Etsi enim oportebat
custodire Iesum, ut non couteretur illi; non tamen oportebat illam custodire.
Non enim dixit Evangelista quod Samaritani Iudaeis non couterentur, sed
subdit non enim coutuntur Iudaei Samaritani. Iudaei igitur a captivitate
revertentes zelotype se ad Samaritanos habebant, sicut ad alienigenas et
impugnatores. Neque etiam Scripturis omnibus utebantur : solum enim ea quae
Moysi sunt suspicientes, prophetarum non multam curam habebant. Contendebant
etiam se in nobilitatem Iudaicam immittere : unde et Iudaei eos cum omnibus
gentibus abominabantur. Augustinus in Ioannem. Et omnino eorum vasculis non
utebantur Iudaei. Et quia ferebat secum mulier vasculum, unde aquam hauriret,
eo mirata est, quia Iudaeus petebat ab ea bibere, quod non solebant facere
Iudaei. Chrysostomus. Sed qualiter Christus quaesivit ab ea
bibere, lege non concedente? Si autem quis dixerit, quia praesciebat eam non
daturam; immo propter hoc neque petere oportebat. Est igitur dicendum, quod
ideo petiit, quia indifferens erat de reliquo tales observantias praeterire.
Augustinus. Ille autem qui bibere quaerebat,
sitiebat fidem ipsius mulieris; unde sequitur respondit Iesus, et dixit ei :
si scires donum Dei, et quis est qui dicit : da mihi bibere, tu forsitan
petisses ab eo, et dedisset tibi aquam vivam. Origenes in Ioannem. Nam quasi dogma quoddam est,
neminem accipere divinum donum ex non quaerentibus illud : ipsum autem
salvatorem iubet pater poscere, ut det illi, secundum illud : postula a me,
et dabo tibi gentes hereditatem tuam. Et ipse salvator dicit : petite et dabitur
vobis. Et ideo signanter dicit petisses et dedisset tibi. Augustinus Lib. 83 quaest. Hic autem ei ostendit non
se talem aquam petisse qualem ipsa intellexerat; sed quia ipse sciebat fidem
eius, eidem sitienti spiritum sanctum dare cupiebat. Hanc enim recte
intelligimus aquam vivam, quod est donum Dei, sicut ipse ait si scires donum.
Augustinus. Dicitur enim vulgo aqua viva illa quae
de fonte exit : illa enim quae colligitur de pluvia in lacunas aut cisternas,
aqua viva non dicitur : et si de fonte manaverit, et in loco aliquo collecta
steterit, nec ad se illud unde manabat admiserit, sed in rupto meatu tamquam
a fontis tramite separata fuerit, non dicitur aqua viva. Chrysostomus in Ioannem. Spiritus enim sancti
gratiam quandoque Scriptura ignem, quandoque aquam vocat; ostendens quoniam
non substantiae sunt haec nomina repraesentativa, sed actionis. Per ignis
quidem appellationem erectivum et calidum gratiae, et consumptivum peccatorum
aenigmatice insinuat : per aquae vero nuncupationem purgamentum quod est ex
spiritu, et multum refrigerium recipientibus eum mentibus ostendit. Theophylactus. Gratiam ergo spiritus sancti dixit
aquam vivam, idest vivificativam, refrigerativam et motivam. Nam gratia
spiritus sancti semper movet illum qui bona operatur, ascensiones in corde
suo disponens. Chrysostomus. Iterum autem dominus eam ab humili
suspicione erexit, qua existimabat eum unum multorum esse : multum enim
honorem tribuens, dominum vocat; sequitur enim dicit ei mulier : domine,
neque in quo haurias habes, et puteus altus est : unde ergo habes aquam
vivam? Augustinus in Ioannem. Videte quomodo intellexit
aquam vivam, scilicet aquam quae erat in illo fonte; quasi dicat : tu mihi
vis dare aquam vivam, et ego fero unde hauriam et tu non fers : de hac ergo
aqua viva mihi dare non potes, quoniam hauritorium non habes. Forte alium
fontem promittis? Sed numquid tu maior es patre nostro Iacob, qui dedit nobis
puteum, et ipse ex eo bibit, et filii eius, et pecora eius? Chrysostomus. Quasi dicat : non potes dicere quod
Iacob dedit nobis hunc fontem, et alio ipse usus est : etenim ipse et sui ex
eo bibebant : quod non esset, si meliorem alium habuissent. De hoc igitur
fonte dare non potes : alium autem meliorem non est te habere, nisi
confitearis te ipsum maiorem esse Iacob. Unde igitur habes aquam quam
promittis te daturum nobis? Theophylactus. Quod autem dicit et pecora eius,
ostensivum est abundantiae aquarum; quasi dicat : non solum suavis est aqua,
ut Iacob ex ea biberet et filii eius; sed etiam intantum est abundans, ut
tantae multitudini pecorum patriarchae sufficiat. Chrysostomus. Vide
autem qualiter seipsam impulit in nobilitatem Iudaicam. Samaritani enim
Abraham progenitorem suum dicebant, quasi a Chaldaea existentem; sed et Iacob
patrem vocabant, quasi ipsius existentem nepotem. Beda. Vel patrem suum Iacob vocat, quia ipsa sub
lege Moysi vixerat, et praedium quod Iacob filio suo Ioseph dederat
possidebat. Origenes in Ioannem. Mystice autem fons Iacob
Scripturae sunt; siquidem instructi in Scripturis bibunt ut Iacob et filii
eius; simplices autem et rudes bibunt more pecorum Iacob. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 31). Pour qu’on ne
dise pas que le Sauveur allait contre le commandement qu'il avait fait en
parlant aux Samaritains, l'Evangéliste nous donne plusieurs raisons de la
conversation qu'il eut avec cette femme. D'abord il n'était point venu dans
le dessein premier de s'entretenir avec des Samaritains. Mais il ne fallait
pas pour cela repousser cette femme qui venait à lui, comme le remarque l'Evangéliste
: « Or, une femme de Samarie vint
puiser de l'eau ». Vous voyez que cette femme vient puiser de l'eau à
cause de la chaleur. —
Saint Augustin : (Traité 15). Cette femme est
la figure de l'Eglise qui n'est pas encore justifiée, mais qui va l’être.
C'est comme symbole de ce qui doit arriver, qu'elle vient du milieu des
étrangers. Car les Samaritains étaient des étrangers [pour les Juifs] quoique
habitant une contrée voisine. Or, l'Eglise aussi devait venir du milieu des
nations et d'une race étrangère à celle des Juifs. —
Théophylactus : La discussion avec cette femme commence très à-propos à l'occasion de
la soif [qu'éprouvait le Sauveur] : «
Jésus lui dit : Donnez-moi a boire. » Il avait soif en effet dans sa
nature humaine par suite de la fatigue et de la chaleur. —
Saint Augustin : (Quest. 83, quest. 64).
Jésus avait soif aussi de la foi de cette femme, car il a soif de la foi de
tous les hommes pour lesquels il a répandu son sang. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 31). Notre Seigneur
non seulement affronte courageusement les difficultés de la route, mais se
montre plein d'indifférence pour la nourriture, car ses disciples ne
portaient point de vivres avec eux, comme nous le voyons par la suite du
récit : « Ses disciples étaient allés
dans la ville acheter de quoi manger. » L'Evangéliste nous fait encore
ressortir l'humilité de Jésus qui consentait à ce qu'on le laissât seul. Il
aurait pu s'il avait voulu, ou en garder quelques-uns près de lui, ou a leur
défaut, avoir d'autres serviteurs, il ne le voulut pas, pour apprendre à ses
disciples à fouler aux pieds tout orgueil. On me dira, peut-être, quoi
d'étonnant que les disciples fussent humbles eux qui n'étaient que de simples
pécheurs et des fabricants de tentes ? Mais ne sont-ils pas devenus tout d'un
coup plus dignes de vénération que tous les rois, eux les amis et les intimes
du Seigneur de l'univers entier ? Ne voit-on pas en effet ceux qui sortent
d'une condition obscure et qui sont élevés à quelque dignité, être plus
accessibles à l'orgueil, et comme incapables de supporter le poids d'un si
grand honneur ? Le Seigneur donc, en maintenant ses disciples dans les mêmes
sentiments d'humilité, leur apprenait à se modérer en toutes choses. Or,
cette femme trouve dans ces paroles du Sauveur : « Donnez-moi à boire, » une occasion toute naturelle de lui faire
cette question : « Comment vous qui
êtes Juif, me demandez-vous à boire à moi qui suis Samaritaine ? » Elle
présuma qu'il était Juif à sa figure et à son langage. Mais voyez la
circonspection de cette femme, car si Jésus devait se garder de tout commerce
avec elle, elle n'avait point les mêmes raisons d'éviter tout rapport avec
lui. L'Evangéliste en effet ne dit point que les Samaritains n'ont point de
commerce avec les Juifs, mais que les Juifs n'ont point de commerce avec les
Samaritains. Depuis le retour de la captivité, les Juifs étaient en garde
contre les Samaritains et les regardaient comme des étrangers et des ennemis,
car ils ne recevaient pas toutes les Ecritures, et n'admettaient que le livre
de Moïse, sans tenir beaucoup de compte des prophètes. Ils prétendaient avoir
part à la noblesse du peuple juif qui les avait en horreur à l'égal des
autres nations infidèles. —
Saint Augustin : (Traité 15). Les Juifs
n'auraient voulu à aucun prix se servir des vases qui étaient à l'usage des
Samaritains; aussi cette femme qui portait un vase pour puiser de l'eau,
s'étonnait qu'un Juif lui demandât à boire, ce que ne faisaient jamais les
Juifs. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 31). Mais comment
Jésus peut-il lui demander à boire, malgré la défense de la loi ? Dira-t-on
qu'il prévoyait bien qu'elle n'accéderait pas à sa demande ? C'était une
raison de ne pas la faire. Disons donc qu'il lui demande à boire parce que le
temps était venu où l'on pouvait sans se rendre coupable, laisser de côté de
telles observances. —
Saint Augustin : (Traité 15). Celui qui lui
demandait à boire avait soif de la foi de cette femme. Aussi « Jésus lui répondit : Si vous connaissiez
le don de Dieu, et qui est celui qui vous dit : ‘Donnez-moi à boire’,
c’est vous qui lui auriez demandé, et il vous aurait donné de l’eau vive.»
— Origène : (Traité 14 sur Saint Jean). C'est une
vérité des mieux établies en effet que les grâces divines ne sont pas accordées
à ceux qui ne les demandent pas. Ainsi le Père fait un commandement au
Sauveur de lui demander ce qu'il désire obtenir : « Demandez-moi, et je vous donnerai les nations pour héritage. »
(Ps 2) Notre Seigneur lui-même nous en fait un précepte : « Demandez, et vous recevrez » (Mt 7,
Lc 11), et voilà pourquoi il dit ici : «
Peut-être lui en auriez-vous demandé, et il vous aurait donné une eau vive.» —
Saint Augustin : (Liv. des 83 Quest. quest.
64). Il cherche à lui faire comprendre que l'eau qu'il lui demandait n'était
pas celle qu'elle entendait, mais qu'il connaissait sa foi et qu'elle avait
soif elle-même de l'Esprit saint qu'il désirait lui donner. Car cette eau
vive, si nous la comprenons bien, c'est le don de Dieu, comme le Sauveur dit
expressément : « Si vous connaissiez le
don de Dieu. » —
Saint Augustin : (Traité 15). On donne
ordinairement le nom d'eau vive à celle qui jaillit d'une source; car pour
l'eau de pluie qu'on recueille dans des fossés et dans des citernes, ce n'est
point de l'eau vive. De même on ne peut appeler de l'eau vive l'eau qui vient
d'une source, mais qu'on a recueillie dans un réservoir où ne coule pas la
source d'où elle provient, et dont le cours se trouve interrompu de manière à
séparer cette eau de la source qui l'a produite. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 32). L'Ecriture sainte
donne à la grâce de l'Esprit saint tantôt le nom d'eau, tantôt le nom de feu,
ce qui est une preuve que ces noms ne sont pas l'expression de la substance
de cette personne divine, mais de son action. Le feu est l'emblème de l'efficacité
et de la ferveur de la grâce pour effacer et détruire le péché, et l'eau est
la figure de l'action purifiante de l'Esprit saint, et le rafraîchissement
divin qu'il donne aux âmes qui le reçoivent. — Théophylactus : Il appelle la grâce de l'Esprit saint une eau vive, vivifiante, rafraîchissante
et active, car la grâce de l'Esprit saint dirige et conduit celui qui fait le
bien et dispose dans son cœur les degrés, par lesquels il s'élève jusqu'à
Dieu. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 32). Le Sauveur a déjà
modifié l'opinion que cette femme avait d'abord de lui, en le regardant comme
un homme ordinaire; elle le traite avec plus d'égards, et lui donne le nom de
Seigneur : « Cette femme lui dit :
Seigneur, vous n'avez pas avec quoi puiser, et le puits est profond; d'où
auriez-vous donc de l'eau vive ? » —
Saint Augustin : (Traité 15). Vous voyez que
la Samaritaine n'entendait par eau vive que celle qui était dans le puits, et
qu'elle semble dire à Notre Seigneur : Vous voulez me donner de l'eau vive,
mais j'ai seule le vase nécessaire pour la puiser, et vous ne l'avez pas;
vous ne pouvez donc pas me donner cette eau vive, puisque vous n'avez pas de
quoi la puiser. Peut-être me promettez-vous l'eau d'une autre source, mais
êtes-vous plus puissant que notre père Jacob, qui nous a donné ce puits, et
en a bu lui-même, aussi bien que ses enfants et ses troupeaux ? —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 31). Voici le sens de
ces paroles : « Vous ne pouvez pas dire que Jacob nous a donné ce puits, il
est vrai, mais qu'il a fait usage d'un autre. Car lui, aussi bien que ses
enfants, ont bu de cette eau, ce qu'ils n'eussent pas fait, s'ils avaient eu
une source meilleure. Vous ne pouvez donc prétendre avoir une fontaine
meilleure que celle-ci, à moins que vous ne vous donniez comme un personnage
plus grand que Jacob. Mais d'où ferez-vous venir cette eau que vous me
promettez ? — Théophylactus : Elle ajoute : « et ses
troupeaux, » pour montrer combien ces eaux étaient abondantes, et comme
si elle disait : Cette eau est si bonne, que Jacob en a bu ainsi que ses
enfants; et elle est si abondante, qu'elle a suffi pour abreuver les nombreux
troupeaux du patriarche. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 3l). Voyez comme cette
femme prétend ouvertement partager l'honneur de la nation juive. Les
Samaritains, en effet, regardaient Abraham comme leur ancêtre, parce qu'il
était chaldéen d'origine, et ils appelaient Jacob leur père, parce qu'il
était le petit-fils d'Abraham. —
Saint Bède : Ou bien, elle appelle Jacob
son père, parce qu'elle avait vécu sous la loi de Moïse, et que la nation
possédait l'héritage que Jacob avait donné à son fils Joseph. — Origène : (Traité 14 sur Saint Jean). Dans le
sens mystique, le puits de Jacob, ce sont les saintes Ecritures, ceux qui
sont versés dans la connaissance de ces saintes lettres boivent comme Jacob
et ses enfants; les esprits simples et ignorants boivent comme les troupeaux
du patriarche. |
Lectio 3 |
Versets13-18
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[86020] Catena in Io., cap. 4 l. 3 Chrysostomus in
Ioannem. Cum mulier quaesivisset numquid maior es patre nostro Iacob? Non
dixit : maior sum, ne videretur gloriari; sed per ea quae subdit, hoc
ostendit; sequitur enim respondit Iesus, et dixit ei : omnis qui biberit ex
aqua hac, sitiet iterum; qui autem biberit ex aqua quam ego dabo ei, non
sitiet in aeternum; quasi dicat : si mirabilis fuit Iacob, quia hanc aquam
dedit; si dabo tibi multo hac potiorem, quid dices? Non autem ab accusatione,
sed ex supereminentia comparationem facit : non enim dicit quoniam haec aqua
vilis est et contemptibilis; sed id quod natura testatur, hoc ponit, scilicet
omnis qui bibit ex aqua hac, sitiet iterum. Augustinus in Ioannem. Quod quidem verum est et de
aqua sensibili, et de ea quam significat illa aqua : etenim aqua in puteo
voluptas est saeculi in profunditate tenebrosa : hic eam hauriunt homines
hydria cupiditatum : nam qui non praemiserit cupiditatem, pervenire non
potest ad voluptatem. Cum pervenerit quisque ad voluptatem saeculi huius,
numquid non iterum sitiet? Ergo de hac aqua qui biberit, sitiet iterum. Si
autem acceperit a me aquam, non sitiet in aeternum : nam quomodo sitient qui
inebriabuntur ab ubertate domus Dei? Promittebat ergo venam quamdam in
satietatem spiritus sancti. Chrysostomus. Hanc autem excellentiam huius aquae,
ut scilicet qui ex ea biberit, non sitiat in aeternum, per ea quae
consequuntur ostendit; sequitur enim sed aqua quam ego dabo ei, fiet in eo
fons aquae salientis in vitam aeternam; quasi dicat : sicut qui fontem habet
intra se positum, nequaquam afficietur siti; ita et qui hanc aquam habet,
scilicet quam ego ei dabo. Theophylactus. Nam aqua quam ego tribuo, semper
multiplicatur : semina enim et principium boni, sancti sumunt per gratiam;
ipsi vero negotiantur et operantur ad eius augmentum. Chrysostomus. Vide autem qualiter mulier paulatim ad
dogmatum altitudinem ducitur : nam primum quidem aestimavit eum iniquum
quemdam esse Iudaeum : deinde audiens aquam vivam, suspicata est de sensibili
hoc dici : postea discens quoniam spiritualia erant quae dicebantur, credidit
quidem quoniam potest aqua sitis necessitatem tollere; nondum autem sciebat
quae esset haec aqua, sed quaerebat eam, superiorem sensibilibus aestimans;
unde subditur dicit ad eum mulier : domine, da mihi hanc aquam, ut non sitiam
neque veniam huc haurire. Et sic eum patriarchae Iacob praeponit, de quo tam
magnam opinionem habebat. Augustinus. Vel aliter. Adhuc illa mulier carnem
sapit : delectata est non sitire, et putabat hoc secundum carnem sibi
promissum esse a domino. Dederat autem Deus aliquando servo suo Eliae ut per
dies quadraginta nec esuriret, nec sitiret : qui hoc potuit dare per
quadraginta dies, non poterat dare semper? Delectata autem tali munere rogat
ut ei aquam vivam daret; unde sequitur dicit ad eum mulier : domine, da mihi
hanc aquam, ut non sitiam, neque veniam huc haurire. Ad laborem enim
indigentia cogebat, et laborem infirmitas recusabat : utinam audiret : venite
ad me, omnes qui laboratis et onerati estis, et ego vos reficiam. Hoc enim
dicebat Iesus, ut iam non laboraret; sed illa nondum intelligebat. Denique
voluit dominus ut intelligeret; unde sequitur dicit ei Iesus : vade, voca
virum tuum, et veni huc. Quid est hoc? Per virum suum ei volebat aquam illam
dare. An quia non intelligebat, per virum suum eam volebat docere? Forte
sicut apostolus dicit de mulieribus : si quae volunt discere, domi viros suos
interrogent. Sed ibi dicitur, ubi non est Iesus qui doceat; cum vero ipse
dominus aderat, quid opus erat ut per virum ei loqueretur? Numquid per virum
loquebatur Mariae, quae sedit ad pedes eius? Chrysostomus in Ioannem. Quia igitur instabat
mulier, accipere aquam promissam quaerens, dicit ei Iesus : voca virum tuum :
quasi ostendens quoniam et illum oportet his communicare. Haec autem
festinans accipere, et rei turpitudinem occultans, adhuc aestimabat se ad
hominem loqui; unde sequitur respondit mulier, et dixit : non habeo virum.
Hoc audiens Christus opportune de reliquo redargutionem inducit; nam et
priores viros enumerat, et eum qui nunc occultabatur redarguit; unde sequitur
dicit ei Iesus : bene dixisti, quia non habeo virum. Augustinus in Ioannem. Intelligas, revera istam
mulierem non habuisse tunc virum; sed utebatur nescio quo non legitimo viro;
unde ei convenienter mysteria loquitur, dicens quinque viros habuisti. Origenes in Ioannem. Vide autem si possibile est
fontem Iacob mystice totas esse Scripturas, aquam vero Iesu ea pro quibus
editae sunt; quae non est licitum omnibus perscrutari; eo quod quae scripta
sunt dictaverunt homines; quae vero oculus non vidit, nec auris audivit, nec
in cor hominis ascenderunt, in scriptis non possunt redigi; sed ex fonte
aquae salientis in vitam aeternam, idest ex spiritu sancto, disciplinae
patefiunt his qui nondum humanum cor gestant, sed possunt dicere : nos sensum
Christi habemus. Qui ergo non suscipit profunditatem verborum, etsi ad
modicum quieverit, denuo insistens dubitavit; qui autem bibit de aqua
Christi, ad hoc promovetur ut fons omnium quaesitorum prorumpat in eo, sursum
scaturizantibus aquis, et pervolante eius mente ad consequentiam huius aquae,
ad vitam aeternam. Volebat autem mulier sine aqua Iacob, angelicam et super
hominem discere veritatem : neque enim Angeli indigent fonte Iacob ut bibant;
sed quilibet in se habet fontem aquae scaturientis in vitam aeternam ab ipso
verbo; et hoc est quod subditur dicit ei mulier : domine, da mihi hanc aquam.
Sed impossibile est hic absque ea quae hauritur ex fonte Iacob aquam capere
quae datur a verbo : unde petenti Samaritanae aquam videtur dicere Iesus, se
illam praebere non alibi quam in fonte Iacob; unde sequitur dicit ei Iesus :
vade, voca virum tuum, et veni huc. Si enim sitiamus, idoneum est primo
pocula sumere ex fonte Iacob; secundum autem apostolum, vir animae lex est.
Augustinus Lib. 83 quaest. Quinque autem viros,
quinque libros qui per Moysen ministrati sunt, nonnulli accipiunt. Quod autem
dictum est et hunc quem habes, non est tuus vir, de seipso dominum dixisse
intelligunt, ut iste sit sensus : primo quinque libris Moysi quasi quinque
viris servisti : nunc autem quem habes, idest quem audis, non est tuus vir,
quia nondum in eum credidisti. Sed quoniam non credens Christo, adhuc illorum
quinque virorum, idest quinque librorum, copulatione tenebatur, potest movere
quomodo dici potuerit quinque viros habuisti, quasi nunc eos iam non haberet.
Deinde quomodo potest intelligi a quinque illis libris recedere hominem ut ad
Christum transeat, cum ille qui credit in Christum, non relinquendos illos
quinque libros, sed spiritualiter intelligendos multo avidius amplectatur?
Est ergo alius intellectus. Augustinus in Ioannem. Videns enim Iesus quia mulier
non intelligebat, et volens eam intelligere, voca, inquit, virum tuum; idest,
praesenta intellectum tuum : cum enim ordinata fuerit vita, intellectus
animam regit, ad ipsam animam pertinens : non enim aliud aliquid quid est,
quam anima, sed aliquid animae est intellectus. Hoc ipsum animae quod
intellectus et mens dicitur, illuminatur luce superiore. Talis lux cum
muliere loquebatur, et in illa intellectus non aderat : ergo dominus, tamquam
diceret : illustrare volo, et non adest quem; voca, inquit, virum tuum;
idest, adhibe intellectum, per quem docearis quo regaris : et adhuc illa
nondum vocato illo viro, non intelligit. Videtur autem mihi quinque viros
priores animae nos posse accipere quinque sensus corporis : ante enim quam
quisque possit uti ratione, non regitur nisi sensibus carnis; sed cum
coeperit anima capax esse rationis, aut a sapiente mente regitur, aut ab
errore; sed error non regit, sed perdit. Post illos ergo quinque sensus
mulier illa adhuc errabat : error ille non erat legitimus vir, sed adulter.
Dicit ergo dominus : tolle istum adulterum, qui te corrumpit, et voca virum
tuum, ut intelligas me. Origenes in Ioannem. Ubi autem decebat confutari a
Iesu putatum Samaritanae virum, non esse virum, nisi apud fontem Iacob?
Potest etiam intelligi, si vir animae lex est, quod Samaritana secundum
congruam acceptionem verborum legis, ritui infidelium tamquam viro illegitimo
se subiciebat. Revocatur autem ad verbum veritatis, quod resurrecturum erat a
mortuis, non deinceps moriturum. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 32). A la question que
lui fait cette femme : « Etes-vous plus
grand que notre père Jacob ? » Jésus ne répond pas expressément : Oui, je
suis plus grand que lui, pour ne point paraître se glorifier lui-même, mais
il le fait entendre en termes équivalents : « Jésus lui répondit : Quiconque boit de cette eau, aura encore soif,
mais celui qui boira de l'eau que je lui donnerai, n'aura jamais soif. L’eau
que je lui donnerai, deviendra en lui une fontaine d'eau jaillissante pour la
vie éternelle. » C'est-à-dire Jacob vous paraît puissant et admirable,
parce qu'il vous a donné l'eau de ce puits, que direz-vous donc si je vous
donne une eau bien meilleure ? Il ne déprécie pas l'eau de ce puits, il
lui en indique simplement une d'une qualité bien supérieure; il ne dit point
que cette eau est vile et méprisable, mais il donne un fait qui est attesté
par l'expérience, c'est que celui qui boira de cette eau aura encore soif. —
Saint Augustin : (Traité 15). Ce qui est très
vrai et de l'eau naturelle et de l'eau allégorique, dont elle est la figure.
L'eau, dans le puits, signifie la volupté charnelle dans les profondeurs
ténébreuses [du siècle] : c'est là que les hommes viennent la puiser avec
l'urne de la convoitise, car c'est par la convoitise qu'on est poussé à la
volupté. Mais lorsque l'homme s'est désaltéré dans les jouissances de ce
siècle, sa soif sera-t-elle apaisée pour toujours ? Il est donc vrai que
celui qui boira de cette eau aura encore soif. Mais s'il boit de l'eau que je
donne, il n'aura jamais soif; car comment ceux qui seront enivrés de
l'abondance de la maison de Dieu (Ps 35), pourraient-ils encore éprouver la
soif ? Ce que le Sauveur promettait donc à cette femme, c'était l'effusion
surabondante de l'Esprit saint qui devait rassasier son âme. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 32). Notre Seigneur
donne la raison des propriétés merveilleuses de cette eau qui doit étancher
la soif à tout jamais : « Mais l'eau
que je lui donnerai deviendra en lui une fontaine d'eau vive qui rejaillira
jusque dans la vie éternelle, » paroles qui équivalent à celles-ci :
Celui qui aurait une source au dedans de lui-même, n'éprouverait jamais le
besoin de la soif; ainsi en sera-t-il de celui qui boira cette eau que je lui
donnerai. — Théophylactus : Car l'eau que je lui donnerai ira toujours en se multipliant; les
saints reçoivent, en effet, de la grâce, le principe et les semences des
vertus, mais c'est à eux de les faire croître par leurs travaux et par leurs
efforts. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 32). Voyez comme Notre
Seigneur élève peu à peu cette femme jusqu'à la hauteur des vérités de la foi
chrétienne. Elle a commencé par le regarder comme un juif qui ne respecte pas
sa loi. Lorsqu'elle l'entendit parler d'eau vive, elle prit ses paroles dans
un sens matériel. Comprenant ensuite leur signification spirituelle, elle
crut que cette eau pourrait étancher la soif pour toujours. Cependant elle ne
savait pas encore quelle était cette eau, mais elle cherchait à le savoir,
persuadée qu'elle était au-dessus des choses sensibles. Aussi écoutez ce
qu'elle dit au Sauveur : « Cette femme
lui dit : Donnez-moi de cette eau, afin que je n'aie plus soif, et que je ne
vienne plus ici puiser. » Et elle place ainsi Jésus bien au-dessus du
patriarche Jacob, dont elle avait cependant une si haute opinion. —
Saint Augustin : (Traité 15). On peut dire
aussi que la Samaritaine se conduisait encore par les inclinations de la
chair, elle fut charmée de ne plus avoir soif, et elle s'imaginait que
c'était une promesse toute matérielle que Notre Seigneur lui avait faite.
Dieu avait préservé pendant quarante jours son serviteur Elie de la faim et
de la soif. (R 3, 19). Puisqu'il pouvait en préserver pour quarante jours, ne
pouvait-il pas le faire pour toujours ? Cette promesse sourit à cette femme,
et elle prie le Sauveur de lui donner cette eau vive : « Seigneur, donnez-moi cette eau, afin que je n'aie plus soif, et que
je ne vienne plus ici puiser, » car son indigence l'obligeait à cette
fatigue, que sa faiblesse lui faisait repousser. Plût à Dieu qu'elle eût
entendu cette douce invitation : «
Venez à moi, vous qui travaillez et qui êtes chargés, et je vous soulagerai !
» (Mt 11) Jésus adressait ces paroles pour la délivrer de tout travail,
mais elle ne les comprenait pas encore. Notre Seigneur voulut enfin lui en
donner l'intelligence : « Jésus lui dit
: Allez, appelez votre mari et venez ici. » Qu'est-ce que cela veut dire
? Est-ce que c'est par l'intermédiaire de son mari qu'il voulait lui donner
cette eau ? Voulait-il se servir de lui pour lui enseigner ce qu'elle ne
comprenait pas suivant la recommandation de l'Apôtre : « Si les femmes veulent s'instruire de quelque chose, qu'elles le
demandent à leurs maris dans la maison ? » Mais cela ne doit se faire que
lorsqu'on n'a pas le Seigneur lui-même pour maître, car dès lors qu'il était
présent, qu'était-il besoin du mari pour instruire la femme ? Est-ce que le
Sauveur employait l'intermédiaire d'un homme pour parler à Marie qui était
assise à ses pieds ? —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 32). Aux instances que
fait la Samaritaine pour recevoir l'eau qui lui a été promise, Jésus répond :
« Appelez votre mari », et comme pour lui faire comprendre qu'il
voulait faire participer son mari à la même grâce. Mais cette femme désirait
recevoir cette eau sans retard; elle voulait d'ailleurs cacher la honte de sa
vie à Jésus, en qui elle ne voyait qu'un homme : « La femme lui répondit :
Je n'ai point de mari. » Le Sauveur profite de cet aveu pour lui
découvrir le scandale de sa vie. Il lui rappelle tous ceux qu'elle a eus pour
mari, et lui fait un reproche de celui qu'elle cherche en ce moment à
dissimuler : « Jésus lui dit : Vous avez raison de dire : Je n'ai point de
mari. » —
Saint Augustin : (Traité 15). Cette femme, en
effet, n'avait point alors de mari, et vivait avec je ne sais quel homme dans
une union illégitime, Notre Seigneur le lui rappelle avec une intention
particulière et secrète en lui disant : « Vous avez eu cinq maris. » — Origène : (Traité 13 sur Saint Jean). Examinez s'il ne serait pas possible
dans le sens allégorique, de voir dans cette fontaine de Jacob l'ensemble des
saintes Ecritures; l'eau que donne Jésus, ce sont les mystères que
contiennent les saintes Ecritures, et qu'il n'est pas donné à tout le monde
d'approfondir; car la lettre de l'Ecriture a été dictée par des hommes, mais
ces mystères que l'œil de l'homme n'a point vus, que son oreille n'a point
entendus, que le cœur de l'homme n'a point compris, ne peuvent être
reproduits par les Ecritures; or ils découlent de cette source qui rejaillit
jusqu'à la vie éternelle, c'est-à-dire de l'Esprit saint [qui est un esprit
de sagesse], et sont révélés à ceux qui ne portent plus en eux-mêmes un cœur
d'homme, et qui peuvent dire avec l'Apôtre : « Pour nous, nous avons
l'esprit de Jésus-Christ. » (1 Co 2, 16). Celui donc qui n'entre point
dans la profondeur des paroles, peut bien goûter quelques instants de repos,
mais pour retomber bientôt dans le doute. Celui, au contraire, qui boit de
l'eau que Jésus lui donne, voit jaillir en lui la source de toutes les
vérités qu'il cherche à connaître, et à mesure que l'eau s'élève, son âme
s'envole à la suite de cette eau qui jaillit jusqu'à la vie éternelle. Cette
femme voulait, sans recourir à l'eau de Jacob, parvenir à la vérité à la
manière des anges, et par une voie supérieure à celle des hommes; car les
anges n'ont point besoin de l'eau de Jacob pour étancher leur soif, mais
chacun d'eux a au dedans de lui une fontaine d'eau qui sort du Verbe et qui
rejaillit jusqu'à la vie éternelle : « Cette femme lui dit donc :
Seigneur, donnez-moi cette eau. » Or, ici-bas, il est impossible de
recevoir l'eau qui est donnée par le Verbe. sans puiser à la fontaine de
Jacob; aussi lorsque la Samaritaine loi demande cette eau, Jésus semble lui
dire qu'il ne peut lui en donner qu'en puisant à la fontaine de Jacob : or
Jésus lui dit : « Allez, appelez votre mari, et venez ici. » Si
nous avons soif, nous ne devons d'abord chercher à nous rafraîchir qu'avec
l'eau de la fontaine de Jacob; car selon la doctrine de l'Apôtre : la loi est
comme le mari de l'âme. (Rm 7) —
Saint Augustin : (Liv. des 83 quest., quest.
64). Dans ces cinq maris, il en est qui voient la figure des cinq livres qui
ont été écrits par Moïse; et ce que Notre Seigneur ajoute : « Celui que
vous avez maintenant n'est pas votre mari, » devrait s'entendre de
lui-même. Tel serait donc le sens de ces paroles : « Vous avez d'abord été
soumise aux cinq livres de Moïse, comme à cinq maris. Mais maintenant celui
que vous avez (c'est-à-dire que vous entendez), n'est pas votre mari, parce
que vous ne croyez pas encore en lui. Mais puisqu'elle ne croyait point
encore en Jésus-Christ, et qu'elle était encore unie et soumise à ces cinq
maris, c'est-à-dire à ces cinq livres, on pourrait s’inquiéter que le Sauveur
lui dise : « Vous avez eu cinq maris, » comme si elle avait cessé de
les avoir ? D'ailleurs, comment peut-on comprendre qu'il faille rompre avec
ces cinq livres pour se soumettre à Jésus-Christ, alors que celui qui croit
en Jésus-Christ, loin de renoncer à ces cinq livres, recherche et goûte bien
plus vivement le sens spirituel de ces livres ? Il faut donc entendre ces
paroles autrement. —
Saint Augustin : (Traité 15). Jésus, voyant
que cette femme ne comprenait pas, et voulant l'amener à comprendre les
enseignements qu'il lui adressait : « Appelez, lui dit-il, votre mari, »
c'est-à-dire : faites que votre intelligence soit présente. Lorsqu'en
effet la vie est bien réglée, c'est la raison qui dirige ses opérations, ramenant
tout à l’âme, la raison qui n'est point quelque chose en dehors de l'âme,
mais qui est une des facultés de l'âme. Cette faculté de l'âme qu'on appelle
la raison ou l'esprit, est éclairée par une lumière supérieure. Cette lumière
s'entretenait avec cette femme, mais l'intelligence lui faisait défaut. Aussi
le Sauveur semble lui dire : Je voudrais vous éclairer, et le sujet manque;
appelez donc votre mari, c'est-à-dire faites usage de l'intelligence qui doit
vous enseigner, vous conduire; mais tant qu'elle n'a pas appelé son mari,
elle ne peut comprendre. Il me semble que les cinq premiers maris peuvent
signifier les cinq sens du corps. Car avant que l'homme fasse usage de sa
raison, il n'est conduit que par les sens du corps; mais lorsque l'âme est
devenue capable de raison, elle se laisse alors diriger ou par la vérité ou
par l'erreur. Or, l'erreur est incapable de diriger, et ne peut qu'égarer.
Après avoir obéi à ses cinq sens, cette femme était donc encore dans
l'égarement; l'erreur qu'elle suivait n'était pas son légitime mari, mais un
adultère. C'est donc avec raison que le Sauveur lui dit : « Rompez avec cet
adultère qui ne peut que vous corrompre, et appelez votre mari pour qu'il
vous aide à me comprendre. » — Origène : (Traité 13 sur Saint Jean). Mais où Jésus pouvait-il mieux
convaincre la Samaritaine que l'homme avec qui elle vivait n'était pas son
véritable époux, qu'auprès de la fontaine de Jacob ? Si la loi est le mari de
l'âme, on peut dire aussi que la Samaritaine, obéissant à une fausse
interprétation des mots de la loi, suivait les rites idolâtriques des
infidèles, comme on suit un mari illégitime. Le Sauveur la rappelle donc au
Verbe de vérité, qui devait ressusciter d'entre les morts, pour ne plus
mourir. |
Lectio 4 |
Versets 19-24
|
[86021] Catena in Io., cap. 4 l. 4 Chrysostomus
in Ioannem. Mulier autem a Christo reprehensa, non contristata est, neque
dimittens fugit; sed admiratur magis, et immoratur; unde dicitur dicit ei
mulier : domine, video quia propheta es tu; quasi dicat : in hoc quod mihi
occulta dicis, ostenderis propheta esse. Augustinus in Ioannem. Etsi coepit ad eam venire
vir, nondum plene venit : prophetam dominum putabat. Erat quidem et propheta
: nam de seipso ait : non est propheta sine honore nisi in patria sua. Chrysostomus. Deinde quia hoc suspicata est, nihil
mundanum eum interrogavit : non de corporis sanitate, non de vitiis; non
molestatur sitiendo, pro doctrina sollicita. Augustinus. Et incipit quaerere quod illam solet
movere, dicens patres nostri in hoc monte adoraverunt; et vos dicitis, quia
Hierosolymis est locus ubi adorare oportet. Contentio quippe fuerat inter
Samaritanos et Iudaeos : quia Iudaei in templo a Salomone fabricato adorabant
Deum, et ideo meliores se esse iactabant; quibus Samaritani dicebant :
quomodo iactatis vos quia templum habetis quod nos non habemus? Numquid
patres nostri, qui Deo placuerunt, in illo templo adoraverunt? Melius ergo
nos in hoc monte Deum rogamus, ubi patres nostri Deum adoraverunt. Chrysostomus. Quod autem dicit patres nostri, eos
qui circa Abraham sunt intelligit : etenim illic aiunt filium suum obtulisse.
Origenes in Ioannem. Vel Samaritani montem, qui
dicitur Garizim, iuxta quem Iacob habitavit, sanctum reputantes, in eo Deum
adorant; sed Iudaei montem Sion sacrum quid arbitrantes, illum locum putant
esse electum a Deo. Verum, quia Iudaei, a quibus salus processit, exemplum
sunt opinantium sanos sermones, Samaritani vero diversimode opinantium;
congrue Garizim quidem Samaritani significant, quod vocatur distinctio, seu
divisio; at Iudaei Sion, quod est specula. Chrysostomus. Christus autem non solvit quaestionem
confestim, sed ad altiora mulierem trahit; de quibus non prius ei locutus
est, donec confessa est quoniam propheta est, ut cum multa certitudine audiat
de cetero quae dicuntur; unde sequitur dicit ei Iesus : mulier, crede mihi,
quia venit hora quando neque in monte hoc, neque in Hierosolymis adorabitis
patrem. Dicit autem crede mihi, quia ubique nobis opus est fide matre bonorum,
quae salutis est medicamentum, sine qua nihil magnorum est possidere. Sed qui
tentant, assimilantur his qui sine navi pelagus tentant transire : qui parum
quidem natare sufficiunt, ultra vero procedentes cito merguntur. Augustinus in Ioannem. Merito autem iam praesente
viro audit mulier crede mihi. Iam enim est in te qui credat : coepisti adesse
intellectu, sed nisi credideritis non intelligetis. Alcuinus. Quod autem dicit venit hora, tempus
evangelicae doctrinae quod iam instabat dicit, quando ablata omni umbra
figurarum, veritas pura luce mentes credentium illustratura erat. Chrysostomus in Ioannem. Supervacuum autem erat
Christo docere propter quid patres in monte et Iudaei in Hierosolymis
adorabant : ideo hoc tacuit; verumtamen reverentiores Iudaeos indicavit, non
a loco, sed a cognitione; unde subdit vos adoratis quod nescitis, nos
adoramus quod scimus, quia salus ex Iudaeis est. Origenes in Ioannem. Quod dico vos quantum ad vocem,
Samaritani, quantum ad anagogem, qui erga Scripturas alienae sunt opinionis.
Nos quoque quo ad verbum Iudaei, quo ad allegoriam vero ego verbum, et qui
vere secundum me formati sunt, obtinentes salutem ex dictis Iudaicis. Chrysostomus. Samaritani quidem quod nesciebant
adorabant, quoniam localem et particularem Deum aestimabant, nihil de eo plus
imaginantes quam de idolis; et idcirco cultum Dei cum cultu Daemonum
miscuerunt : Iudaei vero ab hac eruti erant suspicione : etenim orbis
terrarum eum noverant esse Deum; propterea dixit nos adoramus quod scimus.
Iudaeis autem seipsum connumerat secundum opinionem mulieris, loquens quasi
propheta Iudaeus existens : ideo dixit adoramus; cum tamen manifestum sit
quod ipse est qui ab omnibus adoratur. Per hoc autem quod dicit quia salus ex
Iudaeis est, nihil aliud ostendit quam quod orbi terrarum inde salutaria
facta sunt. Scire enim Deum et idola detestari, illinc principium habuit et
omnia alia dogmata; sed ipsum quod est apud nos, a Iudaeis orationis
principium habuit. Praesentiam etiam suam salutem vocat : quam dicit ex Iudaeis
esse, secundum illud apostoli : ex quibus est Christus secundum carnem. Vide
qualiter applaudit veteri testamento, quod radicem ostendit bonorum, per
omnia semetipsum non esse contrarium legi demonstrans. Augustinus. Multum igitur dedit Iudaeis, ex quorum
persona dixerat nos adoramus quod scimus; sed non ex persona Iudaeorum
reproborum, sed ex qualibus fuerant apostoli, quales fuerant prophetae,
quales fuerant omnes illi sancti qui pretia rerum suarum ad pedes apostolorum
posuerunt. Chrysostomus. Sic igitur superabundantius vobis
habent Iudaei, o mulier, in modo adorationis; verumtamen et hic adorationis
modus de reliquo finem habebit; unde subdit sed venit hora, et nunc est,
quando veri adoratores adorabunt patrem in spiritu et veritate. Quia enim
prophetae ante longa tempora multa praedixerunt, ideo dixit et nunc est : ne
aestimes hanc talem esse prophetiam quae post multum temporis impleatur : res
iam instat et in ianuis est. Dixit autem veri adoratores, ad distinctionem
falsorum : quoniam quidam sunt falsi adoratores, qui temporalia et caduca
quaerunt in oratione; sive qui contra hoc quod orant, agere non cessant. Chrysostomus. Vel dicens veros, excludit cum
Samaritanis Iudaeos. Etsi enim Iudaei illis meliores essent, tamen futuris
multo minores sunt, tamquam figura veritate. Sunt igitur veri adoratores qui
neque loco circumcludunt Dei culturam, et Deum in spiritu colunt; unde et
Paulus dicit : cui servio in spiritu meo. Origenes. Bis autem scribitur venit hora; et primo
quidem non adest et nunc est; in secundo vero dicitur et nunc est. Et puto
primum quidem notare adorationem praeter corpus futuram in perfectione;
secundum vero eam quae fit in vita praesenti, perfecta quantum licet humanam
procedere naturam. Cum ergo venerit hora quam dicit dominus, evitandus est
mons Samaritanorum, et in Sion, ubi est Hierosolyma, adorandus est Deus, quae
civitas esse dicitur a Christo celsi principis : et haec est Ecclesia, ubi
sacra oblatio, spirituales victimae divinis aspectibus offeruntur ab his qui
legem spiritualem intellexerunt. Cum autem venerit temporis complementum,
tunc nequaquam pensandum verum cultum Hierosolymis, idest in praesenti
Ecclesia, amplius pertractari : neque enim Angeli apud Hierosolymam colunt
patrem; sic et qui similitudinem nacti sunt Iudaeorum, melius quam hi qui
sunt Hierosolymis, colunt patrem. Cum autem haec hora evenerit, patri aliquis
in filium deputatur. Ea propter non dictum est : adorabitis Deum, sed
adorabitis patrem. Sed in praesenti colunt patrem in spiritu et veritate veri
adoratores. Chrysostomus in Ioannem. Dicit ergo hoc de Ecclesia,
in qua est vera adoratio et Deo congrua; unde subdit nam et pater tales
quaerit qui adorent eum. Et si olim volebat eos veteribus immorari, concessit
eis figuram : hoc tamen fecit eis condescendens, ut per hoc ad veritatem
inducantur. Origenes in Ioannem. Si autem pater quaerit, per
Iesum quaerit, qui venit quaerere et salvare quod perierat : quos erudiens
veros cultores efficit. Quod autem subditur spiritus est Deus, inde
abstractum esse suspicor quod ad vitam veram nos perducit : nam et corporali
vita vivificamur a spiritu. Chrysostomus. Vel indicat quod Deus incorporeus est.
Oportet igitur et incorpoream eius culturam esse, hoc est per animam : et
intellectus puritatem nos ei offerre; unde subdit et eos qui adorant eum, in
spiritu et veritate oportet adorare. Quia enim Iudaei animam quidem
negligebant, multum autem circa corpus studium faciebant, id omnifariam
purgantes; ideo ait, quia non corporis mundatione, sed incorporeo quod est in
nobis, hoc est intellectu, quem dicit spiritum, Deus incorporeus colitur.
Hilarius de Trin. Vel cum in spiritu Deum spiritum
docuit adorandum, et libertatem ac scientiam adorantium et adorandi
infinitatem ostendit, secundum illud apostoli : ubi spiritus domini, ibi
libertas. Chrysostomus. In veritate autem oportet adorare :
quia priora figura erant, scilicet circumcisio, holocausta et thymiamata;
nunc autem totum est veritas. Theophylactus. Vel quia multi putant se Deum
secundum spiritum, idest animam, adorare, non rectam opinionem de eo
habentes, ut haeretici : propter hoc addidit et veritate. Forte etiam dicet
aliquis, quia duas partes philosophiae, quae secundum nos sunt, insinuat in
praedictis, actionem scilicet et contemplationem : per spiritum namque
activum insinuat, secundum apostolum : qui spiritu Dei aguntur, hi filii sunt
Dei; per veritatem vero contemplativum. Vel aliter. Samaritanorum erat opinio
quod Deus loco concluderetur, et quia in hoc loco Deum adorari oporteat :
contra quos dicit, quia veri adoratores non localiter, sed spiritualiter
adorant. Iudaeis vero omnia sub figura et umbra erant; et ideo dicit, quia
veri adoratores non in figura adorabunt, sed in veritate : quia enim Deus
spiritus est, spirituales adoratores quaerit : quia vero veritas, veros. Augustinus. Quaerebas montem forte ad orandum, ut
Deo esses propinquior; sed ipse qui in altis habitat, humilibus appropinquat
: ergo descende, ut ascendas. Ascensiones in corde eius in convalle
plorationis, quae humilitatem habet. In templo vis orare? In te ora; sed
prius esto templum Dei. |
—
Saint Jean Chrysostome : (hom. 31). Cette femme ne s'offense pas des
reproches du Sauveur, elle ne songe pas à le quitter, mais pleine au
contraire d'admiration, elle prolonge la conversation pour rester avec lui : «
La femme lui dit : Seigneur, je vois que vous êtes un prophète, »
c'est-à-dire : les secrets que vous venez de me révéler me prouvent que
vous êtes un prophète. —
Saint Augustin : (Traité 15). Son mari
commence à venir, mais il n'est pas encore tout à fait venu. Elle regarde le
Seigneur comme un prophète, et il était prophète, en effet, car il a dit de
lui-même : « Il n'y a point de prophète sans honneur, si ce n'est dans sa
patrie. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 32). Dans cette
persuasion où elle est, elle ne lui demande aucun des biens de la terre, [aucune
des chose qui ont rapport à cette vie], elle ne se soucie ni de la santé, ni
de ses défauts, elle n’est plus gênée par sa soif et ne cherche qu'à
s'instruire de la doctrine céleste. [Elle, qui ne ressentait d'abord que les
atteintes de la soif et n'était occupée que des moyens de la calmer, n'a plus
qu'une pensée, celle de connaître la vérité]. —
Saint Augustin : Elle entame la discussion
par le sujet qui la préoccupait le plus : « Nos pères, dit-elle, ont adoré
sur cette montagne, et vous vous dites que Jérusalem est le lieu où il faut
adorer. » C'était le grand sujet de dispute entre les Samaritains et les
juifs. Les Juifs adoraient Dieu dans le temple bâti par Salomon, et se
vantaient par là même d'être supérieurs aux Samaritains. Ceux-ci leur
répondaient : Pourquoi vous vanter d'être en possession d'un temple que nous,
Samaritains, nous n'avons pas ? Est-ce que nos pères qui, certes, ont été
agréables à Dieu, l'ont adoré dans ce temple ? Nous sommes donc bien plus en
droit de prier Dieu sur cette montagne où nos pères lui ont offert leurs
adorations. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 32). Ces aieux dont
elle invoque l'exemple, c'est Abraham et les patriarches. C'est là, en effet,
suivant la tradition, qu'Abraham offrit à Dieu son Fils Isaac. — Origène : On peut dire encore que les Samaritains regardant comme sainte la
montagne de Garizim, près de laquelle Jacob habita, croyaient devoir y offrir
à Dieu leurs adorations. Les Juifs, au contraire, pour qui la montagne de
Sion était sacrée, la regardaient comme le lieu exclusivement choisi de Dieu [pour
y recevoir les prières des hommes]. Or, comme les Juifs, de qui vient le
salut, sont figure de ceux qui n'admettent que la saine doctrine, tandis que
les Samaritains sont l'image de ceux qui se livrent à tous les caprices si
divers de l'erreur, le mot Garizim, qui veut dire distinction ou division,
représente les Samaritains, comme la montagne de Sion, qui signifie lieu
d'observation, représente les Juifs. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 32 et 33). Jésus ne
résout pas aussitôt la question qui lui est proposée, mais il élève cette
femme à de plus hautes considérations, ce qu'il ne fait cependant que
lorsqu'elle eut reconnu qu'il était prophète, afin qu'elle ajoutât une foi
entière à ce qu'il allait lui révéler : « Jésus lui dit : Femme,
croyez-moi, l’heure vient où ce ne sera ni sur cette montagne, ni à Jérusalem
que vous adorerez le Père.» Il lui dit : « Croyez-moi, » parce
qu'en toute circonstance la foi nous est nécessaire comme la mère de tous les
biens, comme l'unique moyen d'arriver au salut, et sans lequel nous ne
pouvons avoir la connaissance des grandes vérités du salut. Ceux qui ne
s'appuient que sur leurs propres raisonnements, sont semblables à ceux qui
essaieraient de traverser la mer sans navire, ils pourront peut-être nager un
instant, mais à peine se seront-ils avancés en pleine mer qu'ils seront
submergés dans les flots. —
Saint Augustin : (Traité 15). Le mari de
cette femme est présent, le Sauveur peut donc lui dire : « Croyez-moi. »
Vous avez on vous celui qui doit croire, vous êtes ici présente par votre
intelligence, mais si vous ne croyez point, vous ne comprendrez point. —
Alcuin : Ces paroles : « L'heure
vient, » signifient le temps de la doctrine évangélique qui était proche,
et où toutes les figures devaient disparaître pour céder la place à la vérité
qui devait répandre ses plus pures lumières dans l'âme de ceux qui devaient
embrasser la foi. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 33 sur Saint Jean). Il était inutile que Notre Seigneur
expliquât la raison pour laquelle les patriarches avaient adoré Dieu sur la
montagne de Garizim, tandis que les Juifs l'adoraient à Jérusalem; il n'en
dit donc rien, il se contente de lui dire que le culte rendu à Dieu par les
Juifs était préférable, non à cause du lieu où ils l'adoraient, mais à cause
de l'esprit qui les guidait : « Vous adorez, vous, ce que vous ne
connaissez pas, pour nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut
vient des Juifs. » — Origène : (Traité 14 sur Saint Jean). Ce mot «
vous, » littéralement, désigne les Samaritains; dans le sens allégorique,
il s'applique à ceux qui interprètent les Ecritures dans un sens contraire à
celui de l'Eglise, [ou dont la doctrine est tout autre et par-là même erronée].
De même le pronom « nous, » dans le sens littéral, désigne les Juifs,
et dans le sens allégorique, le Verbe divin, aussi bien que ceux qui ont avec
lui une bienheureuse conformité et qui parviennent au salut par les Ecritures
qui sont entre les mains des Juifs. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 33). Les Samaritains,
en effet, adoraient ce qu'ils ne savaient pas, parce qu'ils faisaient de Dieu
un être limité par les lieux et comme divisé par parties. Dans leur pensée,
il n'était donc point supérieur aux idoles, et c'est pour cela qu'ils
mêlaient le culte de la divinité avec celui des démons. Les Juifs, au
contraire, étaient affranchis de ces erreurs et connaissaient le seul vrai
Dieu de l'univers, comme le déclare Notre Seigneur : « Nous adorons ce que
nous savons. » Il se met lui-même au nombre des Juifs pour répondre à
l'opinion de cette femme qui le considérait comme un prophète des Juifs, et
c'est pour cela qu'il dit : « Nous adorons, » bien qu'il soit évidemment
celui qui reçoit les adorations de tous les hommes. Les paroles qui suivent :
« parce que le salut vient des Juifs, » ne signifient autre chose que
ce sont les Juifs qui ont conservé [dans toute leur pureté] toutes les
doctrines du salut qui se répandirent ensuite dans tout l'univers comme la
connaissance de Dieu, l'horreur pour les idoles et les autres vérités
dogmatiques; notre culte même tire son origine de celui des Juifs. Notre
Seigneur appelle sa présence dans le monde le salut, et il dit que ce salut
vient des Juifs, selon ces paroles de l'Apôtre : « Eux de qui est sorti
selon la chair Jésus-Christ. » (Rm 9) Voyez comme il confirme l'autorité
de l'Ancien Testament, qu'il présente comme la source de tous les biens en
même temps qu'il démontre qu'il n'est point opposé à la loi. —
Saint Augustin : (Traité 15). Notre Seigneur
accorde beaucoup aux Juifs, en déclarant en leur nom : « Pour nous, nous adorons ce que nous connaissons. » Ce n'est pas
toutefois au nom des Juifs réprouvés qu'il parle de la sorte, mais au nom de
ceux qui ressemblèrent aux Apôtres, aux prophètes et à tous les saints, qui
déposaient le prix de leurs biens aux pieds des Apôtres. (Ac 4) —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 33). Les Juifs vous
sont donc supérieurs, ô femme, dans leur adoration, mais ce culte lui-même
touche à sa fin : « Car vient l'heure,
(et elle est déjà venue) où les vrais adorateurs adoreront en esprit et en
vérité. » Les oracles des prophètes avaient pour objet des événements
éloignés, c'est pour cela que Notre Seigneur dit : « Et elle est déjà venue, » pour ne point laisser croire que
cette prophétie ne doit s'accomplir que longtemps après. Le fait, dit-il, est
proche, et va bientôt se réaliser. Il se sert de cette expression : « Les vrais adorateurs, » pour les
distinguer des faux adorateurs, qui ne cherchent dans la prière que les biens
terrestres et périssables, ou dont la conduite est en opposition directe avec
l'objet de leurs prières. —
Saint Augustin : (hom. 33) [référence à vérifier] Ou bien par les vrais adorateurs,
il veut exclure à la fois les Juifs et les Samaritains, car bien que les
Juifs fussent préférables aux Samaritains, cependant ils étaient bien
inférieurs à ceux qui devaient leur succéder, et autant que la figure l'est à
la vérité : les vrais adorateurs sont donc ceux qui ne cherchent point à
circonscrire le culte de Dieu dans un seul lieu et qui l'adorent en esprit, à
l'exemple de saint Paul qui disait de lui-même : « Dieu, que je sers en esprit. » — Origène : (Traité 14). Notre Seigneur répète deux fois : « L'heure vient. » La première fois, sans ajouter : « La voici,
elle est venue; » la seconde fois, en ajoutant : « Et elle est venue. » Je crois que la première fois, Notre
Seigneur veut exprimer l'adoration parfaite de l'âme affranchie du corps dans
l'autre vie, et que la seconde fois il veut parler de celle que nous rendons
à Dieu dans la vie présente avec toute la perfection possible à la nature
humaine. Lors donc que sera venue la première heure prédite par le Sauveur,
il nous faudra éviter la montagne des Samaritains et adorer Dieu dans Sion où
est Jérusalem, qui est appelée par Jésus-Christ la cité du grand roi. C'est
l'Eglise où l'oblation sainte et les victimes spirituelles sont offertes en
présence de Dieu par ceux qui ont l'intelligence de la loi spirituelle. Mais
lorsque l'ordre des siècles sera révolu, il ne faudra plus songer à rendre le
vrai culte à Dieu dans Jérusalem, c'est-à-dire, dans l'Eglise de la terre,
car les anges n'adorent plus Dieu dans Jérusalem; ainsi ceux dont les Juifs n'étaient
que la figure, adorent le Père d'une manière bien supérieure à ceux qui
habitent Jérusalem. Lorsque cette heure sera venue, chaque fidèle deviendra
le fils du Père. C'est pour cela que Notre Seigneur ne dit pas : Vous
adorerez Dieu, mais : « Vous adorerez
le Père. » Dans la vie présente, les vrais adorateurs adorent Dieu en
esprit et en vérité. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 33). Le Sauveur veut
parler ici de l'Eglise, où l'on offre à Dieu l'adoration véritable et la
seule digne de lui. C'est pour cela qu'il ajoute : « Car ce sont là les adorateurs que cherche le Père. » Il avait
toujours cherché de tels adorateurs, cependant il les laissa s'attacher à
leurs anciens rites et à leurs cérémonies figuratives, par condescendance et
pour les amener ainsi à la vérité. — Origène : (Traité 14). Si le Père
cherche de tels adorateurs, c'est par Jésus-Christ qui est venu chercher et
sauver ceux qui avaient péri (Lc 19), et c'est par ses divins enseignements
qu'il en a fait de véritables adorateurs. Le Sauveur ajoute : « Dieu est esprit », et c’est
probablement parce qu'il nous conduit à la véritable vie, et que le principe
de la vie du corps elle-même vient de l'esprit. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 33). Ou bien il veut
nous apprendre que Dieu est incorporel, et que le culte que nous lui rendons
doit l'être également, c'est-à-dire que nous devons lui offrir l'hommage
spirituel d'un cœur pur. C'est pour cela qu'il ajoute : « Et ceux qui l'adorent doivent l'adorer en esprit et en vérité. »
Les Juifs se souciaient peu de leur âme, et au contraire s'occupaient
beaucoup du corps pour lequel ils épuisaient tous les modes de purification.
Notre Seigneur enseigne donc à cette Samaritaine que ce n'est point par les
purifications du corps, mais par la pureté de ce qui est incorporel en nous,
c'est-à-dire l'esprit, que nous pouvons rendre au Dieu incorporel un culte
digne de lui. —
Saint Hilaire : (De la Trin., 3). Ou bien
encore, lorsque Notre Seigneur enseigne que Dieu qui est esprit doit être
adoré en esprit, il nous fait connaître la liberté et la science de ses vrais
adorateurs, et l'infinité de leurs adorations, selon ces paroles de l'Apôtre
: « Là où est l'esprit de Dieu, là est
la liberté. » (2 Co 3, 17). —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 33). Il faut adorer
dans la vérité, parce que les rites et les cérémonies de l'ancienne loi
n'étaient que des figures, par exemple la circoncision, les holocaustes et
les oblations de l'encens; maintenant au contraire tout est vérité. — Théophylactus : Ou bien encore il ajoute : « et
en vérité » parce qu'il en est beaucoup qui s'imaginent adorer Dieu en
esprit (avec leur âme), tout en se formant de fausses idées de sa divinité,
et c’est le cas des hérétiques. Peut-être même pourrait-on dire que Notre
Seigneur a voulu désigner dans ces paroles les deux parties de la sagesse
chrétienne considérées subjectivement; c'est-à-dire l'action et la
contemplation; l'esprit exprime la vie active selon les paroles de l'Apôtre :
« Ceux qui sont poussés par l'esprit de
Dieu sont les enfants de Dieu. » (Rm 8, 14). La vérité est comme
l'emblème de la vie contemplative. Ou bien enfin, aux Samaritains qui
professaient cette erreur que Dieu était renfermé dans un lieu, et que
c'était dans ce lieu qu'il fallait adorer Dieu, Jésus déclare que les vrais
adorateurs adoreront en esprit, et non plus en circonscrivant leurs hommages
dans un seul lieu; et aux Juifs pour qui tout était ombre et figure, il
enseigne que les vrais adorateurs n'adoreront plus en figure, mais en vérité.
Dieu est esprit, il cherche donc des adorateurs spirituels; il est vérité, il
cherche des adorateurs véritables. —
Saint Augustin : (Traité 15). Vous cherchiez
peut-être une montagne pour prier, vous espériez être plus près de Dieu, mais
celui qui habite les hauteurs des cieux s'abaisse jusqu'aux humbles; il vous
faut donc descendre pour monter. Ce sont les degrés que le chrétien fidèle
dispose dans son cœur dans cette vallée de larmes (Ps 82), qui sont la figure
de l'humilité. Vous voulez prier dans un temple, priez en vous-même, mais commencez
par devenir le temple de Dieu ? |
Lectio 5 |
Versets 25-26
|
[86022] Catena in Io., cap. 4 l. 5 Chrysostomus
in Ioannem. Mulier eorum quae dicta sunt, altitudine fatigata obstupuit;
unde sequitur dicit ei mulier : scio quia Messias venit, qui dicitur Christus.
Augustinus in Ioannem. Unctus Latine, Graece
Christus est, Hebraice Messias est. Sciebat ergo quis eam posset docere; sed
iam docentem nondum agnoscebat; unde subdit cum ergo venerit ille, nobis
annuntiabit omnia; quasi dicat : modo Iudaei de templo contendunt, nos de
monte : cum ergo ille venerit, et montem spernet, et templum evertet, et
docebit nos, ut in spiritu et veritate noverimus adorare. Chrysostomus. Sed unde erat Samaritanis expectare
Christi adventum? Moysi quidem suscipientes legem, ab ipsis Moysi litteris
hoc noverant : Iacob enim de Christo prophetizans dixit : non deficiet
princeps de Iuda, nec dux de femore eius, donec veniat qui mittendus est. Sed
et Moyses dicit : prophetam vobis suscitabit Deus de fratribus vestris. Origenes in Ioannem. Siquidem non est ignorandum,
quod sicut ex Iudaeis surrexit Iesus, Christum se esse non solum dicens, sed
ostendens; sic ex Samaritanis quidam Dositheus nomine, asserebat se fore
Christum qui praedicabatur. Augustinus Lib. 83 quaest. Fortasse autem ut
intelligentibus indicaret quinque corporis sensus, quinque virorum nomine
significari, post quinque carnales responsiones, quae supra in littera
patent, sexta responsione nominat Christum. Chrysostomus. Christus autem de reliquo mulieri
revelat seipsum; unde sequitur dicit ei Iesus : ego sum qui loquor tecum. Et
quidem si circa principium hoc mulieri dixisset, videretur ei ex vanitate
loqui; nunc autem paulatim in memoriam Christi eam reducens, opportune
revelavit seipsum. Et quidem Iudaeis quaerentibus : si tu es Christus, dic
nobis palam, non manifeste seipsum revelavit : quia non pro discendo
quaerebant, sed pro iniuriando; haec vero ex simplici mente loquebatur. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom 33). Cette femme comme
fatiguée par la hauteur de ces sublimes enseignements, reste dans
l'étonnement. Elle lui dit donc : « Je
sais que le Messie est sur le point de venir, qu’on appelle le Christ.» —
Saint Augustin : (Traité 15). Le mot grec
Christ qui veut dire en latin « oint » signifie en hébreu « Messie ».
La Samaritaine savait donc déjà que c'était au Messie de l'instruire, mais
elle ne connaissait pas encore que le Messie était précisément celui qui dans
ce moment l'instruisait. Voilà pourquoi elle ajouta : « Lors donc qu'il sera venu, il nous instruira de toutes choses. »
Elle semble dire : Les Juifs disputent dans l'intérêt de leur temple, et nous
en faveur de cette montagne, lorsque le Messie viendra, il rejettera cette
montagne, il renversera le temple et nous enseignera comment il faut adorer
Dieu en esprit et en vérité. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 33). Mais comment les
Samaritains pouvaient-ils attendre l'avènement du Christ ? Ils admettaient la
loi de Moïse, et c'était dans les écrits de Moïse qu'ils avaient puisé cette connaissance.
Jacob en effet avait prophétisé l'avènement du Christ en ces termes : « Le sceptre ne sera point ôté de
Juda, ni le prince de sa postérité jusqu'à ce que celui qui doit être envoyé
soit venu. » (Gn 49, 10). Moïse lui-même n'avait-il pas dit : « Dieu vous suscitera un prophète du
milieu de vos frères ? » (Dt 18) — Origène : Il ne faut pas oublier que de même que Jésus a paru au milieu des
Juifs, non seulement en déclarant mais en prouvant qu'il était le Christ,
ainsi on vit aussi paraître parmi les Samaritains un certain Dosithée qui
prétendait être le Christ prédit par les prophètes. —
Saint Augustin : (Liv. des 83 Quest., quest.
64). Peut-être est-ce pour confirmer l'explication allégorique qui fait voir
les cinq sens du corps dans les cinq maris de cette femme, qu'après les cinq
premières réponses qui sont encore charnelles dans leur objet, elle nomme le
Christ à la sixième. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 33). Notre Seigneur ne
tarde pas davantage à se révéler à cette femme : « Jésus lui dit : Je le suis, moi qui vous parle. » S'il s'était
fait connaître dès le commencement, il eût paru céder à un sentiment de
vanité, au contraire, après qu'il a réveillé insensiblement dans l'esprit de
cette femme le souvenir du Christ, cette révélation est on ne peut plus
opportune. Les Juifs demandèrent un jour au Sauveur : « Si vous êtes le Christ, dites-le nous franchement. » (Jn 10)
Mais il ne leur répondit que d'une manière obscure et mystérieuse, parce
qu'ils lui faisaient cette demande, non dans le désir de s'instruire, mais
pour le calomnier, tandis que cette femme parlait dans toute la simplicité de
son cœur. |
Lectio 6 |
Versets 27-30 |
[86023] Catena in Io., cap. 4 l. 6 Chrysostomus in
Ioannem. Expleta doctrina, et convenienter ad tempus, discipuli
occurrerunt; unde dicitur et continuo venerunt discipuli eius, et mirabantur,
quia cum muliere loquebatur. Admirabantur quidem superabundantem Christi
mansuetudinem et humilitatem, quoniam ita perspicuus existens, sustinuit
loqui cum tanta humilitate mulieri inopi et Samaritanae. Augustinus in Ioannem. Quia scilicet quaerebat
perditam qui venerat quaerere quod perierat, hoc illi mirabantur : bonum enim
mirabantur, et non malum suspicabantur. Chrysostomus. Sed tamen admirantes non
interrogaverunt causam; unde subditur nemo tamen dixit ei : quid quaeris, aut
: quid loqueris cum ea? Erant eruditi discipulorum ordinem observare; at eum
timebant et venerabantur. Et nimirum alibi videntur confidenter interrogare,
quia ad eos pertinentia necesse habebant scrutari; hic autem nihil ad eos
pertinebat quod fiebat. Origenes in Ioannem. Et fere quidem quasi quodam
apostolo ad cives utitur hac muliere, adeo eam inflammans per verba ut,
amphora dimissa, iret in civitatem relatura concivibus; unde sequitur
reliquit ergo mulier hydriam, non curans de corporeo ac viliori propter
utilitatem plurium. Interest quoque nostra, omissis corporeis et neglectis,
satagere ad impartiendum aliis de commodis acquisitis. Augustinus. Graeco nomine appellatur, tamquam si
aquarium diceretur, quoniam Graece aqua hydor vocatur. Chrysostomus in Ioannem. Et sicut apostoli vocati
dimiserunt retia, ita haec dimittit hydriam, et Evangelistarum opus fecit; et
non unum tantum vocat, sed civitatem integram; unde sequitur et abiit in
civitatem, et dicit illis hominibus : venite, et videte hominem, qui dixit
mihi omnia quaecumque feci. Origenes. Convocat quidem illos ad videndum hominem
continentem verbum supra hominem. Quaecumque autem fecit mulier, erat
contubernium quinque coniugum, et post illos conversatio cum sexto non
proprio viro; quem deserens et septimo adhaerens, lagenam dereliquit iam
pudica. Chrysostomus. Non verecundata autem est hoc dicere.
Anima enim cum ignita fuerit igne divino, ad nihil eorum quae sunt in terra,
de reliquo inspicit, neque ad gloriam, nec ad verecundiam, sed ad unam solam,
quae detinet eam, flammam. Volebat autem non ex propria Annuntiatione eos
inducere, sed ex auditu proprio eos facere communicatores doctrinae Christi;
unde dixit venite et videte hominem. Non dixit : venite et credite, sed
venite et videte, quod levius erat. Noverat enim manifeste quoniam solum
gustantes de illo fonte, eadem paterentur quae et ipsa. Alcuinus. Paulatim autem venit ad praedicandum
Christum. Primo vocat hominem, ne si diceret Christum, auditores irascerentur
et nollent exire. Chrysostomus. Unde etiam neque manifeste annuntiavit
Christum, neque tamen totaliter siluit; sed dixit numquid ipse est Christus? Et ideo sermonem eius acceperunt;
unde sequitur exierunt de civitate,
et veniebant ad eum. Augustinus Lib. 83 quaest. Quod autem relicta hydria
discessit mulier, non negligenter praetereundum est : hydria enim amorem
huius saeculi significat, idest cupiditatem qua homines de tenebrosa
profunditate, cuius imaginem puteus gerit, hoc est de terrena conversatione,
hauriunt voluptatem. Oportebat autem ut Christo credens, saeculo renuntiaret,
et relicta hydria, cupiditatem saecularem se reliquisse demonstraret. Augustinus. Proiecit ergo cupiditatem, et properavit
annuntiare veritatem. Discant qui volunt evangelizare, ut prius hydriam ad
puteum proiciant. Origenes. Facta etiam mulier receptaculum honestae
disciplinae, ea quae primitus sapiebat, parvipendens deponit. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 33). Les disciples de
Jésus arrivèrent justement fort à propos, lorsque cet entretien venait de se
terminer : « En même temps, ses
disciples arrivèrent, et ils s'étonnaient qu’il parlât avec cette femme».
Ils admiraient la douceur et l'excessive bonté du Sauveur, qui si grand qu'il
était, daignait s'abaisser jusqu'à s'entretenir si familièrement avec une
pauvre femme et une Samaritaine. —
Saint Augustin : (Traité 15). Car Jésus
cherchait cette femme perdue qui était venue chercher ce qu’elle avait perdu,
et les disciples s’en étonnaient. Ils admiraient la bonté du Sauveur, et se
gardaient bien de soupçonner le moindre mal. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 33). Cependant, malgré
leur étonnement, ils ne lui demandent point la raison de cet entretien. « Néanmoins aucun ne dit : Que lui
demandez-vous ? ou : Pourquoi parlez-vous avec elle ? » Ils étaient
habitués à garder la sage réserve qui convient à des disciples pleins d'une
crainte respectueuse pour leur maître. Dans d'autres circonstances, ils
l'interrogent avec liberté sur des choses qu'il leur importait de savoir,
tandis qu'il n'y avait rien pour eux de personnel dans cet entretien. — Origène : (Traité 15 sur Saint Jean). Notre Seigneur se sert de cette femme
comme d'un apôtre pour évangéliser ses concitoyens, il l'a tellement
enflammée par ses paroles du feu sacré du zèle, qu'elle laisse là son urne
pour retourner à la ville et raconter tout à ses concitoyens : « La femme alors, laissant là sa cruche, [s'en
alla dans la ville]. » Elle oublie et les soins du corps, et la bassesse
apparente de l'office qu'elle remplissait, elle ne voit que l'utilité du plus
grand nombre. Ainsi devons-nous oublier et sacrifier nos intérêts corporels,
pour nous efforcer de communiquer aux autres les biens que nous avons reçus. —
Saint Augustin : (Traité 15). Le mot grec Øδρίj vient de Øδωρ, qui veut
dire eau, et signifie un vase destiné à porter de l'eau. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 34) A l'exemple des
apôtres qui avaient quitté leurs filets lorsqu’ils furent appelés, cette
femme laisse là son urne et remplit l'office d'un évangéliste, et ce n'est
pas une seule personne, mais une ville tout entière qu'elle appelle [à la
connaissance de la vérité] : « Elle
alla dans la ville, et dit aux habitants : Venez voir un homme qui m'a dit
tout ce que j'ai fait. » — Origène : Elle les appelle à venir voir un homme dont la parole était supérieure
à la parole de l'homme. Ce qu'elle avait fait, c'était d'abord d'avoir eu
cinq maris, et de vivre ensuite avec un sixième dans un commerce illégitime;
mais elle se sépare de cet homme pour s'attacher à un septième, et au moment
où elle laisse son urne, elle a déjà recouvré la pudeur. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 34). Elle n'a point de
honte de révéler [les désordres de sa vie], car lorsque l'âme est enflammée du
feu de de l'amour divin, aucune des choses de la terre ne l'arrête plus, elle
n'est sensible ni à la gloire, ni à la honte, elle obéit uniquement à la
flamme qui la dévore. Cette femme ne prétend pas qu'on la croie sur parole,
et elle demande à ses concitoyens de venir se convaincre de leurs yeux et de
leurs oreilles de la vérité de la doctrine du Christ. Aussi ne leur dit-elle
pas : Venez et croyez, mais : « Venez
et voyez, » ce qui était moins décisif; car elle était persuadée que
s'ils approchaient seulement leurs lèvres de cette source divine, ils
éprouveraient aussitôt ce qu'elle avait éprouvé elle-même. —
Alcuin : Remarquez qu'elle n'en vient
que par degrés à leur annoncer le Christ; elle ne leur en parle d'abord que
comme d'un homme dans la crainte que le nom de Christ ne vînt à les irriter
et à les empêcher de venir. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 34). Voilà pourquoi
elle n’annonce pas clairement le Christ; elle ne s'en tait pas non plus
absolument, mais elle dit d'un ton dubitatif « Cet homme ne serait-il pas le Christ ? » Aussi se rendent-ils à
son témoignage : « Ils sortirent donc
de la ville et vinrent à lui. » —
Saint Augustin : (Liv. des 83 Quest., quest.
64). Il ne faut point passer légèrement sur cette circonstance que la
Samaritaine abandonne sa cruche. Cette cruche signifie l’amour des choses de
ce siècle, c'est-à-dire la convoitise avec laquelle l'homme puise la volupté
charnelle des profondeurs ténébreuses du cœur, comme d'un puits obscur,
c'est-à-dire de la vie de la terre et des sens. Mais dès lors qu'elle croit
en Jésus-Christ, elle doit renoncer au monde, et en laissant son urne,
montrer qu'elle renonce à la convoitise du monde. —
Saint Augustin : (Traité 15). Elle s'est
dépouillée de sa convoitise pour être plus libre d'annoncer la vérité, et
apprend ainsi à tous ceux qui veulent annoncer l'Evangile à laisser d'abord
près du puits l'urne de la convoitise. — Origène : Aussitôt qu'elle a ouvert son cœur à la véritable sagesse, elle fait
peu de cas de tout ce qu'elle aimait auparavant et se hâte de s'en
dépouiller. |
Lectio 7 |
Versets 31-34 |
[86024] Catena in Io., cap. 4 l. 7 Augustinus in Ioannem. Ierant discipuli eius emere
cibos, et venerant; quos Christo offerebant; unde dicitur interea rogabant
eum discipuli eius dicentes : Rabbi, manduca. Chrysostomus in Ioannem. Videntes enim eum fatigatum
ex itinere et aestu qui erat, rogabant eum vulgari eorum voce : neque enim
erat hoc temeritatis, sed amoris cura circa magistrum. Origenes in Ioannem. Arbitrantur aptum fore tempus
ad prandium, quod erat inter recessum mulieris ad civitatem et adventum
Samaritanorum ad ipsum : non enim coram aliquo advena sibi propinabant escas.
Ob hoc bene positum est interea. Theophylactus. Dominus vero sciens quod Samaritana
totam civitatem ad eum traheret, hoc discipulis significavit; unde sequitur
ille autem dixit eis : ego cibum habeo manducare quem vos nescitis. Chrysostomus. Hominum salutem hic cibum vocavit,
ostendens quantum desiderium habet nostrae salutis : sicut enim nobis
concupiscibile est comedere, ita ei salvare nos. Tu vero intuere, quod non
statim revelat, sed ubique in quaestionem immittit auditorem, ut incipiens
quaerere quod dicitur et laborans, cum ampliori suscipiat desiderio. Theophylactus. Dicit autem quem vos nescitis; idest
nescitis quod cibum voco salutem hominum; vel nescitis quia Samaritani
credituri sunt, et salvi fient. Discipuli autem adhuc dubitabant; unde
sequitur dicebant ergo discipuli ad invicem : numquid aliquis attulit ei
manducare? Augustinus. Quid mirum si mulier illa non
intelligebat aquam? Ecce discipuli non intelligunt escam. Chrysostomus. Et quidem assuetam reverentiam et
honorem magistro praebent, ad se invicem quidem loquentes, ipsum vero non
praesumentes interrogare. Theophylactus. In hoc autem quod dicunt discipuli
numquid aliquis attulit ei manducare? Considerandum est, quod cibos ab aliis
oblatos dominus suscipere solebat, non quod alieno ministerio indigeret qui
dat escam omni carni, sed ut deferentes meritum consequerentur, simulque
formam tradens non erubescere paupertatem, neque grave putare ab aliis
nutriri : proprium enim et necessarium est doctoribus, alios habere
procuratores ciborum, ut ipsi de nullo curantes, verbi ministrationem
procurent sollicite. Augustinus. Audivit autem dominus cogitationes
discipulorum, et instruit eos ut magister, non per circuitum sicut mulierem,
sed aperte; unde sequitur dicit eis Iesus : meus cibus est ut faciam
voluntatem eius qui misit me. Origenes in Ioannem. Idoneus cibus filio Dei, cum
actor paternae voluntatis efficitur, hoc velle in semetipso protestans quod
erat in patre. Solus autem filius perfecti operis paternae voluntatis est
capax; ceteri vero sancti nil praeter divinam peragunt voluntatem. Plenam
autem et integram facit Dei voluntatem qui dixit meus cibus est ut faciam
voluntatem eius qui misit me; proprius enim cibus eius ostenditur. Quid autem
sit velle patris, innuit sermo sequens ut perficiam opus eius. Siquidem
simplicius quis asseret, quoniam opus est iussum mandantis; puta si dicant
aedificantes vel fodientes se perficere opus eius qui conduxit eos. Sed si
per Christum perficitur opus Dei, restat ut priusquam perficeretur esset
diminutum. Qualiter autem diminutum erat opus, cum esset Dei? Perfectio
quidem operis, rationalis naturae est perfectio; ad huius enim operis
perfectionem, cum esset imperfectum, verbum caro factum accessit. Cum enim
quodammodo homo perfectus fuerit, ob transgressionem factus est imperfectus;
et ideo missus est salvator, primo quidem ut perficiat voluntatem eius qui
misit eum; secundo vero ut consummet opus Dei, ut quilibet perfectus fiat ad
solidi cibi usum. Theophylactus. Opus etiam Dei perfecit, scilicet
hominem, Dei filius, nostram naturam in seipso sine peccato ostendens in omni
opere perfectam et incorruptam. Opus etiam Dei, scilicet legem, perfecit : quia
finis legis Christus eam cessare faciens, omnibus quae in ea erant perfectis,
a corporali cultu in spiritualem reduxit. Origenes. Mystice autem post poculi negotium, ac
disciplinam distinctionis aquarum, consequens erat et de cibo disceptare.
Samaritana quidem petita potum, non habebat praebere Iesu dignum poculum;
discipuli vero invenientes humilia pulmenta apud alienigenas, ei obtulerunt,
rogantes eum ut manducaret. Et attende si forsan verentur, ne verbum Dei,
propriis non vigoratum escis, in eis deficiat. Quaecumque ergo reperiunt
discipuli, his iugiter proponunt verbum alere, ut corroboratum atque
roboratum perseveret penes eos qui nutriunt ipsum. Quemadmodum autem corpora
egentia cibo, neque eisdem aluntur, neque eadem quantitas ciborum cunctis sufficiens
est; sic intelligendum est et in his quae sunt supra corpus : nam horum hoc
quidem plurimi, hoc autem paucioris indiget nutrimenti, dissimilis capedinis
entia. Sed neque qualitas alentium verborum atque intentionum
contemplativarum seu operationum eadem congruit omnibus : nam nuper geniti
infantes, rationale appetunt lac; perfectorum autem est solidus cibus.
Veridicus est ergo Iesus dicens ego cibum habeo manducare quem vos nescitis.
Semper enim qui praeest infirmis ac nequeuntibus eadem cum validis videre,
hoc dicere potest. |
—
Saint
Augustin : (Traité 15). Les disciples étaient allés
acheter des provisions, ils étaient revenus et ils les lui présentaient.
Cependant ses disciples le pressaient en disant : « Maître, mangez, » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 34). Ils le voyaient
fatigué tout à la fois de la route et de la chaleur, et ils le pressent
simplement et familièrement de manger, ce n'était point témérité de leur
part, mais une preuve de leur affection pour leur maître. — Origène : Ils désirent qu'il profite pour manger du temps qui devait s'écouler
entre le départ de cette femme et l'arrivée des Samaritains, car ils
n'avaient pas l'habitude de lui servir sa nourriture devant des étrangers,
c'est pour cela que l'Evangéliste dit expressément : « Pendant ce temps-là. » —
Théophylactus : Le Seigneur qui savait que la Samaritaine allait lui amener tous les
habitants de la ville, voulut l'apprendre à ses disciples : « Mais il leur dit : J'ai une nourriture à
manger que vous ne connaissez pas. » — Saint
Jean Chrysostome : (hom 34). Il parle ici du
salut des hommes comme d'une nourriture pour nous faire comprendre le grand
désir qu'il a de notre salut. Il le désire aussi vivement qu'il nous est
naturel de désirer la nourriture. Mais remarquez qu'il ne révèle pas aussitôt
cette vérité, il fait naître le doute dans l'esprit de ses auditeurs, pour
qu'ils embrassent avec plus d'ardeur la vérité qui a été de leur part l'objet
de sérieuses recherches. — Théophylactus : Il dit : « que vous ne
connaissez pas, » c'est-à-dire vous ne savez pas que le salut des hommes
est pour moi une véritable nourriture, ou vous ne savez pas que les
Samaritains doivent embrasser la foi et être sauvés. Les disciples étaient
encore dans le doute sur le véritable sens de ces paroles : « Et les disciples se disaient l'un à
l'autre : Quelqu'un lui aurait-il apporté à manger ? » —
Saint Augustin : (Traité 15). Quoi d'étonnant
que cette femme n'ait pas compris la nature de l'eau [que Jésus voulait lui
donner], alors que ses disciples eux-mêmes ne comprennent pas quelle est
cette nourriture [dont il leur veut parler] ? —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 34). Ils donnent ici
une preuve de leur respect habituel pour leur maître, ils se font cette
demande entre eux, mais ils n'osent l'interroger lui-même. — Théophylactus : De ces paroles : « Quelqu'un lui
aurait-il apporté à manger ? » nous concluons légitimement que Notre
Seigneur avait coutume de recevoir les aliments qu'on lui offrait, non sans
doute qu'il eût besoin du secours d'autrui, lui qui donne la nourriture à
toute chair (Ps 146), mais pour donner à ceux qui lui faisaient cette
offrande l'occasion d'une action méritoire. Il nous apprenait en même temps à
ne point rougir de la pauvreté, comme aussi à ne point regarder comme une
humiliation d'être nourri par les autres, car c'est une nécessité inhérente à
la condition des docteurs de se décharger sur les autres du soin de pourvoir
à leur nourriture pour n’avoir eux-mêmes à s’inquiéter de rien et pour s'occuper
exclusivement du ministère de la parole. —
Saint Augustin : (Traité 15). Le Seigneur
entendit pour ainsi dire les pensées de ses disciples, et il les instruit en
maître directement et ouvertement sans prendre de détours comme il l'avait
fait avec la Samaritaine : « Jésus leur
dit : Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé. » — Origène : La nourriture qui convient au Fils de Dieu c'est d'accomplir la
volonté de son Père, en se proposant pour règle de ses actions les décrets de
cette volonté divine. Or, le Fils de Dieu peut seul accomplir dans sa
perfection la volonté du Père. Les autres saints conforment toutes leurs
actions à cette volonté, mais celui-là seul l'accomplit dans toute sa
perfection qui a dit : « Ma nourriture
est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé. » C'est la nourriture
qui lui est exclusivement propre. Mais quelle est la volonté du Père ? C'est,
ajoute Notre-Seigneur, d'accomplir son œuvre. En effet, pour parler
simplement, dans un ouvrage quelconque, l'œuvre qui est commandée est le fait
de celui qui commande, c'est ainsi que nous disons de ceux qui construisent
une maison ou creusent la terre, qu'ils exécutent l'œuvre de celui qui les a
pris à son service. Mais si l'œuvre de Dieu est parfaitement accomplie par
Jésus-Christ, elle était donc imparfaite auparavant, et comment admettre
l'imperfection dans l'œuvre de Dieu ? L'accomplissement parfait de cette
œuvre, c'était le perfectionnement de la créature raisonnable, et c'est pour
donner toute sa perfection à cette oeuvre imparfaite que le Verbe s'est fait
chair et qu'il est venu à nous. Nous disons donc que l'homme avait été créé
dans un certain état de perfection, que par sa faute il est redevenu
imparfait, et que le Sauveur a été envoyé d'abord pour accomplir la volonté
de celui qui l'avait envoyé, et en second lieu, pour consommer l'œuvre de
Dieu, afin que tout chrétien puisse parvenir à la perfection nécessaire pour
participer à une nourriture plus solide. — Théophylactus : Le Fils de Dieu donne encore à l’oeuvre de Dieu, c'est-à-dire à l'homme,
toute sa perfection en montrant en lui-même notre nature pure de tout péché,
parfaite dans toutes ses actions et affranchie de la corruption. Il accomplit
aussi dans sa perfection l'œuvre de Dieu, c'est-à-dire la loi, parce que
Jésus-Christ est la fin de la loi (Rm 10); il fait cesser le règne de la loi,
en accomplissant toutes les figures qu'elle contenait, et en substituant aux
cérémonies extérieures de la loi un culte vraiment spirituel. — Origène : Dans le sens mystique, après
l'entretien que le Sauveur venait d'avoir sur la boisson de l'âme, et ses
divins enseignements sur l'eau toute spirituelle qu'il devait lui donner, il
était naturel de parler de la nourriture. La Samaritaine à qui Notre Seigneur
demandait à boire, ne pouvait lui offrir une boisson digne de lui; les
disciples qui n'avaient trouvé chez ces étrangers que des aliments bien
ordinaires, les présentent à Jésus en le pressant de manger. Ne pourrait-on
pas dire que les disciples craignent que le Verbe de Dieu n'étant point
suffisamment soutenu par la nourriture qui lui est propre ne vienne à tomber
en défaillance. Ils proposent donc au Verbe de se nourrir de tous les
aliments qu'ils trouvent [et qu'ils lui présentent], espérant ainsi le
conserver au milieu d'eux en lui donnant la nourriture qui doit le soutenir
et le fortifier. Mais les corps qui ne peuvent se soutenir que par la
nourriture n'ont pas tous besoin des mêmes aliments, ni de la même quantité
d'aliments, il en est de même dans les choses qui sont au-delà du corps.
Parmi les âmes, il en est qui demandent une nourriture plus abondante,
d'autres ont besoin d'une quantité beaucoup moins considérable, parce que
leur capacité est différente, [et qu'elles n'ont, pour ainsi parler, ni les
mêmes proportions, ni la même mesure]. Il faut dire la même chose des
discours et des pensées de haute perfection qui ne peuvent convenir
indifféremment à toutes les âmes; les enfants nouvellement nés désirent le
lait spirituel et pur qui doit les faire croître pour le salut. (1 P 2) Mais
ceux qui sont parfaits demandent une nourriture plus solide. (He 5) Notre
Seigneur exprime donc une vérité certaine en disant : « J'ai une nourriture à manger, que vous ne connaissez pas, » et
tout homme qui se trouve placé au-dessus des infirmes et qui ne peuvent se
nourrir des mêmes considérations que les âmes fortes, peut s'appliquer ces
mêmes paroles. |
Lectio 8 |
Versets 35-38 |
[86025] Catena in Io., cap. 4 l. 8 Chrysostomus in
Ioannem. Quae sit voluntas patris, de cetero interpretatur, dicens nonne
vos dicitis quod adhuc quatuor menses sunt et messis venit? Theophylactus. Scilicet materialis. Ego autem dico
vobis, quod messis intelligibilis adest : hoc enim dicebat propter
Samaritanos venientes ad ipsum; unde subdit levate oculos vestros, et videte
regiones, quia albae sunt iam ad messem. Chrysostomus. Rursus consuetis nominibus ad
maximorum eos contemplationem reducit. Regio enim et messis hic indicat
multitudinem animarum, quae paratae sunt ad praedicationis susceptionem.
Oculos autem hic dicit et eos qui mentis, et eos qui corporis : etenim
videbant de reliquo multitudinem Samaritanorum venientem. Has autem
praeparationes hominum decenter regiones albatas vocat; sicut enim spicae cum
dealbatae fuerint, ad messem sunt paratae, ita et hi ad salutem sunt parati.
Sed propter quid non manifeste dicit, quod praeparati sunt homines ad
susceptionem verbi? Duarum quidem occasionum gratia : unius quidem ut
manifestior fiat sermo, et magis ante oculos ponat quae dicuntur; alterius
autem ut dulcior sit narratio et permanentior eorum quae dicuntur memoria.
Augustinus in Ioannem. In opus autem fervebat et
operarios mittere festinabat; unde subditur et qui metit, mercedem accipit,
et congregat fructum in vitam aeternam; ut et qui seminat simul gaudeat, et
qui metit. Chrysostomus. Per ea quae hic dicit, dividit terrena
a caelestibus : sicut enim supra dixerat de aqua, quod qui bibit hanc aquam,
non sitiet, ita hic dicit qui metit, congregat fructum in vitam aeternam : et
iterum qui seminat, simul gaudeat, et qui metit. Prophetae enim sunt qui
seminant; sed non illi messuerunt, sed apostoli : quia enim infra dicet, quod
alius seminat et alius metit, ne quis aestimet quod prophetae seminantes
mercede priventur, extraneum quiddam inducit, et a sensibilibus alienum : nam
in rebus quidem sensibilibus si contingat alium seminare et alium metere, non
simul laetantur, sed dolent qui seminant, quasi aliis laborantes; laetantur
autem soli qui metunt : hic autem non ita; sed et qui non metunt seminantes,
simul cum metentibus laetantur, quoniam in mercede communicant. Augustinus. Disparis enim temporis labores habuerunt
apostoli et prophetae; sed gaudio pariter perfruentur, mercedem simul
accepturi sunt vitam aeternam. Chrysostomus. Ad hoc autem quod dixerat sermonem
proverbialem inducit; unde subdit in hoc enim est verbum verum, quia alius
est qui seminat, et alius qui metit. Hoc quidem vulgariter dicebatur, si
quando alii labores sustinebant, et alii fructus metebant. Sed et hic sermo
iste maxime habet veritatem : quia prophetae laboraverunt, sed vos fructus ex
illorum laboribus metitis; unde subdit ego misi vos metere quod vos non
laborastis. Augustinus. Quid ergo? Messores misit, non
seminatores? Ibi ergo messores mittendi ubi iam prophetae praedicaverant.
Legite labores illorum, et in omnibus eorum laboribus est prophetia Christi :
ergo iam in Iudaea messis parata erat quando tot millia hominum pretia rerum
suarum offerebant, et ad pedes apostolorum ponentes, expeditis humeris a
sarcinis saecularibus, Christum dominum sequebantur. De ipsa messe eiecta
sunt pauca grana, et seminaverunt orbem terrarum : et surgit alia messis,
quae in fine saeculi metenda est; ad quam metendam non apostoli, sed Angeli
mittentur. Messores sunt Angeli. Chrysostomus. Dicit ergo ego misi vos metere quod
vos non laborastis : quasi dicat : ubi minor labor est, maior autem
delectatio, ad hoc vos reservavi; et quod laboriosius erat, hoc fuit
prophetarum, scilicet mittere semina; unde subdit alii laboraverunt, et vos
in labores eorum introistis. Per haec omnia vult ostendere quod prophetarum
voluntas erat ut homines ad eum accederent. Et hoc lex ordinabat : et
propterea illi seminaverunt, ut hunc facerent fructum. Ostendit etiam quod
ipse illos misit, et quod multa est cognatio novi ad vetus testamentum. Origenes. Vel aliter totum. Qualiter quidem non est
inconveniens hoc quod est levate oculos vestros etc. allegorizare; quod autem
dicitur nonne vos dicitis quoniam quatuor menses sunt et messis venit, non
secundum allegoricam tractare? Putamus ergo talia quaedam esse in hoc quod
dicunt discipuli quatuor menses sunt, et messis venit. Plerique enim
discipulorum verbi animadvertentes veritatem incomprehensibilem fore humanae
naturae, quando coniecerunt aliam esse vitam a praesente, quae corruptioni
quatuor elementorum, quasi quatuor mensium subicitur, putant solum post hanc
vitam cognitionem esse veritatis. Dicunt igitur discipuli de messibus, quae
sunt terminus operum ad veritatem conducentium, quia post instantem
quaternitatem contingunt. Huiusmodi autem opinionem arguens velut non sanam,
inquit verbum incarnatum his qui talia suspicantur nonne vos dicitis, quia
adhuc quatuor menses sunt et messis venit? Ego autem hoc dico : levate oculos
vestros. In pluribus locis Scripturae divinae hoc legitur; iubente nobis verbo
divino extollere ac sublimare considerationes et cogitationes deorsum
consistentes nec valentes erigi, nisi elevante illas Iesu : nemo enim
consistens in passionibus et vivens carnaliter, hoc propositum servat
mandatum. Quapropter qui talis est, non videbit regiones, si albae sunt ad
messem. Albescunt quidem regiones ad messem, cum adest verbum Dei illustrans
singulas regiones Scripturae, fecundans in eius adventu : et etiam omnia
sensibilia sunt quasi regiones albae paratae ad messem, praesto existente
levantibus oculos ratione, quae de quolibet est, ut quisquis fulgorem
prospiciat profusae ubilibet veritatis. Qui autem metit praedictas messes,
duplex habet in metendo emolumentum : unum quidem dum accipit praemium; unde
dicitur et qui metit, mercedem accipit : quod arbitror dictum causa futurarum
remunerationum : alterum quod sequitur et congregat fructum in vitam
aeternam, bonum habitum quemdam denotat intellectus, qui est fructus ex ipsa
speculatione proveniens. Arbitror autem quod in qualibet doctrina seminat
quidem qui principia excogitat, quae suscipientes alii ac pertractantes, si
quid novi potuerunt exprimere, coniungentes, fiunt suae inventionis gratia
posteris causa ut metendo quasi maturos fructus aggregent. Quanto autem magis
hoc in arte artium expedit contemplari? Siquidem seminantes sunt Moyses et
prophetae praevenientes adventum Christi; metentes autem sunt apostoli, qui
Christum susceperunt et gloriam eius perspexerunt. Semen autem erat tota
ratio secundum revelationem mysterii temporibus praeteritis obfuscati
silentio : regiones autem, idest legales et propheticae Scripturae, nondum
albuerant his qui adventus verbi nequaquam extiterunt capaces. Quod autem
simul serens et metens gaudeat, erit cum privatio moeroris et angustiae in
futuro fiet saeculo. Dum etiam Iesus transfiguraretur in gloria, simul cum
messoribus Petro, Iacobo et Ioanne, Moyses et Elias satores pariter gaudent
in videndo filii Dei gloriam. Attende tamen si hoc quod dico, alius et alius,
intelligi potest propter aliam et aliam vitae conversationem, in qua homines
iustificati sunt : ut liceat dicere alium quidem legis cultorem, alium vero
Evangelii : et tamen exultant simul, dum idem finis ab uno Deo per unum
Christum in uno spiritu sancto reponitur. Ad labores autem prophetarum et
Moysi advenerunt apostoli, instruente Iesu, metentes, ac in horrea
colligentes animae suae intellectum in Scripturis illorum reconditum : et
semper qui debite capiunt disciplinam, priorum labores ad maiorem evidentiam
trahunt, non tantum laborantes sunt hi qui semina condiderunt. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 34). Notre Seigneur
explique à ses disciples quelle est cette volonté du Père dont il vient de
parler : « Ne dites-vous pas : Encore quatre mois et la moisson sera venue ?
» — Théophylactus : C'est-à-dire la moisson matérielle. Mais moi, je vous dis que le temps
de la moisson spirituelle est venu. Il parlait ainsi à la vue des Samaritains
qui venaient à lui; c'est pour cela qu'il ajoute : « Levez les yeux et
voyez les champs qui déjà blanchissent pour la moisson. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 34). Il se sert des
choses les plus ordinaires pour les élever à la considération des vérités les
plus sublimes; les champs et la moisson sont ici la figure des âmes qui sont
prêtes à recevoir la parole de la prédication. Les yeux sont ici tout à la
fois les yeux du corps et de l'âme, car les disciples voyaient en effet les
Samaritains qui accouraient en foule. La comparaison qu'il fait des
dispositions de ces hommes avec les champs qui blanchissent, est des plus
justes, car de même que les épis blanchis sont prêts pour la moisson, ainsi
ces hommes sont prêts à recevoir le salut. Mais pourquoi Jésus ne dit-il pas
clairement et sans figure qu'ils sont disposés à recevoir la parole de
l'Evangile ? Pour deux raisons : premièrement, pour rendre cette parole plus
saillante en la plaçant pour ainsi dire sous les yeux; secondement, pour
donner plus de charme à son récit et en rendre le souvenir plus durable. —
Saint Augustin : (Traité 15). Le Sauveur
brûlait du désir d'accomplir son œuvre; et avait hâte d'envoyer des ouvriers
recueillir cette moisson. C'est pour cela qu'il ajoute : « Celui qui
moissonne, reçoit sa récompense, et recueille le fruit pour la vie éternelle,
et ainsi celui qui sème se réjouit comme celui qui moissonne. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 34). Notre Seigneur
établit ici clairement la distinction qui sépare les choses de la terre des
biens du ciel; il avait dit précédemment de l'eau qu'il voulait donner : «
Celui qui boit cette eau, n'aura plus soif, » et ici : « Celui qui
moissonne reçoit sa récompense et recueille le fruit pour la vie éternelle, »
et encore : « Et ainsi celui qui sème se réjouit comme celui qui
moissonne. » Les prophètes ont répandu la semence, mais ce sont les
apôtres, et non les prophètes, qui ont moissonné, comme il va bientôt le dire
: « L'un sème et l'autre moissonne. » Il ne faut pas croire cependant
que les prophètes qui ont semé n'aient point de part à la récompense; c'est
pour éloigner cette idée que Notre Seigneur donne une raison extérieure, qui
n'a point son application dans les choses sensibles. Dans le cours ordinaire
de la vie, s'il arrive que l'un sème et que l'autre moissonne, la joie n'est
pas égale pour tous deux. Ceux qui ont semé s'attristent d'avoir travaillé
pour les autres, et ceux qui moissonnent sont les seuls à se réjouir. Il n'en
est pas de même ici, ceux qui ont semé ne moissonnent pas, et cependant ils
partagent la joie de ceux qui moissonnent, et reçoivent la même récompense. —
Saint Augustin : (Traité 15). Les Apôtres et
les prophètes ont travaillé à des époques bien différentes, mais ils auront
part à la même joie, et recevront tous pour récompense la vie éternelle. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 34). Pour appuyer ce
qu'il vient de dire, Notre Seigneur rappelle le proverbe suivant : « Ici
ce que l'on dit d'ordinaire est vrai, l'un sème et l'autre moissonne, » C'était
un proverbe que l'on citait, lorsqu'on voyait les uns supporter toutes les
fatigues, et d'autres venir moissonner tous les fruits. Mais ce proverbe a
surtout ici son application, parce que les prophètes ont travaillé et que
vous moissonnez les fruits de leurs travaux, comme le Sauveur l'ajoute : «
Je vous ai envoyés moissonner où vous n'avez pas travaillé. » —
Saint Augustin : (Traité 18). Quoi donc ?
Notre Seigneur envoie des moissonneurs et non pas des semeurs ? [Et où
envoie-t-il des moissonneurs ?] Là où les prophètes avaient déjà répandu la
semence. Lisez leurs travaux, et dans tous ces travaux vous trouverez une
prophétie du Christ. La moisson était donc prête à être recueillie en Judée,
lorsque tant de milliers d'hommes offraient le prix de leurs biens (Ac 4), et
le déposaient aux pieds des Apôtres, heureux de se décharger du fardeau des
biens de la terre pour suivre plus librement Notre Seigneur Jésus-Christ.
Quelques grains de cette moisson ont été jetés dans la terre, et ont
ensemencé l'univers tout entier; il en est sorti une autre moisson qui, à la
fin des siècles, ne doit point être recueillie par les Apôtres, mais par les
anges : « Les moissonneurs, dit-il ailleurs, sont les anges. »
(Mt 13) —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 34). Il dit donc à ses
disciples : « Je vous ai envoyés moissonner où vous n'avez pas travaillé,
» c'est-à-dire, je vous ai réservé le travail où la fatigue est beaucoup
moindre que la joie, et j'ai chargé les prophètes de ce qu'il y avait de plus
pénible, c'est-à-dire de répandre la semence, et c'est ainsi que «
d'autres ont travaillé et que vous êtes entrés dans leurs travaux. » Il
veut, par tout cela, nous prouver que la volonté des prophètes [et le but que
se proposait la loi] étaient que tous les hommes viennent se ranger autour de
lui ; c’était là ce que prévoyait la loi, et ils ont semé dans
l'intention de préparer cette moisson. Il prouve en même temps que c'est lui
qui a envoyé les prophètes, et l'étroite union qui existe entre l'Ancien et
le Nouveau Testament. — Origène : (Traité 15 sur Saint Jean). On peut encore donner de tout ce
passage, l'explication suivante. Si rien ne s'oppose à ce qu'on entende dans
un sens allégorique ces paroles : « Levez les yeux, etc... », n'est-il
pas permis d'entendre dans le même sens les paroles qui précèdent
immédiatement : « Ne dites-vous pas : Encore quatre mois, et la moisson
sera venue ? » Or, voici l'explication qu'on pourrait donner de ces
paroles des disciples : « Encore quatre mois, et la moisson sera venue. »
Un grand nombre des disciples du Verbe, [c'est-à-dire du Fils de Dieu], qui
considèrent que la vérité est incompréhensible à la nature humaine, n'ont pas
plus tôt découvert qu'il y avait une vie différente de la vie présente qui
est soumise à la corruption des quatre éléments, qui sont comme autant de
mois, qu'ils croient ne parvenir qu'après cette vie seulement à la
connaissance de la vérité. Les disciples disent donc de la moisson, qui est
le terme de tous les efforts qui tendent à la vérité, qu'elle se fera après
qu'aura cessé la domination des quatre éléments. Le Verbe incarné redresse
dans leur esprit cette pensée qui n'est pas conforme à la vérité, en leur
disant : « Ne dites-vous pas : Encore quatre mois et la moisson vient. Et
moi je vous dis : « Levez les yeux. » Dans plusieurs endroits de
l'Ecriture, le Verbe divin nous fait cette recommandation d'élever et de
sublimer nos considérations et nos pensées qui se traînent ordinairement sur
les choses de la terre, et qui ne peuvent s'en affranchir sans le secours de
Jésus. Nul, en effet, ne peut obéir à ce commandement, s'il reste l'esclave
de ses passions et d'une vie sensuelle, il ne verra point les champs blanchis
pour la moisson. Or, les champs blanchissent, lorsque le Verbe de Dieu répand
sa lumière sur toutes les parties de l'Ecriture, auxquelles l'avènement de
Jésus donne toute leur fécondité. Toutes les choses sensibles elles-mêmes
sont comme des champs blanchis prêts pour la moisson, pour ceux qui élèvent
les yeux, lorsque la raison nous montre dans chaque objet créé l'éclat de la
vérité qui se trouve répandue sur toutes choses. (Traité 16). Celui qui
recueille ces moissons spirituelles a un double avantage, le premier,
lorsqu'il reçoit sa récompense : « Et celui qui moissonne, reçoit une
récompense, » c'est-à-dire, je pense, la récompense future : « Et il
recueille le fruit pour la vie éternelle, » ce qui exprime une
disposition précieuse de l'intelligence, qui est le fruit de la contemplation
elle-même. Dans toute doctrine, je pense, celui qui pose les principes est
celui qui sème; d'autres à leur tour prennent ces principes, les méditent,
les fécondent par de nouvelles considérations, et procurent ainsi à leurs
descendants l'avantage de moissonner et de recueillir des fruits qui sont
parvenus à leur maturité. C'est surtout dans l'art des arts que nous pouvons
voir l'application de cette vérité. Ceux qui ont semé, c'est Moïse et les
prophètes qui ont prédit l'avènement du Christ; les moissonneurs sont les
Apôtres qui ont reçu Jésus-Christ et contemplé sa gloire. La semence, c'est
la connaissance que nous donne la révélation du mystère qui a été comme
enseveli dans le silence des siècles passés; les champs sont les livres de la
loi et des prophètes qui n'avaient point leur clarté, pour ceux qui n'étaient
point capables de comprendre l'avènement du Verbe. Celui qui sème et celui
qui moissonne partageront la même joie, lorsque dans la vie future le chagrin
et la tristesse auront complètement disparu. C'est ce qui a commencé à se
réaliser, lorsque Jésus fut transfiguré dans la gloire, et que les
moissonneurs Pierre, Jacques et Jean, et les semeurs, Moïse et Elie se
livraient à une joie commune en voyant la gloire du Fils de Dieu. Examinez
cependant si ces mêmes paroles : « Autre est celui qui sème, et autre
celui qui moissonne, » ne peuvent pas s'entendre de l’une et l’autre vies
dans lesquelles les hommes ont été justifiés, lorsqu'ils étaient les uns
disciples de l'Evangile, les autres simples observateurs de la loi. Les uns
et les autres ont part cependant à la même joie, car c'est la même fin que se
propose un seul et même Dieu, par le même Jésus-Christ et dans un même
Esprit. Les Apôtres sont entrés dans les travaux des prophètes et de Moïse,
ils les ont moissonnés d'après les instructions de Jésus, en recueillant dans
leurs greniers, c'est-à-dire dans leur intelligence, les vérités cachées dans
les écrits de Moïse et des prophètes. Ceux qui recueillent les fruits d'une
doctrine déjà semée, ont un partage plus éclatant, mais sont loin de
travailler autant que ceux qui ont répandu la semence. |
Lectio 9 |
Versets 39-42 |
[86026] Catena in Io., cap. 4 l. 9 Origenes in Ioannem. Postquam dicta sunt discipulis
quae tractata sunt, resumit Scriptura de his qui venerant de civitate ad
Iesum, et crediderant per testimonium mulieris. Chrysostomus in Ioannem. Sicut autem in messe cum
facilitate fructus congregantur, et in momento uno area manipulis repletur,
ita et nunc fit; unde dicitur ex civitate autem illa multi crediderunt in eum
Samaritanorum, propter verbum mulieris testimonium perhibentis, quia dixit
mihi omnia quaecumque feci. Considerabant enim, quod nequaquam mulier
gratanter eum admirata esset qui eius delicta redarguerat, nisi magnus quis
esset et excellens qui praedicabatur ab illa. Sic ergo solo mulieris testimonio credentes, et nullum
signum videntes, exierunt deprecantes Christum ut apud eos maneret; et hoc
est quod sequitur cum ergo venissent ad illum Samaritani, rogaverunt eum ut
ibi maneret. Iudaei vero miracula videntes, non detinuerunt eum apud seipsos;
sed omnia egerunt ut a regione eorum eum abicerent : nihil enim livore et
invidia deterius, nihil inani gloria difficilius, quae infinita corrumpere
consuevit bona. Et quidem Samaritani volebant eum semper secum detinere; ipse
autem hoc non sustinuit, sed solum mansit ibi duobus diebus post haec; quod
subditur et mansit ibi duos dies. Origenes. Non incongrue autem aliquis illud obiciet,
quomodo rogatus salvator cum Samaritanis manet, qui iussit civitatem
Samaritanorum non ingredi. Palam enim quoniam et discipuli eius cum eo
ingressi sunt. Ad quod dicendum, quod in viam gentium pergere est imbui
gentili dogmate, et in illo ambulare. Civitatem vero Samaritanorum intrare
est acceptare falsam doctrinam recipientium legales, propheticos,
evangelicos, et apostolicos sermones. Cum autem deseruerint propriam
doctrinam et venerint ad Iesum, licet cum eis manere. Chrysostomus in Ioannem. Et Iudaei quidem etiam
signis visis incorrecti manserunt; hi autem et sine signis multam circa eum
fidem demonstraverunt; solum enim verba audierunt; unde sequitur et multo
plures crediderunt propter sermonem eius. Cuius igitur gratia haec verba non
dicunt Evangelistae? Ut discas quoniam multa magnorum transcurrerunt, a fine
vero totum ostenderunt : suasit enim toti civitati per ea quae dicta sunt.
Ubi autem auditores non persuadentur, tunc Evangelistae coguntur dicere ea
quae dicta sunt, ne quod est ex indevotione auditorum, imputet quis defectui
praedicantis. Ipsi autem discipuli Christi iam facti, magistram repulerunt;
unde sequitur et mulieri dicebant : quia iam non propter tuam loquelam
credimus : ipsi enim audivimus, et scimus quia hic est vere salvator mundi. Vide
autem qualiter confestim intellexerunt quod orbem terrarum liberare venerat,
et quod ad communem salutem veniens, non debebat in Iudaeis suam concludere
providentiam, sed ubique seminare sermonem. Dicentes etiam, quod est salvator
mundi, ostenderunt quod mundus perditus erat, in magnis malis existens. Et
quidem venerunt salvare prophetae et Angeli; sed hic est vere salvator, qui
salutem tribuit, non solum temporaneam, sed aeternam. Vide etiam qualiter
audientes mulierem dubitanter dicentem numquid hic est Christus? Non dixerunt
hi : quoniam nos suspicamur, sed quoniam scimus; et non simpliciter, sed
quoniam hic vere salvator mundi, non quasi unum ex multis Christum
confitentes. Solum verba audierunt, et hoc dixerunt quod dicere habebant, si
miracula multa et magna vidissent. Origenes. Ceterum si meminimus praedictorum, non
difficile est conicere quomodo cum repererint verbum sincerum, alias
disciplinas relinquunt, quasi dogmatum civitatem, de qua egredientes
salutifere credunt. Et puto studiose protulisse Ioannem, cum non dixit :
rogabant eum Samaritani intrare tantum Samariam, vel ingredi civitatem, sed
etiam ibi manere. Manet namque Iesus penes deprecantes; et praesertim quoties
qui precantur exeunt civitatem, et versus eum veniunt. Augustinus in Ioannem. Manet apud eos biduo; hoc
est, dat illis duo praecepta caritatis. Origenes. Neque enim capaces erant tertiae diei
eius; non enim erant avidi miraculorum quid cernere, quale qui fuerant in
Cana Galilaeae post triduum cum Iesu convivantes. Initium autem credendi
multis fuit mulieris verbum : non enim sic per seipsum verbum conspicitur
illuminans capientem, velut cum alterius dicto sibi testimonium perhibetur.
Augustinus. Sic ergo Christum cognoverunt primo per
famam, postea per praesentiam; sicut agitur hodie cum eis qui foris sunt, et
nondum sunt Christiani : Christus nuntiatur per Christianos amicos : tamquam
illa muliere, hoc est Ecclesia, nuntiante ad Christum veniunt : credunt per
istam feminam; et multo plures et firmius in eum credunt, quoniam vere ipse
est salvator mundi. Origenes. Impossibile est namque eamdem circa
intellectum fieri passionem videnti, et ei qui per videntem instruitur;
magisque est per speciem ambulare quam per fidem; unde hi non solum
testimonio hominis, sed ob ipsam quoque veritatem credunt. |
— Origène : (Traité 13 sur Saint Jean). Après avoir rapporté les paroles de
Jésus à ses disciples, l'Evangéliste continue son récit, en racontant la
conversion des habitants de cette ville qui vinrent trouver Jésus, et crurent
en lui par le témoignage de cette femme. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 34). Tout se fait ici
avec autant de facilité qu'au temps de la moisson, les gerbes sont
promptement recueillies, et en un instant l'aire de la grange en est remplie
: « Or, beaucoup de samaritains de
cette ville crurent en lui, à cause des paroles de cette femme et de son
témoignage : ‘Il m’a dit tout ce que j’ai fait’». Ils voyaient bien
que ce n'était point par un sentiment naturel que cette femme était pleine
d'admiration pour celui qui lui avait reproché ses désordres et qu'elle avait
reconnu en lui les caractères d'une grandeur et d'une supériorité
incontestables. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 35) [référence à vérifier]. Ce fut donc sur le seul
témoignage de cette femme, et sans avoir vu aucun miracle, qu'ils sortirent
de la ville, et prièrent Jésus de rester au milieu d'eux : « Quand donc les Samaritains furent
venus vers lui, ils le prièrent de s’arrêter chez eux ». Les Juifs,
au contraire, témoins de tant de miracles, non seulement ne cherchèrent point
à le retenir au milieu d'eux, mais mirent tout en œuvre pour le chasser de
leur pays. Rien de plus mauvais, en effet, que l'envie et la jalousie, rien
de plus pernicieux que la vaine gloire qui corrompt et détruit tous les biens
qu'elle touche. Les Samaritains voulaient le retenir toujours auprès d'eux,
mais il ne se rendit pas à leurs désirs, il demeura seulement deux jours avec
eux : « et il y demeura deux jours. » — Origène : On pourrait demander avec
assez de raison comment le Sauveur a pu rester deux jours avec les
Samaritains, qui l'en avaient prié, lui qui avait défendu [à ses disciples]
d'entrer dans les villes des Samaritains (Mt 10). Et il est évident que les
disciples y entrèrent avec lui. Nous répondons que marcher dans la voie des
nations, c'est se laisser gagner par les croyances des nations, et en faire
la règle de sa conduite, et qu'entrer dans les villes des Samaritains, c'est
adhérer à la fausse doctrine de ceux qui admettent la loi, les prophètes, les
évangiles et les écrits des Apôtres; mais lorsqu'ils abandonnent leur
doctrine personnelle pour venir trouver Jésus, il est alors permis de
demeurer avec eux. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 35). Les Juifs, malgré
tous les miracles dont ils furent témoins, demeurèrent dans leur incrédulité,
tandis que les Samaritains, sans avoir vu aucun miracle, et après avoir
entendu seulement Jésus, manifestèrent en lui une foi vraiment extraordinaire
: « Et un plus grand nombre crurent en
lui pour avoir entendu ses discours. » Pourquoi donc les Evangélistes ne
nous ont-ils pas rapporté ces discours ? Pour vous apprendre qu'ils ont passé
sous silence bien des choses importantes; ils vous font toutefois comprendre
la puissance de ces discours, puisqu'ils ont persuadé tous les habitants de
cette ville. Là, au contraire, où les auditeurs ne se laissent point
persuader, les Evangélistes sont comme obligés de reproduire les discours du
Sauveur, pour montrer que ce défaut de persuasion ne doit pas être imputé à
l'insuffisance de la parole, mais aux mauvaises dispositions dès auditeurs.
Or, les Samaritains, devenus les disciples de Jésus-Christ, ne veulent plus
de cette femme pour les instruire : «
Et ils disaient à la femme : Maintenant ce n'est plus sur ce que vous avez
dit que nous croyons; car nous-mêmes nous l'avons entendu, et nous croyons
qu'il est vraiment le Sauveur du monde. » Voyez comme ils comprennent
aussitôt qu'il était venu délivrer l'univers, et que voulant opérer le salut
de tous les hommes, il ne devait pas renfermer son action dans la Judée, mais
répandre partout la semence de sa parole. En le proclamant le Sauveur du
monde, ils prouvent encore que le monde était perdu, et plongé dans un abîme
de maux. Les prophètes et les anges étaient venus aussi en qualité de sauveurs,
mais le seul vrai Sauveur est celui qui donne le salut, non seulement pour le
temps, mais pour l'éternité. Voyez encore comme malgré la question de cette
femme qui semble renfermer quelque doute : « Ne serait-il point le Christ ? » ils ne disent point : Nous
soupçonnons, mais : « Nous savons. »
Ils vont plus loin, et reconnaissent qu'il est vraiment le Sauveur du monde,
c'est-à-dire qu'il n'est pas un sauveur ordinaire comme l'ont été tant
d'autres. Ils s'expriment de la sorte pour l'avoir entendu seulement parler,
que n'auraient-ils pas dit à la rue des miracles si nombreux et si
extraordinaires qu'il opérait ? — Origène : Si nous nous rappelons ce
qui précède, nous n'aurons point de peine à comprendre qu'après avoir trouvé
la parole de vérité, ces Samaritains abandonnent toute autre doctrine, et
sortent de la ville de leurs anciennes croyances pour embrasser la foi qui
conduit au salut. Aussi est-ce avec intention, je pense, que l'Evangéliste ne
dit pas : Les Samaritains le prièrent d'entrer dans la Samarie ou dans leur
ville, mais : « Ils le prièrent de
demeurer dans leur pays. » Jésus demeure toujours avec ceux qui l'en
prient, et surtout lorsqu'ils sortent de leur ville et viennent le trouver. —
Saint Augustin : (Traité 15). Il demeure deux
jours avec eux, c'est-à-dire qu'il leur donne les deux préceptes de la
charité. — Origène : Ils n'étaient pas encore dignes de voir son troisième jour, car ils ne
désiraient point voir des choses extraordinaires, comme les disciples qui se
trouvèrent avec Jésus aux noces de Cana, en Galilée, trois jours après que
Jésus les eut appelés à sa suite. (Jn 2) Plusieurs d'entre eux durent le
commencement de leur foi à la parole de cette femme [qui leur attestait que
Jésus lui avait dit tout ce qu'elle avait fait, mais le progrès de cette foi
et le nombre beaucoup plus considérable de ceux qui crurent ensuite furent
l'œuvre des enseignements du Sauveur lui-même]; car la connaissance du Verbe [ou
Fils de Dieu], qui est due à un témoignage extérieur, n'est jamais aussi
parfaite que celle qu'il répand avec toutes ses clartés dans l'âme de celui
qu'il daigne instruire lui-même. —
Saint Augustin : (Traité 15). Les Samaritains
connurent donc Jésus-Christ, d'abord par ce qu'ils entendirent raconter de
lui, et ensuite par ce qu'ils virent quand il était avec eux. Il tient encore
aujourd'hui la même conduite à l'égard de ceux qui sont en dehors de l'Eglise
et ne sont pas encore chrétiens. Ce sont les amis de Jésus-Christ, déjà
chrétiens eux-mêmes, qui commencent à le faire connaître, et c'est sur le
témoignage de cette femme, c'est-à-dire, de l'Eglise, qu'ils viennent le
trouver. Ils croient donc d'abord par l'intermédiaire de cette femme, mais
sur le témoignage même du Sauveur, un bien plus grand nombre croit et d'une
foi plus parfaite qu'il est vraiment le Sauveur du monde. — Origène : Il est impossible que l'effet produit sur l'intelligence, par ce que
l'on voit soi-même, ne soit pas supérieur à l'impression produite par le
témoignage d'un témoin oculaire, et il vaut beaucoup mieux avoir l'espérance
que la foi pour guide, c'est pour cela que les habitants de cette ville
croient non seulement sur un témoignage humain, mais sur le témoignage de la
vérité elle-même. |
Lectio 10 |
Versets 43-45
|
[86027] Catena in Io., cap. 4 l. 10 Alcuinus. Post
biduum quod fecit in Samaria, abiit in Galilaeam, ubi nutritus fuerat; unde
dicitur post duos autem dies exiit inde, et abiit in Galilaeam. Augustinus in Ioannem. Movet autem nos cur
Evangelista dixerit consequenter ipse enim Iesus testimonium perhibuit, quia
propheta in sua patria honorem non habet. Magis enim videtur attestari
potuisse, quod propheta in patria sua honorem non habet, si contemneret
pergere in Galilaeam, et in Samaria remansisset. Hoc ego sentio. In Samaria
biduum fecit, et crediderunt in eum Samaritani : tot dies fecit in Galilaea,
et non crediderunt in eum Galilaei; et propter hoc dixit, quod propheta in
patria sua honorem non habet. Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter. Ideo hoc
adiectum est, quia non in Capharnaum abiit, sed in Galilaeam, et in Cana, ut
infra dicetur. Ego enim patriam eum hic aestimo dicere Capharnaum. Quoniam
autem non potitus est illic honore, audi eum dicentem : et tu, Capharnaum,
quae usque ad caelum exaltata es, usque ad Infernum descendes. Dicit autem
hic patriam propriam, in qua videtur plus conversatus. Theophylactus. Vel aliter. Quia dominus exiens de
Samaria, venit in Galilaeam, ne aliquis dubitaret et quaereret qua de causa
non semper in Galilaea maneret, dicit, quod propter hoc non manebat in
Galilaea, quia nullum ibidem recipiebat honorem; quod ipse testatus est
dicens quia propheta in sua patria non habet honorem. Origenes in Ioannem. Perscrutanda est autem huius
dicti sententia. Patria siquidem prophetarum in Iudaea erat, et est non
ignotum quod honorem a Iudaeis nequaquam sunt consecuti, iuxta illud :
quemnam prophetarum non persecuti sunt patres vestri? Miranda etiam occurrit
huius decreti veracitas, cum pervenerit non tantum ad sanctos prophetas
vilipensos a propriis, et ipsum dominum nostrum; sed protensa sit etiam in
quosdam prophetiae sequaces contemptos a suis civibus, et ad mortem deductos.
Chrysostomus. Quid igitur? Nonne videmus et apud
suos multos in admirationem deductos? Ita quidem : sed ab his quae raro
contingunt non oportet talia pronuntiari. Sed et si in propria patria aliqui
honorantur, multo magis in aliena. Consuetudo enim facile homines
contemptibiles facere consuevit. Quando igitur venit in Galilaeam,
susceperunt eum Galilaei; unde sequitur cum ergo venisset in Galilaeam,
exceperunt eum Galilaei. Vides quoniam qui mali dicebantur, hi maxime ad
Christum accedere inveniuntur. Nam propter Galilaeos dicitur : interroga, et
vide, quoniam propheta ex Galilaea non surrexit. Propter Samaritanos autem
improperabant ei : Samaritanus es et Daemonium habes. Sed ecce Samaritani et
Galilaei credunt in confusionem Iudaeorum. Inveniuntur autem et Galilaei
Samaritanis meliores : nam illi quidem mulieris crediderunt verbis; hi vero
videntes signa quae faciebat; unde sequitur cum omnia vidissent quae fecerat
Hierosolymis in die festo. Origenes. Quod enim dominus eicit de templo
vendentes oves et boves, tam grande reperitur ut his moti Galilaei reciperent
dominum, considerantes mirantesque maiestatem eius : non enim minor potentia
eius ostenditur in his quam ut caeci videant, audiantque surdi. Aestimo vero
nec haec sola ipsum tunc fecisse, sed et alia signa. Beda. Sed unde data est eis videndi occasio,
ostendit subdens et ipsi enim venerant ad diem festum. Mystice autem
intimatur quod gentibus in fide a duobus praeceptis caritatis consolidatis,
Christus circa fines mundi revertetur ad patriam, idest ad Iudaeos. Origenes in Ioannem. Expedit autem Galilaeum, idest
transmigrantem, restare Hierosolymis, ubi est templum Dei, et videre singula
quae peragit ibi Iesus. Hoc enim est principium, ut Galilaei recipiant Dei
filium euntem ad ipsos; alioquin vel non recepissent illum, vel etiam ipse
nondum ipsis praeparatis ad eius receptionem adeo prope venisset ad eos. |
— Alcuin : [référence à vérifier] Après avoir passé deux jours dans la Samarie, Jésus
s'en alla en Galilée, où il avait été élevé : « Deux jours après il sortit de ce lieu, pour aller en Galilée.» —
Saint
Augustin : (Traité 16). Il nous parait surprenant que
l'Evangéliste ajoute : « Car Jésus lui-même
a rendu ce témoignage qu'un prophète n'est point honoré dans sa patrie, »
il semble qu'il eût été plus logique de dire qu'un prophète n'est point
honoré dans sa patrie, s'il avait évité d'aller dans la Galilée et qu'il fût
resté dans la Samarie. Voici à mon avis l'explication [de cette difficulté] :
Jésus ne resta que deux jours dans Samarie, et tous les Samaritains crurent
en lui; il prolonge son séjour dans la Galilée, et les Galiléens refusèrent
de croire en lui, et c'est ce qui lui fait dire qu'un prophète est sans
honneur dans sa sa patrie. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 35). On peut dire
encore que l'Evangéliste ajoute cette réflexion, parce que le Sauveur ne se
rendit pas à Capharnaüm, mais dans la Galilée, et de là dans la ville de Cana,
comme on le dira plus loin; car la patrie dont il est ici question est
Capharnaüm, d’après moi, et pour se convaincre qu'il n'y reçut aucun honneur,
il suffit de se rappeler les paroles qu'il a prononcées lui-même : « Et toi, Capharnaüm, qui t'es élevée
jusqu'au ciel, tu seras abaissé jusqu'aux enfers. » (Mt 11) L'Evangéliste
appelle la patrie du Sauveur le lieu où il paraît avoir passé la plus grande
partie de sa vie. —
Théophylactus : On peut donner encore cette explication : Jésus, en sortant de la
ville de Samarie se rend dans la Galilée, il pouvait donc paraître étonnant
qu'il n'y restât pas plus longtemps, l'Evangéliste en donne la raison, c'est
qu'il n'y était nullement honoré, ce qu'il déclare on ces termes : « Un prophète n'est point honoré dans sa
patrie. » — Origène : Approfondissons davantage le
sens de cette parole. La Judée était la patrie des prophètes, et personne
n'ignore qu'ils n'ont reçu des Juifs aucun honneur, [comme l'atteste Notre
Seigneur lui-même] : « Quel est celui
des prophètes que vos pères n'ont point persécuté ? » La vérité de ce
proverbe est d'autant plus frappante qu'il ne s'applique pas seulement aux
saints prophètes qui ont été méprisés par leurs compatriotes, et à Notre
Seigneur Jésus-Christ lui-même, mais qu'il s'étend à certains philosophes qui
n'ont recueilli de leurs concitoyens que le mépris, et la mort même. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 35). Quoi donc ?
Est-ce que nous ne voyons pas un certain nombre d'hommes qui ont excité
l'admiration de leur concitoyens ? Oui, sans doute, mais il ne faut pas
prendre l'exception qui arrive rarement comme règle générale. D'ailleurs,
s'ils ont été honorés dans leur patrie, ils l'eussent encore été davantage
dans un autre pays, car l'habitude [et la familiarité] engendrent
ordinairement le mépris : « lorsque
Jésus fut arrivé dans la Galilée, il fut donc accueilli par les Galiléens »,
comme le remarque l'Evangéliste. Vous voyez que ce sont ceux qui étaient
considérés comme plus mauvais qui se pressent le plus d'approcher de Jésus.
N'est-ce pas en effet des Galiléens qu'il est dit : « Interrogez et voyez si jamais il s'est élevé un prophète dans la
Galilée. » Quant aux Samaritains, on faisait un reproche au Sauveur de
ses rapports avec eux : « Vous êtes un
Samaritain et un possédé du démon. » (Jn 18) Or, voilà que les
Samaritains et les Galiléens ont embrassé la foi à la grande confusion des
Juifs. Les Galiléens paraissent même supérieurs aux Samaritains car ces
derniers n'ont cru que sur le témoignage d'une femme, tandis que la foi des
Galiléens s'est appuyée sur les miracles que le Sauveur avait opérés [sous
leurs yeux] : « Les Galiléens
l'accueillirent, ayant vu tout ce qu'il avait fait à Jérusalem pendant la
fête. » — Origène : Ce que Notre Seigneur avait fait en chassant du temple ceux qui vendaient
des brebis et des bœufs, leur avait paru tellement extraordinaire, que les
Galiléens, bouleversés par ces événements, l'accueillirent [avec empressement],
encore sous l'impression de sa puissance, qui n'avait pas moins éclaté, en
effet, dans cette circonstance, que lorsqu'il rendait la vue aux aveugles et
l'ouïe aux sourds. Je suppose d'ailleurs que ce ne furent pas ses seuls
miracles, mais qu’il y en eut d'autres. —
Saint Bède : Mais comment purent-ils être
témoins de ces miracles ? « parce
qu'eux aussi étaient venus à cette fête ». Nous voyons ici en figure
que lorsque les nations auront été affermies dans la foi par les deux
préceptes de la charité, Jésus-Christ, à la fin du monde, retournera dans sa
patrie, c'est-à-dire vers les Juifs. — Origène : Il est convenable que la Galilée (c'est-à-dire celle qui émigre),
vienne célébrer les fêtes à Jérusalem, où est le temple de Dieu, et voir tous
les prodiges qu'y opère Jésus, car l'ordre exige que les Galiléens reçoivent
le Fils de Dieu qui vient les trouver, sans quoi, ou ils ne l'auraient pas
reçu, ou lui-même ne serait pas venu au milieu d'eux s'ils n'avaient été
préparés à le recevoir. |
Lectio 11 |
Versets 46-54
|
[86028] Catena in
Io., cap. 4 l. 11 Chrysostomus in Ioannem. Primo quidem
dominus, ut supra dictum est, in Cana Galilaeae venerat vocatus ad nuptias;
nunc autem ad eos vadit, ut magis eos attrahat, sponte ad eos veniens,
propria patria dimissa, et ut fidem a priori miraculo in eis initiatam
fortiorem faceret propter suam praesentiam. Augustinus in Ioannem. Ibi enim quando aquam in
vinum convertit, crediderunt in eum discipuli eius : et utique plena domus
erat turbis convivantium, et factum est tam magnum miraculum, et non
crediderunt nisi discipuli eius : et ideo hanc civitatem modo repetivit,
scilicet ut qui per priora non crediderant, modo credant. Theophylactus. Rememorat autem nobis Evangelista
miraculum perpetratum in Cana Galilaeae de aqua conversa in vinum, ut augeret
Christi praeconium : quia Galilaei non solum propter miracula Hierosolymis
facta, sed et propter ea quae apud ipsos facta erant, receperunt Iesum;
simulque ut ostenderet quod regulus credidit propter miraculum in Cana
perpetratum, quamvis eius non perfecte cognoverit dignitatem; unde sequitur
et erat quidam regulus, cuius filius infirmabatur Capharnaum. Origenes in Ioannem. Putabit autem aliquis regis
Herodis hunc esse regulum : et aliquis asserit hunc esse de familia Caesaris,
exercentem tunc temporis aliquid in Iudaea : neque enim dicitur quod Iudaeus
fuerit. Chrysostomus. Regulus autem dicitur, aut quasi
generis existens regalis, aut dignitatem aliquam principatus habens; aut quia
sic vocabatur. Igitur quidam hunc eumdem esse existimant centurionem, qui est
apud Matthaeum. Ostenditur autem alius esse ab eo : nam ille quidem Christum
volentem ire ad suam domum, rogat remanere; hic autem et nihil tale
promittentem ad domum trahit : et ille quidem ad Iesum de monte descendentem
Capharnaum intravit; hic autem ad Iesum in Cana venientem accessit : et
illius quidem puer a paralysi detinebatur; huius autem filius a febre. De hoc
ergo regulo subditur hic cum audisset quod Iesus adveniret a Iudaea in
Galilaeam, abiit ad eum, et rogabat eum ut descenderet, et sanaret filium
eius : incipiebat enim mori. Augustinus. Qui rogabat, nonne credebat? Quid a me
expectas audire? Dominum interroga quid de illo senserit; sequitur enim dixit
ergo Iesus ad eum : nisi signa et prodigia videritis, non creditis. Arguit
hominem in fide tepidum aut frigidum, aut omnino nullius fidei; sed tentare cupientem
de sanitate filii sui, qualis esset Christus, quid esset, quantum posset.
Prodigium quidem appellatum est, quasi porrodicium, quod porro dicat, porro
significet, et futurum aliquid portendat. Augustinus de Cons. Evang. Adeo autem dominus supra
omnia mutabilia vult mentem credentis attollere, ut nec ipsa miracula, quae,
quamvis divinitus, de mutabilitate corporum fiunt, a fidelibus quaeri velit.
Gregorius in Evang. Sed mementote etiam quae petiit;
et aperte agnoscetis quia in fide dubitavit. Poposcit namque ut descenderet,
et sanaret filium eius; unde sequitur dicit ad eum regulus : domine, descende
priusquam moriatur filius meus. Minus itaque in illum credidit quem non
putavit posse salutem dare, nisi praesens esset et corpore. Chrysostomus. Audi etiam qualiter adhuc terrene
Christum trahit, quasi non posset eum post mortem suscitare. Si autem non
credens venit et rogavit, nil mirabile. Consueverunt enim patres ex multo
amore non solum medicis loqui de quibus confidunt, sed de quibus non confidunt;
nihil volentes praetermittere eorum quae ad salutem pertinent filiorum. Si
tamen valde crederet Christi virtutem, non neglexisset etiam in Iudaeam ire.
Gregorius. Sed dominus qui rogatur ut vadat, quia
non desit ubi invitatur, indicat : solo iussu salutem reddidit qui voluntate
omnia creavit; unde sequitur dicit ei Iesus : vade, filius tuus vivit. Hic
superbia nostra retunditur, qui in hominibus non naturam, qua ad imaginem Dei
facti sunt, sed honores et divitias veneramur. Redemptor vero noster, ut ostenderet
quoniam quae alta sunt hominibus, sanctis despicienda sunt, et quae
despicienda sunt hominibus, despicienda non sunt sanctis, ad filium reguli
ire noluit, ad servum centurionis ire paratus fuit. Chrysostomus. Vel aliter. Illic quidem fides confirmata
erat; idcirco et promisit ire, ut discamus viri devotionem : hic autem adhuc
imperfectus erat, et nondum noverat manifeste quod absens curare poterat :
unde ex hoc quod non accedit Iesus, hoc addiscit; sequitur enim credidit homo
sermoni quem dixit ei Iesus, et ibat; non tamen integre, neque sane. Origenes in Ioannem. Ostenditur autem eius dignitas
et officium ex hoc quod servientes illi occurrunt; unde sequitur iam autem eo
descendente, servi occurrerunt ei, et nuntiaverunt ei, dicentes, quia filius
eius viveret. Chrysostomus. Qui quidem obviaverunt, non ut
annuntiarent solum, sed quasi aestimantes de reliquo superfluam esse Christi
praesentiam, quem credebant accedere. Quod autem regulus non integre credidit
neque sane, ostenditur ex hoc quod sequitur interrogabat ergo horam ab eis in
qua melius habuerat. Volebat enim scire utrum casu, vel ex praecepto Christi
hoc factum esset. Sequitur et dixerunt ei, quia heri hora septima reliquit
eum febris. Vide qualiter miraculum manifestum est : non enim simpliciter,
neque ut contingit, a periculo liberatus est; sed repente et simul : ut
appareat non esse ex naturae consequentia quod fiebat, sed ex actione
Christi; unde sequitur cognovit ergo pater quia illa hora erat in qua dixit
ei Iesus : filius tuus vivit : et credidit ipse, et domus eius tota. Augustinus in Ioannem. Si ergo propterea credidit
quia nuntiatum est ei quod filius eius esset sanus, et comparavit horam
nuntiantium horae praenuntiantis, quando rogabat, nondum credebat. Beda. Unde datur intelligi, et in fide gradus esse,
sicut et in aliis virtutibus, quibus est initium, incrementum atque
perfectio. Huius ergo fides initium habuit cum filii salutem petiit;
incrementum dum credidit sermoni domini dicentis filius tuus vivit; deinde
perfectionem obtinuit nuntiantibus servis. Augustinus. Ad solum sermonem crediderunt plures
Samaritani; ad illud miraculum sola illa domus credidit ubi est factum; unde
subdit Evangelista hoc iterum secundum signum fecit Iesus, cum venisset a
Iudaea in Galilaeam. Chrysostomus in Ioannem. Non sine causa adiecit; sed
ostendens quoniam secundo signo facto, nondum ad perfectionem Samaritanorum
nullum signum videntium Iudaei pervenerunt. Origenes in Ioannem. Amphibologiam autem continet
praesens dictum; uno enim modo denotat quod Iesus veniendo a Iudaea in
Galilaeam, duo fecit miracula : quorum secundum est factum erga filium reguli
: alio modo sic : duobus existentibus signis quae Iesus in Galilaea exercuit,
secundum egit veniens a Iudaea in Galilaeam; et hic sensus verus est. Mystice
autem, per hoc quod Iesus bis in Galilaeam accedit, binus salvatoris adventus
in mundum ostenditur : primus quidem misericordiae, ut vino facto convivas
exhilaret; secundus vero ut filium reguli ad mortem pene deductum suscitet,
idest populum Iudaeorum, qui post plenitudinem gentium accedet salvandus in
fine. Magnus autem rex regum est qui constitutus est a Deo in monte Sion
sancto eius : huius qui viderunt diem, et gavisi sunt, reguli dignoscuntur.
Arbitramur igitur regulum esse Abraham, aegrotum vero filium eius,
Israeliticum genus debilitatum erga cultum divinum; et ideo incaluit ignitis
spiculis inimici, ut proinde febrire censeatur. Apparet autem quod
praecedentibus sanctis, postquam carnis exuerunt amictum, populus fuit curae
: unde legitur in Machab. post mortem Ieremiae : hic est Ieremias propheta
Dei, qui plurimum orat pro populo. Abraham igitur obsecrat adiuvari a
salvatore populum infirmum. Et quidem potestatis verbum de Cana prodit, ubi
dictum est filius tuus vivit; sed verbi efficacia in Capharnaum agitur, nam
ibi filius reguli curatus est, quasi in agro consolationis morans; quod
significat genus quoddam debilium, non tamen omnino fructibus privatorum.
Illud autem nisi signa et prodigia videritis, non creditis, dictum illi, refertur
ad multitudinem filiorum suorum, et ad ipsum quodammodo : sicut enim Ioannes
expectabat datum sibi signum, scilicet : super quem videris spiritum
descendentem, sic et praemortui sancti adventum Christi in carnem et signis
et prodigiis manifestandum expectabant. Habebat autem hic regulus non solum
filium, sed etiam servos; per quos significatur materies quaedam minus bene
et infirme credentium. Nec a casu hora septima deserit filium febris : nam
septenarius numerus est quietis. Alcuinus. Vel quia per septiformem spiritum est
omnis remissio peccatorum : septenarius enim in tria et quatuor divisus
significat sanctam Trinitatem, in quatuor anni temporibus, in quatuor mundi
partibus, in quatuor elementis. Origenes. Possunt quoque significari duo adventus
Christi verbi ad animam : primus quidem ex facto vino praebens animae gaudium
spiritualis convivii; secundus vero omnes languoris ac mortis reliquias
amputans. Theophylactus. Regulus autem est omnis homo : non
solum quia regi universorum propinquus existit secundum animam, sed quia et
ipse super omnia principatum sumpsit; cuius filius, idest mens, febricitat
voluptatibus pravis et desideriis. Accedit autem ad Iesum, et deprecatur ut
descendat; idest, ut condescensu misericordiae utatur, et parcat peccatis,
priusquam a voluptatum infirmitate mortificetur. Sed dominus dicit vade,
idest, profectum continuum circa bonum ostendas, et tunc filius tuus vivet;
si autem ambulare cessaveris, mortificabitur tibi intellectus circa boni
operationem. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 35). Notre Seigneur
était venu une première fois à Cana, en Galilée, où il était invité à
assister à des noces, comme on l’a dit plus haut; il retourne maintenant dans
cette ville pour l'attirer davantage à lui par cette démarche toute volontaire
qu'il fait en quittant sa patrie, et pour affermir par sa présence la foi que
son premier miracle avait commencé de former dans le cœur de ses habitants. —
Saint Augustin : (Traité 16). Lorsqu'il
changea l'eau en vin dans cette circonstance, ses disciples crurent en lui,
la maison était pleine d’une foule de convives, et cependant à la vue d'un si
grand miracle, personne ne crut à sa puissance divine, sauf ses disciples. Il
revient donc dans cette ville pour amener à la foi ceux que son premier miracle
n'avait pu déterminer à croire. — Théophylactus : L'Evangéliste nous rappelle le miracle qu'il fit à Cana, en Galilée,
en changeant l'eau en vin, pour ajouter à la gloire de Jésus-Christ, parce
qu'en effet ce ne fut pas seulement à cause des miracles dont ils furent
témoins à Jérusalem, mais par suite des prodiges qui s'accomplirent au milieu
d'eux qu'ils accueillirent Notre-Seigneur. Il veut nous apprendre en même
temps que cet officier croyait en Jésus-Christ depuis le miracle de Cana,
bien qu'il ne connût point parfaitement sa dignité : « Or, il y avait à Capharnaüm un officier du roi dont le fils était
malade. » — Origène : Quelques-uns pensent que cet
homme était un des officier d'Hérode, et d'autres affirment qu'il était dé la
maison de César, et qu'il avait été envoyé en mission particulière en Judée,
car on ne dit pas qu'il fut juif. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 35). L'Evangéliste lui
donne le nom de « regulus », officier royal, soit qu'il fût de race
royale, soit qu'il fût revêtu de quelque haute dignité, soit parce qu’il
s’appelait Régulus. Il en est qui pensent que cet officier est le même que le
centurion dont parle saint Matthieu (Mt 8, 5). Mais tout prouve que ce sont
deux personnages différents. Le centurion prie Jésus de ne pas venir dans sa
maison, alors que le Sauveur se disposait à y aller, cet officier, au
contraire, veut l'entraîner chez lui sans que Notre Seigneur le lui ait
promis. Le premier vint trouver Jésus, alors qu'il descendait de la montagne
et qu'il entrait à Capharnaüm, celui-ci, lorsque le Sauveur était dans la
ville de Cana. Le serviteur de l'un était paralytique, le fils du second
était atteint d'une fièvre mortelle. C'est donc de l'officier royal que
l'Evangéliste dit : « Ayant appris que
Jésus arrivait de Judée en Galilée, il l'alla trouver et le pria de descendre
en sa maison, pour guérir son fils qui était sur le point de mourir.» —
Saint Augustin : Il priait, il n'avait donc
pas la foi ? Quelle explication attendez-vous de moi ? Demandez au Seigneur
lui-même ce qu'il pense de cet homme : «
Jésus lui dit : Si vous ne voyez des signes et des prodiges vous ne croyez
pas. » Il reproche à cet homme sa tiédeur, sa froideur dans la foi,
peut-être même son absence complète de foi; il n'avait qu'un désir, la
guérison de son fils comme une épreuve certaine de ce qu'était Jésus, de sa
dignité, de sa puissance. Le mot prodige (« prodigium » comme « porro
dictum »), signifie une chose qui date de loin, qui est éloignée et qui
annonce un événement futur. —
Saint Augustin : (de l'accord des Evang., 4,
10). Notre Seigneur veut tellement élever l'âme de ses fidèles au-dessus de
toutes les choses soumises au changement, qu'il ne veut pas leur voir
rechercher des miracles, où sa divinité est le premier et le principal agent,
mais qui portent sur de simples changements opérés dans les corps. —
Saint Grégoire : (hom. 28 sur les Evang).
Rappelez-vous l'objet de la prière de cet officier, et vous connaîtrez.
clairement que sa foi était bien chancelante : il demande à Jésus de
descendre et de guérir son fils : «
Cet officier lui dit : Seigneur, descendez avant que mon fils ne meure. »
Sa foi en Jésus était donc bien faible, puisqu'il ne croyait pas qu'il pût
guérir son fils sans venir lui-même en personne. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 35). Ecoutez dans quel
sentiment tout humain il veut attirer le Sauveur chez lui, comme s'il ne
pouvait ressusciter son fils après sa mort. Rien d'étonnant du reste qu'il
vienne trouver Jésus sans avoir la foi; l'amour des pères pour leurs enfants
leur fait consulter, non seulement les médecins qui ont leur confiance, mais
ceux mêmes qui ne leur en inspirent pas une bien grande, parce qu'ils ne
veulent rien omettre de ce qui peut conserver la vie à leurs enfants. S'il
avait eu une foi vive à la puissance de Jésus-Christ, il l'aurait été trouver
jusque dans la Judée. —
Saint Grégoire : (hom. 28 sur les Evang).
Notre Seigneur à qui cette prière est adressée, veut nous apprendre qu'il se
rend toujours aux invitations qui lui sont faites, et il guérit le fils de cet
homme par son seul commandement, lui qui a tout créé par sa volonté : « Jésus lui dit : Allez, votre fils est vivant.
» Quelle condamnation pour notre orgueil qui respecte et vénère dans les
hommes non cette nature faite à l'image et à la ressemblance de Dieu, mais
les honneurs et les richesses ! Notre Rédempteur au contraire, pour nous
apprendre que les saints méprisent ce qui paraît élevé aux yeux des hommes,
et qu'ils estiment et vénèrent ce que les hommes méprisent, refuse d'aller
dans la maison de cet officier [pour guérir son fils]; et il est disposé au
contraire à se rendre près du serviteur du centurion. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 35). Ou bien encore,
la foi du centurion était solidement affermie, et Notre Seigneur promet
d'aller chez lui, pour faire ressortir la piété du centurion. Cet officier au
contraire, n'avait qu'une foi bien imparfaite, il ne croyait pas bien
entièrement que Jésus pût guérir son fils, sans se rendre près de lui, et le
refus du Sauveur a pour but de le lui apprendre, comme l'Evangéliste le dit
expressément : « Cet homme crut à la
parole que Jésus lui avait dite et s'en alla », sans toutefois
comprendre parfaitement cette leçon. — Origène : Ces serviteurs qui viennent
à sa rencontre montrent que cet homme était d'un rang élevé et occupait un
emploi supérieur : « Comme il était en
chemin, ses serviteurs vinrent à sa rencontre, et lui dirent que son enfant
était vivant.» —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 35). Ils viennent à sa
rencontre, non seulement pour lui annoncer [la guérison de son fils], mais
parce qu'ils croyaient que Jésus l'accompagnait, et qu'ils regardaient comme
inutile qu'il allât plus loin. La question que leur fait cet officier prouve
que sa foi n'était ni bien pure ni bien parfaite : « Et il leur demandait à quelle heure il s'était trouvé mieux, »
Il voulut savoir si sa guérison était l'effet du hasard ou de la parole de
Jésus : « Et ils lui dirent : Hier à la
septième heure, la fièvre l'a quitté. » Voyez comme tout, concourt à
rendre ce miracle éclatant, la guérison de cet enfant ne suit pas la marche
ordinaire, elle est instantanée et complète pour bien établir qu'elle n'est
pas due aux lois de la nature, mais à l'action de Jésus-Christ : « Et son père reconnut que c'était l'heure
à laquelle Jésus lui avait dit : Votre fils est vivant, et il crut lui et
toute sa maison. » —
Saint Augustin : (Traité 16). S'il crut
lorsqu'il apprit que son fils était guéri, et qu'il eut rapproché l'heure de
sa guérison de celle où Jésus lui avait dit : « Votre fils est guéri, » il n'avait donc pas encore la foi quand
il se présenta devant le Sauveur. —
Saint Bède : Nous devons conclure de là
qu'il y a des degrés dans la foi comme dans les autres vertus qui ont leur
commencement, leur progrès et leur perfection. La foi de cet officier était à
son commencement, lorsqu'il vint demander la guérison de son fils, elle
prenait de l'accroissement, lorsqu'il crût à la parole du Seigneur qui lui
disait : « Votre fils est guéri» ;
et elle eut toute sa perfection lorsque ses serviteurs lui confirmèrent [la
guérison de son fils]. —
Saint Augustin : (Traité 16). C'est après
l'avoir simplement entendu qu'un grand nombre de Samaritains crurent en lui,
et après ce grand miracle, il n'y eut que la maison seule de cet officier où
cette guérison miraculeuse avait eu lieu. L'Evangéliste ajoute : « Ce fut le second miracle que Jésus fit
après être revenu de Judée en Galilée. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 35). Ce n'est pas sans
raison qu'il fait cette réflexion, et il veut nous faire remarquer que même
après ce second miracle, les Juifs n'étaient pas encore parvenus à la hauteur
des Samaritains qui n'avaient vu aucun miracle. — Origène : (Traité 18 sur Saint Jean). Cette
proposition est amphibologique, on peut l'entendre en ce sens, que Jésus en venant
de la Judée en Galilée, fit deux miracles, dont le second fut la guérison du
fils de cet officier; ou dans cet autre qui est le plus vrai, que de ces deux
miracles que Jésus fit dans la Galilée, le second eut lieu lorsqu'il vint de
la Judée en Galilée. Dans le sens mystique, ce double voyage de Jésus en
Galilée figure le double avènement du Sauveur dans le monde, le premier qui
est tout de miséricorde et où il porte la joie dans le cœur des convives en
changeant l'eau en vin; le second où il rend à la vie le fils de cet officier
presque entre les bras de la mort, c'est-à-dire le peuple juif qui doit être
sauvé à la fin du monde après que la plénitude des nations sera entrée [dans
l'Eglise]. C'est lui qui est le grand Roi des rois que Dieu a établi sur la
sainte montagne de Sion (Ps 2); ceux qui ont vu son jour ont été remplis de
joie (Jn 8). Ils sont reconnus « regulus » ( ?).
Nous pensons que cet officier royal, c'est Abraham; son fils malade, c'est le
peuple d'Israël qui a laissé s'affaiblir entre ses mains le culte du vrai
Dieu, et qui transpercé des traits enflammés de l'ennemi, est comme atteint
d'une fièvre mortelle. Nous voyons encore ici que les saints dont nous venons
de parler, lorsqu'ils ont dépouillé l'enveloppe de cette chair mortelle, prennent
compassion de leur peuple. C'est ce que nous lisons dans le livre des
Macchabées (M 2, 45), après la mort de Jérémie : « C'est Jérémie, le prophète de Dieu qui prie beaucoup pour le
peuple. » Abraham prie le Sauveur de venir au secours de ce peuple infirme,
c'est de Cana que part cette parole toute puissante : « Votre fils est vivant, » mais c'est à Capharnaüm que son
efficacité se fait sentir; car c'est là que le fils de cet officier est
guéri, comme dans le champ de la consolation, et cet enfant représente ces
hommes atteints de grandes faiblesses, mais sans être réduits à une stérilité
complète. Ces paroles du Sauveur : « Si
vous ne voyez des signes et des prodiges, vous ne croyez pas » peuvent
s'appliquer à la multitude des enfants du patriarche, aussi bien qu'à
lui-même. En effet, de même que Jean-Baptiste attendait le signe qui lui
avait été donné : « Celui sur lequel
vous verrez l'Esprit saint descendre», ainsi les justes morts depuis le
commencement du monde, attendaient l'avènement de Jésus-Christ dans la chair,
avènement qui devait se manifester par des signes et par des prodiges. Cet
officier, outre son fils, avait des serviteurs qui représentent ceux dont la
foi est encore faible et imparfaite, et ce n'est point sans dessein que la
fièvre quitte cet enfant à la septième heure, car le nombre, sept est le
symbole du repos. —
Alcuin : Ou bien encore, c'est parce
que c'est l'Esprit aux sept dons qui est l'auteur de la rémission des péchés,
car le nombre sept composé des nombres trois et quatre, représente la sainte
Trinité dans les quatre temps de l'année, dans les quatre parties du monde,
comme dans les quatre éléments. — Origène : On peut encore voir ici les
deux avènements du Verbe dans notre âme : le premier ou l'eau fut changée en
vin fait éprouver à l'âme la joie d'un banquet spirituel; le second qui
retranche tous les restes de langueur et de mort spirituelle. — Théophylactus : Cet officier du roi représente tout homme, non seulement parce que
l'homme est par son âme dans des rapports étroits avec le souverain roi de
tout ce qui existe, mais aussi parce que Dieu lui a donné l'autorité sur
toutes les créatures. Son fils, c'est l'âme de l'homme en proie à la fièvre
des mauvais désirs et des convoitises charnelles. Il s'approche de Jésus et
le prie de descendre, c'est-à-dire de s'abaisser jusqu'à lui par une
miséricordieuse condescendance et de lui pardonner ses péchés, avant que
cette maladie des voluptés sensuelles ne lui ait fait perdre la vie. Le
Seigneur lui dit : « Allez, »
c'est-à-dire faites toujours de nouveaux progrès dans le bien; et alors votre
fils sera rendu à la vie; mais si vous cessez de marcher, votre âme frappée
de mort ne pourra plus faire aucune bonne action. |
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Caput 5 |
CHAPITRE V
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Lectio 1 |
Versets 1-13
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[86029] Catena in Io., cap. 5 l. 1 Augustinus de Cons.
Evang. Post miraculum in Galilaea factum, inde Hierosolymam redit; unde
dicitur post haec erat dies festus Iudaeorum, et ascendit Iesus Hierosolymam.
Chrysostomus in Ioannem. Mihi videtur quod erat dies festus Pentecostes. Ascendit
autem Iesus Hierosolymam semper in diebus festis, ut cum eis dies festos
faciens non videatur legi contrarius, et ob hoc multitudinem simplicem per
signa et doctrinam attrahat : maxime enim in diebus festis qui iuxta positi
erant, concurrebant. Sequitur est autem Hierosolymis probatica piscina, quae
cognominatur Hebraice Bethsaida, quinque porticus habens. Alcuinus. Probaton Graece, ovis dicitur; probatica
ergo piscina pecuaria dicitur, ubi sacerdotes cadavera hostiarum abluebant.
Chrysostomus. Decebat quidem Baptisma dari peccata purgans, cuius imago
praescripta fuit in piscina et in aliis pluribus. Et primum quidem dedit Deus
aquam expurgantem corporum sordes et inquinationes non existentes, sed
opinatas, puta ea quae a funere, et quae a lepra, et quae ab aliis talibus;
deinde infirmitates diversas per aquas facit solvi; unde sequitur in his
iacebat multitudo magna languentium, caecorum, claudorum, aridorum
expectantium aquae motum. Volens enim Deus propinquius adducere ad Baptismi
donum, non adhuc inquinamenta solum mundat, sed etiam aegritudines sanat :
sicut enim ministri qui prope regem sunt, his qui sunt a longe clariores
sunt; ita et in figuris fit. Non autem simpliciter sanabat aquarum natura;
semper enim hoc fieret; sed in Angeli descensione; unde sequitur Angelus
autem domini descendebat secundum tempus in piscinam, et movebatur aqua. Sic
enim et in baptizatis non simpliciter aqua operatur; sed cum spiritus sancti
acceperit gratiam, tunc omnia solvit peccata. Angelus enim descendens turbabat
aquam, et sanativam imponebat virtutem; ut discant Iudaei quoniam multo magis
Angelorum dominus omnes aegritudines animae sanare potest. Sed tunc quidem
infirmitas impedimentum volenti curari fiebat; subditur enim et qui prior
descendisset in piscinam post motionem aquae, sanus fiebat a quacumque
detinebatur infirmitate. Nunc autem unusquisque accedere potest : non enim
Angelus est qui turbat aquam, sed Angelorum dominus, qui omnia operatur. Sed
etsi orbis terrarum universus veniat, gratia non consumitur, sed similis
manet : sicut enim solares radii per unamquamque illuminant diem, et non
consumuntur, neque a multa largitione minor fit solis lux; ita et multo
amplius spiritus sancti actio in nullo minuitur a multitudine eorum qui
potiuntur ea. Hoc autem fiebat, scilicet ut unus tantum post motionem aquae
sanaretur; ut qui didicerant quoniam in aqua aegritudines corporis
sanabantur, in hoc per multum tempus exercitati, facile crederent quod et
aegritudines animae aqua sanare potest. Augustinus in Ioannem. Plus est autem quod Christus
vitia sanavit animarum, quam quod sanavit languores corporum mortuorum. Sed
quia ipsa anima non eum noverat, a quo sananda erat, et oculos habebat in
carne, unde facta corporalia videret, et nondum habebat in corde, unde Deum
latenter cognosceret, fecit quod videri poterat, ut sanaretur unde videri non
poterat. Ingressus est locum ubi iacebat multitudo languentium, de quibus
elegit unum ut sanaret, de quo subditur erat autem quidam homo ibi triginta
et octo annos habens in infirmitate sua. Chrysostomus in Ioannem. Non autem confestim eum a
principio sanavit; sed primum eum familiarem sibi fecit, per interrogationem
futurae fidei faciens viam. Non autem expetit fidem, ut in caecis fecit,
dicens : creditis quia possum hoc facere? Quia hic nondum noverat eum
manifeste quis esset. Nam alii quidem ex aliis eius virtutem cognoscentes,
convenienter haec audiebant; alii vero nondum eum cognoscentes, sed per signa
eum cognituri, post miracula requiruntur de fide; unde sequitur hunc cum
vidisset Iesus iacentem, et cognovisset quia multum iam tempus haberet, dicit
ei : vis sanus fieri? Non hoc quaerit ut discat (hoc enim superfluum esset),
sed ut ostenderet illius patientiam, qui triginta et octo annos habens, per
unumquemque annum eripi ab aegritudine expectans, assidebat, et non
desistebat; et ut cognoscamus propter quam causam dimittens alios, ad hunc
venit. Et non dicit : vis, te curabo? Nondum enim aliquid magnum imaginabatur
ille de Christo. Non autem turbatus est ad interrogationem, neque dixit :
iniuriari mihi venisti, quando interrogas si volo sanus fieri; sed mansuete
respondet; sequitur enim respondit ei languidus : domine, hominem non habeo,
ut cum turbata fuerit aqua, mittat me in piscinam; dum venio enim ego, alius
ante me descendit. Non noverat quis esset qui interrogabat, neque quod
curaturus esset eum; opinabatur autem fortasse utilem sibi fore Christum ad
mittendum eum in aquam. Sed Christus ostendit quod verbo omnia potest facere;
unde sequitur dicit ei Iesus : surge, tolle grabatum tuum, et ambula. Augustinus. Tria dixit : sed surge, non operis
imperium fuit, sed operatio sanitatis; sano autem duo imperavit : tolle
grabatum tuum, et ambula. Chrysostomus. Intuere divinae sapientiae
superabundantiam. Non solum sanat, sed et lectum portare iubet : ut et
credibile faceret miraculum, et nullus existimet phantasiam esse quod factum
est. Non enim, nisi certissime et vehementer compacta essent membra, lectulum
ferre possent. Audiens autem languidus quoniam cum potestate et velut iubens
dixit surge, tolle grabatum tuum, non derisit dicens : Angelus descendit, et
turbat aquam, et solum unum curat, tu autem homo existens ex solo praecepto
speras te magis Angelis posse? Sed audivit et non discredidit ei qui iussit,
et sanus factus est; unde sequitur et statim sanus factus est homo, et
sustulit grabatum suum, et ambulabat. Beda. Multum quippe inter sanationem domini, et quae
a medicis infertur, distare probatur : haec videlicet voce iubentis, et mox
impletur; illa vero per multa temporis intervalla aliquoties perficitur. Chrysostomus. Igitur mirabile quidem est hoc; quae
autem sequentur multo maiora erunt : nam in initio quidem nullo molestante
suaderi non ita mirabile est, sicut quod post insanientibus Iudaeis et
accusantibus, Christo obedivit, ut ostendit Evangelista consequenter, dicens
erat autem sabbatum in illo die. Dicunt ergo Iudaei illi qui sanatus fuerat :
sabbatum est; non licet tibi tollere grabatum tuum. Augustinus in Ioannem. Non calumniabantur domino
quia sanum fecerat sabbato, quia eis respondere posset, quia si cuiusquam
iumentum in puteum cecidisset utique die sabbati erueret illud et salvaret;
sed ei qui portabat grabatum suum; quasi dicant : si sanitas non erat
differenda, numquid et opus fuerat imperandum? Sed ille auctorem sanitatis
suae obiciebat calumniatoribus; unde sequitur respondit eis : qui me sanum
fecit, ille mihi dixit : tolle grabatum tuum, et ambula; quasi dicat : quare
non acciperem iussionem a quo acceperam sanitatem? Chrysostomus. Nimirum si malignari vellet, poterat
dicere : si crimen est, accusate eum qui iussit, et deponam lectulum; sed et
curationem utique occultasset; etenim sciebat non ita eos id reprehendere ex
sabbati solutione, sicut ex infirmitatis sanatione. Sed neque hoc occultavit,
neque veniam petiit; sed clara voce beneficium confessus est. Illi vero
maligne interrogaverunt; unde subditur interrogaverunt ergo eum : quis est
ille homo qui dixit tibi : tolle grabatum tuum, et ambula? Non dicunt : quis
est qui fecit te sanum? Sed in medium inducunt id quod transgressio
aestimabatur. Sequitur is autem qui sanus fuerat effectus, nesciebat quis
esset. Iesus autem declinavit a turba constituta in loco. Et primum quidem ut
eo absente testimonium insuspicabile fieret; qui enim adeptus fuerat
sanitatem, idoneus erat beneficii testis : demum ut non plus faceret furorem
illorum accendi. Solus enim visus eius cui invidetur, non parvam invidentibus
immittit scintillam. Propterea discedens permisit ab ipsis suum factum
examinari. Quidam aestimant hunc paralyticum esse eum qui in Matthaeo positus
est; sed non est : ille enim multos habebat sui curam habentes, et eum
ferentes; hic autem nullum. Sed et locus utrorumque diversus est. Augustinus. Si quidem mediocri corde et humano
ingenio consideremus hoc miraculum facientem, quod ad potestatem pertinet,
non magnum aliquid fecit; et quod ad benignitatem, parum fecit. Tot iacebant,
et unus curatus est, cum posset uno verbo omnes erigere. Quid ergo
intelligendum est, nisi quia potestas illa et bonitas magis agebat quid
animae in factis eius pro salute sempiterna intelligerent, quam quid pro
temporali salute corpora mererentur? In illis enim factis quicquid
temporaliter sanatum est, in membris mortalibus in fine defecit; anima quae
credidit, ad vitam aeternam transitum fecit. Piscina ista et aqua illa
populum mihi videtur significasse Iudaeorum : significari enim populus nomine
aquarum, aperte nobis indicat Apocalypsis Ioannis. Beda. Bene autem piscina probatica fuisse
describitur. Ille enim populus ovis nomine significatur, secundum illud : nos
populus tuus, et oves gregis tui. Augustinus. Aqua ergo illa, idest populus ille,
quinque libris Moysi tamquam quinque porticibus claudebatur; sed illi libri
prodebant languidos, non sanabant : lex enim peccatores convincebat, non
absolvebat. Beda. Denique multa genera languentium in eadem
iacuerunt : caeci scilicet qui scientiae lumine carent; claudi, qui ad ea
quae iubentur implenda, vires non habent; aridi, qui supernae dilectionis
pinguedine carent. Augustinus. Venit autem Christus ad populum
Iudaeorum, et faciendo magna, docendo utilia, turbavit peccatores, idest
aquam, praesentia sua, et excitavit ad passionem suam. Sed latens turbavit :
si enim cognovissent, nunquam gloriae dominum crucifixissent. Subito enim
videbatur aqua turbata, et a quo turbabatur non videbatur. Descendere ergo in
aquam turbatam, hoc est humiliter credere in domini passionem. Ibi sanatur
unus, significans Ecclesiae unitatem; postea quisquis veniret non sanabatur;
quia quisquis praeter unitatem fuerit, sanari non poterit. Vae illis qui
oderunt unitatem, et partem sibi faciunt in hominibus. Habebat autem triginta
et octo annos in infirmitate qui sanatus est : hic enim numerus ad languorem
pertinet magis quam ad sanitatem. Quadragenarius enim numerus sacratus nobis
in quadam perfectione commendatur : quia lex in decem praeceptis data est, et
praedicanda erat per totum mundum, qui quatuor partibus commendatur :
denarius autem per quatuor multiplicatus ad quadragenarium pervenit. Vel quia
per Evangelium, quod quatuor libros habet, impletur lex. Si ergo
quadragenarius numerus habet perfectionem legis, et lex non impletur nisi in
gemino praecepto caritatis, quid miraris, quia languebat qui quadraginta,
minus duos, habebat? Necessarius erat illi homo ad sanitatem, sed homo ille
qui et Deus est : et quia illum iacentem duobus minus invenit, duo quaedam
iubendo, quod minus erat implevit. In duobus enim domini iussis duo praecepta
significata sunt caritatis. Dei dilectio prior est ordine praecipiendi,
proximi autem dilectio prior est ordine faciendi. Dicit ergo tolle grabatum
tuum; quasi diceret : cum esses languidus, portabat te proximus tuus : sanus
factus es, porta proximum tuum. Dicit etiam ambula. Sed quo iter agis nisi ad
dominum Deum tuum? Beda. Quid enim est dicere surge et ambula, nisi a
torpore et ignavia, in quibus prius iacebas, erigere, et in bonis operibus
proficere stude? Tolle grabatum tuum, idest proximum tuum, a quo portaris, et
ipse patienter tolera. Augustinus. Porta ergo eum cum quo ambulas, ut ad
eum pervenias cum quo manere desideras. Ille autem nondum Iesum noverat, quia
et nos credimus in eum quem non videmus; et ut non videatur declinat a turba.
Quadam solitudine intentionis videtur Deus; turba strepitum habet; visio ista
secretum desiderat. |
—
Saint
Augustin : (de l'acc. des Evang., 4, 10). Après que
Jésus eut opéré ce miracle dans la Galilée, il revint à Jérusalem : « Après cela, la fête étant arrivée, Jésus
s'en alla à Jérusalem. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 36 sur Saint Jean). Cette
fête, je pense, était celle de la Pentecôte. Jésus se rendait toujours à
Jérusalem aux jours de fête; en célébrant ces fêtes avec les Juifs, il n’apparaissait
pas comme opposé à la loi, et attirait à lui le peuple par l'éclat de ses
miracles et de sa doctrine; car c'était surtout aux jours de fête que ceux
qui n'étaient pas éloignés de Jérusalem s'y rendaient en foule. « Or, il y avait à Jérusalem une piscine
probatique, qui s’appelait en hébreu Béthesda et qui a cinq portiques.» —
Saint Augustin : Le mot grec
πρόbατον veut dire brebis. La piscine
probatique était donc une piscine réservée aux animaux, et où les prêtres
lavaient les corps des victimes. —
Saint Jean Chrysostome : Le Sauveur devait instituer
un baptême pour la rémission des péchés, et dont nous trouvons un emblème
dans cette piscine et dans d'autres figures semblables. Dieu ordonna d'abord
des purifications extérieures pour laver les souillures du corps et les
taches qui n'existaient pas en réalité, mais qu'on regardait comme telles, par
exemple celles que l'on contractait par le contact d'un cadavre, par la lèpre
ou par d'autres causes du même genre. Dieu voulut ensuite que l'eau fût
encore un remède efficace pour diverses maladies, comme nous le voyons ici : « Sous ces portiques gisaient un
grand nombre de malades, d'aveugles, de boiteux, de perclus, qui attendaient
le mouvement de l’eau.» Pour nous
préparer de plus près à la grâce du baptême, il ne se contente plus de
purifier les souillures extérieures, il guérit encore les maladies. Les
ministres qui approchent de plus près les rois, occupent aussi un rang plus
éminent que ceux qui sont plus éloignés, il en est de même des figures de
l'ancienne loi. Or, cette eau ne guérissait pas les malades en vertu de sa
nature (autrement, elle aurait toujours eu cette efficacité), mais seulement
lorsque l'ange descendait : « Un ange
du Seigneur descendait à certains moments dans la piscine, et l'eau
s'agitait. » Il en est de même dans le baptême, l'eau n'agit point par
elle-même, mais ce n'est qu'après avoir reçu la grâce de l'Esprit saint,
qu'elle efface tous les péchés. L'ange qui descendait [du ciel] agitait cette
eau, et lui communiquait une vertu toute particulière contre les maladies,
pour apprendre aux Juifs, qu'à plus forte raison le Seigneur des anges avait
le pouvoir de guérir toutes les maladies de l'âme. Mais alors l'infirmité
était elle-même un obstacle pour celui qui voulait obtenir la guérison, comme
l'indique l'Evangéliste : « et
celui qui y descendait le premier après le mouvement de l'eau, était guéri de
son infirmité, quelle qu’elle fût.» Maintenant, au contraire, chacun peut
avoir accès; car ce n'est point un ange qui vient agiter l'eau, mais le Dieu
des anges qui opère toutes ces merveilles. L'univers entier se présenterait
que la grâce ne serait point épuisée, elle reste toujours la même; de même
que les rayons du soleil éclairent tous les jours qui se succèdent, sans
qu'ils soient jamais épuisés, sans que la profusion avec laquelle le soleil
répand sa lumière en diminue l'éclat; ainsi, et à plus forte raison la
multitude de ceux qui participent à la grâce de l'Esprit saint n'en amoindrit
en rien l'efficacité [toute divine]. Or, il se fait qu’un seul homme était
guéri après que l'eau était agitée, afin que ceux qui connaissaient la
puissance de cette eau pour guérir les maladies du corps, instruits par une
longue expérience, pussent croire plus facilement que l'eau pouvait également
guérir les maladies de l'âme. —
Saint Augustin : (Traité 17 sur Saint Jean). C'est
un plus grand miracle pour Notre Seigneur d'avoir guéri les maladies de
l'âme, que d'avoir porté remède aux maladies de ce corps mortel; mais comme
l'âme ne connaissait pas le divin médecin qui devait la guérir, qu'elle ne
voyait par les yeux du corps que ce qui affectait les sens, et qu'elle
n'avait point ces yeux du cœur, à l'aide desquels elle peut connaître le Dieu
invisible, il fit un miracle que chacun pouvait voir pour guérir les yeux qui
avaient perdu l'usage de la vue; il entra dans ce lieu où gisaient un grand
nombre de malades, et il en choisit un pour le guérir de son infirmité : « Or, il y avait là un homme qui
était malade depuis trente-huit ans. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 36 sur Saint Jean). Notre Seigneur ne guérit pas cet homme tout
d'abord, il commence par le mettre en confiance et par le préparer à la foi
par une question [toute de bienveillance]. Il n'exige pas de lui la foi,
comme lorsqu'il dit aux deux aveugles : « Croyez-vous
que je puisse faire ce que vous demandez ? » car ce paralytique ne savait
pas encore bien clairement ce qu'était Jésus. Ceux qui connaissaient déjà la
puissance du Sauveur par d'autres miracles, étaient comme préparés à cette
demande, mais pour ceux qui n'en avaient aucune idée et qui étaient destinés
à le connaître grâce à ses miracles, Jésus attend pour leur demander s'ils
ont la foi : « Jésus l'ayant vu
couché, et sachant qu'il était malade depuis longtemps, il lui dit :
Voulez-vous être guéri ? » Il lui fait cette question, non pour apprendre
ce qu'il savait parfaitement, mais pour faire ressortir la patience de ce
malade depuis trente-huit ans, et qui chaque année, sans se décourager
jamais, se faisait porter en ce lieu dans l'espérance d'être guéri de sa
maladie. Il voulait encore nous faire connaître le motif pour lequel, parmi
d'autres, il avait choisi cet homme de préférence pour le guérir. Et il ne
lui dit pas : Si vous le voulez, je vous guérirai; car cet homme ne se
formait encore aucune idée bien grande de Jésus-Christ. Toutefois, il n'est
nullement déconcerté par cette question, il ne dit pas au Sauveur : Vous
venez insulter à mon malheur en me demandant si je veux être guéri, il lui
répond avec une grande modération : «
Le malade lui répondit : Seigneur, je n'ai personne qui me jette dans la
piscine dès que l'eau est agitée, et pendant que j’y vais, un autre descend
avant moi. » II ne savait pas quel était celui qui lui faisait cette
question, et ne soupçonnait pas qu'il allait lui rendre la santé; il croyait
simplement que Jésus l'aiderait à descendre dans la piscine, mais Jésus lui
montre qu'il peut tout faire d'une seule parole : « Jésus lui dit : Levez-vous, prenez votre lit et marchez. » —
Saint Augustin : (Traité 17). Notre Seigneur dit
trois choses à cet homme; ces paroles : « Levez-vous,
» ne sont pas un commandement qu'il lui fait, c'est l'acte même de la
guérison, et c'est lorsque cet homme est guéri, qu'il lui commande ces deux
choses : « Prenez votre lit et marchez.
» —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 37). Voyez jusqu'où s'étend
la bonté divine, Jésus ne se contente pas de guérir cet homme, il lui ordonne
d'emporter son lit, pour rendre le miracle de sa guérison plus évident et
convaincre les plus incrédules, que ce n'était pas une illusion des sens, car
comment aurait-il pu emporter son lit, si ses membres n'avaient repris toute
leur force et leur fermeté. Le paralytique, en entendant cette parole
d'autorité et de commandement : «
Levez-vous, prenez votre lit, et marchez, » ne songe pas à les tourner en
ridicule en répondant : Lorsque l'ange descend pour agiter l'eau, un seul
homme peut-être guéri; et vous qui n'êtes qu'un homme, vous espérez par une
seule parole avoir plus de puissance que les anges ? Non, il écoute avec
docilité, il ajoute foi au commandement qui lui est fait, et il obtient sa
guérison : « Et à l'instant cet
homme fut guéri ; il prit son grabat et se mit à marcher. » —
Saint Bède : Les guérisons opérées par le
Seigneur sont bien différentes de celles qui sont dues aux soins des
médecins; les premières se font sur une simple parole de commandement, et
d'une manière instantanée, tandis que les secondes ont ordinairement besoin
d'un temps fort long pour atteindre à leur perfection. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 36). La conduite de cet
homme est certainement admirable, mais ce qui suit l'est bien plus encore.
Qu'il ait obéi au commandement du Sauveur, alors qu'aucune réclamation ne
s'élevait encore, c'est un fait moins digne d'admiration que la fermeté avec
laquelle il exécute l'ordre du Sauveur, malgré les récriminations violentes
et les accusations des Juifs, que l'Evangéliste rapporte en ces termes : « Or, c'était un jour de sabbat, les
Juifs dirent donc à celui qui avait été guéri : C'est aujourd'hui le jour du
sabbat, et il ne vous est pas permis d'emporter votre lit. » —
Saint Augustin : (Traité 17). Ils n'accusaient pas
précisément le Sauveur d'avoir guéri cet homme le jour du sabbat, parce qu'il
aurait pu leur répondre que si leur bœuf venait à tomber dans un puits, ils
s'empresseraient bien de l’en retirer et de le sauver le jour du sabbat; ils
s'attaquent donc à celui qui portait son lit, et lui disent : Admettons qu'on
ne dût point différer de vous guérir, pourquoi vous commander ce travail ?
Cet homme se contente de leur opposer l'auteur de sa guérison : « Il leur répondit : Celui qui m'a
guéri m'a dit : Prenez votre lit et marchez, » comme s'il leur disait :
Pourquoi ne recevrai-je pas d'ordre de celui de qui j'ai reçu la santé ? —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 36). S'il avait voulu user
de malice, il aurait pu leur dire : Si l'action que je fais est
répréhensible, accusez celui qui me l'a commandée, et je déposerai le lit [que
je porte]. Mais en parlant de la sorte, il eût dissimulé la guérison qu'il
avait obtenue; il savait que ce qui les blessait, c'était moins la
transgression du sabbat que la guérison de sa maladie, il ne cherche pas
cependant à cacher ce bienfait, on à se le faire pardonner, mais il le
proclame à haute voix. Quant aux Juifs, leur question cache une intention
perfide : « Ils lui demandèrent :
Quel est cet homme qui vous a dit : Prenez votre lit et marchez ? » Ils
ne disent pas : Quel est celui qui vous a guéri ? ils insistent sur ce qui
pouvait être regardé comme une violation de la loi. « Or, celui qui avait été guéri ne savait pas qui il était; car
Jésus s'était retiré de la foule du peuple assemblé en ce lieu. » Jésus
s'était éloigné pour mettre en dehors de tout soupçon le témoignage qui lui
était rendu; car cet homme était un témoin irrécusable du bienfait qu'il
avait reçu. Il voulait éviter aussi de donner un nouvel aliment à leur
méchanceté; car la vue seule de celui à qui on porte envie redouble les
ardeurs de cette [honteuse] passion. Il s'éloigne donc pour leur laisser
toute facilité d'examiner ce fait miraculeux. Il en est qui pensent que ce
paralytique est celui dont parle saint Matthieu (Mt 9), mais ils se
trompent, le paralytique de saint Matthieu était entouré de gens qui
prenaient soin de lui, et le portaient, celui-ci n'avait personne [qui
s'intéressât à lui]. D'ailleurs les lieux où s'accomplirent ces deux miracles
sont tout différents. —
Saint Augustin : (Traité 17). Si nous considérons ce
miracle avec nos idées étroites et à un point de vue purement humain, nous
n'y voyons pas un grand acte de puissance, et la part de la bonté ne nous y
paraît guère plus grande. Dans un si grand nombre de malades, un seul est
guéri, alors que Jésus pouvait d'un seul mot leur rendre à tous la santé. Il
nous faut donc comprendre que ce que la puissance et la bonté du Sauveur se
proposaient dans les miracles qu'il opérait, c'était l'intérêt et le salut
éternel des âmes, beaucoup plus que la guérison temporelle des corps. Les actions
qui avaient pour objet la guérison des corps mortels, n'ont eu qu'une durée
passagère; l'âme au contraire qui a cru [sur le témoignage de ces miracles] a
passé de cette vie à une vie éternelle. Cette piscine et l'eau qu'elle
contenait me paraissent être le symbole du peuple juif, car nous voyons
clairement dans l'Apocalypse (Ap 17, 15), les peuples figurés sous
l'emblème des eaux. —
Saint Bède : C'est avec raison que cette
piscine est appelée la piscine probatique [ou des brebis], car le peuple juif
est souvent représenté sous l'emblème de la brebis, selon ces paroles du
psaume : « Nous sommes votre
peuple et les brebis de votre troupeau.» —
Saint Augustin : (Traité 17). L'eau de cette piscine,
c'est-à-dire le peuple juif, était renfermée dans les cinq livres de Moïse
comme dans cinq portiques; et ces livres découvraient les maladies, mais sans
les guérir, car la loi convainquait les pécheurs de leurs crimes, mais sans
pouvoir les absoudre. —
Saint Bède : Toutes sortes d'infirmités
se rencontraient autour de cette piscine; les aveugles qui sont privés de la
lumière de la science, les boiteux qui n'ont pas la force d'accomplir ce que
la loi leur commande, et les desséchés [(ou les paralytiques)] qui ont perdu
la sève vivifiante de l'amour céleste. —
Saint Augustin : (Traité 17). Jésus-Christ est venu
vers le peuple juif, et par les grands miracles qu'il a opérés, et par les
enseignements salutaires qu'il leur a donnés, il a troublé les pécheurs
(c'est-à-dire l'eau) par sa présence, et les a comme excités à le mettre à
mort. Cependant c'est sans se découvrir qu'il les a troublés, car s'ils
l'avaient connu, ils n'auraient jamais crucifié le Seigneur de la gloire. (1 Co
2) L'eau paraissait agitée tout d'un coup, sans qu'on pût voir l'auteur
de ce mouvement. Descendre dans cette eau agitée, c'est croire humblement à
la passion du Seigneur. Un seul homme était guéri à la fois pour représenter
l'unité de l'Eglise. Nul autre malade qui venait ensuite n'était guéri, parce
qu'on ne peut être ni guéri ni sauvé en dehors de l'unité. Malheur à ceux qui
n'aiment point l'unité, et qui forment des parties ou des sectes parmi les
hommes ! Celui qui fut guéri de son infirmité était malade depuis trente-huit
ans, et ce nombre est bien plutôt l'emblème de la maladie que de la santé. En
effet, le nombre quarante est un nombre consacré pour signifier la
perfection, ainsi la loi contient dix préceptes et elle devait être annoncée
dans tout l'univers qui se divise en quatre parties, or le nombre dix
multiplié par quatre fait quarante. Peut-être encore est-ce parce que les
quatre livres de la loi trouvent leur accomplissement dans l'Evangile. Si
donc le nombre quarante emporte la perfection de la loi, et si la loi ne peut
être accomplie que par le double précepte de la charité, pourquoi vous
étonner que cet homme à qui il manquait deux ans pour avoir quarante ans fût
languissant et malade ? Il lui fallait absolument un homme pour le guérir,
mais un homme qui fût en même temps Dieu. Le Sauveur le trouve malade depuis
quarante ans moins deux années, et il lui ordonne deux choses pour combler
cette lacune; car ces deux commandements du Seigneur représentent les deux
préceptes de la charité, c'est-à-dire de l'amour de Dieu et de l'amour du
prochain. L'amour de Dieu est le premier qui soit commandé; l'amour du
prochain est le premier qui doit être mis en pratique, Jésus lui dit : « Prenez votre lit, »
c'est-à-dire : Lorsque vous étiez infirme, c'était votre prochain qui vous
portait; maintenant que vous êtes guéri, portez votre prochain à votre tour.
Il lui dit encore : « Marche »
mais quelle voie devez-vous suivre ? Celle qui conduit au Seigneur votre
Dieu. —
Saint Bède : Que signifient ces paroles :
« Levez-vous et marchez ? » Sortez
de la torpeur et de l’indolence dans lesquelles vous gisiez, et
appliquez-vous à faire des progrès dans les bonnes œuvres. Prenez votre lit;
c'est-à-dire votre prochain qui vous porte lui-même et supportez patiemment
ses défauts. —
Saint Augustin : (Traité 17). Portez celui avec qui
vous marchez si vous voulez parvenir jusqu'à celui avec lequel vous désirez
demeurer éternellement. Ce paralytique ne connaissait pas encore
Jésus, ainsi nous-mêmes nous croyons en lui sans le voir, parce qu'il se
retire de la foule pour se dérober aux regards. Dieu ne peut être vu que dans
une certaine solitude que se fait l'intention; la foule est toujours au
milieu de l'agitation, et la vue de Dieu demande le silence et le secret. |
Lectio 2 |
Versets 14-18 |
[86030] Catena in Io., cap. 5 l. 2 Chrysostomus
in Ioannem. Curatus homo non secessit ad nundinas, neque voluptati aut
vanae gloriae dedit seipsum; sed in templo conversabatur, quod maximae
religionis est signum; unde dicitur postea invenit eum Iesus in templo. Augustinus in Ioannem. Dominus quidem Iesus et in
turba eum videbat, et in templo. Ille autem languidus Iesum in turba non
agnoscit, in templo agnoscit, in loco sacrato. Alcuinus. Quia si gratiam conditoris cognoscere
volumus, et ad eius visionem venire, fugienda est turba cogitationum et
affectuum pravorum; declinanda sunt pravorum conventicula, fugiendum est ad
templum, ut nosipsos templum Dei studeamus facere, quos Deus invisere et in
quibus manere dignetur. Sequitur et dixit illi : ecce sanus factus es; iam
noli amplius peccare, ne deterius tibi aliquid contingat. Chrysostomus. Ubi
prius discimus quod ex peccatis ei nata est haec aegritudo : quia enim
saepius animam in nobis aegrotantem insensibiliter habemus, corpus autem,
etsi parvam susceperit laesionem, omne facimus studium, ut ab infirmitate
liberemur, propterea Deus punit corpus pro his quae anima deliquit; secundo
vero quod verus est Gehennae sermo; tertio quod longum est et infinitum
supplicium. Dicunt enim quidam : numquid quia in brevi temporis momento
adulteratus sum, immortaliter crucior? Vide quod hic tanto tempore pro
peccatis cruciabatur : non enim temporis mensura peccata iudicantur, sed ipsa
delictorum natura. Cum his autem et illud discimus, quod si gravem
sustineamus poenam pro prioribus peccatis, deinde in eadem inciderimus,
graviora patiemur; et hoc decenter : qui enim neque supplicio factus est
melior, ut insensibilis de reliquo et contemptor, ad maius ducetur tormentum.
Si autem hic non omnes pro peccatis torquentur, non confidamus : nihil enim
nos hic pati pro peccatis, signum est maioris illic futuri supplicii. Non
autem omnes aegritudines sunt ex peccatis, sed plures. Quaedam enim et a
pigritia fiunt, quaedam propter probationem, sicut in Iob. Sed propter quid
paralytico huic Christus de peccatis mentionem facit? Quidam huic paralytico
detrahentes, dicunt eum Christi fuisse accusatorem, et propter hoc haec
audisse : quid igitur dicent de paralytico qui est apud Matthaeum? Etenim et
illi dictum est : dimittuntur tibi peccata tua. Neque etiam Christus hunc
incusat de praeteritis, sed ad futurum eum munit solum. Alios igitur curans,
peccatorum non meminit : quia his paralyticis ex peccatis aegritudines sunt
factae, aliis autem ex infirmitate naturali. Vel per hos reliquos omnes
admonet. Cum his autem et illud est dicere, quoniam multam vidit inesse
animae huius patientiam, et ut valentem suscipere admonitionem eum admonet.
Tribuit autem signum ei propriae deitatis : dicendo enim non amplius pecces, ostendit
se scire omnia quae ab eo facta erant delicta. Augustinus. Nunc autem ille, postea quam vidit
Iesum, et cognovit eum auctorem salutis suae, non fuit piger in evangelizando
quem viderat; unde sequitur abiit ille homo, et nuntiavit Iudaeis quia Iesus
erat qui fecit eum sanum. Chrysostomus. Non ita insensibilis erat ut post
tantum beneficium et admonitionem maligna mente hoc dicat. Si enim detrahere
vellet, sanitatem tacens, transgressionem dixisset; sed hoc non fecit : non
enim dixit, quoniam Iesus est qui dixit tolle grabatum tuum, quod videbatur
Iudaeis crimen esse; sed dixit : quoniam Iesus est qui me sanum fecit. Augustinus in Ioannem. Sic igitur ille annuntiabat,
et illi insaniebant; unde sequitur propterea persequebantur Iudaei Iesum,
quia hoc faciebat in sabbato. Manifestum enim opus corporale factum erat ante
oculos Iudaeorum, non sanitas corporis, sed deportatio grabati, quae non
videbatur ita necessaria quemadmodum sanitas. Aperte ergo dicit dominus,
sacramentum sabbati, et signum observandi unius diei ad tempus datum esse
Iudaeis; impletionem vero ipsam sacramenti in illo venisse, cum sequitur
Iesus autem respondit eis : pater meus usque modo operatur, et ego operor;
quasi dicat : nolite putare quia sabbato ita requievit pater meus ut ex illo
non operetur; sed sicut ipse nunc operatur sine labore, operor et ego. Sed
ideo dictum est, Deum requievisse, quia iam creaturam nullam condebat
postquam perfecta sunt omnia. Quietem vero propterea appellavit Scriptura, ut
nos admoneret post bona opera quieturos. Et sicut Deus postquam fecit hominem
ad imaginem et similitudinem suam, et perfecit omnia opera sua bona valde,
requievit septimo die; sic et tibi requiem non speres, nisi cum redieris ad
similitudinem in qua factus es, quam peccato perdidisti; et nisi cum bona
fueris operatus. Augustinus super Genesim. Dici ergo probabiliter
potest, ad servandum sabbatum Iudaeis fuisse praeceptum in umbra futuri, quae
spiritualem requiem significaret; quam Deus exemplo quietis suae fidelibus
bona opera facientibus arcana significatione pollicebatur. Augustinus super Ioannem. Erit enim sabbatum huius
saeculi cum transierint sex aetates, quasi sex dies saeculi : tunc enim
ventura est requies, quae promittitur sanctis. Augustinus super Genesim. Cuius etiam quietis ipse
dominus Iesus mysterium sua sepultura confirmavit : ipso quippe die sabbati
requievit in sepulchro, postquam sexto die consummavit opera sua, quando ait
: consummatum est. Quid ergo mirum si Deus istum diem, quo erat Christus in
sepultura quieturus, volens etiam hoc modo praenuntiare, ab operibus suis in
uno die requievit, deinceps operaturus ordinem saeculorum? Potest etiam
intelligi, Deum requievisse a condendis generibus creaturae, quia ultra iam
non condidit aliqua genere nova. Deinceps autem usque nunc et ultra operatur
eorumdem generum administrationem, quae tunc instituta sunt, non ut ipso
saltem die septimo potentia eius a caeli et terrae omniumque rerum quas
condiderat gubernatione cessaret; alioquin continuo dilaberentur : creatoris
namque potentia causa est abstinendi omni creaturae, quae ab eis quae creata
sunt regendis si aliquando cessaret, simul et eorum cessaret species,
omnisque natura concideret. Neque enim sicut structuram aedium cum
fabricaverit quis abscedit, atque illo cessante stat opus eius; ita mundus
vix ictu oculi stare potest, si ei Deus regimen suum subtraxerit. Proinde
quod dominus ait pater meus usque modo operatur, continuationem quamdam
operis eius, quae universam creaturam continet atque administrat, ostendit.
Aliter enim posset intelligi, si diceret : et nunc operatur; ubi non esset
necesse ut operis continuationem acciperemus. Aliter autem cogit intelligi,
cum ait usque nunc, ex illo scilicet quo cuncta cum conderet operatus est.
Augustinus in Ioannem. Ergo tamquam diceret Iudaeis
: quid expectatis ut non operer sabbato? Sabbati dies vobis ad
significationem meam praeceptus est. Opera Dei attenditis, per me facta sunt
omnia. Operatus est pater lucem; sed dixit ut fieret. Si dixit : verbo
operatus est, et verbum eius ego sum. Pater meus et tunc operatus est cum
fecit mundum, et usque nunc operatur cum regit mundum : ergo et per me fecit
cum fecit, et per me regit cum regit. Chrysostomus. Et quidem Christus, cum discipulos
excusare oportebat, David conservum eorum in medium ferebat; quando vero de
seipso erat accusatio, ad patrem refugit. Considerandum etiam, quod neque ut
homo solum excusat, sed neque ut Deus solum : sed quandoque hoc, quandoque
illo modo. Volebat enim utrumque credi, et condescensionis dispensationem et
deitatis dignitatem. Unde hic aequalitatem sui ad patrem ostendit, et in
dicendo eum patrem singulariter (dicit enim pater meus) et in agendo eadem
illi (dicit enim et ego operor); unde sequitur propterea ergo magis
quaerebant eum Iudaei interficere, quia non solum solvebat sabbatum, sed et
patrem suum dicebat Deum. Augustinus. Non quomodocumque, sed quia aequalem se
fecit Deo : nam omnes dicimus Deo : pater noster, qui es in caelis. Legimus
et Iudaeos dixisse : cum tu sis pater noster. Ergo non hic irascebantur quia
patrem suum dicebat Deum, sed quod longe alio modo quam homines. Augustinus de Cons. Evang. Dicendo enim pater meus
usque modo operatur, et ego operor; quod ei esset aequalis voluit intelligi;
consequens esse ostendens ut quoniam pater operatur, et filius operetur :
quia pater sine filio non operatur. Chrysostomus. Si vero non
naturalis esset filius, nec eiusdem substantiae, haec excusatio maior
accusatione esset. Non enim praefectus regalem legem transgrediens poterit effugere,
si accusatus se excuset dicens, quoniam et rex solvit legem. Sed quia par est
dignitas filii ad patrem, propterea perfecta excusatio est. Sicut igitur
pater operans sabbato, absolutus est a crimine, ita et filius. Augustinus in Ioannem. Ecce intelligunt Iudaei quod
non intelligunt Ariani : Ariani quippe inaequalem dicunt filium patri, et
inde haeresis pulsat Ecclesiam. Chrysostomus in Ioannem. Qui vero
nolunt cum bona mente hoc suscipere, dicunt quod Christus non fecit se
aequalem Deo, sed Iudaei hoc suspicabantur; sed ad hoc per ea quae supra
dicta sunt superveniamus. Manifestum enim est quod Iudaei persequebantur
Christum, et quod solvebat sabbatum, et quod dicebat patrem suum Deum : unde
et quod consequenter additur aequalem se faciens Deo, adhaeret praemissis in
veritate. Hilarius de Trin. Expositio enim est Evangelistae
causam demonstrantis cur dominum Iudaei interficere vellent. Chrysostomus. Et iterum, si ipse hoc ipsum volebat
astruere, sed Iudaei hoc inaniter suspicabantur; non dimisisset dominus eorum
mentem in errore, sed correxisset : neque enim Evangelista hoc tacuisset;
sicut supra de eo quod dictum est : solvite templum hoc. Augustinus. Non tamen Iudaei intellexerunt Christum
esse filium Dei; sed intellexerunt in verbis Christi, quia talis
commendaretur filius Dei quod aequalis esset Deo. Quia ergo nesciebant, talem
tamen praedicari agnoscebant; ideo dicit aequalem se faciens Deo. Non autem
ipse se faciebat aequalem, sed ille illum genuerat aequalem. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 38 sur Saint Jean. )
Cet homme une fois guéri ne va pas se mêler aux bruits tumultueux des
affaires du monde, ni se livrer aux voluptés sensuelles ou à la vaine gloire,
il va tout droit dans le temple, ce qui est la preuve de son grand esprit de
religion. « Après cela, Jésus le
rencontra dans le temple. » —
Saint Augustin : (Traité 17) Le Seigneur Jésus
le voyait aussi bien au milieu de la foule que dans le temple; mais pour lui
il ne peut connaître Jésus dans la foule, il ne le reconnaît [pour vrai Dieu
et pour Sauveur] que dans un lieu sacré, dans le temple. —
Alcuin : Si nous voulons bien
connaître la grâce de notre Créateur et parvenir à le voir, il faut éviter la
foule, les pensées mauvaises et des affections coupables; il faut fuir les
assemblées des méchants, nous retirer dans le temple et nous efforcer de
devenir nous-mêmes le temple où Dieu daigne venir et fixer sa demeure. « Et il lui dit : Vous voilà guéri, ne
péchez plus à l'avenir, de peur qu'il ne vous arrive quelque chose de pire. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 38). Ces paroles nous
apprennent d'abord que la longue infirmité du paralytique était la
conséquence de ses péchés. Comme nous sommes la plupart du temps insensibles
aux maladies de notre âme, tandis qu'à la moindre blessure que reçoit notre
corps, nous prenons tous les moyens pour en être aussitôt guéris, Dieu frappe
le corps en punition des péchés de l'âme. Elles renferment un second et un
troisième avertissements, c'est la vérité des peines de l'enfer, et la durée
infinie de ces mêmes peines. Il en est qui osent dire : Est-ce qu'un adultère
d'un instant sera puni par un supplice éternel ? Mais est-ce que le
paralytique avait péché autant d'années qu'avait duré sa maladie ? Concluons
de là que la gravité du péché ne doit pas se calculer sur le temps que
l'homme a mis à le commettre, mais la nature même de ces péchés. Ces paroles
nous apprennent encore que si nous retombons dans les mêmes péchés pour
lesquels Dieu nous a sévèrement châtiés, des peines beaucoup plus sévères
nous sont réservées, et c'est justice; car celui que les premiers châtiments
n'ont pu rendre meilleur, doit s'attendre en punition de son insensibilité et
de ses mépris à un supplice bien plus terrible. Si nous ne recevons pas tous
ici-bas la punition de nos péchés, ne mettons pas notre confiance [dans cette
impunité], car elle nous présage pour la vie future des châtiments bien plus
terribles. Cependant toutes les maladies ne sont pas absolument la peine du
péché, mais beaucoup : les unes sont la suite de notre négligence, les
autres nous sont envoyées, comme chez Job, pour nous éprouver. Mais pourquoi
Notre Seigneur rappelle-t-il ici ses péchés à ce paralytique ? Il en est qui
le jugent sévèrement et qui prétendent que le Sauveur lui parle de la sorte
parce qu'il avait été un des accusateurs de Jésus-Christ. Que diront-ils donc
du paralytique dont il est question dans saint Matthieu (Mt 9), et à
qui Notre Seigneur dit aussi : « Vos
péchés vous sont remis ? » D'ailleurs Jésus ne reproche pas au
paralytique de la piscine ses péchés passés, il se contente de le prémunir
pour l'avenir. Dans les autres guérisons miraculeuses qu'il opère, il ne les
présente point comme la peine du péché parce qu'elles n'avaient pour cause
que l'infirmité naturelle à l'homme, tandis que pour ces paralytiques, leurs
maladies pouvaient être la punition de leurs péchés. Ou bien encore dans la
personne de ces paralytiques, c'est un avertissement donné à tous les autres.
On peut dire aussi que Notre Seigneur parle de la sorte à ce paralytique, parce
que témoin de sa grande patience, il le reconnut capable de recevoir cette
leçon. Il lui donne en même temps une preuve de sa divinité, car ces paroles
: « Ne péchez plus,» montrent
évidemment qu'il connaissait toutes les fautes dont il s'était rendu
coupable. —
Saint Augustin : (Traité 17). Quant à ce paralytique,
aussitôt qu'il eut vu Jésus et qu'il eut connu qu'il était l'auteur de sa
guérison, il s'empressa de publier sans aucun retard le nom de son
bienfaiteur : « Cet homme s'en alla et
apprit aux Juifs que c'était Jésus qui l'avait guéri. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 38). Après un si grand
bienfait, et l'avertissement qui l'avait suivi, cet homme n’était pas si peu
de reconnaissance que pour dire cela avec un sentiment de méchanceté; s'il avait
eu l'intention d'accuser le Sauveur, il n'eût parlé que de la violation du
sabbat, sans rien dire de sa guérison; mais il fait tout le contraire, il ne
leur dit pas : C'est Jésus qui m'a commandé d'emporter mon lit (ce qui
paraissait un crime aux yeux des juifs), mais : « C'est Jésus qui m'a guéri. » —
Saint Augustin : (Traité 17). A une déclaration si
franche, les Juifs ne répondent que par la haine : « C'est pourquoi les Juifs persécutaient Jésus, parce qu'il
faisait ces choses-là le jour du sabbat. » Une œuvre évidemment
matérielle avait été faite sous leurs yeux, ce n'était point la guérison de
ce paralytique, mais l'action d'emporter son lit, ce qui ne paraissait point
aussi nécessaire que sa guérison. Notre Seigneur déclare donc ouvertement que
la loi figurative du sabbat, et l'obligation de garder ce jour n'avaient été
données que pour un temps aux Juifs, et que cette loi figurative trouvait en
lui son accomplissement : « Mais
Jésus leur dit : Mon Père ne cesse point d'agir jusqu'à présent, et moi aussi
j'agis sans cesse. » (Traité 20) C'est-à-dire : Ne croyez
pas que mon Père se soit reposé le jour du sabbat, en ce sens qu'il ait cessé
d'opérer; non, il continue d'opérer sans aucun travail, et j'agis de même [à
son exemple]. Le repos de Dieu doit donc s'entendre dans ce sens, qu'après
avoir achevé l'œuvre de la création, il n'a plus tiré du néant de nouvelles
créatures. C'est ce que l'Ecriture appelle repos, pour nous apprendre que nos
bonnes œuvres seront suivies d'un repos [éternel]. C'est après avoir fait
l'homme à son image et à sa ressemblance, après avoir achevé tous ses
ouvrages, et vu que toutes les choses qu'il avait faites étaient très bonnes,
que Dieu se reposa le septième jour; ainsi n'espérez point de repos pour
vous-même, avant d'avoir recouvré cette divine ressemblance que Dieu vous
avait donnée et que vous avez perdue par vos péchés, et avant que votre vie
ait été remplie par la pratique des bonnes œuvres. —
Saint Augustin : (de la Genèse expliq.,
littér., chap. 11). Il est probable que le précepte de l'observation du sabbat fut
donné aux Juifs comme une figure de l'avenir et pour signifier le repos
spirituel semblable au repos de Dieu, et qu'il promettait sous une forme
mystérieuse aux fidèles qui auraient persévéré dans la pratique du bien. —
Saint Augustin : Le sabbat viendra lorsque
les six âges du monde qui sont comme les six jours seront écoulés, et c'est
alors que les saints jouiront du repos qui leur est promis. —
Saint Augustin : (de la Gen. expl. litt., ch.
2) Notre
Seigneur Jésus-Christ lui-même a voulu consacrer par sa sépulture le mystère
de ce repos, en se reposant dans le tombeau le jour du sabbat, après avoir
achevé toutes ses œuvres le sixième jour, et il prononça cette parole
solennelle : « Tout est
consommé, » Qu'y aurait-il donc d'étonnant que Dieu, voulant comme
figurer d'avance le jour où le Christ devait se reposer dans le tombeau, ait
choisi ce jour pour se reposer de toutes ses œuvres avant de dérouler l'ordre
des siècles ? (chap. 12) On peut encore entendre ce repos de Dieu, en ce sens
qu'il a cessé de créer de nouvelles espèces d'êtres, car il n'en a créé
aucune depuis ce repos mystérieux. Mais depuis cette époque jusqu'à la fin
des siècles, il gouverne tous ces êtres qu'il a créés. Sa puissance n'a donc
pas abdiqué le septième jour le gouvernement du ciel, de la terre, et de
toutes les choses dont il est le créateur, autrement elles rentreraient
aussitôt dans le néant. En effet, c'est la puissance du Créateur qui est
l'unique cause de l'existence de toutes les créatures, et si l'action de
cette divine puissance cessait un instant de se faire sentir, elles
cesseraient elles-mêmes d'exister, et toute la nature rentrerait dans le
néant. Il n'en est pas du monde comme d'un édifice que le constructeur peut
abandonner après l'avoir construit, et qui reste debout alors que celui-ci a
cessé d'y mettre la main; le monde serait détruit en un clin d'œil si Dieu
lui retirait son action régulatrice. Ces paroles du Sauveur : « Mon Père cesse d'agir, » indiquent
une continuation de l'œuvre divine qui embrasse et gouverne toute créature.
On pourrait les entendre dans un autre sens, s'il avait dit : « et il
opère maintenant, » sans qu'il fût nécessaire d'y voir la continuation non
interrompue de son œuvre, mais nous sommes forcés de leur donner le premier
sens, parce que Notre Seigneur dit expressément : « Il ne cesse d'opérer jusqu'à présent », depuis le jour
qu'il a créé toutes choses. —
Saint Augustin : (Traité 17) Notre Seigneur
semble donc dire aux Juifs : Pourquoi vouloir que je ne fasse rien le jour du
sabbat ? La loi qui vous ordonne de garder le jour du sabbat vous a été
donnée en figure de ce que je devais faire. Vous considérez les œuvres de
Dieu, c'est par moi que toutes choses ont été faites. Mon Père a créé la
lumière mais en disant : « Que la
lumière soit. » S'il a dit cette parole, c'est par son Verbe qu'il a créé
la lumière, et c'est moi qui suis son Verbe. Mon Père a donc agi lorsqu'il a
créé le monde, et il agit encore en le gouvernant; donc c'est par moi qu'il a
créé le monde lorsqu'il l'a tiré du néant, et c'est par moi qu'il le
gouverne, lorsqu'il lui fait sentir les effets de son action providentielle [littéralement : « lorsqu’il le gouverne »]. —
Saint Jean Chrysostome : Lorsque Jésus-Christ avait à
défendre ses disciples [contre le même grief], il produisait l'exemple de
David comme eux serviteur de Dieu; mais lorsque lui-même est en cause, il
invoque l'exemple de son Père. Remarquons que ce n'est ni comme homme
exclusivement, ni comme Dieu seulement qu'il se justifie, mais tantôt sous un
rapport, tantôt sous un autre, car il voulait que le mystère de ses
humiliations fût l'objet de la foi comme le mystère de sa divinité. Il
établit donc ici sa parfaite égalité avec son Père, et en l'appelant son Père
d'une manière toute spéciale (il dit en effet : « Mon Père »), et en faisant les mêmes choses que lui : (« Et moi aussi j'agis sans cesse. »)
« Aussi les Juifs cherchaient
encore plus à le faire mourir, parce que non content de violer le sabbat, il
disait encore que Dieu était son Père, se faisant ainsi égal à Dieu. » —
Saint Augustin : (Traité 17). Ce n'était pas d'une
manière quelconque, mais dans quel sens ? « en
se faisant égal à Dieu. » Nous disons tous à Dieu : « Notre Père qui êtes
aux cieux » ; nous lisons dans Isaïe, que les Juifs lui disaient : «
Vous êtes notre Père. » Ce qui les irritait n'était donc pas qu'il
appelait Dieu son Père, mais de ce qu'il le faisait dans un autre sens que le
reste des hommes. —
Saint Augustin : (de l'acc. des Evang., 4, 10). En disant : « Mon Père continue d'agir jusqu'à
présent, et moi aussi j'agis sans cesse; » il a voulu prouver qu'il était
égal à son Père, car il donne comme conséquence que le Fils agit, parce que
le Père agit lui-même, et que le Père ne peut agir sans le Fils. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 38 sur Saint Jean). Si
Jésus n'était pas le Fils naturel et consubstantiel au Père, sa justification
serait pire que le crime qu'on lui reproche. Un préfet qui transgresserait un
décret royal, ne pourrait se justifier en disant que le roi lui-même
transgresse la loi. Mais comme ici la dignité du fils est égal à celle du
Père, la justification ne laisse rien à désirer. Le Père qui continue d'agir
le jour même du sabbat est à l'abri de tout reproche, il en est de même du Fils. —
Saint Augustin : (Traité 17). Voici que les Juifs
comprennent ce que les Ariens ne veulent point comprendre; les Ariens
prétendent que le Fils n'est pas égal au Père, et de là vient cette hérésie
qui afflige l'Eglise. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 38). Ceux qui ne veulent pas
interpréter ces paroles avec un esprit droit, disent que Jésus-Christ ne
s'est pas fait égal à Dieu, mais que c'était là un simple soupçon des Juifs.
Raisonnons ici d'après ce que nous avons dit plus haut. Il est incontestable
que les Juifs poursuivaient Jésus-Christ, et parce qu'il transgressait la loi
du sabbat, et parce qu'il disait que Dieu était son Père; donc les paroles
qui suivent : « en se faisant égal
à Dieu, » doivent être entendues dans le même sens que celles qui précèdent,
c'est-à-dire dans le sens littéral. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 7) Quel est ici le dessein
de l'Evangéliste ? C'est évidemment de faire connaître la cause pour laquelle
les Juifs voulaient faire mourir Notre-Seigneur. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 38). Si Notre Seigneur
n'avait pas voulu établir clairement cette vérité, et que ce ne fût là qu'un
vain soupçon des Juifs, il ne les eût pas laissés dans cette erreur, et il se
fût empressé de la combattre. L'Evangéliste lui-même n'aurait point omis
cette circonstance, et il eût fait comme dans une autre occasion où Jésus
avait dit aux Juifs : « Détruisez
ce temple. » —
Saint Augustin : (Traité 17). Cependant les Juifs ne
comprirent pas qu'il était le Christ, ni qu'il était le fils de Dieu; mais ils
comprirent que Jésus leur parlait d'un Fils de Dieu qui était égal à Dieu.
Quel était ce Fils de Dieu ? ils ne le savaient pas, ils comprenaient
cependant qu'il se disait le Fils de Dieu, c'est pour cela que l'Evangéliste
ajoute : « se faisant égal à Dieu.
» Or, ce n'est pas lui
qui se faisait égal à Dieu, c'est Dieu qui l'avait engendré égal [et
consubstantiel] à lui-même. |
Lectio 3 |
Versets 19-20 |
[86031] Catena in Io., cap. 5 l. 3 Hilarius
de Trin. Ad violati sabbati obiectum sibi reatum dixerat : pater meus
usque modo operatur, et ego operor, ut usurpasse hoc ex auctoritate
intelligeretur exempli; significans tamen hoc quod ipse ageret, patris opus
esse intelligendum, quia ipse in se operaretur operante : et rursum adversum
eam invidiam, quod se Deo aequasset paterni nominis usurpatione, volens et
nativitatem confirmare, et naturae virtutem profiteri, respondit; unde
dicitur respondit itaque Iesus, et dixit eis : amen, amen dico vobis : non
potest filius a se facere quidquam, nisi quod viderit patrem facientem. Augustinus in Ioannem. Quidam qui Christianos se
haberi volunt, Ariani haeretici dicentes ipsum filium Dei qui suscepit
carnem, minorem esse quam pater est, capiunt ex his verbis causam calumniae,
et respondent nobis : videtis quia dominus Iesus cum adverteret Iudaeos ex
hoc moveri, quia patri Deo aequalem se faceret, talia verba subiunxit, ut se
aequalem non esse monstraret : qui enim non potest, inquiunt, a se facere
quidquam nisi quod viderit patrem facientem, utique minor est, non aequalis.
Sed si Deus erat verbum, et est Deus maior et Deus minor, duos deos colimus,
non unum Deum. Hilarius. Ne igitur exaequatio illa per nomen
naturamque filii fidem nativitatis auferret, ait filium a se nihil facere
posse. Augustinus in Ioannem. Tamquam diceret : quid
scandalizati estis, quia patrem meum dixi Deum, et quia aequalem me feci Deo?
Ita sum aequalis, ut ille me genuerit, non ut ille a me, sed ego ab illo sim.
Filio hoc est esse quod posse. Quia ergo substantia filii de patre est, ideo
potentia filii de patre est; quia ergo filius non est a se, ideo non potest a
se. Sic ergo non potest filius a se facere quidquam, nisi quod viderit patrem
facientem : quia videre filii hoc est natum esse de patre; non alia visio est
eius et alia substantia eius : totum quod est, de patre est. Hilarius. Ut autem maneret salutaris in patre et
filio confessionis nostrae ordo, naturam nativitatis ostendit, quae
potestatem efficiendi non per incrementa indultarum ad unumquodque opus
virium sumeret, sed de cognitione praesumeret; praesumeret autem non de
aliquo operis corporalis exemplo ut quod prius pater faceret, id postea
filius facturus esset; sed cum ex patre filius esset natus per virtutis ac
naturae in se paternae conscientiam, nihil nisi quod patrem facientem vidisset,
filium facere posse testatus est. Non enim corporalibus modis Deus videt; sed
visus ei omnis in virtute naturae est. Augustinus de Trin. Hoc autem si propterea dictum
acceperimus quia in forma accepta ex creatura minor est filius; consequens
erit ut prior pater super aquas ambulaverit, et cetera quae filius in carne
apparens inter homines fecit, ut possit filius ea facere. Quis autem vel
delirus ista sentiat? Augustinus super Ioan. Ambulatio tamen illa carnis
supra mare a patre fiebat per filium. Quando enim caro ambulabat, et
divinitas filii gubernabat, pater absens non erat, cum filius dicat : pater
in me manens ipse facit opera. Cum ergo dixisset non potest filius a se
facere quidquam, ne forte carnalis subreperet intellectus, ut faceret sibi homo
quasi duos fabros, unum magistrum, alterum discipulum, ut quomodo ille fecit
arcam, iste faciat alteram, secutus ait quaecumque enim ille fecerit, haec et
filius similiter facit. Non ait : quaecumque pater facit, et filius alia
similia facit; sed : haec eadem. Mundum pater, mundum filius, mundum spiritus
sanctus. Si unus Deus pater, et filius, et spiritus sanctus, unus mundus
factus a patre per filium in spiritu sancto. Haec ergo eadem facit. Addit
autem similiter, ne alius error in animo nasceretur. Videtur enim corpus hoc
idem facere quod animus, sed non similiter : animus enim imperat corpori :
corpus visibile est, animus invisibilis. Ut faceret aliquid servus, iubente
domino fecit : idem ab utroque factum est; sed numquid similiter? Non ergo
sic pater, et filius; sed haec eadem facit, et similiter facit; ut
intelligamus simili potentia facere filium eadem ipsa quae facit pater.
Aequalis igitur est patri filius. Hilarius de Trin. Vel aliter. Omnia et eadem ad
ostendendam naturae virtutem locutus est. Est igitur natura eadem, cum eadem
omnia posse naturae sit. Ubi vero similiter per filium omnia eadem fiunt,
similitudo operum solitudinem operantis exclusit. Haec igitur est verae
nativitatis et fidei nostrae intelligentia, quia sub una hac significatione
testantur et similiter facta nativitatem, et eadem facta naturam. Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter. Totum quod
dicitur a semetipso non potest filius facere quidquam, intelligendum est quia
nihil contrarium patri, nihil alienum ab eo facere potest. Ideo autem non
dicit quoniam nihil contrarium facit, sed quoniam non potest facere, ut hinc
ostendat indissimilitudinem et certitudinem parilitatis. Non enim
imbecillitatem filii, sed multam eius virtutem ostendit hoc verbum. Sicut
enim cum dicimus : impossibile est Deum peccare, non imbecillitatem eius
accusamus, sed ineffabilem quamdam virtutem eius testamur; ita cum dicit
filius : non possum a meipso facere quidquam, hoc dicit, quoniam impossibile
est eum facere aliquid contrarium patri. Augustinus contra Serm. Arian. Hoc autem non
deficientis est, sed in eo quod de patre natus est, permanentis; tamque
laudabile est omnipotentem non posse mutari, quam laudabile est quod
omnipotens non potest mori. Posset enim filius facere quod non vidisset patrem
facientem, si posset facere quod per illum non facit pater; hoc est, si
posset peccare : neque naturae immutabiliter bonae quae a patre est genita
conveniret. Hoc autem quia non potest, non deficienter non potest, sed
potenter. Chrysostomus. His autem quae dicta sunt attestatur
quod sequitur quaecumque enim ille fecerit, haec similiter et filius facit.
Si enim per seipsum pater omnia facit, et filius per seipsum facit, ut hoc
quod dicit similiter, maneat; vides qualiter intelligentia est excelsa, humilitatis
autem verba. Si enim humilius producit verba quaedam, non mireris : quia enim
persequebantur eum excelsa audientes, et contrarium Deo esse aestimabant,
parum per verba remisit. Augustinus in Ioannem. Cum ergo dixisset et se eadem
facere, et similiter quae facit pater, subdit pater enim diligit filium, et
omnia demonstrat ei quaecumque ipse facit. Ad hoc quod supra dixit nisi quod
viderit patrem facere, videtur pertinere et quod omnia demonstrat ei quae
ipse facit. Sed rursus mortalis cogitatio perturbatur : dicet enim aliquis :
seorsum facit pater, ut possit filius videre quod facit; velut si faber
doceat filium artem suam, et demonstret ei quicquid facit, ut possit et ipse
facere quod viderit patrem facientem. Cum ergo pater facit, filius non facit,
ut possit videre filius quod pater facit. Porro si fixum atque inconcussum
tenemus, quia per filium omnia pater facit, antequam faciat demonstrat filio.
Ubi etiam demonstrat filio pater quod facit, nisi in ipso filio, per quem
facit? Si enim pater exemplo faciat, et filius attendat manus patris
quemadmodum faciat, ubi est illa inseparabilitas Trinitatis? Non ergo
faciendo demonstrat pater filio, sed demonstrando facit per filium. Videt
enim patrem filius demonstrantem antequam aliquid fiat, et ex demonstratione
patris, et visione filii fit quod fit a patre per filium. Sed dices : ostendo
filio meo quod volo facere, et facit ipse, atque ego per ipsum. Sed verba
dicturus es filio tuo. Sed ipse filius est verbum patris. Numquid ergo per
verbum loqueretur ad verbum? An quia filius magnum est verbum, minora verba
transitura erant inter patrem et filium, et sonus aliquis, et quasi creatura
quaedam temporalis exitura erat ex ore patris, et percussura aurem filii?
Remove omnia corporalia : simplicitatem vide, si simplex es; si non potes
comprehendere quid sit Deus, vel hoc comprehendere quid non Deus sit. Multum
proficies, si non aliud quam est senseris de Deo. In mente tua vide quod volo
dicere : in qua video memoriam et cogitationem. Demonstrat memoria tua cogitationi
tuae Carthaginem, et quod in illa erat antequam intenderes, conversae ad se
cogitationi ostendit. Ecce facta est a memoria demonstratio, facta est in
cogitatione visio, et nulla verba in medio cucurrerunt, nullum ex corpore
signum datum est; sed tamen omnia quae in memoria tenes, forinsecus
accepisti. Pater quae demonstrat filio, non accepit extrinsecus : intus totum
agitur; quia nihil creaturarum esset extrinsecus, nisi pater hoc fecisset per
filium; et eam pater demonstrando fecit, quia per filium videntem fecit. Sic
ergo demonstrans pater filii visionem gignit, quemadmodum pater filium
gignit. Demonstratio quippe generat visionem, non visio demonstrationem. Quod
si purius et perfectius intueri valeremus, fortassis inveniremus nec aliud
esse patrem, aliud eius demonstrationem, nec aliud filium, aliud eius
visionem. Hilarius de Trin. Non igitur per ignorationem
credendus est unigenitus Deus doctrina demonstrationis eguisse. Demonstratio
enim operum nihil aliud hic nobis praeterquam nativitatis fidem ingerit, ut
subsistentem filium ex subsistente Deo patre credamus. Augustinus. Videre enim patrem hoc est illi esse
filium. Sic ergo demonstrat pater omnia quae facit filio, ut a patre videat
omnia filius. Videndo enim natus est, et ab eo est illi videre a quo est illi
esse, et natum esse, et permanere. Hilarius. Neque autem incircumspectum se caelestis
sermo egit, ne forte diversae naturae significatio sub occasione dicti
ambigui subreperet. Demonstrata enim potius opera patris esse ait domino,
quam ad operationem eorum naturam virtutis adiectam, ut demonstratio ipsa
nativitas esse doceretur, cui per dilectionem patris operum paternorum, quae
per eum effici vellet, esset cognata cognitio. Augustinus. Sed ecce quem diximus patri coaeternum,
videntem patrem, et videndo existentem, rursus nobis tempora nominat; nam
sequitur et maiora his demonstrabit ei opera. Si autem demonstrabit, hoc est
demonstraturus est, nondum demonstravit; et tunc filio demonstraturus est
quando et istis; sequitur enim ut vos miremini. Et hoc difficile est videre,
quomodo tamquam temporaliter filio coaeterno aliquando monstret aeternus
pater omnia scienti quae sunt apud patrem. Quae sint autem illa maiora,
facile est intelligere ex hoc quod subditur sicut enim pater suscitat mortuos
et vivificat, sic et filius quos vult vivificat. Maiora enim opera sunt
mortuos suscitare, quam languidos sanare. Sed qui paulo ante loquebatur ut
Deus, coepit loqui ut homo. Demonstrabit enim quasi temporaliter homini facto
in tempore opera maiora, idest resurrectionem corporum. Corpora enim
resurgent per dispensationem humanam; sed animae resurgent per substantiam
Dei : participatione enim Dei fit anima beata, non participatione beatae
animae. Quomodo enim anima, quae inferior Deo est, id quod ipsa inferius est,
hoc est corpus, vivere facit, sic eamdem animam non facit beate vivere, nisi
quod ipsa anima superius est, scilicet Deus. Unde et prius dictum est quod
pater diligit filium, et demonstrat ei quae ipse facit. Demonstrat enim pater
filio ut animae suscitentur, quia per patrem et filium suscitantur, nec
possunt vivere nisi earum vita sit Deus. Vel nobis pater demonstraturus est,
non illi; propterea subiungit ut vos miremini : in quo exposuit quid voluit
dicere : et maiora his demonstrabit ei opera. Sed quare non dixit :
demonstrabit vobis, sed filio? Quia et nos membra sumus filii, et ipse discit
quodammodo in membris suis, quomodo et patitur in nobis : sicut enim dixit :
quod uni ex minimis meis dedistis, mihi dedistis, ita si interrogetur a nobis
: quando eris discens, cum tu doceas omnia? Respondet : cum unus ex minimis
meis discit, ego disco. |
—
Saint
Hilaire : (de la Trin., 7) Au reproche qui lui est
fait de violer le sabbat, Notre Seigneur avait répondu : « Mon Père
continue d'agir jusqu'à présent, et moi aussi j'agis sans cesse, »
voulant leur faire comprendre qu'il s'appuyait sur l'autorité d'un si grand
exemple, et tout à la fois que ce qu'il faisait était l'œuvre du Père, parce
que le Père agissait en lui lorsque lui-même agissait. A l'accusation que
leur inspire leur jalousie, qu'il se faisait égal à Dieu, en l'appelant son
Père, il répond en confirmant la vérité de sa naissance divine et
l'excellence de sa nature : « Jésus donc leur dit : En vérité, en vérité,
je vous le dis, le Fils ne peut rien faire de lui-même, mais seulement ce
qu'il voit que le Père fait. » —
Saint Augustin : (Traité 18). Il en est qui
revendiquant le nom de chrétiens (les hérétiques ariens), tout en affirmant
que le Fils de Dieu qui apris notre chair est inférieur à son Père, veulent
appuyer leur sacrilège erreur sur ces paroles et nous tiennent ce langage :
Vous voyez que lorsque le Seigneur Jésus s'aperçut que les Juifs étaient
indignés de ce qu'il se faisait égal à son Père, il s'empresse de détruire dans
leur esprit toute idée d'égalité [parfaite]; car, ajoutent-ils, celui qui ne
peut rien faire de lui-même, mais seulement ce qu'il voit que le Père fait,
lui est nécessairement inférieur et ne peut être son égal. Or, si le Verbe
était Dieu, il y a donc un Dieu suprême, un Dieu inférieur, et nous adorons
deux Dieux, et non pas un seul Dieu. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 7) Notre Seigneur dit que le
Fils ne peut rien faire de lui-même, afin que cette égalité [qu'il proclamait
exister entre lui et son Père], ne pût détruire dans leur esprit la
distinction d'avec le Père que lui donne sa naissance. —
Saint Augustin : (Traité 20). Voici le vrai sens de
ces paroles : Pourquoi vous scandaliser de ce que j'ai appelé Dieu mon Père,
et de ce que je me déclare égal à Dieu ? Je suis son égal, mais tout en étant
engendré par lui; je suis son égal, mais de telle sorte que ce n'est pas lui
qui vient de moi, mais moi qui viens de lui. Pour le Fils, être et pouvoir
c'est une seule et même chose, et comme le Fils tire sa substance du Père, la
puissance du Fils vient également du Père. Donc puisque le Fils ne vient pas
de lui-même, il ne peut rien aussi de lui-même. Et c'est ainsi que le Fils ne
peut rien faire de lui-même, mais seulement ce qu'il voit que le Père fait :
voir pour le Fils, c'est la même chose qu'être engendré du Père, la vision
pour lui n'est pas différente de la substance. Tout ce qu'il est, c'est du
Père qu'il le tient. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 7) Pour conserver l'ordre correct
qui doit exister dans notre confession de foi au Père et au Fils, Notre
Seigneur nous expose le mystère de sa naissance qui lui communique la
puissance d'agir, non par un accroissement successif des forces nécessaires
pour chaque action en particulier, mais en faisant découler ce pouvoir de la
connaissance. Et encore, cette connaissance n'est-elle point produite par la
vue d'une œuvre matérielle, que le Fils ferait après l'avoir vu faire à son
Père; le Fils est né du Père, et c'est par la certitude qu'il a de posséder
en lui la nature et la puissance du Père, qu'il atteste que le Fils ne fait
que ce qu'il voit faire au Père. Car Dieu ne voit pas comme nous par les yeux
du corps, mais sa vue est tout entière dans la vertu de sa nature. —
Saint Augustin : (de la Trin., chap. 1) Si nous croyons que
ces paroles signifient que le Fils de Dieu en tant qu'il s'est revêtu d'une
forme humaine est inférieur au Père, il nous faudra comme conséquence
admettre que le Père a marché le premier sur les eaux, et qu'il a commencé
aussi par faire toutes les actions que le Fils a faites dans sa vie mortelle,
en prenant exemple sur son Père; mais qui serait assez insensé pour admettre
une semblable opinion ? —
Saint Augustin : (Traités 20 et 21 sur Saint Jean). Lorsque
le Sauveur marchait sur la mer, c'était le Père qui agissait par le Fils, car
lorsque le corps marchait dirigé par la divinité du Fils, le Père n'était pas
absent, puisque le Fils dit expressément : « Le Père qui demeure en moi,
fait lui-même les œuvres que je fais. » (Jn 14, 2) Or, comme ces
paroles : « Le Fils ne peut rien faire de lui-même, » pouvaient
donner lieu à une interprétation toute matérielle d'après laquelle on se
représenterait deux ouvriers l'un maître et l'autre disciple, l’un prenant
exactement modèle sur l’autre avant de construire un meuble quelconque, Notre
Seigneur ajoute : « Car tout ce que fait le Père, le Fils le fait
pareillement. » Il ne dit point : Toutes les choses que fait le Père, le
Fils en fait de semblables, mais il fait absolument les mêmes choses : C'est
le Père qui a fait le monde, le Fils qui a fait le monde, le Saint-Esprit qui
a fait le monde. Si le Père, le Fils, le Saint-Esprit ne font qu'un seul
Dieu, c'est donc le Père qui a fait le seul et même monde par le Fils dans le
Saint-Esprit. Le Fils fait donc les mêmes choses que le Père. Notre Seigneur
ajoute : Il les fait « pareillement » pour prévenir une
autre erreur qui pourrait s'élever dans l'esprit. Notre corps paraît faire
les mêmes choses que notre âme, mais il ne les fait point pareillement, l'âme
commande au corps, [mais il y a une grande différence entre le corps et l'âme];
le corps est visible, l'âme est invisible. Le maître du corps fait une
action, le serviteur fait la même action, [mais c'est du maître que le
serviteur a reçu le moyen de faire cette action]; tous deux l'ont faite, mais
tous deux ne l'ont pas faite semblablement. Il n'en est pas ainsi du Père et
du Fils, il fait les mêmes choses, et il les fait semblablement, c'est-à-dire
qu'il nous faut comprendre que le Fils fait les mêmes choses que le Père,
avec la même puissance, [avec la même sagesse et par la même opération], et
que par conséquent le Fils est égal au Père. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 7) Ou bien encore : Notre
Seigneur dit qu'il fait toutes choses et les mêmes choses pour exprimer la
puissance de la nature divine. C'est la même nature dans le Père et le Fils
puisqu'il n'appartient qu'à la même nature de pouvoir absolument les mêmes
choses. Mais puisque le Fils fait pareillement les mêmes choses, cette
ressemblance dans la manière de faire les oeuvres exclut l'identité de celui
qui agit. Tels sont donc les enseignements de la vraie foi concernant la
naissance du Fils de Dieu ; ils nous montrent dans un même passage
l'identité de nature dans ces mots : « les mêmes œuvres, » et la
distinction du Fils par sa naissance dans cette expression : « Il les
fait pareillement. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 38). On peut encore donner
une autre interprétation de tout ce passage : « Le Fils ne peut rien
faire de lui-même, » en ce sens qu'il ne peut rien faire qui soit en
opposition, en désaccord avec lePère. Et il ne dit point qu'il ne fait rien
de contraire, mais qu'il ne peut rien faire, pour montrer l'égalité absolue
du Père et du Fils. Ce n'est donc point la faiblesse du Fils mais sa
puissance considérable qui ressort de ces paroles. Ainsi lorsque nous disons
: Il est impossible que Dieu commette le péché, nous n'accusons pas son
impuissance, mais nous attestons sa puissance ineffable; ainsi lorsque le
Fils dit : « Je ne puis rien faire de moi-même, » il nous
déclare qu'il est impossible qu'il fasse quelque chose de contraire à son
Père. —
Saint Augustin : (Contre les Ariens, chap. 14) Ces paroles
n'accusent donc pas un défaut de puissance dans le Fils, mais sont une
attestation de la filiation divine qu'il a reçue du Père, et il est aussi
glorieux au Tout-Puissant de ne pouvoir changer, qu'il lui est glorieux de ne
pouvoir mourir. Le Fils pourrait faire ce qu'il n'aurait pas vu faire au
Père, s'il pouvait faire ce que le Père ne fait point par le Fils;
c'est-à-dire s'il pouvait pécher, ce qui ne peut convenir à cette nature
immuablement bonne que le Père a engendrée; donc pour lui ne pouvoir pécher,
ce n'est pas défaut de pouvoir, c'est au contraire un signe de puissance. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 38). Les paroles qui suivent
viennent confirmer cette interprétation : « Car tout ce que fait le
Père, le Fils le fait pareillement. » C'est-à-dire si le Père fait toutes
choses par lui-même, le Fils les fait également par lui-même, suivant la
signification de cette parole : « pareillement ». Vous voyez quelle
doctrine élevée sous ces expressions si simples; et il ne faut pas vous
étonner de la simplicité, de l'humilité même du langage du Sauveur, car il
s'exprime de la sorte par ménagement pour ses ennemis qui le poursuivaient à
cause des hautes vérités qu'ils entendaient, et parce qu'ils le regardaient
comme étant en opposition avec Dieu. —
Saint Augustin : (Traité 21) Après avoir dit qu'il
faisait les mêmes choses que fait le Père et qu'il les fait de la même
manière, Notre Seigneur ajoute : « Car le Père aime le Fils, et lui montre
tout ce qu'il fait, » ce qui parait se rapporter à ce qu'il a dit plus
haut : « Le Fils ne peut rien faire de lui-même, mais seulement ce qu'il
voit que le Père fait, parce que le Père lui montre tout ce qu'il fait
lui-même. » Mais la pensée de l'homme se trouble encore à ces paroles, et
je l'entends dire : Le Père agit donc séparément, pour que le Fils puisse
voir ce que fait le Père, de même qu'un ouvrier qui veut apprendre son art à
son fils, lui en montre tous les secrets, afin qu'il puisse faire lui
même tout ce qu'il voit faire à son père ? Ainsi le Fils n'agirait pas en
même temps que le Père, puisqu'il doit voir d'abord ce que fait son Père? (Traité
19). Si nous admettons comme une vérité certaine et incontestable que le
Père fait tout par le Fils, nous devons admettre qu'il lui montre ce qu'il
fait avant d'agir. (Traité 21) D'ailleurs où le Père montre-t-il à son
Fils tout ce qu'il fait, si ce n'est dans son Fils par lequel il agit
? Car si le Père donne un modèle au Fils en ce sens que les yeux du Fils sont
fixés sur les mains du Père pour voir comment il agit, comment comprendre
alors l'indivisible Trinité ? (Traité23). Ce n'est donc point en agissant
que le Père montre au Fils ce qu'il fait; c'est en faisant cette
démonstration qu'il agit par le Fils : le Fils voit ce que le Père lui montre
avant d'agir, et c'est de la démonstration du Père et de la vision du Fils
que résulte l'action que le Père fait par le Fils. Vous me direz : Je montre
à mon fils ce que je veux faire, et il le fait, et c'est moi qui, pour ainsi dire,
le fais par lui. [La différence ici est énorme, car avant d'agir], vous
montrez à votre Fils [ce que vous vous voulez faire afin que se guidant sur
cet exemple que vous lui donnez avant d'agir, il se conforme parfaitement au
modèle que vous lui donnez, et que vous agissiez par lui. Mais pour cela, il
vous faut adresser à votre fils des paroles différentes de ce que vous êtes,
différentes de ce qu'il est lui-même. Dieu le Père se serait-il servi aussi
d'une parole étrangère pour parler à son Fils ?] Mais le Fils est le Verbe du
Père; se servirait-il du Verbe pour parler au Verbe ? Ou bien, comme le Fils
est la parole par excellence du Père, faut-il admettre entre le Père et le
Fils un échange de paroles d'un ordre inférieur ? Peut-on supposer qu'un son
créé et passager est sorti de la bouche du Père pour aller frapper l'oreille
du Fils ? Eloignez toute image corporelle, ne voyez ici que la simplicité, si
vous-même vous êtes simple. Si vous ne pouvez comprendre ce que c'est que
Dieu, comprenez du moins ce qu'il n'est pas : vous aurez beaucoup gagné, si
vous n'avez pas sur Dieu des pensées contraires à sa nature divine.
Considérez dans votre âme une image de la vérité que je veux vous expliquer.
Dans votre âme je vois la mémoire et la pensée. Votre mémoire présente la
ville de Carthage à votre pensée et montre à votre intelligence attentive ce
qui existait dans Carthage avant que votre attention se tournât de ce côté.
Voilà donc tout à la fois et la démonstration de la mémoire, et la vue de
l'intelligence, et tout cela sans aucun échange de paroles, sans qu'on ait
fait usage d'aucun signe extérieur; et cependant tout ce que vous possédez dans
votre mémoire, vous l'avez reçu du dehors. Le Père au contraire n'a point
reçu du dehors ce qu'il montre au Fils, tout ici se fait à l'intérieur; car
aucune créature n'existerait au dehors, si elle n'avait reçu l'existence du
Père par le Fils, et c'est en la montrant à son Fils que le Père l'a créée,
parce qu'il l'a créée par son Fils au même moment qu'il la voyait. Le Père
engendre donc la vision du Fils, de la même manière qu'il engendre le Fils,
et c'est la démonstration du Père qui engendre la vision du Fils, ce n'est
pas la vision qui engendre la démonstration. Si l'œil de notre âme plus épuré
pouvait pénétrer plus avant dans ces profondeurs, nous découvririons
peut-être que le Père n'est point différent de l'acte par lequel il montre à
son Fils, de même que le Fils n'est point différent de l'acte par lequel il
voit ce qui lui est montré. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 7) Ce n'est donc point
par ignorance, gardons-nous bien de le croire, que le Fils unique de Dieu a
besoin de cette révélation, et cette expression ne doit réveiller dans notre
esprit d'autre idée que la foi à la naissance du Fils, foi en vertu de
laquelle nous croyons que le Fils est sorti [de toute éternité] du sein de
Dieu toujours existant. —
Saint Augustin : (Traité 21). A l'égard du Fils, voir
le Père c'est la même chose qu'être Fils. Le Père montre donc tout ce qu'il
fait à son Fils, et c'est du Père qu'il reçoit la connaissance de toutes
choses, voir et naître sont une même chose pour le Fils, et il tire la
connaissance de toutes choses du même principe qui lui communique l'être, la
naissance et l'existence éternelle. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 7) La parole divine est
pleine ici de prudence et de circonspection, de peur que l'ambiguïté des
termes ne donne l'idée de deux natures différentes. Voilà pourquoi elle nous
dit que les œuvres du Père ont été révélées au Fils, et non pas qu'il a reçu
pour les opérer une nature et une force particulières. Ainsi cette révélation
du Père au Fils, c’est la génération elle-même du Fils, à qui l'amour du Père
communique par cette génération elle-même la connaissance des œuvres qu'il
veut faire par lui. —
Saint Augustin : (Traité 21) Mais voici que
celui que nous avons dit coéternel au Père, contemplant le Père, et le
contemplant par l'acte même de sa génération, nous parle encore de succession
de temps : « Et il lui montrera des œuvres plus grandes que
celles-ci. » S'il les lui montrera, on bien s'il doit les lui montrer, il
ne les a donc pas encore montrées, et il les montrera au Fils en même temps
qu'à ceux qui l'écoutent : « afin que vous les admiriez, » ajoute
Notre-Seigneur. (Traité 19). Il est assez difficile de comprendre
comment le Père éternel peut révéler dans le temps de nouvelles choses à son
Fils qui lui est coéternel, et qui connaît tout ce qui existe dans le Père.
Quelles sont ces œuvres plus grandes ? la suite nous l'apprend : « Car
comme le Père ressuscite les morts et leur donne la vie, ainsi le Fils donne
la vie à qui il veut. » C'est une œuvre plus grande, en effet,
de ressusciter les morts que de guérir les malades. (Traité 21). Celui
qui jusque-là avait parlé comme Dieu, commence ici à parler comme homme. (Traité
23). Dieu montrera donc dans le temps à son Fils fait homme, des œuvres
plus grandes, c'est-à-dire la résurrection des corps; car les corps
ressusciteront par [suite de la divine économie de] l'incarnation du Fils de
Dieu dans le temps, tandis que les âmes ressusciteront par la vertu de la
nature éternelle de Dieu. C'est par la participation à la nature de Dieu, que
l'âme arrive au bonheur; ce n'est point en entrant en participation avec une
âme sainte, qu'une âme faible peut obtenir la félicité. De même que l'âme
(qui est inférieure à Dieu), communique la vie au corps qui lui est
inférieur, il n'y a qu'un être supérieur à l'âme, c'est-à-dire Dieu qui
puisse lui communiquer la vie bienheureuse. Voilà pourquoi Notre Seigneur a
dit précédemment que le Père aime le Fils, et lui montre tout ce qu'il fait;
le Père montre au Fils comment les âmes ressuscitent, car c'est par le Père
et le Fils qu'elles sont arrachées à la mort, et elles ne peuvent vivre qu'à
la condition que Dieu soit leur vie. (Traité 21) On peut dire
encore que ce n'est pas précisément au Fils, mais à nous que le Père doit
faire cette révélation, voilà pourquoi le Sauveur ajoute : « afin que vous
les admiriez, » paroles qui sont l'explication de celles qui précèdent : «
Et il vous montrera des œuvres plus grandes encore ». Mais pourquoi
n'a-t-il pas dit : Il vous montrera, au lieu de : « II montrera au
Fils ? » C'est parce que nous sommes les membres de son Fils, et il apprend
pour ainsi dire de la même manière qu'il souffre dans ses membres. Il nous a
dit : « Lorsque vous donnez au plus petit d'entre les miens, c'est à moi
que vous donnez » (Mt 25) ; de même, si nous lui demandons :
Comment pouvez-vous apprendre, vous qui enseignez toutes choses ? il nous
répondra : « Lorsque l'un des plus petits d'entre les miens apprend,
c'est moi-même qui apprends. » |
Lectio 4 |
Versets 21-23
|
[86032] Catena in Io., cap. 5 l. 4 Augustinus
in Ioannem. Quia dixerat quod maiora his opera pater demonstraturus est
filio, quae sint maiora prosequitur, et dicit sicut enim pater suscitat
mortuos et vivificat, sic et filius quos vult vivificat. Plane maiora sunt
ista : valde enim plus est ut resurgat mortuus quam ut convalescat aegrotus.
Non autem sic hoc intelligamus ut alios a patre suscitari, alios a filio
aestimemus; sed eosdem quos pater suscitat et vivificat, ipsos et filius
suscitat et vivificat. Et ne quis diceret : suscitat pater mortuos per
filium, ille tamquam potens, iste tamquam ex aliena potestate, tamquam
minister facit aliquid; potestatem filii signavit dicens filius quos vult
vivificat. Tenete hic non solum potestatem filii, verum etiam et voluntatem.
Eadem enim patris et filii potestas est, et voluntas : non enim vult pater
aliud quam filius; sed sicut illis una substantia, sic una voluntas est. Hilarius de Trin. Velle quidem naturae libertas est,
quae ad perfectae virtutis beatitudinem cum arbitrii voluntate in libertate
subsistat. Augustinus. Sed qui sunt isti mortui, quos vivificat
pater et filius? Vult nobis insinuare resurrectionem mortuorum quam omnes
expectamus, non illam quam quidam habuerunt, ut ceteri crederent; resurrexit
enim Lazarus moriturus. Cum ergo dixisset sicut enim pater suscitat mortuos
et vivificat, ne intelligeremus illam mortuorum resurrectionem quam fecit ad
miraculum, non ad vitam aeternam, secutus ait neque enim pater iudicat
quemquam, etc. : ut ostendat quia de illa resurrectione mortuorum dixerat
quae futura est in iudicio. Vel aliter de resurrectione animarum dictum est
sicut pater suscitat mortuos, et cetera. Resurrectione autem corporum sic
dicit : neque enim pater iudicat quemquam, et cetera. Resurrectio enim
animarum fit per substantiam patris et filii, et ideo id simul operantur
pater et filius : resurrectio vero corporum fit per dispensationem
humanitatis non patri coaeternam. Sed vide quomodo verbum Christi mentem
nostram huc atque illuc ducit, et uno carnis loco remanere non sinit; ut
versando exerceat, exercendo mundet, mundando capaces reddat, capaces factos
impleat. Paulo enim ante dicebat, quia demonstrat pater filio quidquid facit.
Videbam quasi patrem facientem, et filium expectantem : modo rursus video
filium facientem, patrem vacantem. Augustinus de Trin. Non enim quod dicitur omne
iudicium dedit filio, secundum illam locutionem dictum est qua dicitur sic
dedit filio vitam habere in semetipso; ut significaret quia sic filium
genuit. Si enim sic diceretur, non utique diceretur pater non iudicat
quemquam; secundum hoc enim quod pater aequalem genuit filium, iudicat cum
illo. Secundum hoc ergo dictum est, quod in iudicio non forma Dei, sed forma
filii hominis apparebit; non quia non iudicabit qui dedit omne iudicium
filio, cum de illo dicat filius : est qui quaerat et iudicet; sed ita dictum
est pater non iudicat quemquam, ac si diceretur : patrem nemo videbit in
iudicio, sed omnes filium, quia filius hominis est, ut possit et ab impiis
videri, cum et illi videbunt in quem pupugerunt. Hilarius de Trin. Vel aliter. Quia dixerat et filius
quos vult vivificat, ne non nativitatis videretur in se habere naturam, sed
non natae potius potestatis iure subsistere, continuo subiecit neque enim
pater iudicat quemquam, sed omne iudicium dedit filio. Et in eo quod omne
iudicium datum est, naturae nativitas demonstratur : quia et omnia habere
sola natura possit indifferens, neque nativitas aliquid possit habere nisi
datum sit. Chrysostomus in Ioannem. Sicut enim dedit vitam,
idest genuit eum viventem, ita dedit iudicium, idest genuit eum iudicem.
Dedit enim hic positum est, ne hunc ingenitum suspiceris, neque duos patres
aestimes. Dicit autem omne iudicium, quia dominus est et puniendi et
honorandi, ut voluerit. Hilarius. Datum est enim ei omne iudicium, quia
vivificat quos vult. Neque ademptum patri iudicium potest videri, cum ipse
non iudicet, quia filii iudicium ex iudicio est paterno. Ab eo enim datum
omne iudicium est : sed dati iudicii causa non tacita est; sequitur enim ut
omnes honorificent filium, sicut honorificant patrem. Chrysostomus. Ne enim audiens quoniam patrem habet
auctorem, dissimilitudinem substantiae aestimes, et honoris minorationem,
complicat honorem filii patris honori, eumdem ostendens esse honorem patris
et filii. Sed numquid patrem eum dicemus? Absit : qui enim patrem eum dicit,
non adhuc filium ut patrem honorat, sed totum confundit. Augustinus. Et prius quidem filius videbatur ut
servus, pater honorabatur ut Deus. Apparebit filius aequalis patri ut omnes
honorificent filium, sicut honorificant patrem. Sed quid, si inveniuntur qui
patrem honorificant, et non honorificant filium? Non potest fieri; unde
sequitur qui non honorificat filium, non honorificat patrem qui misit illum.
Aliud est enim cum tibi commendatur Deus, quia Deus est, et aliud cum tibi
commendatur Deus, quia pater est. Cum tibi commendatur Deus creator, tibi
commendatur omnipotens, spiritus quidam summus, aeternus, invisibilis,
incommutabilis; cum vero tibi, quia pater est, commendatur, nihil tibi aliud
quam filius commendatur; quia pater dici non potest, si filium non habet. Sed
si forte patrem quidem honorificas tamquam maiorem, filium tamquam minorem,
ibi tollis honorem patris, ubi minorem das filio. Quid enim tibi aliud
videtur ita sentienti, nisi quia pater aequalem sibi filium generare aut
noluit, aut non potuit? Si noluit, invidit; si non potuit, defecit. Vel
aliter. Quod dicitur ut omnes honorificent filium sicut honorificant patrem,
redditum est resurrectioni animarum, quam sic operatur filius sicut pater;
sed propter resurrectionem corporum subditur qui non honorificat filium, non
honorificat patrem qui misit illum. Non dixit sic : honoratur enim homo
Christus, sed non sicut pater Deus. Sed dicit aliquis : missus est filius, et
maior est pater, quia misit. Recede a carne : missionem audi, non
separationem. Res humanae fallunt homines, res divinae purgant; quamquam et
ipsae res humanae dicant contra se testimonium; velut si quis uxorem velit
petere, et per se non possit, amicum maiorem mittit qui eam petat. Et tamen
attende quam sit aliud in rebus humanis : numquid enim homo pergit cum eo
quem mittit? Pater autem qui misit filium, non recessit a filio, cum dicat :
non sum solus, quia pater mecum est. Augustinus de Trin. Non autem eo ipso quod de patre
natus est, missus dicitur filius; sed vel eo quod apparuit huic mundo, verbum
caro factum; unde dicit : a patre exivi, et veni in hunc mundum : vel eo quod
ex tempore cuiusdam mente percipitur, sicut dictum est. Mitte illam, ut mecum
sit, et mecum laboret. Hilarius. Conclusa igitur sunt omnia adversum
haeretici furoris ingenia. Filius est, quia a se nil facit : Deus est, quia
quaecumque pater facit, et ipse eadem facit; unum sunt, quia exaequantur in
honore : non est pater ipse, quia missus est. |
—
Saint Augustin : (Traité 21). Le Sauveur venait de dire que le Père devait montrer à son Fils
des œuvres plus grandes encore, il explique maintenant quelles sont ces
œuvres : « Car comme le Père ressuscite les morts et leur donne la vie, ainsi
le Fils donne la vie à qui il veut. » Evidemment, ces œuvres sont plus
grandes, car c'est un plus grand miracle de ressusciter un mort, que de
rendre la santé à un malade. Il ne faut pas entendre ces paroles dans ce sens
que les uns soient ressuscités par le Père, et les autres par le Fils; car le
Fils ressuscite et vivifie ceux-là mêmes que le Père ressuscite et rend à la
vie. Et pour qu'on ne dise pas : Le Père ressuscite les morts par le Fils,
celui-ci en vertu de sa propre puissance, celui-là par le moyen d'une
puissance étrangère, et comme le serviteur fait l'œuvre de son maître, il
établit clairement la puissance du Fils en disant : « Ainsi le Fils donne
la vie à qui il veut. » (Traité 19). Ne séparez donc pas ici la
puissance du Fils de sa volonté, le Père et le Fils ont une même puissance et
une même volonté. (Traité 21). Le Père n'a d'autre volonté que celle
du Fils, ils n'ont qu'une seule et même volonté, comme ils n'ont qu'une seule
et même substance. —
Saint Hilaire : (de la Trinit., 7) Vouloir est un effet de
la liberté de la nature, et cette liberté concourt avec la volonté du libre
arbitre à conduire à la parfaite félicité. —
Saint Augustin : (Traité 21) Mais quels sont
ces morts à qui le Père et le Fils rendent la vie ? Notre Seigneur veut
parler ici de la résurrection des morts, qui est l'objet commun de notre
espérance; non cette résurrection des morts qu'il a rappelés à la vie pour
amener à la foi ceux qui en étaient témoins : Lazare, par exemple, qui
ressuscita, mais pour être encore victime de la mort, [tandis que pour nous,
nous ressusciterons un jour pour vivre éternellement avec Jésus-Christ]. Ces
paroles : « Comme le Père ressuscite et vivifie les morts, » ne
s'appliquent donc pas aux résurrections miraculeuses qu'il a opérées [pendant
sa vie mortelle], mais à la résurrection qui sera suivie de la vie éternelle;
et Notre Seigneur [prend soin d'établir cette vérité] en ajoutant : « Car
le Père ne juge personne, » etc., preuve évidente qu'il a voulu parler de
la résurrection des morts, qui doit avoir lieu lors du jugement dernier. (Traité
23). On peut dire encore que ces paroles : « Comme le Père ressuscite
les morts, » etc., doivent s'entendre de la résurrection des âmes, et ces
autres : « Le Père ne juge personne,» etc., de la résurrection
des corps. En effet, la résurrection des âmes est l'œuvre de la puissance
éternelle du Père et du Fils, et elle exige le concours simultané du Père et
du Fils. La résurrection des corps, au contraire, est le fruit de
l'incarnation du Fils de Dieu, incarnation qui n'est pas coéternelle au Père.
(Traité 21). Voyez comme la parole de Jésus-Christ dirige et conduit
notre âme d'une pensée à une autre, et ne le laisse pas s'arrêter dans des
idées exclusivement matérielles; elle l'exerce par cette conduite, elle la
purifie par cet exercice, et en la purifiant, elle la rend capable de
recevoir la grâce divine qui doit la remplir. Notre Seigneur avait dit peu
auparavant : « Le Père montre au Fils tout ce qu'il fait, » c'est-à-dire
que le Père agissait, et que le Fils semblait attendre. Ici, je vois le Fils
qui agit seul, à l'exclusion, semble-t-il, du Père. —
Saint Augustin : (de la Trin., 1, 13). Ces paroles : « Il
a donné tout jugement au Fils, » ne doivent pas s'entendre dans le même
sens que ces autres : « Il a donné au Fils d'avoir la vie en
lui-même, » qui expriment la génération éternelle du Fils. Si ces deux
passages devaient s'entendre dans le même sens, le Sauveur n'aurait pas dit :
« Le Père ne juge personne, » car le fait seul pour le Père de la génération
d'un Fils qui lui est égal, entraîne nécessairement le pouvoir de juger avec
lui. Ces paroles signifient donc qu'au jour du jugement, ce ne sera pas la
nature divine, mais la forme du Fils de l'homme qui apparaîtra. Il ne
faut pas en conclure que celui qui a donné tout jugement au Fils, sera privé
du droit de juger lui-même, parce que le Fils a dit de lui : « Il est
quelqu'un qui en prendra soin (de ma gloire), et qui jugera. » (Jn 8,
50). Ces paroles : « Le Père ne juge personne, » signifient donc
simplement : Personne ne verra le Père au jour du jugement, mais tous verront
le Fils, parce qu'il est le Fils de l'homme, et qu'il sera vu même des impies
qui jetteront les yeux sur celui qu'ils auront percé de plaies. (Za 12,
10. ) —
Saint Hilaire : (de la Trin., 7) On bien encore, Notre
Seigneur ne voulant pas que ces paroles : « Le Fils donne la vie à
qui il veut, » fussent prises comme une négation de sa génération divine,
et comme une preuve que sa puissance ainsi que sa nature ne venaient que de
lui-même, il ajoute aussitôt : « Le Père ne juge personne, mais il a donné
au Fils tout jugement.» Dans ces seules paroles : « Il a donné
tout jugement au Fils, » nous voyons tout à la fois la nature divine du
Fils de Dieu et sa génération; car la nature divine seule peut tout avoir, et
celui qui est engendré ne peut rien avoir qu'il n'ait reçu. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 39). De même qu'il lui a
donné la vie, c'est-à-dire qu'il l'a engendré vivant, ainsi lui a-t-il donné
toute puissance pour juger, c'est-à-dire qu'il lui a communiqué ce pouvoir de
juger avec la génération. II se sert ici du mot « il a donné,» pour
éloigner toute idée qui exclurait la génération, ou supposerait l'existence
de deux Pères. Il dit : « toute puissance de juger, » parce qu'il est
le maître de punir et de récompenser selon son bon plaisir. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 7) « Il lui a donné
toute puissance de juger, » parce que le Fils donne la vie à qui il
lui plait, mais il ne faut pas croire que le Père soit privé de la puissance
de juger, parce qu'il ne juge pas lui-même, car le pouvoir judiciaire du Fils
vient du pouvoir du Père qui a donné au Fils toute puissance de juger, et
Notre Seigneur fait connaître la raison de cette puissance qui lui est donnée
: « afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 39). De ce que le Père est
le principe de l'existence et de la puissance du Fils, ne concluez pas que le
Fils soit d'une substance différente et n'ait point droit au même honneur, car
Notre Seigneur unit étroitement l'honneur du Fils à l'honneur du Père, et il
établit clairement que l'honneur qui est dû au Père est le même qui est dû au
Fils. Dirons-nous pour cela que le Fils est le Père ? Non, sans doute, celui
qui lui donne le nom de Père, n'honore pas encore le Fils comme le Père, mais
les confond tous deux ensemble. —
Saint Augustin : (Traité 21). Pendant sa vie
mortelle, le Fils ne paraissait que comme un serviteur, le Père recevait les
honneurs dus à Dieu, mais [après le jugement], le Fils apparaîtra comme
l'égal de son Père, afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le
Père. (Traité 19). Mais s'il s’en trouvent qui honorent le Père sans
honorer le Fils ? Cela est impossible : « Celui qui n'honore pas le
Fils, poursuit Notre-Seigneur, n'honore pas le Père qui l'a envoyé. »
Autre chose est de considérer Dieu en tant qu'il est Dieu, autre chose est de
le considérer en tant qu'il est Père. Lorsqu'on vous le fait considérer comme
Dieu créateur, vous vous le représentez comme un être tout-puissant, comme un
esprit souverain, éternel, invisible, immuable. Mais lorsqu'on vous le fait
considérer comme Père, cette idée réveille aussitôt dans votre esprit l'idée
de Fils, puisqu'on ne peut lui donner le nom de Père, que parce qu'il a un
Fils. Et si vous veniez à honorer le Père comme plus grand que le Fils, et le
Fils comme étant moins grand que lui, vous diminuez la gloire du Père en
diminuant l'honneur que vous rendez au Fils. Car quelle est alors votre
pensée, c'est que le Père n'a pas voulu, ou qu'il n'a pu engendrer un Fils
qui lui fût égal; s'il n'a pas voulu, ce serait donc qu'il lui aurait envié
l'existence, s'il ne l'a pu, c'est une preuve d'impuissance. (Traités 23) Ou
bien encore, ces paroles : « afin que tons honorent le Fils comme ils
honorent le Père, » se rapportent à la résurrection des âmes que le Fils
opère simultanément avec le Père, tandis que les paroles qui suivent : «
Celui qui n'honore pas le Fils, n'honore pas le Père qui l’a envoyé, » se
rapportent à la résurrection des corps. Ici Notre Seigneur ne dit pas : « l’homme
Jésus-Christ est honoré, mais non pas de la même manière que le Père ».
(Traité 21). Vous me direz : Le Fils a été envoyé, il est donc
inférieur au Père qui l'a envoyé ? Eloignez de votre esprit toute idée
charnelle, et comprenez qu'il y a eu mission, mais non point séparation; les
choses humaines nous induisent en erreur, les vérités divines purifient notre
intelligence, bien qu'ici les choses humaines rendent témoignage contre
elles-mêmes. Un homme veut demander une femme en mariage, il ne peut le faire
par lui-même, il charge un ami plus puissant que lui de faire cette demande.
Et cependant remarquez la différence qui existe dans les choses humaines, un
homme ne va pas avec celui qu'il envoie, tandis que le Père, qui envoie le
Fils, ne se sépare pas de lui, comme le déclare Notre Seigneur : « Je ne
suis pas seul, parce que mon Père est avec moi. » (Jn 16, 32). —
Saint Augustin : (de la Trin., 4, 20). Ce n'est pas
précisément parce que le Fils est engendré du Père, que les Ecritures disent
que le Fils est envoyé, mais parce qu'il s'est manifesté au monde, lorsque le
Verbe s'est fait chair, ce qui lui fait dire : « Je suis sorti de mon Père,
et je suis venu en ce monde » ; (Jn 16, 28) ou bien, parce qu'il
est successivement envoyé et reçu dans le cœur des fidèles suivant cette
parole : « Envoyez-la du ciel (votre sagesse), et du trône de votre
grandeur, afin qu'elle soit avec moi, et qu'elle agisse avec moi. » (Sag.,
9, 10). —
Saint Hilaire : (de la Trin). Toute issue est donc fermée
aux inventions sataniques de l'hérésie. Jésus est le Fils de Dieu, parce
qu'il ne fait rien de lui-même; il est Dieu, parce qu'il fait tout ce que
fait le Père, il ne fait qu'un avec le Père, parce qu'ils ont droit aux mêmes
honneurs, et cependant il n'est point le Père, parce qu'il est envoyé. |
Lectio 5 |
Verset 24 |
[86033] Catena in Io., cap. 5 l. 5 Glossa. Quia
dixerat quod filius quos vult vivificat, consequenter ostendit qualiter per
filium perveniatur ad vitam, dicens amen dico vobis, quia qui verbum meum
audit, et credit ei qui misit me, habet vitam aeternam. Augustinus in Ioannem. Quandoquidem in audiendo et
credendo vita aeterna est, multo magis in intelligendo. Sed gradus pietatis
est fides, fidei fructus intellectus. Et non dixit : mihi; sed credit ei qui
misit me. Quare verbum audit tuum, et credit alteri? Quid voluit dicere nisi
quia verbum eius est in me? Et quid est audit verbum meum, nisi audit me?
Credit autem ei qui misit me : quia cum illi credit, verbo eius credit, mihi
credit, quia verbum patris ego sum. Chrysostomus in Ioannem. Vel non dixit : qui audit
sermones meos, et credit mihi : aestimassent enim hoc esse tumorem et
gloriationem verborum superfluam. Dicens autem credit ei qui misit me,
susceptibilem faciebat suum sermonem. Ex duobus enim suum sermonem
susceptibilem facit : et in hoc quod patri creditur ab eo qui ipsum audit, et
in hoc quod multis bonis potietur; unde sequitur et in iudicium non venit.
Augustinus in Ioannem. Sed quis est hic? Erit quisquam
Paulo apostolo melior, qui ait : oportet nos exhiberi omnes ante tribunal
Christi? Aliquando ergo iudicium poena dicitur, aliquando iudicium discretio
dicitur. Ergo secundum iudicium discretionis oportet nos omnes exhiberi ante
tribunal Christi; secundum iudicium damnationis hic dicitur in iudicium non
venit; idest, non venit in damnationem. Sequitur sed transit a morte in
vitam. Non nunc transit, sed iam transiit a morte infidelitatis ad vitam
fidei, a morte iniquitatis ad vitam iustitiae. Vel aliter. Ne putares
credendo te non moriturum secundum carnem, scias te mortem, quam debes
supplicio Adam, persoluturum. Accepit enim ille, in quo tunc omnes fuimus :
morte morieris nec potes evadere divinam sententiam. Sed cum persolveris
mortem veteris hominis, suscipies vitam novi hominis, et transitum facies de
morte ad vitam. Ad quam vitam? Ad aeternam : resurrecturi enim in fine
saeculi, mortui in vitam aeternam transibunt : vita enim ista nec vita
nominanda est, quia non est vera vita nisi quae est aeterna. Augustinus de Verb. Dom. Videmus autem homines
amatores praesentis vitae temporalis ac finiendae, sic pro illa laborare ut
quando veniat mortis metus, quidquid possunt faciant, non ut auferant, sed ut
differant mortem. Si ergo tanto labore, tanta cura agitur ut aliquantulum
plus vivatur, quomodo agendum est ut semper vivatur? Et si prudentes dicuntur
qui omnibus modis agunt ut differant mortem et vivant paucos dies, quam
stulti sunt qui sic vivunt ut perdant aeternum diem? |
— La Glose : Notre Seigneur avait dit précédemment : « Le Fils donne la vie à
qui il veut » ; il lui restait à faire connaître comment le Fils
nous conduit à la vie : « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui
qui écoute ma parole, et qui croit à celui qui m’a envoyé, a la vie
éternelle.» —
Saint Augustin : (Traité 22). La vie éternelle
consiste à écouter et à croire, mais encore plus à comprendre. La foi est le
degré qu'il faut franchir pour arriver à l'intelligence qui est le fruit de
la foi. Le Sauveur ne dit pas : Celui qui croit en moi, mais : « celui qui
croit à celui qui m'a envoyé. » Pourquoi donc, Seigneur, entend-il votre
parole, et croit-il à un autre que vous ? Que veut-il dire ? si ce n'est : la
parole de celui qui m'a envoyé est en moi ? « Il entend ma parole, » c'est-à-dire,
c'est moi qu'il entend : « Il croit à celui qui m'a envoyé, » c'est-à-dire,
qu'en croyant en lui, il croit à sa parole, et en croyant à sa parole, c'est
en moi qu'il croit, parce que je suis le Verbe du Père. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 39). Le Sauveur ne dit pas :
« Celui qui écoute mes paroles et qui croit en moi », ce que les Juifs
auraient regardé comme l'expression d'un orgueil qui veut s'élever outre
mesure. En disant au contraire : « Celui qui croit à celui qui m'a envoyé
» ; il faisait plus facilement accepter sa doctrine. Deux
considérations venaient à l'appui, il enseignait que c'était au Père que
devait croire celui qui l’écoute, et il promettait toute sorte de biens comme
récompense de la foi qu'il demandait : « Il ne vient pas en jugement.
» —
Saint Augustin : (Traité 22). Mais que signifient ces
paroles ? Y aura-t-il donc un homme plus vertueux que l’apôtre Paul, qui nous
déclare : « Qu'il nous faut tous comparaître devant le tribunal de
Jésus-Christ. » (Rm 14; 2 Co 5) Nous répondons que le jugement
emporte quelquefois l'idée de punition, tandis que dans d'autres
circonstances, il signifie un simple examen [ou un jugement de séparation].
Nous devrons tous comparaître devant le tribunal de Jésus-Christ, pour subir
ce jugement de séparation. Mais ici Notre Seigneur veut parler du jugement
qui emporte condamnation, et ces paroles : « Il ne vient point en
jugement, » signifient : « Il n'encourt pas une sentence de condamnation,
» mais ajoute le Sauveur : « Il a passé de la mort à la vie » ;
ce passage n'est pas encore entièrement effectué, mais dès maintenant il a
passé de la mort de l'infidélité à la vie de la foi, de la mort de l'iniquité
à la vie de la justice. Ou bien encore, Notre Seigneur veut vous empêcher de
penser que la foi vous préserverait de la mort du corps, et bien vous
convaincre que vous paierez cette dette de la mort que vous a fait contracter
le péché d'Adam ; nous y sommes tous astreints; personne ne peut
échapper à cette sentence qu'il entendit porter contre lui : « Vous
mourrez de mort et vous ne pourrez pas échapper à la sentence divine. »
Mais après avoir payé en mourant cette dette du vieil homme, vous reprendrez
la vie de l'homme nouveau, et vous passerez de la mort à la vie. (Traité 19).
Et à quelle vie ? à la vie éternelle, car les morts qui ressusciteront à la
fin du monde ressusciteront pour la vie éternelle. (Traité 22). Quant
à cette vie, elle ne mérite point le nom de vie, parce qu'il n'y a de
véritable vie que la vie éternelle. —
Saint Augustin : (serm. 64 sur les par. du
Seign). Nous voyons les hommes dans leur amour passionné pour cette vie
périssable et mortelle, se donner mille efforts pour combattre la crainte de
la mort, et faire tout ce qu'ils peuvent, non pour se soustraire à la mort,
mais pour en retarder l'heure fatale. Mais si vous prenez tant de soins, si
vous vous donnez tant de peine pour prolonger votre vie de quelques jours,
que ne devez-vous pas faire pour vivre éternellement ? Et si l'on donne le
nom de prudents à ceux qui tentent l'impossible pour retarder leur mort, et
vivre quelques jours de plus, combien sont insensés ceux qui vivent de
manière à perdre la vie éternelle. |
Lectio 6 |
Versets 25-26
|
[86034] Catena in Io., cap. 5 l. 6 Augustinus
in Ioannem. Posset aliquis dicere : ex patre aliquis vivificatur cui
credit. Quid tu? Non vivificas? Vide quia et filius quos vult vivificat; unde
dicit amen, amen dico vobis, quia venit hora, et nunc est, quando mortui
audient vocem filii Dei, et qui audierint vivent. Chrysostomus in Ioannem. Cum autem dicat venit hora,
ne forte longum suspiceris tempus, addidit et nunc est. Sicut enim in
resurrectione futura vocem audientes praecipientem suscitabimur, ita et nunc
fit. Theophylactus. Hoc enim dixit pro his quos a mortuis
suscitaturus fuit, scilicet filia archisynagogi, filio viduae et Lazaro. Augustinus in Ioannem. Vel aliter. Ne forte quia
dixit transit de morte ad vitam, intelligamus hoc in futura resurrectione,
ostendere volens quomodo transit qui credit, subiungit amen, amen dico vobis,
quia venit hora. Quae hora? Et nunc est, quando mortui audient vocem filii
Dei, et qui audierint vivent. Non inquit : quia vivunt, audiunt; sed audiendo
reviviscunt. Quid est enim audient, nisi obedient? Qui enim credunt, et
secundum veram fidem agunt, vivunt, et mortui non sunt; qui autem vel non
credunt, vel credunt male viventes et caritatem non habentes, mortui potius
deputandi sunt. Et tamen adhuc agitur hora ista, et usque ad finem saeculi
ipsa hora una agitur, ut Ioannes dicit : novissima hora est. Augustinus de Verb. Dom. Quando mortui, idest
infideles, audient vocem filii Dei, idest Evangelium, et qui audierint, idest
qui obedierint, vivent, idest iustificabuntur, et infideles iam non erunt.
Augustinus in Ioannem. Sed quaeret aliquis : habet
filius vitam unde vivant credentes? Audi ipsum dicentem sicut enim habet
pater vitam in semetipso, sic dedit et filio habere vitam in semetipso.
Vivere quippe suum in illo est, non aliunde, non alienum est; non quasi
particeps sit vitae, quae non est quod ipse; sed habet vitam in semetipso, ut
ipsa vita sibi sit ipse. Quid tu? Anima mortua eras. Audi patrem per filium :
surge, ut in eo recipias vitam, quam non habes in te, qui habet vitam in
semetipso; et sic agitur prima resurrectio. Haec enim vita, quod pater et
filius est, ad animam pertinet. Non enim vitam illam sapientiae sentit
corpus, sed mens rationalis. Hilarius de synodis. Conclusi quidem haeretici
Scripturarum auctoritatibus, hoc solum tribuere solent filio, ut patri tantum
virtute similis sit; tollunt autem ei similitudinem naturae; non
intelligentes, non nisi ex naturae similitudine similitudinem esse virtutis :
neque enim aliquando inferior natura superioris a se potiorisque naturae
virtutem consequitur. Non autem potest negari quin filius Dei idem possit,
cum dixerit quaecumque pater facit, eadem et filius facit similiter. Sed
similitudini virtutis, naturae similitudo succedit, cum dixit sicut habet
pater vitam in semetipso, ita et filio dedit habere vitam in semetipso. In
vita, naturae et essentiae significatio est; quae sicut habetur, ita data
esse docetur ad habendum. Quod enim in utroque vita est, id in utroque
significatur essentia; et vita quae gignitur ex vita, idest essentia quae de
essentia nascitur, dum non dissimilis nascitur, scilicet quia vita ex vita
est, tenet in se originis suae indissimilem naturam. Augustinus de Trin. Intelligitur autem pater non
sine vita existenti iam filio vitam dedisse; sed ita eum sine tempore
genuisse ut vita quam pater filio gignendo dedit, coaeterna sit vitae eius
qui dedit. Hilarius de Trin. Quod enim ex vivo vivum natum est,
habet nativitatis perfectionem sine novitate naturae : non enim novum est
quod ex vivo generatur in vivum, quia nec ex nihilo ad nativitatem vita
quaesita est; et vita quae nativitatem sumit ex vita, necesse est per naturae
unitatem, et perfectae nativitatis sacramentum, ut in vivente vivat, et in se
habeat vitam viventem. Et quidem naturae humanae infirmitas ex disparibus
comparatur, et ex inanimatis continetur ad vitam, nec statim in ea quod
gignitur vivit, neque totum vivit ex vita, cum in ea multa sint quae sine
naturae sensu, cum excreverint, desiccentur. In Deo vero totum quod est vivit
: Deus enim vita est, et ex vita non potest quidquam esse nisi vivum. Augustinus in Ioannem. Ergo quod dicitur dedit
filio, tale est ac si diceretur : genuit filium : generando enim dedit.
Quomodo dedit ut esset, sic dedit ut vita esset in semetipso, ut non aliunde
vita indigeret; sed ipse esset plenitudo vitae unde credentes alii viverent,
dum viverent. Quid interest? Quia ille dedit, iste accepit. Chrysostomus in Ioannem. Vides indissimilitudinem,
in uno solo differentiam ostendentem; in essendo hunc quidem patrem, illum
vero filium. Hilarius de synodis. Discernitur enim persona accipientis
et dantis : non enim potest intelligi ipse atque unus a se accepisse qui
dederit : quia alius est sibi vivens, alius profitens se vivere per auctorem. |
—
Saint Augustin : (Traité 23 sur Saint
Jean). On aurait pu faire cette difficulté au Sauveur : « Le
Père vivifie ceux qui croient en lui, et vous, vous ne pouvez vous donner
aussi la vie ? » Vous voyez ici que le Fils donne également la vie à qui il
veut : « En vérité, en vérité, je vous le dis, l'heure vient, et elle est
déjà venue, où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui
l'entendront vivront. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 39). Et n'allez pas croire
que ces paroles : « L'heure vient, » doivent s'entendre d'un
temps encore éloigné, car Notre Seigneur ajoute : « et elle est venue,
» et la parole du Fils de Dieu a été alors aussi efficace qu'elle le sera
lorsqu'elle nous commandera de ressusciter à la fin du monde. — Théophylactus : Le Sauveur voulait parler ici de ceux qu'il devait ressusciter pendant
sa vie mortelle, de la fille du chef de la synagogue, du fils de la veuve de
Naïm et de Lazare. —
Saint Augustin : (Traité 22). Ou bien encore, Notre
Seigneur ne veut pas que nous entendions de la résurrection future ces
paroles : « Il passe de la mort à la vie, » et pour nous apprendre que
ce [bienheureux] passage s'opère dans celui qui croit, il ajoute : « En
vérité, en vérité, l'heure vient. » Quelle est cette heure ? Elle
est venue, c'est l'heure où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et
ceux qui l'entendront vivront. (Traité 29). Il ne dit pas : Ils
entendent parce qu'ils vivent, mais ils revivront parce qu'ils entendront.
Que veut dire ce mot : « Ils entendront ? » c'est-à-dire : « Ils
obéiront. » (Traité 22). Ceux qui croient et qui vivent selon les
règles de la vraie foi, vivent véritablement et ne sont plus soumis à la
mort; mais pour ceux qui refusent de croire, ou dont la vie coupable est en
désaccord avec leur foi, et qui ont perdu la charité, il faut bien plutôt les
mettre au rang des morts. Cependant cette heure dont il est ici parlé dure
encore, elle se prolonge jusqu'à la fin du monde, comme saint Jean le déclare
: « Nous sommes dans la dernière heure. » (1 Jn 2) —
Saint Augustin : (serm. 61 sur les par. du Seig).
Lorsque les morts, c'est-à-dire les infidèles, entendront la voix du Fils
de Dieu (c'est-à-dire l'Evangile), ceux qui l'entendront (c'est-à-dire qui
obéiront), vivront, c'est-à-dire seront justifiés et cesseront d'être
infidèles. —
Saint Augustin : (Tr. 22). On me fait
cette question : Le Fils a-t-il en lui la vie qu'il puisse communiquer à ceux
qui croient ? [Je réponds : Oui il a en lui la vie], lui-même vous l'atteste
: « Comme le Père a la vie en lui-même, ainsi il a donné au Fils d'avoir
la vie en lui-même. » (Traité 19). La vie est une chose qui lui
est propre, elle ne lui vient point d'un principe étranger, il ne l'a point
par emprunt, comme s'il entrait en participation de la vie. La vie n'est autre
chose que lui-même, et il a la vie en lui-même, il est lui-même sa vie. — Et vous ? n’étiez-vous pas une âme
morte ? Ecoutez le Père par la voix du Fils, levez-vous pour recevoir en
vous la vie que vous n'avez pas en vous-même, [cette vie vous est donnée par
le Père], elle vous est donnée par le Fils qui a la vie en lui-même, et c'est
la première résurrection. Or, cette vie qui est le propre du Père et du Fils,
est la vie de l'âme, et l’âme raisonnable seule, à l'exclusion du corps, peut
participer à cette vie de la sagesse. —
Saint Hilaire : (des syn. défin., 6). Les hérétiques, pressés
de tous côtés par l'autorité des Ecritures, sont forcés d'attribuer au Fils
une puissance semblable à celle du Père, mais sans vouloir accorder qu'il ait
une même nature, et ils ne comprennent pas que l'égalité de puissance ne peut
venir que de l'égalité de nature. Une nature inférieure ne peut jamais
recevoir la puissance d'une nature qui lui est de beaucoup supérieure. Or, on
ne peut nier que le Fils de Dieu n'ait une puissance égale à celle du Père,
puisqu'il affirme lui-même que : « Tout ce que le Père fait, le Fils le
fait pareillement, » et cette égalité de puissance entraîne
nécessairement l'égalité de nature comme il le déclare expressément : « De
même que le Père a la vie en lui; ainsi il a donné à son Fils d'avoir la vie
en lui. » La vie est ici synonyme de nature et d'essence, et Notre
Seigneur nous apprend à la fois qu'il possède cette vie et qu'elle lui a été
donnée. (Défin. 4). La vie qui est dans le Père et dans le Fils,
signifie la nature, l'essence et la vie qui est engendrée de la vie
(c'est-à-dire, l'essence qui est engendrée de l'essence); comme elle n'est
point différente de son principe, parce qu'elle est la vie qui naît de la
vie, elle possède en vertu de son origine une parfaite égalité de nature. —
Saint Augustin : (de la Trin., 15, 26) Comprenons-donc que
le Père ne donne pas la vie à son Fils, comme s'il en était privé auparavant,
et qu'il l'engendre en dehors de toute succession de temps, en sorte que la
vie que le Père donne à son Fils en l'engendrant, est coéternelle à la vie de
celui qui l'engendre. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 9) Ce qui naît vivant d'un
être vivant, possède la perfection dès sa naissance, sans qu'il y ait
création d'une nature nouvelle, car ce qui est engendré d'un autre être
vivant, n'est point une nature nouvelle, parce que ce n'est pas du néant que
la vie est sortie; la vie qui prend sa naissance au sein même de la vie, doit
nécessairement avoir l'unité de nature, et celui qui est ainsi engendré doit
posséder toute perfection, de telle sorte qu'il vive dans celui qui l'a engendré,
et qu'il ait en lui la vie véritable. Notre faible nature humaine est
composée d'éléments fort disparates, et la vie pour elle semble sortir des
choses inanimées; elle ne vit pas aussitôt ni toute entière de la vie qu'elle
reçoit par la génération, et il y a en elle beaucoup d'éléments qui, après
s'être développés, périssent sans avoir eu le sentiment de la vie. En Dieu,
au contraire, tout ce qui existe a la vie, car Dieu est la vie même, et la
vie ne peut produire que la vie. —
Saint Augustin : (Traité 22). Ces paroles : « Il a
donné au Fils » ont donc la même signification que celles-ci : « Il
a engendré son Fils, » car c'est en l'engendrant qu'il lui a donné la
vie. De même qu'il lui a donné l'être, il lui a donné d'être la vie, d'être
la vie en lui-même, sans avoir besoin de la recevoir d'ailleurs, et d'avoir
en lui la plénitude de la vie pour la communiquer à tous ceux qui croient.
Qu'importe donc que l'un ait donné et l'autre reçu ? —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 39). Vous voyez donc ici
l'égalité absolue et parfaite, il n'y a qu'une seule différence, c'est que
l'un existe comme Père, et l'autre comme Fils. —
Saint Hilaire : (des synod. définit. 2). Il faut distinguer ici
entre celui qui donne et celui qui reçoit; on ne peut supposer que ce soit la
même personne qui donne et qui reçoive, puisque l'un est vivant par lui-même,
et que l'autre déclare vivre de la vie qu'il a reçue de son Père. |
Lectio 7 |
Versets 27-29 |
[86035] Catena in Io., cap. 5 l. 7 Theophylactus.
Non solum pater dedit filio quod vivificet, sed etiam quod iudicium
faciat; unde dicit et potestatem dedit ei iudicium facere. Chrysostomus in Ioannem. Cuius autem gratia circa
hoc continue vertitur iudicium, dico et resurrectionem et vitam? Quoniam haec
maxime omnium sunt quae possunt difficilem etiam auditorem ad credendum
adducere. Qui enim persuasus est quoniam resurget, et filio dabit noxas eorum
quae deliquit, etsi nihil aliud viderit, signum hoc suscipiens curret,
benignum sibi iudicem faciens. Sequitur quia filius hominis est, nolite
mirari hoc. Paulus quidem Samosatenus non ita ait; sed sic dedit ei
potestatem iudicium facere, quia filius hominis est. Sed nullam convenientiam
habet hoc dictum ita : non enim propterea suscepit iudicium quia homo est :
quia quis prohibet omnes homines esse iudices? Sed quia ineffabilis Dei
filius est, propterea et iudex est. Ita igitur legendum : quia filius hominis
est, nolite mirari hoc : quia enim videbatur audientibus obstare his quae
dicebantur : quoniam nihil plus aestimabant esse Christum quam purum hominem;
quae vero dicebantur erant maiora quam secundum hominem, et etiam quam
secundum Angelum, et erant solius Dei : ideo hanc opinionem solvens, dixit :
ne miremini quia filius hominis est : et subdit causam quare non sit
mirandum, dicens quia venit hora in qua omnes qui in monumentis sunt, audient
vocem filii Dei. Et cuius gratia non dixit : ne miremini, quia filius hominis
est : etenim et ipse filius Dei est? Si resurrectionem posuit, quasi scilicet
opus dicens quod Dei proprium erat, dat audientibus ex eo syllogizare de
reliquo, quoniam Deus erat, et Dei filius. Etenim qui argumenta complicant,
cum partes ponentes nobiliter demonstraverint quod quaeritur, multoties non
inducunt ipsi conclusionem, sed clariorem facientes victoriam, dimittunt illi
qui contradicit, ut pro eis sententiam ferat. Igitur eius quidem quae
secundum Lazarum resurrectionis supra reminiscens, de iudicio tacuit : non
enim propter iudicium surrexit Lazarus : universalem vero resurrectionem
inducens, iudicium posuit; unde sequitur et procedent qui bona fecerunt, in
resurrectionem vitae; qui vero mala egerunt, in resurrectionem iudicii. Quia
enim supra dixerat : qui audit sermonem meum et credit ei qui misit me, in
iudicium non venit, ut non aestimet quis quod credere sufficit ad salutem,
adiecit haec et de vita, dum dicit et qui bona egerunt (..). et qui mala
egerunt. Augustinus. Vel aliter. Inquantum erat verbum in
principio apud Deum, dedit ei vitam habere in semetipso; sed quia verbum caro
factum est ex virgine Maria, homo factus filius hominis est; et quia filius
hominis est, accepit potestatem iudicium facere, quod scilicet erit in fine
saeculi, et ibi erit resurrectio corporum mortuorum. Animas ergo suscitat
Deus per Christum filium Dei, corpora suscitat per eumdem filium hominis;
unde additur quia filius hominis est : nam secundum quod Dei filius est,
semper habuit. Augustinus de Verb. Dom. Ad iudicium enim forma
hominis ventura est; forma illa iudicabit quae iudicata est : sedebit iudex
qui stabat sub iudice, damnabit vero reos qui factus est falso reus. Rectum
enim erat ut iudicandi viderent iudicem : iudicandi autem erant boni et mali
: restabat ut in iudicio forma servi et bonis et malis ostenderetur, forma
Dei solis bonis servaretur. Beati enim mundo corde, quoniam ipsi Deum
videbunt. Augustinus in Ioannem. Omnes autem qui instituerunt
alicuius etiam falsae religionis sectam, negare resurrectionem mentium non
potuerunt; sed multi carnis resurrectionem negaverunt; et nisi tu, domine
Iesu, dixeris eam, quid opponemus contradictoribus? Ad ipsam igitur
ostendendam subdit nolite mirari hoc, scilicet quod dedit potestatem filio
hominis iudicium faciendi, quia venit hora. Augustinus de Verb. Dom. Hic non addit et nunc est,
quia ista hora in fine saeculi erit. Nolite, inquam, mirari, quia dixit :
oportet homines ab homine iudicari; sed quos homines? Non solum quos inveniet
vivos; unde sequitur quia venit hora in qua omnes qui in monumentis sunt.
Augustinus in Ioannem. Quid evidentius? Corpora sunt
in monumentis, non animae. Superius etiam cum diceret venit hora, et adderet
et nunc est, subiecit quando mortui audient vocem filii Dei. Non dixit :
omnes mortui : mortuos enim iniquos voluit intelligi; sed non omnes iniqui
obediunt Evangelio; at vero in fine omnes qui sunt in monumentis audient
vocem eius, et procedent. Noluit dicere : et vivent, quod supra dixit, ubi
vitam aeternam intelligi voluit et beatam, quam non omnes habebunt qui de
monumentis procedent. Accepisti certe potestatem iudicandi, quia filius hominis
es. Resurgent corpora; de ipso iudicio dic aliquid, et hoc audite qui bona
fecerunt, in resurrectionem vitae, vivere scilicet cum Angelis Dei; qui male
egerunt, in resurrectionem iudicii. Hic iudicium pro poena posuit. |
—
Théophylactus : Le Père a donné à son Fils, non seulement le pouvoir de donner la vie,
mais la puissance pour juger : « Et il lui a donné le pouvoir. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom, 39). Pourquoi Notre Seigneur
rappelle-t-il continuellement les idées de jugement, de résurrection et de vie
? parce que ce sont les idées les plus propres à conduire à la foi les
esprits les plus rebelles. Celui qui est profondément convaincu qu'il
ressuscitera, et qu'il doit payer au Fils de Dieu, la peine des fautes qu'il
a commises, sans autre considération, s'empresse de se rendre son juge
favorable. « Parce qu'il est le Fils de l'homme ne vous
étonnez pas. » Paul de Samosate dispose ainsi le texte sacré : « Il lui a
donné le pouvoir de juger, parce qu'il est le Fils de l'homme. » Mais
cette manière de lire est contraire à toute logique; le Sauveur en effet n'a
pas reçu la puissance de juger parce qu'il est homme, car alors pourquoi tous
les hommes ne recevraient-ils pas le même pouvoir ? Mais il est juge parce
qu'il est le Fils ineffable de Dieu. Voici donc comment il faut lire : «
Ne vous étonnez pas de ce qu'il est le Fils de l'homme. » Un des grands
obstacles qui s'opposaient dans l'esprit des Juifs à la parfaite intelligence
des enseignements du Sauveur, c'est qu'ils ne voyaient en lui qu'un homme; tandis
que sa doctrine était de beaucoup supérieure à celle des hommes, à celle des
anges et semblait ne convenir qu'à un Dieu. Il va donc au-devant de cette
difficulté et leur dit : « Ne vous étonnez point, parce qu'il est le Fils
de l'homme, » et de ce qu’il ne faut pas s’étonner, il donne la raison : « Car
l'heure vient où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront la voix du
Fils. » Et pourquoi leur dit-il : « Ne vous étonnez point parce qu'il est
le Fils de l'homme, parce qu'il est en même temps le Fils de Dieu. » Il
vient de parler de la résurrection, comme d'une oeuvre qui est l'œuvre de
Dieu par excellence, et il laisse à ses auditeurs à tirer la conséquence
qu'il était Dieu et Fils de Dieu. En effet ceux qui font usage de
raisonnements, lorsque les propositions qu'ils avancent prouvent évidemment
la vérité qu'ils établissent, se dispensent de tirer eux-mêmes la conclusion,
mais pour rendre la victoire plus éclatante, ils laissent à leurs
contradicteurs le soin de tirer cette conséquence contre eux-mêmes. Lorsqu'il
a fait allusion précédemment à la résurrection de Lazare, il n'a point parlé
du jugement, car Lazare n'est point ressuscité pour le jugement; mais
lorsqu'il parle de la résurrection générale, il y joint la mention du
jugement : « Et ceux qui auront fait le bien en sortiront pour une
résurrection de vie, et ceux qui auront fait le mal pour une résurrection de jugement.
» Il avait dit précédemment : « Celui qui écoute ma parole et qui
croit à celui qui m'a envoyé, n'entre point en jugement » ; mais
pour ne point laisser croire que la foi suffit pour être sauvé, il y joint
ici la nécessité d'une vie [pleine de bonnes œuvres] : « Et ceux qui
ont fait le bien en sortiront pour une résurrection de vie, et ceux qui
auront fait le mal… » —
Saint Augustin : (Traités 22 et 23) On peut encore
expliquer autrement ces paroles : Dieu lui a donné d'avoir la vie en lui-même
en tant qu'il était le Verbe qui était en Dieu dès le commencement; mais le
Verbe s'est fait chair dans le sein de la Vierge Marie, et c'est parce qu'il
s'est fait homme qu'il est le Fils de l'homme, et c'est à ce titre qu'il
a reçu le pouvoir de juger, pouvoir qu'il exercera à la fin du monde alors
qu'aura lieu la résurrection des corps des défunts. Dieu ressuscite donc les
âmes par Jésus-Christ Fils de Dieu, et il ressuscite les corps par le même Jésus-Christ
Fils de l'homme. Et c'est pour cela qu'il ajoute : « parce qu'il est
le Fils de l'homme, » car comme Fils de Dieu, il a toujours eu ce
pouvoir. —
Saint Augustin : (Sermon 64 sur les par. du
Seign). C'est sous la forme extérieure de l'homme que Jésus-Christ doit
juger les hommes, il les jugera sous cette forme qu'ils l'ont jugé eux-mêmes,
le même qui a comparu devant le tribunal d'un juge de la terre montera sur
son tribunal pour juger à son tour, il condamnera les vrais coupables, lui
qui a été condamné malgré les fausses accusations dont il a été chargé. Il
fallait en effet que ceux qui devaient être jugés voient leur juge de leurs
propres yeux; mais comme ce jugement devait s’étendre aux bons comme aux
méchants, il convenait qu'il se manifestât sous la forme de serviteur aux
bons et aux méchants, et qu'il réservât exclusivement aux bons la vue de la
nature divine suivant ces paroles. « Bienheureux ceux qui ont le cœur pur,
parce qu'ils verront Dieu. » —
Saint Augustin : (Traité 19) Aucun de ceux qui
ont essayé d'établir des sectes où l'erreur était substituée à la vérité,
n'ont pu nier la résurrection spirituelle [qui rend les âmes meilleures, et
les fait passer du vice à la vertu]; mais beaucoup d'entre eux ont nié la
résurrection de la chair, et que pourrions-nous leur répondre, Seigneur
Jésus, si vous n’aviez affirmé cette vérité. C'est donc pour en établir plus
solidement la croyance qu'il ajoute : « Ne vous étonnez pas, » c'est-à-dire
ne soyez pas surpris que Dieu ait donné au Fils de l'homme le pouvoir de
juger, car « l'heure vient, etc... » —
Saint Augustin : (Sermon 64 sur les par. du Seig).
Il n'ajoute pas ici comme précédemment : « Et cette heure est venue, »
parce qu'elle ne doit venir qu'à la fin du monde. Ne vous étonnez pas qu’il
ait dit : « Il faut que les hommes soient jugés par un homme, mais quels
sont ces hommes ? Non seulement ceux qui seront alors en vie; car voici
l'heure où tous ceux qui sont dans les tombeaux... » —
Saint Augustin : (Traité 19) Quoi de plus
évident ? Ce sont les corps et non pas les âmes qui sont dans les tombeaux.
Lorsqu'il disait plus haut : « L'heure vient » et qu'il ajoutait : «
et elle est venue, » il continuait en ces termes : « où les morts
entendront la voix du Fils de Dieu » ; il ne dit pas : Tous les
morts, car ces morts dont il parle sont les pécheurs, et tous n'obéissent pas
à l'Evangile. Mais à la fin du monde, tous ceux qui sont dans les tombeaux
entendront sa voix et en sortiront. Notre Seigneur n'ajoute point : Et ils
vivront, comme précédemment, ce qu'il disait de la vie éternelle et
bienheureuse, qui ne sera point le partage de tous ceux qui sortiront des
tombeaux. Vous avez certainement reçu le pouvoir de juger, parce que vous êtes
le Fils de l'homme, les corps ressusciteront tout d'abord, mais dites-nous
quelque chose de ce jugement. Ecoutez sa réponse : Ceux qui auront fait le
bien sortiront des tombeaux pour la résurrection de la vie, c'est-à-dire pour
vivre avec les anges de Dieu; et ceux qui auront mal fait, pour la
résurrection du jugement, et ici le mot jugement est synonyme de châtiment. |
Lectio 8 |
Versets 30
|
[86036] Catena in Io., cap. 5 l. 8 Augustinus in
Ioannem. Dicturi eramus Christo : tu iudicabis, et pater non iudicabit;
nonne ergo secundum patrem iudicabis? Et ideo adiecit non possum ego a me
facere quidquam. Chrysostomus in Ioannem. Hoc est, non extraneum
neque dissimile his quae vult pater, a me fieri videbitis; sed sicut audio,
iudico : in quo nihil aliud ostendit quam quoniam impossibile est eum aliquid
aliud velle quam quod pater vult : hoc est, ita iudico ac si ipse pater esset
qui iudicaret. Augustinus in Ioannem. Cum ageretur de resurrectione
animarum, non dicebat audio, sed video. Audio enim nunc dicit, tamquam
praecipientis patris imperium. Iam ergo sicut homo loquitur, quo maior est
pater. Augustinus contra Arianos. Vel aliter. Dicit filius
sicut audio iudico, sive ex humana subiectione, quia filius hominis est, sive
secundum illam incommutabilem simplicemque naturam quae sic est filii, ut
tamen ei de patre sit : in qua natura non est aliud audire, aliud videre,
aliud esse. Unde ab illo est ei audire, et videre a quo illi est ipsum esse.
Et ideo sicut audit iudicat : quia sicut genitum est verbum, ut idem verbum
sit veritas, ita secundum veritatem iudicat. Sequitur et iudicium meum iustum
est : quia non quaero voluntatem meam, sed voluntatem eius qui misit me
patris. Hoc enim dicens, ad illum hominem voluit referre intentionem nostram
qui voluntatem suam quaerendo, non eius a quo factus est, non habuit iustum
iudicium de seipso : sed iustum iudicium habitum est de ipso. Ipse quippe
faciens voluntatem suam, non Dei, moriturum se esse non credidit; sed hoc
iudicium eius iustum non fuit. Denique fecit, et mortuus est : quia iudicium
Dei iustum est, quod iudicium facit Dei filius, non quaerendo voluntatem
suam, cum sit etiam hominis filius : non quia ipsius in iudicando nulla
voluntas est, sed quia non ita est voluntas eius propria ut sit a voluntate
patris aliena. Augustinus in Ioannem. Non ego quaero voluntatem
meam propriam, idest filii hominis, quae resistat Deo : faciunt enim homines
voluntatem suam, non Dei, quando faciunt quod volunt, non quod iubet Deus.
Quando autem ita faciunt quod volunt, ut tamen sequantur voluntatem Dei, non
faciunt voluntatem suam. Vel ideo dicit filius non quaero voluntatem meam :
quia Christus non est de se, sed de patre suo est. Chrysostomus. Ostendit enim non aliam esse patris
voluntatem praeter suam, sed unam utriusque. Si vero humanius hoc loquitur,
ne mireris : hominem enim purum adhuc eum aestimabant. Inde igitur suum
iudicium iustum esse dixit, unde quilibet alius excusans dixisset; qui enim
sua vult statuere, in suspicionem deveniet de corruptione iustitiae; qui vero
non suis innititur, quam occasionem habebit ut iniusta iudicet? Augustinus in Ioannem. Filius unicus dicit non
quaero voluntatem meam : et homines volunt facere voluntatem suam. Faciamus
ergo voluntatem patris, Christi, et spiritus sancti : quia horum una
voluntas, una potestas, una maiestas est. |
— Saint Augustin : (Traité 19 sur Saint Jean).
Nous étions
sur le point de dire à Notre Seigneur Jésus-Christ : C'est vous qui jugerez
et non pas votre Père, est-ce que votre jugement ne sera pas conforme à sa volonté
? C’est pourquoi le Sauveur ajoute : « Je ne puis rien faire de
moi-même ». —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 39). C'est-à-dire vous ne me
verrez rien faire qui soit contraire ou opposé à la volonté du Père, mais «
selon que j'entends, je juge, » c'est-à-dire qu'il est impossible que ma
volonté ne soit pas conforme en tout à celle de mon Père; et je juge
absolument comme si mon Père lui-même jugeait. —
Saint Augustin : (Traité 23) Lorsqu'il était
question de la résurrection des âmes, il ne disait pas : J'entends mais je
vois. » Ici au contraire, il dit « J'entends, » comme la voix du
Père qui commande; il parle ici comme homme, et sous ce rapport, son
Père est plus grand que lui. —
Saint Augustin : (Contre le serm. des Ar., chap. 13) On peut dire encore
que ces paroles : « Selon que j'entends, je juge » doivent
s'entendre de la dépendance où Jésus se trouve vis-à-vis de Dieu comme Fils
de l'homme; ou même de cette nature simple et immuable qui appartient au Fils
mais qu'il a reçue du Père, nature pour laquelle entendre, voir, être sont
une seule et même chose, de sorte que la faculté de voir, d'entendre lui
vient du même principe que son existence, (chap. 17) Il juge selon qu'il
entend, parce que le Verbe ayant été engendré pour être la vérité, il doit nécessairement
juger selon la vérité, (chap. 18) « Et mon jugement est juste, parce
que je ne cherche pas ma volonté, mais la volonté de mon Pètre qui m’a
envoyé.» En parlant de la sorte, Notre Seigneur veut rappeler à notre
pensée cet homme qui, en cherchant sa volonté et non la volonté de son
Créateur, ne porta point de lui-même un juste jugement, mais obligea Dieu à
porter sur lui ce juste jugement. En faisant sa volonté, et non celle de
Dieu, il crut qu'il échapperait à la mort, et en cela son jugement ne fut pas
juste. Il fit donc sa volonté et en fut puni par la mort, parce que le
jugement de Dieu est juste, C'est ce jugement auquel le Fils de Dieu se
conforme en ne cherchant pas sa volonté en tant qu'il est le Fils de l'homme,
non pas que sa volonté n'ait aucune part dans le jugement qu'il rend, mais
parce que cette volonté qui lui est propre est en tout point conforme à la
volonté du Père. —
Saint Augustin : (Traité 19). Je ne cherche pas ma
volonté propre, c'est-à-dire la volonté du Fils de l'homme qui soit opposée à
celle de Dieu. Les hommes font leur volonté et non celle de Dieu, lorsqu'ils
font ce qu'ils veulent au préjudice de ce que Dieu commande. Mais lorsque
tout en faisant ce qu'ils veulent, ils suivent cependant la volonté de Dieu,
ce n'est plus leur volonté qu'ils suivent. Ou bien encore, il dit : « Je
ne cherche pas ma volonté, » parce que Jésus-Christ n'existe point par
lui-même, mais par son Père. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 39). C'est ainsi qu'il
établit que la volonté du Père n'est point différente de la sienne, mais
qu'ils n'ont tous deux qu'une seule et même volonté. Si son langage vous
parait un peu trop le langage de l'homme, n'en soyez pas surpris, les Juifs
ne voyaient en lui qu'un homme. Il prouve que son jugement est juste par les
raisons que tout homme apporterait pour se justifier en pareille
circonstance. En effet, celui qui songe à faire prévaloir ses intérêts, sera
facilement soupçonné d'avoir altéré la justice; mais celui qui ne se guide
point d'après des vues personnelles n'est point exposé à prononcer des
jugements injustes. —
Saint Augustin : (Traité 22) Le Fils unique
dit : « Je ne cherche pas ma volonté, » elles hommes ne veulent
faire que leur volonté. Faisons donc la volonté du Père et de Jésus-Christ et
de l'Esprit saint, parce qu'ils n'ont qu'une même volonté, une même
puissance, une même majesté. |
Lectio 9 |
Versets 31-40
|
[86037] Catena in Io., cap. 5 l. 9 Chrysostomus
in Ioannem. Quia Christus magna de se enuntiaverat, quorum demonstratio
non erat dicta, ad confirmationem eorum quae dicta sunt, oppositionem eorum
inducit, dicens si ego testimonium perhibeo de me, testimonium meum non est
verum. Quis autem non statim turbabitur, Christum audiens hoc dicentem?
Etenim in multis locis apparet sibi ipsi testatus. Si igitur omnia haec falsa
sunt, quae nobis erit spes salutis? Unde veritatem inveniemus, cum ipsa
veritas dicat testimonium meum non est verum? Hoc igitur quod dicit non est
verum, non quantum ad dignitatem suam, sed quantum ad illorum suspicionem
loquebatur. Poterant enim ei Iudaei subinferre : quoniam tibi non credimus :
nullus enim unquam sibi testans dignus est fide. Deinde post oppositionem
alias dat responsiones manifestas et irrefragabiles, tres inducens testes
eorum quae dicta sunt : opera quae ab ipso sunt facta, patris testimonium, et
Ioannis praedicationem : et ponit priorem minorem, eam scilicet quae Ioannis;
unde dicit alius est qui testimonium perhibet de me; et scio quoniam verum
est testimonium eius quod perhibet de me. Augustinus de Verb. Dom. Noverat enim ipse verum
esse de se testimonium suum; sed propter infirmos et propter incredulos
quaerebat sol lucernas : fulgorem quippe solis lippitudo eorum ferre non
poterat; ideo quaesitus est Ioannes qui testimonium perhiberet veritati.
Martyres nonne testes sunt Christi, ut testimonium perhibeant veritati? Sed
si diligentius inspicimus, quando martyres perhibent illi testimonium, ipse
sibi perhibet testimonium; ipse enim habitat in martyribus, ut perhibeant
testimonium veritati. Alcuinus. Vel aliter. Quia Christus Deus erat et
homo, utriusque naturae proprietatem ostendit : aliquando loquens secundum
hoc quod ex hominibus assumpsit, aliquando secundum maiestatem divinitatis.
Quod ergo ait si ego testimonium perhibeo de me ipso, testimonium meum non
est verum, ex parte humanitatis est accipiendum; et est sensus : si ego homo
de me perhibeo testimonium, scilicet absque Deo, testimonium meum non est
verum; unde sequitur alius est qui testimonium perhibet de me. Pater enim
testimonium perhibet de Christo, quia in Baptismo vox patris audita est, et
in monte transfigurato Christo. Sequitur et scio quia verum est testimonium
eius. Deus enim veritas est : ergo testimonium veritatis quid aliud potest
esse quam verum? Chrysostomus. Sed secundum priorem intellectum
possent illi dicere : si non est verum testimonium tuum, quomodo dicis :
quoniam novi quod est verum testimonium Ioannis? Unde ad eorum suspicionem
respondet dicens vos misistis ad Ioannem, et testimonium perhibuit veritati;
quasi dicat : non misissetis ad Ioannem, si eum dignum fide non opinaremini.
Et, quod utique maius est, non miserunt ad eum interrogandum de Christo, sed
de seipso. Qui enim missi sunt, non dixerunt : quid dicis de Christo? Sed :
tu quis es? (..).. Quid dicis de teipso? Ita magnam de homine admirationem
habebant. Alcuinus. Ille autem testimonium perhibuit, non
sibi, sed veritati; sicut amicus veritatis veritati Christo testimonium
perhibuit. Non autem dominus refellit testimonium Ioannis, quod vere
necessarium fuit; sed ostendit non ita debere homines in Ioannem intendere ut
iam non putent solum Christum sibi esse necessarium; unde subdit ego autem
non ab homine testimonium accepi. Beda. Quia non indigeo. Ioannes autem etsi
testimonium perhibuit, non tamen ut Christus cresceret, sed ut homines ad
ipsius cognitionem promoveret. Chrysostomus. Testimonium etiam Ioannis Dei
testimonium erat : ab illo enim discens dixit quod dixit. Sed ne dicant :
unde manifestum est quod a Deo didicit quod didicit? Eorum suspicionem
correxit, dicens sed hoc dico ut vos salvi sitis, quasi dicat : ego quidem
Deus existens, non indigebam huiusmodi testimonio humano : quia vero ei magis
attenditis, et eum magis omnibus fide dignum putatis, mihi autem neque
miracula facienti credidistis; propter hoc vobis commemoro testimonium illius
: ut enim non dicant : quid igitur si ille dixit, nos autem non suscepimus?
Ostendit quoniam non acceptaverunt quae ab eo dicta sunt; unde sequitur ille
erat lucerna ardens et lucens : vos autem voluistis ad horam exultare in luce
eius. Hoc autem quod dicit ad horam, facilitatem credendi ostendit, et quam
cito ab eo resilierunt : quod si non fecissent, cito eos ad Iesum
manuduxisset. Vocando autem eum lucernam, ostendit quoniam non ex se habebat
lumen, sed a spiritus sancti gratia. Alcuinus. Ioannes enim erat lucerna illuminatus a
Christo luce, ardens fide et dilectione, lucens verbo et actione : qui
praemissus est, ut inimicos Christi confunderet, secundum illud : paravi
lucernam Christo meo : inimicos eius induam confusione. Chrysostomus. Ad Ioannem igitur vos duco, non quasi
illius indigens testimonio, sed ut vos salvemini : nam habeo maius
testimonium Ioanne; et hoc est quod sequitur ego autem habeo testimonium
maius Ioanne. Hoc autem est quod est ab operibus; unde sequitur opera enim
quae dedit mihi pater ut perficiam ea, ipsa opera quae ego facio, testimonium
perhibent de me, quia misit me pater. Alcuinus. Quod enim caecos illuminat, aures aperit,
ora mutorum resolvit, Daemonia fugat, mortuos suscitat : opera haec testimonium
perhibent de Christo. Hilarius de Trin. Unigenitus enim Deus, non hominis
testimonio tantum, sed etiam virtutis, docet esse se filium : opera enim eius
quae facit, testantur eum a patre missum. Itaque filii obedientia et paterna
auctoritas docentur in misso. Sed quia opera non sufficiunt in credibilibus
ad testimonium, sequitur et qui misit me pater, ipse testimonium perhibet de
me. Revolvite evangelica volumina, et omne eorum opus recensete : nullum
aliud patris de filio testimonium extat in libris, quam quod hic sit filius
suus. Quid infertur hodie calumniae, ut adoptio nominis sit, ut mendax Deus
sit, ut nomina inania sint? Beda in Ioannem. Missio autem incarnatio eius debet
intelligi. Denique ostendit quod Deus incorporeus sit, et quod corporalibus
et visibilibus oculis videri non possit; unde sequitur neque vocem eius
unquam audistis, neque speciem eius vidistis. Alcuinus. Possent enim Iudaei dicere : nos soliti
sumus vocem domini audire in Sina, et eum vidimus in specie ignis. Si ergo Deus
perhibet testimonium de te, nos intelligeremus vocem domini. Contra hoc dicit
: ego habeo testimonium a patre, quamvis non intelligatis : quia vos nunquam
audistis vocem eius, neque speciem eius vidistis. Chrysostomus. Quomodo ergo Moyses dicit : si facta
est aliquando huiusmodi res, ut audiret populus vocem Dei loquentis de medio
ignis, sicut tu audisti et vidisti? Vidisse etiam eum dicuntur Isaias et alii
plures. Quid ergo est quod nunc ait Christus? In philosophicum eos inducit
dogma, paulatim ostendens quoniam neque vox circa Deum est neque species; sed
superior et figuris est et loquelis talibus. Sicut enim dixit neque vocem
eius audistis, propter hoc non indicat quod vocem emittat, sed non audibilem;
ita dicens neque speciem eius vidistis, non hoc dicit quod speciem sensibilem
habeat et visibilem, sed quoniam nihil horum est circa Deum. Alcuinus. Non enim carnalibus auribus, sed
spirituali intelligentia per gratiam spiritus sancti audiri potest. Non ergo
vocem spiritalem audierant, quoniam eum amare et praeceptis eius obedire
nolebant; neque speciem eius viderunt, quia non exterioribus oculis videri
potest, sed fide et dilectione. Chrysostomus. Sed neque possibile erat eis dicere
quod praecepta eius suscepissent et servarent; ideoque subiungit et verbum
eius non habetis in vobis manens, idest praecepta Dei, legem et prophetas :
etsi enim ea Deus constituit, sed apud vos non sunt : et si Scripturae ubique
docent ut mihi credatis, vos autem non creditis, manifestum est quod sermo
eius deficit a vobis. Et propter hoc subdit quia quem misit ille, huic vos
non creditis. Alcuinus. Vel aliter verbum quod in principio erat,
non habent in se manens qui verbum Dei quod audiunt, et memoria tenere et
opere implere contemnunt. Dixerat igitur se habere testimonium a Ioanne, ab
operibus, a patre; addit et testimonium a lege quae data est per Moysen,
dicens scrutamini Scripturas, in quibus putatis vitam aeternam habere; et
illae sunt quae testimonium perhibent de me : quasi dicat : vos in Scripturis
putatis vitam aeternam habere, et me quasi contrarium Moysi repudiatis :
testimonio ipsius Moysi me esse Deum intelligere potestis, si ipsas
Scripturas diligenter investigatis. Omnis enim Scriptura testimonium perhibet
de Christo, sive per figuras, sive per prophetas, sive per Angelorum
ministeria. Sed his Iudaei de Christo non crediderunt; et ideo vitam aeternam
habere non possunt; unde sequitur et non vultis venire ad me, ut vitam
habeatis; quasi dicat : Scripturae perhibent testimonium; et tamen per tot
testimonia non vultis venire ad me; idest, non vultis mihi credere, et a me
quaerere veram salutem. Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter potest
continuari. Possent illi dicere : qualiter si vocem eius non audivimus, Deus
tibi testatus est? Et ideo dicit scrutamini Scripturas, ostendens quod per
has testatus est Deus de eo : etenim in Iordane testatus est, et in monte.
Sed vocem quidem factam in monte non audierunt, factam autem in Iordane
audierunt, sed non attenderunt. Propterea mittit eos ad Scripturas, ostendens
quoniam et patris testimonium illic est. Non autem ad lectionem simplicem
Scripturarum, sed ad scrutationem exquisitam eos mittebat : quia ea quae de
eo dicebantur in Scripturis, desuper obumbrabantur; neque in superficie
exprimebantur, sed velut quidam thesaurus recondebantur. Non dicit autem : in quibus habetis vitam
aeternam; sed in quibus aestimatis vos habere; ostendens quoniam non
capiebant magnum fructum et nobilem ex Scripturis, sola lectione aestimantes
se salvari, cum fide essent privati; propter quod subdit et non vultis venire
ad me : quia ei credere nolebant. Beda. Quod autem venire pro credere ponatur,
Psalmista ostendit dicens : accedite ad eum, et illuminamini. Subdit autem ut
vitam habeatis : si enim anima quae peccat moritur, ipsi anima et mente
mortui erant. Promittebat ergo illis vitam animae, vel felicitatis aeternae. |
—
Saint Jean Chrysostome : (hom. 40 sur Saint Jean). Notre Seigneur Jésus-Christ venait de
s'attribuer de grands privilèges, mais sans en donner encore de démonstration
évidente. [Pour première preuve], il apporte l'objection qu'on pouvait lui
faire : « Si je rends témoignage
de moi-même, mon témoignage n'est pas vrai. » Mais qui ne serait troublé aussitôt
en entendant ces paroles du Sauveur ? car en mille endroits, nous le voyons
se rendre témoignage à lui-même. Si donc tous ces témoignages sont dépourvus
de vérité, quelle espérance de salut nous reste-t-il ? Où pourrons-nous
trouver la vérité, alors que la vérité elle-même nous dit : « Mon
témoignage n'est pas vrai ? » Notre Seigneur en parlant ainsi n'exprime
pas sa pensée quant à sa dignité de Fils de Dieu, mais celle des juifs qui
pouvaient lui objecter : Nous ne croyons pas en vous, parce que nul homme qui
se rend témoignage à lui-même, n'est digne de foi. Après avoir reproduit
cette objection des Juifs, il apporte trois preuves évidentes et
irréfragables, en produisant trois témoins de la vérité de ses paroles, les
œuvres qu'il a faites, le témoignage du Père et la prédication de
Jean-Baptiste, et il commence par le témoignage le moins fort, celui de
Jean-Baptiste : « Il en est un autre
qui rend témoignage de moi, et je sais que le témoignage qu’il rend de moi
est véridique». —
Saint Augustin : (serm. 43 sur les par. du Seig).
Jésus savait bien que son témoignage était vrai; mais le soleil cherchait
des flambeaux par ménagement pour les infirmes et pour les incrédules, car
leurs yeux malades ne pouvaient supporter l'éclat du soleil, Jean-Baptiste
fut donc choisi pour rendre témoignage à la vérité. Est-ce que les martyrs ne
sont pas les témoins de Jésus-Christ, pour rendre témoignage à la vérité ?
Mais en y réfléchissant de plus près, lorsque les martyrs lui rendent
témoignage, c'est lui qui se rend témoignage à lui-même, car c'est lui qui
habite dans les martyrs, et leur inspire le témoignage qu'ils rendent à la
vérité. —
Alcuin : On peut dire encore que
Jésus-Christ étant Dieu et homme, manifeste tour à tour les caractères de ces
deux natures; tantôt il parle le langage qui convient à l'humanité qu'il
s'est unie, tantôt celui qui n'appartient qu'à la majesté divine. C'est donc
en tant qu'homme qu'il dit : « Si
je rends témoignage de moi-même, mon témoignage n'est pas vrai, » paroles
dont voici le sens : « Si je rends témoignage de moi-même en tant que je
suis homme (c'est-à-dire en séparant ce témoignage de celui de Dieu), mon
témoignage n'est pas vrai. » C'est pour cela qu'il ajoute : « C'est un autre qui rend témoignage
de moi. » En effet, le Père a rendu témoignage de Jésus-Christ, et sa
voix s'est fait entendre au baptême du Sauveur, et sur la montagne où il fut
transfiguré : « Et je sais que son
témoignage est vrai. » Car Dieu est vérité et le témoignage de la vérité
ne peut être que véritable. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 40). Mais d'après la
première interprétation, les Juifs pouvaient faire au Sauveur cette nouvelle
objection : « Si votre témoignage n'est pas vrai, comment pouvez-vous
dire que vous savez que le témoignage de Jean-Baptiste est véritable ? »
Notre Seigneur répond à ce soupçon en ajoutant : « Vous avez envoyé à Jean, et il a rendu témoignage à la vérité»,
ce qui veut dire : Vous n'auriez pas député des envoyés à Jean, si vous ne
l'aviez pas cru digne de foi. Et ce qu'il y a de plus fort, ces envoyés ne
devaient pas lui demander ce qu'il pensait du Christ, mais ce qu'il pensait
de lui-même. Les envoyés ne lui disent pas, en effet : Que dites-vous du
Christ ? mais : « Qui êtes-vous ? » Que dites-vous de vous-même ? tant
était grande l'admiration qu'ils professaient pour lui. —
Alcuin : Jean-Baptiste a rendu
témoignage non pas à lui-même, mais à la vérité; comme un ami de la vérité,
il a rendu témoignage à Jésus-Christ qui est la vérité. Or, Notre Seigneur ne
rejette pas précisément le témoignage de Jean, comme un témoignage qui ne lui
fut pas nécessaire, mais il leur apprend que leurs regards ne doivent pas se
fixer sur Jean, au point de les empêcher d'admettre que Jésus-Christ seul
leur est nécessaire. C'est pour cela qu'il ajoute : « Pour moi, ce n'est pas d'un homme que je reçois témoignage. » —
Saint Bède : Parce que je n'en ai pas
besoin. Si Jean, d'ailleurs, rendit témoignage à Jésus-Christ, c'était moins
pour le grandir dans l'esprit des juifs, que pour leur en donner la
connaissance. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 40). Le témoignage de Jean-Baptiste
n'était autre que le témoignage de Dieu, car c'est Dieu lui-même qui le lui
avait dicté. Mais Notre Seigneur va au-devant d'une objection, que les Juifs
pouvaient lui faire : Où est la preuve que c'est Dieu lui-même qui a dicté ce
témoignage à Jean-Baptiste, en ajoutant : «
Je vous dis ces choses, afin que vous soyez sauvés, » c'est-à-dire, moi
qui suis Dieu, je n'avais pas besoin d'un témoignage humain, mais je vous
rappelle ce témoignage, parce qu'il a eu le privilège d'attirer votre
attention, et que vous l'avez jugé digne de confiance plus que tout autre,
tandis que vous n'avez pas voulu croire en moi malgré les miracles que j'ai
opérés. Ils pouvaient encore lui dire : Qu'importe le témoignage de Jean, si
nous ne l'avons pas reçu ? Jésus leur prouve qu'ils n’ont pas cru aux paroles
du Précurseur : « Il était la lampe
ardente et luisante, et un moment vous avez voulu vous réjouir à sa lumière.
» Cette expression : « un moment » prouve la facilité avec
laquelle ils ont cru, et combien rapidement ils ont abandonné leur foi; si
cette foi avait persévéré, Jean les aurait conduits comme par la main à
Jésus-Christ. Il appelle le saint Précurseur une lampe, parce que sa lumière
ne venait pas de lui-même, mais de la grâce de l'Esprit saint. —
Alcuin : Jean était donc comme une
lampe éclairée par Jésus-Christ qui est la vraie lumière, brûlant de foi et
de charité, brillant par la parole et par les oeuvres, envoyé devant le
Christ pour confondre ses ennemis, selon ces paroles du psaume 131 : « J'ai préparé une lampe à mon Christ, je
couvrirai de confusion ses ennemis. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 40). Si donc je vous
rappelle le souvenir de Jean, ce n'est pas que j'aie besoin de son
témoignage, c'est dans l'intérêt de votre salut; car pour moi, j'ai un
témoignage plus grand que celui de Jean, c’est pourquoi il dit : « Le témoignage que j’ai est plus
grand que celui de Jean : c'est le témoignage de mes œuvres ».
D’où : « Car ces œuvres que
mon Père m'a données à faire, ces œuvres que je fais moi-même, rendent
témoignage de moi. » —
Alcuin : Jésus rend la vue aux
aveugles, l'ouïe aux sourds, il délie la langue des muets, il met les démons
en fuite, il ressuscite les morts, ce sont là les œuvres qui rendent
témoignage de lui. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 6) Ce n'est pas seulement
par le témoignage du nom qu'il porte, que le Fils unique de Dieu prouve sa
filiation divine, mais par les œuvres de sa puissance, qui attestent qu'il
est vraiment l'envoyé du Père, en qui nous voyons éclater tout à la fois
l'obéissance du Fils et l'autorité du Père. Mais comme les œuvres ne sont
point un témoignage suffisant pour les incrédules, il ajoute : « Et mon Père qui m'a envoyé a rendu
lui-même témoignage de moi. » Parcourez toutes les pages de l'Evangile,
et examinez sérieusement ce qu'elles renferment, et vous n'y trouverez aucun
témoignage du Père qui ne proclame que Jésus-Christ est son Fils. Quelle est
donc cette erreur calomnieuse [(et quel en est le motif)], qui ne voit dans
la filiation divine qu'une simple adoption, accuse Dieu de mensonge, et
réduit à rien les noms qui sont donnés au Fils ? —
Saint Bède : La mission du Fils n'est
autre que son incarnation. Notre Seigneur prouve ensuite que Dieu est
incorporel et ne peut par conséquent être vu des yeux du corps : « Mais vous n'avez jamais entendu sa
voix, ni vu sa figure. » —
Alcuin : Les Juifs auraient pu lui
dire : « Nos pères ont entendu la voix de Dieu sur le Sinaï, et ils
l'ont vu sous la forme de feu; si donc Dieu consentait à rendre témoignage de
vous, nous pourrions entendre sa voix, Jésus les prévient et leur dit : « J'ai le témoignage que me rend mon Père,
bien que vous ne le compreniez pas, parce que vous n'avez jamais entendu sa
voix, et vous n'avez jamais vu sa figure. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 40). Comment donc Moïse
a-t-il pu dire : « S'est-il jamais
fait une chose semblable, et jamais a-t-on ouï dire qu'un peuple ait entendu
la voix du Seigneur parlant du milieu du feu, comme vous l'avez entendu et vu,
[sans être frappé de mort ?] » (Dt 4, 33-34). Isaïe et
plusieurs autres encore attestent qu'ils ont vu Dieu. Que signifient donc ces
paroles du Sauveur ? Il veut donner aux Juifs des idées plus exactes sur
Dieu, en leur enseignant peu à peu que Dieu n'a ni voix, ni figure; mais
qu'il est supérieur à toutes les figures et à tous les langages possibles. En
effet, ces paroles : « Vous n'avez
jamais entendu sa voix, » ne signifient pas que Dieu ait une voix, bien
qu'inintelligible pour l'homme; de même que ces autres paroles : « Et vous n'avez jamais vu sa
figure, » ne veulent pas dire que Dieu ait une forme sensible,
quoique invisible pour l'homme; mais il veut établir qu'il n'y a en Dieu ni
voix ni figure. —
Alcuin : Ce n'est donc point avec les
oreilles du corps, mais avec l'intelligence du cœur, que Dieu peut être
entendu par la grâce de l'Esprit saint. Or, les Juifs n'avaient pas entendu
cette voix toute spirituelle, parce qu'ils refusaient de l'aimer et d'obéir à
ses commandements; et ils ne pouvaient voir sa face, parce que ce n'est point
des yeux du corps, mais des yeux de la foi et de l'amour qu'elle peut être
vue. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 40). Les Juifs ne pouvaient
même se flatter d'avoir reçu les commandements de Dieu, et de les observer,
aussi le Sauveur ne craint pas de leur dire : « Et vous n'avez point sa parole demeurant en vous, »
c'est-à-dire : les préceptes divins, la loi, les prophètes, dont Dieu
est l'auteur, et que vous ne recevez pas comme vous devriez le faire. En
effet, les Ecritures vous enseignent en mille endroits à croire en moi, et
vous refusez de croire, n'est-ce pas une preuve évidente que vous n'avez
point en vous la parole de Dieu, et il ajoute : « parce que vous ne croyez pas en celui qu'il a envoyé. » —
Alcuin : Ou bien encore, ils n'ont
pas le Verbe qui était au commencement demeurant en eux, parce qu'ils
négligent de conserver le souvenir de la parole de Dieu qu'ils ont entendue,
et encore plus de la mettre en pratique. Notre Seigneur avait déclaré qu'il
avait pour lui le témoignage de Jean, de ses œuvres, de son Père; il y ajoute
le témoignage de la loi qui leur avait été donnée par Moïse : « Approfondissez les Ecritures, puisque
vous pensez avoir en elles la vie éternelle; ce sont elles qui rendent
témoignage de moi, » c'est-à-dire, vous qui pensez trouver dans les
Ecritures la vie éternelle, et qui me rejetez comme contraire à Moïse, vous
arriveriez à comprendre par le témoignage de Moïse lui-même, que je suis
Dieu; si vous vouliez étudier sérieusement ces Ecritures, car toutes les
Ecritures rendent témoignage de Jésus-Christ, ou par les figures, ou par les
prophéties, ou par le ministère des anges. Mais les Juifs n'ont point voulu
appliquer au Christ ces différents témoignages, et c'est pourquoi ils ne
peuvent avoir la vie éternelle : « et
vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vie, » c'est-à-dire, les
Ecritures rendent témoignage de moi, et malgré tant de témoignages, vous ne
voulez pas venir à moi, vous ne voulez pas croire en moi, vous ne voulez pas
chercher en moi votre véritable salut. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 40). On peut encore
enchaîner autrement [les différentes parties de ce discours de Notre-Seigneur].
Les Juifs pouvaient lui dire : Comment nous assurer que Dieu vous ait rendu
témoignage, si nous n'avons pas entendu sa voix ? Jésus leur répond : « Approfondissez les Ecritures, »
preuve évidente qu'elles contiennent le témoignage que Dieu a rendu en sa
faveur. Dieu, en effet, ne lui a-t-il pas rendu témoignage sur les bords du
Jourdain et sur la montagne ? cependant [Notre Seigneur ne leur rappelle pas
textuellement ces deux témoignages, qui eussent peut-être été pour eux
l'occasion d'un nouvel acte d'incrédulité, car] ils n'avaient pas été témoins
de la voix qui se fit entendre sur la montagne, et quant à celle qui se fit
entendre au baptême de Notre-Seigneur, ils l'avaient bien entendue, mais sans
y faire aucune attention. Il les renvoie donc aux Ecritures, leur enseignant
ainsi qu'elles renferment le témoignage que le Père lui a rendu. (hom. 41).
Remarquez qu'il ne les renvoie pas à une simple lecture, mais à un sérieux
examen des Ecritures, parce que les témoignages dont il était l'objet dans
les Ecritures, étaient couverts d'un voile et cachés comme un trésor sous
l'écorce de la lettre. Il ne dit pas : Dans lesquelles vous avez la vie éternelle,
mais : « dans lesquelles
vous pensez trouver la vie éternelle, » et il leur démontre ainsi le
fruit médiocre qu'ils tiraient des Ecritures, en s'imaginant qu'il leur
suffisait de les lire pour être sauvés, alors même qu'ils étaient dépourvus
de la foi; c'est pour cela qu'il leur dit : « Et vous ne voulez pas venir à moi, » parce qu'ils
refusaient de croire en lui. —
Saint Bède : Le Psalmiste nous apprend
que le mot venir est ici synonyme du mot croire, lorsqu'il dit
: « Approchez de lui et soyez sauvés. » (Ps 33, 6). Notre Seigneur
ajoute : « pour avoir la vie. »
Si l'âme, en effet, qui commet le péché est frappée de mort, ils étaient
morts d'esprit et de cœur. Il leur promettait donc la vie de l'âme ou de la
félicité éternelle. |
Lectio 10 |
Versets 41-47
|
[86038] Catena in Io., cap. 5 l. 10 Chrysostomus
in Ioannem. Quia dominus supra meminit et Ioannis, et testimonii Dei, et
operum suorum, ut eos ad seipsum attraheret, probabile erat multos suspicari
quod haec diceret, gloriam hominum amans; et ideo contra hoc dicit claritatem
ab homine non accipio; hoc est, non indigeo. Non enim est mea natura talis ut
indigeat quae ab hominibus est gloria. Si enim sol a lucernae lumine non
recipit adiectionem, multo magis ego humana gloria non indigeo. Alcuinus. Vel claritatem ab
hominibus non accipio; idest, laudem humanam non quaero : non enim veni ut
honorem ab hominibus acciperem carnalem, sed honorem hominibus darem
spiritualem. Non ergo ideo hoc loquor ut gloriam meam quaeram, sed condoleo
vobis errantibus, et volo vos reducere ad viam veritatis; unde dicit sed
cognovi vos, quia dilectionem Dei non habetis in vobis. Chrysostomus. Quasi dicat :
ideo hoc dixi, ut convincam vos quoniam propter amorem Dei me non
persequimini : etenim ipse testatur mihi et per opera et per Scripturas.
Oportebat igitur ut sicut me abiciebatis, aestimantes esse Deo contrarium,
ita nunc ad me veniretis, si Deum amaretis; sed non amatis. Non autem ab his
solum, sed etiam a futuris hoc ostendit, dicens ego veni in nomine patris mei,
et non accepistis me. Si alius venerit in nomine suo, illum accipietis. Ideo
dicit se in nomine patris venisse, ut omnem abscindat occasionem indevotionis.
Alcuinus. Ac si dicat : ideo
veni in mundum ut per me glorificetur nomen patris, quia patri omnia
attribuo. Dilectionem ergo Dei non habebant, quia nolebant eum recipere qui
patris venerat facere voluntatem. Antichristus autem veniet in nomine non
patris, sed suo, ut non gloriam patris, sed suam quaerat. Quia enim Iudaei
noluerunt recipere Christum, poena peccati huius congruet ut recipiant
Antichristum; ut qui nolunt credere veritati, credant mendacio. Augustinus de Verb. Dom. Sed
audiamus et Ioannem : audisti quia Antichristus venit, et nunc Antichristi
multi facti sunt. Quid autem expavescit in Antichristo, nisi quia nomen suum
honoraturus est et nomen domini contempturus? Quid aliud facit qui dicit :
ego iustifico, nisi boni fuerimus, peristis? Ergo vita mea ex te pendebit, et
salus mea ex te religabitur. Ita ne oblitus sim fundamentum meum? Nonne petra
erat Christus? Chrysostomus. Sic igitur
irrefragabilem indevotionis eorum ponit demonstrationem; quasi dicat : si ut
amantes Deum me persequeremini, multo magis in Antichristo hoc vos facere
oporteret : ille enim non dicit se a patre missum, neque secundum voluntatem
illius venire; sed e contrario ea quae sibi non congruunt rapiens, super
omnia Deum se esse dicet. Manifestum est igitur quod livoris persecutio erat
qua Christum persequebantur, et odii in Deum. Deinde causam eorum infidelitatis
ponit, dicens quomodo vos potestis credere qui gloriam ab invicem accipitis,
et gloriam quae a solo Deo est non quaeritis? Hinc enim rursus ostendit
quoniam non quae Dei sunt intendebant, sed propriam volebant passionem
defendere. Alcuinus. Magnum igitur vitium
est iactantia, et humanae laudis ambitio, quae de se vult aestimari quod de
se non habet. Ideo enim non possunt credere, quia superba mens eorum laudari
desiderat, et se super alios efferre. Beda. Hoc autem vitium melius
caveri non potest, quam ut ad conscientias nostras redeamus, nosque pulverem
esse consideremus; et si quid nobis boni inesse deprehendimus, non nobis, sed
Deo ascribamus. Instruimur etiam ut semper nos tales exhibeamus quales ab
aliis videri desideramus. Denique possent ipsi respondere : ergo accusabis
nos apud patrem? Et ideo eorum quaestionem praeveniens subdit nolite putare
quia ego accusaturus sim vos apud patrem. Chrysostomus. Quia scilicet non
veni damnare, sed salvare. Est qui accusat vos, Moyses, in quo vos speratis.
Sicut enim de Scripturis supra dixit in quibus putatis vitam aeternam habere,
ita et de Moyse ait in quo vos speratis, ex propriis eos ubique capiens. Sed
dicent : qualiter nos ille accusabit? Quid tibi et Moysi commune, qui
sabbatum solvisti? Et ideo subdit si enim crederetis Moysi, crederetis
forsitan et mihi; de me enim ille scripsit. Haec ex superioribus
constitutionem habent : cum enim in confessionem deductum sit quod a Deo
veni, ab operibus, a voce Ioannis, a patris testimonio, manifestum est quod
Moyses eos accusabit; etenim dixit : si quis venerit signa faciens et ad Deum
ducens, et futura praedicens cum veritate, oportet ei obedire. Christus autem
haec omnia fecit; nec ei crediderunt. Alcuinus forsitan autem more
nostro posuit, non quia dubitatio sit in Deo. Scripsit autem de Christo
Moyses dicens : prophetam vobis suscitabit Deus de fratribus vestris :
tamquam me ipsum audietis. Augustinus contra Faustum. Sed
et omne quod scripsit Moyses, de Christo est, idest, ad Christum omnino
pertinet, sive quod eum figuris rerum vel gestarum vel dictarum praenuntiet,
sive quod eius gratiam, gloriamque commendet. Sequitur si autem illius
litteris non creditis, quomodo verbis meis credetis? Theophylactus. Quasi dicat :
ipse etiam scripsit, et apud vos libros reliquit, ut si forte
oblivisceremini, de facili recordari possitis; et cum scriptis non
credidistis, quomodo verbis meis non scriptis credetis? Alcuinus. Ex hoc etiam
colligitur, quia qui legis praecepta, quae rapinam et alia mala prohibent,
implere negligunt, et dicta Evangelii, quae perfectiora et subtiliora sunt,
implere non valent. Chrysostomus. Et quidem si
attenderent his quae dicebantur, oportebat quaerere, et ab eo discere quae
sunt illa quae Moyses de eo scripsit; sed silent : talis enim est nequitia,
ut quicquid dicat aliquis vel faciat, maneat proprium venenum conservans. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 41). L'intention du Seigneur,
en rappelant aux Juifs les témoignages de Jean-Baptiste, de Dieu et de ses
œuvres, était de les attirer à lui, mais plusieurs d'entre eux pouvaient y
voir le désir d'une gloire toute humaine; il repousse donc ce soupçon par
cette déclaration : « Je n'accepte
point la gloire qui vient des hommes, » c'est-à-dire, je n'en ai pas
besoin, et ma nature n'est pas réduite à la nécessité de rechercher cette
gloire; le soleil ne reçoit aucun nouvel éclat de la lumière d'une lampe, à
bien plus forte raison, n'ai-je nul besoin de la gloire humaine. —
Alcuin : Ou bien encore, ces paroles
: « Je n'accepte point la gloire
qui vient des hommes, » veulent dire : Je ne recherche pas les louanges
des hommes, je ne suis pas venu pour recevoir des hommes des honneurs
terrestres, mais pour leur faire partager des honneurs tout spirituels. Si
donc je parle de la sorte, ce n'est point pour rechercher la gloire, mais par
compassion pour votre égarement, et pour vous ramener dans la voie de la
vérité. C'est pour cela qu'il leur dit : «
Mais j'ai reconnu que vous n'aviez point en vous l'amour de Dieu. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 41). C'est-à-dire, en
parlant de la sorte, j'ai voulu vous convaincre que ce n'est point pour
l'amour de Dieu que vous me persécutez, puisqu'il me rend lui-même témoignage
par mes œuvres et par les Ecritures. Vous me repoussez dans la pensée que
j'étais opposé à Dieu; si donc vous aimiez [véritablement] Dieu, vous deviez
donc venir à moi, mais vous n'avez pas cet amour en vous. Et il leur prouve
non seulement par leur conduite présente, mais par ce qu'ils feraient, [si
quelqu'un venait leur parler en son propre nom] : « Je suis venu au nom
de mon Père, et vous ne me recevez pas, si un autre vient en son propre nom,
vous le recevrez. » Il déclare qu'il est venu au nom de son Père, pour
leur ôter tout prétexte de lui refuser leurs hommages. —
Alcuin : Je suis venu dans le monde [au
nom de mon Père, c'est-à-dire, je suis venu] pour que le nom de mon Père soit
glorifié par moi, parce que je renvoie tout à mon Père. Ils n'avaient donc
pas en eux l'amour de Dieu, parce qu'ils ne voulaient pas recevoir celui qui
venait faire la volonté de son Père. L'Antéchrist, au contraire, viendra non
pas au nom du Père, mais en son propre nom, non point pour rechercher la
gloire du Père, mais pour la sienne propre. Les Juifs n'ont point voulu
recevoir Jésus-Christ; comme juste châtiment de leur infidélité ils recevront
l'Antéchrist, et croiront au mensonge pour avoir refusé de croire à la
vérité. —
Saint Augustin : (serm. 45 sur les par. du Seig).
Mais écoutons ce que dit Jean lui-même : « Vous avez ouï dire que l'Antéchrist doit venir, et maintenant il y
a beaucoup d'antéchrists. » (1 Jn 2, 18). Or, qui vous fait
trembler dans l'Antéchrist ? c'est qu'il doit chercher à faire honorer son
nom et à couvrir de mépris le nom de Dieu. Et que fait donc autre chose celui
qui ose dire : « C'est moi qui justifie, » et ceux qui disent :
« Si nous ne sommes bons et vertueux, vous êtes perdus sans ressources ?
» Ainsi la vie de mon âme dépendra de vous, et mon salut sera attaché à vos
mérites ? Ai-je donc oublié à ce point le fondement que Dieu lui-même a posé
? Est-ce que la pierre n'était pas le Christ ? —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 41). Notre Seigneur leur
donne ici une preuve incontestable de leur peu de religion, en leur tenant à
peu près ce langage : Si c'est par amour pour Dieu que vous me persécutez, à
plus forte raison, devriez-vous persécuter l'Antéchrist, car il ne vous dira
point qu'il est envoyé par le Père, ou qu'il vient pour faire sa volonté,
mais il usurpera au contraire les prérogatives qui ne lui appartiennent pas,
et se donnera comme le Dieu qui est au-dessus de tout. Il est donc évident
que les Juifs persécutaient Jésus-Christ par un sentiment d'envie contre lui
et de haine contre Dieu. Le Sauveur leur fait connaître ensuite la cause de
leur incrédulité : « Comment
pouvez-vous croire, vous qui recevez la gloire l'un de l'autre, et ne
cherchez point la gloire qui vient de Dieu seul ? » Il leur fait
voir une fois de plus que ce ne sont pas les intérêts de Dieu, mais les
intérêts de leur passion qu'ils cherchaient à défendre. —
Alcuin : C'est donc un grand vice que
la vanité, et le désir de la gloire humaine qui veut faire estimer en elle
des qualités qu'elle n'a pas [et qu'elle ne cherche pas à avoir]. Ils ne
peuvent donc croire, [parce qu'ils sont avides de gloire humaine, mais quel
est ce désir de la gloire humaine, si ce n'est l'enflure d'une âme
orgueilleuse ? C'est donc comme si Jésus-Christ disait : « Ils ne peuvent
croire,] parce que leur âme superbe désire les louanges et veut s'élever
au-dessus de tous les autres. —
Saint Bède : Or, le moyen, le plus
efficace pour nous garantir de ce vice, c'est de rentrer dans notre
conscience, de considérer que nous ne sommes que poussière, et si nous
découvrons quelque bien en nous, de l'attribuer, non point à nous, mais à
Dieu seul. Le Sauveur nous apprend en même temps à toujours être tels que
nous voulons paraître aux yeux des autres. Ils pouvaient enfin lui faire cette
question : c'est donc vous qui nous accuserez près de votre Père ? Jésus les
prévient et leur dit : « Ne pensez pas
que ce soit moi qui doive vous accuser devant mon Père, ». —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 41). Car je ne suis point
venu pour condamner, mais pour sauver. « Votre
accusateur sera Moïse, en qui vous mettez votre espoir. » Il leur a dit
plus haut, en parlant des Ecritures : «
Vous pensez trouver eu elles la vie éternelle, » de même il leur dit ici
: « Moïse, dans lequel vous espérez, »
cherchant à les convaincre par leurs propres croyances. Mais ils pouvaient
encore lui faire cette objection. Comment Moise pourra-t-il nous accuser ?
Qu'y a-t-il de commun entre Moïse et vous, qui transgressez la loi du sabbat
? Jésus répond à cette objection : « Si
vous croyez Moïse, peut-être me croiriez-vous aussi, car il a écrit de
moi. » La preuve de ce que j'avance se trouve dans ce qui précède,
puisqu'en effet les oeuvres que j'ai faites, le témoignage de Jean-Baptiste
et celui de mon Père prouvent jusqu'à l'évidence que je suis envoyé de Dieu,
il est également certain que Moïse sera votre accusateur, car il a dit : S'il
s'élève parmi vous un homme qui opère des prodiges, conduise les hommes vers
Dieu, et fasse des prédictions que les événements justifient, vous devrez lui
obéir. Or, Jésus-Christ a fait toutes ces choses, et ils n'ont pas cru en lui. —
Alcuin : Notre Seigneur emploie ici
le mot « peut-être, » pour se
conformer à notre manière de parler et non pas qu'il y ait en Dieu le moindre
doute. Or, Moïse a prédit la venue du Christ, lorsqu'il a dit : « Dieu vous suscitera du milieu de
vos frères un prophète semblable à moi, vous l'écouterez. » (Dt 18) —
Saint Augustin : (contr. Faust., 16, 9). On peut même dire
que tout ce que Moïse a écrit, les figures, les événements, les discours ont
Jésus-Christ pour objet, ou se rapportent entièrement à Jésus-Christ, aussi
bien lorsque Moïse prophétise le règne de sa grâce et de sa gloire. « Mais si vous ne croyez point à ses
écrits, comment croirez-vous à ses paroles ? » — Théophylactus : C'est-à-dire, Moïse a écrit, et vous avez ses livres entre les mains,
et si vous veniez à oublier ce qu'ils contiennent, vous pourriez facilement
en rappeler le souvenir, mais vous ne croyez point aux écrits de Moïse,
comment donc pourrez-vous croire à mes simples paroles ? —
Alcuin : On peut conclure de là que
ceux qui lisent les commandements qui interdisent le vol et les autres
crimes, sans prendre soin de les mettre en pratique, ne pourront accomplir à
plus forte raison les préceptes évangéliques qui sont beaucoup plus parfaits
et plus sublimes. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 41) S'ils avaient donné une
sérieuse attention aux paroles du Sauveur, ils devaient lui demander et
apprendre de lui ce que Moïse avait écrit sur le Christ, mais ils gardent le
silence; telle est en effet la malice du cœur humain, que malgré tout ce que
l’on peut dire ou faire, il conserve le venin dont il est infecté. |
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Caput 6 |
CHAPITRE VI
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Lectio 1 |
Versets 1-14
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[86039] Catena in Io., cap. 6 l. 1 Chrysostomus in
Ioannem. Sicut iacula cum in durum aliquid inciderint, magno impetu huc
illuc disperguntur; mollius vero assecuta figuntur et desinunt : ita et si
cum audacibus hominibus impetuose incesserimus, saeviunt magis; si autem
cesserimus, facile mollimus eorum insaniam. Propterea Christus furorem ex
praemissis sermonibus natum, secedendo mitigavit, in Galilaeam vadens; non
tamen ad eadem loca unde Ierusalem ascenderat : non enim in Cana Galilaeae,
sed ultra mare ivit; unde ait post haec abiit trans mare Galilaeae, quod est
Tiberiadis. Alcuinus. Hoc mare pro diversitate locorum diversis
nominibus vocatur; sed quantum ad praesentem locum, mare Galilaeae propter
provinciam, Tiberiadis autem a civitate dicitur. Mare autem dicitur, non quia
sit amara aqua; sed iuxta Hebraicum modum, omnium congregationes aquarum
maria vocantur : quod mare dominus etiam frequenter transit, ut populis ibi
manentibus verbum praedicationis impendat. Theophylactus. Transit enim de loco ad locum
probando populi voluntatem, et avidiores homines uniuscuiusque civitatis et
sollicitiores reddens; unde sequitur et sequebatur eum multitudo magna quia
videbant signa quae faciebat super his qui infirmabantur. Alcuinus. Scilicet quod caecos illuminabat, et alia
huiusmodi. Et sciendum est, quod quoscumque in corpore sanabat, eos pariter
reformabat in anima. Chrysostomus in Ioannem. Tanta autem doctrina
potientes, a signis magis movebantur, quod grossioris mentis erant. Signa
enim, ut ait Paulus, non sunt data fidelibus, sed infidelibus. Sapientiores
autem erant illi de quibus dicitur quod stupebant in doctrina eius. Sed quare
non dicit quae signa videbant eum facientem? Quoniam hic Evangelista maiorem
partem libri in sermonibus domini consumere studuit. Sequitur subiit in
montem Iesus, et ibi sedebat cum discipulis suis. In montem quidem ascendit
propter signum quod fieri debebat. Sed quod discipulos secum ascendere fecit,
accusatio multitudinis erat non sequentis eum. Ascendit etiam in montem
erudiens nos a tumultibus et ab ea quae in mundo est turbatione requiescere;
apta enim ad philosophiam solitudo est. Sequitur erat autem proximum Pascha
dies festus Iudaeorum. Vide qualiter in anno integro nihil plus Evangelista
nos docuit de signis Christi quam quod paralyticum sanavit, et filium reguli
: non enim studuit universa annuntiare, sed ex multis magna et pauca.
Qualiter igitur non ascendit ad diem festum? Paulatim enim solvebat legem,
occasionem capiens a Iudaica nequitia. Theophylactus. Quia enim Iudaei eum persequebantur,
occasionem recessus accipiens, legem exclusit, innuens observantibus quod,
veritate adveniente, omnis cessat figura; et quod legibus non subicitur, ut
legalia festa perficeret. Et vide hoc quod non erat festum Christi, sed
Iudaeorum. Beda. Si quis verba Evangelistarum diligenter
consideraverit, facile cognoscet quia unius anni spatium fuit inter decollationem
Ioannis et passionem domini. Cum enim Matthaeus dicat, quia dominus audita
nece Ioannis secessit in desertum locum, et ibi turbas pavit; et Ioannes
dicit quod proximum erat Pascha Iudaeorum quando turbas pavit, aperte
demonstratur quia imminente paschali festivitate decollatus est Ioannes.
Evoluto autem unius anni spatio, passus est Christus in eadem festivitate.
Sequitur cum sublevasset ergo oculos Iesus, et vidisset quia multitudo maxima
venit ad eum, dixit ad Philippum : unde ememus panes ut manducent hi? Dixit cum sublevasset oculos Iesus, ut disceremus quia
oculos non erigebat huc atque illuc; sed pudice sedebat attentus cum
discipulis suis. Chrysostomus in Ioannem. Neque etiam simpliciter
sedebat cum discipulis suis, sed diligenter loquens aliquid eis, et eos ad
seipsum convertens. Deinde respiciens vidit turbam ad se venientem. Cuius
igitur gratia Philippum interrogat? Sciebat enim quod discipulorum eius
congregatio ampliori indigebat doctrina. Talis autem erat Philippus, qui
postea dixit : ostende nobis patrem, et sufficit nobis. Propterea igitur
prius eum erudiebat. Nam si simpliciter factum esset, miraculum non tantum
appareret; nunc autem prius cogit confiteri inopiam, ut certius discat
miraculi magnitudinem; unde sequitur hoc autem dicebat tentans eum. Non quidem ignorans id quod debebat ab ipso dici; sed
humano more hoc dictum est. Sicut enim quod dicitur : qui scrutatur corda
hominum, non ostendit ignorantiae scrutationem, sed certissimae cognitionis :
ita cum hic dicit quod tentavit eum, nihil aliud dicit quam quoniam sciebat
certissime. Sed aliud est dicere, quoniam probatiorem eum faciebat, per talem
interrogationem inducens in certissimam signi cognitionem. Propter hoc et
Evangelista, ne infirmitate locutionis minorationem aliquam suspiceris,
subiungit ipse enim sciebat quid esset facturus. Alcuinus. Interrogat igitur, non ut ignorata discat,
sed ut discipulo adhuc rudi propriam tarditatem ostendat, quam ipse in se
perpendere non valebat. Theophylactus. Vel etiam ut aliis ipsum ostenderet,
non tamquam cor eius ignorans. Augustinus de Cons. Evang. Sed si dominus, secundum
narrationem Ioannis, prospectis turbis quaesivit a Philippo, tentans eum,
unde illis escae dari possent; potest movere quomodo sit verum, quod alii
narraverunt, prius dixisse domino discipulos, ut dimitteret turbas. Quibus
ille respondit, secundum Matthaeum : non habent necesse ire : date eis vos
manducare. Intelligitur igitur, post haec verba dominum inspexisse
multitudinem, et dixisse Philippo quod Ioannes commemorat, alii autem
praetermiserunt. Chrysostomus. Vel aliter. Alia quidem sunt illa,
alia autem sunt haec, non eisdem facta temporibus. Theophylactus. Philippum igitur dominus tentans
utrum fidem haberet, invenit eum adhuc humanis passionibus subiacentem; quod
patet ex hoc quod sequitur respondit ei Philippus : ducentorum denariorum
panes non sufficiunt eis, ut unusquisque modicum quid accipiat. Alcuinus. In quo tarditatem suam ostendit : nam si
perfecte de creatore intelligeret, de eius potentiae largitate non diffideret.
Augustinus. Quod autem Philippus hic apud Ioannem
respondet, hoc Marcus a discipulis responsum esse commemorat, volens
intelligi, hoc ex ore ceterorum Philippum respondisse; quamquam et pluralem
numerum pro singulari usitatissime ponere potuerit. Theophylactus. Sed et Andream dominus similem
Philippo invenit, quamvis altius de illo contemplantem; sequitur enim dicit
ei unus ex discipulis eius, Andreas frater Simonis Petri : est puer unus hic
qui habet quinque panes hordeaceos et duos pisces. Chrysostomus. Aestimo quidem non sine causa id eum
dicere; sed quia audiverat signum quod Eliseus de panibus hordeaceis fecerat
: pavit enim de viginti panibus centum homines. Ascendit igitur mente in
aliquod excelsum; sed ad summum non potuit pervenire; quod patet per hoc quod
subdit sed haec quid sunt inter tantos? Aestimabat enim quod de paucioribus
pauciora, et de pluribus plura facturus esset qui miracula faciebat; sed hoc
non erat verum : similiter enim ei facile erat et de pluribus et de
paucioribus pascere turbas : non enim materia subiecta indigebat; sed ne
viderentur creaturae alienae esse ab eius sapientia, ipsis creaturis utitur
ad materiam miraculorum. Theophylactus. Confundantur Manichaei, qui dicunt,
quod panes et omnia huiusmodi creata sunt a malo Deo : quia boni Dei filius
Iesus Christus panes multiplicavit : nam si creaturae malae fuissent,
nequaquam bonus mala multiplicasset. Augustinus de Cons. Evang. Quod autem Andreas apud
Ioannem de quinque panibus et duobus piscibus suggessit, hoc ceteri, pluralem
numerum pro singulari ponentes, ex discipulorum persona retulerunt. Chrysostomus in Ioannem. Discamus autem hic qui
voluptati attendimus quae comedebant mirabiles viri illi et magni, et
quantitatem eorum quae inferebantur, et vilitatem mensae eorum. Nondum autem
apparentibus panibus iussit eos discumbere, ut discas quoniam non entia ut
entia ei subsistunt, sicut Paulus ait : qui vocat ea quae non sunt, tamquam
ea quae sunt. Sequitur enim dicit eis Iesus : facite homines discumbere. Alcuinus. Ad litteram homines discumbere dicimus
iacendo comedere more antiquo; unde sequitur erat autem fenum multum in loco.
Theophylactus. Idest herba viridis : erat enim
Pascha, quod in primo mense veris perficiebatur. Sequitur discubuerunt ergo
viri numero quasi quinque millia. Soli viri numerantur ab Evangelista, quia
legalem consuetudinem sequebatur. Etenim Moyses a viginti annis et supra,
populum connumeravit, nulla mentione de mulieribus facta : innuens quod omne
quod virile est et iuvenile, dignum et honorabile est apud Deum. Sequitur
accepit ergo Iesus panem, et cum gratias egisset, distribuit discumbentibus
similiter et ex piscibus quantum volebant. Chrysostomus. Sed quare paralyticum debens sanare
non orat, neque suscitans mortuos, neque mare quietans; hic autem orat
gratias agens? Ut scilicet ostendat, eos qui comestionem incipiunt, gratias
agere oportere Deo. Sed et aliter in minoribus maxime orat, ut discas quod
non propter indigentiam orat. Si enim indigeret orare, multo magis in
maioribus hoc fecisset; quia vero illa ex auctoritate facit, manifestum est
quod hic condescendendo nobis, orat : et adhuc quoniam turba multa erat
praesens, oportebat eis suaderi quod secundum voluntatem Dei advenerat : et
ideo cum occulte aliquod miraculum faciebat, non orabat; sed coram multis
orabat, ne crederent quod esset Deo contrarius. Hilarius de Trin. Quinque igitur panes offeruntur
turbae, et franguntur : subrepunt in frangentium manus quaedam fragmentorum
procreationes, non imminuitur unde praefringitur; et tamen praefringentis
manum fragmenta occupant : non sensus, non visus profectum tam conspicabilis
operationis assequitur; est quod non erat, videtur quod non intelligitur :
solum superest ut Deus omnia posse credatur. Augustinus in Ioannem. Unde enim multiplicat de
paucis granis segetes, inde in manibus suis multiplicavit quinque panes :
potestas enim erat in manibus Christi, panes autem illi quinque quasi semina
erant, non quidem terrae mandata, sed ab eo qui terram fecit, multiplicata.
Chrysostomus. Vide autem quanta est servi et domini
differentia : nam prophetae quasi ex mensura habentes gratiam, ita miracula
faciebant; Christus autem absoluta virtute faciens, cum multa superabundantia
omnia operabatur. Sequitur ut autem impleti sunt, dixit discipulis suis :
colligite quae superaverunt fragmenta, ne pereant. Collegerunt ergo et
impleverunt duodecim cophinos fragmentorum. Non quidem haec ostentatio
superflua fuit, sed ne phantasiam aestimarent quod factum est; propter quod
etiam ex subiecta materia miraculum fecit. Sed quare non turbis dedit
fragmenta portanda, sed discipulis? Quoniam hos maxime erudire volebat, qui
orbis terrarum debebant esse magistri. Ego autem non solum admiror
multitudinem panum quae facta est, sed et certitudinem superfluorum : quia
neque plus neque minus fecit superfluum esse, sed tantum quantum volebat;
scilicet duodecim cophinos, secundum numerum duodecim apostolorum. Theophylactus. Addiscimus autem ex miraculo
perpetrato, non fieri pusillanimes in coarctationibus paupertatis. Beda. Turbae autem cum vidissent signum quod fecit
dominus, mirabantur, quia nondum eum Deum esse cognoverant; ideoque
Evangelista subdit illi ergo homines, quia carnales erant et carnaliter
intelligebant, cum vidissent quod fecerat signum, dicebant quia hic est vere
propheta qui venturus est in mundum. Alcuinus. Nondum pleni fide dominum vocant
prophetam, qui nondum Deum dicere noverant; sed iam multum profecerant ex
virtute miraculi, qui eum secernentes ab aliis, prophetam vocabant, sicut
sciebant in populo illo prophetas aliquando miracula fecisse : nec falluntur
si dicunt eum prophetam, cum ipse dominus vocaverit se prophetam, dicens :
non capit prophetam perire extra Ierusalem. Augustinus in Ioannem. Sic autem propheta est Christus
et dominus prophetarum, sicut Angelus et dominus Angelorum : ex eo enim quod
praesens annuntiavit, Angelus erat; ex eo quod futura praedixit, propheta
erat; ex eo quod verbum caro factum est, et Angelorum et prophetarum dominus
erat : nullus enim propheta sine verbo Dei. Chrysostomus in Ioannem. Ex hoc autem quod dicunt
qui venturus est in mundum, manifestum est quod prophetam quemdam principalem
expectabant; et ideo quod dicitur hic est vere propheta, in Graeco cum
adiectione articuli ponitur, ad ostendendum scilicet, eum esse discretum ab
aliis prophetis. Augustinus. Considerandum autem quod dicitur : quia
enim Deus non est talis substantia quae oculis videri possit, et miracula
eius quibus totum mundum regit, universamque creaturam administrat, assiduitate
viluerunt; servavit sibi quaedam quae faceret opportuno tempore praeter
usitatum cursum ordinemque naturae, ut non maiora, sed insolita videndo
stuperent, quibus quotidiana viluerunt. Maius enim miraculum est gubernatio
totius mundi quam saturatio quinque millium hominum de quinque panibus : et
tamen hoc nemo miratur; illud mirantur homines, non quia maius, sed quia
rarum est. Nec tamen sufficit hoc intueri in miraculis Christi : quia enim
dominus est in monte, verbum Dei est in alto : proinde non quasi humiliter
iacet, nec transeunter praetereundum est. Alcuinus. Mystice enim nomine maris turbidum
saeculum designatur. Mox autem ut Christus mare mortalitatis nostrae adiit
nascendo, calcavit moriendo, transiit resurgendo, secutae sunt eum credendo
et imitando turbae credentium ex utroque populo collectorum. Beda. Tunc autem dominus subiit montem quando caelum
ascendit, quod designatur per montem. Alcuinus. Quod enim turbis inferius relictis, ad
altiora cum discipulis ascendit, ostendit quod simplicibus minora praecepta
sunt committenda, perfectioribus altiora : quod imminente Pascha illos
reficit, significat quia quisque pane divini verbi, et corpore et sanguine
domini desiderat refici, debet spirituale Pascha facere, idest, de vitiis ad
virtutes transire. Oculi vero domini sunt dona spiritualia, quae cum dominus
electis suis misericorditer concedit, tunc in eos oculos suos dirigit : idest
respectum pietatis impendit. Augustinus Lib. 83 quaest. Quinque autem panes
hordeacei significant veterem legem : sive quia nondum spiritualibus, sed
adhuc carnalibus data est lex, idest quinque corporis sensibus deditis : nam
ipse et turbae quinque millia hominum fuerunt : sive quia per Moysen lex ipsa
data est : Moyses enim quinque libros scripsit. Et quod hordeacei erant
panes, bene significavit vel ipsam legem, quae ita data erat ut in ea vitale
animae alimentum corporalibus sacramentis obtegeretur : hordei enim medulla
tenacissima palea tegitur : vel ipsum populum nondum expoliatum carnali
desiderio, quod tamquam palea cordi eius inhaerebat. Beda. Hordeum etiam pabulum est iumentorum, et cibus
servorum : et lex vetus data est servis et iumentis, idest carnalibus. Augustinus. Duo autem pisces, qui saporem suavem
pani dabant, duas illas personas videntur significare quibus populus ille
regebatur, regiam scilicet, et sacerdotalem; quae tamen duae personae dominum
nostrum praefigurabant, ambas enim ille sustinuit. Alcuinus. Vel duo pisces dicta vel scripta
prophetarum et Psalmistarum significant; et cum quinarius ad quinque sensus
corporis referatur, mille ad perfectionem refertur. Qui vero quinque sensus
corporis perfecte regere student, viri dicuntur a viribus; quos feminea
mollities non corrumpit; sed sobrie et caste vivunt, et caelestis sapientiae
dulcedine merentur recreari. Augustinus in Ioannem. Puer autem qui ista habebat,
forte populus Israel erat, qui sensu puerili ea portabat, nec manducabat.
Illa enim quae portabat, clausa onerabant, aperta pascebant. Beda. Pulchre autem dicit haec quid sunt inter
tantos? Quia lex vetus parum proficiebat, quousque eam suis manibus suscepit
: idest, opere implevit, et eamdem spiritualiter intelligendam esse docuit,
quia lex neminem ducebat ad perfectum. Augustinus. Frangendo autem panes multiplicati sunt.
Quinque enim libri Moysi multos libros, cum exponuntur tamquam frangendo,
idest disserendo, fecerunt. Augustinus Lib. 83 quaest. Dominus etiam tamquam
frangendo et aperiendo quod durum erat et clausum in lege, per discipulos
implevit, cum eis post resurrectionem aperuit Scripturas. Augustinus in Ioannem. Quia autem ignorantia populi
erat in lege, propterea tentatio domini ignorantiam discipuli demonstrabat.
Super fenum autem discumbebant, quia carnaliter sapiebant, et in carnalibus
quiescebant; omnis enim caro fenum. Illi autem de panibus domini implentur
qui quod auribus audiunt, operibus implent. Augustinus. Quae sunt autem fragmenta, nisi quae
populus non poterat manducare? Quid ergo restat, nisi ut secretiora
intelligentiae, quae non potest capere multitudo, illis credantur qui idonei
sunt et alios docere valent, sicut erant apostoli? Unde et duodecim cophini
impleti sunt. Alcuinus. Cophinis enim servilia implentur officia.
Cophini igitur sunt apostoli et eorum imitatores, qui licet in praesenti sint
despectibiles, spiritualium sacramentorum divitiis sunt interius referti.
Dicuntur autem apostoli fuisse cophini, quia per apostolos fides sanctae
Trinitatis erat praedicanda in quattuor partibus mundi. Quod autem novos
panes noluit facere, sed allatos cumulavit, significat quia veterem
Scripturam non reprobavit, sed aperiendo patefecit. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom 42 sur Saint Jean)
Lorsque des traits viennent tomber sur un corps dur qui leur résiste, ils
retournent avec force contre ceux qui les ont lancés, si, au contraire, ils
ne rencontrent aucun obstacle, leur force s'affaiblit et finit bientôt par
s'éteindre. Ainsi lorsque nous voulons résister à des hommes pleins d'audace,
ils en deviennent plus furieux, si au contraire, nous prenons le parti de
leur céder, nous voyons leur fureur s'apaiser aussitôt. Voilà comment Notre
Seigneur Jésus-Christ apaise la colère que ses discours ont fait naître dans
le cœur de ses ennemis. Il se retire dans la Galilée, non pas cependant dans
les mêmes lieux dont il était parti précédemment pour se rendre à Jérusalem,
car ce n'est pas à Cana en Galilée, mais au delà de la mer qu'il se retire : « Jésus s'en alla ensuite de l'autre
côté de la mer de Galilée qui est le lac de Tibériade. » —
Alcuin : Cette mer prend divers noms
suivant les divers lieux qui se trouvent sur ses bords. On l'appelle ici la
mer de Galilée de la province où elle se trouve et lac de Tibériade de la
ville de Tibériade qui est située sur ces bords. On lui donne le nom de mer,
non que l'eau en soit salée, mais parce que les Hébreux donnaient le nom de
mer à toutes les grandes étendues d'eau. Notre Seigneur traversa souvent ce
lac pour prêcher l'Evangile aux peuples qui habitaient sur ses bords. — Théophylactus : Le Sauveur va successivement d'un lieu dans un autre, pour éprouver la
bonne volonté du peuple et rendre les hommes de chacune des cités plus
désireux et plus avides de l'entendre : «
Et une grande multitude de peuple le suivait, parce qu'ils voyaient les
miracles qu'il faisait sur ceux qui étaient malades. » —
Alcuin : En rendant la vue aux
aveugles et en opérant d'autres prodiges semblables. Et il ne faut pas
oublier qu'il guérissait l'âme en même temps qu'il rendait la santé du corps. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 42). Malgré l'éclat de sa
doctrine, ses miracles faisaient beaucoup plus d'impression sur eux, ce qui
est l'indice d'esprits encore peu instruits, car les miracles, dit saint
Paul, sont un signe, non pour les fidèles, mais pour les infidèles. Ceux dont
saint Matthieu rapporte qu'ils étaient dans l'admiration de sa doctrine, (Mt
7, 28), faisaient preuve de plus grande sagesse. Mais pourquoi
l'Evangéliste ne rapporte-t-il pas les miracles opérés par Jésus ? parce que
le but qu'il s'est proposé était de consacrer la plus grande partie de son
ouvrage à reproduire les discours du Seigneur. « Jésus monta donc sur une montagne et s'y assit avec ses
disciples. » Il monte sur une montagne à cause du miracle qu'il doit
opérer, ses disciples y montent avec lui et accusent ainsi la conduite du
peuple qui ne peut l'y suivre. Il monte encore sur cette montagne pour nous
apprendre à nous soustraire au tumulte et à l'agitation du monde, car la
solitude est la meilleure préparation à l'étude de la sagesse [et à la
méditation des choses divines] : « Or,
la Pâque qui est la grande fête des Juifs était proche. » Vous voyez que
dans l'espace d'une année tout entière, l'Evangéliste ne nous raconte que
deux miracles de Jésus-Christ; la guérison du paralytique et celle du fils de
l'officier royal, car il ne s'est point proposé de tout raconter, mais de
faire le choix de quelques faits plus importants. Mais pourquoi Notre
Seigneur ne se rend-il pas [à Jérusalem] pour la fête de Pâques ? Il voulait
laisser tomber peu à peu la loi, en s'autorisant pour cela des mauvaises
dispositions des Juifs contre lui. — Théophylactus : Les Juifs le poursuivaient avec acharnement, il prend occasion de leur
animosité contre lui pour se dispenser d'observer la loi et il apprend ainsi
aux observateurs de la loi que toutes les figures disparaissent à l'avènement
de la vérité, et qu'il n'est ni soumis à la loi ni astreint à l'observance de
cérémonies légales. Remarquez en effet que ce n'était point la fête de
Jésus-Christ, mais la fête des Juifs. —
Saint Bède : (sur Saint Marc,
chap. 6) En
examinant avec attention le récit des évangélistes, on se convaincra
facilement qu'il s'écoula un an tout entier entre la mort de Jean-Baptiste et
la passion du Seigneur. En effet, saint Matthieu rapporte que le Seigneur
ayant appris la mort de Jean-Baptiste, se retira dans le désert, et qu'il y
nourrit [miraculeusement] la multitude; saint Jean de son côté nous
fait remarquer que la fête de Pâques était proche lorsque Jésus fit ce
miracle, il s'en suit évidemment que Jean-Baptiste fut décapité aux approches
de la fête de Pâques. Un an après eut lieu la passion du Sauveur, à l'époque
de la même fête ; « Jésus donc
ayant levé les yeux, et voyant qu'une très grande multitude était venue à
lui, dit à Philippe : ‘Où achèterons-nous du pain pour que ces gens
aient à manger ?». — Théophylactus : [référence à vérifier] Remarquez cette circonstance
du récit de l'Evangéliste : « Jésus
ayant levé les yeux », pour nous apprendre qu'il ne promenait pas
librement ses regards de tous côtés, mais qu'il les tenait modestement
baissés en conversant avec ses disciples. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 42 sur Saint Jean). Ce
n'est pas sans motif que Notre Seigneur était assis avec ses disciples, il
voulait les instruire plus soigneusement, et se les attacher plus étroitement.
Il lève ensuite les yeux et aperçoit la multitude qui venait à lui. Pourquoi
donc fait-il cette question à Philippe ? Il connaissait ceux de ses disciples
qui avaient besoin d'un enseignement plus étendu, et tel était l'apôtre
Philippe qui dit au Sauveur dans la suite : « Montrez-nous votre Père, et cela suffît. » Notre Seigneur
commence donc par instruire son disciple, car s'il avait opéré le miracle de
la multiplication des pains sans autre préparation, ce miracle n'eût point
apparu dans tout son éclat. Jésus l'oblige donc de reconnaître son
impuissance [à suffire aux besoins de cette multitude] pour qu'il demeure
bien convaincu de la grandeur du miracle qui va se faire : « Il parlait ainsi pour le tenter, »
dit l'Evangéliste. [— Saint Augustin : (Serm. 2 sur les par. du Seign).
Il est une tentation qui porte directement au péché, et elle ne peut
jamais être l'œuvre de Dieu qui ne porte jamais personne au mal, selon la
parole de saint Jacques. Il est encore une tentation qui a pour objet d'éprouver
la foi, et dont Moïse dit : « Le Seigneur votre Dieu vous éprouve, afin qu'on
sache si vous l'aimez on non, » (Dt 13, 3) et c'est dans ce sens qu'il
faut entendre la question que Jésus faisait à Philippe pour le tenter.] —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 42). [référence à vérifier] Est-ce donc que Notre Seigneur ignorait la
réponse que lui ferait son disciple ? Non sans doute, mais l'Evangéliste se
conforme ici à la manière de parler en usage parmi les hommes. Ainsi lorsque
l'Ecriture dit de Dieu « qu'il sonde les cœurs des hommes, » (Rm 8,
27) cette expression ne signifie nullement un examen qui a pour cause
l'ignorance, mais une absolue certitude, de même l'Evangéliste en rapportant
que Jésus parlait de la sorte pour éprouver son disciple, veut simplement
dire qu'il savait certainement ce que Philippe lui répondrait. On peut dire
encore que par cette question, Notre Seigneur voulait faire passer son
disciple par cette épreuve pour le rendre plus certain du miracle qu'il
allait opérer, et l'Evangéliste qui semble craindre que la manière dont il
s'exprime ne donne une idée peu favorable du Sauveur, se hâte d'ajouter : « Car
il savait ce qu'il devait faire. » —
Alcuin : Jésus fait donc cette
question, non pour apprendre ce qu'il ignore, mais pour convaincre son
disciple de la lenteur de son esprit [et de sa foi], qu'il ne pouvait
découvrir par lui-même. — Théophylactus : Ou bien il voulait le faire connaître aux autres disciples, et leur
montrer qu'il n'ignorait pas les pensées les plus intimes de son cœur. —
Saint Augustin : (de l'acc. des Evang., 2, 46). D'après le récit de
saint Jean, le Seigneur à la vue de cette nombreuse multitude, aurait demandé
à Philippe pour l'éprouver où il trouverait de quoi nourrir tout ce peuple. On
peut se demander si c’est vrai parce que les autres évangélistes disent que
les apôtres pressèrent tout d'abord le Seigneur de congédier le peuple, et
qu'il leur répondit, selon saint Matthieu : « Ils n'ont nul besoin de s'en
aller, donnez-leur vous-mêmes à manger ? » Pour concilier cette
difficulté, il suffit d'admettre qu'après ces paroles, le Sauveur regarda
cette grande multitude de peuple et qu'il fit à Philippe la question qui est
rapportée par saint Jean, et que les autres apôtres ont passée sous silence. —
Saint Jean Chrysostome : (hom, 42). Ou bien encore, il
s'agit ici de deux faits différents qui n'ont point eu lieu à la même époque. —
Théophylactus : Notre Seigneur avait voulu éprouver la foi de son disciple, et il le
trouve encore dominé par des sentiments tout humains, qui se trahissent dans
sa réponse : « Philippe répondit : ‘Quand on aurait pour deux cents
deniers de pain, cela ne suffirait pas pour en donner à chacun un morceau’. » —
Alcuin : Une semblable réponse accuse
en effet un esprit bien lent à croire, car s'il avait compris parfaitement
que Jésus était le Créateur de toutes choses, il n'aurait eu aucun doute sur
l'étendue de sa puissance. —
Saint Augustin : (de l'acc. des Evang. 2, 46). Saint Marc prête à
tous les disciples la réponse que saint Jean attribue exclusivement ici à
Philippe. Mais on peut dire que ce dernier évangéliste laisse à comprendre
que Philippe répondit au nom des autres apôtres, quoiqu'il ait pu, en se
conformant à l'usage beaucoup plus reçu, mettre le pluriel à la place du
singulier. — Théophylactus
: Les
sentiments d'André étaient à peu près semblables à ceux de Philippe, bien
qu'il eût sur Jésus-Christ des pensées plus élevées : «L’un des disciples, André,
frère de Simon Pierre, lui dit : Il y a ici un jeune homme qui a cinq pains
d'orge et deux poissons. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 42). Je pense que ce n'est
pas sans raison qu'André tient ce langage, il se rappelait le miracle
qu'avait fait le prophète Elisée qui avait multiplié vingt pains d'orge pour
nourrir cent personnes. (4 R 4, 42-44). Il lui vint donc dans l'esprit
une idée un peu plus élevée, mais qui n'alla pas encore bien loin, comme
l'indique la réflexion qu'il ajoute : « Mais qu'est-ce que cela pour tant
de monde ? » Il s'imaginait que celui qui opérait des miracles,
les faisait plus ou moins grands, selon les éléments plus ou moins
considérables qu'il avait à sa disposition, ce en quoi il se trompait. Il lui
était aussi facile de nourrir une grande multitude avec quelques pains comme
avec un plus grand nombre, parce qu'il n'avait nul besoin d'une matière
préalable. Si donc il consent à se servir des éléments créés pour opérer ses
miracles, c'est pour montrer que les créatures ne sont régies que par sa
providence pleine de sagesse. —
Théophylactus : Ainsi sont confondus les Manichéens qui prétendent que les pains et
tous les autres éléments crées viennent du Dieu du mal, puisque le Fils du
Dieu bon, Jésus-Christ consent à multiplier ces pains, car si les créatures
étaient mauvaises, Jésus, qui était bon, n'aurait pas voulu les multiplier. —
Saint Augustin : (de l'acc. des Evang., 2, 46). La réflexion que
saint Jean prête à André au sujet des cinq pains et des deux poissons, est
rapportée par les autres Evangélistes (qui ont mis le pluriel pour le
singulier), comme ayant été faite collectivement par tous les disciples. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 42). Apprenons ici, nous qui
sommes tout entiers aux satisfactions de la sensualité, quelle était la
nourriture de ces hommes admirables, quelle sobriété dans la quantité comme
dans le choix de leurs aliments. Notre Seigneur fait asseoir le peuple avant
que les pains aient été multipliés, parce que, comme dit saint Paul, les
choses qui n'existent pas lui sont soumises comme celles qui existent (Rm 4)
: « Jésus leur dit : Faites-les asseoir. » —
Alcuin : L'expression discumbere signifie
littéralement manger étant couché, suivant l'usage des anciens : « Or, il
y avait beaucoup d'herbe en ce lieu. » — Théophylactus : C'est-à-dire du gazon encore vert, car on n'était pas loin de la fête
de Pâques, qui se célébrait au premier mois du printemps ; « Les
hommes s'assirent donc au nombre d'environ cinq mille. » L'Evangéliste ne
compte que les hommes, suivant la coutume des Juifs, c'est ainsi que Moïse
fit le dénombrement de tous les hommes depuis vingt ans et au-dessus (Nb 1),
sans faire aucune mention des femmes, nous indiquant ainsi que ce qui est
plein de jeunesse et de force mérite seul d'être compté aux yeux de Dieu. «
Alors Jésus prit les pains, et après avoir rendu grâces, il les distribua à
ceux qui étaient assis; il leur donna de même des deux poissons, autant
qu'ils en voulaient. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 42). Mais pourquoi Notre
Seigneur n'a-t-il point fait de prière avant de guérir le paralytique, de
ressusciter les morts, d'apaiser la mer agitée, tandis que nous le voyons ici
prier et rendre grâces ? C'est pour nous apprendre à rendre grâces à Dieu
avant de commencer le repas. On peut dire encore qu'il prie avant de faire
des miracles de moindre importance, pour faire voir qu'il ne prie pas pour
obtenir du secours, car s'il avait eu besoin de demander le secours d'en
haut, c'eût été surtout avant de faire ses plus grands miracles, et comme il
les fait toujours avec autorité, il est évident que c'est par condescendance
pour nous, qu'il adresse à Dieu sa prière. Une autre raison, c'est qu'il voulait
bien persuader le peuple qui était présent, que c'était par la volonté de
Dieu qu'il était venu sur la terre. Voilà pourquoi il ne prie point avant de
faire un miracle loin des yeux de la foule, il priait, au contraire,
lorsqu'il devait le faire devant tout le peuple, pour le convaincre qu'il
n'était point en opposition avec Dieu. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 3) Les disciples présentent
donc à cette multitude cinq pains, et les leur distribuent à mesure qu'ils
les rompent, ils se succèdent dans leurs mains par une création instantanée
de nouveaux morceaux de pain. Le pain qui est rompu ne diminue point, et
cependant de nouveaux morceaux remplissent continuellement les mains qui les
rompent, sans que les sens ni les yeux puissent suivre la continuité de cette
création vraiment merveilleuse. Ce qui n'existait pas, existe, on voit ce
qu'on ne comprend pas, et la seule pensée qui reste, c’est qu’on croit en la
toute puissance de Dieu. —
Saint Augustin : (Traité 24 sur Saint Jean). Notre
Seigneur multiplie ces cinq pains de la même manière qu'il fait sortir de
quelques grains seulement d'abondantes moissons. Les mains de Jésus-Christ
étaient pleines d'une puissance toute divine, et ces pains étaient comme des
semences qui n'étaient pas confiées à la terre, mais qui étaient multipliées
par celui qui a créé la terre. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 42). Considérez ici la
différence qui sépare le Seigneur de ses serviteurs; les prophètes qui
n'avaient la grâce qu'avec mesure, n'opéraient aussi des miracles que dans
une certaine mesure, tandis que Jésus-Christ, qui agit avec une puissance
absolue, faisait tous ses miracles dans toute la plénitude de son autorité : « Lorsqu'ils
furent rassasiés il dit à ses disciples : Recueillez les morceaux qui sont
restés, pour que rien ne se perde. Ils les ramassèrent et remplirent douze
corbeilles des morceaux qui restaient. » Ce n'est point par vaine
ostentation que le Sauveur commande de recueillir ces restes, mais pour bien
établir la réalité du miracle, et c'est pour la même raison qu'il l'opère
avec une matière préexistante. Mais pourquoi charge-t-il ses disciples plutôt
que la foule, de recueillir ces restes ? parce qu'il voulait instruire
surtout ceux qui devaient être les maîtres du monde entier. Quant à moi,
j'admire non seulement la multiplication des pains, mais le soin avec lequel
l'Evangéliste mentionne le nombre précis de corbeilles. Il y avait cinq
pains, et Jésus-Christ ne fait ni plus ni moins que ce qu’il faut et dispose
le tout de manière à ce que les restes ne remplissent que douze corbeilles,
ni plus ni moins autant qu'il y avait d'Apôtres. — Théophylactus : Ce miracle nous apprend aussi à ne pas nous décourager au milieu des
étreintes de la pauvreté. —
Saint Bède : Le peuple, à la vue de ce
miracle, était dans l'admiration, parce qu'il ne connaissait pas encore la
divinité du Sauveur, c'est pour cela que l'Evangéliste ajoute : « Ces
hommes (dont le jugement était dominé par les sens), ayant vu le miracle que
Jésus avait fait, disaient : Celui-ci est vraiment le prophète qui doit venir
dans le monde. » —
Alcuin : Leur foi était loin d'être
parfaite, puisqu'ils ne regardaient le Seigneur que comme un prophète, sans
reconnaître encore sa divinité, mais cependant l'éclat de ce miracle leur
avait fait faire de grands progrès, puisqu'ils le distinguaient des autres
par le nom de prophète; ils se rappelaient, en effet, que leurs prophètes
s'étaient quelquefois signalés par des miracles. D'ailleurs ils ne se
trompent pas, en appelant Notre Seigneur prophète, puisque lui-même a daigné
prendre ce nom : « Il ne convient pas, dit-il, qu'un prophète périsse hors
de Jérusalem. » (Lc 13) —
Saint Augustin : (Traité 24). Jésus-Christ est
prophète et le Seigneur des prophètes, de la même manière qu'il est ange et
le Seigneur des anges. Il est ange (ou envoyé) parce qu'il est venu annoncer
des choses présentes; il est prophète, parce qu'il a prédit l'avenir, et en
tant que Verbe fait chair, il est le Seigneur des anges et des prophètes, car
on ne peut concevoir un prophète sans le Verbe de Dieu. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 42). Ils disent : « qui
doit venir en ce monde, » il est donc évident qu'ils attendaient un
prophète extraordinaire. Aussi ces paroles : « Celui-ci est vraiment
prophète, » se trouvent dans le texte grec avec l'article, comme preuve
qu'ils le distinguent de tous les autres prophètes. —
Saint Augustin : (Traité 24 sur Saint Jean). Remarquons
que comme la substance divine ne peut être aperçue de nos yeux, et que les
miracles de la Providence, par lesquels Dieu ne cesse de gouverner le monde
et de régir toutes les créatures, ont perdu pour nous de leur éclat, parce
qu'ils se renouvellent tous les jours; il s'est réservé quelques œuvres extraordinaires,
qu'il opère à des temps marqués en dehors des causes physiques et des lois
ordinaires de la nature, pour émouvoir ainsi par la nouveauté plutôt que par
la grandeur du miracle, ceux sur qui les prodiges de tous les jours ne font
plus d'impression. En effet, le gouvernement du monde entier est un bien plus
grand miracle que l'acte par lequel le Sauveur nourrit cinq mille hommes avec
cinq pains : et cependant personne n'admire le premier miracle, et tous sont
ravis d'admiration en présence du second, non pas précisément parce qu'il est
plus grand, mais parce qu'il arrive rarement. Toutefois, ne nous contentons
pas de voir seulement le fait extérieur dans les miracles du Christ, le
Seigneur, sur la montagne, c'est le Verbe sur les hauteurs, il ne se présente
donc point ici dans un état d'humiliation, et il ne faut point passer
légèrement sur ce miracle, [mais lever nos regards en haut]. —
Alcuin : Dans le sens mystique, la
mer est l'emblème du monde toujours agité. Mais dès que Jésus-Christ se fut
comme embarqué par sa naissance sur la mer de notre mortalité, qu'il l'eut
foulée aux pieds par sa mort, et traversée par sa résurrection, la multitude
des croyants, formée des deux peuples, l'a suivi fidèlement par la foi et
l'imitation de ses vertus. —
Saint Bède : Le Seigneur a gagné le
sommet de la montagne, lorsqu'il est monté au ciel dont cette montagne est la
figure. —
Alcuin : Il laisse la multitude au
pied de la montagne, et monte plus haut avec ses disciples, pour nous
apprendre qu'il faut imposer des préceptes moins difficiles aux âmes encore
faibles, et réserver la doctrine plus relevée pour les âmes plus parfaites.
C'est aux approches de la fête de Pâques qu'il nourrit cette multitude, et il
nous enseigne par là que celui qui désire se nourrir du pain de la divine
parole, et du corps et du sang du Seigneur, doit s'y préparer en célébrant la
pâque spirituelle, c'est-à-dire en passant de l'habitude du vice à la
pratique de la vertu, puisque le mot pâque signifie passage. Les yeux
du Seigneur sont les dons spirituels, et il lève les yeux, c'est-à-dire qu'il
laisse tomber le regard de sa miséricorde sur les élus qui reçoivent de lui
ses dons spirituels. —
Saint Augustin : (liv. des 83 quest., quest. 61).
Les cinq pains d'orge signifient la loi ancienne, soit parce que la loi a été
donnée aux hommes, alors qu'ils étaient encore marqués par la chair et pas
encore spirituels, c'est-à-dire qu'ils
étaient comme livrés aux cinq sens du corps (remarquez que cette multitude se
composait de cinq mille hommes); soit parce que la loi a été donnée par
Moïse, qui l'a renfermée dans les cinq livres qui portent son nom. Ces cinq
pains étaient d'orge, et figuraient parfaitement la loi dans laquelle
l'aliment vital de l'âme était recouvert par des signes extérieurs. La moelle
de l'orge est en effet recouverte d'une paille très tenace. Ces pains d'orge
peuvent encore représenter le peuple lui-même qui n'était pas encore
dépouillé de ses désirs charnels, qui adhérait à son cœur comme la paille qui
recouvre le grain d'orge. — Saint
Bède : [référence à vérifier] L'orge est la nourriture des bêtes de somme et des
esclaves. Or, la loi ancienne a été donnée à des esclaves, et à des hommes
charnels, dont les animaux sont la figure. —
Saint Augustin : (comme précéd). Les deux poissons destinés à
donner au pain une saveur agréable, sont l'emblème des deux institutions qui
gouvernaient le peuple, le sacerdoce et la royauté, et ces deux institutions
figuraient à leur tour Notre-Seigneur, qui les réunissait toutes deux dans sa
personne. —
Alcuin : On peut dire encore que ces
deux poissons figurent les paroles ou les écrits des prophètes et des auteurs
de Psaumes; or, de même que le nombre cinq se rapporte aux cinq sens du
corps, le nombre mille est le symbole de la perfection. Ceux qui s'appliquent
à maîtriser et à diriger parfaitement les cinq sens de leur corps, sont
appelés viri (hommes), du mot vires (forces). Ce sont ceux qui
ne se laissent point corrompre par une mollesse féminine, qui vivent dans la
chasteté et la tempérance, et méritent de goûter les douceurs de la sagesse
céleste. —
Saint Augustin : (Traité 24). L'enfant qui portait
ces cinq pains et ces deux poissons figurait le peuple juif, qui portait les
cinq livres de la loi comme un enfant inexpérimenté, sans songer à s'en nourrir;
ces aliments, tant qu'ils restaient enveloppés, n'étaient pour lui qu'une
charge accablante, et ils n'avaient la vertu de nourrir qu'à la condition
d'être mis à découverts. —
Saint Bède : La réflexion que fait André
: « Qu'est-ce que cela pour tant de
monde ? » est pleine de justesse, dans le sens allégorique, car la loi
ancienne servait à peu de chose jusqu'au moment où Jésus la prit dans les
mains, c'est-à-dire en accomplit les prescriptions et nous apprit à
l'entendre dans le sens spirituel; car par elle-même la loi ne conduisait
personne à la perfection. —
Saint Augustin : (Tr. 24). C'est au moment où les
pains étaient rompus qu'ils se multipliaient, et c'est ainsi que les cinq
livres de Moïse, par l'exposition (ou la fraction) qui en a été faite, ont
donné naissance à une multitude d'autres livres. —
Saint Augustin : (Liv. des 83 quest., qu. 61).
C'est, en brisant en quelque sorte, ce qu'il y avait de dur dans la loi, et
en expliquant ce qu'elle avait d'obscur, que Notre Seigneur nourrit ses disciples,
lorsqu'après sa résurrection il leur découvrit le sens des Ecritures. —
Saint Augustin : (Traité 24). La question du Sauveur
avait pour objet de faire ressortir l'ignorance de son disciple, qui était la
figure de l'ignorance où le peuple était de la loi. Le peuple s'assoit sur
l'herbe, parce qu'il avait encore des goûts charnels et se reposait
volontiers dans les satisfactions de la chair, car « toute chair est comme l'herbe des champs. » (Is 40)
Remarquez encore que le Seigneur ne nourrit et ne rassasie de ces pains [multipliés
miraculeusement] que ceux qui traduisent dans leurs œuvres les enseignements
qu'ils ont reçus. —
Saint Augustin : (Traité 24). Quels sont ces restes [qu'il
commande de recueillir] ? C'est ce que le peuple n'a pu manger, et ces restes
qui sont les vérités d'une intelligence plus cachée et que la multitude ne
peut comprendre, sont confiés à ceux qui sont capables, et de les recevoir et
de les enseigner aux autres, tels qu'étaient les Apôtres, et voilà pourquoi
nous voyons que douze corbeilles furent remplies de ces restes. — Alcuin et Saint Bède : Les corbeilles servent aux usages domestiques, elles figurent donc ici
les Apôtres et leurs imitateurs qui, d'un extérieur peu remarquable aux yeux
des hommes, sont cependant remplis intérieurement des richesses de tous les
trésors spirituels. Les Apôtres sont comparés à des corbeilles, parce que
c'est par leur ministère que la foi en la sainte Trinité devait être prêchée
dans toutes les parties du monde. Le Sauveur n'a point voulu créer de
nouveaux pains, mais s'est contenté de multiplier ceux qui existaient, pour
nous apprendre qu'il n'est point venu pour rejeter et détruire la loi, mais
en dévoiler les mystères en l'expliquant. |
Lectio 2 |
Versets 15-21
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[86040] Catena in Io., cap. 6 l. 2 Beda. Turbae,
viso tanto miraculo, intellexerunt pium atque potentem; et idcirco voluerunt
ipsum facere regem : homines namque volunt habere regem pium ad regendum et
potentem ad tuendum. Dominus igitur hoc cognoscens fugit in montem; idest,
ascendit celeriter; unde dicitur Iesus ergo cum cognovisset quia venturi
essent ut raperent eum et facerent eum regem, fugit in montem ipse solus.
Datur ergo intelligi quod dominus cum sederet in monte cum discipulis suis et
videret turbas ad se venientes, descenderat de monte, et circa inferiora loca
turbas paverat. Nam quomodo fieri potest ut rursus ille fugeret in montem,
nisi ante de monte descenderet? Augustinus de Cons. Evang. Non autem repugnat quod
Matthaeus dixit : ascendit in montem solus orare; neque enim causae orandi
contraria est causa fugiendi : quandoquidem et hinc dominus doceat hanc esse
nobis magnam causam orandi, quando est causa fugiendi. Augustinus in Ioannem. Erat autem rex qui timebat
fieri rex; nec talis rex qui ab hominibus fieret, sed talis qui hominibus
regnum daret : semper quidem ille cum patre regnat secundum quod est filius
Dei. Praedixerunt autem prophetae regnum eius et secundum id quod homo factus
est Christus, et fecit fideles suos Christianos, qui sunt regnum eius; quod
modo colligitur, modo emitur sanguine Christi. Erit autem aliquando
manifestum regnum eius, quando erit aperta claritas sanctorum eius, post
iudicium ab eo factum. Discipuli autem et turbae credentes in eum, putaverunt
illum sic venisse ut iam regnaret. Hoc est velle rapere et facere eum regem.
Chrysostomus in Ioannem. Vide autem quanta est gulae
virtus. Non ultra eis sabbati transgressionis cura, non ultra zelant pro Deo;
sed omnia remota sunt, ventre repleto; et propheta iam erat apud eos, et
regem eum inthronizare volebant. Christus autem fugit, erudiens nos mundanas
contemnere dignitates. Sic igitur Iesus dimittit discipulos et ascendit in
montem. Hi vero a magistro relicti, ut sero factum est, descenderunt ad mare.
Et hoc est quod subditur ut autem sero factum est, descenderunt discipuli
eius ad mare. Et quidem usque ad vesperam expectaverunt eum, venturum esse
putantes ad se; facta vero vespera non ultra sustinent eum non inquirere
(tantus eos detinebat amor), sed ab amore igniti ascenderunt in navem; unde sequitur
et cum ascendissent navim, venerunt trans mare in Capharnaum. Veniebant
quidem ad Capharnaum aestimantes se illic eum inventuros. Augustinus. Sic ergo dixit finem, et redit ut
exponat quomodo venerunt : quia per stagnum navigantes transierunt : et dum
navigarent recapitulando exponit quid acciderit, dicens et tenebrae iam
factae erant, et non venerat ad eos Iesus. Chrysostomus. Non sine causa Evangelista tempus
designat, sed ut per hoc validum eorum amorem ostendat. Non enim dixerunt :
vespera nunc est, nox advenit; sed ab amore igniti ascenderunt in navim.
Multa autem erant ex quibus impediebantur. A tempore, unde dicitur et
tenebrae iam factae erant; a tempestate, unde sequitur mare autem, vento
magno flante, exurgebat a longe : non enim erat prope terram; unde dicitur
cum remigassent ergo quasi stadia viginti quinque aut triginta. Beda in Ioannem. Eo genere locutionis, quo cum
dubitando loquimur, solemus dicere, ferme vigintiquinque aut prope triginta.
Chrysostomus. Et ultimo ab inopinabili; unde sequitur vident Iesum
ambulantem supra mare, et proximum fieri. Apparet quidem eis postquam illos
dimiserat; illic quidem docens eos quid est derelictio, et amorem excitans
maiorem; hic vero suam virtutem ostendens : propter hoc igitur illi
turbabantur; unde sequitur et timuerunt. Quibus turbatis dominus
confortationem adhibet; unde sequitur ille autem dicit eis : ego sum : nolite
timere. Beda. Non autem dixit : ego sum Iesus, sed tantum
ego sum : quia familiares eius erant, ideoque audita voce, facile potuerunt
cognoscere magistrum : sive, quod verius est, ut ostenderet se illum esse qui
Moysi dixit : ego sum qui sum. Chrysostomus in Ioannem. Ideo autem eis apparuit, ut
ostendat quoniam ipse est qui tempestatem solvet. Hoc enim ostendit
Evangelista subdens voluerunt ergo accipere eum in navi, et statim fuit navis
ad terram ad quam ibant; tranquillam enim praebuit eis navigationem. Non
autem navim ascendit, volens maius miraculum operari, et deitatem eius
revelare apertius. Theophylactus. Vide namque tria miracula. Primum est
quod ambulabat supra mare; secundum est quod fluctus mitigat; tertium est
quod statim fecit navim ad terram ire, ad quam ibant : nam multum distabant a
terra cum eis dominus apparuit. Chrysostomus. Turbae autem non ostendit se Iesus
supra mare ambulantem, quia hoc signum imbecillitatem eorum excedebat; sed
neque discipulis diu visus est hoc faciens, sed statim disparuit ab eis. Augustinus de Cons. Evang. Non est autem adversum
quod Matthaeus prius eum dixit iussisse discipulos ascendere in naviculam, et
praecedere eum trans fretum, donec dimitteret turbas : ac deinde dimissis
turbis, ascendisse in montem solus orare; Ioannes vero prius eum fugisse
commemorat solum in montem, ac deinde inquit ut autem sero factum est,
descenderunt discipuli eius ad mare, et cum ascendissent navim, et cetera.
Quis enim non hoc videat recapitulando Ioannem postea dixisse factum a
discipulis, quod iam Iesus iusserat antequam fugisset in montem? Chrysostomus. Vel aliter. Mihi videtur hoc signum
aliud ab eo quod apud Matthaeum positum est : tunc enim non statim eum
susceperunt, nunc autem persuasi sunt statim suscipere; et tunc quidem adhuc
tempestas permanebat concutiens navim, nunc autem cum voce tranquillitas
advenit. Multoties enim eadem facit signa, ut facile susceptibilia fiant.
Augustinus in Ioannem. Mystice autem pavit dominus
turbas et ascendit in montem : sic enim de illo praedictum est : congregatio
populorum circumdabit te; et propter hanc in altum regredere; idest, ut
circumdet te congregatio populorum, regredere in altum. Quare autem dictum
est fugit? Neque enim si nollet teneretur. Aliquid ergo significavit fugiendo
: quia scilicet non potuit intelligi altitudo eius; quidquid enim non
intellexeris fugit me dicis. Ergo fugit in montem ipse solus, quia ascendit
super omnes caelos. Illo autem sursum posito discipuli in navicula
tempestatem patiebantur : navicula illa Ecclesiam praesignabat. Tenebrae iam
factae erant, et merito, quia lux non erat; non enim venerat ad illos Iesus.
Quantum accedit finis mundi, crescunt errores, crescit iniquitas. Lux denique
caritas est, secundum illud : qui odit fratrem suum, in tenebris est. Ipsi
fluctus navem turbantes, et tempestates, et venti, clamores sunt maledicorum
: inde caritas refrigescit, inde fluctus augentur, et turbatur navis. Nec
tamen venti illi, et tempestas, et fluctus, et tenebrae id agebant ut vel
navis non promoveretur, vel soluta mergeretur : qui enim perseveraverit usque
in finem, hic salvus erit. Quinarius autem numerus ad legem pertinet; ipsi
sunt quinque libri Moysi : ergo legem signat numerus vigesimus quintus :
quoniam quinquies quini fiunt vigintiquinque. Sed huic legi, antequam
Evangelium veniret, deerat perfectio, quae in senario numero comprehenditur.
Ipsa ergo quinque per sex multiplicentur, ut lex per Evangelium impleatur, ut
fiant sexies quini triginta. Ad eos ergo qui legem implent, venit Iesus
calcans fluctus; idest, omnes tumores mundi sub pedibus habens, omnes
altitudines saeculi premens; et tamen tantae sunt tribulationes ut etiam ipsi
qui credunt in Iesum, expavescant ne deficiant. Theophylactus. Cum autem homines vel Daemones nos
per timorem nituntur movere, audiamus Christum dicentem ego sum, nolite
timere; idest, ego semper assisto, et sicut Deus permaneo, et numquam
pertranseo : non perdatis in me fidem pro falsis terroribus. Vide etiam
quomodo non in principio periculi dominus astitit, sed in fine. Permittit
namque nos esse in medio periculorum, ut certantes in tribulationibus
probabiliores fiamus, et ut ad ipsum solum recurramus qui potens est ex
insperatis nos liberare. Cum enim intellectus humanus sibi providere non
poterit, tunc salus divina advenit. Si voluerimus etiam Christum in naviculam
nostram suscipere, idest in cordibus nostris habitare, statim inveniemur in
terra ad quam ire volumus, idest in caelum. Beda. Quia vero haec navicula non torpentes vehit,
sed fortiter remigantes, significatur quod in Ecclesia non desidiosi et
molles, sed fortes et in bonis operibus perseverantes perveniunt ad portum salutis
aeternae. |
—
Saint
Bède : A la vue d'un si grand miracle, le peuple
comprit que Jésus réunissait la puissance à la bonté, et il voulut le faire
roi, car les hommes veulent avoir un roi qui ait la bonté dans le
gouvernement, jointe à la puissance pour les défendre. Mais aussitôt que le
Sauveur en eut connaissance, il s'enfuit sur la montagne, c'est-à-dire, qu'il
se retira promptement; « Jésus
ayant connu qu'ils devaient venir pour l'enlever et le faire roi, s'enfuit de
nouveau sur la montagne tout seul» ; on peut conclure de là que Notre-Seigneur,
qui était d'abord assis avec ses disciples sur la montagne d'où il vit la
multitude qui venait à lui, était descendu ensuite de la montagne et avait
nourri le peuple dans la plaine, car comment aurait-il pu se retirer de
nouveau sur la montagne s'il n'en était d'abord descendu ? —
Saint Augustin : (de l'acc. des Evang). Le récit de saint Jean n'est
point ici en contradiction avec celui de saint Matthieu, qui nous dit que : « Jésus monta seul sur la montagne pour
prier. » (Mt 4) Car ces deux motifs prier et fuir ne s'excluent
pas ; bien au contraire, Notre Seigneur nous enseigne que c'est surtout
lorsque nous sommes dans la nécessité de fuir qu'il nous faut recourir à la
prière. —
Saint Augustin : (Traité 25). Notre Seigneur était
roi, et cependant il craint de devenir roi, parce que sa royauté n'était pas
de celle que peuvent donner les hommes, mais bien plutôt une royauté qu'il
voulait communiquer aux hommes. En effet, comme Fils de Dieu, il ne cesse de
régner avec son Père. Les prophètes ont aussi prédit son règne comme Fils de
Dieu fait homme, il a fait chrétiens ceux qui ont cru en lui, et ce sont ceux
qui composent son royaume, royaume qui [sur la terre] se forme et s'achète au
prix du sang de Jésus-Christ. Un jour viendra où ce royaume apparaîtra dans
toute sa splendeur, lorsqu'après le jugement dernier qu’il effectuera, la
gloire de ses saints brillera de tout son éclat. Or, ses disciples et la
multitude qui croyait en lui, pensaient que sa venue sur la terre avait pour
objet l'établissement de ce royaume. C’est pourquoi ils veulent l’enlever et
le faire roi. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 42 et 43). Voyez quelle est
la puissance de la sensualité. Il n'est plus question pour eux de la
transgression du sabbat, tout leur zèle pour Dieu s'est évanoui, ils sont
rassasiés, tout est oublié; Jésus est pour eux un prophète et ils veulent le
faire roi et le mettre sur le trône. Mais Jésus-Christ se dérobe à leurs
désirs, et nous apprend ainsi à mépriser les honneurs du monde. Jésus laisse
donc ses disciples et se retire sur la montagne. Les disciples voyant que le
Sauveur les avait quittés, descendirent vers la mer, lorsque le soir fut
venu, comme le fait remarquer l'Evangéliste : « Quand le soir fut venu, ses disciples descendirent à la mer. » Ils l'attendirent jusqu'au
soir, espérant toujours qu'il viendrait les retrouver, mais le soir venu, ils
ne peuvent résister davantage au désir de le chercher, tant était grand leur
amour [pour leur divin Maître] ! et cet amour les porte à monter dans une
barque pour aller à sa rencontre : « Et
étant montés dans une barque, ils naviguèrent vers l'autre bord pour arriver
à Capharnaüm » ; ils se rendaient à Capharnaüm, espérant qu'ils
l'y trouveraient. —
Saint Augustin : (Traité 24). L'Evangéliste fait
connaître d'abord le but de leur voyage, avant d'exposer quels en furent les
incidents. Ils traversèrent le lac, et saint Jean raconte comme par
récapitulation ce qui arriva pendant la traversée : « Il faisait déjà nuit, et Jésus n'était pas encore venu à eux.
» —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 42 sur Saint Jean). C'est
avec dessein que l’Evangéliste précise le moment de la traversée, il veut
faire ressortir la vivacité de leur amour pour Jésus-Christ. Ils ne disent
pas : Le soir est venu, la nuit tombe ; leur amour les pousse à
s'embarquer malgré tous les obstacles qui se présentaient, d'abord le temps :
« Il faisait déjà nuit, » puis la
tempête : « La mer soulevée par un
grand vent s'enflait» ; enfin le lieu où ils se trouvaient, la terre
était fort éloignée : « Lorsqu'ils
eurent ramé environ vingt-cinq ou trente stades. » —
Saint Bède : Nous employons cette
locution lorsque nous sommes dans le doute, à peu près vingt-cinq ou trente. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 43). Une dernière difficulté,
c'est l'apparition inattendue du Sauveur : « Ils virent Jésus marchant sur la mer et s'approchant de la
barque ». Il leur apparaît après les avoir quittés, il veut leur
apprendre d'un côté ce que c'est que l'abandon, et rendre leur amour plus vif;
et de l'autre, leur manifester sa toute-puissance. Cette apparition est pour
eux une cause d'effroi : « et ils
eurent peur, » dit l'Evangéliste. Aussi Notre Seigneur s'empresse de
[dissiper leur frayeur et de] relever leur courage : « Mais il leur dit : C'est moi, ne craignez point. » —
Saint Bède : Il ne leur dit point : Je
suis Jésus, mais simplement : « C'est
moi, » parce qu'ils vivaient dans son intimité, et qu'au seul son de sa
voix, ils purent facilement reconnaître leur maître; ou bien, ce qui est plus
vraisemblable, il voulut leur apprendre qu'il était celui qui dit à Moïse : « Je suis celui qui suis, » (Ex 3,
14) —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 43). Le Sauveur voulut
apparaître aux yeux de ses disciples pour les convaincre que c'était lui-même
qui allait apaiser la tempête, circonstance que l'Evangéliste nous fait
comprendre, en ajoutant : « Ils
voulurent le prendre dans leur barque, et aussitôt ils abordèrent au rivage
vers lequel ils se dirigeaient. » C'est donc à Jésus qu'ils furent
redevables de cette heureuse traversée. Cependant il ne voulut point monter
dans la barque pour faire mieux ressortir la grandeur du miracle et la
puissance divine qui l'opérait. — Théophylactus : Vous voyez ici, en effet, trois miracles réunis : Jésus marche sur la
mer, il calme la fureur des flots, et fait aborder aussitôt la barque au
rivage dont les disciples étaient encore fort éloignés, lorsque le Seigneur
apparut. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 43). Jésus ne permit pas que
la foule le vît marcher sur la mer, parce que ce miracle était au-delà de
leur faiblesse, il ne voulut pas même qu'il se prolongeât longtemps aux yeux
de ses disciples, et il disparut presque aussitôt de leurs regards. —
Saint Augustin : (de l'accord des Evang., 1, 47) Il n’y a pas
de contradiction avec ce que dit saint Matthieu : Jésus ordonna d'abord
à ses disciples de monter dans une barque, de le devancer au delà du lac, jusqu’à
ce qu’il ait congédié la foule; et après l'avoir congédiée, il se retire seul
sur la montagne pour prier. Saint Jean, au contraire, rapporte que le Sauveur
s'enfuit aussitôt sur la montagne, seul, et il ajoute : « Le soir étant venu, ses disciples descendirent vers la mer, et
lorsqu'ils furent montés dans une barque, », etc... Qui ne voit que saint
Jean raconte par récapitulation, comme ayant été fait par les disciples, ce
que Jésus leur avait ordonné avant de se retirer sur la montagne ? —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 43). On peut dire encore que
ce miracle est différent de celui qui est rapporté par saint Matthieu. [Dans
le récit de saint Matthieu], les disciples ne reçurent pas aussitôt Notre-Seigneur,
ici au contraire, ils s'empressent de le recevoir sans aucun retard. Dans le
premier évangéliste encore, la tempête continuait de battre les flancs du
navire, ici d'une seule parole, Jésus fait revenir le calme ; [on peut
donc admettre deux miracles différents, ce qui n'a rien de surprenant, car]
Notre Seigneur a pu faire plusieurs fois les mêmes miracles pour les rendre
plus faciles à croire. —
Saint Augustin : (Traité 25 sur Saint Jean). Dans
le sens mystique, Notre Seigneur commence par nourrir la multitude et se
retire ensuite sur la montagne, selon ce qui était prédit de lui : « L'assemblée des peuples vous
entourera, et à cause d'elle remontez dans les hauteurs. » (Ps 7)
C'est-à-dire, remontez dans les hauteurs, afin que l'assemblée des peuples
vous entoure. Mais pourquoi l'Evangéliste dit-il que le Sauveur s'enfuit ?
car on n'aurait pu le retenir malgré lui. Cette fuite a donc une
signification mystérieuse, et nous apprend que la hauteur de ces mystères ne
pouvait être comprise; en effet, vous dites de tout ce que vous ne comprenez
pas : « Cela m’échappe. » Notre Seigneur fuit donc seul sur une montagne
lorsqu'il monte au-dessus de tous les cieux. Tandis qu'il est dans les
hauteurs des cieux, ses disciples qui sont restés dans la barque sont exposés
à la violence de la tempête. Cette barque était la figure de l'Eglise, il
faisait déjà nuit, et il n'y avait rien d'étonnant, la vraie lumière ne
brillait pas encore, Jésus n'était pas encore venu les trouver. Plus approche
la fin du monde, et plus aussi on voit croître les erreurs et augmenter
l'iniquité. En effet, la charité est lumière, suivant les paroles de saint
Jean : « Celui qui hait son frère demeure dans les ténèbres. »
(1 Jn 2, 9). Les flots qui agitent le navire, la tempête, les
vents sont les clameurs des réprouvés. La charité se refroidit, les flots ne
cessent de monter et de battre les flancs du navire, et cependant ni les
vents, ni la tempête, ni les flots, ni les ténèbres ne peuvent briser la
barque et l'engloutir, ni même l'empêcher d'avancer, car celui qui aura
persévéré jusqu'à la fin sera sauvé. Le nombre cinq est l'emblème de la loi,
renfermée dans les cinq livres de Moïse; le nombre vingt-cinq est donc aussi
la figure de la loi, puisqu'il est le produit du nombre cinq multiplié par
cinq. Mais la perfection qui est signifiée par le nombre six, manquait à la
loi avant l'Evangile, et en multipliant cinq par six, on obtient le nombre
trente, figure de la loi accomplie par l'Evangile. Notre Seigneur vient donc
trouver ceux qui accomplissent la loi, en marchant sur les flots,
c'est-à-dire en foulant aux pieds toutes les vaines enflures de l'orgueil et
toutes les hauteurs du monde, et cependant les tribulations sont si grandes,
que ceux mêmes qui croient en Jésus tremblent d'y succomber. —
Théophylactus : Lorsque les hommes ou les démons s'efforcent de nous ébranler par la
crainte, écoutons Jésus-Christ qui nous dit : « C'est moi, ne craignez point, » c'est-à-dire je suis toujours
près de vous, je demeure avec vous comme Dieu, et ne passe jamais, ne vous
laissez donc point enlever par de vaines terreurs la foi que vous avez en
moi. Voyez encore comment Notre Seigneur ne vient pas au secours de ses
disciples au commencement du danger, mais longtemps après. C'est ainsi que
Dieu permet que nous soyons au milieu des dangers, pour éprouver notre
courage par ce combat contre les tribulations, et nous enseigner à recourir à
celui-là seul qui peut nous sauver alors même que tout espoir est perdu. En
effet c'est lorsque l'intelligence de l'homme ne peut se venir en aide à
elle-même, que le secours de Dieu arrive. Si nous voulons nous aussi recevoir
Jésus-Christ dans notre barque, c'est-à-dire lui offrir une habitation dans
nos cœurs, nous arriverons aussitôt au rivage où nous voulons aborder,
c'est-à-dire au ciel. —
Saint Bède : Mais cette barque ne porte
point d'hommes indolents, elle veut des rameurs vigoureux; c'est ainsi que
dans l'Eglise ce ne sont point les âmes molles et nonchalantes mais les âmes
fortes et qui persévèrent dans la pratique des bonnes œuvres qui parviennent
au port du salut éternel. |
Lectio 3 |
Versets 22-27 |
[86041] Catena in Io., cap. 6 l. 3 Chrysostomus
in Ioannem. Dominus, etsi turbis non manifeste ostenderit quomodo supra
mare ambulaverit, dedit tamen eis latenter suspicari quod factum erat; et hoc
Evangelista ostendit, dicens altera die turba quae stabat trans mare, vidit
quia navicula alia non erat ibi nisi una, et quia non introisset cum discipulis
suis Iesus in navim, sed soli discipuli eius abiissent. Quid enim hoc erat
aliud quam suspicari quod mare pede transiens, recesserat? Neque enim est
dicere quod in alia navicula pertransivit, quia una erat ibi tantum, in quam
ascenderunt discipuli eius, cum quibus ipse non intraverat. Augustinus in Ioannem. Insinuatum autem est illis
tam magnum miraculum. Venerunt ergo et aliae naves iuxta locum illum ubi
manducaverant panem, in quibus turbae eum secutae sunt; et hoc est quod
subditur aliae vero naves supervenerunt quaerentes eum. Chrysostomus in Ioannem. Sed tamen post miraculum
tam magnum venientes, non interrogaverunt eum qualiter pertransiit, neque
curaverunt tantum miraculum addiscere; sequitur enim et cum invenissent eum
trans mare, dixerunt ei : Rabbi, quando huc venisti? Nisi quis dicat hic
quando pro qualiter dictum esse ab eis. Dignum autem est et hinc conspicere
facilem eorum mentem : qui enim dicebant : hic est propheta; qui studebant
rapere et facere eum regem, invenientes eum, nihil tale consiliantur. Augustinus. Ecce enim ille qui in montem fugerat,
turbatus cum ipsis turbis loquitur. Modo teneant, modo regem faciant. Sed
ille post miraculi sacramentum et sermonem infert, et quorum satiavit panibus
ventrem, satiat sermonibus mentem. Alcuinus. Qui enim dedit exemplum fugiendae laudis
et terreni imperii, dat exemplum doctoribus qualiter debeant insistere
praedicationi. Chrysostomus in Ioannem. Mansuetudo autem et lenitas
non ubique est utilis; cum enim deses fuerit discipulus et grossus, stimulo
uti ad eum oportet; hoc et hic filius Dei facit : venientibus enim turbis et
blandientibus ei dicendo Rabbi, quando huc venisti? Ut ostendat quod eum, qui
ab hominibus est, honorem non concupiscit, sed solum inspicit eorum salutem,
redarguendo eis respondet, non solum corrigere volens, sed et mentem eorum
revelare; unde sequitur respondit eis Iesus, et dixit : amen, amen dico vobis
: quaeritis me, non quia vidistis signa, sed quia manducastis ex panibus, et
saturati estis. Augustinus. Quasi dicat : propter carnem me
quaeritis, non propter spiritum. Chrysostomus. Post reprehensionem autem doctrinam
eis adiungit, dicens operamini, non cibum qui perit, sed qui permanet in
vitam aeternam; quasi dicat : vos escam exquiritis temporalem; ego autem
corpora vestra nutrivi, ut per hoc exquireretis illam escam quae non
temporaneam, sed aeternam tribuit vitam. Alcuinus. Corporeus cibus carnem tantum reficit
exterioris hominis; et semel acceptus non sufficit, nisi quotidie accipiatur;
spiritualis autem cibus permanet in aeternum, et satietatem perpetuam
immortalitatemque largitur. Augustinus. Seipsum autem insinuat istum cibum, ut
in sequentibus illucescit; ac si dicat : quaeritis me propter aliud :
quaerite me propter me. Chrysostomus. Sed quia quidam, eo quod volunt pigre
nutriri, abutuntur hoc verbo, necessarium est inducere id quod est Pauli :
qui furabatur, iam non furetur; magis autem laboret operando manibus suis, ut
habeat unde tribuat necessitatem patienti. Sed et ipse Corinthum veniens morabatur
apud aquilam et Priscillam, et operabatur. Dicendo autem ne operemini cibum
qui perit, non insinuat quod oporteat pigritari, sed quod oporteat operari et
dare : hic enim est cibus qui non perit; operari autem cibum qui perit, est
affici saecularibus rebus. Hoc igitur dixit, quia illi nullam fidei curam
habuerunt, sed solum volebant ventrem implere, nihil laborantes : et hoc
decenter cibum qui perit vocavit. Augustinus. Sicut autem Samaritanae dixerat : si
scires qui petit a te bibere, postulasses ab eo, et daret tibi aquam vivam,
ita et hic subdit quem filius hominis vobis dabit. Alcuinus. Quando autem per manum sacerdotis corpus
Christi accipis, non sacerdotem quem vides, sed illum quem non vides attende.
Sacerdos est dispensator huius cibi, non actor. Filius hominis seipsum dat
nobis, ut nos in ipso et ipse in nobis maneat. Istum filium hominis nolite
sic accipere quasi alios filios hominum : sequestratus est enim quadam
gratia, et exceptus a numero omnium : iste enim filius hominis et Dei filius est;
et hoc est quod subdit hunc enim pater signavit Deus. Signare est signum
ponere; quasi dicat : nolite me contemnere, quia filius hominis sum : sic
enim sum filius hominis ut Deus pater me signaret, idest proprium aliquid
mihi daret, quo non confunderer cum genere humano, sed per me liberaretur
genus humanum. Hilarius de Trin. Signaculorum autem natura est ut
omnem impressae in se speciei explicent formam, et nihil minus ex eo in se
habeant unde signantur; et dum totum accipiunt quod imprimitur, totum ex se
praeferunt quidquid impressum est. Verbum igitur hoc ad divinae nativitatis
non proficit exemplum : quia in signaculis et materies fit, et diversitas, et
impressio, per quam mollioribus naturis, validiorum generum species
imprimuntur. Unigenitus vero Deus et per sacramentum salutis nostrae hominis
filius, volens proprietatis nobis paternae in se signare speciem, signatum se
a Deo ait, ut per hoc potestas in eo dandae ad aeternitatem escae intelligi
possit, quia omnem in se paternae formae plenitudinem signantis se Dei
contineret. Chrysostomus in Ioannem. Vel signavit, idest in hoc
misit hanc nobis afferentem escam; vel signavit, idest revelavit per suum
testimonium. Alcuinus. Mystice autem altera die, idest post
ascensionem Christi, turba, stans in bonis operibus, non iacens in terrenis
voluptatibus, expectat ut veniat ad eos Iesus. Una autem navis est una
Ecclesia : sed et aliae naves quae superveniunt, sunt conventicula
haereticorum, qui quae sua sunt quaerunt, non quae Iesu Christi; unde convenienter
eis dicitur quaeritis me, quia manducastis ex panibus. Augustinus. Quam multi etiam non quaerunt Iesum,
nisi ut illis benefaciat secundum tempus. Alius negotium habet, quaerit
intercessionem clericorum : alius premitur a potentiore, fugit ad Ecclesiam :
vix quaeritur Iesus propter Iesum. Gregorius Moralium. Per eorum etiam personam,
dominus illos intra sanctam Ecclesiam detestatur qui per sacros ordines ad
dominum propinquantes, non in eisdem ordinibus virtutum merita, sed subsidia
praesentis vitae exquirunt. Satiatos quippe de panibus dominum sequi, est de
sancta Ecclesia temporalia alimenta sumpsisse; et non pro signis dominum, sed
pro panibus quaerere, est ad religionis officium non pro augendis virtutibus,
sed pro requirendis subsidiis inhiare. Beda. Illi etiam qui in oratione quaerunt non
aeterna, sed temporalia, quaerunt Iesum non propter Iesum, sed propter
aliquid aliud. Significatur autem mystice quoniam haereticorum conventicula
carent hospitio Christi ac discipulorum eius; et dicuntur aliae supervenisse
naves, quia haereses repentinae fuerunt. Per turbam autem, quae cognovit quod
Iesus non erat ibi, neque discipuli eius, illi designantur qui cognoscentes
errores haereticorum, relinquunt eos, et ad veram fidem veniunt. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 43 sur Saint Jean). Notre
Seigneur n'a pas fait connaître clairement au peuple comment il avait marché
sur la mer, mais il le lui a laissé soupçonner à en juger par ces paroles de
l'Evangéliste : « Le lendemain, le
peuple qui était demeuré de l'autre côté de la mer, vit que Jésus n'était
point entré dans la seule barque qui était près du rivage avec ses disciples,
mais que les disciples seuls s’en étaient allés.» Cette manière de parler
indique que le peuple pouvait présumer que le Sauveur avait traversé la mer à
pied. Et on ne peut dire ici qu'il était monté dans une autre barque
puisqu'il n'y en avait qu'une seule dans laquelle ses disciples étaient
montés, sans que Jésus fût monté avec eux. —
Saint Augustin : (Traité 25 sur Saint Jean). Notre
Seigneur leur suggère donc l'idée de ce si grand miracle. D'autres barques
arrivèrent près du lieu où ils avaient mangé le pain [que le Sauveur leur
avait donné], et le peuple monta dans ces barques pour suivre Jésus : « D'autres barques suivirent, pour le
chercher ». —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 42). Et cependant après un
si grand miracle, ils ne lui demandent pas comment il a traversé la mer, ni
ne s’inquiètent de comprendre ce miracle : « Et l'ayant trouvé au-delà de la mer, ils lui dirent : Maître, quand
êtes-vous venu ici ? » A moins qu'on ne prenne ici le mot quand dans
le sens de comment. Il vaut la peine d’admirer ici leur habileté
remarquable; ils proclamaient précédemment que c'était un prophète, ils
s'étaient concertés pour l’enlever et le faire roi, ils le trouvent
aujourd'hui et ne lui découvrent rien de ce dessein. —
Saint Augustin : Voici celui qui s'était
enfui sur la montagne, [dans la crainte que le peuple ne le fît roi], qui
s'entretient maintenant avec le peuple, ils peuvent se saisir de sa personne
et le proclamer roi. Mais Jésus, après le miracle plein de mystère qu'il a
opéré, leur adresse ses enseignements, afin de nourrir de sa doctrine divine
l'âme de ceux dont il a nourri [miraculeusement] le corps. —
Alcuin : Celui qui nous a enseigné
par son exemple à fuir la louange et les honneurs de la terre, apprend
également aux docteurs comment ils doivent remplir le ministère de la
prédication. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 44). La mansuétude et la
douceur ne sont pas utiles en toutes circonstances ; lorsque vous avez
affaire à un disciple d'un esprit lent et peu ouvert encore, il faut le
presser avec l'aiguillon; c'est ce que fait ici le Fils de Dieu. La multitude
accourt à lui et cherche à le flatter en lui disant : « Maître, quand donc êtes-vous venu ici ? » et il ne répond
à cette question que par un reproche pour montrer qu'il ne désire nullement
l'honneur qui vient des hommes, mais qu'il ne cherche que leur salut, aussi
il ne se contente pas de blâmer leur conduite, il dévoile les pensées les
plus secrètes de leur cœur : « Jésus
leur répondit : En vérité, en vérité, je vous le dis, vous me cherchez non
parce que vous avez vu des miracles, mais parce que vous avez mangé des pains
et que vous avez été rassasiés.» —
Saint Augustin : C'est-à-dire : En me
cherchant, vous obéissez aux instincts de la chair, et non aux désirs de
l'esprit. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 44). Aux reproches Notre
Seigneur ajoute l'enseignement de la doctrine : « Travaillez pour avoir, non la nourriture qui périt, mais celle
qui demeure pour la vie éternelle. » C'est-à-dire : Vous cherchez la vie
matérielle et périssable, mais mon intention en nourrissant vos corps a été
de vous inspirer le désir de cette nourriture qui donne non point la vie du
temps, mais la vie éternelle. —
Alcuin : La nourriture matérielle
n'alimente et n'entretient que le corps, et encore n'atteint-elle ce but qu'à
la condition d'être renouvelée tous les jours, mais la nourriture spirituelle
demeure éternellement et nous donne une satiété perpétuelle et une vie qui
n'a d'autre terme que l'éternité. —
Saint Augustin : (Traité 25). Il fait pressentir
qu'il est lui-même cette nourriture comme il le déclarera plus ouvertement
dans la suite de son discours, et il semble leur dire : Vous me cherchez pour
toute autre chose que moi, cherchez-moi donc pour moi-même. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 44). Mais comme il en est
qui voudraient s'autoriser de ces paroles pour mener une vie toute de
paresse, il est nécessaire de leur rappeler ce que dit saint Paul : « Que celui qui dérobait ne dérobe plus,
mais qu'il s'occupe en travaillant des mains à quelque ouvrage bon et utile,
pour avoir de quoi donner à ceux qui sont dans l'indigence. » (Ep
4, 28). Et lui-même lorsqu'il vint à Corinthe, demeurait chez Aquila et
Priscille et travaillait de ses mains. (Ac 18) Ces paroles : « Ne travaillez pas pour avoir la
nourriture qui périt, » n'autorisent en aucune façon la paresse, mais
nous font un devoir de travailler et de distribuer [le fruit de notre travail].
C'est là en effet la nourriture qui ne périt pas, tandis que travailler pour
la nourriture qui périt, c'est être dominé par l'amour des choses de la
terre. Jésus leur tient ce langage parce qu'ils n'avaient aucun souci de la
foi, et qu'ils ne songeaient qu'à se rassasier sans travailler, c'est ce
qu'il appelle la nourriture qui périt. —
Saint Augustin : De même qu'il avait dit
précédemment à la Samaritaine : « Si
vous saviez quel est celui qui vous demande à boire, vous lui en auriez
demandé vous-même et il vous eût donné une eau vive. » Il ajoute ici : « cette nourriture que le Fils de l'homme vous
donnera. » —
Alcuin : Lorsque vous recevez le
corps de Jésus-Christ des mains du prêtre, faites attention non au prêtre que
vous voyez, mais à celui que vous ne voyez pas. Le prêtre n'est que le
dispensateur de cette nourriture, il n'en est pas l'auteur. Or le Fils de
l'homme se donne à nous, afin qu'il demeure en nous, et que nous demeurions
en lui. Ne considérez pas ce Fils de l'homme comme un des enfants ordinaires
des hommes, il en a été séparé par une grâce toute particulière qui l'a placé
en dehors de tous les autres; ce Fils de l'homme est tout ensemble le Fils de
Dieu, comme il le déclare dans ce qui suit : « Car c'est lui que le Père a marqué de son sceau. » Marquer d'un
sceau, c'est appliquer une marque, et Notre Seigneur semble dire :
Gardez-vous de me mépriser, parce que je suis le Fils de l'homme, car je suis
le Fils de l'homme marqué du sceau de Dieu le Père, c'est-à-dire qu'il a
imprimé sur moi un signe qui me distingue de tout le reste du genre humain,
et qui me constitue son libérateur. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 8) Les sceaux ont cette
propriété de reproduire parfaitement la figure dont ils portent l'empreinte,
et de la conserver néanmoins tout entière. Ils reçoivent cette empreinte
gravée à leur surface, et la reproduisent dans toute son intégrité. Cette
comparaison ne peut donc être appliquée à la génération divine, car dans les
sceaux il y a la matière, la différence [entre l'original et l'empreinte] et
l'impression qui reproduit sur une matière plus molle l'empreinte gravée sur
un métal plus dur. Mais lorsque le Fils unique de Dieu qui est devenu le Fils
de l'homme pour opérer le mystère de notre salut, dit qu'il a été marqué du
sceau de Dieu, il veut nous faire comprendre qu'il reproduit en lui la nature
du Père, et qu'il a le pouvoir de donner la nourriture qui renferme le germe
de la vie éternelle, parce qu'il contient la plénitude de la nature divine du
Père qui l'a marqué de son sceau. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 44). Ou bien encore il l'a
marqué de son sceau, c'est-à-dire il l'a comme désigné pour nous apporter
cette nourriture; ou enfin il l'a marqué de son sceau, c'est-à-dire il nous
l'a fait connaître par son témoignage. —
Alcuin : Dans le sens mystique, c'est
un jour prochain, c'est-à-dire après l'ascension de Jésus-Christ, que la
multitude, qui s'applique à la pratique des bonnes œuvres, et qui cesse
d'être esclave des plaisirs des sens, attend l'arrivée de Jésus. Cette seule
barque [qui est sur le rivage], c'est l'Eglise qui est une; les autres
barques qui surviennent sont les conventicules des hérétiques, qui
recherchent leurs propres intérêts, et non ceux de Jésus-Christ (Ph 2);
et c'est avec raison qu'il leur dit : «
Vous me cherchez, parce que vous avez mangé des pains. » —
Saint Augustin : (Traité 25 sur Saint Jean). Combien
en est-il encore qui ne cherchent Jésus que pour en obtenir des faveurs
temporelles ? L'un a une affaire, il vient réclamer l'appui du clergé, un autre
est opprimé par un homme puissant, il s'empresse de venir réclamer le secours
de l'Eglise; à peine s'en trouvent-ils qui cherchent Jésus pour lui seul. —
Saint Grégoire : (Moral., 23, 17 ou 20). Cette
multitude représente encore ceux qui, au sein même de la sainte Eglise,
s'attirent la haine de Dieu en recevant les ordres sacrés qui les rapprochent
de Dieu, sans s'occuper des vertus qu'exigent les saints ordres, et en n'y
cherchant qu'un moyen de subvenir aux besoins de la vie présente. On suit le
Seigneur pour le pain dont on a été rassasié, lorsqu'on ne demande à la
sainte Eglise que les biens et les aliments temporels; on le cherche à cause
des pains, et non pour ses miracles, lorsqu'on aspire au ministère sacré, non
pour y pratiquer la vertu dans un degré plus excellent, mais pour un intérêt
tout matériel. —
Saint Bède : Ceux encore qui demandent
dans leurs prières les biens temporels plutôt que les biens de l'éternité,
cherchent Jésus, non pour Jésus, mais pour toute autre chose. Nous
voyons ici, en figure, que les conventicules des hérétiques ne peuvent avoir
pour hôtes ni Jésus-Christ, ni ses disciples; ces autres barques qui
surviennent, ce sont les hérésies que l'on voit surgir tout d'un coup. Cette
foule qui reconnaît que ni Jésus ni ses disciples n'étaient là, représente
ceux qui, reconnaissant les erreurs des hérétiques, les abandonnent pour
venir embrasser la vraie foi. |
Lectio 4 |
Versets 28-34
|
[86042] Catena in Io., cap. 6 l. 4 Alcuinus.
Intellexerant escam istam quae permanet in vitam aeternam, esse opus Dei;
et ideo interrogant quid facerent, ut istum cibum, idest opus Dei, operari
possint; et hoc est quod dicitur dixerunt ergo ad eum : quid faciemus ut
operemur opera Dei? Beda. Idest, quae praecepta servando, poterimus
implere opera Dei? Chrysostomus in Ioannem. Hoc autem dicebant, non ut
discant et faciant; sed ad cibi exhibitionem eum inducere volentes. Theophylactus. Christus vero, quamvis cognosceret
quod eis nihil proderat, tamen propter communem utilitatem respondit, et
ostendit eis, immo omnibus hominibus, quod sit opus Dei; unde sequitur
respondit Iesus, et dixit eis : hoc est opus Dei, ut credatis in eum quem
misit ille. Augustinus in Ioannem. Non autem dicit : ut credatis
ei, sed ut credatis in eum : non enim continuo qui credit ei, credit in eum,
nam et Daemones credebant ei, et non credebant in eum; et nos credimus Paulo,
sed non in Paulum. Credere ergo in eum, est credendo amare, credendo
diligere, credendo in eum ire, et eius membris incorporari. Ipsa est fides
quam de nobis exigit Deus, quae per dilectionem operatur. Discernitur tamen
ab operibus fides, sicut dicit apostolus : iustificari hominem per fidem sine
operibus legis. Et sunt opera quae videntur bona sine fide Christi, et non
sunt bona, quia non referuntur ad eum finem ex quo sunt bona; finis enim
legis Christus ad iustitiam omni credenti; et ideo noluit discernere ab opere
fidem; sed ipsam fidem dixit esse opus Dei; ipsa est enim fides quae per
dilectionem operatur. Nec dixit : hoc est opus vestrum; sed hoc est opus Dei,
ut credatis in eum, ut qui gloriatur, in domino glorietur. Credere ergo in
eum, est manducare cibum qui permanet in vitam aeternam. Ut quid paras dentem
et ventrem? Crede, et manducasti. Quia ergo invitabat eos ad fidem, illi
adhuc quaerebant signa quibus crederent; Iudaei enim signa quaerunt; et hoc
est quod sequitur dixerunt ergo ei : quod ergo tu facis signum, ut videamus
et credamus tibi? Quid operaris? Chrysostomus. Nihil irrationabilius quam ut, signo
prae manibus existente, quasi nullo iam signo facto, hoc dicant. Neque
electionem signi fiendi domino permittunt; sed in necessitatem eum aestimant
ducere, ut nullum aliud faciat signum quam tale quale factum est in eorum
parentibus; unde subditur patres nostri manducaverunt manna in deserto. Alcuinus. Et ne videatur manna aliquo modo
contemnendum, auctoritate Psalmi illud extollunt, dicentes sicut scriptum est
: panem de caelo dedit eis manducare. Chrysostomus. Multis quidem factis signis et in
Aegypto, et in mari rubro, et in deserto, huius maxime meminerunt, quod valde
concupiscebant propter ventris tyrannidem. Neque autem dicunt quod Deus hoc
fecit, ne videantur eum exaequare Deo; neque Moysen inducunt, ut non
videantur Christum deprimere; sed medium ponunt dicentes patres nostri
manducaverunt manna. Vel aliter. Augustinus in Ioannem. Dominus Iesus talem se
dicebat ut se Moysi praeponeret : non enim est ausus Moyses de se dicere,
quod daret cibum qui non perit. Attendebant itaque quanta fecisset Moyses;
adhuc aliqua maiora volebant fieri; quasi dicant : tu promittis cibum qui non
perit, et non talia operaris qualia Moyses. Panes hordeaceos ille non dedit,
sed manna de caelo. Chrysostomus in Ioannem. Licebat autem domino
dicere, quoniam Moyse maiora miracula fecit; sed non erat tempus horum
verborum nunc; sed unum erat ad quod studebat, scilicet ducere eos ad escam
spiritualem; unde sequitur dicit ergo eis Iesus : amen, amen, dico vobis :
non Moyses dedit vobis panem de caelo, sed pater meus dat vobis panem de
caelo verum. An non ex caelo erat manna? Qualiter igitur ex caelo dicitur?
Sicut et volucres caeli dicuntur, et sicut dicitur : intonuit de caelo
dominus. Panem autem non verum vocavit illum, non quia falsum erat miraculum
de manna; sed quia figura erat, non veritas. Non dixit : non Moyses dedit,
sed ego; sed pro Moyse quidem Deum, pro manna vero seipsum posuit. Augustinus. Quasi diceret : illud manna hoc
significabat, scilicet cibum de quo paulo ante locutus sum; et omnia signa
mea erant. Signa mea dilexistis; quod significatur, contemnitis. Deus enim
dat panem quem significavit manna ipsum, scilicet dominum Iesum Christum;
unde sequitur panis enim verus est qui de caelo descendit, et dat vitam mundo.
Beda. Non quidem elementis, sed hominibus
habitatoribus mundi. Theophylactus. Seipsum dicit panem verum, quia
principale significatum per manna est unigenitus Dei filius, homo factus.
Manna namque interpretatur quid est hoc? Nam Iudaei videntes, stupefacti,
unus ad alium dicebant : quid est hoc? Filius autem Dei factus homo ipse est
potissimum admirativum manna, ita ut cuilibet contingat quaerere : quid est
hoc? Quomodo filius Dei, filius hominis est? Quomodo ex duabus naturis una
fit persona? Alcuinus. Qui per assumptam humanitatem descendit de
caelo, et per assumentem divinitatem dat vitam mundo. Theophylactus. Hic autem panis vita secundum naturam
existens, tamquam vivi patris filius, proprium opus facit, quia vivificat
cuncta. Sicut enim panis ex terra infirmam naturam carnis conservat, sic et
Christus per spiritus operationes vivificat animam, et etiam corpus
incorruptibile facit, nam per eius resurrectionem corporalis confertur
incorruptio; et ideo dicit quod dat vitam mundo. Chrysostomus. Non Iudaeis solum, sed orbi terrarum.
Illi vero inferius adhuc inspiciebant; unde sequitur dixerunt ergo ad eum :
domine, semper da nobis hunc panem. Dicente autem eo, quoniam pater meus dat
vobis panem, non dixerunt : roga ut det, sed da nobis. Augustinus. Sicut enim Samaritana, cui dictum est :
qui biberit de hac aqua, non sitiet unquam, secundum corpus accipiens, et
carere indigentia volens, da mihi, inquit, domine, de hac aqua, sic et isti
dicunt da nobis panem qui reficiat et non deficiat. |
—
Alcuin : Ils avaient compris que
cette nourriture, qui demeure pour la vie éternelle, c'était l'œuvre de Dieu,
et ils demandent ce qu'ils doivent faire pour travailler à se procurer cette
nourriture, c'est-à-dire pour opérer l'œuvre de Dieu : « Ils lui dirent donc : Que ferons-nous pour opérer les œuvres
de Dieu ? » —
Saint Bède : C'est-à-dire, quels
préceptes devrons-nous observer pour accomplir les œuvres de Dieu ? —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 45). Ils lui faisaient cette
question, non dans le dessein de s'instruire et d'agir en conséquence, mais
pour l'amener à reproduire le miracle de la multiplication des pains. — Théophylactus : Bien que Jésus-Christ connût parfaitement l'inutilité de ses
enseignements pour ce peuple [grossier], il ne laisse pas de lui répondre
pour l'utilité générale; et il lui apprend ainsi qu'à tous les hommes quelle
est cette œuvre de Dieu : « Jésus
répondit : L'œuvre de Dieu, c'est que vous croyiez en celui qu'il a envoyé. » —
Saint Augustin : (Traité 25). Il ne dit pas : C'est
que vous croyiez à lui, mais : « C'est
que vous croyiez en lui. » On peut croire à Jésus-Christ, sans croire
immédiatement en lui; ainsi les démons croyaient à Jésus-Christ, sans
cependant croire en lui; ainsi nous croyons à Paul, sans pour cela croire en
Paul. Croire en Jésus-Christ, c'est donc l'aimer en croyant, c'est unir la
foi à l'amour, c'est s'unir à lui par la foi et faire partie du corps [dont
il est le chef]. C'est la foi que Dieu exige de nous, et qui opère par la
charité. (Gal 5) Cependant la foi est distincte des œuvres, selon la
doctrine de l'Apôtre : « L'homme est
justifié par la foi, sans les œuvres de la loi. » (Rm 3, 28). Il
est des œuvres qui paraissent bonnes, quoique séparées de la foi en
Jésus-Christ, mais elles ne le sont pas en réalité, parce qu'elles ne se
rapportent pas à la fin qui les rend véritablement bonnes : « Car Jésus-Christ
est la fin de la loi, pour justifier tout homme qui croit. » (Rm 10)
Voilà pourquoi Notre Seigneur n'a pas voulu distinguer la foi des œuvres,
mais qu'il a déclaré que la foi est l'ouvrage de Dieu; car c'est la foi qui
opère par la charité. Et il ne dit pas : Votre œuvre, mais : « L'œuvre de Dieu est que vous croyiez en
lui, » afin que celui qui se glorifie, ne se glorifie que dans le
Seigneur. (2 Co 10, 17). Croire en lui, c'est donc manger la
nourriture qui demeure pour la vie éternelle. Pourquoi préparer vos dents et
votre estomac ? Croyez, et vous avez mangé. A cause de cette invitation
que le Sauveur leur fait de croire en lui, ils répondent en demandant de
nouveaux miracles pour appuyer leur foi; car c'est le propre des Juifs de
demander des miracles : « Ils lui
répartirent : Quel miracle faites-vous, pour que, le voyant, nous croyions en
vous ? » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 45). Rien de plus
déraisonnable à des hommes qui ont pour ainsi dire un miracle entre les
mains, que de tenir un pareil langage, comme s'ils n'avaient jamais été les
témoins d'aucun miracle. Ils ne laissent même pas au Sauveur le choix du
miracle, mais ils veulent le mettre dans la nécessité de n'opérer d'autre
prodige que celui qui a été fait en faveur de leurs ancêtres : « Nos pères ont mangé la manne dans
le désert. » —
Alcuin : Et pour ne point exposer
cette manne au mépris, ils la relèvent par l'autorité du Psalmiste en
ajoutant : « Ainsi qu'il est écrit
: Il leur a donné à manger le pain du ciel. » (Ps 77) —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 45). Parmi tant de miracles
que Dieu opéra dans l'Egypte, dans la mer Rouge, dans le désert, ils
rappellent de préférence le souvenir du miracle de la manne, dont la tyrannie
de leur ventre leur faisait désirer le retour. Remarquez qu'ils n'attribuent
point ce miracle à Dieu, pour ne point paraître égaler le Sauveur à Dieu, ils
ne présentent point non plus Moïse comme en étant l'auteur, parce qu'ils ne
veulent point humilier Jésus-Christ; ils échappent à cette double difficulté
en disant : « Nos pères ont mangé la manne dans le désert. » —
Saint Augustin : (Traité 25). Ou bien encore, Notre
Seigneur se posait comme supérieur à Moïse, car jamais Moïse n'osa dire de
lui qu'il donnait la nourriture qui ne périt point. Au souvenir donc des grands
miracles opérés par Moïse, ils en voulaient de plus grands encore, et
semblaient dire au Sauveur : Vous promettez la nourriture qui ne périt point,
et vous êtes loin de faire des miracles semblables à ceux de Moïse, ce ne
sont point des pains d'orge qu'il a donnés au peuple de Dieu, mais la manne
qui tombait du ciel. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 45). Notre Seigneur aurait
pu leur répondre que Moïse avait fait de plus grands miracles [que celui de
la manne]; mais ce n'était pas le moment de leur parler de la sorte, il
n'avait en vue qu'une seule chose, c'était de leur inspirer le désir de la
nourriture spirituelle : « Jésus leur répondit donc : En
vérité, en vérité, je vous le dis, Moïse ne vous a point donné le pain du
ciel, mais c’est mon Père qui vous donne le vrai pain qui vient du ciel.» La manne ne venait donc point du ciel ?
[si l'Ecriture dit qu'elle venait du ciel], c'est dans le même sens qu'elle
appelle les oiseaux, les oiseaux du ciel (Ps 8), et qu'elle dit
ailleurs : « Le Seigneur a tonné du
haut du ciel. » (Ps 17; Qo 46). Le Sauveur dit que la manne
n'était pas un pain véritable, non pas que la manne ne fût vraiment
miraculeuse, mais parce que c'était une figure et non la vérité. Remarquez
encore qu'il ne dit pas : Moïse ne vous a pas donné, mais c’est moi (qui
vous ai donné) ; c'est Dieu qu'il oppose à Moïse, et il se met lui-même
à la place de la manne. — Saint Augustin : (Traité 25). Voici le vrai sens des paroles du Sauveur : La manne était symbolique :
le symbole de la nourriture dont je viens de vous parler, et toutes ces
choses étaient des figures de la vérité qui devait s'accomplir en moi; vous vous
appréciez mes miracles, et vous n'avez que du mépris pour ce qu’ils
signifient. C'est Dieu, en effet, qui donne le pain figuré par la manne,
c'est-à-dire Notre Seigneur Jésus-Christ : « Car le pain véritable est celui qui descend du ciel et donne la vie
au monde. » —
Saint Bède : Le monde doit s'entendre ici
non pas des éléments qui le composent, mais des hommes qui l'habitent. — Théophylactus : Notre Seigneur déclare qu'il est le pain véritable, parce que le
premier et le principal objet figuré par la manne, c'était le Fils unique de
Dieu fait homme. Le mot manne signifie en effet : Qu'est-ce que cela ?
Car les Juifs ayant vu la manne tomber du ciel, se disaient l'un à l'autre
dans leur étonnement : « Quelle
chose est-ce là ? » (Ex 16) Or, le Fils de Dieu fait homme est
par-dessus tout cette manne, objet d'étonnement pour les Juifs, qui se
demandaient aussi les uns les autres : « Qu'est-ce que cela veut dire ?
Comment le Fils de Dieu peut-il être le Fils de l'homme ? Comment deux
natures ne forment-elles qu'une seule personne ? » — Alcuin : Il est descendu des cieux en
se revêtant de notre humanité, et c'est la divinité qui s'en est revêtue qui
donne la vie au monde. —
Théophylactus : Ce pain, qui de sa nature est la vie, parce qu'il est le Fils du Dieu
vivant, fait l'œuvre qui lui est propre, en donnant la vie à tout ce qui
existe; de même, en effet, que le pain matériel conserve notre faible vie corporelle,
ainsi Jésus-Christ donne la vie à l'âme par les secrètes opérations de
l'Esprit. Il communique même au corps un principe d'incorruptibilité, qu'il
lui assure par sa résurrection, et c'est en ce sens qu'il donne la vie au
monde. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 45). Et ce n'est pas
seulement aux Juifs, mais à tous les hommes répandus sur la surface de la
terre. Mais ceux qui l'écoutaient ne portaient pas encore leurs pensées si
haut : « Ils lui dirent donc :
Seigneur, donnez-nous ce pain. » Il vient de leur déclarer que c'était
son Père qui leur donnait ce pain, et ils ne lui disent pas : Priez-le de
nous le donner, mais : « Donnez-nous ce
pain. » — Saint Augustin : [référence à
vérifier] À
l'exemple de la Samaritaine, qui avait pris dans un sens matériel ces paroles
du Sauveur : « Celui qui boira de cette
eau n'aura jamais soif, » et qui lui disait pour se mettre à l'abri du
besoin : « Donnez-moi de cette eau », les Juifs disent à Jésus : « Donnez-nous toujours ce pain »
pour qu’il nous soutienne et ne nous fasse jamais défaut. » |
Lectio 5 |
Versets 35-49
|
[86043] Catena in Io., cap. 6 l. 5 Chrysostomus
in Ioannem. De reliquo dominus in mysteriorum traditionem eos inducturus
est; et primo de deitate sua loquitur; unde dicitur dixit autem eis Iesus :
ego sum panis vitae. Non enim hoc de corpore eius dictum est; de illo enim in
fine dicit : panis quem ego dabo caro mea est. Sed interim de divinitate
loquitur : etenim caro propter domini verbum panis est, quod spiritum ipsum
suscipienti panis caelestis fit. Theophylactus. Non autem dixit ego sum panis
nutrimenti, sed vitae : quia enim cuncta mortifera erant, vivificavit nos
Christus per seipsum. Est autem panis non consuetae vitae, sed illius quae
morte non resecatur; unde subditur qui venit ad me, non esuriet; et qui
credit in me, non sitiet in aeternum. Augustinus in Ioannem. Qui venit ad me, hoc est qui
credit in me; et quod dixit non esuriet, hoc intelligendum est : et non
sitiet unquam; utroque enim significatur aeterna illa satietas, ubi nulla est
egestas. Theophylactus. Vel non sitiet neque esuriet; idest,
ad verbum Dei audiendum neque taediosus efficietur, neque sitiet siti
intellectuali : quasi non habeat aquam Baptismi et sanctificationem per
spiritum factam. Augustinus. Panem igitur de caelo desideratis : ante
vos habetis, sed non manducatis; unde sequitur sed dixi vobis quia vidistis
me et non credidistis. Alcuinus. Quasi dicat : non ideo hoc dixi quod vos
sciam hoc pane satiandos, sed potius ad improperium vestrae incredulitatis
dico, quia videtis et non creditis. Chrysostomus. Vel per hoc quod dicit dixi vobis,
insinuat testimonium Scripturarum, de quo dixerat : illae sunt quae
testimonium perhibent de me. Et iterum dixerat : quoniam veni in nomine
patris mei, et non suscepistis me. Hoc autem quod dicit quia vidistis me,
signa occulte insinuat. Augustinus. Sed non ideo ego populum Dei perdidi,
quia vos vidistis et non credidistis; unde sequitur omne quod dat mihi pater,
ad me veniet, et eum qui venit ad me, non eiiciam foras. Beda. Absolute dicit omne, ut ostenderet
plenitudinem fidelium. Hi autem sunt quos pater dat filio, quando per
occultam inspirationem facit eos credere in filium. Alcuinus. Quemcumque ergo pater traxerit ad hoc ut
credat in me, veniet per fidem ad me, ut mihi iungatur; et eum qui passibus
fidei et bonae operationis veniet ad me, non eiiciam foras; idest, in secreto
purae conscientiae mecum morabitur, et tandem recipiam eum in aeterna
beatitudine. Augustinus. Illud enim intus, unde non exitur foras,
est magnum penetrale et dulce secretum, sine taedio, sine amaritudine malarum
cogitationum, sine interpellatione tentationum et dolorum; de quo dicitur :
intra in gaudium domini tui. Chrysostomus. Per hoc autem quod dicit quod dat mihi
pater, ostendit quoniam non contingens res est credere in Christum, neque
cogitationibus humanis perficitur; sed ea quae desuper revelatione indiget,
et anima devota suscipiente revelationem : unde non sunt ab accusatione eruti
quibus non dat pater; indigemus enim et ea quae ex nobis est voluntate ad
credendum. Per hoc autem tangit incredulitatem eorum, ostendens quoniam qui
non credit ei, voluntatem transgreditur patris. Paulus autem ait quod ipse
eos tradiderit patri : cum tradiderit regnum Deo et patri. Sicut igitur pater
dans non privat seipsum, sic nec filius tradens. Dicitur autem filius
tradere, quoniam per eum ad patrem adducimur. Et de patre dictum est : per
quem vocati estis in societatem filii eius. Sic igitur qui venit ad me
salvabitur, quia pro his veni et carnem assumpsi; unde sequitur quia descendi
de caelo, non ut faciam voluntatem meam, sed voluntatem eius qui misit me.
Quid dicis? Alia sunt tua, et quae illius? Ne igitur hoc aliquis suspicetur,
subiunxit haec est autem voluntas eius qui misit me, ut omnis qui videt
filium et credit in eum, habeat vitam aeternam. Per hoc autem et filius vult,
quia filius quos vult vivificat. Quid est igitur quod dicit? Non aliud
acturus veni quam quod pater vult, quasi non habens divisam voluntatem a
patre : omnia enim quae patris sunt, mea sunt. Sed hoc non dixit; sed in fine
reservat; excelsa enim interim occultat. Augustinus in Ioannem. Vel aliter. Quare non eiciat
foras, subiungit dicens quia descendi de caelo, non ut faciam voluntatem
meam, sed voluntatem eius qui misit me. Propterea enim anima a Deo exiit,
quia superba erat. Superbia enim eiecti sumus, humilitate regredimur. Medicus
enim quando aegritudinem discutit, si curet quod per aliquam causam factum
est, et ipsam causam non curet, ad tempus videtur mederi, sed causa manente,
morbus repetitur. Ut ergo causa omnium morborum curaretur, idest superbia,
descendit, et humilis factus est filius Dei. Quid superbis, homo? Filius Dei
propter te humilis factus est. Puderet te fortasse imitari humilem hominem;
saltem imitare humilem Deum : haec est enim commendatio humilitatis. Non veni
facere voluntatem meam, sed voluntatem eius qui misit me : superbia quippe
facit voluntatem suam, humilitas voluntatem Dei. Hilarius de Trin. Non igitur hoc dicit quia faciat
quod non velit; sed obedientiam suam sub effectu paternae voluntatis
ostendit, volens ipse voluntatem patris explere. Augustinus. Ideo ergo qui ad me venerit, non eiciam
eum foras, quia non veni facere voluntatem meam. Humilis veni humilitatem
docere : qui ad me venit incorporatur mihi et humilis fit, quia non faciet
voluntatem suam, sed Dei; et ideo non eicitur foras, quia cum superbus esset,
proiectus est foras, ad me enim venire non potest nisi humilis : non mittitur
foras nisi superbia; qui servat humilitatem, non labitur a veritate. Quare
autem ideo non eiciat foras qui venit ad illum, quia non venit facere
voluntatem suam, ostendit cum subdit haec est enim voluntas eius qui misit me
patris, ut omne quod dedit mihi pater non perdam ex eo. Ipse illi datus est
qui servat humilitatem. Non est voluntas in conspectu patris, ut pereat unus
de pusillis. De tumentibus potest perire, de pusillis nihil perit : quia nisi
fueritis sicut pusillus iste, non intrabitis in regnum caelorum. Augustinus de correptione et gratia. Qui ergo in Dei
providentissima dispositione praesciti, praedestinati, vocati, iustificati,
glorificati sunt, etiam nondum renati, sed et nondum nati, iam filii Dei sunt
et omnino perire non possunt : hi enim vere veniunt ad Christum. Ab illo ergo
datur etiam perseverantia in bono usque in finem : neque enim datur nisi eis
qui non peribunt : quoniam qui non perseverant peribunt. Chrysostomus in Ioannem. Per hoc autem quod dicit
non perdam ex eo, non ostendit se indigere eorum cura; sed hoc dicit propter
eorum salutem. Postquam autem dixerat : non perdam ex eo et non eiiciam
foras, subiungit sed resuscitem eum in novissimo die : quia in resurrectione
communi mali eicientur, secundum illud : tollite eum, et eiicite eum in
tenebras exteriores. Ipsi etiam perdentur, secundum illud : qui potest animam
et corpus perdere in Gehennam. Ideo autem multoties resurrectionem inducit,
ut non ex solis rebus praesentibus iudicent Dei providentiam, sed aliam
expectent vitam. Augustinus in Ioannem. Videte autem quemadmodum et
hic geminam illam resurrectionem designet. Qui venit ad me, modo resurget
humilis factus in membris meis. Sequitur autem sed resuscitabo illum in
novissimo die. Ad exponendum autem quod dixerat : omne quod dedit mihi pater,
et iterum quod dixerat : non perdam ex eo, subiungit haec est enim voluntas
patris mei qui misit me, ut omnis qui videt filium et credit in eum, habeat
vitam aeternam. Superius dixit : qui audit verbum meum, et credit ei qui
misit me; modo autem : qui videt filium et credit in eum. Non dixit : et
credit in patrem : hoc est enim credere in filium, quod et in patrem : quia
sicut pater habet vitam in semetipso, sic dedit et filio vitam habere in
semetipso ut sic omnis qui videt filium et credit in eum, habeat vitam
aeternam, credendo et transeundo ad vitam, tamquam prima illa resurrectione;
et quia ipsa non est sola, subiungit de secunda et ego resuscitabo eum in
novissimo die. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 45 sur Saint Jean). Notre-Seigneur,
sur le point d'initier les Juifs à la connaissance de ses mystères, commence
par établir sa divinité et leur dit : «
Je suis le pain de vie, » paroles qui ne s'appliquent point à son corps,
dont il dira plus tard : « Le pain que
je donnerai, c'est ma chair. » Il leur parle donc de sa divinité, car
c'est par suite de son union avec le Verbe que la chair est un véritable pain
qui devient le pain du ciel pour celui qui reçoit l'Esprit lui-même. — Théophylactus : Il ne dit point : Je suis le pain qui sert d'aliment, mais : « Je suis le pain de vie.» Tout
était devenu la proie de la mort, et c'est par lui-même que Jésus-Christ nous
a rendu la vie; et la vie que ce pain soutient et alimente n'est pas cette
vie à laquelle nous sommes habitués, mais la vie sur laquelle la mort n'a
aucun empire. C'est pour cela qu'il ajoute : « Celui qui vient à moi, c'est-à-dire, celui qui croit en moi n'aura
jamais soif. » — Saint Augustin : [référence à
vérifier] « Celui qui vient à
moi », c’est
la même chose que « celui qui
croit en moi ».Ces paroles : « Il
n'aura jamais faim, » doivent être entendues dans le même sens que ces
autres : « II n'aura jamais soif,
» elles expriment ce rassasiement éternel qui ne laisse place à aucun
besoin. —
Théophylactus : Ou bien il n'aura jamais ni faim ni soif, c'est-à-dire, qu'il
n'éprouvera jamais aucun dégoût pour entendre la parole de Dieu, et qu'il ne
souffrira jamais de la soif spirituelle, comme ceux qui n'ont point été
régénérés dans l'eau du baptême et qui n'ont point été sanctifiés par
l'Esprit saint. —
Saint Augustin : (Traité 25). Vous désirez donc le
pain du ciel que vous avez devant vous, mais vous ne le mangez pas. « Je vous l'ai dit, vous m'avez vu et
vous ne croyez point. » —
Alcuin : Comme s’il disait : Si
je m'exprime de la sorte, ce n'est pas que j'espère que vous chercherez à
vous rassasier de ce pain, mais c'est bien plutôt pour condamner votre
incrédulité, puisque, tout en me voyant, vous refusez de croire en moi. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 45). Ou bien, Notre Seigneur
fait ici allusion au témoignage des Ecritures dont il a dit plus haut : « Les Ecritures rendent témoignage de
moi » ; et encore à ces autres paroles : « Je suis venu au nom de mon Père, et vous ne m'avez pas reçu, ».
Quant à ce qu'il leur dit ici : « Parce
que vous m'avez vu et vous n'avez pas cru », il veut parler en
termes couverts des miracles [qu'il a opérés sous leurs yeux]. —
Saint Augustin : (Traité 25). Cependant je n'ai point
perdu le peuple de Dieu tout entier, parce que vous avez vu et que vous
n'avez pas cru : « Car tout ce que
me donne mon Père viendra à moi, et celui qui vient à moi je ne le rejetterai
pas dehors. » —
Saint Bède : Il dit en termes absolus : « Tout ce que me donne mon Père, »
c'est-à-dire la plénitude des fidèles. Ce sont ceux que le Père donne au
Fils, lorsque, par une inspiration secrète, il les fait croire au Fils. —
Alcuin : Celui donc que le Père
attire à la foi qui le fait croire en moi, viendra à moi par la foi pour
entrer en union avec moi, et je ne rejetterai pas dehors celui que les pas de
la foi et des bonnes œuvres conduiront jusqu'à moi, c'est-à-dire qu'il
demeurera avec moi dans le secret d'une conscience pure, et je finirai par le
recevoir dans l'éternelle béatitude. —
Saint Augustin : (Traité 25). Cette retraite
intérieure, d'où l'on n'est point chassé dehors, est un sanctuaire profond et
une douce solitude sans aucun ennui, sans l'amertume des mauvaises pensées,
sans les agitations des tentations et des douleurs, et c'est de cette
retraite intérieure que Notre Seigneur a voulu parler lorsqu'il dit : « Entrez dans la joie de votre maître. » (Mt 25) —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 45). Ces expressions : «
Tout ce que me donne mon Père, » prouvent que la foi en
Jésus-Christ n'est point une chose facile, ni qui soit l'œuvre exclusive de
notre volonté, elle demande en même temps une révélation supérieure et une
âme sincèrement disposée à recevoir cette révélation. Il suit de là que ceux
à qui le Père ne donne point cette grâce ne sont pas à l'abri de toute
accusation, car nous avons aussi besoin de ce qui tient à notre volonté pour
croire. Notre Seigneur condamne en même temps leur incrédulité, en montrant
que celui qui ne croit point en lui va contre la volonté de son Père. Saint
Paul dit de son côté que c'est lui-même qui donne les fidèles à son Père : « Ensuite viendra la fin de toutes choses,
lorsqu'il aura remis son royaume à Dieu son Père. » (1 Co 15, 24).
Le Père, lorsqu'il donne, ne se dépouille pas de ce qu'il donne, il en est de
même du Fils; et s'il est dit de lui qu'il nous remet entre les mains
de son Père, parce que c'est lui qui nous amène à son Père; il est aussi
écrit du Père : « C'est par lui
que nous avons été appelés dans la société de son Fils. » (1 Jn 1)
Celui donc qui croit en moi sera sauvé, car c'est pour les hommes que je suis
venu sur la terre, et que je me suis incarné : « Je suis descendu du ciel, non pour faire ma volonté, mais pour
faire la volonté de celui qui m'a envoyé. » Quoi donc ! est-ce que
votre volonté est différente de celle de Dieu ? Pour que personne ne
soupçonne une chose pareille, Notre Seigneur ajoute : « Or, la volonté de mon Père, qui m'a
envoyé, est que, quiconque voit le Fils et croit en lui, ait la vie éternelle
» ; donc c'est aussi la volonté du Fils, puisque le Fils donne la
vie à ceux qu'il veut. Tel est donc le sens de ces paroles : Je ne suis point
venu faire autre chose que ce que veut le Père, et je n'ai point d'autre
volonté que la sienne : « Car tout ce qui est à mon Père, est également
à moi » ; ce qu'il
réserve de dire à la fin de son discours, car il voile de temps en temps les
vérités trop élevées [pour l'intelligence de ses auditeurs]. —
Saint Augustin : (Traité 25). Ou bien encore, le
Sauveur donne ici la raison pour laquelle il ne rejette pas dehors celui qui
vient à lui : « C'est parce que je
suis descendu du ciel, non pour faire ma volonté, mais pour faire la volonté
de celui qui m'a envoyé. » L'âme est sortie de Dieu, parce qu'elle était
orgueilleuse, c'est par l'orgueil que nous avons été chassés dehors, c'est
par l'humilité seule que nous pouvons rentrer. Lorsqu'un médecin qui
entreprend la guérison d'une maladie, guérit la maladie elle-même, sans
guérir la cause qui l'a produite, la guérison n'est que momentanée, et le mal
revient puisque la cause demeure. Or, c'est pour guérir la cause de toutes
les maladies, c'est-à-dire, l'orgueil, que le Fils de Dieu est descendu des
cieux, et qu'il s'est profondément humilié. Pourquoi donc vous enorgueillir,
ô homme ? C'est pour vous que le Fils de Dieu s'est réduit à cet état
d'humiliation. Peut-être rougirez-vous d'imiter l'exemple de l'humilité qui
vous serait donné par un homme, imitez-le du moins quand cet exemple vous est
donné par un Dieu, qui vous recommande si hautement l'humilité en vous disant
: « Je suis venu, non pour faire ma
volonté, mais pour faire la volonté de celui qui m'a envoyé. » L'orgueil,
en effet, ne veut faire que sa volonté, l'humilité, au contraire, fait la
volonté de Dieu. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 3) En s'exprimant de la
sorte, le Sauveur ne veut point dire qu'il fait ce qu'il ne voudrait pas,
mais il fait paraître son obéissance dans sa soumission à la volonté de son
Père, volonté qu'il veut accomplir dans toute sa perfection. —
Saint Augustin : (Traité 25). Celui-là donc qui
viendra à moi, je ne le rejetterai pas dehors, parce que je ne suis pas venu
pour faire ma volonté; humble moi-même, je suis venu enseigner l'humilité;
celui qui vient à moi s'unit et s'incorpore à moi et se fait humble, parce
qu'il ne fait pas sa volonté, mais celle de Dieu, et c'est pour cela qu'il ne
sera pas jeté dehors, car l'orgueil seul l'avait chassé dehors. On ne peut
venir à moi qu'à la condition d'être humble, et on n'est rejeté dehors que
par l'orgueil : celui qui pratique l'humilité ne tombe jamais des hauteurs de
la vérité. Mais pour quelle raison ne jette-t-il pas dehors celui qui vient à
lui, parce qu'il n'est pas venu faire sa volonté ? La voici : « Car la volonté de mon Père qui m'a
envoyé, est que je ne perde aucun de ceux qu'il m'a donnés. » Celui qui
est donné à Jésus-Christ est celui qui est resté fidèle à la pratique de
l'humilité : « Votre Père qui est
dans les cieux ne veut pas qu'il se perde un seul de ces petits. » (Mt 18, 14). Il en peut périr
parmi les orgueilleux, mais aucun de ceux qui sont petits ne périt, car il
faut devenir semblable à ce petit pour entrer dans le royaume des cieux. (Mt
18, 3-5). —
Saint Augustin : (de la correct, et de la
grâce, chap.
9) Ceux donc, qui dans les décrets de la providence de Dieu, ont été prévus,
prédestinés, appelés, justifiés, glorifiés, sont déjà enfants de Dieu, avant
leur seconde naissance et même avant la première, et il est impossible qu'ils
périssent, parce qu'ils sont véritablement venus à Jésus-Christ. C'est lui
donc qui leur donne la persévérance finale dans le bien, car elle n'est
donnée qu'à ceux qui ne doivent point périr. Quant à ceux qui ne persévèrent
point, leur perte est certaine. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 45 sur Saint Jean). Lorsque
Notre Seigneur dit : « Je ne
perdrai aucun d'eux », ce n'est pas qu'il ait besoin d'eux, mais en
s'exprimant de la sorte, il fait voir le désir qu'il a de leur salut. Après
avoir dit : « Je n'en perdrai
aucun, et je ne le jetterai pas dehors », il ajoute : « Mais je le ressusciterai au dernier
jour. » C'est qu'en effet, à la résurrection générale, les méchants
seront jetés dehors, selon ces paroles du Sauveur : « Prenez-le, et jetez-le dans les ténèbres extérieures. » (Mt
22 et 25) Vérité que confirment ces autres paroles : « Lui qui peut précipiter dans la géhenne l'âme et le corps. »
(Mt 10) Il ramène souvent la pensée de la résurrection, pour que les
hommes ne jugent pas la conduite de la Providence divine par les seules
choses présentes, et pour qu'ils vivent dans l'attente d'une autre vie. —
Saint Augustin : (Traités 23 et 25). Voyez comme il
parle ici en termes précis de cette double résurrection : « Celui qui vient à
moi ressuscite dès maintenant, en partageant l'humilité de mes membres » ;
et de plus : « Je le ressusciterai
au dernier jour. » Pour expliquer davantage ce qu'il venait de dire : « Tout ce que mon Père m'a donné », et
encore : « Je ne perdrai aucun
d'eux. » Notre Seigneur ajoute : « Telle
est la volonté de mon Père qui m'a envoyé, que quiconque voit le Fils et
croit en lui, ait la vie éternelle. » Il avait dit précédemment : « Celui qui écoute ma parole et qui croit
à celui qui m'a envoyé. » Ici au contraire : « Celui qui voit le Fils et qui croit en lui. » Il ne dit point :
Et qui croit dans le Père, parce que croire dans le Fils et croire dans le
Père, sont une seule et même chose; car de même que le Père a la vie en
lui-même, il a donné au Fils d'avoir la vie en lui-même; et ainsi celui qui
voit le Fils et qui croit en lui, a la vie éternelle, en arrivant par la foi
à la vie qui est comme la première résurrection. Mais cette première
résurrection n'est pas la seule, aussi Notre Seigneur ajoute : « Et je le ressusciterai au dernier jour.
» |
Lectio 6 |
Versets 41-46 |
[86044] Catena in Io., cap. 6 l. 6 Chrysostomus in
Ioannem. Iudaei existimantes se comestione carnali potiri, non
turbabantur, usquequo postea diffisi sunt; unde dicitur murmurabant ergo
Iudaei de illo, quia dixisset : ego sum panis vivus, qui de caelo descendi.
Videbantur quidem turbari in hoc quod dixerat eum de caelo descendisse; sed
non hoc erat quod turbationem faciebat, sed hoc quod non expectabant potiri
mensa corporali. Adhuc tamen eum venerabantur, quia recens erat signum; et
propterea non manifeste ei contradicebant, sed murmurando suam turbationem
ostendebant. Quid autem murmurando dixerint subditur et dicebant : nonne hic
est Iesus filius Ioseph, cuius novimus patrem et matrem? Quomodo ergo dicit
hic : quia descendi de caelo? Augustinus in Ioannem. Longe autem isti erant a pane
de caelo, nec eum esurire noverant : panis enim iste interioris hominis
quaerit esuriem. Chrysostomus. Manifestum est enim quoniam mirabilem
eius nondum sciverant generationem; propterea eum adhuc filium Ioseph dicunt.
Sed non increpantur : non enim respondit eis : non sum filius Ioseph, quia
non poterant illum mirabilem partum audire. Si vero eum qui secundum carnem,
non poterant manifeste audire, multo magis nec superiorem ineffabilem. Augustinus. Ab hominibus enim carnem assumpsit, sed
non more hominum : nam patrem habens in caelo, matrem elegit in terra, et
illic natus sine matre, et hic sine patre. Quid ergo talibus murmurantibus
respondit subditur respondit ergo Iesus, et dixit eis : nolite murmurare
invicem; quasi dicat : scio quare non esuritis sic, ut istum panem non
intelligatis neque quaeratis. Nemo potest venire ad me, nisi pater qui misit
me traxerit illum. Magna gratiae commendatio : nemo venit nisi tractus. Quem
trahat et quem non trahat, quare illum trahat et illum non trahat, noli velle
iudicare, si non vis errare. Semel accipe, et intellige; si non traheris, ora
ut traharis. Chrysostomus. Hic autem insiliunt Manichaei
dicentes, quoniam nihil in nobis est positum. Sed hoc non quod in nobis est
destruit, sed ostendit nos divino auxilio indigentes : ostendit enim hic non
eum qui invitus venit, sed eum qui multam patitur oppugnationem. Augustinus. Sed si inviti trahimur ad Christum,
inviti credimus; ergo violentia adhibetur, non voluntas excitatur. Sed
intrare quisquam Ecclesiam potest nolens; credere non potest nisi volens;
corde enim creditur ad iustitiam. Si ergo invitus venit qui trahitur, non
credit; si non credit, non venit : non enim ad Christum ambulando currimus,
sed credendo; nec motu corporis, sed voluntate cordis accedimus : ergo
voluntate traheris. Quid est autem trahi voluntate? Delectare in domino, et
dabit tibi petitiones cordis tui. Est quaedam voluptas cordis, cui dulcis est
panis ille caelestis. Porro si poetae dicere licuit : trahit sua quemque
voluptas, quanto fortius nos dicere debemus trahi hominem ad Christum, qui
delectatur veritate, beatitudine, iustitia, sempiterna vita, quod totum
Christus est? An vero habent corporis sensus voluptates suas, et animus
deseritur a voluptatibus suis? Da amantem, desiderantem, ferventem, fonti
aeternae patriae suspirantem; et scit quid dicam. Sed quare voluit dicere
quem traxerit pater? Si trahendi sumus, ab illo trahamur cui dicit quaedam
quae diligit : trahe me post te. Sed quid intelligi voluit advertamus. Trahit
pater ad filium eos qui propterea credunt in filium, quia eum cogitant patrem
habere Deum. Deus enim pater aequalem sibi genuit filium : et qui cogitat,
atque in fide sua sentit, ac ruminat aequalem esse patri eum in quem credit,
ipsum trahit pater ad filium. Arius credidit creaturam : non eum traxit
pater. Photinus dicit : homo solum est Christus. Qui sic credit, non eum
pater trahit. Traxit Petrum qui dixit : tu es Christus filius Dei vivi; unde
ei dictum est : non tibi revelavit caro et sanguis, sed pater meus qui in
caelis est. Ista revelatio ipsa attractio est. Si enim qui inter delicias terrenas
revelantur amantibus, trahunt, non trahet revelatus Christus a patre? Quid
enim fortius desiderat anima quam veritatem? Sed hic homines esuriunt, ibi
saturabuntur; ideo subiecit et ego resuscitabo eum in novissimo die : quasi
dicat : saturabitur eo quod et hic sitit, in resurrectione mortuorum, quoniam
ego resuscitabo eum. Augustinus de quaest. Nov. et Vet. Testam. Vel
attrahit pater ad filium per opera quae faciebat per illum. Chrysostomus in Ioannem. Non parva dignitas filii,
si pater adducit; et ipse suscitat, non dividens ad patrem opera, sed
ostendens parilitatem virtutis. Deinde ostendit modum secundum quem pater
trahit, dicens scriptum est in prophetis : et erunt omnes docibiles Dei.
Vides fidei dignitatem; quoniam non ab hominibus, neque per homines, sed ab
ipso Deo eam debeant addiscere. Magister enim praesidet omnibus paratus
existens sua tribuere, ad omnes suam doctrinam effundens. Si autem erunt
omnes docibiles Dei, qualiter quidam non credunt? Quia hoc de pluribus dictum
est, sive quoniam omnes qui volunt. Augustinus de Praedest. Sanct. Vel aliter. Sicut
integre loquimur cum de aliquo litterarum magistro qui in civitate solus est,
dicimus : omnes iste hic litteras docet : non quia omnes discunt, sed quia
nemo nisi ab illo discit quicumque ibi litteras discit; ita recte dicimus :
omnes Deus docet venire ad Christum, non quia omnes veniunt, sed quia nemo
aliter venit. Augustinus in Ioannem. Vel aliter. Omnes regni
illius homines docibiles erunt Dei, non ab hominibus audient : et si hic ab
hominibus audiunt, tamen quod intelligunt, intus datur. Strepitum verborum
ingero auribus vestris, nisi revelet ille qui intus est. Quomodo ergo, o
Iudaei, me potestis agnoscere, quos pater non docuit? Beda. Dicit autem pluraliter in prophetis, quia
omnes prophetae uno eodemque spiritu repleti, licet diversa prophetarent,
tamen ad idem tendebant : quapropter cum quovis eorum omnes alii
concordabant, sicut cum Ioele propheta, qui dicit : erunt omnes docibiles Dei.
Glossa. Hoc in Ioele non invenitur, sed aliquid
simile : dicitur enim ibi : filii Sion, exultate et laetamini in domino Deo
nostro : quia dedit nobis doctorem. Expressius tamen est in Isaia, ubi
dicitur : ponam universos filios tuos doctos a domino. Chrysostomus. Quod quidem praecipuum est, quia ante
per homines discebant quae Dei sunt, nunc autem per unicum filium Dei et
spiritum sanctum. Augustinus de Praedest. Sanct. Omnes autem docibiles
Dei veniunt ad filium, quoniam audierunt et didicerunt a patre per filium;
unde subditur omnis qui audivit a patre, et didicit, venit ad me. Si autem
omnis qui audivit a patre et didicit, venit, profecto omnis qui non venit,
non audit a patre, nec didicit. Valde remota est a sensibus carnis haec
schola, in qua pater auditur et docet, ut veniatur ad filium; nec agit hoc
cum carnis aure, sed cordis, ubi est et ipse filius; quia ipse est verbum
eius per quod pater sic docet : simul est et spiritus sanctus : inseparabilia
enim didicimus esse opera Trinitatis. Sed patri hoc potissimum est attributum,
quia de ipso procedit et filius et spiritus sanctus. Itaque gratia quae
occulte et humanis cordibus divina largitate tribuitur, a nullo corde duro
respuitur : ideo quippe tribuitur, ut cordis duritia primitus auferatur. Cur
ergo non omnes docet ut veniant ad Christum, nisi quia eos quos docet,
misericordia docet; quos autem non docet, iudicio non docet? Si autem
dixerimus, quod volunt discere, quos non docet, respondebitur nobis : et ubi
est quod ei dicitur : Deus, tu convertens vivificabis nos? Aut si non faciat
volentes ex nolentibus Deus, ut quid orat Ecclesia secundum praeceptum domini
pro persecutoribus suis? Non enim quisquam dicere potest : credidi, ut sic
vocarer; praevenit quippe eum misericordia Dei, quia sic est vocatus ut
crederet. Augustinus in Ioannem. Ecce ergo quomodo trahit
pater docendo de veritate, non necessitatem imponendo; trahere enim Dei est.
Omnis qui audivit a patre, et didicit, venit ad me. Quid igitur? Christus
nihil docuit? Quid quod? Patrem magistrum homines non viderunt, filium
viderunt? Filius ergo dicebat, sed pater docebat. Si enim ego homo cum sim,
illum doceo qui audivit verbum meum, illum docet et pater qui audivit verbum
eius. Exponit autem hoc ipse, et ostendit nobis quid dixerat, continuo
subiungens non quia patrem vidit quisquam; nisi qui a Deo est, hic vidit
patrem; quasi dicat : ne forte cum dico vobis omnis qui audivit a patre, et
didicit, dicatis apud vos : nunquam vidimus patrem : quomodo ab eo discere
poterimus? A meipso audite. Ego novi patrem, ab illo sum, quomodo verbum est
ab illo cuius est verbum : non quod sonat et transit, sed quod manet cum
dicente, et trahit audientem. Chrysostomus. Omnes quidem a Deo sumus. Id vero quod
est praecipuum filii et proprium, hic non posuit propter auditorum imbecillitatem. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 46 sur Saint Jean). Les
Juifs qui espéraient recevoir une nourriture matérielle, ne commencèrent à se
troubler que lorsque cette espérance leur fut enlevée : « Cependant les Juifs murmuraient contre lui, parce qu'il avait
dit : Je suis le pain vivant descendu du ciel. » La cause apparente de
leur trouble, c'est que Notre Seigneur leur déclarait qu'il était descendu du
ciel, mais la cause véritable, c'est qu'ils avaient perdu l'espérance de la
nourriture matérielle qu'ils attendaient. Cependant le miracle qu'il venait
d'opérer leur inspirait encore pour lui quelque respect, voilà pourquoi ils
n'osent le contredire ouvertement, ils se contentent de témoigner leur
désapprobation par leurs murmures. Quel était l'objet de ces murmures, le
voici : « Et ils disaient : Est-ce que
ce n'est pas là Jésus, fils de Joseph, dont nous connaissons le père et la
mère ? Comment maintenant peut-il dire : ‘Je suis descendu du ciel’
? » —
Saint Augustin : (Traité 26 sur Saint Jean). Ils
étaient encore loin du pain du ciel, et ils n'en connaissaient pas le désir;
car ce pain exige la faim de l'homme intérieur. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 46). Il est évident qu'ils
ne connaissaient pas encore l'admirable génération du Sauveur, puisqu'ils
l'appellent le fils de Joseph, et toutefois il ne leur en fait point de
reproche, et ne leur dit point : Je ne suis pas le fils de Joseph, parce
qu'ils étaient incapables de comprendre sa naissance miraculeuse; car s'ils
ne pouvaient comprendre sa naissance selon la chair, à plus forte raison sa
naissance éternelle et ineffable. —
Saint Augustin : (Traité 26). Il a pris notre chair
mortelle, mais non pas comme les hommes la prennent. Il avait un Père dans
les cieux, et il s'est choisi une mère sur la terre; il est né sans mère dans
le ciel, et sans père sur la terre. Mais quelle fut sa réponse aux murmures
des Juifs ? « Jésus leur répondit
: Ne murmurez, point entre vous, » c'est-à-dire : Je sais pourquoi vous
n'avez point cette faim spirituelle, et pourquoi vous ne comprenez, ni ne
cherchez ce pain : « C'est que personne
ne peut venir à moi, si mon Père qui m'a envoyé, ne l'attire. » Quel
magnifique éloge de la grâce ! Nul ne vient, s'il n'est attiré; ne cherchez
point à discerner qui est attiré, et qui ne l'est pas; pourquoi Dieu attire
celui-ci plutôt que celui-là, si vous ne voulez vous égarer, et
contentez-vous d'entendre cette vérité : Vous n'êtes point encore attiré,
priez Dieu qu'il vous attire. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 46). Les Manichéens saisissent
avidement ces paroles pour nous objecter que notre libre arbitre n'est rien.
Cependant Notre Seigneur ne veut pas détruire ici ce qui est en nous, mais
nous montrer simplement le besoin que nous avons du secours de Dieu, et il veut
parler ici non de celui qui vient malgré lui, mais de celui qui rencontre de
grands obstacles. —
Saint Augustin : Si nous sommes attirés
malgré nous à Jésus-Christ, c'est donc aussi malgré nous que nous croyons.
C'est donc ici l'œuvre de la violence et non de la volonté; mais on ne peut
entrer dans l'Eglise qu'autant qu'on le veut, on ne peut croire que parce
qu'on le veut, « car il faut croire de
cœur pour obtenir la justice. » (Rm 10) Si donc celui qui est
attiré vient malgré lui, il n'a point la foi; s'il n'a point la foi, il ne
vient pas. En effet, ce n'est pas en marchant que nous approchons de
Jésus-Christ, mais en croyant; ce n'est point par un mouvement de notre
corps, mais par la volonté de notre cœur. C'est donc par la volonté que nous
sommes attirés. Comment sommes-nous attirés par la volonté ? « Mettez vos délices dans le Seigneur, et
il vous accordera ce que votre cœur demande. » (Ps 37) Il y a une
certaine volupté du cœur pour celui qui goûte la douceur de ce pain céleste.
Or, si le poète a pu dire : « Chacun est entraîné par son plaisir, » à
combien plus juste titre pouvons-nous dire que l'homme qui place ses délices
dans la vérité, dans la béatitude, dans la justice, dans la vie éternelle,
est véritablement attiré vers le Christ; car toutes ces choses c'est le
Christ. Dira-t-on que les sens du corps ont leurs voluptés, et que l'âme n'en
a point qui lui soient propres ? Donnez-moi une âme qui aime, donnez-moi une
âme qui désire, une âme fervente, [une âme qui se regarde comme exilée et qui
ait soif dans la solitude de cette vie,] une âme qui soupire après la
fontaine de l'éternelle patrie, et elle comprendra ce que je dis. Mais
pourquoi Notre Seigneur s'exprime-t-il de la sorte : « si mon Père ne l'attire ? » S'il faut que nous soyons attirés,
soyons-le par celui à qui l'Epouse des cantiques a dit : « Attirez-moi après vous. » (Ct 1) Mais
examinons le véritable sens de ces paroles. Le Père attire au Fils ceux qui
croient au Fils, parce qu'ils pensent qu'il a Dieu pour Père. En effet, Dieu
le Père a engendré un Fils qui lui est égal, et celui qui pense et médite
attentivement dans la foi de son âme, que celui en qui il met sa foi est égal
au Père, est attiré par le Père vers le Fils. Arius ne voit en lui qu'une
créature; le Père ne l'a pas attiré. Photius [Photin ?]
dit que le Christ n'est qu'un homme, celui qui partage ses sentiments
n'est pas attiré par le Père. Dieu le Père attire Pierre, lorsqu'il dit : « Vous êtes le Christ, le Fils du
Dieu vivant. » (Mt 16) Aussi que lui répond Notre Seigneur : « Ce n'est point la chair et le sang qui
vous l'a révélé, mais mon Père qui est dans les cieux. » Il l'attire par
là même qu'il lui révèle; car si les révélations qui ont lieu parmi les
jouissances de la terre sont assez fortes pour entraîner ceux qui aiment,
comment supposer que Jésus-Christ, révélé par le Père, n'ait pas la même
force pour nous entraîner ? Qu'est-ce que l'âme désire plus vivement que la
vérité ? Mais ici les hommes sont tourmentés par la faim [de la vérité], ce
n'est que dans le ciel que leurs désirs seront rassasiés, c'est pour cela que
Notre Seigneur ajoute : « Et je le
ressusciterai au dernier jour. » La soif qu'il éprouve ici-bas sera
rassasiée à la résurrection des morts, parce que je le ressusciterai. —
Saint Augustin : (Quest. sur le Nouv. et l'Ane.
Test., chap.
27) Ou bien encore, le Père attire au Fils par les œuvres qu'il faisait par
le Fils. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 46). Quelle est grande la
dignité du Fils, puisqu'il ressuscite ceux que le Père lui amène, que ses
œuvres ne sont point séparées de celles du Père, et qu'il nous montre ici la
parfaite égalité de sa puissance avec celle du Père. Mais de quelle manière
le Père attire au Fils ? la voici : «
Et il est écrit dans les prophètes : Et ils seront tous enseignés de Dieu. »
Voyez ici la dignité de la foi, ce n'est point des hommes, ni par le moyen
des hommes, qu'elle nous est enseignée, Dieu seul en est le souverain maître,
toujours prêt à répandre sur tous les hommes ses grâces aussi bien que sa
doctrine. Mais si tous sont enseignés de Dieu, comment expliquer
l'incrédulité d'un certain nombre ? L'expression tous doit s'entendre
de plusieurs, ou bien de tous ceux qui ont la bonne volonté. —
Saint Augustin : (de la prédest., chap. 8) On peut encore
l'entendre dans un autre sens : Lorsqu'un maître de belles-lettres est seul
dans une ville, nous disons : Il enseigne les lettres à tout le monde, non
pas que tous les habitants de la ville les apprennent, mais parce que ceux
qui veulent les apprendre n'ont que lui pour maître; de même nous disons ici
que Dieu enseigne à tous les hommes à venir à Jésus-Christ, non pas que tous
soient dociles à ses enseignements, mais parce que personne ne peut venir par
une autre voie. —
Saint Augustin : (Traité 26). Ou bien encore, tous
les hommes de ce royaume seront enseignés par Dieu, dans ce sens que les
hommes ne seront point leur véritable maître. Sans doute, ce sont les hommes
qui leur enseignent extérieurement la doctrine qu'ils cherchent à comprendre,
mais c'est au dedans que l'intelligence en est donnée, [au dedans que la
lumière brille, au dedans que la révélation se fait]. Le bruit de mes paroles
vient frapper vos oreilles, mais si le maître intérieur n'en révèle le sens,
qu'est-ce que je dis ? [Notre Seigneur dit donc aux Juifs : « Et ils
seront tous enseignés de Dieu, » c'est-à-dire :] Comment, Juifs, pouvez-vous
me connaître, vous que le Père n'a pas enseignés ? —
Saint Bède : Notre Seigneur dit au
pluriel : « Il est écrit dans les
prophètes, » parce que tous les prophètes, remplis d'un seul et même
esprit, tendaient au même but, bien que l'objet de leurs prophéties fût
différent. Aussi tous les prophètes s'accordent avec chacun d'entre eux,
c'est ainsi que le prophète Joël s'accorde avec le prophète qui a dit : « Ils seront tous enseignés de Dieu.
» — La Glose : [référence à
vérifier] On ne
trouve pas ces paroles dans Joël, mais on y lit quelque chose de semblable : « Enfants de Sion, faites éclater
votre joie, livrez-vous à votre allégresse, à la présence du Seigneur votre
Dieu, parce qu'il vous a donné un docteur de justice. » (Jl 2,
23). Cependant cette pensée se trouve plus explicitement exprimée dans Isaïe,
lorsqu'il dit : « Je rendrai tous
tes enfants disciples de Dieu. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 46). C'est qu'en effet avant
Jésus-Christ, c'étaient les hommes qui enseignaient les réalités divines,
maintenant, au contraire, c'est le Fils unique de Dieu et l'Esprit saint. —
Saint Augustin : (de la prédestin., chap. 8) Tous ceux qui sont
ainsi enseignés par Dieu, viennent au Fils, parce que le Père les a instruits
et enseignés par le Fils : « Quiconque
a entendu le Père et appris de lui, vient à moi. » Si tout homme qui a
entendu le Père et appris de lui, vient au Fils, tous ceux qui ne l'ont pas
entendu sont privés d'enseignement. Que cette école céleste dans laquelle le
Père se fait entendre et apprend à venir au Fils, est éloignée des sens de la
chair ! Ce n'est point à l'oreille du corps qu'il s'adresse, mais à l'oreille
du cœur, là où est le Fils lui-même, parce qu'il est le Verbe, par lequel le
Père enseigne; là où est aussi l'Esprit saint, car la foi nous apprend que
les œuvres de la Trinité sont indivisibles; cependant ce divin enseignement
est attribué de préférence au Père, parce que le Fils procède de lui ainsi
que le Saint-Esprit. Ainsi la grâce qui se répand secrètement dans les âmes
par un effet de la bonté divine, n'est rejetée par aucune dureté de cœur, car
son premier objet est de faire disparaître cette dureté de cœur. Pourquoi
donc Dieu n'enseigne-t-il pas à tous les hommes à venir à Jésus-Christ ?
C'est que ceux qui sont enseignés, le sont par miséricorde, tandis que ceux
qui ne le sont pas en sont privés par un juste jugement. Dirons-nous que ceux
qu'il n'enseigne pas veulent cependant apprendre ? On nous répondra : Et que
signifient ces paroles : « O Dieu !
vous nous tournerez de nouveau vers nous, et vous nous donnerez la vie
? » (Ps 84) Et si ce n'est pas Dieu qui inspire la bonne
volonté à ceux qui ne l'ont pas, pourquoi l'Eglise prie-t-elle pour ses
persécuteurs, conformément au précepte que lui en fait le Seigneur ? Il
n'est personne qui puisse dire : J'ai cru et c'est ma foi qui a été le
principe de ma vocation, car c'est la miséricorde de Dieu qui prévient celui
qui est appelé, afin qu'il puisse recevoir le don de la foi. —
Saint Augustin : (Traité 26). Voilà donc comment le
Père nous attire en nous enseignant la vérité, et sans nous imposer aucune
nécessité, et il n'appartient qu'à Dieu de nous attirer ainsi : « Quiconque a entendu le Père, et
appris de lui, vient à moi. » Quoi donc ? est-ce que Jésus-Christ
n'a rien enseigné ? Mais les hommes n'ont point vu le Père se faisant leur
maître, et ils ont vu le Fils [qui en remplissait les fonctions à leur égard].
C'était le Fils qui parlait, mais c'était le Père qui enseignait. Si donc moi
qui ne suis qu'un homme, j'enseigne celui qui a entendu ma parole, à plus
forte raison le Père enseigne celui qui a entendu son Verbe. C'est ce que le
Sauveur nous explique parfaitement en ajoutant immédiatement : « Non que personne ait vu le Père, si ce
n'est celui qui vient d’auprès de Dieu, » paroles dont voici le sens : Je
viens de vous dire : « Quiconque a
entendu le Père et appris de lui » ; n'allez pas vous tenir à
vous-mêmes ce langage : Nous n'avons jamais vu le Père, comment pourrons-nous
être instruits par lui ? Apprenez de moi comment vous pourrez être instruits
: Je connais mon Père, je viens de lui comme la parole sort de celui qui la
profère, je suis non pas la parole qui retentit et qui passe, mais la parole
qui demeure avec celui qui la prononce, et qui attire celui qui l'entend. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 46). Tous nous venons de
Dieu, mais Notre Seigneur ne parle point ici de ce qui distingue le Fils de
Dieu et lui est propre, à cause de l'esprit encore faible de ses auditeurs. |
Lectio 7 |
Versets 47-52
|
[86045] Catena in Io., cap. 6 l. 7 Augustinus
in Ioannem. Revelare voluit se dominus quid esset; unde dicit amen, amen,
dico vobis : qui credit in me, habet vitam aeternam; quasi dicat : qui credit
in me, habet me. Quid est autem habere me? Habere vitam aeternam : vita enim
aeterna est verbum, quod in principio erat apud Deum, et vita erat lux
hominum. Assumpsit vita mortem, ut vita occideret mortem. Chrysostomus in Ioannem. Quia vero turbae instabant,
cibum corporalem petentes, et eius cibi qui patribus eorum datus erat
reminiscentes, ut ostendat quod omnia illa figura erant huius veritatis
praesentis, mentionem de cibo spirituali facit, dicens ego sum panis vitae. Panem quidem vitae se ipsum vocat, quoniam vitam nostram
continet, et hanc, et futuram. Augustinus. Sed quia illi de manna superbiebant,
subiungit patres vestri manducaverunt manna in deserto, et mortui sunt. Ideo
patres vestri, quia similes estis illorum : murmuratores patres murmuratorum
filiorum : nam de nulla re magis Deum offendisse ille populus dictus est,
quam contra Deum murmurando. Ideo autem mortui sunt, quia quod videbant
credebant; quod non videbant non credebant, neque intelligebant. Chrysostomus. Non autem sine causa addit in deserto;
sed occulte insinuans quoniam non longum tempus fuit, quo scilicet manna
datum est; neque simul cum eis venit in terram promissionis. Sed quia
videbant panem datum a Christo minus quid esse illo quod patribus datum erat,
in eo quod illud desuper descendebat, miraculum vero panum inferius
gerebatur; propterea subiungitur hic est panis de caelo descendens. Augustinus. Hunc panem significavit manna; hunc
panem significabat altare Dei. Sacramenta haec sunt, et illa fuerunt : in
signis diversa sunt; in re quae significatur, paria sunt. Apostolum audi :
omnes eamdem escam spiritalem manducaverunt. Chrysostomus. Deinde ostendit quod maxime eos
poterat persuadere, quoniam ipsi patribus suis multo digniores effecti sunt,
qui manna manducantes sunt mortui; et ideo subdit ut si quis ex ipso
manducaverit, non moriatur. A fine utriusque cibi ostendit differentiam.
Panem autem hic dogmata salutaria dicit, et fidem quae in ipsum est, aut
corpus suum : haec enim conservant animam. Augustinus. Sed numquid nos non morimur, qui
manducamus panem descendentem de caelo? Sic illi sunt mortui quemadmodum et
nos sumus morituri, quantum attinet ad mortem huius corporis visibilem, atque
carnalem; quantum autem pertinet ad mortem spiritalem, qua patres istorum
mortui sunt, manducavit manna Moyses et multi qui domino placuerunt, et
mortui non sunt; quia visibilem cibum spiritualiter intellexerunt,
spiritualiter gustaverunt, ut spiritualiter satiarentur. Nam et nos hodie
accipimus visibilem cibum; sed aliud est sacramentum, aliud virtus sacramenti
: quoniam multi de altari accipiunt, et accipiendo moriuntur : unde apostolus
: iudicium sibi manducat et bibit. Panem ergo caelestem spiritualiter
manducare, est innocentiam ad altare apportare; peccata, etsi sint
quotidiana, non sint mortifera; antequam ad altare accedatis attendite quid
dicatis : dimitte nobis debita nostra, sicut et nos dimittimus debitoribus
nostris. Si dimittis, dimittentur tibi; securus accede : panis est, non
venenum. Si quis ergo ex hoc pane manducaverit, non morietur; sed quod
pertinet ad virtutem sacramenti, non quod pertinet ad visibile sacramentum;
qui manducat scilicet intus, non foris. Alcuinus. Ideo, inquam, non moritur qui comedit hunc
panem : quia ego sum panis vivus, qui de caelo descendi. Theophylactus. Per hoc scilicet quod incarnatus est.
Non ergo prius solum fuit homo, et postmodum assumpsit divinitatem, ut
Nestorius fabulatur. Augustinus. De caelo descendit et manna; sed manna
umbra erat, iste veritas est. Alcuinus. Est autem mea vita vivificans; unde sequitur
si quis manducaverit ex hoc pane, vivet, non tantum in praesenti per fidem et
iustitiam, sed in aeternum. Augustinus. Determinat consequenter dominus quomodo
se panem dicat, non tantum secundum divinitatem quae pascit omnia, sed etiam
secundum humanam naturam quae est assumpta a verbo Dei, cum subdit et panis
quem ego dabo, caro mea est pro mundi vita. Beda. Hunc panem tunc dominus dedit, quando
mysterium corporis et sanguinis sui discipulis tradidit, et quando semetipsum
Deo patri obtulit in ara crucis. Quod vero dicit pro mundi vita, non debemus
intelligere pro elementis, sed pro hominibus, qui mundi nomine designantur.
Theophylactus. In hoc quod dicit quem ego dabo,
potestatem suam demonstrat, quod non sicut servus minor patre crucifixus est,
sed voluntarie : nam etsi a patre dari dicatur, tamen seipsum tradidit ipse.
Attende autem, quod panis qui in mysteriis a nobis assumitur, non solum
figuram gerit carnis Christi, sed ipse est vera caro Christi; non enim dixit
panis quem ego dabo, figuram carnis meae gerit, sed caro mea est.
Transmutatur inenarrabilibus verbis iste panis per mysticam benedictionem et
habitationem spiritus sancti in carnem Christi. Sed quare non videmus carnem?
Quia si caro videretur, horror nos in eius assumptione invaderet; unde ut
nostrae infirmitati condescendatur, talis nobis videtur mysticus cibus
secundum quod nostrae consuetudini competebat. Pro mundi autem vita carnem
suam tradidit, quia moriendo, mortem solvit. Ego etiam intelligo pro mundi
vita resurrectionem : nam domini mors universalem resurrectionem toti generi
humano ministravit. Forte autem et vitam quae in sanctificatione et
beatificatione consistit, et spiritu, mundi vitam dixit : quamvis enim non
omnes susceperint vitam quae est in sanctificatione et spiritu; tamen dominus
seipsum pro mundo tradidit; et quantum in eo est, totus mundus sanctificatur.
Augustinus in Ioannem. Quando autem caperet caro
quod dixit panem carnem? Norunt autem fideles corpus Christi, si corpus
Christi esse non negligant : fiant corpus Christi, si volunt vivere de
spiritu Christi : de spiritu enim Christi non vivit nisi corpus Christi.
Numquid enim corpus meum vivit de spiritu tuo? Hunc panem exponit apostolus
dicens : unum corpus multi sumus. O sacramentum pietatis, o signum unitatis,
o vinculum caritatis. Qui vult vivere, accedat, credat, incorporetur ut
vivificetur. |
—
Saint
Augustin : (Traité 26 sur Saint Jean). Notre
Seigneur a voulu révéler aux Juifs ce qu'il était : « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi a la
vie éternelle » ; c'est-à-dire, celui qui croit en moi, me possède.
Qu'est-ce que me posséder ? c'est posséder la vie éternelle; car la vie
éternelle, c'est le Verbe qui était au-commencement avec Dieu, et cette vie
était la lumière des hommes. La vie s'est revêtue de la mort, afin que la
mort fût détruite par la vie. —
Théophylactus : Comme ce peuple insistait pour obtenir la nourriture corporelle, et
rappelait le souvenir de la manne qui avait été donnée à leurs pères, le
Sauveur veut leur montrer que tous les faits de la loi ancienne étaient une
figure de la vérité qu'ils avaient présente sous leurs yeux, et les élève à
la pensée d'une nourriture toute spirituelle, en leur disant : « Je suis le pain de vie. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 46) [référence
à vérifier]. Il se donne le nom de pain de vie, parce qu'il contient
le principe de notre vie, de cette vie présente et de la vie future. —
Saint Augustin : (Traité 26). Mais pour réprimer
l'orgueil des Juifs qui étaient fiers de la manne [qui avait été donnée à
leurs pères], Jésus ajoute : « Vos
pères ont mangé la manne dans le désert, et sont morts. » Ce sont
véritablement vos pères, et vous leur êtes semblables, ils sont les pères qui
murmurent, d'enfants imitateurs de leurs murmures, car le plus grand crime
que Dieu ait relevé contre ce peuple, ce sont ses murmures contre Dieu. Or,
ils sont morts, parce qu'ils ne croyaient que ce qu'ils voyaient, et qu'ils
ne croyaient ni ne comprenaient ce qui était invisible à leurs yeux. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 46). Ce n'est pas sans
dessein que le Sauveur ajoute cette circonstance : « dans le désert, » il veut leur rappeler indirectement le peu de
temps pendant lequel la manne a été donnée [à leurs pères], et qu'elle ne les
a pas suivis dans la terre promise. Mais les Juifs estimaient encore le
miracle de la multiplication des pains comme de beaucoup inférieur au miracle
de la manne, parce que la manne semblait descendre du ciel, et que le miracle
de la multiplication des pains avait lieu sur la terre; c'est pourquoi Notre
Seigneur ajoute : « Voici le pain
descendu du ciel. » —
Saint Augustin : (Traité 26). Ce pain a été figuré
par la manne, il a été figuré par l'autel de Dieu. De part et d'autre,
c'étaient des symboles figuratifs; les signes extérieurs sont différents,
l'objet figuré est le même. Entendez l'Apôtre qui vous dit : « Ils ont tous mangé la même
nourriture spirituelle. » (1 Co 10) —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 46). Notre Seigneur relève
ensuite une circonstance qui devait faire sur eux une vive impression, c'est
qu'ils ont été bien plus favorisés que leurs pères que la manne n'a pas
empêchés de mourir : « Voici le
pain qui descend du ciel, pour que celui qui en mange ne meure point. »
Il fait ressortir la différence des deux nourritures par la différence des
résultats. Le pain dont il parle ici, ce sont les vérités du salut, et la foi
que nous devons avoir en lui, ou bien son corps, car toutes ces choses
conservent la vie de l'âme. —
Saint Augustin : (Traité 26) Mais est-ce que
nous qui mangeons le pain descendu du ciel, nous ne mourrons pas aussi ? Ceux
qui ont mangé la manne sont morts comme nous mourrons nous-mêmes un jour de
la mort visible de notre corps charnel. Mais quand à la mort spirituelle dont
leurs pères sont morts, Moïse et un grand nombre d'autres qui ont mangé la
manne et qui ont été agréables à Dieu, n'y ont pas été soumis, parce qu'ils
ont reçu cette nourriture visible avec des dispositions toutes spirituelles, [ils
l'ont désirée dans l'esprit], goûtée dans l'esprit, ils en ont été rassasiés
dans l'esprit. Encore aujourd'hui nous recevons une nourriture visible, mais
autre chose est le sacrement, autre chose est la vertu du sacrement. Combien
qui reçoivent ce pain de l'autel, et qui meurent en le recevant ! comme le
dit l'Apôtre : « Il mange et boit son
jugement. » (1 Co 11) Manger donc spirituellement ce pain céleste,
c’est apporter l'innocence au saint autel. Tous les jours vous péchez, mais
que vos péchés ne soient point de ceux qui donnent la mort à l'âme. Avant
d'approcher de l'autel, pesez bien ce que vous dites : Remettez-nous nos
dettes, comme nous les remettons à nos débiteurs. Si vous les remettez
véritablement, on vous remettra les vôtres. Approchez donc avec confiance,
c'est du pain et non du poison qu'on vous présente : « Si quelqu'un mange de ce pain, il ne mourra point. » Mais
il s'agit ici de la vertu du sacrement, et non de ce qui est visible dans le
sacrement; de celui qui se nourrit intérieurement de ce pain, et non de celui
qui se contente de le manger extérieurement. —
Alcuin : Celui qui mange ce pain ne
meurt pas « parce que je suis le pain
vivant qui suis descendu du ciel. » — Théophylactus : Il est descendu du ciel par son incarnation, il n'a donc point
commencé par être homme avant de s'unir à la divinité comme le rêve
Nestorius. —
Saint Augustin : (Traité 26). La manne est aussi
descendue du ciel, mais la manne n'était que figurative, et nous avons ici la
vérité. — Alcuin :
[référence
à vérifier] Or,
ma vie, dit le Sauveur, est pour les hommes une source de vie : « Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra
non seulement dans cette vie par la foi et la justice, mais il vivra
éternellement. » — Saint
Augustin : [référence à vérifier] Le
Seigneur explique ici dans quel sens il est un véritable pain, ce n'est pas
seulement par sa divinité qui donne la nourriture à tout ce qui existe, mais
par son humanité qui a été unie au Verbe de Dieu, et c'est pour cela qu'il
ajoute : « Et le pain que je donnerai,
c'est ma chair pour la vie du monde. » —
Saint Bède : Le Seigneur a donné ce pain
lorsqu'il a livré à ses disciples le mystère de son corps et de son sang, et
quand il s'est offert lui-même à Dieu son Père sur l'autel de la croix. La
vie du monde dont il parle ici ne doit point s'entendre des éléments
matériels qui composent le monde, mais de tous ceux que l'on comprend sous le
nom de monde. — Théophylactus : En disant : « que je
donnerai, » il fait ressortir sa puissance et prouve que s'il a été
crucifié, ce n'est pas comme étant inférieur à son Père, mais de sa pleine
volonté. Car bien que nous disions qu'il a été livré par son Père, cependant
il s'est véritablement livré lui-même. Considérez encore que le pain que nous
mangeons dans les saints mystères n'est pas seulement la figure de la chair
de Jésus-Christ, mais qu'il est lui-même la vraie chair de Jésus-Christ. Car
il ne dit pas : Le pain que je donnerai est la figure de ma chair, mais : « c'est ma chair. » En vertu de
paroles ineffables, ce pain est changé au corps de Jésus-Christ par une
bénédiction mystérieuse et par l'habitation de l'Esprit saint dans la chair
de Jésus-Christ. Mais pourquoi ne voyons-nous pas cette chair ? Parce que la
vue de cette chair nous inspirerait une vive horreur lorsque nous voudrions
nous en nourrir. C'est donc pour condescendre à notre faiblesse que cette
nourriture spirituelle nous est donnée d'une manière conforme à nos
habitudes. Jésus donne sa chair pour la vie du monde, parce que c'est en
mourant qu'il a détruit l'empire de la mort. Cette vie du monde, je puis
l'entendre de la résurrection, car la mort du Seigneur a été pour tout le
genre humain un principe universel de résurrection. Peut-être aussi peut-on
entendre cette vie qui est le fruit de la justification et de la
sanctification par l'Esprit comme étant la vie du monde; car bien que tous
n'aient pas reçu la vie qui consiste dans la sanctification et dans la
participation de l'Esprit saint, cependant le Seigneur s'est livré pour le
monde et il a fait ce qui dépendait de lui, pour que le monde tout entier fût
sanctifié. —
Saint Augustin : (Traité 26). Mais comment la chair
pourrait-elle comprendre que Notre Seigneur ait donné le nom de pain à sa
propre chair ? Les fidèles connaissent le corps de Jésus-Christ, si toutefois
ils ne négligent pas de devenir eux-mêmes le corps de Jésus-Christ. Oui,
qu'ils fassent partie du corps de Jésus-Christ, s'ils veulent vivre de
l'esprit de Jésus-Christ. On ne vit de l’esprit de Jésus-Christ qu’en vivant
du corps de Jésus-Christ. Est-ce que mon corps peut recevoir le mouvement et
la vie de votre esprit ? C'est ce pain dont parle l'Apôtre, lorsqu'il dit : « Nous ne faisons tous qu'un même
corps », [nous qui mangeons d'un même pain]. O sacrement de la piété
! O symbole de l'unité ! O lien de la charité! Celui qui veut vivre, [possède
ici une source de vie], qu'il approche, qu'il croie, et qu'il s'incorpore à
Jésus-Christ pour recevoir la vie. |
Lectio 8 |
Versets 53-55
|
[86046] Catena in Io., cap. 6 l. 8 Augustinus
in Ioannem. Quia Iudaei panem concordiae non intelligebant, ad invicem
litigabant; unde dicitur litigabant ergo Iudaei ad invicem, dicentes :
quomodo potest hic nobis dare carnem suam ad manducandum? Qui autem manducant
talem panem, non litigant ad invicem, quoniam per hunc Deus habitare facit
unanimes in domo. Beda. Putabant ergo Iudaei quod dominus particulatim
carnem suam divideret et eis ad manducandum daret; et ideo litigabant, quia
non intelligebant. Chrysostomus in Ioannem. Quia igitur dicebant hoc
esse impossibile, ut scilicet carnem suam ad manducandum daret, ostendit
quoniam non solum non est impossibile, sed valde necessarium; unde sequitur
dicit ergo eis Iesus : amen, amen, dico vobis : nisi manducaveritis carnem
filii hominis, et biberitis eius sanguinem, non habebitis vitam in vobis.
Augustinus. Quasi dicat : quomodo quidem edatur, et
quisnam sit modus manducandi illum panem ignoratis; verumtamen nisi
manducaveritis carnem filii hominis, et biberitis eius sanguinem, non
habebitis vitam in vobis. Beda. Et ne crederetur illis solis haec dixisse, mox
generalem sententiam intulit, dicens qui manducat meam carnem et bibit meum
sanguinem. Augustinus. Et ne istam vitam intelligentes, de hac
re litigarent, secutus adiunxit habet vitam aeternam. Hanc ergo non habet qui
istam carnem non manducat, nec istum sanguinem bibit. Nam temporalem vitam
sine illo habere homines possunt; aeternam vero omnino non possunt. Non ita
est haec esca, quam sustentandae huius temporalis vitae causa sumimus : nam
qui eam non sumpserit, non vivet; nec tamen qui eam sumpserit, vivet. Fieri
enim potest ut morbo, vel senio, vel aliquo casu plurimi qui eam sumpserint,
moriantur. In hoc vero cibo et potu, idest corporis et sanguinis domini, non
ita est; nam et qui eum non sumit, non habet vitam; et qui eum sumit, habet
vitam, et hanc utique aeternam. Theophylactus. Non enim puri hominis caro est, sed
Dei, et hominem divinum facere valens, tamquam divinitate inebrians. Augustinus de Civ. Dei. Sunt autem quidam
liberationem ab aeterno supplicio hominibus promittentes Christi Baptismate
ablutis, qui participes sunt corporis eius, quomodolibet vixerint, propter
illud quod dicitur hic. Sed contradicit eis apostolus dicens : manifesta sunt
opera carnis, quae sunt fornicatio, immunditia, impudicitia, luxuria,
idolorum servitus, veneficia, inimicitiae, contentiones, aemulationes, irae,
rixae, dissensiones, sectae, invidiae, homicidia, ebrietates, comessationes,
et his similia; quae praedico, sicut praedixi, quoniam qui talia agunt,
regnum Dei non possidebunt. Quamobrem quomodo sit accipiendum quod hic
dicitur, merito quaeritur. Qui enim in eius est corporis unitate, idest in
Christianorum compage membrorum, cuius corporis sacramentum fideles
communicantes de altari sumere consueverunt, ipse vere dicendus est manducare
corpus et bibere sanguinem Christi; ac per hoc haeretici et schismatici ab
unitate corporis separati, possunt idem percipere sacramentum, sed non sibi
utile, immo vero etiam noxium, quo iudicentur gravius quam vel tardius
liberentur. Nec illi etiam in perditis et damnabilibus moribus debent esse
securi, qui per vitae iniquitatem, ipsam vitae iustitiam, quae est Christus,
deserunt, sive fornicando, sive aliquid huiusmodi faciendo : non enim isti
dicendi sunt manducare corpus Christi, quoniam nec in membris computandi sunt
Christi. Ut enim alia taceam, non possunt simul esse membra Christi et membra
meretricis. Augustinus in Ioannem. Hunc itaque cibum et potum
societatem vult intelligi corporis et membrorum suorum, quod est Ecclesia in
praedestinatis et vocatis et iustificatis et glorificatis sanctis et
fidelibus eius. Huius rei sacramentum, idest unitas corporis et sanguinis
Christi, alicubi quotidie, alicubi certis intervallis dierum in dominica
mensa praeparatur, et de dominica mensa sumitur : quibusdam ad vitam,
quibusdam ad exitium. Res vero ipsa, cuius sacramentum est, omni homini est
ad vitam, nulli ad exitium, quicumque eius particeps fuerit. Ne autem
putarent sic in isto cibo et potu promitti vitam aeternam, ut qui eum
sumerent, iam nec corpore morerentur, huic cogitationi occurrens subiungit dicens
et ego resuscitabo eum in novissimo die : ut scilicet habeant interim vitam
aeternam secundum spiritum in requie, quae sanctorum spiritus suscipit; quod
autem ad corpus attinet, nec corpus etiam vita aeterna fraudetur, sed in
resurrectione mortuorum in novissimo die eam habeat. |
—
Saint
Augustin : (Traité 26 sur Saint Jean). Les
Juifs ne comprenaient pas quel était ce pain d'union, et c'est la raison de
leurs disputes : « Les Juifs donc se
disputaient entre eux, disant : Comment celui-ci peut-il nous donner sa chair
à manger ? » Pour ceux au contraire qui se nourrissent de ce pain, ils
n'ont point de dispute entre eux, car c'est par la vertu de ce pain que Dieu
fait habiter ensemble ceux qui n'ont qu'un même esprit. (Ps 67, 7) —
Saint Bède : Les Juifs s'imaginaient que
le Seigneur leur partagerait sa chair par morceaux, et la leur donnerait
ainsi à manger, ils disputaient donc entre eux, parce qu'ils ne comprenaient
point. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 46). Ils prétendaient qu'il
était impossible qu'il leur donnât ainsi sa chair, et il leur montre que loin
d'être impossible, c'est une chose absolument nécessaire : « Et Jésus leur dit : En vérité, en
vérité, je vous le dis, si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme, et ne
buvez son sang, vous n’aurez pas la vie en vous.» — Saint
Augustin : [référence à vérifier] c'est-à-dire vous ignorez
comment ce pain peut vous être donné, et de quelle manière vous devez le
manger, et cependant, je vous le déclare, si vous ne mangez ce pain, et si
vous ne buvez pas son sang, vous n'aurez point la vie en vous. —
Saint Bède : Et pour ‘on ne croit pas que
ce précepte ne s’étend qu’à eux seuls, il le généralise en disant : « Celui qui mange ma chair et qui
boit mon sang, ». — Saint
Augustin : [référence à vérifier] Or, dans la crainte de voir
appliquer à la vie présente les effets de la communion à sa chair, il ajoute
: « Il a la vie éternelle. » Celui
donc qui ne mange pas sa chair et ne boit pas son sang, demeure privé de
cette vie. On peut jouir de la vie présente sans manger ce pain, mais pour la
vie éternelle, cela est impossible. Il n'en est pas ainsi de la nourriture
que nous prenons pour soutenir la vie du corps, celui qui ne la prend pas ne
vivra pas, et cependant elle ne peut la conserver indéfiniment, car il arrive
tous les jours qu'un grand nombre de ceux qui l'ont prise meurent par suite
de maladie, de vieillesse ou de quelque autre accident. Mais les effets de
cette nourriture et de ce breuvage, c'est-à-dire du corps et du sang de
Jésus-Christ, sont bien différents; celui qui ne les reçoit point ne peut
avoir la vie, et celui qui les reçoit a nécessairement la vie et la vie
éternelle. — Théophylactus : Car ce n'est pas seulement la chair d'un homme, c'est la chair d'un
Dieu, chair qui a la puissance de rendre l'homme tout divin, en l'enivrant de
sa divinité. —
Saint Augustin : (de la Cité de Dieu, 21, 19). Il en est
qui s'appuient sur ces paroles pour promettre à ceux qui ont reçu le baptême
du Christ, et qui participent à la réception de son corps, qu'ils seront
délivrés des supplices éternels, quelle qu'ait été d'ailleurs leur vie. C'est
une erreur que l'apôtre saint Paul condamne lorsqu'il dit : « Il est aisé de connaître les oeuvres de
la chair qui sont la fornication, l'impureté, l'impudicité, la dissolution, idolâtrie,
maléfices, inimitiés, discorde, envie, colères, cabales, dissensions,
factions, jalousies, homicides, beuveries, orgies et (autres) choses
semblables, dont je vous déclare, comme je vous l'ai déjà dit que ceux qui
commettent ces crimes, ne seront point héritiers du royaume de Dieu ».
(Ga 5) Nous devons donc examiner avec soin dans quel sens il faut
entendre les paroles du Sauveur. Celui qui fait partie de l'unité de son
corps, c'est-à-dire de cette union étroite des chrétiens membres de ce corps
dont les fidèles reçoivent le sacrement dans la sainte communion, mange
véritablement le corps et boit le sang de Jésus-Christ. Par conséquent, les
hérétiques et les schismatiques qui sont séparés de l'unité de son corps,
peuvent bien recevoir le même sacrement, mais sans aucune utilité pour eux;
je dirai plus, il leur est nuisible et il devient pour eux la cause d'un
jugement rigoureux, plutôt qu'un principe de délivrance. Ceux dont les mœurs
sont évidemment mauvaises et condamnables et qui par leurs impuretés ou par
d'autres actions semblables, c'est-à-dire par l'iniquité de leur vie se
séparent de la justice de la vie qui est Jésus-Christ, ne mangent pas
véritablement le corps de Jésus-Christ, parce qu'ils ne font point partie de
ses membres. Pour ne pas en dire davantage, ils ne peuvent être en même temps
les membres de Jésus-Christ et les membres d'une prostituée. (1 Co 6,
15). —
Saint Augustin : (Traité 26). Notre Seigneur veut
donc que dans cette nourriture et dans ce breuvage, nous voyions la société
de son corps et de ses membres, c'est-à-dire l'Eglise, composée de saints que
Dieu a prédestinés, appelés, justifiés, et glorifiés, et de ses fidèles. Le
symbole de cette vérité, c'est-à-dire l'unité du corps et du sang de
Jésus-Christ, nous est présenté tous les jours dans certains lieux, à des
jours marqués dans d'autres endroits, sur la table du Seigneur, et c'est sur
cette table que les fidèles prennent ce sacrement, les uns pour leur vie, les
autres pour leur mort. Mais la réalité qui est elle-même figurée par ce
sacrement, est un principe de vie pour tous, et n'est une cause de mort pour
aucun de ceux qui ont le bonheur d'y participer. Comme les Juifs auraient pu
croire que la promesse de la vie éternelle faite à ceux qui prendraient cette
nourriture et ce breuvage, entraînait l'affranchissement de la mort du corps,
Notre Seigneur prévient cette pensée en ajoutant : « Et je le ressusciterai au dernier jour, » c'est-à-dire que son
âme jouira d'abord de la vie éternelle dans le repos que Dieu a préparé aux
âmes des saints, et que son corps lui-même ne sera point privé de cette vie
éternelle, dont il entrera en possession au dernier jour de la résurrection
des morts. |
Lectio 9 |
Versets 56-60
|
[86047] Catena in Io., cap. 6 l. 9 Beda. Dixerat superius : qui manducat meam carnem et
bibit meum sanguinem, habet vitam aeternam; et ut ostenderet quanta distantia
sit inter corporalem cibum et potum, et spirituale mysterium corporis et
sanguinis sui, adiecit caro enim mea vere est cibus, et sanguis meus vere est
potus. Chrysostomus in Ioannem. Hoc autem dicit, aut ut credant his
quae dicta sunt, ut non aestiment aenigma et parabolam esse, sed sciant
quoniam omnino oportet manducare corpus Christi; aut vult dicere, quod verus
cibus est hic qui animam salvat. Augustinus in Ioannem. Vel aliter. Cum cibo et potu
id appetant homines ut non esuriant neque sitiant; hoc veraciter non praestat
nisi iste cibus et potus, qui eos a quibus sumitur immortales et
incorruptibiles facit; idest societas ipsa sanctorum, ubi pax erit, et unitas
plena atque perfecta. Propterea dominus noster corpus et sanguinem suum in
eis rebus commendavit quae ad unum aliquid rediguntur ex multis : namque
aliud, scilicet panis, ex multis granis in unum constat; aliud, scilicet
vinum, ex multis acinis confluit. Deinde iam exponit quid sit manducare
corpus eius et sanguinem bibere, dicens qui manducat meam carnem et bibit
meum sanguinem, in me manet et ego in illo. Hoc est ergo manducare illam
escam et illum bibere potum, in Christo manere, et Christum in se habere. At
per hoc qui non manet in Christo, et in quo non manet Christus, proculdubio
nec manducat eius carnem, nec bibit eius sanguinem; sed magis tantae rei
sacramentum ad iudicium sibi manducat et bibit. Chrysostomus. Vel aliter continuatur. Quia
promiserat se manducantibus vitam aeternam, ut hoc confirmet, induxit qui
manducat meam carnem et bibit meum sanguinem, in me manet et ego in illo.
Augustinus de Verb. Dom. Multi quidem, qui vel corde
ficto carnem illam manducant et sanguinem bibunt, vel cum manducaverint
apostatae fiunt, numquid manent in Christo, et Christus in eis? Sed est
profecto quidam modus manducandi illam carnem et bibendi illum sanguinem, quo
modo qui manducaverit et biberit, in Christo manet, et Christus in eo. Augustinus de Civ. Dei. Hoc est, illi qui non
sacramento tenus tantum, sed revera corpus Christi manducant, et sanguinem
bibunt. Chrysostomus. Et quia ego vivo, manifestum est quod
ipse vivet : et ad hoc ostendendum subiungit sicut misit me vivens pater, et
ego vivo propter patrem, et qui manducat me, et ipse vivet propter me; ac si dicat : vivo ego sicut pater; et ne ingenitum
aestimes, adiecit propter patrem, patrem sibi esse principium occulte
insinuans. Quod autem dicit qui manducat me, et ipse vivet propter me, non de
vita simpliciter hoc dicit, sed de approbata : etenim etiam infideles vivunt
non manducantes de carne illa. Sed neque de resurrectione communi hoc dicit
(etenim omnes suscitabuntur), sed de gloriosa et mercedem habente. Augustinus in Ioannem. Non autem ait : sicut manduco
patrem, et ego vivo propter patrem, et qui manducat me, et ipse vivet propter
me : non enim filius participatione patris fit melior, sicut participatione
filii per unitatem corporis eius et sanguinis, quod illa manducatio et
potatio significat, nos efficimur meliores. Si ergo ita dictum est vivo
propter patrem, quia ipse de illo est, sine detrimento aequalitatis dictum
est. Nec tamen eamdem nostram et suam aequalitatem significavit, sed gratiam
mediatoris ostendit. Si autem secundum id accipimus vivo propter patrem, quod
alibi ait : pater maior me est; haec verba ita dixit, sicut misit me pater,
ac si diceret : ut ego vivam propter patrem, idest ad illum tamquam ad
maiorem referam vitam meam, exinanitio mea fecit, in qua me misit; ut autem
quisque vivat propter me, participatio facit qua manducat me. Hilarius de Trin. De veritate igitur carnis et
sanguinis Christi non relictus est ambigendi locus; nunc enim ex ipsius
domini professione, et fide nostra, vere caro est et vere sanguis est. Hoc
ergo vitae nostrae causa est, quod in nobis carnalibus manentem per carnem
Christum habemus, victuris nobis per eum ea conditione qua vivit ille per
patrem. Si ergo nos naturaliter secundum carnem per eum vivimus, idest
naturam carnis suae adepti; quomodo non naturaliter secundum spiritum in se
patrem habeat, cum vivat ipse per patrem? Per patrem autem vivit, dum
nativitas non alienam ei intulit diversamque naturam. Augustinus in Ioannem. Ut autem illum panem
manducando vivamus, qui aeternam vitam ex nobis habere non possumus, de caelo
descendit; unde sequitur hic est panis qui de caelo descendit. Hilarius de Trin. Se panem hic dicit; ipse enim
origo sui corporis est. Ac ne verbi virtus atque natura defecisse a se
existimaretur in carne, panem carnem suam esse dixit; ut per hoc quod
descendens de caelis panis est, non ex humana conceptione origo esse corporis
eius existimaretur, dum caeleste esse corpus ostenditur. At vero cum panis
est, assumpti per verbum corporis est professio. Theophylactus. Non enim purum Deum comedimus, nam et
impalpabilis et incorporeus est; neque etiam hominis puri carnem comedimus,
quae nil posset proficere. Sed quia Deus carnem sibi univit, caro eius
vivificativa existit; non quod in Dei naturam transierit; sed secundum
quamdam igniti ferri consuetudinem, quod et ferrum manet, et ignis actum
ostendit; sic et caro domini vivificativa est tamquam caro verbi Dei. Beda. Et ut ostenderet distantiam umbrae et lucis,
typi et veritatis, subiunxit non sicut manducaverunt patres vestri manna, et
mortui sunt. Qui manducat hunc panem, vivet in aeternum. Augustinus. Quod autem illi mortui sunt, ita vult
intelligi, ut non vivant in aeternum. Nam temporaliter et hi profecto
morientur qui Christum manducant; sed vivunt in aeternum, quia Christus est
vita aeterna. Chrysostomus. Si enim possibile fuit sine messe et
frumento et aliis huiusmodi, quadraginta annis illorum vitam conservare;
multo magis nunc cibo spirituali hoc facere poterit, cuius illa erant
figurae. Frequenter autem vitam repromittit, quia nihil est ita delectabile
hominibus : unde et in veteri testamento longitudo vitae promittebatur; hic
autem vita finem non habens. Simul etiam per hoc ostendere vult quoniam
sententiam morti tradentem pro peccato nunc solvit, vitam aeternam e
contrario promittens. Sequitur haec dixit in synagoga, docens in Capharnaum :
ubi scilicet primae virtutes eius sunt factae. Docebat autem in synagoga et
in templo, multitudinem attrahere volens, et ostendens quoniam non est
contrarius patri. Beda. Mystice autem Capharnaum, quae interpretatur
villa pulcherrima, significat mundum; synagoga vero Iudaicum populum. Per hoc
ergo ostenditur quod dominus per mysterium incarnationis mundo apparens,
Iudaicum populum multa docuit, quae ipse intellexit. |
—
Saint
Bède : Le Sauveur venait de dire précédemment : « Celui qui mange ma chair et boit
mon sang a la vie éternelle » ; il montre maintenant quelle distance
sépare la nourriture et le breuvage matériel du mystère spirituel de son
corps et de son sang : « Car ma chair
est vraiment une nourriture, et mon sang est vraiment un breuvage. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 46 sur Saint Jean). Notre
Seigneur tient ce langage, ou bien pour fortifier la foi aux enseignements
qui précèdent, et bien persuader ceux qui l'écoutent que ce n'est point ici
une parabole et une figure, mais qu'il faut absolument manger le corps du
Christ; ou bien son intention est de nous apprendre que la nourriture
véritable est celle qui donne le salut à notre âme. —
Saint Augustin : (Traité 26). Ou bien encore, ce que
les hommes cherchent dans la nourriture et la boisson, c'est d'apaiser leur
faim et leur soif, or cet effet ne peut être complètement atteint qu'au moyen
de cette nourriture et de ce breuvage, qui communiquent à ceux qui les
prennent, l'immortalité et l'incorruptibilité, et les fait entrer dans la
société des saints dans laquelle ils jouiront d'une paix absolue et de
l'unité la plus parfaite. C'est pour cela que Notre Seigneur nous a donné son
corps et son sang sous des symboles qui nous offrent une parfaite image de
cette unité. C'est ainsi que le pain résulte de l'assemblage d'un grand
nombre de grains de blé, et que le vin est le produit d'un grand nombre de
grains de raisin. Le Sauveur explique ensuite ce que c'est que manger sa
chair et boire son sang, en ajoutant : «
Celui qui mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi et moi en lui. »
Manger cette nourriture et boire ce breuvage, c'est donc demeurer en
Jésus-Christ, et avoir Jésus-Christ demeurant en soi; par conséquent, celui
qui ne demeure pas en Jésus-Christ, et en qui Jésus-Christ ne demeure pas, ne
mange pas sa chair et ne boit point son sang; mais au contraire il ne mange
et ne boit cet auguste mystère que pour son jugement. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 47). On peut encore
rattacher autrement ces paroles à ce qui précède : Notre Seigneur avait
promis la vie éternelle à ceux qui mangeraient ce pain, il confirme cette
promesse par ces paroles : « Celui qui
mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui. » —
Saint Augustin : (serm. 2 sur les par. du Seig). Il
en est un grand nombre qui mangent la chair du Sauveur et boivent son sang
avec un cœur hypocrite, ou qui après s'en être nourris deviennent des
apostats; peut-on dire d'eux qu'ils demeurent en Jésus-Christ, et que
Jésus-Christ demeure en eux ? Il y a donc une manière particulière de manger
cette chair et de boire ce sang pour que nous demeurions en Jésus-Christ et
que Jésus-Christ demeure en nous. —
Saint Augustin : (de la Cité de Dieu, 12, 25). Il faut pour cela
ne point participer seulement au sacrement extérieur, mais manger
véritablement le corps et boire le sang de Jésus-Christ. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 47). Comme je suis vivant,
il est évident que [celui qui mangera mon corps et boira mon sang], entrera
en participation de cette vie, c'est ce que le Sauveur établit en ajoutant : « Comme mon Père qui est vivant m'a
envoyé, et que je vis par mon Père, de même celui qui me mange vivra aussi
par moi. » —
Saint Augustin : [référence à
vérifier] (serm.
2 sur
les par. du Seig). C'est-à-dire, je vis comme mon Père; il ajoute, par
mon Père, pour établir sa génération et prouver indirectement que le Père
était le principe de son existence. La vie qu'il promet par ces paroles : « Celui qui me mange vivra par moi, »
n'est point cette vie ordinaire et commune même aux infidèles qui ne se
nourrissent pas de la chair du Sauveur, mais cette vie spirituelle qui a
seule quelque prix aux yeux de Dieu. La résurrection dont il parle n'est pas
non plus la résurrection commune à tous les hommes, mais la résurrection
glorieuse qui sera suivie des récompenses éternelles. —
Saint Augustin : (Tr. 26 sur Saint Jean). Notre
Seigneur ne dit point : Comme je me nourris de mon Père et que je vis par mon
Père, ainsi celui qui me mange vivra par moi, parce qu'en effet, l'union
étroite qui existe entre le Père et le Fils ne donne pas au Fils un degré
supérieur de bonté, comme la participation que nous avons au Fils par l'union
étroite avec son corps et avec son sang, nous rend évidemment meilleurs. Si
donc Notre Seigneur s'exprime de la sorte : « Je vis par mon Père, » parce qu'il vient du Père, son
égalité avec le Père n'en souffre en aucune manière. Et cependant [en
ajoutant : « Et celui qui me mange
vivra par moi, »] il ne veut
pas établir une parfaite égalité avec lui, mais simplement exprimer la grâce,
bienfait du médiateur. Or si nous entendons ces paroles : « Je vis par mon Père » dans le sens
de ces autres paroles : « Mon Père est
plus grand que moi» ces autres paroles : « Comme mon Père m'a envoyé, » reviennent à celles-ci :
L'anéantissement qui a été la suite de mon incarnation, a eu pour fin de me
faire vivre à cause de mon Père, c'est-à-dire de lui rapporter toute ma vie
comme à celui qui était plus grand que moi, et la participation à la
nourriture que je donne fait que chacun vit à cause de moi. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 8) Il ne reste donc aucune
place pour douter de la vérité de la chair et du sang de Jésus-Christ, la
déclaration du Sauveur aussi bien que notre foi concourent à établir que
c'est véritablement sa chair et véritablement son sang; et le principe de
notre vie, c'est que nous possédons dans notre nature Jésus-Christ, qui
demeure en nous par le moyen de sa chair, et qui nous donne la vie aux mêmes
conditions qu'il vit lui-même par son Père. Si donc nous avons la vie par lui
en vertu de sa chair, c'est-à-dire en participant à la nature de sa chair,
comment n'aurait-il pas naturellement en lui son Père selon l'esprit,
puisqu'il ne vit que par son Père ? Or, il vit par son Père, parce que sa
naissance ne lui a pas donné une nature différente de celle de son Père. —
Saint Augustin : (Traité 26). Or, ce pain est
descendu ciel afin que nous puissions recevoir la vie en le mangeant, nous
qui de nous-mêmes ne pouvions prétendre à la vie éternelle : « C'est ici, dit Notre-Seigneur, le pain qui est descendu du ciel. » —
Saint Hilaire : (de la Trin., 10) Il se donne ici le nom
de pain, et il déclare que ce pain est à l’origine de sa chair, pour prévenir
la pensée que la puissance et la nature du Verbe aient éprouvé quelque
amoindrissement par leur union avec la chair, car par-là même que ce pain
descend du ciel, il prouve clairement que son corps n'est point le produit
d'une conception ordinaire, mais qu'il a une origine divine. Et comme il nous
déclare que ce pain c'est lui-même, il prouve par-là que le Verbe s'est uni à
un corps véritable. — Théophylactus : Ce n'est pas Dieu seul que nous mangeons dans ce sacrement, puisqu'il
est impalpable et incorporel; ce n'est pas non plus la chair d'un simple
mortel qui ne nous servirait de rien. Mais comme Dieu s'est uni notre chair,
sa chair est un principe de vie; ce n'est pas qu'elle ait été transformée et
qu'elle soit devenue la nature de Dieu, mais de même que le fer embrasé
conserve sa nature du fer, et possède en même temps la propriété du feu,
ainsi la chair du Seigneur est devenue une chair vivifiante comme étant la
chair du Verbe de Dieu. —
Saint Bède : Pour montrer la distance qui
sépare l'ombre de la lumière, la figure de la vérité, il ajoute : « Ce n'est pas comme vos pères, qui
ont mangé la manne et qui sont morts. Celui qui mange ce pain vivra
éternellement. » —
Saint Augustin : (Tr. 26). Cette mort doit être
entendue de la mort éternelle, car ceux mêmes qui mangent le corps du Christ,
ne sont pas exempts de la mort du corps, mais ils reçoivent en échange la vie
éternelle, parce que Jésus-Christ est la vie éternelle. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 47 sur Saint Jean). Dieu
a bien pu sans moisson, sans provision de blé et sans le secours d'autres
aliments, leur conserver la vie pendant quarante ans, combien plus facilement
pourrait-il le faire à l'aide de cette nourriture spirituelle dont la manne
était la figure ? Le Sauveur fait souvent des promesses de vie, parce que
rien n'est plus agréable aux hommes; dans l'Ancien Testament, Dieu promettait
une longue vie, maintenant Jésus-Christ nous promet une vie qui ne doit point
avoir de fin. Il nous fait voir en même temps qu'il a révoqué la sentence qui
nous livrait à la mort en punition de nos péchés, et qu'il l'a remplacée par
la promesse de la vie éternelle : Jésus dit ces choses dans la synagogue,
lorsqu'il enseignait à Capharnaüm, où il avait opéré ses premiers miracles.
Il enseignait dans la synagogue et dans le temple pour attirer le peuple à
lui et lui prouver qu'il n'était pas en opposition avec Dieu le Père. —
Saint Bède : Dans le sens mystique,
Capharnaüm dont le nom signifie très belle campagne représente le
monde, comme la synagogue est la figure du peuple juif, et le Sauveur nous
apprend ici qu'en apparaissant au monde dans le mystère de son incarnation il
a enseigné au peuple juif un grand nombre de vérités que ce peuple a
comprises. |
Lectio 10 |
Versets 61-72
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[86048] Catena in Io., cap. 6 l. 10 Augustinus
in Ioannem. Talia loquente Iesu, non crediderunt aliquid magnum dicentem,
et verbis illis aliquam gratiam cooperientem; sed prout voluerunt
intellexerunt, et more hominum, quia poterat aut disponebat Iesus carnem, qua
indutum erat verbum, veluti conscissam distribuere credentibus in se; unde
dicitur multi ergo audientes, non ex inimicis, sed ex discipulis eius
dixerunt : durus est hic sermo. Chrysostomus in Ioannem. Idest, difficile
susceptibilis, superexcedens eorum imbecillitatem : putabant enim eum supra
seipsum loqui maiora propria dignitate, et dixerunt quis potest eum audire?
Quasi pro seipsis respondentes, quia non debebant. Augustinus. Si autem discipuli durum habuerunt istum
sermonem, quid inimici? Et tamen sic oportebat ut diceretur quod non ab
hominibus intelligeretur; secretum Dei intentos debet facere, non adversos.
Theophylactus. Cum autem audis quod discipuli eius
murmurabant, non intelligas hos qui actu sunt discipuli, sed hos qui in
habitu et figura videbantur ab eo instrui. Nam inter discipulos erant quidam
ex plebe, qui dicebantur eius discipuli, quia multo cum discipulis manebant
tempore. Augustinus. Sic autem apud se ista dixerunt ut ab
illo non audirentur; sed ille, qui noverat in seipsis, apud seipsum audiebat;
unde sequitur sciens autem Iesus apud seipsum, quia murmurarent de hoc
discipuli eius, dixit eis : hoc vos scandalizat? Alcuinus. Quod scilicet dixi vobis, manducare carnem
meam, et bibere sanguinem meum. Chrysostomus in Ioannem. Erat autem hoc suae
deitatis signum, occulta in medium ferre; unde sequitur si ergo videritis
filium hominis ascendentem ubi erat prius : supple : quid dicetis? Hoc et in
Nathanaele fecit dicens : quoniam dixi tibi : vidi te sub ficu, credis;
maiora his videbis. Non igitur quaestiones quaestionibus copulat; sed
magnitudine dogmatum et multitudine eos inducere vult. Non igitur discipulos
in scandalum mittere volens hoc dicit, sed eorum scandalum solvere volens :
nam dum aestimant eum de Ioseph natum, non suscipiunt ea quae dicebantur. Qui
vero credituri erant quoniam de caelo descendit et illuc ascendit, facilius
attendunt his quae dicebantur. Augustinus. Vel aliter. Hinc solvit quod illos
commoverat : illum enim putabant erogaturum corpus suum; ille autem dixit se
ascensurum in caelum, utique integrum. Cum videritis, inquiens, filium
hominis ascendentem ubi erat prius. Certe vel tunc videbitis quia non eo modo
quo putatis erogat corpus suum, et quia gratia eius non consumitur morsibus.
Filius autem hominis Christus ex virgine Maria hic esse coepit in terra, ubi
carnem assumpsit ex terra : quid ergo vult quod ait cum videritis filium
hominis ascendentem ubi erat prius, nisi ut intelligamus unam personam esse
Christum Deum et hominem, non duas? Ne fides nostra sit quaternitas, sed
Trinitas. Sic ergo erat filius hominis in caelo, quemadmodum filius Dei erat
in terra : filius Dei in terra in suscepta carne; filius hominis in caelo in
unitate personae. Theophylactus. Non ergo propter hoc putes quod de
caelo corpus Christi descenderit : hoc enim Marciani haeretici et Apollinaris
est dictum, sed quia unus et idem erat filius Dei et hominis. Chrysostomus. Propter hoc autem et aliam solutionem
inducit, dicens spiritus est qui vivificat; caro non prodest quidquam. Quod
autem dicit, tale est. Spiritualiter oportet ea quae de me sunt audire; qui
autem carnaliter audit, nihil proficit. Est autem carnaliter intelligere,
simpliciter ea quae proposita sunt videre, et nihil plus imaginari. Oportet
autem non ita iudicare; sed omnia mysteria interioribus oculis inspicere,
quod semper est spiritualiter audire. Carnale vero erat dubitare qualiter
potest nobis carnem dare manducare. Quid igitur? Non est vera caro? Immo
utique; quod igitur ait caro non prodest quidquam, non de sua carne dicit,
sed de eius carne qui carnaliter accipiebat quae dicebantur. Augustinus in Ioannem. Vel aliter. Caro non prodest
quidquam. Sed quomodo illi intellexerunt? Carnem quippe sic intellexerunt
quomodo in cadavere dilaniatur, aut in macello venditur, non quomodo spiritu
vegetatur. Accedat spiritus ad carnem, et prodest plurimum : nam si caro
nihil prodesset, verbum caro non fieret, ut habitaret in nobis; sed spiritus
per carnem aliquid operatus est in nobis pro salute nostra. Augustinus de Civ. Dei. Non enim caro per seipsam
mundat, sed per verbum a quo suscepta est; quod cum sit principium omnium,
suscepta anima et carne, et animam credentium mundat et carnem. Spiritus ergo
est qui vivificat; caro non prodest quidquam; sicut illi intellexerunt
carnem. Non sic ego do ad manducandum carnem meam. Nec carnem debemus sapere
secundum carnem; proinde dicit verba quae ego locutus sum vobis, spiritus et
vita sunt. Chrysostomus. Idest, spiritualia sunt, nihil
habentia carnale, neque consequentiam naturalem; sed eruta sunt ab omni tali
necessitate quae in terra, et a legibus quae hic positae sunt. Augustinus in Ioannem. Si ergo intellexisti
spiritualiter, spiritus et vita tibi sunt; si intellexisti carnaliter, etiam
sic spiritus et vita sunt, sed tibi non sunt. Diximus enim hic dominum
commendasse in manducatione carnis suae et potatione sanguinis sui, ut in
illo maneamus, et ipse in nobis. Hoc autem quid facit nisi caritas? Caritas
autem Dei diffusa est in cordibus nostris per spiritum sanctum qui datus est
nobis; ergo spiritus est qui vivificat. Chrysostomus. Et quia de carnali audientia supra
locutus est, subiungit sed sunt quidam ex vobis qui non credunt. Dicens
quidam, discipulos excepit; suam autem dignitatem ostendit, occulta revelans.
Augustinus. Non dixit : sunt quidam in vobis qui non
intelligunt; sed causam dixit quare non intelligant. Propheta enim dixit :
nisi credideritis, non intelligetis; nam qui resistit, quomodo vivificatur?
Adversarius enim radio lucis quo penetrandus est, non avertit faciem, sed
claudit mentem. Credant et aperiant, et illuminabuntur. Chrysostomus. Et ut discas quoniam ante haec verba,
et non postquam murmuraverunt et scandalizati sunt, haec Christus cognoverat,
subiungit Evangelista dicens sciebat enim ab initio Iesus qui essent credituri,
et qui traditurus eum esset. Theophylactus. Volens per hoc nobis Evangelista
ostendere quod ante constitutionem mundi omnia cognoscebat; quod divinitatis
erat indicium. Augustinus. Sed postquam distinxit credentes dominus
a non credentibus, expressit causam quare non credunt; unde sequitur et
dicebat : propterea dixi vobis, quia nemo potest venire ad me, nisi fuerit ei
datum a patre meo. Chrysostomus. Quasi dicat : non turbant me neque
stuporem inferunt qui non credunt. Novi quibus dedit pater. Dixit autem hoc,
ut ostendat quoniam non illorum gloriam concupiscens hoc dicebat; et ut
suadeat eis quod patrem eius existiment Deum, et non Ioseph. Augustinus in Ioannem. Ergo et credere datur nobis :
non enim nihil est credere. Si autem magnum quid est, gaude quia credidisti,
sed noli extolli : quid enim habes quod non accepisti? Hoc autem donum quibusdam dari et quibusdam non dari,
omnino non dubitat qui non vult manifestissimis sacris litteris repugnare.
Cur autem non omnibus detur, fidelem movere non debet, qui credit ex uno
omnes esse in condemnationem iustissimam; ita ut nulla Dei esset iusta
reprehensio, etsi nullus inde liberaretur; unde constat magnam esse gratiam
quod plurimi liberantur. Cur autem istum potius quam illum liberet,
inscrutabilia sunt iudicia eius, et investigabiles viae eius. Sequitur ex hoc
multi discipuli eius abierunt retro, et iam cum illo non ambulabant. Chrysostomus. Non dixit : recesserunt, sed abierunt
retro, ab ea quae secundum virtutem est auditione, et quam habebant olim
fidem, perdiderunt. Augustinus. Ecce praecisi a corpore vitam
perdiderunt : quia in corpore nec fuerunt : inter non credentes et ipsi
reputati sunt. Abierunt retro non pauci, sed multi post Satanam, non post
Christum, quomodo de quibusdam feminis dicit apostolus : quaedam conversae
sunt retro post Satanam. Petrum autem non repulit dominus retro ire post
Satanam, sed fecit post se ire. Chrysostomus. Quaeret autem aliquis : quod tempus
erat verba dispensandi his quae constructa erant nocentia? Multa quidem
utilitas et necessitas. Quia enim instabant cibum corporalem petentes, et
eius qui sub patribus datus est reminiscentes, ostendens quoniam omnia illa
typus erant, meminit cibi spiritualis. Non igitur scandalizari oportebat, sed
interrogare congruum erat : quare illorum amentiae scandalum fuit, non
indissolubilitatis eorum quae dicebantur. Augustinus. Et hoc etiam forte factum est ad
consolationem nostram : quoniam aliquando contingit ut homo dicat verum, et
quod dicit non capiatur, atque illi qui audiunt scandalizentur et discedant.
Poenitet autem hominem dixisse quod verum est : dicit enim apud se homo : non
debui sic dicere; et sic domino contingit. Dixit, et perdidit multos : sed
non turbatur ipse, quia ab initio noverat qui non essent credentes. Nos, si
nobis contingat, conturbamur : solatium in domino inveniamus, et tamen caute
verba dicamus. Beda. Sciebat autem dominus de aliis discipulis qui
remanserunt an vellent abire; sed tamen eos interrogavit, ut fides eorum
monstraretur, et aliis imitanda proponeretur; unde sequitur dixit ergo Iesus
ad duodecim : numquid et vos vultis abire? Chrysostomus in Ioannem. Per hunc autem modum
oportebat eos trahi : nam si eos laudasset, passi essent aliquid humanum,
existimantes se gratiam Christo facere, eum non relinquendo : ostendens vero
se non indigere eorum sequela, magis eos detinuit. Non autem eis dixit :
abite; hoc enim esset eos expellere; sed interrogavit eos an vellent abire,
auferens eis vim et necessitatem, et nolens eos verecundia coarctari : ex
necessitate enim detineri par esset ac si abirent. Petrus autem fratrum
amator, amicitiae conservator, pro toto respondet collegio; unde sequitur
respondit ergo ei Simon Petrus : domine, ad quem ibimus? Augustinus in Ioannem. Quasi dicat : repellis nos a
te : da nobis alterum ad quem ibimus, si te relinquimus. Chrysostomus. Hoc autem verbum multae est amicitiae
ostensivum : quia scilicet Christus eis honorabilior erat quam patres et
matres. Deinde ut non videatur hoc propterea dicere, quia non essent qui eos
reciperent, subiungit verba vitae aeternae habes. Audiens enim magistrum
dicentem quoniam resuscitabo eum et habebit vitam aeternam, ostendit se
recordari eorum quae dicta sunt verborum. Et Iudaei quidem dicebant : hic est
filius Ioseph; hic vero dicit et nos credimus, et cognovimus, quia tu es
Christus filius Dei. Augustinus. Credidimus enim, ut cognosceremus : nam
si prius cognoscere, deinde credere vellemus, nec cognosceremus, nec credere
valeremus. Hoc credimus et cognovimus, quia tu es Christus filius Dei; idest
quia ipsa vita aeterna tu es, et non das in carne et sanguine tuo nisi quod
es. Chrysostomus. Quia vero Petrus dixerat et nos
credimus, dominus de collegio credentium excipit Iudam; unde sequitur
respondit eis Iesus : nonne ego vos duodecim elegi, et unus ex vobis Diabolus
est? Quod autem dicit, tale est. Ne aestimetis quod quia secuti estis me, non
redarguam malos. Dignum autem est hic quaerere, quare nunc nihil dicunt
discipuli; sed postea formidantes dicunt : numquid ego sum, domine? Sed
nondum Petrus audierat : vade retro me, Satana, et propter hoc timorem non
habuit. Nunc etiam non dicit unus ex vobis me tradet, sed Diabolus est : ideo
nesciebant quod dicebatur; sed malitiam aestimabant vituperari solum.
Accusant autem hic Christum gentiles insipienter : non enim electio eius vim
infert his quae futura sunt; sed in voluntate situm est salvari et perire.
Beda. Vel dicendum, quod ad aliud elegit undecim, et
ad aliud unum; undecim elegit, ut in apostolica dignitate perseverarent; unum
elegit, ut per proditionis eius officium salutem operaretur humani generis.
Augustinus. Electus enim est iste, de quo nolente et
nesciente magnum aliquid boni fieret. Sicut enim iniqui male utuntur bonis
operibus Dei, sic e contra Deus bene utitur malis operibus hominum. Quid Iuda
peius? Sed malo eius bene usus est dominus : tradi se pertulit, ut nos
redimeret. Potest etiam sic intelligi quod ait duodecim elegi : quia
consecratus est duodenarius numerus eorum, qui per quatuor cardines mundi
Trinitatem fuerant denuntiaturi. Non autem quia periit inde unus, ideo illius
numeri honor ademptus est : nam in locum pereuntis alius subrogatus est. Gregorius Moralium. Capitis autem nomine censetur
corpus, cum de perverso homine dicitur unus ex vobis Diabolus est; unde
Evangelista exponens subdit dicebat autem de Iuda Simonis Iscariotis : hic
enim erat traditurus eum, cum esset unus de duodecim. Chrysostomus. Considera Christi sapientiam : neque
enim Christus eum manifestum fecit, ne inverecundum faciat, et sic
litigiosior fiat; neque eum latere permisit, ne aestimans se latere, sine
timore operaretur. |
—
Saint
Augustin : (Traité 27 sur Saint Jean). Les
Juifs ne crurent pas que ces paroles de Jésus renfermaient de sublimes
vérités, et recouvraient un grand mystère de grâce, ils les entendirent comme
ils le voulaient, dans un sens tout naturel, et comme si Jésus devait leur
partager et distribuer par morceaux la chair dont le Verbe s'était revêtu à
ceux qui croyaient en lui: « Plusieurs
donc, non point de ses ennemis, mais de ses disciples, l'entendant, dirent :
Ces paroles sont dures. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 47). C'est-à-dire qu'elles
étaient difficiles à comprendre, et dépassaient la portée de leur
intelligence limitée. Ils s'imaginaient que le Sauveur tenait un langage bien
supérieur à sa puissance, et ils se disaient : « Qui peut l'écouter ? » cherchant par là à justifier leur
conduite inexcusable. —
Saint Augustin : (Traité 27). Mais si les disciples
de Jésus trouvèrent ces paroles dures, que durent en penser ses ennemis ? Et
cependant il fallait leur enseigner cette vérité bien que tons ne dussent pas
la comprendre; le secret de Dieu doit exciter l'attention et ne point
soulever d'opposition. — Théophylactus : Par ces disciples qui murmuraient, il ne faut point comprendre ceux
qui étaient réellement et véritablement ses disciples, mais ceux qui
paraissaient extérieurement prendre part à ses enseignements, car parmi ses
véritables disciples, il se trouvait un certain nombre d'hommes qui passaient
pour ses disciples, uniquement parce qu'on les voyait depuis longtemps avec
eux. —
Saint Augustin : (Traité 27). Ils faisaient cette
réflexion entre eux, de manière à ne pas être entendus, mais Jésus qui
connaissait les pensées les plus intimes de leur cœur les entendait en
lui-même : « Or Jésus connaissant
en lui-même que ses disciples murmuraient à ce sujet, leur dit : Cela vous
scandalise ? » —
Alcuin : C'est-à-dire ce que je viens
de vous enseigner, la nécessité de manger ma chair et de boire mon sang. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 47). Une des preuves de sa
divinité, c'était de révéler publiquement le secret des cœurs. Il ajoute : « Donc, quand vous verrez le Fils de
l'homme monter où il était auparavant ? » Suppléez : Que direz-vous ?
C'est la réflexion qu'il avait déjà faite à Nathanaël : « Parce que je vous ai dit : Je vous ai vu sous le figuier, vous
croyez; vous serez témoin de plus grandes choses. » Notre Seigneur
n'ajoute pas ici difficultés sur difficultés, mais il veut les attirer par la
grandeur et le nombre des vérités sublimes qu'il leur enseigne. [S'il leur avait dit
simplement tout d'abord qu'il était descendu du ciel, sans rien ajouter de
plus, il aurait augmenté le scandale de ceux qui l'écoutaient; il suit donc
une marche toute différente, il déclare que sa chair est la vie du monde, que
de même qu'il a été envoyé par son Père vivant, il vit aussi par son Père, et
c'est alors qu'il ajoute qu'il est descendu du ciel pour faire disparaître
toute espèce, de doute]. Ce n'est donc point pour scandaliser ses disciples,
c'est au contraire pour détruire le scandale que ses paroles avaient fait
naître qu'il s'exprime de la sorte. Tant qu'ils ne voyaient en lui que le
Fils de Joseph, ses paroles n’avaient pour eux aucune autorité; ceux au contraire
qui croiraient qu’il était descendu du ciel, et qu'il devait y remonter,
prêteraient une attention plus grande à ses enseignements. —
Saint Augustin : (Traité 27). Ou bien encore, il
résout la difficulté qui les troublait; ils s'imaginaient qu’il donnerait son
corps par morceaux, et il leur dit qu'il remontera tout entier dans le ciel :
« Que sera-ce donc lorsque vous verrez
le Fils de l'homme monter où il était auparavant ? » Certes vous
comprendrez alors qu'il ne donne pas son corps de la manière que vous pensez
et qu'on ne peut consumer par la bouche le mystère de sa grâce. Le Christ n'a
commencé à être le Fils de l'homme que sur la terre par sa naissance de la
Vierge Marie, lorsqu'il se fut revêtu d'une chair mortelle; pourquoi donc
s'exprime-t-il de la sorte : « lorsque
vous verrez le Fils de l'homme monter où il était auparavant ? » C'est
qu'il voulait nous faire comprendre que le Christ Dieu et homme tout à la
fois, ne forme qu'une seule personne et non pas deux, et que l'objet de notre
Foi doit être non pas la quaternité, mais la Trinité. Le Fils de l'homme
était donc dans le ciel, comme le Fils de Dieu était sur la terre. Il était
sur la terre le Fils de Dieu dans la chair qu'il s'était unie, il était le
Fils de l'homme dans le ciel par suite de l'unité de personne. — Théophylactus : N'allez pas croire pour cela que le corps de Jésus-Christ soit
descendu du ciel comme l'enseigne l'hérésie de Marcion et d'Apollinaire, le
Fils de Dieu et le Fils de l'homme ne sont qu'une seule et même personne. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 47). Notre Seigneur donne
encore une autre solution : « C'est
l'esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien. » Voici le véritable
sens de ces paroles : Il faut entendre spirituellement ce que je viens de
dire de moi, si vous prenez mes paroles dans un sens charnel, vous n'en
retirerez aucune utilité. Or entendre ces paroles dans un sens charnel, c'est
ne voir que ce qui frappe les yeux sans aller au delà. Ce n'est pas ainsi
qu'il en faut juger, il faut considérer les mystères avec les yeux intérieurs
et les entendre toujours spirituellement. C'était au contraire les entendre
dans un sens charnel, que de formuler ce doute : comment pourra-t-il
nous donner sa chair à manger ? Quoi donc, est-ce qu'il ne nous donne pas sa
véritable chair ? Sans aucun doute, il nous la donne; si donc il déclare que
la chair ne sert de rien, il ne veut point parler de sa chair, mais de ceux
qui donnaient à ses paroles une interprétation toute charnelle. —
Saint Augustin : (Traité 27). Ou bien encore, « la chair ne sert de rien » :
comment l’ont-ils compris ? Dans le sens des Capharnaïtes qui
s'imaginaient que cette chair serait comme la chair d'un cadavre qu'on
démembre ou qu'on vend au marché, et ne comprenaient pas que cette chair
était remplie de l'esprit de Dieu [et de la vie de la grâce]. Quel esprit
s'unisse à la chair, alors la chair est d'une grande utilité. Car si la chair
ne servait de rien, le Verbe ne se serait pas fait chair pour habiter parmi
nous. C'est donc à l'esprit qu'il faut rapporter ce qui a été opéré par la
chair pour notre salut. —
Saint Augustin : (de la Cité de Dieu, 10, 24). Ce n'est point
évidemment par elle-même que la chair purifie notre âme, mais parle Verbe qui
s'en est revêtu, et qui étant le principe de toutes choses, s'est uni à la
fois à une âme et à un corps pour purifier l'âme et la chair de ceux qui
croiraient en lui. C'est donc l'esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien,
de la manière qu'ils l'entendaient, ce n'est pas ainsi que je donne ma chair à
manger, et ce n'est pas dans ce sens tout charnel que nous devons goûter
cette chair. Aussi Notre Seigneur ajoute : « Les paroles que je vous ai dites sont esprit et vie. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 47). C'est-à-dire elles sont
toute spirituelles, elles n'ont rien de charnel, elles ne sont point soumises
aux effets naturels, et sont en dehors de toute nécessité terrestre et de
toutes les lois d'ici bas. —
Saint Augustin : (Traité 27 sur Saint Jean). Si
vous entendez ces paroles spirituellement, elles sont esprit et vie pour
vous, si vous les entendez dans un sens charnel, elles sont encore esprit et
vie, mais non point pour vous. Nous avons dit précédemment que la fin que
s'est proposée Notre Seigneur en nous donnant sa chair à manger et son sang à
boire c'est que nous demeurions en lui et qu'il demeure en nous; or, la
charité seule peut produire cet effet, et la charité de Dieu a été répandue
dans nos cœurs par l'Esprit saint qui nous a été donné. (Rm 5) C'est
donc l'esprit qui vivifie. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 47). Après avoir signalé
cette interprétation charnelle et grossière, Notre Seigneur ajoute : « Mais il y en a parmi vous quelques-uns
qui ne croient point. » En disant : « quelques-uns »,
il excepte ses disciples, en même temps qu'il prouve sa puissance divine en
révélant le secret des cœurs. —
Saint Augustin : (Traité 27 sur Saint Jean). Il
ne dit pas : Il en est parmi vous qui ne comprennent pas, mais il indique la
cause de leur défaut d'intelligence, car le prophète a dit : « Si vous ne commencez par croire, vous ne
comprendrez point. » Comment celui qui résiste peut-il être vivifié ? Il
est l'ennemi du rayon de lumière qui veut le pénétrer, il en détourne les
yeux, il lui ferme son âme. Qu'ils croient donc et qu'ils ouvrent leur âme,
et ils seront comblés de lumière. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 47) Et remarquez que
ce n'est point après leurs murmures et le scandale qu’ont provoqué les
paroles du Sauveur, qu'il a connu les dispositions de leur cœur, car
l'Evangéliste prend soin d'ajouter : «
Jésus savait, dès le commencement, qui étaient ceux qui ne croyaient point et
qui était celui qui le trahirait. » — Théophylactus : Il nous apprend ainsi qu'avant même la création du monde, il
connaissait toutes choses, ce qui était une preuve évidente de sa divinité. —
Saint Augustin : (Traité 27) Après avoir fait
la distinction de ceux qui croient d'avec les incrédules, Notre Seigneur
remonte à la cause pour laquelle ils ne croient point : « C'est pourquoi je vous ai dit que nul ne peut venir à moi, si cela ne
lui est donné par mon Père. » —
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 47) C'est-à-dire je
ne suis ni troublé ni surpris de ce que quelques-uns ne croient point, car je
connais ceux à qui mon Père a fait cette grâce. Il s'exprime ainsi pour leur
prouver qu'il ne cherchait en aucune façon la gloire qu'ils pouvaient lui
donner, et pour les bien convaincre que son Père n'était pas Joseph, mais
Dieu lui-même. —
Saint Augustin : (Traité 27). La foi
est donc un don de Dieu, et un don d'une grande importance. Or, si ce don est
aussi grand, réjouissez-vous d'avoir la foi, mais n'en concevez pas
d'orgueil, « car qu'avez-vous que vous
n'ayez reçu ? » (l Co 4) —
Saint Augustin : (de la prédest. des saints,
chap. 9) [référence à vérifier] Que ce don de la foi soit
accordé aux uns et refusé aux autres, c'est ce qu'on ne peut nier sans se
mettre en opposition avec les témoignages les plus incontestables de la
sainte Ecriture. Le chrétien ne doit pas s'étonner que ce don ne soit pas
accordé à tous, dès lors qu'il croit que le péché d'un seul a été le juste
sujet de la condamnation de tous les hommes, à ce point qu'on ne pourrait
adresser à Dieu aucun juste reproche quand même un seul homme n'échapperait
pas à cette sentence de mort. C'est donc par l'effet d'une grâce tout à fait extraordinaire
qu'un grand nombre sont arrachés à la damnation. Mais pourquoi l'un est-il
plutôt sauvé que l'autre ? c'est là un effet des jugements incompréhensibles
de Dieu et de ses voies impénétrables. (Rm 11, 33). « De ce moment, plusieurs de ses disciples
se retirèrent et ne marchaient plus en sa compagnie. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 47). L'Evangéliste ne dit
pas précisément qu'ils l'abandonnèrent, mais qu'ils marchèrent en arrière,
c'est-à-dire qu'ils cessèrent de suivre les enseignements du Sauveur avec de
bonnes dispositions et qu'ils perdirent la foi qu'ils avaient pu avoir
auparavant. —
Saint Augustin : (Traité 27 sur S, Jean). Ils
perdirent la vie en se séparant du corps, parce que peut-être ils n'en firent
jamais partie, et ils doivent être rangés parmi les incrédules, bien qu'ils
parussent être du nombre [des disciples de Jésus]. Ce fut en grand nombre
qu'ils se retirèrent de Jésus-Christ pour marcher à la suite de Satan, comme
l'Apôtre le dit de certaines femmes de son temps : « Déjà quelques-unes se sont égarées pour suivre Satan. » Quant à
Pierre, Notre Seigneur ne le repousse point en le renvoyant à la suite de
Satan, mais il lui commande seulement d'aller derrière lui. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 46 sur Saint Jean). On
demandera peut-être quelle opportunité pouvaient avoir ces discours,
puisqu'ils étaient bien plutôt un sujet de scandale que d'édification. Nous
répondons qu'ils avaient une immense utilité et qu’ils étaient nécessaires.
Les Juifs recherchaient avec empressement la nourriture du corps, ils
rappelaient le souvenir de la manne donnée à leurs pères, Notre Seigneur leur
apprend donc que ce n'étaient là que des figures, et il leur suggère l'idée
de la nourriture spirituelle. Il n'y avait là aucune raison pour eux de se scandaliser,
et ils devaient se contenter de l'interroger. La cause de leur scandale doit
donc être tout entière attribuée à leurs mauvaises dispositions plutôt qu'à
l'obscurité de la doctrine du Sauveur. —
Saint Augustin : (Traité 27). Peut-être aussi Dieu
permit-il ce scandale pour notre consolation; il arrive en effet quelquefois
qu'un homme dit la vérité sans parvenir à se faire comprendre, ceux qui
l'entendent se scandalisent et se retirent; cet homme regrette alors d'avoir
fait connaître la vérité, et il se dit : Je n'aurais pas dû parler de la
sorte. C'est ce qui arrive ici à notre Sauveur, il fait connaître la vérité,
et il perd un grand nombre de disciples; cependant il ne s'en trouble point,
parce qu'il savait dès le commencement qui étaient ceux qui ne croiraient
point. Si donc nous sommes soumis à la même épreuve, n'en soyons point
troublés, cherchons notre consolation en Notre-Seigneur, cependant que la
prudence dirige toutes nos paroles. —
Saint Bède : Notre Seigneur savait
parfaitement si les autres disciples, ceux qui étaient restés, avaient
l'intention de s'en aller; cependant il les interroge pour faire ressortir
leur foi et la proposer comme modèle aux autres : « Jésus dit donc aux douze : Et vous, voulez-vous aussi vous en aller
? » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 47). C'est en effet le moyen
le plus convenable pour les attirer à lui. S'il leur avait prodigué les
éloges, ils y eussent été par trop sensibles, et se seraient persuadés qu'en
restant fidèles à Jésus-Christ, ils lui rendaient un grand service. Il se les
attache donc bien plus fortement, en leur montrant qu'il n'a que faire de les
voir marcher à sa suite. Toutefois il ne leur dit pas : Allez-vous en, (ce
qui eût été les renvoyer,) mais il leur demande s'ils veulent s'en aller, il
leur donne toute liberté, il ne veut pas qu'un certain sentiment de pudeur
les retienne à sa suite, le suivre par nécessité est pour lui comme s'ils s’en
allaient. Or, Pierre qui aimait ses frères et professait un ardent amour pour
le Sauveur, répond pour tout le collège apostolique : « Mais Simon Pierre lui répondit : ‘ Seigneur, à qui irions-nous
?’ » —
Saint Augustin : (Traité 21) Il semble dire :
Est-ce que vous nous renvoyez ? Donnez-nous donc un autre à qui nous
puissions aller, si nous venons à vous quitter. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 47). Ces paroles montrent le
grand amour des [vrais] disciples de Jésus [pour leur divin Maître]; ils le
mettaient [dans leur esprit et dans leur cœur] bien au-dessus de leurs pères
et de leurs mères. Et s'il parlait ainsi, ce n'est point dans la crainte que
personne ne voulût les recevoir, après qu'ils auraient quitté Jésus, c'est
pourquoi il ajoute : « Vous avez les
paroles de la vie éternelle. » Il
montre ainsi qu'il se rappelle les paroles du Seigneur : « Je le ressusciterai au dernier jour» et encore : « Il aura la vie éternelle. » Les
Juifs disaient : « C'est le fils
de Joseph, » Pierre, au contraire, s'écrie : « Nous avons cru et nous avons connu que vous êtes le Christ, Fils de
Dieu. » —
Saint Augustin : (Traité 27). Nous avons cru pour
connaître, car si nous avions voulu connaître avant de croire, nous n'aurions
été capables ni de connaître, ni de croire. Nous avons cru et nous avons
connu que vous êtes le Christ, Fils de Dieu, c'est-à-dire, que vous êtes la vie
éternelle, et que c'est vous-même que vous nous donnez dans votre chair et
dans votre sang. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 47). Pierre venait de dire :
« et nous avons cru. » Notre
Seigneur excepte Judas du nombre des croyants : « Jésus leur répondit : Ne vous ai-je pas choisis tous les
douze ? Et cependant parmi vous il y a un démon, » c'est-à-dire, ne
croyez point, parce que vous vous êtes rangés à ma suite, que je m'abstienne
de reprendre ceux qui sont mauvais. Il est légitime de se demander pourquoi
les disciples restent ici dans le silence, eux qui plus tard diront en
tremblant : « Est-ce moi, Seigneur ? »
Jésus n'avait pas encore dit à Pierre : « Retire-toi
de moi, Satan. » (Mt 16) Ces paroles ne lui inspirent donc aucune
crainte. D'ailleurs Notre Seigneur ne dit pas : Un de vous me trahira, mais :
« Un de vous est un démon. » Ils ne
comprenaient donc pas la portée de cette expression et n'y voyaient qu'une
parole de blâme tombant sur les mauvaises dispositions [de l'un d'eux]. Les
incrédules font ici à Jésus-Christ un reproche insensé, car le choix qu'il
fait d'un homme ne lui impose aucune violence, aucune nécessité, et notre
salut comme notre perte sont subordonnés à notre volonté. —
Saint Bède : On peut dire encore que le
Sauveur s'est proposé des fins différentes dans la vocation de Judas et dans
celle des onze autres Apôtres. Il a choisi les onze pour les faire persévérer
dans la dignité d'Apôtres; il a choisi Judas pour que sa trahison fût
l'occasion du salut du genre humain. —
Saint Augustin : (Traité 27). Judas a été choisi pour
devenir l'instrument d'un grand bien qu'il ne voulait pas et qu'il ne
connaissait même pas; car de même que les impies font servir au mal les
œuvres bonnes de Dieu, Dieu au contraire sait faire servir au bien les actions
coupables des hommes. Quoi de pire que Judas ? et cependant le Seigneur a su
tirer le bien du crime qu'il a commis, et il a souffert d'être trahi par lui
pour nous racheter. On peut encore entendre autrement ces paroles : « Je vous ai choisis au nombre de douze, »
dans ce sens que c'est le nombre consacré de ceux qui devaient annoncer aux
quatre points du monde le mystère de la Trinité; or, ce nombre n'a perdu ni
sa gloire ni son caractère sacré, parce que l'un d'entre eux s'est perdu,
puisqu'un autre lui a succédé. —
Saint Grégoire : (Moral., 13, 12). Lorsque Notre
Seigneur dit d'un de ses disciples livré au mal : « L'un de vous est un démon, » il donne le nom du chef à un
de ses membres, comme l'Evangéliste l'explique en ajoutant : « Il parlait de Judas Iscariote, fils de
Simon, car c'était lui qui devait le trahir, quoiqu'il fût un des douze. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 47). Admirez la sagesse de
Jésus-Christ, il ne fait point connaître ce disciple infidèle, de peur que
perdant toute retenue, il ne lui soit fait une guerre ouverte; il ne veut
point non plus que ses dispositions restent entièrement cachées, ce qui, en
l'affranchissant de toute crainte, l'aurait rendu plus audacieux dans
l'exécution de son crime. |
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Caput 7 |
CHAPITRE VII
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Lectio 1 |
Versets 1-8
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[86049] Catena in Io., cap. 7 l. 1 Augustinus
in Ioannem. Futurum erat ut aliquis fidelis Christi absconderet se, ne a
persecutoribus inveniretur; et ne illi pro crimine obiceretur latibulum,
praecessit in capite quod in membro confirmaretur; unde dicitur post haec
autem ambulabat Iesus in Galilaeam : non enim volebat in Iudaeam ambulare,
quia quaerebant eum Iudaei interficere. Beda. Haec verborum connexio talis est, ut
intelligamus quoniam in medio multa geri et fieri potuerunt. Iudaea autem et
Galilaea regiones sunt Palaestinae provinciae, sed Iudaea dicta est a tribu
Iuda : non tamen solum illa regio quam tribus Iuda, sed et illa quam tribus
Beniamin possidebat, Iudaea dicta est, quia ex tribu Iuda reges oriebantur.
Galilaea vero dicitur, eo quod lacteum populum, idest candidum, gignat :
Galilaea enim Graece, Latine lac dicitur. Augustinus. Sic autem hoc dominus dixit, quasi non
posset ambulare inter Iudaeos, et non occidi a Iudaeis; hanc enim potentiam
quando voluit demonstravit; sed infirmitati nostrae praebebat exemplum : non
ipse perdiderat potestatem, sed nostram consolabatur fragilitatem. Chrysostomus in Ioannem. Sed et illud est dicere,
quoniam quae deitatis erant ostendebat, et quae humanitatis : etenim fugiebat
persecutores ut homo, et apparebat eis ut Deus, utrumque vere existens. Theophylactus. Secessit etiam nunc in Galilaeam,
quia nondum passionis aderat tempus : unde vanum reputabat in medio
inimicorum manere, et magis ipsos ad odium incitare; unde et consequenter
tempus describitur, cum subditur erat autem in proximo dies festus Iudaeorum,
Scenopegia. Augustinus. Quid sit Scenopegia, qui Scripturas
legerunt noverunt. Faciebant tabernacula in die festo ad similitudinem
tabernaculorum, in quibus habitaverunt, cum ex Aegypto educti peregrinarentur
in eremo. Celebrabant ex hoc diem festum, reminiscentes beneficiorum domini,
qui tamen occisuri erant dominum. Appellabatur autem apud Iudaeos dies
festus, cum tamen non esset unus, sed plures. Chrysostomus. Ostendit igitur per hoc Evangelista,
quoniam multum tempus praetermisit. Cum enim dominus sedit in monte, erat
prope dies festus Paschae. Hic autem Scenopegiae meminit, et in quinque
intermediis mensibus nihil aliud nobis enarravit, nisi miraculum panum et
allocutionem factam ad eos qui comederunt. Quia enim indeficienter signa
faciebat et disputabat, non poterant Evangelistae omnia enumerare; sed ista
praecipue studuerunt dicere pro quibus aut querela aut contradictio quaedam a
Iudaeis subsequebatur; quod et hic apparet. Theophylactus. Quia enim fratres eius viderant ipsum
non esse paratum ad descendendum, subditur dixerunt autem fratres eius ad eum
: transi hinc et vade in Iudaeam. Beda. Ac si dicant : tu signa facis, et pauci ea
vident; transi ergo ad regiam urbem, ubi sunt principes, ut, visis signis,
laudem consequaris ab eis. Sed quia non omnes discipuli semper dominum
sequebantur, sed eorum multi in Iudaea erant, ideo subdunt ut et discipuli
tui videant opera tua quae facis. Theophylactus. Idest, turbae quae sequuntur te : non
enim de duodecim dicunt discipulis, sed de aliis qui conversabantur cum illo.
Augustinus in Ioannem. Cum autem auditis fratres
domini, Mariae cogitate consanguinitatem non iterum parientis ullam
propaginem. Sicut enim in sepulchro, ubi positum est corpus domini, nec ante,
nec postea mortuus iacuit, sic uterus Mariae nec ante, nec postea quidquam
mortale concepit. Opera quidem domini discipulos non latebant, sed istos
latebant; et ideo dicebant ut discipuli tui videant opera tua quae facis.
Loquebantur autem prudentiam carnis, verbo quod caro factum est; unde et
subdunt nemo quippe in occulto aliquid facit, et quaerit ipse in palam esse.
Si hoc facis, manifesta teipsum mundo; quasi dicant : facis miracula : appare
hominibus, ut laudari possis ab hominibus : nam qui eum videntur monere,
gloriae ipsius consulunt : et quia humanam gloriam requirebant, in eum non
credebant; unde sequitur neque enim fratres eius credebant in eum; Christum
enim consanguineum potuerunt habere; credere autem in eum ipsa propinquitate
fastidierunt. Chrysostomus. Dignum est autem mirari Evangelistarum
morem veritatis amicum, qualiter non verecundantur dicere ea quae magistro
videntur inferre iniuriam, sed hoc maxime studuerunt enuntiare. Non enim
parvam habet detractionem quod fratres eius discredebant. Et videtur initium
verborum quasi amicorum esse; multae autem amaritudinis erant quae dicebantur
: quia de formidine et de amore gloriae eum notant; nam dicunt nemo in
occulto aliquid facit : quod erat formidinem incusantium, et simul
suspicantium quae fiebant non vere facta esse. Per hoc autem quod dicunt et
quaerit ipse in palam esse, amorem gloriae in eo notant. Christus autem
mansuete eis respondit, docens nos non indigne ferre, si aliqui etiam viles
nobis consilientur; sequitur enim dicit eis Iesus : tempus meum nondum
advenit; tempus autem vestrum semper est paratum. Beda. Ne autem videatur hoc contrarium ei quod
apostolus dicit : at ubi venit plenitudo temporis, misit Deus filium suum,
referendum est quod hic dicitur, non ad tempus nativitatis, sed ad tempus
glorificationis. Augustinus. Dabant enim illi consilium consequendae
gloriae, veluti saeculariter, et terreno affectu monentes, ne esset ignobilis
et latitaret. Sed dominus voluit ad ipsam celsitudinem per humilitatem viam
sternere; dicit ergo tempus meum, idest gloriae meae, qua veniam in
altitudine iudicaturus, nondum venit; tempus autem vestrum, idest, mundi
gloria, semper est paratum. Et quoniam nos domini corpus sumus, quando nobis
insultant amatores huius saeculi, dicamus eis : tempus vestrum adest paratum,
tempus nostrum nondum advenit : excelsa enim patria, humilis via. Qui recusat
viam, quid quaerit patriam? Chrysostomus. Vel aliter. Videtur mihi aliud occulte
insinuare : fortassis enim eum prodere volebant, et tradere Iudaeis; ideo
dicit tempus meum nondum advenit, hoc est tempus crucis et mortis; tempus
autem vestrum semper est paratum : quia etsi vos semper sitis cum Iudaeis,
non interficient vos, eadem cum illis zelantes; unde sequitur non potest vos odisse
mundus; me autem odit, quia ego testimonium perhibeo de illo, quia opera eius
mala sunt; quasi dicat : qualiter mundus eos odit qui eadem cum ipso volunt,
et pro eisdem student? Me autem odit, quoniam redarguo eum. Intantum ergo
gloriam hominum non quaero, quod non praetermitto eos redarguere; licet sciam
ex hoc odium nasci et mortem intentari. Per hoc etiam ostendit quod odium
Iudaeorum contra eum concitabat publica redargutio, non autem sabbati solutio.
Theophylactus. Vel dominus contra duo de quibus illi
eum arguebant, alia duo inducit. Contra formidinem quidem dicit, quod opera
mundi redarguit, idest opera eorum qui mundana sapiunt : quod non faceret, si
formidolosus esset; sed contra inanem gloriam misit illos ad festum; unde
sequitur vos ascendite ad diem festum hunc : nam si vanae gloriae passione
detineretur, retinuisset eos secum : nam gloriae cupidi consueverunt multos
habere qui sequantur eos. Chrysostomus. Hoc etiam dicit ostendens quod eis
blandiri non vult, sed concedit eis Iudaica facere. Augustinus. Vel aliter. Vos ascendite ad diem festum
hunc, ubi gloriam humanam quaeritis, ubi extendere vultis carnalia gaudia,
non cogitare caelestia. Sequitur ego autem non ascendam ad diem festum istum.
Chrysostomus. Scilicet modo vobiscum; quia meum
tempus nondum impletum est : in futuro enim Pascha crucifigendus erat. Augustinus in Ioannem. Vel meum tempus, idest
gloriae meae, nondum advenit : ipse erit dies festus meus, non diebus istis
percurrens, et transiens; sed permanens in aeternum. Ipsa erit festivitas et
gaudium sine fine, aeternitas sine labore, serenitas sine nube. |
—
Saint
Augustin : (Traité 28 sur Saint Jean). Les
fidèles disciples de Jésus-Christ devaient dans la suite se cacher pour ne
pas être trouvés par leurs persécuteurs, et c'est pour que cette fuite ne
leur soit pas reprochée comme un crime que Notre Seigneur veut donner dans le
chef l'exemple que devaient un jour suivre les membres : « Après cela, Jésus parcourut la Galilée, car il ne voulait point
aller en Judée, parce que les Juifs cherchaient à le faire mourir. » —
Saint Bède : La liaison que ces paroles :
« Après cela, » semblent
établir entre ce chapitre et le précédent, n'est pas tellement étroite, qu'on
ne puisse supposer dans l'intervalle on grand nombre d'événements
intermédiaires. Or, la Judée et la Galilée sont des provinces de la
Palestine, la Judée tire son nom de la tribu de Juda, et cependant ce nom de
Judée ne fut pas seulement donné à la contrée occupée par la tribu de Juda,
mais à celle qui était échue à la tribu de Benjamin, parce que c'est de la
Judée que les rois tiraient leur origine. La Galilée, au contraire, fut ainsi
appelée de la blancheur du teint qui distingue ses habitants, car le mot grec
γάλα, signifie lait en latin. —
Saint Augustin : (Traité 28). L'Evangéliste s'exprime
ici comme si Notre-Seigneur ne pouvait parcourir la Judée sans être mis à
mort par les Juifs. Il manifesta, lorsqu'il le voulut, la puissance divine
qui était en lui, mais il n'avait point perdu cette puissance, parce qu'il
voulait servir d'exemple à notre faiblesse et apporter une consolation à
notre fragilité. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 48). Disons encore que Notre
Seigneur faisait paraître en lui tour à tour les caractères de sa divinité et
de son humanité, il fuyait ses persécuteurs en tant qu'homme, et il se
manifestait à eux comme Dieu, puisqu'il était à la fois l'un et l'autre. —
Théophylactus : Il se retire pour le moment dans la Galilée, parce que le temps de sa
passion n'était pas encore venu. Il regardait donc comme inutile de demeurer
au milieu de ses ennemis, pour ne point augmenter la haine qu'ils avaient
contre lui. L'Evangéliste nous fait connaître ensuite à quelle époque de
l'année on se trouvait alors : « Or, la
fête des Juifs, dite Scénopégie ou des Tabernacles, était proche. » —
Saint Augustin : (Traité 28). Ceux qui ont lu les
saintes Ecritures savent ce que c'est que cette fête des Tabernacles. Pendant
cette fête, les Juifs se construisaient des tentes semblables à celles que
leurs pères avaient habitées, en traversant le désert après leur sortie
d'Egypte. Ils célébraient cette fête en souvenir des bienfaits du Seigneur,
eux qui bientôt devaient mettre à mort le Seigneur. L'Evangéliste appelle
cette fête un jour de fête bien qu'elle durât, non pas un jour seulement,
mais plusieurs jours consécutifs. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 48). Nous avons ici une
preuve que l'Evangéliste passe sous silence un temps assez long [de la vie du
Sauveur]. Lorsqu'on effet, Notre Seigneur s'assit sur la montagne, on était
près de la fête de Pâques, ici c'est la fête des Tabernacles qui était
proche, et saint Jean ne mentionne d'autre fait dans les cinq mois
intermédiaires entre ces deux fêtes, que le miracle de la multiplication des
pains, et le discours que le Sauveur fit à ceux qui furent rassasiés de ce
pain. Il faut en conclure que les Evangélistes ne pouvaient raconter tous les
miracles que le Seigneur ne cessait de faire, non plus que tous ses discours,
mais qu'ils s'attachaient de préférence à ce qui était, de la part des Juifs,
l'objet d'une dispute ou d'une contradiction quelconque, comme nous le voyons
ici. — Théophylactus : Ses frères, voyant qu'il n'était pas disposé à aller à Jérusalem, lui
dirent : « Quittez ce pays et allez en
Judée. » —
Saint Bède : C'est-à-dire, vous faites
des miracles et peu en sont témoins, allez dans la ville royale où se
trouvent les princes de la nation, pour recueillir la gloire qu'ils ne
peuvent manquer d'accorder à l'auteur de si grands prodiges. Comme tous les
disciples de Jésus ne marchaient pas tout le temps à sa suite, et qu'il en
était un grand nombre dans la Judée, ils ajoutent : « afin que vos disciples voient eux aussi les œuvres que vous faites.
» — Théophylactus : C'est-à-dire la multitude qui s'empresse autour de vous, car ils ne
veulent point parler ici des douze, mais de ceux qui accompagnaient
ordinairement le Sauveur. —
Saint Augustin : (Traité 28). Par les frères du
Seigneur, vous ne devez entendre que les parents de Marie, et non aucun autre
fils né de son sein; car de même que ni avant ni après la mort du Sauveur
aucun corps ne fut placé dans le sépulcre où avait été déposé son corps
sacré, ainsi le sein virginal ne porta aucun autre enfant soit avant soit
après la naissance de Jésus ; les œuvres du Seigneur n'étaient point
cachées pour les disciples du Seigneur, mais elles demeuraient voilées pour
ceux dont il est ici question. Aussi écoutez leur langage : « afin que vos disciples eux aussi voient
les œuvres que vous faites. » C'est le langage de la prudence de la chair
au Verbe qui s’est fait chair; ils ajoutent : « Car personne n'agit en secret, lorsqu'il désire être connu ; puisque
vous faites ces choses, montrez-vous au monde», c'est-à-dire : vous
opérez des prodiges, faites-les en présence des hommes pour recueillir leurs
louanges. En lui parlant de la sorte, ils semblaient épouser les intérêts de
sa gloire; mais comme ils recherchaient une gloire tout humaine, ils ne
croyaient pas en lui : « car ses
frères mêmes, dit l'Evangéliste, ne
croyaient pas en lui. » Ils étaient unis à Jésus-Christ par les liens du
sang, mais cette parenté fut pour eux un obstacle volontaire qui les empêcha
de croire en lui. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 48). C'est une chose digne
d'admiration de voir que les Evangélistes, dans leur amour pour la vérité,
n'ont pas craint de raconter les faits qui paraissaient les plus défavorables
à leur Maître, et se sont même attaché à en conserver le souvenir. En effet,
l'incrédulité de ses frères ne paraissait pas fort honorable pour le Sauveur.
Le langage qu'ils lui tiennent parait inspiré par l'amitié, mais il est
empreint d'un profond sentiment d'aigreur, et ils l'accusent à la fois de
timidité et d'amour de la vaine gloire : «
Personne, disent-ils, n'agit en secret. » Voilà l'accusation de crainte
et de timidité, et en même temps l'expression d'un doute sur la vérité de ses
miracles. Ils ajoutent : « lorsqu'il
désire d'être connu, » voilà le reproche d'aimer la vaine gloire.
Cependant Jésus leur répond avec douceur, et nous enseigne par sa conduite à
ne point nous irriter des conseils qui peuvent nous être donnés par des
hommes peu estimables. Mais Jésus leur dit : « Mon temps n'est pas
encore venu, pour vous votre temps est toujours prêt. » —
Saint Bède : Ces paroles pourraient
paraître contraires à ce que dit l'Apôtre : « Lorsque les temps ont été accomplis, Dieu a envoyé son Fils »
(Ga 4), il faut donc les rapporter non pas au temps de la naissance du
Sauveur, mais à celui où il devait être glorifié. —
Saint Augustin : (Traité 28). Ils lui donnent le
conseil de rechercher la gloire, obéissant en cela à des inspirations
mondaines et terrestres, et ne pouvant souffrir que le Sauveur restât dans
l'obscurité et l'oubli. Mais Jésus veut au contraire frayer par l'humilité le
chemin qui conduit à la gloire : « Il
leur dit donc : Mon temps (c'est-à-dire le temps de ma gloire, où je viendrai
juger le monde avec majesté), n'est pas encore venu, mais votre temps
(c'est-à-dire le temps de la gloire du monde), est toujours prêt. »
Puisque nous sommes le corps du Seigneur, lorsque les partisans du monde nous
insultent, répondons-leur : « Votre temps est toujours prêt, notre temps
n'est pas encore arrivé » ; notre patrie est sur les hauteurs, le
chemin qui nous y conduit est humble : celui qui refuse de suivre le chemin,
c'est en vain qu'il cherche la patrie. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 48). Ou bien encore, Notre
Seigneur fait allusion aux dispositions secrètes de ceux qui lui tenaient ce
langage. Peut-être avaient-ils l'intention de le trahir et de le livrer aux
Juifs; il leur dit donc : « Mon
temps n'est pas encore venu (c'est-à-dire le temps de ma croix et de ma
mort); mais votre temps est toujours
prêt, car vous êtes bien toujours au milieu des Juifs, » mais ils ne vous
mettront point à mort, puisque vous partagez leurs sentiments. C'est pourquoi
il ajoute : « Le monde ne saurait vous
haïr, mais il me hait, parce que je rends de lui le témoignage que ses œuvres
sont mauvaises. » C'est-à-dire,
comment voulez-vous que le monde haïsse ceux qui n'ont point d'autres
volontés que les siennes, et obéissent aux mêmes inclinations ? Pour moi, au
contraire, il me hait, parce que je le reprends de ses vices. Je suis si loin
de rechercher la gloire des hommes, que je me fais un devoir de leur adresser
de sévères reproches, bien que je sache qu'ils en concevront une haine
violente, et qu'ils chercheront à me faire mourir. Nous avons ici une preuve
que la cause de la haine des Juifs contre le Sauveur, n'était point la
transgression du sabbat, mais les reproches publics qu'il leur adressait. —
Théophylactus : On peut dire encore que le Seigneur fait ici deux réponses aux deux
accusations dont il était l'objet, on l'accusait de se laisser dominer par la
crainte, et il répond en disant qu'il censure publiquement les œuvres du monde,
c'est-à-dire les œuvres des mondains, ce qui n'est point le fait d'un homme
accessible à la crainte. Il répond au reproche de vaine gloire, en les
envoyant eux-mêmes à la fête : « Pour
vous, allez à cette fête. » S'il avait été l'esclave de la vaine gloire,
il les eût retenus près de lui, car ceux qui sont dominés par cette passion
aiment à se voir environnés d'un grand nombre de personnes. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 48). Il s'exprime de la
sorte, pour leur montrer que son intention n'est pas de les flatter, et qu'il
leur laisse accomplir les observances légales. —
Saint Augustin : Ou bien : « vous, allez à cette fête où vous
cherchez la gloire humaine, où vous voulez augmenter les joies de la chair au
lieu de penser aux joies éternelles. Pour
moi, je n'y vais point, parce que mon temps n'est pas encore accompli. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 48). C'est-à-dire, je n'y
vais point avec vous, parce que mon temps n'est pas encore accompli, car ce
n'était qu'à la fête de Pâque suivante qu'il devait être crucifié. —
Saint Augustin : (Traité 28). Ou bien encore, mon
temps, c'est-à-dire le temps de ma gloire n'est pas encore venu, ce sera là
mon véritable jour de fête, non pas une fête passagère et transitoire comme
les fêtes d'ici-bas, mais une fête qui durera éternellement; ce sera la fête
et la joie sans fin, l'éternité sans travail, la sérénité sans nuages. |
Lectio 2 |
Versets 9-13 |
[86050] Catena in Io., cap. 7 l. 2 Theophylactus.
Quia dixerat dominus : non ascendam vobiscum, in principio denegavit ascensum,
vitans iram frementium Iudaeorum; unde dicitur haec cum dixisset, ipse mansit
in Galilaea. Postea vero ascendit; unde sequitur ut autem ascenderunt fratres
eius, tunc et ipse ascendit. Augustinus in Ioannem. Ascendit autem non gloriari
temporaliter, sed aliquid docere salubriter, et de festo aeterno admonere.
Chrysostomus in Ioannem. Vel ascendit, non ut
patiatur, sed ut alios erudiat. Latenter autem ascendit : poterat enim
manifeste ascendere et detinere eorum inordinatum impetum, quod multoties
fecit; at nolebat hoc continuo facere, ne magis suam divinitatem denudaret,
et ut incarnatio eius certior esset, et ut nos erudiret ad virtutem. Ut
igitur disceremus quid nos oporteat facere, qui non possumus persecutores
detinere, voluit latenter ascendere. Non autem dixit : in occulto, sed quasi
in occulto, ut ostendat dispensative hoc esse factum. Si enim omnia ut Deus
ageret, quomodo possemus nos scire, incidentes humanis periculis, quid
oporteat facere? Alcuinus. Vel occulte ascendit, quia favorem hominum
non quaerit, non pompis stipantium se turbarum delectatur. Beda. Mystice autem designatur quia singulis
quibusque carnalibus humanam gloriam quaerentibus, dominus manet in Galilaea,
quae interpretatur transmigratio sancta, idest in membris suis, qui
transmigrant de vitiis ad virtutes, et in eis proficiunt. Postmodum vero
dominus ascendit, quia membra Christi non huius vitae, sed aeternae gloriam
quaerunt. Occulte autem dominus ascendit, quia omnis gloria eius est ab
intus, idest de corde puro et conscientia bona, et fide non ficta. Augustinus. Vel quod quasi latenter ascendit,
aliquid significare voluit : omnia enim quae dicta sunt antiquo populo
Israel, umbrae fuerunt futurorum, et Scenopegia umbra erat futurorum. Omnia
ergo quae fiebant in figura, manifestantur in nobis. Ascendit ergo in
occulto; figura enim erat ipsum esse in occulto. In ipso die festo Christus
latebat, quia ipse dies festus Christi membra peregrinatura significabat.
Ille enim est in tabernaculis qui se in mundo esse intelligit peregrinum :
Scenopegia autem erat celebratio tabernaculorum. Sequitur Iudaei autem
quaerebant eum in die festo, et dicebant : ubi est ille? Chrysostomus in Ioannem. Ex multo odio et
inimicitia; neque enim eum nominatim vocare volebant. Non autem multa erat
eis in festivitate reverentia, nec multa religio; quia a festivitate
credebant Christum fraudulenter detinere. Sequitur et murmur multum erat de
eo in turba. Augustinus. Murmur erat de contentione, quam
convenienter exponit dicens quidam enim dicebant, quia bonus est; alii autem
dicebant : non, sed seducit turbas. Quicumque emicuerit in aliqua gratia,
alii dicunt bonus est; alii : non, sed seducit turbas. Quod autem dictum est
de eo, valet ad consolationem de quocumque hoc dictum fuerit Christiano. Et
quidem si seducere decipere est, nec Christus seductor, nec quisquam debet
seductor esse Christianus. Si autem seducere, aliunde aliquem ad aliud
persuadendo ducere est, quaerendum est unde, et quo. Si a bono ad malum,
malus seductor est; si a malo ad bonum, bonus est : et utinam sic omnes
seductores vocemur et simus. Chrysostomus. Igitur illam quidem aestimo opinionem
multitudinis esse, qua scilicet dicebatur bonus esse : hanc vero principum et
sacerdotum; quod ostenditur per hoc quod dicunt seducit turbas : non dicunt :
seducit nos. Sequitur nemo tamen palam loquebatur de illo propter metum
Iudaeorum. Augustinus. Eorum scilicet qui dicebant bonus est,
non qui dicebant seducit turbas : haec enim clarius sonabant, sed bonus est
pressius susurrabant. Chrysostomus. Vide autem eorum qui principantur
corruptionem; hi autem qui principatibus subiciuntur, sani quidem erant
iudicio, sed non habebant libertatem dicendi : quod maxime multitudinis est. |
—
Théophylactus : Le Seigneur ayant déclaré qu'il n'irait pas à la fête avec ses frères,
refuse tout d'abord d'y aller pour ne point s'exposer à la colère des Juifs
qui avaient juré sa perte : « Ayant
dit ces choses, il demeura en Galilée. » Et il s'y rendit ensuite
lui-même : « Et lorsque ses frères
furent partis, il alla aussi lui-même à la fête. » —
Saint Augustin : (hom. 28). Il n'y est point
conduit par un vain désir de gloire humaine, il n'a d'autre but que de leur
donner de salutaires enseignements, et de leur rappeler la pensée de la fête
éternelle. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 48 et 49 sur Saint Jean). Ou
bien, il se rend à cette fête, non pour souffrir, mais pour instruire. Il y
vient secrètement, il aurait pu sans doute s'y rendre publiquement, et
maîtriser les efforts désordonnés de leur colère, comme il le fit souvent
dans d'autres circonstances, mais il ne voulait pas faire un usage continuel
de sa puissance, pour ne pas dévoiler sa divinité d'une manière trop
éclatante, pour rendre plus certain le mystère de son incarnation, et nous
enseigner la pratique de la vertu. C'est donc pour nous apprendre ce que nous
devons faire, à nous, qui ne pouvons arrêter les efforts de nos persécuteurs,
qu'il se rend secrètement à cette fête. L'Evangéliste ne dit pas : en secret,
mais : « comme en secret, » pour nous
montrer qu'il agissait ici par un dessein tout particulier de sa Providence.
En effet, s'il avait toujours agi comme Dieu, comment pourrions-nous savoir
ce que nous devons faire, lorsque nous sommes aux prises avec les dangers ? —
Saint Augustin : (Traité 28) [référence
à vérifier]. Ou bien encore, il monte secrètement, parce qu'il ne
cherche pas la faveur des hommes, et ne prend point plaisir à se voir entouré
du glorieux cortège de la multitude qui aurait marché à sa suite. —
Saint Bède : Dans le sens mystique, nous
voyons ici que pendant que des hommes charnels cherchent avec empressement la
gloire humaine, le Seigneur reste dans la Galilée, dont le nom signifie transmigration,
c'est-à-dire qu'il demeure dans ses membres qui passent des vices aux vertus,
et font de grands progrès dans la perfection. Ensuite, le Seigneur se rend
lui-même à Jérusalem, parce que les membres du Christ cherchent non pas la
gloire de cette vie; mais celle de la vie éternelle. Mais il s'y rend en
secret, parce que toute sa gloire vient de l'intérieur (Ps 44),
c'est-à-dire, d'un cœur pur, d'une bonne conscience et d'une foi sincère. (1 Tm
1, 5) —
Saint Augustin : (Traité 28). On peut dire encore
qu'en se rendant comme en secret à cette fête, Jésus a voulu nous donner une
leçon mystérieuse. Toutes les lois et les prescriptions imposées à l’ancien
peuple d’Israël, et par conséquent la fête des Tabernacles était la figure
des choses futures; or, tout ce qui était pour eux figure, est devenu pour
nous une réalité. Jésus se rend donc à cette fête comme en secret, pour
figurer qu'il demeurait comme voilé. Au jour même de la fête, le Sauveur
demeura caché, parce que ce jour de fête figurait l'exil des membres de
Jésus-Christ. N'est-ce pas, en effet, habiter comme dans des tentes, que de
regarder cette vie comme un pèlerinage et un exil ? Or, la Scénopégie était
la fête des Tabernacles ou des tentes. « Les
Juifs donc le cherchaient pendant la fête, et disaient : Où est-il ? » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 49). La haine et l'aversion qu'ils
ont pour lui les empêchent même de prononcer son nom. [« Où est-il ? »] Quel grand respect pour la fête,
quel esprit de religion ! ils veulent profiter de cette solennité pour se
saisir frauduleusement du Sauveur. « Et
il y avait une grande rumeur dans le peuple à son sujet. » —
Saint Augustin : (Traité 28). Cette rumeur était
produite par la diversité des opinions que l'Evangéliste nous fait connaître
: « Les uns disaient, c'est un homme de bien; non, disaient les
autres, il séduit la foule. » Ainsi, qu'un homme se distingue par quelque
mérite extraordinaire, tel est le jugement qu'on portera de lui; les uns
diront : C'est un homme de bien; les autres : Il séduit le peuple. Mais
quelle consolation pour un chrétien, de penser que ce qu'on dit de lui on l'a
dit auparavant de Jésus-Christ ! En effet, s'ils donnent au mot séduire le
sens de tromper, il est évident que Jésus-Christ n'est pas un séducteur; mais
si séduire, c'est simplement amener quelqu'un par la persuasion à son
sentiment, il faut [pour apprécier cette action,] examiner d'où l'on part et
où l'on arrive. Celui qui entraîne du bien au mal est un mauvais séducteur;
celui qui ramène du mal au bien est un bon séducteur, et plût à Dieu qu'on
nous appelle et que nous soyons en effet des séducteurs de cette sorte. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 49). A mon avis, c'était le
peuple qui le proclamait un homme de bien, tandis que l'opinion défavorable
était celle des chefs du peuple et des prêtres, comme le prouve d'ailleurs
leur manière de s'exprimer, car ils ne disent pas : Il nous séduit, mais : « Il séduit la foule. » « Cependant
personne ne parlait ouvertement de lui par crainte des Juifs. » — Saint
Augustin : [référence à vérifier] C'était surtout ceux qui
disaient : « C'est un homme de bien, »
plutôt que ceux qui le traitaient de séducteur; ces derniers s'exprimaient
plus ouvertement, tandis que les autres ne disaient qu'à voix basse : « C'est un homme de bien. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 49). Voyez la corruption des
chefs de la nation, et la timidité du peuple qui leur est soumis; il a des
idées plus droites, et il n'ose les exprimer, ce qui est un des caractères de
la multitude. |
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Lectio 3 |
Versets 14-19
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[86051] Catena in Io., cap. 7 l. 3 Chrysostomus
in Ioannem. Dominus tardatione sua auditores attentiores facere volens,
non in primis diebus ascendit, sed circa solemnitatis medium; unde dicitur
iam autem die festo mediante, ascendit Iesus in templum et docebat. Qui enim
primis diebus eum quaesierunt, repente eum praesentem videntes, magis
intendebant docenti, et qui bonum eum dicebant et qui malum : illi quidem, ut
aliquid lucrarentur et admirarentur; hi vero ut comprehenderent. Theophylactus. Nam in principio festi his quae festi
erant magis attendebant : unde postea Christum attentius audierunt. Augustinus in Ioannem. Quantum enim datur intelligi,
ipsam festivitatem diebus pluribus celebrabant; et ideo dicit iam die festo
mediante; idest, cum illius diei festi tot dies remansissent quot
praeterissent; ut etiam hoc impleretur quod ait : non ascendam ad diem festum
hunc, id est, ad quem vos vultis, primum vel secundum diem; ascendit autem
postea die festo mediante. Augustinus de quaest. Nov. et Vet. Testam. Tunc
etiam ascendit, non quasi ad diem festum, sed quasi ad lucem. Illi vero
ascenderunt quasi ad perfruendum deliciis diei festi. Christo vero ille fuit
dies festus, quo passione sua redemit mundum. Augustinus in Ioannem. Ille autem qui prius latebat,
docebat, et palam loquebatur, et non tenebatur. Illud enim quod latebat, erat
causa exempli, hoc potestatis. Chrysostomus. Quid autem docebat, non dixit
Evangelista; sed quod mirabiliter docebat, hoc solum ostendit : tanta enim
erat virtus docentis ut qui dixerant : seducit turbas, transmutati
mirarentur; unde sequitur et mirabantur Iudaei, dicentes : quomodo hic
litteras scit, cum non didicerit? Vide admirationem nequitia plenam : non
enim dicit quod in doctrina admirarentur; sed in aliam admirationem
inciderunt. Augustinus. Omnes quidem, quantum arbitror,
admirabantur, sed non omnes convertebantur. Et unde admiratio? Quia multi
noverant ubi natus, quemadmodum fuerat educatus : numquam eum viderant
litteras discentem; audiebant tamen de lege disputantem, legis testimonia
proferentem; quae nemo posset proferre, nisi legisset; nemo legeret, nisi
litteras didicisset; et ideo mirabantur. Chrysostomus. Ab hac autem admiratione cognoscere
debebant quoniam haec scientia humanitus non erat in eo, sed divinitus; sed
quia hoc ipsi nolebant confiteri, sed in sola admiratione stabant, dominus
haec revelavit; sequitur enim respondit eis Iesus, et dixit : mea doctrina
non est mea, sed eius qui misit me. Augustinus. Videtur autem hoc esse contrarium quod
dicit mea, et non est mea; nam si dixisset : ista doctrina non est mea, nulla
esset quaestio. Quae est ergo doctrina patris, nisi verbum patris? Ipse ergo
Christus est doctrina patris, si verbum patris est. Sed quia verbum non
potest esse nullius, sed est alicuius; et suam doctrinam dixit seipsum, et
non suam : quia patris est verbum. Quid est tam tuum quam tu; et quid tam non
tuum quam tu, si alicuius es quod es? Breviter ergo hoc mihi dixisse videtur
mea doctrina non est mea; ac si diceret : ego non sum a meipso. Sabellianam
haeresim sententia ista dissolvit, qui dicere ausi sunt, ipsum esse filium
qui est et pater : duo esse nomina, sed unam rem. Chrysostomus in Ioannem. Vel suam dicit, quoniam eam
docuerat : non suam autem, quoniam patris erat doctrina. Sed si omnia quae
sunt patris, eius sunt; ex hoc ipso quod patris est, deberet esse et sua. Sed
hoc quod dicit non est mea, vehementer ostendit et sui et patris unam esse
doctrinam; ac si diceret : nihil habeo permutatum aut diversum; sed ita ago,
ut non aestimetur aliud quid praeter patrem dicere vel agere. Augustinus de Trin. Vel aliter. Secundum aliud suam
dixit, secundum aliud non suam : secundum formam Dei suam, secundum formam
servi, non suam. Augustinus in Ioannem. Si quis autem hoc parum
intellexerit, audiat consilium quod dominus consequenter dat, dicens si quis
voluerit voluntatem eius facere, cognoscet de doctrina utrum ex Deo sit, an
ego ex meipso loquar. Quid est si quis voluerit voluntatem eius facere? Hoc
est credere in eum : ipse enim dixit : hoc est opus Dei ut credatis in eum
quem ipse misit. Quis autem hoc nesciat, hoc esse facere voluntatem Dei,
operari opus eius? Cognoscere autem, hoc est intelligere. Ergo noli quaerere
intelligere ut credas, sed crede ut intelligas : quia nisi credideritis, non
intelligetis. Chrysostomus. Vel hoc ita dicit, ac si dicat :
auferte iram et invidiam et odium quod sine causa in me habetis; et nihil
erit quod prohibeat vos cognoscere quoniam Dei verba sunt quae loquor. Deinde
aliud inducit argumentum insolubile, ab his quae sunt in consuetudine
hominum, nos erudiens; unde sequitur qui a semetipso loquitur, gloriam
propriam quaerit; quasi dicat : qui aliquam propriam vult instituere
doctrinam, propter nihil aliud hoc vult quam ut gloriam acquirat. Si vero ego
gloriam eius qui misit me quaero, cuius gratia aliena vellem vos docere? Et hoc
est quod subdit qui autem quaerit gloriam eius qui misit illum, hic verax
est, et iniustitia in illo non est. Theophylactus. Quasi dicat : verax sum, quia
doctrina mea continet veritatem : iniustitia in me non est, quia alterius
gloriam non usurpo. Augustinus. Qui quaerit gloriam propriam,
Antichristus est. Dominus autem noster magnum nobis exemplum praebuit
humilitatis, dum habitu inventus ut homo, quaerit gloriam patris, non suam.
Sed tu quando aliquid boni facis, gloriam tuam quaeris : quando aliquid mali
facis, Deo calumniam meditaris. Chrysostomus. Vide ergo quoniam causa quaedam
propter quam humilia de se dicit, haec est, ut credant quoniam non desiderat
gloriam neque principatum, et etiam propter imbecillitatem audientium, et ut
doceat homines moderata sapere, et nihil de se dicere magnum, sed semper
humile. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 49). Notre-Seigneur, en ne
se rendant pas à la fête dans les premiers jours, mais vers le milieu de la
fête, comme l'Evangéliste le remarque, voulait par ce retard rendre les Juifs
plus attentifs à sa doctrine : « On
était déjà au milieu de la fête quand Jésus monta au temple et se mit à
enseigner ». En effet, ceux qui l'avaient cherché dans les premiers
jours, en le voyant tout à coup sous leurs yeux, [quelles que fussent
d'ailleurs leurs dispositions,] qu'ils le considérassent comme un homme de
bien ou comme un séducteur, étaient portés à donner une plus grande attention
à ses enseignements, les uns pour admirer sa doctrine, et en profiter, les
autres pour se saisir de sa personne. — Théophylactus : Dans les premiers jours de la fête, l'attention était presque tout
entière à la solennité elle-même; mais dans les jours suivants, les esprits
étaient plus disposés à écouter attentivement le Sauveur. —
Saint Augustin : (Traité 28). Cette fête, comme le
récit le donne à entendre, se célébrait durant plusieurs jours; voilà
pourquoi l'Evangéliste dit : « Vers le
milieu de la fête, » c'est-à-dire, lorsqu'il restait encore autant de
jours qu'il s'en était écoulé. Notre Seigneur agit de la sorte pour tenir la
parole qu'il a donnée : « Je ne vais
point à ce jour de fête que vous m'indiquez, » c'est-à-dire le premier ou
le second, mais il se rend à Jérusalem vers le milieu de la fête. —
Saint Augustin : (Quest. sur le Nouv. et
l'Anc. Test., quest. 78). Jésus se rendit alors à Jérusalem, moins pour la solennité que
pour manifester sa divine lumière. Ses parents s'y rendirent pour y jouir des
plaisirs de cette fête, mais le vrai jour de fête pour Jésus-Christ, fut
celui où il racheta le monde par sa passion. —
Saint Augustin : (Traité 29) Voilà celui qui avait
voulu d'abord se couvrir des voiles de l'obscurité qui enseigne, et parle en
public, et personne ne s'empare de lui, car s'il a voulu rester caché, c'est
pour notre instruction, et s'il se manifeste, c'est pour donner des preuves
de sa puissance. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 49). Quel était le sujet de
son enseignement ? L’Evangéliste n'en dit rien, il rapporte seulement qu'il
instruisait d'une manière admirable, car son enseignement avait un tel
caractère d'autorité, que ceux mêmes qui l'accusaient de séduire le peuple
étaient complètement changés et dans un profond étonnement : « Et les Juifs étonnés disaient :
Comment sait-il les Ecritures, puisqu'il ne les a pas apprises ? » Voyez
comme leur étonnement est plein de malice; l'Evangéliste ne nous dit pas en
effet que ce fut sa doctrine qui excitât leur étonnement, mais une autre
cause [, le désir de savoir comment il pouvait avoir tant de science]. —
Saint Augustin : (Traité 28). Tous, je pense,
partageaient cet étonnement, mais tous ne se convertissaient pas. Et d'où
venait donc cet étonnement ? C'est qu'un grand nombre d'entre eux
connaissaient le lieu de sa naissance et le genre de son éducation. Ils ne
l'avaient jamais vu apprendre les lettres, et ils l'entendaient cependant
discuter la loi, citer les textes de la loi, ce qu'on ne peut faire sans
avoir lu la loi, que personne ne peut lire avant d'avoir fait des études
littéraires, et c'est ce qui causait leur étonnement. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 49). Cet étonnement devait
leur faire conclure que la science du Sauveur n'était pas d'origine humaine,
mais qu'elle était divine. Ils ne vont pas au delà de l'étonnement, parce
qu'ils ne veulent pas tirer cette conclusion. Notre Seigneur va donc s'en
charger : « Jésus lui répondit : Ma
doctrine n'est pas de moi, mais de celui qui m'a envoyé. » —
Saint Augustin : (Traité 29) Il semble y avoir une
contradiction dans ces paroles : « Ma
doctrine n'est pas la mienne ». S'il avait dit : Cette doctrine
n'est pas la mienne, il n'y aurait eu aucune difficulté. Quelle est donc la
doctrine du Père, si ce n'est le Verbe du Père ? Jésus-Christ est donc la
doctrine du Père, s'il est le Verbe du Père. Mais comme le Verbe ou la parole
ne peuvent être de personne mais doivent nécessairement avoir un auteur,
Notre Seigneur s'identifie avec sa doctrine, et déclare cependant qu'elle
n'est pas de lui, parce qu'il est le Verbe du Père. Qu'y a-t-il de plus à
vous que vous-même ? Et qu'y a-t-il de moins à vous que vous-même, si vous
tenez d'un autre tout ce que vous avez ? En un mot, voici ce que le Sauveur a
voulu dire, me semble-t-il : « Ma doctrine n'est pas de moi. » Ce
qui revient à cette proposition : Je ne viens pas de moi-même. Ces paroles
renversent l'hérésie des Sabelliens, qui ont osé avancer que le Fils était le
même que le Père, et qu'il y avait deux noms pour exprimer une seule chose. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 49). Ou bien encore, il dit
: « Ma doctrine, » parce qu'il
l'avait enseignée, et il déclare qu'elle n'est pas de lui, parce que c'était
la doctrine du Père. Mais si tout ce qui appartient au Père lui appartient
également, dès lors que cette doctrine est la doctrine du Père, elle devrait
être la sienne ? Sans doute, mais en disant : « Elle n'est pas la mienne. », il affirme énergiquement que
son Père et lui n'ont qu'une seule et même doctrine; comme s'il disait : Il
n'y a aucune différence entre la doctrine de mon Père et la mienne; et [dans
mes paroles comme] dans mes actions, je fais en sorte qu'on ne remarque rien
qui soit contraire, soit aux paroles, soit à la manière d'agir de mon Père. —
Saint Augustin : (De la Trin., 1, 12). Ou bien encore, il
dit qu'elle est sa doctrine dans un sens, et qu'elle ne l'est pas dans un
autre sens; si on le considère comme Dieu, c'est sa doctrine; si on le
considère comme homme, elle n'est plus sa doctrine[, mais celle de son Père]. —
Saint Augustin : (Traité 29). Si quelques-uns comprennent
encore trop peu ces paroles, qu'ils écoutent le conseil que leur donne le
Sauveur : « Si quelqu'un veut
faire la volonté de Dieu, il reconnaîtra si ma doctrine est de Dieu ou si je
parle de moi-même. » Mais, que signifient ces paroles : « Si quelqu'un veut faire la volonté
de Dieu ? » C'est-à-dire, s'il veut croire en Jésus-Christ, car il a dit
lui-même précédemment : « L'œuvre
de Dieu est que vous croyiez en celui qu'il a envoyé » ; or, qui ne
sait cela, c'est-à-dire qu’accomplir la volonté de Dieu, c'est faire son
œuvre ? De même encore, connaître c'est comprendre. Ne cherchez donc pas à
comprendre pour arriver à la foi, mais commencez par croire pour arriver à
l'intelligence, car si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas. (Is 5,
9, selon la vers. des Sept). —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 49). Ou bien encore, tel est
le sens de ces paroles : Bannissez de vos cœurs la colère, l'envie, la haine
que vous nourrissez injustement contre moi, et rien alors ne vous empêchera
de connaître que mes paroles sont les paroles mêmes de Dieu. Il apporte
ensuite une autre preuve non moins forte qu'il puise pour notre instruction
dans la conduite ordinaire des hommes : « Celui
qui parle de soi-même cherche sa propre gloire, » c'est-à-dire, celui qui
veut établir une doctrine qui lui est personnelle, n'a point d'autre but que
d'acquérir de la gloire. Si donc je cherche la gloire de celui qui m'a
envoyé, pour quelle raison voudrais-je vous enseigner une doctrine étrangère
? c'est le sens des paroles qui suivent : «
Mais qui cherche la gloire de celui qui l'a envoyé est digne de foi, et il
n'y a point en lui d'imposture. » — Théophylactus : C'est-à-dire, je suis digne de foi, parce que ma doctrine est
l'expression de la vérité, il n'y a point en moi d'imposture, parce que je ne
cherche pas à usurper la gloire d'autrui. —
Saint Augustin : (Traité 29). Celui qui cherche sa
propre gloire est un Antéchrist. Notre Seigneur nous a donné un grand exemple
d'humilité, lorsque s'étant rendu semblable à nous par ce qui a paru de lui
au dehors, il a cherché non point sa gloire, mais celle de son Père; pour
vous, au contraire, faites-vous quelque bonne action, vous n'y cherchez que
votre gloire; faites-vous le mal, vous le rejetez injustement sur Dieu. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 49). Remarquez donc qu'une
des causes de ce langage si humble dans la bouche du Sauveur, c'est de bien
persuader les Juifs qu'il ne désire ni la gloire, ni la puissance; c'est
aussi de s’adapter à la faiblesse de ses auditeurs, et enfin d'enseigner aux
hommes la fuite de l'orgueil et la pratique de l'humilité dans les pensées
comme dans les paroles. |
Lectio 4 |
Versets 20-24 |
[86052] Catena in Io., cap. 7 l. 4 Chrysostomus
in Ioannem. Duas criminationes Iudaei contra Christum inducebant : unam
quod sabbatum solveret, aliam quod patrem suum dicebat Deum, aequalem seipsum
faciens Deo. Hoc igitur prius confirmavit dum ostendit quod non est Deo
contrarius, sed eadem ille docet. De reliquo ad sabbati solutionem instat,
dicens nonne Moyses dedit vobis legem, et nemo ex vobis facit legem? Ac si
diceret : lex dicit : non occides; vos autem occiditis; et hoc est quod
subditur quid me quaeritis interficere? Ac si diceret : et si ego dissolvi
legem hominem sanans, transgressio fuit, sed in salutem; vos autem
transgredimini in malum : unde non debeo a vobis de solutione legis
diiudicari. In duobus ergo eos corripuit : et dicendo quid me quaeritis
interficere? Et ostendendo quoniam occisionem meditantes non sunt digni alium
diiudicare. Augustinus in Ioannem. Vel hoc dicit quia si legem
facerent, in ipsis litteris Christum agnoscerent, et praesentem non
occiderent. Respondit autem ei turba, non pertinentia ad ordinem, sed ad
perturbationem; sequitur enim respondit turba, et dixit : Daemonium habes :
quis te quaerit interficere? Ei dictum est quod Daemonium haberet, qui Daemones
expellebat. Dominus autem non turbatus, sed in sua veritate tranquillus, non
reddidit maledictum pro maledicto, sed respondit tranquille. Beda. In quo nobis patientiae reliquit exemplum : ut
quoties nobis ab aliquibus falsa obiciuntur convicia, patienter toleremus, et
vera quae possumus non obiiciamus, sed salutaria monita praedicemus; sequitur
enim respondit Iesus et dixit eis : unum opus feci, et omnes miramini. Augustinus. Ac si diceret : quid si omnia opera mea
videretis? Ipsius enim opera erant quae in mundo videbant, et ipsum qui fecit
omnia non videbant. Fecit unam rem et turbati sunt, quia salvum fecit hominem
in sabbato; quasi si quisquam eorum aegrotus sabbato sinceraret, alius illum
sanum fecisset quam iste qui eos scandalizavit, quia unum hominem sabbato
salvum fecit. Chrysostomus in Ioannem. Hoc enim quod dicit
miramini, hoc est turbamini et tumultuatis. Vide autem quomodo prudenter a
lege eos syllogizat. Vult enim ostendere quod facere hoc opus non erat legem
solvere : sunt enim multa principaliora quam lex de observatione sabbati, per
quorum observationem lex non solvitur, sed impletur; et ideo subdit propterea
Moyses dedit vobis circumcisionem, non quia ex Moyse est, sed ex patribus; et
in sabbato circumciditis hominem. Augustinus. Quasi dicat : bene factum est ut
acciperetis circumcisionem a Moyse, non quia ex Moyse est, sed ex patribus :
Abraham enim primus accepit circumcisionem a domino. Et in sabbato
circumciditis. Convicit vos Moyses : accepistis in lege ut circumcidatis octavo
die; accepistis in lege ut vacetis septimo die. Si octavus dies illius qui
natus est, occurrit ad diem septimum sabbati, circumciditis hominem; quae
circumcisio pertinet ad aliquod signaculum salutis, et non debent homines
sabbato vacare a salute. Alcuinus. Propter tres enim causas data fuit
circumcisio : primo ut signum esset magnae fidei Abrahae; secundo ut per eam
a ceteris nationibus discernerentur; tertio ut illam in virili membro
suscipientes castitatem mentis et corporis observare deberent. Et tantum
conferebat tunc circumcisio quantum nunc Baptisma; nisi quia ianua nondum
aperta erat. Concludit ergo ex praemissis si circumcisionem accipit homo in
sabbato, ut non solvatur lex Moysi, indignamini mihi, quia totum hominem
sanum feci in sabbato? Chrysostomus. Quasi dicat : sabbati solutio in
circumcisione, legis est observatio : sic et ego hominem curans sabbato,
legem servavi. Vos, qui non estis legislatores, ultra modum legem defenditis;
sed Moyses iubet legem solvi propter mandatum quod non erat ex lege, sed ex
patribus. Per hoc autem quod dici totum hominem sanum feci in sabbato,
ostendit circumcisionem esse particularem sanitatem. Augustinus. Forte autem illa circumcisio ipsum
dominum significabat. Quid enim est circumcisio, nisi carnis expoliatio?
Significavit ergo expoliationem a corde cupiditatum carnalium. Non ergo sine
causa data est in eo membro per quod procreatur creatura mortalium : quia per
unum hominem peccatum intravit in mundum. Ideo autem quisquis cum praeputio
nascitur, quia omnis cum vitio propaginis nascitur; et non mundat Deus sive a
vitio cum quo nascimur, sive a vitiis quae male vivendo addimus, nisi per
Christum : cultellis enim petrinis circumcidebant, et petrae nomine Christum
figurabant. Ideo autem octavo die, quia post septimum sabbati dominus die
dominico resurrexit. Ipsa autem resurrectio nos circumcidit; idest, abstulit
desideria carnalia. Intelligite hoc significari opus bonum quo ego feci totum
hominem salvum in sabbato : quia et curatus est ut sanus esset in corpore, et
credidit ut sanus esset in anima. Estis autem prohibiti servilia opera facere
sabbato : numquid servile opus est hominem sanare in sabbato? Manducatis
siquidem et bibitis sabbato, quia pertinet ad salutem; per quod ostenditis,
opera salutis nullo modo esse die sabbati omittenda. Chrysostomus. Non autem dixit : ego maius
circumcisione operatus sum; sed solum factum narrans, iudicium eis concessit;
unde subditur nolite iudicare secundum faciem, sed iustum iudicium iudicate;
quasi dicat : non quia Moyses apud vos habet maiorem gloriam quam ego, ex
personarum dignitate feratis sententiam, sed a rerum natura : hoc enim est
iuste iudicare. Nullus autem incusavit Moysen de hoc quod iussit sabbatum
solvi propter mandatum circumcisionis, quod erat aliunde quam ex lege
inductum. Ergo fide dignior vobis est Moyses, qui iubet solvi legem a mandato
non legali. Augustinus. Hoc autem quod dominus notavit hoc loco,
evadere in hoc saeculo, magni laboris est : non personaliter iudicare.
Admonuit quidem dominus Iudaeos, admonuit et nos : quod enim pretiosum
sonabat de ore domini, et propter nos scriptum est, et nobis servatum, et
propter nos recitatum. Sursum est dominus, sed etiam hic est veritas dominus.
Corpus enim domini, in quo surrexit, uno loco esse potest; veritas eius
ubique diffusa est. Quis ergo est qui non iudicat personaliter? Qui
aequaliter diligit. Non enim cum homines diverso modo pro suis gradibus
honoramus, timendum est ne personas accipiamus : nonnunquam enim est iudicium
inter patrem et filium; non aequamus filium patri in honore, sed praeponimus,
si bonam causam habet, filium patri in veritate; et sic tribuimus honorem
debitum, ut non perdat aequitas meritum. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 49 sur Saint Jean). Les
Juifs formulaient deux accusations contre Jésus-Christ, l'une qu'il violait
le sabbat, l'autre qu'il appelait Dieu son Père, et se faisait ainsi l'égal
de Dieu. Il confirme cette dernière proposition en montrant qu'il n'est
nullement opposé à Dieu, et qu'il enseigne la même doctrine. Quant à la
violation du sabbat, voici comment il y répond : « Est-ce que Moïse ne vous a pas donné la loi ? et personne de
vous n'accomplit la loi, » paroles dont voici le sens : La loi dit : Vous
ne tuerez pas, et cependant vous vous rendez coupables de meurtre, comme il
le leur reproche ouvertement : «
Pourquoi cherchez-vous à me faire mourir ? » c'est-à-dire, supposons que
j'aie violé la loi en guérissant cet homme, au moins cette transgression
a-t-elle eu pour objet de le sauver; vous, au contraire, vous violez le
sabbat pour commettre le mal; je vous récuse donc pour juges dans cette
question. Il leur oppose donc deux moyens de défense, et en leur reprochant
de chercher à le mettre à mort, et en leur prouvant que le meurtre qu'ils
méditent, les rend indignes de se constituer les juges d'un autre. —
Saint Augustin : (Traité 30). Ou bien encore, Notre
Seigneur leur parle de la sorte, parce que s'ils observaient la loi, ils
auraient reconnu Jésus-Christ dans les Ecritures, et ne chercheraient point à
le mettre à mort, alors qu'il est au milieu d'eux. La réponse que fait la
foule au Sauveur, lui est inspirée non par le désir de la paix, mais par un
esprit de désordre : « Le peuple lui
répondit : Vous êtes possédé du démon ; qui cherche à vous mettre à mort
? » Ils accusent d'être possédé du démon celui qui chassait les démons.
Mais le Seigneur, sans se troubler, et avec ce calme que donne la vérité, ne
leur rend pas injure pour injure, et leur fait une réponse pleine de
modération. —
Saint Bède : Il nous donne ici un exemple
de la patience avec laquelle nous devons supporter les fausses accusations
dont nous sommes victimes, sans faire connaître la vérité qui peut nous
justifier, et en nous contentant de donner de salutaires avis : « Jésus répliqua et leur dit : J'ai fait une seule
œuvre (le jour du sabbat), et vous en êtes tous surpris. » —
Saint Augustin : (Traité 29). C'est-à-dire, que
serait-ce s'il vous était donné de voir toutes mes œuvres ? Ses œuvres,
c'était tout ce qu'ils voyaient dans le monde, mais ils ne voyaient pas celui
qui a fait toutes choses. Il a fait une seule œuvre sous leurs yeux, il a
guéri un homme le jour du sabbat, et ils en sont tous surpris, comme si tout
malade, guéri le jour du sabbat, pouvait l'être par un autre que celui dont ils
se sont scandalisés, parce qu'il avait rendu la santé à un homme le jour du
sabbat. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 49). « Vous êtes surpris » c'est-à-dire, vous êtes en proie au
trouble, à l'agitation. Voyez avec quelle prudence il raisonne contre eux en
s'appuyant sur la loi même. Il veut leur prouver qu'en guérissant cet homme,
il n'a point transgressé la loi, car il est beaucoup d'autres points plus
importants que le précepte du sabbat, et dont l'observation accomplit la loi,
loin de la violer. Il ajoute donc : « Cependant
Moïse vous a donné la circoncision (bien qu'elle soit non de Moïse, mais des
patriarches), et vous la pratiquez le jour du sabbat. » —
Saint Augustin : (Traité 29). Comme s'il leur disait
: Vous avez bien fait en recevant la circoncision de Moïse, non point parce
qu'elle vient de Moïse, mais des patriarches. Ce fut, en effet, Abraham qui,
le premier, reçut du Seigneur le précepte de la circoncision : « Et vous pratiquez la circoncision le
jour même du sabbat. » Vous êtes convaincus par Moïse lui-même, la loi
vous fait un devoir de circoncire les enfants le huitième jour, elle vous
oblige également à vous abstenir [d'œuvre servile] le septième jour. Si le
huitième jour qui suit la naissance d'un enfant, tombe justement le septième
jour de la semaine, vous ne laissez pas de le circoncire, parce que la
circoncision est un moyen de salut, et qu'il n'est pas défendu aux hommes de
travailler à leur salut le jour du sabbat. —
Alcuin : La circoncision a été
établie pour trois raisons, la première pour être un signe de la grande foi
d'Abraham; la seconde pour être un signe distinctif entre les Juifs et les
autres nations; la troisième, afin que la circoncision qui était faite sur
l'organe de la virilité, rappelât l'obligation d'observer la chasteté du
corps et de l'âme. La circoncision conférait alors la même grâce que le
baptême confère aujourd'hui, avec cette différence que la porte du ciel
n'était pas encore ouverte. Notre Seigneur tire donc la conclusion des
propositions qui précèdent : « Or, si
un homme reçoit la circoncision le jour du sabbat, pour ne pas violer la loi
de Moïse, comment vous indignez-vous contre moi, parce que le jour du sabbat,
j'ai rendu un homme sain dans tout son corps ? » —
Saint Jean Chrysostome : C'est-à-dire, violer la loi
du sabbat pour donner la circoncision, c'est observer la loi; c'est ainsi que
j'ai moi-même observé la loi en guérissant un homme le jour du sabbat; et
vous qui n'êtes point des législateurs, vous défendez la loi outre mesure.
Moïse, au contraire, ordonne de transgresser la loi pour observer un précepte
qui ne vient pas de la loi, mais qui a été donné aux patriarches. En disant :
« J'ai rendu un homme sain tout entier le
jour du sabbat, » il montre que la circoncision ne rendait l'homme sain
qu'en partie. —
Saint Augustin : (Traité 30). Peut-être encore cette
circoncision était la figure du Seigneur, car qu'est-ce que la circoncision,
sinon le dépouillement de la chair ? Elle signifiait donc que le cœur était
dépouillé de toutes les convoitises charnelles. Et ce n'est pas sans raison
que la circoncision était opérée sur le membre qui sert à la génération, « car c'est par un seul homme que le péché
est entré dans le monde. » (Rm 5) Tout homme naît avec le prépuce
de sa chair, parce qu'il naît avec le vice qu'il tire de son origine, et
c'est par Jésus-Christ seul, que Dieu le purifie, soit de ce vice originel,
soit de ceux qu'il ajoute volontairement en vivant mal. La circoncision
s'opérait avec des couteaux de pierre, et la pierre est la figure de Jésus-Christ.
La circoncision avait lieu le huitième jour, parce que c'est après le
septième jour de la semaine que Notre Seigneur est ressuscité le dimanche.
C'est cette même résurrection qui nous circoncit, c'est-à-dire qui nous
dépouille de tous les désirs charnels. Comprenez donc que cette circoncision
était la figure de cette bonne oeuvre, par laquelle j'ai guéri un homme tout
entier le jour du sabbat, je l'ai guéri pour rendre la santé à son corps, et
sa foi lui a procuré la santé de l'âme. La loi vous interdit les œuvres
serviles le jour du sabbat. Est-ce donc une œuvre servile que de guérir un
homme le jour du sabbat ? Vous mangez et vous buvez le jour du sabbat, parce
que le soin de votre santé l'exige, et vous prouvez ainsi que ce qui est
nécessaire à la conservation de la santé n'est nullement défendu le jour du
sabbat. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 49). Notre Seigneur ne dit
pas : J'ai fait une œuvre plus grande que la circoncision, il se contente
d'exposer le fait, et leur en laisse l'appréciation : « Ne jugez pas selon l'apparence, mais jugez selon la justice. »
C'est-à-dire, vous avez pour Moïse une plus grande estime que pour moi, mais
ce n'est point sur l'importance des personnes que vous devez appuyer votre
jugement, c'est sur la nature même des choses; car c'est là juger selon la
justice. Or, personne n'a accusé Moïse d'avoir ordonné que le précepte
d'observer le jour du sabbat le céderait au précepte de la circoncision qui
avait été établi en dehors de la loi. Moïse doit donc être plus digne de foi
à vos yeux, lui qui vous commande de violer la loi pour observer un
commandement établi antérieurement à la loi. —
Saint Augustin : (Traité 30). La recommandation que
fait ici Notre-Seigneur, de ne point juger d'après les personnes, est très difficile
à observer en ce monde. Cet avertissement qu'il donne aux Juifs, il nous le
donne à nous-mêmes. C'est pour nous que toute parole importante, tombée des
lèvres du Sauveur, a été écrite, qu'elle est conservée, et qu'elle est
répétée. Le Seigneur est dans les cieux, mais il continue d'être la vérité
sur la terre : le corps qu'il a ressuscité peut n'être que dans un seul lieu,
mais sa vérité est répandue par toute la terre. Quel est donc celui qui ne
juge point sur l'apparence et d'après les personnes ? Celui qui a pour tous
les hommes une même charité. Ce n'est pas que nous ayons à craindre de faire
acception de personnes, lorsque nous rendons aux hommes les honneurs qui sont
dus à leur position. Ainsi, par exemple, un père est en litige avec son fils,
nous ne rendons pas au fils un honneur égal à celui du père, nous lui faisons
simplement justice, si sa cause est bonne. Egalons le père au fils dans la
vérité, et de cette manière nous rendrons à chacun l'honneur qui lui est dû,
sans sacrifier les droits de l'équité. |
Lectio 5 |
Versets 25-30 |
[86053] Catena in Io., cap. 7 l. 5 Augustinus in
Ioannem. Supra dictum est, quod dominus ideo velut occulte ascendit ad
diem festum, non quia timebat ne teneretur, cui potestas erat ut non
teneretur, sed ut significaret, etiam in ipso die festo, qui celebrabatur a
Iudaeis, se occultari, et suum esse mysterium : nunc autem apparet potestas
quae putabatur timiditas : loquebatur enim palam in die festo, ita ut
mirarentur turbae; unde dicitur dicebant ergo quidam ex Ierosolymis : nonne
hic est quem Iudaei quaerebant interficere? Ecce palam loquitur, et nihil ei
dicunt. Noverant enim qua saevitia quaerebatur; mirabantur qua potentia non
tenebatur. Chrysostomus in Ioannem. Addit autem Evangelista ex
Ierosolymis, quoniam qui magis potiti erant signis, hi omnibus erant
miserabiliores; qui deitatis eius signum videntes maximum, omnia iudicio
corruptorum principum permittebant. An non magnum, insanientes et quaerentes
interficere, habere eum in manibus, et repente quiescere? Augustinus. Igitur non plene intelligentes Christi
potentiam, putaverunt esse principum scientiam, quod ei pepercerunt; unde
subdunt numquid vere cognoverunt principes quia hic est Christus? Chrysostomus. Sed ipsi neque principum sequuntur
sententiam : sed aliam proferunt corruptam et propria amentia dignam; unde
subditur sed hunc scimus unde sit : Christus autem cum venerit, nemo scit
unde sit. Augustinus. Haec opinio apud Iudaeos non inaniter
nata est. Invenimus tamen quod Scripturae dixerunt de Christo, quoniam
Nazaraeus vocabitur; ergo praedixerunt unde sit. Iudaei etiam dixerunt Herodi
quaerenti, quod Christus in Bethlehem Iudae nasceretur, et testimonium etiam
propheticum attulerunt. Unde ergo nata est haec opinio apud Iudaeos, quod
Christus cum venerit, nemo sciat unde sit, nisi quia utrumque pronuntiaverunt
Scripturae? Secundum hominem praedixerunt unde esset; secundum Deum latebat
impios, et quaerebat pios. Hanc igitur opinionem in eis generaverat quod per
Isaiam dictum est : generationem eius quis enarrabit? Denique dominus ad
utrumque respondit, et quia noverant eum unde esset, et quia non noverant;
unde sequitur clamabat ergo Iesus docens in templo, et dicens : et me scitis,
et unde sim scitis; hoc est dicere : et unde sim scitis, et unde sim nescitis;
unde sim scitis, Iesus a Nazareth, cuius etiam parentes nostis. Solus enim in
hac causa latebat virginis partus, quo excepto, totum noverunt in Iesu quod
ad hominem pertinet. Recte ergo dixit et me nostis, et unde sim scitis,
secundum carnem et effigiem hominis quam gerebat; secundum divinitatem autem
a meipso non veni; sed est verus qui misit me. Chrysostomus. Per quod ea quae in mente habebant
revelat; ac si diceret : non sum de numero eorum qui sine causa venerunt; sed
est verax qui misit me; et si verax est, in veritate misit; et qui missus
est, congruum est veracem esse. Rursus autem ex propriis sermonibus eos
capit; quia enim dicebant cum venerit Christus, nullus cognoscet unde sit :
ostendit etiam inde se Christum esse; quoniam a patre venit, quem ipsi
nesciebant : et ideo subdit quem vos nescitis. Hilarius de Trin. Numquid autem non omnis homo,
licet in carne ex Deo natus, secundum sensum communis opinionis ex Deo est?
Et quomodo negat ab his vel seipsum vel unde ipse sit sciri, nisi id unde est
ad naturae suae referret auctorem? Nam id quod unde sit ignoratur, naturam ex
qua est, dum unde sit nescitur, ostendit. Ignorari enim unde sit non potest
quidquid subsistit ex nihilo; quia hoc ipsum quod non ignoratur ex nihilo,
ignorationem eius unde sit, non habet. Ob hoc autem quid sit ipse, nescitur,
dum ignoratur a quo sit : non enim confitetur filium qui negat natum; nec
natum intelligit, qui putat eum esse ex nihilo. Chrysostomus. Vel ignorantiam hic dicit quae est per
opera, sicut Paulus ait : confitentur se nosse Deum, factis autem negant.
Dupliciter autem eos redarguit. Et primum quidem quae occulte loquebantur,
haec in medium inducit, clamans, ut eos verecundari faciat. Augustinus. Denique ut ostenderet eis unde possent
scire, subiecit ego scio eum. Ergo a me quaerite, ut sciatis eum. Patrem enim
non cognoscit nisi filius, et cui voluerit filius revelare. Et si dixero quia
nescio eum, ero similis vobis mendax. Chrysostomus. Quod est impossibile : quia enim verax
est qui misit, congruum est et eum qui missus est, veracem esse. Ubique autem
cognitionem patris soli sibi attribuit, quia a patre est; unde sequitur et
ego scio eum, quia ab ipso sum. Hilarius de Trin. Quaero autem utrum id quod ab eo
est, opus in eo creationis, aut naturam generationis ostendat. Si opus in eo
creationis est, universa quoque quae creantur a Deo sunt. Et quomodo patrem
non universa noverunt, cum filius eum, idcirco quia ab eo est, non nesciat?
Si vero idcirco ei, quia ab eo sit, eum nosse sit proprium; quomodo non hoc
ei qui ab eo est, erit proprium, scilicet ut verus filius ex natura Dei sit?
Habes igitur proprietatem cognitionis de proprietate generationis. Tamen, ne
forte id quod ab eo est, ad adventus sui tempus haeresis invaderet, continuo
subiecit et ipse me misit. Tenuit ordinem evangelici sacramenti, natum se
professus et missum. Augustinus. Ab ipso, inquit, sum, quia filius de
patre : quod autem videtis me in carne, ipse me misit. Ubi noli intelligere
naturae dissimilitudinem, sed generantis auctoritatem. Chrysostomus. Irritaverunt autem Iudaeos ea quae
dicebantur, propter hoc quod dixerat quem vos nescitis, quia profitebantur se
scire; unde sequitur quaerebant ergo eum apprehendere, et nemo misit in eum
manus. Vide furorem eorum invisibiliter refrenatum. Evangelista vero humanius
et humilius loqui volens, ut ex hoc Christus homo putaretur, non dixit quod
eos invisibiliter detinuit; sed subiecit quia nondum venerat hora eius. Augustinus. Hoc est, quia nolebat, non enim dominus
sub fato natus est. Hoc nec de te credendum est, quanto minus de illo per
quem factus es? Si tua hora voluntas est illius, illius hora quae est nisi
voluntas sua? Non ergo horam dixit qua cogeretur mori, sed qua dignaretur
occidi. |
—
Saint
Augustin : (Traité 31 sur Saint Jean). L'Evangéliste
nous a dit précédemment que Notre Seigneur se rendit à cette fête comme en
secret, non pas dans la crainte qu'on se saisît de sa personne, lui qui, par
sa puissance, était à l'abri de toute violence, mais pour figurer qu'il était
comme caché dans ce jour de fête célébré par les Juifs, et qu'elle renfermait
son mystère. Il fait maintenant éclater son pouvoir qu'on regardait comme de
la timidité, et il parle publiquement au milieu de la fête, de manière que le
peuple en est tout étonné : « Alors quelques-uns de Jérusalem commencèrent
à dire : n’est-ce pas là celui que les Juifs cherchent à faire
mourir ? Et voilà qu’il parle publiquement et ils ne lui disent rien.»
Ils connaissaient avec quelle méchanceté on cherchait à s'emparer de lui, et
ils s'étonnaient de la puissance qui le dérobait à la violence de ses
ennemis. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 50). L'Evangéliste dit : «
Quelques-uns de Jérusalem, » parce qu'en effet, c'étaient ceux sous les
yeux desquels il avait opéré ses plus grands miracles, qui se conduisaient de
la manière la plus misérable, et qui, témoins d'une des plus grandes preuves
de sa divinité, laissaient toute liberté aux chefs corrompus de leur nation, [pour
l'accomplissement de leurs projets]. Quelle plus grande preuve, en effet, de
la puissance divine du Sauveur, que de voir ces hommes ivres de fureur, et
qui cherchaient à le mettre à mort, s'arrêter tout à coup et laisser tomber
leur colère, alors qu'il était en leur pouvoir ? —
Saint Augustin : (Traité 31). Le peuple qui ne comprenait
pas parfaitement encore la puissance du Sauveur, attribua cette modération
des chefs de la nation à la connaissance qu’ils avaient que Jésus
était le Christ : « Les princes du peuple, dirent-ils, auraient-ils
reconnu qu'il est vraiment le Christ ? » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 50). Cependant loin de
partager ce sentiment qu'ils prêtent aux princes du peuple, ils émettent leur
opinion personnelle aussi fausse qu'insensée : « Celui-ci, cependant, nous
savons d'où il est, mais quand le Christ viendra, personne ne saura d'où il
est. » —
Saint Augustin : (Traité 30). Cette opinion ne
s'était point fait jour sans fondement parmi les Juifs. Les Ecritures ont
prédit que le Christ serait appelé Nazaréen; (Mt 2) elles ont donc
annoncé le lieu d'où il viendrait. Les Juifs, interrogés par Hérode, lui ont
répondu qu'il devait naître à Bethléem, ville de Juda, et ont cité à l'appui
un témoignage prophétique. D'où pouvait donc venir cette opinion parmi les
Juifs, que lorsque le Christ viendrait, personne ne saurait d'où il viendrait
? C'est que les Ecritures avaient exprimé ces deux vérités, elles avaient
prédit d'où il viendrait comme homme, mais en tant que Dieu, son avènement
restait caché aux impies, et ne se dévoilait qu'aux âmes pieuses. Ce qui
avait donné lieu à cette opinion parmi les Juifs, c'était cette prophétie
d'Isaïe : « Qui racontera sa génération ? » (Is 8)
Notre Seigneur répond en affirmant les deux choses, et qu'ils savaient
d'où il était, et qu'ils ne le savaient pas : « Jésus enseignait donc à
haute voix dans le temple, disant : Et vous savez qui je suis, et vous savez
d'où je suis » ; c'est-à-dire, vous savez d'où je suis, et vous ne
le savez pas. Vous savez d'où je suis, Jésus de Nazareth dont vous connaissez
les parents, car la seule chose qu'ils ignoraient ici, c'est l'enfantement
virginal de sa mère, et sauf cette circonstance, ils connaissaient en Jésus
tout ce qui avait rapport à son humanité. C'est donc avec raison qu'il leur
dit : « Et vous savez qui je suis, et vous savez d'où je suis, » selon
la chair, et cette forme humaine dont je suis revêtu, mais comme Dieu : «
Je ne suis pas venu de moi-même, mais celui qui m'a envoyé est véritable. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 50). C'est ainsi qu'il
révèle les secrètes pensées de leur cœur : Je ne suis pas, semble-t-il leur
dire, du nombre de ceux qui sont venus sans raison, celui qui m'a envoyé est
véridique, et s'il est véridique, il m'a envoyé dans la vérité, et par
conséquent celui qu'il a envoyé doit être également digne de foi. Il les
convainc ensuite par leurs propres paroles. Ils disaient : « Lorsque
le Christ sera venu, personne ne saura d'où il vient, » et il leur prouve
qu'il est véritablement le Christ, parce qu'il vient du Père qu'ils ne
connaissaient pas, comme il le leur reproche : « et vous ne le connaissez
pas. » —
Saint Hilaire : (de la Trin., 6) Est-ce que tout homme,
bien qu'il ait reçu de Dieu une naissance qu'on peut appeler charnelle, ne
vient pas de Dieu, selon l'opinion commune ? Comment donc le Sauveur peut-il
nier que les Juifs sachent ce qu'il est, ou bien d'où il vient, s'il n'a ici
dans l'esprit l'auteur même de sa nature ? Il fait voir la nature d'où il
provient, en affirmant qu'ils ignorent d'où il vient. On ne peut ignorer, en
effet, d'où vient ce qui est tiré du néant, car par là même qu'on sait que
cette chose a été tirée du néant, on n'ignore pas le principe de son
existence. Mais pour le Sauveur, ils ignorent ce qu'il est, parce qu'ils
ignorent d'où il vient. Ce n'est point reconnaître le Fils, que de nier sa
naissance éternelle, et on ne reconnaît point sa naissance quand on croit
qu'il a été tiré du néant. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 50) Ou bien encore,
Notre Seigneur veut parler ici de l'ignorance qui se traduit par les œuvres,
et dont saint Paul a dit : « Ils font profession de connaître Dieu, mais
ils le renoncent par leurs œuvres ». (Tt 1, 16). Remarquez
que le Sauveur les confond de deux manières : premièrement, il révèle an
grand jour ce qu'ils n'osaient dire qu'en secret, et en second lieu [il les
enseigne] et les confond à haute voix pour les couvrir de honte. —
Saint Augustin : (Traité 31) Enfin, il leur
indique le moyen qu'ils doivent prendre pour savoir [ce qu'il est et d'où il
vient] : « Moi je le connais », dit-il (celui qui m'a envoyé), c'est
donc à moi qu'il faut vous adresser pour le connaître vous-mêmes; car
personne ne connaît le Père, si ce n'est le Fils, et celui à qui le Fils aura
voulu le révéler. (Mt 11) Et si je dis que je ne le connais point, je
serai semblable à vous, c'est-à-dire un menteur. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 50). Or, cela est
impossible, celui qui m'a envoyé est véridique, il est donc nécessaire que
son envoyé soit également véridique [et digne de foi]; partout il s'attribue
exclusivement la connaissance du Père, parce qu'il vient du Père. C'est pour
cela qu'il ajoute : « Moi je le connais, parce que je suis de lui. » —
Saint Hilaire : (de la Trin., 6) Je me demande si ce qui
vient du Père, dans le sens du Sauveur, a le caractère de création ou de
génération. Si c'est une création, toutes les choses créées viennent de Dieu,
et comment se fait-il que toutes ces choses ne connaissent point le Père,
alors que le Fils affirme qu'il le connaît, par cela seul qu'il vient de lui
? Si, au contraire, la connaissance du Père est le privilège réservé de ce
qui vient de lui, comment ce qui vient de lui pourrait-il n'être pas le vrai
Fils de Dieu ayant avec lui une même nature ? Le privilège de la connaissance
vient donc ici du privilège de la génération, mais de peur que l'hérésie
n'interprète ces paroles : « parce que je suis de lui, » de son
avènement temporel, il ajoute : « et il m'a envoyé. » Il conserve
ainsi l'ordre des mystères que nous révèle l'Evangile, il proclame à la fois
sa naissance et sa mission. —
Saint Augustin : (Traité 31). Je suis de lui, parce
que je suis le Fils qui vient du Père, mais en tant que vous me voyez revêtu
d'un corps mortel, c'est lui qui m'a envoyé, paroles où il faut voir non la
diversité de nature, mais l'autorité de celui qui a engendré. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 50). Les Juifs furent
irrités de ce que le Sauveur leur reprochait de ne point connaître le Père,
alors qu'ils prétendaient avoir cette connaissance : « Ils
cherchaient donc à le prendre, mais personne ne mit la main sur lui.»
Voyez comme leur fureur se trouve invisiblement enchaînée. Cependant
l'Evangéliste, pour parler un langage plus rapproché de nos idées et plus
conforme à l'humilité du Sauveur, et confirmer la foi en la nature humaine de
Jésus, ne dit pas qu'il les retint par une puissance invisible, mais « parce
que, dit-il, son heure n'était pas encore venue. » —
Saint Augustin : (Traité 30). C'est-à-dire, parce qu'il ne le voulait pas, car le Seigneur n'a
pas été soumis au destin à sa naissance; vous-même n'y avez pas été soumis,
combien moins celui par lequel vous avez été fait ? Si votre heure n'est
autre que sa volonté, que sera son heure si ce n'est cette même volonté ?
L'heure dont il est ici question n'est donc pas celle où il serait forcé de
mourir, mais où il daignerait se soumettre à la mort. |
Lectio 6 |
Versets 31-36 |
[86054] Catena in Io., cap. 7 l. 6 Augustinus
in Ioannem. Humiles et pauperes salvos faciebat dominus; unde dicitur de
turba autem multi crediderunt in eum. Turba enim, quae suam aegritudinem cito
vidit, etiam illius medicinam sine dilatione cognovit. Chrysostomus in Ioannem. Verumtamen neque in his
erat sana fides; sed more multitudinis vulgaria loquebantur; sequitur enim et
dicebant : Christus cum venerit, numquid signa plura faciet quam quae hic facit?
Dicere enim Christus cum venerit, erat non firmiter credentium hunc esse
Christum. Vel etiam hoc dicere, est ostendere eum non esse Christum; ac si
dicant : nonne ille cum venerit melior erit et plura signa faciet? Grossiores
enim non a doctrina, sed a signis inducuntur. Augustinus. Vel intelligunt : si duo non erunt, hic
est Christus. Principes autem insaniebant : et ideo medicum non solum non
agnoscebant, sed etiam occidere cupiebant; unde sequitur audierunt Pharisaei
turbam murmurantem de illo haec, et miserunt principes et Pharisaei ministros
ut apprehenderent eum. Chrysostomus. Multa quidem locutus est supra, sed
nihil tale fecerunt; quod maxime enim eos mordebat, hoc erat, quod turbae
scilicet Christum glorificabant. Sabbati autem solutio, apparens causa erat,
quam scilicet praetendebant. Et ipsi quidem non audebant Christum capere,
periculum timentes; ministros autem mittunt tamquam periculis expositos. Augustinus. Quia ergo non poterant apprehendere
nolentem, missi sunt ut audirent docentem; sequitur enim dixit ergo Iesus :
adhuc modicum tempus vobiscum sum. Chrysostomus. Verba loquitur humilitatis plena; ac
si diceret : quid festinatis me interficere? Parvum expectate tempus. Augustinus. Quod modo ergo vultis facere, facturi
estis, sed non modo, quia modo nolo : implere enim debeo dispensationem meam,
et sic pervenire ad passionem. Chrysostomus. Per hoc igitur audaciorem turbam
terruit, studiosiorem vero magis avidam faciebat ad audiendum, quasi parvo
tempore derelicto, in quo possent hac doctrina potiri. Non autem dixit
simpliciter : hic sum, sed vobiscum sum, quasi dicat : et si persequamini me,
non tamen cessabo, quae sunt pro vobis dispensans, et ea quae sunt ad salutem
docens et monens vos. Quod autem subdit et vado ad eum qui me misit,
sufficiens erat eos terrere. Theophylactus. Tamquam patri sit de ipsis
conquesturus : quia si missum opprobriis affecerunt, non est dubium quod et
mittenti fecerunt iniuriam. Beda. Dicit autem vado ad eum qui misit me, ac si
diceret : revertens ascendo ad patrem, qui me incarnari praecepit. Illuc se
dixit ire a quo nunquam recessit. Chrysostomus. Quod vero eo indigebant, manifestat
per hoc quod dicit quaeretis me, et non invenietis. Sed ubi quaesierunt eum
Iudaei? Dicit Lucas quoniam plangebant mulieres super eum. Probabile autem
est et multos alios hoc passos esse; et praecipue dum civitas caperetur, eos
meminisse Christi et miraculorum eius, et praesentiam eius quaesivisse. Augustinus in Ioannem. Vel hic iam resurrectionem
suam praedixit : quia quaesituri illum erant post resurrectionem compuncti.
Noluerunt enim eum agnoscere praesentem, et postea quaesierunt cum viderent
in eum multitudinem credentem : unde multi compuncti dixerunt : quid
faciemus? Viderunt enim Christum suo scelere morientem, et crediderunt in
Christum suis sceleribus ignoscentem, et quousque biberent sanguinem quem
fuderunt, de sua salute desperaverunt. Chrysostomus in Ioannem. Deinde ne quis eum per
mortem communi modo abire aestimet, subiungit et ubi ego sum, vos non potestis
venire. Si vero in morte maneret, possent ad eum ire : illuc enim omnes
abimus. Augustinus. Non autem dixit : ubi ero, sed ubi sum :
semper enim ibi erat Christus quo fuerat rediturus; sic rediit, ut nos non
derelinqueret. Erat enim Christus secundum visibilem carnem in terra,
secundum invisibilem maiestatem in caelo et in terra. Non autem dixit : non
poteritis, sed non potestis venire : tales enim tunc erant qui non possent.
Nam ut sciatis non hoc ad desperationem dictum, et discipulis suis dixit tale
aliquid quo ego vado, vos non potestis venire. Denique hoc Petro exposuit,
dicens : quo ego vado, non potes me sequi modo, sequeris autem postea. Chrysostomus. Haec autem omnia induxit volens eos
attrahere; etenim modicum tempus quod relinquebatur, et post recessum ipsum
desiderabilem esse, et eum non posse de cetero inveniri, sufficientia erant
ad suadendum ut ad eum accederent. Per hoc autem quod dicit vado ad eum qui
misit me, ostendit nullam sibi fieri laesionem ab insidiis eorum, et
passionem suam voluntariam sibi esse. Passi sunt autem aliquid ipsi Iudaei ad
ea quae dicta sunt, et quaerunt ad seipsos quo debeat ire; quod non erat
eorum qui desiderarent ab eo liberari. Sequitur enim dixerunt ergo Iudaei ad
semetipsos : quo hic iturus est, quia non inveniemus eum? Numquid in
dispersionem gentium iturus est, et docturus gentes? Sic enim gentes vocabant
quasi exprobrantes et magna in semetipsis gloriantes : quia gentes ubique
disseminatae erant, et imperfecte ad invicem permixtae. Sed hoc opprobrium postea
ipsi sustinuerunt, quia ubique dispersi sunt. Antiquitus autem tota gens in
unum collecta erat; sed cum Iudaei ubique terrarum iam gentibus permixti
essent, non diceret : quo ego vado, vos non potestis venire : si per hoc
gentes intellexisset. Augustinus. Dixerat autem dominus quo ego vado, de
sinu patris. Hoc ergo illi nullo modo intellexerunt; et tamen ex hac
occasione salutem nostram praedixerunt, quod dominus iturus esset ad gentes,
non praesentia corporis, sed tamen pedibus suis; misit enim ad nos membra
sua, et fecit nos membra sua. Chrysostomus. Non autem dixerunt quod iturus esset
ad gentes laedere eas, sed docere. Iam enim iram submiserant, et his quae
dicta erant, crediderant. Nequaquam autem nisi credidissent, quaesiissent ad
seipsos : quis est hic sermo quem dixit : quaeretis me, et non invenietis, et
: ubi ego sum, vos non potestis venire? |
—
Saint Augustin : (Traité 31 sur Saint
Jean). Notre Seigneur sauvait de préférence les pauvres et les
humbles : « Beaucoup d'entre le peuple
crurent en lui, ». Le peuple, en effet, reconnut aussitôt ses infirmités,
et embrassa sans retard les moyens de guérison [qui lui étaient offerts]. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 50). Cependant sa foi
n'était pas encore pure, et son langage était bien le langage vulgaire de la
multitude : « Et ils disaient : Quand
le Christ viendra, fera-t-il plus de miracles que celui-ci ? » Ce
langage, en effet : « Lorsque le Christ
viendra, » n'indiquait pas qu'ils croyaient bien fermement que Jésus fût
le Christ; ou bien si l'on veut, c'était dans leur esprit une espèce de
preuve qu'il ne le fût pas, comme s'ils disaient : Lorsque le Christ viendra,
sera-t-il supérieur à celui-ci, et fera-t-il un plus grand nombre de miracles
? Les gens plus grossiers, en effet, se laissent bien plus facilement gagner
par l'éclat des miracles que par [l'excellence de] la doctrine. —
Saint Augustin : (Traité 3l). Ou bien ils veulent
dire : S’il ne peut y avoir deux christs, celui-ci doit nécessairement
l'être. Mais les princes du peuple, [loin de partager ce sentiment,] se
livraient aux transports d'une fureur insensée. Non seulement ils refusaient
de reconnaître le médecin, mais ils voulaient le mettre à mort : « Les pharisiens entendirent que le peuple
murmurait ainsi à son sujet, et ils envoyèrent des gardes pour le prendre. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 50). Bien des fois
précédemment, il leur avait parlé, et jamais ils ne s'étaient portés à cette
extrémité. Ce qui les blessait au vif, c'est que le peuple glorifiait Jésus
comme le Christ; la violation du sabbat n'était que le prétexte qu'ils
mettaient en avant. Ils n'osent cependant eux-mêmes s'emparer de sa personne,
dans la crainte du danger [qu'ils pourraient courir], et ils délèguent ce
soin à leurs gardes, comme étant habitués à braver les dangers. —
Saint Augustin : (Traité 31) Comme ils ne
pouvaient se saisir du Sauveur contre sa volonté, leur mission n'eut d'autre
effet que de les rendre témoins de ses enseignements : « Jésus donc leur dit : Je suis encore avec vous un peu de temps. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 50). Ces paroles respirent
une profonde humilité ; ne semble-t-il pas leur dire : Pourquoi vous
empresser de me mettre à mort ? attendez un peu de temps. —
Saint Augustin : (Traité 31). Ce que vous voulez
faire actuellement vous le ferez, mais pas ainsi, parce que je ne le veux
pas, il me faut auparavant remplir l'objet de ma mission, et parvenir ainsi
au temps de ma passion. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 50). Il calmait ainsi la
fureur des plus audacieux, et excitait vivement l'attention de la partie du
peuple plus zélée pour l'entendre, en lui annonçant qu'il lui restait peu de
temps pour profiter de ses enseignements. Remarquez qu'il ne dit pas : Je
suis, mais : « Je suis avec vous,
» c'est-à-dire, bien que vous me persécutiez, je ne cesserai de m'occuper
de vos intérêts et de vous prodiguer les enseignements et les avertissements qui
peuvent vous conduire au salut. Ces paroles qu'il ajoute : « Je m'en vais à celui qui m'a envoyé, »
suffisaient pour les remplir d'effroi. — Théophylactus : Il s'en allait à son Père, comme pour les accuser; car en couvrant
d'outrages l'envoyé, nul doute qu'ils n'aient également outragé celui qui l'a
envoyé. —
Saint Bède : « Je m'en vais à celui qui m'a envoyé, » c'est-à-dire, je remonte vers
mon Père qui m'a commandé de m'incarner [pour votre salut]; il dit qu'il s'en
va vers celui dont il ne s'est jamais séparé. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 50). Il leur fait connaître
ensuite le besoin qu'ils auraient de lui, en ajoutant : « Vous me chercherez et vous ne me trouverez point. » Mais où
donc les Juifs l'ont-ils cherché ? Saint Luc (Lc 23) nous rapporte que
les femmes le suivaient eu pleurant. Il est vraisemblable qu'un grand nombre
d'autres furent tourmentés du même désir, et qu'au moment surtout du siège et
de la prise de Jérusalem, ils se souvinrent de Jésus-Christ, de ses miracles,
et qu'ils recherchèrent sa présence. —
Saint Augustin : (Traité 31). Ou bien encore, le
Sauveur prédit ici sa résurrection, parce que les Juifs devaient le chercher
alors dans les sentiments de la plus vive componction. Ils refusèrent de le
reconnaître, alors qu'il était au milieu d'eux, et ils le cherchèrent
lorsqu'ils virent que la multitude croyait en lui, et un grand nombre,
pénétrés de repentir, s'écrièrent : « Que ferons-nous ? » Ils virent le
Christ expirer, victime de leur haine impie et criminelle, et ils crurent au
Christ qui leur accordait le pardon de leurs crimes; ils ne désespérèrent de
leur salut que jusqu'au moment où ils consentirent à boire le sang qu'ils
avaient répandu. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 50). Le Sauveur ne veut pas
laisser croire qu'il sortira de ce monde par la mort, suivant les règles
ordinaires, et il ajoute : « Et où
je suis, vous ne pouvez venir. » S'il demeurait au sein de la mort, ils
pourraient aller le rejoindre, car c'est vers ce terme que nous nous
dirigeons tous. —
Saint Augustin : (Traité 31). Il ne dit pas : Où je
serai, mais : « où je suis, » car
le Christ n'a jamais quitté le lieu où il retournait, et il y est retourné
sans nous abandonner; le Christ eu tant que revêtu d'une chair visible était
sur la terre; mais par son invisible majesté, il était à la fois dans le ciel
et sur la terre. Il ne dit pas non plus : Vous ne pourrez pas, mais : « vous ne pouvez pas venir, » car
l'état où ils se trouvaient ne leur permettait pas de le suivre alors; mais
pour vous bien convaincre qu'il m voulait point, par ces paroles, les jeter
dans le désespoir, nous lui voyons tenir à peu près le même langage à ses
disciples : « Vous ne pouvez venir là
où je vais, » et il en explique le sens à Pierre, lorsqu'il lui dit : « Vous ne pouvez maintenant me suivre où
je vais, mais vous me suivrez un jour. » (Jn 13, 36). —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 50). En s'exprimant de la
sorte, Jésus veut les attirer à lui, le peu de temps qu'il devait passer avec
eux, le désir qu'ils devaient éprouver de le revoir après qu'il les aurait
quittés, l'impossibilité pour eux de le retrouver, étaient des raisons bien
suffisantes pour leur persuader de venir à lui. En leur disant d'ailleurs : « Je vais à celui qui m'a envoyé, » il
fait voir qu'il n'a rien à redouter de leurs embûches, et que sa passion est
tout à fait volontaire. Cependant les Juifs furent impressionnés de ces
paroles, et ils se demandent entre eux où il devait aller, question qui ne
peut guère s'expliquer, s'ils désiraient être délivrés de lui : « Les Juifs dirent donc entre eux, où
doit-il aller, que nous ne le trouverons pas ? » Doit-il aller chez les
nations dispersées, et enseigner les Gentils ? C'est ainsi que les Juifs
appelaient les nations par un sentiment de mépris pour elles, et dans la
haute idée qu'ils avaient d'eux-mêmes, parce que les nations étaient
dispersées par tout l'univers et peu unies entre elles. Mais cette
dénomination injurieuse pesa plus tard sur les Juifs eux-mêmes, qui furent
dispersés par toute la terre. Autrefois, toute la nation ne formait qu'un
seul corps, mais [au temps de Jésus-Christ], les Juifs étaient disséminés
parmi toutes les nations, le Sauveur n'aurait donc pas dit : « Vous ne pouvez venir là où je
vais, » si par ces mots, il eut voulu entendre les Gentils. —
Saint Augustin : (Traité 31). Ces paroles : « où je vais, » signifiaient le
sein du Père. C'est ce qu'ils ne comprirent en aucune façon, et cependant, à
l'occasion de ces paroles, ils prédiront notre salut en annonçant que le
Sauveur irait vers les Gentils, non par sa présence corporelle, mais
cependant par ses pieds, car ce sont ses propres membres qu'il a envoyés pour
nous mettre nous-mêmes au rang de ses membres. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 50). Leur intention n'est
pas de dire qu'il doit aller vers les nations pour leur causer du mal, mais
pour les enseigner. Déjà en effet, leur colère s'était calmée, et ils avaient
ajouté foi à ses paroles, car s'ils n'y avaient point cru, ils ne se seraient
pas fait cette question : « Qu'est-ce
que cette parole qu'il a dite : « Vous me chercherez, et vous ne me trouverez
point, et là où je vais, vous ne pouvez venir ? » |
Lectio 7 |
Versets 37-39 |
[86055] Catena in Io., cap. 7 l. 7 Chrysostomus in
Ioannem. Cum recessuri essent domum, celebrata festivitate, dominus dat
eis viatica ad salutem; unde dicitur in novissimo autem die magno
festivitatis stabat Iesus, et clamabat dicens : si quis sitit, veniat ad me
et bibat. Augustinus in Ioannem. Tunc enim agebatur festivitas
quae appellatur Scenopegia, idest tabernaculorum constructio. Chrysostomus. Quae per septem dies agebatur : prima
autem dies et ultima erat celeberrima secundum legem; et hoc significavit
Evangelista, cum dixit in novissimo die magno festivitatis. Medios autem dies
magis ad voluptatem consumebant. Ideo ergo prima die hoc eis non dixit, sed
neque secunda aut tertia, ne ea quae dicebantur deperirent, eis voluptati
vacantibus. Clamabat autem propter turbae multitudinem. Theophylactus. Simul quidem, ut audibilis fieret,
atque ut confidentiam largiretur, et quia neminem formidabat. Chrysostomus. Dicit autem si quis sitit; ac si
diceret : neminem necessitate et violentia attraho; sed si quis habet desiderium
multum, hunc ego voco. Augustinus. Est enim sitis interior, quia est homo
interior. Constat autem plus amare hominem interiorem, quam exteriorem. Si
ergo sitimus, veniamus, non pedibus, sed affectibus, nec migrando, sed amando.
Chrysostomus. Quia enim de intellectuali loquitur
potu, ostendit per hoc quod post inducit qui credit in me, sicut dicit
Scriptura, flumina de ventre eius fluent aquae vivae. Sed ubi hoc dicit
Scriptura? Nusquam. Quid igitur? Qui credit in me, sicut dicit Scriptura; hic
subdistinguere oportet, ut postea subsequatur flumina de ventre eius fluent
aquae vivae : ostendens quoniam rectam oportet habere cognitionem, et non ita
a signis sicut a Scriptura credere in ipsum; etenim superius dixit :
scrutamini Scripturas. Hieronymus in prologo Genes. Vel hoc testimonium de
proverbiis sumptum est, ubi scilicet dicitur : deriventur fontes tui foris,
et in plateis aquas tuas divide. Augustinus. Venter autem interioris hominis est
conscientia cordis eius. Bibito autem isto liquore, vivescit purgata
conscientia, et hauriens fontem habebit, et ipsa fons erit. Quis est fons,
vel quis est fluvius qui manat de ventre interioris hominis? Benevolentia,
qua vult consulere proximo. Bibunt ergo qui credunt in domino. Si autem putat
qui bibit quod soli ipsi debet sufficere, non fluit aqua viva de ventre eius;
si autem proximo festinat consulere, ideo non siccatur, quia manat. Gregorius super Ezechielem. Cum enim a mente
fidelium sanctae praedicationis verba defluunt, quasi de mente credentium
aquae vivae flumina decurrunt. Ventris autem viscera quid sunt aliud nisi
mentis interna, idest recta intentio, sanctum desiderium, humilis ad Deum,
pia ad proximum voluntas? Chrysostomus. Dicit autem flumina, et non flumen,
copiositatem et ubertatem gratiae occulte insinuans. Viventem autem aquam
dicit, agentem semper. Spiritus enim gratia cum in mentem intraverit, et
firmata fuerit, omni fonte magis manat, et neque deficit, neque evacuatur,
neque stat : videbit quis utique hoc ad sapientiam Stephani, ad Petri
linguam, ad Pauli fluxum inspiciens. Nihil enim eos detinebat, sed sicut
flumina, multo impetu delati, omnia secum trahentes abibant. Augustinus in Ioannem. Ad qualem autem potum dominus
invitasset, exposuit Evangelista, et dixit hoc autem dixit de spiritu quem
accepturi erant credentes in eum. Quem dicit spiritum, nisi spiritum sanctum?
Nam unusquisque homo habet in se proprium spiritum. Alcuinus. Spiritum autem sanctum ante ascensionem
apostolis promisit; post ascensionem linguis igneis dedit; inde dicit quem
accepturi erant credentes in eum. Augustinus. Erat ergo spiritus Dei; sed nondum in
eis erat qui crediderant in Iesum. Ita enim disposuit non eis dare spiritum
istum, nisi post resurrectionem suam; unde sequitur nondum enim erat spiritus
datus quia nondum Iesus erat glorificatus. Chrysostomus in Ioannem. Apostoli quidem prius
spiritu eiciebant Daemonia, sed ea quae a Christo est potestate; quando enim
mittebat eos, non dicitur : dedit eis spiritum sanctum, sed : dedit eis
potestatem. De prophetis autem ab omnibus confessum est quod spiritus sanctus
eis dabatur : sed haec gratia a terra defecerat. Augustinus de Trin. Sed quomodo et de Ioanne
Baptista dictum est : spiritu sancto replebitur ab utero matris suae; et
spiritu sancto repletus Zacharias invenitur, ut de illo talia diceret; et
spiritu sancto Maria, ut talia de domino praedicaret; spiritu sancto Simeon
et Anna, ut magnitudinem Christi parvuli agnoscerent? Quomodo ergo
intelligitur, nisi quia certa illa spiritus sancti datio post clarificationem
Christi futura erat qualis nunquam antea fuerat? Habitura enim erat quamdam
proprietatem in ipso adventu, qualis antea nunquam fuit. Nusquam enim
legimus, linguis quas non noverant, homines locutos veniente in se spiritu
sancto, sicut tunc factum est, cum oportet eius adventum signis sensibilibus
demonstrari. Augustinus in Ioannem. Cum ergo et modo accipiatur
spiritus sanctus, quare nemo loquitur linguis omnium gentium? Quia iam ipsa
Ecclesia linguis gentium loquitur : in hac qui non est, nec modo accipit
spiritum sanctum. Si amas unitatem, etiam tibi habet quisquis in illa aliquid
habet. Tolle invidiam, et tuum est quod habeo. Livor separat, caritas iungit
: ipsam habeto, et cuncta habebis : quia sine ipsa nihil proderit quidquid
habere potueris. Caritas autem Dei diffusa est in cordibus nostris per
spiritum sanctum, qui datus est nobis. Quare ergo dominus post resurrectionem
suam spiritum sanctum dare voluit? Ut scilicet in resurrectionem nostram
caritas flagraret, ab amore saeculi separaretur, et tota curreret in Deum.
Qui enim dixit qui credit in me, veniat et bibat, et flumina de ventre eius
fluent aquae vivae, vitam aeternam promisit, ubi nihil timeamus, ubi non
moriamur. Quia ergo tale est quod promisit spiritus sancti caritate ferventibus;
ideo ipsum spiritum noluit dare nisi cum esset glorificatus, ut in suo
corpore ostenderet vitam, quam modo non habemus, sed in resurrectione
speramus. Augustinus contra Faustum. Si itaque haec causa erat
ut nondum daretur spiritus sanctus, quia nondum erat Iesus glorificatus;
proculdubio clarificatio Iesu iam causa erat ut statim daretur. Cataphryges
autem se promissum Paraclitum suscepisse dixerunt, et hinc a fide Catholica
deviarunt. Manichaei etiam quae de promissione spiritus sancti dicuntur, de
Manichaeo asserunt esse praedicta, tamquam scilicet antea non fuerit spiritus
datus. Chrysostomus. Vel aliter. Gloriam Christi crucem
vocat : quia enim inimici eramus, donum autem non inimicis, sed amicis datur;
oportebat prius offerri hostiam, et inimicitiam in carne dissolvi, et tunc
factos Dei amicos suscipere donum. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 51 sur Saint Jean). Au
moment où la fête étant terminée ils allaient retourner chez eux, Notre
Seigneur leur donne pour le voyage la nourriture du salut : « Le dernier jour de la fête, qui en est
le plus solennel, Jésus se tenait debout et disait à haute voix : ‘Si
quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive !’ ». —
Saint Augustin : (Traité 32) C'est en
ce jour qu'avait lieu la fête de la Scénopégie, c'est-à-dire de la
construction des tentes. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 51). Cette fête, comme nous
l'avons vu, durait sept jours, le premier jour et le dernier étaient les plus
solennels, selon les préceptes de la loi, comme l'Evangéliste nous l'apprend,
lorsqu'il dit : « Le dernier jour de la fête, qui en
est le plus solennel,» ; les jours intermédiaires étaient surtout
consacrés aux délassements. Le Sauveur s'est donc abstenu de leur parler le
premier jour et les jours suivants, parce que ses enseignements eussent été
perdus pour des gens livrés aux plaisirs ; il élève la voix à cause du
grand concours de peuple qui se pressait autour de lui. — Théophylactus : Il élève la voix pour se faire entendre, leur inspirer de la
confiance, et montrer qu'il ne craint personne. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 51). Notre Seigneur crie à
haute voix : « Si quelqu'un a soif, »
c'est-à-dire, je n'attire personne par nécessité ou par violence, je
n'appelle que celui qui éprouve un vif désir de se rendre à mon appel. —
Saint Augustin : (Traité 32). Il y a une soif
intérieure, parce qu'il y a un homme intérieur. Il est certain d'ailleurs que
l'homme intérieur est l'objet d'un plus grand amour que l'homme extérieur. Si
donc nous éprouvons cette soif, approchons, non avec les pieds du corps, mais
avec les affections de l'âme, non pas en marchant, mais en aimant. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 51) Il leur fait comprendre
qu'il s'agit ici d'une boisson intellectuelle par les paroles qui suivent : « Celui qui croit en moi, des fleuves
d'eau vive, comme dit l'Ecriture, couleront de son sein. » Mais où donc
l'Ecriture parle-t-elle de la sorte ? nulle part. Comment donc [expliquer
cette citation du Sauveur] ? Il faut séparer de cette manière les deux
membres de la proposition : « Celui qui
croit en moi, » comme dit l'Ecriture, et ajouter comme venant du Sauveur
: « Des fleuves d'eau vive couleront de
son sein. » Notre Seigneur leur apprend qu'il faut avoir des idées plus
droites, et croire en lui bien plus sur le témoignage des Ecritures que sur
celui des miracles. C'est pourquoi il les avait renvoyés précédemment aux
Ecritures, on leur disant : « Approfondissez
les Ecritures. » —
Saint Jérôme : (Prol. de la Genèse). On
peut dire encore que ce témoignage est emprunté au livre des Proverbes, où
nous lisons : « Que tes eaux
jaillissent au dehors, et que tes eaux coulent sur les places publiques. »
(Pr 5, 16). —
Saint Augustin : (Traité 32). Le sein de l'homme
intérieur, c'est la conscience de son cœur. Lorsque la conscience a bu cette
divine liqueur, elle est purifiée et reprend une nouvelle vie, et en puisant
de nouveau de cette eau, elle devient elle-même une source d'eau vive. Or,
quelle est cette source, ou bien quel est ce fleuve qui coule du sein de
l'homme intérieur ? C'est la bonté qui le porte à se consacrer aux intérêts
du prochain. Celui qui boit de cette eau est celui qui croit au Seigneur,
mais s'il pense que cette eau qui lui est donnée n'est que pour lui seul,
l'eau vive ne coulera point de son sein; si, au contraire, il prodigue à son
prochain les soins empressés de la charité, cette source intérieure ne tarit
point, parce qu'elle coule au dehors. —
Saint Grégoire : (sur Ezéch). Lorsque les paroles sacrées
de la prédication évangélique coulent de l'âme des fidèles, ce sont comme
autant de fleuves d'eau vive qui sortent de leur âme. Les entrailles,
qu'est-ce autre chose que ce qu'il y a de plus intime dans l'âme,
c'est-à-dire l'intention droite, les saints désirs, l'humilité envers Dieu et
la volonté d'être utile au prochain ? —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 51) Il dit « des fleuves » et non un fleuve, pour
exprimer sous cette image l'abondance et la fécondité de la grâce; ce sont « des fleuves d'eau vive, » et qui ne
cesse d'agir. En effet, lorsque la grâce de l'Esprit entre dans une âme et
s'y affermit, elle coule plus abondamment que toutes les sources, elle ne
tarit point, ni ne se dessèche ni ne s'arrête, comme on peut s'en convaincre
en considérant la sagesse d'Etienne, la parole éloquente de Pierre, la fécondité
abondante des discours de Paul; rien ne les arrêtait; mais semblables à des
fleuves au cours rapide, ils entraînaient tout avec eux. —
Saint Augustin : (Traité 32). L'Evangéliste explique
ensuite quel était ce breuvage que le Seigneur les invitait à venir boire : « Il disait cela de l'Esprit que devaient
recevoir ceux qui croiraient en lui. » Quel est cet esprit, si ce n'est
l'Esprit saint ? car tout homme a en lui-même son propre esprit. —
Alcuin : Le Sauveur avait promis
avant son ascension l'Esprit saint à ses Apôtres, et il le leur envoya après
l'ascension sous la forme de langues de feu, c'est pour cela que
l'Evangéliste dit : « l'Esprit que
devaient recevoir ceux qui croiraient en lui. » —
Saint Augustin : (Traité 32). Cet esprit était donc
l'Esprit de Dieu, mais il n'était pas encore dans ceux qui croyaient en
Jésus-Christ, car le Seigneur avait résolu de ne leur donner l'Esprit saint
qu'après sa résurrection : « L'Esprit
n'avait pas encore été donné, » parce que Jésus-Christ n'était pas encore
glorifié. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 51). Les Apôtres chassaient
d'abord les démons, non par la vertu de l'Esprit-Saint, mais par la puissance
qu'ils avaient reçue de Jésus-Christ. En effet, lorsqu'il leur donnait leur
mission, on ne lit pas qu'il leur donna l'Esprit saint, mais le pouvoir [de
chasser les démons]. Quant aux prophètes, tous reconnaissent que l'Esprit
saint leur était donné, mais cette grâce avait cessé de se répandre sur la
terre. —
Saint Augustin : (de la Trin., 4, 20). Mais comment est-il
dit de Jean-Baptiste : « Il sera rempli
du Saint-Esprit dès le sein de sa mère ? » Comment Zacharie est-il
inspiré par ce divin Esprit pour prédire la mission future du Précurseur ?
Comment Marie elle-même est remplie de l'Esprit saint pour annoncer les
destinées de son divin Fils, aussi bien que Siméon et Anne pour proclamer la
grandeur de Jésus-Christ encore enfant. La seule explication qu'on puisse
donner des paroles de l'Evangéliste, c'est que l'Esprit saint devait être
donné après la glorification de Jésus-Christ, comme il ne l'avait jamais été
auparavant, c'est-à-dire que l'effusion de ce divin Esprit devait avoir un
caractère d'efficacité qu'elle n'avait jamais été précédemment. En effet,
nous ne lisons nulle part que sous l'action de l'Esprit saint qui descendait
en eux, les hommes aient parlé des langues qu'ils ne connaissaient pas, comme
il arriva lors de la descente de l'Esprit saint, dont l'avènement devait être
démontré par des prodiges extérieurs et sensibles. —
Saint Augustin : (Traité 32). Mais comment se fait-il
que l'Esprit saint qui est encore actuellement reçu par les fidèles, ne donne
à personne de parler les langues de tous les peuples ? C'est que l'Eglise
parle elle-même la langue de toutes les nations; et on ne peut recevoir l'Esprit
saint qu'autant qu'on est dans l'Eglise. Si vous aimez l'unité, tout ce que
possède chacun de vos frères est à vous. Bannissez l'envie de votre cœur, et
ce que j'ai vous appartient. L'envie sépare, la charité unit; ayez la
charité, et vous posséderez tout avec elle, et au contraire, tout ce que vous
pourrez avoir sans elle, ne vous servira de rien. Or, la charité de Dieu a
été répandue dans nos cœurs par l'Esprit saint qui nous a été donné. (Rm 5)
Mais pourquoi le Sauveur n'a-t-il voulu donner le Saint-Esprit qu'après sa
résurrection ? C'est pour nous apprendre qu'après cette résurrection
spirituelle, notre charité doit être ardente, nous séparer entièrement de
l'amour du siècle, et se diriger toute entière vers Dieu, car celui qui nous
a dit : « Celui qui croit en moi, qu'il
vienne et qu'il boive, et des fleuves d'eau vive couleront de son sein, »
nous a promis la vie éternelle où nous serons délivrés de tout danger, et
affranchis de la crainte de la mort. C'est donc à raison de ces magnifiques
promesses qu'il a faites à ceux que l'Esprit saint embraserait des feux de la
charité, que le Sauveur n'a point voulu donner ce divin Esprit avant d'être
glorifié, pour nous donner dans son corps ressuscité, un modèle de la vie que
nous n'avons pas encore maintenant, mais dont nous espérons jouir après notre
résurrection. —
Saint Augustin : (cont. Faust., 32, 17). Si donc la raison
pour laquelle le Saint-Esprit n'était pas encore donné, c'est que Jésus
n'était pas encore glorifié, il devait l'envoyer aussitôt qu'il serait
glorifié. Les Cataphrygiens ont prétendu que c'est sur eux que le
Saint-Esprit est descendu en vertu de cette promesse, et se sont écartés par
là de la foi catholique. Les Manichéens affirment aussi que la promesse du
Sauveur d'envoyer l'Esprit saint s'est accomplie dans Manès et dans leur
secte, comme si ce divin Esprit n'avait pas été donné auparavant. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 51). Ou bien encore, cette
gloire dont parle ici Jésus, c'est sa croix. Nous étions les ennemis de Dieu,
et comme ce sont nos amis et non pas nos ennemis que nous comblons de nos
dons, il était nécessaire que le Sauveur offrît à Dieu la victime
d'expiation, qu'il détruisît les inimitiés dans sa chair, et que devenus
ainsi les amis de Dieu, nous soyons capables de recevoir ses dons. |
Lectio 8 |
Versets 40-53
|
[86056] Catena in
Io., cap. 7 l. 8 Augustinus in Ioannem. Cum dominus
invitasset credentes in se ad potandum spiritum sanctum, nata est de illo in
turba dissensio; unde dicitur ex illa ergo turba, cum audissent hos sermones
eius, dicebant : hic est vere propheta. Theophylactus. Qui scilicet expectabatur. Alii,
scilicet populus, dicebant : hic est Christus. Alcuinus. Iam isti sitim illam spiritualiter haurire
coeperant, iam sitim infidelitatis deposuerant; alii in suae infidelitatis
ariditate permanebant; de quibus subditur quidam autem dicebant : numquid a
Galilaea venit Christus? Nonne Scriptura dicit quia ex semine David, et de
Bethlehem castello, ubi erat David, venit Christus? Noverant enim quid de
Christo praedixissent prophetae; sed ignorabant omnia in ipso impleta fuisse;
et qui noverant in Nazareth nutritum, nativitatis locum non attendebant, nec
prophetiam, quam legerant, in eo completam credebant. Chrysostomus in Ioannem. Sed esto, locum nativitatis
ignorabant; num etiam genus ignorabant? Quoniam ex domo et familia David
natus erat. Quare igitur dicebant nonne ex semine David venit Christus? Sed
et hoc obumbrare volebant per educationem in Nazareth, omnia malitiose
loquentes : unde non accedunt ad Christum quaerentes quomodo Scripturae
dicunt, quod a Bethlehem oportet venire Christum; tu autem ex Galilaea
venisti; sed omnia malitiose loquuntur. Et quia non diligenter attendebant
his quae dicebantur, neque discendi gratia; propter hoc nihil eis Christus
respondit. Nathanaelem autem dicentem : a Nazareth potest aliquid boni esse?
Laudavit ut vere Israelitam, quia veritatis erat inquisitor, et omnia vetera
diligenter edoctus. Sequitur dissensio itaque facta est propter eum in turba.
Theophylactus. Non in principibus : nam principes
unius voluntatis erant, ut videlicet non eum reciperent sicut Christum. Qui
ergo magis moderati erant in malitia, verbis tantum gloriae Christi
adversabantur; qui vero peiores erant, manus etiam appetebant imponere; de
quibus subditur quidam autem ex eis volebant apprehendere eum. Chrysostomus. Hoc autem induxit Evangelista,
ostendens quoniam loquebantur neque quaerentes veritatem, neque discere
volentes. Sequitur sed nemo misit super illum manus. Alcuinus. Quia scilicet ipse non permisit, qui
conatus illorum in sua potestate habebat. Chrysostomus. Hoc autem sufficiens erat eos in
compunctionem deducere; sed non sunt compuncti : talis enim nequitia nulli
vult credere; ad unum aspicit solum, ut eum cui insidiatur interficiat. Augustinus. Qui vero missi fuerant ut eum tenerent,
redierunt immunes a crimine, et pleni admiratione; de quibus subditur
venerunt ergo ministri ad pontifices et Pharisaeos; et dixerunt eis illi :
quare non adduxistis eum? Alcuinus. Qui eum lapidare volentes, tenere non
potuerunt, arguunt ministros quia eum non adduxerant. Chrysostomus. Ecce Pharisaei et Scribae miracula
videntes et Scripturas legentes, nihil profecerunt; ministri autem nihil
horum habentes, ab una sola allocutione sunt capti, et abeuntes, ut eum
ligarent, redierunt ligati miraculo. Et non dixerunt : non potuimus propter
turbam; sed praecones efficiuntur Christi sapientiae; nam sequitur
responderunt ministri : numquam sic locutus est homo, sicut hic homo loquitur.
Augustinus. Ille autem sic locutus est, quia Deus
erat et homo. Chrysostomus. Non est autem solum eorum prudentia
admiranda, quia signis non eguerunt, sed a sola doctrina sunt capti; non enim
dixerunt : nunquam talia miracula fecit homo; sed nunquam sic locutus est
homo; sed etiam admiranda est eorum securitas : quoniam ad Pharisaeos, qui
contra Christum adversabantur, venerunt, et eis talia locuti sunt. Nec tamen
longum sermonem audiebant, sed brevem; cum enim mens fuerit incorrupta, non
longis sermonibus opus est. Augustinus. Pharisaei tamen eorum testimonium
repulerunt; nam sequitur responderunt ergo eis Pharisaei : numquid et vos
seducti estis? Quasi dicant : videmus vos delectatos esse in sermonibus suis.
Alcuinus. Et revera laudabiliter seducti erant, quia
dimisso malo infidelitatis, transierunt ad fidem. Chrysostomus in Ioannem. Ab argumento autem
insipienti contra eos syllogizant; nam sequitur numquid ex principibus
aliquis credidit in eum, aut ex Pharisaeis? Sed turba haec quae non novit
legem, maledicti sunt. Haec autem est ipsorum accusatio, quoniam turba quidem
credidit, ipsi autem non crediderunt. Augustinus in Ioannem. Qui enim non noverant legem,
ipsi credebant in eum qui miserat legem, et eum qui miserat legem,
condemnabant illi qui docebant legem; ut impleretur quod dominus dixerat :
ego veni, ut non videntes videant, et videntes caeci fiant. Chrysostomus. Qualiter igitur maledicti sunt illi
qui a lege suadentur? Vos potius maledicti estis, qui non observastis legem.
Theophylactus. Ideo autem suaviter et blande
Pharisaei ministris respondent, quia dubitaverunt ne forte ab eis prorsus
segregentur, et Christo adiciantur. Chrysostomus. Quia vero dixerant quod nullus
principum credidit in eum, ad hoc excludendum subiungitur dicit Nicodemus ad
eos (ille qui venit ad Iesum nocte), qui unus erat ex illis. Augustinus. Ipse non quidem incredulus, sed timidus
: nam ideo nocte venerat ad lucem, quia illuminari volebat, et sciri timebat.
Hic ergo respondit Iudaeis numquid lex nostra iudicat hominem, nisi prius
audierit ab ipso, et cognoverit quid faciat? Credebat enim quia si eum
tantummodo patienter vellent audire, forte similes fierent illis qui missi
sunt tenere et maluerunt credere. Volebant autem illi perversi ante esse
damnatores quam cognitores. Augustinus de Civ. Dei. Dicit autem lex nostra, de
lege quae Dei est, eo quod est ab illo data hominibus. Chrysostomus. Ostendit autem Nicodemus eos neque
cognoscentes legem, neque facientes quae sunt legis. Cum autem congruum esset
ostendere quod non indiscrete miserunt vocaturi eum, rudius et iracundius
utuntur contradictione; nam sequitur responderunt et dixerunt ei : numquid et
tu Galilaeus es? Augustinus in Ioannem. Idest quasi a Galilaeo
seductus. Dominus enim Galilaeus dicebatur, quoniam de Nazareth civitate erant
parentes eius; secundum Mariam dixi parentes, non secundum virile semen. Chrysostomus. Deinde iniuriose, quasi eo nesciente,
Scripturas induxerunt scrutare Scripturas, et vide quia propheta a Galilaea
non surgit; ac si dicerent : vade, et disce. Alcuinus. Non enim locum ubi natus est, sed ubi
conversabatur attendebant; et ideo non solum Messiam, sed nec prophetam eum
credebant. Augustinus. Propheta quidem a Galilaea non surgit,
sed dominus prophetarum inde surrexit. Sequitur et reversi sunt unusquisque
in domum suam. Alcuinus. Nullo perfecto negotio, vacui fide, et
ideo fraudati utilitate, sunt reversi in domum infidelitatis et impietatis
suae. |
—
Saint
Augustin : (Traité 33 sur Saint Jean). Lorsque
le Seigneur eut invité ceux qui croyaient en lui, à venir s'abreuver aux
sources de l'Esprit saint, le peuple fut divisé à son sujet : « Dès ce moment, parmi cette multitude qui
avait entendu ses paroles, quelques-uns disaient : Celui-ci est vraiment le
prophète. » — Théophylactus : C'est-à-dire, le prophète que l'on attendait. Les autres, au
contraire, c'est-à-dire le peuple, disaient : C'est le Christ. —
Alcuin : Ils avaient déjà commencé à
puiser à cette source spirituelle, ils n'étaient plus tourmentés par la soif
de l'infidélité, tandis que les autres demeuraient dans la sécheresse de leur
incrédulité : « Mais, disaient les
autres, est-ce que le Christ viendra de la Galilée ? L'Ecriture ne dit-elle
pas que c'est de la race de David et de la petite ville de Bethléem, où
naquit David, que le Christ doit venir ? » Ils connaissaient donc les
prophéties qui avaient le Christ pour objet, mais ils ne savaient pas
qu'elles avaient leur accomplissement en Jésus, ils savaient qu'il avait été
élevé à Nazareth, mais ils ne songeaient pas à s'informer du lieu de sa naissance,
et ils ne croyaient pas que la prophétie qu'ils avaient eue sous les yeux
était accomplie en lui. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 51) Admettons
toutefois qu'ils ignoraient le lieu de sa naissance, pouvaient-ils ignorer
également la race d'où il sortait, sa naissance de la maison et de la famille
de David ? Pourquoi donc cette réflexion : « Est-ce que le Christ ne doit pas sortir de la race de David ? »
Mais c'est justement cette circonstance qu'ils voulaient cacher, en alléguant
son éducation à Nazareth, et toutes leurs paroles sont inspirées par la malice.
Aussi voyez, ils ne viennent pas trouver Jésus pour lui faire cette
observation : Les Ecritures disent que le Christ doit sortir de Bethléem,
comment se fait-il que vous venez de la Galilée ? Non encore une fois, et la
malignité seule dicte leurs paroles. Comme ils ne prêtaient aucune attention
aux enseignements du Sauveur et qu'ils n'avaient aucun désir de s'instruire,
Jésus-Christ ne leur fit aucune réponse, tandis qu'il avait donné les plus grands
éloges à Nathanaël, qui lui disait : « Est-ce
qu'il peut venir quelque chose de bon de Nazareth ? » (Jn 1) Parce
qu'il était un vrai Israélite, qu'il cherchait la vérité et qu'il était
instruit à fond dans la science des Ecritures de 1'ancienne loi. « Le peuple était donc partagé à son
sujet. » — Théophylactus : Ce n'étaient pas les princes du peuple, ils étaient trop bien d'accord
pour ne pas le reconnaître comme le Christ. Ceux dont la malice était moins
profonde, se contentaient d'attaquer par leurs paroles la gloire du Sauveur,
mais ceux dont la méchanceté était extrême, désiraient vivement se saisir de
sa personne, et c'est de ces derniers dont l'Evangéliste ajoute : « Quelques-uns d'entre eux voulaient le
prendre. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 51). L'Evangéliste fait
cette remarque, pour montrer qu'ils ne manifestaient dans leur langage ni le
désir de chercher la vérité, ni le désir de l’apprendre : « Mais personne ne mit la main sur
lui. » —
Alcuin : C'est-à-dire qu'ils en
furent empêchés par celui qui avait la puissance de réprimer leurs efforts. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 51). Cette seule
circonstance aurait dû suffire pour leur inspirer un profond repentir, ils
n'en firent rien. Tel est le caractère propre de la méchanceté, elle ne veut
céder à personne, et n'a qu'une chose en vue, c'est de mettre à mort celui à
qui elle tend des embûches. —
Saint Augustin : (Traité 33). Ceux qui avaient été
envoyés pour se saisir de Jésus, revinrent sans s'être souillés de ce crime
et remplis d'admiration : « Lors donc
que les gardes revinrent vers les pontifes et les pharisiens, ceux-ci leur
dirent : Pourquoi ne l'avez-vous pas amené ? » —
Alcuin : Ils n'ont pu eux-mêmes se
saisir de sa personne lorsqu'ils ont voulu le lapider, et ils reprochent à leurs
émissaires de ne l'avoir point amené. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 52). Les pharisiens et les
scribes, témoins des miracles de Jésus, et versés dans la science des
Ecritures, n'en tirent aucun profit; leurs gardes, qui n'ont eu aucun de ces
avantages, sont gagnés par un seul des discours du Sauveur; ils étaient
envoyés pour le charger de chaînes, et ils reviennent enchaînés par le
miracle. Et ils ne disent pas : Nous n'avons pu nous saisir de sa personne à
cause de la foule, mais ils proclament hautement la sagesse de Jésus-Christ :
« Les envoyés répondirent : ‘Jamais
homme n'a parlé comme cet homme’. » —
Saint Augustin : (Traité 33). Or, il parlait de la
sorte, parce qu'il était Dieu et homme tout ensemble. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 52). Nous ne devons pas
seulement admirer la prudence de ces hommes qui, sans avoir besoin de
miracles, se laissent gagner par l'attrait de la doctrine du Sauveur (en
effet, ils ne disent pas : Jamais homme n'a fait de tels miracles, ils disent
: « Jamais homme n'a parlé comme cet
homme, ») mais encore leur courage, la liberté avec laquelle ils
s'expliquent de la sorte devant les pharisiens qui étaient les ennemis de
Jésus-Christ. Le Sauveur cependant ne leur avait point parlé longuement, mais
lorsque l'âme n'est pas viciée, elle n'a pas besoin de longs discours. —
Saint Augustin : (Traité 33). Mais les pharisiens ne
se rendirent point à leur témoignage : «
Les pharisiens leur répliquèrent : Avez-vous été séduits, vous aussi ? »
C'est-à-dire, nous voyons que vous avez trouvé un véritable charme dans ses
discours. —
Alcuin : Et en effet, ils avaient été
heureusement séduits, parce qu'ils avaient renoncé au malheur de
l'incrédulité pour embrasser la foi. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 52). Voyez quel raisonnement
insensé et pitoyable leur font les pharisiens : « Est-il quelqu'un d'entre les chefs du peuple ou d'entre les
pharisiens qui aient cru en lui ? Pour cette populace qui ne connaît point la
loi, ce sont des gens maudits. » Mais
c'est justement le plus grand chef d'accusation contre eux, que la foule ait
cru en Jésus-Christ, tandis qu'ils ont eux-mêmes refusé de croire. —
Saint Augustin : (Traité 33). Ceux qui
n'avaient point la connaissance de la loi, croyaient en celui qui avait donné
la loi, et les docteurs de la loi ne craignaient pas de condamner l'auteur
même de la loi, accomplissant ainsi ces paroles du Seigneur : « Je suis venu en ce monde pour le
jugement, afin que ceux qui ne voient point voient, et que ceux qui voient
deviennent aveugles. » (Jn 9, 39). —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 52). Comment peut-on appeler
maudits ceux qui se laissent persuader par la loi [(ou qui obéissent à la
loi)] ? Les maudits sont bien plutôt ceux qui, comme vous, n'observent pas la
loi. — Théophylactus : Les pharisiens gardent quelque modération et quelque douceur dans leur
réponse à ceux qu'ils avaient envoyés, dans la crainte de les voir se séparer
complètement d'eux pour s'attacher à Jésus-Christ. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 52). Ils venaient d'objecter
qu'aucun des princes du peuple n'avait cru en Jésus, raison dont
l'Evangéliste fait voir la fausseté, en ajoutant : « Nicodème, l'un d'entre eux, celui qui était venu de nuit trouver
Jésus, leur dit : » —
Saint Augustin : (Traité 33). Il n'était pas
incrédule mais timide dans sa foi, c'est pour cela qu'il était venu de nuit
trouver la lumière; il voulait être éclairé, mais il craignait d'être connu.
Il répondit donc aux Juifs : « Notre loi condamne-t-elle un homme sans
l'avoir entendu et sans savoir ce qu’il a fait ? » Il espérait que si
les pharisiens consentaient seulement à l'entendre patiemment, ils
éprouveraient la même impression que ceux qu'ils avaient envoyés pour se
saisir de lui, et qui aimèrent mieux croire en lui; mais ces hommes,
profondément pervers, voulaient condamner avant de connaître. —
Saint Augustin : (de la Cité de Dieu, 22, 1). Nicodème appelle la
loi de Dieu, « notre loi, » parce que Dieu l'a donnée aux hommes. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 52). Nicodème leur prouve
donc à la fois qu'ils ne connaissent point la loi et qu'ils ne l'observent
point. Mais les pharisiens, au lieu de montrer, comme ils auraient dû le
faire, qu'ils avaient eu raison d'envoyer se saisir de la personne de Jésus,
se laissent aller aux propos injurieux et outrageants : « Ils lui répondirent : Est-ce que vous êtes aussi
Galiléen ? » —
Saint Augustin : (Tr. 33). C'est-à-dire, séduit
par le Galiléen, car le Sauveur était appelé Galiléen, parce que ses parents
habitaient Nazareth; je dis ses parents du côté de Marie et non du côté d'un
père [qu'il n'eut point sur la terre]. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 52). Ils ajoutent ce
reproche blessant pour Nicodème, d'ignorer les Ecritures : « Examinez les Ecritures, lui
disent-ils, et vous verrez que de la
Galilée il ne sort point de prophète; » absolument comme s'ils lui
disaient : Allez et instruisez-vous. —
Alcuin : Leur attention ne se portait
que sur le lieu où il passait sa vie, et non sur le lieu de sa naissance,
c'est pourquoi ils refusaient de le reconnaître, non seulement pour le
Messie, mais pour un simple prophète. —
Saint Augustin : (Traité 33). La Galilée ne voit
point sortir de prophète de son sein, mais elle a vu s'élever au milieu
d'elle le Seigneur des prophètes. « Et
ils s'en retournèrent, chacun en sa maison ». —
Alcuin : Ils retournèrent dans la
maison de leur incrédulité et de leur impiété, sans avoir rien fait, vides de
foi et sans aucun résultat utile pour le salut de leurs âmes. |
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Caput 8 |
CHAPITRE VIII
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Lectio 1 |
Versets l-11
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[86057] Catena in Io., cap. Augustinus in Ioannem. Ubi enim decebat docere
Christum nisi in monte oliveti, in monte unguenti, in monte chrismatis?
Christi enim nomen a chrismate dictum est. Chrisma autem Graece, Latine
unctio nominatur. Ideo autem nos unxit, quia luctatores contra Diabolum fecit.
Alcuinus. Unctio enim olei fessis et dolentibus
membris solet afferre levamen. Mons etiam olivarum sublimitatem dominicae
pietatis designat : quia oleos Graece, Latine misericordia. Natura quoque
olei mysterio aptissime congruit : superfertur enim omnibus liquoribus; et
sicut ait Psalmista : miserationes eius super omnia opera eius. Sequitur et
diluculo iterum venit in templum, ut scilicet misericordiam cum incipiente
novi testamenti lumine fidelibus, in templo videlicet suo, pandendam
praebendamque signaret. Quod enim diluculo redibat, exortum novae gratiae
designat. Beda. Significatur autem quod postquam per gratiam
coepit inhabitare in templo suo, idest in Ecclesia, ex omnibus gentibus
crediderunt in eum; unde sequitur et omnis populus veniebat ad eum : et
sedens docebat eos. Alcuinus. Sessio humilitatem incarnationis insinuat.
Sedente ergo domino, ad eum venit populus : quia postquam per susceptam
humanitatem visibilis apparuit, coeperunt eum multi audire, et in eum
credere, quem per humanitatem sibi proximum meminerant. Mansuetis autem et
simplicibus sermonem domini admirantibus, Scribae et Pharisaei interrogant,
non ut discant, sed ut veritati laqueos nectant; unde sequitur adducunt autem
Scribae et Pharisaei mulierem in adulterio deprehensam; et statuerunt eam in
medio, et dixerunt ei : magister, haec mulier deprehensa est modo in
adulterio. Augustinus. Animadverterant enim eum nimium esse
mitem : de illo quippe fuerat ante praedictum : procede et regna, propter
veritatem et mansuetudinem et iustitiam. Ergo attulit veritatem ut doctor,
mansuetudinem ut liberator, iustitiam ut cognitor. Cum loqueretur, veritas
agnoscebatur; cum adversus inimicos non moveretur, mansuetudo laudabatur; in
tertio ergo, iustitia scilicet, scandalum posuerunt : dixerunt enim apud
seipsos : si eam dimitti censuerit, iustitiam non tenebit : lex enim quod
iniustum erat, iubere non poterat; et ideo legem inducunt, dicentes in lege
autem Moyses mandavit nobis huiusmodi lapidare. Ut autem mansuetudinem non
perdat, in qua iam populis amabilis factus est, eam dimitti debere dicturus
est. Unde eius sententiam requirunt dicentes tu ergo quid dicis? Hinc nos
inveniemus ad accusandum occasionem, et reum faciemus tamquam legis
praevaricatorem; unde Evangelista subdit haec autem dicebant tentantes eum,
ut possent accusare. Sed dominus in respondendo et iustitiam servaturus est,
et a mansuetudine non recessurus; sequitur enim Iesus autem inclinans se
deorsum, digito scribebat in terra. Augustinus de Cons. Evang. Tamquam illos tales in
terra scribendos significaret, non in caelo, ubi monuit discipulos ut se
scriptos esse gauderent; aut quod se humiliando, quod capitis inclinatione
monstrabat, signa in terra faceret; aut quod iam tempus esset ut in terra
quae fructum daret, non in lapide sterili, sicut antea, lex eius
conscriberetur. Alcuinus. Per terram enim cor humanum ostenditur,
quod bonarum vel malarum actionum solet reddere fructus; per digitum autem,
qui articulorum compositione flexibilis est, sublimitas discretionis exprimitur.
Nos ergo instruit, ut cum qualibet mala proximorum conspicimus, non statim ea
temere damnemus; sed prius ad conscientiam cordis humiliter reversi, digito
discretionis ea sollicite disquiramus. Beda. Quantum etiam ad historiam pertinet, per hoc
quod digito scripsit in terra, illum se fore monstravit qui quondam legem in
lapide scripsit. Sequitur cum autem perseverarent interrogantes eum, erexit
se. Augustinus in Ioannem. Non dixit : non lapidetur, ne
contra legem dicere videretur. Absit autem ut diceret : lapidetur; venit enim
non perdere quod invenerat, sed quaerere quod perierat. Quid ergo respondit?
Qui sine peccato est vestrum, primus in illam lapidem mittat. Haec vox
iustitiae est. Puniatur peccatrix, sed non a peccatoribus; impleatur lex, sed
non a praevaricatoribus legis. Gregorius Moralium. Qui enim prius semetipsum non
iudicat, quid in alio rectum iudicet ignorat. Et si novit etiam per auditum
recte tamen aliena merita iudicare non valet, cui conscientia innocentiae
propriae nullam iudicii regulam praebet. Augustinus. Cum ergo eos telo iustitiae
percussisset, nec dignatus est cadentes attendere; sed avertit ab eis
obtutum; unde sequitur et iterum se inclinans scribebat in terra. Alcuinus. Potest etiam intelligi fecisse hoc dominus
iuxta consuetudinem, ut quasi aliquid agens, vultu intendens in aliud,
liberam eis exeundi facultatem daret. In hoc etiam figurate admonet, ut et
priusquam peccantem fratrem corripiamus, et post adhibitam correctionem,
diligenter perpendamus utrum ipsis peccatis, de quibus alium castigamus, aut
aliis obnoxii simus. Augustinus. Sic igitur illi voce iustitiae tamquam
telo percussi sese inspicientes, et reos invenientes, unus post unum omnes
recesserunt; et hoc est quod subditur audientes autem haec, unus post alium
exibant, incipientes a senioribus. Glossa. Qui forte magis rei erant, vel magis culpas
suas cognoscebant. Augustinus. Relicti sunt autem duo : miseria, et
misericordia; nam sequitur et remansit solus Iesus, et mulier in medio stans.
Credo, territa illa mulier, ab illo se puniendam sperabat in quo peccatum
inveniri non poterat. Ille autem, qui adversarios eius repulerat lingua
iustitiae, levans in illam oculos mansuetudinis, interrogavit eam; unde
sequitur erigens se autem Iesus, dixit ei : mulier, ubi sunt qui te
accusabant? Nemo te condemnavit? Quae dixit : nemo, domine. Audivimus supra
vocem iustitiae : audiamus nunc mansuetudinis; nam sequitur dixit ei Iesus :
nec ego te condemno, a quo te forte condemnari timuisti, quia in me peccatum
non invenisti. Quid est, domine? Faves ergo peccatis? Non plane; attende quod
sequitur : vade, et amplius noli peccare. Ergo et dominus damnavit, sed
peccatum, non hominem : nam si peccatorum auctor esset, diceret : vade, et
vive ut vis; de mea liberatione esto secura : ego te quantumcumque
peccaveris, etiam a Gehenna et Inferni tortoribus liberabo. Non hoc dixit.
Intendant ergo qui amant in domino mansuetudinem, et timeant veritatem :
etenim dulcis et rectus dominus. |
—
Alcuin : (1) Notre-Seigneur, aux
approches de sa passion, avait pris l’habitude de passer le jour dans le
temple de Jérusalem pour y prêcher la parole de Dieu et y opérer des miracles
[en preuve de sa divinité]; il retournait le soir à Béthanie où il était
hébergé chez les sœurs de Lazare, et le lendemain il revenait à Jérusalem
pour y recommencer les mêmes œuvres. C'est d'après cette coutume qu'après
avoir enseigné tout le jour dans le temple le dernier jour de la fête des
Tabernacles, nous le voyons se retirer le soir sur le mont des Oliviers,
selon ce que dit l'Evangéliste : « Jésus se rendit à la
montagne des Oliviers » . —
Saint Augustin : (Traité 33 sur Saint Jean). Où
convenait-il que le Christ enseignât, si ce n'est sur le mont des Oliviers,
sur lu montagne des parfums, sur la montagne de l'onction ? En effet, le nom
de Christ vient d'onction, et le mot grec χρίμα
chrême veut dire en latin unctio onction. Or, Dieu nous a donné cette
onction pour faire de nous de forts lutteurs contre le démon. —
Alcuin : L'onction d’huile procure du
soulagement aux membres fatigués et souffrants. Le mont des Oliviers signifie
aussi la sublimité de la bonté du Sauveur, parce que le mot grec
έλεος veut dire en latin misericordia, miséricorde.
La nature de l'huile se prête parfaitement à cette signification mystérieuse,
car elle surnage au-dessus de tous les autres liquides, et comme le chante le
Psalmiste : Ses miséricordes sont au-dessus de toutes ses oeuvres : « Et
dès le point du jour il retourna dans le temple, » pour nous donner un
symbole de sa miséricorde qu'il faisait éclater aux yeux des fidèles,
concurremment avec la lumière naissante du Nouveau Testament. En effet, en
revenant au point du jour, il annonçait l'aurore de la grâce de la loi
nouvelle. —
Saint Bède : Il voulait encore signifier
que dès qu'il commença d'habiter par sa grâce dans son temple, c'est-à-dire
dans son Eglise, la foi en lui trouva des adhérents dans toutes les nations :
« Et tout le peuple vint à lui, dit l'Evangéliste, et s'étant
assis, il les enseignait. » — Alcuin : L'action de s'asseoir
signifie l'humilité de l'incarnation. Lors donc que le Seigneur fut assis, le
peuple vint à lui, parce qu'en effet, lorsqu'il se fut rendu visible par son
incarnation, un grand nombre commencèrent à écouter ses enseignements et à
croire en celui que son humanité rapprochait d'eux. Mais tandis que les
simples et les humbles sont dans l'admiration des paroles du Sauveur, les
scribes et les pharisiens lui font des questions, non pour s'instruire, mais
pour tendre des pièges à la vérité : « Alors les scribes et les pharisiens
lui amenèrent une femme surprise en adultère, et ils la placèrent au milieu
de la foule, et ils lui dirent : Maître, cette femme vient d'être surprise en
adultère. » —
Saint Augustin : (Traité 33). Ils avaient remarqué
l'excessive douceur du Sauveur, car c'est de lui que le Roi-prophète avait
prédit : « Avancez-vous, soyez heureux, et établissez votre règne par la
vérité, par la douceur et par la justice. » (Ps 44, 5) Il nous a
donc apporté la vérité comme docteur, la douceur comme notre libérateur, et
la justice comme celui qui connaît tout. Lorsqu'il ouvrait la bouche, la
vérité éclatait dans ses paroles; on admirait sa douceur dans le calme et la
modération qu'il gardait vis-à-vis de ses ennemis, ils cherchent donc à lui
tendre un piège sur le troisième point, celui de la justice. Voilà, en effet,
ce qu'ils se dirent entre eux : S'il déclare qu'il faut renvoyer cette femme,
il n'observera pas les prescriptions de la justice; car la loi ne pouvait
commander de faire quelque chose d'injuste; aussi ont-ils soin d'apporter le
témoignage de la loi : « Or, Moïse, dans la loi, nous a ordonné de lapider
les adultères. » Mais Jésus, pour ne point perdre la réputation de
douceur qui l'a rendu aimable au peuple, déclarera qu'il faut la renvoyer [sans
la punir]. Ils lui demandent son avis sur ce point : « Vous donc que
dites-vous ? » En agissant de la sorte, se disaient-ils, nous trouverons
l'occasion de l'accuser, et nous le traduirons comme prévaricateur de la loi.
C'est la réflexion que fait l'Evangéliste : « C'était pour le tenter
qu'ils l'interrogeaient ainsi, afin de pouvoir l'accuser. » Mais le Seigneur, dans la réponse qu'il leur fait,
restera fidèle à la justice, sans s'écarter de sa douceur habituelle : «
Mais Jésus, se baissant, écrivait du doigt sur la terre. » —
Saint Augustin : (de l'acc. Des Evang., 4, 18). Il signifiait ainsi
que le nom de ces hommes ne serait pas écrit dans le ciel, où ses disciples
devaient se réjouir de voir leurs noms écrits, mais sur la terre; ou bien, il
voulait montrer que c'est en s'humiliant (comme l'indiquait l'action de se
baisser), qu'il opérait des miracles sur la terre; ou bien enfin, il voulait
enseigner que le temps était venu d'écrire la loi, non plus sur une pierre
stérile, comme auparavant, mais sur une terre qui pourrait produire des
fruits. —
Alcuin : La terre est en effet le
symbole du cœur humain qui produit ordinairement le fruit des bonnes et des
mauvaises actions; le doigt qui doit sa souplesse à la flexibilité des
articulations, figure la subtilité du discernement. Jésus nous apprend donc à
ne pas condamner aussitôt et avec précipitation le mal que nous pouvons
apercevoir dans nos frères, mais à rentrer humblement dans notre conscience,
et à l'examiner à fond et avec le plus grand soin, comme avec le doigt du
discernement. —
Saint Bède : Quant au sens qu'on peut
appeler historique, Jésus, en écrivant de son doigt sur la terre, prouvait
que c'était lui qui avait autrefois écrit la loi sur la pierre. « Comme
ils continuaient à l'interroger, il se redressa. » —
Saint Augustin : (Traité 34). Il ne leur dit pas :
Elle ne doit pas être lapidée, pour ne pas se mettre en opposition avec la
loi; encore moins leur dit-il : Qu'elle soit lapidée, car il n'est point venu
perdre ce qu'il avait trouvé, mais chercher ce qui avait péri. Quelle est
donc sa réponse ? « Que celui de vous qui est sans péché, jette le premier
la pierre contre elle. » C'est la voix de la justice elle-même : Que la
pécheresse soit punie, mais non point par les pécheurs, que la loi soit
exécutée, mais non par les prévaricateurs de la loi. —
Saint Grégoire : (Moral., 14, 13 ou 15). Celui qui ne
commence point par se juger tout d'abord, est incapable de porter un jugement
juste sur les autres; malgré les renseignements extérieurs qu'il peut recueillir,
il ne peut apprécier avec équité le mérite des actions du prochain, si la
conscience de son innocence personnelle ne lui donne pas une règle sûre de
jugement. —
Saint Augustin : (Traité 34). Après les avoir ainsi
percés du trait de la justice, le Sauveur ne daigne même pas jeter un regard
sur leur humiliation, il détourne les yeux : « Et se baissant de nouveau,
il écrivait sur la terre. » —
Alcuin : On peut dire encore que le
Sauveur, comme cela arrive souvent, paraissait faire une chose, tout en fixant
son attention sur une autre, pour leur laisser la liberté de se retirer. Il
nous apprend on même temps d'une manière figurée qu'avant de reprendre nos
frères de leurs fautes, comme après avoir rempli le devoir de la correction,
nous devons examiner sérieusement si nous ne sommes pas coupables des mêmes
fautes ou d'autres semblables. —
Saint Augustin : (Traité 34). Frappés tous par la
voix de la justice comme par un trait perçant et se reconnaissant coupables,
ils se retirèrent les uns après les autres : « Ayant entendu cette parole,
ils s'en allèrent l'un après l'autre, à commencer par les plus âgés. » — La Glose : C'étaient
peut-être les plus coupables, ou du moins ceux qui connaissaient plus leurs
crimes. —
Saint Augustin : (Traité 34). Ils restèrent deux, la
misère et la miséricorde ; « l ne resta que Jésus seul et
la femme qui était au milieu de la foule ». Cette femme, je le
suppose, fut saisie d'effroi, elle pouvait craindre d'être punie par celui
qu'il lui était impossible de convaincre de péché. Mais lui qui avait
confondu ses ennemis par le langage de la justice, leva sur elle les yeux de
la douceur et lui fit une question : « Alors, Jésus, se relevant, lui dit
: Femme, où sont ceux qui vous accusaient ? Personne ne vous a condamnée ?
Elle répondit : Personne, Seigneur. » Nous avons entendu la voix de la
justice, entendons maintenant la voix de la douceur : « Et Jésus lui dit :
Ni moi non plus je ne vous condamnerai, » bien que vous ayez pu le
craindre, parce que vous n'avez pas trouvé de péché en moi. Quelle est donc,
cette conduite, Seigneur ? Vous vous montrez favorable au péché ? Non,
assurément. Ecoutez ce qui suit : « Allez, et ne péchez plus. » Vous
le voyez donc, le Seigneur condamne le péché, mais il ne condamne pas
l'homme; s'il favorisait le péché, il aurait dit à cette femme : Allez et
vivez comme vous l'entendez. Soyez assurée que je serai votre libérateur,
quelque énormes que soient vos crimes, je vous délivrerai de l'enfer et de
ses supplices, mais tel n'est point son langage. Que ceux qui aiment dans le
Seigneur la douceur et craignent la vérité, pèsent avec attention ces paroles
: « Car le Seigneur est plein de douceur et de droiture. » (Ps 24) |
Lectio 2 |
Versets 12 |
[86058] Catena in Io., cap. Beda. Ubi advertendum est, quia non ait ego sum lux
Angelorum vel caeli, sed lux mundi, idest hominum in tenebris commorantium :
secundum illud : illuminare his qui in tenebris et in umbra mortis sedent.
Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter. Quia superius
Galilaeam ei afferebant, et quasi de quodam prophetarum, de eo dubitabant,
voluit ostendere quoniam non unus prophetarum est, sed dominator orbis
terrarum; unde dicitur iterum locutus est eis Iesus, dicens : ego sum lux
mundi, non Galilaeae, neque Palaestinae, neque Iudaeae. Augustinus in Ioannem. Manichaei solem istum oculis
carnis visibilem Christum dominum esse putaverunt; sed Ecclesia Catholica
improbat tale commentum : non est enim dominus Christus sol factus, sed per
quem sol factus est : omnia enim per ipsum facta sunt, et propter nos sub
sole factum est lumen quod fecit solem : carnis nube tegitur, non ut
obscuretur, sed ut temperetur. Loquens ergo per nubem carnis lumen
indeficiens, lumen sapientiae ait hominibus ego sum lux mundi. Theophylactus. Uteris autem adversus Nestorium hoc
praesenti sermone : non enim ait quoniam in me est lux mundi, sed ego sum lux
mundi; ipse namque qui homo videbatur, idem et filius Dei et lux mundi erat;
non, sicut nugabatur Nestorius, in simplici homine Dei filius habitabat. Augustinus. Abstulit autem te ab oculis carnis, et
revocavit ad oculos cordis in hoc quod subdit qui sequitur me, non ambulat in
tenebris, sed habebit lumen vitae. Non enim sufficit dicere habebit lumen,
sed addidit vitae. Haec verba domini cum verbis Psalmi concordant : in lumine
tuo videbimus lumen, quoniam apud te est fons vitae. In istis usibus
corporalibus aliud est lumen, et aliud fons : fontem fauces quaerunt, lumen
oculi. Apud Deum, quod lumen est, hoc est fons. Qui tibi lucet ut videas,
ipse tibi manat ut bibas. Quod promisit, futuri temporis verbo posuit; in eo
quod facere debemus, praesens tempus posuit. Qui sequitur, inquit, habebit
modo per fidem, post habebit per speciem. Sequere istum solem visibilem si
ipse tendis ad occidentem, quo et ille tendit; et si nolueris tu illum
deserere, ipse te deseret in occasu. Deus tuus ubique est totus : si non ab
illo facies casum, numquam a te ille faciet occasum. Tenebrae satis metuendae
sunt morum, non oculorum : et si oculorum, non exteriorum, sed interiorum,
unde discernitur non album et nigrum, sed iustum et iniustum. Chrysostomus. Intellectualiter enim dixit non
ambulat in tenebris; idest, non manet in errore. Hinc et Nicodemum laudat et
ministros; et ipsos occulte insinuat dolos complicantes, qui in tenebris et
errore sunt, sed lucem non superabunt. |
—
Alcuin : Le pardon que Notre Seigneur
venait d'accorder à cette femme, pouvait faire naître dans l'esprit de ceux
qui ne voyaient en lui qu'un homme le doute qu'il pût remettre les péchés,
aussi croit-il devoir mettre dans un plus grand jour sa puissance divine : «
Jésus leur parla de nouveau, disant : Je suis la lumière du monde. » —
Saint Bède : Remarquez qu'il ne dit pas :
Je suis la lumière des anges, ou la lumière du ciel, mais : « la lumière
du monde, » c'est-à-dire des hommes qui demeurent dans les ténèbres,
selon cette prophétie [de Zacharie dans saint Luc] : « Pour éclairer ceux
qui sont assis dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 52 sur Saint Jean). Ou
bien encore, comme ils avaient toujours à la bouche la Galilée, et qu'ils
doutaient s'il n'était pas un prophète, il veut leur prouver qu'il n'est pas
un des prophètes, mais qu'il est le maître de l'univers entier : « Jésus
leur parla de nouveau, disant : Je suis la lumière du monde, » et non pas
seulement la lumière de la Galilée, de la Palestine, de la Judée. —
Saint Augustin : (Traité 34). Les Manichéens ont cru
que le soleil qui éclaire les yeux de notre corps était Notre Seigneur
Jésus-Christ; mais l'Eglise catholique condamne cette interprétation, car
Notre Seigneur Jésus-Christ n'est point ce soleil qui a été créé, mais celui
par lequel le soleil a été créé. Toutes choses, en effet, ont été faites par
lui, et cette lumière qui a créé le soleil s'est faite visible pour nous sous
le soleil, elle s'est couverte de la chair comme d'un nuage, non pour
obscurcir, mais pour tempérer son éclat, c'est donc en parlant à travers le
nuage de la chair, que la lumière indéfectible, la lumière de la sagesse a
dit aux hommes : « Je suis la lumière du monde. » — Théophylactus : Vous pouvez vous servir de ces paroles pour combattre l'erreur de
Nestorius. Notre-Seigneur, en effet, n'a pas dit : La lumière du monde est en
moi, mais : « Je suis la lumière du monde » ; car celui qui
paraissait être un homme ordinaire, était en même temps le Fils de Dieu et la
lumière du monde; et le Fils de Dieu n'habitait pas seulement dans l'homme,
comme le prétendait sans fondement Nestorius. —
Saint Augustin : (Traité 31). Le Sauveur vous
rappelle des yeux du corps aux yeux du cœur par les paroles qui suivent : «
Celui qui me suit ne marche pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de
vie »; car il ne lui suffisait pas de dire : « Il aura la lumière, »
mais il ajoute : « de vie. » Ces paroles du Sauveur s'accordent avec ces
autres du psaume 33 : « Nous verrons la lumière dans votre lumière, parce
qu'en vous est une source de vie. » Dans les choses extérieures qui sont
à l'usage du corps, la lumière est différente de la source. La gorge altérée
cherche la source, les yeux demandent la lumière; mais en Dieu la lumière est
la même chose que la source, Dieu est tout à la fois la lumière qui brille
pour vous éclairer, et la source qui coule pour étancher votre soif. L'effet
de la promesse est au futur, dans les paroles du Sauveur, ce que nous devons
faire est au présent : Celui qui me suit, me possédera actuellement par la foi, plus tard dans ma
nature. Suivez ce soleil visible, vous irez nécessairement à l'Occident, où
il se dirige lui-même; et quand vous ne voudriez pas l'abandonner, il vous
abandonnera lui-même, à son coucher. Votre Dieu, au contraire, est tout
entier en tout lieu, et il n'aura jamais pour vous de couchant, si vous
n'avez pas pour lui de défaillance. Les ténèbres les plus à craindre sont
celles des mœurs et non les ténèbres des yeux, ou du moins ce ne sont que les
ténèbres des yeux intérieurs à l'aide desquels on distingue non le blanc du
noir, mais le juste de l'injuste. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 52). C'est dans un sens
spirituel qu'il faut entendre ces paroles : « Il ne demeure pas dans les
ténèbres, » c'est-à-dire, il ne demeure pas dans l'erreur. Le Sauveur
donne ici des éloges à Nicodème et aux serviteurs envoyés par les pharisiens,
tandis que pour ces derniers il laisse à entendre qu'ils sont des artisans de
ruses, qu'ils sont dans les ténèbres et dans l'erreur, mais que cependant ils
ne triompheront point de la lumière. |
Lectio 3 |
Versets 13-18 |
[86059] Catena in Io., cap. Alcuinus. Sic responderunt tamquam ipse dominus
solus sibi testimonium perhiberet, cum constet quod antequam in carne
appareret, multos testes praemisit, qui eius sacramenta praedixerunt. Chrysostomus. Dominus autem evertit quod dixerant;
unde sequitur respondit Iesus, et dixit eis : et si ego testimonium perhibeo
de meipso, verum est testimonium meum. Hoc iuxta eorum suspicionem locutus
est, hominem eum nudum aestimantium; et causam subiungit : quia scio unde
venio et quo vado; idest : ex Deo sum, et Deus, et Dei filius. Non autem hoc
dicit manifeste, quia semper humilia miscet altis. Deus autem ipse sibi fide
dignus est. Augustinus in Ioannem. Verum est enim testimonium
luminis, sive se ostendat, sive alia. Locutus est propheta verum; sed unde
haberet, nisi de fonte veritatis hauriret? Ergo idoneus est Iesus qui sibi
testimonium perhibeat. Dicens autem quia scio unde venio et quo vado, patrem
volebat intelligi : patri enim gloriam dabat filius, a quo est missus.
Quantum ergo debet homo glorificare eum a quo est creatus? Non autem veniendo
inde discessit, aut redeundo nos dereliquit. Non potest hoc fieri ab isto
sole, qui quando pergit ad occidentem, deserit orientem. Sicut autem sol iste
et videntis faciem illustrat, et caeci; sed videt ille, ille non videt : sic
et sapientia Dei, verbum Dei, ubique praesens est etiam infidelibus; sed
quibus eam videant oculos non habent cordis. Ut ergo dominus inter fideles
suos, et inimicos suos Iudaeos, tamquam inter tenebras et lucem distingueret,
subiungit vos autem nescitis unde venio aut quo vado. Isti ergo Iudaei
videbant hominem, nec credebant Deum; et ideo dominus subdit vos secundum
carnem iudicatis, dum scilicet dicitis tu de teipso testimonium perhibes, et
testimonium tuum non est verum. Theophylactus. Ac si dicat : vos quoniam in carne
sum, carnem me solum esse putantes, non autem Deum, secundum carnem
fallibiliter iudicatis. Augustinus in Ioannem. Quia enim Deum non
intelligitis, et hominem videtis; ideo vobis arrogans videor, quia ego de me
testimonium perhibeo. Omnis enim homo quando de se perhibere vult laudabile
testimonium, superbus et arrogans videtur : homines enim infirmi sumus, verum
dicere et mentiri possumus; lux mentiri non potest. Chrysostomus. Vel aliter. Sicut secundum carnem
vivere, male vivere est, ita secundum carnem iudicare, iudicare iniustum est.
Et quia possent dicere : si iniuste iudicamus, propter quid non convincis,
propter quid non condemnas? Subiungit ego non iudico quemquam. Augustinus. Quod duobus modis intelligi potest : ut
aut hoc intelligamus non iudico quemquam, idest modo, sicut dicit alio loco :
ego non veni ut iudicem mundum, sed ut salvum faciam mundum, non iudicium
suum negando, sed differendo; aut certe quia dixerat vos secundum carnem
iudicatis, ita coniunxit ego non iudico quemquam, ut subaudias : secundum
carnem Christum non iudicare, sicut ab hominibus iudicatus est; nam ut
agnoscas iam iudicem Christum, subditur et si iudico ego, iudicium meum verum
est. Chrysostomus. Quasi dicat : propter hoc dixi non
iudico, quasi non praesumens iudicare : quia si iudicarem iuste, vos
condemnarem; sed nunc tempus iudicii non est; sed de futuro iudicio insinuat,
cum subdit quia solus non sum, sed ego, et qui misit me pater : ostendens
quia non ipse solus eos condemnabit, sed et pater. Hoc autem ad suspicionem
illorum loquitur : non enim aestimabant dignum fide esse filium, nisi patris
testimonium assumpsisset. Augustinus. Si autem tecum est pater, quomodo te
misit? Ergo, domine, missio tua, incarnatio tua est. Hic ergo Christus erat
secundum carnem, et a patre non recesserat : quia pater et filius ubique
erant. Erubesce, Sabelliane : non enim dixit : ego sum pater, et ego ipse sum
filius; sed solus non sum, inquit, quia mecum est pater. Distingue ergo
personas, distingue intelligentiam; agnosce quia pater pater est, et filius
filius est; sed noli dicere : pater maior est, filius minor. Una substantia
est, una coaeternitas, perfecta aequalitas. Ergo verum est, inquit, iudicium
meum, quia filius Dei sum. Ut tamen intelligas quia mecum est pater, non sic
sum filius ut ipsum deseruerim : formam servi accepi; sed formam Dei non
amisi. De iudicio dixerat; de testimonio vult dicere; nam sequitur et in lege
vestra scriptum est, quia duorum hominum testimonium verum est. Augustinus contra Faustum. An forte Manichaei
calumniantur, quia non ait : in lege Dei, sed in lege vestra scriptum est?
Ubi usitatam locutionem Scripturarum quis non cognoscat? Lege enim vestra
dixit vobis data, sicut apostolus dicit Evangelium suum, quod se tamen
accepisse testatur, non ab homine, sed per revelationem Iesu Christi. Augustinus in Ioannem. Magnam autem habet
quaestionem, et valde videtur in mysterio res esse constituta, ubi Deus dixit
: in ore duorum vel trium testium stat omne verbum : fieri enim potest ut duo
mentiantur. Susanna casta duobus falsis testibus urgebatur; universus populus
mentitus est contra Christum : quomodo ergo accipiendum est in ore duorum vel
trium stabit omne verbum, nisi quia hoc modo per mysterium Trinitas
commendata est, in qua est perpetua stabilitas veritatis? Accipite ergo
nostrum testimonium, ne sentiatis iudicium : differo iudicium, non differo
testimonium; unde sequitur ego sum qui testimonium perhibeo de meipso, et
testimonium perhibet de me qui misit me, pater. Beda. In multis enim locis pater filio suo perhibet
testimonium, ut est illud : ego hodie genui te; item : hic est filius meus
dilectus. Chrysostomus. Vel aliter. Si quod dictum est,
simpliciter accipiatur, quaestionem habet; nam in hominibus quidem propter
hoc determinatum est quod in ore duorum vel trium testium stat omne verbum,
quia unus solus non est fide dignus; in Deo autem qualiter utique hoc habebit
rationem? Sed et aliter non staret quod dictum est; nam in hominibus cum duo
de aliena re testantur, tunc testimonium est verum; hoc enim est duo testari
: si vero unus eorum sibi ipsi testetur, non adhuc sunt duo testes. Ad nihil
ergo aliud hoc dixit quam ut ostendat se nihil minus patre habentem; alioquin
non dixisset ego, et qui misit me, pater. Considera etiam potestatem nihil
habentem diminutum a patre : homo enim cum a seipso dignus fuerit fide,
testimonio non indiget; sed hoc in aliena re : in propria vero cum testimonio
alieno indigeat, non adhuc dignus est fide. Hic vero totum contrarium :
etenim in propria re testans, et ab alio testimonium habens, dixit se fide
dignum esse. Alcuinus. Vel potest sic intelligi quod dicitur,
quasi dicat : si vestra lex approbat testimonium duorum hominum qui possent
decipi et plura testari; qua ratione meum et patris mei testimonium, quod
summa stabilitate firmum est, verum esse non dicitis? |
—
Saint Jean Chrysostome : (hom. 52 sur Saint Jean). Notre Seigneur venait de déclarer qu'il
était la lumière du monde, et que celui qui le suivait ne marchait pas dans
les ténèbres; les Juifs cherchent à détruire l'effet de ces paroles : «
Alors les pharisiens lui dirent : Vous vous rendez témoignage à vous-même, et
votre témoignage n’est pas valable.» —
Alcuin : Ils s'expriment vis-à-vis du
Sauveur, comme s'il était le seul à se rendre témoignage, quoiqu'il fût certain
que bien longtemps avant son incarnation, il s'était fait précéder par un
grand nombre de témoins qui prédirent les mystères de sa vie. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 52). Le Sauveur combat à son
tour la raison qu'ils viennent de lui opposer : « Jésus leur répondit :
Bien que je rende témoignage de moi-même, mon témoignage est vrai. »
Parlant de la sorte, il se conforme à l'opinion des Juifs, qui pensaient
qu'il n'était qu'un homme, et il donne la raison de ce qu'il vient d'avancer
: « parce que je sais d'où je viens et où je vais, » c'est-à-dire que
je suis de Dieu, Dieu moi-même, et Fils de Dieu. Il ne s'exprime pas aussi
clairement suivant son habitude de voiler sous un langage plein d'humilité
les vérités les plus élevées. Or, Dieu est pour lui un témoin assez digne de
foi. —
Saint Augustin : (Traité 35 sur Saint Jean). En
effet, le témoignage de la lumière est véritable, soit qu'elle se découvre
elle-même, soit qu'elle se répande sur d'autres objets. Un prophète annonce
la vérité, mais à quelle source a-t-il puisé ses oracles ? A la source même
de la vérité. Jésus pouvait donc parfaitement se rendre témoignage à
lui-même. Il déclare qu'il sait d'où il vient et où il va, et il veut parler
de son Père, car le Fils rendait gloire au Père qui l'avait envoyé, à combien
plus forte raison l'homme doit-il glorifier le Dieu qui l'a créé ? Toutefois
le Fils de Dieu ne s'est point séparé de son Père en venant vers nous, de
même il ne nous a pas délaissés en retournant vers lui. [Qu'y a-t-il en cela
d'étonnant puisqu'il est Dieu ?] Au contraire, cela est impossible à ce
soleil visible, qui, lorsqu'il tourne vers l'Occident quitte nécessairement
l'Orient. Or, de même que ce soleil visible répand sa lumière sur le visage
de celui qui a les yeux ouverts et sur celui de l'aveugle, avec cette
différence que l'un la voit et l'autre ne la voit pas : ainsi la sagesse de
Dieu, c'est-à-dire, le Verbe de Dieu, est présent en tous lieux, même aux
yeux des infidèles qui ne peuvent le voir, parce qu'ils n'ont pas les yeux du
cœur. C'est donc pour établir cette différence entre ceux qui lui sont
fidèles et les Juifs ses ennemis, comme entre les ténèbres et la lumière, que
le Sauveur ajoute : « Pour vous, vous ne savez ni d'où je viens ni où je
vais. » Ces Juifs voyaient donc en lui un homme et ne pouvaient croire
qu'il fût Dieu, c'est pourquoi il leur dit encore : « Vous, vous jugez
selon la chair, lorsque vous dites : Vous rendez témoignage de vous-même,
votre témoignage n'est pas véritable. » — Théophylactus : C'est-à-dire, vous me voyez revêtu d'un corps mortel, vous concluez
que je ne suis qu'un homme, et vous ne voulez pas croire que je suis Dieu,
c'est en quoi vous vous trompez en jugeant selon la chair. —
Saint Augustin : (Traité 36). Comme vous ne pouvez
comprendre que je sois Dieu, et que vous ne voyez en moi qu'un homme, vous
regardez comme une témérité présomptueuse que je me rende témoignage à moi-même,
car tout homme qui veut se rendre un témoignage favorable encourt le soupçon
d'orgueil et de présomption. Les hommes sont faibles de leur nature, ils
peuvent dire la vérité, ils peuvent aussi mentir, mais pour la lumière elle
est incapable de mentir. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 52). Ou bien encore, vivre selon la chair, c'est
vivre d'une manière coupable, ainsi juger selon la chair, c'est faire des
jugements injustes. Et comme ils pouvaient lui dire : Si nous jugeons
injustement, pourquoi ne pas démontrer l'injustice de nos jugements, pourquoi
ne pas nous condamner ? Il ajoute : « Moi, je ne juge personne. » —
Saint Augustin : (Traité 36). Ce qui peut s'entendre
de deux manières : Je ne juge personne actuellement, comme il dit dans un
autre endroit : « Je ne suis pas venu pour juger le monde, mais pour
sauver le monde. » Il ne nie pas le pouvoir qu'il a de juger, il en
diffère l'exercice. Ou bien encore, il venait de leur dire : « Vous, vous
jugez selon la chair, » et il ajoute : « Pour moi, je ne juge
personne, » sous-entendez selon la chair, c'est-à-dire, que Jésus-Christ
ne juge pas comme il a été jugé par les hommes. Car afin que chacun
reconnaisse que le Sauveur est juge dès maintenant, il ajoute : « Et si je
juge, mon jugement est vrai. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 52). Tel est donc le sens de
ses paroles, si je vous dis : « Je ne juge personne », ce n'est pas
que je ne sois sûr de mon jugement, car si je voulais juger, mon jugement
serait juste, et je vous condamnerais ; mais le temps de juger n'est pas
encore venu. Il leur annonce ensuite indirectement le jugement futur en
ajoutant : « parce que je ne suis pas seul, mais moi et mon Père qui m'a
envoyé, » et leur apprend que son Père doit se joindre à lui pour les
condamner. Il répond ainsi en se conformant à leurs pensées, car ils ne
croyaient pas que le Fils fut digne de foi, à moins de joindre le témoignage
du Père à son propre témoignage. —
Saint Augustin : (Traité 36). Mais si le Père est
avec vous, comment vous a-t-il envoyé ? Donc, Seigneur, votre mission, c'est
votre incarnation. Le Fils de Dieu incarné, le Christ était donc avec nous
sans qu'il eût quitté son Père, parce que le Père et le Fils étaient partout [en
vertu de l'immensité divine]. Rougissez donc, disciple de Sabellius, car
Jésus ne dit pas : Je suis le Père, et en même temps : Je suis le Fils, mais
: « Je ne suis pas seul, parce que mon Père est avec moi. »
Distinguez donc les personnes, faites cette distinction par l'intelligence,
reconnaissez que le Père est le Père, et que le Fils est le Fils, mais ne
dites pas : Le Père est plus grand, le Fils lui est inférieur. Ils ont une
même substance, une même éternité, une égalité parfaite. Donc, dit le
Sauveur, mon jugement est vrai, parce que je suis le Fils de Dieu. Comprenez
cependant dans quel sens le Père est avec moi, je ne suis pas son Fils, de
manière à être séparé de lui, j'ai pris la forme de serviteur, mais je n'ai
pas perdu celle de Dieu. Après avoir parlé du jugement, il en vient au
témoignage : « Il est écrit dans votre loi que le témoignage de deux
hommes est vrai. » —
Saint Augustin : (contr. Faust., 16, 13). Les manichéens
vont-ils trouver dans ces paroles un nouveau sujet de calomnie, parce que le
Sauveur ne dit pas : Il est écrit dans la loi de Dieu, mais : « Il
est écrit dans votre loi ? » Qui ne reconnaît ici une expression
consacrée dans les Ecritures ? Votre loi signifie ici la loi qui vous a été
donnée, de même que l'Apôtre appelle son Evangile (Rm 2), l'Evangile
qu'il déclare avoir reçu, non par un homme, mais par la révélation de
Jésus-Christ. (Ga 2) —
Saint Augustin : (Traité 36). Ces paroles que Dieu
dit à Moïse : « Que tout soit assuré par la déposition de deux ou trois
témoins, » (Dt 19, 18) ne laissent pas de soulever une grande
difficulté et paraissent renfermer un sens mystérieux; car il peut arriver
que deux témoins se rendent coupables de mensonge. La chaste Suzanne était
accusée par deux faux témoins (Dn 13); le peuple juif tout entier se
rendit coupable de calomnies atroces contre Jésus-Christ (Mt 27);
comment donc entendre ces paroles : « Tout sera assuré par la déposition
de deux ou trois témoins, » si nous n'y voyons une allusion mystérieuse à
la sainte Trinité, qui possède éternellement l'immuable vérité ? Recevez
donc, dit le Sauveur, notre témoignage, si vous ne voulez éprouver [la
rigueur de] notre jugement; je diffère le jugement, mais je ne diffère point
le témoignage : « Or, je rends moi-même témoignage de moi, et le Père
qui m’a envoyé rend témoignage de moi.» —
Saint Bède : Nous voyons dans bien des
passages de l'Ecriture, que le Père rend témoignage à son Fils, comme dans le
Psaume 2 : « Je vous ai engendré aujourd'hui, » et dans saint Matthieu
(3 et 17), où le Père dit de lui : « Celui-ci est mon Fils
bien-aimé. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 52). Ou bien encore, si l'on
prend cette parole dans le sens le plus simple, elle présente une véritable
difficulté. Parmi les hommes, il a été établi que toute déposition doit être
appuyée sur le témoignage de deux ou trois témoins, parce qu'un seul témoin
n'est pas digne de foi; mais comment faire à Dieu l'application de cette
règle ? Cependant cette proposition n'a point d'autre raison d'être. Parmi
les hommes, lorsque deux témoins déposent sur un fait qui ne leur est point
personnel, leur témoignage est vrai, parce que c'est le témoignage de deux
personnes distinctes, mais si l'un des deux vient à se rendre témoignage à
lui-même, ce ne sont plus deux témoins, [il n'y a plus qu'un seul]. Notre
Seigneur ne s'est donc exprimé de la sorte que pour montrer qu'il n'est pas
inférieur a son Père, autrement il n'aurait pas dit : « Moi et mon Père
qui m'a envoyé. » Considérez encore que sa puissance n'est en rien
au-dessous de celle de son Père. Lorsqu'un homme est par lui-même digne de
foi, il n'a pas besoin d'un autre témoignage, lorsqu'il s'agit d'un fait qui
lui est étranger; mais dans une affaire personnelle où il a besoin du
témoignage d'autrui, il n'est plus également digne de foi. Ici c'est tout le
contraire, le Sauveur rend témoignage dans sa propre cause, tout en ayant
pour lui le témoignage d'un autre, et il se déclare digne de foi. —
Alcuin : On peut encore entendre ces
paroles dans ce sens : Votre loi reçoit comme vrai le témoignage de deux
hommes qui peuvent être trompés et faire des déclarations incertaines,
pourquoi donc refusez-vous d'admettre comme véritable le témoignage de mon
Père et le mien, qui a pour lui la garantie de la plus haute vérité ? |
Lectio 4 |
Versets 19-20 |
[86060] Catena in Io., cap. Theophylactus. Quidam vero notant hoc prolatum esse
a Iudaeis quasi ad contumeliam et contemptum. Improperabant enim ei tamquam
ex fornicatione genito et proprium genitorem ignoranti, vel tamquam vili
existente eo qui pater eius putabatur, scilicet Ioseph; quasi dicant :
ignotus et ignobilis est pater tuus : quid frequenter patrem nobis inducis?
Quia ergo non ut scire volentes, sed ut tentantes quaerebant, ad praemissam
quaestionem non respondet; unde sequitur respondet Iesus : neque me scitis,
neque patrem meum. Augustinus. Quasi dicat : quaeritis : ubi est pater
tuus? Quasi me iam sciatis, quasi totum hoc sit quod videtis : ergo quia me
non nostis, ideo patrem meum vobis non ostendo. Me quippe hominem putatis;
ideo patrem meum hominem quaeritis. Quia vero secundum quod videtis, aliud
sum, et aliud secundum quod non videtis; patrem autem meum loquor occultus
occultum : prius est ut me noveritis, et tunc patrem scietis; et hoc est quod
subdit si me sciretis, forsitan et patrem meum sciretis. Chrysostomus in Ioannem. Dicit autem hoc, ut
ostendat quod nihil eis prodest dicere quod sciant patrem, filium nescientes.
Origenes in Ioannem. Contrariari autem videtur ad
invicem quod hic dicitur : neque me scitis, neque patrem meum, et quod supra
dictum est : et me scitis, et unde sim scitis. Sed tamen quod dicitur : et me
scitis, ad quosdam dicit Hierosolymitarum dicentium numquid vere
intellexerunt principes quia hic est Christus? Hoc vero quod dicit : neque me
scitis, ad Pharisaeos dicitur. Hierosolymitis tamen in prioribus ait : verax
est qui me misit, quem vos nescitis. Quaeret itaque aliquis : quomodo verum
est quod dicitur si me sciretis, et patrem meum sciretis : cum
Hierosolymitae, quibus dicitur : et me scitis, patrem nesciverunt? Dicendum
autem est ad hoc, quod salvator quandoque quidem de seipso ut de homine
loquitur, quandoque autem secundum divinam naturam : hoc ergo quod dicit : et
me scitis, de ipso homine dicit; hoc vero neque me scitis, de divinitate.
Augustinus in Ioannem. Quid est enim si me sciretis,
et patrem meum sciretis, nisi ego et pater unum sumus? Quando vides aliquem
alicui similem, quotidiana locutio est : si hunc vidisti, illum vidisti.
Propter similitudinem tale dedisti responsum. Hinc et dominus si me, inquit,
sciretis, et patrem meum sciretis : non quia pater est filius, sed quia patri
similis est filius. Theophylactus. Erubescat Arianus : nam si iuxta eum
creatura filius sit, qualiter qui novit creaturam, et Deum novit? Neque enim
qui substantiam novit Angeli, novit et divinam. Cum itaque qui filium novit,
et patrem novit; igitur consubstantialis patri est filius. Augustinus. Hoc autem verbum forsitan increpative
dicitur, quod videtur esse verbum dubitationis : homines enim de rebus quas
certas habent, aliquando verbum dubitationis ponunt; velut si indignaris
servo tuo, et dicas : contemnis me? Considera, forsan dominus tuus sum : sic
et dominus dubitando increpat infideles, cum dicit et patrem meum forsitan
sciretis. Origenes. Oportet autem videre quoniam qui alterius
sectae sunt, opinantur ex hoc probari manifeste, Deum quem Iudaei colebant,
patrem non esse Christi. Si enim, inquiunt, hoc Pharisaeis Deum provisorem
mundi colentibus dicebat salvator, manifestum est, quod patrem Iesu, alterum
a conditore mundi existentem, nequaquam Pharisaei noverunt. Hoc vero dicunt,
non observantes consuetudinem locutionis in Scripturis. Si enim aliquis
vellet inducere ea quae de Deo sunt, a parentibus eruditus, non autem bene
vivat; hunc dicimus de Deo notitiam non habere : unde et filii Heli propter
eorum malitiam Deum ignorasse dicuntur. Sic igitur et Pharisaei patrem
ignoraverunt : non enim vivebant secundum conditoris edictum. Est autem et
aliud significatum cognoscendi Deum, altero existente cognoscere dominum quam
simpliciter credere. Dicitur enim in Psalmo : studete et videte, quoniam ego
sum Deus quis non confitetur hoc scribi populo in conditorem credenti? Multum
enim differt credendo cognoscere, et credere tantum. Sed Pharisaeis, quibus
ait neque me scitis, neque patrem meum, rationabiliter diceret : neque
creditis patri meo : qui enim negat filium, minime patrem habet, scilicet
neque secundum fidem, neque secundum cognitionem. Sed et aliter dicit
Scriptura, illos qui adiuncti sunt alicui, cognoscere illud. Tunc enim Adam
cognovit uxorem suam cum ei coniunctus est. Si ergo qui adhaeret mulieri,
mulierem cognoscit; et qui adhaeret domino, unus spiritus est et Deum
cognoscit. Si vero sic se habet, Pharisaei nec patrem noverunt nec filium.
Post hoc est quidem aliquem cognoscere Deum, non autem cognoscere patrem.
Infinitis ergo orationibus editis in lege non invenimus aliquem orando
dicentem Deum patrem : tamen orant eum tamquam Deum et dominum : ne
praevenirent gratiam per Iesum toti mundo effusam, vocantem cunctos ad
filiationem, iuxta illud : narrabo nomen tuum fratribus meis. Sequitur haec
verba locutus est Iesus in gazophylacio, docens in templo. Alcuinus. Gaza Persica lingua divitiae, philatin
servare. Erat autem locus in templo ubi servabantur divitiae. Chrysostomus. In templo loquebatur more magistri; et
hic loquebatur super quibus mordebant et accusabant, quoniam seipsum facit
parem patri. Augustinus. Magna igitur fiducia sine timore : non
enim pateretur quod nollet; unde sequitur et nemo apprehendit eum, quia
nondum venerat hora eius. Nonnulli cum hoc audiunt, sub fato fuisse Christum
credunt; sed si fatum, sicut nonnulli intellexerunt, a fando dictum est,
idest a loquendo, verbum Dei quomodo habet fatum? Ubi sunt fata? In caelo,
inquis, in ordine et conversionibus siderum. Quomodo ergo fatum habet per
quem factum est caelum et sidera, cum tua voluntas, si recte sapias,
transcendat et sidera? An quia nosti Christi carnem fuisse sub caelo, ideo
putas et potestatem Christi subditam caelo? Igitur nondum venerat hora eius,
non qua cogeretur mori, sed qua dignaretur occidi. Origenes. Ubicumque autem additur : haec verba
locutus est Iesus in tali loco, si bene attendas, invenies additionis
opportunitatem. Est autem gazophylacium locus numismatum in honorem Dei et
dispensationem pauperum oblatorum. Numismata autem sunt divina verba,
imaginem regis magni impressam habentia. Unusquisque autem conferat in
aedificationem Ecclesiae, portans ad intellectuale gazophylacium quidquid
potest ad honorem Dei et utilitatem communem. Omnibus autem offerentibus in
gazophylacio templi, magis oportebat Iesum munera portare, quae erant verba
vitae aeternae. Loquente ergo Iesu in gazophylacio, a nemine detentus est :
quia sermones eius fortiores erant his qui eum capere volebant, cum non sit
infirmitas in quibus verbum Dei loquitur. Beda. Vel aliter. In gazophylacio Christus loquitur,
quoniam in parabolis ad Iudaeos sermones proferebat; tunc autem quasi
gazophylacium aperiri coepit, quando discipulis suis caelestia reseravit :
unde etiam gazophylacium templo inhaerebat : quia quae lex et prophetae
figuraliter praedixerant, ad dominum pertinebant. |
—
Saint Augustin : (Traité 37 sur Saint
Jean). Notre Seigneur avait reproché aux Juifs de juger selon
la chair, et ils justifient la vérité de ce reproche, en prenant dans un sens
charnel le Père dont il leur parlait : «
Ils lui dirent donc : Où est votre Père, » C'est-à-dire, nous vous avons
entendu dire : « Je ne suis pas seul,
mais moi et le Père qui m'a envoyé» ; cependant nous ne voyons que
vous, montrez-nous donc que votre Père est avec vous. —
Théophylactus : Il en est qui voient dans ces paroles des Juifs, une intention
d'outrager le Sauveur et de le couvrir de mépris; ils lui demandent
insolemment où est son Père, comme s'il était le fruit de la fornication, ou
comme s'il était le Fils d'un père inconnu ou d'un homme d'une condition
obscure, tel qu'était Joseph, qui passait pour être son père. Ils semblent
lui dire : Votre père est un homme sans considération, sans nom dans le
monde, pourquoi nous parler sans cesse de votre Père ? Ce n'est point par le
désir de s'instruire, mais pour éprouver le Sauveur qu'ils lui adressent
cette question; aussi ne veut-il pas y répondre, et il se contente de leur
dire : « Vous ne me connaissez, ni moi
ni mon Père. » —
Saint Augustin : (Traité 37). C'est-à-dire, vous me
demandez où est mon Père, comme si vous me connaissiez déjà, comme si je
n'étais que ce que vous voyez. Or, c'est parce que vous ne me connaissez pas
que je ne veux pas vous faire connaître mon Père; vous ne voyez en moi qu'un
homme, et par là même vous me cherchez un Père qui ne soit aussi qu'un homme.
Mais comme indépendamment de ce que vous voyez, je suis encore autre chose
que vous ne voyez pas, et qu'inconnu de vous, je vous parle; de mon Père qui
vous est également inconnu, il faudrait que vous me connaissiez d'abord avant
de connaître mon Père : « Si vous me
connaissiez, ajoute-t-il, peut-être
connaîtriez-vous mon Père. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 52). En leur parlant de la
sorte, il leur fait voir qu'il ne leur sert de rien de connaître le Père,
s'ils ne connaissent le Fils. — Origène : (Traité 19 sur Saint Jean). Il
semble y avoir contradiction entre ce que dit ici Notre Seigneur : « Vous ne me connaissez ni moi ni mon
Père, » et ce qu'il a dit plus haut : «
Vous savez qui je suis et d'où je suis. » Mais cette espèce de
contradiction disparaît, lorsqu'on fait attention que ces paroles : « Vous savez qui je suis, »
s'adressent à quelques habitants de Jérusalem, qui disaient : « Est-ce que
les chefs de la nation ont reconnu qu'il était le Christ ? » Tandis que c'est
aux pharisiens que le Sauveur dit : «
Vous ne me connaissez pas. » Cependant il est vrai que dans ce qui
précède, nous voyons Jésus dire aux habitants de Jérusalem : « Celui qui m'a envoyé est véridique,
et vous ne le connaissez pas ». On se demande donc, comment il a pu
dire ici : « Si vous me connaissiez,
vous connaîtriez aussi mon Père, » alors que les habitants de Jérusalem,
à qui il dit ailleurs : « Vous savez
qui je suis, » n'ont pas connu son Père. Nous répondons que le Sauveur
parle tantôt de lui en tant qu'il est homme, et tantôt en tant qu'il est
Dieu. Ces paroles : « Vous savez qui je
suis, » doivent s'entendre de lui comme homme; et ces autres : « Vous ne me connaissez pas, » veulent
dire : Vous ne me connaissez pas comme Dieu. —
Saint Augustin : (Traité 37). Que signifient ces
paroles : « Si vous me connaissiez vous
connaîtriez mon Père, » si ce n'est : «
Mon Père et moi nous ne faisons qu'un. » (Jn 10, 30). Lorsque vous
rencontrez une personne qui ressemble à une autre, vous dites tous les jours
: Si vous avez vu l'une, vous avez vu l'autre, et c'est la ressemblance
parfaite de ces deux personnes qui vous fait tenir ce langage. Voilà aussi
pourquoi Notre Seigneur dit aux Juifs : « Si
vous me connaissiez, vous connaîtriez mon Père », non que le Père
soit le Fils, mais parce que le Fils est semblable au Père. —
Théophylactus : Que les Ariens rougissent en entendant ces paroles, car si, comme ils
le prétendent, le Fils est une simple créature, comment celui qui connaît
cette créature peut connaître par là même Dieu. Est-ce que celui qui connaît
la substance d'un ange, connaît par là même la susbtance divine ? Donc
puisque celui qui connaît le Fils, connaît le Père, le Fils est
nécessairement consubstantiel au Père. — Saint
Augustin : (Traité 37). Cette locution « peut-être, » qui parait être une
expression dubitative, est une parole de reproche; ainsi les hommes
s'expriment d'une manière dubitative sur des choses qu'ils regardent comme
certaines, par exemple, dans un mouvement d'indignation contre votre
serviteur, vous lui dites : Tu me méprises, veuille y réfléchir, peut-être
suis-je ton maître. C'est ainsi que Notre Seigneur s'exprime vis-à-vis des
Juifs infidèles, lorsqu'il leur dit : «
Peut-être connaîtriez-vous aussi mon Père. » — Origène : Examinons ici l'opinion de
certains hérétiques qui prétendent pouvoir prouver clairement par ces
paroles, que le Dieu qu'adoraient les Juifs n'était pas le Père de
Jésus-Christ; car, disent-ils, c'est aux pharisiens qui adoraient un Dieu
maître du monde, que le Sauveur tenait ce langage. Or, il est certain que les
pharisiens n'ont jamais connu un Père de Jésus différent du Créateur du
monde. En parlant de la sorte, ces hérétiques ne réfléchissent pas sur le
langage ordinaire des Ecritures. En effet, qu'un homme veuille nous exposer
les notions sur la divinité, qu'il doit à l'instruction que lui ont donnée
ses parents, sans prendre soin d'y conformer sa conduite; nous disons qu'il
n'a pas la connaissance de Dieu; voilà pourquoi l'Ecriture dit des fils
d'Héli, par suite de leur méchanceté, qu'ils ne connaissaient pas Dieu; (1
R 2) c'est ainsi que les pharisiens eux-mêmes n'ont pas connu
Dieu, parce qu'ils ne vivaient pas conformément aux préceptes du Créateur. Il
y a d'ailleurs une autre manière d'entendre la connaissance de Dieu. En
effet, connaître Dieu, c'est autre chose que de croire simplement en Dieu.
Nous lisons dans le psaume 45 (vers. 10) : « Soyez dans le repos et considérez que c'est moi qui suis Dieu.
» Qui ne reconnaîtra que ces paroles sont écrites pour le peuple, qui
croit en Dieu créateur de cet univers ? Il y a une grande différence entre la
foi jointe à la connaissance, et la foi seule. Jésus aurait pu avec raison
dire aux pharisiens à qui il reproche de ne connaître ni son Père ni lui :
Vous ne croyez pas à mon Père; car celui qui nie l'existence du Fils, nie par
là même l'existence du Père, c'est-à-dire qu'il n'admet le Père ni par la
foi, ni par la connaissance. Suivant l'Ecriture, il y a encore une autre
manière de connaître quelqu'un, c'est de lui être uni. Aussi Adam connut sa
femme lorsqu'il lui fut uni; (Gn 4) celui qui s'attache à une femme,
connaît cette femme, et celui qui s'attache au Seigneur, devient un seul
esprit avec lui, (1 Co 6, 17) et connaît Dieu. S'il en est ainsi, les
pharisiens n'ont connu ni le Père, ni le Fils. Enfin [il y a aussi une
différence entre connaître Dieu, et connaître le Père, c'est-à-dire qu']on
peut connaître Dieu sans connaître le Père. Ainsi dans le nombre presque
infini de prières que nous trouvons dans l'ancienne loi, nous n'en trouvons
aucune où Dieu soit invoqué comme Père, les Juifs le priaient et
l'invoquaient comme Dieu et Seigneur, pour ne pas prévenir la grâce que Jésus
devait répandre sur le monde entier, en appelant tous les hommes à l'honneur
de la filiation divine, suivant ces paroles : « J'annoncerai votre nom à mes frères. » (Ps 21) « Jésus
parla de la sorte, dans le parvis du Trésor, lorsqu'il enseignait dans le
temple. » —
Alcuin : Le mot gaza dans la
langue persane signifie richesse, et le mot grec
φυλάξαι signifie conserver, c'était
l'endroit du temple où l'on conservait les trésors. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 53 sur Saint Jean). Le
Sauveur parlait comme maître dans le temple, ce qui aurait dû les toucher davantage
: mais ce qu'il disait les blessait, et ils l'accusaient de se faire égal à
Dieu le Père. —
Saint Augustin : (Traité 37) Il montre une grande
confiance sans mélange d'aucune crainte, car il pouvait ne rien souffrir, à
moins qu'il ne le voulût : « Et
personne ne se saisit de lui, dit l'Evangéliste, parce que son heure n'était pas encore venue. » Il en est qui,
en entendant ces paroles, prétendent que Jésus était soumis aux lois du
destin. Mais si le mot latin fatum (destin), comme le pensent
certains, vient du verbe fari, qui veut dire parler, comment
admettre que le Verbe, la parole de Dieu, soit esclave du destin ? Où sont
les destins ? Dans le ciel, direz-vous, où ils dépendent du cours et des
révolutions des astres. Mais comment encore soumettre à ce destin celui qui a
créé le ciel et les astres, alors que votre volonté à vous-même, si vous êtes
conduit par la sagesse, s'élève bien au-dessus des astres. Est-ce parce que,
vous avez appris que le corps de Jésus-Christ a vécu sous le ciel, que vous voulez
soumettre sa puissance à l'influence des cieux ? Comprenez donc que « son heure n'était pas encore venue, »
non pas l'heure où il souffrirait la mort malgré lui, mais l'heure où il
daignerait l'accepter volontairement. — Origène : (Traité 19) Toutes les fois que
l'Evangéliste mentionne cette circonstance : « Jésus parla de la sorte en tel
lieu, » si vous voulez y faire attention, vous découvrirez que ce n'est pas
sans raison qu'il s'exprime ainsi. Le Trésor était l'endroit où se conservait
l'argent destiné au service du temple et à la subsistance des pauvres; les
pièces de monnaie sont les paroles divines qui sont marquées à l'effigie du
grand roi. Or, chacun doit concourir à l'édification de l'Eglise, en déposant
dans le trésor spirituel tout ce qui peut contribuer à l'honneur de Dieu, au
bien général; et puisque tous les Juifs déposaient leurs offrandes [volontaires]
dans le trésor, il était juste aussi que Jésus mît son offrande dans le
trésor, c'est-à-dire les paroles de la vie éternelle. Personne n'osa se
saisir de la personne du Sauveur, tandis qu'il parlait dans le temple, parce
que ses discours étaient plus forts que ceux qui voulaient s'emparer de lui,
car il n'y a aucune faiblesse dans ceux qui sont les instruments du Verbe de
Dieu. —
Saint Bède : Ou bien encore, Jésus parle
dans le parvis du Trésor, parce qu'il parlait aux Juifs en paraboles, et il
commença à ouvrir le trésor, lorsqu'il découvrit à ses disciples les mystères
des cieux. Or, le trésor était une dépendance du temple, parce que toutes les
prophéties figuratives de la loi et des prophètes avaient le Sauveur pour
objet. |
Lectio 5 |
Versets 21-24 |
[86061] Catena in Io., cap. Beda. Haec autem verborum connexio talis esse
videtur, ut haec uno tempore, uno quoque in loco, vel certe alio tempore
alioque in loco geri potuissent : quoniam nihil interponi et quaedam vel
multa potuerunt. Origenes in Ioannem. Sed obiciet aliquis sic : si
his qui manebant in incredulitate, ista dicebat : quomodo eis dicit et
quaeretis me? Quaerere enim Iesum, est quaerere veritatem et sapientiam. Sed
dices, quia et de persequentibus aliquando dicitur, quod quaerebant eum
capere. Differentiae enim sunt eorum qui quaerunt Iesum : non omnes enim pro
eorum salute et utilitate quaerunt eum. Propter hoc solum hi qui recte
quaerunt eum, inveniunt pacem. Recte autem quaerere dicuntur qui verbum quod
est in principio apud Deum quaerunt, ut illos patri adducat. Augustinus. Quaeretis ergo, inquit, me, non pio
desiderio, sed odio : nam illum, posteaquam abscessit ab oculis hominum,
inquisierunt, et qui oderunt et qui amabant : illi persequendo, isti habere
cupiendo. Et ne putetis quia me bene quaeretis, in peccato vestro moriemini.
Hoc est Christum male quaerere, in peccato suo mori; hoc est illum odisse,
per quem solum posset salus esse. Dixit sententiam praescius quod in peccatis
suis morientur. Beda. Sed nota, quod peccato in singulari numero
utitur, sed vestro in plurali, ut idem omnium scelus ostenderet. Origenes. Quaero autem propter hoc quod infra
dicitur, quod hoc ipso loquente multi crediderunt in eum; numquid ad omnes
praesentes dicit in peccato vestro moriemini? Sed ad illos dicebat quos
sciebat non esse credituros, et propter hoc in eorum peccatis esse morituros,
et non valentes post ipsum sequi; nam sequitur quo ego vado, vos non potestis
venire, ubi scilicet veritas et sapientia est : hoc est enim ubi est Iesus.
Non possunt, ait, quia non volunt; si enim voluissent et non potuissent, non
rationabiliter eis diceretur in peccato vestro moriemini. Augustinus in Ioannem. Hoc autem et discipulis alio
loco dicit; nec tamen dixit eis in peccato vestro moriemini, sed quo ego
vado, vos non potestis venire modo. Non abstulit spem, sed praedixit
dilationem. Origenes in Ioannem. Praesens autem verbum minatur
Christi recessum; sed quamdiu salvamus ea quae animae nostrae sunt insita
veritatis semina, nequaquam recedit a nobis verbum Dei : si vero a lapsu in
malitiam corrumpamur, tunc dicitur nobis ego vado : et cum quaeremus eum,
nequaquam inveniemus, sed in peccatis nostris moriemur, ab ipsa morte
occupati. Non oportet autem pertransire inexquisite quod dicitur in peccatis
vestris moriemini. Si enim communiter accipiatur, manifestum est quod
peccatores in peccatis eorum moriuntur, iusti vero in iustitia; si vero
dicitur moriemini, sicut qui ad mortem peccat moritur, manifestum est quod hi
quibus talia dicebantur, nequaquam mortui erant, sed vivebant in infirmitate
animae; sed infirmitas illa ad mortem erat : propter hoc medicus videns eos
graviter infirmantes, dicebat et in peccatis vestris moriemini : et sic
manifestum erat illud quo ego vado, vos non potestis venire. Cum enim aliquis
in suo peccato moritur, quo vadit Iesus, non potest ire : nullus enim mortuus
potest sequi Iesum : non enim mortui laudabunt te, domine. Augustinus. His autem verbis auditis, quomodo
solent, carnalia cogitantes interrogaverunt; nam sequitur dicebant ergo
Iudaei : numquid interficiet semetipsum, quia dicit : quo ego vado, vos non
potestis venire? Stulta verba. Quid enim? Non poterant illi venire quo ille
perrexisset, si interficeret semetipsum? Numquid ipsi non erant morituri?
Ergo quo ego vado, dixit; non quo itur ad mortem, sed quo ipse ibat post mortem.
Theophylactus. Per hoc enim manifestavit quod
resurget in gloria, et sedebit ad dexteram Dei. Origenes. Quaeramus tamen si hoc ab eis de salvatore
dicitur altius aliquid cernentibus. Multa enim aut ex traditione, aut ex
apocryphis ipsos contingebat videre prae multis. Forte igitur in his quae
tradita sunt de Christo, erat iuxta sanas traditiones propheticorum sermonum,
sicut generari eum in Bethlehem, sic et de morte eius, ut hoc modo transire
deberet ab hac vita quomodo ipse dicit : nemo tollit animam meam a me; sed
ego pono eam. Quare quod hic dicitur numquid interficiet se? Non secundum
simplicem sensum dicitur, sed secundum aliquam Iudaeorum de Christo
traditionem. Multum enim ex hoc quod dixerat ego vado, apparet potestas
voluntarie morientis, corpore derelicto. Aestimo autem quod ignominiose
proferentes hoc, quod secundum traditiones suas de morte Christi ad ipsos
devenerat, et non gloriam dantes, dixerunt numquid interficiet semetipsum?
Oportebat enim eos cum demonstratione gloriae sic dicere : numquid anima
eius, cum ipsi placuerit, egredietur relicto corpore? Dominus autem ad eos
qui terrena sapiebant, tamquam ad terrenos loquitur; unde subditur et dicebat
eis : vos de deorsum estis; idest, terram sapitis, sursum cor non habetis.
Chrysostomus in Ioannem. Quasi dicat : non est mirum
vos talia cogitare homines carnales, et nihil intelligentes spirituale. Ego
de supernis sum. Augustinus. De quibus supernis? Ab ipso patre, quo
nihil superius. Vos de hoc mundo estis, ego non sum de hoc mundo : quomodo
enim erat de mundo, per quem factus est mundus? Beda. Et qui ante mundum fuit; illi autem de mundo
erant, quia postquam mundus esse coepit, fuerant creati. Chrysostomus. Vel propter mundanas et vanas
cogitationes hoc dicit ego non sum de hoc mundo. Theophylactus. Nihil mundanum, sive terrenum
affectans : unde nullatenus ad tantam insaniam devenirem ut meipsum
occiderem. Sed Apollinarius male suscipiens hunc sermonem, ait, quod corpus
domini non fuit de hoc mundo, sed de sursum caelitus descendit. Numquid
igitur et apostoli, quibus a domino dictum est : vos non estis de hoc mundo,
omnia corpora sunt caelitus obtinentes? Sic igitur intelligendum est cum
dicitur ego non sum de hoc mundo, hoc est, non sum de numero vestrum, qui
mundana curatis. Origenes. Alius autem sensus est eorum qui sunt de
sursum, et eorum qui sunt de hoc mundo. Deorsum enim sicut de loco aliquo
intelligitur; sed mundus materialis locis quidem diversis continetur, quae
omnia quantum ad immaterialia et invisibilia deorsum sunt; quo ad mundum vero
comparando mundi loca, erunt utique quaedam deorsum et quaedam sursum. Ubi
autem est thesaurus uniuscuiusque, ibi est et cor eius. Si itaque aliquis
thesaurizet in terra, deorsum efficitur; si vero aliquis thesaurizet in
caelis, fit desuper; sed et transcendens omnes caelos, in fine beatissimo
invenietur. Et iterum qui circa hunc mundum est amor, facit eum qui de hoc
mundo est; qui autem non diligit mundum, nec ea quae sunt in hoc mundo, non
est de mundo hoc. Tamen est et aliquis alius mundus praeter hunc sensibilem
mundum, in quo sunt invisibilia, cuius visum et decorem videbunt hi qui mundo
sunt corde. Sed et ipse primogenitus omnis creaturae potest dici mundus,
prout est summa sapientia : omnia enim in sapientia sunt facta. In ipso itaque
erat totus mundus, intantum differens a mundo materiali, inquantum differt
ratio totius mundi ab omni materia denudata a materiali mundo. Anima ergo
Christi dicit ego non sum de hoc mundo : quia non conversatur in isto mundo.
Augustinus in Ioannem. Exposuit autem dominus quid
intelligi voluerit, cum dixit vos de hoc mundo estis; quia scilicet
peccatores erant. Omnes autem cum peccato nati sumus, omnes vivendo ad id
quod nati eramus addidimus. Tota ergo infelicitas Iudaeorum ipsa erat, non
peccatum habere, sed in peccatis mori; unde subdit dixi ergo vobis, quia
moriemini in peccatis vestris. Credo autem in illa multitudine quae dominum
audiebat, et eos fuisse qui credituri erant; quasi in omnes autem processerat
illa severissima sententia in peccato vestro moriemini; ac per hoc et illis
qui credituri erant, spes erat ablata. Revocavit ergo eos ad spem, adiungens
si enim non credideritis quia ego sum, moriemini in peccato vestro. Ergo si
credideritis quia ego sum, non moriemini in peccato vestro. Chrysostomus. Si enim propter hoc venit ut peccatum
tollat, et aliter non contingit illud exuere nisi per lavacrum; nec continget
eum qui non credit, baptizari, necesse est eum qui non credit, ex hac vita
abire, veterem hominem, idest peccatum, habentem : non solum quia non credit,
sed etiam quia priora peccata habens, hinc recedit. Augustinus. Cum autem dixit si non credideritis quia
ego sum, quia nihil addidit, multum est quod commendavit : quia sic etiam et
Deus Moysi dixerat : ego sum qui sum. Sed quomodo audio : ego sum qui sum, et
nisi credideritis quia ego sum, quasi alia non sint? Sed prorsus qualiscumque
excellentia, si mutabilis est, vera non est : non enim est ibi verum esse ubi
est et non esse. Discute rerum mutationem : invenies fuit et erit; cogita
Deum, invenies est, ubi tempus praeteritum esse non possit. Ut ergo tu sis,
transcende tempus. Haec itaque promittens, ne moriamur in peccatis nostris,
nihil aliud mihi videtur his verbis dixisse nisi credideritis quia ego sum,
quam : nisi credideritis quia Deus sum. Deo gratias, quia dicit nisi
credideritis; non dixit : nisi ceperitis : quis enim hoc capiat? Origenes in Ioannem. Manifestum est autem quod qui
moritur in peccatis suis, quamvis dicat se Christo credere, tamen in veritate
non credit : qui enim credit iustitiae, non iniustum facit; et credens in
sapientiam, nil stultum dicit aut facit : et sic si scrutatus fueris ceteros
intellectus Christi, invenies quomodo qui non credit Christo, moritur in
peccatis suis. Accedens autem ad contraria eorum quae considerantur in
Christo, in peccatis suis moritur. |
—
Saint
Augustin : (Traite 38 sur Saint Jean). L'Evangéliste
vient de nous dire que « personne ne se saisit de Jésus, parce que son
heure n'était pas encore venue. » Notre Seigneur prend cette occasion de
parler aux Juifs de sa passion, qui dépendait non de la fatalité, mais de sa
puissance : « Jésus leur dit encore : Je m'en vais. » En effet,
pour Jésus-Christ, la mort fut comme un départ vers le lieu d'où il était
venu vers nous, sans qu'il l'ait cependant quitté. —
Saint Bède : L'enchaînement qui paraît
exister ici dans le récit de l'Evangéliste, nous permet de supposer également
que ces paroles ont été dites dans le même lieu et dans le même temps que les
précédentes, où qu'elles ont été dites dans un lieu et dans un temps tout
différent, car [il est aussi vraisemblable d'admettre qu']elles font suite
immédiate au discours qui précède, que [de supposer d'autres discours ou]
d'autres faits intermédiaires. — Origène : On peut faire tout d'abord
cette objection : Si Notre Seigneur s'adresse ici à ceux qui persévéraient
dans leur incrédulité, comment peut-il leur dire : « Vous me chercherez ?
» Car chercher Jésus, c'est chercher la vérité et la sagesse. Nous
pouvons répondre qu'il est dit quelquefois de ses persécuteurs qu'ils
cherchaient à se saisir de lui. Il y a, en effet, de grandes différences
entre ceux qui cherchent Jésus; car tous ne le cherchent pas pour leur salut
et le bien qui peut leur en revenir. Aussi il n'y a que ceux qui le cherchent
avec droiture qui trouvent la paix. Or, chercher avec droiture, c'est
chercher celui qui était en Dieu au commencement, afin qu'il nous conduise à
son Père. —
Saint Augustin : (Traité 38). Vous me chercherez
donc, leur dit-il, sous l'inspiration non d'un pieux désir, mais de la haine.
En effet, lorsqu'il se fut dérobé aux regards des hommes, ceux qui le
haïssaient, comme ceux qui l'aimaient, le cherchèrent, les uns pour le
persécuter, les autres pour jouir de sa présence. Or, ne croyez pas que vous
me chercherez avec de bonnes dispositions, car « vous mourrez dans votre
péché. » Mourir dans son péché, c'est donc chercher Jésus-Christ avec une
intention coupable, c'est avoir de la haine pour l'unique auteur de notre
salut, et [c'est contre ceux qui cherchent ainsi Jésus, que] le Sauveur
prononce prophétiquement cette sentence : « Ils mourront dans leur péché.
» —
Saint Bède : Remarquez que le mot péché
est au singulier, et le pronom votre au pluriel, pour montrer que
tous étaient coupables du même crime. — Origène : (Traité 19 sur Saint Jean). Je
me demande comment l'Evangéliste a pu dire plus bas, qu'à la parole de
Jésus-Christ il furent nombreux à croire en lui. Est-ce que ce n'est pas à
tous ceux qui étaient présents qu'il disait : « Vous mourrez dans votre
péché ? » Non, c'était à ceux dont il savait qu'ils ne croiraient point,
qu'ils mourraient pour cela dans leur péché, et qu'ils ne pourraient marcher
à sa suite, et c'est à ceux-là qu'il dit : « Vous ne pouvez venir là où je
vais, » c'est-à-dire où est la vérité et la sagesse, car c'est là
qu'est Jésus. Ils ne peuvent venir, parce qu'ils ne veulent pas; car s'ils
l'avaient voulu sans le pouvoir, le Sauveur n'eût pu leur dire avec justice :
« Vous mourrez dans votre péché. » —
Saint Augustin : (Traite 38). Il tient dans un autre
endroit le même langage à ses disciples, toutefois il ne leur dit pas : « Vous
mourrez dans votre péché », mais : « Vous ne pouvez maintenant venir
là où je vais, » il ne leur ôte pas l'espérance, il en retarde seulement
l'accomplissement. — Origène : En s'exprimant de la sorte,
le Sauveur menace donc les Juifs de se retirer d'eux, mais pour nous, tant
que nous conservons les semences de vérité qu'il a répandues dans notre âme,
le Verbe de Dieu ne se retire pas de nous; si, au contraire, la corruption du
mal entre dans notre âme à la suite d'une chute dans le péché, alors il nous
dit : « Je m'en vais, » et nous le chercherons sans pouvoir le
trouver, et nous mourrons dans notre péché, saisis que nous serons par la
mort elle-même. Il ne faut point passer légèrement sur ces paroles : «
Vous mourrez dans votre péché. » Si on prend ces paroles dans le sens
naturel qu'elles présentent, elles veulent dire évidemment que les pécheurs
mourront dans leurs péchés, comme les justes mourront dans leur justice. Mais
si l'on entend ces paroles : « Vous mourrez, » de la mort dont est
frappé celui qui commet un péché mortel, il est clair que ceux à qui Notre
Seigneur les adressait n'étaient pas morts encore, mais ils vivaient dans une
grande infirmité spirituelle, infirmité qui devait les conduire à la mort,
voilà pourquoi le médecin voyant toute la gravité de leur maladie, leur
disait : « Vous mourrez dans votre péché, » et ces paroles font
comprendre celles qui suivent : « Là où je vais, vous ne pouvez venir; » car
celui qui meurt dans son péché, ne peut aller où va Jésus, puisqu'aucun de
ceux qui sont morts ne peut suivre Jésus, selon ces paroles du Psalmiste : «
Ce ne sont pas les morts qui vous loueront, Seigneur. » (Ps 113) —
Saint Augustin : (Traité 38). Ces paroles ne firent
naître chez les Juifs, comme d’habitude, que des pensées charnelles, et ils
interrogent le Sauveur en conséquence : « Les Juifs disaient donc : Se
tuera-t-il lui-même, puisqu'il dit : Là où je vais, vous ne pouvez venir ? »
Quelles paroles insensées ! Quoi, ils ne pourraient venir là où il irait
s'il se donnait la mort ? Est-ce donc qu'ils ne devaient pas eux-mêmes
mourir. Lors donc qu'il leur dit : « Vous ne pouvez venir là où je vais, »
il ne veut point parler du lieu où l'on va par la mort, mais de celui où il
allait lui-même après la mort. — Théophylactus : Il déclarait ainsi par avance qu'il devait ressusciter dans la gloire,
et s'asseoir à la droite de Dieu. — Origène : (Traité 49). Examinons cependant si
ce langage au sujet du Sauveur n'est pas dans la bouche des Juifs
l'expression de pensées plus relevées. Car ils puisaient souvent dans leurs
traditions ou dans leurs livres apocryphes des idées qui leur étaient
particulières, de même que dans leurs traditions sur Jésus-Christ, il y en
avait de conformes aux oracles authentiques des prophètes, d'après lesquels
il devait naître à Bethléem; [il pouvait aussi se rencontrer des traditions]
relatives à sa mort, et qui annonçaient qu'il quitterait cette vie de la
manière qu'il le dit lui-même : « Nul ne m'ôte ma vie, mais je la donne de
moi-même. » (Jn 10) Lors donc que les Juifs se demandent : « Se
tuera-t-il lui-même, » il ne faut point prendre ces paroles dans leur
sens ordinaire, mais y voir une allusion à quelque tradition juive qui se
rapportait au Christ; car ces paroles du Sauveur : « Je m'en vais, »
tendaient à faire ressortir dans tout son jour le pouvoir qu'il avait de
mourir eu se séparant volontairement de son corps. Je pense toutefois que ce
n'est point pour faire honneur à Jésus, mais bien plutôt pour l'outrager,
qu'ils citent cette tradition relative à sa mort, et qu'ils se demandent : «
Est-ce qu'il se tuera lui-même ? » car s'ils avaient eu l'intention [de
lui appliquer cette tradition] dans un sens honorable pour le Sauveur, ils
auraient dû s'exprimer de la sorte : « Est-ce que son âme sortira de son
corps, quand il lui plaira ? » Le Seigneur leur répond comme à des hommes
charnels et terrestres : « Et il leur dit : Vous êtes d'en bas, »
c'est-à-dire, vous goûtez les choses de la terre, et vous ne portez pas bien
haut les affections de votre cœur. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 53). C'est-à-dire, il n'est
point surprenant que des hommes charnels et qui ne comprennent rien de ce qui
est spirituel, aient de semblables pensées, mais : « Pour moi je suis d'en
haut. » —
Saint Augustin : Quelles sont ces hauteurs
d'où il descend ? De Dieu le Père lui-même, qui n'a rien au-dessus de lui.
Vous, vous êtes de ce monde, mais pour moi je ne suis pas de ce monde, et
comment, en effet, celui par qui le monde a été fait, pourrait-il être du
monde ? —
Saint Bède : [Comment pourrait-il être du
monde], celui qui était avant le monde ? pour eux, ils étaient du monde,
parce qu'ils ont été créés longtemps après la création du monde. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 53). Ou bien encore : «
Je ne suis pas de ce monde, » c'est-à-dire, je n'en partage point les
pensées vaines et profanes. — Théophylactus : Je n'ai aucun sentiment mondain ou terrestre; je ne puis donc arriver
à cet excès de folie de me donner la mort. Apollinaire, par une fausse
interprétation de ces paroles, prétend que le corps du Seigneur ne fut pas
formé dans ce monde, mais qu'il vint d'en haut, c'est-à-dire du ciel. Mais
dira-t-on que les Apôtres avaient aussi un corps formé dans les cieux, parce
que Notre Seigneur leur a dit : « Vous n'êtes pas de ce monde ? » Ces
paroles : « Je ne suis pas de ce monde, » signifient donc : Je ne
suis pas du nombre de ceux qui, comme vous, sont plongés tout entiers dans
les préoccupations du monde. — Origène : (Traité 19). On peut encore donner
une autre explication des choses qui sont d'en bas et de celles qui sont de
ce monde. L'expression « en bas » signifie un endroit spécial; or,
ce monde matériel se divise en une multitude d'endroits qui sont tous en bas,
relativement aux choses immatérielles et invisibles. Mais si l'on établit une
comparaison entre ces divers lieux du monde, les uns seront en haut et les
autres en bas. Or, chacun a son cœur là où est son trésor. (Mt 6)
Celui donc qui thésaurise sur la terre, descend en bas; celui au contraire
qui amasse des trésors pour le ciel, [monte en haut,] il est véritablement
d'en haut, et en s'élevant au-dessus des d'eux, il parviendra à la souveraine
béatitude. Disons encore, que l'amour du monde fait l'homme du monde; celui
au contraire qui n'aime ni le monde, ni les choses qui sont dans le monde,
n'est pas de ce monde. Il est cependant en dehors de ce monde sensible, un
autre monde habité par les êtres invisibles, et dont l'éclat et la splendeur
seront révélés à ceux qui ont le cœur pur. Enfin on peut aussi donner le nom
de monde au premier né de toute créature, et en tant qu'il est la souveraine
sagesse, car toutes choses ont été faites dans la sagesse. Le monde et tout
ce qu'il renferme était donc en lui, mais d'une manière aussi différente du
monde matériel, que la raison même du monde pure de tout principe matériel
diffère du monde [extérieur et] sensible. L'âme de Jésus-Christ dit donc : «
Je ne suis pas de ce monde, » parce qu'elle ne vit pas dans ce monde. —
Saint Augustin : (Traité 38). Le Seigneur explique le
sens de ces paroles qu'il leur adresse : « Vous êtes de ce monde, »
parce qu'ils étaient pécheurs; or, nous sommes tous nés dans le péché, et
tous nous avons ajouté à ce premier péché par une vie coupable. Tout le crime
d'infidélité des Juifs consistait donc, non pas d'être coupables du péché,
mais de mourir dans leur péché. C'est pourquoi Notre Seigneur ajoute : «
Je vous ai dit que vous mourrez dans vos péchés. » Je crois bien que
parmi cette multitude qui écoutait le Sauveur, il en était qui devaient
croire en lui. Mais comme cette sentence sévère : « Vous mourrez dans
votre péché, » semblait tomber sur tous, et ôter toute espérance à ceux
qui devaient croire en lui, il fait renaître l'espérance dans leur cœur, en
ajoutant : « Car si vous ne croyez pas que je suis, vous mourrez dans
votre péché. » Donc si vous croyez que je suis, vous ne mourrez point
dans votre péché. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 53). En effet, si Notre Seigneur
est venu sur la terre pour effacer les péchés [du monde], et si le péché ne
peut être effacé que par le baptême, celui qui ne croit pas est
nécessairement encore revêtu du vieil homme, c'est-à-dire du péché. [Car celui qui refuse de
mourir et de s'ensevelir spirituellement par la foi, mourra avec le vieil
homme, et ne sortira de cette vie que pour souffrir les peines dues à ses
crimes. Aussi Notre Seigneur disait-il : « Celui qui ne croit pas est déjà
jugé, »] non seulement parce qu'il ne croit pas, mais parce
qu'il sort de cette vie chargé des crimes dont il s'est rendu coupable. —
Saint Augustin : (Traité 38). Notre-Seigneur, en
disant aux Juifs : « Si vous ne croyez pas que je suis, » sans rien
ajouter, leur apprend une grande vérité; c'est dans les mêmes termes que Dieu
avait dit à Moïse : « Je suis celui qui suis. » (Ex 3) Mais comment
entendre ces paroles : « Je suis celui qui suis; » et ces autres
: « Si vous ne croyez pas que je suis, » comme si les autres êtres
n'existaient pas ? C'est qu'en effet, quelles que soient l'excellence et la
perfection d'un être, dès lors qu'il est soumis à la loi du changement, il
n’existe vraiment pas. L'être véritable ne peut se trouver là où il y a
alternative de l'être et du néant. Examinez la nature des êtres soumis à la
loi des changements, vous y trouverez le passé et le futur; reportez votre
pensée sur Dieu, vous trouverez cette seule chose : il est, sans qu'il
soit possible de trouver de temps passé : si donc vous voulez être
véritablement, élevez-vous au-dessus du temps. Ces paroles : [« Si vous ne
croyez pas que je suis, »] par lesquelles Notre Seigneur nous exhorte à
ne point mourir dans nos péchés, n'ont point d'autre signification que
celle-ci : Si vous ne croyez que je suis Dieu. Rendons grâces à Dieu de ce
que le Sauveur nous dit : « Si vous ne croyez pas, » et non : Si vous
ne comprenez pas, car qui pourrait comprendre ces mystères ? — Origène : Il est évident que celui qui meurt dans ses péchés, affirmerait-il
qu'il croit en Jésus-Christ, n'y croit pas véritablement. En effet, celui qui
croit à la justice, ne doit commettre aucune injustice; celui qui croit à la
sagesse, ne doit ni dire ni faire rien qui lui soit contraire. Parcourez
ainsi les autres perfections de Jésus-Christ, et vous comprendrez comment
celui qui ne croit point en lui, meurt dans ses péchés, et comment celui dont
la conduite est en opposition avec les divins attributs de Jésus-Christ, meurt
dans ses péchés. |
Lectio 6 |
Versets 25-27
|
[86062] Catena in Io., cap. 8 l. 6 Augustinus
in Ioannem. Quia dixerat supra dominus : nisi credideritis quia ego sum,
moriemini in peccatis vestris, interrogant illi velut quaerentes nosse in
quem deberent credere, ne in suo peccato morerentur; unde dicitur dicebant
ergo ei : tu quis es? Non enim cum dixisti nisi credideritis quia ego sum,
addidisti quis esses. Sciebat autem ibi quosdam esse credituros; et ideo cum
dixissent tu quis es? Ut scirent quid illum credere deberent, dixit eis Iesus
principium, qui et loquor vobis; non tamquam diceret : principium sum; sed
tamquam diceret : principium me credite : quod in sermone Graeco evidenter
apparet, ubi principium feminini generis est. Principium ergo me credite, ne
moriamini in peccatis vestris : principium enim mutari non potest, in se
manet, et innovat omnia. Absurdum est autem ut filium dicamus principium, et
patrem principium non dicamus; non tamen duo principia, sicut nec duos deos :
spiritus autem sanctus patris et filii est spiritus, nec pater est, nec
filius. Pater tamen et filius et spiritus sanctus sunt unus Deus, unum lumen,
unum principium. Addidit autem qui et loquor vobis : quia humilis propter vos
factus ad ista verba descendi. Ergo credite me esse principium : quia ut hoc
credatis non solum sum principium, sed et loquor vobis. Nam si principium
sicuti est, ita maneret apud patrem, ut non acciperet formam servi, quomodo
ei crederent, cum infirma corda intelligibile verbum sine voce sensibili
audire non possent? Beda. Sane in quibusdam exemplaribus invenitur qui
et loquor vobis; sed congruentius esse probatur, si quia legatur, ut iste sit
sensus : principium me esse credite, quia propter vos ad haec verba descendi.
Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter. Consideranda
est amentia Iudaeorum, qui post tempus tantum et signa et doctrinam interrogant
tu quis es? Quid igitur Christus? A principio loquor vobis, quasi dicat :
sermones meos indigni estis audire, non solum ut dicam vobis quis ego sum :
vos enim omnia tentantes loquimini; et haec omnia possem arguere, et vos
punire; unde sequitur multa habeo de vobis loqui et iudicare. Augustinus in Ioannem. Supra dixit : ego non iudico
quemquam; sed aliud est non iudico, et aliud habeo iudicare. Non iudico,
dixit, ad praesens. Quod autem dicit multa habeo de vobis loqui et iudicare,
iudicium futurum dicit. Ideo autem verus in iudicio ero, quia filius veracis
veritas sum; unde sequitur sed qui misit me verax est. Verax est pater, non
participando, sed generando veritatem. Numquid enim dicturi sumus : plus
veritas quam verax? Si hoc dixerimus, filium incipiemus dicere patre maiorem.
Chrysostomus. Dicit autem hoc, ut non aestiment
quoniam tot audiens ex imbecillitate, non punit; aut quia eorum cogitationes
et contumelias non novit. Theophylactus. Vel quia dixerat multa habeo de vobis
loqui et iudicare, iudicium futuro saeculo reservans subiungit sed qui me
misit, verax est; quasi dicat : etsi vos infideles estis, pater meus verax
est, qui diem stabilivit in quo vobis retributio fiet. Chrysostomus. Vel aliter. Si in hoc me misit pater,
non ut iudicem mundum, sed ut salvem mundum, verax autem est pater;
convenienter nullum ego nunc iudico; sed haec loquor quae sunt ad salutem,
non quae ad iudicium; unde sequitur et ego quae audivi ab eo, haec loquor in
mundo. Alcuinus. Audisse autem a patre idem est et esse a patre : quia
ab illo habet audientiam a quo habet essentiam. Augustinus. Dat gloriam patri aequalis filius;
tamquam dicat : do gloriam ei cuius sum filius; quomodo tu superbus es
adversus eum cuius es servus? Alcuinus. Cum autem audissent verax est qui misit
me, non intellexerunt de quo diceret; unde subditur et non cognoverunt quia
patrem eius dicebat Deum. Nondum enim oculos cordis apertos habebant, quibus
patris et filii aequalitatem intelligerent. |
—
Saint Augustin : (Traité 39). Le Sauveur venait de leur dire : « Si vous ne croyez pas que je suis, vous mourrez dans votre péché; »
ils cherchent à le connaître et lui demandent maintenant en qui ils doivent
croire pour éviter cette mort dans le péché : « Ils lui dirent donc : Qui êtes-vous ? » (Traité 38) Vous
nous avez bien dit : Si vous ne croyez pas que je suis; dites nous donc
maintenant qui vous êtes. Il savait que quelques-uns d'entre eux devaient
croire en lui, aussi à cette question : Qui êtes-vous ? Il leur répond : « Le
Principe, moi-même qui vous parle, » pour leur apprendre ce qu'ils devaient
croire de lui. [ Note de la Bible du chanoine
Crampon, éd.1938 : « Cette phrase, très difficile, a été
interprétée bien diversement. Voici le texte grec : Thn ¢rchn, Ð ti kai lalw Ømin. La Vulgate traduit : Principium, qui et loquor vobis, moi qui
vous parle, je suis le Principe, c'est-à-dire l’auteur de toutes choses.
Mais cette traduction ne peut se justifier grammaticalement et ne va pas très
bien avec le contexte. »] Il ne leur dit point : Je suis le Principe, mais : «
Croyez que je suis le Principe; » ce qui parait clairement dans le texte grec
où le mot Principe est du genre féminin. Croyez donc que je suis le Principe,
pour éviter de mourir dans vos péchés, car le Principe est immuable, il demeure
toujours le même, en renouvelant toute chose. (Traité 39). Il serait
absurde de dire que le Fils est le Principe en refusant cette dénomination au
Père, cependant il n'y a pas plus deux principes qu'il n'y a deux Dieux.
L'Esprit saint est l'Esprit du Père et du Fils, mais il n'est ni le Père, ni
le Fils. Cependant le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont un seul Dieu, une
seule lumière, un seul Principe. Il ajoute : « qui vous parle, » c'est-à-dire : je me suis humilié pour
vous, et je m'abaisse jusqu'à vous tenir ce langage. Croyez donc que je suis
le Principe, car pour justifier et appuyer votre foi, non seulement je suis
en effet le Principe, mais je vous parle. En effet, supposez que le Principe
fut resté tel qu'il est dans le Père, sans prendre la forme de l'esclave,
comment les hommes pourraient-ils croire en lui, puisque leur esprit si
faible ne peut recevoir l'idée d'une chose intellectuelle sans
l'intermédiaire de la voix sensible ? —
Saint Bède : On lit dans quelques
exemplaires : « Moi qui vous parle, » mais il est plus convenable de lire : « Car je vous parle, » de manière à
offrir ce sens : Croyez que je suis le Principe, car pour vous je me suis
abaissé jusqu'à vous tenir ce langage. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 53) On peut encore considérer
à un autre point de vue la coupable folie des Juifs qui, depuis si longtemps
qu'ils sont témoins des miracles de Jésus-Christ, et reçoivent ses
enseignements, osent encore lui faire cette question : « Qui êtes-vous ? » Aussi que leur répond le Sauveur ? « Je ne cesse de vous le dire depuis
le commencement ». C'est-à-dire, vous êtes indignes d'entendre mes
paroles, bien loin de mériter que je vous dise qui je suis, vous ne
m'interrogez que pour me tenter, [et vous ne faites aucune attention à ce que
je vous dis]; aussi serais-je en droit de vous condamner et de vous punir : « J'ai beaucoup de choses à dire de
vous et à condamner en vous. » —
Saint Augustin : (Traité 39). Il a déclaré plus haut
qu'il ne jugeait personne; mais autre chose est de dire : « Je ne juge point,
» et : « J'ai à juger, ». « Je ne juge point, » doit s'entendre du présent,
tandis que ces paroles : « J'ai
beaucoup de choses à dire de vous et à condamner en vous, » sont des
paroles prophétiques du jugement futur. Or, la vérité réglera mon jugement,
parce que je suis le Fils de celui qui est véridique, et que je suis la
vérité même : « et celui qui m'a envoyé
est véridique. » Le Père est véridique, non pas en participant à la
vérité, mais en engendrant la vérité. Dirons-nous qu'ici celui qui est la
vérité est supérieur à celui qui est véridique ? Mais alors ce serait
reconnaître que le Fils est plus grand que le Père. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 53) Il leur parle de la
sorte pour leur faire comprendre que s'il ne les punit pas de tant d'outrages
qu'il reçoit d'eux, ce n'est point par faiblesse, ou parce qu'il ne connaît
ni leurs pensées, ni les injures qu'ils lui font. — Théophylactus : Ou peut encore donner cette explication : En leur disant : « J'ai beaucoup de choses à dire de vous
et à condamner en vous, » il renvoyait, pour ainsi dire, l'exercice du
jugement à l'autre vie, il ajoute donc : «
Mais celui qui m'a envoyé est véridique », c'est-à-dire, même si
vous êtes infidèles, mon Père ne laisse pas d'être véridique, et il a établi un jour on vous recevrez ce
que vous méritez. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 53). Ou bien encore : Si mon
Père m'a envoyé, non pour juger le monde, mais pour sauver le monde, comme
mon Père est véridique je ne dois juger personne, et mes paroles ont pour
objet votre salut, et non votre jugement [et votre condamnation] : « Et ce que j'ai entendu de lui je le dis
au monde. » —
Alcuin : Entendre du Père pour le
Fils, c'est la même chose qu'exister par le Père, car celui qui lui donne
d'entendre est aussi celui qui lui donne son essence. —
Saint Augustin : (Traité 39). Le Fils égal [et
consubstantiel] à son Père, rend gloire à son Père, comme s'il disait : Je
rends gloire à celui dont je suis le Fils, comment pouvez-vous affecter de
l'orgueil devant celui dont vous n'êtes que le serviteur ? —
Alcuin : Mais ils ne comprirent point
de qui Jésus voulait parler en disant : «
Celui qui m'a envoyé est véridique. » C'est ce qu'ajouté l’Evangéliste : « Et ils ne comprirent point, » qu'il
disait que Dieu était son Père, car ils n'avaient pas encore ouvert ces yeux
du cœur, qui auraient pu leur faire comprendre l'égalité du Père et du Fils. |
Lectio 7 |
Versets 28-30 |
[86063] Catena in Io., cap. 8 l. 7 Augustinus
in Ioannem. Cum dixisset dominus : verax est qui misit me, non
intellexerunt Iudaei quod de patre illis diceret. Videbat autem ibi aliquos
quos ipse noverat post passionem suam esse credituros; et ideo sequitur dixit
ergo eis Iesus : cum exaltaveritis filium hominis, tunc cognoscetis quia ego
sum. Recolite illud : ego sum qui sum, et cognoscetis quid sit dictum ego
sum. Differo cognitionem vestram, ut impleam passionem meam. Ordine vestro
cognoscetis qui sum, cum scilicet exaltaveritis filium hominis. Exaltationem
autem crucis dicit, quia et ibi exaltatus est quando pependit in ligno. Hoc
oportebat impleri per manus eorum qui postea fuerant credituri, quibus dicit
hoc. Quare nisi ut nemo in quocumque scelere et male sibi conscius
desperaret, quando videat eis donari homicidium qui occiderant Christum? Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter continua : quia
multa signa faciens et docens eos non converterat, de cruce de reliquo
loquitur, dicens cum exaltaveritis filium hominis, tunc cognoscetis quia ego
sum; quasi dicat : vos aestimatis quod tunc maxime a me separati eritis
quando me occideritis; ego autem dico quoniam tunc maxime scietis et gratia
signorum et resurrectionis et captivitatis vestrae, quoniam ego sum Christus
filius Dei, et quod non contrarior illi; propter quod subdit et a meipso
nihil facio; sed sicut docuit me pater, sic loquor : per hoc enim
indifferentiam substantiae manifestat, et quod nihil extra paternales
intelligentias loquitur; si enim Deo contrarius essem, non tantam iram
movissem contra eos qui me non audierunt. Augustinus. Vel aliter. Quia dixerat tunc
cognoscetis quia ego sum, et ad ipsum esse pertinet tota Trinitas; ne forte
subintraret error Sabellianorum, continuo subiunxit et a meipso facio nihil;
quasi dicat : a meipso non sum : filius enim de patre est Deus. Quod ergo
addidit sicut docuit me pater, haec loquor, nemini vestrum obrepat cogitatio
carnalis. Nolite vobis quasi duos homines ante oculos ponere, et loquentem
patrem ad filium, sicut facis tu quando aliqua verba dicis filio tuo. Quae
enim verba fierent unico verbo? Si autem loquitur in cordibus vestris sine
sono, quomodo loquitur filio suo? Incorporaliter pater locutus est filio,
quia incorporaliter pater genuit filium; nec eum sic docuit quasi indoctum
genuerit; sed hoc est eum docuisse, quod est scientem genuisse. Si enim simplex
est natura veritatis, hoc est filio esse quod nosse. Quemadmodum ergo pater
illi gignendo dedit ut esset, sic gignendo dedit ut nosset. Chrysostomus. Rursus ad humilius sermonem reduxit.
Sequitur et qui me misit. Ne autem aestiment hoc quod dicit misit me,
minorationis esse, dicit mecum est; nam hoc quidem dispensationis, hoc autem
deitatis est. Augustinus. Et cum ambo simul sint, unus tamen est
missus, alter misit : quoniam missio incarnatio est, et ipsa incarnatio filii
tantum est, non et patris. Ergo inquit qui me misit; idest cuius auctoritate
tamquam paterna incarnatus sum. Misit itaque pater filium, sed non recessit a
filio; unde sequitur et non reliquit me solum : non enim quo misit filium,
non ibi erat pater, qui dixit : caelum et terram ego impleo. Sed quare eum
non dereliquit, subdit quia quae placita sunt ei facio semper; non ex quodam
initio, sed sine initio, sine fine : Dei enim generatio non habet initium
temporis. Chrysostomus. Vel aliter. Quia continuo dicebant,
quoniam non ex Deo est, et quia sabbatum non custodit; contra est, quod ait
quoniam quae placita sunt ei facio semper : ostendens quoniam et solvere
sabbatum, placitum est ei. Multipliciter enim studet ut ostendat quod nihil
facit patri contrarium. Et quia hoc humanius locutus est, subditur haec illo
loquente multi crediderunt in eum : ac si diceret Evangelista : ne turberis
si quid humile a Christo audieris; qui enim post tantam doctrinam nondum
suasi erant, humiliora audiunt, et suadentur. Igitur crediderunt quidem, sed
non ut oportebat; sed simpliciter quasi laetantes et requiescentes in
verborum humilitate : et hoc ostendit Evangelista in subsequentibus
sermonibus, in quibus narratur quod rursus ei iniuriabantur. |
—
Saint
Augustin : (Traité 40 sur Saint Jean). Les
Juifs ne comprirent donc pas que le Sauveur parlait de son Père, lorsqu'il
disait : « Celui qui m'a envoyé est
véridique. » Mais comme il en voyait quelques-uns parmi eux qu'il
prévoyait devoir croire en lui après sa passion, il leur dit : « Lorsque vous aurez élevé le Fils de
l'homme, alors vous connaîtrez que je suis. » Rappelez-vous ces paroles :
« Je suis celui qui suis, » (Ex 3)
et vous comprendrez ce que signifie cette parole : « Je suis. » Je diffère le moment où vous me connaîtrez pour
rendre possible ma passion, et vous connaîtrez en votre temps qui je suis,
lorsque vous aurez élevé le Fils de l'homme. Il veut parler ici de son
élévation sur la croix, parce qu'il fut élevé en réalité lorsqu'il fut
suspendu à l'arbre de la croix; or, il fallait que sa mort sur la croix
s'accomplît par les mains de ceux qui devaient par la suite croire en lui.
Mais dans quel dessein leur adresse-t-il ces paroles ? C'est afin que
personne ne se laisse aller au désespoir, sa conscience lui reprochât-elle
les plus grands crimes, lorsqu'il voit ceux qui avaient mis Jésus-Christ à
mort, obtenir le pardon de leur homicide. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 53). On peut encore établir
autrement la suite du discours du Sauveur. Il n'avait pu convertir les Juifs,
malgré la multitude de ses miracles et la force de ses enseignements; il ne
lui reste donc plus qu'à leur parler de sa croix : « Lorsque vous aurez élevé le Fils de l'homme, alors vous connaîtrez
que je suis». C'est-à-dire, vous pensez que vous serez délivrés de moi
lorsque vous m'aurez mis à mort; mais moi, je vous dis que c'est alors
surtout que l'éclat des miracles, ma résurrection, et votre propre captivité,
vous feront connaître que je suis le Christ, le Fils de Dieu, et que je ne
lui suis point opposé. C'est pour cela qu'il ajoute : « [Alors vous reconnaîtrez que] je ne fais rien de moi-même, mais que
je dis ce que mon Père m'a enseigné. » C'est ainsi qu'il prouve que
le Père et le Fils ont une seule et même nature, et qu'il ne dit rien qui ne
soit l'expression de la pensée de son Père. Car si j'étais en opposition avec
Dieu, je n'aurais pu exciter une si grande colère contre ceux qui ont refusé
de m'écouter. —
Saint Augustin : (Traité 40). Ou bien
encore comme il venait de dire : « alors
vous connaîtrez que je suis, » et que la Trinité tout entière est le
principe et la source de l'être même, le Sauveur prévient l'erreur des
Sabelliens, en ajoutant aussitôt : « et
que je ne fais rien de moi-même, » c'est-à-dire, je ne viens pas de
moi-même; car le Fils, qui est Dieu, vient du Père [qui est Dieu]. Si donc il
ajoute encore : « et je dis ce que mon
Père m'a enseigné, » gardez-vous, à ces paroles, de toute pensée
charnelle; ne vous représentez point deux hommes devant les yeux, [l'un qui
serait le père, l'autre le fils], et le père parlant à son fils comme lorsque
vous adressez vous-même la parole à votre fils; car quelles paroles le Père
pourrait-il adresser à son Verbe unique ? Si Dieu parle à vos cœurs sans
l'intermédiaire d'aucune voix extérieure, comment parle-t-il à son Fils ? Il
lui parle d'une manière incorporelle, parce qu'il l'a engendré d'une manière
incorporelle; il ne l'a point enseigné comme s'il l'avait engendré sans
aucune science. Pour Dieu le Père, enseigner son Fils, c'est l'engendrer dans
toute sa science; car comme la nature de la vérité est simple, être et
connaître sont une même chose pour le Fils. Et en l'engendrant, le Père lui a
donné la connaissance, de la même manière qu'il lui a donné l'être. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 53). Notre Seigneur ramène
de nouveau son discours à des proportions plus humbles : « et celui qui m'a envoyé est avec moi. » Mais dans la crainte
que ces paroles : « Il m'a envoyé, »
ne paraissent à leurs yeux un signe d'infériorité, il ajoute : « Il est avec moi. » L'une de ces deux
choses entrait dans l'économie de l'incarnation, l'autre est une preuve de
divinité. —
Saint Augustin : (Traité 40). Tous deux sont
ensemble, cependant l'un a été envoyé, l'autre a envoyé, parce que
l'incarnation est une véritable mission, le Fils seul s'est incarné, et non
le Père. Le Sauveur dit : « Celui qui
m'a envoyé, » c'est-à-dire celui qui, par son autorité paternelle, a été
la cause de mon incarnation. Ainsi le Père a envoyé le Fils, mais il ne s'est
point séparé du Fils. Aussi ajoute-t-il : «
et il ne me laisse pas seul. » En effet, le Père ne pouvait être absent
du lieu où il envoyait le Fils, lui qui nous dit, par son prophète : « Je remplis le ciel et la terre. » (Jr
23, 24). Le Sauveur donne ensuite la raison pour laquelle Dieu ne
l'abandonne point : « parce que je fais
toujours ce qui lui plaît. » Je n'ai pas commencé à le faire, je fais ce
qui lui plaît sans commencement comme sans fin, car la génération divine n'a
pas de commencement. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 53). Ou bien encore Notre
Seigneur répond ici à l'objection qu'ils lui faisaient de ne pas venir de
Dieu et de ne pas observer la loi du sabbat, en leur disant : « Je fais toujours ce qui lui
plaît, » et il leur démontre ainsi qu'il était agréable à Dieu qu'il
transgressât la loi du sabbat, car il s'applique en toute circonstance à
prouver qu'il ne fait rien de contraire à Dieu son Père. Ce langage moins
élevé, [en détermina un certain nombre à croire en lui] : « Comme il disait ces choses,
plusieurs crurent en lui. » L'Evangéliste semble dire : Ne soyez pas
surpris d'entendre sortir de la bouche du Sauveur une doctrine moins élevée,
puisque vous voyez que ceux que la sublimité de ses enseignements n'avaient
pu persuader, sont amenés à croire en lui par des paroles plus à leur portée.
Ils crurent donc en lui, mais non pas comme ils le devaient; ils se
contentèrent de se reposer avec joie dans les paroles plus humbles qu'ils
venaient d'entendre. La suite prouvera bientôt, en effet, toute
l'imperfection de leur foi, puisque nous les verrons se laisser aller à de
nouveaux outrages contre le Sauveur. |
Lectio 8 |
Versets 31-36
|
[86064] Catena in Io., cap. 8 l. 8 Augustinus in
Ioannem. Voluit dominus in profundum fundare fidem eorum qui crediderant,
ut non superficie tenus crederent; et ideo dicitur dicebat ergo Iesus ad eos
qui crediderunt ei Iudaeos : si vos manseritis in sermone meo, vere discipuli
mei eritis. Per hoc quod dicit si manseritis, ostendit ea quae in eorum corde
erant : sciebat enim quoniam crediderunt quidam, sed non manserunt : et
magnum quid eis promittit, scilicet vere discipulos eius fieri : in quo
occulte tangit quosdam qui prius ab ipso recesserant : et illi eum audierunt
et crediderunt, et recesserunt, quia non permanserunt. Augustinus de Verb. Dom. Omnes autem nos unum
magistrum habemus, et sub illo condiscipuli sumus. Nec ideo magistri sumus,
quia de loco superiore loquimur : sed magister est omnium qui habitat in
omnibus nobis. Ad discipulum autem parum est accedere; sed oportet manere nos
in illo : et si in illo non manserimus, cademus. Breve opus, breve verbo,
magnum opere, si manseritis. Quid enim est in verbis Dei manere, nisi nullis
tentationibus cedere? Si labor non est, gratis accipis praemium; si labor
est, attende magnum praemium. Et cognoscetis veritatem. Augustinus in Ioannem. Quasi dicat : quia nunc
credentes estis, manendo, videntes eritis. Non enim quia cognoverunt
crediderunt; sed ut cognoscerent crediderunt. Quid enim est fides, nisi
credere quod non vides; veritas quod credidisti, videre? Si ergo permaneatur
in eo quod creditur, pervenitur ad id quod videtur, ut scilicet contemplemur
ipsam veritatem sicuti est, non per verba sonantia, sed per lucem
splendentem. Veritas incommutabilis est, panis est mentis; reficit, nec
deficit; mutat vescentem, non ipsa in vescentem mutatur. Ipsa autem veritas
verbum Dei est : haec veritas carne induta est propter nos : latebat in
carne, non ut negaretur, sed ut differretur; ut in carne pateretur, ut caro
peccati redimeretur. Chrysostomus in Ioannem. Vel cognoscetis veritatem,
hoc est me : ego enim sum veritas. Iudaica quidem omnia typus erant,
veritatem autem a me scitis. Augustinus de Verb. Dom. Forte aliquis dicet : et
quid mihi prodest cognoscere veritatem? Et ideo subiungit et veritas
liberabit vos; quasi dicat : si non delectat veritas, delectet libertas.
Liberari enim proprie dicitur liberum fieri, quomodo sanari sanum fieri. Hoc
in verbo Graeco planius est : nam in consuetudine Latina maxime in eo
consuevimus audire hoc verbum, ut quicumque liberatur intelligatur pericula
evadere, molestiis carere. Theophylactus. Sicut autem supra infidelibus ait :
in peccatis vestris moriemini, sic manentibus in fide, absolutionem annuntiat
peccatorum. Augustinus de Trin. Unde etiam veritas liberabit,
nisi a morte, a corruptione, a mutabilitate? Veritas quippe immortalis,
incorrupta, incommutabilis permanet. Vera autem incommutabilitas est ipsa
aeternitas. Chrysostomus. Eorum autem qui crediderant, erat
etiam increpationes sufferre; sed hi statim saeviunt. Si autem oportebat eos
turbari in priori, convenientius erat ut turbarentur in hoc, scilicet quod
dixit cognoscetis veritatem, ut dicerent : nunc ergo veritatem nescimus; lex
igitur mendacium est, et cognitio nostra? Sed nullius horum eis cura erat;
sed de mundanis rebus dolent : non enim aliam servitutem noverant nisi
mundanam; unde sequitur responderunt ei Iudaei : semen Abrahae sumus, et
nemini servivimus unquam; quomodo tu dicis : liberi eritis? Quasi dicant :
eos qui de genere sunt Abrahae, qui sunt ingenui, non oportebat servos vocare
: nunquam enim servivimus. Augustinus in Ioannem. Vel hoc responderunt, non
illi qui iam crediderant, sed qui in turba erant nondum credentes. Hoc autem
ipsum nemini servivimus unquam, secundum huius temporis libertatem, quomodo
verum dixisti? Ioseph non est venumdatus? Prophetae sancti in captivitatem
non sunt ducti? O ingrati, quid est quod vobis assidue imputat Deus, quod vos
de domo servitutis liberavit, si nemini servistis? Vos autem qui loquimini,
quomodo solvebatis tributa Romanis, si nemini unquam servistis? Chrysostomus. Quia vero non ad vanam gloriam erant
quae dicebantur a Christo, sed ad salutem, non voluit ostendere eos servos
esse hominum, sed peccati : quae difficillima servitus est, a qua solus Deus
eripere potest; unde sequitur respondit eis Iesus : amen, amen, dico vobis,
quia omnis qui facit peccatum, servus est peccati. Augustinus. Multum commendat quod sic pronuntiat :
quodammodo, si dici fas est, iuratio eius est : amen quippe interpretatur
verum, et tamen non est interpretatum, nec Graecus hoc interpres ausus est
facere, vel Latinus. Nam hoc verbum amen Hebraeum est : non est autem
interpretatum, ut honorem haberet velamento secreti : non ut esset ligatum,
sed ne vilesceret nudatum. Iam quantum hoc commendatum sit, ex ipsa
geminatione cognoscite. Verum dico vobis. Veritas dicit; quae utique etsi non
diceret : verum dico, mentiri omnino non posset; tamen inculcat, dormientes
quodammodo excitat : contemni non vult quod dicit. Omnis, inquit, Iudaeus, Graecus,
dives, pauper, imperator et mendicus, si facit peccatum, servus est peccati.
Gregorius Moralium. Quia quisquis se pravo desiderio
subicit, iniquitatis domino dudum libera mentis colla supponit. Sed huic
domino contradicimus, cum iniquitati, quae nos ceperat, reluctamur : cum
consuetudini violenter resistimus; cum culpam poenitendo percutimus et
maculas sordium lacrymis lavamus. Gregorius Moralium. Quanto autem aliqui liberius
peragunt perversa quae volunt, tanto eius servitio obnoxius obligantur.
Augustinus. O miserabilis servitus. Servus hominis aliquando sui domini
duris imperiis fatigatus, fugiendo requiescit : servus peccati quo fugit?
Secum trahit quocumque fugerit : peccatum enim quod facit intus est; voluptas
transit, peccatum non transit : praeteriit quod delectabat, remansit quod
pungat. Solus de peccato liberare potest qui venit sine peccato, et factus
est sacrificium pro peccato; nam sequitur servus autem non manet in domo in
aeternum. Ecclesia est domus, servus peccator est : multi intrant in
Ecclesiam peccatores. Non ergo dixit servus non est in domo, sed non manet in
domo in aeternum. Si ergo nullus ibi servus erit, quis ibi erit? Quis
gloriabitur mundum se esse a peccato? Multum nos terruit; sed adiungit filius
autem manet in aeternum. Ergo solus in domo sua erit Christus. An forte in
hoc quod dicit filius, caput et corpus est? Non enim sine causa terruit et
spem dedit; terruit, ne peccatum amaremus; spem dedit, ne de peccati
absolutione diffideremus. Haec est ergo spes nostra ut a libero liberemur :
ipse enim pretium dedit, non argentum, sed sanguinem suum; et propter hoc
subditur si ergo filius vos liberaverit, vere liberi eritis. Augustinus de Verb. Dom. Non a barbaris, sed a
Diabolo; non a corporis captivitate, sed ab animae iniquitate. Augustinus in Ioannem. Prima libertas est carere
criminibus; sed ista inchoata est, non perfecta libertas : quia caro
concupiscit adversus spiritum, ut non ea quae vultis faciatis. Libertas autem
plena atque perfecta est quando nullae erunt inimicitiae, quando novissima
inimica mors destruetur. Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter. Quia dixerat
qui facit peccatum, servus est peccati, ne praecurrant et dicant :
immolationes habemus, illae nos eripere possunt; propterea induxit servus non
manet in domo in aeternum. Filius manet in aeternum. Domus mentionem facit,
patris principatum domum nominans, ostendens ex translatione humanorum,
quoniam sicut dominus in domo, ita ipse omnium potestatem habet : hoc enim
quod dicit non manet, significat : non habet potestatem donandi; sed filius,
qui est dominus domus, habet. Et ideo sacerdotes veteris legis non habebant
potestatem per sacramenta legalia peccata dimittere : omnes enim peccaverunt,
etiam sacerdotes, qui pro seipsis, ut dicit apostolus, necesse habebant
sacrificia offerre; sed filius hanc habet potestatem; unde concludit si ergo
filius vos liberaverit, vere liberi eritis : ostendens quod mundana libertas,
de qua gloriabantur, non est vera libertas. Augustinus. Noli ergo libertate abuti ad libere
peccandum; sed utere ad non peccandum : erit enim voluntas tua libera, si
fuerit pia; eris liber, si fueris servus iustitiae. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 54 sur Saint Jean). Notre
Seigneur voulait appuyer sur de solides fondements la foi de ceux qui avaient
cru en lui, pour que cette foi ne soit point purement superficielle. Jésus
dit donc à ceux des Juifs qui croyaient en lui : « Si vous demeurez dans ma parole, vous serez vraiment mes disciples.
» Par ces paroles : « Si vous
demeurez, » il révèle les dispositions intérieures de leur cœur; il
savait bien, en effet, que certains avaient cru, mais il savait aussi que
leur foi ne persévérerait pas, et [pour les affermir dans la foi,] il leur
fait une magnifique promesse, c'est qu'ils deviendront vraiment ses
disciples. Il blâme indirectement par là ceux qui s'étaient précédemment
séparés de lui; ils l'avaient entendu, ils avaient cru en lui, et ils le
quittèrent, parce qu’ils furent incapables de persévérer. —
Saint Augustin : (serm. 40 sur les par. du Seig).
Nous n'avons tous qu'un seul maître, et nous sommes tous également ses
disciples. Nous ne portons pas justement le titre de maîtres, parce que nous
enseignons d'un lieu plus élevé, le véritable maître de tous les hommes est
celui qui habite au dedans de nous. Or, l'important pour le disciple n'est
point d'approcher de son maître, il faut que nous demeurions en lui; et si
nous ne demeurons pas en lui, notre chute est inévitable. Si vous demeurez,
c'est là une œuvre abrégée en apparence, oui, abrégée dans les termes, mais
bien étendue dans l'exécution. Qu'est-ce, en effet, que demeurer dans les
paroles du Seigneur, si ce n'est ne succomber à aucune tentation ? Si vous
agissez sans efforts, vous recevez la récompense sans l'avoir méritée, mais
si vous avez de grands obstacles à vaincre, considérez aussi la grande
récompense qui vous attend : « Et vous
connaîtrez la vérité. » —
Saint Augustin : (Traités 40 et 41). C'est-à-dire,
vous croyez maintenant, si vous demeurez dans la foi, vous verrez [ce qui fait
l'objet de votre foi]; car remarquez-le bien, la foi ne fut point produite
par la connaissance, mais la connaissance a été le fruit de la foi. Qu'est-ce
que la foi ? croire ce que vous ne voyez pas; qu'est-ce que la vérité ? voir
ce que vous avez cru. Si donc nous demeurons dans ce que nous croyons, nous
parviendrons à la claire vision, c'est-à-dire que nous contemplerons la
vérité telle qu'elle est, non plus par l'intermédiaire de paroles qui
retentissent à nos oreilles, mais à la splendeur éclatante de la lumière
elle-même. Or, la vérité est immuable, c'est un pain [véritable qui répare
les forces] de l'âme ; il répare et ne s’épuise pas ; il change en lui
celui qui s'en nourrit, mais il n'est pas changé en celui qu'il nourrit. La
vérité c'est le Verbe de Dieu lui-même, cette vérité s'est revêtue d'une
chair mortelle pour nous ; elle se cachait sous l'enveloppe de la chair,
non point dans le dessein de se voir niée, mais elle différait de se faire
connaître, afin qu'elle pût ainsi souffrir dans la chair, et racheter par ses
souffrances la chair du péché. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 53). Ou bien vous connaîtrez
la vérité, c'est-à-dire, vous me connaîtrez moi-même, car je suis la vérité ;
la loi des Juifs ne renfermait que des figures, c'est par moi que vous
connaîtrez la vérité. —
Saint Augustin : (serm. sur les par. du
Seign). Quelqu'un
dira peut-être : Et que me servira-t-il de connaître la vérité ? Ecoutez ce
qu'ajoute Notre Seigneur : « Et la vérité vous rendra libres. »
Il semble leur dire : Si la vérité vous touche peu, soyez du moins sensibles
au charme de la liberté, car être délivré, c'est être libre, de même qu'être
guéri, c'est être rendu à la santé. Cette signification ressort bien plus
clairement du texte grec έλεθερώσei, car dans la langue latine,
le mot délivrer (liberari) signifie plutôt échapper au danger, être
affranchi de toutes choses pénibles. — Théophylactus : Il a menacé plus haut ceux qui persévèrent dans leur infidélité de les
laisser mourir dans leurs péchés, ici, au contraire, il promet à ceux qui
demeurent dans sa parole l'absolution de leurs péchés. —
Saint Augustin : (de la Trin., 4, 18). Mais de quoi la
vérité nous délivrera-t-elle, si ce n'est de la mort, de la corruption, du
changement ? car la vérité demeure immortelle, incorruptible, immuable, et la
véritable immutabilité, c'est l'éternité elle-même. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 53). Il était du devoir de
ceux qui avaient cru en Jésus-Christ du supporter au moins les reproches
qu'il leur adressait; loin de là, ils entrent aussitôt en fureur contre lui.
Mais si les paroles du Sauveur avaient dû être pour eux une cause de trouble,
c'était plutôt celles qui précèdent : «
et vous connaîtrez la vérité; » et ils auraient eu quelque raison de dire
: Nous ne connaissons donc point la vérité, notre loi n'est donc que
mensonge, ainsi que notre science. Mais ils n'ont aucun souci de la vérité,
et leur mécontentement porte tout entier sur des objets profanes, car ils ne
connaissaient d'autre servitude que la servitude du monde. Les Juifs lui
répondirent : « Nous sommes la race
d'Abraham, et nous n'avons jamais été esclaves de personne. Comment donc
pouvez-vous dire : Vous deviendrez libres ? » C'est-à-dire,
vous ne devez pas traiter d’esclaves ceux qui sont de la race d’Abraham, libres
par leur naissance, nous n'avons jamais été esclaves. —
Saint Augustin : (Traité 41). On peut dire aussi que
cette réponse fut faite non point par ceux qui avaient cru aux paroles du
Sauveur, mais par ceux qui n'avaient pas encore la foi en lui. Mais comment
pouvez-vous dire en vérité que vous n'avez jamais été les esclaves de
quiconque, si vous l'entendez de la servitude extérieure et publique ? Est-ce
que Joseph n'a pas été vendu ? Est-ce que les saints prophètes n'ont pas été
conduits en captivité ? O ingrats que vous êtes ! pourquoi donc Dieu
vous reproche-t-il continuellement d'oublier qu'il vous a délivrés de la
demeure de la servitude, si vous n'avez jamais été esclaves ? Mais vous-mêmes
qui tenez ce langage, pourquoi payez-vous le tribut aux Romains, si vous
n'avez jamais été asservis à personne ? —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 53). Or comme le Sauveur ne
parlait point par un motif de vaine gloire, mais uniquement pour leur salut,
il s'abstient de leur prouver qu'ils étaient esclaves des hommes, et [il se
borne à leur montrer qu'ils sont] sous l'esclavage du péché, esclavage le
plus dur de tous, et dont Dieu seul peut délivrer : « Jésus leur répartit : En vérité, en vérité, je vous le dis, quiconque
commet le péché est esclave du péché.» —
Saint Augustin : (Traité 41) Cette manière de parler
dans la bouche du Sauveur, annonce toujours une vérité sur laquelle il veut
attirer notre attention, c'est comme une espèce de serment. Amen veut
dire vrai, et cependant ni l'interprète grec, ni l'interprète latin
n'ont voulu exprimer cette signification du mot amen qui est un mot
hébreu; on ne peut pas l’interpréter, peut-être pour protéger le mystère de
ce mot sous le voile du secret, non pas sans doute pour en cacher absolument
la signification, mais pour en prévenir la profanation. Sa répétition même
prouve son importance : « C’est la
vérité que je vous le dis, » c’est la vérité même qui vous parle,
quand bien même elle ne vous préviendrait pas qu'elle dit la vérité, il lui
serait absolument impossible de ne point la dire; cependant elle tient à le
rappeler, elle réveille pour ainsi dire les âmes endormies, elle veut
défendre de tout mépris ses enseignements. Tout homme, dit-elle, Juif ou
Grec, riche ou pauvre, roi ou mendiant, s'il commet le péché, devient esclave
du péché. —
Saint Grégoire : (4 Mor., 21 ou 42)
Tout homme, en effet, qui se laisse dominer par un désir coupable, abaisse et
plie la liberté de son âme sous le joug de la servitude; nous résistons à
cette servitude, lorsque nous luttons contre l’iniquité qui veut nous
dominer, lorsque nous résistons énergiquement à [la tyrannie de] l'habitude,
lorsque nous détruisons en nous le crime par le repentir, lorsque nous lavons
dans nos larmes les souillures de nos fautes. —
Saint Grégoire : (Moral., 25, 14 ou 20). Plus on se
plonge librement dans tous les excès du crime, et plus on resserre
étroitement les chaînes de cet esclavage. —
Saint Augustin : (Traité 41) O misérable servitude !
L'esclave d'un homme, fatigué du joug tyrannique de son maître, cherche son
repos dans la fuite, mais où peut fuir l'esclave du péché ? Partout où il
dirige ses pas, il se porte avec lui; le péché qu'il a commis est au-dedans
de lui-même; la volupté passe, le péché ne passe pas; le plaisir qui flatte
passe, le remords qui déchire demeure. Celui-là seul peut nous délivrer du
péché qui est venu sur la terre sans aucun péché, et qui s'est offert en
sacrifice pour le péché. Car « pour
l'esclave, ajoute le Sauveur, il ne
demeure pas toujours dans la maison ». Cette maison, c'est l'Eglise,
l'esclave, c'est le pécheur; un grand nombre de pécheurs entrent dans
l'Eglise, aussi Notre Seigneur ne dit pas : l'esclave n'est pas dans la
maison, mais : « Il ne demeure pas toujours dans la maison. » Mais s'il
n'y a point d'esclave dans la maison, qu'y aura-t-il donc ? Qui peut se
glorifier d'être pur de tout péché ? Cette parole du Sauveur est vraiment
effrayante, aussi ajoute-t-il : « Mais
le Fils y demeure toujours. » Est-ce donc que le Christ sera seul dans sa
maison ? Ou bien, sous le nom de Fils, comprend-il le chef et les membres ?
Ce n'est pas sans raison qu'il inspire tour à tour la crainte et l'espérance,
la crainte pour nous détourner d'aimer le péché, l'espérance pour ne point
nous laisser désespérer du pardon de nos péchés. Notre espérance est donc
d'être délivré par celui qui est libre; c'est lui qui a payé notre rançon,
non point avec de l'argent, mais avec son sang, et c'est pour cela qu'il
ajoute : « Si le Fils vous délivre, vous serez véritablement libres. » —
Saint Augustin : (serm. 48 sur les par. du Seig).
Vous serez libres, non point du joug des barbares, mais des chaînes du
démon, non point de la captivité du corps, mais de l'iniquité de l'âme. —
Saint Augustin : (Traité 41 sur Saint Jean). La
liberté qui vient en premier lieu consiste à être exempt de tout crime, mais
ce n'est que le commencement de la liberté, ce n'en est point la perfection,
parce que la chair ne cesse de convoiter encore contre l'esprit, de sorte que
vous ne fassiez pas ce que vous voulez. (Ga 6) La liberté pleine et
parfaite nous sera donnée, lorsque toutes les inimitiés auront cessé, et que
la mort, c'est-à-dire, le dernier ennemi, sera détruite. (1 Co 15,
26). —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 43 sur Saint Jean). On
peut encore donner cette explication. Les Juifs, à ces paroles du Sauveur : «
Celui qui commet le péché est esclave du péché », pouvaient
objecter : nous avons des sacrifices qui peuvent nous délivrer du péché;
Notre Seigneur les prévient donc en leur disant : « L'esclave ne demeure pas toujours dans la maison. Le Fils y reste
pour toujours. » Sous le nom de maison, il veut désigner le royaume de
son Père, et par cette comparaison empruntée aux choses humaines, il leur
apprend qu'il a puissance et autorité sur toutes choses, de même que le
maître d'une maison sur tout ce qu'elle renferme. En effet, cette expression
: « Il ne demeure pas, » signifie :
Il n'a le pouvoir de rien donner, le Fils, au contraire, qui est le maître de
la maison, a ce pouvoir; voilà pourquoi les prêtres de l'ancienne loi
n'avaient point le pouvoir de remettre les péchés par les sacrifices de la
loi ancienne, « car tous ont péché, »
(Rm 7, 23) même les prêtres, qui ont aussi besoin, comme le dit
l'Apôtre, d'offrir des sacrifices pour eux-mêmes (He 7, 27); le Fils,
au contraire, a ce pouvoir, c'est pour cela qu'il conclut en disant : « Si le Fils vous délivre, vous serez
vraiment libres, » leur montrant ainsi que la liberté du monde dont ils
se glorifiaient, n'était pas la vraie liberté. —
Saint Augustin : (Traité 41) Gardez-vous donc
d'abuser de cette liberté pour pécher plus librement, mais servez-vous-en, au
contraire, pour fuir le péché, car votre volonté sera libre si elle est
sincèrement pieuse; vous serez affranchis du péché si vous êtes esclaves de
la justice. |
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Lectio 9 |
Versets 37-41 |
[86065] Catena in Io., cap. 8 l. 9 Augustinus
in Ioannem. Iudaei se liberos dixerant, quia semen erant Abrahae. Quid
ergo dominus ad hoc responderit subditur scio quia filii Abrahae estis; quasi
dicat : agnosco vos quia filii estis Abrahae carnis origine, non cordis fide;
et ideo subdit sed quaeritis me interficere. Chrysostomus in Ioannem. Hoc enim addidit ut non
dicant : peccatum non habemus. Dimittens enim omnem eorum vitam redarguere,
hoc quod prae manibus erat, quod adhuc agere volebant, ducit in medium.
Paulatim enim eos a cognatione illa removit, erudiens in hoc non magna
sapere. Sicut enim libertas et servitus est ab operibus, ita et cognatio. Sed
ne dicerent : hoc iuste agimus, subiungit causam, dicens quia sermo meus non
capit in vobis. Augustinus. Idest, non capit cor vestrum, quia non
recipitur a corde vestro. Sic est enim sermo Dei fidelibus tamquam pisci
hamus : tunc capit quando capitur; nec fit iniuria illis qui capiuntur : ad
salutem quippe, non ad perniciem capiuntur. Chrysostomus. Et non dixit : non capitis meum
sermonem; sed non capit meus sermo in vobis, altitudinem suorum dogmatum
ostendens. Sed possent dicere : quid si a teipso loqueris? Propter hoc
inducit subdens ego quod vidi apud patrem meum, loquor : non enim solum
eamdem substantiam, sed eamdem veritatem habeo patris. Augustinus. Dominus autem patrem suum Deum vult
intelligi; quasi dicat : veritatem vidi, veritatem loquor, quia veritas sum.
Si ergo dominus veritatem loquitur quam vidit apud patrem, se vidit, se
loquitur, quia ipse est veritas patris. Origenes in Ioannem. Manifestat autem haec
auctoritas salvatorem fuisse visorem eorum quae sunt apud patrem; cum tamen
homines, quibus revelatio fit, visores non sint. Theophylactus. Cum
vero audis quod vidi loquor, nequaquam corporalem visionem intelligas, sed
naturalem notitiam veram et approbatam. Sicut enim oculi videntes, integre
aliquid et vere prospiciunt, nec falluntur; sic ego veraciter ea loquor quae
cognovi a patre meo. Sequitur et vos quod vidistis apud patrem vestrum
facitis. Origenes. Adhuc non nominat patrem ipsorum. Paulo
superius Abraham commemoravit; sed dicturus est alterum patrem eorum,
scilicet Diabolum, cuius filii erant, inquantum mali erant, non inquantum homines
erant. Malum ergo quod faciunt, dominus eis obiurgat et corripit. Chrysostomus. Alia littera habet : et vos quae
vidistis apud patrem vestrum, facite; quasi dicat : sicut ego verbis et
veritate ostendo patrem, ita et vos a rebus ostendite Abraham. Origenes. Item alia littera habet : et vos quae
audistis a patre, facite. Audierant enim a patre ea quae in lege et prophetis
scripta sunt. Qui autem hoc verbo contra eos qui alterius opinionis sunt,
fuerit usus, ostendit quod non alius Deus est qui legem dedit et prophetas,
et Christi pater. Quaeramus etiam ab inferentibus duas naturas, dicentes : a
patre quidem audivisse alienos, inconveniens est. Si autem proprii salvatoris
erant, et beatae naturae, qualiter quaerebant illum occidere, et salvatoris sermonem
non capiebant? Illi autem longe molestius acceperunt quam protulerit dominus,
quis eorum esset pater : nam eum qui multarum gentium pater est, fatentur sui
fore patrem; unde sequitur responderunt et dixerunt : pater noster Abraham
est. Augustinus. Quasi dicant : quid tu dicturus es
contra Abraham? Videbantur enim eum provocare ut aliquid mali diceret de
Abraham, et esset eis occasio faciendi quod cogitabant. Origenes. Sed et hoc ipsum salvator interimit
tamquam falso dictum; unde subditur dicit eis Iesus : si filii Abrahae estis,
opera Abrahae facite. Augustinus. Et tamen superius ait : scio quia filii
Abrahae estis; unde non negavit eorum originem, sed facta condemnat. Caro
eorum ex illo erat, sed vita non erat. Origenes. Vel dicendum, quod supra in Graeco habetur
: scio quod semen Abrahae estis. Ut ergo haec pateant, videamus primo
corporalis seminis et filii differentiam. Manifestum enim est quod semen in
seipso habet rationes eius cuius est semen, adhuc manentes et pausantes;
filius vero, transmutato semine, et agente in appositam sibi materiam a
muliere, per superinducta nutrimenta similitudinem accipit generantis : et
quantum ad corporalia si aliquis est filius alicuius, subsistit ex semine; si
vero aliquod est semen, non omnino filius efficitur. Quoniam autem ex
operibus iudicantur aliqui semen Abrahae, videndum est ne forte ex aliquibus
seminalibus rationibus, infusis quibusdam animabus, oporteat imaginari eos
qui semen sunt Abrahae. Non omnes igitur homines semen sunt Abrahae : neque
enim omnes habent huiusmodi rationes consitas in eorum animabus. Oportet
igitur eum qui Abrahae semen est, eius fieri per similitudinem et filium.
Possibile vero est ex negligentia et otio destruere hoc quod est eius semen.
Hi autem ad quos sermo erat, adhuc in spe erant : unde sciebat Iesus quod
adhuc semen erant Abrahae, et nondum peremerant possibilitatem fiendi filii
Abrahae : propter quod eis dicit si filii Abrahae estis, opera Abrahae
facite. Si autem super hoc quod erant semen Abrahae, ad augmentum magnitudinis
adolevissent, verbum Iesu caperent. Sed quia non accesserant ad hoc quod
essent filii, verbum non capiunt, sed interficere volunt verbum, et quasi
confringere, non capientes magnitudinem eius. Si igitur aliquis vestrum semen
est Abrahae, et adhuc verbum Dei non capit, non quaerat interficere verbum;
sed transmutet se ad hoc quod sit filius Abrahae, et tunc poterit capere
filium Dei. Quidam autem unum ex operibus eligunt Abrahae, illud scilicet :
credidit Abraham Deo, et reputatum est illi ad iustitiam. Ut autem concedatur
eis quod fides sit opus, cur non dictum est singulariter : opus Abrahae
facite, sed pluraliter? Puto enim quod hoc dictum aequipollet ei quod est :
cuncta opera Abrahae facite; ut tamen ex historia Abrahae allegorice sumpta
opera eius spiritualiter prosequamur. Neque enim oportet eum qui vult esse
filius Abrahae, adire ancillarum coniugia, nec post obitum coniugis in
senectute aliam ducere coniugem. Sequitur nunc autem quaeritis me
interficere, hominem qui veritatem locutus sum vobis. Chrysostomus. Hanc scilicet veritatem, quod est
patri aequalis; propter hoc enim Iudaei quaerebant eum interficere. Et ut
ostendat quod hoc non est contrarium patri, subdit quam audivi a Deo. Alcuinus. Quia ipse qui est veritas, a Deo patre genitus
erat : audire enim nihil aliud est quam esse a patre. Origenes. Occidere me, inquit, hominem. Interim non
dico filium Dei; non dico verbum, quia non moritur verbum; hoc dico, quod
videtis, quia quod videtis potestis occidere, et quem non videtis, offendere.
Sequitur hoc Abraham non fecit. Alcuinus. Quasi dicat : in hoc probatis vos non esse
filios Abrahae, quia facitis opera contraria operibus Abrahae. Origenes. Sed diceret ad hoc quidam, quoniam
superflue dictum est hoc, quod non fecerit Abraham quod suis temporibus non
contingebat fieri : non enim in suis diebus natus erat Christus. Sed
dicendum, quod in temporibus Abrahae natus fuerat homo, qui quam audierat a
domino veritatem, dicebat; non tamen quaesitus est ab Abraham, ut eum
occideret. Et scias quod spiritualis adventus Iesu nullo tempore defuit
sanctis. Ex hoc igitur comprehendo, omnem hominem, qui post regenerationem et
ceteras apud se factas divinitus gratias, peccat, denuo crucifigere Dei
filium propriis reatibus, in quos rediit; sed hoc Abraham non fecit. Sequitur
vos facitis opera patris vestri. Augustinus. Adhuc non dicit quis est iste pater
eorum. Chrysostomus. Dicit autem hoc dominus, volens eis
auferre superfluam gloriam de cognatione, et suadere eis ut non ultra spem
salutis habeant in cognatione naturali, sed in ea quae est secundum
adoptionem : hoc enim eos prohibebat venire ad Christum, quia aestimabant
cognationem Abrahae sibi sufficere ad salutem. |
—
Saint
Augustin : (Traité 42 sur Saint Jean). Les
Juifs se proclamaient libres, parce qu'ils étaient la semence d'Abraham. Que
répond le Sauveur à cette prétention ? «
Je sais que vous êtes enfants d'Abraham, » c'est-à-dire, je sais que vous
êtes les descendants d'Abraham par la chair, mais non par la foi du cœur, et
c'est pour cela qu'il ajoute : « Mais
vous cherchez à me faire mourir. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 53 sur Saint Jean). Notre
Seigneur ajoute ces paroles pour réprimer leur arrogance et les empêcher de
dire : « Nous n'avons point de péché. » Il s'abstient de leur reprocher toute
leur vie, il les prend sur le fait et leur met sous les yeux l'acte qu'ils
voulaient accomplir. Il leur enlève peu à peu l'honneur de cette parenté et
leur apprend à ne point tant s'en glorifier, car ce sont les œuvres surtout
qui établissent la véritable parenté, de même que ce sont les œuvres qui font
les hommes libres ou esclaves. Et pour leur ôter tonte excuse de dire qu'ils
agissaient en cela avec justice, le Sauveur leur fait connaître la cause de
leurs desseins coupables : « parce que
ma parole ne pénètre point en vous. » —
Saint Augustin : (Traité 42) C'est-à-dire,
elle ne prend point votre cœur, parce qu'il ne la reçoit pas. La parole de
Dieu est pour les fidèles ce qu'est l'hameçon pour le poisson, il prend
l'hameçon lorsqu'il est pris, et ici aucun mal n'est fait à ceux qui sont
pris de la sorte, car c'est pour leur salut et non pour leur perte qu'on les prend. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 53). Notre Seigneur ne dit
pas : Vous ne prenez pas ma parole, mais : « Ma parole ne prend point en vous, » pour montrer la
hauteur des vérités qu'il enseigne. Mais ils pouvaient lui dire : [Où est la
justice de votre réponse], si vous parlez de vous-même ? Il se hâte donc
d'ajouter : « Ce que j'ai vu dans
mon Père, je le dis, » non seulement j'ai la même substance, mais la même
vérité que lui. —
Saint Augustin : (Traité 42). Notre Seigneur veut
leur faire comprendre que son Père est Dieu : J'ai vu la vérité, leur dit-il;
je dis la vérité, parce que je suis la vérité. Si donc le Seigneur dit la vérité
qu'il a vue auprès de son Père, il s'est vu lui-même, il s'affirme lui-même,
parce qu'il est lui-même la vérité du Père. — Origène : (Traité 20 sur Saint
Jean). Ces paroles prouvent que le Sauveur a vu par lui-même ce
qui était auprès du Père, tandis que les hommes à qui la vérité est révélée,
ne la voient point par eux-mêmes. — Théophylactus : Il ne faut pas entendre ces paroles du Sauveur : « Je dis ce que j'ai vu», dans le sens d'une vision corporelle,
elles expriment une connaissance naturelle, véritable et parfaite, et veulent
dire : De même que les yeux en fixant un objet, le voient dans son intégrité
et dans sa vérité sans se tromper, ainsi je dis dans toute leur vérité toutes
les choses que j'ai connues de mon Père. «
Et vous, ce que vous avez vu dans votre père, vous le faites. » — Origène : (Traité 20). Il ne nomme pas encore leur Père, il a parlé plus
haut d'Abraham, mais il va leur parler d'un autre père, c'est-à-dire du
démon, dont ils sont enfants, non pas en tant qu'hommes, mais en tant qu'ils
sont livrés au mal. C'est ce mal qu'ils commettent, que le Seigneur reprend
et condamne en eux. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 53). Une autre version porte
: « Faites ce que vous avez vu dans
votre père. » C'est-à-dire, de même que je montre mon Père par mes
paroles et par la vérité de mes œuvres, montrez vous-mêmes Abraham par vos
œuvres. — Origène : Une autre version porte encore : « Pour
vous, faites ce que vous avez entendu de votre père », car ils
avaient appris du Père ce qui est écrit dans la loi et les prophètes. Si l'on
adopte cette version, on pourra la faire servir à prouver contre ceux qui
sont d'une opinion contraire, que le Dieu qui a donné la loi et inspiré les
prophètes, n'est autre que le Père de Jésus-Christ. Interrogeons aussi ceux
qui soutiennent le système des deux natures, diront-ils qu'ils ont entendu la
parole du Père, quoique lui étant étrangers ? Cela n'est pas possible;
soutiendront-ils qu'ils participaient à la même nature heureuse que le
Sauveur, comment alors cherchaient-ils à le mettre à mort, et ne
pouvaient-ils comprendre sa parole ? Ils ne purent supporter que le Sauveur prolongeât la
discussion sur cette question, quel était leur père, car ils prétendaient que
celui qui était le père d'un grand nombre de nations était aussi leur père : « Ils lui répondirent : Notre père
est Abraham. » —
Saint Augustin : Ils semblent lui dire : Quel
reproche pouvez-vous faire à Abraham ? Et ils semblent l'exciter à dire du
mal d'Abraham pour y trouver eux-mêmes l'occasion d'exécuter leur dessein. — Origène : Mais le Sauveur leur enlève ce moyen de défense comme n'étant point
fondé sur la vérité : « Jésus leur dit
: Si vous êtes les enfants d'Abraham, faites les œuvres d'Abraham. » —
Saint Augustin : Et cependant il leur a dit
plus haut : Je sais que vous êtes les enfants d'Abraham, il ne met donc point
en doute leur origine, mais il condamne leur conduite. Leur chair descendait
d'Abraham, mais leur vie n'en venait pas. — Origène : (Traité 20). On peut encore donner une autre explication fondée sur le texte
grec : « Je sais que vous êtes de la
semence d'Abraham. » Pour rendre cette explication plus claire,
voyons d'abord la différence qui existe entre la semence destinée à former le
corps et l'enfant. Il est évident d'abord que la semence a en elle-même
toutes les raisons constitutives de celui dont elle est la semence, bien
qu'elles soient encore à l'état d'inaction et de repos. Mais après la
transformation de cette semence et son action particulière sur la matière qui
lui est présentée par la femme, l'enfant, au moyen de l'alimentation qu'il
reçoit, prend lui-même la forme de celui qui l'a engendré. Quant au corps,
tout enfant vient nécessairement d'une semence, mais toute semence ne se
transforme pas en enfant. Mais puisque c'est par les œuvres que l'on juge
quels sont ceux qui méritent d'être considérés comme la race, comme la
semence d'Abraham, voyons si ce ne serait pas au moyen de certaines semences
intellectuelles répandues dans les âmes qu'on pourrait reconnaître ceux qui
sont de la race d'Abraham. Tous les hommes ne sont donc pas la semence
d'Abraham, parce que tous n'ont pas ces semences intellectuelles infuses dans
leurs âmes. Il faut que celui qui est la semence d'Abraham, devienne aussi
son fils en prenant sa ressemblance. Or, il peut arriver que par suite de sa
négligence ou de son inaction, il détruise en lui cette précieuse semence.
Quant à ceux à qui Notre Seigneur s'adressait, toute espérance n'était pas
encore détruite, Jésus savait qu'ils étaient encore la semence d'Abraham, et
qu'ils n'avaient pas encore perdu le pouvoir de devenir enfants d'Abraham.
C'est pourquoi il leur dit : « Si vous
êtes les enfants d'Abraham, faites les œuvres d'Abraham. » Si, outre le
fait qu’ils étaient la semence d’Abraham, ils avaient voulu laisser croître
cette précieuse semence jusqu'à son parfait développement, ils auraient
compris la parole de Jésus. Mais comme ils ne sont point parvenus à être les
enfants d'Abraham, ils ne peuvent comprendre cette parole, et ils cherchent à
la détruire et comme à la briser, parce qu'ils n'en comprennent point la
grandeur. Si donc quelqu'un d'entre vous est la semence d'Abraham, et qu'il
ne comprenne pas encore le Verbe de Dieu, qu'il se garde bien de chercher à
mettre le Verbe à mort, mais qu'il se transforme en fils d'Abraham, et alors
il pourra comprendre le Fils de Dieu. Il en est qui se bornent à choisir une
seule des œuvres d'Abraham, celle [que l'Apôtre relève en ces termes] : « Abraham crut à la parole de Dieu,
et sa foi lui fut imputée à justice. » Mais si, comme ils le prétendent,
la foi est la seule œuvre nécessaire, pourquoi le Sauveur n'a-t-il pas dit au
singulier : « Faites l'œuvre d'Abraham, » mais au pluriel : « Faites les œuvres d'Abraham » ? Ces
paroles sont l'équivalent de celles-ci : Faites toutes les œuvres d'Abraham,
en prenant toutefois la vie d'Abraham dans le sens allégorique et ses actions
dans un sens spirituel. En effet, celui qui veut devenir le fils d'Abraham,
ne doit point, à l'exemple d'Abraham, prendre ses servantes pour épouses, ni
après la mort de sa femme en épouser une autre dans sa vieillesse. « Mais maintenant vous cherchez à me faire
mourir, moi qui vous ai dit la vérité. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 53). Quelle vérité ? Qu'il
est égal au Père, car c'est pour cela que les Juifs cherchaient à le mettre à
mort. Et pour leur montrer que cette vérité n'est pas contraire à Dieu, il
ajoute : « que j'ai entendue de Dieu. » —
Alcuin : C'est qu'en effet, celui qui
est la vérité avait été engendré par le Père, car pour lui entendre du Père,
n'est autre qu'être engendré de Dieu le Père. — Origène : « Me faire mourir, moi un
homme... »
Je ne dis pas encore : Moi le Fils de Dieu, je ne dis pas : Moi le Verbe,
parce que le Verbe ne meurt pas; je dis ce que vous voyez, parce que vous pouvez
mettre à mort ce que vous voyez, et que vous ne pouvez qu'outrager ce que
vous ne voyez pas. « Ce n'est point ce
qu'à fait Abraham. » —
Alcuin : C'est-à-dire, vous prouvez
justement que vous n'êtes pas les enfants d'Abraham, parce que vous faites
des œuvres contraires à celles qu'a faites Abraham. — Origène : Mais, me dira-t-on, c'est bien inutilement qu'on fait un mérite à
Abraham de n'avoir point fait ce qu'il n'aurait pu faire de son temps, car le
Christ n'était pas né du temps d'Abraham. Nous répondons qu'au temps même
d'Abraham il y avait des hommes qui annonçaient la vérité qu'ils avaient
entendue de Dieu, et que certainement Abraham ne chercha point à les mettre à
mort. Il faut se rappeler, en effet, que l'avènement spirituel de Jésus a
toujours été présent pour les saints, d'où je conclus que tout homme qui
après sa régénération et les grâces célestes qu'il a reçues, retombe dans le
péché, crucifie de nouveau le Fils de Dieu par les crimes dans lesquels il
retombe. Ce que n'a pas fait Abraham. «
Vous faites les oeuvres de votre père. » —
Saint Augustin : (Traité 42). Il ne leur dit pas
encore quel est leur père. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 53). Son dessein, en leur
parlant de la sorte, est de détruire en eux ces sentiments de vaine gloire que
leur inspire leur parenté avec Abraham, et de bien les persuader de placer
l'espérance de leur salut, non point dans une parenté toute naturelle, mais
dans la parenté fondée sur l'adoption [spirituelle], parce, qu'en effet ce
qui les empêchait de venir à Jésus-Christ, c’est qu'ils pensaient que cette
parenté avec Abraham suffisait pour le salut. |
Lectio 10 |
Versets 41-43
|
[86066] Catena in Io., cap. 8 l. 10 Augustinus in
Ioannem. Coeperant Iudaei utrumque cognoscere : quia non de carnis
generatione loqueretur dominus, sed de vitae institutione. Consuetudo autem
Scripturarum est fornicationem spiritualiter appellare, cum diis multis et
falsis anima tamquam prostituta subicitur; unde dicitur dixerunt itaque ei :
nos ex fornicatione non sumus nati, unum patrem habemus Deum. Theophylactus. Quasi responderent, quod Dei
quaererent ultionem; et ideo adversus eum consiliarentur. Origenes in Ioannem. Vel aliter. Quia redarguti sunt
non esse filii Abrahae, atrocius respondent, latenter designantes, ex
adulterio productum fore salvatorem. Sed magis mihi videtur quod conrixando
responderunt. Cum enim prius dixissent : pater noster Abraham est, et
audissent : si filii Abrahae estis, opera Abrahae facite, fatentur se habere
maiorem patrem quam Abraham, scilicet Deum, et non ex fornicatione sumpsisse
exordium. Non enim ex sponsa, sed ex meretrice, seu materia, Daemon, qui
nihil facit ex se, producit eos qui carnalibus usi inhaerent materiae. Chrysostomus in Ioannem. Sed quid dicitis vos?
Patrem habetis Deum, et Christum incusatis haec dicentem? Et nimirum ex
fornicatione multi eorum nati erant; etenim illicitas commixtiones faciebant;
non tamen hoc redarguit; sed instat, ut ostendat quod non sunt ex Deo; unde
sequitur dixit ergo eis Iesus : si Deus pater vester esset, diligeretis
utique me : ego enim ex Deo processi et veni. Hilarius de Trin. Religiosi nominis assumptionem Dei
filius in his qui se Dei filios confitentes, patrem sibi Deum dicerent, non
improbavit; sed temerariam Iudaeorum usurpationem patrem sibi Deum praesumentium,
per id quod se non diligerent, obiurgat. Non utique dici potest idipsum esse
ex Deo exire, quod venisse. Sed cum ab his qui sibi Deum patrem dicerent,
idcirco se diligendum ait, quia ex Deo exiisset; causam dilectionis ex causa
docuit esse nascendi. Exiisse enim ad incorporalis nativitatis retulit nomen
: quia religio profitendi sibi patrem Deum, ex dilectione Christi, qui ex eo
genitus est, merenda sit. Nec enim in Deum patrem fit religiosus qui non
diligit filium, cum diligendi filii non alia causa sit quam quod ex Deo sit.
Ex Deo igitur filius est, non adventu, sed nativitate. Dilectio autem in
patrem hinc erit omnis, si filius ex eo esse credatur. Augustinus. Sic ergo, quod de Deo processit verbum,
aeterna processio est : ab illo enim processit ut verbum patris, et venit ad
nos, quia verbum caro factum est. Adventus eius, humanitas eius; mansio eius,
divinitas eius. Dicitis Deum patrem, cognoscite me vel fratrem. Hilarius. Non esse autem a se sibi originem docuit,
cum subdit neque enim a meipso veni, sed ille me misit. Origenes. Haec arbitror dici propter quosdam per se
venientes, et non missos a patre, de quibus in Ieremia dicitur : non mittebam
eos, et ipsi currebant. Quoniam autem qui duas naturas ingerunt, utuntur hoc
verbo, obiciendum est contra illos. Paulus enim odiebat Iesum cum
persequeretur Ecclesiam Dei; unde dominus ad eum : quare me persequeris? Si
ergo verum est quod hic dicitur si Deus pater vester esset, diligeretis me,
palam est quoniam et recte convertitur : si non diligeretis, nequaquam Deus
pater vester esset. Paulus autem aliquo tempore non diligebat Iesum : fuit
ergo tempus quo Deus pater Pauli non extitit. Non igitur natura Paulus Dei
filius fuit, sed postmodum Dei filius factus est. Quando vero Deus alicuius
fit pater, nisi quando mandata eius custodit? Chrysostomus. Quia vero semper quaerebant dicentes :
quid est hoc quod dicit : quo ego vado, vos non potestis venire? Propterea
subdit quare loquelam meam non cognoscitis? Quia non potestis audire sermonem
meum. Augustinus in Ioannem. Ideo autem audire non
poterant, quia corrigi credendo nolebant. Chrysostomus. Primo igitur captanda est virtus quae
verbum divinum exaudiat, ut deinceps validi sistamus ad percipiendam totam
locutionem Iesu : quoniam quamdiu quis curatus non est in auditu proprio, a
verbo quod dicit surdo : aperiaris, auditu percipere nequit. |
—
Saint
Augustin : (Traité 42 sur Saint Jean). Les
Juifs avaient commencé à comprendre que Jésus ne leur parlait pas de la
génération selon la chair, mais qu'il s'agissait de la sage direction de
toute la vie. Et comme les saintes Ecritures donnent le nom de fornication
spirituelle au culte, que l'âme, semblable à une prostituée, rend à une
multitude de fausses divinités, ils se hâtent de répondre : « Nous ne sommes pas nés de la
fornication, nous avons un seul père qui est Dieu. » — Théophylactus : Ils lui font entendre par là qu'ils demandent vengeance à Dieu, et
qu'ils invoquent son appui dans les desseins qu'ils forment contre lui. — Origène : (Traité 22 sur Saint Jean). Ou
bien encore, comme Jésus leur a reproché de n'être pas les enfants d'Abraham,
ils lui répondent plus méchamment, et veulent insinuer à mots couverts que le
Sauveur est le fruit de l'adultère. Il me parait cependant plus vraisemblable
que cette réponse fait suite à la discussion. Ils ont commencé par dire : « Notre père est Abraham, » et Jésus
leur a répondu : « Si vous êtes les
enfants d'Abraham, faites les œuvres d'Abraham, » ils déclarent
maintenant qu'ils ont un père plus grand qu'Abraham, c'est-à-dire Dieu, et
qu'ils ne sont point enfants de la fornication. Car ce n'est point d'une
épouse légitime, mais de la matière comme d'une prostituée, que le démon qui
ne fait rien de lui-même, produit ceux qui, plongés dans les jouissances
charnelles, sont esclaves de la matière. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 54) Mais que
dites-vous ? Vous avez Dieu pour père, et vous faites un crime au Christ de
tenir ce langage ? Et cependant un grand nombre d'entre eux étaient
nés de la fornication, car les unions illicites étaient fréquentes chez les
Juifs. Le Sauveur, toutefois, ne leur en fait point un reproche, mais il
s'attache à leur prouver qu'ils ne sont point de Dieu : « Jésus leur dit donc : Si Dieu était votre père, vous m'aimeriez
certainement, parce que je suis sorti de Dieu, et que je viens de sa part. » —
Saint Hilaire : (De la Trin., 6) Le Fils de Dieu ne défend
pas que cet auguste nom soit porté par ceux qui, faisant profession d'être
les enfants de Dieu, reconnaissent Dieu pour leur père; mais il blâme la
téméraire présomption des Juifs qui prétendaient que Dieu était leur père, et
qui n'avaient pour lui, [son Fils], aucun amour. On ne peut dire que sortir
de Dieu et venir de Dieu soient deux termes identiques, mais comme il déclare
que ceux qui proclament Dieu leur père, devraient l'aimer par ce seul motif
qu'il est sorti de Dieu, il donne donc pour motif de cet amour le motif de sa
naissance, car sortir de Dieu est la même chose que naître, incorporellement
de lui. On n'est donc vraiment digne de la religion, par laquelle on
reconnaît Dieu pour père, qu'en aimant Jésus-Christ qui a été engendré du
Père, et il est impossible d'être vraiment religieux envers le Père, sans
aimer le Fils, puisque l'unique cause d'aimer le Fils, c'est qu'il est sorti de
Dieu. Le Fils était donc du Père, non par avènement, mais par naissance, et
la plus grande marque d'amour envers le Père sera toujours de croire que le
Fils est venu de lui. —
Saint Augustin : (Traité 42) Le Verbe procède donc de
Dieu, et il en procède éternellement, car il en procède comme le Verbe du
Père, et il est venu jusqu’à nous, parce que le Verbe s’est fait chair. Son
avènement c'est donc son humanité, et sa demeure, sa divinité. Vous
dites que Dieu est votre Père, reconnaissez-moi au moins pour votre frère. —
Saint Hilaire : Notre Seigneur enseigne
clairement qu'il ne tire point son origine de lui-même en ajoutant : « Je ne suis pas venu de moi-même, mais
c'est lui qui m'a envoyé. » — Origène : Je pense que le Sauveur s'exprime de la sorte à cause de ceux qui
venaient de leur propre autorité, sans être envoyés par le Père, et dont
Jérémie disait : « Je ne les envoyais
point, et ils couraient d'eux-mêmes. »
(Jr 21, 23). Mais comme les partisans des deux natures appuient
leur erreur sur ces paroles, nous pouvons leur demander sous forme
d'objection : Paul, sans doute, haïssait Jésus, lorsqu'il persécutait
l'Eglise de Dieu ? Et voilà pourquoi le Seigneur lui disait : « Pourquoi me persécutez-vous ? » Si
donc nous devons admettre la vérité de cette proposition : « Si Dieu était votre Père, vous
m'aimeriez certainement, » il faut admettre également la vérité de cette
autre proposition : « Si vous ne m'aimiez pas, Dieu ne serait pas votre Père.
» Il fut donc un temps où Paul n'aimait pas Jésus, il fut un temps où Dieu
n'était pas le père de Paul, Paul ne fut donc jamais enfant de Dieu par
nature, mais il est devenu par la suite enfant de Dieu. Or, quand devient-on
le fils de Dieu, si ce n'est quand on observe ses commandements ? —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 54). Comme ils faisaient
sans cesse cette question : Que veut-il dire, quand il nous déclare que là où
il va, nous ne pouvons aller ? le Sauveur ajoute : « Pourquoi ne reconnaissez-vous point mon langage ? parce que vous ne
pouvez point entendre ma parole. » —
Saint Augustin : (Traité 42). Or, ils ne pouvaient
l'entendre, parce qu'ils ne voulaient pas y croire pour réformer leur vie. — Origène : (Traité 22) [référence à vérifier]. La première
chose est donc d'obtenir la vertu d'écouter le Verbe divin, afin d'être plus
fort ensuite pour suivre la doctrine de Jésus dans toute son étendue; car
tant que l'homme n'a pas été guéri dans le sens de l'ouïe, par la parole qui
a dit au sourd de l'Evangile : « Ouvrez-vous,
» (Mc 7) il lui est impossible d'en faire usage pour entendre. |
Lectio 11 |
Versets 44-47 |
[86067] Catena in Io., cap. 8 l. 11 Chrysostomus
in Ioannem. Exclusit Iudaeos dominus a cognatione Abraham; et quia maiora
ausi sunt, ut scilicet patrem suum Deum dicerent, de reliquo percutit eos,
dicens vos ex patre Diabolo estis. Augustinus in Ioannem. Hic iam cavenda est haeresis
Manichaeorum, quae dicit esse quamdam naturam mali, et gentem quamdam
tenebrarum cum principibus suis, unde Diabolus originem ducit; et hinc dicunt
ducere originem carnem nostram; et secundum hoc putant dictum a domino vos ex
patre Diabolo estis : quod essent illi velut natura mali, ducentes originem
de gente contraria tenebrarum. Origenes in Ioannem. In hoc autem simile videntur
incurrisse ei qui diceret alteram esse oculi videntis substantiam et alteram
caligantis vel se avertentis : quemadmodum enim in his non differt
substantia, sed quaedam contingit causa quae facit caligare; sic substantia
eadem est, sive recipiat rationem, sive non. Augustinus. Iudaei ergo filii erant Diaboli
imitando, non nascendo; unde sequitur et desideria patris vestri vultis
facere. Ecce unde filii estis, quia talia desideratis, non quia de illo nati
estis : quaeritis enim me occidere, hominem qui veritatem vobis dico : et
ille invidit homini et occidit; unde sequitur ille homicida erat ab initio :
utique in primo homine, in quo potuit fieri homicidium : non enim posset
occidi homo, nisi prius fieret homo. Non ferro accinctus Diabolus ad hominem
venit; verbum malum seminavit et occidit. Noli ergo putare non esse
homicidium quando fratri tuo mala persuades. Vos autem ideo saevitis in
carnem, quia non potestis in mentem. Origenes in Ioannem. Perpende autem, quod non
propter aliquem singulariter tantum, sed pro toto genere quod peremit,
inquantum in Adam cuncti moriuntur, et vere, dictus est ab initio homicida.
Chrysostomus. Et non dixit : opera, sed desideria
eius facitis, ostendens quoniam vehementer et ille et ipsi ab occisionibus
possidentur : et quia continue eum accusabant quod non est a Deo, insinuat
occulte quod hoc etiam eis ex Diabolo est; unde sequitur et in veritate non
stetit. Augustinus de Civ. Dei. Forte autem aliquis dicet,
quod ab initio suae conditionis in veritate non steterit; et ideo numquam
beatus cum sanctis Angelis fuerit, suo recusans esse subditus creatori, ac
per hoc falsus et fallax, quia pia subiectione noluit tenere quod naturae
est, affectans per superbam elationem simulare quod non est. Huic sententiae
quisquis acquiescit, non cum Manichaeis sapit, ut suam quamdam propriam,
tamquam ex adverso quodam principio, Diabolus habeat naturam mali; qui tanta
vanitate desipiunt, ut non attendant non dixisse dominum : a veritate alienus
fuit; sed in veritate non stetit; ubi a veritate lapsum intelligi voluit.
Illud etiam quod ait Ioannes : ab initio Diabolus peccat, hoc intelligunt, si
naturale est, nullo modo esse peccatum. Sed quid respondetur propheticis
testimoniis? Sive quod ait Isaias sub figurata persona principis Babyloniae
Diabolum notans : quomodo cecidit Lucifer, qui mane oriebatur? Sive quod
Ezechiel : in deliciis Paradisi Dei fuisti : quae si aliter convenientius
intelligi nequeunt, oportet ut quod dictum est, in veritate non stetit, sic
accipiamus, quod in veritate fuerit, sed non permanserit; et illud quod ab
initio Diabolus peccat, non ab initio ex quo creatus est, peccare putandus
est, sed ab initio peccati : coepit enim in ipso peccatum, et ipse initium
peccati fuit. Origenes. Est autem uniforme quidem in veritate
morari : varium autem ac multiforme, non morari in ea : quibusdam, ut ita
dicam, trementibus gressibus et nitentibus sistere in eo, non tamen obtinere
valentibus; quibusdam vero non passis illud, sed in periculo consistentibus,
secundum illud : mihi autem paulisper commoti sunt pedes, et ceteris ab ea
cadentibus. Causa igitur cur Diabolus veritatem non colat, subditur quia
veritas non est in eo : scilicet quod vana suspicatur et seductus est ipse a
seipso : in hoc deterior, quod illi quidem ab eo falluntur, is autem sibi
ipsi deceptionis auctor existit. Sed oportet investigare quomodo dicitur,
quod veritas in ipso non est : utrum quia nullam unquam veram habet
doctrinam, sed cuncta quae opinatur, falsa sunt; vel quia Christi particeps
non est, qui dixit : ego sum veritas. Impossibile autem est aliquam
rationalem substantiam de cunctis opinari falso, et de nullo vel exiliter
rectitudinem conspicere. Diabolus igitur saltem id vere capit dogma,
considerando de se quod rationalis est. Non igitur eius natura consistit ex
contrario veritatis, idest ex errore et ignavia : nunquam enim veritatem
cognoscere posset. Augustinus de Civ. Dei. Vel cum dicit quia veritas
in eo non est, subiecit indicium, quasi quaesissemus unde ostendatur quod in
veritate non steterit, atque quia veritas non est in eo. Esset autem in eo,
si in ipsa stetisset. Sequitur cum loquitur mendacium, ex propriis loquitur,
quia mendax est et pater eius. Augustinus in Ioannem. In his verbis quidam Diabolum
putaverunt patrem habere, et quaesierunt quis esset Diaboli pater. Hic est
error Manichaeorum. Diabolum autem dominus dixit patrem mendacii : non enim
omnis qui mentitur, pater mendacii sui est : si enim ab alio mendacium
accepisti et dixisti, tu quidem mentitus es, sed pater mendacii non es. Ille
vero, quia non aliunde accepit mendacium, quo mendacio tamquam veneno serpens
hominem occideret, pater est mendacii, sicut Deus pater est veritatis. Theophylactus. Is enim et Deum apud homines
criminatus est, ad Evam dicens : quoniam invidens vobis, lignum inhibuit : et
apud Deum quondam criminatus est homines, ut cum dixit : an gratis colit Iob
dominum? Origenes. Attende tamen, quod hoc nomen mendax
dicitur tam de Diabolo, qui mendacium genuit, sicut hic dicitur quia mendax
est, quam de homine, secundum illud : omnis homo mendax. Nam si quis mendax
non est, huiusmodi non est homo tantum; ita quod ei et similibus dici potest
: ego dixi : dii estis. Unde, cum aliquis loquitur mendacium, de propriis
loquitur. Spiritus autem sanctus loquitur a verbo veritatis et sapientiae,
secundum illud : de meo accipiet, et annuntiabit vobis. Augustinus de quaest. Nov. et Vet. Testam. Vel
aliter. Diabolus non speciale nomen est, sed commune. In quocumque enim opera
Diaboli fuerint inventa, Diabolus est appellandus : operis enim nomen est,
non naturae. Itaque hoc in loco patrem Iudaeorum Cain significat, cuius
imitatores volentes esse Iudaei, salvatorem peremerunt; ab ipso enim forma
data est fratricidii, quem dixit mendacium de propriis loqui, ut ostenderet
unumquemque non nisi propria voluntate peccare. Sed quia Cain imitator
Diaboli est, patrem eius Diabolum dixit, cuius opera secutus est. Alcuinus. Sed quia dominus veritas est et filius
veracis Dei, veritatem dicit; sed Iudaei, qui filii erant Diaboli, aversi
erant a veritate; et hoc est quod sequitur ego autem quia veritatem dico
vobis, non creditis mihi. Origenes in Ioannem. Sed quomodo hoc dicitur
Iudaeis, qui in eum crediderant? Sed considera, quod potest aliquis secundum
aliquam intentionem credere, secundum aliam vero non credere : sicut qui
credunt in unum qui sub Pontio Pilato crucifixus est, non autem credunt in
natum de Maria virgine, in eumdem credunt et non credunt. Sic igitur hi ad
quos loquebatur credebant in eum, secundum quod videbatur signorum factor,
non credebant autem his quae profunde ab eo dicebantur. Chrysostomus in Ioannem. Quia igitur inimici estis
veritatis, in nullo me incusantes vultis me interficere; et ideo subditur
quis ex vobis arguet me de peccato? Theophylactus. Quasi dicat : si Dei filii estis,
utique peccantes debetis habere odio. Si ergo me quoque, quem exosum habetis,
non potestis arguere de peccato; manifestum est quod propter veritatem me
odio habetis; quoniam scilicet dicebat se filium Dei. Origenes in Ioannem. Habet autem hoc verbum Christi
magnam fiduciam; cum nullus hominum fiducialiter hoc dicere potuerit nisi
solus dominus noster, qui peccatum non fecit. Gregorius in Evang. Pensate autem mansuetudinem Dei.
Non dedignatur ex ratione ostendere se peccatorem non esse, qui ex virtute
divinitatis poterat peccatores iustificare; unde subdit qui est ex Deo, verba
Dei audit : propterea vos non audistis, quia ex Deo non estis. Augustinus in Ioannem. Noli attendere naturam, sed
vitium. Sunt isti ex Deo, et non sunt ex Deo : natura ex Deo, vitium non ex
Deo. Eis autem hoc dictum est qui non solum peccato vitiosi erant, nam hoc
commune erat omnibus, sed etiam praecogniti quod non erant credituri ea fide
qua possent a peccatorum obligatione liberari. Gregorius. Interroget se ergo unusquisque, si verba
Dei aure cordis percipit, et intelliget unde sit. Nam sunt nonnulli qui
praecepta Dei nec aure corporis percipere dignantur; et sunt nonnulli qui
haec quidem corporis aure percipiunt, sed nullo ea mentis desiderio
complectuntur; et sunt nonnulli qui libenter verba Dei suscipiunt, ita ut
etiam in fletibus compungantur; sed post lacrymarum tempus ad iniquitatem
redeunt; hi profecto verba Dei non audiunt, quia haec exercere in opere
contemnunt. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 54 sur Saint Jean). Notre
Seigneur a prouvé aux Juifs qu'ils n'avaient aucun droit à se dire la race
d'Abraham, et comme ils élevaient plus haut encore leurs prétentions, en
proclamant qu'ils avaient Dieu pour père, ils les confond de nouveau en leur
disant : « Vous avez le démon pour
père. » —
Saint Augustin : (Traité 42) Il faut nous
garder ici de l'erreur des Manichéens, qui prétendent qu'il existe un certain
principe du mal, une nation de ténèbres avec ses chefs, d'où le démon a tiré
son origine, c'est de là aussi, disent-ils, que notre chair puiserait la
raison de son existence, et c'est pour confirmer cette opinion que le Sauveur
dit aux Juifs : « Vous avez le
démon pour père, » c'est-à-dire qu'ils seraient mauvais par nature, parce
qu'ils tiraient leur origine de la nation des ténèbres, en hostilité avec
Dieu. — Origène : (Traité 22) Ils sont tombés
dans la même erreur que celui qui prétendrait que l'œil d'un homme qui voit,
diffère quant à sa substance de l'œil de l'aveugle où de celui qui détourne
les yeux de la lumière. Non la substance de l'œil est la même dans ces deux
hommes, mais il y a une cause particulière qui empêche l'un de ces deux
hommes de voir. Ainsi la substance de l'âme reste la même soit qu'elle se
rende à la raison, soit qu'elle y résiste. —
Saint Augustin : (Traité 42). Les Juifs étaient donc
les enfants du démon, non par naissance, mais par imitation : « Et vous voulez accomplir les désirs de
votre Père. » Ce qui vous fait ses enfants, ce n'est pas que vous soyez
nés de lui, c'est que vous nourrissez les mêmes désirs. Car vous cherchez à
me faire mourir, moi un homme qui vous ai dit la vérité; et le démon a aussi
porté envie au premier homme et l'a mis à mort : « Et il était homicide dès le commencement. » Il a été homicide à
l'égard du premier homme qu'il a pu mettre à mort, puisqu'il n'aurait pu le
mettre à mort avant qu'il commençât d'exister. Ce n'est point avec le glaive
que le démon s'est présenté pour attaquer l'homme, il lui a suffi de semer
dans son âme une mauvaise parole pour lui donner la mort. Ne vous regardez
donc pas comme innocent d'homicide, lorsque vous persuadez le mal à votre
frère. Mais pour vous, vous voulez exercer votre fureur sur mon corps, parce
que vous ne pouvez rien sur mon âme. — Origène : Remarquez que le démon a
mérité ce nom d'homicide dès le commencement, non pour avoir commis un seul
homicide en particulier, mais pour avoir mis à mort tout le genre humain (en
tant que tous les hommes sont morts dans Adam). —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 54). Jésus ne leur dit pas :
Vous faites les œuvres, mais : « Vous
voulez accomplir les désirs de votre père, » pour exprimer la violente
passion du meurtre qui les domine, à l'exemple du démon; et comme ils lui
reprochaient continuellement de ne point venir de Dieu, il leur insinue
indirectement que celle pensée vient aussi du démon : « Et il n'est point demeuré dans la vérité. » —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, 11, 13). Il en est qui
prétendent que dès le commencement de son existence, le démon n'est point
demeuré dans la vérité, et qu'il n'a jamais eu part à la béatitude des saints
anges; car, disent-ils, il a refusé de se soumettre à son Créateur, et il est
devenu aussitôt un esprit faux et trompeur, parce qu'au lieu de conserver par
une humble soumission ce qu'il était véritablement, il a mieux aimé affecter
par un excès d'orgueil, une élévation qui ne lui appartenait pas. Celui qui
est d’accord avec cette opinion n'a rien de commun avec l'erreur des
Manichéens qui enseignent que le démon tient sa nature mauvaise d'un principe
essentiellement mauvais et opposé à Dieu. Séduits par la vanité de leurs
pensées, ils ne font point attention que Notre Seigneur n'a pas dit : Il fut
étranger à la vérité, mais : « Il n'est
pas demeuré dans la vérité, » ce qui indique qu'il est tombé des hauteurs
de la vérité, (chap. 15) Ils entendent encore ces paroles de saint Jean : « Le démon pèche dès le commencement, »
(1 Jn 3) dans ce sens qu'il n'a jamais été sans péché. Mais comment
expliquer alors les témoignages contraires des prophètes ? celui d'Isaïe qui,
voulant figurer le démon dans la personne du roi de Babylone, lui dit : « Comment est tombé du ciel Lucifer, ce
bel astre qui se levait dès le matin ? » (Is 14) et celui
d'Ezéchiel : « Vous avez été dans les
délices du paradis de Dieu. » (Ez 28) Si l’on ne peut donner de
ces deux passages une interprétation plus fondée, il faut entendre « Il n’est pas demeuré dans la
vérité » dans ce sens que le démon a été dans la vérité, mais qu'il
n'y a pas demeuré. Quant à ces paroles de saint Jean : « Le démon pèche dès le commencement, » il faut les entendre non
point du moment qu'il a été créé, mais de celui où il a commencé à pécher.
Car c'est en lui que le péché a commencé, et il a été lui-même le
commencement du péché. — Origène : (Traité 20). Il n'y a qu'une manière
uniforme de demeurer dans la vérité, tandis qu'on en sort par des voies
nombreuses et variées; les uns dont les genoux sont chancelants, s'efforcent
de demeurer dans la vérité, et ne peuvent y réussir; d'autres, sans être
aussi faibles, éprouvent la même hésitation au milieu des dangers, selon
cette parole du Roi-prophète : « Pour
moi, mes pieds ont été ébranlés; » (Ps 71) d'autres enfin tombent
et se détachent complètement de la vérité. Or, le Sauveur nous donne la
raison pour laquelle le démon n'est pas resté fidèle à la vérité, « c'est que la vérité n'est point en lui,
» c'est-à-dire qu'il s'est laissé entraîner par la vanité de ses pensées,
et qu'il a été son propre séducteur, en cela d'autant plus méchant, que les
hommes sont trompés par lui, tandis qu'il est lui-même l'auteur de sa
déception. Mais il faut se demander dans quel sens il est dit que la vérité
n'est pas en lui ? Faut-il admettre qu'il n'a jamais possédé la véritable
doctrine, et que toutes ses pensées ne sont que mensonge ? Ou bien ces
paroles signifient-elles qu'il n'a jamais été participant de Jésus-Christ qui
a dit de lui-même : « Je suis la vérité
» ? Il est impossible, ce me semble, qu'une nature raisonnable ait
des idées fausses sur toutes choses, et n'aperçoive pas, ne fût-ce qu'une
petite partie de la vérité, et le démon comprend au moins cette vérité qu'il
est lui-même une nature raisonnable. L'essence de sa nature n'est donc pas
contraire à la vérité, elle n'est pas un composé d'erreur et d'impuissance;
car alors il ne pourrait jamais connaître la vérité. —
Saint Augustin : (Cité de Dieu, 11, 18). Ou bien encore,
Notre Seigneur en disant : « La vérité
n'est point en lui, » répond à la question qu'on pourrait lui faire, et
donne la raison pour laquelle le démon n'est point demeuré dans la vérité,
c'est que la vérité n'était point en lui, et elle eût été en lui, s'il y fût
demeuré. « Lorsqu'il dit le mensonge,
il dit ce qu'il trouve en lui-même, parce qu'il est menteur et le père du
mensonge. » —
Saint Augustin : Ces paroles ont donné lieu à
quelques-uns de penser que le démon avait un père, et de rechercher quel
était son père, c'est l'erreur des Manichéens. Le Sauveur dit que le démon
est le père du mensonge. En effet, tout homme qui ment n'est pas le père de
son mensonge; tous ceux qui mentent ne sont pas le père du mensonge ; ainsi
vous avez entendu un mensonge et vous le répétez; vous avez menti, il est
vrai, mais vous n'êtes pas le père de ce mensonge. Le démon, au contraire,
n'a point reçu d'ailleurs le mensonge avec lequel il a tué le premier homme,
comme un serpent avec son venin; il est donc le père du mensonge, comme Dieu
est le père de la vérité. — Théophylactus : Il a été tout à la fois l'accusateur de Dieu près des hommes, en
disant à Eve que c'était par envie qu'il leur avait défendu [de manger du fruit
de] l'arbre; et l'accusateur des hommes près de Dieu, lorsqu'il dit à Dieu,
par exemple : Est-ce donc en vain que Job honore Dieu ? — Origène : (Traité 20). Remarquez que ce nom de
menteur est donné aussi bien au démon, qui est le père du mensonge, qu'à
l'homme, selon ces paroles du Psalmiste : « Tout homme est menteur » ;
(Ps 115) car celui qui n'est pas coupable de mensonge n'est pas
seulement un homme, et ou peut lui appliquer, ainsi qu'à ceux qui lui
ressemblent, ces paroles : « Je l'ai dit, vous êtes des dieux. » (Ps
81, 6). Lors donc qu'un homme profère un mensonge, il parle de son propre
fonds. L'Esprit saint, au contraire, parle d'après le Verbe de la vérité et
de la sagesse, d'après ces paroles du Sauveur : « Il recevra de ce qui est
à moi, et vous l'annoncera. » (Jn 15, 14). —
Saint Augustin : (Quest. sur le Nouv. et
l'Anc. Test., quest. 90). Ou bien encore le diable n'est pas ici un nom spécial, mais un
nom commun ; ce nom, vous pouvez le donner à tout homme en qui vous
trouvez les œuvres du diable, car c'est un nom qui convient aux actions
plutôt qu'à la nature. Notre Seigneur veut indiquer que les Juifs ont pour
père Caïn, parce qu'ils veulent se rendre ses imitateurs en le mettant à
mort. C'est Caïn, en effet, qui a donné le premier exemple de fratricide, et
le Sauveur dit qu'il puise le mensonge dans son propre fonds, pour nous
apprendre qu'on ne peut pécher que par sa propre volonté. Comme Caïn a été
lui-même l'imitateur du diable, on lui donne pour père le diable, dont il a
imité les œuvres. —
Alcuin : Dieu est la vérité, et le
Fils de Dieu qui est la vérité ne peut dire lui-même que la vérité; mais les
Juifs (qui étaient les enfants du démon) avaient la vérité en horreur, comme
le Sauveur le leur reproche : « Et moi, si je vous dis la vérité, vous ne
me croyez point. » — Origène : ( Traité 20. ) Mais comment peut-il faire ce reproche aux Juifs
qui ont cru en lui ? Il faut remarquer ici qu'on peut croire sous un rapport,
et ne pas croire sous un autre, comme ceux par exemple qui croient en Celui
qui a été crucifié sous Ponce-Pilate, et qui ne croient pas qu'il soit né de
la Vierge Marie; ils croient et tout à la fois ne croient pas à la même
personne. C'est ainsi que les Juifs à qui s'adressait Notre Seigneur
croyaient en lui à la vue des miracles qu'il opérait, et ne croyaient pas aux
vérités sublimes qu'il leur enseignait. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 54) C'est donc parce que
vous êtes les ennemis de la vérité, que sans avoir aucune accusation à
formuler contre moi, vous voulez me mettre à mort. C'est pour cela qu'il
ajoute : « Quel est celui d'entre vous qui me reprendra de péché ? » — Théophylactus : C'est-à-dire, si vous êtes les enfants de Dieu, vous devez
nécessairement haïr ceux qui l'offensent, si donc vous ne pouvez me
convaincre de péché, moi, l'objet de votre haine, il est évident que c'est
par haine de la vérité que vous me haïssez, parce que je me dis le
Fils de Dieu. — Origène : (Traité 20). Ces paroles de Jésus-Christ sont l'expression
d'une confiance extraordinaire, et aucun autre homme ne peut porter un
semblable défi, si ce n'est Notre-Seigneur, qui n'a jamais connu le péché. (1
P 2, 22). —
Saint Grégoire : (hom. 18 sur les Evang). Considérez
ici la douceur de Notre-Seigneur, il ne dédaigne point de prouver qu'il n'est
point pécheur, lui qui par sa vertu divine pouvait justifier les pécheurs. Il
ajoute donc : « Celui qui est de Dieu, entend les paroles de Dieu, et
c'est parce que vous n'êtes pas de Dieu, que vous ne les entendez pas. » —
Saint Augustin : (Traité 43). Ne considérez
donc pas ici la nature, mais le vice de la nature. Les Juifs étaient de Dieu,
et n'étaient pas de Dieu; leur nature venait de Dieu, le vice de leur nature
n'en venait point. Or, le Sauveur adresse ce reproche non seulement à ceux
qui étaient coupables de péché, car ils l'étaient tous; mais à ceux qu'il
prévoyait devoir repousser la foi, qui seule aurait pu les affranchir des
liens de leurs péchés. —
Saint Grégoire : (hom. 18 sur les Evang).
Que chacun se demande s'il écoute les paroles de Dieu avec l'oreille du cœur,
et il saura d'où il vient. Il en est, en effet, qui ne veulent même pas
écouter les préceptes divins des oreilles du corps; il en est d'autres qui
ouvrent ces oreilles pour les entendre, mais qui n'éprouvent pour ces
préceptes aucun désir du cœur; il en est d'autres enfin, qui reçoivent
volontiers la parole de Dieu, et qui s'en laissent pénétrer jusqu'aux larmes,
mais après ce moment consacré aux larmes du repentir, ils retournent à leurs
iniquités; et on peut dire qu'ils n'écoutent pas véritablement les paroles de
Dieu, parce qu'ils refusent de les traduire dans leurs œuvres. |
Lectio 12 |
Versets 48-51 |
[86068] Catena in Io., cap. 8 l. 12 Chrysostomus in
Ioannem. Cum aliquid altum dominus diceret, hoc apud Iudaeos, qui valde
insensibiles erant, insania videbatur, ut ex eorum responsione colligitur;
dicitur enim responderunt ergo Iudaei, et dixerunt ei : nonne bene dicimus
nos, quia Samaritanus es tu, et Daemonium habes? Origenes in Ioannem. Sed dignum est quaerere
quomodo, cum Samaritani saecula futura denegent, nec animae durabilitatem
acceptent, ausi sunt Samaritanum dicere salvatorem, qui de resurrectione et
iudicio tot et tanta edocuit. Sed forsan velut improperantes illi hoc dicunt,
dum quae sentiunt ipsi non docet. Alcuinus. Samaritani enim gens odiosa Israelitico
populo, decem tribubus in captivitatem ductis, terram eorum possidebant. Origenes. Convenit quoque quod aliqui de eo
arbitrentur quod secundum Samaritanos sentiret, ut nihil post obitum
reservetur hominibus, sed ficte ad placendum Iudaeis, de resurrectione et
aeterna vita tractaret. Daemonium vero illum habere dicebant propter eius
sermones transcendentes capacitatem humanam, quibus Deum patrem suum
asserebat, et se de caelo descendisse, et cetera huiusmodi; vel propter suspicionem
eorum, quia plures in Beelzebub principe Daemoniorum opinabantur ipsum eicere
Daemones. Theophylactus. Vel Samaritanum illum dicebant,
tamquam ritus Hebraicos dissolventem, utpote sabbati; Samaritani enim non
perfecte iudaizabant. Ex hoc vero quod eorum cogitationes revelabat,
Daemonium ipsum habere suspicabantur. Quando vero eum Samaritanum dixerunt,
nusquam Evangelista dicit : ex quo palam est quod multa praetermiserunt
Evangelistae. Gregorius in Evang. Ecce iniuriam suspiciens Deus,
non contumeliosa verba respondet; sequitur enim respondit Iesus, et dixit :
ego Daemonium non habeo. Ex qua re quid nobis innuitur, nisi ut eo tempore
cum a proximis ex falsitate contumelias accipimus, eorum etiam vera taceamus
mala, ne ministerium iustae correptionis in arma vertatur furoris? Chrysostomus. Et attendendum, quod ubi eos docere
oportebat et eorum superbiam subtrahere, asper erat : ubi vero exprobratum
eum oportebat sufferre, multa mansuetudine utebatur; erudiens nos, quae
quidem ad Deum vindicare, quae vero ad nos despicere. Augustinus in Ioannem. Et ut homo prius eius
imitetur patientiam, ut perveniat ad potentiam. Sed quamvis maledictus
maledicta non redderet, pertinuit tamen ad eum negare. Duo autem sibi fuerant
obiecta : Samaritanus es, et Daemonium habes. Non dixit : non sum
Samaritanus; Samaritanus enim interpretatur custos; noverat autem ille se
nostrum esse custodem; non enim pertinuit ad eum ut redimeremur, et non
pertinet ut servemur. Denique ipse est Samaritanus, qui accessit ad saucium, et
misericordiam impendit. Origenes. Aliter quoque dominus magis quam Paulus
omnibus omnia fieri voluit, ut omnes nanciscatur; et ideo se non negavit esse
Samaritanum. Aestimo autem solius Iesu fore vocem ego Daemonium non habeo
etc., sicut et illud : venit princeps mundi huius, et in me non habet
quidquam; quia etiam quae delictorum reputata sunt minima, Daemonibus
adaptantur. Augustinus. Deinde post tale convicium hoc solum
dixit de gloria sua : sed honorifico patrem meum; quasi dicat : ne vobis
arrogans videar, habeo quem honorificem. Theophylactus. Honorificavit autem patrem, ulciscens
eum, et non tolerans homicidas et mendaces se Dei veraces filios appellare.
Origenes. Solus autem Christus verissime veneratus
est patrem : nullus enim honorans quidquam ex his quae non honorantur a Deo,
honorat Deum. Gregorius. Sed quia quisquis Dei zelo utitur, a
pravis hominibus dehonestatur, in semetipso nobis dominus patientiae praebuit
exemplum, qui ait et vos inhonorastis me. Augustinus. Quasi dicat : ego facio quod debeo, vos
non facitis quod debetis. Origenes. Non autem illis solum hoc dictum est, sed
et omnibus iniuste agentibus qui iniuriam inferunt Christo, qui est iustitia;
et inferentibus contumeliam sapientiae, eo quod Christus est sapientia, et
similiter de aliis huiusmodi. Gregorius. Sed quid nobis contra iniurias faciendum
sit, suo exemplo nos admonet, cum subiungit ego autem gloriam meam non quaero
: est qui quaerat et iudicet. Chrysostomus in Ioannem. Quasi dicat : ex honore
quem ad patrem habeo, haec locutus sum vobis, et propter hoc dehonoratis me;
sed nulla est mihi cura huius contumeliae : illi enim noxas debetis propter
quem haec audio. Origenes in Ioannem. Quaerit autem Deus gloriam
Christi in quolibet suscipientium illum, quam quidem reperiret in operantibus
secundum insitas virtutis causas. Cum autem non repererit, punit illos in
quibus non reperit gloriam filii sui; unde dicit est qui quaerat, et iudicet.
Augustinus in Ioannem. Quem autem vult intelligi
nisi patrem? Quomodo ergo alio loco dicit : pater non iudicat quemquam; sed
omne iudicium dedit filio? Sed videte, quod iudicium quandoque pro damnatione
accipitur : hic autem secundum discretionem positum est; quasi dicat : est
pater qui gloriam meam a vestra discernat : vos enim secundum hoc saeculum
gloriamini, ego non secundum hoc saeculum. Discernit etiam gloriam filii sui
a gloria omnium hominum : non enim quia homo factus est, iam comparandus est
nobis. Nos homines cum peccato, ille sine peccato, et hoc secundum ipsam
formam servi; nam illud quis digne loquatur : in principio erat verbum? Augustinus. Vel aliter. Si vere dictum est a
salvatore : omnia mea tua sunt, palam est quoniam et ipsum iudicium filii,
patris est. Gregorius in Evang. Cum vero malorum perversitas
crescit, non solum frangi praedicatio non debet, sed etiam augeri; unde
dominus postquam Daemonium habere dictus est, praedicationis suae beneficia
largius impendit, dicens : amen, amen, dico vobis : si quis sermonem meum
servaverit, mortem non videbit in aeternum. Augustinus. Videbit dictum est pro eo quod est
experietur. Cum ergo morituris moriturus loqueretur, quid sibi vult quod ait
qui sermonem meum servaverit, mortem non videbit in aeternum, nisi quia
videbit aliam mortem, de qua nos liberare venerat, mortem aeternam, mortem
damnationis cum Diabolo et Angelis eius? Ipsa est vera mors, nam ista
migratio est. Origenes. Sic igitur intelligendum est si quis
sermonem meum servaverit, mortem non videbit in aeternum, ac si diceret : si
quis lucem meam custodierit, tenebras non videbit. Quod autem dicit in
aeternum, communiter est sumendum, ut sit talis intellectus : si quis
sermonem meum servaverit in aeternum, mortem non videbit in aeternum : quia
eousque non videt aliquis mortem, quousque Iesu verbum custodit. Cum vero
quis torpens in observantia sermonis, et circa sui custodiam negligens
factus, eum cessat custodire, subinde mortem videt, non apud alium quam apud
seipsum. Sic igitur a salvatore instructi, prophetae quaerenti : quis est
homo qui vivet, et non videbit mortem? Respondere possumus : qui custodit
verbum Christi. Chrysostomus. Servaverit autem dicit non solum fide,
sed etiam per vitam puram. Simul autem et occulte insinuat quoniam nihil
possunt ei facere. Si enim qui sermonem eius servabit, non morietur in
aeternum, multo magis et ipse non potest mori. |
—
Saint Jean Chrysostome : (hom. 54 sur Saint Jean). Quand le Sauveur leur enseignait une
doctrine plus relevée, les Juifs, aveugles par leur fureur insensée, n'y
voyaient qu'un acte de folie. « Les Juifs lui répondirent donc :
N'avons-nous pas raison de dire que vous êtes un Samaritain, et un possédé du
Démon ? » — Origène : (Traité 20). C'est une question digne d'intérêt que de savoir
comment les Juifs ont osé traiter de Samaritain le Sauveur, lui qui n'a cessé
de multiplier ses enseignements sur la résurrection et le jugement, alors que
les Samaritains, au contraire, nient la vie future et l'immortalité de l'âme.
Mais peut-être est-ce un outrage purement gratuit qu'ils lui font en lui
donnant le nom d'une secte dont il ne partage pas les opinions. —
Alcuin : Les Samaritains, nation
odieuse au peuple juif, occupaient le pays habité autrefois par les dix
tribus qui furent emmenées en captivité. — Origène : On peut dire aussi que quelques-uns pensaient que Jésus partageait
l'opinion des Samaritains sur l'anéantissement de l'âme après la mort, et que
c'était pour plaire aux Juifs, et sans y croire, qu'il leur parlait de la
résurrection et de la vie éternelle. Ils l'accusent d'avoir en lui le démon,
parce que les grandes vérités qu'il leur enseignait, que Dieu était son Père,
qu'il était descendu du ciel et d'autres choses semblables, dépassaient la
portée de l'intelligence humaine. Ou bien encore ils adoptaient les soupçons
de plusieurs d'entre eux, qui pensaient que c'était par Béelzébub, prince des
démons, qu'il chassait lui-même les démons. — Théophylactus : Ou bien encore ils le traitaient de Samaritain, comme détruisant les
pratiques de la loi des Hébreux, en particulier l'observance du sabbat, car
les Samaritains n'observaient point parfaitement toutes les pratiques de la
loi juive. Ils soupçonnaient qu'il avait en lui un démon, parce qu'il leur
révélait leurs propres pensées. L'Evangéliste ne mentionne pas dans quelles
circonstances ils l'avaient appelé Samaritain, preuve que les Evangélistes
ont passé beaucoup de choses sous silence. —
Saint Grégoire : (hom. 18 sur les Evang). Le
Fils de Dieu reçoit ces outrages et n'y répond point par des injures : Jésus
repartit : « Il n'y a point en moi de démon » ; par là, que nous
enseigne-t-il, si ce n’est à ne point divulguer les véritables défauts du
prochain, lors même que ses outrages n'ont d'autre fondement que la calomnie,
de peur que le ministère de la correction fraternelle ne devienne un
instrument de vengeance. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 54) Remarquons aussi que
lorsqu'il s'agissait de les instruire et de combattre leur orgueil, Jésus se
montrait plus sévère, mais lorsqu'il n'y avait que des outrages à supporter,
il faisait preuve de la plus grande douceur, nous apprenant ainsi à venger
les injures qui sont faites à Dieu, et à mépriser celles dont nous sommes
l'objet. —
Saint Augustin : (Traité 43). Son dessein est encore
que l'homme imite d'abord sa patience pour parvenir à la puissance qu'il
désire. Notre Seigneur ne rend donc pas injure pour injure; toutefois il
regarde comme un devoir de repousser leur imputation calomnieuse. Ils avaient
formulé contre lui deux accusations : « Vous êtes un Samaritain, » et : «
Vous êtes possédé du démon. » Jésus ne nie point qu'il est Samaritain, car le
mot Samaritain veut dire gardien, et il savait qu'il était notre
gardien par excellence, car s'il avait pour mission de nous racheter,
n'avait-il pas aussi celle de nous conserver ? En ce sens est Samaritain
celui qui se penche sur un blessé et fait preuve de miséricorde. (Lc 18) — Origène : Disons encore que le Sauveur, bien plus que l'apôtre saint Paul, a
voulu se faire tout à tous pour gagner tous les hommes, et c'est pour cela
qu'il ne nia point qu'il fût Samaritain. Il n'appartenait du reste, à mon
avis, qu'à Jésus seul de pouvoir dire : « Il n'y a point de démon en moi,
» etc.; et encore ces autres paroles : « Le prince de ce monde vient
et il n'a rien en moi » (Jn 14) ; car les péchés qui sont
regardés comme les plus légers, étaient attribués au démon. —
Saint Augustin : (Traité 43 sur Saint Jean,) Après
avoir reçu un tel outrage, Notre Seigneur ne dit que ces paroles dans
l'intérêt de sa gloire : « Mais j'honore mon Père, »
c'est-à-dire, je ne m'honore point moi-même, pour ne pas prêter à
l'accusation d'arrogance, il eu est un autre que j'honore. — Théophylactus : Il a honoré son Père en vengeant sa gloire et en ne permettant pas à
des homicides et des menteurs de se proclamer les vrais enfants de Dieu. — Origène : (hom. 20).
Jésus-Christ seul a véritablement honoré son Père, car personne ne peut
prétendre honorer Dieu, s'il témoigne encore quelque honneur à des choses que
Dieu n'a point en estime. —
Saint Grégoire : (hom. 18 sur les Evang). Mais
comme tout homme qui brûle de zèle pour la gloire de Dieu est exposé aux
outrages des méchants, le Seigneur a voulu nous donner dans sa personne un
exemple de patience, lorsqu'il se contente de répondre aux Juifs : « Et
vous, vous me déshonorez. » —
Saint Augustin : C'est-à-dire, je fais ce que
je dois faire, et vous, vous ne faites pas ce que vous devez faire. — Origène : (Traité 20). Ces paroles ne s'adressent pas seulement aux Juifs, mais à tous
ceux qui commettent l'injustice, à ceux qui outragent Jésus-Christ, qui est
la justice, comme à ceux qui font outrage à la sagesse, parce que
Jésus-Christ est la sagesse, et ainsi des autres vertus. —
Saint Grégoire : Mais que devons-nous opposer
aux outrages que nous recevons ? Le Sauveur nous l'apprend par son exemple : «
Pour moi, je glorifie mon Père, il est quelqu’un qui la cherche et qui juge.»
—
Saint Jean Chrysostome : (hom. 54). C'est-à-dire, l'honneur
que je professe pour mon Père m'a porté à vous adresser ces paroles, et c'est
pour cela que vous me déshonorez, mais peu m'importent vos outrages, je
laisse le soin de les châtier à celui pour l'honneur duquel je les supporte. — Origène : (Traité 20). Dieu cherche la gloire
de Jésus-Christ dans chacun de ceux qui le reçoivent, et il la trouve dans
tous ceux qui cultivent avec soin les principes de vertu répandus dans leur
âme, mais s'il ne les trouve pas, il punit sévèrement ceux en qui il ne
trouve pas la gloire de son Fils. C'est ce que signifient ces paroles : «
Il est quelqu'un qui en prendra soin et qui fera justice. » —
Saint Augustin : (Traité 43) De qui veut-il parler,
si ce n'est de son Père ? Or comment dit-il dans un autre endroit : « Le
Père ne juge personne, mais il a donné tout pouvoir de juger à son Fils ? »
(Jn 5) Il faut se rappeler que le mot jugement se prend quelquefois
dans le sens de condamnation, tandis qu'ici il signifie simplement
discernement ; Notre Seigneur leur dit donc : « C'est à mon Père de
discerner, de séparer ma gloire de la vôtre » ; car vous ne recherchez
que la gloire de ce monde, quant à moi, je ne veux point de cette gloire ;
Dieu distingue et sépare encore la gloire de son Fils de la gloire des
hommes, car [le mystère de] son incarnation ne l'a pas entièrement assimilé à
nous; nous sommes des hommes coupables de péché, mais pour lui il est sans
péché, même en tant qu'il a pris la forme d'esclave; car qui pourrait
dignement redire ces paroles : « Au commencement était le Verbe ? » — Origène : [référence à vérifier] Ou bien encore, s'il faut
admettre la vérité de ces paroles du Sauveur à son Père : « Tout ce qui
est à vous est à moi, » il est évident que le pouvoir de juger qui est
propre au Fils appartient au Père. —
Saint Grégoire : (hom. 18 sur les Evang). Lorsque
les prédicateurs voient s'accroître la perversité des méchants, non seulement
ils ne doivent point s'en laisser abattre, ils doivent au contraire redoubler
de zèle. Voyez Notre-Seigneur, les Juifs l'accusent d'avoir en lui le démon,
et [pour toute vengeance,] il leur donne avec plus de profusion les bienfaits
de sa divine doctrine : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si
quelqu'un garde ma parole, il ne verra jamais la mort ». —
Saint Augustin : (Traité 43) Il ne verra point,
c'est-à-dire, il n'éprouvera point la mort. Le Sauveur qui devait mourir
parlait à des hommes qui devaient mourir eux-mêmes, que signifient donc ces
paroles : « Celui qui gardera ma parole ne verra point la mort » ?
C'est qu'il avait en vue une autre mort dont il était venu nous délivrer, la
mort éternelle, la mort de la damnation avec le démon et ses anges. Voilà la
seule vraie mort, l'autre n'est qu'un passage. — Origène : (Traité 20). Ces paroles : « Si quelqu'un garde ma parole, il ne verra
jamais la mort, » doivent être entendues dans ce sens : Si quelqu'un
garde fidèlement ma lumière, il ne verra point les ténèbres. Le mot
éternellement doit être entendu dans cette signification usuelle : Celui qui
gardera éternellement ma parole, ne verra pas éternellement la mort. On ne
voit jamais en effet la mort tant qu'on garde la parole de Jésus, mais
lorsqu'on se relâche dans l'observance de ses commandements et dans la
vigilance sur soi-même, on cesse de garder sa parole, alors on voit la mort
qu'on ne trouve nulle part ailleurs qu'en soi-même. Ainsi instruits par le
Sauveur, nous pouvons répondre au prophète qui nous demande : « Quel est
l'homme qui vivra et ne verra pas la mort ? » C'est celui qui aura gardé
la parole de Jésus-Christ. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 54) Celui qui aura gardé,
non seulement par la foi, mais par la pratique d'une vie pure. Notre-Seigneur,
en même temps, fait entendre indirectement aux Juifs qu'ils ne peuvent rien
contre lui, car si celui qui garde sa parole ne mourra jamais, à plus forte
raison ne peut-il mourir lui-même. |
Lectio 13 |
Versets 52-56 |
[86069] Catena in Io., cap. 8 l. 13 Gregorius
in Evang. Sicut bonis necesse est ut meliores etiam per contumelias
existant, ita semper reprobi de beneficio peiores fiunt : nam accepta
praedicatione, iterum Iudaei blasphemant; dicitur enim dixerunt ergo Iudaei :
nunc cognovimus quia Daemonium habes. Origenes in Ioannem. Hi qui sacris Scripturis
credunt, comprehendunt quod quae praeter rectam rationem ab hominibus
exercentur, non praeter Daemones fiunt. Sic igitur Iudaei virtute Daemonis
putabant Iesum dixisse : si quis sermonem meum servaverit, mortem non videbit
in aeternum. Hoc autem passi sunt quia Dei virtutem non perspexerunt : nam
hic de morte quadam inimica rationi, qua pereunt delinquentes, hoc fassus
est; hi vero de communi morte coniectantes esse quod dicitur, increpant
dicentem, quasi defuncto Abraham et prophetis; unde subditur Abraham mortuus
est et prophetae, et tu dicis : si quis sermonem meum servaverit, mortem non
gustabit in aeternum. Cum aliqua differentia sit inter mortem gustare et
videre, pro eo quod mortem non videbit, mortem non gustabit protulerunt,
velut incauti auditores confundentes dominicum sermonem. Sicut enim dominus
inquantum panis vivus est, gustabilis est; in eo vero quod est sapientia, est
visibilis pulchritudinis : sic etiam adversaria eius mors et gustabilis est
et visibilis. Cum ergo quis steterit per Iesum in intellectuali loco, mortem
non gustabit, si statum servat, secundum illud Matth. 16, 28 : sunt de hic
stantibus qui non gustabunt mortem. Cum autem aliquis sermonem Christi
acceperit et custodierit, mortem non videbit. Chrysostomus in Ioannem. Rursus autem ex inani
gloria ad cognationem confugiunt; unde sequitur numquid tu maior es patre
nostro Abraham, qui mortuus est? Poterant etiam dicere : numquid tu maior es
Deo, cuius sermonem qui audierunt mortui sunt? Sed non dicunt hoc, quia etiam
quam Abraham minorem eum aestimabant. Origenes. Non enim discernunt, quia non solum
Abraham, sed etiam quolibet nato ex muliere, qui natus est ex virgine maior
est. Nec verum dicebant Iudaei Abraham mortuus est : audivit enim verbum
Christi, atque servavit. Et huiusmodi simile dices de prophetis, de quibus
subdunt et prophetae mortui sunt : nam et verbum filii Dei custodierunt, cum
verbum domini factum fuerit ad Osee, vel Isaiam, vel Ieremiam; quod si quis
alius custodivit, ipsi prophetae custodierunt. Mendacium ergo dicunt et in
hoc : scimus quia Daemonium habes, et in hoc : Abraham mortuus est et
prophetae. Gregorius. Quia enim aeternae morti inhaeserant, et
eamdem mortem cui inhaeserant, non videbant, cum solam mortem carnis
aspicerent, in veritatis sermone caligabant. Subdunt autem quem teipsum
facis? Theophylactus. Quasi dicant : tu, qui nulla cura
dignus es, carpentarii filius de Galilaea, tibi subripis gloriam. Beda. Quem teipsum facis? Hoc est, cuius meriti
cuiusve dignitatis vis credi? Abraham tamen mortuus erat corpore, anima autem
vivebat. Maior autem est mors animae in aeternum victurae, quam corporis
quandoque morituri. Origenes. Caecutientium autem fuit haec prolatio :
quoniam non se fecit Iesus id quod est, sed ex patre recepit; unde sequitur
respondit Iesus : si ego glorifico meipsum, gloria mea nihil est. Chrysostomus in Ioannem. Hoc quantum ad eorum
suspicionem dixit, sicut et supra : testimonium meum non est verum, si
testimonium perhibeo de meipso. Beda. His autem verbis nihil esse ostendit gloriam
vitae praesentis. Augustinus in Ioannem. Dixit autem hoc propter illud
quod dixerant quem teipsum facis? Refert enim gloriam suam ad patrem, de quo
est; unde subdit est pater meus qui glorificat me. De isto verbo calumniantur
Ariani fidei nostrae, et dicunt : ecce maior est pater, quia glorificat
filium. Haeretici, non legistis et ipsum filium dicentem, quod glorificet
patrem suum? Alcuinus. Glorificavit autem pater filium, cum
tempore Baptismi et in monte, et tempore passionis coram turbis vox facta est
ad eum, et post passionem eum resuscitavit, et collocavit eum ad dexteram
suae maiestatis. Chrysostomus. Addidit autem quem vos dicitis quia
Deus vester est : volebat enim ostendere quoniam non solum patrem eum
nesciebant, sed neque Deum. Theophylactus. Nam si vere patrem cognoscerent,
filium eius venerarentur. Deum etiam contemnunt, qui homicidium in lege
prohibuit, adversus Christum clamantes; unde subdit et non cognovistis eum.
Alcuinus. Quasi dicat : vos carnaliter illum Deum
vestrum vocatis; pro temporalibus ei servitis : et non cognovistis eum, sicut
intelligendus est; spiritualiter ei servire nescitis. Augustinus. Quidam haeretici dicunt Deum annuntiatum
in veteri testamento non esse patrem Christi, sed nescio quem principem
malorum Angelorum. Contra ipsos ergo dicit patrem suum quem illi dicebant
Deum suum, et non cognoverunt : si enim ipsum cognovissent, eius filium
recepissent. De se autem subdit ego autem novi eum. Secundum carnem iudicantibus
potuit et hic arrogans videri; sed arrogantia non ita caveatur ut veritas
relinquatur; propter quod subdit et si dixero quia non scio eum, ero similis
vobis mendax. Chrysostomus. Quasi dicat : sicut vos dicentes scire
eum, mentimini, ita ego si dixero me nescire. Sed maxima demonstratio est,
quod ab illo sit missus, hoc quod sequitur sed scio eum. Theophylactus. Naturaliter ipsius cognitionem
obtinens; qualis enim ego sum, talis et pater, quoniam ego meipsum cognosco,
et illum cognosco. Praebet autem indicium quod ipsum cognoscat cum subdit et
sermonem eius servo, sermonem mandata nuncupans. Quidam autem sic intelligunt
hoc quod dicitur sermonem eius servo : idest rationem substantiae eius :
eadem enim est ratio substantiae patris et filii : ideoque patrem cognosco :
nam et pro quoniam sumitur, ut sit sensus : quoniam eius sermonem servo. Augustinus. Sermonem etiam patris tamquam filius
loquebatur; et ipse erat verbum patris, quod hominibus loquebatur. Chrysostomus. Et quia dixerant : numquid tu maior es
patre nostro Abraham? Nihil de morte exponens, se maiorem quam Abraham esse
ostendit consequenter, cum subdit Abraham pater vester exultavit ut videret
diem meum : vidit et gavisus est, scilicet propter beneficium quod a me
habet, ut a maiore. Theophylactus. Quasi dicat : diem meum desiderabilem
habuit et laetitiae plenum, non quasi alicuius minimi aut fortuiti. Augustinus. Non timuit, sed exultavit ut videret :
credens utique exultavit sperando, ut videret intelligendo diem meum.
Incertum autem potest esse utrum dixerit temporalem diem domini, quo erat
venturus in carne, an diem domini qui nescit ortum, nescit occasum. Sed ego
non dubito patrem Abraham totum scisse : ait enim servo suo quem mittebat :
pone manum sub femore meo, et iura mihi per Deum caeli. Ergo quae fuit illa
iuratio, nisi quia significabatur de genere Abrahae venturum in carne Deum
caeli? Gregorius in Evang. Tunc etiam diem domini Abraham
vidit, cum in figura summae Trinitatis tres Angelos hospitio suscepit. Chrysostomus in Ioannem. Vel diem suum dicit diem
crucis, quem Abraham in oblatione arietis et Isaac praefiguravit; per hoc
ostendens quod non invitus ad passionem venit, et ostendens eos esse alienos
ab Abraham, si in quibus ille exultavit, hi dolent. Augustinus. Quale autem gaudium fuit cordis videntis
verbum manens, splendorem piis mentibus refulgentem, apud patrem manentem
Deum, et aliquando in carne venturum, non de patris gremio recessurum. |
— Saint Grégoire : (hom. 18 sur les Evang). De même que
les bons deviennent meilleurs par les outrages dont ils sont l'objet, ainsi
les méchants deviennent pires par les bienfaits qu'ils reçoivent, c'est ainsi
que les Juifs, alor qu’il ont reçu des enseignements du Sauveur, blasphèment
de nouveau contre lui. Les Juifs lui dirent : « Nous voyons
maintenant qu'un démon est en vous ». — Origène : Ceux qui croient aux saintes Ecritures savent que ce que les hommes
font de contraire à la droite raison, n'est point étranger à l'action du
démon. Les Juifs pensaient donc que c'était sous l'inspiration du démon que
Jésus avait dit : « Si quelqu'un garde ma parole, il ne verra jamais la
mort. » Ils tombèrent dans cette erreur, parce qu'ils n'ont point
considéré la puissance de Dieu. Le Sauveur veut parler ici de cette mort
ennemie de la droite raison et qui frappe tous les pécheurs; les Juifs, au
contraire, n'entendent dans ce qu’il dit que la mort ordinaire, et tournent
en ridicule ses paroles, en lui rappelant qu'Abraham et les prophètes sont
morts : « Abraham et les prophètes sont morts, vous dites : Si quelqu'un
garde ma parole, il ne goûtera jamais la mort ». Il y a une différence
entre « goûter la mort » et « voir la mort, » cependant au lieu de
: « Il ne verra pas la mort, » ils disent : « Il ne goûtera pas la mort, »
comme des auditeurs inattentifs qui confondent les paroles du Sauveur. De
même, en effet, que le Seigneur, en tant qu'il est le pain vivant, peut être
goûté, et qu'il est la beauté visible en tant qu'il est la sagesse de Dieu;
de même, la mort qui est son ennemie, peut être goûtée et vue. Tout homme qui,
grâce à Jésus, se tient dans un milieu spirituel ne goûtera point la mort
s'il reste dans cet état, selon ces paroles : « Il en est de ceux qui se
tiennent ici qui ne goûteront pas la mort, » (Mt 16) mais
pour celui qui reçoit et garde la parole de Jésus-Christ, il ne verra jamais
la mort. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 55). La vaine gloire les
fait encore invoquer leur parenté avec Abraham : « Etes-vous plus
grand que notre père Abraham, qui est mort ? » Ils auraient pu aussi bien
lui dire : « Etes-vous plus grand que Dieu, qui n'a point sauvé de la
mort ceux qui ont entendu sa parole ? » Mais ils ne le font pas, parce qu'ils
le considèrent comme bien inférieur à Abraham. — Origène : Ils ne comprennent pas que celui qui est né de la Vierge est plus
grand, [non seulement qu'Abraham], mais que tous ceux qui sont nés des
femmes. D'ailleurs, il est contraire à la vérité de dire comme ils le font,
qu'Abraham est mort, car Abraham a entendu la parole du Christ et l'a gardée
aussi bien que les prophètes, dont les Juifs ajoutent : « et que les
prophètes qui sont morts. » Ils ont gardé, en effet, la parole du Fils de
Dieu, lorsque cette parole s'est fait entendre par exemple à Osée ou à Isaïe
ou à Jérémie; d'autres ont pu la garder, mais les prophètes l'ont gardée les
premiers. Ils mentent donc, et lorsqu'ils accusent Jésus-Christ d'être
possédé du démon, et lorsqu'ils disent : « Abraham est mort aussi bien que
les prophètes. » —
Saint Grégoire : (hom. 18 sur les Ev). Ils
étaient livrés à la mort éternelle, et ils n'apercevaient pas cette mort à
laquelle ils s'étaient voués, au milieu des ténèbres qui les environnaient,
ils ne voyaient que la mort du corps dans les discours de la vérité. Ils lui
font ensuite cette question : « Qui êtes-vous ? » — Théophylactus : C'est-à-dire, vous qui n'êtes digne d'aucune considération, fils d'un
charpentier de la Galilée, vous voulez vous attribuer une gloire qui ne vous
appartient pas. —
Saint Bède : « Que prétendez-vous être ?
»
c'est-à-dire, quel mérite, quelle dignité voulez-vous qu'on vous suppose ?
Abraham était mort de la mort du corps, mais son âme était vivante; or, la
mort de l'âme qui doit vivre éternellement, est bien plus importante que la
mort du corps destiné à mourir un jour. — Origène : Cette question suppose un
grand aveuglement dans les Juifs, car Jésus ne s'est pas fait ce qu'il est,
mais il l'a reçu de son Père : « Jésus répondit : Si je me glorifie
moi-même, ma gloire n'est rien. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 55). Notre Seigneur en
parlant de la sorte, se conforme à leur manière de voir, comme dans ces
autres paroles : « Si je rends témoignage de moi-même, mon témoignage
n'est pas vrai. » —
Saint Bède : Le Sauveur fait ainsi voir
le néant de la gloire de ce monde. —
Saint Augustin : (Traité 42). C'est la réponse à la
question qu'ils lui ont faite : « Que prétendez-vous être ? » Il
rapporte toute sa gloire à Dieu son Père de qui il vient. Il ajoute : «
C'est mon Père qui m'a glorifié. » Les Ariens accusent ici notre foi à ce
sujet et disent : Le Père est donc plus grand que le Fils, puisqu'il le
glorifie ? Hérétiques que vous êtes, vous n'avez donc pas entendu le Fils,
vous dire qu'il glorifie lui-même son Père ? —
Alcuin : Quant au Père, il a glorifié
son Fils lors de son baptême (Mt 3), sur la montagne du Thabor (Mt 16),
aux approches de sa passion, lorsqu'une voix du ciel se fit entendre devant
le peuple (Jn 12), et après sa passion, lorsque Dieu l'a ressuscité et
placé à la droite de sa majesté. (Ep 1; He 1). —
Saint Jean Chrysostome : Il ajoute : « Lui que
vous dites être votre Dieu. » Il voulait leur prouver que non seulement
ils ne le connaissaient pas, mais qu'ils ne connaissaient même pas Dieu. — Théophylactus : En effet, s'ils connaissaient véritablement le Père, ils honoreraient
son Fils. Mais ils méprisent Dieu lui-même qui a défendu l'homicide dans la
loi, lorsqu'ils demandent à grands cris la mort du Sauveur : Aussi,
ajoute-t-il encore : « et vous ne le connaissez pas. » —
Alcuin : C'est-à-dire, vous l'appelez
votre Dieu dans un sens tout charnel, vous ne le servez que pour en obtenir
les biens de la terre, et vous ne le connaissez pas comme il doit être connu,
vous ne lui rendez pas un culte spirituel. —
Saint Augustin : (Traité 45 sur Saint Jean). Il
est des hérétiques qui prétendent que le Dieu annoncé dans l'Ancien Testament
n'est point le Père de Jésus-Christ, mais je ne sais quel prince des mauvais
anges. Notre Seigneur combat cette erreur, en appelant son Père celui qu'ils
disaient être leur Dieu, sans le connaître, car s'ils l'avaient connu, ils
auraient reçu son Fils : « Quant à moi, ajoute le Sauveur, je le connais.
» Cette assertion put paraître téméraire et présomptueuse à ceux qui ne
le jugeaient que selon les yeux de la chair, mais s'il faut fuir la présomption,
ce ne doit jamais être aux dépens de la vérité, c'est pour cela qu'il ajoute
: « Et si je disais que je ne le connais point, je serais menteur comme
vous. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 55). C'est-à-dire, de même
que vous mentez en disant que vous le connaissez, je mentirais moi-même, si
je disais que je ne le connais point. Mais la plus grande preuve que Jésus
est envoyé de Dieu, c'est ce qu'il ajoute : « Pour moi je le connais, et
je garde sa parole. » — Théophylactus : Je le connais d'une connaissance naturelle, car je suis absolument
égal à mon Père, donc je le connais, puisque je me connais moi-même. Et la
preuve qu'il le connaît, c’est, ajoute-t-il, « que je garde sa
parole, » c'est-à-dire ses commandements. Il en est qui l'entendent en ce
sens : « Je garde la raison d'être, » parce qu'en effet, le Fils a la même
raison d'être que le Père. C'est pour cela que je connais mon Père, la
particule mais doit être prise ici dans le sens de parce que : «
Je connais mon Père, parce que je garde sa parole [ou sa raison d'être]. » —
Saint Augustin : (Traité 45). Comme Fils du Père, il
faisait entendre sa parole, et il était lui-même le Verbe de Dieu qui parlait
aux hommes. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 55) Etes-vous plus grand que
notre père Abraham, lui avaient demandé les Juifs ? Notre Seigneur en leur
répondant ne leur dit rien de sa mort, et voici comme il leur montre qu'il
est plus grand qu'Abraham : « Abraham, votre père, a tressailli du
désir de voir mon jour, il l'a vu, et a été rempli de joie, » pour tout
le bien qu'il a reçu de moi comme lui étant supérieur. — Théophylactus : C'est-à-dire, mon jour a été l'objet de ses désirs les plus ardents,
et de sa joie la plus vive, et il ne l'a pas considéré comme quelque chose de
fortuit et de peu d'importance. —
Saint Augustin : (Traité 45). Abraham ne craignit pas
de voir ce jour, mais il tressaillit du désir de le voir, sa foi le fit aussi
tressaillir d'espérance de voir et de comprendre mon jour. On ne peut dire
d'une manière certaine si le Sauveur a voulu parler du jour de sa vie
mortelle, ou de ce jour du Seigneur qui n'a ni lever ni coucher. Mais pour
moi, je ne doute pas qu'Abraham n'ait connu l'un et l'autre de ces deux
jours, car lorsqu'il envoie son serviteur [demander une épouse pour son fils
Isaac], il lui dit : « Mets ta main sous ma cuisse et jure-moi par le Dieu du
ciel. » (Gn 24) Or, que signifiait ce serment ? que c'était de la race
d'Abraham que le Dieu du ciel viendrait un jour dans une chair mortelle. —
Saint Grégoire : (hom. 18 sur les Evang). Abraham
vit encore le jour du Seigneur, lorsqu'il donna l'hospitalité à trois anges
qui étaient la figure de la sainte Trinité. (Gn 8) — Saint Jean Chrysostome : [référence à vérifier] Ou bien encore, ce jour, c'est
le jour de sa croix, dont Abraham vit la figure dans l'immolation du bélier
et d'Isaac. (Gn 22) Il leur prouvait ainsi que ce n'était point malgré
lui qu'il allait endurer les souffrances de sa passion, et en même temps
qu'ils étaient de véritables étrangers pour Abraham, puisqu'ils trouvaient un
sujet de douleur dans ce qui l'avait fait tressaillir d'allégresse. —
Saint Augustin : (Traité 45). Quelle joie dut inonder
le cœur de celui qui vit le Verbe immuable, brillant d'un éclat
resplendissant aux regards de la piété, Dieu restant toujours avec son Père,
et qui ne devait point quitter le sein de Dieu, lorsqu'il viendrait sur la
terre revêtu d'une chair mortelle ? |
Lectio 14 |
Versets 57-59
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[86070] Catena in
Io., cap. 8 l. 14 Gregorius in Evang. Carnales mentes
Iudaeorum audientium verba Christi, oculos a carne non sublevant, dum in eo
solam carnis aetatem pensant; unde dicitur dixerunt ergo Iudaei ad eum :
quinquaginta annos nondum habes, et Abraham vidisti? Quasi dicerent : multa
sunt annorum curricula, ex quo Abraham mortuus est, et quomodo vidit diem
tuum? Carnaliter enim hoc intellexerunt. Theophylactus. Tunc autem
triginta trium annorum Christus erat : quare ergo non dixerunt : quadraginta
annos nondum habes, sed quinquaginta? Supervacua est huiusmodi quaestio :
simpliciter enim prout eis occurrit dixerunt. Respondent tamen quidam quod
per quinquagesimum annum ex reverentia iubilaeum nominant, in quo et captivos
manumittebant et emptitiis possessionibus cedebant. Gregorius. Quos benigne
redemptor noster a carnis suae intuitu submovet, et ad divinitatis
contemplationem trahit; unde sequitur dixit ergo eis Iesus : amen, amen, dico
vobis : antequam Abraham fieret, ego sum. Ante enim praeteriti temporis est,
sum vero praesentis; et quia praeteritum et futurum tempus divinitas non habet,
sed semper esse habet, non ait : ante Abraham ego fui, sed ante Abraham ego
sum : secundum illud : ego sum qui sum. Ante ergo vel post Abraham habuit
esse, qui et accedere potuit per exhibitionem praesentiae, et recedere per
cursum vitae. Augustinus in Ioannem. Quia
vero creatura est Abraham, non dixit : antequam Abraham esset, sed antequam
fieret; neque dixit : ego factus sum : nam in principio erat verbum. Gregorius. Sed sustinere ista
aeternitatis verba mentes infidelium non valentes, quem intelligere non
poterant, obruere quaerebant; unde sequitur tulerunt ergo lapides Iudaei, ut
iacerent in eum. Augustinus. Tanta duritia quo
curreret, nisi ad similes, scilicet lapides? Quia vero
postquam cuncta quae ad eum spectabant, docendo perfecerat, hi lapides
iniciunt, deserit eos quasi correctionem non suscipientes; unde subditur
Iesus autem abscondit se, et exivit de templo. Non autem abscondit se in
angulo templi quasi timens, aut in domunculam fugiens, vel post murum aut
columnam divertens; sed caelica potestate invisibilem insidiantibus se
constituens, per medium illorum exivit. Iesus autem abscondit se, et exivit
de templo. Gregorius. Qui si divinitatis
suae potentiam exercere voluisset, tacito nutu mentis suae in suis eos
actibus ligaret, aut in poenas subitae mortis obrueret. Sed qui pati venerat,
exercere iudicium nolebat. Augustinus. Magis enim erat
commendanda sapientia, quam exercenda potentia. Alcuinus. Ideo etiam fugit quia
nondum venerat hora passionis, et quia ipse non elegerat hoc genus mortis.
Augustinus. Ergo tamquam homo a
lapidibus fugit; sed vae illis a quorum lapideis cordibus fugit Deus. Beda. Mystice autem quot malas
cogitationes quis assumit, quasi tot lapides in Iesum mittit; ac deinde
quantum ad se pertinet, si ad deliberationem transit, Iesum extinguit. Gregorius. Quid autem
abscondendo se dominus significat, nisi quod eis ipsa veritas absconditur qui
eius verba sequi contemnunt? Eam quippe quam non invenit humilem, veritas
fugit mentem. Quid autem nobis hoc exemplo loquitur, nisi ut etiam cum
resistere possumus, iram superbientium humiliter declinemus? |
—
Saint Grégoire : (hom. 48
sur les Evang). L'esprit charnel des Juifs en entendant ces paroles de
Jésus-Christ n'élève pas les yeux au-dessus de la terre, et ne songe qu'à
l'âge de la vie mortelle du Sauveur : « Mais les Juifs lui répliquèrent :
Vous n'avez pas encore cinquante ans, et vous avez vu Abraham ? »
c'est-à-dire, il y a bien des siècles qu'Abraham est mort, et comment a-t-il
pu voir votre jour ? Ils entendaient ces paroles dans un sens tout charnel. — Théophylactus : Jésus-Christ n'avait alors que trente-trois ans, pourquoi donc ne lui
disent-ils pas : Vous n'avez pas encore quarante ans, mais : « Vous n'avez
pas encore cinquante ans ? » Question tout à fait inutile. Les Juifs
dirent tout simplement ce qui se présenta à leur esprit. Il en est cependant
qui pensent qu'ils ont choisi le nombre cinquante par respect pour l'année du
jubilé, dans laquelle ils rendaient la liberté aux esclaves et où chacun
rentrait dans les biens qu'il avait possédés. (Lv 25, 26) —
Saint Grégoire : (hom. 18). Notre Sauveur les
détourne avec douceur de ces pensées qui n'avaient pour objet que sa chair,
et cherche à les élever jusqu'à la contemplation de sa divinité : « Jésus
leur répondit : En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu'Abraham fût [fait],
moi je suis, » [paroles qui ne peuvent convenir qu'à sa divinité]; car le
mot avant embrasse tout le temps passé, et le mot je suis, le
présent, or comme la divinité ne connaît ni passé ni futur, mais qu'elle est
continuellement au présent, Notre Seigneur ne dit pas : Avant Abraham
j'étais, mais : « Avant Abraham je suis, » selon ces paroles de Dieu à
Moïse : « Je suis celui qui suis. » (Ex 3) Celui donc qui s'est
rapproché de nous en nous manifestant sa présence, et qui s'en est séparé en
suivant le cours ordinaire de la vie, a existé avant comme après Abraham. —
Saint Augustin : Remarquez encore que comme
Abraham est une créature, le Sauveur ne dit pas : Avant qu'Abraham existât,
mais : « Avant qu'Abraham fût fait, » et il ne dit pas non plus :
J'ai été fait, car le Verbe était au commencement. —
Saint Grégoire : (hom. 18). Mais ces esprits
incrédules ne peuvent supporter ces paroles d'éternité, et ils cherchent à
écraser celui qu'ils ne peuvent comprendre : « Alors les Juifs prirent des
pierres pour les lui jeter. » —
Saint Augustin : A quoi ces cœurs si durs
pouvaient-ils avoir recours qu'à ce qui leur ressemblait, c'est-à-dire à des
pierres ? — Théophylactus : [référence à vérifier] C'est après qu'il a terminé
tous les enseignements qui avaient pour objet sa personne, qu'ils lui jettent
des pierres, et Jésus les abandonne comme incapables de revenir à de
meilleurs sentiments : « Mais Jésus se cacha et sortit du temple. » Jésus
ne se cache pas dans un coin du temple par un sentiment de crainte, il ne
s'enfuit pas dans une maison écartée, il ne se dérobe pas à leurs regards
derrière un mur ou une colonne, mais par un effet de son pouvoir divin, il se
rend invisible aux yeux de ses ennemis, et passe au milieu d'eux. « Mais
Jésus se cacha et sortit du temple. » —
Saint Grégoire : S'il avait voulu faire un
usage public de sa puissance divine, il eût pu les enchaîner dans leurs
propres filets par un seul acte de sa volonté, ou les frapper du terrible
châtiment d'une mort subite, mais il était venu pour souffrir, et ne voulait
pas faire les fonctions de juge. —
Saint Augustin : Il valait mieux d'ailleurs
nous recommander la pratique de la patience que l'exercice de la puissance. — Alcuin
: Il fuit encore, parce que l'heure de sa passion
n'était pas encore venue, et qu'il n'avait pas choisi ce genre de mort. —
Saint Augustin : Il fuit donc, comme le
ferait un homme, les pierres [qu'on veut lui jeter], mais malheur aux cœurs
de pierre dont le Seigneur s'enfuit ! —
Saint Bède : Dans le sens allégorique,
autant de mauvaises pensées, autant de pierres lancées contre Jésus, et celui
qui va plus loin jusqu'au délire de la passion, étouffe Jésus, autant qu'il
le peut faire. —
Saint Grégoire : Mais quelle leçon le Sauveur
veut-il nous donner eu se cachant ? c'est que la vérité se cache aux yeux de
ceux qui négligent de suivre ses enseignements. La vérité s'enfuit de l'âme,
en qui elle ne trouve point la vertu d'humilité. Que nous enseigne-t-il
encore par cet exemple ? c'est que lors même que nous avons le droit de
résister, nous nous dérobions avec humilité à la colère des esprits
orgueilleux. |
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Caput 9 |
CHAPITRE IX
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Lectio 1 |
Versets 1-7
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[86071] Catena in Io., cap. 9 l. 1 Chrysostomus in
Ioannem. Quia Iudaei sermonum Christi altitudinem non susceperant, exiens
de templo curavit caecum, sui absentia eorum furorem mitigans, et per
operationem signi, eorum duritiam molliens, et de his quae dicta sunt a se,
faciens fidem; unde dicitur et praeteriens Iesus, vidit hominem caecum a
nativitate. Ubi considerandum, quod egrediens de templo, studiose venit ad
opus sui manifestativum : ipse enim vidit caecum, non caecus ad eum accessit;
et ita studiose respexit ut discipuli eius videntes eum studiose aspicientem
interrogarent; sequitur enim et interrogaverunt eum discipuli eius : Rabbi,
quis peccavit, hic, an parentes eius, ut caecus nasceretur? Augustinus in Ioannem. Rabbi magister est. Magistrum
appellant, quia discere cupiebant : quaestionem quippe proposuerant domino
tamquam magistro. Theophylactus. Videtur tamen haec quaestio peccare :
neque enim susceperant apostoli nugas gentilium, quoniam anima in alio
saeculo vivens peccavit : sed diligenter intuenti non apparet simplex haec
quaestio. Chrysostomus. Venerunt enim ad hanc interrogationem,
quia prius paralyticum curans dixit : ecce sanus factus es : non ultra
pecces. Illi igitur cogitantes quia propter peccata fuerat ille paralysi
resolutus, quaerunt de isto si hic peccavit; quod non est dicere : a
nativitate enim caecus est; aut parentes eius; sed neque hoc : filius enim
pro patre non sustinet poenam. Sequitur respondit Iesus : neque hic peccavit,
neque parentes eius. Augustinus. Numquid vel ipse sine originali peccato
natus erat, vel vivendo nihil addiderat? Habebant ergo peccatum et ipse et
parentes eius, sed non ipso peccato factum est ut caecus nasceretur. Ipse
autem causam dicit quare caecus sit natus, cum subdit sed ut manifestentur
opera Dei in illo. Chrysostomus. Non autem ex hoc ostendit quod alii
caeci facti sunt propter peccata parentum : neque enim contingit uno peccante
alium puniri. Quod autem dicit ut manifestetur gloria Dei, de seipso dicit,
non de patre : illius enim gloria iam manifesta erat. Sed numquid iste
iniuste passus est? Sed ego eum beneficium accepisse dico per caecitatem :
per hanc enim interioribus respexit oculis. Qui vero ex non ente ad esse eum
deduxit, potestatem habebat absque iniuria et ita eum dimittere. Dicunt autem
quidam, quoniam ut hic non est causativum, sed significat eventum, sicut et
illud : lex subintravit, ut abundaret delictum; sic et hoc consecutum est, ut
dominus oculos clausos aperiens, et alia naturalis infirmitatis nocumenta
corrigens, suam demonstravit virtutem. Gregorius Moralium. Alia itaque est percussio qua
peccator percutitur, ut sine retractatione puniatur; alia qua peccator
percutitur ut corrigatur; alia qua quisque percutitur non ut praeterita
corrigat, sed ne ventura committat; alia per quam nec praeterita culpa
corrigitur, nec futura prohibetur. Sed dum inopinata salus percussionem
sequitur, salvantis virtus cognita ardentius amatur. Chrysostomus. Et quia de seipso dixit ut
manifestetur gloria Dei, subiungit me oportet operari opera eius qui misit
me; idest me oportet manifestare meipsum, et facere ea quae manifestent me
patri eadem facientem. Beda. Cum enim filius se operari opera patris
asseruit, sua et patris opera eadem esse monstravit; quae sunt infirma
salvare, debilia roborare, homines illuminare. Augustinus. Per hoc autem quod dicit qui misit me,
universam gloriam dat illi de quo est, quia ille habet filium qui de illo
sit; ipse non habet de quo sit. Chrysostomus. Addidit autem donec dies est, idest,
donec licet credere hominibus in me, donec vita haec consistit, oportet me
operari; et hoc ostendit subdens venit nox, quando nemo potest operari. Nox
dicta est, secundum illud : proicite eum in tenebras exteriores. Ibi ergo
erit nox, ubi nemo potest operari, sed recipere quod operatus est. Cum vivis,
fac si quid facturus es : ultra enim neque fides est, neque labores, neque
poenitentia. Augustinus. Si autem modo operamur, hic est dies,
hic est Christus; unde subdit quamdiu sum in mundo, lux sum mundi. Ecce ipse
est dies. Dies iste qui circuitu solis impletur, paucas horas habet; dies
praesentiae Christi usque in consummationem saeculi extendetur : ipse enim
dixit : ecce ego vobiscum sum usque in consummationem saeculi. Chrysostomus in Ioannem. Quia vero sermonem quem
dixerat, per opera credi fecit, subiungit Evangelista haec cum dixisset,
expuit in terram, et fecit lutum ex sputo, et linivit lutum super oculos
caeci. Qui autem maiores substantias de nihilo ad esse perduxit, multo magis
oculos sine materia fecisset; sed voluit docere seipsum esse creatorem, qui
in principio usus est luto ad hominis formationem. Ideo autem non aqua utitur
ad lutum faciendum, sed sputo, ut nihil ascribatur fonti; sed discas quoniam
virtus oris oculos aperuit et plasmavit : et deinde ut non videatur eis ex
virtute terrae esse curatio, iussit lavari; unde sequitur et dixit ei : vade,
et lava ad natatoria Siloe, quod interpretatur missus : ut discas quoniam non
indigeo luto ad faciendos oculos. Et quia in Siloe erat virtus Christi, quae
omnia operabatur, propter hoc et interpretationem nobis Evangelista adiecit,
dicens quod interpretatur missus : ut discas quoniam et illic Christus eum
curavit. Sicut enim apostolus dicit quod petra erat Christus, ita et Siloe
spiritualis erat, cuius repentinus aquae defluxus occulte insinuat nobis
Christi manifestationem praeter omnem spem. Sed quare non statim eum fecit
lavari, sed ad Siloe misit? Ut destruatur Iudaeorum indevotio : conveniens
enim erat omnes eum videre euntem, et lutum super oculos habentem. Et etiam
volens ostendere quoniam non alienus est a lege et veteri testamento, mittit
eum ad Siloe. Non autem erat timendum ne Siloe sumeret hanc gloriam : multi
enim lavantes ibi oculos, nullo tali beneficio sunt potiti. Et iterum ut
discas caeci fidem, qui non contradixit, neque cogitavit apud seipsum : lutum
solet magis excaecare : multoties lavi in Siloe, et in nullo sum adiutus : si
quam virtutem haberet, praesens utique curasset. Sed simpliciter obedivit;
unde sequitur abiit ergo, et lavit, et venit videns. Sic igitur manifestavit
suam gloriam : non enim parva gloria est ut aestimetur auctor creationis : ea
enim quae de maiori est fides, quod minus est certificat. In universa autem
creatione honorabilior est homo, eorum autem quae in nobis sunt membrorum
honorabilior est oculus : hic enim corpus gubernat, hic ornat visum; et quod
sol est in orbe terrarum, hoc est oculus in corpore : unde superiorem locum
sortitur, sicut in quodam regali loco collocatus. Theophylactus. Quidam tamen dicunt quod lutum non
fuit depositum, sed in oculos est conversum. Beda. Mystice autem postquam expulsus est de
cordibus Iudaeorum, mox transivit ad gentilium populum. Praeterire autem
eius, vel iter facere, est de caelis in terram descendere. Itaque videt
caecum, cum misericorditer respexit genus humanum. Augustinus. Genus
enim humanum est iste caecus : haec enim caecitas contigit in primo homine
per peccatum, de quo omnes originem duximus : caecus est ergo a nativitate.
Spuit dominus in terram, de saliva sua lutum fecit, quia verbum caro factum
est, et inunxit oculos caeci. Inunctus erat et nondum videbat : quando enim
inunxit, forte eum catechumenum fecit. Mittit illum ad piscinam, quae vocatur
Siloe, quia baptizatus est in Christo, et tunc eum illuminavit. Pertinuit
autem ad Evangelistam ut commendaret nobis nomen huius piscinae; et ait quod
interpretatur missus : nisi enim ille fuisset missus, nemo nostrum esset ab
iniquitate dimissus. Gregorius Moralium. Vel aliter. Per salivam sapor
intimae contemplationis accipitur, quae ad os a capite defluit, quia de claritate
conditoris adhuc in hac vita nos positos gustu revelationis tangit; unde
dominus salivam luto miscuit, et caeci nati oculos reparavit, quia superna
gratia carnalem cognitionem nostram per admixtionem suae contemplationis
irradiat, et ab originali caecitate hominem ad intellectum reformat. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 56 sur Saint Jean). Comme
les Juifs n'avaient pu comprendre la hauteur des enseignements de
Jésus-Christ, en sortant du temple, il guérit un aveugle. Il veut en se
dérobant à leurs regards apaiser leur fureur, et en même temps amollir leur
dureté par le miracle qu'il va faire et confirmer la vérité de ses paroles : « Et comme Jésus passait, Jésus vit un
homme qui était aveugle de naissance». Remarquons qu'en sortant du
temple, il a le dessein formel d'opérer une œuvre qui fît connaître sa
divinité, car c'est lui qui vit l'aveugle, ce ne fut point l'aveugle qui vint
le trouver, et il le considéra avec tant d'intérêt, que ses disciples le
remarquèrent et lui firent cette question : « Maître, est-ce cet homme qui a péché ou ses parents, pour qu’il
soit né aveugle ? » —
Saint Augustin : (Traité 44 sur Saint Jean). Rabbi
veut dire maître, ils lui donnent le nom de maître, parce qu'ils
voulaient apprendre [de lui ce qu'ils ignoraient]; et ils proposent cette
question au Seigneur comme à leur maître. — Théophylactus : Cette question paraît fautive de la part des Apôtres, qui
n'admettaient pas cette opinion ridicule des Gentils, que l'âme avait péché
dans un autre monde où elle avait vécu auparavant; mais en y réfléchissant de
plus près, cette question n'est pas aussi simple qu'elle le paraît. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 56). Ils furent amenés en
effet à lui faire cette question, parce qu'en guérissant le paralytique,
Jésus lui avait dit : « Voilà que
vous êtes guéri, ne péchez plus davantage. » (Jean, 5) Et dans la
pensée que ses péchés avaient été la cause de sa paralysie, ils demandent si
cet aveugle ne s'est pas rendu aussi coupable de péché, ce qu'on ne pouvait pas
dire, puisqu'il était aveugle de naissance; ou bien ses parents, ce qui
n'était pas plus raisonnable, car le fils ne porte pas le péché du père. « Jésus répondit : Ce n'est point qu'il
ait péché, ni ses parents. » —
Saint Augustin : Est-ce donc qu'il était né
sans la faute originelle ou qu'il n'y avait ajouté par la suite aucune faute [volontaire]
? Non, sans doute, ses parents aussi bien que lui étaient coupables, mais ce
n'est pas à cause du péché qu'ils avaient commis que cet homme était né
aveugle. Notre Seigneur en donne la véritable cause, lorsqu'il ajoute : « C'est afin, dit-il, que les œuvres de
Dieu soient manifestées en lui. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 56). Jésus ne veut pas
indiquer par ces paroles que les autres aveugles le sont devenus en punition
des péchés de leurs parents, car il n'arrive pas qu'un homme soit puni pour
le péché d'un autre. Ces paroles du Sauveur : « afin que la gloire de Dieu soit manifestée, » doivent
s'entendre de sa propre gloire et non de celle du Père, dont la manifestation
avait déjà eu lieu. Mais cet homme souffrait-il donc injustement ? Non, et je
réponds que la cécité fut pour lui un bienfait, car il lui dut de voir des
yeux de l'âme. Il est évident que celui qui avait tiré cet homme du néant
pour lui donner l'être, avait aussi le pouvoir de l'affranchir de toute
infirmité. On peut dire du reste avec quelques-uns, que la particule ut
n'exprime pas ici la cause, mais plutôt la conséquence. Comme dans cette
autre phrase : « La loi est survenue, ut abundaret delictum, en sorte que
le péché a abondé » ; (Rm 5, 20) de même ici, la conséquence
de la guérison de cet aveugle et de toutes les autres maladies qui accablent
l'infirmité humaine, a été la manifestation de sa puissance. —
Saint Grégoire : (1 Moral. ou Préf. sur
Job). Il y a des châtiments que Dieu inflige aux pécheurs sans qu'il y
ait pour lui de retour possible; il en est d'autres qui le frappent afin de
le rendre meilleur; il en est d'autres encore qui ont pour fin, non point de
punir les fautes passées, mais de prévenir les fautes à venir; d'autres enfin
qui n'ont pour but ni de punir les péchés passés, ni de prévenir ceux que
l'on peut commettre dans l'avenir, mais de faire connaître d'une manière plus
éclatante et aimer plus ardemment la puissance de celui qui sauve par le
salut inespéré qui suit immédiatement le châtiment. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 56). Notre Seigneur vient de
dire, en parlant de lui-même : « afin
que la gloire de Dieu soit manifestée, » il ajoute : « Il faut, pendant qu'il fait jour, que je fasse les œuvres de celui
qui m'a envoyé, » c'est-à-dire il faut que je me manifeste moi-même, et
que je fasse les œuvres propres à me manifester, les mêmes que celles que
fait mon Père. —
Saint Bède : Lorsque le Fils affirme
qu'il fait les œuvres de son Père, il prouve ainsi que ses œuvres sont les
mêmes que celles de son Père, c'est-à-dire guérir ce qui est infirme,
fortifier ce qui est faible, éclairer tous les hommes. —
Saint Augustin : En disant : « les œuvres de celui qui m'a envoyé,
» il renvoie toute la gloire à celui de qui il vient, car le Père a un
Fils qui vient de lui, et il n'a pas lui-même de Père de qui il vienne. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 56). Il ajoute : « pendant qu'il est jour, »
c'est-à-dire : il me faut agir tandis qu'il est permis aux hommes de
croire en moi, ou bien tant que dure cette vie, et les paroles qui suivent
viennent à l'appui de cette explication : «
La nuit vient, où personne ne peut agir. » Cette nuit dont il a été dit :
« Jetez-le dans les ténèbres
extérieures. » (Mt 22) La nuit sera donc le temps où personne ne
peut plus travailler et où l'on recevra la récompense de son travail. Tandis
que vous vivez, faites donc ce que vous devez faire, car au delà de cette
vie, ni la foi n'est possible, ni les travaux, ni le repentir. —
Saint Augustin : Mais si nous prenons soin de
travailler pendant cette vie, c'est vraiment le jour, c'est le Christ. Aussi
Notre Seigneur ajoute-t-il : « Tant
que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde. » Il est donc
lui-même le jour; ce jour qui se mesure sur la révolution du soleil compte un
petit nombre d'heures, mais le jour de la présence de Jésus-Christ s'étend
jusqu'à la consommation des siècles, comme il le déclare lui-même : « Voici que je suis avec vous jusqu'à la
consommation des siècles. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 56). C'est par des œuvres
que le Sauveur veut faire croire à la vérité de ce qu'il vient de dire,
l'Evangéliste ajoute donc : « Après
avoir parlé ainsi, il cracha à terre, et ayant fait de la boue avec sa
salive, il l'étendit sur les yeux de l'aveugle ». Celui qui a tiré
du néant et appelé à l'être des créatures beaucoup plus importantes, eût bien
pu donner des yeux à cet aveugle, sans une matière préexistante; mais il a
voulu nous enseigner qu'il était le Créateur, qui au commencement s'est servi
de boue pour créer l'homme. (hom. 57). Il ne se sert pas d'eau, mais
de salive pour faire cette boue, pour vous empêcher d'attribuer rien à la
vertu de la fontaine, et vous apprendre que c'est la vertu de sa bouche qui a
fait et ouvert les yeux de cet aveugle, et il lui ordonne ensuite de les
laver pour que la guérison ne soit point non plus rapportée à une vertu
secrète de la terre : « Et il lui dit :
Allez vous laver dans la piscine de Siloë (mot qui veut dire envoyé), »
pour vous apprendre que je n'ai pas besoin de boue pour faire des yeux. La
piscine de Siloë tirait toute sa vertu de Jésus-Christ qui opérait toutes les
guérisons qui s'y faisaient, et c'est pour cela que l'Evangéliste donne la
signification de ce nom en ajoutant : «
qui signifie envoyé, » et il vous apprend par là que c'est Jésus-Christ
qui a guéri cet aveugle. De même, en effet, que l'Apôtre nous dit : « La pierre c'était le Christ, » ainsi
la piscine de Siloë avait une signification spirituelle, alimentée par un cours
d'eau qui coulait soudainement à certains intervalles, et nous figurait
secrètement que Jésus-Christ se manifeste souvent contre toute espérance.
Mais pourquoi donc ne lui commande-t-il pas de se laver immédiatement sans
aller à la piscine de Siloë ? C'est pour mieux confondre l'impudence des
Juifs. Il était bon, en effet, que tous le voient se diriger vers cette
piscine, ayant les yeux couverts de boue. Jésus voulait d'ailleurs montrer en
l'envoyant à cette piscine, qu'il n'est opposé ni à la loi, ni à l'Ancien
Testament. Il n'était point d'ailleurs à craindre qu'on attribuât la gloire
de cette guérison à la piscine de Siloë, car beaucoup s'y lavaient les yeux
sans obtenir une grâce aussi importante. Il voulait encore faire éclater la
foi de cet aveugle, qui ne cherche pas à contredire le Sauveur, qui ne se dit
pas en lui-même : La boue d'ordinaire est bien plus propre à faire perdre la
vue [qu'à la rendre], je me suis lavé plusieurs fois dans la piscine de
Siloë, je n'en ai éprouvé aucun soulagement, si cette eau avait quelque
efficacité, elle m'eût guéri sur-le-champ, il obéit avec simplicité : « Il y alla, se lava et revint voyant
clair. » (hom. 56). C'est donc ainsi qu'il manifesta sa gloire,
car ce n'est pas une faible gloire que de passer pour le créateur de toutes
choses; la foi que l'on donnait à cette grande vérité en faisait accepter
d'autres moins importantes. L'homme, en effet est la plus honorable parmi
toutes les créatures; et de tous ses membres, l'œil est le plus digne
d'honneur, car c'est lui qui gouverne le corps, lui qui est le plus bel
ornement du visage ; ce qu'est le soleil dans l'univers, l'œil l'est
dans le corps de l'homme, c'est pour cela qu'il occupe la partie la plus
élevée et qu'il y est placé comme sur son trône. — Théophylactus : Il en est qui pensent que cette boue ne fut pas lavée, mais qu'elle
servit à former les yeux de cet aveugle. —
Saint Bède : Dans le sens allégorique,
nous voyons ici que le Sauveur, chassé du cœur des Juifs, se dirige aussitôt
vers les Gentils. Son passage, le chemin qu'il fait, c'est sa descente du
ciel sur la terre. Il vit cet aveugle, lorsqu'il abaissa les regards de sa
miséricorde sur le genre humain. —
Saint Augustin : Cet aveugle, en effet, c'est
le genre humain tout entier qui a été frappé de cécité par le péché du
premier homme, dont nous tirons tous notre origine; il est donc aveugle de
naissance. Le Seigneur laisse tomber à terre un peu de salive, et [la
mélangeant avec la poussière du chemin], il en fait de la boue, parce que le
Verbe s'est fait chair, et il étend cette boue sur les yeux de l'aveugle.
Lorsque ses yeux étaient ainsi couverts, il ne voyait pas encore, parce que
le Seigneur ne fit de lui qu'un catéchumène, lorsqu'il lui couvrit ainsi les
yeux. Il l'envoie à la piscine de Siloë, car c'est en Jésus-Christ qu'il a
été baptisé, et c'est alors que le Sauveur lui donna l'usage de la vue.
L’Evangéliste nous donne la signification du nom de cette piscine, qui veut
dire envoyé, et, en effet, si le Fils de Dieu n'avait été envoyé sur
la terre, personne d'entre nous n'eût été délivré de son iniquité. —
Saint Grégoire : (Moral., 8, 12 ou 18). Ou bien
encore, la salive figure la saveur de la contemplation intime. Elle descend
de la tête dans la bouche, parce qu'elle part des splendeurs de Dieu, qu'elle
nous fait goûter par les douceurs de la révélation alors que nous sommes
encore dans cette vie. Notre Seigneur mêle sa salive à la terre, et donne
ainsi à cet aveugle l'usage de la vue, parce que c'est en mêlant la
contemplation de la vérité à nos pensées charnelles, que la grâce céleste
répand sa lumière dans notre âme, et délivre notre intelligence de la cécité originelle
dont elle a été frappée dans le premier homme. |
Lectio 2 |
Versets 8-17 |
[86072] Catena in Io., cap. 9 l. 2 Chrysostomus
in Ioannem. Inopinabilitas facti miraculi incredulitatem inducebat, et
ideo dicitur itaque vicini, et qui viderant eum prius quia mendicus erat,
dicebant : nonne hic est qui sedebat et mendicabat? Mirabilis Dei clementia
quo descendebat? Eos qui mendicabant, cum multa devotione curabat, et hinc
Iudaeorum os obstruens, quoniam non praeclaros, non insignes, neque
principes, sed ignobiles sua dignos ducebat providentia : etenim in salutem
omnium venerat. Sequitur alii dicebant, quia hic est. Caeco enim per longam viam
eunte diligentes inspectores facti ex inopinabilitate eius quod viderant, non
ultra poterant dicere : non est hic. Sequitur alii autem : nequaquam, sed
similis eius est. Augustinus in Ioannem. Aperti enim oculi vultum
mutaverunt. Sequitur ille autem dicebat : quia ego sum. Vox grata, ne
damnetur ingrata. Chrysostomus. Non enim verecundatus est de priori
caecitate, neque formidavit furorem plebis, neque renuit ostendere seipsum,
ut praedicet benefactorem. Sequitur dicebant ergo ei : quomodo aperti sunt
oculi tui? Hunc modum neque nos scimus, neque ipse qui curatus est novit :
sed quod quidem factum est, noverat, modum autem comprehendere non poterat;
unde sequitur respondit : ille homo qui dicitur Iesus, lutum fecit, et
linivit oculos meos. Vide quomodo verax est. Non dixit unde fecit : quod enim
non noverat, non dicit : neque enim scivit quoniam in terra expuit. Quoniam
autem superunxit, per sensum tactus didicit. Sequitur et dixit : vade ad
natatoria Siloe, et lava. Et hoc etiam ex auditu testatus est : recognovit
enim eius vocem ex disputatione cum discipulis. Et quia ad unum se
praeparaverat, scilicet omnia sibi suaderi a iubente, subiungit et abii et
lavi et vidi. Augustinus. Ecce annuntiator factus est gratiae,
ecce evangelizat et confitetur Iudaeis. Caecus ille confitebatur, et cor
impiorum stringebatur, quia non habebant in corde quod iam ille habebat in
facie; unde sequitur et dixerunt : ubi est ille? Chrysostomus. Dicebant autem hoc, occisionem
meditantes; iam enim adversus ipsum conspiraverant. Christus autem non aderat
his qui curabantur; non enim quaerebat gloriam, neque se ostentare. Recedebat
etiam semper curans Iesus, ut omnis suspicio tolleretur signorum. Qui enim
non cognoscebant eum, qualiter ob gratiam eius se curatos confiterentur? Unde
sequitur : ait : nescio. Augustinus. In his verbis inuncto similis erat,
nondum videnti : praedicat, et nescit quid praedicat. Beda. Unde figuram tenet catechumenorum, qui etsi
credunt in Iesum, adhuc tamen eum quasi nesciunt, quia nondum loti existunt.
Pharisaeorum autem erat approbare opus vel improbare. Chrysostomus. Iudaei igitur quaerentes ubi est ille?
Volebant eum invenire ut eum ducerent ad eos; quia vero non habuerunt eum,
ducunt caecum; unde sequitur adducunt eum ad Pharisaeos qui caecus fuerat, ut
scilicet vehementius eum interrogarent. Propterea autem et Evangelista subdit
erat autem sabbatum quando lutum fecit Iesus, et aperuit oculos eius : ut
scilicet eorum malam mentem demonstraret, et causam propter quam eum
quaerebant; ut scilicet occasionem contra eum invenirent, et ut detraherent
miraculo per aestimatam legis praevaricationem : quod etiam manifestum est ex
his quae sequuntur; sequitur enim iterum ergo interrogabant eum Pharisaei
quomodo vidisset. Vide autem qualiter non turbatur caecus : nam quandoquidem
turbis dicebat sine periculo interrogatus, non ita magnum erat veritatem
dicere; mirabile autem est nunc, quod in ampliori periculo constitutus, neque
negat, neque contraria dicit prioribus; sequitur enim ille autem dixit eis : lutum
posuit mihi super oculos meos, et lavi, et video. Hoc autem ad eos qui iam
audierant succinctius loquitur : non enim dixit nomen dicentis, neque quoniam
dixit mihi vade et lava; sed confestim lutum mihi posuit super oculos, et
lavi, et video; et sic contrarium passi sunt eius quod volebant : duxerunt
enim eum ut negaturum, sed ab eo certius didicerunt. Sequitur dicebant ergo
ex Pharisaeis. Augustinus. Non omnes, sed quidam : iam enim
inungebantur quidam. Dicebant ergo nec videntes nec inuncti non est hic homo
a Deo, qui sabbatum non custodit. Ipse potius custodiebat qui sine peccato
erat : sabbatum enim observare spiritualiter, est non habere peccatum; et hoc
admonet Deus quando commendat sabbatum : omne opus servile non facietis. Quid
sit opus servile a domino audite : omnis qui facit peccatum servus est
peccati. Sed isti sabbatum carnaliter observabant, spiritualiter violabant.
Chrysostomus in Ioannem. Malitiose autem quod factum
est silentes, aestimatam praevaricationem in medium ferebant : non enim
dicebant quoniam sabbato curat, sed quoniam sabbatum non servat. Sequitur
alii dicebant : quomodo potest homo peccator haec signa facere? A signis enim
inducebantur, sed imbecilliter erant dispositi : congruum enim erat ostendere
qualiter sabbatum non solvitur; sed nondum hanc habebant mentem quod Deus
esset, ut possent respondere quoniam dominus sabbati haec fecit. Nullus
denique eorum audebat ea quae volebat, manifeste dicere, sed in ambiguitate :
hi quidem propter improbabilitatem, alii vero propter amorem principatus.
Sequitur et schisma erat inter eos. Augustinus. Dies enim erat Christus, qui inter lucem
et tenebras dividit. Chrysostomus in Ioannem. Volentes autem qui dixerant
homo peccator non potest talia signa facere, os aliorum obstruere, eum qui
suscepit virtutis experientiam, in medium ducunt, ut non videantur ipsi
advocatione uti; unde sequitur dicunt ergo caeco iterum : tu quid dicis de
illo qui aperuit tibi oculos? Theophylactus. Vide quomodo benevole quaerunt : non
enim dixerunt : tu quid dicis de illo qui sabbatum non observat? Sed
miraculum commemorant : quomodo aperuit tibi oculos? Pene ipsum sanatum
concitantes; quasi dicerent : benefecit tibi, unde debes eum praedicare. Augustinus. Vel quaerebant quemadmodum hominem
calumniarentur, ut eum ex synagoga eicerent. Sed ille constanter quod
sentiebat expressit; unde sequitur ille autem dixit, quia propheta est. Adhuc
quidem inunctus in corde, nondum Dei filium confitebatur; non mentitur tamen
: ipse enim dominus de seipso ait : non est propheta sine honore nisi in
patria sua. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 57). L'étrangeté de ce
miracle le rendait plus difficile à croire, et c'est en effet ce qui arrive :
« Les gens du voisinage, dit l'Evangéliste, et ceux qui l'avaient
vu auparavant demander l'aumône, disaient : N'est-ce pas là celui qui était
assis et mendiait ? » Admirable condescendance de la clémence de Dieu !
Le Sauveur guérissait avec une grande bonté les pauvres mendiants, et il
ferme ainsi la bouche aux Juifs, en jugeant dignes de ses bienfaits les
hommes inconnus de préférence aux personnages illustres ou distingués par
leurs talents ou leurs dignités, car il était venu pour le salut de tous les
hommes : « Les uns disaient : C'est lui. » Comme cet aveugle avait une
longue route à parcourir et que leur attention était excitée par la
singularité de ce miracle dont ils avaient été les témoins, ils ne pouvaient
pas dire : Ce n'est point lui. « D'autres cependant, poursuit
l'Evangéliste, disaient : Point du tout, mais il lui ressemble. » —
Saint Augustin : (Traité 44). En effet, ses yeux
ouverts avaient changé sa physionomie : « Mais lui disait : C'est
moi, » c'est la voix de la reconnaissance qui veut se mettre à couvert du
reproche d'ingratitude. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 57). Il ne rougit pas de a
cécité d’avant, il ne redoute point la colère du peuple, et il n'hésite pas à
se montrer en public pour faire connaître son bienfaiteur : « Ils lui
disaient donc : Comment vos yeux se sont-ils ouverts ? » De quelle
manière fût-il guéri, nous ne le savons pas, il ne le savait pas lui-même, il
savait seulement qu'il était guéri sans pouvoir comprendre comment cela
s'était fait : « Il répondit : Cet homme qu'on appelle Jésus, a fait de la
boue et l'a étendue sur mes yeux. » Voyez comme il s'attache à ne dire
que la vérité. Il ne dit pas comment Jésus a fait cette boue, il ne disait
pas ce qu’il ne avait pas, qu'il avait craché à terre, tandis que le sens du
toucher lui fit connaître qu'il avait étendu de la boue sur ses yeux : « Et
il m'a dit : « Allez à la piscine de Siloë et lavez-vous. » Il put encore
certifier ce fait par le sens de l'ouïe, car il reconnut la voix de Jésus,
dont il avait entendu la discussion avec ses disciples. Et comme il s'était
préparé à une seule chose, c'est-à-dire, à faire avec docilité tout ce qui
lui serait commandé, il ajoute : « J'y ai été, je me suis lavé et je vois.
» —
Saint Augustin : (Traité 44). Le voici devenu
prédicateur de la grâce, il évangélise et confesse Jésus-Christ aux Juifs.
Mais tandis que cet aveugle confesse ainsi la vérité, le cœur des impies se
resserrait, parce qu'ils n'avaient pas dans le cœur les yeux qui brillaient
sur sa figure : « Et ils lui dirent : Où est cet homme ? » —
Saint Jean
Chrysostome : (hom. 57). Ils lui faisaient cette question dans le dessein
qu'ils avaient formé de mettre Jésus à mort, car déjà ils avaient conspiré
contre lui. Mais Jésus ne restait pas auprès de ceux qu'il avait guéris,
parce qu'il ne cherchait ni la gloire ni l'ostentation, il se retirait aussitôt
qu'il avait guéri quelqu’un, pour éloigner tout soupçon au sujet de ses
miracles, car comment ceux qui ne le connaissaient pas auraient-ils déclaré
dans son intérêt, que leur guérison venait de lui ? « Et il répondit : Je
ne sais pas. » — Saint Augustin : [référence à
vérifier] En
faisant cette réponse, il est semblable au catéchumène, qui n'a reçu que
l'onction, et qui n'est pas encore éclairé, il prêche et il ne connaît pas
encore ce qu'il annonce. —
Saint Bède : Il est donc en cela la
figure des catéchumènes qui ont bien la foi en Jésus-Christ, mais qui ne le
connaissent pas encore parfaitement, parce qu'ils ne sont pas encore
purifiés. C'étaient aux pharisiens qu'il appartenait
d'approuver ou de blâmer cette œuvre. —
Saint Jean Chrysostome : Les Juifs donc, en demandant
où était Jésus, avaient le dessein de le trouver pour le conduire aux
pharisiens, mais n'ayant pu le trouver, ils leur amènent l'aveugle : «
Alors ils amenèrent aux pharisiens celui qui avait été aveugle, pour le
presser par de nouvelles et plus vives questions. » C'est pour cela
que l'Evangéliste fait cette remarque : « Or, c'était le jour du sabbat
que Jésus avait fait ainsi de la boue et lui avait ouvert les yeux ». Il
voulait ainsi nous faire connaître les mauvaises dispositions du leur âme, et
la raison pour laquelle ils le cherchaient, c'est-à-dire, pour trouver
l'occasion de la perdre, et détruire l'impression produite par ce miracle par
la prétendue violation de la loi, ce qui ressort évidemment des questions
qu'ils lui adressent : « Les pharisiens lui demandèrent donc aussi
comment il avait recouvré la vue. » Voyez comment l'aveugle répond sans
se troubler; quand le peuple l'interrogeait, il n'avait aucun danger à
craindre, il ne fallait pas un grand courage pour dire la vérité; mais ce qui
est vraiment admirable, c'est que bien que placé devant un danger bien plus
grand, il ne songe ni à nier le fait, ni à dire le contraire de ce qu'il a
déclaré précédemment : « Il leur dit : Il m'a mis de la boue sur les yeux,
je me suis lavé et je vois. » Il abrège ici sa réponse, parce qu'il parle
à des hommes qui connaissaient déjà le fait. Il ne leur dit pas le nom de
celui qui lui a donné cet ordre, il ne rapporte pas les paroles que Jésus lui
a adressées : « Allez, et lavez-vous » ; il va tout de suite au
fait : « Il m'a mis de la boue sur les yeux, je me suis lavé et je vois. »
Ils éprouvèrent donc le contraire de ce qu'ils espéraient, ils l'amenèrent
dans l'intention de lui faire nier le fait de sa guérison, et ils en
acquirent une certitude beaucoup plus grande. « Sur cela, quelques-uns des
pharisiens disaient, » etc. —
Saint Augustin : Ce n'étaient pas tous, mais
quelques-uns seulement, car déjà il y en avait parmi eux qui recevaient
l'onction. Ceux donc qui ne voyaient pas encore et qui n'avaient pas reçu la
grâce de l'onction, disaient : « Cet homme n'est point de Dieu, puisqu'il
n'observe point le sabbat. » Au contraire, il en était le plus fidèle
observateur, lui qui était sans péché, car l'observation spirituelle du
sabbat, c'est de n'avoir aucun péché, et c'est l'avertissement que Dieu nous
donne quand il nous recommande l'observation de la loi du sabbat : « Vous
ne ferez aucune œuvre servile. » Qu'est-ce qu'un œuvre servile ? le
Seigneur lui-même vous l'apprend : « Tout homme qui commet le péché est
esclave du péché » (Jn 7) ; or, les pharisiens tout en
observant extérieurement la loi du sabbat, la violaient spirituellement. —
Saint Jean Chrysostome : Ils passent malicieusement
sous silence le fait de la guérison, et ne mettent en avant que la prétendue
violation du sabbat. Ainsi, ils ne disent pas : Il guérit le jour du sabbat,
mais : « Il transgresse la loi du sabbat. » « D'autres
disaient : « Comment un pécheur peut-il faire de tels prodiges ? » Vous
voyez qu'ils sont vivement impressionnés par ce miracle, mais leurs
dispositions étaient imparfaites, car ils auraient dû plutôt chercher à
prouver qu'il n'y avait point ici transgression de la loi du sabbat. Mais ils
ne croyaient pas encore qu'il était Dieu, et ne pouvaient répondre que c'est
le maître du sabbat qui avait opéré ce miracle. Nul d'entre eux n'osait
déclarer ouvertement ce qu'il aurait voulu dire, ils tenaient un langage
ambigu, les uns, parce qu'ils n'osaient parler librement, les autres par
amour du pouvoir : « Et ils étaient divisés entre eux. » [Cette
division avait lieu dans le peuple et avait gagné jusqu'aux chefs du peuple]. —
Saint Augustin : Jésus-Christ était le jour
qui sépare la lumière des ténèbres. —
Saint Jean Chrysostome : Ceux qui avaient osé dire :
Un pécheur ne peut faire de tels prodiges, voulant fermer la bouche à leurs
contradicteurs, font avancer au milieu d'eux celui qui avait éprouvé les
heureux effets de la puissance de Jésus-Christ, pour éviter tout reproche de
flatterie : « Ils dirent donc de nouveau à l'aveugle : Et vous, que
dites-vous de celui qui vous a ouvert les yeux ? » — Théophylactus : Voyez comme leur question est pleine de bienveillance; ils ne lui
demandent pas : Que dites-vous de celui qui n'observe pas la loi du sabbat ?
Ils ne rappellent que le miracle qu'il a opéré, mais : « Comment vous
a-t-il ouvert les yeux ? » Ils semblent exciter le zèle de cet homme, et
lui dire : Il est votre bienfaiteur, et c'est un devoir pour vous de
proclamer ses bienfaits. —
Saint Augustin : Ou bien peut-être ils
cherchaient une occasion de calomnier cet homme et de le chasser de la
synagogue, mais il continua de dire avec courage tout ce qu'il pensait : «
Il répondit : C'est un prophète. » Il avait déjà reçu l'onction du cœur,
mais il ne reconnaît pas encore Jésus pour le Fils de Dieu. Cependant il ne
ment pas, car Notre Seigneur a dit, en parlant de lui-même : « Aucun
prophète n'est sans honneur, si ce n'est dans sa patrie. » (Lc 4) |
Lectio 3 |
Versets 18-23 |
[86073] Catena in Io., cap. 9 l. 3 Chrysostomus in
Ioannem. Quia Pharisaei caecum attonitum facere non valuerunt, sed
videbant eum cum omni propalatione benefactorem suum praedicantem, per
parentes putabant Christi miraculum annihilare; unde dicitur non crediderunt
ergo Iudaei de illo quia caecus fuisset et vidisset, donec vocaverunt
parentes eius qui viderat. Augustinus in Ioannem. Idest, caecus fuerat et
viderat. Chrysostomus. Sed haec est veritatis natura : per
quae putatur insidias pati, per haec fortior fit : mendacium enim sibi ipsi
quidem obviat, et per ea per quae laedere veritatem videtur, per ea clariorem
eam ostendit, quod et nunc factum est. Ne enim aliquis diceret quod vicini
nihil certum dixerunt, sed per quamdam assimilationem locuti sunt, parentes
in medium ducuntur, qui maxime suum filium cognoscebant. Statuentes autem eos
in medium, cum multo furore interrogant; unde sequitur et interrogaverunt
eos, dicentes : hic est filius vester? Et non dicunt : qui quandoque fuit
caecus, sed quem dicitis quia natus est caecus. O iniqui. Quis pater eligeret
talia mentiri de filio? Solum non dicunt : quem vos fecistis caecum. Duobus
autem his ad negationem eos inducere conantur : et in hoc quod dicunt quem
dicitis quia natus est caecus, et in hoc quod subdunt quomodo ergo nunc
videt? Theophylactus. Quasi dicant : aut hoc falsum est
quod nunc videat, aut primum quod caecus fuerit; sed constat hoc esse verum
quod videt : falsum ergo fuit quod caecum eum dicebatis. Chrysostomus. Tribus ergo interrogationibus factis :
si filius eorum est, si caecus fuit, et qualiter vidit, duas confitentur;
unde sequitur responderunt ergo eis parentes eius, et dixerunt : scimus quia
hic est filius noster, et quia caecus natus est. Tertiam autem abiciunt; unde
subdunt quomodo autem nunc videat nescimus, aut quis eius aperuit oculos nos
nescimus. Et hoc etiam pro veritate factum est, ut nullus alius, sed is qui
curatus est, et qui dignus fide erat, hoc confiteretur; unde sequitur ipsum
interrogate : aetatem habet, ipse de se loquatur. Augustinus. Quasi dicant : iuste cogeremur loqui pro
infante, quia ipse pro se loqui non posset. Caecum a nativitate novimus, sed
loquentem. Chrysostomus. Qualiter ergo grati fuerint parentes,
qui eorum quae sciebant quaedam tacuerunt propter timorem Iudaeorum? Sequitur
enim haec dicebant parentes eius, quia timebant Iudaeos. Rursus et hic
opinionem Iudaeorum et mentem Evangelista inducit; unde sequitur iam enim
conspiraverant Iudaei ut si quis eum confiteretur esse Christum, extra
synagogam fieret. Augustinus. Iam non erat malum fieri extra synagogam
: illi expellebant, Christus suscipiebat. Sequitur propterea parentes eius
dixerunt : quia aetatem habet, ipsum interrogate. Alcuinus. In quo ostendit Evangelista, illos non per
ignorantiam, sed propter metum talia respondisse. Theophylactus. Imbecilliores enim filio erant, qui
testis aderat intrepidus veritatis, illuminatos habens oculos intellectus a
Deo. |
—
Saint Jean Chrysostome : (hom. 58). Les pharisiens n'ayant pu intimider cet homme,
et voyant qu'il proclamait en toute liberté le nom de son bienfaiteur,
crurent qu'ils pourraient détruire la vérité du miracle au moyen de ses
parents; c'est ce que signifient ces paroles de l'Evangéliste : « Mais les
Juifs ne voulurent pas croire qu'il eût été aveugle et qu'il eût recouvré la
vue, jusqu'à ce qu'ils eussent fait venir les parents de celui qui voyait. » —
Saint Augustin : C'est-à-dire, de celui qui
avait été aveugle et qui avait recouvré la vue. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 58). Mais telle est la
nature de la vérité, qu'elle puise une force plus grande dans les difficultés
qu'on lui suscite. Le mensonge se détruit par lui-même, et les moyens qu'il
prend pour détruire la vérité, ne servent qu'à la rendre plus éclatante;
c'est ce que nous voyons arriver ici. On aurait pu dire que le témoignage des
voisins n'était pas bien certain, que la ressemblance avait pu les tromper;
on fait donc venir les parents, qui connaissaient leur fils mieux que
personne ne pouvait le connaître. Ils le placent au milieu d’eux et
l’interrogent avec brutalité : « Et ils leur demandèrent : Est-ce là votre
fils, que vous dites être né aveugle ? » Ils ne disent pas : Qui était
autrefois aveugle, mais : « que vous dites être né aveugle ? » O
hommes pervers ! Quel est le père qui voudrait faire un tel mensonge à
l'égard de son fils ? Il n'y a qu'une chose qu'ils ne disent pas, c'est que
ce sont eux-mêmes qui l'ont rendu aveugle. Ils s'efforcent donc de leur faire
nier sa guérison par ces deux questions : « Est-ce là votre fils que vous
dites être né aveugle ? » et : « Comment donc voit-il maintenant
? » — Théophylactus : C'est-à-dire, ou il est faux qu'il voie maintenant, ou il n'a pas été
précédemment aveugle. Mais comme on ne peut nier qu'il voie maintenant, il
est donc faux qu'il fût aveugle, comme vous l'avancez. — Saint
Jean Chrysostome : (hom. 58). Sur trois questions qui
leur sont faites, s'il est leur fils, s'il était aveugle, et comment il se
fait qu'il voie maintenant, ils répondent à deux : « Ses parents leur
répondirent : Nous savons que c'est là notre fils, et qu'il est né aveugle. »
Quant à la troisième, ils l'éludent, en disant : « Mais comment il voit
maintenant, et qui lui a ouvert les yeux, nous ne le savons. » C'est pour
le plus grand triomphe de la vérité que nul autre que celui qui a été guéri,
et qui était bien digne de foi, atteste le miracle dont il est l'objet. «
Interrogez-le, disent ses parents, il a l'âge, qu'il parle de ce qui le
concerne. » —
Saint Augustin : C'est-à-dire, on pourrait
nous forcer de parler pour un enfant, parce qu'il ne pourrait parler pour
lui-même : nous l'avons connu aveugle de naissance, mais ayant l'usage
de la parole. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 58). Quelle ingratitude dans
les parents de cet homme, qui n'osent dire ce qu'ils savent très bien, par la
crainte qu'ils ont des Juifs ! « Ils parlèrent ainsi, dit
l'Evangéliste, parce qu'ils craignaient les Juifs. » Il nous fait
connaître en même temps la pensée des Juifs et leur dessein : « Car, ajoute-t-il,
les Juifs étaient convenus entre eux que quiconque reconnaîtrait Jésus pour
le Christ, serait chassé de la synagogue. » —
Saint Augustin : Ce n'était plus, du reste,
un mal que d'être chassé de la synagogue; car, si l'on était chassé par les
Juifs, on était reçu par Jésus-Christ. C'est pourquoi ses parents dirent : « Il a
l'âge, interrogez-le, » —
Alcuin : L'Evangéliste nous donne ici
une preuve que, ce n'est point l'ignorance, mais la crainte qui leur a dicté
cette réponse. — Théophylactus : Ils sont plus timides que leur enfant, qui se montre le témoin
intrépide de la vérité, parce que Dieu avait éclairé les yeux de son âme. |
Lectio 4 |
Versets 24-34 |
[86074] Catena in Io., cap. 9 l. 4 Chrysostomus
in Ioannem. Quia parentes miserunt Pharisaeos ad illum qui curatus est,
rursus vocaverunt eum secundo; unde dicitur vocaverunt ergo rursus hominem
qui caecus fuerat. Non autem manifeste dicunt : nega quoniam Christus te
curavit; sed sub praetextu religionis ad hoc eum inducere volunt; unde
sequitur da gloriam Deo : quasi dicant : confitere quia hic nihil est
operatus. Augustinus in Ioannem. Nega quod accepisti. Hoc
plane non est Deo gloriam dare, sed Deum potius blasphemare. Alcuinus. Sic autem volebant illum dare gloriam Deo,
ut, sicut et ipsi, Christum diceret peccatorem; unde sequitur nos scimus quia
hic homo peccator est. Chrysostomus in Ioannem. Qualiter ergo non
arguistis eum dicentem : quis ex vobis arguet me de peccato? Alcuinus. Sed ille ut neque pateret calumniae, neque
veritatem celaret, non dixit : scio eum iustum; nam sequitur dicit ergo ille
: si peccator est, nescio. Chrysostomus in Ioannem. Qualiter qui dixit :
quoniam propheta est, nunc dicit si peccator est, nescio? Numquid modo timuit
caecus? Absit; sed voluit Christum a rei testimonio, et non a sua voce ab
incusatione eripere, et suam responsionem facere fide dignam ab accepto
beneficio; unde subdit unum scio, quia caecus cum essem, modo video; quasi
dicat : nihil modo de hoc dico utrum sit peccator, sed iterum dico quod
manifeste novi. Quia igitur nequiverant evertere quod factum est, ad priores
redeunt sermones, rursus modum curationis inquirentes; sicut canes quidem
venationem nunc huc, nunc illuc investigantes; unde sequitur dixerunt ergo
illi : quid fecit tibi? Quomodo aperuit tibi oculos? Hoc est, numquid
praestigio aliquo? Non enim dixerunt : qualiter vidisti? Sed : qualiter
aperuit oculos tibi? Dantes occasionem detrahendi contra eius operationem.
Donec igitur res inquisitione indigebat, caecus remisse loquebatur; quia vero
iam vicerat, audacter de reliquo eis loquitur; unde sequitur respondit eis :
dixi vobis iam, et audistis; quid iterum vultis audire? Quasi dicat : non
attenditis ad ea quae dicuntur : unde ultra non respondebo vobis inaniter
interrogantibus, et non volentibus addiscere, sed cavillari quae dicuntur;
unde sequitur numquid et vos vultis discipuli eius fieri? Augustinus in Ioannem. Quid est numquid et vos, nisi
quia iam ego sum, numquid et vos vultis? Iam video, sed non invideo. Haec
loquebatur iam stomachans adversus duritiam Iudaeorum, et ex caeco videns,
non ferens caecos. Chrysostomus. Ita forte quid est veritas, ita
imbecille mendacium; nam veritas quidem et si despectos assumpserit, claros
eos facit vel ostendit; mendacium autem et si cum fortibus fuerit, imbecilles
eos monstrat. Sequitur maledixerunt ergo ei, et dixerunt : tu discipulus eius
sis. Augustinus. Maledictum est, si cor discutias, non si
verba perpendas. Tale maledictum super nos et super filios nostros. Sequitur
nos autem Moysi discipuli sumus; nos scimus quia Moysi locutus est Deus. Sed
tunc sciretis, quia per Moysen praedictus est Deus : habetis enim dominum
dicentem : si crederetis Moysi, crederetis et mihi : de me enim ille
scripsit. Itane sequimini servum et dorsum ponitis contra dominum? Nam
subditis hunc autem nescimus unde sit. Chrysostomus. Ea quae per visum cognoscitis, auditu
minora aestimatis : illa enim quae nosse vos dicitis, a progenitoribus
audistis. Sed nonne fide dignior est qui certificavit quod a Deo venit per
miracula, quae non solum audistis, sed vidistis? Unde sequitur respondit ille
homo, et dixit eis : in hoc enim mirabile est, quia vos nescitis unde sit, et
aperuit oculos meos. Ubique signum inducit, quia hoc depravare non poterant,
sed ab eo convincebantur : et quia dixerant quod homo peccator non potest
talia signa facere, de cetero illorum assumit iudicium, propria verba eis in
memoriam reducens; unde subdit scimus autem quia peccatores Deus non audit;
quasi dicat : opinio haec mea et vestra communis est. Augustinus. Adhuc tamen unctus loquitur : nam et
peccatores exaudit Deus. Si enim non exaudiret, frustra publicanus diceret :
Deus, propitius esto mihi peccatori; ex illa confessione meruit
iustificationem, quomodo ipse caecus illuminationem. Theophylactus. Vel dicendum est, quoniam quod dictum
est, Deum non exaudire peccatores, hoc significat quod facere miracula Deus
peccatoribus non concedit. Cum vero veniam implorant de commissis, translati
sunt de gradu peccantium ad statum poenitentium. Chrysostomus. Et vide quod cum supra dixit si
peccator est, nescio, non dubitans dixit : hic enim non solum a peccatis eum
excusat; sed valde Deo placentem ostendit : nam subdit si quis Dei cultor
est, et voluntatem eius facit, hunc exaudit. Non enim sufficit Deum
cognoscere, sed voluntatem eius facere. Deinde extollit quod factum est, dicens
a saeculo non est auditum quia quis aperuit oculos caeci nati; quasi dicat :
si confitemini quoniam Deus peccatores non audit, hic autem miraculum fecit,
et tale quale nullus hominum fecit, manifestum est virtutem qua hoc fecit,
maiorem esse quam quae est secundum hominem virtus; unde subdit nisi esset
hic a Deo, non posset facere quidquam. Augustinus. Libere, constanter, veraciter. Haec enim
quae facta sunt a domino, a quo fierent nisi a Deo? Aut quando a discipulis
talia fierent, nisi in eis dominus habitaret? Chrysostomus. Quia ergo veritatem locutus, in nullo
confusus est; quando maxime admirari eum oportebat, tunc eum condemnant;
sequitur enim responderunt et dixerunt ei : in peccatis natus es totus, et tu
doces nos? Augustinus. Quid est totus? Cum oculis clausis. Sed
qui aperuit oculos, salvat et totum. Chrysostomus. Vel dicunt totus ac si dicant : a
prima aetate in peccatis es. Hic igitur eius caecitatem exprobrant,
ostendentes quod propter peccata factus est caecus; quod rationem non habebat.
Donec ergo expectabant eum negaturum esse, fide dignum esse putabant; sed
nunc eum eiciunt; unde sequitur et eiecerunt eum foras. Augustinus. Ipsi illum magistrum fecerant, ipsi ut
discerent toties interrogaverunt, et ingrati docentem proiecerunt. Beda. Solet enim maiorum consuetudo a minoribus
aliquid discere dedignari. |
—
Saint Jean Chrysostome : (hom. 58 sur Saint Jean). Les parents ayant renvoyé les pharisiens à
celui-là même qui avait été guéri, ils l'appelèrent une seconde fois, comme
le dit l'Evangéliste : « Ils appelèrent donc de nouveau l'homme qui avait
été aveugle. » Ils ne lui dirent pas ouvertement : Niez que
Jésus-Christ vous ait guéri; mais ils veulent l'y amener indirectement, sous
prétexte de religion : « Rendez gloire à Dieu, » lui dirent-ils;
c'est-à-dire, avouez que Jésus ne vous a rien fait. —
Saint Augustin : (Traité 47). Niez le bienfait que
vous avez reçu; ce qui n'est point rendre gloire à Dieu, mais se rendre
coupable de blasphème envers lui. —
Alcuin : Mais ils voulaient qu'il rendît
gloire à Dieu à leur façon, c'est-à-dire en reconnaissant que Jésus-Christ
était un pécheur : « Nous savons, disent-ils, que cet homme est un
pécheur. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 58). Pourquoi donc ne lui
avez-vous point prouvé qu'il était un pécheur lorsqu'il vous a fait ce défi :
« Qui de vous me convaincra de péché ? » —
Alcuin : Cet homme, qui ne voulait ni
donner lieu à la calomnie, ni cacher la vérité, ne dit pas : Je sais qu'il
est juste, mais il leur dit : « S'il est pécheur, je n'en sais rien. » —
Saint Jean Chrysostome : Comment celui qui avait
reconnu précédemment que Jésus était un prophète, peut-il dire maintenant : «
S'il est un pécheur, je ne sais ? » Est-ce qu'il se laisse influencer par
la crainte ? Non; mais il veut justifier Jésus-Christ contre ses accusateurs
par le témoignage du miracle lui-même et non par a propre parole, et rendre
ses paroles dignes de foi par le bienfait qu'il a reçu : « Je sais
seulement que j'étais aveugle, et qu'à présent je vois. » C'est-à-dire,
je ne m'explique point sur cette question s'il est pécheur ou non, mais je
dis ce que je sais à n'en pouvoir douter. Les pharisiens ne pouvant détruire
la vérité du fait [miraculeux], reviennent à leurs premières questions, et
s'informent de nouveau de la manière dont cette guérison a eu lieu,
semblables à des chiens qui cherchent sans discontinuer leur proie, tantôt
d'un côté tantôt d'un autre : « Sur quoi ils lui dirent : Que vous a-t-il
fait ? Comment vous a-t-il ouvert les yeux ? » C'est-à-dire, est-ce au moyen
de quelque prestige ? Ainsi ils ne lui disent pas : Comment avez-vous vu ?
mais : « Comment vous a-t-il ouvert les yeux ? » pour lui offrir
l'occasion de calomnier le miracle opéré par Jésus. Tant que les
éclaircissements avaient été nécessaires à leur enquête, l'aveugle s'était
expliqué avec modération; mais comme la vérité est désormais triomphante, il
leur parle avec une généreuse liberté : « Il leur répondit : Je vous l'ai
déjà dit, et vous l'avez entendu, pourquoi voulez-vous l'entendre encore ? »
C'est-à-dire : Vous ne tenez aucun cas de ce que je vous ai dit, je ne
répondrai donc plus à des questions qui n'ont aucun but, et que vous faites
non pour apprendre, mais pour trouver dans mes réponses un sujet de critique
ou d'accusation. Il ajoute : « Est-ce que, vous aussi, vous voulez devenir
ses disciples ? » —
Saint Augustin : Que veulent dire ces paroles
: « Est-ce que vous aussi ? » Quant à moi, je suis déjà son
disciple, voulez-vous aussi le devenir ? Je vois, mais je jouis sans envie du
bienfait de la vue [Jeu de mots sur
« video » et « invideo », litt. « je vois » et
« je ne suis pas jaloux »]. C'est avec cette noble fermeté
que cet homme, autrefois aveugle, et qui ne peut plus supporter les aveugles,
condamne la dureté opiniâtre des Juifs. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 58). Voyez à la fois la
force de la vérité, et la faiblesse du mensonge. La vérité rend les hommes
illustres et les couvre de gloire, quelque méprisés qu'ils soient d'ailleurs;
et le mensonge, eût-il pour organe les puissants du monde, dévoile toute leur
faiblesse. « Ils le maudirent alors et lui dirent : Sois son disciple,
toi. » — Saint Augustin : [référence à
vérifier] Que
cette malédiction soit sur nous et sur nos enfants, car elle n'existe que
dans leur cœur, et non dans leurs paroles : « Pour nous, ajoutent-ils,
nous sommes disciples de Moïse; nous savons que Dieu a parlé à Moïse. »
Plût à Dieu que vous sachiez que Dieu a parlé à Moise, vous sauriez également
alors que Moïse a prédit l'avènement d'un Dieu; puisque c'est le Seigneur
lui-même qui vous dit : « Si vous croyiez à Moïse, vous croiriez aussi en
moi; car il a parlé de moi dans ses écrits. » Ainsi vous vous faites
gloire de suivre le serviteur, et vous tournez le dos au Maître ? Car vous
ajoutez : « Mais celui-ci, nous ne savons d'où il est » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 58). C'est-à-dire que ce que
vous voyez de vos yeux vous paraît moins véritable que ce que vous avez
entendu dire; en effet ce que vous dites savoir, vous le tenez de vos
ancêtres. Mais n'est-il pas bien plus digne de foi, celui qui vous a prouvé
qu'il venait de Dieu par des miracles, dont vous n'avez pas seulement entendu
parler, mais que vous avez vus de vos propres yeux ? C'est ce que leur répond
cet homme : « Il est vraiment surprenant que vous ne sachiez pas d'où il
est alors qu’il m’a ouvert les yeux. » Il ne cesse de leur rappeler ce
miracle, parce qu'ils ne pouvaient en contester la réalité, et qu'il portait
avec lui sa conviction; et comme ils avaient déclaré qu'un pécheur ne pouvait
opérer de semblables prodiges, il s'appuie sur cet aveu, et leur remet en
mémoire leurs propres paroles : « Nous savons, leur dit-il, que
Dieu n'exauce point les pécheurs » ; c'est-à-dire, vous et moi
nous sommes d'accord sur ce point. —
Saint Augustin : Il parle ici comme un homme
qui n'a encore que reçu l'onction, car Dieu exauce les pécheurs; et, s'il ne
les exauçait pas, c'est donc en vain que le publicain lui aurait fait cette
prière : « Seigneur, soyez-moi propice, à moi, qui ne suis qu'un pécheur.
» Mais au contraire il mérita, par cette confession, d'être justifié,
comme l'aveugle mérita que la lumière lui fût rendue. — Théophylactus : Ou bien encore on peut dire que Dieu n'exauce point les pécheurs, en
ce sens qu'il ne leur accorde pas le pouvoir de faire des miracles, mais
lorsqu'ils implorent le pardon de leurs fautes, ils passent de l'état de
pécheurs à celui de pénitents. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 58). Et, remarquez que les
paroles qui précèdent : « S'il est un pécheur, je ne sais »
n'expriment pas un doute de la part de cet homme; car ici, non seulement il
le justifie de tout péché, mais il montre combien il est agréable à Dieu. «
Mais celui qui l'honore, et fait sa volonté, c'est celui-là qu'il exauce » ;
ainsi il ne suffît pas de connaître Dieu, il faut encore accomplir sa
volonté. Voyez encore comme il relève le miracle dont il vient d'être l'objet
: « Jamais on n'a ouï dire que personne ait ouvert les yeux à un
aveugle-né. » C'est-à-dire : Si vous reconnaissez que Dieu n'exauce point
les pécheurs, et que cet homme cependant ait fait un miracle comme jamais
aucun homme n'en a fait, il est évident que la puissance en vertu de laquelle
il a fait ce miracle est supérieure à toute puissance humaine : « Si cet
homme n'était pas de Dieu, ajouta-t-il, il ne pourrait rien faire. » —
Saint Augustin : Il ne pourrait rien faire
avec liberté, avec constance, avec vérité; car, comment les choses que le
Seigneur a faites auraient-elles pu exister si Dieu lui-même n'en était
l'auteur ? et comment ses disciples pourraient-ils opérer de semblables
prodiges, si le Seigneur lui-même n'habitait en eux [pour les revêtir de sa
puissance] ? —
Saint Jean Chrysostome : Cet homme a donc confessé la
vérité sans la moindre crainte, et cependant au lieu d'admirer sa noble fermeté,
les pharisiens le condamnent, « Ils lui répondirent : Tu es né tout entier
dans le péché, et tu nous fais la leçon ! » — Saint Augustin : [référence à vérifier] Que veulent dire ces mots : « Tout
entier ? » Avec les yeux fermés; mais celui qui lui a ouvert les yeux l'a
guéri aussi tout entier. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 58). Ou bien ces paroles : «
Tout entier, » signifient : Vous êtes dans le péché depuis vos premières
années. Ils lui reprochent donc sa cécité, comme la suite et la punition de
ses péchés, ce qui était dénué de fondement. Tant qu'ils ont espéré qu'il
nierait cette guérison miraculeuse, ils l'ont juge digne de foi; maintenant
ils le repoussent loin d'eux. « Et ils le chassèrent dehors. » —
Saint Augustin : Ils l'avaient eux-mêmes
établi comme maître, ils l'avaient interrogé à plusieurs reprises, comme pour
s'instruire, et après qu'il leur a enseigné la vérité, ils le chassèrent avec
ingratitude. —
Saint Bède : C'est, en effet, la coutume
des grands, de dédaigner de rien apprendre de la bouche de leurs inférieurs. |
Lectio 5 |
Versets 35-41
|
[86075] Catena in Io., cap. 9 l. 5 Chrysostomus
in Ioannem. Qui propter veritatem et Christi confessionem iniuria
opprimuntur, hi maxime honorantur; quod in caeco factum est : eiecerunt enim eum
ex templo Iudaei, et invenit eum dominus templi, et eum suscepit sicut
agonotheta athletam multum laborantem, et coronavit; unde dicitur audivit
Iesus quia eiecerunt eum foras, et cum invenisset eum, dixit ei : tu credis
in filium Dei? Ostendit autem Evangelista quoniam propter hoc venit Iesus ut
ei loqueretur. Interrogat autem non ignorans, sed volens seipsum notum
facere, et ostendens quoniam multum appretiatur eius fidem; quasi dicat :
plebs conviciata est mihi, sed nulla mihi est cura illorum : unius cura est :
ut tu credas. Melior est faciens voluntatem Dei, quam decies mille iniqui.
Hilarius de Trin. Si autem sola Christi qualiscumque
confessio fidei esset consummatio, dictum fuisset : tu credis in Christum?
Sed quia haereticis pene omnibus hoc nomen in ore esset futurum ut Christum
confiterentur, et filium tamen negarent, id quod proprium Christo est, ad
fidem poscitur, idest ut credatur in Dei filium. Credidisse autem in Dei
filium quid proficit, si credatur in creaturam, cum a nobis fides in Christo
non creaturae Dei, sed filii Dei postuletur? Chrysostomus. Nondum autem caecus Christum noverat :
caecus enim erat antequam veniret ad Christum, et post curationem a Iudaeis
circum trahebatur; unde sequitur respondit ille, et dixit : quis est, domine,
ut credam in eum? Desiderantis et valde inquirentis animae verbum est. Pro
quo tot disputavit, hunc ignorat, ut discas in eo veritatis amorem. Non autem
dixit ei dominus : ego sum qui curavi te; sed medie adhuc loquitur; unde
sequitur et vidisti eum. Theophylactus. Hoc autem dicit, ut reducat ei in
memoriam sanitatem, et quia ab ipso virtutem videndi acceperat. Attende
autem, quoniam qui loquebatur, ex Maria natus est, et ipse idem est Dei
filius, non alius et alius secundum errorem Nestorii; unde sequitur et qui
loquitur tecum, ipse est. Augustinus in Ioannem. Modo lavat faciem cordis
eius. Denique iam facie lota cordis, et mundata conscientia, agnoscit illum
non filium hominis tantum, quod ante crediderat, sed iam filium Dei, qui
carnem susceperat; unde sequitur at ille ait : credo, domine. Parum est
credere; vis videre qualem credat? Et procidens adoravit eum. Beda. In quo possunt sumere exemplum, ut non erecta
cervice quis dominum roget; sed supplex in terram prostratus eius
misericordiam imploret. Chrysostomus. Per hoc igitur eius divinam virtutem
ostendit, verbo opus adiungens. Dominus autem illum ferventiorem circa fidem
fecit, et eos qui eum sequebantur, erexit; unde sequitur et dixit eis Iesus :
in iudicium ego in hunc mundum veni. Augustinus. Dies enim erat inter lucem et tenebras
discurrens. Recte autem subditur ut qui non vident, videant : quia de
tenebris liberat. Sed quid est quod sequitur : et qui vident, caeci fiant?
Audi quod sequitur : commoti sunt enim Pharisaei quidam ex verbis istis; unde
sequitur et audierunt quidam ex Pharisaeis qui cum ipso erant, et dixerunt ei
: numquid et nos caeci sumus? Hoc enim eos movebat et qui vident, caeci
fiant. Sequitur dixit ergo eis Iesus : si caeci essetis, non haberetis
peccatum; id est, si vos caecos diceretis, et ad medicum recurreretis. Nunc
vero quia dicitis : videmus, peccatum vestrum manet : quia enim dicendo
videmus, medicum non quaeritis, in caecitate vestra manebitis. Hoc ergo quod
paulo ante dixit ego veni ut qui non vident, videant, id est, qui se non
videre confitentur, et medicum quaerunt, ut videant; et qui vident, caeci
fiant, id est, qui se putant videre, et medicum non quaerunt, in sua
caecitate permaneant. Ergo istam discretionem vocavit iudicium, cum ait in
iudicium veni in hunc mundum. Non illud iudicium iam intulit mundo quo de
vivis et mortuis in fine saeculi iudicabit. Chrysostomus. Vel aliter. In iudicium dixit, id est
in maius supplicium, ostendens quoniam qui condemnaverunt eum, ipsi sunt qui
condemnati sunt. Quod autem dicit ut qui non vident, videant, et qui vident
caeci fiant, idem est quod Paulus dicit quod gentes quae non quaerebant
iustitiam, invenerunt iustitiam quae est ex fide Christi; Israel autem
persequens legem iustitiae, in legem iustitiae non pervenit. Theophylactus. Quasi dicat : ecce qui a nativitate
non viderat, iam videt anima et corpore; qui vero videre videntur, excaecati
sunt intellectu. Chrysostomus. Sunt enim duae visiones et duae
caecitates, scilicet sensibilis et intellectualis. Illi autem ad sensibilia
inhiabant solum, et de sensibili solum verecundabantur caecitate; unde
ostendit eis quod melius esset eos esse caecos quam sic videntes; propter
quod dicit si caeci essetis, non haberetis peccatum, quia tolerabilius fieret
vobis supplicium. Sed nunc dicitis, quia videtis. Theophylactus. Non considerantes factum in caeco
miraculum, non estis digni venia, quasi ex visis miraculis ad fidem non
attracti. Chrysostomus. Hoc igitur quod aestimabant esse
magnam laudem, ostendit quod eis fert supplicium : et simul consolatus est
eum qui a nativitate fuerat caecus de corporali caecitate. Non autem sine
causa Evangelista dicit, quod audierunt hoc quidam ex Pharisaeis qui cum ipso
erant; sed ut rememoretur quoniam isti illi erant qui prius restiterant
Christo, deinde eum lapidare voluerunt. Erant enim quidam superficie tenus
sequentes, et facile in contrarium transmutabantur. Theophylactus. Vel aliter. Si caeci essetis, idest
inscii Scripturarum, nequaquam tam grande vobis peccatum incumberet, tamquam
ignorantia peccantibus : nunc vero quia prudentes vos atque legisperitos
asseritis, per vos ipsos condemnabiles estis. |
—
Saint Jean Chrysostome : (hom. 59 sur Saint Jean). Dieu se plaît à honorer surtout ceux qui
sont couverts d'outrages pour avoir rendu témoignage à la vérité et confessé
Jésus-Christ. C'est ce qui se vérifie dans cet aveugle. Les Juifs le chassent
du temple, et le Maître du temple le rencontre, et l'accueille avec bonté,
comme le président des combats accueille celui qui a courageusement combattu
et mérité la couronne. « Jésus apprit qu'ils l'avaient ainsi chassé; et,
l'ayant rencontré, il lui dit : Croyez-vous au Fils de Dieu ? » Le récit
de l'Evangéliste nous fait voir que Jésus était venu exprès pour lui parler.
Or, il l'interroge, non pour apprendre ce qu'il ignorait, mais pour se faire
connaître à lui, et lui montrer la grande estime qu'il fait de sa foi; et il
semble lui dire : Ce peuple m'a outragé, mais peu m'importe; je n'ai à cœur
qu'une seule chose, c'est que vous ayez la foi : mieux vaut un homme faisant
la volonté de Dieu, que dix mille impies. —
Saint Hilaire : (de la Trinité, 6) Si une foi en
Jésus-Christ telle que celle-là devait être regardée comme une foi consommée,
le Sauveur aurait dit à cet homme : Croyez-vous en Jésus-Christ ? Mais comme
presque tous les hérétiques devaient avoir ce nom à la bouche et confesser le
Christ, tout en niant qu'il était le Fils de Dieu, Jésus demande à cet homme
de croire ce qui est le signe caractéristique du Christ, c'est-à-dire, de croire
qu'il est Fils de Dieu. Que servirait-il de croire au Fils de Dieu, si
l'objet de la foi n'était qu'une créature ? La foi qui nous est demandée,
c'est la foi en Jésus-Christ, non comme créature de Dieu, mais comme Fils de
Dieu. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 59). Cet homme ne
connaissait pas encore Jésus-Christ, il était aveugle avant que Jésus l'eût
rencontré [pour la première fois]; et après sa guérison, il avait été
entraîné de tous côtés par les Juifs. « Il répondit : Qui est-il,
Seigneur, afin que je croie en lui ? » Ces mots sont l'expression d'un
vif et ardent désir. Il ne connaît point celui dont il a pris et soutenu la
défense avec tant de force, preuve de son grand amour pour la vérité. Le
Seigneur ne lui a point encore dit expressément : « C'est moi qui vous ai
guéri; » mais il le lui fait connaître équivalemment en lui disant : «
Vous l'avez vu » — Théophylactus : Il s'exprime ainsi pour rappeler à cet homme sa guérison, parce
que c'est de lui qu'il avait reçu la faculté de voir. Remarquez que celui qui
lui parle est à la fois le Fils de Marie et le Fils de Dieu, et il n'y a
point en lui deux personnes, suivant l'erreur de Nestorius; « et c'est
lui-même qui vous parle, » lui dit le Sauveur. —
Saint Augustin : (Traité 44) Notre
Seigneur lave maintenant la face de son cœur, et après que son cœur est
purifié, ainsi que sa conscience, il le reconnaît non comme Fils de l'homme,
ce qu'il croyait déjà auparavant, mais comme Fils de Dieu, revêtu d'une chair
mortelle : « Et il lui dit : Je crois, Seigneur. » C'est peu de
croire; voulez-vous voir tout ce que sa foi découvre en lui ? « Et, se
jetant à ses pieds, il l'adora. » —
Saint Bède : Cet exemple nous apprend
qu'on ne doit point prier Dieu la tête haute, mais implorer sa miséricorde la
face prosternée contre terre. —
Saint Jean Chrysostome : ( hom. 59. ) Par son
attitude autant que par son langage, cet homme révèle la puissance divine de
Jésus; le Seigneur, de son côté, donne une nouvelle ardeur à sa foi, et rend
ceux qui le suivent plus attentifs : « Alors Jésus dit : Je suis venu dans
ce monde pour exercer le jugement. » —
Saint Augustin : Jésus était le jour, qui
sépare la lumière des ténèbres, et il ajoute justement : « afin que ceux
qui ne voient pas voient, » parce qu'il délivre des ténèbres. Mais que
signifient les paroles qui suivent : « et que ceux qui voient deviennent
aveugles ? » Ecoutez la suite, car les Pharisiens furent ébranlés par ces
paroles : « Quelques-uns, d'entre les pharisiens qui étaient-là, ayant
entendu ces paroles, lui dirent : « Sommes-nous donc aussi des aveugles ? »
Car cette parole : « et que ceux qui voient deviennent aveugles, » les
avait vivement touchés. « Jésus leur répondit : Si vous étiez aveugles,
vous n'auriez point de péché » ; c'est-à-dire, si vous reconnaissiez
que vous êtes des aveugles, vous auriez recours au médecin. « Mais
maintenant vous dites : Nous voyons, votre péché demeure. » En effet, en
prétendant que vous voyez, vous n'avez nul souci de chercher le médecin, et
vous demeurez dans votre aveuglement; c'est ce qu'il vient de leur prédire,
en leur disant : « Je suis venu pour que ceux qui ne voient point voient,
» (c'est-à-dire, ceux qui reconnaissent qu'ils ne voient point, et
cherchent un médecin, pour qu'il leur rende la vue,) « et que ceux qui
voient deviennent aveugles. » (C'est-à-dire, afin que ceux qui
s'imaginent qu'ils voient et ne cherchent pas le médecin, demeurent dans leur
aveuglement). C'est cette distinction qu'il appelle jugement, lorsqu'il dit :
« Je suis venu dans le monde pour exercer le jugement, » et il ne veut
point dire qu'il vienne exercer sur le monde ce jugement qui doit n'avoir
lieu qu'à la fin des siècles, pour les vivants et les morts. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 59). Ou bien encore, tel est
le sens de ces paroles : « Je suis venu pour le jugement »,
c'est-à-dire, pour augmenter la rigueur du supplice qui vous est réservé; et
il montre aussi que ceux qui l'ont condamné, seront eux-mêmes l'objet d'une
condamnation. Les paroles suivantes : « afin que ceux qui ne voient point
voient, et que ceux qui voient deviennent aveugles, » doivent être
entendues dans le même sens que ces autres de saint Paul : « Que les
Gentils qui ne cherchaient point la justice, ont embrassé la justice, et la
justice qui vient de la foi de Jésus-Christ; et qu'Israël, au contraire, qui
recherchait la loi de la justice, n'est point parvenu à la loi de la justice.
» (Rm 9, 30-31). — Théophylactus : Notre Seigneur semble dire : Celui qui était aveugle dès sa naissance
voit maintenant, de l’âme et du corps, et ceux qui paraissent avoir l'usage
de la vue, sont aveugles dans leur intelligence. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 59). Il y a, en effet, deux
manières de voir, comme deux manières d'être aveugle, l'une extérieure,
l'autre intérieure; or, les Juifs n'avaient de désirs que pour les choses
sensibles, et de mépris que pour la cécité extérieure; Jésus leur déclare
donc qu'il vaudrait mieux pour eux être aveugles, que de voir de la sorte : «
Si vous étiez aveugles, leur dit-il, vous n'auriez point de péché, »
et votre châtiment serait moins rigoureux; « mais maintenant vous dites :
Nous voyons. » — Théophylactus : Vous ne voulez faire nulle attention au miracle opéré en faveur de cet
aveugle, vous êtes donc indignes de pardon, puisque la vue de tels prodiges
n'est point capable de vous attirer à la foi. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 59). Il leur montre ainsi
que ce qu'ils regardaient comme un titre de gloire, sera pour eux une cause
de châtiment, et en même temps il console de sa cécité extérieure cet homme qui
avait été aveugle de naissance. Ce n'est pas sans raison que l’Evangéliste
nous fait remarquer que quelques-uns d'entre les pharisiens qui étaient là
entendirent ces paroles; il veut nous rappeler que ce sont les mêmes qui
avaient d'abord résisté à Jésus-Christ, et avaient voulu ensuite le lapider;
ils étaient de ceux qui suivaient le Sauveur comme par manière d'acquit, et à
la première occasion se déclaraient contre lui. — Théophylactus : Ou bien encore, si vous étiez aveugles, c'est-à-dire si vous ignoriez
les Ecritures, votre péché serait moins grand, parce qu'il aurait l'ignorance
pour excuse; mais maintenant, que vous vous donnez comme des sages et des
hommes versés dans la loi, vous vous condamnez vous-mêmes. |
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Caput 10 |
CHAPITRE X
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Lectio 1 |
Versets 1-6
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[86076] Catena in Io., cap. 10 l. 1 Chrysostomus
in Ioannem. Quia dominus de caecitate Iudaeorum disputaverat, ne dicant :
non est ex nostra caecitate quod ad te non accedimus, sed a te avertimur, ut
erroneum fugientes, vult ostendere quod non est erroneus, sed pastor, ponens
signa latronis et pastoris. Et primo ostendit quis est erroneus et fur,
dicens amen, amen, dico vobis : qui non intrat per ostium in ovile ovium, sed
ascendit aliunde, ille fur est et latro. Hic autem et eos qui ante eum fuerunt,
occulte insinuat, et eos qui post eum futuri sunt, Antichristum et
pseudochristos. Ostium autem Scripturas vocavit; hae enim Dei cognitionem
aperiunt, hae oves custodiunt, et lupos supervenire non permittunt,
haereticis introitum praecludentes. Qui ergo non Scripturis utitur, sed
aliunde ascendit, hoc est aliam sibi et non legitimam viam facit, hic fur
est. Dicit autem ascendit, et non intrat, ad similitudinem furis maceriam
transcendere volentis, et periculose omnia agentis. Dicens autem aliunde, etiam
Scribas occulte insinuavit, qui docebant mandata et doctrinas hominum, et
legem praevaricabantur. Si autem infra seipsum ostium dicit, non oportet
turbari : etenim pastorem seipsum et ovem differenter praedicat : quia enim
adducit nos patri, ostium se dicit; quia vero procurat, pastorem. Augustinus in Ioannem. Vel aliter. Multi sunt qui
secundum quamdam vitae huius consuetudinem dicuntur boni homines, qui ea quae
in lege mandata sunt quasi observant, et Christiani non sunt, et plerumque se
iactant sicut Pharisaei : numquid et nos caeci sumus? Quia vero omnia ista
quae faciunt, et nesciunt ad quem finem referant, inaniter faciunt, dominus
de grege suo et ostio quo intratur ad ovile, similitudinem posuit, dicens
amen, amen, dico vobis : qui non intrat per ostium in ovile ovium, sed
ascendit aliunde, ille fur est et latro. Dicant ergo Pagani vel Iudaei vel
haeretici : bene vivimus : si per ostium non intrant, quid eis prodest? Ad
hoc enim debet unicuique prodesse bene vivere, ut detur illi semper vivere :
quia nec bene vivere dicendi sunt qui finem bene vivendi vel caecitate
nesciunt, vel inflatione contemnunt. Non est autem cuiquam spes vera semper
vivendi, nisi cognoscat vitam, quod est Christus, et per hanc ianuam intret
in ovile. Quicumque ergo vult intrare ad ovile, per ostium intret : non solum
Christum praedicet, sed Christi gloriam quaerat, non suam. Humilis autem
ianua est Christus : qui intrat per hanc ianuam, oportet humilem esse, ut
sano capite possit intrare. Qui autem se non humiliat, sed extollit, per
maceriam vult ascendere; ideo exaltatur ut cadat. Quaerunt ergo plerumque
tales homines etiam persuadere hominibus ut bene vivant et Christiani non
sint : per aliam partem volunt ascendere et rapere et occidere. Tales ergo
fures sunt, quia quod alienum est, suum dicunt; latrones, quia quod furantur
occidunt. Chrysostomus. Vidisti qualiter descripsit latronem :
intuere et pastoris definitionem; sequitur enim qui autem intrat per ostium,
pastor est ovium. Augustinus de Verb. Dom. Intrat per ostium qui
intrat per Christum, qui imitatur passionem Christi, qui cognoscit
humilitatem Christi; ut cum Deus factus sit homo pro nobis, cognoscat se homo
non esse Deum, sed hominem. Qui enim vult Deus videri cum sit homo, non
imitatur illum qui cum Deus esset, homo factus est. Tibi autem non dicitur :
esto aliquid minus quam es; sed : agnosce quid es. Sequitur huic ostiarius
aperit. Chrysostomus. Nihil prohibet ostiarium vocare Moysen
: ille enim est cui eloquia Dei credita sunt. Theophylactus. Vel spiritus sanctus est ostiarius,
per quem Scripturae reseratae nobis indicant Christum. Augustinus in Ioannem. Vel aliter. Ostiarium ipsum
dominum debemus accipere : multo sunt enim magis inter se diversa in rebus
humanis pastor et ostium, quam ostiarius et ostium; et tamen dominus et
pastorem se dixit et ostium. Cur ergo non intelligamus ipsum et ostiarium?
Ipse enim se aperit, qui seipsum exponit. Si aliam personam quaeris ostiarii,
vide ostiarium forte spiritum sanctum, de quo dominus dicit : ipse vos docebit
omnem veritatem. Ostium est Christus qui est veritas. Quis aperit ostium nisi
qui docet veritatem? Cavendum tamen est ne maior aestimetur ostiarius esse
quam ostium, quia in domibus hominum ostiarius ostio, non ostium praeponitur
ostiario. Chrysostomus. Quia vero dicebant eum esse
deceptorem, et hoc ex infidelitate sui ipsorum certificabant dicentes : quis
principum credit in eum? Ostendit nunc quod ex hoc quod non attendunt ei, ex
ordine ovium excluduntur; unde sequitur oves vocem eius audiunt. Si enim
pastoris est per legitimum intrare ostium, per quod ipse intravit, ab ovium
congregatione se abstrahunt qui ipsum non audiunt. Sequitur et proprias oves
vocat nominatim. Augustinus in Ioannem. Novit enim nomina
praedestinatorum; unde discipulis ait : gaudete quoniam nomina vestra scripta
sunt in caelo. Sequitur et educit eas. Chrysostomus in Ioannem. Oves educebat quando eas
mittebat, non extra lupos, sed in medio luporum. Videtur autem et de caeco
occulte insinuare : etenim illum eduxit vocans ex medio Iudaeorum, et vocem
eius audivit. Augustinus. Sed et quis alius oves emittit, nisi qui
earum peccata dimittit, ut eum sequi duris liberatae vinculis possint?
Sequitur enim et cum proprias oves emiserit, ante eas vadit. Glossa. Emittit siquidem eas de tenebris ignorantiae
ad lucem, dum ante eas vadit, quasi in columna nubis et ignis. Chrysostomus. Nimirum pastores contrarium faciunt
oves sequentes; sed ipse ostendit se contrarium facere, quoniam oves deducit
ad veritatem. Augustinus. Et quis est qui oves praecessit nisi qui
surgens a mortuis iam non moritur, et patri dixit : quos dedisti mihi, volo
ut ubi ego sum et ipsi sint mecum? Sequitur et oves illum sequuntur, quia
sciunt vocem eius; alienum autem non sequuntur, sed fugiunt ab eo, quia non
noverunt vocem alienorum. Chrysostomus. Alienos dicit eos qui circa Theodam et
Iudam, aut eos qui post haec alios debent decipere, pseudoapostolos : ut enim
non dicatur unus illorum esse, per multa se ab eis separat. Primo quidem per
doctrinam Scripturarum, per quas Christus ad se homines adducebat; illi vero
ab eis homines abstrahebant. Secundo per ovium obedientiam : nam in eum
quidem non solum viventem, sed etiam mortuum homines crediderunt; illos autem
confestim reliquerunt. Theophylactus. Significat etiam Antichristum, qui
paululum decipiens, non obtinebit sequaces post eius mortem. Augustinus. Sed quomodo solvetur ista quaestio?
Audiunt vocem Christi quandoque non oves : audivit enim Iudas, sed lupus
erat; et non audiunt oves : aliqui enim eorum qui Christum crucifixerunt, non
audierunt, sed oves erant. Sed dicet aliquis : quando non audiebant, oves non
erant; vox audita eos mutavit, et ex lupis oves fecit. Me autem adhuc movet
quod per Ezechielem obiurgat dominus pastores, et dicit inter cetera de ovibus
: errantem non revocastis : et errantem dicit, et ovem appellat. Non erraret,
si vocem pastoris audiret; sed ideo erravit, quia vocem alieni audivit. Dico
ergo : novit dominus qui sunt eius : novit praescitos, novit praedestinatos.
Ipsi sunt oves, aliquando se ipsi nesciunt; sed pastor novit eas : multae
enim oves foris sunt, et multi lupi intus. De praedestinatis ergo loquitur.
Est autem aliqua vox pastoris in qua oves non audiunt alienos, in qua non
oves non audiunt Christum. Quae est ista vox? Qui perseveraverit usque in
finem, hic salvus erit. Hanc vocem non negligit proprius, non audit alienus.
Sequitur hoc proverbium dixit eis Iesus; illi autem non cognoverunt quid
loqueretur eis. Pascit enim dominus manifestis, exercet obscuris. Cum autem
duo audiunt verba Evangelii, unus impius, alter pius, et talia forte sunt ut
ambo non intelligant : unus dicit : verum est quod dixit, et bonum est quod
dixit, sed nos non intelligimus; iste, quia credit, iam pulsat; dignus est
cui aperiatur, si pulsare persistat. Alius dicit : nihil dixit; quia adhuc
audiet : nisi credideritis, non intelligetis. |
—
Saint Jean Chrysostome : (hom. 59 sur Saint Jean). Notre Seigneur venait de convaincre les
Juifs d'aveuglement, mais ils pouvaient lui répondre : Ce n'est point par
aveuglement que nous ne vous suivons pas, nous nous séparons de vous comme
d'un imposteur, il veut donc leur prouver que loin d'être un imposteur, il
est le [véritable] pasteur, en donnant les signes distinctifs de l'un et de
l'autre, et d'abord le signalement de l'imposteur et du voleur : « En
vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui n'entre point par la porte dans
la bergerie, mais qui y monte par un autre endroit, est un voleur et un
larron. » Notre Seigneur désigne ici indirectement tous ceux qui sont venus
avant lui et ceux qui doivent paraître après lui, l'Antéchrist et les faux Christs.
Les saintes Ecritures sont la porte, car ce sont elles qui ouvrent
l'intelligence à la connaissance de Dieu, elles servent d'ailleurs à garder
les brebis et ne laissent point approcher les loups, c'est-à-dire, les
hérétiques qu'elles empêchent d'entrer dans la bergerie. Celui donc qui,
laissant là les Ecritures, veut monter par un autre endroit, et s'ouvre un
chemin particulier et non autorisé, est un voleur. Le Sauveur dit : « Il
monte, » et non pas : « Il entre, » à l'exemple du voleur qui cherche à
escalader le mur de clôture, et s'expose pour cela à tous les dangers. Notre
Seigneur ajoute : « par un autre endroit, » et il désigne à mots
couverts les scribes, qui enseignaient des maximes et des doctrines tout
humaines, et transgressaient ouvertement la loi. S'il déclare plus bas qu'il
est lui-même la porte, il ne faut pas s'en étonner, il s'appelle la porte et
pasteur sous des rapports différents. Il est la porte, parce qu'il nous amène
à son Père, et il est notre pasteur, parce qu'il nous conduit. —
Saint Augustin : (Traité 45 sur Saint Jean). Ou
bien encore, il en est beaucoup que selon l'usage ordinaire de la vie, on
appelle des hommes de bien, ils observent d'une manière quelconque les
commandements de la loi, et toutefois ils ne sont pas chrétiens et demandent
avec fierté comme les pharisiens : « Est-ce que nous sommes aveugles
? » Or, Notre Seigneur leur montre que toutes leurs actions qu'ils
ne savent à quelle fin rapporter, sont vaines sous la figure d'un troupeau et
de la porte par laquelle on entre dans la bergerie : « En vérité, en
vérité, je vous le dis, celui qui n'entre point par la porte dans l’enclos
des brebis, mais l’escalade par un autre endroit, celui-là est un brigand. » Que
les païens donc, que les Juifs, que les hérétiques disent : « Notre vie est
bonne, » à quoi cela leur sert-il s'ils n'entrent point par la porte ? La fin
de la bonne vie doit être pour chacun de lui faire obtenir la vie éternelle,
et on ne peut appeler des hommes de bien ceux qui, par aveuglement ou bien
par orgueil, dédaignent de connaître ce qui doit être la fin de la bonne vie.
Or, la véritable espérance de vivre toujours n'est donnée qu'à celui qui
connaît la vie qui est Jésus-Christ, et qui entre par la porte dans la
bergerie. Que celui donc qui veut entrer dans la bergerie, entre par la
porte, qu'il ne se contente pas d'annoncer Jésus-Christ, qu'il cherche la
gloire de Jésus-Christ au lieu de chercher la sienne. Mais Jésus-Christ est
une porte qui est bien basse, et il faut s'abaisser pour entrer par cette
porte sans se blesser la tête, or celui qui s'élève au lieu de s'humilier,
veut escalader le mur, et il ne s'élève que pour tomber. Ces hommes, la
plupart du temps, cherchent à persuader aux autres à vivre en hommes de bien
sans être chrétiens, ils veulent monter et passer ailleurs [que par la porte]
pour ravir et pour tuer. Ce sont des voleurs, parce qu'ils disent que ce qui
est aux autres, leur appartient, et des brigands, parce qu'ils tuent ce
qu'ils ont volé. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 59). Vous avez vu la
description du voleur, voici celle du pasteur : « Mais celui qui
entre par la porte est le pasteur des brebis. » —
Saint Augustin : (serm. 49 sur les par. du
Seign). Celui qui entre par la porte est celui qui entre par
Jésus-Christ, qui imite la passion de Jésus-Christ, qui connaît l'humilité de
Jésus-Christ, c'est-à-dire, qu'à la vue d'un Dieu fait homme pour nous,
l'homme doit reconnaître que lui-même n'est pas Dieu, mais qu'il n'est qu'un
homme, car celui qui veut affecter de paraître un Dieu, lorsqu'il n'est qu'un
homme, n'imite pas celui qui étant Dieu s'est fait homme. Or, on ne vous dit
pas : Soyez moins que ce que vous êtes, mais : Reconnaissez ce que vous êtes
en réalité. « C'est à lui que le portier ouvre. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 59). Rien ne s'oppose à ce
que ce portier soit Moïse, car c'est à lui qu'a été confié le dépôt des oracles
de Dieu. — Théophylactus : Ou bien encore ce portier, c'est l'Esprit saint qui nous ouvre le sens
des Ecritures pour nous y faire reconnaître le Christ. —
Saint Augustin : Ou bien encore ce portier,
c'est le Seigneur lui-même; dans les choses humaines, en effet, il y a une
bien plus grande différence entre le pasteur et la porte qu'entre le portier
et la porte, et cependant le Sauveur se donne à la fois comme le pasteur et
comme la porte. Pourquoi donc ne pas voir aussi en lui le portier ? Ne
s'ouvre-t-il pas lui-même lorsqu'il s'explique lui-même ? Si cependant vous
voulez qu'un autre soit le portier, vous pouvez donner cette dénomination à
l'Esprit saint, dont le Seigneur a dit : « Il vous enseignera lui-même
toute vérité. » (Jn 16) La porte, c'est Jésus-Christ qui est la vérité.
Qui ouvre la porte, si ce n'est celui qui enseigne la vérité ? Prenons garde
cependant de regarder ici le portier comme supérieur à la porte, parce que
dans les maisons des hommes, le portier est plus que la porte, et non la
porte plus que le portier. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 59). Comme les Juifs
traitaient Jésus d'imposteur et confirmaient cette opinion par leur
incrédulité, en disant : « Qui d’entre les princes du peuple a cru en lui
? » il leur signifie que pour avoir refusé de l'écouter, ils sont exclus
du nombre de ses brebis : « Et les brebis entendent sa voix. » Si en
effet, c'est un signe distinctif du pasteur d'entrer par la porte, comme
Notre Seigneur lui-même est entré, c'est se séparer du troupeau de ses brebis
que de refuser d'écouter sa voix. « Et il appelle par leur nom ses brebis.
» —
Saint Augustin : En effet, il connaît le nom
des prédestinés, et c'est pour cela qu'il dit à ses disciples : «
Réjouissez-vous de ce que vos noms sont écrits dans les cieux. » (Lc 10).
« Et il les fait sortir. » —
Saint Jean Chrysostome : (Hom. 59). Il faisait sortir ses
brebis, quand il les envoyait non pas loin des loups, mais au milieu même des
loups. Le Sauveur paraît faire ici allusion à l'aveugle, car en l'appelant,
il l'a comme fait sortir du milieu des Juifs et il a entendu sa voix. —
Saint Augustin : Quel est celui qui fait
véritablement sortir les brebis, si ce n'est celui qui leur remet leurs
péchés, afin qu'elles puissent le suivre délivrées qu'elles sont des lourdes
chaînes de leur esclavage ? « Et lorsqu'il a fait sortir ses brebis, il
marche devant elles. » — La Glose : Il
les fait sortir des ténèbres de l'ignorance à la lumière [de la vérité], en
marchant devant elles, comme il marchait autrefois devant le peuple de Dieu,
dans une colonne [tour à tour] de nuée et de feu. —
Saint Jean Chrysostome : Les bergers font le
contraire de ce qui est ici marqué, et suivent leur troupeau. Notre Seigneur
nous apprend qu'il agit tout différemment, parce qu'il conduit ses brebis à
la vérité. —
Saint Augustin : Quel est le pasteur qui a
précédé ses brebis, si ce n'est celui qui est ressuscité des morts pour ne
plus mourir (Rm 6), et qui a dit à son Père : « Mon Père, je
veux que là où je suis, ceux que vous m'avez donnés soient aussi avec moi
? » (Jn 17, 24). « Et les brebis le suivent, parce qu'elles
connaissent sa voix, mais elles ne suivent point un étranger, au contraire
elles se sauveront de lui, parce qu’elles ne connaissent pas la voix des
étrangers. »
—
Saint Jean Chrysostome : Ces étrangers sont les
partisans de Théodas et de Judas (Ac 6, 36-37), et de tous les faux
apôtres qui, après eux devaient tromper le peuple de Dieu. Or, pour que l’on
ne dise pas qu’il est l’un d’entre eux, il fait voir les différents
caractères qui l'en séparent; d'abord la doctrine des Ecritures, par
lesquelles Jésus-Christ amenait les hommes à lui, tandis que les autres en
détournaient les hommes; en second lieu, l'obéissance que les brebis avaient
pour lui, car les hommes ont cru en lui, non seulement pendant sa vie, mais
après sa mort, tandis que ces faux pasteurs furent bientôt abandonnés de ceux
qui les avaient suivis. — Théophylactus : Il veut encore désigner ici l'Antéchrist, qui, après avoir égaré un
instant les hommes, n'aura point de disciples après sa mort. —
Saint Augustin : Mais comment résoudre cette
question ? Ceux qui ne sont pas des brebis de Jésus entendent quelquefois sa
voix, comme Judas, par exemple, qui était un loup, tandis qu'une partie de
ceux qui avaient crucifié le Sauveur, n'écoutèrent pas sa voix, bien qu'ils
fussent du nombre de ses brebis. On peut dire que lorsqu'elles n'entendaient
pas sa voix, elles n'étaient pas encore du nombre des brebis, la voix
qu'elles ont entendue les a changés, et en a fait des brebis de loups
qu'elles étaient. Je suis encore frappé de ces reproches que Dieu adresse aux
pasteurs par la bouche d'Ezéchiel, lorsqu'il leur dit entre autres choses, en
parlant des brebis : « Vous n'avez point ramené la brebis qui s'égarait. »
(Ez 34, 4). Elle s'égare et il lui donne le nom de brebis; elle ne
s'égarerait pas, si elle entendait la voix du pasteur, et elle ne s'égare que
parce qu'elle écoute la voix d'un étranger. Disons donc : « Le Seigneur
connaît ceux qui sont à lui, » (2 Tm 2) ; il sait lesquels il
a connus d’avance, il connaît les prédestinés, ce sont les brebis. Quelquefois
ils ne se connaissent pas eux-mêmes, mais le pasteur les connaît, car il y a
beaucoup de brebis dehors, comme il y a un grand nombre de loups à
l'intérieur. Notre Seigneur veut donc parler ici des prédestinés. Il y a
d'ailleurs une certaine voix du pasteur qui ne sera jamais confondue par les
brebis avec celle des étrangers, et que ceux qui ne sont pas brebis
n'entendront jamais comme la voix de Jésus-Christ. Quelle est cette voix ? «
Celui qui persévérera jusqu'à la fin sera sauvé. » (Mt 10 et 24) Cette
voix est toujours entendue de celui qui appartient à Jésus-Christ; elle ne
l'est pas de celui qui lui est étranger : « Jésus leur dit cette parabole,
mais ils ne comprirent pas ce qu'ils lui disaient. » Notre-Seigneur, en
effet, nourrit notre âme par les vérités qu'il révèle clairement, et il
l'exerce par celles qu'il laisse dans l'obscurité. Deux hommes entendent les
paroles de l'Evangile, l'un est un homme religieux, l'autre est un impie, et
ce qu'ils entendent n'est peut-être compris ni de l'un ni de l'autre. L'un
s'exprime de la sorte : Ce que le Sauveur vient de nous dire est vrai et bon,
mais nous ne le comprenons pas; cet homme a déjà la foi, il est digne qu'on
lui ouvre, s'il persévère à frapper. L'autre, au contraire, soutient qu'il ne
leur a rien dit, il a donc encore besoin d'entendre ces paroles : « Si
vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas. » (Is 7, 9, selon la
vers. des Sept). |
Lectio 2 |
Versets 7-10 |
[86077] Catena in Io., cap. 10 l. 2 Chrysostomus
in Ioannem. Dominus attentiores volens Iudaeos facere, manifestat quod
supra dixerat; unde dicitur dixit ergo iterum eis Iesus : amen, amen, dico
vobis : ego sum ostium ovium. Augustinus in Ioannem. Ecce quod clausum posuerat,
aperuit : ipse est ostium : intremus, et nos intrasse gaudeamus. Sequitur
omnes quotquot venerunt, fures sunt et latrones. Chrysostomus. Non de prophetis hoc dicit, sicut
haeretici dicunt, sed de seditiosis; unde et laudans oves, subiungit sed non
audierunt eos oves. Nusquam autem videtur laudare eos qui non obedierunt
prophetis; sed eis detrahit vehementer. Augustinus. Intellige ergo : quotquot venerunt
praeter me; non autem praeter illum prophetae venerunt, quia cum illo
venerunt qui cum verbo Dei venerunt, qui veraces fuerunt : quia ipse verbum
et veritas venturus praecones mittebat : sed eorum corda quos miserat
possidebat : carnem quippe ipse accepit ex tempore qui est semper : in
principio enim erat verbum. Ante adventum autem eius, quo humilis venit in
carne, praecesserunt iusti, sic eum credentes venturum, quomodo nos credimus
in eum qui venit : tempora variata sunt, non fides : eadem enim fides
utrosque coniungit, et eos qui venturum esse, et eos qui venisse crediderunt.
Quotquot ergo praeter illum venerunt, fures fuerunt et latrones; idest ad
furandum et occidendum venerunt. Sed non audierunt eos oves; illi scilicet de
quibus dictum est : novit dominus qui sunt eius. Eos ergo non audierunt oves
in quibus non erat vox Christi, errantes, vana fingentes, miseros seducentes.
Quare autem se ostium dixerit, aperit subdens ego sum ostium : per me si quis
introierit, salvabitur. Alcuinus. Quasi dicat : illos non audiunt oves, sed
me audiunt : quia ego sum ostium : et qui per me non fictus, sed verus
introierit, perseverando salvabitur. Theophylactus. Educit autem ad pascua dominus oves
per ostium; unde sequitur et ingredietur et egredietur, et pascua inveniet.
Quae sunt autem haec pascua nisi delectatio futura, et requies in quam nos
dominus introducit? Augustinus. Sed quid est quod dicit ingredietur et
egredietur? Ingredi quippe in Ecclesiam per ostium Christum, valde bonum est
: exire autem de Ecclesia non est bonum. Potest ergo dici ingredi nos, quando
interius aliquid cogitamus; egredi autem, quando exterius aliquid operamur,
secundum illud : exibit homo ad opus suum. Theophylactus. Vel ingredi dicitur cui est curae
homo interior; egredi vero qui hominem exteriorem, id est membra quae sunt
supra terram, in Christo mortificat : hic enim pascua in futuro reperiet
saeculo. Chrysostomus. Vel hoc dicitur propter apostolos, qui
cum audacia introierunt, et exierunt, ut totius orbis terrarum facti domini,
et nullus eos eicere valuit : et nutrimentum habuerunt. Augustinus. Sed plus me delectat quod ipse
quodammodo nos admonuit cum secutus adiungit fur non venit nisi ut furetur.
Alcuinus. Quasi dicat : merito oves non audiunt
vocem furis, quia non venit fur nisi ut furetur, alienam rem sibi usurpando,
non de praeceptis Christi suos sectatores instruens, sed suis exemplis eos
vivere suadens; unde subditur et mactet, mala doctrina retrahendo a fide, et
perdat, in aeterna damnatione. Illi ergo furantur et occidunt. Ego veni, ut
vitam habeant, et abundantius habeant. Augustinus. Videtur mihi dixisse ut vitam habeant
ingredientes, hoc est per fidem quae per dilectionem operatur, per quam fidem
in ovile ingrediuntur ut vivant, quia iustus ex fide vivit. Et abundantius
habeant, scilicet egredientes, scilicet quando veri fideles moriuntur, et
abundantius habent vitam, ubi nunquam deinde moriuntur. Quamvis ergo et hic
in ipso ovili non desint pascua, invenient tamen pascua ubi saturentur,
qualia invenit cui dictum est : hodie mecum eris in Paradiso. Gregorius super Ezech. Ingredietur ergo ad fidem,
egredietur ad speciem; pascua vero inveniet in aeterna satietate. Chrysostomus. Quod autem dicit fur non venit nisi ut
furetur et mactet et perdat, de seditiosis dicit : quod ad litteram est
factum, omnibus occisis et perditis qui eos sequebantur; et sic etiam
praesenti vita eos privaverunt. Ego autem veni pro salute ovium ut vitam
habeant, et abundantius habeant in regno caelorum : et haec est tertia
differentia, qua se discernit a pseudoprophetis. Theophylactus. Mystice autem fur Diabolus est, qui
venit tentando ut furetur per cogitationes illicitas, et mactet per
consensum, et deinde per opera destruat. |
—
Saint Jean Chrysostome : (hom. 59 sur Saint Jean). Notre-Seigneur, pour rendre les Juifs plus
attentifs, leur explique ce qu'il vient de dire : « Jésus donc leur dit
encore : En vérité, en vérité, je vous le dis, je suis la porte des brebis. » —
Saint Augustin : (Traité 45 sur Saint Jean). Voici
qu'il ouvre ce qui était fermé, il est lui-même la porte; entrons et
réjouissons-nous d'être entrés. « Tous ceux qui sont venus sont des
voleurs et des larrons. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 59). Ce n'est point aux
prophètes que s'appliquent ces paroles, comme le disent les hérétiques, mais
à ceux qui ont excité des séditions. Aussi se hâte-t-il de faire l'éloge des
brebis en ajoutant : « et les brebis ne les ont point écoutés » ;
or, jamais nous ne le voyons donner des louanges à ceux qui n'ont point obéi
aux prophètes, au contraire, il les blâme toujours sévèrement. —
Saint Augustin : Comprenez donc ces paroles
dans ce sens : « Tous ceux qui sont venus en dehors de moi » ; or, les
prophètes ne sont point venus en dehors de lui, tous ceux qui sont venus avec
le Verbe de Dieu sont venus avec lui, et ceux qui sont venus avec lui sont
dignes de foi, parce qu'il est lui-même le Verbe et la vérité. [Avant de
venir lui-même sur la terre], il envoyait devant lui ses hérauts, mais il
était le maître des cœurs de ceux qu'il envoyait, car s'il a pris une chair
mortelle dans le temps, il existe de toute éternité. [Que signifient ces
paroles : « De toute éternité ? »] « Au commencement était le Verbe. »
Or, avant son avènement si plein d'humilité dans la chair, il a paru sur la
terre des justes qui croyaient au Christ qui devait venir, comme nous croyons
au Christ qui est venu. Les temps ont changé, la foi est restée la même, et
cette même foi unit étroitement ceux qui croyaient que le Christ devait venir
avec ceux qui croyaient qu'il est venu. Tous ceux donc qui sont venus en
dehors de lui sont des voleurs et des larrons, c'est-à-dire qu'ils ne sont
venus que pour voler et pour tuer. Mais les brebis, c'est-à-dire ceux dont
saint Paul a dit : « Le Seigneur connaît ceux qui lui appartiennent, »
(2 Tm 2) ne les ont point écoutés. Les brebis n'ont donc pas écouté
ceux en qui n'était point la voix de Jésus-Christ, c'étaient des maîtres
d'erreur et de mensonge qui ne pouvaient que séduire des âmes infortunées. Il
explique ensuite pourquoi il s'est appelé la porte : « Je suis la porte,
si quelqu'un entre par moi, il sera sauvé. » —
Alcuin : C'est-à-dire, les brebis ne
les écoutent point; mais elles m'écoutent, parce que je suis la porte, et que
celui qui entrera par moi sans artifice, en toute vérité, et en toute
persévérance, sera sauvé. — Théophylactus : Or, le Seigneur conduit ses brebis aux pâturages par la porte : «
Et il entrera, et il sortira, et il trouvera des pâturages. » Quels sont
ces pâturages ? ce sont les délices du ciel, et ce repos dans lequel Notre
Seigneur nous fera entrer. —
Saint Augustin : (Traité 45). Mais que signifient ces
paroles : « Il entrera et il sortira ? » Entrer dans l'Eglise par la
porte elle-même qu’est le Christ est une excellente chose, mais il n'est pas
aussi avantageux de sortir de l'Eglise. On peut donc dire que nous entrons,
quand nous avons quelque pensée au dedans de nous, et que nous sortons quand
nous agissons au dehors, selon ces paroles : « L'homme sortira pour
accomplir son œuvre. » (Ps 103) — Théophylactus : Ou bien encore, entrer c'est prendre soin de l'homme intérieur;
sortir, c'est mortifier en Jésus-Christ l'homme extérieur, c'est-à-dire les
membres qui sont sur la terre. (Col 3) Celui qui agit ainsi trouvera
des pâturages dans la vie future. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 59). Peut-être encore ces
paroles doivent s'entendre des Apôtres, qui entrèrent et sortirent librement
comme les maîtres du monde entier, sans que personne les en pût chasser ou
les empêcher de trouver leur nourriture. —
Saint Augustin : (Traité 41) Mais j'aime mieux
voir ici un avertissement que la vérité elle-même, [comme un bon pasteur],
nous confirme dans les paroles qui suivent : « Le larron ne vient que pour
dérober, pour égorger, et pour détruire. » —
Alcuin : Paroles dont voici le sens :
Les brebis ont raison de ne pas écouter la voix du larron, parce qu'il ne
vient que pour voler, en dérobant ce qui ne lui appartient pas, c'est-à-dire
en persuadant à ceux qui le suivent de vivre conformément à ses exemples, au
lieu de leur enseigner les préceptes de Jésus-Christ. Le Sauveur ajoute : «
et pour égorger, » en les détournant de la foi par sa doctrine
pernicieuse, « et pour les perdre, » en les précipitant dans
l’éternelle damnation. Les larrons ne font donc que voler et égorger; « mais
je suis venu pour qu'elles aient la vie, et une vie plus abondante. » —
Saint Augustin : Je crois que Notre Seigneur
veut dire : Afin qu'elles aient la vie en entrant, c'est-à-dire au moyen de
la foi, qui opère par la charité. (Gal 5) Cette foi les fait entrer
dans la bergerie, pour leur donner la vie, parce que le juste vit de la foi. (Rom
1, 17). Il ajoute : « et une vie plus abondante en sortant, » c'est-à-dire,
quand les vrais fidèles sortent de cette vie, et entrent en possession d'une
vie plus abondante, qui est pour toujours à l'abri de la mort. Car, bien que
sur la terre même, et dans la bergerie, les pâturages ne leur aient pas
manqué, ils trouveront alors des pâturages où ils seront pleinement
rassasiés, tels que les a trouvés celui à qui Jésus a dit : « Aujourd'hui
vous serez avec moi dans le paradis. » —
Saint Grégoire : (hom. 13, sur Ezech). Il
entrera donc pour recevoir la foi, il sortira pour entrer dans la claire
vision, et il trouvera des pâturages là où son âme sera éternellement
rassasiée. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 59). Ces
paroles : « Le voleur ne vient que pour dérober, pour égorger et pour
perdre, » s'appliquent à tous les auteurs de révolte ou de sédition, et
elles se sont vérifiées à la lettre dans tous ceux qui ont été mis à mort et
perdus pour les avoir suivis, et qui ont ainsi perdu même la vie présente.
Mais pour moi, je suis venu pour le salut de tous, pour qu'ils aient la vie,
et une vie plus abondante dans le royaume des cieux, et c'est la troisième
différence qui le distingue, des faux prophètes. — Théophylactus : Dans le sens allégorique, le voleur est le démon qui vient par la
tentation pour dérober, par les pensées coupables qu'il inspire, égorger par
le consentement, et perdre par les actes. |
Lectio 3 |
Versets 11-13 |
[86078] Catena in Io., cap. 10 l. 3 Augustinus in
Ioannem. Aperuit dominus duas res quas quodammodo clausas proposuerat.
Primo quidem scimus quia ostium ipse est; nunc autem ostendit quia pastor
est, dicens ego sum pastor bonus. Supra autem dixerat pastorem intrare per
ostium. Si ergo ipse est ostium, quomodo per seipsum intrat? Sicut ergo ipse
per seipsum novit patrem, nos autem per illum; sic intrat in ovile per
seipsum, nos autem per ipsum : nos, quia Christum praedicamus, per ostium
intramus; Christus autem seipsum praedicat : lumen enim et alia demonstrat et
seipsum. Si autem praepositi Ecclesiae, qui filii sunt, pastores sunt;
quomodo unus pastor est, nisi quia sunt illi omnes unius membra pastoris? Et
quidem quod pastor est dedit et membris suis : nam et Petrus pastor, et
ceteri apostoli pastores, et omnes boni episcopi : ostium vero nemo nostrum
se dicit : hoc sibi ipse proprie tenuit. Non autem adderet bonus, nisi essent
et pastores mali : ipsi sunt fures et latrones, aut certe ut multum
mercenarii. Gregorius in Evang. Atque eius bonitatis formam,
quam nos imitemur, adiungit, dicens bonus pastor animam suam ponit pro ovibus
suis. Fecit quod monuit, ostendit quod iussit : pro ovibus suis animam suam
posuit, ut in sacramento nostro corpus suum et sanguinem verteret, et oves
quas redemerat carnis suae alimento satiaret. Ostensa est nobis de contemptu
mortis via quam sequamur, apposita forma cui imprimamur. Primum nobis est
exteriora nostra misericorditer ovibus eius impendere; postremum vero, si
necesse sit, etiam in mortem animam nostram pro eisdem ovibus ministrare. Qui
autem non dat pro ovibus substantiam suam, quando pro his daturus est animam
suam? Augustinus in Ioannem. Non autem solus Christus hoc
fecit, et tamen si illi qui fecerunt, membra eius sunt, idem ipse unus hoc
fecit : ipse enim potuit facere sine illis, illi sine illo non poterant. Augustinus de Verb. Dom. Omnes tamen pastores boni
fuerunt, non solum quia sanguinem fuderunt, sed quia pro ovibus fuderunt :
non enim fuderunt elatione, sed caritate. Nam et apud haereticos, qui propter
iniquitates et errores suos aliquid molestiarum perpessi fuerunt, nomine
martyrii se iactant, ut hoc pallio dealbati facilius furentur, quia lupi
sunt. Non autem omnes qui corpora sua in passione etiam ignibus tradunt,
aestimandi sunt sanguinem fudisse pro ovibus, sed potius contra oves; dicit
enim apostolus : si tradidero corpus meum ita ut ardeam, caritatem autem non
habeam, nihil mihi prodest. Quomodo autem habet vel exiguam caritatem, qui
etiam convictus non amat unitatem? Quam dominus commendans, noluit multos
appellare pastores, sed pastorem unum, dicens ego sum pastor bonus. Chrysostomus in Ioannem. Sic igitur de cetero
dominus de passione sua disputabat, ostendens quoniam pro salute fieret
mundi, et non invitus in hanc venit. Deinde rursus ostendit signa pastoris et
mercenarii, cum dicit mercenarius autem, et qui non est pastor, cuius non
sunt oves propriae, videt lupum venientem, et dimittit oves et fugit. Gregorius. Sunt enim nonnulli qui dum plus terrenam
substantiam quam oves diligunt, merito nomen pastoris perdunt : non enim
pastor, sed mercenarius vocatur qui non pro amore intimo oves dominicas, sed
ad temporales mercedes pascit. Mercenarius quippe est qui pastoris locum
tenet, sed lucrum animarum non quaerit, terrenis commodis inhiat, honore
praelationis gaudet. Augustinus de Verb. Dom. Aliud ergo quaerit in
Ecclesia, non Deum quaerit : si Deum quaereret, castus esset, quia legitimum
maritum anima Deum habet : quisquis a Deo praeter Deum aliquid quaerit, non
caste Deum quaerit. Gregorius. Utrum vero pastor sit, vel mercenarius,
cognosci veraciter non potest, si occasio necessitatis deest :
tranquillitatis enim tempore plerumque ad gregis custodiam sicut verus
pastor, sic etiam mercenarius stat; sed lupus veniens indicat quo quisque
animo super gregis custodiam stabat. Augustinus. Lupus autem Diabolus est, et qui illum
sequuntur : nam dictum est quod induti quidam pellibus ovium, intus sunt lupi
rapaces. Augustinus in Ioannem. Ecce lupus ovis guttur
apprehendit, Diabolus fideli adulterium persuasit, excommunicandus est : sed
excommunicatus inimicus erit, insidiabitur, nocebit cum potuerit : unde
taces, non increpas : lupum venientem vidisti, et fugisti : corpore stetisti,
animo fugisti; affectiones enim nostrae motus animorum sunt : laetitia animi
diffusio est, tristitia autem contractio, cupiditas animi progressio, timor
animi fuga est. Gregorius. Lupus etiam super oves venit cum quilibet
iniustus et raptor fideles quosque atque humiles opprimit. Sed is qui pastor
esse videbatur et non erat, reliquit oves et fugit : quia dum sibi ab eo
periculum metuit, resistere eius iniustitiae non praesumit. Fugit autem non
mutando locum, sed subtrahendo solatium. Sed contra haec mercenarius nullo
zelo accenditur : quia dum solum exteriora commoda requirit, interiora gregis
damna negligenter patitur; unde subditur mercenarius autem fugit, quia mercenarius
est, et non pertinet ad eum de ovibus. Sola ergo causa est ut mercenarius
fugiat quia mercenarius est, ac si dicat : stare in periculo ovium non potest
qui in eo quod ovibus praeest, non oves diligit, sed lucrum terrenum quaerit;
et ideo opponere se contra periculum trepidat, ne hoc quod diligit amittat.
Augustinus. Si autem apostoli pastores fuerunt, non
mercenarii, quare fugiebant quando persecutionem patiebantur? Et hoc domino
dicente : si vos persecuti fuerint, fugite. Pulsemus, aderit qui aperiet.
Augustinus ad Honoratum. Fugiant ergo omnino de
civitate in civitatem servi Christi, ministri verbi et sacramenti eius,
quando eorum quisquam specialiter a persecutoribus quaeritur, ut ab aliis qui
non ita requiruntur non deseratur Ecclesia. Cum autem omnium, idest
episcoporum, et clericorum, et laicorum est commune periculum, hi qui aliis
indigent, non deserantur ab his quibus indigent. Aut igitur ad loca munita
omnes transeant; aut qui habent remanendi necessitatem, non relinquantur ab
eis, per quos eorum ecclesiastica est implenda necessitas. Tunc ergo de locis
in quibus sumus, premente persecutione, fugiendum est Christi ministris,
quando ibi aut plebs Christi non fuerit cui ministretur, aut potest impleri
per alios necessarium ministerium, quibus eadem non est causa fugiendi. Cum
autem plebs manet et ministri fugiunt, ministeriumque subtrahitur, quid erit
nisi mercenariorum illa fuga damnabilis, quibus non est cura de ovibus? Augustinus in Ioannem. In bonis ergo nominantur
ostium, ostiarius, pastor et oves; in malis fures et latrones, mercenarii,
lupus. Augustinus de Verb. Dom. Diligendus est pastor,
cavendus latro, tolerandus mercenarius. Tamdiu enim est utilis mercenarius,
quamdiu non videt lupum, furem vel latronem; cum autem viderit, fugit. Augustinus in Ioannem. Nec enim mercenarius
diceretur, nisi acciperet a conducente mercedem. Filii aeternam hereditatem
patris patienter expectant, mercenarius temporalem mercedem conducentis
festinanter exoptat; et tamen per linguas utrorumque divina Christi gloria
diffamatur. Inde ergo laedit unde mala facit, non unde bona dicit : botrum
carpe, spinam cave : quia botrus aliquando de radice vitis exortus, pendet in
spinis : multi quippe in Ecclesia commoda terrena sectantes, Christum
praedicant, et per eos vox Christi auditur; et sequuntur oves, non
mercenarium, sed vocem pastoris per mercenarium. |
—
Saint Augustin : (Traité 46 sur Saint Jean). Notre Seigneur nous a déjà expliqué deux
choses qu'il nous avait proposées sous le voile [de la parabole] ; nous
savons déjà qu'il est lui-même la porte, nous savons qu'il est lui-même le
pasteur; [il va maintenant prouver qu'il est le bon pasteur] : « Je
suis le bon pasteur. » (Traité 47). Il avait dit précédemment que
le pasteur entre par la porte; si donc il est lui-même la porte, comment
peut-il entrer par lui-même ? Le Fils de Dieu connaît le Père par lui-même,
et nous ne le connaissons que par lui; ainsi il entre dans la bergerie par
lui-même, tandis que nous n'y entrons que par lui. Nous, qui prêchons Jésus-Christ,
nous entrons par la porte; Jésus-Christ, au contraire, se prêche lui-même,
car la lumière se manifeste elle-même en découvrant les autres objets qu'elle
éclaire. (Traité 46). Si les chefs de l'Eglise, qui sont ses enfants,
sont pasteurs, comment peut-il dire qu'il n'y a qu'un seul pasteur, si ce
n'est parce qu'ils sont tous les membres d'un seul et même pasteur ? (Traité
47). Il a communiqué à ses membres son titre [et ses fonctions] de
pasteur; ainsi Pierre est pasteur, les autres apôtres sont pasteurs, tous les
saints apôtres sont eux-mêmes pasteurs. Mais personne d'entre nous n'ose se
dire la porte; c'est une prérogative que le Sauveur s'est réservée à
l'exclusion de tout autre. Il n'aurait pas ajouté au nom de pasteur la
qualification de bon, s'il n'y avait de mauvais pasteurs; ce sont les voleurs
et les larrons, ou du moins les mercenaires, qui sont en grand nombre. —
Saint Grégoire : (hom. 14 sur les Evang). Il
propose ensuite à notre imitation l'exemple de sa bonté et de son dévouement
pour ses brebis. « Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis. »
Il a fait lui-même ce qu'il nous enseigne; il pratique le commandement qu'il
nous a imposé, il a donné sa vie pour ses brebis, afin de faire de son corps
et de son sang un véritable sacrement pour nous, et rassasier de sa chair,
devenue notre aliment, les brebis qu'il avait rachetées, il nous a tracé,
pour que nous la suivions, la voie du mépris de la mort; il nous a donné le
modèle que nous devons reproduire. Notre premier devoir est de distribuer charitablement
nos biens à ses brebis; le second, de sacrifier généreusement, s'il le faut,
notre vie pour elles. Mais celui qui ne sacrifie même pas ses biens pour ses
brebis, quand sera-t-il disposé à sacrifier sa vie ? —
Saint Augustin : (Traité 47) Or, le
Christ n'est pas le seul qui ait donné personnellement cette preuve de
charité, et cependant on peut dire que c'est lui seul qui l'a donnée, dans la
personne de ceux qui étaient ses membres; car lui seul pouvait la donner sans
eux, tandis qu'ils ne pouvaient, sans lui, accomplir cet acte de dévouement. —
Saint Augustin : (Serm. 50 sur les
paroles du Seig). Tous cependant ont été de bons pasteurs, non seulement
parce qu'ils ont versé leur sang, mais parce qu'ils l'ont versé pour leurs
brebis, et qu'ils l'ont versé non par orgueil, mais par charité. Il est des
hérétiques, en effet, qui osent décorer du nom de martyre les tribulations
qu'ils ont pu souffrir à cause de leurs erreurs et de leurs iniquités, et qui
se couvrent de ce manteau pour pouvoir plus facilement voler et piller, parce
qu'ils sont de véritables loups. Mais gardons-nous de croire que tous ceux
qui livrent leur corps au supplice même du feu versent leur sang pour les
brebis, c'est bien plutôt contre elles qu'elles le versent. Car, comme dit l'Apôtre
: « Quand je livrerai mon corps pour être brûlé, si je n'ai pas la
charité, cela ne me sert de rien. » (1 Co 13) Or, comment
peut-on prétendre avoir le moindre degré de charité, quand on n'aime pas
l'unité de la communion chrétienne ? C'est pour nous recommander cette unité
que le Seigneur ne veut point dire qu'il y a plusieurs pasteurs, mais un
seul, en disant : « Je suis le bon pasteur. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 89 sur Saint Jean). Notre
Seigneur en vient ensuite à parler de sa passion, et à montrer qu'elle avait
pour objet le salut du monde, et qu'il allait volontairement au-devant
d'elle. Puis il expose de nouveau les signes distinctifs du pasteur et du
mercenaire. « Mais le mercenaire et celui qui n'est pas le pasteur, à qui
les brebis n'appartiennent pas, voit venir le loup, laisse là les brebis et
s'enfuit. » —
Saint Grégoire : Il en est quelques-uns qui,
en préférant dans leur affection les avantages de la terre, aux brebis
elles-mêmes, perdent justement le nom de pasteur; car celui qui ne conduit
pas les brebis du Seigneur par un sentiment d'amour, mais pour un gain
terrestre, n'est pas un pasteur, c'est un mercenaire. Le mercenaire, en
effet, est celui qui tient la place du pasteur, mais ne cherche pas l'intérêt
des âmes, ne soupire qu'après les richesses de la terre, et se complaît dans
les prérogatives de sa dignité. —
Saint Augustin : (Serm. 49 sur les par. du Seig).
Il cherche donc dans l'Eglise autre chose que Dieu; s'il cherchait Dieu,
il serait chaste, car le légitime époux de l'âme c'est Dieu, et celui qui
demande à Dieu autre chose que Dieu lui-même, ne le cherche pas avec des
dispositions pures. —
Saint Grégoire : — Ce n'est, du reste, que
dans les temps de nécessité qu'on peut distinguer parfaitement le pasteur du
mercenaire; dans les temps de paix, le mercenaire veille ordinairement à la
garde du troupeau comme le véritable pasteur : mais lorsque le loup survient,
il découvre les vrais motifs qui inspiraient cette vigilance. —
Saint Augustin : (Serm. 49 sur les par. du Seign).
Le loup, c'est le démon et tous ceux qui le suivent; car, Notre Seigneur
lui-même nous dit que, tout revêtus qu'ils sont de peaux de brebis, ils sont
au-dedans des loups ravisseurs. (Mt 7) —
Saint Augustin : (Traité 46 sur Saint Jean). Voici
que le loup saisit la brebis à la gorge, le démon persuade à un fidèle de
commettre un adultère, vous devez l'excommunier; mais cette excommunication
le rendra votre ennemi [déclaré], il vous tendra des pièges, et vous nuira
autant qu'il le pourra; vous gardez le silence, vous ne lui faites aucun
reproche; vous avez vu le loup qui venait, et vous vous êtes enfui; vous êtes
resté de corps, mais vous vous êtes enfui d'esprit; car c'est par les
affections que notre âme se meut, elle se répand par la joie, se resserre par
la tristesse, marche par le désir, et s'enfuit par la crainte. —
Saint Grégoire : Le loup vient encore fondre
sur les brebis toutes les fois qu'un homme injuste ou ravisseur opprime les
fidèles et les humbles. Or, celui qui n'avait que l'extérieur du pasteur et
ne l'était pas en effet, laisse les brebis et s'enfuit [à son approche],
parce que le danger qu'il redoute pour lui le rend incapable de résister à
l'injustice; et il s'enfuit non pas en changeant de lieu, mais en privant ses
brebis de son appui. A la vue des dangers que court son troupeau, le
mercenaire n'est enflammé d'aucun sentiment de zèle; et il supporte avec
indifférence les maux qui viennent fondre sur ses brebis, parce qu'il n'est
préoccupé que de ses intérêts personnels. « Le mercenaire s'enfuit, » :
parce que c’est un mercenaire et que le sort des brebis ne l’intéresse
pas ; l'unique raison pour laquelle le mercenaire s'enfuit, c'est qu'il
est mercenaire; et voici le sens de ces paroles : Celui qui dirige les brebis
non par un sentiment d'amour, mais en vue d'un gain sordide, ne peut
supporter le danger qui menace les brebis, et il redoute de l'affronter,
parce qu'il craint de perdre ce qu'il aime. —
Saint Augustin : (Tr. 46 sur Saint Jean). Les
Apôtres étaient des pasteurs et non des mercenaires, et pourquoi donc
fuyaient-ils devant la persécution, obéissant en cela au conseil du Sauveur :
« S'ils vous persécutent, fuyez » (Mt 10, 23). Frappons,
quelqu'un nous ouvrira. —
Saint Augustin : (Lett. 180 à Honor). Les
serviteurs de Jésus-Christ, les ministres de sa parole et de ses sacrements
peuvent fuir de ville en ville, peuvent fuir de ville en ville, et spécialement
quand ils cherchent à se garder de la haine des persécuteurs, à la condition
que l'Eglise ne soit pas abandonnée par ceux qu'épargne la persécution. Mais
lorsque le danger devient commun pour tous, pour les évêques, pour les
clercs, pour les simples fidèles, ceux qui ont besoin du ministère de leurs
frères, ne doivent pas être abandonnés par eux. Que tous donc s'enfuient
alors dans des lieux de sûreté, ou que ceux qui sont obligés de rester ne
soient pas privés du ministère de ceux qui doivent pourvoir à leurs besoins
spirituels. Ainsi il est permis aux ministres de Jésus-Christ, de fuir devant
la persécution, quand ils ne laissent pas derrière eux tout un peuple qui
réclame leur ministère, ou lorsque ce ministère peut être rempli par ceux qui
n'ont pas les mêmes raisons de fuir. Mais si le peuple est obligé de rester
et que les ministres le laissent sans secours en s'enfuyant, c'est la fuite
inexcusable des mercenaires qui n'ont aucun souci de leurs brebis. —
Saint Augustin : (Traité 46 sur Saint Jean). Parmi
les bons, il nous faut donc compter la porte, le portier, le pasteur et les
brebis; parmi les mauvais, les voleurs, les larrons, les mercenaires et les
loups. —
Saint Augustin : (serm. 49 sur les par. du Seig).
Il faut aimer le pasteur, se garder du voleur, supporter le mercenaire,
car le mercenaire peut être utile tant qu'il ne voit point le loup, le voleur
ou le larron, mais à leur vue seule, il s'enfuit. —
Saint Augustin : (Traité 46 sur Saint Jean). On
ne lui donne le nom de mercenaire, que parce qu'il est payé par celui qui le
loue. Les enfants attendent patiemment l'héritage de leur père, le mercenaire
soupire ardemment après le salaire qu'il regarde comme le prix de son
travail, et cependant la gloire du divin Sauveur se répand par la bouche de
chacun d'eux. Le mercenaire n'est donc nuisible que lorsqu'il fait mal et non
lorsqu'il annonce la bonne doctrine : cueillez le raisin, gardez-vous des
épines. Quelquefois, en effet, la grappe de raisin qu'a produite le cep de
vigne, pend aux branches d'un buisson; il en est beaucoup dans l'Eglise, qui
cherchent leurs avantages temporels en prêchant Jésus-Christ, la voix de
Jésus-Christ se fait entendre par eux, et les brebis suivent alors non pas le
mercenaire, mais la voix de Jésus-Christ qui se fait entendre par le
mercenaire. |
Lectio 4 |
Versets 14-21 |
[86079] Catena in Io., cap. 10 l. 4 Chrysostomus
in Ioannem. Duos superius malos praemisit dominus : unum qui furatur et
mactat et rapit; alterum qui non prohibet : per illum seditiosos insinuans,
per hunc Iudaeorum magistros confundens, et non procurantes creditas oves.
Sed ab utrisque seipsum Christus distinxit : ab illis quidem qui ad laedendum
venerunt, in hoc quod dixit : veni ut vitam habeant; ab his qui contemnunt
luporum rapinas, ex eo quod pro ovibus animam ponit; et ideo quasi concludens
subdit : ego sum pastor bonus. Sed quia superius dixerat, quod oves pastoris
vocem audiunt, et sequuntur eum, ne quis dicat : quid ergo dicis de his qui
tibi non credunt? Consequenter subdit et cognosco oves meas, et cognoscunt me
meae; quod et Paulus ostendit, dicens : non repellit dominus plebem suam,
quam praescivit. Gregorius in Evang. Ac si aperte dicat : diligo oves
meas, et ipsae me diligentes obsequuntur : qui enim veritatem non diligit,
adhuc minime cognovit. Theophylactus. Hinc autem differentiam mercenarii et
pastoris elicias : nam mercenarius ignorat oves, quia raro visitat eas; pastor
vero cognoscit oves proprias tamquam erga eas sollicitus. Chrysostomus. Deinde ut non aestimes parem mensuram
cognitionis Christi et ovium, consequenter subdit sicut novit me pater, et
ego cognosco patrem; quasi dicat : ita certissime ipsum scio, sicut ipse me.
Hic ergo est par cognitio, ibi non; nam sequitur et animam meam pono pro
ovibus meis. Gregorius. Ac si aperte dicat : in hoc constat quia
cognosco patrem et cognoscor a patre, quia animam meam pono pro ovibus meis;
idest, ea caritate qua pro ovibus meis morior, quantum patrem diligam ostendo.
Chrysostomus. Hoc etiam dicit ostendens quod non est
erroneus : quia et apostolus quando seipsum voluit ostendere verum esse
magistrum, contra pseudoapostolos induxit rationem a periculis et mortibus.
Theophylactus. Seductores enim non exposuerunt
animam suam pro ovibus, sed sicut mercenarii deseruerunt illos qui eos
sequebantur. Dominus autem, ut non caperentur, dixit : sinite hos abire. Gregorius. Quia vero non solum Iudaeam, sed etiam
gentilitatem redimere venerat, adiungit et alias oves habeo quae non sunt ex
hoc ovili. Augustinus de Verb. Dom. Loquebatur enim primo de
ovili de genere carnis Israel : erant autem alii de genere fidei ipsius
Israel : extra erant, adhuc in gentibus erant, praedestinati, nondum
congregati. Non ergo sunt de hoc ovili, quia non sunt de genere carnis
Israel; sed erunt de hoc ovili; nam sequitur et illas oportet me adducere.
Chrysostomus. Ostendit utrosque dispersos, et
pastores non habentes. Sequitur et vocem meam audient; ac si dicat : quid
miramini si hi me sunt secuturi et vocem meam audituri, quando alios
videbitis me sequentes, et vocem meam audientes? Deinde et futuram eorum
praenuntiat unionem; unde subdit et fiet unum ovile et unus pastor. Gregorius. Quasi ex duobus gregibus unum ovile
efficit, quia Iudaicum et gentilem populum in sua fide coniungit. Theophylactus. Idem namque omnibus est Baptismi
signaculum, unus pastor verbum Dei. Attendant ergo Manichaei, quoniam unum
ovile et unus pastor est novi et veteris testamenti. Augustinus in Ioannem. Quid ergo est : non sum
missus nisi ad oves quae perierunt domus Israel, nisi quia praesentiam suam
corporalem non exhibuit nisi populo Israel, ad gentes autem non perrexit
ipse, sed misit? Chrysostomus. Hoc autem verbum oportet, quod hic
positum est, non necessitatis est demonstrativum, sed eius quod omnino fiet.
Quia autem alienum dicebant eum a patre, subiungit propterea me pater
diligit, quia ego pono animam meam, ut iterum sumam eam. Augustinus in Ioannem. Idest, quia morior, ut
resurgam : cum magno enim pondere dictum est ego pono. Non glorientur Iudaei
: saevire poterunt : si ego noluero ponere animam meam, quid saeviendo
facturi sunt? Theophylactus. Dilexit autem pater filium, non
tamquam stipendia mortis pro nobis sustinendae, dilectionem suam ei tribuens;
sed quasi suae quidditatis proprietatem in genito intuens, dum ex eadem
caritate pro nobis voluit mortem subire. Chrysostomus in Ioannem. Vel utitur hic
condescensione; quasi dicat : etsi nihil aliud esset, hoc suasit mihi amare
vos, quod vos ita amamini a patre, ut ego etiam propter hoc diligar ab eo,
quia pro vobis morior. Non autem a patre antea non amabatur, et nos sumus
facti amoris eius causa. Similiter autem et hoc ostendere vult, quoniam non
invitus ad passionem venit; unde sequitur nemo tollit eam a me, sed ego pono
eam a meipso. Augustinus de Trin. In quo demonstravit quod nulla
causa peccati usque ad mortem carnis accesserit, sed quia voluit, quando
voluit, et quomodo voluit; unde sequitur potestatem habeo ponendi animam meam.
Chrysostomus. Quia enim multoties consiliabatur eum
interficere, dicit quoniam nolente eo inutilis erat hic labor. Ita enim habeo
potestatem animam meam ponere, ut nullus possit me invito facere : quod in
hominibus non est : nos enim non habemus potestatem aliter ponere, nisi
interficiendo nosmetipsos; ipse autem solus dominus est ponendi eam. Hoc
autem existente vero et illud constat, quod quandocumque voluerit, eam
suscipere possit; unde sequitur et potestatem habeo iterum sumendi eam : in
quo et resurrectionem demonstravit indubitabilem. Ut autem non aestiment, cum
eum interfecerint, derelictum a patre, subiungit hoc mandatum accepi a patre
meo, scilicet ponendi animam et sumendi. Ex quo non est intelligendum quod
prius expectaverit audire, et opus ei fuerit discere; sed voluntarium
monstravit processum, et contrarietatis ad patrem suspicionem destruxit. Theophylactus. Nihil enim aliud mandatum hic dicitur
quam ea quae ad patrem concordia. Alcuinus. Verbum enim non verbo accepit mandatum,
sed in verbo unigenito patris est omne mandatum. Cum autem dicitur filius
accipere quod substantialiter habet, non potestas minuitur, sed generatio
eius ostenditur : pater enim filio, quem perfectum genuit, omnia gignendo
dedit. Theophylactus. Postquam autem de se sublimia
ostenderat, mortis et vitae se principem exprimens, rursum inducit humilia,
sic mira dispositione utraque connectens ut nec minor aut subditus patri
reputetur, nec Dei adversarius, sed eiusdem potestatis et consilii. Augustinus in Ioannem. Per hoc autem quod dixit de
anima sua, instruimur contra Apollinaristas, qui dicunt Christum non habuisse
animam humanam, idest rationalem. Quaeramus autem quomodo dominus animam suam
ponit. Christus enim est verbum et homo, idest verbum et anima et caro.
Christus ergo ex eo quod verbum est, ponit animam, et iterum sumit eam; an ex
eo quod anima humana est, ipsa se ponit, et iterum ipsa se sumit; an iterum
ex eo quod caro est, caro animam ponit, et iterum sumit? Si autem dixerimus
quia verbum Dei posuit animam suam et iterum sumpsit eam : ergo aliquando
anima illa separata est a Dei verbo. Mors enim corpus ab anima separavit; a
verbo autem animam separatam non dico. Si autem dixerimus quia ipsa se anima
posuit, absurdissimus sensus est : si enim a verbo separata non erat, a
seipsa poterat separari? Caro ergo ponit animam suam, et iterum sumit eam,
non tamen potestate sua, sed potestate inhabitantis carnem, scilicet verbi.
Alcuinus. Et quia lux in tenebris lucebat, et
tenebrae eam non comprehenderunt, subiungitur dissensio itaque facta est
inter Iudaeos propter sermones hos. Dicebant autem multi ex ipsis : Daemonium
habet et insanit. Chrysostomus. Quia enim maiora erant quam secundum
hominem ea quae dicebantur, Daemonium eum habere dicebant. Sed quod Daemonium
non habebat ostendunt alii ab his quae fecit; unde sequitur alii autem
dicebant : haec verba non sunt Daemonium habentis. Numquid Daemonium potest
caecorum oculos aperire? Quasi dicant : nec ipsa verba Daemonium habentis videntur.
Si vero non suademini a verbis, ab operibus moveamini. Quia ergo dominus eam
quae per res est tribuerat demonstrationem, silebat de reliquo : neque enim
responsione erant digni. Sed et nos erudivit mansuetudinem et longanimitatem
omnem. Ipsi etiam seipsos compescebant, quando ab invicem divisi
altercabantur. |
—
Saint Jean Chrysostome : (hom. 60 sur Saint Jean). Notre Seigneur a fait connaître dans ce
qui précède l'existence de deux mauvais maîtres, l'un qui vole, égorge et
pille, l'autre qui ne s'y oppose point; par le premier il veut représenter
les auteurs de sédition; et par le second, confondre les docteurs des Juifs,
qui ne veillaient point sur les brebis qui leur étaient confiées. Le Christ
se sépare nettement de ces deux maîtres, d'abord de ceux qui ne venaient que
pour perdre en disant : « Je suis venu pour qu'elles aient la vie, » et
ensuite de ceux qui voient avec indifférence les rapines des loups, en
déclarant qu'il donne sa vie pour ses brebis, et comme conclusion de tout ce
qui précède, il dit : « Je suis le bon pasteur. » Mais comme il venait
de dire que les brebis entendent la voix du pasteur et le suivent, on pouvait
lui objecter : « Que dites-vous donc de ceux qui ne croient point en vous; »
il ajoute donc : « Et je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent
». Vérité que saint Paul confirme, lorsqu'il dit : « Dieu n'a pas
rejeté son peuple qu'il a connu dans sa prescience. » —
Saint Jean Chrysostome : [référence à vérifier] Il semble dire ouvertement : J'aime mes brebis, et c’est parce
qu’elles m’aiment qu’elles me suivent, car celui qui n'aime pas la vérité
n'en a pas la moindre intelligence. — Théophylactus : Vous pouvez conclure de là quelle différence sépare le pasteur du
mercenaire, le mercenaire ne connaît pas les brebis, parce qu'il les visite
rarement; le pasteur les connaît en vertu de la sollicitude qu'il a pour son
troupeau. —
Saint Jean Chrysostome : Gardez-vous de croire
cependant que la connaissance de Jésus-Christ et celle des brebis soit la
même : « Comme mon Père me connaît, ajoute-t-il, et que moi-même je
connais mon Père», c'est-à-dire je le connais avec autant de certitude
qu'il me connaît lui-même, la connaissance du Père et du Fils est donc la
même, il n'en est pas de même de la connaissance des brebis, car il ajoute : «
et je donne ma vie pour mes brebis. » —
Saint Grégoire : (hom. 14). Comme s’il disait
ouvertement : La preuve évidente que je connais mon Père, et que mon
Père me connaît, c'est que je donne ma vie pour mes brebis, c'est-à-dire la
charité qui me porte à sacrifier ma vie pour mes brebis fait voir la grandeur
de l'amour que j'ai pour mon Père. —
Saint Jean Chrysostome : Il prouve un même temps
qu'il n'est pas un imposteur, de même que l’Apôtre voulant prouver contre les
faux apôtres qu'il était un véritable maître, puisait ses raisons dans les
dangers qu'il avait courus et dans les périls de mort auxquels il avait été
exposé. — Théophylactus : En effet, les séducteurs n'ont jamais exposé leur vie pour leur
brebis, mais comme des mercenaires, ils ont abandonné ceux qui les suivaient,
et le Sauveur, pour qu'on ne se saisît pas de la personne de ses disciples,
dit à ses ennemis : « Laissez-les aller ». —
Saint Grégoire : Cependant comme le Sauveur
était venu racheter, non seulement les Juifs, mais les Gentils, il ajoute : «
J'ai encore d'autres brebis qui ne sont point de cette bergerie. » —
Saint Augustin : (serm. 50 sur les par. du Seig).
Il s'adressait tout d'abord au bercail qui était composé des enfants
d'Israël par le sang, il y en avait d'autres qui en faisaient partie par la
foi, ils étaient encore à l’extérieur, au milieu des Gentils, ils étaient
prédestinés, mais ils n'étaient pas encore réunis. Ils ne sont donc pas
encore de cette bergerie, parce qu'ils n'appartiennent point par le sang à la
race d'Israël, mais ils en feront un jour partie d'après la parole du Sauveur
: « Il faut que je les amène ». —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 60). Il nous apprend ainsi
que les uns et les autres étaient dispersés et n'avaient point de pasteurs : «
Et ils entendront ma voix, » paroles dont voici le sens : Pourquoi
vous étonner que les premiers me suivront et entendront ma voix, quand vous
verrez les autres eux-mêmes se mettre à ma suite et écouter ma voix ? Il
prédit ensuite l'union future des deux troupeaux : « Et il n'y aura qu'une
bergerie et qu'un pasteur. » —
Saint Grégoire : Il ne fait de ces deux
troupeaux qu'une seule bergerie, parce qu'il unit dans les liens d'une seule
et même foi les Juifs et les Gentils. — Théophylactus : Tous deux, en effet, n'ont qu'un seul et même sacrement du baptême, un
seul et même pasteur qui est le Verbe de Dieu. Que les manichéens comprennent
donc ici que l'Ancien et le Nouveau Testament n'ont qu'un seul pasteur et un
seul bercail. —
Saint Augustin : (Traité 17). Que signifient alors
ces paroles : « Je ne suis envoyé qu'aux brebis perdues de la maison
d'Israël ? » C'est que le peuple d'Israël seul a joui de sa présence
corporelle, et qu'il n'a pas été en personne vers les Gentils, mais qu'il
leur a envoyé ses Apôtres. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 60). Ce mot : « Il faut,
» que Jésus emploie ici n'exprime pas la nécessité, mais la certitude de
l'événement, et comme les Juifs prétendaient que Jésus était en opposition
avec le Père, il ajoute : « Mon Père m'aime, parce que je donne ma vie
pour la reprendre. » —
Saint Augustin : C'est-à-dire, parce que je
meurs pour ressusciter. Remarquez la force de cette expression : « Je
donne ma vie. » Que les Juifs cessent de se glorifier, ils pourront se
déchaîner contre moi, mais si je ne consens à donner ma vie, à quoi peuvent
aboutir les efforts de leur fureur ? — Theophylactus :
[référence
à vérifier] Or,
l'amour que le Père a pour le Fils, n'est pas comme le prix de la mort qu'il
doit soutenir pour nous, mais il l'aime en contemplant dans ce Fils qu'il a
engendré sa propre nature, alors qu'en vertu de ce même amour, il consent à
donner sa vie pour nous. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 60). On peut dire encore qu'[en
parlant de la sorte], il s'accommode à notre faiblesse et veut nous dire :
Quand il n'y aurait pas d'autre motif, ce qui me porte à vous aimer, c'est
l'amour que mon Père a pour vous, amour qui est si grand, qu'il m'aime
moi-même, parce qu'il me voit disposé à mourir pour vous. Il ne faut pas
toutefois l'entendre dans ce sens, que le Père n'aimait pas auparavant son
Fils, et que nous soyons la cause de cet amour. Le Sauveur veut encore
prouver que ce n'est point malgré lui qu'il a enduré les souffrances de sa
passion : « Personne, dit-il, ne me la ravit, mais je la donne
de moi-même. » —
Saint Augustin : (de la Trin., 4, 13). Ces paroles sont la
preuve que sa mort n'a été l'effet et la suite d'aucun péché personnel, mais
qu'il est mort parce qu'il l'a voulu, quand il l'a voulu, et de la manière
qu'il l'a voulu : « Et j'ai le pouvoir de la donner, et le pouvoir de la
reprendre. » —
Saint Jean Chrysostome : De nombreuses fois en effet,
les Juifs avaient formé le projet de le mettre à mort, il leur déclare donc
que tous leurs efforts sont inutiles, s'il ne consent à donner sa vie. J'ai
tellement le pouvoir de la donner, dit-il, que personne ne peut me l'arracher
malgré moi, pouvoir qui n'appartient pas à tous les hommes. Ainsi nous
n'avons le pouvoir de donner notre vie qu'en nous donnant la mort à
nous-mêmes, et Notre Seigneur seul a le véritable pouvoir de la donner. De
cette vérité suit nécessairement cette autre qu'il a le pouvoir de reprendre
sa vie quand il le veut : « J’ai le pouvoir de la
reprendre », et il donne ainsi une preuve certaine de sa
résurrection. Mais comme ils auraient pu penser qu'après qu'ils l'auraient
mis à mort, il serait abandonné de son Père, il ajoute : « J'ai reçu de
mon Père ce commandement, » c'est-à-dire de donner ma vie et de la
reprendre. Ne croyons pas cependant qu'il ait attendu que ce commandement lui
ait été donné, et qu'il ait eu besoin de l'apprendre, il veut simplement
montrer ici que sa volonté est libre, et détruire tout soupçon d'opposition
entre lui et son Père. — Théophylactus : Ce commandement, en effet, n'exprime autre chose que la parfaite
harmonie entre son Père et lui. —
Alcuin : Et ce n'est point par une
parole extérieure, que le Verbe a reçu ce commandement, car tout commandement
a sa racine dans le Verbe, Fils unique du Père. Lors donc qu'on dit du Fils,
qu'il reçoit ce qu'il possède, par sa nature, ce n'est point pour amoindrir
sa puissance, mais pour prouver sa génération, car c'est par la génération
que le Père a tout donné à son Fils, qu'il a engendré dans toute sa
perfection. —
Théophylactus : Après avoir parlé de lui-même en termes aussi élevés et s'être donné
pour le maître de la mort et de la vie, le Sauveur tempère de nouveau son
langage, et unit ainsi les choses les plus contraires dans une admirable
harmonie, afin que nous le considérions, non comme inférieur à son Père ou
dominé par lui, ni comme son adversaire, mais comme possédant le même pouvoir
et la même sagesse. —
Saint Augustin : (Traité 47). La manière dont Notre
Seigneur parle ici de son âme, nous prémunit contre l'erreur des
apollinaristes, qui prétendent que Jésus-Christ n'a pas eu d'âme humaine,
c'est-à-dire une âme raisonnable. Demandons-nous dans quel sens donc Notre
Seigneur dit-il qu'il a le pouvoir de donner son âme ? Jésus-Christ est à la
fois Verbe et homme, c'est-à-dire Verbe, âme et chair; or, est-ce comme Verbe
qu'il donne son âme ou sa vie et qu'il la reprend ? Ou bien est-ce en tant
qu'il est une âme humaine que l'âme se donne et qu'elle se reprend ? Ou bien
encore est-ce en tant qu'il est chair, que la chair donne son âme ou la
reprend ? Si nous disons que le Verbe de Dieu a donné son âme et l'a reprise,
donc cette âme a été pendant un certain temps séparée du Verbe de Dieu,
puisque la mort sépare l'âme du corps ; mais non, ce n’est pas ce que je
dis : l'âme n'a jamais été séparée du Verbe. Si nous disons au contraire
que l'âme elle-même s'est donnée, c'est une proposition absurde, car si elle
ne pouvait être séparée du Verbe, pouvait-elle être séparée d'elle-même ?
C'est donc la chair qui laisse son âme pour la reprendre ensuite, non
cependant par sa puissance, mais par la puissance du Verbe qui habitait en
elle. —
Alcuin : Et comme la lumière luisait
dans les ténèbres, et que les ténèbres ne l'ont point comprise, l'Evangéliste
ajoute : « Il s'éleva de nouveau une dissension parmi les Juifs, à l'occasion
de ce discours, plusieurs d'entre eux disaient : Il est possédé du démon et
il a perdu le sens. » —
Saint Jean Chrysostome : Ses enseignements
dépassaient la portée de l'intelligence humaine, ils l'accusaient donc d'être
possédé du démon; mais il trouve des défenseurs qui savent bien le venger de
cette accusation par les œuvres qu'il a faites : « D'autres disaient : Ce
ne sont pas là les paroles d'un homme possédé du démon, est-ce que le démon
peut ouvrir les yeux des aveugles ? » C'est-à-dire, ces paroles ne sont
pas celles d'un homme possédé du démon, mais si elles ne suffisent point pour
vous convaincre, laissez-vous au moins persuader par les œuvres. Après cette
démonstration tirée des faits eux-mêmes, Notre Seigneur se tait sur le reste,
car ils n'étaient pas dignes qu'il leur répondît. Il nous enseigne aussi à
pratiquer dans toute leur étendue la douceur et la longanimité. D'ailleurs
ils se réfutaient eux-mêmes les uns les autres par les divisions qui
existaient entre eux. |
Lectio 5 |
Versets 22-30 |
[86080] Catena in Io., cap. 10 l. 5 Alcuinus. Audivimus
patientiam Dei et inter opprobria praedicationem salutis; sed ipsi obdurati
magis eum tentare quam ipsi obedire volebant; unde dicitur facta sunt autem
encaenia in Hierosolymis. Augustinus in Ioannem. Encaenia festivitas erat
dedicationis templi : Graece enim chenon, dicitur novum : quandocumque novum
quid fuerit dedicatum, encaenia vocantur. Chrysostomus in Ioannem. Dicit enim diem secundum
quam templum dedicatum est, redeuntibus eis a captivitate Babylonis.
Theophylactus. Splendide ergo prosequebantur solemnitatem, veluti proprium
decorem recuperante civitate post tam longam captivitatem. Alcuinus. Vel haec dedicatio in memoriam illius erat
dedicationis quam Iudas Machabaeus fecit. Prima enim dedicatio a Salomone
facta est tempore autumni; secunda a Zorobabel et Iesu sacerdote, tempore
veris; haec autem tempore hiemali; unde sequitur et hiems erat. Beda. Sub Iuda enim Machabaeo statutum legitur ut
eadem dedicatio per omnes annos in memoriam solemnibus renovaretur officiis.
Theophylactus. Tempus autem hiemis Evangelista
exprimit, ad ostendendum quod proximum esset tempus passionis : nam in vere
sequenti passus est dominus; et ideo Hierosolymis conversabatur. Gregorius Moralium. Vel idcirco hiemis curavit
tempus exprimere, ut inesse Iudaeorum cordibus malitiae frigus indicaret.
Chrysostomus. In hac autem solemnitate Christus cum
multo studio aderat : de reliquo enim Iudaeam frequentabat, quia passio erat
in ianuis; unde sequitur et ambulabat Iesus in templo in porticu Salomonis.
Alcuinus. Porticus Salomonis dicitur ubi rex ille ad
orandum stare consueverat : et ideo ex eius nomine cognominabatur. Solent
autem porticus quibus templum cingebatur, ex nomine templi vocari. Si autem
filius Dei in templo in quo caro brutorum animalium offerebatur, ambulare
voluit; quanto magis nostram orationis domum, in qua caro et sanguis eius
consecratur, visitare gaudebit? Theophylactus. Satagas tu quoque, dum hiems imminet,
idest vita praesens turbinibus iniquitatis concussa, spirituales encaenias
tui templi celebrare, semper renovando teipsum, et ascensiones in corde tuo
disponens : tunc Iesus erit praesto tibi in porticu Salomonis, pacificum
statum tibi tribuens sub tegmine proprio. In saeculo autem futuro nemo renovationis
solemnia perficere poterit. Augustinus in Ioannem. Quia ergo Iudaei friguerant a
diligendi caritate, et ardebant nocendi cupiditate, non accedebant
prosequendo, sed premebant persequendo; unde sequitur circumdederunt ergo eum
Iudaei, et dixerunt ei : quousque animam nostram tollis? Si tu es Christus,
dic nobis palam. Non veritatem desiderabant, sed calumniam praeparabant. Chrysostomus. Opera enim eius in nullo incusare
valentes, captionem quamdam ex verbis cupiebant invenire. Et intuere perversitatem
illorum : nam cum per sermonem erudit, dicunt ei quod signum ostendis? Cum
autem per opera demonstrat, dicunt ei si tu es Christus, dic nobis palam :
quasi semper ad contrarium stantes. Sed et plenum odio erat quod dicunt dic
nobis palam. Et nimirum ipse palam omnia dicebat, in festivitatibus semper
assistens, et nihil occulte loquebatur. Sed et adulationis verba praemittunt,
dicentes quousque animam nostram tollis? Ut scilicet eum provocantes, aliquam
captionem inveniant. Alcuinus. Causantur enim quod animos eorum incertos
et suspensos dimittendo tolleret, qui venerat ut animas salvaret.
Augustinus. Quaerebant autem audire a domino : ego sum Christus; et
fortasse de Christo secundum hominem sapiebant, sed divinitatem Christi in
prophetis non intelligebant, et sic si diceret : ego sum Christus, secundum
quod illi sapiebant, de semine David, calumniarentur quod sibi arrogaret
regiam potestatem. Alcuinus. Et sic cogitabant eum tradere potestati
praesidis ad puniendum, quasi contra Augustum imperium usurparet; quare
dominus ita temperavit responsionem ut etiam calumniatorum ora concluderet,
et quia Christus est, fidelibus panderet : et de homine quaerentibus
divinitatis mysteria narrat; unde sequitur respondit eis Iesus : loquor
vobis, et non creditis. Opera quae ego facio in nomine patris mei, haec
testimonium perhibent de me. Chrysostomus. Quia enim simulabant a solo verbo se
suaderi, qui a tot operibus non sunt suasi, arguit malitiam eorum, quasi
dicat : si operibus non creditis, qualiter verbis credetis? Et quare non
credant, ostendit subdens sed vos non creditis, quia non estis ex ovibus meis.
Augustinus. Hoc autem dixit, quia videbat eos ad
sempiternum interitum praedestinatos, non ad vitam aeternam sui sanguinis
pretio comparatos : oves enim sunt credendo, pastorem sequendo. Theophylactus. Postquam vero dixerat : non estis ex
ovibus meis, consequenter induxit eos ut oves eius efficiantur, dicens oves
meae vocem meam audiunt. Alcuinus. Idest, praeceptis meis ex animo obediunt.
Et ego cognosco eas, idest eligo : et sequuntur me, hic mansuetudinis et
innocentiae viam incedendo, et post ad gaudia aeternae vitae intrando; unde
sequitur ego vitam aeternam do eis. Augustinus. Ista sunt pascua de quibus supra dixerat
: et pascua inveniet. Bona pascua vita aeterna dicitur, ubi nulla herba
arescit, totum viret. Vos autem calumniam propterea quaeritis, quia de vita
praesenti cogitatis. Sequitur et non peribunt in aeternum : subaudi tamquam
eis dixerit : vos peribitis in aeternum, quia non estis ex ovibus meis. Theophylactus. Sed quomodo videmus Iudam periisse?
Quia non permansit usque ad finem. Christus autem de perseverantibus hoc
dixit; nam si quis separatur ab ovium grege, desinens sequi pastorem,
confestim incurrit periculum. Augustinus. Quare autem non pereant, subdit et non
rapiet eas quisquam de manu mea : de illis enim ovibus de quibus dicitur :
novit dominus qui sunt eius, nec lupus rapit, nec fur tollit, nec latro
interficit. Securus est de numero illorum qui pro eis novit quid dedit. Hilarius de Trin. Consciae potestatis haec vox est :
at vero ut in natura licet Dei, tamen ex Deo intelligenda sit eius nativitas,
subiecit pater meus quod dedit mihi, maius omnibus est. Non occultat ex patre
esse se natum : quod enim a patre accepit, accepit nascendo, non postea;
tamen ex alio est dum accepit. Augustinus in Ioannem. Non enim crescendo, sed
nascendo aequalis est qui semper natus est de patre filius, de Deo Deus. Hoc
est ergo quod dedit mihi pater, quod maius omnibus est, ut scilicet sim verbum
eius, ut sim unigenitus filius eius, ut sim splendor lucis eius. Ideo ergo
nemo rapit oves meas de manu mea, quia nec de manu patris mei; unde sequitur
et nemo potest rapere de manu patris mei. Si manum intelligamus potestatem,
una est patris et filii potestas, quia una divinitas : si autem manum
intelligamus filium, manus patris est ipse filius : quod non ita dictum est
tamquam Deus pater habeat corporis membra; sed quod per ipsum facta sunt
omnia. Nam solent et homines dicere manus suas esse alios homines per quos
faciunt quod volunt. Aliquando et ipsum opus hominis manus hominis dicitur,
quod fit per manum; sicut dicitur quisque agnoscere manum suam, cum id quod
scriptum sit, agnoscit. Hoc autem loco manum patris, et filii intelligimus
potestatem : ne forte cum hic manum patris ipsum filium dictum acceperimus,
incipiat carnalis cogitatio etiam filii quaerere filium. Hilarius. Ut enim per corporalem significationem,
virtutem possis eiusdem nosse naturae, commemorata est filii manus, manus
patris, quia natura et virtus patris est etiam in filio. Chrysostomus in Ioannem. Deinde ut non aestimes quia
ipse quidem imbecillis est, propter patris autem virtutem in tuto sunt oves,
subdit ego et pater unum sumus. Augustinus. Utrumque audi, et unum et sumus, et a
Charybdi et a Scilla liberaberis. Quod dixit unum, liberat te a Sabellio. Si
unum, non ergo diversum; si sumus, ergo pater et filius. Augustinus de Trin. Unum enim sumus dictum est :
quod ille hoc et ego secundum essentiam, non secundum relativum. Hilarius de Trin. Haec igitur quia haeretici negare
non possunt, impietatis suae mendacio neganda corrumpunt : tentant enim id ad
unanimitatis referre consensum, ut voluntatis in his unitas sit, non naturae;
idest, ut non per id quod sunt idem, sed per id quod idem volunt, unum sint.
Sed per naturae nativitatem, dum nihil Deus in ea ex se gignendo eum
degenerat, unum sunt. Dumque de manu eius non rapiuntur, non rapiuntur de
manu patris; dum in operante se operatur pater, dum ipse in patre, et in eo
pater est. Hoc non praestat creatura, sed nativitas; non efficit voluntas,
sed potestas; non loquitur unanimitas, sed natura. Non negamus igitur
unanimitatem inter patrem et filium : nam hoc solent haeretici mentiri, ut
cum solam concordiam ad unitatem non recipimus, discordes eos a nobis
affirmari loquantur. Sed audiant quam a nobis unanimitas non negetur. Unum
sunt pater et filius natura, honore et virtute; nec natura eadem potest velle
diversa. |
—
Alcuin : Nous avons entendu le récit
de la patience du Seigneur, et comment les outrages dont il est l'objet ne
peuvent interrompre pour lui le ministère de la prédication du salut, mais
les Juifs, plus que jamais endurcis, cherchaient à le tenter plutôt qu'à lui
obéir, voici dans quelles circonstances : « Or, c'était à Jérusalem la
fête de la Dédicace. » —
Saint Augustin : (Traité 48). Le mot encœnia signifiait
la fête de la Dédicace du temple, car le mot grec
χαινόν veut dire nouveau, et on appelait encœnia,
toute dédicace de chose nouvelle. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 61). C'était l'anniversaire
du jour où le temple fut de nouveau consacré, au retour des Juifs de la
captivité de Babylone. — Théophylactus : Ils célébraient cette fête avec une grande pompe, il leur semblait que
la ville de Jérusalem avait recouvré tout son éclat après une si longue
captivité. —
Alcuin : Ou bien encore, cette dédicace
était l'anniversaire de celle qu'avait faite Judas le Machabée, car la
première dédicace avait été faite par Salomon en automne, la seconde par
Zorobabel et le prêtre Jésus au printemps, et celle-ci avait lieu en hiver,
comme le remarque l'Evangéliste : « et c'était l'hiver. » —
Saint Bède : Nous lisons en effet, qu'il
fut établi sous Judas Machabée, que l'anniversaire de cette dédicace aurait
lieu solennellement tous les ans. —
Saint Bède : [référence à vérifier] L'Evangéliste précise l'époque de cette fête qui avait lieu en hiver,
pour nous faire comprendre que le temps de la passion était proche, car ce
fut au printemps suivant qu'eut lieu la passion du Sauveur, et c'est pour
cela qu'il se trouvait alors à Jérusalem. —
Saint Grégoire : (2 Mor., 2). Ou bien
encore, il prend soin de faire mention de la saison d'hiver pour exprimer la
froide méchanceté qui avait gagné les cœurs des Juifs. —
Saint Jean Chrysostome : Notre Seigneur s'était rendu
avec un grand empressement à cette solennité, et il restait d'ailleurs de
préférence dans la Judée, parce que sa passion approchait : « Et Jésus se
promenait dans le temple, sous le portique de Salomon. » —
Alcuin : On appelait portique de
Salomon, celui où ce roi s’était tenu ordinairement pour la prière, et qui
pour cette raison avait reçu son nom, car ces portiques qui entouraient le
temple, tiraient leur nom de la partie du temple qu'ils entouraient. Or, si
le Fils de Dieu a voulu fréquenter le temple où l'on n'offrait que la chair
des animaux sans raison, combien plus aimera-t-il à visiter notre maison de
prière où se fait la consécration de son corps et de son sang. —
Théophylactus : Efforcez-vous aussi pendant la durée de l'hiver, c'est-à-dire durant
cette vie présente si souvent agitée par les tempêtes de l'iniquité, de
célébrer la dédicace spirituelle de votre temple, en vous renouvelant sans
cesse vous-même et en disposant dans votre cœur les degrés [qui vous élèvent
jusqu'à Dieu], alors Jésus viendra à votre rencontre sous le portique de
Salomon, et vous fera jouir d'une paix assurée sous son propre toit. Mais
dans la vie future, nous n'aurons plus à célébrer les fêtes solennelles de la
dédicace. —
Saint Augustin : Comme le feu de la charité
s'était éteint dans le cœur des Juifs, et qu'ils brûlaient au contraire de
l'ardeur de faire le mal, ce n'est point le désir de le suivre qui les
amenait à Jésus, c'est le désir de le persécuter : « Les Juifs donc
l'entourèrent et lui dirent : Jusques à quand tiendrez-vous notre esprit en
suspens ? Si vous êtes le Christ, dites-nous-le ouvertement. » Ils lui
font cette question, non qu'ils désirent connaître la vérité, mais pour
trouver occasion de le calomnier. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 61). Ils ne peuvent
incriminer aucune de ses actions, ils désiraient donc trouver dans ses
paroles un sujet d'accusation. Et voyez jusqu'où va leur perversité :
lorsqu'il les enseigne par ses paroles, ils lui disent : « Quel miracle
faites-vous ? » S'il fait des miracles pour démontrer sa divinité, ils
viennent lui dire : « Si vous êtes le Christ, dites-le nous
ouvertement, » tant ils sont dominés par l'esprit de contradiction.
Remarquez encore quelle haine dans ces paroles : « dites-le nous
ouvertement. » Mais Jésus parlait toujours en public, il assistait à
toutes les grandes solennités, et ne disait rien en secret. Ils commencent
toutefois par un langage plein de flatterie : « Jusques à quand tiendrez
vous notre âme en suspens ? » pour le provoquer et le faire tomber dans
un piège. —
Alcuin : Ils reprochent à celui qui
était venu sauver les âmes de tenir leur âme en suspens et dans
l'incertitude. —
Saint Augustin : Ils cherchaient à obtenir du
Sauveur cet aveu : « Je suis le Christ, » et comme ils n'avaient du Christ
que des idées tout humaines, et qu'ils ne comprenaient point sa divinité
prédite par les prophètes, s'il leur avait répondu qu'il était le Christ, ils
l'auraient accusé d'usurper la puissance royale d'après la croyance où ils
étaient que le Christ devait sortir de la race de David. —
Alcuin : Ils pensaient donc à le
livrer au gouverneur pour le faire punir comme usurpateur du pouvoir de
l'empereur Auguste, mais Notre Seigneur leur répond de manière à fermer la
bouche des calomniateurs, à faire connaître aux fidèles qu'il est vraiment le
Christ, et à dévoiler les mystères [de sa divinité] à ceux qui ne
l'interrogeaient que sur son humanité : « Jésus leur répondit : Je vous
parle et vous ne me croyez point. Les œuvres que je fais au nom de mon Père,
ce sont celles qui rendent témoignage pour moi. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 61). Comme ils paraissaient
vouloir se rendre seulement à l'évidence de ses paroles, eux que tant
d'œuvres miraculeuses n'avaient pu persuader, il confond leur malice et
semble leur dire : Si vous ne croyez pas à mes œuvres, comment croirez-vous à
mes paroles ? et il leur fait connaître la raison de leur peu de foi : « Mais
vous ne croyez point, parce que vous n'êtes point de mes brebis. » —
Saint Augustin : (Traité 48). Il leur tient ce
langage, parce qu'il les voyait prédestinés à la mort éternelle et privés à
jamais de la vie éternelle qu'il avait acquise par son sang, car ce qui fait
les brebis, c'est leur foi et leur obéissance à leur pasteur. —
Théophylactus : Après leur avoir déclaré qu'ils ne sont point de ses brebis, il les
engage ensuite à le devenir, et leur en donne le moyen : « Mes brebis, leur
dit-il, entendent ma voix. » —
Alcuin : C'est-à-dire, elles
obéissent de cœur à mes préceptes, « et je les connais, »
c'est-à-dire, je les choisis, « et elles me suivent, » en marchant ici
dans les voies de la douceur et de l'innocence, et en entrant ensuite dans
les joies de la vie éternelle : « Et je leur donne la vie éternelle. » —
Saint Augustin : (Traité 48). Ce sont les pâturages
dont il avait dit précédemment : « Il trouvera des pâturages. »
Ce pâturage excellent, c'est la vie éternelle, où l'herbe, loin de se
flétrir, conserve toute sa verdure, mais pour vous, vous cherchez à me
calomnier, parce que vous ne songez qu'à la vie présente : « Et elles
ne périront pas à jamais » ; ajoutez ce qu'il sous-entend :
Pour vous, vous périrez éternellement, parce que vous n'êtes pas de mes
brebis. —
Théophylactus : Mais comment Judas a-t-il péri ? Parce qu'il n'a point persévéré
jusqu'à la fin. Or, Jésus-Christ ne veut parler ici que de ceux qui
persévèrent, car si quelques brebis se séparent du troupeau, et cessent de
suivre le pasteur, elles s'exposent aussitôt aux plus grands dangers. —
Saint Augustin : (Traité 48). Il explique ensuite
pourquoi ses brebis ne périssent point : « et nul ne les ravira
de ma main » ; les brebis dont il est dit : « Le Seigneur
connaît ceux qui sont à lui, » (2 Tm 2) ni le loup ne les ravit,
ni le voleur ne les enlève, ni le larron ne les égorge, celui qui sait le
prix qu'elles lui ont coûté est assuré de n'en perdre aucune. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 7) Cette parole est celle
d'une puissance qui a conscience d'elle-même; mais comme tout en ayant la
nature même de Dieu, il faut cependant admettre qu'il est né de lui; il
ajoute : « Ce que mon Père m'a donné est plus grand que toutes choses. »
Il ne dissimule point qu'il est né du Père, car ce qu'il a reçu du Père, il
l'a reçu par sa naissance, et non dans la suite [Note :
Le traducteur du 19ème siècle ne traduit pas les derniers
mots : « tamen ex alio est dum accepit », car la traduction
littérale pourrait faire penser à un contresens par rapport à ce qui précède.
Je comprends, sous réserves : « Cependant, c’est bien d’ailleurs
(que de lui-même) qu’il a reçu (sa naissance)]. —
Saint Augustin : En effet, le Fils qui est né
du Père, Dieu de Dieu, n'est point devenu son égal par un accroissement
successif, il l'est par sa naissance seule. Voilà donc ce que mon Père m'a
donné, et ce qui est plus grand que toutes choses, c'est que je suis son
Verbe, son Fils unique, la splendeur de sa lumière. On ne peut donc ravir mes
brebis d'entre mes mains, parce qu'on ne peut les ravir d'entre les mains de
mon Père : « Et nul ne peut ravir ce qui est entre les mains de mon Père.
» Si par la main nous entendons la puissance, le Père et le Fils ont une
seule et même puissance, parce qu'ils ont une seule et même divinité; mais si
par la main nous entendons le Fils, c'est le Fils qui est la main du Père, ce
qui ne veut point dire que Dieu le Père ait des membres comme ceux du corps
de l'homme, mais qu'il a tout fait par son Fils. (Jn 1, 3). C'est
ainsi que les hommes appellent leurs mains ceux de leurs semblables, qui sont
les instruments de leurs volontés. Quelquefois même l'œuvre de l'homme est
appelée sa main, parce qu'elle est le produit de sa main, c'est ainsi qu'on
dit qu'un homme reconnaît sa main lorsqu'il reconnaît son écriture. Dans cet
endroit la main doit s'entendre de la puissance du Père et du Fils, de peur
qu'en appliquant exclusivement au Fils cette dénomination, une pensée toute
charnelle ne nous fasse chercher le Fils du Fils. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 7) La main du Fils est ici
appelée la main du Père, pour vous faire comprendre par une comparaison
sensible, qu'ils ont une puissance de même nature, parce que la nature et la
puissance du Père se trouvent également dans le Fils. —
Saint Jean Chrysostome : Et afin que vous ne puissiez
soupçonner que la puissance du Père vient au secours de l’impuissance du
Fils, pour mettre les brebis en sûreté, Notre Seigneur ajoute : « Mon Père
et moi nous sommes un. » —
Saint Augustin : (Traité 48). Comprenez bien ces deux
mots : « Un, » et : « Nous sommes, » et vous ne tomberez ni
dans Charybde, ni dans Scylla. En disant : « Un, » il vous
délivre [d'Arius, et en disant : « Nous sommes, » il vous débarrasse] de
Sabellius; s'il y a unité, il n'y a donc point de différence; si : « Nous
sommes, » il y a donc Père et Fils. —
Saint Augustin : (de la Trin., 6) Il a dit : « Nous
sommes un, » ce qu'il est, je le suis moi-même, quant à la nature, non
quant à la relation de personne à personne. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 8) Les hérétiques contraints
d'avouer la vérité de ces paroles, s'efforcent de les dénaturer par leurs
interprétations mensongères aussi ridicules qu'elles sont impies. Ils
cherchent donc à les expliquer dans le sens d'unité parfaite de consentement;
il y a, disent-ils, unité de volonté, mais non unité de nature, c'est-à-dire
que le Père et le Fils sont un, non par leur essence, mais par la conformité
parfaite de leur volonté. Ils sont un, non par le mystère d'une économie
quelconque, mais par la génération de la nature divine, parce que la nature
divine ne dégénère en aucune manière par cette génération. Ils sont un, en ce
sens que ce qui ne peut être ravi d'entre les mains du Fils, ne peut être
ravi d'entre les mains du Père; parce que le Père agit en lui et en même
temps que lui; puisqu'il est dans le Père, et que le Père est en lui. Ce
n'est point là l'effet d'une création, mais de la naissance; ce n'est pas la
volonté, mais la puissance qui agit ici, ce n'est point une simple unanimité
de sentiments qui parle ici, c'est l'unité de nature. Nous ne nions donc pas
l'unanimité de sentiments entre le Père et le Fils, ce que les hérétiques
nous attribuent à tort en prétendant que nous n'admettons point cette
unanimité entre le Père et le Fils, parce que nous voulons voir ici autre
chose que l'unanimité. Qu'ils comprennent donc dans quel sens nous affirmons
cette unanimité; le Père et le Fils sont un en nature, en honneur, en
puissance, et une même nature ne peut avoir des volontés différentes. |
Lectio 6 |
Versets 31-38
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[86081] Catena in Io., cap. 10 l. 6 Augustinus
in Ioannem. Audierunt ergo Iudaei : ego et pater unum sumus, et non
pertulerunt, et more suo duri ad lapides cucurrerunt; unde dicitur sustulerunt
lapides Iudaei, ut lapidarent eum. Hilarius de Trin. Nunc haereticorum furor iam domino
in caelis sedente pari infidelitate dictis non obedientes, odium impietatis
exercent, verborum lapides iniciunt, et, si possent, de throno eum suo in
crucem retraherent. Theophylactus. Dominus autem ostendens quod nullam
iustam habebant occasionem furendi adversus eum, commemorat signa quae
fecerat; nam sequitur respondit eis Iesus : multa bona opera ostendi vobis ex
patre meo. Alcuinus. Scilicet in sanitatibus infirmorum, in
exhibitione doctrinae et miraculorum; quae ex patre ostendi, quia eius
gloriam per omnia quaesivi. Propter quod eorum opus me lapidatis? Quamvis
inviti, confitentur multa beneficia sibi impensa a Christo; sed quod de sua
patrisque aequalitate dixerat, pro blasphemia deputabant; unde sequitur
responderunt ei Iudaei : de bono opere non lapidamus te, sed de blasphemia,
et quia, homo cum sis, facis teipsum Deum. Augustinus. Ad hoc responderunt quod dixerat : ego
et pater unum sumus. Ecce Iudaei intellexerunt quod Ariani non intelligunt;
ideo enim irati sunt, quoniam senserunt non posse dici : ego et pater unum
sumus, nisi ubi aequalitas est patris et filii. Hilarius. Iudaeus dicit cum sis homo; Arianus : cum
sis creatura; utrique autem dicunt facis te Deum. Subicit enim Arianus
substantiae novae et alienae Deum, ut aut alterius generis Deus sit, aut
omnino nec Deus; dicit enim : non est filius ex nativitate, non est Deus ex
veritate; creatura est praestantior cunctis. Chrysostomus in Ioannem. Dominus autem non destruxit
opinionem Iudaeorum aestimantium quod se Deo parem diceret; sed magis
contrarium facit; nam sequitur respondit eis Iesus : nonne scriptum est in
lege vestra? Augustinus in Ioannem. Idest, vobis data : quia ego
dixi : dii estis. Deus hoc dicit per prophetam in Psalmo, hominibus. Et legem
appellavit dominus generaliter omnes illas Scripturas, quamvis alicubi
specialiter dicat legem, a prophetis distinguens, sicuti est : in his duobus
praeceptis tota lex pendet et prophetae. Aliquando autem in tria distribuit
easdem Scripturas, ubi ait : oportebat impleri omnia quae scripta sunt in
lege et prophetis et Psalmis de me. Nunc vero etiam Psalmos legis nomine
nuncupavit : ex quibus sic argumentatur : si illos dixit deos ad quos sermo
Dei factus est, et non potest solvi Scriptura, quem pater sanctificavit, et
misit in mundum, vos dicitis : quia blasphemas, quia dixi : filius Dei sum?
Hilarius. Demonstraturus quidem quod ipse et pater
unum essent, in eo primo ineptia ridiculi opprobrii confutatur, cur in reatum
vocaretur, quod se, cum homo esset, Deum faceret. Cum enim lex huius nominis
appellationem sanctis hominibus decerneret, et sermo Dei indissolubilis
confirmaret hanc impartiti nominis professionem; iam ergo non est criminis, quod
se Deum, cum homo sit, faciat, cum eos qui homines sunt, deos lex dixerit. Et
si a ceteris hominibus non irreligiosa huius nominis usurpatio est : ab eo
homine quem sanctificavit pater, non impudenter usurpari videtur, quia Dei
filium se dixerit, cum praecellat ceteros per id quod sanctificatus in filium
est, beato Paulo dicente quod praedestinatus est filius in virtute secundum
spiritum sanctificationis : omnis enim haec de homine responsio est, quod Dei
filius etiam hominis filius est. Augustinus. Vel aliter. Sanctificavit; idest, ut
sanctus esset, gignendo ei dedit, quia sanctum eum genuit. Si autem sermo Dei
factus est ad homines ut dicerentur dii, ipsum verbum Dei quomodo non est
Deus? Si per sermonem Dei homines participando fiunt dii, verbum unde
participatur non est Deus? Theophylactus. Vel sanctificavit eum, hoc est sanxit
sacrificari pro mundo. In quo ostendit se non esse Deum sicut ceteri : nam
salvum facere mundum, divinum opus est, non autem hominis deificati per
gratiam. Chrysostomus in Ioannem. Vel interim quidem, ut
susciperetur sermo, humilius locutus est; postea autem ad maius eos reduxit,
dicens si non facio opera patris mei, nolite credere mihi; per hoc ostendens
quod in nullo minor est patre : quia enim substantiam eius impossibile erat
eis videre, ab operum parilitate et identitate demonstrationem eius quae
secundum virtutem indissimilitudinis est, tribuit. Hilarius. Quid hic adoptio, quid indulgentia nominis
loci invenit, ne ex natura Dei filius sit, cum Dei filius ex naturae paternae
operibus credendus sit? Non exaequatur ac similis est Deo creatura, neque ei
naturae alienae potestas comparatur. Gerere autem se, non sua, sed quae
patris sunt, testatur, ne per magnificentiam gestorum naturae nativitas
auferatur. Et quia sub sacramento assumpti corporis nati ex Maria hominis,
Dei filius non intelligebatur, fides nobis intimatur ex gestis, cum ait si
autem facio, et si mihi non vultis credere, operibus credite. Cur enim
sacramentum nati hominis intelligentiam divinae nativitatis impediat, cum
divina nativitas omne opus suum sub mysterio assumpti hominis exequatur?
Faciens igitur opera patris, demonstrare debuit quid esset operibus
credendum; nam sequitur ut cognoscatis et credatis quia pater in me est, et
ego in patre. Hoc est illud Dei filius sum; hoc est illud ego et pater unum
sumus. Augustinus in Ioannem. Non enim filius sic dicit in
me est pater et ego in illo, quomodo possunt dicere homines : si enim bene
cogitemus et bene vivamus, in Deo sumus, et Deus in nobis est, quasi
participantes eius gratiam et illuminati ab ipso : unigenitus autem Dei
filius in patre est, et pater in illo tamquam aequalis. |
—
Saint Augustin : (Traité 48). Les Juifs ne purent supporter ces paroles : « Mon Père et moi
nous sommes un, » et obéissant à leur dureté habituelle, ils coururent
chercher des pierres [pour les lui jeter] : « Alors les Juifs prirent des
pierres pour le lapider. » —
Saint Hilaire : (de la Trin., 7) Maintenant que le
Seigneur est assis au plus haut des cieux, les hérétiques refusent encore
d'obéir à ses paroles par le même sentiment d'incrédulité, et le poursuivent
de leur haine sacrilège; ils lancent contre lui leurs impiétés comme autant
de pierres, et s'ils le pouvaient, ils le renverseraient de son trône pour
l'attacher de nouveau à la croix. —
Théophylactus : Mais le Sauveur voulant leur prouver que leur fureur contre lui n'a
aucune raison d'être, leur rappelle les prodiges qu'il avait opérés : « Jésus
leur répliqua : ‘J'ai fait devant vous beaucoup d'œuvres excellentes (qui
sont) de mon Père ». —
Alcuin : C'est-à-dire, les guérisons
des infirmes, l'éclat de ma doctrine et de mes miracles, dont mon Père était
le principe comme je vous l'ai déclaré, parce que j'ai cherché sa gloire en
tout, pour laquelle donc de ces œuvres me lapidez-vous ? A contre cœur, ils
sont forcés de reconnaître la multitude des bienfaits dont Jésus-Christ les a
comblés, mais ils relèvent comme un blasphème ce qu'il a dit, qu'il était
égal à son Père : « Les Juifs lui répondirent : Ce n'est pas pour aucune
bonne œuvre que nous vous lapidons, mais à cause de votre blasphème, à savoir
qu’étant homme, vous vous faites Dieu». —
Saint Augustin : C'est la réponse qu'ils font
à cette parole du Sauveur : « Mon Père et moi nous ne sommes qu'un. »
Voici donc que les Juifs ont compris ce que n'ont pas compris les Ariens, car
la colère des Juifs vint de ce qu'ils comprirent bien qu'il ne pouvait dire :
Mon Père et moi nous ne sommes qu'un, qu'autant qu'il y avait égalité
parfaite entre son Père et lui. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 7) Le
Juif dit : « alors que vous êtes un homme », l'Arien : « alors que
vous êtes une créature, » et tous deux poursuivent : « Vous vous
faites Dieu. » Les Ariens, en effet, en font un Dieu d'une nature
nouvelle et toute particulière, un Dieu d'un nouveau genre, ou plutôt un Dieu
qui n'en est pas un, puisqu'ils prétendent qu'il n'est point Fils de Dieu par
naissance, qu'il n'est point Dieu en vérité, et qu'il est tout simplement une
créature plus excellente que les antres. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 61). Notre-Seigneur, loin de
détruire l'opinion où étaient les Juifs, qu'il se disait égal à Dieu, cherche
au contraire à la confirmer : « Jésus leur repartit : « N'est-il pas
écrit dans votre loi ? » etc. —
Saint Augustin : C'est-à-dire, dans la loi
qui vous a été donnée : « Je l'ai dit : Vous êtes des dieux. » Ce
sont les paroles que Dieu adresse aux hommes dans les psaumes par son
prophète. Le Sauveur comprend quelquefois sous le nom de loi, toutes les
Ecritures; en d'autres endroits il distingue la loi des écrits prophétiques :
« A ces deux commandements se rattachent toute la loi et les
prophètes. » (Mt 22) Quelquefois il divise les Ecritures en trois
parties : « Il fallait que tout ce qui a été prédit de moi, dans la loi,
dans les prophètes et dans les psaumes, fût accompli. » (Lc 14)
Ici il comprend les psaumes sous le nom de loi, et voici son raisonnement :
Si l'Ecriture appelle dieux ceux à qui la parole de Dieu a été adressée, et
que l'Ecriture ne puisse être démentie, comment dites-vous à celui que le
Père a sanctifié et envoyé dans le monde : « Vous blasphémez »,
parce que j'ai dit : Je suis le Fils de Dieu ? —
Saint Hilaire : (de la Trin., 7) Le Sauveur, avant de
démontrer que son Père et lui n'avaient qu'une seule et même nature, commence
par repousser l'accusation aussi ridicule qu'outrageante [que les Juifs
dirigeaient contre lui], qu'il se faisait Dieu, lorsqu'il était homme, car
puisque ce nom était donné à de saints personnages, et que la parole de Dieu
appuyait de son autorité irréfragable l'attribution faite de ce nom à de
simples mortels, ce n'est donc point un crime pour lui de se faire Dieu,
quand il n'aurait été qu'un homme, puisque la loi elle-même appelle Dieu ceux
qui ne sont que des hommes. Et si les autres hommes peuvent prendre ce nom
sans aucune usurpation sacrilège, à plus forte raison celui que le Père a
sanctifié peut-il sans usurpation prendre ce nom et se dire le Fils de Dieu,
puisqu'il surpasse tous les autres par la sanctification qu'il a reçue comme
Fils, d'après ces paroles de saint Paul : « qu'il était prédestiné
Fils de Dieu en puissance, selon l'esprit de sanctification, » (Rm 1,
4) car toute cette réponse du Sauveur a trait à son humanité, et tend à
établir que le Fils de Dieu est aussi le Fils de l'homme. —
Saint Augustin : Ou bien encore, le Père l'a
sanctifié, c'est-à-dire lui a donné d'être saint en l'engendrant, parce qu'il
l'a engendré dans la plénitude de la sainteté. Or, si la parole de Dieu,
adressée aux hommes, leur a donné le nom de dieux, comment le Verbe de Dieu
ne serait-il pas Dieu lui-même ? Et si les hommes, en participant au Verbe de
Dieu, deviennent eux-mêmes des dieux, comment le Verbe qui fait entrer en
participation de lui-même, ne serait-il pas Dieu ? — Théophylactus : Ou bien, il l'a sanctifié, c'est-à-dire, il a ordonné qu'il serait
offert en sacrifice pour le monde, ce qui prouve qu'il n'est pas Dieu comme
les autres hommes, car sauver le monde est une œuvre divine et bien au-dessus
d'un homme déifié par la grâce. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 61). Ou bien encore, Notre
Seigneur s'exprime d'abord en termes plus humbles de lui-même, pour faire
recevoir plus facilement ses paroles, et s'élever ensuite à de plus hautes
considérations : « Si je ne fais pas les œuvres de mon Père, ne me croyez
point. » Il prouve ainsi qu'il n'est en rien inférieur à son Père : et
comme il était impossible de voir sa substance divine, il prouve que la
ressemblance est l'identité des œuvres, la parfaite égalité de puissance. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 7) Comment trouver place ici
à une simple adoption, à un nom concédé par indulgence, pour nier qu'il soit
le Fils de Dieu par nature, alors que les œuvres de la puissance du Père
prouvent évidemment qu'il est le Fils de Dieu ? La créature ne peut prétendre
ni à l'égalité ni à la ressemblance avec Dieu, et aucune nature créée ne peut
lui être comparée en puissance. Or, le Fils témoigne qu'il accomplit non pas
ses œuvres, mais les œuvres de son Père, pour ne pas détruire par l'éclat de
ses œuvres la vérité de sa naissance. Et comme le mystère de son incarnation,
dans le sein de Marie, découvrait surtout en lui le Fils de l'homme et non le
Fils de Dieu, il appuie notre foi sur ses œuvres : « Mais si je les fais,
quand bien même vous ne voudriez pas me croire, croyez aux œuvres. » Pourquoi,
en effet, le mystère de sa naissance humaine, de son humanité, nous
empêcherait-il d'admettre sa naissance divine, puisque c'est sous le voile de
l'humanité que la nature divine accomplit toutes ses œuvres ? Mais quelle est
la vérité qu'il veut faire ressortir des œuvres du Père qu'il accomplit ? Ce
qu’il faut croire de ses œuvres : « Afin que vous connaissiez et que
vous croyiez que mon Père est en moi, et moi dans mon Père, »
c'est-à-dire que je suis le Fils de Dieu, ou en d'autres termes, que mon Père
et moi ne sommes qu'un. —
Saint Augustin : (Traité 48 sur Saint Jean). Le
Fils de Dieu ne dit pas : Mon Père est en moi, et moi en lui, dans le sens
que les hommes le peuvent dire; car si nos pensées sont bonnes, nous sommes
en Dieu, et si notre vie est sainte, Dieu est en nous. Lorsque nous
participons à sa grâce et que nous recevons sa lumière, nous sommes en lui,
et lui en nous. Mais pour le Fils unique de Dieu, il est dans le Père, et le
Père est en lui, comme un égal [est dans celui qui lui est égal]. |
Lectio 7 |
Versets 39-42
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[86082] Catena in Io., cap. 10 l. 7 Beda. Adhuc
Iudaeos in coepta dementia persistere Evangelista ostendit, dicens quaerebant
ergo eum apprehendere. Augustinus in Ioannem. Non
credendo et intelligendo, sed saeviendo et occidendo. Tu apprehendas ut
habeas; illi apprehendere volebant ut non haberent; unde sequitur et exivit
de manibus eorum. Non eum apprehenderunt, quia manus fidei non habuerunt. Sed
non erat magnum verbo eicere carnem suam de manibus carnis. Chrysostomus in Ioannem. Cum
autem Christus aliquid magnum locutus fuerit, recedit velociter, ut sedetur
eorum furor per absentiam eius; quod utique et nunc fecit; unde sequitur et
abiit iterum trans Iordanem in eum locum ubi erat Ioannes baptizans primum,
et mansit illic. Ideo hunc locum Evangelista commemorat, ut discas quoniam
proprie abiit, ut recordetur eorum quae illic facta sunt et dicta a Ioanne,
et testimonii illius. Beda. Dicit autem ubi erat
primum, idest a primaeva aetate. Demorante autem eo ibi, narrat quia multi
venerunt ad eum; unde sequitur et multi venerunt ad eum, et dicebant quia
Ioannes quidem fecit signum nullum. Augustinus. Idest, nullum
miraculum ostendit : non Daemonia fugavit, non caecos illuminavit, non
mortuos suscitavit. Chrysostomus. Vide autem
qualiter syllogismos componunt indubitabiles. Ioannes quidem, dicunt, nullum
signum fecit; hic autem facit : quare huius praeeminentia ostenditur. Deinde
ne putetur Ioannes, quia nullum signum fecit, indignus testimonio, subdunt
omnia autem quaecumque dixit Ioannes de hoc, vera erant; quasi dicant : etsi
nullum signum fecerit, tamen de hoc omnia veraciter dixit. Ergo dicunt : si
Ioanni credere oportebat, multo magis huic, cum illius testimonio etiam
demonstrationem signorum habenti; unde sequitur et multi crediderunt in eum.
Augustinus. Ecce qui
apprehenderunt permanentem, non quomodo Iudaei volebant apprehendere
discedentem. Et nos ergo per lucernam veniamus ad diem, quia Ioannes lucerna
erat, et diei testimonium perhibebat. Theophylactus. Notandum autem,
quod crebro dominus educit populus ad solitaria loca, de perfidorum societate
eripiens, ut magis fructificent; sicut legem veterem daturus, eduxit populum
in desertum. Mystice autem recedens a Hierosolymis dominus, hoc est a plebe
Iudaica, ad loca fontes habentia se transfert, idest ad Ecclesiam ex
gentibus, quae habet fontem Baptismi, per quem multi ad Christum accedunt,
quasi transeuntes Iordanem. |
—
Saint Bède : Nous voyons par le récit de l'Evangéliste que les Juifs persévèrent
avec opiniâtreté dans leur égarement : « Les Juifs cherchaient donc à
le prendre. » —
Saint Augustin : (Traité 48) Ils cherchent à
le prendre, non par la foi ou par l'intelligence, mais pour satisfaire leur
haine contre lui en le mettant à mort. Vous le prenez pour l'avoir en votre
possession, ils veulent le prendre pour se défaire de lui : « Et il
s'échappa de leurs mains. » Ils ne purent se saisir de lui, parce qu'ils
n'avaient pas les mains de la foi, et il ne fut pas difficile au Verbe de
délivrer son corps de ces mains de chair. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 61). Lorsque le Christ a
enseigné aux Juifs quelque grande vérité, il se dérobe presque aussitôt pour
apaiser leur fureur par son absence, comme il le fait encore ici : « Et il
s'en alla de nouveau au delà du Jourdain, où Jean avait d’abord baptisé, et
il séjourna là. » Pourquoi l'Evangéliste fait-il mention du lieu où il se
retire ? c'est pour rappeler le souvenir des actions et des paroles de
Jean-Baptiste, aussi bien que de ses témoignages multipliés. —
Saint Bède : Il dit : « où Jean était
d'abord, » c'est-à-dire dès ses premières années. Pendant le séjour que
Jésus y fit, l'Evangéliste nous raconte qu'un grand nombre de personnes
vinrent le trouver : « Et un grand nombre de personnes vinrent à lui,
et ils disaient : Jean n'a fait aucun miracle. » —
Saint Augustin : C'est-à-dire qu'il n'a fait
aucun miracle public, il n'a ni chassé les démons, ni rendu la vue aux
aveugles, ni ressuscité les morts. —
Saint Jean Chrysostome : Voyez le caractère
incontestable de leurs raisonnements : « Jean, disent-ils, n'a fait aucun
miracle. Jésus, au contraire, en a fait de nombreux, ce qui établit sa
prééminence. Cependant il ne faut pas croire pour cela que parce que Jean n'a
fait aucun miracle, son témoignage soit sans autorité, aussi ajoutent-ils : « Tout
ce que Jean a dit de celui-ci était vrai. » En d’autres mots :
Si Jean n'a fait aucun miracle, tous les témoignages qu'il a rendus à Jésus
sont véritables. Donc si l'on devait ajouter foi aux témoignages de Jean, à
plus forte raison doit-on croire à celui qui, à l'autorité de ce témoignage,
joint encore l'autorité des miracles. C'est ce qui eut lieu en effet : «Et
beaucoup crurent en lui. » —
Saint Augustin : Voici qu'ils s'emparent de
Jésus-Christ, alors qu'il demeure au milieu d'eux, non pas comme les Juifs
qui voulaient se saisir de lui, lorsqu'il s'échappait de leurs mains.
Servons-nous donc aussi de la lampe pour arriver au jour, puisque Jean était
la lampe, et qu'il rendait témoignage au jour. —
Théophylactus : Il est à remarquer que le Seigneur aimait à conduire le peuple dans
des lieux solitaires, et qu'il les arrachait à la société des méchants pour
leur faire produire des fruits de vertu. C'est ainsi qu'il avait conduit le
peuple hébreu dans le désert pour lui donner la loi ancienne. Dans le sens
mystique, Notre Seigneur s'éloigne de Jérusalem, c'est-à-dire du peuple juif,
et se dirige vers les lieux où les fontaines abondent, c'est-à-dire vers
l'Eglise des nations qui a la fontaine du baptême, par laquelle un grand
nombre parviennent jusqu'à Jésus-Christ comme s’ils traversaient le Jourdain. |
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Caput 11 |
CHAPITRE XI
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Lectio 1 |
Versets 1-5
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[86083] Catena in Io., cap. 11 l. 1 Beda. Dixerat
Evangelista, dominum trans Iordanem abiisse, tuncque Lazarum contigit
infirmari; unde dicitur erat quidam languens Lazarus a Bethania. Hinc est
quod in quibusdam exemplaribus copulativa coniunctio et posita invenitur, ut
sequentia verba superioribus connexa videantur. Interpretatur autem Lazarus
adiutus. Inter omnes enim mortuos quos dominus suscitavit, hic magis ab eo
adiuvatur, quem non solum mortuum, sed quatriduanum suscitavit. Augustinus in Ioannem. Inter omnia enim miracula
quae fecit dominus, Lazari resurrectio praecipue praedicatur. Sed si attendamus
quis fecerit, delectari debemus potius quam mirari. Ille suscitavit hominem
qui fecit hominem : plus enim est hominem creare quam resuscitare.
Infirmabatur autem in Bethania Lazarus; unde dicitur a Bethania de castello
Mariae et Marthae sororum eius; quod castellum erat proximum Hierosolymis.
Alcuinus. Et quia plures feminae huius nominis
erant, ne erraremus in nomine, ostenditur ex notissima actione; nam sequitur
Maria autem erat quae unxit dominum unguento, et extersit pedes eius capillis
suis, cuius frater Lazarus infirmabatur. Chrysostomus in Ioannem. Igitur primum quidem illud
necessarium discere, quoniam haec non fuit illa meretrix quae in Luca legitur
: haec enim honesta fuit, et studiosa circa Christi susceptionem. Augustinus de Cons. Evang. Vel aliter. Hoc dicens
Ioannes attestatur Lucae, qui hoc in domo Pharisaei cuiusdam Simonis factum
esse narravit : iam itaque hoc Maria fecerat. Quod autem in Bethania rursus
fecit, aliud est, quod ad Lucae narrationem non pertinet, sed pariter
narratur a tribus. Augustinus de Verb. Dom. Invaserat igitur Lazarum
pernicies inimica languoris; miserandi hominis corpus quotidie edax febris
incendium consumebat. Aderant autem duae sorores languenti, et casum
dolentes, iuvenis aegrotantis lectulo iugiter inhaerebant; unde de eis mox
subditur miserunt ergo sorores eius ad eum, dicentes : domine, ecce quem amas
infirmatur. Augustinus in Ioannem. Non dixerunt : veni et sana;
non ausae sunt dicere : ibi iube, et hic fiet; sed tantummodo ecce quem amas
infirmatur. Chrysostomus. Per hoc enim ad miserendum volunt
attrahere Christum; adhuc enim ei quasi homini intendebant. Ideo autem non
iverunt ad Christum, sicut centurio et regulus, sed mittunt, quia vehementer
confidebant de Christo, propter multam familiaritatem quam habebant ad eum,
et quia a luctu detinebantur. Theophylactus. Et quia mulieres erant, quas non
decet de facili domo exire. Multam autem devotionem et fidei magnitudinem
exprimunt, dicentes ecce quem amas infirmatur : tantam enim potentiam in
domino esse credebant, quod mirum videretur qualiter virum sibi dilectum
infirmitas potuerit occupare. Sequitur audiens autem Iesus dixit eis :
infirmitas haec non est ad mortem : quia ipsa mors non erat ad mortem, sed potius ad
miraculum : quo facto crederent homines in Christum et vitarent veram mortem;
unde sequitur sed pro gloria Dei. Ubi ex obliquo dominus Deum se dixit,
contra haereticos qui dicunt, quod filius Dei non sit Deus. Pro gloria ergo
cuius Dei? Audi quod sequitur : ut glorificetur filius Dei per eam, scilicet
infirmitatem. Chrysostomus. Hoc autem ut non est causale, sed
eventus; nam evenit quidem aliunde infirmitas, usus est autem ea in gloriam
Dei. Sequitur diligebat autem Iesus Martham et sororem eius Mariam et Lazarum.
Augustinus. Ille languens, illae tristes, omnes
dilecti. Habebant ergo spem, quoniam diligebantur ab eo qui est dolentium
consolator, languentiumque sanator. Chrysostomus. Per hoc etiam erudit nos Evangelista
non tristari, si qua infirmitas facta fuerit circa bonos viros et Dei amicos. |
—
Saint Bède : L'Evangéliste venait de dire que le Seigneur était allé au delà du
Jourdain, et que c'est alors que Lazare tomba malade : « Or, il y avait un
homme malade, nommé Lazare, de Béthanie. » De là vient que dans quelques
exemplaires la conjonction copulative se trouve placée en tête de ce récit,
de telle sorte que ce paroles semblent se rattacher à ce qui précède. Le mot
Lazare signifie qui a été secouru; car de tous les morts que Jésus a
ressuscités, Lazare est celui qui a reçu le secours le plus signalé, puisque
non seulement il était mort, mais dans le tombeau depuis quatre jours,
lorsqu'il fut ressuscité. —
Saint Augustin : (Traité 49, sur Saint Jean). La
résurrection de Lazare est un des plus éclatants miracles qu’ait opéré Notre-Seigneur.
Mais si nous considérons l'auteur de ce miracle, notre joie doit être plus
grande que notre étonnement. Celui qui a ressuscité un homme, est celui-là
même qui a créé l'homme; car, créer l'homme est un acte de puissance plus
grande que de le ressusciter. Or, Lazare était malade à Béthanie, bourg où
demeuraient Marthe et Marie, sa sœur, selon la remarque de l'Evangéliste. Ce
bourg était proche de Jérusalem. —
Alcuin : Et, comme il y avait
plusieurs femmes du nom de Marie, pour nous faire éviter toute erreur sur le
nom, l'Evangéliste caractérise celle dont il s'agit par une action très
connue : « Marie était celle qui oignit de parfum le Seigneur et lui
essuya les pieds avec ses cheveux, dont le frère, Lazare, était malade ». —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 62 sur Saint Jean). Ce
qu'il faut savoir tout d'abord, c'est que ce ne fut pas cette femme de
mauvaise vie dont il est parlé dans saint Luc. La sœur de Lazare était une
femme vertueuse et empressée à recevoir le Sauveur. —
Saint Augustin : (de l'accord des Evang., 2, 79). Ou bien encore, en
s'exprimant de la sorte, saint Jean rend témoignage au récit de saint Luc,
qui raconte que ce fait se passa dans la maison d'un pharisien appelé Simon.
Marie avait donc déjà répandu des parfums sur la tête de Jésus; elle
renouvela cette action à Béthanie, comme le racontent les trois autres
évangélistes, à l'exclusion de saint Luc, qui n'en parle point, parce que ce
fait était étranger à son récit. —
Saint Augustin : (Serm. 52, sur les par. du
Seig). Lazare était donc atteint d'une langueur mortelle, et le feu
dévorant de la fièvre consumait de jour en jour le corps de cet infortuné.
Ses deux sœurs lui prodiguaient leurs soins, et, pleines de compassion pour
leur jeune frère souffrant, elles restaient constamment près de son lit. [Aussi
les voyons-nous agir aussitôt dans son intérêt] : « Ses sœurs donc
envoyèrent dire à Jésus : Seigneur, voilà que celui que vous aimez est
malade. » —
Saint Augustin : (Traité 49). Elles ne lui disent pas
: Venez, et guérissez-le; elles n'osent lui dire : Commandez là où vous êtes,
et la guérison aura lieu ici; elles se contentent de lui dire : « Voilà
que celui que vous aimez est malade, » [c'est-à-dire, il suffit que vous
en soyez averti, car vous n'abandonnez jamais celui que vous aimez]. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 62). Elles veulent,
par ce message, réveiller la compassion pour son ami dans le cœur de Jésus;
car elles agissaient encore avec lui comme avec un homme. Elles ne vinrent
point trouver le Sauveur comme le Centurion et l'officier du roi; mais elles
envoient vers lui, parce que la grande intimité qu'elles avaient avec
Jésus-Christ leur inspirait une vive confiance dans sa bonté, et que
d'ailleurs leur tristesse les retenait chez elles. — Théophylactus : Ajoutons qu'il ne convient pas à des femmes de sortir trop facilement
de leur maison. Mais quelle foi et quelle, confiance dans cette courte prière
: « Voilà que celui que vous aimez est malade » ! Elles
reconnaissent dans le Seigneur une si grande puissance, qu'il leur paraît
surprenant que la maladie ait pu atteindre un homme qui lui était si cher. «
Ce qu'entendant Jésus, il leur dit : Cette maladie n'est pas pour la mort. » —
Saint Augustin : (Traité 49) [référence
à vérifier]. La mort elle-même de Lazare n'était pas pour la mort,
mais plutôt pour donner lieu à un [grand] miracle qui fît croire les hommes
en Jésus-Christ et leur fit éviter la véritable mort. C'est pour cela qu'il
ajoute : « mais elle est pour la gloire de Dieu. » C'est ainsi
qu'il prouve indirectement qu'il est Dieu, contre les hérétiques, qui
prétendent que le Fils de Dieu n'est pas Dieu. Notre Seigneur explique, du
reste, ces paroles : « Elle est pour la gloire de Dieu, » en
ajoutant : « afin que le Fils de Dieu en soit glorifié, »
c'est-à-dire par cette infirmité. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 62). La particule « ut »,
afin, n'exprime pas ici la cause, mais ce qui arriva en effet,
c'est-à-dire que l'infirmité eut une autre cause, et que Jésus la fit servir
à la gloire de Dieu. « Or, Jésus aimait Marthe, Marie, sa sœur, et Lazare.
» —
Saint Augustin : Lazare était malade, ses
sœurs dans la tristesse, et tous étaient aimés de Jésus. Ils étaient donc
pleins d'espérance, parce qu'ils étaient aimés de celui qui est le
consolateur des affligés et le salut des infirmes. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 62). L'Evangéliste veut
encore nous apprendre, par cette réflexion, à ne point nous attrister lorsque
nous voyons des hommes de bien, des amis de Dieu éprouvés par la maladie. |
Lectio 2 |
Versets 6-10 |
[86084] Catena in Io., cap. 11 l. 2 Alcuinus. Dominus,
nuntiata infirmitate Lazari, quousque quatriduum compleretur sanare distulit,
ut mirabilius suscitaret; unde dicitur ut autem audivit quia infirmabatur,
tunc quidem mansit in eodem loco duobus diebus. Chrysostomus. Ut scilicet expiraret et sepeliretur
et dicerent quoniam foetet, ut nullus posset dicere, quoniam nondum defunctum
eum suscitavit, sed stupor fuit, et non mors. Sequitur deinde post haec dicit
discipulis suis : eamus in Iudaeam iterum. Augustinus. Ubi pene fuerat lapidatus, quia
propterea inde discessisse videbatur ne lapidaretur. Discessit enim ut homo;
sed in redeundo, quasi oblitus infirmitatem, ostendit potestatem. Chrysostomus. Nusquam autem alibi dominus praedixit
discipulis quo iturus esset; sed hic praedicit, quia formidabant vehementer,
ut non repente eos conturbet; nam sequitur dicunt ei discipuli : Rabbi, nunc
quaerebant te Iudaei lapidare, et tu iterum vadis illuc? Formidabant enim et
pro eo et pro seipsis : nondum enim erant in fide firmati. Augustinus. Cum autem vellent dare consilium homines
Deo, discipuli magistro, corripuit eos; unde sequitur respondit Iesus : nonne
duodecim horae sunt diei? Ut enim diem se ostenderet, duodecim discipulos
elegit. In hoc autem verbo non ipsum Iudam, sed successorem eius praevidebat.
Iuda enim cadente, successit Mathias, et duodenarius numerus mansit. Horae
ergo illustrantur a die, ut per horarum praedicationem credat mundus in diem.
Me ergo sequimini, si non vultis offendere; unde subdit si quis ambulaverit
in die, non offendit, quia lucem huius mundi videt; si autem ambulaverit in
nocte, offendit, quia lux non est in eo. Chrysostomus. Quasi dicat : qui sibi nihil conscius
est nequitiae, nihil patietur versutiae; qui vero mala agit, patietur. Itaque
non oportet formidare : nihil enim dignum morte gessimus. Vel aliter. Si quis
lucem huius mundi videt, securus est; multo magis qui mecum est, nisi
amoverit se a me. Theophylactus. Quidam vero hunc diem intelligunt
tempus praecedens passionem, noctem vero ipsam passionem. Dicit ergo eis :
dum dies est, idest dum nondum imminet tempus passionis, non offendetis : non
enim vos persequentur Iudaei : cum autem nox venerit, passionem propriam
dico, ex tunc noctem possidebitis angustiarum. |
—
Alcuin : Notre Seigneur ayant appris la maladie de
Lazare, diffère de le guérir et attend quatre jours entiers, afin d'avoir
l'occasion d'opérer un plus grand miracle en le ressuscitant. « Ayant
donc appris qu'il était malade, il demeura encore deux jours au lieu où il
était. » —
Saint Jean Chrysostome : Il attend que Lazare ait
rendu le dernier soupir, qu'il soit enseveli, qu'il exhale déjà une odeur
infecte, afin que personne ne puisse dire : Il n'était pas encore mort
lorsqu'il l’a ressuscité ; ce n'était qu'une léthargie, et non une mort
véritable. « Après cela, il dit à ses disciples : Retournons en Judée. » —
Saint Augustin : (Traité 49). Dans la Judée,
où il avait failli être lapidé, et d'où il était parti comme un homme qui
veut se dérober au danger; mais en revenant, il semble oublier sa faiblesse,
pour ne faire paraître que sa puissance. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 62). Nulle part ailleurs on
ne le voit prévenir ses disciples du lieu où il doit aller; il le fait ici,
parce qu'ils redoutaient grandement ce voyage, et qu'il veut leur épargner un
trop vif sentiment de terreur : « Ses disciples lui dirent : Maître, autrefois
les Juifs voulaient vous lapider, et vous retournez là ? » Ils
craignaient tout à la fois pour lui et pour eux, car ils n'étaient pas encore
affermis dans la foi. —
Saint Augustin : Les hommes voulurent donc
donner un conseil à Dieu, les disciples à leur Maître; aussi les en
reprend-il immédiatement : « N'y a-t-il pas douze heures au jour ? »
C'est pour signifier qu'il est lui-même le jour, qu'il a choisi douze
disciples. En parlant ainsi, il avait en vue, non point Judas, mais son
successeur; car, après la chute de Judas, Matthias lui succéda, et la
perfection du nombre douze demeura dans son intégrité. Les heures sont
éclairées par la lumière du jour, et c'est par la prédication des heures que
le monde est amené à croire à celui qui est le jour. Suivez-moi donc, si vous
ne voulez pas buter, car : « Si quelqu'un marche pendant le jour, il
ne bute pas, parce qu’il voit la lumière de ce monde ; mais si quelqu’un
marche pendant la nuit, il bute, parce qu’il manque de lumière ». —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 62). C'est-à-dire :
celui qui a la conscience pure de tout crime, n'aura rien à craindre d'aucune
embûche; mais celui qui fait le mal, en souffrira la peine. Ne craignons donc
point, car nous n'avons rien fait qui mérite la mort. Ou bien encore, celui
qui marche à la lumière extérieure de ce monde, est en pleine sécurité; à
plus forte raison celui qui marche avec moi, à la condition qu'il ne s'écartera
jamais de moi. —
Théophylactus : Il en est qui par le jour entendent le temps qui a précédé sa passion,
et par la nuit, sa passion elle-même : Il leur dit donc : « Pendant qu'il
est jour, » c'est-à-dire avant que le temps de ma passion soit
proche, vous n'avez rien à craindre, les Juifs ne vous persécuteront point.
Mais lorsque la nuit sera venue, c'est-à-dire ma passion, alors vous serez
comme plongés dans une nuit de tribulations. |
Lectio 3 |
Versets 11-16 |
[86085] Catena in Io., cap. 11 l. 3 Chrysostomus
in Ioannem. Posita una confortatione discipulorum, hic alio modo eos
confortat, ostendens quoniam non Hierosolymam debent ire, sed in Bethaniam;
unde dicitur haec ait, et post haec dicit illis : Lazarus amicus noster
dormit; sed vado ut a somno excitem eum; quasi dicat : non eo rursus
disputaturus contra Iudaeos, sed amicum nostrum excitaturus : propter hoc
ergo dicit amicus noster, ut ostendat necessarium suum adventum. Augustinus in Ioannem. Quod autem dixit dormit,
verum dixit. Domino dormiebat, hominibus mortuus erat, qui eum suscitare non
poterant : nam dominus tanta facilitate excitabat de sepulchro, quanta tu
excitas dormientem de lecto. Ergo secundum potentiam suam dixit dormientem,
sicut et apostolus dicit : de dormientibus autem nolo vos ignorare.
Dormientes appellavit, quia resurrecturos praenuntiavit. Sed quomodo interest
in ipsis qui quotidie dormiunt et exurgunt, quid quisque videat in somnis;
alii sentiunt laeta somnia, alii torquentia : sic unusquisque cum causa sua
dormit, cum causa sua surgit. Chrysostomus. Discipuli autem impedire voluerunt
eius adventum in Iudaeam; unde sequitur dixerunt ergo discipuli eius :
domine, si dormit, salvus erit : solet enim esse somnus aegrotantium salutis
indicium; quasi dicant : si dormit, non igitur utile est quod tu vadas ad
excitandum eum. Augustinus. Quomodo ergo intellexerunt discipuli, sic
responderunt; unde sequitur dixerat autem Iesus de morte eius; illi vero
putaverunt quod de dormitione somni diceret. Chrysostomus. Si vero quis dicat : quomodo non
cognoverunt discipuli mortuum esse, ab eo quod dixit vado ut excitem illum?
Stultum enim erat eum ire per tot stadia ut Lazarum a somno excitaret : istud
dicemus, quoniam aestimabant hoc aenigma esse, qualia multa loquebatur. Augustinus. Quia ergo obscure dixerat dormit,
manifestat quod dixerat; unde sequitur tunc ergo dixit eis manifeste :
Lazarus mortuus est. Chrysostomus. Non autem hic adiecit : vado ut
resuscitem eum; non enim volebat verbis praedicere quod per opera debebat
certificare, vanam gloriam ubique nos fugere docens; et quod non oportet
simpliciter promittere. Sequitur et gaudeo propter vos, ut credatis, quoniam
non eram ibi. Augustinus. Aeger enim, non mortuus fuerat
nuntiatus; sed quomodo lateret eum qui creaverat, ad cuius manus anima
morientis exierat? Ait ergo gaudeo propter vos, ut credatis, quoniam non eram
ibi : ut iam inciperent admirari, quia dominus poterat dicere mortuum, quod
nec viderat nec audiverat. Ubi meminisse debemus quod adhuc etiam ipsorum
discipulorum miraculis aedificabatur fides, non ut esse inciperet, sed ut
quae coeperat cresceret. Quod ergo dicit ut credatis, intelligendum est ut
amplius robustiusque credatis. Theophylactus. Intellexerunt autem quidam hoc sic.
Gaudeo, inquit, pro vobis : nam cum illic non extiterim, confert ad
maioritatem fidei vestrae; quoniam si astitissem, aegrotantem curassem, quod
esset modicum signum ad meae virtutis indicium. Quia vero me absente
supervenit mors, potius in fide mea corroboramini, cum videbitis me posse
etiam defunctum putrescentem resuscitare. Chrysostomus. Igitur omnes discipuli quidem timebant
Iudaeos, super alios vero Thomas; unde sequitur dicit ergo Thomas, qui
dicitur Dydimus, ad condiscipulos : eamus et nos, et moriamur cum eo :
infirmior enim erat aliis et infidelior, postea omnibus fortior factus est et
irreprehensibilis, qui solus orbem terrarum percurrit, et in mediis plebibus
volvebatur volentibus eum interficere. Beda. Vel castigati discipuli superioribus domini
verbis non ausi sunt ultra contradicere; sed Thomas prae omnibus socios
hortatur, ut irent et morerentur cum eo : in quo magna eius videtur esse
constantia : sic enim loquebatur, quasi facere posset quae alios hortabatur,
immemor suae fragilitatis, sicut et Petrus. |
—
Saint Jean Chrysostome : (hom. 62 sur Saint Jean). A ce premier encouragement donné aux
Apôtres, le Sauveur eu ajoute un second, en leur apprenant que ce n'est pas à
Jérusalem, mais à Béthanie, qu'ils doivent se rendre : « Il leur parla
ainsi, et ensuite il leur dit : Notre ami Lazare dort, mais je vais le tirer
de son sommeil, » c'est-à-dire je ne retourne pas en Judée pour avoir de
nouvelles discussions avec les Juifs, j'y vais pour réveiller notre ami. Il
dit : « notre ami, » pour leur faire comprendre la nécessité de son
voyage. —
Saint Augustin : Il dit la vérité quand il
dit : « Lazare dort. » Aux yeux des hommes qui ne pouvaient pas le
ressusciter Lazare était mort, mais pour le Seigneur il n'était qu'un homme
endormi, car il pouvait plus facilement faire sortir un mort du tombeau, que
vous ne pouvez réveiller un homme endormi. Il dit donc de Lazare qu'il dort,
au point de vue de sa puissance, c'est dans ce sens que l'Apôtre lui-même a
dit : « Nous ne voulons pas, mes frères, que vous ignoriez ce que vous
devez savoir touchant ceux qui dorment ». (1 Th 4, 12). Il
appelle la mort des chrétiens un sommeil, parce qu'il annonçait leur
résurrection. Mais de même qu'il y a une différence entre ceux que nous
voyons tous les jours dormir et s'éveiller, et que les mêmes images ne se
présentent pas à eux dans le sommeil, les uns ont des songes agréables, les
autres en ont d'affreux; ainsi chacun s'endort du sommeil de la mort, et se
réveille avec une cause de jugement qui lui est propre. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 62). Ses disciples voulurent
de nouveau s'opposer à son retour dans la Judée : « Ses disciples lui
dirent : S'il dort, il guérira, » car le sommeil est pour les malades un
signe de guérison. Ils semblent donc lui dire : S'il dort, il est inutile que
vous alliez le réveiller de son sommeil. —
Saint Augustin : (Traité 49). La réponse des disciples est
conforme au sens qu'ils ont donné aux paroles du Sauveur : « Jésus, dit
l'Evangéliste, voulait parler de la mort de Lazare, mais ils pensaient
qu'il parlait de l'assoupissement du sommeil. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 62). Mais, dira-t-on,
comment les disciples ne comprirent-ils pas que Lazare était mort, lorsque
Jésus leur dit : « Je vais le réveiller de son sommeil ? » N'était-il
pas ridicule de faire un voyage de plusieurs stades pour le réveiller
simplement de son sommeil ? Nous répondrons que les disciples virent dans
cette manière de parler un langage figuré qui était très ordinaire au
Sauveur. —
Saint Augustin : Il ne tarde pas du reste à
expliquer ce qu'il y avait d'obscur dans cette expression « il
dort » : « Alors Jésus leur dit clairement : Lazare est
mort. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 62). Il n'ajoute pas ici :
Je vais le ressusciter, car il ne voulait point proclamer par ses paroles ce
que ses œuvres devaient suffisamment établir; et il nous apprend ainsi tout à
la fois à fuir la vaine gloire, et à ne pas nous contenter de faire de
simples promesses. « Et je me réjouis à cause de vous, pour que vous
croyiez, de ce que je n'étais pas là. » —
Saint Augustin : (Traité 49). On lui avait annoncé la
maladie et non la mort de Lazare; mais que pouvait ignorer celui qui l'avait
créé, et entre les mains duquel son âme était retournée au sortir de son
corps ? « Il leur dit donc : Je me réjouis à cause de vous de ce que je
n'étais pas là, afin que vous croyiez. » Ce devait être déjà pour eux un
premier sentiment d'étonnement d'entendre le Seigneur leur annoncer une chose
qu'il n'avait ni vue, ni entendue, la mort de Lazare. Nous devons ici nous
rappeler que la foi des Apôtres eux-mêmes s'appuyait encore sur les miracles,
non pour commencer d'être, mais pour se développer. Ces paroles : « afin
que vous croyiez, » signifient donc : Afin que votre foi devienne plus
ferme et plus robuste. —
Théophylactus : Certains ont compris ainsi ce passage : « Je me réjouis à
cause de vous, » car mon absence, lors de la mort de Lazare, doit être
pour vous un nouveau motif de foi. En effet, si j'avais été présent, je
l'aurais guéri de sa maladie, ce qui n'eût donné qu'une faible idée de ma puissance.
Mais comme sa mort est arrivée en mon absence, votre foi en moi n'en
deviendra que plus forte, lorsque vous verrez que je puis ressusciter un mort
qui tombe déjà en pourriture. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 62). Tous les disciples
avaient une grande crainte des Juifs, mais par-dessus tout Thomas : « Sur
quoi Thomas, qui est appelé Didyme, dit aux autres disciples : Allons et
mourons avec lui. » Il était le plus faible de tous et celui qui avait le
moins de foi, mais il devint par la suite le plus fort et le plus
indomptable, parcourant seul le monde entier, et se trouvant tous les jours
au milieu de peuples qui voulaient le mettre à mort. —
Saint Bède : On peut encore dire que les
disciples, instruits par les paroles qui précèdent, n'osèrent plus contredire
leur divin Maître; mais Thomas entre tous exhorte les autres disciples à
suivre leur Maître et à mourir avec lui. Il donne en cela une grande preuve
de courage; car il parle ainsi comme un homme qui était disposé à faire ce
qu'il conseille aux autres, et qui, comme [plus tard] Pierre, oubliait sa
propre fragilité. |
Lectio 4 |
Versets 17-27 |
[86086] Catena in Io., cap. 11 l. 4 Alcuinus.
Dominus ad hoc venire distulerat ut quatriduum impleretur, ut Lazarus
gloriosius resuscitaretur; unde dicitur venit itaque Iesus, et invenit eum
quatuor dies iam in monumento habentem. Chrysostomus in Ioannem. Manserat enim dominus
duobus diebus, et ante duos dies venerat nuntius, in qua die Lazarus est
defunctus : ipse autem quarta die accessit. Augustinus in Ioannem. De quatuor autem diebus multa
dici possunt. Diversis enim modis una res significari potest. Est enim unus
dies mortis quem homo trahit de mortis propagine. Sed et legem naturalem
transgrediuntur homines : ecce alter dies mortis. Lex etiam Scripturae data
est divinitus per Moysen, et ipsa contemnitur : adde tertium diem mortis.
Venit Evangelium, et ipsum transgrediuntur homines : ecce quartus dies
mortis. Et ad tales excitandos dominus non dedignatur accedere. Alcuinus. Aliter. Primum peccatum extitit elatio in
corde, secundum consensus, tertium factum, quartum consuetudo. Sequitur erat
autem Bethania iuxta Hierosolymam quasi stadiis quindecim. Chrysostomus. Quod erat milliaria duo. Hoc autem
inducitur ad ostendendum quod congruum fuit multos Iudaeorum a Hierosolymis
adesse; unde subditur multi autem ex Iudaeis venerant ad Martham et Mariam,
ut consolarentur eas de fratre suo. Sed quomodo Iudaei consolabantur dilectas
a Christo, cum iam statuissent quod si quis Christum confiteretur, extra
synagogam fieret? Sed propter calamitatis necessitatem, aut quasi nobiles has
mulieres reverentes, eas consolabantur; aut quia hi aderant qui non mali
erant : multi enim ex ipsis credebant. Hoc autem dicebat Evangelista ad
ostendendum quod Lazarus vere mortuus erat. Beda. Nondum autem dominus castellum introierat;
unde adhuc extra castellum posito occurrit Martha; unde sequitur Martha ergo,
ut audivit quia Iesus veniret, occurrit illi; Maria autem domi sedebat. Chrysostomus. Non autem assumit sororem obviam
Christo vadens; vult enim singulariter Christo loqui, et quod factum est ei
annuntiare; cum vero eam in bonam spem duxit, tunc abiit et vocavit Mariam.
Theophylactus. Primo itaque non pandit sorori,
volens astantes hoc latere; quoniam si percepisset Maria Christum accedere,
obviam iret, et comitarentur eam praesentes Iudaei, quibus notum fore
adventum Iesu Martha nolebat. Sequitur dixit autem Martha ad Iesum : domine,
si fuisses hic, frater meus non fuisset mortuus. Chrysostomus. Credebat enim in Christum, sed non ut
oportebat : nondum enim cognoscebat quoniam Deus erat; et ideo dicebat si
fuisses hic, frater meus non fuisset mortuus. Theophylactus. Quasi diffidens quoniam etiam absens,
si vellet, posset prohibere mortem fratris sui. Chrysostomus. Nondum etiam cognoscebat quod propria
virtute hoc faceret; quod apparet ex hoc quod subditur : sed nunc scio quia
quaecumque poposceris a Deo, dabit tibi Deus : ut de virtuoso quodam et
approbato viro loquens. Augustinus in Ioannem. Non autem dicit ei : rogo te
ut resuscites fratrem meum; unde enim sciebat, si fratri eius resurgere utile
fuerat? Hoc tamen dixit : scio quia potes, si vis, facere : utrum facias,
iudicii tui est, non praesumptionis meae. Chrysostomus. Dominus autem vera quae non
cognoscebat eam docuit; unde sequitur dixit ei Iesus : resurget frater tuus.
Non dixit : petam ut resurgat. Sed si diceret : non indigeo adiutorio, a me
ipso omnia facio, valde fuisset grave mulieri; sed hoc dicere : resurget,
medium erat. Augustinus. Ambiguum autem fuit quod dixit resurget
: non enim ait : modo; et ideo sequitur dicit ei Martha : scio quia resurget
in resurrectione in novissimo die. De illa resurrectione secura sum, de hac
incerta sum. Chrysostomus in Ioannem. Audierat autem mulier multa
a Christo de resurrectione loquente; dominus autem manifestius suam ostendit
auctoritatem : nam subditur dicit ei Iesus : ego sum resurrectio et vita :
ostendens quoniam non indiget alio adiutorio : si enim alio adiutorio
indigeret, qualiter erit resurrectio? Si vero ipse est vita, non loco
circumcluditur, sed ubique existens potest sanare. Alcuinus. Ideo ego sum resurrectio, quia vita : per
quem tunc cum aliis resurget, per eumdem potest et modo resurgere. Chrysostomus. Illa ergo dicente : quaecumque
petieris, ipse dicit qui credit in me, etiam si mortuus fuerit, vivet :
ostendens quoniam ipse est tributor bonorum, et ab ipso oportet petere. Per
hoc autem eius intellectum elevat : non enim hoc erat solum quod quaerebatur,
ut solum Lazarum suscitaret; sed etiam oportebat eam et qui praesentes erant
discere resurrectionem. Augustinus. Dicit ergo qui credit in me, etiam si
mortuus fuerit in carne, vivet in anima, donec resurget caro, nunquam postea
moritura : nam vita animae fides est. Sequitur et omnis qui vivit in carne,
et credit in me, etiam si moriatur ad tempus propter mortem carnis, non
morietur in aeternum. Alcuinus. Propter vitam spiritus, et immortalitatem
resurrectionis. Sciebat autem dominus, quem nihil latet, quod hoc credebat;
sed confessionem qua salvaretur quaerit; unde sequitur credis hoc? Ait illi :
utique, domine, ego credidi quia tu es Christus filius Dei vivi, qui in hunc
mundum venisti. Chrysostomus. Videtur mihi non intellexisse mulier
quod dictum est; sed quoniam magnum quid erat intellexit, non tamen cognovit
quid est : propterea aliud interrogata, aliud respondit. Augustinus. Vel aliter. Quando hoc credidi quod
filius es Dei, credidi quia tu es vita : quia et qui credit in te, etiam si
moriatur, vivet. |
—
Alcuin : Le dessein de Notre Seigneur
en retardant son départ, était de laisser passer quatre jours et de rendre
plus glorieuse la résurrection de Lazare : « Jésus vint donc et il le
trouva mis dans le sépulcre depuis quatre jours. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 62). Le Seigneur était
encore resté deux jours dans le même endroit, et l'envoyé était arrivé deux
jours auparavant, le jour même de la mort de Lazare, c'est donc le quatrième
jour que Notre Seigneur vint à Béthanie. —
Saint Augustin : On peut expliquer ces quatre
jours de plusieurs manières différentes, car une même chose peut avoir
diverses significations. Le péché que l'homme reçoit avec la transmission de
la vie est un premier jour de mort; la transgression de la loi naturelle est
un second jour de mort; le troisième c'est le mépris de la loi écrite, que
Dieu a donnée par Moïse, et la violation de la loi de l'Evangile est le
quatrième jour de mort. Or, le Seigneur ne dédaigne pas de venir pour
ressusciter de semblables morts. —
Alcuin : Ou bien encore, le premier
péché qui a existé, c'est l'enflure du cœur; le second, le consentement; le
troisième, l'acte; le quatrième, l'habitude. « Or, Béthanie était
près de Jérusalem, à quinze stades environ, » — Saint
Jean Chrysostome : [référence à
vérifier] c'est-à-dire
à deux mille. L'Evangéliste fait cette remarque pour montrer qu'il était très
naturel qu'un grand nombre de Juifs fussent venus de Jérusalem : « Beaucoup
de Juifs étaient venus près de Marthe et de Marie pour les consoler de la
mort de leur frère ». Mais comment les Juifs purent-ils venir consoler
les amies de Jésus, après avoir décidé que celui qui le reconnaîtrait pour le
Christ serait chassé de la synagogue ? Ils vinrent les consoler ou à cause
des convenances dues au malheur, ou par égard pour la condition élevée des
deux sœurs de Lazare. Ou bien encore, ceux qui vinrent n'étaient pas de ceux
qui s'étaient déclarés contre Jésus; car un grand nombre d'entre eux
croyaient en lui. Or, l'Evangéliste fait mention de cette circonstance comme
preuve que Lazare était véritablement mort. —
Saint Bède : Notre Seigneur n'était pas
encore entré dans le bourg de Béthanie, et c'est au dehors du bourg que
Marthe vient au-devant de lui : « Marthe ayant donc appris que Jésus
venait, alla au-devant de lui, tandis que Marie demeurait assise à la maison.
» —
Saint Jean Chrysostome : Elle n'a point pris sa sœur
avec elle pour aller au-devant de Jésus-Christ, elle veut lui parler en
particulier, l'informer de ce qui est arrivé, et ce n'est qu'après que Jésus
lui a donné bon espoir qu'elle retourne appeler Marie. — Théophylactus : Elle ne fait pas connaître d'abord son dessein à sa sœur, parce
qu'elle veut le laisser ignorer à ceux qui étaient présents. Si, en effet,
Marie avait appris que Jésus approchait, elle aurait été à sa rencontre, et
les Juifs qui étaient venus l'auraient accompagnée. Or, Marthe ne voulait pas
leur faire connaître l'arrivée de Jésus. « Marthe dit donc à Jésus :
Seigneur, si vous aviez été ici, mon frère ne serait pas mort. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 62). Elle croyait en
Jésus-Christ, mais sa foi n'était pas encore ce qu'elle devait être; elle ne
savait pas encore qu'il était Dieu, voilà pourquoi elle lui disait : « Si
vous aviez été ici, mon frère ne serait pas mort. » — Théophylactus : Elle paraît douter que Jésus tout absent qu'il était, eût pu, s'il
l'eût voulu empêcher son frère de mourir. —
Saint Jean Chrysostome : Elle ne savait pas encore
non plus que Jésus agirait ici en vertu de sa propre puissance, comme nous le
voyons dans ce qu'elle dit au Sauveur : « Cependant, maintenant encore, je
sais que tout ce que vous demanderez à Dieu, Dieu vous le donnera, » elle
regarde ici Jésus comme un homme vertueux et aimé de Dieu. —
Saint Augustin : (Traité 49). Elle ne lui dit pas :
Je vous prie de ressusciter mon frère; car comment pouvait-elle savoir qu'il
serait utile à son frère de ressusciter ? Elle se contente de dire au Sauveur
: « Je sais que vous pouvez le faire, si vous le voulez, mais ce n'est pas à
moi, c'est à vous seul qu'il appartient de juger, s'il est utile de le faire.
» —
Saint Jean Chrysostome : Notre Seigneur lui enseigne
alors la vérité qu'elle ne savait point : « Jésus lui répondit :
Votre frère ressuscitera. » Il ne lui dit pas : Je demanderai [à Dieu]
qu'il ressuscite. S’il lui avait dit : Je n'ai pas besoin de secours, je fais
tout de moi-même, cela eût paru surprenant à cette femme; il prend un moyen
terme et lui dit : « Votre frère ressuscitera. » —
Saint Augustin : Il y avait cependant quelque
ambiguïté dans cette expression : « Il ressuscitera, » puisque
Jésus ne disait pas : Il va ressusciter actuellement. Aussi « Marthe
lui dit : « Je sais qu'il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour, »
je suis certaine de cette résurrection, mais je ne sais rien d’une
résurrection qui aurait lieu immédiatement. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 62). Marthe avait souvent
entendu Jésus-Christ parler de la résurrection; il lui fait donc connaître
ici clairement sa puissance : « Jésus lui dit : Je suis la
résurrection et la vie. » Il lui prouve ainsi qu'il n'a point besoin
d'un secours étranger, car si ce secours lui était nécessaire, comment
serait-il la résurrection ? S'il est lui-même la vie, il n'est limité par
aucun espace, il existe partout, et partout aussi il peut guérir. —
Alcuin : Je suis la résurrection, parce
que je suis la vie, et celui qui un jour doit ressusciter votre frère avec
tous les autres hommes, peut aussi bien le ressusciter dès aujourd'hui. —
Saint Jean Chrysostome : Marthe lui a dit : « Tout
ce que vous demanderez, Dieu vous le donnera » ; et Jésus lui répond
: « Celui qui croit en moi, fût-il mort, vivra, » il lui apprend ainsi
qu'il est le dispensateur de tous les biens, et que c'est à lui qu'il faut
les demander, et il élève en même temps son intelligence à de plus hautes
pensées, car il ne se proposait pas seulement de ressusciter Lazare, mais de
rendre tous ceux qui étaient présents témoins de sa résurrection. —
Saint Augustin : Voici donc l'explication des
paroles du Sauveur : « Celui qui croit en moi, fût-il mort (dans son corps),
vivra (dans son âme), jusqu'au jour où son corps ressuscitera pour ne plus
mourir, car la vie de l'âme c'est la foi. » Il ajoute : « Et
quiconque vit (de la vie du corps) et croit en moi (quand bien même il
viendrait à perdre pour un temps cette vie du corps), il ne mourra point pour
toujours ». —
Alcuin : A cause de la vie de
l'esprit et de l'immortalité de la résurrection. Le Seigneur, pour qui rien
n'est caché, savait que Marthe croyait ces vérités, mais il voulait qu'elle fît
extérieurement la profession de foi qui sauve. Il lui demande donc : «
Croyez-vous cela ? » Elle lui répondit : « Oui, Seigneur, je
crois que vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant, qui êtes venu en ce
monde. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 62). Marthe ne me parait pas
avoir compris entièrement ce que Jésus lui avait dit; elle comprit qu'il
s'agissait d'un grand mystère, mais elle ne savait encore ce que c'était;
aussi ne répond-elle pas directement à la question que lui fait le Sauveur. —
Saint Augustin : Ou bien encore : en croyant
que vous êtes le Fils de Dieu, je crois que vous êtes la vie, car celui qui
croit en vous vivra alors même qu’il perdra la vie du corps. |
Lectio 5 |
Versets 28-32 |
[86087] Catena in Io., cap. 11 l. 5 Chrysostomus in
Ioannem. Ex virtute sermonum Christi interim Martha lucrata est luctus
dissolutionem : ea enim quae ad magistrum erat devotio non permittebat eam
sentire praesentia, quae luctum inducere poterant; unde dicitur et cum haec
dixisset, abiit, et vocavit Mariam sororem suam silentio. Augustinus in Ioannem. Advertendum, quod suppressam
vocem silentium nuncupavit : nam quomodo siluit, cum subdatur dicens :
magister adest, et vocat te? Chrysostomus in Ioannem. Ideo autem occulte sororem
vocat : si enim scivissent Iudaei Christum advenire, recessissent, et non
fuissent testes miraculi. Augustinus. Advertendum etiam, quemadmodum
Evangelista non dixerit ubi, vel quando, vel quomodo Mariam dominus
vocaverit, ut hoc in verbis Marthae potius intelligeretur, narrationis
brevitate servata. Theophylactus. Sive etiam ipsam Christi praesentiam
vocationem reputavit, quasi dicat : inexcusabile est ut eo praesente tu non
exeas obviam ipsi. Chrysostomus. Omnibus autem assidentibus, illa
lugens et plangens non expectavit ad se venire magistrum, neque dignitatem
servavit, neque a luctu detenta est; sed surgens confestim obviavit; unde
sequitur illa ut audivit, surrexit cito, et venit ad eum. Augustinus. Ex quo patet quod non illam praevenisset
Martha, si ei notus fuisset adventus Iesu. Sequitur nondum enim venerat Iesus
in castellum : sed erat adhuc in illo loco ubi occurrerat ei Martha.
Chrysostomus. Vacantius enim ibat, ut non videatur inicere seipsum
miraculo, sed rogari ab aliis. Hoc igitur vult occulte Evangelista insinuare
: aut quia cito currebat, ut anticiparet eum venientem. Venit autem non sola,
sed omnes trahens Iudaeos; unde sequitur Iudaei igitur qui erant in domo cum
ea, et consolabantur eam, cum vidissent Mariam quia cito surrexit et exiit,
secuti sunt eam, dicentes, quia vadit ad monumentum ut ploret ibi. Augustinus. Hoc pertinuit ad Evangelistam narrare,
ut videamus quae occasio fuerit quod plures ibi essent quando Lazarus
resuscitatus est; ut tam grande miraculum quatriduani mortui resurgentis
testes plures inveniret. Sequitur Maria ergo cum venisset ubi erat Iesus,
videns eum, cecidit ad pedes eius. Chrysostomus. Ferventior haec sorore erat : non enim
turbam verecundata est, nec suspicionem timuit quam de Christo Iudaei
habebant, cum aliqui inimicorum Christi interessent; sed omnia contempsit
humana praesente magistro, et soli se dabat ei qui ad magistrum honori. Theophylactus. Quamvis etiam se diminute videbatur
habere, dicens domine, si fuisses hic, frater meus non fuisset mortuus. Alcuinus. Quasi dicat : dum nobiscum praesens
fuisti, non morbus, non infirmitas aliqua apparere ausa est, apud quas vita
noverat habitare sive hospitari. Augustinus de Verb. Dom. O infidelis conventio. Te
adhuc posito in saeculo Lazarus amicus moritur. Si amicus moritur, inimicus
quid patietur? Parum est si non tibi soli superi serviunt; ecce tuum dilectum
Inferi rapuerunt. Beda. Non autem omnia dixit Maria quae Martha
protulerat : quia consueto hominum more lacrymis non omnia quae voluit et in
animo habuit, proferre potuit. |
—
Saint Jean Chrysostome : (hom. 63). Les paroles de Jésus-Christ eurent la puissance
de mettre fin à la douleur de Marthe, car la pieuse affection qu'elle avait
pour le divin Maître ne lui permettait pas de se livrer à l'affliction que
lui causait la mort de son frère : « Lorsqu'elle eut parlé ainsi,
elle s'en alla et appela à voix basse Marie, sa sœur. » —
Saint Augustin : (Traité 49). L'Evangéliste dit qu'elle l'appela en silence, c'est-à-dire, à
voix basse, car comment dire qu'elle a fait tout en silence, puisqu'elle lui
dit : « Le Maître est là, il vous appelle ? » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 63). Elle appelle sa sœur en
secret, car si les Juifs avaient appris l'arrivée de Jésus, ils se seraient
retirés et n’auraient pas été témoins du miracle. —
Saint Augustin : Il est à remarquer que l'Evangéliste
ne dit ni le lieu, ni le moment où le Seigneur appela Marie, ni de quelle
manière; pour conserver la brièveté de son récit, il ne nous fait connaître
cette circonstance que par les paroles de Marthe. — Théophylactus : Peut-être aussi Marthe regarda-t-elle la présence seule de
Jésus-Christ comme un appel, et semble-t-elle dire à sa sœur : Vous seriez
inexcusable si, le Seigneur étant là, vous n'alliez pas à sa rencontre. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 63). Un cercle d'amis
entouraient Marie, plongée dans la douleur et dans les larmes. Cependant elle
n'attend pas que le Maître vienne la trouver, elle n'est retenue ni par les
bienséances de sa condition, ni par son profond chagrin, elle se lève
aussitôt pour aller à sa rencontre : « Ce que celle-ci ayant entendu,
elle se leva aussitôt et vint à lui. » —
Saint Augustin : Nous voyons par-là que
Marthe n'eût pas eu besoin de prévenir sa sœur, si Marie avait connu
l'arrivée de Jésus. « Car Jésus n'était pas encore entré dans le bourg, mais
était toujours au lieu où Marthe l’avait rencontré. » —
Saint Jean Chrysostome : Notre Seigneur approchait
lentement, il ne voulait point paraître se jeter au-devant du miracle, mais
il attendait qu'on vînt l'en prier, c'est ce que l'Evangéliste semble vouloir
indiquer en termes couverts, lorsqu'il dit que Marie se leva aussitôt, [ou
bien il veut nous apprendre qu'elle vint à sa rencontre] pour prévenir son
arrivée. Or elle vint, non pas seule, mais accompagnée de tous les Juifs qui
étaient avec elle : « Cependant les Juifs, qui étaient dans la maison avec
Marie, et la consolaient, l’ayant vue se lever promptement et sortir, la
suivirent, pensant qu’elle allait au sépulcre pour y pleurer». —
Saint Augustin : L'Evangéliste a pris soin de
mentionner cette circonstance, pour nous apprendre la raison pour laquelle il
y avait tant de monde, lorsque Lazare fut ressuscité; c'était pour qu'un plus
grand nombre fussent témoins d'un aussi grand miracle que la résurrection
d'un mort de quatre jours. « Lorsque Marie fut arrivée au lieu où était
Jésus, le voyant, elle se jeta à ses pieds. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 63). Marie était plus
ardente que sa sœur, elle n'est arrêtée ni par la multitude, ni par les
préjugés que les Juifs avaient contre Jésus-Christ, ni par la présence de
plusieurs de ses ennemis personnels, la vue du Maître lui fait mépriser
toutes les considérations humaines, et elle n'est préoccupée que d'une seule
pensée, l'honneur de son divin Maître. — Théophylactus : Cependant elle ne parait pas avoir de lui une idée encore assez
relevée, en lui disant : « Seigneur, si vous aviez été ici, mon frère ne serait
pas mort. » —
Alcuin : Comme
si elle disait : Tant que vous êtes demeuré avec nous, aucune maladie, aucune infirmité
n'ont osé apparaître chez celles qui avaient pour hôte et pour habitant la
vie elle-même. —
Saint Augustin : (serm. 52 sur les paroles du
Seigneur). Quel pacte déloyal ! Lazare, votre ami, meurt pendant que
vous êtes encore sur cette terre, et si vous laissez mourir votre ami [de la
sorte], à quoi doit s'attendre votre ennemi ? C'est peu que les cieux ne vous
obéissent point, voici que les enfers vous ont enlevé celui que vous aimez. —
Saint Bède : Marie parle moins à Jésus
que n'avait fait sa sœur, car par un effet ordinaire des larmes, elle ne put
épancher les sentiments dont son cœur était plein. |
Lectio 6 |
Versets 33-40 |
[86088] Catena in Io., cap. 11 l. 6 Chrysostomus
in Ioannem. Mariae loquenti nihil Christus loquitur; neque ea dicit quae
sorori dixerat : turba enim aderat multa, et non erat tempus illorum
verborum. Sed condescendit, et humiliatur, humanam naturam denudans : quia
enim miraculum magnum erat futurum, et multos per id lucraturus, sua
condescensione attrahit testes, et humanam monstrat naturam; unde dicitur
Iesus ergo ut vidit eam plorantem, et Iudaeos qui venerant cum ea plorantes,
infremuit spiritu, et turbavit semetipsum. Augustinus in Ioannem. Quis enim eum posset nisi
ipse turbare? Turbatus est Christus, quia voluit; esurivit, quia voluit; in
illius potestate erat sic vel sic affici, vel non affici. Verbum enim animam
suscepit et carnem, totius hominis sibi coaptans in personae unitate naturam;
ac per hoc ubi summa potestas est, secundum voluntatis nutum turbatur
infirmitas. Theophylactus. Ad approbandam enim conditionem
humanam iubet ei quod suum est prosequi, nec non iniungit ei virtute spiritus
sancti, illamque compescit. Haec autem cuncta naturam pati dominus connivet,
cum approbando quod homo verus et non apparens fuerat, tum etiam nos monendo,
ac metam moestitiae et iucunditati imponendo. Nam ex toto nec compati nec
moerere ferinum, ac horum exuberantia muliebre. Sequitur et dixit : ubi
posuistis eum? Augustinus de Verb. Dom. Non locum sepulti ignorare
credi debuerat, sed fidem populi approbare volebat. Chrysostomus. Non enim vult ipse se inicere, sed
omnia ab aliis discere, et rogatus facere, ut ab omni suspicione eripiat
signum. Augustinus Lib. 83 quaest. Quod et interrogat,
vocationem nostram, quae fit in occulto, arbitror significare. Praedestinatio
enim nostrae vocationis occulta est, cuius secreti signum est interrogatio
domini quasi nescientis, cum ipsi nesciamus : vel quod ignorare se peccatores
alio loco dominus ostendit, dicens : non novi vos; quia in disciplina et
praeceptis eius non sunt peccata. Sequitur dicunt ei : domine, veni et vide.
Chrysostomus. Nondum enim aliquod signum
resurrectionis monstraverat : unde ita videbatur iturus ut lacrymaturus, non
ut resuscitaturus, propter hoc ei dicunt veni et vide. Augustinus. Videt autem dominus quando miseretur;
unde illi dicit : vide humilitatem meam et laborem meum, et dimitte omnia
peccata mea. Sequitur et lacrymatus est Iesus. Alcuinus. Quia fons pietatis erat, flebat pro parte
humanitatis quem resuscitare poterat per potentiam divinitatis. Augustinus. Quare autem flevit Christus, nisi quia
homines flere docuit? Beda. Est autem hominum consuetudo caros suos
mortuos lugere : secundum hanc consuetudinem Iudaei dominum flere putabant;
unde subditur dixerunt ergo Iudaei : ecce quomodo amabat eum. Augustinus. Quid est amabat eum? Non veni vocare
iustos, sed peccatores ad poenitentiam. Sequitur quidam autem ex ipsis
dixerunt : non poterat hic, qui aperuit oculos caeci nati, facere ut hic non
moreretur? Plus est quod facturus est, ut mortuus suscitetur. Chrysostomus. Erant autem ex inimicis eius qui hoc
dixerunt. Ex quibus igitur oportebat eius admirari virtutem, ex his ei
detrahunt, scilicet ex illuminatione caeci nati, quasi nec illo miraculo
facto. In hoc etiam se ostendunt esse corruptos, quia nondum Christo adveniente
ad monumentum, praeassumunt accusationes, non exspectantes rei finem.
Sequitur Iesus ergo rursum fremens in semetipso venit ad monumentum. Studiose
Evangelista frequenter dicit quod lacrymatus est, et quod fremuit, ut discas
quod vere nostram naturam induit. Quia enim hic magis aliis Evangelistis
magna de eo loquitur, etiam in rebus corporalibus humiliora dicit. Augustinus in Ioannem. Fremas autem et in te, si
disponis reviviscere; omni homini dicitur qui premitur pessima consuetudine.
Sequitur erat autem spelunca, et lapis superpositus ei. Mortuus sub lapide,
reus sub lege : lex enim quae data est Iudaeis, in lapide scripta est. Omnes
autem rei sub lege sunt, iusto autem non est lex posita. Beda. Est autem spelunca rupes cavata. Porro monumentum
dicitur eo quod mentem moneat; hoc est, mortuos ad memoriam revocat. Sequitur
ait Iesus : tollite lapidem. Chrysostomus. Sed quare non lapide iacente fecit
resuscitari? Nonne poterat qui corpus movit mortuum voce, etiam multo magis
lapidem movere? Non autem hoc fecit, ut eos testes faciat miraculi, ut non
dicant quod in caeco dixerant : non est hic. Manus enim, et accessus ad
monumentum testabantur quod ipse est. Augustinus. Mystice autem dicit removete lapidem,
removete legis pondus, gratiam praedicate. Augustinus Lib. 83 quaest. In quo puto illos
significari qui venientibus ad Ecclesiam ex gentibus, onus circumcisionis
imponere volebant; vel eos qui in Ecclesia corrupte vivunt, et offensioni
sunt credere volentibus. Augustinus de Verb. Dom. Iam autem Maria et Martha
sorores Lazari, quae Christum frequenter mortuos resuscitasse viderant,
fratrem suum posse resuscitare penitus non credebant; nam sequitur dicit ei
Martha soror eius qui mortuus fuerat : domine, iam foetet, quatriduanus enim
est. Theophylactus. Hoc autem Martha tamquam diffidens
dicit, veluti impossibile credens posse fratrem suscitari, ob dierum
diuturnitatem. Beda. Vel haec verba non sunt desperationis, sed
potius admirationis. Chrysostomus in Ioannem. Sed hoc etiam quod dicit,
valet ad obstruendum indevotos, ut et miraculum testentur manus tollentes
lapidem, et auditus vocem audiens Christi, et visus videntium Lazarum exire,
et odoratus foetorem recipiens. Theophylactus. Christus autem rememorat mulieri ea
de quibus secum contulerat, et pene ut obliviscenti loquitur; unde sequitur
dicit ei Iesus : nonne dixi tibi, quoniam si credideris, videbis gloriam Dei?
Chrysostomus. Non enim memor erat mulier eius quod
Christus dixerat supra : qui credit in me, etiam si mortuus fuerit, vivet. Et
discipulis quidem dixit : ut glorificetur filius Dei in ea : hic autem
gloriam Dei de patre dicit. Infirmitates enim eorum qui audiebant, causa
erant differentiae eorum quae dicebantur. Nolebat dominus interim turbare
adstantes; et ideo dicit videbis gloriam Dei. Augustinus. In hoc autem est gloria Dei, quia et
foetentem et quatriduanum resuscitat. Sequitur tulerunt ergo lapidem. Origenes in Ioannem. Mora tollendi lapidem
adiacentem ex sorore defuncti causata est : nisi enim dixisset iam foetet,
est enim quatriduanus, non diceretur dixit Iesus : tollite lapidem.
Sustulerunt ergo lapidem : nunc ergo longe tardius ablatus est. Commodum est
igitur nihil interponere inter iussa Iesu et ipsorum executionem. |
—
Saint Jean Chrysostome : (hom. 63 sur Saint Jean). Jésus
ne répond rien à Marie, il ne lui tient pas le même langage qu'à sa sœur, il
était environné d'une grande multitude, et ce n'était pas le moment de faire
de longs discours, mais il s'abaisse, il s'humilie, et dévoile en lui les
sentiments de la nature humaine. Comme il allait opérer un grand miracle qui
devait lui gagner beaucoup de disciples, il s'entoure d'un grand nombre de
témoins, et montre qu'il a véritablement pris notre nature : « Jésus la
voyant pleurer, et les Juifs, qui étaient venus avec elle pleurer aussi, fut
ému en lui-même et se troubla. » —
Saint Augustin : (Traité 49 sur Saint Jean).
Qui
pourrait le troubler, si ce n'est lui-même ? Jésus-Christ a été troublé parce
qu'il l'a voulu, il a eu faim parce qu'il l'a voulu, il était en son pouvoir
de se prêter ou de se soustraire à ces impressions, car le Verbe a pris une
âme et un corps, et s'est uni la nature humaine tout entière en unité de
personne; or, là où se trouve une puissance souveraine, la faiblesse humaine
ne peut être troublée qu'autant que cette puissance souveraine y consent. — Théophylactus : C'est afin de prouver la vérité de sa nature humaine, qu'il lui
commande de manifester les sentiments qui lui sont propres, et c'est par la
vertu de l'Esprit saint qu'il lui donne cet ordre, et qu'il réprime ses trop
vives émotions. Le Seigneur veut que la nature humaine subisse ces épreuves,
pour nous prouver qu'il était homme en réalité et non seulement en apparence,
et aussi pour nous enseigner à mettre des bornes à la tristesse comme à la
joie, car n'être accessible à aucun sentiment de compassion ou de tristesse,
c'est l'insensibilité de la brute, comme aussi il n'appartient qu'aux
caractères efféminés de se livrer sans mesure à ces affections. « Et il
dit : Où l'avez-vous mis ? » —
Saint Augustin : (serm. sur les par. du
Seig). Ce
n'est pas qu'il ignorât le lieu où Lazare était enseveli, mais il voulait
éprouver la foi de ce peuple. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 63). Il ne veut pas se
mettre en avant, et il veut être instruit de tout par les autres et ne rien
faire que sur leur prière, pour ne laisser aucune place au soupçon. —
Saint Augustin : (Liv. des 83 quest., quest. 65).
J’estime que cette question du Sauveur est comme le symbole de notre vocation
qui se passe dans le secret, car la prédestination de notre vocation est une
chose cachée, et la marque qu'elle est secrète, c'est la question que fait le
Seigneur sur ce sujet comme s'il l'ignorait, alors que c'est nous-mêmes qui
l'ignorons. Ou bien peut-être est-ce parce que le Seigneur déclare dans un
autre endroit qu'il ne connaît pas les pécheurs auxquels il dit : « Je ne
vous connais pas, » (Mt 7, 25) parce que les péchés se commettent en
dehors de la loi et de ses préceptes : « Ils lui répondirent : Seigneur,
venez et voyez. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 63). Il n'avait encore fait
aucun miracle de résurrection, il leur paraissait donc ne se diriger vers le
tombeau que pour pleurer sur Lazare, et non pour le ressusciter, c'est pour
cela qu'ils lui disent : « Venez et voyez. » —
Saint Augustin : Le Seigneur voit lorsqu'il a
compassion, c'est pour cela que le Psalmiste lui dit : « Voyez mon
humiliation et ma douleur, et pardonnez-moi tous mes crimes. » (Ps 24)
« Et Jésus pleura. » —
Alcuin : Il était la source inépuisable
de la bonté, et il pleurait comme homme celui qu'il pouvait ressusciter par
un acte de sa puissance divine. —
Saint Augustin : Or, pourquoi Jésus a-t-il
pleuré ? si ce n’est pour enseigner aux hommes à verser eux-mêmes des larmes. —
Saint Bède : Les hommes ont coutume de
pleurer les personnes chères que la mort leur a enlevées. Les Juifs crurent
que Jésus pleurait sons l'impression de ce sentiment, et c'est ce qui leur
fait dire : « Voyez comme il l'aimait ! » —
Saint Augustin : Que signifient ces paroles :
« Il l'aimait » ? « Je ne suis pas venu appeler les justes
mais les pécheurs à la pénitence. » « Mais quelques-uns d'entre eux
dirent : Ne pouvait-il pas, lui qui a ouvert les yeux d'un aveugle-né, faire
que cet homme ne mourût point ? » Il fera bien plus, puisqu'il va le
ressusciter après sa mort. —
Saint Jean Chrysostome : Ceux qui parlèrent ainsi
étaient de ses ennemis, ils se servent pour le calomnier d'un fait qui aurait
dû leur faire admirer sa puissance, c'est-à-dire, la guérison de
l'aveugle-né, et ils se plaignent que Jésus n'ait pas empêché par un miracle
Lazare de mourir. Une nouvelle preuve de leur perversité, c'est qu'ils
prennent le rôle d'accusateurs avant même que Jésus soit arrivé au tombeau,
et sans attendre l'issue de l'événement : « Jésus donc, frémissant de
nouveau en lui-même, vint au tombeau. » L'Evangéliste prend soin de
répéter que Jésus pleura, et frémit en lui-même pour vous convaincre qu'il a
pris véritablement notre nature. L'Evangéliste saint Jean nous a décrit les
grandeurs [du Verbe incarné], bien plus magnifiquement que ne l'ont fait les
autres évangélistes, et ainsi, il mentionne également, dans le domaine
physique, ses humiliations. —
Saint Augustin : Frémissez aussi en vous-même
si vous voulez reprendre une nouvelle vie, c'est, ce qu'on peut dire à tout
homme qui est accablé sous le poids d'une habitude mauvaise : « C'était
une grotte et une pierre était posée dessus. » Ce mort étendu sous la
pierre, c'est l'homme coupable sous la loi, car la loi qui fut donnée aux
Juifs, était écrite sur la pierre. Tous les coupables sont sous la loi, mais
la loi n'a pas été établie pour le juste. (1 Tm 1) —
Saint Bède : Une grotte est une
excavation pratiquée dans un rocher. On appelle monuments ces grottes qui
servent de tombeau, parce qu'ils avertissent notre âme (mentem monet), et
leur rappellent le souvenir des morts. « Jésus leur dit : Otez la pierre.
» —
Saint Jean Chrysostome : Pourquoi le Sauveur n'a-t-il
pas ressuscité Lazare sans que la pierre fût ôtée ? Celui qui, de la voix, rendit
le mouvement à ce cadavre, ne pouvait-il pas, à plus forte raison, ôter la
pierre qui fermait le tombeau ? Oui, sans doute, mais il ne l'a pas fait,
parce qu'il voulait rendre les Juifs témoins de ce miracle, et les empêcher
de dire ce qu'ils avaient dit de l'aveugle-né : « Ce n'est pas lui »,
car leurs mains qui roulaient cette pierre et leur présence au tombeau
attestaient d'une manière infaillible que c'était bien Lazare. —
Saint Augustin : Dans le sens allégorique,
ces paroles : « Otez la pierre, » signifient : Enlevez le poids de la
loi, et annoncez la grâce [de la loi nouvelle]. —
Saint Augustin : (Lim. des 83 quest., quest. 65). Ceux à qui le
Sauveur donne cet ordre, me paraissent figurer les Juifs qui voulaient
imposer le fardeau de la circoncision aux Gentils, qui entraient dans
l'Eglise; ou bien, les chrétiens qui, au sein de l'Eglise même, mènent une
vie corrompue et sont un scandale pour ceux qui veulent embrasser la foi. —
Saint Augustin : (serm. 82 sur les par. Du
Seign). Cependant Marie et Marthe, soeurs de Lazare, qui avaient vu
souvent Jésus ressusciter des morts, ne croient pas entièrement qu'il puisse
ressusciter leur frère : « Marthe, la sœur de celui qui était mort, lui
dit : « Seigneur, il sent déjà mauvais, car c’est le quatrième jour ». — Théophylactus : Marthe parle de la sorte sous l'impression d'un sentiment de défiance
qui lui fait regarder comme impossible la résurrection de son frère après
quatre jours qu'il était dans le tombeau. —
Saint Bède : On peut dire encore que ces
paroles sont l'expression de l'admiration plutôt que de la défiance. —
Saint Jean Chrysostome : Elles peuvent servir aussi à
fermer la bouche aux incrédules, et nous voyons ainsi concourir à la
démonstration de ce miracle les mains qui ont ôté la pierre, les oreilles qui
ont entendu la voix de Jésus-Christ, les yeux qui ont vu Lazare sortir du
tombeau, et l'odorat qui sentait l'odeur que son cadavre exhalait. —
Théophylactus : Notre Seigneur rappelle à la sœur de Lazare ce qu'il lui avait déjà
dit, et qu'elle paraissait avoir presque oublié : « Jésus lui
répondit : Ne vous ai-je pas dit que si vous croyiez, vous verriez la gloire
de Dieu ? » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 63). Marthe ne se souvenait
plus en effet de ce que Jésus-Christ lui avait dit auparavant : « Celui
qui croit en moi fût-il mort, vivra. » En parlant à ses disciples, il
leur avait dit : « afin que le Fils de Dieu soit glorifié par cette
maladie. » Ici il ne parle que la gloire de Dieu le Père, les
dispositions imparfaites de ceux qui l'écoutaient le forçaient ainsi de
modifier son langage. Il ne voulait point jeter le trouble dans l'âme de ceux
qui étaient présents, et c'est pour cela qu'il dit à Marthe : « Vous
verrez la gloire de Dieu. » —
Saint Augustin : (Traité 49). La gloire de
Dieu parut en effet dans la résurrection d'un mort de quatre jours qui
sentait déjà. « Ils ôtèrent donc la pierre. » — Origène : (Traité 28 sur Saint
Jean). Le retard que l'on mit à enlever cette pierre, vint de
la sœur de Lazare; si elle n'avait pas dit : « Il sent déjà mauvais, car
il y a quatre jours qu'il est là, » Jésus n'eût pas été obligé de donner
l'ordre d'ôter la pierre. Ils enlevèrent donc cette pierre, mais plus tard
qu'elle n'aurait du l'être. Il est souverainement utile de ne mettre aucun
intervalle entre les ordres de Jésus et leur exécution. |
Lectio 7 |
Versets 41-46 |
[86089] Catena in Io., cap. 11 l. 7 Alcuinus. Quia
Christus secundum hominem minor erat patre, ab illo petit suscitationem
Lazari; atque ideo se exauditum esse dicitur : Iesus autem elevatis sursum
oculis dixit : pater, gratias ago tibi, quoniam audisti me. Origenes in Ioannem. Elevavit quidem sursum oculos,
quoniam intelligentiam humanam erexit, adducens illam per orationem ad
excelsum patrem. Sed et necesse est volentem ad exemplar orationis Christi
orare, elevare oculos cordis sursum, ac erigere illos a praesentibus rebus
memoria, cogitationibus, atque intentionibus. Si autem digne orantibus
huiusmodi quaedam exprimitur a Deo de propria oratione promissio : adhuc
loquente dicam : ecce adsum, quid expedit arbitrari de domino et salvatore?
Erat enim oraturus pro resurrectione Lazari. Sed praeveniens illius orationem
qui solus bonus pater est, exaudivit dicenda. Pro impletione igitur orationis
subdit gratiarum actiones, dicens pater, gratias ago tibi, quoniam audisti me.
Chrysostomus in Ioannem. Hoc est, nihil est
contrarium mei ad te. Non autem ostendit quod ipse non potuit, vel quod minor
sit patre; quia hoc et amicis dicitur, et honore aequalibus. Ut autem
ostendat quoniam non indiget oratione, subiungit ego autem sciebam quoniam
semper me audis; quasi dicat : ad hoc quod fiat voluntas mea, non indigeo
oratione ut tibi suadeam : una enim est nostra voluntas. Hoc autem obumbrate
dicit, propter auditorum imbecillitatem. Deus enim non ita dignitatem suam
respicit, ut ad salutem nostram : propterea excelsa quidem et magna, pauca,
et ipsa occultata, humilia vero multa circumfluunt eius sermonibus. Hilarius de Trin. Non igitur prece eguit : nobis
oravit, ne filius ignoraretur; unde subditur sed propter populum qui
circumstat dixi, ut credant quia tu me misisti. Cum enim sibi non proficeret
deprecationis sermo, ad profectum tamen nostrae fidei loquebatur. Non inops
ergo auxilii est, sed nos sumus inopes doctrinae. Chrysostomus. Non autem dixit ut credant quoniam
minor sum, quoniam sine oratione non possum facere; sed quoniam tu me
misisti. Non dixit : misisti me imbecillem, servitutem recognoscentem, a
meipso nihil facientem; sed me misisti, ut non Deo contrarium aestiment, nec
dicant : non est ex Deo; et ut ostendam, secundum tuam voluntatem opus hoc
fieri. Augustinus de Verb. Dom. Venit autem Christus ad
monumentum in quo Lazarus dormiebat, et non tamquam mortuum, sed tamquam
sanum, tamquam audire paratum, de sepulchro protinus vocavit; unde sequitur
haec cum dixisset, voce magna clamavit : Lazare, veni foras. Ideo dicit
nomen, ne omnes mortui cogerentur exire. Chrysostomus. Non autem dixit : surge tu; sed veni
foras, ut viventi loquens ei qui mortuus fuerat : propter quod non dixit : in
nomine patris mei veni foras; aut : resuscita eum, pater; sed haec omnia
dimittens, postquam orantis formam acceperat, per res auctoritatem ostendit :
quoniam et hoc sapientiae suae est, per verba quidem condescensionem, per res
vero ostendere potestatem. Theophylactus. Alta vero salvatoris vox, quae
Lazarum suscitavit, indicium est tubae magnae sonaturae in communi
resurrectione. Altius etiam clamavit, ut gentilium ora refrenet fabulantium,
in tumulis esse animas defunctorum : nam quasi foras manentem eam advocat per
clamorem. Sicut autem universalis resurrectio in ictu oculorum proveniet, sic
et haec resurrectio singularis; et ideo sequitur et statim prodiit qui
mortuus fuerat, ligatus manus et pedes institis, et facies eius sudario erat
ligata. Iam mancipatur effectui quod dicitur : venit hora cum audient
defuncti vocem filii Dei, et qui audierint vivent. Origenes in Ioannem. Nam vox elata et clamor non
inconvenienter dicitur excitasse illum; et sic adimpletum est quod dixerat :
vado ut excitem eum. Sed et pater, qui filium orantem exaudivit, suscitavit
Lazarum, ut sic resurrectio Lazari commune opus sit filii orantis et patris
exaudientis. Sicut enim pater suscitat mortuos et vivificat, sic et filius
quos vult vivificat. Chrysostomus. Exiit autem ligatus, ut non putaretur
esse phantasma. Sed et hoc quod exibat ligatus, non minus videbatur esse quam
resuscitare. Sequitur dicit eis Iesus : solvite eum, ut videlicet tangentes,
et ei appropinquantes, videant quia vere est ille. Sequitur et sinite abire; et
hoc propter humilitatem; non enim ducit eum, neque iubet secum ambulare ad
sui demonstrationem. Origenes. Dixerat autem supra dominus : propter
populum qui circumstat, dixi, ut credant quia tu me misisti : nullo autem
eorum credente hoc dixisset, velut aliquis hominum inscius futurorum; unde ad
hoc removendum subditur multi ergo ex Iudaeis qui venerant ad Mariam et
Martham, et viderant quae fecit crediderunt in eum. Quidam autem ex ipsis
abierunt ad Pharisaeos et dixerunt eis quae fecit Iesus. Continet quid
ambiguum sermo praesens : verum qui iverunt ad Pharisaeos, fuerint ex illis
multis qui crediderant, proponentes conciliare Christo hostiliter se habentes
ad eum; vel alii a credentibus, irritare volentes invidum Pharisaeorum zelum
in ipsum. Et videtur mihi hoc magis Evangelistam exprimere velle : multos
enim dixit qui per hoc quod viderunt crediderunt, veluti paucis existentibus
aliis, de quibus subdit quidam autem ex ipsis abierunt ad Pharisaeos, et
dixerunt eis quae fecit Iesus. Augustinus Lib. 83 quaest. Quamquam autem secundum
Evangelistae historiam resuscitatum Lazarum plena fide teneamus, tamen in
allegoria aliquid significare non dubito; neque cum res factae
allegorizantur, gestae rei fidem amittunt. Augustinus in Ioannem. Omnis quidem qui peccat
moritur; sed Deus magna misericordia animas suscitat, ne moriantur in
aeternum. Intelligimus ergo tres mortuos, quos in corporibus suscitavit,
aliquid significare de resurrectionibus animarum. Gregorius Moralium. Puellam
enim in domo, adolescentem extra portam, in sepulchro autem Lazarum suscitat.
Adhuc quippe in domo mortuus iacet qui iacet in peccato : iam quasi extra
portam ducitur cuius iniquitas usque ad inverecundiam publicae perpetrationis
operatur. Augustinus. Vel intus est mors, quia cogitatum malum
nondum processit in factum. Si autem ipsum malum fecisti, quasi mortuum extra
portam extulisti. Gregorius. Sepulturae vero aggere premitur qui in
perpetratione nequitiae etiam usu consuetudinis pressus gravatur; sed hos
plerumque divina gratia respectus sui lumine illustrat. Augustinus Lib. 83 quaest. Vel accipiamus Lazarum in
monumento animam terrenis peccatis obrutam. Augustinus in Ioannem. Et tamen Lazarum dominus
amabat : si enim peccatores non amaret, de caelo ad terras non descenderet.
Bene autem de illo qui peccare consueverat, dicitur foetet : incipit enim
habere pessimam famam tamquam odorem teterrimum. Augustinus liber 83
quaest. Recte etiam dicit quatriduanus est : ultimum enim elementorum
terra est : significat enim puteum terrenorum peccatorum, idest cupiditatum
carnalium. Augustinus in Ioannem. Fremuit autem dominus,
lacrymavit, voce magna clamavit : quia difficile surgit quem moles
consuetudinis premit. Turbat semetipsum Christus, ut tibi significet quomodo
tu turbari debeas, cum tanta mole peccati gravaris et premeris. Fides enim
hominis sibi displicentis fremere debet in accusatione malorum operum, ut
violentiae poenitentis cedat consuetudo peccandi. Quando dicis : illud feci
et pepercit mihi Deus : Evangelium audivi et contempsi : quid facio? Iam
fremit Christus, quia fides fremit; in voce frementis apparet spes
resurgentis. Gregorius Moralium. Dicitur autem Lazaro veni foras,
ut ab excusatione et occultatione peccati ad accusationem suam ore proprio
exire provocetur; ut qui intra conscientiam suam absconsus iacet per
nequitiam, a semetipso foras exeat per confessionem. Augustinus Lib. 83 quaest. Quod autem Lazarus exiit
de monumento, animam significat recedentem a carnalibus vitiis; quod vero
institis obvolutus, hoc est quod etiam a carnalibus recedentes, et mente
servientes legi Dei, adhuc tamen in corpore constituti, alieni a molestiis
carnis esse non possumus; quod autem facies eius sudario tecta erat, hoc est
quod in hac vita plenam cognitionem habere non possumus; quod autem dicit
solvite eum et sinite abire, hoc est quod post hanc vitam auferuntur omnia
velamina, ut facie ad faciem videamus. Augustinus in Ioannem. Vel aliter. Quando contemnis,
mortuus iaces; quando confiteris, procedis. Quid est enim procedere nisi ab
occultis velut exeundo manifestari? Sed ut confitearis Deus facit, magna voce
clamando, idest magna gratia vocando. Mortuus autem procedens adhuc ligatus
est, confitens adhuc reus; ut autem solverentur peccata eius, ministris hoc
dixit : solvite eum, et sinite abire; quod est : quae solveritis super
terram, erunt soluta et in caelis. Alcuinus. Christus ergo suscitat, quia interius per
seipsum vivificat : solvunt discipuli, quia per ministerium sacerdotum
absolvuntur vivificati. Beda. Per eos autem qui Pharisaeis annuntiaverunt,
significantur nonnulli, qui videntes bona servorum Dei opera, odiis
insequuntur et infamare conantur. |
—
Alcuin : En tant qu'homme, Notre
Seigneur Jésus-Christ était inférieur à son Père, et c'est sous ce rapport
qu'il lui demande la résurrection de Lazare, et qu'il dit en avoir été exaucé
: « Jésus, levant les yeux en haut, dit : Mon Père, je vous rends
grâces de ce que vous m'avez exaucé. » — Origène : (Traité 28 sur Saint
Jean). Il élève les yeux en haut, c'est-à-dire qu'il élève son
âme humaine, et qu'il la conduit par la prière jusqu’à son Père qui est dans
les cieux. Celui donc qui veut imiter la prière de Jésus-Christ doit aussi
élever jusqu'au ciel les yeux de son cœur, et les détacher de toutes les
choses présentes, de tout ce qui remplit sa mémoire, ses pensées, ses
intentions. Mais si Dieu promet d'exaucer la prière de ceux qui remplissent
ces conditions, comme il le déclare par la bouche d'Isaïe : « Pendant que
vous parlerez encore, je dirai : Me voici, » (Is 58, 9) que
devons-nous penser de Notre Seigneur Jésus-Christ notre Sauveur ? Il allait
prier Dieu pour obtenir la résurrection de Lazare, mais celui qui seul est un
Père plein de bonté exauce sa prière avant même qu'il l'ait faite. Et c'est
pour remercier son Père qu'il lui rend grâces en ces termes : « Mon Père,
je vous rends grâces de ce que vous m'avez exaucé...» —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 64). C'est-à-dire qu'il n'y
a aucune contradiction entre vous et moi. Ce langage du Sauveur n'est point
une preuve de son impuissance, ou de son infériorité vis-à-vis de son Père,
car on peut ainsi parler à ses amis et à ses égaux. Pour montrer du reste
qu'il n'avait pas besoin de recourir à la prière, il ajoute : « Pour
moi, je savais que vous m'exaucez toujours, » c'est-à-dire, je n'ai pas
besoin de vous prier pour vous persuader de faire ma volonté; car nous
n'avons tous deux qu'une même volonté; vérité qu'il n'exprime qu'en termes
couverts à cause de la faiblesse de ceux qui l'entendaient; car Dieu a moins
égard à sa dignité qu'à notre salut, aussi nous parle-t-il très peu de ses
grandeurs, et toujours d'une manière voilée, tandis qu'il s'étend comme avec
complaisance, dans ses paroles, sur ses humiliations. —
Saint Hilaire : (de la Trin). Il n'avait donc aucun besoin
de prier, et s'il a prié, c'est pour que nous n’ignorions pas sa filiation
divine : « Mais je dis ceci à cause de ce peuple qui m'entoure, afin
qu'ils croient que vous m'avez envoyé. » La prière lui était inutile, il
prie cependant dans l'intérêt de notre foi. Il n'a pas besoin de secours,
mais nous avons besoin d'être instruits. —
Saint Jean Chrysostome : Il ne dit pas toutefois :
Afin qu'ils croient que je vous suis inférieur (parce que je ne puis rien
faire sans vous prier), mais : « afin qu'ils croient que vous m'avez
envoyé. » Il ne dit pas non plus : Que vous m'avez envoyé, dénué de tout
pouvoir, avec la connaissance de ma dépendance absolue, ne pouvant rien faire
de moi-même, mais : « que vous m'avez envoyé, » afin qu'ils ne
pensent pas que je suis en opposition avec Dieu, et ne disent point : Il ne
vient pas de Dieu, et pour leur montrer que c'est d'après sa volonté que je
vais faire ce miracle. —
Saint Augustin : (serm. 52 sur les par. du Seig).
Jésus s'approche donc du tombeau où était enseveli Lazare, et il
l'appelle à en sortir, non pas comme un mort mais comme s’il était en pleine
santé, et prêt à entendre sa voix : « Ayant ainsi parlé, il cria
d'une voix forte : Lazare, sortez dehors. » Il l'appelle par son nom,
pour faire voir que ce ne sont pas tous les autres morts qu'il appelle à
sortir du tombeau. —
Saint Jean Chrysostome : Il ne lui dit pas :
Ressuscitez, mais : « Venez dehors, » il parle à celui qui était mort,
comme s'il était vivant, il ne lui dit pas non plus : Au nom de mon Père,
sortez dehors, ou bien encore : Mon Père, ressuscitez-le, il laisse de côté
ces formules qui convenaient à un suppliant, et prouve sa puissance par les
faits. Il entrait, en effet, dans les desseins de la sagesse de faire preuve
d'humilité dans ses discours, et de montrer sa puissance dans ses œuvres. —
Théophylactus : La voix forte du Sauveur qui ressuscita Lazare est le symbole de cette
trompette éclatante qui doit se faire entendre à la résurrection générale. (1
Co 15, 52). Le Sauveur élève la voix pour fermer la bouche aux Gentils
qui prétendent sans aucun fondement que les âmes des morts sont dans les
tombeaux, et il appelle à haute voix l'âme de Lazare comme étant absente au
loin. Cette résurrection individuelle de Lazare eut lieu en un clin d'œil,
comme se fera un jour la résurrection générale : « Et aussitôt celui qui
avait été mort, sortit, les pieds et les mains liés de bandelettes et le
visage enveloppé d’un suaire.» Nous voyons dès lors s'accomplir ce que
disait le Sauveur : « L'heure est venue où les morts entendront la voix du
Fils de Dieu, et ceux qui l'entendront vivront. » (Jn 5) — Origène : (Traité 28 sur Saint
Jean). On peut dire avec raison que c'est cette voix forte qui
a ressuscité Lazare, et ainsi se trouve accomplie cette parole du Sauveur : «
[Notre ami Lazare dort], je vais le réveiller. » Le Père qui a exaucé la
prière du Fils a aussi ressuscité Lazare, et cette résurrection est l'œuvre
commune du Fils qui priait et du Père qui l'a exaucé, car de même que le Père
ressuscite les morts et leur rend la vie, « le Fils donne aussi la
vie à qui il veut. » (Jn 5, 21). —
Saint Jean Chrysostome : Lazare sortit les pieds et
les mains liés de bandelettes, pour qu'on ne crût pas qu'il n'était qu'un
fantôme, et ce ne fut pas une chose moins admirable de le voir sortir avec
ces bandelettes [et entouré d'un suaire], que de le voir ressusciter : «
Jésus leur dit : Déliez-le, » afin que ceux qui le toucheraient de leurs
mains fussent bien convaincus que c'était vraiment lui. « Et
laissez-le aller. » Le Sauveur agit ainsi par humilité, et c'est pour
cela qu'il ne prend pas Lazare avec lui, et ne lui commande pas de marcher à
sa suite comme preuve du miracle qu'il vient d'opérer. — Origène : Notre Seigneur avait dit
précédemment : « Je dis ceci à cause de ce peuple qui m'entoure, afin
qu'ils croient que vous m'avez envoyé. » Si aucun de ceux qui étaient
présents n'avaient cru en lui, il eût parlé comme un homme qui n'a aucune
connaissance de l'avenir; aussi est-ce pour éloigner ce soupçon que
l'Evangéliste ajoute : « Plusieurs d'entre les Juifs qui étaient
venus près de Marie et de Marthe et qui avaient vu ce qu’il avait fait, crurent
en lui, mais quelques-uns d'entre eux allèrent trouver les pharisiens et leur
racontèrent ce que Jésus avait fait. » Cette proposition paraît offrir un
sens équivoque : ceux qui allèrent trouver les pharisiens étaient-ils du
grand nombre de ceux qui crurent en Jésus-Christ, et se proposèrent-ils de
concilier à Jésus-Christ les pharisiens animés de dispositions hostiles à son
égard ? ou bien étaient-ils différents de ceux qui crurent en lui, et ne
cherchèrent-ils qu'à exciter contre le Sauveur le zèle plein de jalousie des
pharisiens ? C'est cette dernière supposition qui paraît ressortir du récit
de l'Evangéliste. D'après son récit, en effet, c'est le grand nombre de ceux
qui étaient présents qui crurent en Jésus-Christ, et un petit nombre d'entre
eux dont il ajoute : « Quelques-uns allèrent trouver les pharisiens, et
leur dirent ce que Jésus avait fait. » —
Saint Augustin : (liv. des 83 quest., quest. 65).
Quoique nous admettions avec une foi entière la résurrection de Lazare selon
le récit de l’Évangéliste, je regarde cependant comme certain qu'elle
contient aussi une vérité allégorique; car le sens allégorique d'un événement
ne lui fait perdre en aucune façon son caractère de réalité historique. —
Saint Augustin : (Traité 49). Tout homme qui pèche,
est tombé victime de la mort, mais Dieu, par sa grande miséricorde,
ressuscite les âmes et les sauve ainsi de la mort éternelle. Les trois morts
dont Notre Seigneur a ressuscité les corps sont donc la figure de la
résurrection des âmes. —
Saint Grégoire : (Moral., 4, 25 ou 29). Il a
ressuscité une jeune fille dans sa maison, un jeune homme hors des portes de
la ville, et Lazare déjà enseveli dans le tombeau. Celui qui est mort dans
son péché est comme étendu sans vie dans sa maison; le pécheur est conduit
hors des portes, lorsque son péché affiche le caractère scandaleux d'un péché
public. —
Saint Augustin : (Traité 49). Ou bien, la mort est
encore à l'intérieur lorsque la pensée du mal ne s'est pas encore produite
par un acte extérieur; mais si vous commettez le mal, vous portez pour ainsi
dire le mort hors des portes de la ville. —
Saint Grégoire : (Moral., 4) Le pécheur est comme
oppressé sous la pierre du tombeau, lorsqu'il est écrasé par l'horrible
pierre des mauvaises habitudes qu'il a contractées, mais souvent la grâce
divine éclaire ces pauvres pécheurs d'un rayon de sa lumière. —
Saint Augustin : (liv. des 83 quest., quest.
68). Ou bien Lazare, dans le tombeau, figure encore l'âme qui est comme
accablée sous le poids des péchés de la terre. » —
Saint Augustin : (Traité 49) Et cependant le Seigneur
aimait Lazare, car s'il n'avait pas aimé les pécheurs, il ne serait pas
descendu du ciel sur la terre. C'est à juste titre que l'on dit du pécheur
d'habitude : « Il sent mauvais, » car sa mauvaise réputation se répand
partout comme une odeur infecte. —
Saint Augustin : (liv. des 83 quest). C'est
encore avec raison qu'il est dit : « Il y a quatre jours qu'il est
dans le tombeau » ; car le dernier des éléments c'est la terre, qui
figure l'abîme des péchés de la terre, c'est-à-dire des convoitises
charnelles. —
Saint Augustin : (Traité 49). Jésus frémit, il verse
des larmes, il crie à haute voix, parce qu'il est bien difficile de se
relever pour celui qui est accablé sous le poids de ses habitudes [vicieuses].
Jésus se trouble lui-même pour vous apprendre le trouble dont vous devez être
saisi lorsque vous êtes comme écrasé sous le poids énorme de vos péchés. La
foi de l'homme qui devient pour lui-même un objet d'horreur, doit frémir en
accusant ses actions coupables, afin de faire céder l'habitude du péché à la
violence du repentir. Lorsque vous dites : J'ai commis ce crime, et Dieu m'a
épargné; j'ai entendu la doctrine évangélique, et je l'ai méprisée, qu'ai-je
fait ? Jésus-Christ frémit en vous, parce que la foi frémit, ce frémissement
contient déjà l'espérance de la résurrection. —
Saint Grégoire : (Moral., 22, 9 ou 13). Le Sauveur dit
à Lazare : « Sortez dehors », afin que le pécheur qui
cherche à excuser et à cacher son péché, soit comme forcé par cette voix de
se faire son propre accusateur, et que celui qui est enseveli dans le tombeau
de sa conscience par sa méchanceté, en sorte de lui-même par la confession de
ses fautes. » —
Saint Augustin : (liv. des 83 quest). Lazare,
sortant de son tombeau, est le symbole de l'âme qui se retire des vices de la
chair; les bandelettes dont il reste encore enveloppé nous apprennent que même
si nous avons renoncé aux plaisirs charnels, et si nous voulons obéir de cœur
à la loi de Dieu, nous ne pouvons tant que nous sommes dans ce corps mortel
être entièrement à l'abri des atteintes de la chair. Le suaire dont sa figure
est couverte signifie que nous ne pouvons avoir dans cette vie la pleine connaissance
[de la vérité]. Notre Seigneur ajoute : « Déliez-le, et laissez-le aller,
» pour nous apprendre qu'après cette vie tous les voiles seront enlevés,
afin que nous puissions voir Dieu face à face. —
Saint Augustin : (Traité 49). Ou bien encore, lorsque
vous faites mépris [de la loi de Dieu], vous êtes comme mort et enseveli dans
le tombeau; si vous faites l'aveu de vos fautes, vous sortez de ce tombeau;
car sortir du tombeau, c'est sortir de la retraite cachée de son cœur pour se
produire au grand jour. Mais c'est Dieu qui vous amène à faire cet aveu en
vous appelant à haute voix, c'est-à-dire par une grâce extraordinaire. Le
mort qui sort du tombeau est encore lié, de même que celui qui confesse ses
péchés est encore coupable, et c'est pour le délier de ses péchés que Jésus
dit aux serviteurs : « Déliez-le, et laissez-le aller, » c'est-à-dire,
tout ce que vous aurez délié sur la terre, le sera le ciel. —
Alcuin : C'est donc Jésus-Christ qui
ressuscite, parce que c'est lui qui donne par lui-même la vie à l'intérieur,
ce sont ses disciples qui délient, parce que c'est par le ministère des
prêtres que ceux qu'il vivifie sont absous. —
Saint Bède : Ceux qui vont apprendre aux
pharisiens ce que Jésus a fait, figurent ceux qui, à la vue des bonnes œuvres
des serviteurs de Dieu, les poursuivent de leur haine, et s'efforcent de
noircir leur réputation. |
Lectio 8 |
Versets 47-53 |
[86090] Catena in Io., cap. 11 l. 8 Theophylactus.
Decebat admirari ac extollere eum qui talia peragebat miracula : ipsi vero
potius consiliantur illum occidere; unde dicitur collegerunt ergo pontifices
et Pharisaei Concilium adversus Iesum, et dicebant : quid facimus? Augustinus in Ioannem. Nec tamen dicebant :
credemus; plus enim perditi homines cogitabant quomodo nocerent et perderent,
quam quomodo sibi consulerent ne perirent; et tamen timebant, et quasi
consulebant : dicebant enim quid facimus, quia hic homo multa signa facit?
Chrysostomus in Ioannem. Hominem eum adhuc vocant
qui tantam susceperunt eius deitatis demonstrationem. Origenes in Ioannem. Est autem per ea quae dicuntur
ab ipsis, considerare eorum insipientiam et caecitatem : insipientiam quippe,
quia testificabantur illum et multa peregisse miracula, et tamen aestimabant
se posse adversus eum aemulari, velut non posset pro se adversus eorum
aemulationes. Caecitatis autem hoc ipsum erat : ad facientem enim tot
miracula pertinebat ut se ab eorum insidiis eximeret : nisi forte crederent
quod signa fecit, et putabant ea non fieri divina virtute. Hi quidem igitur
deliberabant non dimittere ipsum, opinantes se per hoc esse impedimento
volentibus credere in eum, et Romanis, ne eis auferrent terram et gentem;
unde sequitur si dimittimus eum sic, omnes credent in eum, et venient Romani
et tollent locum nostrum et gentem. Chrysostomus. Hoc dicentes, populum volunt
concutere, ut periclitandum ex suspicione tyrannidis; quasi dicant : si
Romani viderint eum turbas ducentem, suspicabuntur nos in tyrannidem velle
consurgere, et destruent nostram civitatem. Sed fictio erat quae dicebantur :
quid enim demonstrabat tale? Armigeros circumferebat, et equitaturas
trahebat? Nonne deserta persequebatur? Sed ut non putentur ob passionem suam
hoc dicere, totam civitatem periclitari dicunt. Augustinus. Vel timuerunt ne si omnes in Christum
crederent, nemo remaneret qui adversus Romanos civitatem Dei templumque
defenderent : quoniam contra ipsum templum et contra suas paternas leges
doctrinam Christi esse sentiebant. Temporalia ergo perdere timuerunt, et
vitam aeternam non cogitaverunt : nam et Romani post domini passionem et
glorificationem tulerunt eis et locum et gentem, expugnando et transferendo.
Origenes. Sed et secundum anagogem, locum eorum qui
ex circumcisione sunt gentes occupaverunt, quia per eorum casum salus
gentibus evenit : loco enim gentium Romani ponuntur, ex regnantibus qui regno
suberant nuncupati. Gens etiam ab eis sublata est : quia qui fuit populus
Dei, factus est non populus. Chrysostomus. Cum autem illi haesitabant, et in
ordine consilii proponebant, dicentes quid facimus? Unus inverecunde et cum
crudelitate clamavit : unde sequitur unus autem ex ipsis, Caiphas nomine, cum
esset pontifex anni illius. Augustinus. Movere potest quomodo dicatur pontifex
anni illius, cum dominus constituerit unum summum sacerdotem, cui mortuo unus
succederet. Sed intelligendum est, per ambitiones et contentiones inter
Iudaeos, postea constitutum esse plures fore pontifices, qui per annos
singulos vicibus ministrarent; et forte etiam in unum annum plures administrabant,
quibus alio anno alii succedebant. Alcuinus. Nam de hoc Caipha Iosephus refert, quod
pretio sibi sacerdotium unius anni redemerit. Origenes in Ioannem. Increpatur autem Caiphae
pravitas in hoc quod dicitur pontifex anni illius, quo scilicet noster
salvator exercuit ministerium passionis; et tamen cum esset pontifex anni
illius, dixit eis vos nescitis quidquam, neque cogitatis, quia expedit vobis
ut unus moriatur homo pro populo, et non tota gens pereat; quasi dicat : vos sedetis, et adhuc segnius rem
attenditis; sed attendatis, unius hominis salutem pro communi republica
oportere contemnere. Theophylactus. Hoc autem ipse quidem prava dixit
intentione : tamen spiritus sancti gratia ore eius usa est ad futuri
praesagium; unde subditur hoc autem a semetipso non dixit; sed cum esset
pontifex anni illius, prophetavit quia Iesus moriturus erat pro gente. Origenes. Non quicumque prophetizat, propheta est;
sicut non quicumque ius prosequitur, iustus est, sicut qui facit aliquod opus
propter humanam gloriam. Caiphas ergo prophetavit quidem, nec tamen erat
propheta, sicut et Balaam. Audebit autem quis dicere quod non per spiritum
sanctum Caiphas prophetaverit, quia etiam spiritus maligni est attestari Iesu
et prophetare pro eo, iuxta illud quod dicitur : novimus te quod sis sanctus
Dei : nam eius intentionis est non fideles auditores efficere, sed incitare
in praetorio considentes adversus Iesum, ut eum perimerent. Deinde quod dicit
expedit vobis, quod pars eius prophetiae fuit, dicit verum, vel mentitur? Nam
si verum dicit, salvantur hi qui in praetorio adversus Iesum nituntur, mortuo
Iesu pro populo, et pertingunt ad id quod expedit. Quod si inconveniens est,
manifestum est quod non fuit spiritus sanctus qui dedit haec proferri, quia
spiritus sanctus non mentitur. Si autem quis velit veridicum et in hoc esse
Caipham, concederetur illi quod gratia Dei pro omnibus gustet mortem, et quod
est salvator omnium hominum, maxime fidelium. Fatebitur etiam cuncta quae
sunt in hoc loco prophetiam esse veridicam, incipiendo ab illo vos nihil
scitis; nihil enim noverant qui Iesum ignorabant esse veritatem, sapientiam,
iustitiam et pacem, et quod ipsis quoque erat expediens ut hic unus inquantum
est homo moriatur pro populo; non enim inquantum est imago invisibilis Dei, est
susceptibilis mortis. Pro populo autem obiit, velut potens totius orbis
culpam, in seipsum retorquens, dissipare ac delere. Ex hoc vero quod dicitur
hoc autem a semetipso non dixit, docemur quod aliqua nos homines per nos
dicimus, nulla inducente virtute ad proferendum; quaedam vero suadente nobis
quadam virtute, etsi non integre exprimamus, et sic inconsequenter disponamur
ad ea, insectantes ea quae dicimus, sed non intentionem dictorum; velut
Caiphas ex se nihil protulit, nec dixit intentionem, quia prophetiam dicti
non accipiebat. Sed etiam apud Paulum quidam legisperiti sunt non
intelligentes nec ea quae proferunt. Augustinus. Hic docemur, etiam homines malos
prophetiae spiritu futura praedicere; quod tamen Evangelista divino attribuit
sacramento, quia pontifex fuit, idest summus sacerdos. Chrysostomus. Vide autem quanta spiritus sancti
virtus est : a mente enim mala valuit verba proferre prophetiae. Vide etiam
quanta est pontificalis virtus potestatis : pontifex enim effectus, etsi
indignus existens, tamen prophetavit nesciens quid diceret : ore enim solum
usa est gratia, contaminatum autem cor non tetigit. Augustinus. Caiphas igitur de sola gente Iudaeorum
prophetavit, in qua erant oves, de quibus ait ipse dominus : non sum missus
nisi ad oves quae perierunt domus Israel. Sed noverat Evangelista alias esse
oves, quae non erant de hoc ovili, quas oportebat adduci; et ideo addidit et
non tantum pro gente, sed ut filios Dei, qui erant dispersi, congregaret in
unum. Haec autem secundum praedestinationem dicta sunt : nam neque oves eius,
neque filii Dei adhuc erant. Gregorius Moralium. Persecutores igitur peregerunt
hoc quod perniciose moliti sunt; intulerunt mortem, ut ab eo abscinderent
fidelium devotionem; sed fides inde crevit unde se hanc extinguere infidelium
crudelitas credidit. Ille enim ad pietatis suae obsequium redegit quod contra
illum humana crudelitas extorsit. Origenes. Concitati autem ad iram ex verbis Caiphae,
taxaverunt ut occiderent dominum; unde sequitur ab illo ergo die cogitaverunt
ut interficerent eum. Et quidem si non spiritu sancto Caiphas prophetaverat,
alius spiritus fuit qui valuit et per impium loqui, et sibi compares adversum
Christum incitare. Qui autem vult respondere pro spiritu sancto, dicet quod
sicut sacrarum intentionem Scripturarum ad utilitatem prolatam aliqui prave
suscipiunt ad constituendam enormem disciplinam, sic edita pro salvatore
prophetiam veridicam non debito modo percipientes, consiliati sunt ut
interficerent Christum. Chrysostomus. Quaerebant quidem et prius eum
interficere, nunc et sententiam firmaverunt. |
—
Théophylactus : Les pharisiens auraient dû admirer et exalter l'auteur d'aussi grands
miracles, et au contraire, ils forment le dessein de le mettre à mort : «
Les pontifes et les pharisiens assemblèrent donc le conseil contre Jésus et
dirent : ‘Qu’allons-nous faire’ » —
Saint Augustin : (Traité 49). Ils ne disent point :
Croyons en lui, ces hommes pervers sont bien plus préoccupés de la pensée de
faire le mal et de mettre à mort [un innocent], que des moyens d'assurer leur
propre salut. Et cependant la crainte les agite, et ils se consultent : «
Et ils disaient : Que ferons-nous ? car cet homme opère beaucoup de miracles
? » —
Saint Jean Chrysostome : Ils ne le regardent encore
que comme un homme, après qu'il leur a donné une si grande preuve de sa
divinité. — Origène : (Traité 28 sur Saint Jean). Le
langage que tiennent les pontifes et les pharisiens nous donne une idée de
l'étendue de leur folie et de leur aveuglement. Quelle folie, en effet, de
reconnaître et d'attester que Jésus a opéré un grand nombre de miracles, et
de penser qu'ils pouvaient néanmoins lui dresser des embûches, comme s'il
n'était point capable de déjouer toutes leurs machinations ! Et c’était
cela-même leur aveuglement : ne pas voir que celui qui pouvait opérer de
si grands prodiges, pouvait également échapper à leurs embûches, à moins que
dans leur pensée ses miracles ne fussent pas l'œuvre d'une puissance divine.
Ils forment donc le dessein de ne point le laisser aller, ils s'imaginent par
là empêcher ceux qui le souhaitaient de croire en lui, et s'opposer à ce que
les Romains ne détruisent leur pays et leur nation : « Si nous le laissons
faire, disent-ils, tous croiront en lui, et les Romains viendront nous
prendre et notre lieu saint et notre nation, ». —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 64). En parlant de la sorte,
ils veulent soulever le peuple, comme s'il courait le danger d'être soupçonné
par les Romains de vouloir s'affranchir de leur domination, et leurs paroles peuvent
ainsi se traduire : Si les Romains le voient entraîner la multitude après
lui, ils en prendront ombrage, croiront que nous voulons nous ériger en
pouvoir indépendant, et ils détruiront notre cité. Mais cette supposition
était purement imaginaire; car sur quoi reposait-elle ? Voyait-on Jésus
entouré d'hommes en armes ? traînait-il après lui des escadrons de gardes? Au
contraire, ne cherchait-il pas la solitude ? Ils ne veulent pas qu'on les
soupçonne de vouloir la mort du Sauveur, et ils mettent en avant le danger
que courent leur cité. —
Saint Augustin : Ou bien encore, ils
craignirent que si tous venaient à croire en Jésus-Christ, il ne restât plus
personne pour prendre contre les Romains la défense de leur ville et de leur
temple; car ils se rendaient compte que la doctrine de Jésus-Christ était
contraire à leur temple et aux institutions données à leurs ancêtres. La
crainte donc qu'ils avaient de perdre les choses du temps, les empêcha de
penser à celles de l'éternité, [et ils perdirent les unes et les autres]; car
après la passion et la résurrection glorieuse du Sauveur, les Romains
ruinèrent le pays et la nation des Juifs en les détruisant on en les emmenant
en captivité. — Origène : (Traité 28) Dans le sens
anagogique, les Gentils prirent la place du peuple de la circoncision, parce
que leur chute est devenue le salut des Gentils. (Rm 11, 11). Les
Romains sont mis ici à la place des Gentils, c'est-à-dire ceux qui avaient
l'empire à la place de ceux qui leur étaient soumis. Leur nationalité fut aussi
détruite, car le peuple qui avait été le peuple de Dieu, cessa de l'être. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 65). Pendant qu'ils
hésitaient et qu'ils soumettaient de nouveau cette question à la délibération
du conseil, en disant : « Que faisons-nous, » un d'entre eux s’exclame,
plein d'impudence et de cruauté : « Mais l'un d’eux, nommé Caïphe,
qui était le pontife de cette année-là, leur dit, » —
Saint Augustin : On peut être surpris que
Caïphe soit appelé le pontife de cette année, alors que Dieu n'avait établi
qu'un seul grand-prêtre, qui n'avait de successeur qu'après sa mort. Il faut
donc se rappeler que les prétentions ambitieuses et les rivalités qui
régnaient parmi les Juifs, les avaient amenés à instituer plusieurs
grands-prêtres, qui exerçaient leur ministère tour à tour pendant un an.
Peut-être même il y en avait plusieurs pour une même année, et d'autres leur
succédaient l'année suivante. —
Alcuin : Ainsi, l'historien Josèphe
rapporte que c'est à prix d'argent que Caïphe avait acheté le souverain
pontificat pour cette année-là. — Origène : (Traité 28). La méchanceté de Caïphe
ressort de cette circonstance qu'il était grand-prêtre pour cette année-là,
dans laquelle notre Sauveur accomplit le ministère douloureux de sa passion :
« Or, comme il était pontife de cette année-là, il leur dit : « Vous n'y
entendez rien, et vous ne songez pas qu'il vous est avantageux qu'un seul
homme meure pour le peuple et que toute la nation ne périsse pas. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 65) [référence
à vérifier]. Il semble leur dire : Vous êtes assis tranquillement et
vous délibérez négligemment sur cette affaire, mais veuillez donc réfléchir
que la vie d'un homme doit être comptée pour rien quand il s'agit de
l'intérêt public. — Théophylactus : Il parle de la sorte dans une intention coupable, et cependant
l'Esprit saint se sert de sa bouche pour prophétiser l'avenir : « Or,
il ne dit pas cela de lui-même, mais étant le grand-prêtre de cette année, il
prophétisa que Jésus devait mourir pour la nation. » — Origène : Tout homme qui prophétise
n'est point par-là même prophète, de même qu'on n'est pas juste pour avoir
fait une action juste, si par exemple on l'a faite par un motif de vaine
gloire, Caïphe prophétise donc, mais sans être prophète, pas plus que Balaam.
(Nb 23) Osera-t-on dire que ce n'est point par l'inspiration de
l'Esprit saint que Caïphe a prophétisé, parce que l'esprit mauvais peut
également rendre témoignage à Jésus, et prophétiser dans son intérêt, comme
nous voyons les démons dire à Jésus : « Nous savons qui vous êtes, le
saint de Dieu. » Mais son intention n'est pas de gagner des disciples à
Jésus, c'est, au contraire, d'exciter contre lui ceux qui, dans le conseil
avait mis en lui leur confiance, et de leur arracher une sentence de mort.
D'ailleurs ces paroles : « Il vous est avantageux, » qui sont une
partie de la prophétie, sont-elles vraies ou fausses ? Si elles sont vraies,
il s'ensuit que tous ceux qui, dans le conseil, se déclarent contre Jésus,
seront sauvés, puisque Jésus meurt pour le salut du peuple; et tous
obtiendront cet avantage; mais s'il est absurde [de dire que Caïphe, et les autres
membres du conseil qui délibéraient contre Jésus, soient sauvés], il est
évident que ce n'est pas l'Esprit saint qui lui a dicté ces paroles, parce
que l'Esprit saint ne ment jamais. Si l'on veut cependant que Caïphe ait dit
ici la vérité, on comprendra ce que dit saint Paul : « que la bonté
de Dieu a voulu qu'il mourût pour tous, » (He 2, 9) et qu'il est le
Sauveur de tous les hommes, surtout des fidèles. (1 Tm 4, 10). Il
reconnaîtra que toute cette prophétie est vraie dans son ensemble, à partir
de ces mots : « Vous n'y entendez rien, » car ils ne connaissaient
vraiment rien, eux qui ignoraient que Jésus est la vérité, la justice, la
sagesse et la paix. Il est vrai encore qu'il était avantageux que ce seul
homme (en tant qu'il est homme) mourût pour le peuple, car en tant qu'il est
l'image du Dieu invisible, il ne peut être soumis à la mort. Il est mort pour
le peuple en vertu de la puissance qu'il avait d'effacer et de détruire les
crimes de tout l'univers en les prenant sur lui. Cette réflexion de
l'Evangéliste : « Il ne dit pas cela de lui-même, » nous apprend
qu'il y a des choses que nous pouvons dire par nous-mêmes, sans avoir besoin
pour cela d'aucun secours étranger, mais qu'il en est d'autres qui nous sont
inspirées par une vertu secrète, bien que nous ne les comprenions point dans
toute leur étendue. Dans ce dernier cas, nous nous attachons au sens que
paraissent présenter les choses que nous disons, mais sans comprendre dans
quelle intention elles nous ont été dictées. C'est ainsi que Caïphe ne dit
rien ici de lui-même, et ne pense point faire une véritable prophétie, parce
qu'il ne comprend pas le sens prophétique des paroles qu'il prononce. Tels étaient
ces prétendus docteurs de la loi dont parle saint Paul : « qui n'entendent
ni ce qu'ils disent, ni ce dont ils se portent garants. » (1 Tm 1,
7) —
Saint Augustin : (Traité 49). Nous apprenons par cet
exemple que des hommes livrés au mal peuvent recevoir l'esprit de prophétie
pour prédire l'avenir, ce que l'Evangéliste attribue à un conseil secret de
la divine providence, parce que Caïphe était pontife, c'est-à-dire grand-prêtre
cette année. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 65). Voyez combien grande est
la puissance de l'Esprit saint, qui peut faire sortir d'un esprit corrompu un
oracle prophétique ! Voyez aussi la grandeur et la vertu du pouvoir
pontifical. Caïphe est grand-prêtre, tout indigne qu'il est de cet honneur,
et il prophétise sans savoir ce qu'il dit : La grâce ne s'est servi que de
ses lèvres, et n'effleura même pas le cœur de cet homme profondément
corrompu. —
Saint Augustin : Caïphe ne prophétisa que de
la seule nation des Juifs, dans laquelle se trouvaient les brebis, dont le
Seigneur a dit lui-même : « Je ne suis envoyé qu'aux brebis qui ont
péri de la maison d'Israël. » (Mt 15) Mais l'Evangéliste savait
qu'il y avait d'autres brebis qui n'étaient pas de cette bergerie et qu'il
fallait amener au bercail (Jn 10); et c'est pour cela qu'il ajoute : «
et non seulement pour la nation, mais afin de rassembler en un seul corps les
enfants de Dieu ». Il se place ici au point de rue de la
prédestination, car les Gentils n'étaient alors ni les brebis, ni les enfants
de Dieu. —
Saint Grégoire : (Moral., 6, 12 ou 13 dans
les anc). Les ennemis de Jésus mirent donc à exécution le dessein
criminel qu'ils avaient formé. Ils firent mourir Jésus-Christ, pour empêcher
la piété des fidèles de s'attacher à lui; mais la foi grandit et s'accrut par
les moyens mêmes que la cruauté des impies avait pris pour l'éteindre, et
Jésus fit servir à l'accomplissement de ses desseins miséricordieux ce que la
cruauté des hommes avait inventé contre lui. — Origène : (Traité 28). Ces paroles de Caïphe les enflammèrent de colère, et ils
résolurent dès lors de mettre à mort le Seigneur : « Depuis ce jour ils
pensèrent à le faire mourir. » Si ce n'est point par l'inspiration de
l'Esprit saint que Caïphe a prophétisé, il y eut un autre esprit qui parla
par la bouche de cet impie et qui excita ses semblables contre Jésus-Christ.
Si cependant on veut absolument que l'Esprit saint soit intervenu, on peut
dire que de même qu'on voit des hommes faire servir à l'établissement de leur
monstrueuse doctrine les saintes Ecritures qui ont pour objet l'utilité des
fidèles, de même les pharisiens, en ne prenant point dans son vrai sens la
prophétie véritable qui avait le Sauveur pour objet, en ont tiré comme
conclusion le dessein de le mettre à mort. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 65). Ils cherchaient depuis
longtemps à le faire mourir, et ils s'affermirent plus que jamais dans leur
dessein. |
Lectio 9 |
Versets 54-86
|
[86091] Catena in Io., cap. 11 l. 9 Origenes
in Ioannem. Cum Concilium congregaverunt pontifices et Pharisaei ut
occiderent Iesum, ipse cautius se observans non ultra cum fiducia
conversabatur cum Iudaeis; sed neque ad aliam civitatem abiit populatam, sed
ad quamdam remotam : unde dicitur Iesus ergo iam non in palam ambulabat apud
Iudaeos; sed abiit in regionem iuxta desertum, in civitatem quae dicitur
Ephrem. Augustinus in Ioannem. Non quia potentia eius
defecerat, in qua, si vellet, palam cum Iudaeis conversaretur, et nihil ei
facerent; sed exemplum discipulis demonstravit, quo appareret non esse
peccatum, si fideles eius oculis persequentium se subtraherent, et furorem
sceleratorum latendo potius evitarent, quam se ostendendo magis accenderent.
Origenes. Honestum namque est imminente agone
confitenti Iesum non evitare confessionem, nec recusare subire mortem gratia
veritatis; nec minus honestum est non tradere occasionem tantae tentationi,
non solum propter incertitudinem eventus proprii, sed ne nos occasionem
praestemus ut alii magis impii ac noxii fiant : nam si quis factus erga
quemquam materia criminis luet poenas, quo modo persecutorem non declinans,
non etiam et persequentis delicto dabit responsum? Non solus autem dominus
illuc ivit, immo, ut nullam daret causam perquirentibus eum, discipulos etiam
secum duxit; unde sequitur et ibi morabatur cum discipulis suis. Chrysostomus in Ioannem. Qualiter putas turbatos
discipulos humane videntes eum salvatum? Ipsi autem, quando omnes laetabantur
et festa celebrabant, tunc occultantur, et in periculis sunt; sed tamen
permanebant cum eo, secundum illud : vos estis qui permansistis mecum in
tentationibus meis. Origenes. Quo ad anagogiam vero dicatur, quod Iesus
dudum cum fiducia ambulabat inter Iudaeos, cum verbum divinum per prophetas
in ipsis conversabatur; sed abiit illinc, nec est verbum Dei inter Iudaeos.
Accessit autem ad villam quae est prope desertum, de qua dicitur : multi
filii desertae magis quam coniugatae. Villa autem dicitur Ephrem, qui
interpretatur fertilitas. Fuit autem Ephraim frater Manasse senioris populi
oblivioni traditi : post populum enim oblivioni datum et praetermissum
prodiit ex gentibus abundantia. Discedens ergo a Iudaeis dominus, venit in
terram totius orbis prope desertam Ecclesiam, quae dicitur civitas fecunda;
et ibi moratur cum discipulis usque nunc. Augustinus in Ioannem. Ille autem qui de caelo venerat
pati, propinquare voluit loco passionis, quia imminebat hora passionis; unde
sequitur proximum autem erat Pascha Iudaeorum. Habebant Iudaei Pascha in
umbra, nos in luce : sanguine occisi pecoris Iudaeorum postes signati sunt;
sanguine Christi frontes nostrae signantur. Illum diem festum Iudaei cruentum
habere domini sanguine voluerunt; illo die festo occisus est agnus, qui
eumdem diem festum suo sanguine consecravit. Mandatum autem erat in lege
Iudaeis ut die festo, quo Pascha erat, omnes undique convenirent, et illius
diei celebratione sanctificarentur; unde sequitur et ascenderunt multi
Hierosolymam de regione ante Pascha ut sanctificarent seipsos. Theophylactus. Ascenderunt autem ante Pascha ut
purgarentur : quoniam quicumque peccaverant inviti vel spontanei, Pascha non
celebrabant, nisi prius expiarentur, ut moris erat, balneationibus et
ieiuniis, ac rasura, quin etiam quasdam deputatas oblationes offerendo. Hi
ergo expiationem celebrantes, insidiantur domino; unde sequitur quaerebant
ergo Iesum, et colloquebantur ad invicem in templo stantes : quid putatis
quia non venit ad diem festum? Chrysostomus. Insidiabantur ei, et tempus festi
tempus faciebant occisionis. Origenes. Et propter hoc non dixit Pascha domini,
sed Iudaeorum : nam salvator in illo patiebatur insidias. Alcuinus. Illi ergo quaerebant Iesum non bene; nos
autem quaerimus eum stantes in templo Dei, mutuo nos consolando et exorando
ut veniat ad diem festum nostrum, et sua praesentia nos sanctificet. Theophylactus. Sed si talia solum vulgus perageret,
videretur utique passio ex imperitia progredi; sed etiam Pharisaei
praecipiunt ut capiatur; unde sequitur dederant autem pontifices et Pharisaei
mandatum ut si quis cognoverit ubi sit, indicet ut apprehendant eum. Origenes. Et attende, quod ignorabant ubi est :
ostensum est enim eum discessisse. Dices etiam quoniam insidiantes Iesu
ignorabant ubi sit : propter quod dederunt alia quam divina mandata, docente
disciplinas et mandata hominum. Augustinus. Nos autem indicemus modo Iudaeis ubi
sit. Utinam velint audire et apprehendere. |
— Origène : (Traité 28). Jésus ayant appris la
résolution que les prêtres et les pharisiens avaient prise dans leur conseil
de le mettre à mort, s'environna de plus de précautions, et ne se montra plus
avec autant de confiance au milieu des Juifs. Il choisit pour retraite non
une cité populeuse, mais une petite ville éloignée [et située près du désert]
: « C'est pourquoi Jésus ne se montrait plus en public parmi les Juifs, mais il se retira dans une contrée voisine
du désert, dans une ville nommée Ephraïm.» —
Saint Augustin : (Traité 19). Ce n'est pas que sa puissance
lui fît défaut, et il aurait très bien pu, s'il avait voulu, demeurer
publiquement au milieu des Juifs, sans avoir rien à craindre, mais il voulut apprendre
par son exemple à ses disciples, qu'il n'y a pour eux aucun péché à se
dérober à [la haine de] leurs persécuteurs, et qu'il vaut mieux échapper en
se cachant à leur fureur sacrilège, que de la rendre plus ardente en
paraissant à leurs yeux. — Origène : Il est beau pour confesser le nom de Jésus, de ne point rougir
d’affronter le combat qui se présente, et de ne point refuser de souffrir la
mort pour la défense de la vérité; mais il n'est pas moins beau de ne pas
donner occasion à une si grande épreuve, non seulement parce que nous ne
pouvons pas prévoir l'issue d'un si grand combat, mais parce que nous devons
éviter de donner aux impies et aux méchants les moyens de le devenir
davantage; car si celui qui devient pour un autre une occasion de péché,
portera nécessairement la peine de ce péché, celui qui ne fuit point la
persécution, [lorsqu'il le peut], ne sera-t-il pas aussi responsable du crime
de son persécuteur ? Et le Seigneur ne se rendit pas seul dans cet endroit
écarté, mais pour ôter tout motif à ses ennemis de le chercher, il y
conduisit avec lui ses disciples : « Et il y demeurait avec ses
disciples. » —
Saint Jean Chrysostome : Combien les disciples durent
être troublés en voyant leur divin Maître échapper au danger par des moyens
humains[, et comme forcé de chercher un refuge pour se dérober à la poursuite
de ses ennemis] ? Tous sont dans la joie et l'allégresse qui accompagnent les
grandes solennités, eux, au contraire, se cachent exposés qu'ils sont à de
grands dangers; cependant ils persévèrent avec le Sauveur, suivant la parole
qu'il leur avait dite : « C'est vous qui êtes demeurés avec moi au milieu
de mes épreuves. » — Origène : Dans le sens anagogique, on
peut dire que Jésus demeurait avec confiance au milieu des Juifs, alors que
le Verbe divin habitait avec eux dans la personne des prophètes; mais il s'en
est retiré, et le Verbe de Dieu n'est plus avec les Juifs. Il se rendit dans
une petite ville qui était près du désert et dont le prophète a dit : « Les
enfants de la femme abandonnée (ou déserte) sont plus nombreux que les enfants
de l'épouse. » Cette ville s'appelait Ephrem, qui veut dire fertilité;
or, Ephraïm fut le frère de Manassé, c'est-à-dire du peuple ancien livré à
l'oubli, car c'est après que ce peuple eut été livré à l'oubli et abandonné,
que l'abondance sortit du milieu des nations. Notre Seigneur quitte donc le
pays des Juifs et vient dans la terre de tout l'univers, auprès de l'Eglise
déserte et abandonnée, et dont le nom veut dire cité féconde, et il y demeure
avec ses disciples. —
Saint Augustin : (Traité 50 sur Saint Jean). Celui
qui était descendu du ciel pour souffrir, voulut se rapprocher du lieu de sa
passion, parce que l'heure de sa mort approchait : « Or, la Pâque des
Juifs était proche, ». Les Juifs n'avaient que l'ombre de la vraie Pâque,
nous en avons la lumière; le haut des portes des maisons juives était marqué
du sang de l'agneau immolé, nos fronts sont marqués du sang de Jésus-Christ.
Les Juifs ont voulu ensanglanter ce jour en répandant le sang du Seigneur, et
l'Agneau qui a été immolé a consacré à jamais ce jour de fête par son sang.
La loi faisait un précepte aux Juifs de se réunir à Jérusalem pour cette fête
de la Pâque, de toutes les parties de la Judée, et de se sanctifier par la
célébration de cette grande fête : « Un grand nombre de Juifs, dit
l'Evangéliste, montèrent de la province à Jérusalem avant la Pâque, pour
se purifier. » — Théophylactus : Ils se rendirent à Jérusalem avant la Pâque pour se purifier, parce
que ceux qui s'étaient rendus coupables d'une faute volontaire ou
involontaire ne célébraient point la Pâque avant de s'être purifiés, selon la
coutume, par des bains, par des jeûnes, en se rasant les cheveux, et aussi en
faisant les offrandes qui étaient commandées à cet effet. C'est donc pendant
le temps qu'ils accomplissaient ces purifications légales qu'ils cherchent à
tendre des pièges au Sauveur. « Ils cherchaient donc Jésus, et se disaient
les uns aux autres : Que pensez-vous de ce qu'il n'est pas venu pour la fête
? » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 65). Ils lui tendent des
embûches jusque dans cette fête de Pâque, et font de cette grande solennité
un temps d'homicide. — Origène : Aussi l'Evangéliste ne dit
pas : La Pâque du Seigneur, mais : « La Pâque des Juifs, » parce
qu'ils dressaient des embûches au Sauveur dans cette fête. —
Alcuin : Les Juifs cherchaient
Jésus-Christ avec de mauvaises intentions; pour nous, nous le cherchons en
restant dans le temple de Dieu à nous consoler, à nous exhorter mutuellement,
et à demander qu'il se rende à notre jour de fête, et nous sanctifie par sa
présence. — Théophylactus : S'il n'y avait que le peuple pour s'occuper de ce dessein [sanguinaire],
on pourrait dire que sa passion a été le résultat de l'ignorance, mais ce
sont les pharisiens eux-mêmes qui donnent l'ordre de se saisir de sa personne
: « Or, les pontifes et les pharisiens avaient donné ordre que si
quelqu'un savait où il était, il le déclarât, afin qu'ils le fissent
prendre. » — Origène : Remarquez qu'ils ignoraient où il était; car, nous avons dit qu'il
avait quitté la ville de Jérusalem. Vous irez ajouter qu'en cherchant à
tendre des pièges à Jésus, ils ne savent où il est, et qu'ils donnent des
commandements bien différents des commandements divins, en enseignant des
maximes et des ordonnances tout humaines. —
Saint Augustin : Pour nous, indiquons aux
Juifs où Jésus se trouve [maintenant]. Plaise à Dieu qu'ils veuillent nous
entendre et se saisir de lui ! [Qu'ils viennent dans l'Eglise, qu'ils
apprennent où se trouve Jésus-Christ, et qu'ils s'emparent de sa personne]. |
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Caput 12 |
CHAPITRE XII
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Lectio 1 |
Versets 1-11
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[86092] Catena in Io., cap. 12 l. 1 Alcuinus. Appropinquante
tempore in quo dominus pati disposuit, appropinquavit ipse loco in quo
eiusdem passionis dispensationem perficere voluit; unde dicitur Iesus ergo
ante sex dies Paschae venit in Bethaniam. Primo venit in Bethaniam, deinde
Hierosolyma. In Hierosolymam quidem ut ibi pateretur; in Bethaniam vero ut
resuscitatio Lazari memoriae omnium arctius imprimeretur; unde subditur ubi
fuerat Lazarus mortuus, quem suscitavit Iesus. Theophylactus. Decima autem die mensis agnum Iudaei
capiunt immolandum in festo Paschae, ex tunc enim festivitatis praelibant
solemnia : quapropter in die quae est nona mensis, et praecedit sextum diem ante
Pascha, epulantur splendide, et exordium festi hanc diem constituunt : quo
fit ut Iesus quoque pergens Bethaniam convivaretur; unde sequitur fecerunt
autem ei coenam ibi, et Martha ministrabat. Per hoc autem quod dixit quod
Martha ministrabat, insinuat quod in illius domo erat convivium. Sed attende
mulieris fidelitatem : non enim famulabus imponit ministerium, sed ipsamet
suscepit. Innuere autem volens Evangelista verae resurrectionis Lazari
signum, subdit Lazarus vero unus erat ex discumbentibus cum eo. Augustinus in Ioannem. Vivebat, loquebatur,
epulabatur, veritas ostendebatur, infidelitas Iudaeorum confundebatur. Chrysostomus in Ioannem. Maria autem non faciebat
communem famulatum, sed ad solum dominum constituit honorem, et non ut ad
hominem accedit, sed ut ad Deum; unde sequitur Maria ergo accepit libram
unguenti nardi pistici pretiosi, et unxit pedes Iesu, et extersit capillis
suis pedes eius. Augustinus. Quod ait pistici, locum aliquem credere
debemus, unde erat hoc unguentum pretiosum. Alcuinus. Vel pistici, idest fidelis, nec extraneis
speciebus adulterati. Haec est illa mulier quae quondam peccatrix in domo
Simonis venit ad dominum cum alabastro unguenti. Augustinus de Cons. Evang. Quod autem hoc in
Bethania rursus fecit, aliud est quod ad Lucae narrationem non pertinet, sed
pariter narratur a tribus, Ioanne scilicet, Matthaeo et Marco. Quod ergo
Matthaeus et Marcus caput domini unguento illo perfusum dicunt, Ioannes autem
pedes; non solum caput, sed et pedes domini accipiamus perfudisse mulierem.
Matthaeus et Marcus recapitulando ad illum diem redeunt in Bethaniam, qui
erat ante sex dies Paschae, et narrant quod Ioannes de coena et unguento.
Sequitur et domus impleta est ex odore unguenti. Augustinus in Ioannem. Ad apostolum revoca intentionem,
qui dicit : aliis sumus odor vitae ad vitam, aliis sumus odor mortis ad
mortem; denique audies hinc ex unguento isto, quomodo erat aliis odor bonus
in vitam, aliis odor malus in mortem; unde sequitur dixit ergo unus ex
discipulis suis, Iudas Iscariotes, qui erat eum traditurus. Augustinus de Cons. Evang. Quod alii dicunt
discipulos murmurasse de unguenti pretiosi effusione, Ioannes autem Iudam
commemorat, puto discipulorum nomine Iudam significatum, plurali numero pro
singulari usurpato. Potest etiam intelligi quod alii discipuli aut senserint
hoc, aut dixerint, aut eis Iuda dicente persuasum sit : atque omnium
voluntatem Matthaeus et Marcus verbis etiam expresserint; sed Iudas propterea
dixerit quia fur erat, ceteri propter pauperum curam; Ioannem vero de solo
illo id commemorare voluisse, cuius ex hac occasione furandi consuetudinem
credidit intimandam; nam sequitur dixit autem hoc, non quia de egenis
pertinebat ad eum; sed quia fur erat, et loculos habens, ea quae mittebantur
portabat. Alcuinus. Portabat ministerio, exportabat furto.
Augustinus in Ioannem. Non tunc periit Iudas quando
accepit a Iudaeis pecuniam, ut dominum traderet : iam fur erat, dominum
perditus sequebatur non corde, sed corpore. Voluit autem per hoc dominus nos
admonere ut malos toleremus, ne corpus Christi dividamus. Qui aliquid de
Ecclesia furatur, Iudae perdito comparatur. Tolera malum bonus, ut venias ad
praemium bonorum, ne immittaris in poenam malorum. Exemplum domini accipite
conversantis in terra. Quare habuit loculos cui Angeli ministrabant, nisi
quia Ecclesia ipsius loculos habitura erat? Quare fures admisit, nisi ut eius
Ecclesia fures dum patitur toleraret? Sed ille, qui consueverat de loculis
pecuniam tollere, non dubitavit accepta pecunia ipsum dominum vendere. Chrysostomus in Ioannem. Ideo etiam ei furi
existenti loculos commisit pauperum, ut omnem abscinderet occasionem : non
enim habuit dicere quoniam propter pecuniarum desiderium hoc fecit; etenim
sufficientem habebat ex loculo concupiscentiae mitigationem. Theophylactus. Quidam vero administrationem pecuniae
suscepisse Iudam fatentur, tamquam minimum omnium. Nam pecuniae
administratio, doctrinae administratione inferior est, secundum quod dicunt
apostoli : non est aequum nos derelinquere verbum Dei, et ministrare mensis.
Chrysostomus. Christus autem multa condescensione ad
Iudam utens, non increpavit eum surripientem, sed communem intulit
excusationem; nam sequitur dixit ergo Iesus : sinite illam, ut in diem
sepulturae meae servet illud. Alcuinus. Significat se moriturum, et ad sepeliendum
aromatibus esse ungendum; ideo Mariae, cui ad unctionem mortui corporis
multum desideranti pervenire non liceret, donatum sit viventi adhuc impendere
obsequium, quod post mortem celeri resurrectione praeventa nequiret. Chrysostomus. Rursus etiam propter proditorem
rememoratus est sepulturae; ac si dicat : gravis sum tibi et onerosus; sed
expecta parum, et abibo; et hoc ostendit, cum subdit pauperes enim semper
habebitis vobiscum, me autem non semper habebitis. Augustinus in Ioannem. Loquebatur de praesentia
corporis sui : nam secundum maiestatem suam, secundum providentiam, secundum
ineffabilem et invisibilem gratiam, impletur quod ab eo dictum est : ecce ego
vobiscum sum usque ad consummationem saeculi. Vel aliter. In Iudae persona
significati sunt in Ecclesia mali : si enim bonus homo es, habes Christum et
in praesenti per fidem et sacramentum, et habebis semper : quia cum hinc
exieris, ad illum venies, qui dixit latroni : hodie mecum eris in Paradiso.
Si autem male versaris, videris habere in praesenti Christum, quia baptizaris
Baptismo Christi, accedis ad altare Christi; sed male vivendo non semper
habebis. Non autem dixit : habes, sed habebis, quia unus malus corpus malorum
significat. Sequitur cognovit ergo turba multa ex Iudaeis quia illic esset,
et venerunt, non propter Iesum tantum, sed ut Lazarum viderent, quem
suscitavit a mortuis. Curiositas eos adduxit, non caritas. Theophylactus. Visores enim suscitati fieri
cupiebant, expectantes etiam de Inferis aliquid Lazaro referente perpendere.
Augustinus. Quia vero tantum miraculum domini tanta erat evidentia
diffamatum, ut non possent vel occultare quod factum est, vel negare,
cogitaverunt ut Lazarum interficerent; unde sequitur cogitaverunt autem
principes sacerdotum ut et Lazarum interficerent. O caeca saevitia. Quasi
dominus suscitare potuerit mortuum, et non possit occisum. Ecce utrumque
dominus fecit : et Lazarum mortuum, et seipsum suscitavit occisum. Chrysostomus in Ioannem. Nullum autem miraculum
Christi eos ita furere fecit : hoc enim mirabilius erat, et coram multis
factum est; et erat inopinabile, mortuum quatriduanum videre ambulantem et
loquentem. Aliter etiam isti in aliis putabant criminari sabbati solutionem,
et hac via abducere turbas; hic autem quia a nullo habebant conqueri contra
Iesum, adversum Lazarum faciunt conatum : itaque et in caeco hoc fecissent,
nisi haberent accusationem de sabbato. Aliter autem. Ille quidem ignobilis
erat, et eiecerunt eum de templo : hic vero clarus. Hoc etiam eos mordebat
quod festivitatem instantem omnes dimittentes, Bethaniam veniebant. Alcuinus. Mystice autem quod ante sex dies venerat
Bethaniam, significat quod ille qui sex diebus omnia fecerat, et sexto die
hominem creaverat, ipsa sexta mundi aetate, sexta feria, sexta hora redimere
mundum venerat. Coena autem dominica, fides est Ecclesiae, quae per
dilectionem operatur. Martha ministrat, cum fidelis anima opera suae
devotionis domino impendit. Lazarus unus erat ex discumbentibus, cum ii qui
post peccatorum mortem resuscitati sunt ad iustitiam, una cum eis qui in sua
permanserunt iustitia, de praesentia veritatis exsultant, et caelestis
gratiae muneribus aluntur. Et bene in Bethania celebratur, quae interpretatur
domus obedientiae : nam Ecclesia est obedientiae domus. Augustinus. Unguentum autem quo Maria unxit pedes
Iesu, iustitia fuit, ideo libra fuit. Erat autem unguentum nardi pistici
pretiosi. Pistis Graece, Latine fides dicitur. Quaerebas operari iustitiam?
Iustus ex fide vivit. Unge pedes Iesu bene vivendo, dominica sectare
vestigia, capillis terge; si habes superflua, da pauperibus, et domini pedes
tersisti : capilli enim superflua corporis videntur. Alcuinus. Et notandum, quod primo tantum pedes
unxerat, hic autem pedes et caput unxit; ibi rudimenta poenitentium, hic
iustitia perfectarum designatur animarum. Per caput enim domini sublimitas
divinitatis, per pedes humilitas incarnationis exprimitur; vel per caput ipse
Christus, per pedes pauperes, qui sunt membra eius. Augustinus. Domus autem repleta est odore, mundus
impletus est bona fama. |
—
Alcuin : Le temps où le Sauveur avait
résolu de souffrir approchait; il se rapprocha donc aussi du lieu où il
devait accomplir la mystérieuse économie de sa passion : « Jésus donc, six
jours avant la Pâque, vint à Béthanie. » Il se rend d'abord à Béthanie,
puis à Jérusalem; à Jérusalem pour y souffrir, à Béthanie pour que la
résurrection de Lazare s'imprimât plus profondément dans la mémoire de tous;
et c'est pour cela que l'Evangéliste ajoute : « où était mort Lazare,
qu'il avait ressuscite. » — Théophylactus : Le dixième jour du mois,
les Juifs prennent un agneau pour l'immoler lors des fêtes de Pâques; c'est
de ce jour que commence pour eux les solennités de cette fête. Voilà pourquoi
le neuvième jour du mois, qui précède le sixième jour avant la Pâque, ils
font un festin splendide, et ce jour est comme l'ouverture de cette grande
fête; c'est pour cela que Jésus, venant à Béthanie, prend part à un festin de
ce genre : « On lui prépara là un souper, et Marthe servait.» En nous
disant que Marthe servait à table, l'Evangéliste nous fait entendre que ce
repas avait lieu dans sa maison. Mais considérez la foi de cette femme; elle
ne charge pas les femmes de service de servir à table, elle-même remplit et
office. L'Evangéliste nous donne encore une preuve évident la résurrection de
Lazare, en ajoutant : « Lazare était un de ceux qui étaient assis à
table avec lui. » —
Saint Augustin : (Traité 50 sur Saint Jean). Il
était donc vivant, il parlait, il mangeait, la vérité se montrait au grand
jour, et l'incrédulité des Juifs était confondue. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 65). Quant à Marie, elle ne
s'occupe point du service ordinaire, elle est tout entière à l'honneur
qu'elle veut rendre à son divin Maître, et elle s'approche de lui non comme
d'un homme, mais comme d'un Dieu : « Or, Marie prit une livre de parfum de
nard pur, d'un grand prix, le répandit sur les pieds de Jésus, et les essuya
avec ses cheveux, ». —
Saint Augustin : Le mot pistici indique
probablement le lieu d'où venait ce parfum précieux. —
Alcuin : Ou bien ce mot ajouté à
celui de parfum, veut dire qu'il était pur (de fides), et n'était
mélangé d'aucune substance étrangère. Marie était cette femme pécheresse qui
était déjà venue trouver le Seigneur dans la maison de Simon, avec un vase de
parfum. —
Saint Augustin : (de l'accord des
Evang., 2, 79). Ce fait, qui se répète à Béthanie, est différent de celui
que raconte saint Luc; mais il est également raconté par les trois autres
évangélistes, saint Jean, saint Matthieu et saint Marc. Dans saint Matthieu
et dans saint Marc, le parfum est répandu sur la têe; dans saint Jean, il est
répandu sur les pieds; mais nous devons entendre que Marie le répandit non seulement
sur la tête, mais encore sur les pieds du Seigneur. C'est comme par
récapitulation que saint Matthieu et saint Marc parlent de ce fait, qui eut
lieu à Béthanie, six jours avant la Pâque, et qu'ils racontent le repas dont
parle ici saint Jean, et du parfum [qui fut répandu sur le Sauveur]. « Et la maison fut remplie de l'odeur du parfum. » —
Saint Augustin : (Traité 80). Rappelez-vous ces
paroles de l'Apôtre : « Aux uns nous sommes une odeur de mort pour la
mort, et aux autres une odeur de vie pour la vie, » (2 Co 2, 16)
et vous comprendrez par ce parfum comment il était pour les uns une bonne
odeur qui donnait la vie, et pour les autres une mauvaise odeur qui donnait
la mort : « Alors un de ses disciples, Judas Iscariote, qui devait le
trahir, dit : [Pourquoi n'a-t-on pas vendu ce parfum trois cents deniers,] ». —
Saint Augustin : Les autres
évangélistes disent que les disciples murmurèrent également à la vue de ce
parfum répandu, saint Jean ne parle que de Judas, on peut donc dire que saint
Matthieu et saint Marc ont voulu désigner Judas sons le nom des disciples en
général, en mettant le pluriel pour le singulier. On peut encore dire que les
disciples eurent la même pensée que Judas, ou qu'ils l'exprimèrent, ou que
Judas leur fit partager sa manière de voir, et que saint Matthieu et saint
Marc ont exprimé ce qu'ils pensaient intérieurement. Mais Judas parle ainsi
parce que c'était un voleur, et les autres par intérêt pour les pauvres, et
Jean n'a cru devoir ici mentionner que celui dont il voulait faire apparaître
l'habitude de voler : « Il dit cela, non qu'il se souciât des choses, mais
parce qu'il était voleur, et qu'ayant la bourse, il portait ce qu'on y
déposait. » —
Alcuin : Son devoir était de la
porter, son crime de la voler. —
Saint Augustin : La perversion de Judas ne
date pas seulement du jour où il reçut des Juifs la somme d'argent pour leur
livrer Notre-Seigneur, bien auparavant il était voleur, il était déjà perdu,
et suivait Jésus, non de cœur, mais de corps seulement. Le Seigneur voulut
nous apprendre ainsi à supporter les méchants pour ne point diviser le corps
de Jésus-Christ. Celui qui vole l'Eglise en quelque chose, est semblable au
traître Judas. Si vous êtes bon, tolérez les mauvais pour obtenir la
récompense des bons, et ne point partager le supplice des méchants. Prenez
exemple sur la conduite du Seigneur, lorsqu'il vivait sur cette terre;
pourquoi lui qui avait les anges pour le servir, voulut-il que ses disciples aient
une bourse à son usage, sinon pour nous apprendre qu'il serait aussi permis à
son Eglise d'avoir de l'argent en réserve ? Pourquoi permit-il qu'il y eût un
voleur dans sa compagnie, si ce n'est pour enseigner à son Eglise à supporter
les voleurs qu'elle aurait dans son sein ? Remarquez cependant que celui qui
avait contracté l'habitude de dérober l’argent de la bourse, n'hésita pas à
vendre le Seigneur pour une somme d'argent. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 65). Jésus lui confia,
quoiqu'il fût un voleur, la bourse des pauvres, pour ôter tout prétexte, à sa
trahison, car il ne peut alléguer que c'est le désir d'avoir de l'argent qui
l'avait porté à cet excès, puisqu'il trouvait dans la bourse qu'il portait de
quoi satisfaire abondamment ce désir. — Théophylactus : Il en est qui pensent que Judas fut chargé de l'emploi [et de la
distribution] de l'argent, comme le dernier des apôtres, car l'administration
de l'argent est inférieure à la prédication de la doctrine, selon ce que
disent les Apôtres eux-mêmes : « Il n'est pas juste que nous abandonnions
la parole de Dieu pour le service des tables. » (Ac 6, 2). —
Saint Jean Chrysostome : Cependant Jésus-Christ fait
preuve de la plus grande bonté à l'égard de Judas, il ne lui reproche pas les
vols qu'il a commis, il donne à l'action de cette femme une excuse générale :
« Jésus lui dit donc : Laissez-la réserver ce parfum pour le jour de
ma sépulture. » — Alcuin : Notre Seigneur prédit ainsi
qu'il doit mourir et que son corps doit être embaumé avec des parfums, et
comme Marie, malgré tout son désir, ne pourrait embaumer son corps après sa
mort qui devait être suivie d'une résurrection si prompte, il lui permet de
lui rendre cet hommage pendant sa vie. —
Saint Jean Chrysostome : En rappelant le souvenir de
sa sépulture, il veut encore donner un avertissaient à son traître disciple,
et il semble lui dire : Je vous suis à charge, ma présence vous pèse, mais
attendez un peu, et je m'en irai; c'est ce que signifient ces paroles : «
Vous avez toujours des pauvres avec vous, mais vous ne m'aurez pas
toujours. » —
Saint Augustin : Il parlait ici de sa
présence corporelle, car sous le rapport de sa majesté divine, de sa
providence, de sa grâce ineffable et invisible, il accomplit cette promesse
qu'il a faite [à ses disciples] : « Voici que je suis avec vous jusqu'à la
consommation des siècles. » Ou bien encore, Judas est la figure de tous
les méchants dans l’Église; si vous êtes bon, vous jouissez de la présence de
Jésus-Christ par la foi dans son sacrement, et vous en jouirez toujours, car
vous ne sortirez de cette vie que pour aller trouver celui qui a dit au bon
larron : « Aujourd'hui vous serez avec moi dans le paradis. » Mais si
votre conduite est mauvaise, vous paraîtrez jouir de la présence de
Jésus-Christ pendant cette vie, parce que vous avez reçu son baptême, parce
que vous vous approchez de son autel, mais à cause de votre vie criminelle
vous ne la posséderez pas pour toujours ; Jésus ne dit pas : Tu as, mais
: « Vous aurez, » parce que dans un seul homme mauvais, il voit la figure de
tous les méchants. « Une grande multitude de Juifs surent qu'il était là,
et ils vinrent, non à cause de Jésus seulement, mais pour voir Lazare qu'il était
ressuscité d'entre les morts. » C'est la curiosité qui les amène et
non la charité. — Théophylactus : Ils désiraient voir celui qu'il avait ressuscité, dans l'espérance
d'apprendre de Lazare quelque nouvelle des enfers. —
Saint Augustin : (Traité 30). Ce miracle que Notre
Seigneur avait opéré, portait avec lui un caractère si éclatant d'évidence,
il avait reçu d'ailleurs une si grande publicité, qu'ils ne pouvaient ni le
dissimuler, ni le nier ; ils formèrent le projet de faire mourir Lazare.
« Les grands-prêtres décidèrent de faire mourir aussi Lazare. » Cruauté
aveugle ! Est-ce que le Seigneur, qui a pu ressusciter un homme mort, ne
pourrait le ressusciter s'il était tué ? Voici qu'il a fait l'un et l'autre :
Il a ressuscité Lazare qui était mort, et il s'est ressuscité lui-même, après
que les Juifs l'eurent fait mourir de mort violente. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 66). Aucun miracle de
Jésus-Christ ne leur causa une si grande fureur, il était un des plus
éclatants, il avait été fait devant un grand nombre de témoins, et c'était un
spectacle vraiment extraordinaire que de voir marcher et parler un mort de
quatre jours. On peut dire encore que dans d'autres circonstances, ils
croyaient pouvoir détacher la multitude de Jésus, en l'accusant de violer la
loi du sabbat, mais comme ici ils ne pouvaient formuler contre lui aucune
accusation, ils tournent tous leurs efforts contre Lazare; c'est ce qu'ils auraient
fait à l'égard de l'aveugle-né, s'ils n'avaient cru pouvoir accuser Jésus
d'avoir violé la loi du sabbat. Peut-être encore, comme l'aveugle-né était de
condition obscure, se contentèrent-ils de le chasser du temple ; Lazare,
au contraire, était d'une famille distinguée, [comme on le voit par le grand
nombre de ceux qui étaient venus pour consoler ses sœurs]. Ce qui les
blessait encore profondément, c'est que tout le monde quittait la fête qui
commençait pour se rendre à Béthanie. —
Alcuin : Dans le sens mystique,
Jésus, en venant à Béthanie six jours avant la Pâque, nous apprend que celui
qui avait fait tout l'univers en six jours, et créé l'homme le sixième jour,
était venu racheter le monde au sixième âge du monde, le sixième jour de la
semaine et à la sixième heure. Le festin que l'on prépare au Seigneur, c'est
la foi de l'Eglise qui opère par la charité. (Gal 5, 7) Marthe sert le
Seigneur dans toute âme fidèle qui offre à Jésus l'hommage de sa piété et de
sa dévotion. Lazare, qui était un de ceux qui étaient assis à table avec lui,
est la figure des pécheurs qui, après être morts au péché, sont ressuscités à
la justice, se réjouissent de la présence de la vérité avec ceux qui ont
persévéré dans la justice, et se nourrissent avec eux des dons de la grâce
céleste. C'est à Béthanie que se célèbre ce festin, et avec raison, car
Béthanie veut dire maison de l'obéissance, et l'Eglise est vraiment la
maison de l'obéissance. —
Saint Augustin : Le parfum que Marie répandit
sur les pieds de Jésus, est le symbole de la justice, et c'est pour cela
qu'il y en avait une livre. C'était un parfum de nard pur d'un grand prix,
car le mot pistici, veut dire foi en grec et en latin. Vous cherchiez
à opérer la justice ? Rappelez-vous que le juste vit de la foi. Couvrez de
parfums les pieds de Jésus par une vie sainte, suivez les traces du Seigneur,
essuyez ses pieds avec vos cheveux, c'est-à-dire si vous avez du superflu,
donnez-le aux pauvres, et vous aurez essuyé les pieds du Seigneur, car les
cheveux sont comme une partie superflue du corps. —
Alcuin : Remarquez que la première
fois elle n'avait répandu ses parfums que sur les pieds de Jésus; ici elle
les répand à la fois sur les pieds et sur la tête; d'un côté ce sont les
commencements de la vie pénitente, de l'autre c'est la justice des âmes
parfaites, car la tête du Seigneur figure la hauteur sublime de sa divinité,
et ses pieds l'humilité de son incarnation; ou bien encore la tête, c'est
Jésus-Christ lui-même, les pieds ce sont les pauvres qui sont ses membres. —
Saint Augustin : La maison fut remplie de
l'odeur du parfum, c'est-à-dire que le bruit de cette action s'est répandue
dans le monde entier. |
Lectio 2 |
Versets 12-19 |
[86093] Catena in Io., cap. 12 l. 2 Chrysostomus
in Ioannem. Praeceptum legis erat ut decima luna primi mensis agnus sive
hoedus in domo recluderetur usque ad quartam decimam lunam eiusdem mensis,
quando ad vesperam immolabatur : unde et verus agnus ex omni grege sine
macula electus, pro populi sanctificatione immolandus, ante quinque dies,
idest decima luna, Hierosolymam ascendit. Augustinus in Ioannem. Quantus autem fructus
apparuerit praedicationis eius, et quantus grex ovium ex his quae perierant
domus Israel, vocem pastoris audierit intuendum ex eo quod dicitur in
crastinum autem turba multa, quae convenerat ad diem festum, cum audissent quia
venit Iesus Hierosolymam, acceperunt ramos palmarum et cetera. Rami palmarum
laudes sunt, significantes victoriam qua erat dominus mortem moriendo
superaturus, et trophaeo crucis de Diabolo mortis principe triumphaturus.
Chrysostomus in Ioannem. Ostendebant autem quoniam
de reliquo maiorem quam de propheta opinionem habebant de eo; unde sequitur
et processerunt obviam ei, et clamabant : hosanna, benedictus qui venit in
nomine domini, rex Israel. Augustinus. Hosanna vox est obsecrantis, magis
affectum indicans quam rem aliquam significans, sicut sunt in lingua Latina
quas interiectiones vocant. Beda. Est autem compositum ex corrupto et integro :
hosi enim, salva, Anna obsecrantis est interiectio. Hosi corruptum, Anna est
integrum. Benedictus autem qui venit in nomine domini, sic potius accipiendum
est ut in nomine domini, in nomine Dei patris intelligatur; quamvis possit
intelligi etiam in nomine suo, quia et ipse dominus est : sed verba eius
melius nostrum dirigunt intellectum, qui ait : ego veni in nomine patris mei.
Non utique amittit divinitatem, quando nos docet humilitatem. Chrysostomus. Hoc est etiam quod maxime coegit
credere in Christum omnes, quoniam non est Deo contrarius : et hoc maxime
erigebat plebem quod ipse dicebat se a patre venisse. Ex his ergo verbis
colligimus quod Deus est : nam hosanna salvos fac interpretatur; salutem
autem soli Deo Scriptura attribuit. Deinde quia vere est Deus, qui venit,
inquiunt, non : qui ducitur; hoc enim servile est quodammodo, illud vero
dominicum. Quod etiam dicunt in nomine domini, illud idem erga ipsum
protendit : non enim in nomine servi, sed domini dicunt illum venire. Augustinus. Quid autem magnum fuit regi saeculorum
regem fieri hominum? Non enim rex Israel Christus ad exigendum tributum vel
ferro exercitum armandum; sed rex Israel, quod mentes regat, quod in regnum
caelorum perducat. Quod ergo rex esse voluit Israel, dignatio est, non
promotio; miserationis indicium, non potestatis augmentum : qui enim
appellatus est in terra rex Iudaeorum, in caelis est dominus Angelorum. Theophylactus. Iudaei autem regem Israel ipsum
nuncupabant, quasi sensibilem regem somniantes : expectabant namque exurgere
quemdam in regem maiorem quam secundum humanam naturam, salvaturum eos a
Romanorum iurisdictione. Quomodo autem dominus venerit, ostendit Evangelista
subdens et invenit Iesus asellum, et sedit super eum. Augustinus. Hoc breviter dictum est : nam
quemadmodum sit factum, apud alios Evangelistas plenissime legitur. Pullum
autem asinae in quo nemo sederat (hoc enim apud alios Evangelistas
invenitur), intelligimus populum gentium, qui legem domini non acceperat;
asinam vero (quia utrumque domino adductum est), plebem eius quae veniebat ex
populo Israel. Chrysostomus. Fecit ergo hoc, prophetice aliquid
figurans : quoniam videlicet immundum gentium populum debebat subiectum
habere; et prophetiam quamdam implens. Augustinus. Adhibetur autem huic facto propheticum
testimonium, ut appareat quoniam maligni principes Iudaeorum eum non
intelligebant in quo implebantur quae legebant; unde sequitur sicut scriptum
est : noli timere, filia Sion : ecce rex tuus venit tibi sedens super pullum
asinae. In illo populo erat filia Sion : ipsa est Ierusalem, quae est Sion,
cui dicitur : noli timere illum, agnosce qui a te laudatur; et noli trepidare
cum patitur, quia ille sanguis funditur per quem tuum delictum deleatur, et
vita redimatur. Chrysostomus. Vel aliter. Quia reges eorum iniusti
fuerant, et eos obnoxios bellis faciebant, confide, ait, hic non talis, sed
mitis et mansuetus; quod ostendit ab asino : non enim exercitum habens
intrabat, sed asinum habens solum. Vide autem Evangelistae sapientiam : non
verecundatur priorem ignorantiam divulgare; nam sequitur haec non cognoverunt
discipuli eius primum, sed quando glorificatus est Iesus. Augustinus. Idest, quando virtutem suae
resurrectionis ostendit, tunc recordati sunt quod haec erant scripta de eo,
et haec fecerunt ei, idest non alia quam quae scripta erant de eo. Chrysostomus. Hoc autem ignorabant, quoniam ipse non
revelavit eis : scandalizasset enim eos, si rex existens talia passurus erat;
et etiam non suscepissent statim cognitionem regni de quo hic dicebatur : de
regno enim temporali hoc dici putassent. Theophylactus. Aspice autem consequentiam passionis.
Suscitavit Lazarum, hoc omnium novissime reservans miraculum, et ob hoc
plurimi concurrebant et credebant; unde sequitur testimonium ergo perhibebat
turba, quae cum eo erat quando vocavit Lazarum de monumento, et suscitavit
eum a mortuis : propterea et obviam venit ei turba, quia audierunt eum
fecisse hoc signum. Exinde livor et insidiae; unde sequitur Pharisaei autem
dicebant ad semetipsos : videtis quia nihil proficimus : ecce mundus totus
post eum abiit. Augustinus. Turba turbavit turbam. Quid autem
invidet caeca turba, quia post eum abiit mundus per quem factus est mundus?
Chrysostomus. Mundum enim hic turbam dicunt. Videtur
autem mihi hoc dictum esse eorum qui sani quidem erant, non audebant autem
propalari : demum ab eventu deterrebant alios, quasi inconsummabilia
tentantes. Theophylactus. Ac si dicerent : quantumcumque
insidiemini, tanto hic augetur, et gloria eius intenditur : quis ergo
profectus de tantis insidiis? |
—
Saint Jean Chrysostome : La loi ordonnait que le dixième jour de la lune du
premier mois, chacun prît un agneau ou un chevreau, et le gardât dans sa
maison jusqu'à la quatorzième lune de ce mois, au soir duquel on devait
l'immoler (Ex 12); voilà pourquoi l'Agneau véritable, l'Agneau sans
tache, choisi dans tout le troupeau, et qui devait être immolé pour la
sanctification du peuple, se rendit à Jérusalem cinq jours avant son
immolation, c'est-à-dire, le dixième jour de la lune. —
Saint Augustin : (Traité 51 sur Saint Jean). Voulez-vous
juger du fruit de la prédication du Sauveur et du grand nombre de brebis
(parmi celles qui avaient péri de la maison d'Israël), qui avaient entendu la
voix du pasteur, considérez ce que dit l'Evangéliste : « Le lendemain, une
foule nombreuse qui était venue pour la fête, ayant appris que Jésus venait à
Jérusalem, prit des rameaux de palmiers, » etc. Les rameaux de palmier
sont les louanges et l'emblème de la victoire que le Seigneur devait
remporter sur la mort en mourant lui-même, et du triomphe qu'il devait
obtenir par le trophée de la croix sur le démon, le prince de la mort. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 66). Cette multitude
témoignait à haute voix qu'elle voyait eu lui beaucoup plus qu'un prophète : «
En effet, dit l'Evangéliste, ils allèrent au-devant de lui, en criant :
hosanna, béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, le roi d’Israël.» —
Saint Augustin : Le mot hosanna est
une parole de supplication, qui exprime plutôt un sentiment du cœur qu'une
pensée déterminée, comme sont les mots qu'on appelle dans la langue latine
interjections. —
Saint Bède : Ce mot est composé d'une
abréviation et d'un mot entier, osi veut dire sauvé, et anna
est une interjection suppliante. Le mot osi est abrégé, anna est
entier, « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, » peut être
entendu dans ce sens : « Béni soit celui qui vient an nom de Dieu le
Père, » bien qu'on puisse aussi l'entendre de son propre nom, puisqu'il est
aussi le Seigneur; mais le sens le plus vraisemblable de ces paroles nous est
indiqué par ces autres du Sauveur : « Je suis venu au nom de mon Père. »
(Jn 10) Il ne perd pas sa divinité en nous enseignant l'humilité. —
Saint Jean Chrysostome : Un des plus puissants motifs
qui porta la multitude à croire en Jésus-Christ, c'est qu'il n'était pas
contraire à Dieu, et ce qui frappait le plus l'esprit du peuple, c'est qu'il
disait qu'il venait du Père. De ces paroles nous tirons cette conclusion
qu'il était Dieu. En effet, le mot hosanna signifie sauvé. Or,
l'Ecriture n'attribue qu'à Dieu la puissance de sauver. Nous concluons encore
qu'il était vrai Dieu, parce qu'il vient et qu'il n'est pas conduit par un
autre; car être conduit, indique qu'on est d’une certaine façon sous la
dépendance de quelqu'un tandis que venir soi-même, n'appartient qu'au Maître.
Ce qu'ils ajoutent : « Au nom du Seigneur, » exprime la même vérité;
car ils ne disent pas qu'il vient au nom du serviteur, mais « au nom du
Seigneur. » —
Saint Augustin : Qu'était-ce pour le Roi
éternel des siècles de devenir le roi des hommes ? Jésus-Christ ne fut pas
roi d'Israël pour imposer des tributs, pour lever et armer des troupes ;
au contraire il était roi d’Israël pour gouverner les âmes et les conduire
dans le royaume des cieux. Si donc il a voulu être roi d'Israël, ce n'est
point pour s'élever lui-même, mais par bonté pour nous, c'est un témoignage
de sa miséricorde, plutôt qu'une marque de sa puissance; car celui qui s'est
appelé sur la terre le roi des Juifs, est dans le ciel le roi des anges. — Théophylactus : Les Juifs le proclamaient roi d'Israël dans un sens conforme à leurs
rêves sur la royauté temporelle de leur Messie. Ils espéraient, en effet,
voir s'élever du milieu d'eux un roi dont la puissance surpasserait celle des
rois de la terre, et qui les affranchirait de la domination des Romains. L'Evangéliste
décrit ensuite l'entrée du Sauveur dans la ville de Jérusalem : « Et Jésus
trouva un ânon, monta dessus». —
Saint Augustin : Saint Jean ne raconte que
d'une manière abrégée ce fait qui se trouve complètement développé dans les
autres évangélistes. Ce petit de l'ânesse sur lequel personne encore ne
s'était assis, suivant la remarque des autres évangélistes, est la figure du
peuple des Gentils qui n'avait pas encore reçu la loi du Seigneur, l'ânesse
(puisque l'un et l'autre furent amenés au Seigneur) était le symbole du
peuple fidèle qui se forma au milieu du peuple d'Israël. —
Saint Jean Chrysostome : En montant sur cet ânon,
Notre Seigneur nous enseigne figurativement qu'il doit s'assujettir le peuple
impur des nations, et il accomplit en même temps une prophétie. —
Saint Augustin : L'Evangéliste joint au récit
de ce fait un oracle prophétique pour faire voir que les princes des Juifs,
aveuglés par leur méchanceté, ne comprenaient point que les prophéties qu'ils
lisaient s'accomplissaient en Jésus-Christ : « Selon ce qui est écrit : Ne
craignez point, fille de Sion, voici votre Roi qui vient, assis sur le petit
d'une ânesse. » C'est dans le peuple juif que se trouvait la fille de
Sion, la ville de Jérusalem est elle-même cette Sion, à qui il est dit : «
Ne craignez point. » Reconnaissez celui qui est l'objet de vos louanges,
et ne soyez point effrayée lorsque vous le verrez souffrir, car le sang qui
est répandu doit effacer vos crimes et racheter votre vie. —
Saint Jean Chrysostome : Ou bien encore, comme les
rois des Juifs avaient été injustes [pour la plupart], et avaient jeté leurs
peuples dans des guerres sans fin, le prophète dit ici : Ce roi ne leur est
pas semblable, il est plein de douceur et de mansuétude, comme le prouve
l'âne [qu'il choisit pour monture]; car il n'entre pas à la tête d'une armée,
il entre assis sur son ânon. Voyez l'humilité de l'Evangéliste, il ne rougit pas
de faire connaître l'ignorance où ils étaient alors : « Ses disciples
ne comprirent pas ceci d'abord, mais quand Jésus fut glorifié, [alors ils se
souvinrent,]». —
Saint Augustin : Lorsque Notre Seigneur eut
fait éclater la vertu de sa résurrection, ils se souvinrent alors que ces
choses étaient écrites de lui, et que ce qu'ils avaient fait à son égard en
était l'accomplissement, c'est-à-dire qu'ils n'avaient fait autre chose que
ce qui était prédit de lui. —
Saint Jean Chrysostome : Leur ignorance venait de ce
que Jésus ne leur avait pas révélé qu'il allait accomplir cette prophétie;
car il les eût scandalisés en leur faisant connaître qu’étant roi il
subirait une passion si douloureuse, ils n’auraient point compris tout
d'abord quel était le royaume dont il leur parlait, et ils auraient cru qu'il
s'agissait d'un royaume temporel. —
Théophylactus : Considérez ici l'enchaînement des faits qui amenèrent la passion du
Sauveur. Il ressuscita Lazare, réservant ce miracle pour le dernier, et la
vue et le bruit de ce miracle déterminèrent un grand nombre de Juifs à venir
à lui et à croire en lui : « C'est ainsi que lui rendait témoignage
la multitude qui était avec lui, lorsqu'il appela Lazare du tombeau, et le
ressuscita d'entre les morts. » C'est pour cela aussi que le peuple vint
en foule au-devant de lui, parce qu'il avait appris que Jésus avait fait ce
miracle. De là l'envie haineuse et les embûches des pharisiens : « Les
pharisiens se dirent donc entre eux : Vous voyez que nous ne gagnons rien,
voilà que tout le monde court après lui. » —
Saint Augustin : (Traité 51). Cette multitude trouble
une autre multitude. Mais pourquoi cette multitude aveugle se laisse-t-elle
aller à la jalousie ? parce que le monde s'empresse autour de celui par qui
le monde a été fait. —
Saint Jean Chrysostome : Le monde ici est pris pour
la multitude. Ces paroles, du reste, me paraissent venir de ceux qui étaient
animés de bons sentiments à l'égard de Jésus, mais qui n'osaient les faire
connaître, et qui s'efforçaient par cette considération de détourner les
autres de leur projet comme d'une chose dont l'exécution était impossible. — Théophylactus : Ils semblent leur dire : Plus vous cherchez à lui tendre des embûches,
plus vous le grandissez, et rendez sa gloire éclatante. Quel fruit donc
retirez-vous de tant d'efforts ? |
Lectio 3 |
Versets 20-26 |
[86094] Catena in Io., cap. 12 l. 3 Beda. Templum
domini Hierosolymis situm adeo erat famosum ut diebus festis non solum
vicini, sed etiam multae ex longinquis regionibus gentes illuc advenirent,
sicut de eunucho Candacis reginae Aethiopum actus apostolorum declarant. Hac
ergo consuetudine hi gentiles venerant adorare, de quibus dicitur erant autem
quidam gentiles ex his qui ascenderant ut adorarent in die festo. Chrysostomus in Ioannem. Prope existentes ut de
cetero proselyti fierent. Fama itaque audita de Christo, volunt eum videre;
unde sequitur hi ergo accesserunt ad Philippum, qui erat a Bethsaida
Galilaeae, et rogaverunt eum dicentes : domine, volumus Iesum videre. Augustinus in Ioannem. Ecce volunt eum Iudaei
occidere, gentiles videre; sed etiam illi ex Iudaeis erant qui clamabant :
benedictus qui venit in nomine domini. Ecce illi ex circumcisione, illi ex
praeputio, velut duo parietes de diverso venientes, et in unam fidem Christi
pacis osculo concurrentes. Sequitur venit Philippus, et dicit Andreae. Chrysostomus. Quasi priori existenti : audiverat
enim : in viam gentium ne abieritis; propterea cum condiscipulo communicans
magistro refert; unde sequitur Andreas rursum et Philippus dicunt Iesu. Augustinus in Ioannem. Audiamus ergo vocem lapidis
angularis; unde sequitur Iesus autem respondit eis, dicens : venit hora ut
clarificetur filius hominis. Forsitan aliquis putat ideo se dixisse
glorificatum, quia gentiles volebant eum videre. Non ita est; sed videbat
gentiles post passionem et resurrectionem suam in omnibus gentibus
credituros. Ex occasione igitur istorum gentilium qui eum videre cupiebant,
annuntiat futuram plenitudinem gentium, et promittit iam adesse horam
glorificationis suae, qua facta in caelis gentes fuerant crediturae, secundum
illud : exaltare super caelos, Deus, et super omnem terram gloria tua. Sed
altitudinem glorificationis oportuit ut praecederet humilitas passionis; unde
adiunxit amen, amen, dico vobis : nisi granum frumenti cadens in terram
mortuum fuerit, ipsum solum manet; si autem mortuum fuerit, multum fructum
affert. Se autem dicebat granum mortificandum in infidelitate Iudaeorum,
multiplicandum in fide populorum. Beda. Ipse enim ex semine patriarcharum in agro
huius mundi seminatus est ut moriendo cum multiplicatione resurgeret : solus
mortuus est, cum multis surrexit. Chrysostomus. Et quia per sermones non ita suadebat,
utitur experimento, quia frumentum magis facit fructum cum mortuum fuerit. Si
autem in seminibus hoc accidit, multo magis in me. Quia igitur de reliquo
debebat mittere discipulos ad gentes, videt autem gentiles praesilientes ad
fidem, ostendit quod tempus erat ut ad crucem veniret. Non enim prius eos ad
gentes misit donec Iudaei offenderunt, donec crucifixerunt. Et quia de morte
sua praevidit discipulos contristandos, superabundantiam facit sermonis,
dicens : non solum si non mortem meam patienter sustinueritis, sed etiam si
vos ipsi non moriamini, nullum vobis erit lucrum; et hoc est quod subdit qui
amat animam suam, perdet eam. Augustinus. Hoc duobus modis intelligi potest : qui
amat, perdet; id est : si amas, perdes : si cupis vitam tenere in Christo,
noli mortem timere pro Christo. Item alio modo : qui amat animam suam, perdet
eam. Noli amare in hac vita, ne perdas in aeterna vita. Hoc autem quod
posterius dixi, magis habere videtur evangelicum sensum; sequitur enim et qui
odit animam suam in hoc mundo, in vitam aeternam custodit eam. Ergo quod
supra dictum est, qui amat, subintelligitur in hoc mundo. Chrysostomus in Ioannem. Amat autem animam suam in
hoc mundo qui desideria eius inconvenientia facit; odit autem eam qui non
cedit ei noxia concupiscenti. Et non dixit : qui non cedit ei, sed qui odit
eam : quemadmodum enim eorum qui odio habentur, nec vocem audire sustinemus
nec vultum videre delectamus, ita et animam cum contraria iniungit quae Deo
non placent, cum vehementia avertere oportet. Theophylactus. Quia enim valde onerosum erat audire
quod oportet odire animam, consolatur per hoc quod addit in hoc mundo,
temporis indicans particularitatem : non enim in perpetuum iubet animam odio
haberi; et emolumentum ponit cum dicit in vitam aeternam custodit eam. Augustinus in Ioannem. Sed vide ne tibi subrepat ut
teipsum interimere velis : sic intelligendo quod debes in hoc mundo odisse
animam tuam; hinc enim quidam maligni atque perversi homicidae flammis se
donant, aquis praefocant, praecipitatione collidunt et pereunt. Hoc Christus
non docuit : immo et Diabolo praecipitium suggerenti respondit : vade,
Satana. Cum ergo causae articulus venerit, ut haec conditio proponatur aut
faciendum esse contra Dei praeceptum, aut ab hac vita migrandum, comminante
mortem persecutore, ibi oderis in hoc mundo animam tuam, ut in vitam aeternam
custodias eam. Chrysostomus. Dulcis quidem est praesens vita his
qui affixi sunt ei : si vero quis ad caelum respexerit, videns quae ibi sunt
bona, cito contemnet vitam praesentem. Cum enim apparuerit melior,
contemnitur peior. In hoc ergo nos inducens Christus, subdit qui mihi
ministrat, me sequatur; idest, me imitetur. De morte hoc dicit, et de ea quae
per opera assecutione; oportet enim eum qui ministrat, eum cui ministrat
sequi. Augustinus. Quid ergo sit ministrare Christo, in
ipsis verbis agnoscimus, cum dicit si quis mihi ministrat. Ministrant ergo
Iesu qui non quae sua sunt quaerunt, sed quae Iesu Christi; hoc est enim me
sequatur : vias ambulet meas, non suas : non ea tantum quae ad misericordiam
pertinent corporalem, sed omnia opera bona propter Christum faciens, usque ad
illud opus magnae caritatis, quod est animam pro fratribus ponere. Sed quo
fructu, qua mercede? Sequitur et ubi ego sum, illic et minister meus erit.
Gratis ametur, ut operi quo ministratur illi, pretium sit esse cum illo. Chrysostomus. Ostendit autem per hoc, quod
resurrectio morti succedet. Ubi autem sum, ait, quia in caelis ante
resurrectionem Christus erat. Igitur illuc transmigremus animo et mente.
Sequitur si quis mihi ministraverit, honorificabit eum pater meus. Augustinus. Per hoc intelligitur exposuisse quod
supra dixerat illic et minister meus erit : nam quem maiorem honorem accipere
poterit adoptatus quam ut sit ubi est unicus? Chrysostomus. Non autem
dixit : ego honorificabo eum, sed pater meus : nondum enim de eo decentem
opinionem habebant, sed maiorem de patre. |
—
Saint Bède : Le temple élevé à Dieu dans la ville de Jérusalem avait une si grande
célébrité, qu'aux jours de fête, non seulement ceux qui étaient voisins, mais
une nombreuse multitude accourue des points les plus éloignés de l'univers
encombrait la ville; comme les Actes des Apôtres nous l'apprennent de
l'eunuque de Candace, reine d'Ethiopie. (Ac 8) C'est d'après cet usage
que les Gentils, dont il est ici question, étaient venus pour adorer Dieu : «
Or, parmi ceux qui étaient venus pour adorer en ces jours de fête, il y avait
quelques Gentils. » —
Saint Jean Chrysostome : Ils étaient sur le point de
se faire prosélytes. Attirés par la réputation du Sauveur, ils désirent le
voir : « Ils s'approchèrent donc de Philippe qui était de Bethsaide, de
Galilée, et le prièrent disant : Seigneur, nous voudrions voir Jésus. » —
Saint Augustin : Voici que les Juifs veulent
le mettre à mort, tandis que les Gentils désirent le voir, et aux Gentils se
joignent ceux d'entre les Juifs qui criaient : « Béni soit celui qui vient
au nom du Seigneur ! » Ainsi les uns viennent du peuple de la
circoncision, les autres du peuple des incirconcis, comme deux murailles qui
ont un point de départ différent, et se réunissent par un baiser de paix dans
la même foi de Jésus-Christ. « Philippe le vint dire à André. » —
Saint Jean Chrysostome : Comme étant plus ancien que
lui dans l'apostolat. Ils avaient, en effet, entendu dire au Sauveur : «
N'allez pas dans la voie des nations. » (Mt 10) Philippe
croit donc, devoir soumettre la question à André avant d'en référer à leur
divin Maître : « Et André et Philippe le dirent à Jésus. » —
Saint Augustin : (Traite 51) écoutons donc la
réponse de la pierre angulaire : « Jésus leur répondit : L'heure est venue
que le Fils de l'homme doit être glorifié. » Quelqu'un pourrait penser
peut-être que Jésus annonce qu'il va être glorifié, parce que les Gentils
désirent le voir; non, il n'en est pas ainsi. Jésus prévoyait que les Gentils
de toutes les parties de l'univers croiraient en lui après sa passion et sa
résurrection. Il prend donc occasion de ces Gentils qui désirent le voir,
pour prédire la conversion future de toute la Gentilité, et il annonce la
venue prochaine de l'heure de sa glorification dans les cieux, qui devait
être suivie de la conversion à la foi de tous les Gentils. C'est ce que le
Roi-prophète avait prédit : « Soyez exalté, ô Dieu, au-dessus des deux, et
que votre gloire éclate par toute la terre. » (Ps 56, 12; 107, 6).
Mais cette haute élévation dans la gloire a dû être précédée par les
humiliations de la passion. Aussi le Sauveur ajoute : « En vérité, en
vérité, je vous le dis : Si le grain de froment qui tombe dans la terre, ne
meurt, il demeure seul; mais s'il meurt, il produit beaucoup de fruits. »
Ce grain de froment c'était lui que l'incrédulité des Juifs devait faire
mourir, et qui devait se multiplier par la foi des peuples. —
Saint Bède : Il est, en effet, ce grain
qui a été semé de la semence des patriarches dans le champ du monde,
c'est-à-dire qui s'est incarné pour mourir et ressusciter en se multipliant
au centuple. Lui seul est mort, mais il est ressuscité avec un grand nombre
d'autres. —
Saint Jean Chrysostome : Comme les paroles du Sauveur
ne persuadaient pas toujours, il a recours à cette comparaison, parce que le
froment est une des graines qui produit le plus de fruit lorsqu'elle est
morte. Or, si ce phénomène se manifeste dans les semences, à plus forte
raison se produira-t-il en moi. Notre Seigneur devait dans la suite envoyer
ses disciples vers les Gentils, et il les voit déjà venir d'eux-mêmes avec
ardeur pour embrasser la foi, il annonce donc que le moment est venu pour lui
de souffrir le supplice de la croix; car il n'envoya point ses Apôtres vers
les nations avant que les Juifs se fussent brisés eux-mêmes contre la pierre,
avant qu'ils l'eussent crucifié : Et, comme il prévoyait que sa mort devait
jeter ses disciples dans une profonde tristesse, il expose pleinement la
doctrine de la croix, et semble dire à ses disciples : Il ne suffit pas que
vous supportiez ma mort avec patience; si vous ne mourez vous-mêmes, vous
n'avez aucun fruit à espérer de ma mort : « Celui qui aime son âme, la
perdra. » —
Saint Augustin : On peut entendre ces paroles
de deux manières : la première, « celui qui aime son âme, la perdra » ;
c'est-à-dire, si vous l'aimez véritablement, n'hésitez pas à la perdre; si
vous désirez obtenir la vie qui est en Jésus-Christ, ne craignez pas de
souffrir la mort pour Jésus-Christ. Ou bien : « Celui qui aime son
âme, la perdra. » N'aimez donc point votre âme dans cette vie, pour ne
point la perdre dans la vie éternelle. Cette seconde interprétation est plus
conforme à l'ensemble du texte évangélique, où nous lisons ensuite : « et
celui qui hait son âme dans ce monde, la conservera pour la vie éternelle».
Donc, dans le membre de phrase précédent : « Celui qui aime, » il
faut sous-entendre : en ce monde. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 67). Or, aimer son âme en ce
monde, c'est satisfaire ses désirs criminels; haïr son âme, c'est résister à
ses désirs coupables. Et remarquez que Notre Seigneur ne dit pas : Celui qui
ne se rend pas aux désirs de son âme, mais : « Celui qui la hait. »
Lorsque nous avons de la haine contre quelqu'un, nous ne pouvons entendre sa
voix, sa présence nous est désagréable; ainsi lorsque notre âme nous suggère
des pensées contraires à la loi de Dieu, nous devons la repousser avec
horreur. — Théophylactus : Comme cette obligation de haïr son âme pouvait paraître bien dure, le
Sauveur adoucit cette dure obligation en ajoutant : « en ce monde, »
paroles qui annoncent la brièveté de l'épreuve; il ne nous commande pas de
haïr notre âme pour toujours, et il nous fait savoir quel sera le prix de ce
sacrifice : « Il la conservera pour la vie éternelle. » —
Saint Augustin : Mais prenez garde de vous
laisser aller à la pensée de vous donner la mort à vous-même par une fausse
interprétation de ce précepte : « Qu'il faut haïr son âme eu ce
monde. » C'est ainsi que l'entendent certains hommes pervers et mal
inspirés, qui se rendent coupables d'homicide et trouvent la mort en se
jetant dans les flammes, en s'étouffant dans les eaux, en se précipitant d'un
lieu élevé. Ce n'est pas ce que Jésus-Christ a enseigné; au contraire,
lorsque le démon lui eut conseillé de se jeter du haut du temple, il lui
répondit : « Retire-toi, Satan. » Lors donc que vous vous trouvez
dans cette alternative ou d'enfreindre un précepte divin, ou de sortir de
cette vie sous la menace de mort d'un persécuteur, c'est alors que vous devez
haïr votre âme en ce monde, pour la conserver dans la vie éternelle. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 67). Cette vie présente
paraît pleine de douceur à ceux qui en sont violemment épris, mais celui qui
jette les yeux vers le ciel et qui considère les biens qui l'y attendent,
n'aura que du mépris pour la vie présente; car, en présence d'un plus grand
bien, le bien qui est moindre n'a plus de valeur. Or, Jésus-Christ nous
conseille ce mépris, lorsqu'il nous dit : « Si quelqu'un veut être mon
serviteur, qu'il me suive» ; c'est-à-dire, qu'il marche sur mes
traces. Le Sauveur veut parler ici de la mort et de l'imitation par les
œuvres, car le serviteur doit nécessairement suivre celui qu'il sert. —
Saint Augustin : Notre Seigneur nous apprend
lui-même ce que c'est que le servir, en nous disant : « Si quelqu'un
veut être mon serviteur, qu'il me suive, ». Servir Jésus-Christ, c'est
donc ne pas chercher ses intérêts, mais ceux de Jésus-Christ. C'est ce que
signifient ces paroles : « Qu'il me suive, » c'est-à-dire, qu'il
marche dans mes voies, et non dans les siennes; qu'il ne se contente pas des
œuvres extérieures de miséricorde, mais qu'il fasse toutes ses bonnes œuvres
pour Jésus-Christ, jusqu'à cette oeuvre de charité héroïque qui consiste à
donner sa vie pour ses frères. Mais quel en sera le fruit, quelle en sera la
récompense ? « Et où je suis, là sera aussi mon serviteur. » Que
le serviteur de Jésus-Christ l'aime d'un amour désintéressé, afin que la
récompense du dévouement à son service soit d'être avec lui. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 67). Notre Seigneur nous
apprend ainsi que la mort sera suivie de la résurrection : il dit : « là
où je suis, » parce qu'avant même sa résurrection, il était dans ciel;
c'est donc là que nous devons transporter nos pensées et nos affections. « Si quelqu'un me sert, mon Père l'honorera ». —
Saint Augustin : C'est l'explication de ces
paroles : « Où je suis, là sera aussi mon serviteur. » Car, quel
plus grand honneur pour le fils adoptif, que d'être là où est le Fils unique
? —
Saint Jean Chrysostome : Il ne dit point : C'est moi
qui l'honorerai, mais : « Mon Père l'honorera. » Car, ils
n'avaient pas encore des idées convenables sur le Sauveur, et ils regardaient
le Père comme lui étant supérieur. |
Lectio 4 |
Versets 27-33 |
[86095] Catena in Io., cap. 12 l. 4 Chrysostomus
in Ioannem. Quia dominus ad passionem discipulos exhortatus fuerat, ne
dicant, quod ipse extra dolores existens humanos facile de morte
philosophatur, et nos admonet, propter hoc quod ipse est sine periculo,
ostendit quod et ipse in agonia sit, et tamen propter utilitatem mortem non
renuit; unde dicit nunc anima mea turbata est. Augustinus in Ioannem. Audio qui in hoc mundo odit
animam suam, in vitam aeternam custodit eam : et mundum contemnere accendor,
et in conspectu meo nihil est vitae huius totus, quantumlibet fuerit
prolixus, vapor; pro amore aeternorum temporalia mihi cuncta vilescunt; et
rursum dominum audio dicentem nunc anima mea turbata est. Sequi iubes animam
meam; sed turbari video animam tuam : quale fundamentum quaeram si petra
succumbit? Agnosco, domine, misericordiam tuam : nam qui caritatis voluntate
turbaris, multos in corpore tuo, qui suae infirmitatis necessitate turbantur,
ne desperando pereant, consolaris. In se ergo caput nostrum suscepit
membrorum suorum affectum; et ideo non est ab aliquo turbatus; sed, sicut de
illo dictum est : turbavit semetipsum. Chrysostomus. Appropinquans enim de reliquo cruci,
quod humanum est ostendit, et naturam non volentem mori, sed praesenti
adhaerentem vitae, ostendens quoniam non extra humanas passiones erat : sicut
enim esurire non crimen est, ita neque praesentem vitam appetere. Christus
autem corpus a peccato mundum habebat, non a naturalibus necessitatibus
erutum. Hoc igitur dispensationis est, non deitatis. Augustinus. Denique homo qui sequi vult, audiat qua
hora sequatur. Accessit forte hora terribilis : proponitur optio aut
faciendae iniquitatis, aut subeundae passionis : turbatur anima infirma; audi
ergo quid subiungit : et quid dicam? Beda. Hoc est, quid aliud nisi ut membra mea
instruantur? Pater, salvifica me ex hac hora. Augustinus. Docuit te quem invoces, cuius voluntatem
tuae voluntati praeponas. Non ideo tibi videatur ex alto diffidere, quia te
vult ab initio proficere. Hominis suscepit infirmitatem ut doceat
contristatum dicere : non quod ego volo, sed quod tu vis; unde subditur sed
propterea veni in horam hanc. Pater, glorifica nomen tuum, in sua scilicet
passione et resurrectione. Chrysostomus. Quasi dicat : non habeo quid dicam,
ereptionem quaerens : propterea enim veni in horam hanc; ac si dicat : etsi
turbemur et tumultum patiamur, non fugiamus mortem : quia ego nunc turbatus,
non dico ut effugiam; oportet enim ferre quod supervenit; non dico : eripe me
ex hac hora; sed contrarium dico, scilicet clarifica nomen tuum. Ostendit
enim quoniam pro veritate moritur, gloriam Dei hoc vocans; et hoc evenit :
futurum enim erat ut post crucem converteretur orbis terrarum, et cognosceret
nomen Dei, et coleret, non solum patris, sed etiam filii. Sed tamen hoc
silet. Sequitur venit ergo vox de caelo dicens : et clarificavi, et iterum
clarificabo. Gregorius Moralium. Huiusmodi verbis per Angelum
loquitur Deus, cum nil in imagine ostenditur, sed supernae vocis verba
audiuntur : et nimirum de caelestibus loquens, verba sua quae audiri ab
hominibus voluit, rationali creatura administrante formavit. Augustinus in Ioannem. Clarificavi autem dicit,
antequam facerem mundum, et iterum clarificabo, cum resurget a mortuis. Vel
aliter. Clarificavi, cum de virgine natus est, cum miracula multa fecit, cum
descendente spiritu sancto in specie columbae monstratus est; et iterum
clarificabo, cum resurget a mortuis, cum exaltabitur super caelos Deus et
super omnem terram gloria eius. Sequitur turba ergo quae stabat et audierat,
dicebat tonitruum factum esse. Chrysostomus in Ioannem. Aperta quidem et bene
significativa erat vox : sed cito ab eis evolavit quasi a grossioribus, et
carnalibus, et desidiosis. Et hi quidem sonitum tantum retinuerunt; alii vero
quoniam articulata erat vox noverant; quid autem significavit non adhuc; de
quibus subditur : alii dicebant : Angelus ei locutus est. Sequitur respondit
Iesus, et dixit : non propter me haec vox venit, sed propter vos. Augustinus. Hic ostendit, illa voce non sibi
indicatum quod iam sciebat, sed eis quibus indicari oportebat. Sicut autem
vox illa non propter eum facta est, sed propter eos; sic anima eius, non
propter ipsum, sed propter eos turbata est. Chrysostomus. Ad illud enim instat vox patris quod
semper dicebant, quoniam non est ex Deo : qui enim a Deo glorificatur,
qualiter non est ex Deo? Ubi vide quod humilia propter eos facta sunt, non
quasi filio auxilio indigente. Quia ergo dixit clarificabo, ostendit
consequenter et modum gloriae; nam sequitur nunc iudicium est mundi. Augustinus. Iudicium enim quod in fine expectant,
erit praemiorum poenarumque aeternarum. Dicitur etiam iudicium, non
damnationis, sed discretionis : hoc vocabat hic iudicium, discretionem
scilicet, et a suis redemptis Diaboli expulsionem; unde sequitur nunc
princeps mundi huius eicietur foras. Absit ut Diabolum principem mundi ita
dictum existimemus ut eum caeli et terrae dominari posse credamus; sed mundus
appellatur in malis hominibus, qui toto orbe terrarum diffusi sunt. Sic ergo
dictum est princeps huius mundi, idest princeps malorum hominum, qui habitant
in mundo. Appellatur etiam mundus in bonis, qui similiter per totum orbem
terrarum diffusi sunt; ideo dicit apostolus : Deus erat in Christo, mundum
reconcilians sibi. Hi sunt ex quorum cordibus princeps mundi eicietur foras.
Praevidebat enim dominus, post passionem et glorificationem suam, per
universum mundum multos populos credituros, in quorum cordibus Diabolus intus
erat, cui quando ex fide renuntiant, eicitur foras. Sed numquid de cordibus
veterum iustorum non est eiectus foras? Quomodo ergo dictum est nunc eicietur
foras, nisi quia tunc quod in hominibus paucissimis factum est, nunc in multis
magnisque populis iam mox futurum esse praedictum est? Quid ergo ait quispiam
: quia Diabolus eicitur foras, iam fidelium neminem tentat? Immo tentare non
cessat; sed aliud est intrinsecus regnare, aliud forinsecus oppugnare. Chrysostomus. Sed quale est istud iudicium quo
Diabolus foras eicitur, exemplo id faciam manifestum. Sit aliquis debitores
expetens, et feriat, et in vincula mittat : deinde ex eadem dementia et eum
qui nihil debet sub eumdem carcerem ducat : hic et eorum quae in alios fecit,
dabit vindictam. Ita et in Christo factum est : eorum enim quae Diabolus in
nos fecit, per ea quae in Christum ausus est, sustinebit vindictam. Et ne
quis dicat : qualiter mittetur foras, si te superabit? Subiungit et ego si
exaltatus fuero a terra, omnia traham ad meipsum. Qualiter enim superatur qui
et alios trahit? Hoc autem, plus fuit dicere, quam : resurgam. Si enim hoc
dixisset, nondum manifestum esset quod traheret; dicendo vero traham,
utrumque demonstrat. Augustinus. Sed quae omnia trahit, nisi ex quibus
Diabolus eicitur foras? Non autem dixit : omnes, sed omnia : non enim omnium
est fides. Non itaque hoc ad universitatem hominum retulit, sed ad creaturae
integritatem, idest spiritum, et animam, et corpus; ad illud scilicet quod
intelligimus, quod vivimus, quod visibiles sumus : aut si omnia ipsi homines
intelligendi sunt, omnia praedestinata ad salutem possumus dicere; aut certe
omnia hominum genera secundum innumerabiles differentias, quibus inter se
praeter sola peccata homines distant. Chrysostomus. Qualiter igitur supra dixit, quoniam
pater trahit? Quia scilicet filio trahente, pater trahit. Dicit autem traham,
quasi a tyranno detentos, et per seipsos nequeuntes accedere, et illius manus
effugere. Augustinus. Sed si exaltatus, inquit, fuero a terra;
hoc est, cum exaltatus fuero; non enim dubitat futurum esse quod venit
implere : nam exaltationem suam dixit in cruce passionem; unde Evangelista
subdit hoc autem dixit significans qua morte esset moriturus. |
—
Saint Jean Chrysostome : (hom. 67 sur Saint Jean). Aux exhortations que Notre Seigneur
faisait à ses disciples, de ne pas craindre les souffrances, ils auraient pu
répondre qu'il lui était facile, à lui, qui était placé en dehors des
douleurs de notre humanité, de philosopher sur la mort et de les engager à
supporter des épreuves dont il était affranchi, il prévient cette objection
en leur faisant voir qu'il est lui-même exposé à la souffrance de l’agonie,
et que cependant, à cause du bien qui doit en résulter, il ne craint pas la
mort. C'est ce qui lui fait dire : « Et maintenant mon âme est
troublée. » —
Saint Augustin : (Traité 52).
J'entends ces paroles : « Celui qui hait son âme en ce monde, la garde
pour la vie éternelle » et je me sens enflammé d'un mépris pour le monde,
et la vapeur légère de cette vie, quelque prolongée qu'elle soit, n'est rien
à mes yeux, l'amour des biens éternels me fait paraître viles toutes les
choses de la terre; et voilà que j'entends de nouveau le Seigneur me dire : «
Maintenant mon âme est troublée. ». Vous commandez à mon âme de vous
suivre, mais je vois que la vôtre est dans le trouble; sur quel fondement
m'appuyer, si la pierre elle-même succombe ? Je reconnais, Seigneur, votre
miséricorde; c'est votre charité qui est la cause de votre trouble, et vous
voulez ainsi consoler et sauver du désespoir, qui les perdrait, les membres
si nombreux de votre corps qui sont troublés par suite des faiblesses
nécessaires de leur nature. Notre chef a donc voulu ressentir en lui toutes
les affections de ses membres. Son trouble ne vient donc point d'une cause
étrangère, mais comme l'Evangéliste l'a remarqué plus haut, il s'est troublé
lui-même. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 67). Aux approches de sa
croix, il fait paraître les sentiments qui sont propres à notre humanité, une
nature qui ne veut pas mourir, et qui s'attache à la vie présente, et il
prouve ainsi qu'il n'était point étranger aux passions de notre humanité; car
ce n'est pas plus un crime de désirer conserver la vie présente que ce n'est
un crime d'éprouver le besoin de la faim. Le corps de Jésus-Christ était pur
de tout péché, mais il n'était pas affranchi des infirmités de notre nature;
c'était l'effet non de sa divinité, mais de son incarnation. —
Saint Augustin : (Traité 52). Enfin que l'homme qui
désire suivre le Sauveur, apprenne à quel moment il doit marcher à sa suite,
voici peut-être une heure terrible; on vous donne le choix, ou de commettre
l'iniquité, ou de souffrir la mort, votre âme faible se trouble; écoutez ce
que Jésus ajoute : « Et que dirai-je ? » —
Saint Bède : C'est-à-dire, que dirai-je d’autre
que ce qui peut être une leçon pour mes membres ? « Père, sauvez-moi de
cette heure. » —
Saint Augustin : C'est ainsi qu'il vous
montre celui que vous devez invoquer, celui à la volonté duquel vous devez
subordonner la vôtre; ne regardez donc pas comme une chute pour lui l'acte
par lequel il veut vous tirer de votre misère, il a pris sur lui nos
infirmités, pour enseigner à ceux qui sont dans la tristesse, à dire : «
Non ce que je veux, mais ce que vous voulez. » C'est ce que signifient
les paroles suivantes : « Mais c'est pour cela que je suis arrivé à cette
heure. » —
Saint Jean Chrysostome : C'est-à-dire, je n'ai rien à
dire pour me dérober à la mort qui me menace, « car c'est pour cela que je
suis arrivé à cette heure », langage dont voici le sens : Malgré le
trouble et l'agitation auxquels vous êtes en proie, ne cherchez pas à vous
soustraire à la mort, puisque moi-même, malgré le trouble où mon âme est
plongée, je ne demande pas d'y échapper (car il faut supporter ce qui doit
arriver); je ne dis pas : Délivrez-moi de cette heure, mais au contraire : «
Mon Père, glorifiez votre nom. » Il montre ainsi qu'il meurt pour la
vérité, ce qu'il appelle la glorification [du nom] de Dieu. C'est en effet ce
qui s'est vérifié, puisqu'après le supplice de la croix, l'univers entier
devait se convertir, connaître et adorer le nom de Dieu, ce qui était autant
la gloire du Fils que du Père, mais Jésus ne dit rien de ce qui lui était
personnel. « Et une voix vint du ciel : Je l'ai glorifié,
et je le glorifierai encore. » —
Saint Grégoire : (Moral., 28, 2). C'est par le
ministère d'un ange que Dieu fit entendre ces paroles, puisque rien ne parait
aux yeux, et qu'on entend seulement une voix qui vient du ciel. Comme en
parlant du haut des cieux, Dieu, voulant être entendu de tous, s'est servi
pour cela de l'intermédiaire d'une créature raisonnable. —
Saint Augustin : (Traité 52). « Je l'ai
glorifié, » avant la création du monde, « et je le glorifierai
encore » lorsqu'il ressuscitera d'entre les morts; ou bien encore, je
l'ai glorifié, lorsqu'il est né d'une Vierge, lorsqu'il a fait une multitude
de miracles, lorsque l'Esprit saint est descendu sur lui sous la forme
visible d'une colombe; et je le glorifierai de nouveau lorsqu'il ressuscitera
d'entre les morts, lorsqu'il sera exalté comme Dieu au-dessus des cieux, et
que sa gloire éclatera sur toute la terre. « Or, la foule qui était là et qui avait entendu,
disait : C'est le tonnerre. » —
Saint Jean Chrysostome : Cette voix était claire, et
le sens de ces paroles facile à comprendre, mais elle ne fit qu'une
impression fugitive sur des esprits grossiers, charnels et indolents. Les uns
ne firent attention qu'au son de la voix, les autres avaient bien remarqué
que c'était une voix articulée, mais ils n'en savaient pas encore le sens, et
c'est d'eux que l'Evangéliste ajoute : « D'autres disaient : Un ange lui a
parlé. » « Jésus répondit : Ce n'est pas pour moi que cette
voix est venue, c'est pour vous. » —
Saint Augustin : Cette voix n'apprenait donc
point au Sauveur ce qu'il savait déjà, mais elle donnait cette connaissance à
ceux à qui il fallait qu’elle soit adressée. De même donc que ce n'est point
pour lui, mais pour nous que cette voix se fit entendre; ainsi ce n'est point
pour lui, mais pour notre instruction qu'il permit que son âme fût troublée. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 67). La voix du Père se fait
entendre ici pour répondre à ce qu'ils ne cessaient de dire : que Jésus ne
venait pas de Dieu, car comment Dieu pourrait-il glorifier celui qui ne
viendrait pas de Dieu ? Vous voyez que toutes les actions empreintes d'un
caractère plus humble, sont faites pour les hommes et non pour le Fils, qui
n'en avait nul besoin. Le Père a dit : « Je le glorifierai. » Voici de
quelle manière : « C'est maintenant le jugement du monde. » —
Saint Augustin : (Traité 52). Le jugement que nous
attendons à la fin des siècles, sera le jugement des récompenses et des
châtiments éternels. Il y a encore un autre jugement, non de condamnation, mais
de discernement, c'est ce discernement que Jésus appelle jugement, aussi bien
que l'expulsion du démon des âmes qu'il a rachetées : « Maintenant le
prince du monde sera jeté dehors. » Gardons-nous de croire que le démon
soit appelé le prince du monde dans ce sens qu'il exerce un empire absolu
dans le ciel et sur la terre; le monde ici, c'est l'ensemble des hommes
méchants qui sont répandus sur toute la surface de la terre. Le prince de ce
monde, c'est donc le prince des méchants qui habitent le monde. Le monde est
pris aussi quelquefois pour les bons qui sont également répandus par tout
l'univers; c'est dans ce sens que l'Apôtre dit : « Dieu était en
Jésus-Christ, se réconciliant le monde. » (2 Co 7) C'est de leurs
cœurs que le prince du monde devait être chassé, car le Seigneur prévoyait
qu'après sa passion et sa glorification, un grand nombre de peuples répandus
dans tout l'univers croiraient en lui. Le démon était dans leur cœur, et il
est chassé dehors quand ils renoncent an démon en embrassant la foi. Mais
est-ce donc que le démon n'a pas été chassé du cœur des justes de l'ancienne
loi ? Pourquoi donc le Sauveur dit-il ici : « Maintenant le prince du
monde va être jeté dehors ? » si ce n’est que ce qui ne s'est fait qu'en
faveur d'un très petit nombre, doit se réaliser pour une multitude
innombrable de peuples. Mais dira-t-on encore : De ce que le démon a été
chassé dehors, s'ensuit-il que tous les fidèles soient à l'abri de ses
tentations ? Tout au contraire, il ne cesse de tenter les hommes, mais il y a
une grande différence entre attaquer extérieurement et régner dans
l'intérieur de l'âme. —
Saint Jean Chrysostome : Mais quel est ce jugement
par lequel le démon est chassé ? La comparaison suivante le fera comprendre :
supposez un créancier impitoyable qui maltraite ses débiteurs et les jette en
prison, et qui, emporté par sa fureur insensée, fait jeter dans le même
cachot celui qui ne lui doit rien. Ce dernier lui fera expier l'injustice [des
mauvais traitements qu'il a soufferts et] de ceux qu'il a fait souffrir aux
autres. C'est ce qu'a fait Jésus-Christ; il a tiré vengeance du joug
tyrannique que le démon a fait peser sur nous, et de son entreprise insolente
contre Jésus-Christ lui-même. Mais comment sera-t-il jeté dehors, s'il
triomphe du Sauveur lui-même ? Il répond à cette objection, en ajoutant : «
Et moi, quand j'aurai été élevé de terre, j'attirerai tout à moi. »
Comment, en effet, celui qui entraîne les autres pourrait-il être vaincu ?
Dire : « J'attirerai tout à moi, » c'est dire plus que : « Je
ressusciterai », car de la prédiction qu'il ressusciterait, il ne
s'ensuivait pas nécessairement qu'il attirerait tout à lui, mais l'expression
: « J'attirerai tout à moi, » supposait les deux choses. —
Saint Augustin : Or quelles sont toutes ces
choses qu'il doit attirer à lui, si ce n'est celles dont le démon doit être
chassé ? Remarquez qu'il ne dit pas : Je les attirerai tous, mais bien « J’attirerai
toutes choses », car tous les hommes n'ont pas la même foi. Ces
paroles ne se rapportent donc pas à l'universalité des hommes, mais à
l'ensemble de la créature, c'est-à-dire à l'esprit, à l'âme, au corps, à ce
qui est en nous la cause de la pensée, de la vie, et à ce qui fait de nous
des créatures visibles. Ou bien, s'il faut entendre des hommes cette expression
: « Toutes choses, » il faut l'appliquer aux prédestinés ou à toutes
les espèces d'hommes séparés entre eux, à l'exception du péché, par
d'innombrables différences. —
Saint Jean Chrysostome : Mais comment expliquer ce
que Notre Seigneur dit plus haut, que : « Son Père nous attire ? »
Parce que c'est le Père qui attire, lorsque le Fils lui-même attire. Il dit :
« J'attirerai, » expression qui signifie qu'il délivre les
captifs de la tyrannie, [et qu'il rend la liberté à] ceux qui ne peuvent
venir d'eux-mêmes et briser les chaînes de leur servitude. —
Saint Augustin : Mais « si je suis élevé de
terre, »
c'est-à-dire, « lorsque je serai élevé, » car il n'a aucun doute sur la
réalisation prochaine du mystère qu'il doit accomplir, et c'est sa mort sur la
croix qu'il désigne sous le nom d'élévation. C'est pour cela que
l'Evangéliste ajoute : « Ce qu'il disait, pour marquer la mort dont
il devait mourir. » |
Lectio 5 |
Versets 34-36 |
[86096] Catena in Io., cap. 12 l. 5 Augustinus in
Ioannem. Cum intellexissent Iudaei quod dominus de sua morte dixisset,
proponunt ei quaestionem, quomodo se diceret moriturum; unde dicitur
respondit ei turba : nos audivimus ex lege quia Christus manet in aeternum;
quomodo tu dicis : oportet exaltari filium hominis? Memoriter tenuerunt quod
dominus assidue dicebat se esse filium hominis : nam hoc loco non dixit : si
exaltatus fuerit filius hominis; sed superius dixerat : venit hora ut
clarificetur filius hominis. Hoc ergo in animo retinentes, inquiunt : si
Christus manet in aeternum, quomodo exaltabitur a terra; idest, quomodo
crucis passione morietur? Chrysostomus in Ioannem. Hinc est videre quoniam
multa eorum quae parabolice dicebantur, intelligebant : quia enim praevenit
de morte disputans, audientes hic exaltationem, suspicati sunt hoc. Augustinus. Vel hoc eum dixisse intelligebant quod
facere cogitabant. Non ergo eis verborum istorum obscuritatem aperuit infusa
sapientia, sed stimulata conscientia. Chrysostomus. Et vide qualiter malitiose
interrogant; non enim dixerunt nos audivimus ex lege quia Christus nihil
patitur : in multis enim Scripturarum locis et passio et resurrectio simul
ponitur; sed quoniam manet in aeternum : et nimirum hoc non erat contrarium,
immortalitati enim per passionem non est factum impedimentum. Sed
aestimaverunt per hoc ostendere eum non esse Christum, quoniam Christus manet
in aeternum. Deinde subdunt : quis est filius hominis? Et hoc malitiose;
quasi dicant : non dicas quod propter odium tuum hoc dicamus : ecce enim non
novimus de quo dicis. Sed Christus respondit, ostendens quoniam passio non
prohibet manere eum in aeternum; unde subditur dixit ergo eis Iesus : adhuc
modicum lumen in vobis est : quasi dicat : adhuc parvo tempore ego lux
vobiscum sum; per hoc ostendens quod mors eius transmigratio est : etenim lux
solaris non interimitur, sed parum recedens rursus apparet. Augustinus. Vel aliter. Modicum lumen in vobis est,
per hoc quod intelligitis quia Christus manet in aeternum; ergo ambulate,
accedite, totum intelligite, et moriturum Christum, et victurum in aeternum,
dum lucem habetis. Chrysostomus. Hic dicit tempus totum praesentis
vitae et ante crucem et post crucem : multi enim post crucem crediderunt in
eum. Ut non tenebrae vos comprehendant. Augustinus. Si scilicet eo modo credideritis Christi
aeternitatem ut negetis in eo mortis humilitatem. Sequitur et qui ambulat in
tenebris, nescit quo vadat. Chrysostomus. Quanta denique Iudaei nunc agunt, et
nesciunt quid agunt; sed ut in tenebris ambulantes, putant rectam quidem
incedere viam, contrariam autem vadunt; propterea subdit dum lucem habetis,
credite in lucem. Augustinus. Idest, dum aliquid veri habetis, credite
in veritatem, ut renascamini veritati; unde sequitur ut filii lucis sitis.
Chrysostomus. Quod est filii mei. In principio autem
Evangelista dicit quod ex Deo nati sunt, hoc est ex patre; hic autem ipse
dicitur hos generare, ut discas quoniam una est actio patris et filii.
Sequitur haec locutus est Iesus, et abiit, et abscondit se ab eis. Augustinus. Non ab eis qui credere et diligere
coeperunt, sed ab eis qui videbant et invidebant. Cum autem se abscondit,
nostrae infirmitati consuluit, non suae potestati derogavit. Chrysostomus. Sed cum nec lapides levarent, nec
blasphemarent, cuius gratia occultatus est? Corda enim rimatus noverat
furorem in eis saevientem, et non expectavit ut in opus exirent; sed
occultatur, mitigans eorum invidiam. |
—
Saint Augustin : (Traité 47). Les Juifs ayant compris que Notre Seigneur avait parlé de sa
mort, lui demandent comment il pouvait dire qu'il devait mourir : « Le
peuple lui répondit : Nous avons appris par la loi que le Christ demeure
éternellement, comment dites-vous donc : Il faut que le Fils de l'homme soit
élevé ? » Ils avaient conservé dans leur mémoire que le Seigneur se
disait continuellement le Fils de l'homme, car le Sauveur n'avait point
employé ici cette dénomination : Lorsque le Fils de l'homme sera élevé, comme
précédemment : « L'heure vient où le Fils de l'homme sera glorifié. »
Ils avaient donc présent à l'esprit ce nom qu'il se donnait, lorsqu'ils lai
font cette question : « Si le Christ demeure éternellement, comment
sera-t-il élevé sur la terre ? » c'est-à-dire comment mourra-t-il de la
mort de la croix ? —
Saint Jean Chrysostome : Nous voyons ici qu'ils
comprenaient un grand nombre des choses que le Sauveur leur disait dans un
sens parabolique; il leur avait prédit plus haut sa mort, et ils entendent
dans ce sens ce qu'il dit de son élévation. —
Saint Augustin : Ou bien ils comprirent qu'il
leur parlait de ce qu'ils avaient l'intention de faire, ce ne fut donc point
une sagesse reçue d'en haut, mais leur conscience agitée par le remords qui
leur révèle l'obscurité de ces paroles. —
Saint Jean Chrysostome : Voyez quelle malice dans
cette question; ils ne s'expriment pas de cette manière : Nous avons appris
par la loi que le Christ doit être exempt de souffrances (car dans une foule
d'endroits, les saintes Ecritures annoncent en même temps sa passion et sa
résurrection), mais ils disent : « Nous avons appris que le Christ
demeure éternellement. » Et il n'y avait en cela aucune contradiction,
car la passion du Sauveur n'est point devenue un obstacle à son immortalité.
Mais les Juifs s'imaginaient qu'ils prouveraient par là qu'il n'était pas le
Christ, parce que le Christ doit demeurer éternellement. Ils ajoutent : « Qui
est ce Fils de l'homme ? » question également pleine de malice et dont
voici le sens : N'allez pas dire que nous vous faisons cette question par un
sentiment de haine, car nous ne savons pas de qui vous voulez parler. Notre
Seigneur leur répond en leur démontrant que sa passion n'est pas un obstacle
à ce qu'il demeure éternellement : « Jésus leur dit : La lumière est
encore pour un peu de temps au milieu de vous », c'est-à-dire : Moi,
la lumière, je suis encore pour peu de temps avec vous. Il leur apprend par
là que la mort n'est qu'un passage, de même que la lumière du soleil ne
s'éteint pas, mais se retire un peu de temps pour reparaître bientôt. —
Saint Augustin : Ou bien encore, la lumière
qui vous fait comprendre que le Christ demeure éternellement est pour un peu
de temps au milieu de vous; marchez donc à cette lumière, approchez,
comprenez la vérité tout entière, c'est-à-dire que le Christ doit mourir et
vivre éternellement, tant que vous avez la lumière. —
Saint Jean Chrysostome : Il veut parler ici du temps
de cette vie tout entière, de celui qui devait précéder sa croix comme de
celui qui devait la suivre, car un grand nombre crurent en lui après la
passion : « de peur que les ténèbres ne vous surprennent. » —
Saint Augustin : Si vous ne voulez croire
l'éternité du Christ, qu'en niant l'humiliation de sa mort. « Et celui qui
marche dans les ténèbres ne sait où il va. » — Saint
Jean Chrysostome : [référence à vérifier] De quels crimes énormes les
Juifs se rendent maintenant coupables ! Ils ne savent ce qu'ils font, mais
tout en marchant dans les ténèbres, ils s'imaginent suivre le droit chemin,
tandis qu'ils s'égarent dans une fausse voie, et c'est pour cela que le
Sauveur ajoute : « Pendant que vous avez la lumière, croyez en la lumière.
» —
Saint Augustin : C'est-à-dire, tandis que
vous retenez encore quelque parcelle de la vérité, croyez en la vérité, pour
que vous puissiez renaître à la vérité : « afin que vous soyez des enfants
de lumière. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 68). C'est-à-dire, mes
enfants. Au commencement de son Evangile, saint Jean dit qu'ils sont nés de
Dieu, c'est-à-dire du Père; ici, d'après ses paroles, c'est lui-même qui les
engendre, pour vous faire comprendre que le Père et le Fils ont une seule et
même action. « Jésus dit ces choses, puis il s'en alla et se
cacha d'eux. » —
Saint Augustin : Il ne se cacha pas de ceux
qui avaient commencé à croire en lui et à l'aimer, mais de ceux qui, témoins
de ces merveilles, le jalousaient. En se dérobant ainsi à ses ennemis, il a
égard à notre faiblesse, il ne déroge pas à sa puissance divine. —
Saint Jean Chrysostome : Mais pourquoi se cacher,
alors qu'ils ne cherchaient pas à le lapider, et qu'ils ne proféraient aucun
blasphème ? Il pénétrait le fond de leurs cœurs, il y voyait la fureur
dont ils étaient animés contre lui, et il n'attendit pas qu'elle se traduisît
en actes. Il se cache donc pour calmer ainsi leur jalousie. |
Lectio 6 |
Versets 37-43
|
[86097] Catena in Io., cap. 12 l. 6 Chrysostomus
in Ioannem. Noverat dominus ferventem animum Iudaeorum, et occisionem
meditantem; et ideo occultatus est : et hoc occulte insinuavit Evangelista
subdens cum autem tanta signa fecisset coram eis, non crediderunt in eum.
Theophylactus. Non autem modicae iniquitatis fuit
tantis signis non credere : ea vero signa commemorat quae supra sunt posita.
Chrysostomus. Ne quis autem dicat : cuius gratia
venit Christus, non noverant, quod non ei intenderent; ideo ad hoc
excludendum inducit etiam prophetas hoc scientes; propter quod sequitur ut
sermo Isaiae impleretur, quem dixit : domine, quis credidit auditui nostro,
et brachium domini cui revelatum est? Alcuinus. Quis pro raritate posuit : quia quod
sancti prophetae a Deo audierunt et populo praedicaverunt, paucissimi
crediderunt. Augustinus in Ioannem. Satis autem ostendit brachium
domini ipsum Dei filium nuncupatum : non quod Deus pater figura detinetur
carnis humanae : sed quia omnia per ipsum facta sunt, ideo brachium domini
dictum est. Si enim aliquis homo tanta potestate praevaleret ut sine ullo
motu corporis sui, quod diceret fieret, verbum eius, brachium eius esset. Non
autem patet occasio erroris his qui dicunt quia solus pater est, si brachium
eius est filius (non enim duae, sed una persona est homo et brachium eius),
non intelligentes quomodo verba de rebus aliis ad res alias propter aliquam
similitudinem transferantur. Quidam autem inter se mussitant : quae culpa
fuit Iudaeorum, si necesse erat ut sermo Isaiae impleretur? Quibus
respondemus, Deum praescium futurorum per prophetam praedixisse infidelitatem
Iudaeorum, non fecisse : non enim propterea quemquam Deus ad peccandum cogit,
quia futura hominum peccata iam novit : ipsorum enim praescivit peccata, non
sua. Fecerunt ergo peccatum Iudaei quod facturos esse praedixit quem nihil
latet. Chrysostomus. Quod ergo dixit ut sermo Isaiae
prophetae impleretur, ly ut non causale est, sed eventus : non enim quia
dixit Isaias, non crediderunt; sed quia non erant credituri, propterea Isaias
dixit. Augustinus. Sed ea quae sequuntur, profundiorem
faciunt quaestionem; adiungit enim et dicit propterea non poterant credere,
quia iterum dixit Isaias : excaecavit oculos eorum, et induravit cor eorum,
ut non videant oculis, et non intelligant corde, et convertantur, et sanem
eos. Si enim credere non poterant, quod peccatum est hominis non facientis
quod non potest facere? Et, quod est gravius, ad Deum causa refertur,
quandoquidem ipse excaecavit oculos eorum et induravit eorum cor : non enim
hoc saltem de Diabolo dicitur, sed de Deo. Sed quare non poterant credere?
Respondeo : quia nolebant. Sicut enim quod dominus negare seipsum non potest,
laus est voluntatis divinae, ita quod illi non poterant credere, culpa est
voluntatis humanae. Chrysostomus. Hoc autem et in communi consuetudine
custoditur, ut cum quis dicit : non possum amare illum : vehementiam
voluntatis impotentiam dicit. Sed Evangelista dicit non poterant, ut ostendat
quoniam impossibile est mentiri prophetam : non tamen propterea impossibile
erat eos credere; non enim haec praedixisset, si credituri essent. Augustinus. Sed aliam causam, inquis, dicit
propheta, non voluntates eorum : quia scilicet excaecavit oculos eorum, et
induravit cor eorum. Sed hoc etiam eorum voluntatem meruisse respondeo. Sic
enim excaecat et obdurat Deus deserendo et non adiuvando; quod occulto
iudicio facere potest, iniquo non potest. Chrysostomus. Neque enim derelinquit nos nisi
voluerimus nos, secundum illud : oblitus es legis Dei tui; obliviscar et ego
tui. Haec dicit ostendens nos incipere derelictionem et causam fieri
perditionis. Sicut enim sol infirmum offendit visum non ex propria natura;
ita fit in his qui non attendunt Dei sermones. Terrens autem auditores
Scriptura dicit excaecavit et induravit. Augustinus. Quod autem addidit et convertantur, et
sanem eos, utrum subaudiendum sit non, idest non convertantur, etenim
conversio de illius gratia est; an forte et hoc de supernae medicinae
misericordia factum intelligendum, ut quoniam superbe suam iustitiam
constituere volebant, adhuc desererentur et excaecarentur, ut offenderent in
lapidem offensionis, et impleretur facies eorum ignominia, atque humiliati
quaererent non suam, qua inflatur superbus, sed iustitiam Dei, qua
iustificatur impius? Hoc enim multis eorum profecit in bonum, qui de suo
scelere compuncti, in Christum postea crediderunt. Sequitur haec dixit Isaias
quando vidit gloriam eius, et locutus est de eo. Vidit autem non sicuti est,
sed modo quodam significativo, sicut prophetae visio fuerat informanda. Nemo
ergo vos fallat eorum qui dicunt invisibilem patrem et visibilem filium, qui
putant eum esse creaturam : in forma enim Dei, in qua aequalis est patri,
etiam filius invisibilis est : ut autem ab hominibus videretur, formam servi
accepit. Ostendit etiam se, antequam susciperet carnem, oculis hominum, sicut
voluit in subiecta creatura, non sicuti est. Chrysostomus. Gloriam autem hic dicit visionem
sedentis in throno excelso, et alia quae ibi dicuntur; unde sequitur et
locutus est de eo, hoc scilicet : vidi Deum sedentem, et quod audivit vocem
dicentem : quem mittam, et quis ibit nobis? Sequitur verumtamen ex
principibus multi crediderunt in eum; sed propter Pharisaeos non
confitebantur, ut de synagoga non eicerentur. Dilexerunt enim magis gloriam
hominum, quam gloriam Dei. Alcuinus. Gloria Dei est publice confiteri Christum;
gloria hominum est in mundanis gloriari. Augustinus. Hos ergo improbavit Evangelista qui in
hoc gressu fidei si proficerent per amorem, quae humanae gloriae sunt
proficiendo superarent. |
—
Saint Jean Chrysostome : (hom. 67 sur Saint Jean). Notre Seigneur connaissait la haine
furieuse des Juifs, qui méditaient sa mort, et c'est le motif qui le porte à
se cacher, comme l'Evangéliste semble l'indiquer indirectement par ces
paroles : « Mais, quoiqu'il eût
fait tant de miracles devant eux, ils ne croyaient point en lui, ». — Théophylactus : Ils furent grandement coupables de ne pas croire à de si grands
miracles. Ces miracles sont ceux dont il a été parlé plus haut. —
Saint Jean Chrysostome : Et, pour qu'on ne pût
excuser leur incrédulité, en disant qu'ils ne savaient pas l'objet de la
mission du Christ, l'Evangéliste apporte le témoignage des prophètes qui ont
connu cet objet : « De sorte que cette
parole d'Isaïe fût accomplie : ‘Seigneur, qui a cru à votre parole, et à qui
le bras du Seigneur a-t-il été révélé ?’ » —
Alcuin : Le Prophète dit : « Qui a cru ? » pour exprimer le
petit nombre de ceux qui ont cru à ce que les saints prophètes avaient appris
de Dieu et annoncé au peuple. —
Saint Augustin : (Traité 53 sur Saint Jean). Il
fait assez entendre que ce bras du Seigneur c'est le Fils de Dieu lui-même,
non pas que Dieu le Père ait une forme humaine, mais il l'appelle le bras de
Dieu, parce que toutes choses ont été faites par lui. (Jn 1) Si un
homme, en effet, avait une puissance assez grande pour exécuter ce qu'il veut
sans aucun mouvement de son corps, sa parole serait pour ainsi dire son bras.
Cette expression ne peut nullement appuyer l'erreur de ceux qui prétendent
qu’il n'y a que la personne du Père, si le Fils est son bras, puisque l'homme
et le bras ne forment qu'une seule personne. Ils ne comprennent pas qu'une
expression puisse être détournée de sa signification naturelle pour être
appliquée à un genre de choses tout différent, à cause de certains points de
ressemblance. Il en est d'autres qui demandent, en murmurant, en
quoi les Juifs ont été coupables, s'il fallait que la prophétie d'Isaïe fût
accomplie ? Nous répondons que Dieu, dans la connaissance qu'il a de
l'avenir, a prédit par le prophète l'incrédulité des Juifs, sans en être
l'auteur; car Dieu ne force aucun homme à pécher, par là même qu'il prévoit
les péchés que commettront les hommes. Ce sont leurs péchés qu'il prévoit, et
non les siens. Les Juifs se rendirent donc coupables d'un crime qui avait été
prévu et prédit par celui à qui rien ne peut être caché. —
Saint Jean Chrysostome : Dans cette locution : « afin que la prophétie d'Isaïe fut
accomplie, » la conjonction afin que n'indique pas la cause, mais
l'effet; car, si les Juifs n'ont pas cru, ce n'est point parce qu'Isaïe
l'avait prédit, mais c'est, au contraire, parce qu'ils devaient être
incrédules, qu'Isaïe a prédit leur incrédulité. —
Saint Augustin : Cependant les paroles qui
suivent soulèvent une difficulté plus grave; en effet, l'Evangéliste ajoute :
« C'est pour cela qu'ils ne pouvaient
croire » ; parce qu'Isaïe a dit encore : « Il a aveuglé leurs yeux, et il a endurci leur cœur, de peur qu'ils
ne voient des yeux, et ne comprennent du cœur, et qu’ils ne se convertissent
et soient sauvés.» Or, s'ils ne pouvaient croire, quel est le crime d'un
homme qui ne fait point ce qui lui est impossible de faire ? Et, ce qu'il y a
de plus grave ici, c'est que Dieu paraît être la cause de leur incrédulité,
puisque c'est lui qui a aveuglé leurs yeux et endurci leur cœur; car ce n'est
point au démon, mais à Dieu, que l'Evangéliste attribue cet aveuglement. Mais
pourquoi donc ne pouvaient-ils croire ? Je réponds : Parce qu'ils ne le
voulaient pas; car, de même que c'est la gloire de la volonté divine que Dieu
ne puisse se démentir lui-même, ainsi c'est la faute de la volonté humaine de
ne pouvoir croire à la parole divine. —
Saint Jean Chrysostome : Cette manière de parler est
passée en usage; c'est ainsi que l'on dit : Je ne peux l'aimer, en rejetant
sur l'impuissance de la volonté ce qui est l'effet d'une violente antipathie.
L'Evangéliste se sert de cette expression : « Ils ne pouvaient pas, » pour montrer qu'il était impossible que
le Prophète ait fait une fausse prédiction; mais ce n'est point cette
prédiction qui leur rendait la foi impossible, car Isaïe ne l'eût point faite
s'ils avaient dû croire. —
Saint Augustin : Mais, direz-vous, le
Prophète indique une autre cause que leur volonté, quand il ajoute : « Il a aveuglé leurs yeux, et endurci leur
coeur». Je réponds que c'est leur volonté qui a mérité cet aveuglement,
car Dieu aveugle et endurcit, en abandonnant et en refusant son secours, ce
qu'il peut faire par un jugement secret, mais qui ne peut jamais être
injuste. —
Saint Jean Chrysostome : Dieu, en effet, ne nous
abandonne que lorsque nous le voulons, selon ces paroles du prophète Osée : « Vous avez oublié la loi de votre
Dieu, je vous oublierai moi-même. » (Os
4, 6). Il parle ainsi pour nous apprendre que c'est nous qui
commençons nous-mêmes l'œuvre de notre réprobation, et qui devenons la cause
de notre perte. De même que le soleil blesse une vue malade, bien que cet
effet ne soit point dans sa nature, ainsi arrive-t-il pour ceux qui ne font
nulle attention aux enseignements divins. Or, ces paroles de l'Ecriture : «
Il a aveuglé et endurci, » sont propres à jeter l'effroi dans l'âme des
auditeurs. —
Saint Augustin : Dans celles qui suivent : « Et que venant à se convertir, je les
guérisse, » faut-il sous-entendre la particule négative ne (c'est-à-dire
que ne se convertissant pas), car la conversion est un effet de sa
grâce ? Ou bien n'est-ce point par un effet de la bonté de ce divin
Médecin que les Juifs, pour avoir voulu établir leur justice orgueilleuse (Rm
10), aient été abandonnés et aveuglés pour un temps, afin qu'ils viennent
heurter contre la pierre de scandale (Rm 9, 32), que leur face soit
couverte de confusion (Ps 82, 17), et qu'ainsi humiliés, ils cherchent
non plus leur justice à eux par laquelle s’enfle le superbe, mais la justice
de Dieu, qui justifie l'impie ? Car, ce châtiment a été une cause du salut
pour un grand nombre d'entre eux qui, repentants de leur crime, ont cru
ensuite en Jésus-Christ. l'Evangéliste ajoute : « Isaïe a dit ces choses lorsqu'il a vu sa gloire et qu'il a parlé de
lui. » Il a vu sa gloire non telle qu'elle est en elle-même, mais sous
une forme symbolique, comme il convenait que Dieu la révélât à un prophète.
Ne vous laissez donc point induire en erreur par ceux qui enseignent que le
Père est invisible, et que le Fils seul est visible, et qui soutiennent qu'il
est une simple créature; car le Fils est également invisible dans sa nature
divine, qui le rend égal au Père. Il s'est revêtu de la forme du serviteur
pour se rendre visible aux êtres humains. Mais avant même son incarnation, il
s'est manifesté aux yeux des hommes sous une forme créée et non tel qu'il
est. —
Saint Jean Chrysostome : La gloire dont il parle ici
est celle qui se révéla aux yeux du prophète, lorsqu'il vit Celui qui était
assis sur un trône élevé, et tout ce qui est rapporté en cet endroit.
l’Evangéliste ajoute : « et qu'il a
parlé de lui. » Qu'a-t-il dit de lui ?
« J'ai vu le Seigneur assis, et j'ai entendu la voix qui me disait : Qui
enverrai-je, et qui ira». «
Néanmoins plusieurs des chefs eux-mêmes crurent en lui; mais à cause des
pharisiens, ils n'osaient le reconnaître publiquement, de crainte d'être
chassés de la synagogue; car, ils ont plus aimé la gloire des hommes que la
gloire de Dieu. » —
Alcuin : La gloire de Dieu, c'est de
confesser publiquement le Christ : la gloire des hommes, c'est de se
glorifier dans les vanités du monde. —
Saint Augustin : L'Evangéliste condamne donc
ceux qui auraient pu s'élever, par l'amour, au-dessus de ce premier degré de
la foi, et triompher ainsi des tentations de la gloire humaine. |
Lectio 7 |
Versets 44-50
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[86098] Catena in Io., cap. 12 l. 7 Chrysostomus
in Ioannem. Quia amor humanae gloriae principes credentes confiteri
prohibebat, dominus contra hoc eis loquitur; unde dicitur Iesus autem clamavit,
et dixit : qui credit in me, non credit in me, sed in eum qui me misit; quasi
dicat : quid formidatis credere in me? In Deum fides pervenit per me. Augustinus in Ioannem. Quia enim homo apparebat
hominibus, cum lateret Deus, ne putarent eum hoc esse tantum quod videbant,
talem ac tantum se volens credi qualis et quantus est pater, qui credit in
me, inquit, non credit in me, idest in hoc quod videt, sed in eum qui me
misit, idest in patrem. Nam si putaverit eum habere filios secundum gratiam,
non autem habere filium aequalem sibi atque coaeternum, nec credit in patrem
qui eum misit, quia non est hoc pater qui eum misit. Ne autem putarent sic
voluisse intelligi patrem tamquam multorum filiorum per gratiam generatorem,
non unici verbi aequalis sibi, continuo subiecit qui videt me, videt eum qui
misit me; quasi dicat : usque adeo nihil distat inter eum et me, ut qui me
videt, videat eum qui misit me. Apostolos suos certe ipse dominus misit;
numquam tamen aliquis eorum dicere auderet : qui credit in me. Credimus enim
apostolo, sed non credimus in apostolum. Filius autem recte unigenitus dicit
qui credit in me, non credit in me, sed credit in eum qui me misit; ubi non a
se abstulit credentis fidem, sed noluit in forma servi remanere credentem.
Chrysostomus. Vel dicit qui credit in me, non credit
in me, sed in eum qui misit me, quasi dicat : qui fluminis accipit aquam, non
eam quae est fluminis accipit sed eam quae est fontis. Volens autem ostendere
quoniam non est credere in patrem, non credentem in eum, subiungit qui videt
me, videt eum qui me misit. Quid igitur? Corpus est Deus? Nequaquam; sed
consideratio veri, quae est per intellectum, hic visio dicitur. Deinde
ostendit eam quae est ad patrem cognitionem, in hoc quod subdit ego lux in
mundum veni : quia enim pater lux vocatur, ubique eo hic utitur nomine. Lucem
autem se hic vocavit, eo quod ab errore eripit, et intellectuales tenebras
solvit; unde subdit ut omnis qui credit in me, in tenebris non maneat. Augustinus. In quo satis manifestat, omnes se in
tenebris invenisse. Sed ne in eis tenebris maneant in quibus inventi sunt,
debent credere in lucem, quae venit in mundum. Dixit quodam loco discipulis
suis : vos estis lux mundi; non tamen eis dixit : vos lux venistis in mundum,
ut omnis qui credit in vos, in tenebris non maneat. Lumina ergo sunt omnes
sancti; sed credendo illuminantur ab eo a quo si quis recesserit, tenebratur.
Chrysostomus. Ut autem non existiment quod propter
imbecillitatem eos qui ipsum contemnunt illaesos dimittat, subiungit et si
quis audierit verba mea et non custodierit, ego non iudico eum. Augustinus. Intelligendum est : modo non iudico eum;
cum alio loco dicat : pater omne iudicium dedit filio. Quare autem modo non
iudicat, ostendit subdens non enim veni ut iudicem mundum, sed ut salvificem
mundum; idest, ut salvum faciam mundum. Nunc ergo est tempus misericordiae,
post erit iudicii. Chrysostomus. Deinde ut non pigriores ex hoc fiant,
terribile subdit iudicium qui spernit me et non accipit verba mea, habet qui
iudicet eum. Augustinus in Ioannem. Non dicit : ego non iudico
eum in novissimo die : hoc enim esset contrarium illi sententiae : omne
iudicium dedit filio. Expectantibus autem quisnam esset ille, secutus
adiungit sermo quem locutus sum, ille iudicabit eum in novissimo die. Satis
manifestavit seipsum in novissimo die iudicaturum : seipsum quippe locutus
est, seipsum annuntiavit. Aliter itaque iudicabuntur qui non audierunt,
aliter qui audierunt et contempserunt. Augustinus de Trin. Ideo autem iudicat verbum quod
locutus est filius, quia non ex se locutus est filius; unde sequitur quia ego
ex meipso non sum locutus; per quod intelligi voluit : ego non ex me natus
sum. Quaero itaque quomodo intelligamus : ego non iudicabo, sed verbum quod
locutus sum iudicabit; cum ipse sit verbum patris quod loquitur. Vel ita. Ego
non iudicabo ex potestate humana, quia filius hominis sum, sed ego iudicabo
ex potestate verbi Dei, quia filius Dei sum. Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter. Ego non iudico
eum; idest, non sum causa perditionis eius; sed ipse qui verba mea spernit.
Verba enim quae modo locutus sum, in ordine stabunt accusatoris omnem
tollentia excusationem; et hoc est quod subdit sermo quem locutus sum, ille
iudicabit eum. Et quis sermo? Quia ego ex meipso non sum locutus; sed qui
misit me pater, ipse mihi mandatum dedit quid dicam, et quid loquar. Omnia
igitur haec propter eos dicebantur, ut nullam habeant excusationem. Augustinus in Ioannem. Mandatum autem, non quod
filius non habeat, pater dedit; sed in sapientia patris, quod est verbum
patris, omnia mandata sunt patris. Dicitur autem mandatum datum, quia non est
a seipso, cui dicitur datum; et hoc est dare filio id sine quo numquam filius
fuit, quod est gignere filium qui numquam non fuit. Theophylactus. Cum enim verbum patris existat
filius, et quae sunt in mente patris revelet in integrum, mandatum accepisse
dicit quid sit dicturus, et quid loquatur. Sicut etiam nostrum verbum, si
verum fateri volumus, ea profert quae suggerit mens. Sequitur et scio quia
mandatum eius vita aeterna est. Augustinus. Si ergo vita aeterna est ipse filius, et
vita aeterna est mandatum patris, quid aliud dictum est nisi quia ego sum
mandatum patris? Proinde et id quod adiungit, quae ergo loquor, sicut dixit
mihi pater, sic loquor, non accipiamus dixit mihi quasi per verba locutus sit
unico verbo. Dixit ergo pater filio id sine quo numquam filius fuit, sicut
dedit vitam filio : non quod nesciebat vel non habebat, sed quod ipse filius
erat. Quid est autem sicut dixit mihi, sic loquor, nisi verbum loquor? Ita
ille dixit ut verax, ita iste loquitur ut veritas; verax autem genuit
veritatem : quid ergo iam diceret veritati? Non enim imperfecta erat veritas,
cui verum aliquod adderetur. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 69 sur Saint Matth). Comme
l'amour de la gloire, humaine empêchait les princes du peuple d'avouer qu'ils
croyaient en Jésus-Christ, le Sauveur s'élève avec force contre cette passion
: « Jésus s'écria et dit : Celui qui
croit en moi, ne croit point en moi, mais en celui qui m'a envoyé. »
Comme s'il leur disait : Pourquoi redoutez-vous de croire en moi ? Votre foi
arrive jusqu'à Dieu par moi. —
Saint Augustin : (Traité 52 sur Saint Jean). Les
hommes ne voyaient que son humanité, qui voilait sa divinité, et pouvaient
penser qu'il n'était que ce qu'il paraissait à leurs yeux. Le Sauveur, qui
voulait que l'on crût sa nature et sa majesté égales à la nature et à la
majesté de son Père, dit aux Juifs : « Celui
qui croit en moi, ne croit point en moi, » c'est-à-dire en ce qu'il voit
de ses yeux, mais en celui qui m'a envoyé, c'est-à-dire en mon Père. Car,
s'il pense que mon Père n'a que des fils selon la grâce, et qu'il n'a point
de Fils qui lui soit égal et coéternel, il ne croit point au Père qui l'a
envoyé, parce que tel n'est point le Père qui l'a envoyé. Et, comme il ne
veut pas laisser supposer que son Père a bien engendré un grand nombre
d'enfants par la grâce, mais qu'il n'est point le Père d'un Fils unique qui
lui soit égal, il ajoute aussitôt : « et
celui qui me voit, voit celui qui m'a envoyé. » C'est-à-dire, il est si
vrai qu'il n'y a point de différence entre mon Père et moi, que celui qui me
voit, voit celui qui m'a envoyé. Certainement c'est le Seigneur qui a envoyé
les Apôtres, jamais cependant aucun d'eux n'a osé dire : « Celui qui croit en
moi » car, nous croyons à l'apôtre, mais nous ne croyons pas en l'apôtre. Le
Fils unique au contraire peut dire avec raison : « Celui qui croit en moi, ne croit pas en moi, mais croit en
celui qui m'a envoyé. » Non pas qu'il repousse la foi de celui qui
croit en lui, mais il ne veut pas que cette foi s'arrête à la forme du
serviteur. —
Saint Jean Chrysostome : Ou bien encore, ces paroles
: « Celui qui croit en moi, ne croit point en moi, mais en celui
qui m'a envoyé, » doivent être entendues dans ce sens : Celui qui reçoit
l'eau d'un fleuve, ne reçoit pas l'eau du fleuve, mais l'eau qui sort de la
source. Or, le Sauveur voulant montrer qu'on ne peut croire en Dieu le Père
sans croire en lui, ajoute : « Celui
qui me voit, voit celui qui m'a envoyé. » Quoi donc, est-ce que Dieu est
un corps ? Non, sans doute; mais le Sauveur donne ici le nom de vision à la
considération du vrai, qui se fait par l'intelligence. Il explique ensuite ce
qu'est la connaissance du Père, en ajoutant : « Et moi, qui suis la lumière, je suis venu en ce monde. » Comme
le Père est appelé la lumière, le Sauveur emploie et s'applique partout ce
nom. Il s'appelle ici la lumière, parce qu'il nous délivre de l'erreur et
dissipe les ténèbres de l'intelligence; c'est pour cela qu'il ajoute : « afin que tous ceux qui croient en moi,
ne demeurent pas dans les ténèbres. » —
Saint Augustin : Il nous fait assez
comprendre par là qu'il a trouvé tous les hommes plongés dans les ténèbres;
mais, s'ils ne veulent pas rester dans les ténèbres au milieu desquelles il
les a trouvés, il leur faut croire dans la lumière qui est venue dans le
monde. Dans un autre endroit, il dit à ses disciples : « Vous êtes la lumière du monde. » Il ne leur dit pas, toutefois
: Vous êtes venus dans le monde comme étant la lumière, afin que tout homme
qui croit en vous ne demeure pas dans les ténèbres. Tous les saints sont donc
des lumières; mais c'est en croyant en Jésus-Christ qu'ils sont éclairés par
lui, dont on ne peut se séparer sans retomber dans les ténèbres. —
Saint Jean Chrysostome : Le Sauveur veut éloigner la
pensée que l'impunité, dont semblent jouir ceux qui le méprisent, vient de sa
faiblesse, et il ajoute : « Si
quelqu'un écoute mes paroles, et ne les garde pas, je ne le juge pas. » —
Saint Augustin : Il faut entendre : Je ne le
juge pas actuellement, puisqu'il dit dans un autre endroit : « Le père a donné tout pouvoir de
juger à son Fils. » (Jn 5) Pourquoi ne juge-t-il pas maintenant ?
Il en donne lui-même la raison : « Car
je ne suis pas venu pour juger le monde, mais pour sauver le monde. »
C'est donc maintenant le temps de la miséricorde : viendra ensuite celui du
jugement. —
Saint Jean Chrysostome : Mais de peur que ce délai ne
devienne une cause de relâchement, il rappelle l'idée de ce terrible jugement
: « Celui qui me méprise et ne reçoit pas mes paroles, a
quelqu'un qui le jugera. » —
Saint Augustin : Il ne dit pas : Je ne le
jugerai pas au dernier jour, ce qui serait en contradiction avec ce qu'il a
dit plus haut : « Il a donné tout
pouvoir de juger à son Fils. » [Les paroles : « Celui qui me méprise, a quelqu'un qui le jugera, »] donnaient
naturellement lieu à cette question : Quel est celui qui jugera ? Notre
Seigneur la prévient, en ajoutant : «
Ce sera la parole même que j'ai annoncée qui le jugera au dernier
jour. » En s'exprimant de la sorte, il fait assez entendre que c'est
lui-même qui doit juger au dernier jour; car, il s'est affirmé lui-même, il
s'est fait connaître lui-même. Ceux donc qui n'ont point entendu sa parole,
n'auront point le même jugement à subir que ceux qui ne l'ont entendue que
pour la mépriser. —
Saint Augustin : (De la Trin., 1, 12). C'est la parole
annoncée par le Fils, qui jugera au dernier jour, parce que le Fils n'a point
parlé de lui-même. « Car, ajoute-t-il, je n'ai point parlé de moi-même. » Il
a voulu que, par là, l’on comprenne : Je ne suis pas né de moi-même. Mais
je me demande comment nous devons entendre ces paroles : « Ce n'est pas moi qui jugerai, ce sera la parole que j'ai annoncée
qui jugera, » puisqu'il est lui-même la parole du Père. On peut les
expliquer de la sorte : Je ne jugerai pas en vertu d'un pouvoir humain, parce
que je suis le Fils de l'homme, mais je jugerai par la puissance du Verbe de
Dieu, parce que je suis le Fils de Dieu. —
Saint Jean Chrysostome : On bien encore : « Je ne le juge pas, »
c'est-à-dire je ne suis pas la cause de sa perte, qui ne doit être imputée
qu'à celui qui méprise mes paroles; car, ces paroles que j'ai dites prendront
le rôle d'accusateur, et enlèveront toute excuse. C'est pour cela qu'il
ajoute : « La parole que j'ai annoncée,
le jugera. » Et quelle est cette parole? Celle que je n'ai point dite de
moi-même, mais qui est la parole de mon Père, qui m'a envoyé; car c'est lui
qui m'a prescrit, par son commandement, ce que je dois dire, et comment je
dois parler. Toutes les vérités qu'il leur annonçait étaient donc dans leur
intérêt, et aussi pour les rendre inexcusables s'ils refusaient d'y croire. —
Saint Augustin : Or, le Père n'a point donné
au Fils un commandement qu'il n'avait pas auparavant; car tous les
commandements du Père émanent de la sagesse du Verbe, qui est le Verbe du
Père. Notre Seigneur dit que ce commandement lui est donné parce que celui à
qui il est donné n'existe pas de lui-même. Donner au Fils ce sans quoi il n'a
jamais été Fils, c'est engendrer le Fils, qui n'a jamais cessé d'exister. — Théophylactus : Comme le Fils est le Verbe du Père, et qu'il révèle dans toute leur
vérité ce qui est dans l'intelligence du Père, il dit qu'il a reçu le
commandement qui lui prescrit ce qu'il doit dire, et comment il doit parler.
C'est ainsi que notre parole, lorsque nous voulons dire la vérité, ne fait
qu'énoncer ce que la pensée lui suggère. « Et
je sais que son commandement est la vie éternelle. » —
Saint Augustin : Si donc le Fils est la vie
éternelle, et que la vie éternelle soit le commandement du Père, quelle
conclusion tirer de ces paroles, si ce n'est : Je suis le commandement du
Père ? Ainsi lorsqu'il ajoute : « Ce
que je dis donc, je le dis selon que mon Père me l'a enseigné, » il ne
faut pas l'entendre dans ce sens que Dieu ait adressé une parole extérieure à
son Verbe. Le Père a donc parlé au Fils de la même manière qu’il lui a donné
la vie, non en lui faisant connaître ce qu'il ignorait, ou en lui donnant ce
qu'il n'avait pas, mais en lui donnant ce par quoi il était son Fils. Que
signifient ces paroles : « Comme il
dit, je parle, » si ce n'est : Je parle comme étant le Verbe ? Le Père
parle comme étant essentiellement vrai; le Fils parle comme étant la vérité.
Celui qui est vrai a engendré la vérité; que pourrait-il donc dire à la
vérité ? Car la vérité n'était point dans cet état d'imperfection qui la
rendit susceptible d’un accroissement quelconque de vérité. |
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Caput 13 |
CHAPITRE XIII
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Lectio 1 |
Versets 1-4
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[86099] Catena in Io., cap. 13 l. 1 Theophylactus.
Quia dominus transmigraturus erat de praesenti saeculo, explicat qualem
erga suos amicitiam gereret; unde dicitur ante diem festum Paschae, sciens
Iesus quia venit hora eius ut transeat ex hoc mundo ad patrem, cum dilexisset
suos qui erant in mundo, in finem dilexit eos. Beda. Plurimas siquidem festivitates Iudaei
habebant; sed apud eos insignior atque celebrior erat Paschae festivitas;
propter quod signanter dicit ante diem festum Paschae. Augustinus in Ioannem. Pascha, non sicut quidam
existimant, Graecum nomen est, sed Hebraeum; opportunissime tamen occurrit in
hoc nomine quaedam congruentia utrarumque linguarum : quia enim pati Graece
paschin dicitur, ideo Pascha passio putata est, ut hoc nomen a passione sit
appellatum : in sua vero lingua, hoc est in Hebraea, Pascha transitus
dicitur, propterea quia tunc primum Pascha celebravit populus Dei quando ex
Aegypto fugientes, rubrum mare transierunt. Nunc ergo figura illa prophetica
in veritate completa est, cum sicut ovis ad immolandum ducitur Christus,
cuius sanguine illinitis postibus nostris, idest cuius signo crucis signatis
frontibus nostris, a perditione huius saeculi, tamquam a captivitate
Aegyptiaca, liberamur, et agimus saluberrimum transitum, cum de Diabolo
transimus ad Christum, et ab isto instabili saeculo ad eius fundatissimum
regnum. Hoc itaque nomen, idest Pascha, velut interpretans nobis Evangelista,
dicit sciens quia venit hora eius ut transeat ex hoc mundo ad patrem. Ecce
Pascha, ecce transitus. Chrysostomus in Ioannem. Non solum autem tunc
sciens, sed olim. Transitum autem eius mortem vocat. Relicturus autem
discipulos maiorem eis demonstravit amorem; et hoc est quod dicit cum
dilexisset suos qui erant in mundo, in finem dilexit eos; hoc est, nihil
dereliquit, eorum quae eum qui valde amat, decens est facere. Non autem a
principio hoc fecit, sed maiora postea adiecit ut eorum augeat
familiaritatem, et multam eis praeparet consolationem ad ea quae superventura
erant; suos autem eos vocat secundum familiaritatis rationem, quia et alios
suos dicit secundum conditionis rationem, ut cum dicitur : sui eum non
receperunt. Addit autem qui erant in mundo : quia sui erant etiam defuncti,
ut Abraham, Isaac et Iacob; sed in mundo non erant. Hos ergo suos qui erant
in mundo, mansit amans continue, et tandem perfectam amicitiam circa eos
ostendit; et hoc est in finem dilexit eos. Augustinus. Vel aliter in finem dilexit eos, ut et
ipsi de hoc mundo ad suum caput dilectione transirent. Quid est enim in
finem, nisi in Christum? Finis enim legis Christus ad iustitiam omni
credenti, finis perficiens, non interficiens. Video autem posse ista verba
quodam humano modo etiam sic accipi tamquam usque ad mortem Christus
dilexerit suos. Sed absit ut dilectionem morte finierit qui non est morte
finitus : nisi forte sit ita intelligendum : usque ad mortem dilexit eos :
idest, usque ad mortem illum dilectio ipsa perduxit. Sequitur et coena facta,
idest iam peracta, et ad convivantium mensam usumque perducta. Non enim ita
debemus intelligere coenam factam, veluti iam consumptam atque transactam :
adhuc enim coenabatur cum surrexit, et pedes lavit discipulis : nam postea
recubuit, et buccellam traditori dedit. Quod autem ait cum iam Diabolus
misisset in cor ut traderet eum Iudas Simonis Iscariotis, missio ista
spiritualis suggestio est, et non fit per aurem, sed per cogitationem :
diabolicae enim suggestiones immittuntur, et humanis cogitationibus
immiscentur. Factum ergo iam fuerat in corde Iudae per immissionem diabolicam
ut traderet discipulus magistrum. Chrysostomus. Hoc autem quasi stupens interseruit
Evangelista, quoniam eum qui iam prodere statuerat, dominus lavit : ostendit
etiam proditoris multam nequitiam, quoniam neque talis eum communicatio
detinuit, quod maxime consuevit nequitiam detinere. Augustinus. Locuturus autem Evangelista de tanta
domini humilitate, prius eius celsitudinem voluit commendare; ad quod
pertinet quod dicit sciens quia omnia dedit ei pater in manus : ergo et ipsum
traditorem. Gregorius Moralium. Sciebat enim quod in manu sua ipsos
etiam persecutores acceperat, ut ipse in se ad usum pietatis intorqueret
quidquid eorum contra se malitia permissa saeviret. Origenes in Ioannem. Omnia enim tradidit ei pater in
manus, hoc est in opere eius et potestate. Pater enim meus usque huc, inquit,
operatur et ego operor. Vel omnia tradidit ei pater in manus cuncta
capientes, ut quaelibet ei famulentur. Chrysostomus. Traditionem enim hic salutem fidelium
vocat. Cum autem audieris traditionem, nihil humanum suspiceris; eum enim qui
ad patrem est ostendit honorem et concordiam. Sicut enim pater ei tradidit,
ita ipse patri : unde Paulus : cum tradiderit, inquit, regnum Deo et patri.
Augustinus. Sciens etiam quia a Deo exivit, et ad
Deum vadit, nec Deum cum inde exiret, nec nos deserens cum rediret. Theophylactus. Quia ergo pater omnia ei commisit in
manus; idest, salutem ei commisit fidelium; decens reputabat quaecumque
spectant ad salutem, illis ostendere. Sciens etiam quod a Deo exivit et ad Deum
vadit, nullatenus eius gloria minui poterat dum pedes discipulorum ablueret :
neque enim gloriam usurpavit : qui enim dignitatem usurpant, minime
condescendunt, ne dissipent quod incongrue sibi diripuerunt. Augustinus. Cum ergo illi pater omnia dedisset in
manus, ille discipulorum non manus, sed pedes lavit; et cum se sciret a Deo
exisse et pergere ad Deum, non Dei domini, sed hominis servi implevit
officium. Chrysostomus. Hoc autem dignum erat, eo quod a Deo
exivit et ad Deum vadit, ut universum conculcaret tumorem; unde sequitur
surgit a coena, et ponit vestimenta sua, et cum accepisset linteum,
praecinxit se. Deinde misit aquam in pelvim, et coepit lavare pedes
discipulorum, et extergere linteo quo erat praecinctus. Vide qualiter
humilitatem ostendit non solum in lavando pedes, sed etiam aliter. Non enim
antequam recumberet, sed postquam resederunt omnes, tunc surrexit : deinde
non solum lavit, sed vestimenta deposuit, linteum praecinxit, et pelvim
implevit, et non alii impleri iussit; sed omnia operatur, ostendens quod cum
omni studio oportet talia facere. Origenes. Mystice autem prandium primus cibus esse
dignoscitur; et ante terminum diei spiritualis, qui in vita praesenti
consideratur, et his qui introducuntur, conveniens existit : coena vero
finalis; et his qui iam ultra progressi sunt apponitur. Aliter quoque poterit
quis asserere prandium fore intellectionem Scripturarum antiquarum, coenam
vero recondita in novo testamento mysteria. Puto autem quod qui una cum Iesu
coenant, et in finali vitae praesentis die secum convivantur, egent lavacro
quodam, non utique erga quod primorum, ut ita loquar, corporis et animae, sed
quod ad ultima et postrema, quae terrae necessario haerent. Dicit autem, quod
coepit lavare pedes; nam postmodum lavit, et finivit loturam : quia pedes
apostolorum fuerunt contaminati, iuxta illud : omnes vos scandalizabimini
ista nocte in me. Postea autem perfecit eos lavare, purgans eos, ut ultra non
foedentur. Augustinus. Posuit autem vestimenta sua, qui cum in
forma Dei esset, semetipsum exinanivit; praecinxit se linteo, qui formam
servi accepit; misit aquam in pelvim unde lavaret pedes discipulorum, qui in
terram sanguinem fudit, quo immunditiam dilueret peccatorum : linteo autem
quo erat praecinctus, pedes quos laverat tersit, qui carne qua erat indutus,
Evangelistarum vestigia confortavit; et linteo quidem ut se praecingeret,
posuit vestimenta quae habebat; ut autem formam servi acciperet, quando
semetipsum exinanivit, non quod habebat deposuit, sed quod non habebat accepit;
crucifigendus sane, suis expoliatus est vestimentis, et mortuus involutus est
linteis, et tota eius passio nostra purgatio est. |
— Théophylactus : Notre-Seigneur, sur le point de quitter ce monde, veut nous faire
connaître l'amour qu'il avait pour les siens : « Avant la fête de
Pâque, dit l'Evangéliste, Jésus
sachant que son heure était venue de passer de ce monde auprès de son Père,
comme il avait aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’au
bout. » —
Saint Bède : Les Juifs avaient plusieurs
fêtes, mais la plus célèbre et la plus solennelle était celle de Pâque, comme
l'Evangéliste veut le faire remarquer par ces paroles : « Avant la fête de Pâque, ». —
Saint Augustin : (Traité 55). Le mot pâque n'est pas
un mot grec, comme quelques-uns le pensent, c'est un mot hébreu, cependant ce
mot a dans les deux langues un rapport frappant d'analogie : souffrir se dit
en grec πάσχειν, et c'est pour cela que le
mot pâque a été considérer comme synonyme de passion, comme s'il tirait de là
son étymologie. Dans sa langue propre, au contraire, c'est-à-dire dans
l'hébreu, le mot Pâque signifie passage, et la raison de ce nom, c'est
que le peuple de Dieu a célébré pour la première fois cette fête,
lorsqu'après s'être enfui de l'Egypte, il eut traversé la mer Rouge. Or,
cette figure prophétique a trouvé son accomplissement véritable, lorsque
Jésus-Christ a été conduit comme une brebis à la mort. C'est alors que par la
vertu de son sang qui a marqué les poteaux de nos portes, c'est-à-dire par la
vertu du signe de la croix empreint sur nos fronts, nous avons été délivrés
de la servitude de ce monde, comme de la captivité d'Egypte, et nous
accomplissons de nouveau ce passage salutaire, lorsque nous passons du démon
à Jésus-Christ, et de ce monde inconstant dans le royaume dont les fondements
sont inébranlables. L'Evangéliste semble nous donner cette explication du mot
pâque, lorsqu'il dit : « Jésus
sachant que son heure était venue de passer de ce monde à son Père ».
Voilà la Pàque, voilà le passage. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 70 sur Saint Jean). Il
le savait auparavant, et non seulement de ce moment, et ce passage c'est sa
mort. Sur le point de quitter ses disciples, il leur donne
des marques plus sensibles de son amour, c'est ce que l'Evangéliste veut nous
exprimer par ces paroles : « Comme il avait aimé les siens qui
étaient dans le monde, il les aima jusqu'à la fin, » c'est-à-dire il
n'oublia rien de ce que peut inspirer un grand amour. Il n'avait pas agi de
la sorte dès le commencement, mais il y était allé progressivement pour
augmenter leur affection pour lui, et leur préparer une source de consolation
au milieu des épreuves qui les attendaient. Il les appelle siens, à cause de
l'intimité qu'il avait avec eux, car dans un autre endroit, il donne ce nom à
ceux qui n'avaient avec lui que les rapports de nature : « Les siens ne l'ont point reçu, dit saint Jean. » Il ajoute : « qui étaient dans le monde, » parce qu'il y en avait aussi des siens parmi les morts
(comme Abraham, Isaac et Jacob), mais qui n'étaient pas dans le monde. Il
aima donc sans jamais cesser les siens qui étaient dans le monde, et leur
donna des témoignages d'un amour parfait, c'est ce que signifient ces paroles
: « Il les aima jusqu'à la fin. » —
Saint Augustin : Ou bien encore : « Il les aima jusqu'à la fin, »
pour les faire passer par le moyen de l'amour de ce monde à celui qui était
leur chef. Que signifient, en effet, ces paroles : « jusqu'à la fin » ? —
Saint Jean Chrysostome : L'Evangéliste rapporte avec
un profond étonnement, que le Seigneur a lavé les pieds de celui qui était
déjà résolu à le trahir, et il fait ressortir la profonde malice de ce
traître [disciple], qui ne fut point arrêté par cette [douce et] intime
communauté [de table et] de vie, qui éteint ordinairement tout sentiment de
haine. —
Saint Augustin : Avant de nous décrire la
profonde humilité du Sauveur, l'Evangéliste veut nous remplir de l'idée de
ses grandeurs : « Jésus sachant
que son Père lui avait remis toutes choses entre les mains, », donc
jusqu'au traître lui-même. —
Saint Grégoire : (Moral., 6, 11 ou 12). Il savait que
Dieu lui avait remis entre les mains jusqu'à ses persécuteurs eux-mêmes, afin
qu'il fît servir à l'accomplissement de ses desseins miséricordieux, tout ce
que leur cruauté à qui Dieu avait comme lâché les rênes, pourrait inventer
contre lui. — Origène : (Tr. 32
sur Saint Jean).
Le Père lui a remis toutes choses entre les mains, c'est-à-dire a tout
remis à son action, à sa puissance, car mon Père, dit le Sauveur, ne cesse
d'agir jusqu'à présent, et moi-même j'agis également. Ou bien encore, son
Père a remis tout entre ses mains qui embrassent toutes choses, afin que
toutes choses lui soient soumises. —
Saint Jean Chrysostome : Ce tout qui lui est remis
entre les mains, c'est surtout le salut des fidèles. Mais en entendant cette
expression n’allez pas soupçonner rien d'humain, elle exprime simplement
l'honneur que le Fils rend à son Père, et la parfaite harmonie qui existe
entre eux. En effet, de même que le Père lui a remis toutes choses, lui aussi
a remis toutes choses à son Père, comme le dit saint Paul : « Lorsqu'il aura remis le royaume à Dieu
et au Père. » (1 Co 15) —
Saint Augustin : Sachant qu'il sort de Dieu
et qu'il retourne à Dieu, bien qu'il ne se soit pas séparé de Dieu lorsqu'il
en est sorti et qu'il ne nous abandonne pas lorsqu'il retourne vers Dieu. —
Théophylactus : Comme le Père lui avait remis toutes choses entre les mains,
c'est-à-dire le salut des fidèles, il jugeait convenable de leur enseigner
tout ce qui pouvait contribuer à leur salut. Il savait également qu'il était
sorti de Dieu et qu'il retournait à Dieu, il ne pouvait donc diminuer sa
gloire en lavant les pieds de ses disciples, car cette gloire il ne l'avait
point usurpée et il n'y a que ceux qui usurpent [injustement] les honneurs,
qui refusent de s'abaisser dans la crainte de perdre les dignités dont ils se
sont emparé sans aucun droit. —
Saint Augustin : Alors que le Père lui avait
tout remis entre les mains, il lave non pas les mains, mais les pieds de ses
disciples; et lui qui savait qu'il était sorti de Dieu et qu'il retournait à
Dieu, il remplit l'office qui convient, non au Seigneur Dieu, mais à un homme
et à un serviteur. —
Saint Jean Chrysostome : Il était en effet digne de
celui qui est sorti de Dieu et qui retournait à Dieu, de fouler aux pieds
toute enflure et tout orgueil. D’où : « Il se lève de table, il pose ses
habits, et ayant pris un linge, il s'en ceignit; il versa ensuite de l'eau
dans le bassin, et il commença à laver les pieds de ses disciples et à les
essuyer avec le linge qui était autour de lui. » Voyez quelle profonde
humilité, non seulement dans l'action même de leur laver les pieds, mais dans
les circonstances qui l'accompagnent, car ce n'est pas avant de se mettre à
table, c'est après que tous sont assis qu'il se lève, et non seulement il leur
lave les pieds, mais il pose ses vêtements, il se ceint d'un linge, et verse
de l'eau dans le bassin, sans donner cette commission à un autre, il veut
tout faire lui-même pour nous apprendre avec quel soin nous devons pratiquer
les œuvres de charité. — Origène : Dans le sens allégorique, le
dîner qui est le premier repas, a été servi à ceux qui ne sont encore
qu'initiés avant qu'ils soient arrivés an terme du jour spirituel qui
s'accomplit dans cette vie, tandis que le souper est le dernier repas, celui
qu'on sert à ceux qui ont atteint une perfection plus grande. On peut dire
encore que le dîner c'est l'intelligence des Ecritures anciennes, tandis que
le souper, c'est la connaissance des mystères cachés dans le Nouveau
Testament. Je pense que ceux qui doivent prendre ce dernier repas avec Jésus
et s'asseoir à la même table au dernier jour de cette vie, ont besoin d'être
purifiés, non point dans les parties les plus élevées, pour ainsi dire, du
corps et de l'âme, mais dans les parties extrêmes et qui sont en contact
nécessaire avec la terre. L'Evangéliste raconte qu'il commença à laver les
pieds de ses disciples (car il acheva plus tard cette opération), parce que
les pieds des apôtres avaient été salis selon cette parole : « Vous serez tous scandalisés cette
nuit à mon occasion. » Il acheva ensuite ce lavement des pieds, en
donnant à ses apôtres une pureté qu'ils ne devaient plus perdre. —
Saint Augustin : Il a déposé ses vêtements,
lorsqu'il s'est anéanti lui-même, lui qui était Dieu; il s'est ceint d'un linge,
lorsqu'il a pris la forme de serviteur; il a versé de l'eau dans un bassin
pour laver les pieds de ses disciples, lorsqu'il a versé son sang sur la
terre pour laver toutes les souillures de nos péchés, il a essuyé leurs pieds
avec le linge dont il était ceint, lorsqu'il affermit les pas des
évangélistes, par la chair mortelle dont il était revêtu; avant de se ceindre
avec le linge, il quitta les habits dont il était revêtu; mais pour prendre
la forme d'esclave dans laquelle il s'est anéanti, il n'a point quitté ce
qu'il avait, il a pris seulement ce qu'il n'avait pas. Lorsqu'il fut
crucifié, il fut dépouillé de ses vêtements, et après sa mort son corps fut
enveloppé dans un linceul, et sa passion tout entière a pour fin de nous
purifier. |
Lectio 2 |
Versets 6-11 |
[86100] Catena in Io., cap. 13 l. 2 Origenes
in Ioannem. Sicut medicus plurium aegrotorum intentus curae, ab his qui
magis indigent, propriam curam incipit; sic et Christus, qui foedos abluit
pedes discipulorum, exorditur ab his qui magis erant foedi, et sic ultimo
venit ad Petrum, quasi minus aliis indigentem lotura pedum; unde dicitur
venit ergo ad Simonem Petrum; cui quodammodo ad resistendum pene munda pedum
conscientia persuadebat; unde sequitur et dixit ei Petrus : domine, tu mihi
lavas pedes? Augustinus in Ioannem. Quid est tu? Quid est mihi?
Cogitanda sunt potius quam dicenda; ne forte quod ex his verbis aliquatenus
quidem digne concepit anima, non explicet lingua. Chrysostomus in Ioannem. Vel Petrus primus erat, sed
credibile est proditorem stultum existentem ante eum recubuisse; quod
Evangelista significavit cum dixit coepit lavare; deinde venit ad Petrum.
Theophylactus. Ex quo patet quod non primitus lavit
Petrum; ex ceteris vero discipulis nullus tentavisset ante Petrum lavari.
Chrysostomus. Quaereret autem utique quis quare
nullus eum aliorum prohibuit, sed solus Petrus; quod non parvi amoris et
verecundiae erat. Ex hoc igitur mihi videtur prius solum proditorem lavisse;
deinde ad Petrum venisse, et alios discipulos per eum de reliquo castigatos.
Si enim quemquam ex ceteris lavare coepisset, prohibuisset dominum, et
dixisset quae Petrus dixit. Vel aliter. Omnes porrigebant pedes, decernentes quod tantus non
irrationabiliter eorum lavaret pedes : solus autem Petrus nullam aliam considerationem
conferens, tamquam reverens Iesum, non praebebat pedes suos ad lavandum :
saepe enim Scriptura designavit Petrum fervidum ad insinuandum quae sibi visa
sunt utiliora et meliora. Augustinus. Vel aliter. Non debemus putare hoc
Petrum inter ceteros formidasse atque recusasse, cum et id alii ante ipsum
libenter vel aequanimiter fieri permisissent; non enim ita intelligendum est
quasi aliquibus iam lavisset, et post eos venisset ad primum : quis enim
nesciat primum apostolorum esse beatissimum Petrum? Sed quod ab illo
coeperit. Quando ergo pedes discipulorum lavare coepit, venit ad eum a quo
coepit, idest ad Petrum; et tunc Petrus expavit; quod etiam quilibet eorum
expavesceret. Sequitur respondit Iesus, et dixit ei : quod ego facio, tu
nescis modo, scies autem postea. Chrysostomus. Idest humilitatem huius doctrinae, et
quomodo humilitas sufficit in Deum perducere. Origenes. Vel insinuat dominus quod hoc erat
mysterium. Lavando enim et exsiccando pedes eorum, faciebat eos decoros,
debentes evangelizare honesta, ut ostendere valeant iter sanctum, ac pergere
per eum qui dixit : ego sum via. Oportebat autem lavari pedes discipulorum a
Iesu deponente vestimenta, ut mundos pedes mundiores efficiat, vel ut
immunditiam pedum discipulorum suscipiat in proprium corpus per linteum, quo
solo praecinctus manebat : ipse namque languores nostros portavit. Attende
etiam, quod cum debeat pedes discipulorum abluere, non aliud tempus elegit
quam cum Diabolus iam intraverat in cor Iudae ut eum proderet, et futura pro
hominibus dispensatio imminebat : nam ante hoc non erat opportunum pedes
discipulorum lavari a Iesu. Quis enim pedum eorum sorditiem intermedii
temporis usque ad passionem lavasset? Sed neque tempore passionis; alter enim
Iesus non aderat qui pedes eorum lavaret; sed neque post dispensationem; illo
namque tempore spiritu sancto superveniente, eorum loti sunt pedes. Huius
ergo mysterii, dicit dominus Petro, tu non es capax; sed post haec nosces,
cum illud perceperis illustratus. Augustinus. Nec tamen ille dominici facti altitudine
exterritus permittit fieri, quod cur fieret ignorabat; sed usque ad suos
pedes humilem Christum videre non potest sustinere; nam sequitur dicit ei
Petrus : non lavabis mihi pedes in aeternum; hoc est, nunquam hoc patiar. Hoc
quippe in aeternum non fit quod nunquam fit. Origenes in Ioannem. Ex hoc autem accipimus
exemplum, quoniam possibile est quemquam secundum purum propositum dicere
propter ignorantiam quod sibi non prodest. Petrus enim ignorans hoc esse
conveniens, primo quidem quasi dubitans suaviter dixit : domine, tu mihi
lavas pedes? Secundo : non lavabis mihi pedes in aeternum : quod erat
prohibitivum operis perducentis eum ad habendum partem cum Iesu : in quo
etiam non tantum Iesum arguit inconvenienter lavantem pedes discipulorum, sed
etiam condiscipulos indecenter suos pedes porrigentes. Cum ergo non esset
expediens Petro proprium responsum, non permisit illud dominus verificari;
nam subditur respondit ei Iesus : si non lavero te, non habebis partem mecum.
Augustinus. Ita dictum est : si non lavero te, cum
de solis pedibus ageretur, quomodo dici solet : calcas me, quando sola planta
calcatur. Origenes. Qui autem recusant haec et similia
tropologizare, dicant quomodo probabile est eum qui ob reverentiam Iesu dixit
non lavabis mihi pedes in aeternum, non habiturum partem cum Dei filio,
propter non lavari pedes ab eo, sicut propter immane scelus : et ideo
praestandi sunt pedes, idest mentis affectus, lavandi a Iesu, ut sint pedes
nostri decori, et praesertim cum aemulantes potiora dona, volumus adnumerari
eis qui evangelizant bona. Chrysostomus. Ideo autem non dixit cuius gratia hoc
faciebat, sed minas imposuit, quia ille nequaquam persuasus esset; audiens
enim scies autem postea, non dixit : doce igitur me ut permittam; sed quando
comminatus est id quod maxime timebat, scilicet separari ab eo, tunc permisit.
Origenes. Hoc dicto utemur contra eos qui
indiscretius se facere statuerunt quod eis non prodest : nam ostendendo illis
quod non sunt habituri partem cum Iesu, dum praesumptuosum decretum
observant, admonebimus illos ne immorentur male decretis, etiam si
iureiurando ex multo impetu illud firmaverunt. Augustinus. At ille amore et timore perturbatus plus
expavit Christum sibi negari quam usque ad suos pedes humiliari; unde
sequitur dicit ei Simon Petrus : domine, non tantum pedes, sed et manus et
caput. Origenes. Manus autem lavare nolebat Iesus,
contemnens quae dicebantur quoniam discipuli tui non lavant manus, cum panem
manducant, caput autem submergi nolebat, in quo imago et gloria patris
extiterat : satis est autem ei ut pedes lavandos porrigeret; unde sequitur
dicit ei Iesus : qui lotus est, non indiget nisi ut pedes lavet, sed est
mundus totus. Augustinus. Totus utique praeter pedes, vel nisi
pedes, quos habet opus lavare : homo enim in Baptismo totus abluitur, non
praeter pedes, sed totus omnino; verumtamen cum in rebus humanis postea
vivitur, utique terra calcatur. Ipsi igitur humani affectus, sine quibus in
hac mortalitate non vivitur, quasi pedes sunt, ubi ex humanis rebus
afficimur, ut si dixerimus quia peccatum non habemus, nos ipsos decipiamus.
Si autem confitemur peccata nostra, qui pedes discipulorum lavit, nobis
peccata dimittit usque ad pedes, quibus conversamur in terra. Origenes. Impossibile autem puto non contaminari
extrema animae et infima eius, quamquam quo ad homines perfectus quis esse
putetur; plurimi autem et post Baptismum implentur pulvere scelerum usque ad
verticem; qui vero legitime discipuli Christi sunt, erga solos pedes indigent
lavatione. Augustinus ad Seleucianum. Ex hoc autem quod hic
dicitur, intelligitur quod iam Petrus baptizatus fuerat : intelligimus enim
eius discipulos, per quos baptizabat, iam fuisse baptizatos, sive Baptismo
Ioannis, sicut nonnulli arbitrantur, sive, quod magis credibile est, Baptismo
Christi. Neque enim renuit ministerium baptizandi, ut haberet baptizatos
servos per quos ceteros baptizaret, qui non defuit humilitatis ministerio,
quando eis pedes lavit; unde sequitur et vos mundi estis, sed non omnes. Augustinus in Ioannem. Hoc quid sit ne quaeramus,
ipse Evangelista patefecit adiungens sciebat enim quisnam esset qui traderet
eum : propterea dixit : non estis mundi omnes. Origenes. Quod ergo dicit vos mundi estis, refertur
ad undecim; quod vero subditur sed non omnes, dicitur propter Iudam
existentem immundum : primo quidem quia pauperes non erant sibi curae, sed
fur erat; demum Diabolo ingresso in cor eius, ut proderet Christum. Lavat
autem pedes postquam mundi erant : quoniam gratia transcendit necessitatem;
et, sicut dicit Ioannes : mundus mundificetur adhuc. Augustinus. Vel ipsi discipuli, cum loti essent, non
opus habebant nisi pedes lavare; quia dum in isto saeculo vivit homo, humanis
affectibus terram velut pedibus calcans contrahit. Chrysostomus. Vel aliter. Non dicit eos mundos, ut a
peccatis erutos aestimes, victima nondum oblata; sed eam quae cognitionis est
mundationem dicit : iam enim ab errore Iudaico eruti erant. |
— Origène : (Traite 32 sur Saint Jean). De
même qu'un médecin, qui est chargé du soin de plusieurs malades à la fois,
commence par ceux qui en ont davantage besoin; ainsi Jésus-Christ, en lavant
les pieds de ses disciples, qui étaient couverts de poussière, commence par
ceux qui étaient plus souillés, et vient en dernier lieu à Pierre, comme
ayant moins besoin d'avoir les pieds lavés : « Il vint donc à Simon Pierre » ; à qui la conscience que
ses pieds étaient presque propres, conseillait la résistance : « Et Pierre lui dit : Quoi ! Seigneur,
vous me laveriez les pieds ». —
Saint Augustin : Que signifient ces paroles :
« Vous », « à moi » ?
Elles demandent à être méditées plutôt qu'expliquées, de peur que la langue
ne puisse rendre entièrement ce que l'âme a pu en comprendre dignement. —
Saint Jean Chrysostome : Ou peut dire encore que bien
que Pierre fût le premier, il est probable que le traître insensé s'était
assis à table avant lui, ce que l'Evangéliste semble avoir voulu indiquer,
quand il dit : « Il commença à laver
les pieds, » et ensuite : « Il vint
à Pierre. » — Théophylactus : D'où il faut conclure qu'il ne commence point par Pierre, et cependant
aucun autre parmi les disciples n'eût osé se placer avant Pierre pour le
lavement des pieds. —
Saint Jean Chrysostome : On demandera peut-être aussi
comment il se fait qu'aucun autre disciple ne se soit opposé [à ce que Jésus
lui lavât les pieds], à l'exception de Pierre, qui donnait ainsi à Jésus un
témoignage éclatant de son amour et de son respect; et il semble qu'on
pourrait conclure de là que le Sauveur n'avait lavé les pieds, avant lui,
qu'au seul traître, qu'il vint ensuite à Pierre, et que la leçon qu'il lui
donne s'adresse à tous les disciples. En effet, si Notre Seigneur avait
commencé à laver les pieds d'un autre disciple, ce disciple l'en aurait
empêché et aurait prononcé les mêmes paroles que Pierre. — Origène : [référence à vérifier] Ou bien encore, tous
présentaient leurs pieds au Sauveur, en disant que celui qui était si élevé [au-dessus
d'eux] ne leur lavait pas les pieds sans raison; mais Pierre, ne prenant
conseil que de son profond respect pour Jésus, ne voulait point présenter ses
pieds pour que Jésus les lavât; souvent, en effet, l'Ecriture nous montre
Pierre plein d'ardeur pour exprimer ce qui lui paraissait le meilleur et le
plus utile. —
Saint Augustin : Ou bien encore, nous ne
devons point penser que Pierre seul, de tous les disciples, se soit opposé
avec un respect mêlé d'effroi à l'action du Sauveur, tandis que les autres
eussent permis volontiers et sans broncher que Jésus leur lavât les pieds;
car on ne peut admettre qu'il les eût lavés à d'autres auparavant, et qu'il
ne fût arrivé à Pierre qu'en second lieu (car qui ne sait que le bienheureux
Pierre était le premier des disciples ?) Il a donc commencé par Pierre. Quand
il commença à laver les pieds de ses disciples, il vint d'abord à celui par
lequel il commença, c'est-à-dire à Pierre, et c'est alors que Pierre exprima
ce sentiment de frayeur [et d'étonnement] que tous les autres auraient
éprouvé également. « Jésus
lui répondit : Vous ne savez pas maintenant ce que je fais, mais vous le
saurez par la suite. » —
Saint Jean Chrysostome : C'est-à-dire l'utilité de
cet enseignement, et comment l'humilité suffit pour conduire jusqu'à Dieu. — Origène : Ou bien le Seigneur veut nous faire comprendre que cette action cache
un mystère; en effet, en lavant leurs pieds et en les essuyant, il les
rendait éclatants de blancheur, comme il convenait à ceux qui devaient
évangéliser la vertu (Rm 10; Is 52), montrer le chemin de la
sainteté, et marcher par celui qui a dit : « Je suis la voie. » (Jn 14) Jésus devait déposer ses
vêtements avant de laver les pieds de ses disciples, afin de rendre plus purs
encore leurs pieds, qui l'étaient déjà, ou pour recevoir sur son propre corps
les souillures de leurs pieds, en ne gardant que le linge dont il était
ceint; car, « il a lui-même porté
toutes nos langueurs. » (Is 53) Remarquez encore qu'il ne choisit
pas d'autre temps pour laver les pieds de ses disciples que celui où le
diable était déjà entré dans le cœur de Judas pour lui inspirer le dessein de
livrer le Sauveur à ses ennemis, et où le mystère de la rédemption des hommes
allait s'accomplir. Avant ce moment, il n'eût point été opportun que Jésus
leur lavât les pieds; car, qui leur aurait rendu cet office dans le temps qui
devait s'écouler jusqu'à sa passion ? On ne pouvait non plus choisir le temps
même de la passion; car il n'y avait point un autre Jésus pour leur laver les
pieds; ni le temps qui la suivit, car alors leurs pieds furent purifiés par l’intervention
de l'Esprit saint; c'est à ce mystère que le Seigneur fait allusion, quand il
dit à Pierre : « Vous n'êtes pas
capable de le comprendre, mais vous le comprendrez plus tard, lorsqu'une
lumière divine vous en donnera l'intelligence. » —
Saint Augustin : Cependant Pierre, comme
épouvanté de ce que le Sauveur voulait faire, continue de s'opposer à une
action dont il ignorait le motif; il ne peut souffrir de voir Jésus-Christ
s'humilier jusqu'à ses pieds, et il lui dit : « De l'éternité vous ne me laverez les pieds. »
C'est-à-dire, jamais je ne le souffrirai; car ce qui ne se fait de
l'éternité, ne se fait jamais — Origène : Nous apprenons, par cet exemple, qu'on peut dire dans une bonne
intention, mais par ignorance, une chose qui n'est point avantageuse. Pierre,
en effet, ignorant combien cette action du Sauveur devait lui être utile,
s'en excuse d’abord en exprimant un doute plein de respect et de douceur : « Quoi ! Seigneur, vous, me laver les
pieds ? » Ensuite il va
plus loin : « Jamais vous ne me
laverez les pieds ! » et s'oppose ainsi à une action qui devait le
faire entrer en communication intime avec le Sauveur. En s'exprimant de la
sorte, non seulement il reprend Jésus de l'inconvenance qu'il y a pour lui de
laver les pieds de ses disciples, mais il reproche aussi aux autres Apôtres
de céder à ce désir inconvenant en présentant leurs pieds à Jésus. Comme ce
refus de Pierre ne pouvait lui être avantageux, Notre Seigneur ne voulut
point lui donner raison : Jésus lui répondit : « Si je ne vous lave point, vous n'aurez point de part avec
moi. » —
Saint Augustin : Le Sauveur dit : « Si je ne vous lave, » bien
qu'il ne s'agisse que des pieds seuls, comme on dit : Vous marchez sur moi,
alors qu'on ne marche que sur les pieds. — Origène : Comment ceux qui refusent
d'entendre, dans un sens tropologique [ou moral] ce passage et d'autres
semblables, pourront-ils expliquer que celui qui a dit à Jésus, par un
sentiment de respect : « Vous ne me
laverez jamais les pieds, » n'ait point de part avec lui pour ce seul
fait de n'avoir point eu les pieds lavés par Jésus, comme s'il s'agissait
d'un crime énorme ? Nous devons donc présenter à Jésus les pieds,
c'est-à-dire les affections de notre âme, afin que nos pieds soient éclatants
de blancheur, surtout lorsque nous aspirons à des grâces plus hautes et que
nous voulons être du nombre de ceux qui évangélisent les biens du ciel. —
Saint Jean Chrysostome : Jésus, au lieu de faire
connaître à Pierre les motifs de sa conduite, lui fait des menaces, parce que
Pierre n'était point alors en état d'être persuadé; mais dès qu'il entend le
Sauveur lui dire : «Vous le saurez par
la suite, » il [n'insiste pas et] ne lui dit pas : Faites-le moi savoir
actuellement pour que j'accède à votre désir; la menace seule qui lui est
faite de ce qu’il craint le plus, c'est-à-dire d'être séparé de Jésus, le
détermine à se rendre. — Origène : Nous nous servons de cette parole du Sauveur contre ceux qui prennent
la résolution indiscrète de faire des actions qui doivent leur être
nuisibles; car, en leur montrant qu'en persévérant dans ce dessein indiscret
et téméraire, ils n'auront point de part avec Jésus, nous leur persuadons d'y
renoncer, lors même qu'emportés par la vivacité de leurs désirs, ils auraient
appuyé leur résolution d’un serment. —
Saint Augustin : (Traité 56 sur Saint Jean).
Mais Pierre, dans le trouble où le jettent à la fois l'amour et la crainte,
redoute plus de perdre Jésus-Christ que de le voir s'humilier jusqu'à ses
pieds, et Simon-Pierre lui dit : « Seigneur,
non seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête. » — Origène : Jésus ne voulait point laver les mains de ses disciples, pour montrer
le mépris qu'il faisait de ce que disaient les pharisiens : « Vos disciples ne lavent point leurs
mains lorsqu'ils se mettent à table pour manger. » (Mt 15) Il ne
voulait point non plus laver la tête, qui reflétait l'image et la gloire du
Père, et il lui suffisait que Pierre présentât ses pieds. « Jésus lui répondit : Celui qui est
pur n'a plus besoin que de se laver les pieds, et il est pur tout entier. » —
Saint Augustin : Il est pur tout entier, à
l'exception des pieds; ou si ce n'est ses pieds, qu'il a besoin de laver; car
l'homme, dans le baptême, est lavé tout entier, sans excepter même les pieds,
absolument tout entier; mais lorsque sa vie se trouve ensuite mêlée au
commerce humain, il foule nécessairement la terre aux pieds. Les affections
du cœur humain sans lesquelles cette vie mortelle ne peut exister [ni se
concevoir], sont comme les pieds; et les choses de la terre nous [affectent
et nous] impressionnent à ce point que si nous prétendons n'être coupables
d'aucun péché, nous nous trompons nous-mêmes (Jn 1, 8); mais si nous
confessons nos péchés, celui qui a lavé les pieds de ses disciples nous remet
nos péchés, et purifie jusqu'à nos pieds, par lesquels nous sommes en contact
avec la terre. — Origène : Je regarde comme impossible que les extrémités de l'âme et ses parties
inférieures ne contractent pas de souillures, quelle que soit la réputation
de vertu et de perfection dont on jouisse aux yeux des hommes. Il en est même
beaucoup qui, après leur baptême, sont couverts des pieds jusqu'à la tête de
la poussière de leurs crimes; mais ceux qui sont les véritables disciples de
Jésus-Christ n'ont d'autre besoin que d'avoir les pieds lavés. —
Saint Augustin : (Lettr. 108 à Seleuc). De ce
qui est dit ici, nous pouvons conclure que Pierre était déjà baptisé. Nous
pouvons admettre, en effet, que les disciples, par le ministère desquels
Jésus baptisait, avaient eux-mêmes reçu le baptême, soit le baptême de Jean,
suivant l'opinion de quelques-uns, soit (ce qui est plus probable) le baptême
de Jésus-Christ, car celui qui a bien voulu remplir l'humble office de laver
les pieds à ses disciples, n'a point dédaigné de leur administrer lui-même le
baptême, afin que ceux qui devaient être les ministres de son baptême fussent
eux-mêmes baptisés. C'est pour cela que le Sauveur ajoute : « Vous êtes purs, mais non pas tous. » —
Saint Augustin : (Tr. 58 sur Saint Jean). Pour que nous ne cherchions pas à
comprendre ce que cela signifie, l'Evangéliste nous explique lui-même
le sens de ces paroles, en ajoutant : « Car
il savait quel était celui qui devait le trahir, c'est pour cela qu'il leur
dit : Vous n'êtes pas tous purs. » — Origène : Ces paroles : « Vous êtes purs,
» s'adressent donc aux onze disciples, et cette restriction : « mais non pas tous, » s'applique à Judas, dont la
conscience était souillée, premièrement, parce qu'au lieu de prendre soin des
pauvres, il dérobait l'argent [qui leur était destiné], et en second lieu,
parce que le démon était déjà entré dans son cœur pour lui inspirer de trahir
Jésus-Christ. Notre Seigneur lave les pieds à ses disciples, quoiqu'ils
fussent purs, parce que la grâce de Dieu ne s'arrête pas à ce qui est
seulement nécessaire; et, comme le dit saint Jean : « Celui qui est pur doit encore se purifier. » (Ap 22,
6). —
Saint Augustin : Ou bien, Notre Seigneur
parle de la sorte à ses disciples, parce qu'étant déjà lavés, ils n'avaient
plus besoin que de se laver les pieds, car tant que l'homme vit au milieu de
ce monde, il foule la terre avec ses affections qui sont comme les pieds de
l'âme et contracte des souillures [inévitables]. —
Saint Jean Chrysostome : Ou bien encore, le Sauveur
ne leur dit pas qu'ils sont purs, dans ce sens qu'ils soient purifiés de
leurs péchés, puisque la victime [qui devait les effacer] n'était pas encore
offerte, mais il veut parler de la pureté de l'intelligence, car ils étaient
déjà délivrés des erreurs judaïques. |
Lectio 3 |
Versets 12-20
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[86101] Catena in Io., cap. 13 l. 3 Augustinus. Memor
dominus se promisisse scientiam facti sui Petro, dicens : scies autem postea,
quid sit quod fecit, docere nunc incipit; unde dicitur postquam ergo lavit
pedes eorum, accepit vestimenta sua : et cum recubuisset iterum, dixit eis :
scitis quid fecerim vobis? Origenes in Ioannem. Quid vel interrogative
proferatur, ut ostendat facti magnitudinem, vel imperative, ut eorum erigat
intellectum. Alcuinus. Mystice autem, impleta redemptionis
nostrae purgatione per sanguinis sui effusionem, accepit vestimenta sua,
tertia die de sepulchro resurgens, et eodem corpore iam immortali vestitus;
et cum recubuisset ascendens in caelum in dextera paterna divinitatis
recumbens, inde venturus est ad iudicandum. Chrysostomus in Ioannem. Non autem adhuc ad solum
Petrum, sed ad omnes loquitur dicens vos vocatis me magister et domine : in
quo eorum iudicium assumit; deinde ut non illorum gratiae esse putentur haec
verba, subiungit et bene dicitis, sum etenim. Augustinus. Homini praeceptum est : non te laudet os
tuum, sed laudet te os proximi tui : periculosum est enim sibi placere, cui
cavendum est superbire. Ille autem qui super omnia est, quantumcumque se
laudet, non se extollit excelsius. Nec potest recte dici arrogans Deus :
nobis namque expedit Deum nosse, non illi; nec eum quisque cognoscit, si non
se indicet ipse qui novit. Si ergo se laudando quasi arrogantiam vitare
voluerit, nobis sapientiam denegabit. Quomodo autem arrogantiam veritas
timet? Et quidem quod magistrum se dicit, nemo reprehenderet, etiam qui eum
nihil aliud quam hominem crederet; quoniam id profitetur quod et ipsi homines
in quibuslibet artibus usque adeo sine arrogantia profitentur, ut professores
vocentur; quod vero dominum discipulorum se dicit, cum sint secundum saeculum
ingenui, quis ferat in homine? Sed cum Deus loquitur, nulla est elatio tantae
celsitudinis, nullum mendacium veritatis : nobis subiacere utile est illi
celsitudini, servire veritati. Ideo bene ergo dicitis, vocando me magistrum
et dominum, quia sum : nam si non essem quod dicitis, male diceretis. Origenes. Et illi quidem non bene dicunt domine,
quibus dicetur : discedite a me qui operamini iniquitatem; sed apostoli bene
dicunt : magister et domine : non enim eis nequitia dominabatur, sed verbum
Dei. Sequitur si ergo lavi pedes vestros dominus et magister, et vos debetis
alter alterius lavare pedes. Chrysostomus. A maioribus rebus accipit exemplum, ut
quod minus est operemur : nam ipse quidem dominus est; nos autem ad conservos
facimus, si fecerimus; et ideo subdit exemplum enim dedi vobis, ut
quemadmodum ego feci vobis, ita et vos faciatis. Beda. Primum dominus egit factis quod postmodum
docuit verbis, secundum illud : coepit Iesus facere et docere. Augustinus in Ioannem. Hoc est, beate Petre, quod
nesciebas; hoc tibi postea sciendum promisit. Origenes. Considerandum vero est si necessarium est
quemlibet volentem disciplinam Iesu perficere, velut debitum opus prosequi
lavacrum sensibilium pedum; propter hoc quod dicit debetis ad invicem lavare pedes.
Sed hic mos vel non fit, vel admodum raro. Augustinus. Est enim apud plerosque consuetudo huius
humilitatis, cum se invicem hospitio suscipiunt, et faciunt hoc sibi invicem
fratres, etiam opere ipso visibili. Multo enim melius est et sine controversia
verius, ut etiam manibus fiat, ne dedignetur quod fecit Christus, facere
Christianus. Cum enim ad pedes fratrum inclinatur corpus, etiam in corde ipso
excitatur, vel, si iam inerat, confirmatur humilitatis affectus. Sed excepto
hoc morali intellectu, numquid etiam frater fratrem a delicti poterit
contagione mundare? Sed confiteamur invicem delicta nostra, invicem nos
delicta donemus, et pro nostris delictis invicem oremus; atque ita quodammodo
invicem pedes nostros lavemus. Origenes. Vel aliter. Hoc lavacrum spirituale pedum,
de quo dictum est, principaliter quidem a nullo nisi a solo Iesu potest
effici : secundario vero a discipulis eius quibus dixit vos debetis ad
invicem lavare pedes. Iesus enim lavit pedes discipulorum inquantum magister,
et servorum in eo quod dominus. Hic autem est finis magistri, ut discipulum
faciat sicut se : quod de salvatore apparet, qui, prae ceteris magistris et
dominis, vult ut fiant eius discipuli quasi magister et dominus, non habentes
spiritum servitutis, sed spiritum filiationis, in quo clamant : abba, pater.
Prius ergo quam fiant et magister et dominus, egent lavacro pedum, velut
insufficientes discipuli, et adhuc sapientes spiritum servitutis; cum autem
aliquis eorum statum magistri attingit et domini, tunc imitari poterit eum
qui lavit discipulorum pedes, ac lavare pedes per doctrinam quasi magister.
Chrysostomus. Adhuc autem provocans eos ad lavandum
pedes, subiungit amen, amen dico vobis : non est servus maior domino suo,
neque apostolus maior eo qui misit illum; quasi dicat : si ergo haec a me
facta sunt, multo magis a vobis oportet haec fieri. Theophylactus. Necessario etiam hic apostolos
admonet : quia enim ad dignitates habebant attingere, et hic quidem maiores,
hic minores, ne insurgant ad invicem, serenat conscientiam omnium. Beda. Quia vero scire bonum, et non facere, non
pertinet ad beatitudinem, sed ad condemnationem, secundum illud : scienti
bonum et non facienti, peccatum est illi, subiungit si haec scitis, beati
eritis, si feceritis ea. Chrysostomus. Nam scire quidem omnium est, facere
vero non omnium. Deinde proditorem non manifeste redarguit, sed obumbrate,
cum subditur non de omnibus vobis dico. Augustinus in Ioannem. Quasi dicat : est inter vos
qui non erit beatus, neque facit ea. Ego scio quos elegerim. Quos, nisi eos
qui beati erunt, faciendo quae praecepit? Non est igitur Iudas electus. Quid
est ergo quod alio loco dicit : nonne ego vos duodecim elegi? An ipse ad
aliquid est electus, ad quod erat utique necessarius, non autem ad beatitudinem,
de qua dicit beati eritis, si feceritis ea. Origenes in Ioannem. Vel aliter. Non recte existimo
posse referri quod dicitur non de omnibus vobis dico, ad hoc quod dictum est
beati eritis, si feceritis ea : totum enim hoc et de Iuda et de quolibet alio
verum est dicere : beatus talis, si fecerit hoc. Reducemus autem haec ad
illud dictum : non est servus maior domino suo, nec apostolus maior eo qui
misit illum. Iudas enim, cum esset servus peccati, non erat servus divini
verbi, nec apostolus, Diabolo ingresso in cor eius. Cum ergo dominus novisset
qui sunt sui, alienos a se non novit : propter quod non ait : ego scio
cunctos praesentes; sed ego scio quos elegerim; quasi dicat : electos meos
novi. Chrysostomus in Ioannem. Deinde ut non multos
contristet suo sermone, subiungit sed ut impleatur Scriptura : qui manducat
mecum panem, levabit calcaneum suum contra me; ostendens quod non ignorans
traditur; quod maxime sufficiens erat Iudam retinere. Et non dixit : tradet
me; sed levabit contra me calcaneum suum, dolum et occultationem insidiarum
repraesentare volens. Augustinus. Quid est enim levabit calcaneum suum
super me, nisi conculcabit me? In quo Iudas traditor eius attingitur. Chrysostomus. Dicit autem qui manducat mecum panem;
idest, qui a me nutritus est, qui mea mensa communicavit : ut si quando a
famulis aut aliquibus vilioribus patiamur aliquod malum, non scandalizemur,
respicientes Iudae exemplum, qui infinitis potitus bonis, in contrarium
remuneravit benefactorem. Augustinus. Illi ergo qui electi erant, manducabant
dominum; ille manducabat panem domini contra dominum : illi vitam, ille
poenam. Qui enim manducat indigne, ait apostolus, iudicium sibi manducat.
Sequitur amodo dico vobis priusquam fiat, ut cum factum fuerit credatis quia
ego sum, de quo scilicet illa Scriptura praecessit. Origenes. Non autem dictum est apostolis ut
credatis, quasi non credentibus; sed dictum est tamquam aequipolleat ei quod
est : ut credentes operemini, perseverantes in credulitate, nec aliquam
occasionem ad repulsam captantes : super ea enim quae obtinebant discipuli ad
fidem facientia, hoc etiam adepti sunt, videre perfici Scripturam praedictam.
Chrysostomus in Ioannem. Quia ergo discipuli exituri
erant ad praedicandum et multa passuri, duobus modis eos consolatur : uno
modo a seipso, cum dicit : beati eritis, si feceritis ea; alio vero modo
consolatus est eos ab aliis, eo scilicet quod ab hominibus multa potientur
procuratione; unde subdit amen, amen, dico vobis : qui accipit si quem
misero, me accipit : qui autem me accipit, accipit eum qui me misit. Origenes. Qui enim recipit quem mittit Iesus, Iesum,
qui in misso consistit, recipit; qui autem Iesum recipit, patrem recipit.
Igitur qui recipit quem mittit Iesus, mittentem recipit patrem. Potest etiam
et hic sermo fore : qui recipit quem ego misero, usque ad mei receptionem
attingit; qui vero non per aliquem apostolorum meorum me recipit, sed recipit
me venientem ad animas, patrem recipit, ut non tantum ego in eo maneam, sed
et pater. Augustinus in Ioannem. Ariani autem cum hoc audiunt,
statim ad gradus sui dogmatis currunt, dicentes : quantum apostolus distat a
domino, tantum filius a patre. Sed ubi dominus dixit : ego et pater unum
sumus, nullam distantiae suspicionem reliquit. Quoniam ergo nos accepturi sumus
haec verba dominica qui me accipit, accipit eum qui me misit, quod unius
naturae sunt pater et filius, consequens videbitur, quia dixit qui accipit si
quem misero, me accipit, ut unius naturae sint filius et apostolus. Ita
dixisse possit videri : qui accipit si quem misero, me secundum hominem
accipit; qui autem me secundum Deum accipit, accipit eum qui me misit. Sed
cum ista dicebat, non ab illo naturae unitas, sed in eo qui mittitur,
mittentis commendabatur auctoritas. Si ergo attendas Christum in Petro,
discipuli praeceptorem; si autem patrem in filio, invenies unigeniti
genitorem. |
—
Saint
Augustin : (Traité 58 sur Saint Jean). Notre
Seigneur se rappelle qu'il a promis à Pierre l'explication de ce qu'il venait
de faire, lorsqu'il lui a dit : « Vous
saurez par la suite (ce que j'ai fait)» ; et il commence à lui en
faire connaître la raison : « Après donc qu'il leur eut lavé les
pieds, il reprit ses vêtements, et s'étant remis à table, il leur dit :
Savez-vous ce que je viens de vous faire ? » — Origène : Notre Seigneur parle ici, ou d'une manière interrogative, pour leur
faire comprendre la grandeur de cette action, ou dans le sens impératif pour
réveiller leur attention. —
Alcuin : Dans le sens allégorique,
c'est après avoir consommé l'œuvre de notre purification et de notre
rédemption par l'effusion de son sang qu'il reprend ses vêtements en sortant
du tombeau le troisième jour, revêtu de son corps, doué d'immortalité. Et il
s'assied de nouveau en montant au ciel, en prenant place à la droite de Dieu
son Père, d'où il doit venir pour juger. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 91 sur Saint Jean). Ce
n'est pas à Pierre seul qu'il s'adresse, mais à tous les Apôtres, comme s'il
leur disait : « Vous m'appelez tous votre Seigneur et votre Maître ».
Notre Seigneur en appelle ici à leur propre témoignage, et afin que ce
témoignage ne pût être soupçonné de flatterie, il s'empresse d'ajouter : « Et vous avez raison, car je le suis en
effet. » —
Saint Augustin : Le sage donne à l'homme ce
précepte : « Que ce ne soit point
ta bouche qui te loue, mais la bouche de ton prochain. » Car se plaire à
soi-même est dangereux pour l'homme qui doit éviter l'orgueil. Mais pour
celui qui est au-dessus de tout, quelques louanges qu'il se donne, il ne peut
s'élever au-dessus de ce qu'il est, et on ne peut légitimement accuser Dieu
d'arrogance. En effet, c'est à nous et non pas à lui qu'il importe de
connaître Dieu, et personne ne peut le connaître, si celui-là qui [seul] a
cette connaissance, ne nous la communique. Si donc il s'abstient de se louer
lui-même pour éviter le reproche d'aimer la vaine gloire, il nous prive des
leçons de la sagesse. Mais comment la vérité peut-elle craindre la tentation
d'orgueil ? Personne ne peut lui reprocher de se donner le nom de maître,
même celui qui ne verrait en lui qu'un homme, car il ne fait en cela que ce
que font tous les jours les hommes qui enseignent les différentes branches
des connaissances humaines, et qui prennent sans se rendre coupables
d'arrogance, le nom de professeurs. Toutefois qui pourrait supporter qu'un
homme s'arrogeât le titre de seigneur de ses disciples qui seraient eux-mêmes
de condition distinguée suivant le monde ? Mais lorsque Dieu parle, ne
craignez aucun orgueil d'une si grande élévation, aucun mensonge de la part
de la vérité, nous avons tout profit à nous soumettre à cette hauteur, à
obéira cette vérité. Vous avez donc raison de m'appeler votre Maître et votre
Seigneur, car je le suis en effet, et si je ne l’étais pas, vous auriez tort
de tenir ce langage. — Origène : (Traité 32 sur Saint
Jean). Ceux à qui Dieu dira à la fin du monde : « Retirez-vous de moi, vous qui
opérez l'iniquité, » ne disent pas comme il le faut : « Seigneur, » mais pour les
Apôtres, ils appellent légitimement Jésus : Maître et Seigneur, car ce
n'est point l'hypocrisie, mais le Verbe de Dieu qui leur dictait ce langage. « Si donc
je vous ai lavé les pieds, moi votre Seigneur et votre Maître, vous devez
aussi vous laver les pieds les uns aux autres. » —
Saint Jean Chrysostome : Le Sauveur prend le terme de
comparaison dans un ordre de choses plus élevé pour nous engager à faire une
action qui doit nous coûter beaucoup moins, car pour lui, il est notre
Maître, tandis que pour nous, c'est à nos frères, serviteurs comme nous, que
nous rendons cet office, si nous le faisons, et donc il donne cet exemple : « Je vous ai donné l'exemple, afin que
vous fassiez comme je vous ai fait moi-même ». —
Saint Bède : Notre Seigneur a commencé
par pratiquer ce qu'il devait ensuite enseigner, selon ces paroles : « Jésus
commença par faire, puis il enseigna. » (Ac 1) — Saint Augustin : [référence à
vérifier] Voilà,
bienheureux Pierre, ce que vous ne saviez pas, et ce dont le Sauveur vous
promettait l'explication. — Origène : Il nous faut examiner s'il
est nécessaire que tout disciple qui veut accomplir dans sa perfection la
doctrine de Jésus-Christ, doit pratiquer comme une œuvre d'obligation, le
lavement extérieur des pieds, d'après ces paroles : « Vous devez vous laver les pieds les uns des autres » ;
mais cette coutume ne se pratique plus ou se pratique rarement. —
Saint Augustin : La plupart accomplissent ce
devoir d'humilité lorsqu'ils se donnent mutuellement l'hospitalité, et les
chrétiens se le rendent les uns aux autres, même dans ce qu'il a d'extérieur.
Sans aucun doute, il est mieux et plus conforme à la vérité, de le rendre
extérieurement, en sorte qu'un chrétien ne dédaigne pas de faire de ses mains
ce qu'a fait Jésus-Christ lui-même, car lorsque notre corps [s'incline et]
s'abaisse jusqu'aux pieds de nos frères, le sentiment de l'humilité se trouve
excité dans notre cœur, ou affermi s'il y était déjà. Mais indépendamment de
cette interprétation morale, est-ce qu'un frère ne peut purifier son frère de
la contagion du péché ? Confessons-nous mutuellement nos péchés,
pardonnons-nous réciproquement nos fautes, prions pour les fautes les uns des
autres, et nous nous serons en quelque sorte mutuellement lavé les pieds. — Origène : On peut dire encore que ce lavement spirituel des pieds, dont nous
venons de parler, ne peut avoir pour principal auteur que Jésus seul, et ce
n'est que secondairement que les disciples peuvent le pratiquer conformément
à ces paroles : « Vous devez vous laver
les pieds les uns aux autres. » En effet, Jésus a lavé les pieds de ses
disciples en tant que Maître, et ceux de ses serviteurs en tant que Seigneur;
or, le but que se propose le maître, c'est de rendre son disciple semblable à
lui, c'est le but que s'est proposé le Sauveur, davantage que les autres
maîtres et seigneurs; il veut que ses disciples deviennent semblables à leur
Maître, à leur Seigneur, et qu'ils n'aient point de servitude, mais l'esprit
des enfants qui leur fait dire à Dieu : « Mon
Père. » (Rm 8) Avant donc
qu'ils deviennent comme le Maître et comme le Seigneur, ils ont besoin qu'on
leur lave les pieds comme à des disciples qui ne sont point suffisamment
instruits, et qui sont encore soumis à l’esprit de servitude. Mais lorsque
l'un d'eux s'élève jusqu'au rang de maître et de seigneur, alors il peut
imiter celui qui a lavé les pieds de ses disciples, et laver les pieds des
autres par la doctrine en qualité de maître. —
Saint Jean Chrysostome : Pour les exciter encore
davantage à remplir ce devoir, il ajoute : « En vérité, en vérité je vous le dis, le serviteur n'est pas plus
grand que le maître, ni l'apôtre plus grand que celui qui l'a envoyé, »
c'est-à-dire, si j'ai agi de la sorte, à plus forte raison, vous devez faire
de même. — Théophylactus : Il donne ici aux Apôtres une leçon nécessaire. Ils devaient tous être
élevés un jour à des dignités plus ou moins importantes, il s'applique donc à
modérer les sentiments ambitieux qui les porteraient à s'élever les uns
au-dessus des autres. —
Saint Bède : Et comme la connaissance de
ce qui est bien, sans la pratique, est un titre, non de félicité, mais de
condamnation, selon ces paroles : « Celui
qui connaît le bien et ne le pratique pas, est coupable de péché », le
Sauveur ajoute : « Si vous savez
ces choses, vous serez bienheureux, pourvu que vous les pratiquiez. » —
Saint Jean Chrysostome : Tous peuvent arriver à
savoir, mais tous ne parviennent pas à pratiquer. Le Sauveur condamne ensuite
en termes couverts la conduite de son traître disciple : « Je ne dis pas ceci de vous tous. » —
Saint Augustin : C'est-à-dire, il en est un
parmi vous qui n'aura point part à ce bonheur et qui ne fera point ces choses
: « Je sais ceux que j'ai choisis. »
Quels sont-ils ? si ce n’est ceux qui seront heureux, en accomplissant les
commandements du Sauveur. Ainsi Judas ne fut pas choisi de la sorte; comment
donc expliquer ce qu'il dit dans un autre endroit ? : « Est-ce que je ne vous ai pas
choisis tous les douze ? » Judas a-t-il donc été choisi pour une œuvre où
il était nécessaire, sans être choisi pour cette félicité dont Notre Seigneur
vient de dire : « Vous seriez
bienheureux si vous les pratiquez » ? — Origène : Voici une autre explication
: Je ne pense pas qu'on puisse rattacher logiquement ces paroles : « Je ne dis pas ceci de vous tous, » à
ces autres : « Vous serez bienheureux,
pourvu que vous pratiquiez ces choses, » car on peut dire avec vérité de
Judas, aussi bien que de tout autre : Il sera heureux s'il fait ces choses;
mais rattachons-les plutôt à la proposition qui précède : « Le serviteur n'est pas plus grand que
son maître, ni l'apôtre plus grand que celui qui l'a envoyé, » car Judas
n'était ni serviteur de la parole divine, puisqu'il était esclave du péché,
ni apôtre, puisque le démon était entré dans son cœur. Le Seigneur donc qui
connaît ceux qui sont à lui, ne connaît pas ceux qui lui sont étrangers;
c'est pour cela qu'il ne dit pas : Je connais tous ceux qui sont ici
présents, mais : « Je connais ceux que
j'ai choisis, » c'est-à-dire : je connais mes élus. —
Saint Jean Chrysostome : Toutefois, comme il ne veut
point contrister par ses paroles le grand nombre de ses disciples, il ajoute
: « Mais il faut que cette parole de l'Ecriture soit accomplie :
Celui qui mange le pain avec moi lèvera son talon contre moi. » Il
montrait ainsi qu'il n'ignorait pas qu'on devait le trahir, ce qui eût dû suffire
pour retenir le perfide Judas. Et remarquez qu'il ne dit pas : Il me trahira,
mais : « Il lèvera le talon contre moi,
» pour faire ressortir la ruse et les embûches cachées qu'on devait
employer contre lui. —
Saint Augustin : (Traité 59). Que signifient, en
effet, ces paroles : « Il lèvera le talon
contre moi, » si ce n'est : Il me foulera aux pieds ? Sous cette
expression figurée, il veut désigner son traître disciple. —
Saint Jean Chrysostome : Il dit : « Celui qui mange le pain avec moi, »
c'est-à-dire, celui que j'ai nourri, celui qui a partagé ma table. Ne soyons
donc point scandalisés, si nous essuyons quelque injure de nos serviteurs ou
de quelqu'un de nos inférieurs, en considérant l'exemple de Judas, qui,
malgré les bienfaits infinis dont Jésus l'avait comblé, paya son bienfaiteur
par la plus noire des trahisons. —
Saint Augustin : Ceux qui avaient été choisis
se nourrissaient du corps du Seigneur; Judas, au contraire, mangeait le pain
du Seigneur contre le Seigneur; ceux-ci mangeaient la vie, celui-là mangeait
son châtiment, car « celui qui
mange ce pain indignement, dit l'Apôtre, mange sa propre condamnation ». « Je vous
dis ceci dès maintenant, et avant que la chose se fasse, afin que lorsqu'elle
arrivera, vous me reconnaissiez pour ce que je suis, » c'est-à-dire, pour celui
que cette prophétie avait pour objet. — Origène : Jésus ne dit pas aux Apôtres : Afin que vous croyiez [en général],
comme s'ils ne croyaient point, mais il veut leur dire (comme quelque chose
qui est équivalent à la réalité): Afin que non contents de croire vous
arriviez à pratiquer. Il leur recommande de persévérer dans la foi, et de ne
s'exposer à aucune des occasions qui pourrait la leur faire perdre. Et en
effet, parmi tous les motifs de crédibilité sur lesquels reposait la foi des
disciples, ils eurent celui de voir s'accomplir les prophéties qui avaient
Jésus-Christ pour objet. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 72). Les Apôtres devaient
bientôt partir pour prêcher l'Evangile et pour être exposés à toute sorte
d'épreuves, il les console donc [par avance] de deux manières : d'abord en
leur promettant d'être lui-même leur consolateur : « Vous serez heureux, pourvu que vous pratiquiez ces choses » ;
puis en leur prédisant que les hommes eux mêmes s'empresseront de leur prodiguer
les secours dont ils auront besoin : «
En vérité, en vérité je vous le dis, celui qui reçoit celui que j'ai envoyé,
c'est moi-même qu'il reçoit ; et celui qui me reçoit, reçoit celui qui
m’a envoyé. » — Origène : En effet celui qui reçoit l'envoyé de Jésus, reçoit Jésus, qui demeure
dans celui qu'il a envoyé, et celui qui reçoit Jésus, reçoit son Père; donc
recevoir celui que Jésus envoie, c'est recevoir le Père lui-même. On peut
encore donner cette explication. Celui qui reçoit mon envoyé, arrive jusqu'à
me recevoir moi-même, mais celui qui me reçoit, non dans la personne d'un de
mes apôtres, mais qui me reçoit même lorsque je viens dans les âmes, reçoit
mon Père, de sorte que non seulement moi, mais aussi mon Père, nous
demeurions en lui. —
Saint Augustin : (Traité 59). Les ariens, en
entendant ces paroles, s'empressent de recourir à ces degrés de leur doctrine :
Autant, disent-ils, l'Apôtre diffère du Seigneur qui l'envoie, autant le Fils
diffère du Père. Mais lorsque le Sauveur fait cette déclaration : « Mon Père et moi nous ne sommes qu'un, »
il ne permet pas le moindre soupçon de différence entre le Père et le Fils.
Comment donc devons-nous entendre ces paroles du Seigneur : « Celui qui me reçoit, reçoit celui qui
m'a envoyé » ? Si nous voulons les entendre dans ce sens, que le
Père et le Fils ont une même nature, la conséquence naturelle de ces autres
paroles : « Celui qui reçoit mon
envoyé, me reçoit, » paraît devoir être que le Fils et l'envoyé ont aussi
une même nature. On pourrait donc supposer que le Sauveur a voulu dire : Qui
reçoit celui que j'ai envoyé me reçoit en tant qu'homme, mais qui me reçoit
comme Dieu, reçoit celui qui m'a envoyé. Toutefois, en s'exprimant de la
sorte, ce n'est point l'unité de nature qu'il voulait faire ressortir dans la
personne de celui qui est envoyé, mais l'autorité de celui qui envoie; si
donc vous considérez Jésus-Christ dans Pierre, vous y trouverez le maître du
disciple; si au contraire vous considérez le Père dans le Fils, vous
trouverez le Père du Fils unique. |
Lectio 4 |
Versets 21-30 |
[86102] Catena in Io., cap. 13 l. 4 Chrysostomus
in Ioannem. Quia dominus apostolis debentibus orbem terrarum universum
percurrere, exhibuerat duplicem consolationem praedictam, cogitans quod
utraque proditor privatus est, turbatur; et hoc significat Evangelista dicens
cum haec dixisset Iesus, turbatus est spiritu, et protestatus est, et dixit :
amen, amen, dico vobis, quia unus ex vobis me tradet. Augustinus in Ioannem. Non illi hoc tunc primum
venit in mentem; sed quia proditorem iam fuerat expressurus, ut non lateret
in ceteris, ideo turbatus est spiritu : et quia ipse traditor iam fuerat
exiturus, ut Iudaeos, quibus dominus ab eo traderetur, adduceret. Turbavit
eum imminens passio, et periculum proximorum, et traditoris impendentes
manus, cuius fuerat praecognitus animus. Hoc etiam dominus significare sua
turbatione dignatus est, quod quando ex falsis fratribus aliquos separari,
etiam ante messem, urgens causa compellit, fieri sine Ecclesiae turbatione
non possit. Turbatus est autem non carne, sed spiritu : spiritus enim in
huiusmodi scandalis non perversitate, sed caritate turbatur; ne forte in
separatione aliquorum zizaniorum, simul aliquod eradicetur et triticum. Sive ergo ipsum Iudam pereuntem miserando, sive sua
morte appropinquante, turbatus est; non animi infirmitate, sed potestate
turbatur : non enim aliquo cogente turbatur, sed turbavit semetipsum, ut
supra dictum est. Quod autem turbatur, infirmos in suo corpore, hoc est in
sua Ecclesia, consolatur, ut si qui suorum morte imminente turbantur, non se
reprobos putent. Origenes in Ioannem. In eo enim quod dicit turbatus
est spiritu, quod humanum est, scilicet passio, proveniebat ab exuberantia
spiritus : si enim sanctus quilibet in spiritu vivit, et agit, et patitur,
quanto magis haec dicenda sunt de Iesu sanctorum praemiatore? Augustinus. Pereant igitur argumenta Stoicorum, qui
negant in sapientem cadere perturbationem animorum; qui profecto, sicut
vanitatem aestimant veritatem, sic stuporem deputant sanitatem. Turbetur
plane animus Christiani, non miseria, sed misericordia. Dicit autem unus ex
vobis, numero, non merito; specie, non virtute. Chrysostomus in Ioannem. Quia vero non nominatim
dixit, rursum in omnes inducit timorem; unde sequitur aspiciebant ergo discipuli
ad invicem, haesitantes de quo diceret. Et nimirum nullius sibi ipsis conscii
mali, tamen enuntiationem Christi propriis cogitationibus credibiliorem
putabant. Augustinus in Ioannem. Sic etiam in eis erat erga
magistrum suum pia caritas, ut tamen eos humana, alterum de altero,
stimularet infirmitas. Origenes. Reminiscebantur etiam, ut homines
existentes, quoniam alterabilis est affectus adhuc provectorum, ac
susceptibilis appetitus contrariorum his quae prius voluerant. Chrysostomus. Omnibus autem trementibus, et ipso
vertice, scilicet Petro, formidante, Ioannes velut dilectus recubuit in sinu
Iesu; unde sequitur erat ergo recumbens unus ex discipulis eius in sinu Iesu,
quem diligebat Iesus. Augustinus. Ipse est Ioannes, cuius est hoc
Evangelium, sicut postea manifestat. Erat enim haec eorum consuetudo qui
sacras nobis litteras ministrarunt, ut quando ab aliquo eorum divina
narrabatur historia, cum ad seipsum veniret, tamquam de alio loqueretur. Quid
enim deperit veritati, quando et res ipsa dicitur, et quodammodo dicentis
iactantia devitatur? Chrysostomus. Si autem huiusmodi familiaritatis
causam quaeris discere, amoris res erat : propterea dicit quem diligebat
Iesus : quamvis enim et alii amarentur, tamen iste plus aliis. Origenes. Aestimo autem quod etiam hoc protendit,
quod Ioannes recumbens verbo, ac in secretioribus pausans, incumbebat gremio
verbi. Chrysostomus. Volebat etiam ostendere seipsum esse
alienum a crimine; et hoc etiam dicit, ne aestimes quod Petrus ei ut maiori
existenti innueret; nam sequitur innuit ergo huic Simon Petrus, et dicit ei :
quis est de quo dicit? Ubique enim invenitur Petrus ab amore impetum faciens;
et quia primo increpatus est non locutus est, sed mediante Ioanne vult
discere. Ubique enim Scriptura ostendit Petrum fervidum, et familiaritatem
habentem ad Ioannem. Augustinus. Notanda autem locutio est, dicere
aliquid non sonando, sed tantummodo innuendo : innuit, inquit, et dicit;
idest, innuendo dicit. Si enim cogitando aliquid dicitur, sicut illud :
dixerunt apud semetipsos, quanto magis innuendo, ubi iam foris qualibuscumque
signis promitur quod fuerit corde conceptum? Origenes in Ioannem. Vel primo innuit, et deinde non
contentus nutu, dixit illi : dic quis sit de quo dicit. Sequitur itaque cum
recubuisset ille super pectus Iesu, dicit ei : domine, quis est? Augustinus in Ioannem. Quod autem nunc supra pectus
dicit, paulo supra dixerat in sinu. Vel aliter. Primo quidem iacens in sinu Iesu,
superascendit, et incubuit supra pectus; quasi si non incubuisset in pectore,
sed remansisset iacens in sinu, nequaquam dominus ei tradidisset verbum quod
Petrus scire cupierat. Per hoc ergo quod ultimo supra pectus incubuit,
exprimitur tamquam per maiorem et abundantiorem gratiam, specialis Iesu
discipulus esse. Beda. Quod autem in sinu et supra pectus recubuit,
non solum fuit praesentis amoris indicium, sed etiam futurae rei signum :
quod scilicet inde vocem sumeret, quam postmodum cunctis saeculis inauditam
emitteret. Augustinus. Per sinum enim quid aliud significatur
quam secretum? Hic est utique pectoris sinus, sapientiae secretum.
Chrysostomus. Neque autem tunc nominatim proditorem dominus manifestavit;
nam sequitur respondit Iesus : ille est cui intinctum panem porrexero. Et
modus ipse manifestationis conversurus erat : quia enim ob mensationem
verecundatus non est, eodem pane communicans verecundari debuit. Sequitur et
cum intinxisset panem, dedit Iudae Simonis Iscariotis. Non, ut putant quidam negligenter legentes, tunc Iudas
solus Christi corpus accepit : intelligendum est enim quod iam eis omnibus
distribuerat dominus sacramenta corporis et sanguinis sui, ubi et ipse Iudas
erat, sicut Lucas narrat; at demum ad hoc ventum est, ubi secundum
narrationem Ioannis dominus per buccellam tinctam atque porrectam suum exprimit
traditorem; fortassis per panis tinctionem illius significans fictionem : non
enim omnia quae tinguntur abluuntur : sed ut inficiantur, nonnulla tinguntur.
Si autem bonum aliquid haec significat tinctio, eidem bono ingratum merito
est secuta damnatio; sequitur enim et post buccellam, tunc introivit in eum
Satanas. Origenes in Ioannem. Attende quod primo quidem non
introivit Satanas in Iudam, sed immisit in cor eius solum ut proderet
praeceptorem, post panem autem in eum ingressus est. Quamobrem nobis cavendum
est ne Diabolus intrudat in cor nostrum aliquid ignitorum telorum suorum :
nam si intruserit, insidiatur deinde ut et ipse introeat. Chrysostomus. Donec enim fuit in collegio, non
audebat insilire, sed extrorsum immittebat; quando vero eum manifestum fecit
et expulit, libere in eum de cetero exilivit. Augustinus. Vel intravit in eum, ut sibi iam
traditum plenius possideret : neque enim non in illo erat quando ad Iudaeos
de pretio tradendi dominum pactus est, cum Lucas dicat : intravit autem
Satanas in Iudam; et abiit, et locutus est cum principibus sacerdotum. Talis
iam venerat ad coenandum; sed post panem introivit in eum, non ut adhuc
alienum tentaret, sed ut proprium possideret. Origenes. Decebat enim, ut aestimo, propter panis
exhibitionem auferri ab indigno bonum quod se habere credebat; quo privatus,
factus est capax ingressus Satanae in ipsum. Augustinus in Ioannem. Dicunt autem aliqui : ita ne
hoc meruit panis porrectus de mensa Christi, ut post illum intraret in
discipulum Satanas? Quibus respondemus, hinc potius nos doceri quam sit
cavendum male accipere bonum : si enim corripitur qui non diiudicat, hoc est
non discernit a ceteris cibis domini corpus, quomodo damnatus qui ad eius
mensam fingens se amicum, accedit inimicus? Sequitur et dicit ei Iesus : quod
facis, fac citius. Origenes. Cui autem id ambiguum est quoniam potuit
vel Iudae vel Satanae dominus dixisse quod facis, citius, provocans
adversarium ad pugnam, vel proditorem ad subministrandum dispensationi quae
erat futura salubris saeculo? Quam non amplius tardari nec protrahi, sed pro
posse maturari volebat. Augustinus. Non tamen praecepit facinus, sed
praedixit : non tam in perniciem perfidi saeviendo, quam ad salutem fidelium
festinando. Chrysostomus. Hoc enim quod dicit quod facis, fac
citius, non praecipientis est neque consiliantis, sed exprobrantis, et
ostendentis quoniam ipse nolebat suam proditionem impedire. Sequitur hoc
autem nemo scivit discumbentium ad quid dixerit ei. Multam utique quis hic
dubitationem inveniet, si interrogantibus discipulis : quis est? Dixit : cui
ego intingens panem dabo, et tamen non intellexerunt : nisi dicatur, quod
latenter dixit, ut nullus audiret; et propterea supra pectus Ioannes residens
interrogat, quasi ad aurem, ut non fieret proditor manifestus. Fortasse enim
si Christus eum manifestum fecisset, Petrus utique eum interfecisset.
Propterea dicit, quod nullus cognovit recumbentium, sed neque Ioannes :
nequaquam enim putavit quod discipulus in tantum iniquitatis prodiret : quia
enim procul a tali iniquitate erat, non de aliis hoc suspicabatur. Veram
igitur causam eorum quae a Christo dicta sunt ignoraverunt. Quid autem
aestimarent, ostendit Evangelista, cum subdit quidam putabant, quia loculos
habebat Iudas, quod dixisset ei Iesus : eme ea quae opus sunt nobis ad diem
festum; aut ut egenis aliquid daret. Augustinus. Habebat ergo dominus loculos, et a
fidelibus oblata conservans, et suorum necessitatibus, et aliis indigentibus
tribuebat. Tunc primum ecclesiasticae pecuniae forma est instituta, ut
intelligeremus, quod praecepit non cogitandum esse de crastino, non ad hoc
esse praeceptum ut nihil pecuniae servetur a sanctis; sed ne Deo propter ista
serviatur, et propter inopiae timorem iustitia deseratur. Chrysostomus in Ioannem. Et nimirum nullus
discipulorum pecunias afferebat; sed per hoc quod dicit hic, occulte insinuat
quod quaedam mulieres eum de suis facultatibus nutriebant. Qui autem non
peram, non virgam, non aes iubet deferre, loculos ferebat ad inopum
ministerium; ut discas quoniam valde pauperem et mundo crucifixum, huius
oportet partis multam facere procurationem; multa enim ad nostram dispensans
doctrinam agebat. Origenes. Sic igitur Iudae salvator dicebat quod
facis, fac citius; ac proditor in hoc tantum ad praesens obedivit magistro :
accepto namque pane, nullam traxit moram; unde sequitur cum ergo accepisset
ille buccellam, exivit continuo. Et revera exiit, non solum recedendo de domo
in qua tenebatur; sed omnino egressus est a Iesu. Ego autem opinor, quod post
panem ingressus Satanas in Iudam, non tolerabat in eodem loco cum Iesu esse :
nulla namque conformitas est Iesu ad Satanam. Non frustra autem requiram,
quare super hoc quod est et accipiens panem, non adicitur : et manducans.
Numquid igitur accepto pane non manducavit Iudas? Post panem enim forsan
acceptum a Iuda, non esum, qui semel in cor eius immiserat ut magistrum
prodat, timore ductus ne quod immissum fuerat evanesceret usu panis, quam
cito panem Iudas recepit, introivit in eum, et statim domum excessit. Aliter
quoque non inepte dicetur, quod sicut qui indigne manducat panem domini, aut
bibit eius calicem, in praeiudicium sibi comedit atque bibit; sic panis Iesu
datus aliis fuit ad salutem, Iudae in damnum, ut post panem intraret in eum
Satanas. Chrysostomus. Subdit autem erat autem nox, ut discas
Iudae temeritatem, quoniam neque tempus eum tenuit ab impetu. Origenes in Ioannem. Nox etiam sensibilis instar
extitit obductae noctis in anima Iudae. Gregorius Moralium. A qualitate enim temporis, finis
exprimitur actionis : dum non rediturus ad veniam, ad traditionis perfidiam
nocte Iudas exisse perhibetur. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 72 sur Saint Jean). Notre
Seigneur venait d'offrir cette double consolation à ses Apôtres, qui devaient
bientôt parcourir le monde entier, mais il se trouble à la pensée que le
traître disciple devait en être privé ; c’est ce que veut dire
l’Evangéliste lorsqu’il ajoute : « Lorsqu'il eut dit ces choses, Jésus
se troubla en son esprit, et dit : « En
vérité, en vérité, je vous le dis : l’un de vous me trahira ». —
Saint Augustin : (Traité 60 sur saint Jean). Ce
n'était pas la première fois que cette pensée lui venait dans l'esprit, mais
il allait désigner si clairement celui qui devait le trahir, qu'il ne lui
serait plus possible de rester caché parmi les autres, et c'est une des
causes de son trouble. D'ailleurs, Judas allait bientôt sortir pour amener
les Juifs et leur livrer le Sauveur, et Jésus était encore troublé par les
approches de sa passion, par les dangers qui le menaçaient, et par la
trahison imminente de son perfide disciple, dont il connaissait par avance
les intentions. (Traité 6l). Notre Seigneur voulut nous apprendre
aussi par ce trouble, que lorsque la nécessité force l'Eglise de séparer de
faux frères de son sein avant la moisson, ce ne doit jamais être sans un
grand sentiment de trouble. Or, il fut troublé, non dans sa chair, mais dans
son esprit; car au milieu de ces scandales, le trouble [des hommes vraiment
spirituels] ne vient pas d'un sentiment répréhensible, mais de la charité qui
leur fait craindre qu'en arrachant l'ivraie, on ne déracine en même temps le
bon grain. (Mat 13) — (Traité 60). Que ce trouble ait eu pour
cause ou un sentiment de compassion pour Judas, qui allait se perdre, ou les
approches de sa mort, ce n'est point par faiblesse d'âme, mais par un acte de
sa puissance que Jésus se trouble; car ce trouble n'est point forcé, il est
tout à fait volontaire, il se troubla lui-même, comme il est dit plus haut.
Or, ce trouble est une source de consolation pour les membres faibles de son
corps, c'est-à-dire de son Eglise, que Jésus apprend à ne point se regarder
comme coupables, si le trouble s'empare de leur âme aux approches de la mort
de ceux qui leur sont chers. — Origène : (Traité 32). Jésus est troublé en esprit, c'est-à-dire que ce sentiment
humain (l’approche de sa passion) était produit par la puissance de l'esprit.
En effet, si tous les saints vivent, agissent et souffrent en esprit, à
combien plus forte raison devons-nous l'assurer de Jésus, le premier et le
chef de tous les saints. —
Saint Augustin : (Traité 60). Périssent donc
tous les raisonnements des stoïciens, qui prétendent que l'âme du sage doit
être complètement inaccessible au trouble; de même qu'ils prennent la vanité
pour la vérité, ils regardent l'insensibilité comme un indice de la force de
l'âme. L’âme du chrétien peut donc légitimement être troublée, non par la
souffrance, mais par un sentiment de compassion. (Traité 61). Jésus
dit : « L'un de vous, » par le
nombre, non par le mérite; l'un de vous par l'apparence et non par sa vertu. —
Saint Jean Chrysostome : Mais comme il n'avait pas
désigné le traître par son nom, ils sont tous de nouveau saisis de frayeur : « Les disciples donc se regardaient l'un
l'autre, ne sachant de qui il parlait. » Leur conscience ne leur
reprochait aucun dessein mauvais de ce genre, et cependant cette déclaration
du Sauveur l'emportait dans leur esprit sur leurs propres pensées. —
Saint Augustin : (Traité 61). Leur pieuse tendresse
pour leur maître ne les empêchait pas, sous l'impression d'un sentiment de
faiblesse naturelle, de concevoir ces soupçons les uns à l'égard des autres. — Origène : Ils se rappelaient d'ailleurs, étant des hommes, que la vertu, chez
les parfaits, n'est point à l'abri de la mutabilité, et que les désirs les
plus louables peuvent facilement se changer en désirs contraires. —
Saint Jean Chrysostome : Tous donc étant saisis de
crainte, et Pierre, leur chef, tout tremblant lui-même; Jean, comme le
disciple bien-aimé, inclina sa tête sur la poitrine de Jésus : « Or, un des disciples de Jésus, que Jésus
aimait, reposait sur son sein. » —
Saint Augustin : C'était Jean, l'auteur de
cet Evangile, comme il le déclare plus loin lui-même. En effet, lorsque les
écrivains qui nous ont livré les textes sacrés, racontent un fait où il est
question de l’un d’entre eux, ils ont coutume d'en parler, lorsqu’on en vient
à leur propre personne, comme d'une tierce personne. Et en effet, en quoi
peut souffrir la vérité du récit, lorsque les choses sont dites telles
qu'elles sont, et qu'en même temps l'écrivain échappe au danger de la vanité
? —
Saint Jean Chrysostome : Si vous désirez connaître la
cause d'une si grande familiarité de la part de Jean, c'était l'amour [de
Jésus pour lui], c'est pour cela qu'il ajoute : « Celui qu'aimait Jésus. » Jésus
aimait tous les autres Apôtres, mais il avait pour celui-ci une affection
plus spéciale. — Origène : Je pense que Jean, reposant sur le sein du Verbe, veut nous apprendre
qu'il goûtait, un doux repos dans la considération des mystères secrets du
Verbe. —
Saint Jean Chrysostome : Il voulait encore montrer
par là qu'il était innocent du crime de trahison, et il s'exprime de la sorte
pour ne point vous laisser penser que Pierre lui fit signe comme à quelqu'un
qui lui serait supérieur en dignité. En effet, l'Evangéliste ajoute : « Simon-Pierre lui fit signe et lui
dit : Qui est celui dont il parle ? » En toutes circonstances, nous
voyons Pierre comme emporté par la vivacité de son amour; comme il en a déjà
été repris par le Sauveur, il ne prend plus lui-même la parole, et cherche à
savoir ce qu'il désire par l'intermédiaire de Jean, car l’Écriture nous
montre partout Pierre, plein de ferveur, et vivant dans une grande intimité
avec Jean. —
Saint Augustin : Remarquez ici cette manière
de s'exprimer sans parler, et par un simple signe. Il lui fît signe, dit
l'Evangéliste, et il lui demande, c'est-à-dire il lui demande par le signe
même qu'il faisait; car si la pensée seule est un véritable langage, comme
l'atteste l'Ecriture dans ce passage : «
Ils dirent en eux-mêmes, » combien plus peut-on parler par signes,
puisqu'alors on manifeste au dehors par une expression quelconque la pensée
qu'on a conçue dans son cœur ? — Origène : On peut dire encore que Pierre commence par faire signe, et que non
content de ce signe, il fit cette question : « Quel est celui dont il parle ? » « C'est
pourquoi ce disciple s'étant penché sur la poitrine de Jésus, lui dit :
Seigneur, qui est-ce ? » — Saint Augustin : [référence à vérifier] Précédemment l'Evangéliste
avait dit sur le sein, il dit maintenant sur la poitrine. — Origène : [référence à vérifier] On peut dire encore qu'il
était couché sur le sein de Jésus, et qu'ensuite il monta plus haut et reposa
sur sa poitrine. Il semble que s'il ne se fût point reposé sur la poitrine de
Jésus, et qu'il fût resté couché sur son sein, le Seigneur ne lui aurait pas
fait connaître ce que Pierre désirait savoir. En reposant donc en dernier
lieu sur la poitrine de Jésus, il nous apprend qu'il était le disciple
privilégié de Jésus, par l'effet d'une grâce plus haute et plus abondante. —
Saint Bède : Ce repos qu'il prend sur le
sein et sur la poitrine de Jésus, n'est pas seulement la preuve de l'amour du
Sauveur pour lui, mais le présage de ce qui devait arriver, c'est-à-dire que
Jean devait puiser sur la poitrine de Jésus cette voix qui devait retentir et
qu'aucun des siècles précédents n'avait entendue. —
Saint Augustin : (Traité 61 sur Saint Jean). Le
sein est en effet ici la figure d'un mystère caché, et le sein de la poitrine
est comme la source secrète de la sagesse. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 72). Cependant Notre
Seigneur ne fait pas encore connaître par son nom le traître disciple : « Jésus lui répondit : C'est celui à qui
je présenterai le pain trempé. » Cette manière de le faire connaître
avait pour but de lui faire changer de résolution; et puisqu'il n'avait point
rougi de s'asseoir à la même table que son divin Maître, il devait rougir au
moins en mangeant le même pain. « Et
ayant trempé du pain, il le donna à Judas Iscariote, fils de Simon. » —
Saint Augustin : (Traité 62) [référence
à vérifier]. On ne peut admettre, avec quelques lecteurs superficiels,
que Judas reçut alors seul le corps du Seigneur; nous devons admettre au
contraire que le Sauveur avait déjà distribué le sacrement de son corps et de
son sang à tous ses disciples, et que Judas était du nombre, au témoignage de
saint Luc (Lc 22). Ce ne fut qu'après cette communion que, suivant le
récit de saint Jean, le Seigneur fit connaître celui qui devait le trahir en
lui donnant un morceau de pain trempé. Peut-être, par ce pain trempé,
voulut-il désigner l'hypocrisie du traître disciple, car tout ce qui est
trempé n'est point pour cela purifié, et quelquefois une chose est souillée par
cela seul qu'elle est trempée; si au contraire ce morceau de pain trempé est
le symbole d'une grâce particulière, l'ingratitude de Judas, après le nouveau
bienfait, rend plus juste encore sa réprobation. « Et quand il
eut pris ce morceau, Satan entra en lui. » — Origène : Remarquez que Satan n'était pas tout d'abord entré dans le cœur de
Judas, il lui avait seulement suggéré la pensée de trahir son Maître, ce ne
fut qu'après ce morceau qu'il entra dans son âme. Prenons donc bien garde que
le démon ne fasse pénétrer dans notre âme quelques-uns de ses traits
enflammés, car s'il y réussit, il redouble ses efforts pour entrer lui-même. —
Saint Jean Chrysostome : Tant que Judas fit partie du
corps des Apôtres, le démon n'osait s'emparer [entièrement] de lui, il se
contentait de l'attaquer extérieurement, mais lorsqu'il l'eût fait connaître
et qu'il l'eût séparé des autres disciples, il se trouva plus libre pour se
saisir de sa personne. —
Saint Augustin : Ou bien : « Satan entra en lui, » dans ce sens qu'il prit
complètement possession de celui qui lui appartenait déjà, car il était déjà
dans Judas, lorsque ce [perfide] disciple convint avec les Juifs du prix de
sa trahison, comme saint Luc le dit clairement : « Or, Satan entra en Judas, surnommé Iscariote, l'un des douze;
et il s'en alla conférer avec les princes des prêtres et les officiers du
temple, sur les moyens de le leur livrer. » Il était donc au pouvoir de Satan
lorsqu'il vint se mettre à table avec Jésus, mais après qu'il eut reçu ce
morceau de pain, Satan entra en lui, non plus comme pour tenter un homme qui
lui fût étranger, mais pour posséder plus pleinement celui qui lui
appartenait déjà. — Origène : Il était juste, à mon avis, qu'après que ce morceau de pain lui fut
présenté, il perdit le bien dont il était indigne et qu'il croyait posséder,
et qu'ainsi dépouillé de ce bien, le démon pût entrer plus facilement dans
son âme. —
Saint Augustin : Il en est qui disent :
Est-ce qu'un morceau de pain pris sur la table du Seigneur, a pu avoir pour
effet de livrer à Satan l'entrée du l'âme de ce disciple ? Nous répondons que
nous devons apprendre par là avec quel soin nous devons éviter de recevoir
les grâces du ciel dans de mauvaises dispositions, car si Dieu traite si
sévèrement celui qui ne discerne pas (c'est-à-dire, qui ne distingue pas des
autres aliments le corps du Seigneur), quelle sera la condamnation de celui
qui, sous les dehors de l'amitié, s'approche de sa table avec un cœur hostile
? « Et Jésus lui
dit : Ce que vous faites, faites-le vite. » — Origène :
[référence
à vérifier] On
ne peut dire avec certitude à qui s'adressent ces paroles, car Notre Seigneur
a pu dire également à Judas ou à Satan : «
Ce que vous faites, faites-le vite, » en provoquant, pour ainsi dire, son
ennemi au combat, ou en pressant le traître disciple d'aider à
l'accomplissement du mystère qui devait être le salut du monde, et dont il
pressait l'exécution, loin de vouloir la retarder et la postposer. —
Saint Augustin : Toutefois, il ne commande
pas le crime, il le prédit simplement, non point pour hâter la perte de son
perfide disciple, que pour accomplir au plutôt l'œuvre du salut des nommes. —
Saint Jean Chrysostome : Ces paroles : « Ce que vous faites, faites-le au
plus vite », ne sont ni un ordre ni un conseil, mais un reproche, et
une preuve que le Sauveur ne voulait mettre aucun obstacle à la trahison de
son disciple : « Aucun de ceux qui
étaient à table ne comprit pourquoi il lui disait cela. » Une difficulté
assez grande se présente ici, et on se demande comment les disciples qui
avaient demandé quel était celui dont Jésus parlait, n'aient pas compris la
réponse du Sauveur : « Celui à qui
je présenterai un morceau de pain trempé. » Il faut donc admettre que
Jésus fit cette réponse à voix basse, de manière que personne ne l'entendit,
et que Jean, qui reposait sur son sein, lui fit précisément cette question à
l'oreille, pour ne point faire connaître celui qui devait le trahir; car, si
le Sauveur l'eût clairement désigné, Pierre eût pu le mettre à mort. C'est
pour cela que l'Evangéliste dit qu'aucun de ceux qui étaient à table ne
comprit pourquoi il lui disait cela, pas même Jean, qui ne pouvait penser
qu'un disciple de Jésus put se porter à cet excès de scélératesse; ne pouvant
soupçonner dans les autres l'idée d'un crime dont il était si éloigné
lui-même. Les Apôtres ne comprirent donc point le véritable motif des paroles
de Jésus. L'Evangéliste nous apprend dans quel sens ils les entendirent en
ajoutant : « Quelques-uns pensaient
que, comme Judas avait la bourse, Jésus lui avait dit : Achetez ce dont nous
avons besoin pour la fête, ou de donner quelque chose aux indigents.» —
Saint Augustin : Notre Seigneur avait donc
une bourse, dans laquelle il conservait les offrandes des fidèles destinées à
pourvoir aux besoins de ses disciples et au soulagement des pauvres. Telle
fut la première institution de la propriété ecclésiastique. Nous devons donc
comprendre que lorsque le Sauveur nous ordonne de ne point songer au
lendemain, (Mt 6) ce précepte n'est pas une défense faite aux fidèles
de ne conserver aucun argent, mais un avertissement de ne point servir Dieu
en vue de l'argent, et de ne jamais sacrifier la justice par crainte de la
pauvreté. —
Saint Jean Chrysostome : Aucun des disciples de Jésus
ne lui apportait d'argent; mais l'Evangéliste nous fait entendre ici à mots
couverts que de [pieuses] femmes fournissaient à Jésus ce qui lui était
nécessaire pour son entretien. Or, celui qui ordonne à ses apôtres de ne
porter ni sac, ni bâton, ni argent, portait lui-même une bourse pour subvenir
aux besoins des pauvres, afin de nous apprendre que celui même qui embrasse
une vie de pauvreté et de crucifiement à tout ce qui est dans le monde, doit
cependant avoir une grande sollicitude pour les pauvres; car, Notre Seigneur
a fait beaucoup de choses dans sa vie, uniquement pour notre instruction. — Origène : Le Sauveur avait dit à Judas
: « Ce que vous faites, faites-le au
plus vite, » et le traître disciple n'obéit que sur ce point à son
Maître; aussitôt qu'il a reçu ce morceau de pain, il se hâte d'accomplir,
sans aucun retard, son criminel dessein. «
Judas, ayant donc pris ce morceau de pain, sortit aussitôt. » Et, en
effet, il sortit, non seulement en quittant la maison où il se trouvait, mais
en se séparant tout à fait de Jésus. Quant à moi, je pense que Satan, qui
était entré dans Judas, après qu'il eût reçu ce morceau de pain, ne pouvait
supporter d'être plus longtemps dans le même lieu que Jésus; car il ne peut y
avoir aucun point de contact entre Jésus et Satan. Il n'est pas inutile de
rechercher pourquoi l’Evangéliste, qui nous rapporte que Judas reçut ce
morceau de pain, n'ajoute pas qu'il le mangea. Est-ce qu'en effet Judas ne
mangea point le morceau de pain qu’il recevait ? Ne peut-on pas dire que,
lorsqu'il eut pris ce morceau de pain, le démon, qui lui avait suggéré la
pensée de trahir son Maître, craignant qu'en mangeant de ce pain il ne
renonçât à son dessein, se hâta d'entrer en lui aussitôt qu'il l'eut reçu des
mains du Sauveur, et le fit sortir aussitôt de la maison ? On peut dire
encore, avec autant de raison, que de même que celui qui mange indignement le
pain du Seigneur ou boit indignement son calice, le mange et le boit pour sa
condamnation; ainsi Jésus donna ce pain aux uns pour leur salut, et à Judas
pour sa perte; en sorte que Satan entra en lui aussitôt qu'il l'eut reçu. —
Saint Jean Chrysostome : L'Evangéliste ajoute : « Or, il était nuit, » pour faire
ressortir l'audace téméraire de Judas, que le temps ne dut ni retenir ni
détourner de son dessein. — Origène : Cette nuit extérieure et sensible était d'ailleurs la figure des
ténèbres, qui s'étendaient sur l'âme de Judas. —
Saint Grégoire : (Moral., 2, 2). La circonstance du
temps fait ressortir [la nature et] la fin de l'action, et l'Evangile nous
fait voir Judas accomplissant dans la nuit son œuvre de trahison, parce qu'il
ne devait jamais en concevoir de repentir. |
Lectio 5 |
Versets 31-32 |
[86103] Catena in Io., cap. 13 l. 5 Origenes in
Ioannem. Post evenientia ex prodigiis, nec non ex transfiguratione
praeconia, initium glorificandi filii hominis fuit exitus Iudae a loco ubi
morabatur Iesus, cum Satana, qui eum ingressus est; unde dicitur cum ergo
exisset, dixit Iesus : nunc clarificatus est filius hominis. Non enim
immortalis unigeniti verbi, sed hominis qui factus est ex semine David,
gloria hic narratur. Si enim in morte Christi glorificantis Deum illud verum
est : exuens principatus et potestates, traduxit confidenter triumphans in
ligno, et illud : concilians per sanguinem crucis suae sive quae in terris
sive quae in caelis sunt, in his omnibus glorificatus est filius hominis, Deo
etiam glorificato in eo; unde sequitur et Deus clarificatus est in eo; quia
non est Christum glorificari, nisi cum eo quoque glorificetur et pater. At
quoniam quicumque glorificatur, ab aliquo glorificatur; si quaeras de eo quod
clarificatus est filius hominis, a quo, respondens subdit si Deus
clarificatus est in eo, et Deus clarificabit eum in semetipso. Chrysostomus in Ioannem. Hoc est per seipsum, non
per alium. Sequitur et continuo clarificabit eum : quasi dicat : non post
longum tempus, sed confestim in ipsa cruce ea quae clara sunt apparebunt. Sol
namque aversus est, petrae scissae sunt, multa corpora eorum qui dormierant
surrexerunt. Hac autem via eas quae ceciderant, cogitationes discipulorum
restituit, et suadet non solum non tristari, sed etiam laetari. Augustinus in Ioannem. Vel aliter. Exeunte immundo,
omnes mundi cum suo mundatore manserunt. Tale aliquid erit cum zizaniis a
tritico separatis, iusti fulgebunt sicut sol in regno patris sui. Hoc futurum
praevidens dominus discedente Iuda, tamquam zizaniis separatis, remanentibus
tamquam tritico apostolis sanctis, dixit nunc clarificatus est filius hominis
: tamquam diceret : ecce in illa mea clarificatione quid erit, ubi malorum
nullus erit, ubi bonorum nullus perit. Sic autem non est dictum : nunc
significata est clarificatio filii hominis; sed nunc clarificatus est filius
hominis : sicut non est dictum : petra significat Christum; sed petra erat
Christus. Solet enim loqui Scriptura, res significantes, tamquam illa quae
significantur appellans. Est autem clarificatio filii hominis, ut Deus
clarificetur in eo; unde adiungit et Deus clarificatus est in eo. Denique
tamquam ista exponens, adiungit et dicit si filius clarificatus est in eo,
quia non venit facere voluntatem suam, sed voluntatem eius qui eum misit et
Deus clarificabit eum in semetipso, ut natura humana, quae ab aeterno verbo
suscepta est, etiam immortali aeternitati donetur. Sequitur et continuo
clarificabit eum; resurrectionem scilicet suam, non sicut nostram in fine
saeculi, sed continuo futuram, hac attestatione praedicens. Potest et de ista
clarificatione dictum videri nunc clarificatus est filius hominis; ut quod
ait nunc, non ad imminentem passionem, sed ad vicinam resurrectionem
pertinere credatur; tamquam fuerit factum quod erat tam proxime iam futurum.
Hilarius de Trin. Quod autem Deus in eo glorificatus
est, ad corporis gloriam spectat, per quam Dei intellecta est gloria, quasi
corpus ex naturae divinae consociatione gloriam mutuaret. Quod vero quia
glorificatus in eo Deus est, ideo glorificavit eum in se, ut qui regnat in
gloria quae ex Dei gloria est, ipse exinde in Dei gloriam transeat, toto iam
in Deo ex ea qua homo est dispensatione mansuro. Nec sane de tempore tacuit,
dicens et continuo clarificabit eum : ut quia prodeunte ad proditionem Iuda,
gloriam quae sibi post passionem, consecuta resurrectione, futura esset,
significasset in praesens, eam qua in se Deus eum clarificaturus esset, in
posterum reservaret, Dei in eo gloria per virtutem resurrectionis ostensa;
ipso vero in Dei gloria ex subiectionis dispensatione mansuro. Hilarius de Trin. Primam autem significationem huius
dicti non ambiguam existimo, cum ait nunc clarificatus est filius hominis :
gloria enim non verbo, sed carni acquirebatur. Hoc vero quod sequitur, et
Deus clarificatus est in eo, quid significet interrogo; et cum non alius sit
filius hominis, neque alius filius Dei : verbum enim caro factum est, requiro
quis in hoc filio hominis, qui et filius Dei est, glorificatus sit Deus. Et
videamus quid sit hoc quod tertio dicitur si Deus clarificatus est in eo, et
Deus clarificabit eum in semetipso. Homo utique non per se glorificatur,
neque rursum qui in homine glorificatur Deus, licet gloriam accipiat, non
tamen aliud ipse quam Deus est. Utique aut Christum necesse est esse qui
glorificatur in carne, aut patrem qui glorificatur in Christo. Si Christus
est Deus, certe Christus est qui glorificatur in carne : si pater,
sacramentum est unitatis, cum pater glorificatur in filio. De eo vero quod
glorificatum in filio hominis Deum Deus glorificat in seipso, in quo relicta
facultas exerendae impietatis existimatur, ne secundum naturae veritatem
verus Deus Christus sit? Numquid enim extra se est quod glorificat in seipso?
Quem enim in seipso pater glorificat, in eius gloria confitendus est; et qui
in patris gloria glorificandus est, in his intelligendus est esse in quibus
est pater. Origenes in Ioannem. Vel aliter. Nomen gloriae non
hic accipitur iuxta quosdam Paganorum, qui definiunt gloriam esse a pluribus
collata praeconia. Palam est enim quod hoc aliud est ab eo quod in Exodo
dicitur, quod gloria Dei repletum est tabernaculum, et quod aspectus Moysi
glorificatus erat : quantum enim ad corporalia divinior quaedam apparitio
contigit in tabernaculo, necnon in facie Moysi cum Deo locuti; quantum ad
anagogiam vero gloria Dei dicitur esse quae apparuit : quoniam deificatus ac
transcendens cuncta materialia intellectus, ut scrutetur divinam visionem in
his quae cernit, deificatur : ut hoc sit tropice quod glorificata est facies
Moysi, eo facto divino secundum intellectum. Nulla autem comparatio fuit
excellentiae Christi ad cognitionem Moysi glorificantem faciem animae eius :
totius enim divinae gloriae fulgorem esse filium aestimo, dicente Paulo : qui
cum sit splendor gloriae et figura substantiae eius; quinimmo proveniunt ab
hac totius gloriae luce singulares splendores ad totam rationalem creaturam :
non enim arbitror quempiam totum posse capere totius divinae gloriae
fulgorem, nisi filium eius. Inquantum igitur non erat notus filius mundo,
nondum in mundo glorificatus erat; cum autem pater aliquibus de mundo
existentibus tradidit Iesu notitiam, tunc glorificatus est filius hominis in
his qui cognoverunt eum; et hoc dedit gloriam cognoscentibus : nam qui libera
facie divinam gloriam intuentur, secundum eamdem transfigurantur imaginem a
gloria glorificati in glorificantium gloriam. Cum igitur appropinquavit ad
eam dispensationem, qua mundo notus debebat gloriam promereri in gloria
glorificantium ipsum, ait nunc clarificatus est filius hominis. Et quia
nullus novit patrem nisi filius, et cui revelaverit filius, debebat autem ex
dispensatione depromere patrem filius, ob hoc etiam Deus glorificatus in illo
dignoscitur. Vel hoc quod est et Deus clarificatus est in eo, cum illo
perscrutaberis : qui me videt, et patrem meum videt : nam videbitur in verbo,
cum Deus existat, et imago invisibilis Dei, qui genuit eum pater. Amplius
autem sic quoque clarius quae sunt in hoc loco capientur. Velut enim per
quosdam nomen Dei blasphematur in gentibus, sic per sanctos, quorum bona
gesta coram hominibus plenissime discernuntur, celsi patris nomen extollitur.
In quo vero adeo glorificatus est, ut in Iesu, dum peccatum non fecit, nec
dolus inventus est in ore eius? Cum ergo talis est filius, glorificatus est,
et Deus glorificatus est in eo. At si Deus in eo glorificatus est,
recompensat ei pater maius illo quod filius hominis exercuit. Longe enim
superstans est gloria in filio hominis cum glorificat eum pater, quam in
patre cum in illo glorificatus est : et decebat praepotentem maiorem
rependere gloriam. Deinceps quoniam statim haec erant futura (dico autem
filium hominis in Deo glorificari), ob hoc subiecit et continuo glorificabit
eum. |
— Origène : (Traité 32 sur Saint Jean). Après
les glorieux témoignages qu'avaient rendus au Sauveur les prodiges qu'il
avait opérés, et le miracle de la transfiguration, la glorification du Fils
de l'homme commença lorsque Judas, avec Satan, qui était entré en lui,
sortirent du lieu où se trouvait Jésus. «
Lorsqu'il fut sorti, Jésus dit : Maintenant le Fils de l'homme a été
glorifié. » Il ne s'agit pas ici de la gloire du Fils unique et immortel,
du Verbe de Dieu, mais de la gloire de l'homme qui est né de la race de
David. En effet, si dans la mort de Jésus-Christ, qui a glorifié Dieu, nous
voyons s'accomplir ces paroles : « Il
a dépouillé les puissances et les principautés, il les a menées hautement en
triomphe à la face de tout le monde par le bois de sa croix » (Col 2,
15) et ces autres : « Il a pacifié, par
le sang qu'il a répandu sur la croix, tant ce qui est sur la terre, que ce
qui est dans le ciel » (Col 1, 20) ; la gloire qui en est
résultée pour le Fils de l'homme, [est inséparable de] la gloire du Père, qui
a été glorifié en lui; car, on ne peut glorifier Jésus-Christ sans glorifier
en même temps le Père. Mais comme celui qui est glorifié l'est nécessairement
par quelqu'un, si vous demandez par qui le Fils de l'homme a été glorifié, il
vous répond lui-même : « Si Dieu a été
glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera en lui-même. » —
Saint Jean Chrysostome : C'est-à-dire par lui-même et
non par un autre. « Et c'est bientôt
qu'il le glorifiera. » Comme il disait : Ce ne sera pas après un
long espace de temps, car la croix fera bientôt éclater ces glorieux
témoignages; en effet, le soleil s'éclipsa, les rochers furent brisés, et un
grand nombre de ceux qui étaient morts ressuscitèrent. C'est ainsi qu'il
relève l'esprit abattu de ses disciples, et qu'il les excite non seulement à
bannir la tristesse, mais à se livrer à la joie. — Saint
Augustin : (Traité 63 sur Saint Jean). Ou
bien encore : Le disciple impur étant sorti, tous ceux qui étaient purs
demeurèrent avec celui qui les avait purifiés. Il arrivera quelque chose de
semblable lorsque l'ivraie, étant séparée du froment, les justes brilleront
comme le soleil dans le royaume de leur Père. (Mt 13) C'est dans la
prévision de cette séparation future que Notre-Seigneur, lorsque Judas fut
sorti, c'est-à-dire lorsque l'ivraie fut séparée et qu'il ne resta plus que
le bon grain, c'est-à-dire les saints Apôtres, dit : « Maintenant, le Fils de l'homme est glorifié. » Il semble dire :
Voilà ce qui aura lieu dans ma glorification; on n'y verra aucun méchant;
aucun des bons qui s'y trouveront ne périra. Remarquez que Notre Seigneur ne
dit pas : C'est maintenant qu'est figurée la glorification du Fils de
l'homme, mais : « C'est maintenant que
le Fils de l'homme est glorifié » ; de même que l'Apôtre ne dit pas
: La pierre signifiait le Christ; mais : «
La pierre était le Christ. » (1 Co 10) Car l’Écriture a coutume de
donner aux figures le nom des choses figurées. Or, la glorification du Fils
de l'homme a pour but que Dieu soit glorifié en lui, comme Notre Seigneur
l'ajoute : « Et Dieu est glorifié
en lui. » Il donne ensuite l'explication de ces paroles : « Si Dieu a été glorifié en lui
(parce qu'il n'est point venu faire sa volonté, mais la volonté de celui qui
l'a envoyé), Dieu aussi le glorifiera en lui-même, » en donnant
l'immortalité à la nature humaine, à laquelle le Verbe éternel s'est uni. « Et bientôt il le glorifiera, »
paroles qui sont une prédiction de sa résurrection, qui ne sera point
retardée, comme la nôtre, à la fin du monde, mais qui suivra presque
immédiatement sa mort. On peut aussi entendre, de cette glorification, ce qu'il a dit plus haut : « Maintenant, le Fils de l'homme est
glorifié», et l'expression : « maintenant,
» s'appliquerait non point à sa passion, qui était proche, mais à sa résurrection,
qui devait suivre, et qui regardait comme déjà faite parce qu'elle devait
arriver bientôt. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 11) Ces paroles : « Dieu a été glorifié en lui, »
se rapportent à la gloire du corps de Jésus-Christ, qui a fait ressortir la
gloire de Dieu par celle qu'il empruntait lui-même de son union avec la
nature divine. Dieu, en retour de cette gloire que son Fils lui donnait, l'a
glorifié en lui-même, en augmentant la gloire que le Fils donnait en lui à
Dieu, de telle sorte que celui qui règne dans la gloire (qui est la gloire de
Dieu), fût comme transformé dans la gloire de Dieu, en demeurant tout entier
Dieu par l'union de son humanité avec la divinité. Il ne veut pas laisser
ignorer le temps de cette glorification : «
Et bientôt il le glorifiera, » c'est-à-dire qu'au moment où Judas sort
pour le trahir, Jésus prédit la gloire que doit lui procurer bientôt sa
résurrection après sa passion, et réserve pour un temps plus éloigné la
gloire par laquelle Dieu devait le glorifier en lui-même, en faisant éclater
aux yeux de tous la puissance de sa résurrection, tandis que lui-même devait
rester en Dieu en vertu de cette mystérieuse disposition qui le soumet à son
Père. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 9) La première signification
de ces paroles : « Maintenant le Fils de l'homme a
été glorifié, » ne peut être douteuse à mon avis, car ce n'est point le
Verbe, mais la chair qu'il s'était unie qui était susceptible d'une [nouvelle]
gloire. Mais je me demande ce que signifient les paroles qui suivent : « Et Dieu a été glorifié en lui » ;
en effet, le Fils de l'homme n'est point autre que le Fils de Dieu (puisque
c'est le Verbe qui s'est fait chair); je cherche donc comment Dieu a été
glorifié dans ce Fils de l'homme qui est en même temps le Fils de Dieu.
Examinons encore le sens de ces autres paroles : « Si Dieu a été glorifié en lui, Dieu le glorifiera en lui-même. »
L'homme ne peut être glorifié par lui-même, et d'autre part le Dieu qui est
glorifié dans l'homme (bien qu'il reçoive de la gloire), ne peut être autre
chose que Dieu; il faut donc ou que ce soit le Christ qui est glorifié dans
la chair, ou le Père qui est glorifié dans le Christ. Si c'est le Christ, il
est certain que le Christ qui est glorifié dans la chair, est Dieu; si c'est
le Père (qui est Dieu), le Père est glorifié dans le Fils en vertu du mystère
de l'unité. Mais de ce que Dieu glorifie en lui-même, le Dieu qui a été
glorifié dans le Fils, comment peut-on encore tirer cette conclusion impie,
que le Christ ne soit point vrai Dieu, et n'ait point la même nature que Dieu
le Père ? Est-ce que celui qu'il glorifie en lui-même serait en dehors de lui
? Celui que le Père glorifie en lui-même partage nécessairement la même
gloire, et celui qui doit être glorifié de la gloire du Père, entre
nécessairement en participation de toutes les perfections du Père. — Origène : Disons encore que le mot
gloire n'a pas ici le sens que lui donnent quelques païens qui définissent la
gloire comme étant la réunion des louanges qui sont données par un grand
nombre, car il est évident que ce n'est pas là le sens du mot gloire dans
l'Exode, où il est dit : « que le
tabernacle fut rempli de la gloire de Dieu » (Ex 40, 32), et
encore que la figure de Moïse fut resplendissante de gloire (Ex 34,
35). Dans le sens [premier et] littéral, on doit entendre qu'il y eut comme
une apparition plus spéciale de la gloire divine dans le tabernacle aussi
bien que sur le visage de Moïse, qui venait de s'entretenir avec Dieu. Mais
dans le sens figuré, la gloire de Dieu apparut, parce que l'intelligence
déifiée et s'élevant au-dessus de toutes les choses matérielles pour scruter
la vision de Dieu, participe à l'éclat de la divinité qu'elle contemple,
c'est dans ce sens que le visage de Moïse resplendit de gloire, parce que son
intelligence fut comme déifiée; or, on ne peut établir aucune comparaison
entre la prééminence divine de Jésus-Christ et l'éclat qui rejaillissait de
l'intelligence de Moïse sur son visage, car le Fils est la splendeur de toute
la gloire divine au témoignage de saint Paul : « Et comme il est la splendeur de sa gloire et l'image de sa
substance. » (He 1, 3). Bien plus, de ce foyer complet de gloire
et de lumière partent des rayons éclatants qui se répandent sur la créature
raisonnable, car je ne pense pas qu'aucune créature puisse comprendre toute
la splendeur de la gloire divine, le Fils seul en est capable. Le Fils
n'était donc pas glorifié dans le monde, alors qu'il n'en était pas connu,
mais lorsque le Père eut donné la connaissance de Jésus à quelques-uns de
ceux qui existaient dans le monde, le Fils de l'homme fut glorifié dans ceux
dont il était connu. Cette connaissance fut une cause de gloire pour ceux qui
la possédaient, car ceux qui contemplent à visage découvert la gloire du
Seigneur sont transformés en sa ressemblance (2 Co 3, 13) par la
gloire de celui qui est glorifié qui rejaillit sur ceux qui le glorifient.
Lors donc qu'il vit s'approcher l'accomplissement de ce mystère qui devait le
faire connaître au monde et lui mériter cette gloire qui devait se répandre
sur ceux qui le glorifieraient, il dit : «
C'est maintenant que le Fils de l'homme est glorifié. » Et comme nul n'a connu le
Père, si ce n'est le Fils, et celui à qui le Fils l'a révélé, et qu'il
entrait dans le plan de l'incarnation divine que le Fils fit connaître le
Père, Dieu fut par cela même glorifié en lui. Pour bien comprendre ces
paroles : « Dieu a été glorifié en
lui, » vous les rapprocherez de ces autres : « Celui qui me voit, voit
aussi mon Père. » (Jn 14) On voit, en effet, le Père, parce que le
Verbe est Dieu, et l'image invisible de Dieu le Père qui l'a engendré. On
peut encore donner de ce passage une explication plus développée et plus
claire. De même que le nom de Dieu est blasphémé par quelques-uns parmi les
nations (Rm 2, 24), ainsi ce nom divin du Père est glorifié par
les saints, dont les oeuvres parfaites brillent aux yeux des autres hommes.
Mais par qui Dieu a-t-il été plus glorifié que par Jésus, qui n'a commis
aucun péché, et dans la bouche de qui le mensonge ne s'est point trouvé ? (1 P
2, 22). C'est donc ainsi que le Fils a été glorifié, et que Dieu a été
glorifié en lui; mais si Dieu a été glorifié en lui, il lui rend une gloire
bien supérieure à celle que le Fils lui a donnée, car la gloire que le Père
donne au Fils de l'homme, lorsqu'il le glorifie, est incomparablement plus
grande que celle qu'il rend lui-même à Dieu le Père qui est glorifié en lui.
Il était convenable, en effet, que celui qui était le plus puissant, rendît
aussi une gloire plus grande, et comme cette gloire que le Père devait
accorder au Fils de l'homme ne devait point tarder, Jésus ajoute : « Et bientôt il le glorifiera. » |
Lectio 6 |
Versets 33-35 |
[86104] Catena in Io., cap. 13 l. 6 Augustinus
in Ioannem. Cum dixisset superius : et continuo clarificabit eum, ne
putarent quod sic eum clarificaturus esset Deus ut non eis coniungeretur
ulterius ea conversatione quae in terra est, adiecit, atque ait filioli,
adhuc modicum vobiscum sum; tamquam diceret : continuo quidem resurrectione
clarificabor, non tamen continuo ascensurus in coelum. Sicut enim scriptum
est in actibus apostolorum, fuit cum eis post resurrectionem quadraginta
dies. Hos igitur quadraginta dies significavit dicendo adhuc modicum vobiscum
sum. Origenes in Ioannem. Per hoc autem quod dicit
filioli, ostendit adhuc imminentem animabus eorum parvitatem. Hi autem quibus
nunc dicit filioli, post resurrectionem fiunt fratres : sicut et antequam
essent filioli, fuerunt servi. Augustinus. Potest etiam et sic intelligi : adhuc
sicut vos in hac infirmitate carnis etiam ipse sum, donec scilicet moreretur
atque resurgeret. Cum illis quidem fuit postquam resurrexit, exhibitione
praesentiae corporalis; sed non cum illis fuit consortio infirmitatis
humanae. Apud alium enim Evangelistam post resurrectionem ait : haec locutus
sum vobis, dum adhuc essem vobiscum; idest, in carne mortali cum essem sicut
et vos. Tunc enim in eadem quidem carne erat, sed cum illis in eadem
mortalitate iam non erat. Est et alia divina praesentia sensibus ignota
mortalibus, de qua idem dicit : ecce ego vobiscum sum usque ad consummationem
saeculi. Hoc non est adhuc modicum sum vobiscum : non enim modicum est usque
ad consummationem saeculi; aut si et hoc modicum est, quia in oculis Dei
mille anni sunt dies unus, non tamen hoc significare voluisse credendus est
nunc, quando secutus adiunxit quo ego vado, vos non potestis venire. Numquid
enim post consummationem saeculi, quo ipse vadit, venire non poterant? De
quibus postea dicturus est : pater, volo ut ubi ego sum, et ipsi sint mecum.
Origenes in Ioannem. Intrinsecus autem
sciscitaberis, an post multum non fuit cum eis : non ideo quod non aderat
illis secundum carnem; sed eo modico consummato, vos scandalizabimini in me
in ista nocte, et sic non erit cum eis qui cum dignis tantummodo conversatur.
Sed si cum eis non erat, nihilominus ipsi quaesituri erant Iesum; velut
Petrus post negationem graviter plorabat quaerens puto Iesum; et ideo
sequitur quaeritis me, et, sicut dixi Iudaeis, quo ego vado vos non potestis
venire. Quaerere Iesum, est verbum quaerere, sapientiam, iustitiam,
veritatem, divinam virtutem, quae omnia Christus est. Volentibus ergo
discipulis sequi Iesum : non quippe velut rudiores arbitrantur corporaliter,
sed ut significat illud : qui non tollit crucem suam et sequitur me, non
potest meus esse discipulus, ait nunc dominus quo ego vado vos non potestis
venire; nam etsi vellent sequi verbum et illud confiteri, tamen nondum erant
validi circa hoc : cum nondum esset spiritus datus, eo quod Iesus non erat
glorificatus. Augustinus. Vel hoc dicit, quia adhuc minus idonei
erant sequi moriturum dominum pro iustitia : quomodo enim iam fuerant
secuturi martyrio non maturi? Aut iturum dominum ad immortalitatem carnis,
quomodo iam fuerant secuturi, non quandolibet morituri, sed in fine saeculi
resurrecturi? Aut iturum dominum ad sinum patris quomodo iam erant secuturi,
cum esse nemo possit in illa felicitate nisi perfectus in caritate? Iudaeis
autem cum hoc diceret, non addidit modo. Ipsi autem non poterant venire tunc
quo ille ibat, sed poterant postea; et ideo subdit et vobis dico : modo. Origenes. Quasi dicat : et vobis dico non absque
additione huius adverbii modo. Iudaei namque, quos praevidebat in suis
facinoribus morituros, in brevi tempore non valebant pergere quo Iesus ibat :
sed discipuli post breve tempus poterant sequi verbum. Chrysostomus in Ioannem. Ne autem audientes
discipuli : sicut dixi Iudaeis, aestiment similiter et in eos dictum esse,
adiecit filioli. Origenes in Ioannem. Quod est exprimentis imminentem
adhuc animae discipulorum modicitatem. Fiunt autem post resurrectionem hi
quibus dixit filioli, fratres; sicut et prius servi fuerant antequam essent
filioli. Chrysostomus. Hoc autem dicit eum qui in seipsum
est, erigens discipulorum amorem. Cum enim viderimus aliquos dilectissimorum
discedentes, exardescimus, et maxime cum viderimus eos in locum abeuntes in
quem non est possibile nobis abire. Simul etiam ostendit quoniam mors eius
quaedam translatio est et transpositio melior ad loca mortalia corpora non
suscipientia. Augustinus in Ioannem. Docens autem quomodo idonei
esse possint pergere quo ille antecedebat, subiungit mandatum novum do vobis,
ut diligatis invicem. Nonne iam hoc erat mandatum in antiqua lege Dei, ubi
scriptum est : diliges proximum tuum tamquam teipsum? Cur ergo novum mandatum
appellatur a domino? An quia exuto vetere induit nos hominem novum? Innovat
quippe audientem, vel potius obedientem, non omnis, sed ista dilectio, quam
dominus, ut a carnali dilectione distingueret, addidit sicut dilexi vos, ut
et vos diligatis invicem : non sicut se diligunt qui corrumpunt, nec sicut se
diligunt homines, quia homines sunt; sed sicut se diligunt qui Dei sunt et
filii altissimi omnes, ut sint filio eius unico fratres, ea dilectione
invicem diligentes qua ipse dilexit eos, perducturus eos ad illum finem ubi
satiabitur in bonis desiderium eorum. Chrysostomus. Vel dicit sicut dilexi vos : non enim
praeexistentibus vestris iustitiis debitum vobis reddidi, sed ipse incepi :
ita et vos benefacere oportet, etiam nihil debentes. Augustinus. Noli autem putare illud maius
praetermissum esse mandatum, quo praecipitur ut diligamus dominum Deum
nostrum; sed bene intelligentibus utrumque invenitur in singulis : nam et qui
diligit Deum, non eum potest contemnere praecipientem ut diligat proximum; et
qui superne ac spiritualiter diligit proximum, quid in eo diligit nisi Deum?
Ipsa est dilectio, quam ab omni mundana dilectione distinguendo addidit
dominus sicut dilexi vos. Quid enim nisi Deum dilexit in nobis, non quem
habebamus, sed ut haberemus? Sic ergo et nos invicem diligamus, ut quantum
possumus, invicem ad habendum in nobis Deum cura dilectionis attrahamus. Chrysostomus. Praetermittens autem miracula quae
erant facturi, ab amore eos designat, subdens in hoc cognoscent omnes quia
mei estis discipuli, si dilectionem habueritis ad invicem : hoc enim est quod
maxime homines sanctos ostendit; hos enim dicit esse discipulos. Augustinus. Tamquam diceret : alia munera mea habent
vobiscum etiam non mei, non solum naturam, vitam, sensum, rationem, et eam
salutem quae hominibus pecoribusque communis est; verum etiam linguam,
sacramenta, prophetiam, scientiam, fidem, distributionem rerum suarum
pauperibus, et traditionem corporis sui, ut ardeant; sed quoniam caritatem
non habent, ut cymbala concrepant, nihil sunt, nihil eis prodest. |
—
Saint
Augustin : (Traité 64 sur Saint Jean). Ce
que Notre Seigneur venait de dire : «
Et bientôt il le glorifiera, » pouvait laisser croire aux disciples
qu'après que Dieu l'aurait glorifié, il cesserait de leur être uni et de
vivre avec eux sur la terre, c'est pour cela qu'il ajoute : « Mes petits enfants, je ne suis plus avec
vous que pour un peu de temps », c'est-à-dire je serai immédiatement
glorifié par ma résurrection, mais je ne remonterai pas aussitôt dans les
deux, car comme il est écrit dans les Actes des Apôtres : « Il demeura quarante, jours avec eux
après sa résurrection, » (chap. 1) et c'est à ces quarante jours qu'il
fait allusion, lorsqu'il dit : « Je ne
suis plus avec vous que pour un peu de temps. » — Origène : (Traité 32 sur Saint Jean). Ce
nom de petits enfants qu'il leur donne, prouve que leur âme, était
encore soumise aux faiblesses de l'enfance, mais ceux qu'il appelle
maintenant des petits enfants deviennent ses frères après sa résurrection, de
même qu'ils avaient été des serviteurs avant de devenir des petits enfants. —
Saint Augustin : On peut entendre ces paroles
dans ce sens : Je suis encore comme vous dans l'infirmité de la chair,
c'est-à-dire jusqu'au temps de ma mort et de ma résurrection. Après sa
résurrection, il fut encore présent au milieu d'eux d'une présence
corporelle, mais il cessa de partager les faiblesses de la nature humaine.
Nous voyons, en effet, dans un autre évangéliste, qu'il tient ce langage à
ses Apôtres : « C'est là ce que je vous
ai dit, étant encore avec vous, » (Lc 24) c'est-à-dire alors que
j'étais dans celte chair mortelle qui nous est commune. Après sa
résurrection, il était encore avec eux dans la même chair, mais il n'était plus
comme eux soumis aux conditions de la mortalité. Il est encore une autre
présence divine inaccessible à nos sens mortels, et dont le Sauveur veut
parler quand il dit : « Voici que, je
suis avec vous jusqu'à la consommation des siècles. » (Mt 28) Il
ne dit pas ici : « Je ne suis avec vous que pour un peu de temps, » car le
temps qui doit s'écouler jusqu'à la consommation des siècles n'est pas de
courte durée, ou s'il est de courte durée, parce que mille ans sont aux yeux
de Dieu comme un seul jour (Ps 89), ce n'est pas cependant cette
vérité que le Sauveur a voulu exprimer, puisqu'il ajoute : « [Vous me chercherez, et comme j'ai dit
aux Juifs] : Où je vais vous ne pouvez venir. » Est-ce
qu'à la fin du monde il y aurait encore impossibilité d'aller où il allait
lui-même, pour ceux à qui il devait bientôt dire : « Mon Père, je veux que là où je suis, ils soient eux-mêmes avec moi.
» (Jn 18) — Origène : Dans leur sens le plus
simple, ces paroles n'offrent aucune difficulté, parce qu'en effet, le
Sauveur ne devait pas rester longtemps avec ses disciples; [mais si l'on veut
leur donner une signification plus profonde et plus cachée, ou se demande
s'il n'a pas cessé d'être avec eux après un peu de temps, non parce qu'il
n'était plus présent corporellement au milieu d'eux,] mais parce que peu de
temps après s'accomplit cette prédiction qu'il avait faite : « Je vous serai un sujet de scandale
cette nuit. » Ainsi il n'était plus avec eux, parce qu'il ne reste
qu'avec ceux qui en sont dignes. Mais bien qu'il ne fût pas avec eux, ils
savaient cependant chercher Jésus, comme Pierre, qui en répandant tant de
larmes, après avoir renié son divin Maître, cherchait évidemment Jésus. C'est
pourquoi Notre Seigneur ajoute : « Vous
me chercherez, et comme j'ai dit aux Juifs : Où je vais, vous ne pouvez
venir. » Chercher Jésus, c'est chercher le Verbe, la sagesse, la justice,
la vérité, la puissance divine, toutes choses qui se trouvent dans le Christ.
Ils voulaient donc suivre Jésus, non pas corporellement, comme quelques
ignorants le prétendent, mais [dans le sens spirituel dont parle le Sauveur],
quand il dit : « Celui qui ne porte
point sa croix et ne me suit pas, ne peut être mon disciple. » (Lc 14,
27). Et Jésus leur dit : « Là où je
vais, vous ne pouvez venir », lors même qu'ils eussent voulu suivre le
Verbe et le confesser publiquement, ils n'avaient pas la force nécessaire,
car l'Esprit saint n'avait pas encore été donné, parce que Jésus n'était pas
encore glorifié. —
Saint Augustin : Ou bien, Notre Seigneur leur
parle de la sorte, parce qu'ils n’étaient pas encore capables de le suivre
jusqu'à la mort pour la justice; car comment auraient-ils pu le suivre,
n'étant pas encore mûrs pour le martyre ? Ou comment auraient-ils pu suivre
le Seigneur jusqu’à l'immortalité de sa chair, eux qui ne devaient
ressusciter qu'à la fin des siècles, quelle que fût l'époque de leur mort? Ou
bien encore, comment auraient-ils pu suivre le Seigneur jusque dans le sein
du Père, alors que la charité parfaite pouvait seule leur donner l'entrée de
cette suprême félicité ? Lorsque Jésus s'adressait aux Juifs, il n'ajoutait
point : « maintenant, » car si ces disciples ne pouvaient le suivre
actuellement, ils pourraient le suivre plus tard, et c'est pour cela que le
Sauveur ajoute : « Je vous le dis aussi
maintenant. » — Origène : Et je vous le dis, mais prenant soin de spécifier le temps par cette
expression : « maintenant, » car
pour les Juifs qu'il prévoyait devoir mourir dans leurs crimes, ils ne
pouvaient suivre bientôt Jésus où il allait, tandis que les disciples, dans
un temps fort court, devaient suivre le Verbe. —
Saint Jean Chrysostome : Il appelle ses disciples : « Mes petits enfants, » afin qu'ils ne
s'appliquent point ces paroles qui semblaient les ranger avec les Juifs : « Ainsi que je l'ai dit aux Juifs. » — Origène :
ce
qui est une façon d’exprimer que l’âme des disciples est encore bien faible.
Ceux à qui Jésus dit aujourd’hui « Mes
petits enfants » deviendront ses frères après la résurrection, de
même qu’avant d’être ses petits enfants, ils avaient été serviteurs. — Saint
Jean Chrysostome : et il leur donne ce nom pour rendre plus vif l'amour qu'ils avaient
pour lui. En effet, c'est lorsque nous voyons une personne qui nous est chère
sur le point de nous quitter, que nous sentons notre affection pour elle
redoubler, surtout lorsque nous la voyons partir pour des lieux où il nous
est impossible de la suivre. Il nous apprend en même temps que sa mort n'est
qu'un déplacement, une translation heureuse dans un lieu où les corps mortels
ne peuvent avoir d'accès. —
Saint Augustin : Notre Seigneur leur enseigne
du reste la voie qu'ils devront suivre pour arriver là où il les précédait : « Je vous donne un commandement nouveau,
c’est de vous aimer les uns les autres. » (Traité 65) Mais est-ce
que ce commandement n'existait pas déjà dans l'ancienne loi, qui avait Dieu
pour auteur, et où il est écrit : «
Vous aimerez votre prochain comme vous-même ? » Pourquoi donc Notre
Seigneur l'appelle-t-il un commandement nouveau ? Est-ce qu'il nous a
dépouillé du vieil homme pour nous revêtir du nouveau ? Celui, en effet, qui
reçoit ce précepte, ou plutôt qui lui est fidèle, se trouve renouvelé, non
point par toute espèce d'amour, mais par cet amour que le Sauveur distingue
avec soin de l'affection purement naturelle, en ajoutant : « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les
uns les autres. » Ne vous aimez pas comme s'aiment les hommes qui ne
cherchent qu'à corrompre, ni comme ceux qui s'aiment, parce qu'ils sont des
êtres humains, mais aimez-vous comme ceux qui s'aiment mutuellement, parce
qu'ils sont dieux, et les fils du Très-Haut, pour devenir ainsi les frères du
Fils unique de Dieu, en s'aimant mutuellement de cet amour qu'il a eu pour
eux et qui le porte à les conduire à cette fin bienheureuse où il rassasiera
leurs désirs dans l'abondance de tous les biens. —
Saint Jean Chrysostome : Ou bien encore ces paroles :
« Comme je vous ai aimés, »
signifient que l'amour que j'ai eu pour vous n'a pas été fondé sur vos
mérites antérieurs, c'est moi qui vous ai prévenus, ainsi devez-vous faire le
bien, sans y être forcés par aucune obligation [de reconnaissance]. —
Saint Augustin : Ne croyez pas que le Sauveur
ait laissé de côté ici le commandement qui nous oblige d'aimer le Seigneur
notre Dieu; car, pour qui l’entend bien, chacun de ces deux commandements se
retrouve dans l'autre. En effet, celui qui aime Dieu ne peut pas mépriser
Dieu qui lui recommande d'aimer le prochain; et celui qui aime le prochain
d'un amour surnaturel et spirituel, qu'aime-t-il en lui, si ce n'est Dieu ?
C'est cet amour que Notre Seigneur veut séparer de toute affection terrestre,
lorsqu'il ajoute : « comme je vous ai
aimés. » Qu'a-t-il aimé en nous, en effet, si ce n'est Dieu ? Non
pas Dieu que nous possédions, mais Dieu, qu'il désirait voir en nous. Aimons-nous
donc ainsi les uns les autres, afin qu'autant que nous le pourrons, nous
soyons attirés à la possession de Dieu seul par la force de cet amour mutuel. —
Saint Jean Chrysostome : Notre Seigneur laisse de
côté les miracles que ses disciples devaient opérer, et veut qu'on ne les
reconnaisse qu'à cet amour seul qu'ils auront les uns pour les autres : « C'est en cela que tous connaîtront que
vous êtes mes disciples, si vous avez, de l'amour les uns pour les autres. »
C'est à ce signe qu'on reconnaît la véritable sainteté, comme c'est à ce
signe que le Sauveur reconnaît ses disciples. —
Saint Augustin : Ne semble-t-il pas dire :
Ceux qui ne sont pas mes disciples partagent avec vous d'autres grâces,
d'autres faveurs; non seulement ils ont une même nature, une même vie, une
même intelligence, une même raison, et cet ensemble de biens qui sont communs
aux hommes et aux animaux, mais encore le don des langues, le pouvoir
d'administrer les sacrements, le don de prophétie, la science, la foi, la
distribution de leurs biens aux pauvres, le sacrifice de leur corps au milieu
des flammes; mais parce qu'ils n'ont point la charité, ce sont des tymbales
retentissantes, ils ne sont rien, et tous ces dons ne leur servent de rien ? |
Lectio 7 |
Versets 36-38
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[86105] Catena in Io., cap. 13 l. 7 Chrysostomus
in Ioannem. Magnus amor, et ipso igne vehementior; et nulla est prohibitio
quae eius promptum impetum detinere possit. Ardentissimus itaque Petrus
audiens : quo ego vado vos non potestis venire, eum interrogavit; unde sequitur
dicit ei Simon Petrus : domine, quo vadis? Augustinus in Ioannem. Sic utique hoc dixit magistro
discipulus tamquam sequi paratus : propterea dominus, qui eius animum vidit,
sic ei respondit; nam sequitur respondit ei Iesus : quo ego vado, non potes
me modo sequi. Dilationem intulit, non spem abstulit, sed eam sequenti voce
firmavit, dicens sequeris autem postea. Quid festinas, Petre? Nondum te suo
spiritu solidaverat petra : noli extolli praesumendo, non potes modo : noli
deici desperando; sequeris enim postea. Chrysostomus. Audiens autem hoc Petrus, neque ita
desiderium detinuit, sed benignam spem accipiens properat : et quia timorem
excussit proditionis, cum securitate per seipsum de reliquo interrogat, aliis
silentibus; unde sequitur dicit ei Petrus : quare non possum te modo sequi?
Animam meam pro te ponam. Quid dicis, Petre? Dixi quoniam non potes, et tu
dicis quoniam possum; quocirca scies per experientiam quoniam nihil est tuus
amor, nisi praesente superna liberatione; unde sequitur respondit Iesus :
animam tuam pro me pones? Beda. Quae sententia duobus modis potest pronuntiari
: uno modo affirmando, ac si dicat : animam tuam pro me pones; sed nunc
timendo mortem carnis, animae mortem incurres; alio modo insultando, quasi
diceret : Augustinus. Ita ne facies pro me, quod nondum ego
pro te? Praeire potes, qui sequi non potes? Quid tantum praesumis? Audi quis
sis : amen, amen, dico tibi : non cantabit gallus, donec ter me neges. Qui
mihi promittis mortem tuam, ter negabis vitam tuam. Quid in animo eius esset
cupiditatis videbat, quid virium non videbat : voluntatem suam iactabat
infirmus; sed inspiciebat valetudinem medicus. An apostolus Petrus, sicuti
cum favore perverso excusare quidam nituntur, Christum non negavit, quia
interrogatus ab ancilla hominem se nescire respondit, sicut alii Evangelistae
testantur expressius? Quasi qui hominem Christum negat, non Christum neget;
et hoc in eo neget quod factus est propter nos, ne periret quod fecerat nos.
Per quid autem caput est Ecclesiae, nisi per hominem? Quomodo est igitur in
corpore Christi qui negat hominem Christum? Sed quid multis immorer? Non enim
dominus ait non cantabit gallus, donec hominem aut filium hominis neges; sed
donec me neges. Quid est me, nisi quod erat? Quicquid eius negavit, Christum
negavit. Siquidem dubitare nefas est. Christus hoc dixit, verumque praedixit;
proculdubio Petrus Christum negavit. Non accusemus Christum, cum defendimus
Petrum. Agnovit plane peccatum suum infirmitas Petri. Et quantum mali
Christum negando commiserit, plorando monstravit. Neque nos cum ita dicimus,
primum apostolorum accusare delectat; sed hunc intuendo admoneri nos oportet,
ne homo quisquam de humanis viribus fidat. Beda. Resipiscendi nihilominus unusquisque, si in
lapsum corruerit, exemplum capiat ne desperet, sed incunctanter veniam se
posse promereri credat. Chrysostomus in Ioannem. Unde manifestum est quoniam
et casum Petri dominus concessit : nam poterat quidem et a principio
revocare; sed quia permanebat in vehementia, ipse quidem non impulit ad
negationem, sed dimisit desertum, ut discat propriam imbecillitatem, et ut
post haec talia non patiatur, cum orbis terrarum dispensationem susceperit;
sed reminiscens eorum quae passus est, cognoscat seipsum. Augustinus. In anima itaque contigit Petri quod
offerebat in corpore; sed aliter quam putabat : nam ante mortem et
resurrectionem domini, et mortuus est negando et revixit plorando. Augustinus de Cons. Evang. Hoc autem de praedicta
negatione sua Petro non solum Ioannes, sed et ceteri tres commemorant; non
sane omnes ex una eademque occasione sermonis ad eam commemorandam veniunt :
nam Matthaeus et Marcus eam subnectunt postquam dominus egressus est ex illa
domo ubi manducaverat Pascha; Lucas vero et Ioannes antequam inde esset
egressus. Sed facile possumus intelligere, aut illos duos eam recapitulando
posuisse, aut istis praeoccupando; nisi magis moveret quod tam diversa non
tantum verba, sed etiam sententias domini praemittunt, quibus permotus Petrus
illam praesumptionem proferret pro domino vel cum domino moriendi, ut magis
cogant intelligi ter eum expressisse praesumptionem suam diversis locis
sermonis Christi, et ter illi a domino responsum, quod eum esset ante galli
cantum ter negaturus. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 73 sur Saint Jean).
L'amour est quelque chose de grand, il est plus fort que le feu, et nul
obstacle ne peut arrêter son élan. Aussi Pierre, sous l'impression de cet
ardent amour, entendant le Sauveur lui dire : « Là où je vais, vous ne
pouvez venir maintenant, » lui fait cette question : « Seigneur, où
allez-vous ? » —
Saint Augustin : (Traité 66 sur Saint Jean). C'est
ainsi que le disciple parle à son Maître, disposé qu'il est à le suivre;
c'est pourquoi le Seigneur, qui voit le fond de son âme, lui fait cette
réponse : « Là où je vais, vous ne pouvez maintenant me suivre. » Il
retarde l'accomplissement de son désir, mais ne lui enlève pas toute
espérance; au contraire il l'affermit, en lui disant : « Vous me
suivrez un jour. » Pourquoi donc cet empressement, Pierre? Celui qui est
la pierre ne vous a pas encore donné l'appui inébranlable de son esprit;
n'ayez donc point cette présomption orgueilleuse. « Vous ne le pouvez pas
maintenant. » Ne vous laissez point abattre par le désespoir : « Vous
me suivrez plus tard. » — Saint
Jean Chrysostome : Malgré cette réponse, Pierre
ne peut contenir la vivacité de son désir; il se laisse emporter à la douce
espérance [qui vient de lui être donnée], et comme il ne craint pas
maintenant de trahir son Maître, il l'interroge avec sécurité au milieu du
silence que gardent les autres apôtres. « Pierre lui dit : Pourquoi ne
puis-je pas vous suivre à présent ? Je donnerai ma vie pour vous. » Que
dites-vous, Pierre ? Je viens de vous déclarer que vous ne pouvez pas, et
vous insistez, en disant : Je le puis. Vous apprendrez donc par votre
expérience que votre amour n'est rien sans la présence d'un secours
surnaturel [qui le dépouille de sa faiblesse]. « Jésus lui répondit : Vous
donnerez votre vie pour moi ? » —
Saint Bède : Cette proposition peut
s'entendre de deux manières : premièrement, d'une manière affirmative, en ce
sens : Vous donnerez votre vie pour moi, mais actuellement la crainte de la
mort du corps vous fera tomber dans la mort de l'âme; secondement, dans un
sens ironique —
Saint Augustin : C'est-à-dire, vous ferez
pour moi ce que je n'ai pas encore fait pour vous ? Vous pouvez me précéder,
vous qui n'êtes pas capable de me suivre ? Pourquoi tant de présomption ?
Apprenez donc ce que vous êtes : « En vérité, en vérité, je vous le dis,
le coq ne chantera pas que vous ne m'ayez renié trois fois, » vous qui
promettez de mourir pour moi ? vous renierez trois fois celui qui est votre
vie. Pierre voyait bien l'étendue du désir de son âme, mais il ne voyait pas ce
qu’il en était de ses forces ; malade qu'il était, il vantait bien haut
l'ardeur de sa volonté, mais le Médecin connaissait son infirmité. Peut-on
admettre, avec, quelques-uns qui, par une condescendance coupable, veulent
excuser Pierre, que cet apôtre n'a point précisément renié le Christ, parce
qu'à la question que lui fit la servante, il répondit qu'il ne connaissait
pas cet homme, comme les autres évangélistes le disent expressément ? Comme
si renier Jésus en tant qu'homme ne soit pas le renier comme Christ, et le
renier dans ce qu'il a daigné se faire pour notre amour et pour nous sauver
de la mort, nous ses créatures. Comment est-il devenu la tête de l'Eglise si
ce n'est par son humanité ? Comment donc peut-on faire partie du corps de
Jésus-Christ, en reniant Jésus-Christ comme homme ? Mais pourquoi nous
arrêter davantage à cette difficulté ? Notre Seigneur ne dit point : Le
coq ne chantera pas que vous n'ayez renié l'homme où le Fils de l'homme; mais
: « Le coq ne chantera pas que vous ne m'ayez renié. » Que veut dire
ici l'expression moi, si ce n'est ce que Jésus-Christ était alors ?
donc tout ce que Pierre a renié dans le Christ, c'est Jésus-Christ lui-même
qu'il a renié. En douter, ce serait un crime. Jésus-Christ l'a déclaré, il a
prédit les deux choses; il est donc certain que Pierre a renié Jésus-Christ.
N'allons pas accuser Jésus-Christ, en voulant défendre Pierre. Pierre a
reconnu pleinement son péché, et l'abondance des larmes qu'il a versées a
témoigné de la grandeur du crime qu'il a commis en reniant le Christ. Si nous
parlons de la sorte, ce n'est point pour le plaisir d'accuser le chef des
Apôtres, mais la considération de sa chute nous apprend combien l'homme doit
se défier de ses propres forces. —
Saint Bède : Que chacun cependant profite
de cet exemple, pour ne point se laisser aller au désespoir lorsqu'il tombe
dans quelque faute, et qu'il y puise l'espérance assurée d'obtenir son
pardon. —
Saint Jean Chrysostome : Nous devons aussi conclure
de là que le Seigneur permit la chute de Pierre. Il aurait pu, sans doute, la
prévenir tout d'abord; mais comme cet apôtre persévérait dans ses
protestations opiniâtres, le Sauveur ne le poussa point à le renier, mais il
l'abandonna à ses propres forces, pour lui faire comprendre sa propre
faiblesse, le préserver pour l'avenir d'une telle chute, lorsqu'il serait
chargé du gouvernement du monde entier, et lui donner la connaissance de
lui-même par le souvenir de sa faiblesse. —
Saint Augustin : Ce fut donc l'âme de Pierre
qui souffrit la mort qu'il offrait de souffrir dans son corps, mais dans un
sens différent de celui qu'il pensait; car avant la mort et la résurrection
du Seigneur, il mourut par son renoncement, et ressuscita par ses larmes. —
Saint Augustin : (De l'Acc. des Evang., 2, 2). Le renoncement dr
Pierre, dont nous venons de parler, nous est raconté non seulement par saint
Jean, mais par les trois autres évangélistes, bien que tous ne le placent pas
dans les mêmes circonstances; car saint Matthieu et saint Marc le rattachent
au discours qui suivit la sortie du Sauveur de la maison où il avait mangé la
pâque; tandis que saint Luc et saint Jean le placent avant qu’il en fût sorti
: mais il nous est facile de comprendre ou que les deux premiers évangélistes
en ont parlé par récapitulation, ou les deux derniers par anticipation. On
serait peut-être plus fondé à admettre, en voyant les discours variés et les
affirmations différentes du Seigneur, rapportées par les Evangélistes, que
sous l'impression de ces paroles, Pierre a fait le serment téméraire de
mourir pour son Maître ou avec son Maître, et qu'ainsi il a renouvelé trois
fois cet engagement en divers endroits du discours du Sauveur, de même que
Jésus lui a répondu, à trois reprises différentes, qu'il le renierait trois
fois avant le chant du coq. |
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Caput 14 |
CHAPITRE XIV
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Lectio 1 |
Versets 1-4
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[86106] Catena in Io., cap. 14 l. 1 Augustinus
in Ioannem. Ne discipuli mortem Christi tamquam homines timerent, et ideo
turbarentur, consolatur eos, etiam Deum se esse contestans; unde dicitur et
ait discipulis suis : non turbetur cor vestrum. Creditis in Deum, et in me
credite, quasi dicat : consequens est, si in Deum creditis, ut in me credere
debeatis : quod non esset consequens, si Christus non esset Deus. Mortem
metuitis huic formae servi : non turbetur cor vestrum; suscitabit illam forma
Dei. Chrysostomus in Ioannem. Ea etiam quae in me est
fides et in patrem qui genuit, potentior est his quae supervenient; et nihil
contra eam potest praevalere difficilium. Hoc etiam modo divinitatis virtutem
ostendit, quia ea quae in mente habebant ducit in medium dicens non turbetur
cor vestrum. Augustinus. Quia igitur etiam sibi metuebant
discipuli, cum Petro dictum esset fidentiori atque promptiori : non cantabit
gallus, donec ter me neges, subiunxit in domo patris mei mansiones multae sunt
: per quod a turbatione recreantur, certi ac fidentes etiam post pericula
tentationum, se apud Deum cum Christo esse mansuros : quia etsi alius est
alio fortior, sapientior, iustior, sanctior, nullus alienabitur ab illa domo
ubi mansionem pro suo quisque accepturus est merito. Denarius quidem ille
aequalis est omnibus quem paterfamilias eis qui operati sunt in vinea, iubet
dari : quo utique denario vita significatur aeterna, ubi amplius alio nemo
vivit, quoniam vivendi non est diversitas in aeternitate mansura; sed multae
mansiones diversas meritorum in una vita aeterna significant dignitates. Gregorius super Ezech. Vel hac ratione conveniunt
mansiones multae cum uno denario, quia etsi alter minus atque alius amplius
exultat, omnes tamen unum gaudium conditoris sui visione laetificat. Augustinus. Atque ita Deus erit omnia in omnibus, ut
quoniam Deus caritas est, per caritatem fiat ut quod habent singuli, commune
sit omnibus. Sic enim quisque etiam ipse habet, cum amat in altero quod ipse
non habet : non enim erit ita aliqua invidia imparis claritatis, quoniam
regnabit in omnibus unitas caritatis. Gregorius Moralium. Eiusdem etiam disparilitatis
damna non sentiunt : quia tantum sibi unusquisque percipit quantum sufficit.
Augustinus. Respuendi autem sunt a corde Christiano
qui putant ideo dictum multas esse mansiones, quia extra regnum caelorum erit
aliquid ubi maneant beati innocentes, cum sine Baptismo ex hac vita
emigraverint, sine quo in regnum caelorum intrare non possunt. Absit autem ut
cum omnis domus regnantium filiorum non sit alibi nisi in regno, ipsius
regiae domus pars aliqua non sit in regno; non enim ait dominus : in
beatitudine sempiterna mansiones multae sunt, sed in domo patris mei. Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter continua. Quia dominus
supra dixerat Petro : quo ego vado, non potes me sequi modo, sequeris autem
postea, ne aestiment soli Petro hanc promissionem esse datam, dixit in domo
patris mei mansiones multae sunt; hoc est, et vos regio illa suscipiet quae
et Petrum : copia enim est ibi multa mansionum, et non est dicere quoniam
praeparatione indigent; et propter hoc subdit si quo minus, dixissem vobis
quia vado parare vobis locum. Augustinus in Ioannem. Ubi satis ostendit, ideo se
hoc illis dixisse, quia iam ibi mansiones multae sunt, et non est opus illi
aliquam praeparare. Chrysostomus. Quia vero dixerat : non potes me modo
sequi, ut non aestiment se ab eo finaliter abscissos esse, subiungit et si
abiero et praeparavero vobis locum, iterum veniam et accipiam vos ad meipsum,
ut ubi ego sum, et vos sitis : ex quo ostendit quod oportet eos vehementer
confidere. Theophylactus. Ac si dicat utrumque. Vos turbari non
oportet, sive paratae sint, sive non. Nam etsi paratae non sint, ego cum omni
solertia praeparabo vobis illas. Augustinus. Sed quomodo vadit et parat locum, si iam
mansiones multae sunt? Sed nondum sunt sicut parandae sunt; easdem enim
mansiones quas praedestinando praeparavit, praeparat operando. Iam ergo sunt
in praedestinatione : si quo minus, dixisset : ibo et praeparabo, hoc est
praedestinabo; sed quia nondum sunt in operatione, dicit et si abiero et
praeparavero vobis locum. Parat autem modo mansiones, mansionibus praeparando
mansores. Quippe cum dixit in domo patris mei mansiones multae sunt, quid
putamus esse domum Dei, nisi templum Dei? De quo apostolus dicit : templum
Dei sanctum est, quod estis vos. Haec ergo domus Dei adhuc aedificatur, adhuc
praeparatur. Sed quid est quod ut praeparet abiit, cum nosipsos praeparet;
quod non faciet, si reliquerit? Sed illud significat, quia ut parentur istae
mansiones, vivere debet iustus ex fide : si autem vides, non est fides. Eat
ergo ne videatur, lateat ut credatur. Tunc enim locus paratur, si ex fide
vivatur : creditus desideretur, ut desideratus habeatur. Si bene intelligis,
nec unde vadit, nec unde venit recedit. Vadit ergo latente eo, venit
apparendo. Sed nisi maneat regendo, ut proficiamus bene vivendo, non
parabitur locus ubi possimus manere perfruendo. Alcuinus. Dicit ergo si abiero, per carnis absentiam,
iterum veniam, per divinitatis praesentiam; vel iterum veniam iudicare vivos
et mortuos. Et quia sciebat eos interrogaturos quo iret, vel per quam viam
iret, subiungit et quo ego vado scitis, scilicet ad patrem, et viam scitis,
scilicet per meipsum. Chrysostomus. Hoc autem dicens, desiderium quod in
eorum mente erat, ostendit, et dat eis desiderium interrogandi. |
—
Saint Augustin : (Traité 67 sur Saint
Jean). Le Sauveur voulant prévenir la crainte tout humaine que
sa mort pouvait produire dans l'âme de ses disciples et le trouble qui devait
s'en suivre, cherche à les consoler, en leur déclarant qu'il est Dieu
lui-même : « Et il dit à ses
disciples : Que votre cœur ne se trouble point, vous croyez en Dieu, croyez
aussi en moi, » c'est-à-dire, si vous croyez en Dieu, par une conséquence
nécessaire, vous devez croire en moi, conséquence qui ne serait point
légitime, si Jésus-Christ n'était pas Dieu. Vous craignez la mort pour la
nature du serviteur, que votre cœur ne se trouble point, la nature divine la
ressuscitera. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 73 sur Saint Jean). La
foi que vous aurez en moi et dans mon Père qui m'a engendré, est plus
puissante que tous les événements qui peuvent arriver, et aucune difficulté
ne peut prévaloir contre elle. Il prouve encore ici sa divinité en dévoilant
les pensées les plus intimes de leur âme, et en leur disant : « Que votre cœur ne se trouble point. » —
Saint Augustin : Comme la prédiction que
Jésus avait faite à Pierre, toujours plein de confiance et d'ardeur, qu'il le
renierait trois fois avant le chant du coq, avait aussi rempli de crainte les
autres disciples, Notre Seigneur les rassure en leur disant : « Il y a beaucoup de demeures dans la
maison de mon Père. » C'est ainsi qu'il calme le trouble de leur âme, en
leur donnant l'espérance assurée, qu'après les périls et les tentations de
cette vie, ils seraient pour toujours réunis à Dieu avec Jésus-Christ. Que
l'un soit supérieur à un autre en force, en sagesse, en justice, en sainteté,
aucun ne sera exclu de cette maison, où chacun sera placé suivant son mérite.
Tous recevront également le denier que le père de famille ordonne de donner à
ceux qui ont travaillé à sa vigne. (Mt 20) Ce dernier est le symbole
de la vie éternelle, qui n'a pour personne une durée plus longue, parce qu'il
ne peut y avoir de durée plus ou moins grande dans l'éternité. Le grand
nombre de demeures signifie donc les différents degrés de mérites qui
existent dans cette seule vie éternelle. —
Saint Grégoire : (hom. 16 sur Ezech). Ou
bien ce grand nombre de demeures s'accorde avec l'unité de denier, parce que
bien que l'un goûte une félicité plus grande que l'autre, tous cependant
éprouvent un même sentiment de joie dans la claire vue de leur Créateur. —
Saint Augustin : Ainsi Dieu sera tout en tous,
car comme Dieu est charité par l'effet de cette charité, ce qui est à chacun
sera le partage de tous. C'est ainsi que chacun possède les choses qu'il n'a
pas en réalité, mais qu'il aime, dans un autre. La différence de gloire
n'excitera donc aucune envie, parce que l'unité de la charité régnera dans
tous les cœurs. —
Saint Grégoire : (Moral., dern. liv., chap. 14 ou 24). D'ailleurs
les bienheureux n'éprouveront aucun désavantage de cette disparité [de gloire],
parce que chacun recevra la mesure suffisante pour combler ses désirs. —
Saint Augustin : Il faut rejeter comme opposé
à la foi chrétienne le sentiment de ceux qui prétendent que cette
multiplicité de demeures signifie qu'il y aura en dehors du royaume des cieux
un lieu destiné aux âmes innocentes qui seront sorties de cette vie sans
avoir reçu le baptême, condition nécessaire pour entrer dans le royaume des
cieux. Puisque toute la maison des enfants de Dieu, qui sont appelés à
régner, ne peut être ailleurs que dans le royaume, loin de nous la pensée qu'il
y ait une partie de cette maison royale qui ne soit point dans le royaume,
car le Seigneur n'a pas dit : Dans la béatitude éternelle, mais : « Dans la maison de mon Père il y a
un grand nombre de demeures. » —
Saint Jean Chrysostome : On peut encore rattacher
autrement ces paroles à ce qui précède. Le Seigneur avait dit à Pierre : «Là où je vais vous ne pouvez me suivre
maintenant, mais vous me suivrez par la suite. » Or, les disciples
auraient pu regarder cette promesse comme faite exclusivement à Pierre, c'est
pour cela qu'il leur dit ici : « Il y a
un grand nombre de demeures dans la maison de mon Père, » c'est-à-dire,
le séjour que je destine à Pierre vous est également destiné, car il y a dans
ce séjour un grand nombre de demeures, et il n'y a point à objecter qu'elles
ont besoin d'être préparées, car il s'empresse d'ajouter : « S'il en était autrement, je vous
l'aurais dit, car je vais vous préparer une place. » —
Saint Augustin : Ces paroles prouvent
suffisamment qu'il leur parle de la sorte, parce qu'il y a dans le ciel un
grand nombre de demeures, et qu'il n'est pas besoin d'en préparer quelqu'une. —
Saint Jean Chrysostome : Comme Il avait dit à Pierre
: « Vous ne pouvez pas me suivre
maintenant, » et qu'ils pouvaient craindre d'être pour toujours séparés
de lui, il ajoute : « Et lorsque je
m'en serai allé, et vous aurai préparé une place, je reviendrai et vous
prendrai avec moi, afin que là où je suis, vous soyez aussi. » Quoi de
plus propre que ce langage pour leur inspirer une vive confiance en lui ? — Théophylactus : Ne semble-t-il pas leur dire, en effet : Que les demeures soient
préparées ou ne le soient point, vous ne devez point vous troubler, car en
supposant qu'elles ne soient point préparées, je vais moi-même vous les
préparer avec toute la sollicitude possible ? —
Saint Augustin : Mais comment Notre Seigneur
peut-il aller nous préparer une place, puisque d'après lui, il y a déjà un
grand nombre de demeures ? C'est qu'elles ne sont pas encore comme elles
doivent être préparées, car les demeures qu'il a préparées par la
prédestination, il les prépare encore par son action divine. Elles existent
donc, déjà dans les décrets de sa prédestination, autrement il aurait dit :
J'irai et je préparerai (c'est-à-dire je prédestinerai) une place; mais comme
elles ne sont pas encore l'objet de l'action divine, il ajoute : « Et lorsque je m'en serai allé et que
je vous aurai préparé une place. » Or, il prépare maintenant ces
demeures, en leur préparant ceux qui doivent les habiter. En effet, lorsque
le Sauveur dit : « Il y a un grand
nombre de demeures dans la maison de mon Père», que devons-nous entendre
par cette maison de Dieu, si ce n'est le temple de Dieu, temple
dont l'Apôtre dit : « Le temple de Dieu
est saint, et c’est vous qui êtes ce temple ? » (1 Co 3, 17). Or,
cette maison est encore en voie de construction et de préparation. Mais
pourquoi faut-il qu'il s'en aille pour cette préparation, puisque c'est
lui-même qui nous prépare, ce qu'il ne peut faire, s'il le sépare de nous ?
Il veut nous enseigner par là que pour préparer ces demeures, le juste doit
vivre de la foi. Si vous jouissez de la claire vue, il ne s’agit plus de foi.
Que le Seigneur s'en aille donc pour se dérober aux regards, qu'il se cache
pour devenir l'objet de notre foi, car c'est la vie de la foi qui nous
prépare la place. Que la foi nous fasse désirer le Sauveur, afin que les
désirs nous mettent en sa possession. D'ailleurs, si vous l'entendez bien, il
ne quitte ni le lieu d'où il paraît s'éloigner, ni celui d'où il est venu jusqu'à
nous. Il s'en va en se cachant à nos regards, il vient en manifestant sa
présence. Mais s'il ne demeure avec nous pour nous diriger et nous faire
avancer dans la voie de la sainteté, le lieu où nous demeurerons avec lui, en
jouissant de sa présence, ne nous sera point préparé. —
Alcuin : Voici donc le sens de ce
qu'il leur dit : « Je m'en vais, »
(c'est-à-dire, je m'absente corporellement), mais : « Je reviendrai de nouveau, » (par la présence de ma divinité),
ou bien encore, je reviendrai juger les vivants et les morts. Et comme il
prévoyait qu'ils lui demanderaient où il irait, et le chemin qu'il suivrait,
il les prévient et leur dit : « Où je
vais, vous le savez (c'est-à-dire, vers mon Père), et vous savez la voie » (c'est-à-dire, que j'y vais par moi-même). —
Saint Jean Chrysostome : En leur parlant de la sorte,
il fait connaître le désir qui était au fond de leur âme et leur offre
l'occasion de l'interroger. |
Lectio 2 |
Versets 5-7 |
[86107] Catena in Io., cap. 14 l. 2 Chrysostomus in
Ioannem. Si Iudaei volentes a Christo separari, quaerebant quo iturus
esset, multo magis discipuli numquam ab eo separari volentes, hoc discere
cupiebant, et interrogant eum ex multa dilectione et timore; et ideo dicitur
dicit ei Thomas : domine, nescimus quo vadis; et quomodo possumus viam scire?
Augustinus in Ioannem. Utrumque illos dominus
dixerat scire, utrumque dicit iste nescire; sed nescit ille mentiri; ergo
isti sciebant, et se scire nesciebant. Convincit ergo eos hoc scire; unde
subditur dicit ei Iesus : ego sum via, veritas et vita. Augustinus de Verb. Dom. Quasi dicat : qua vis ire,
ego sum via; quo vis ire, ego sum veritas; ubi vis permanere, ego sum vita.
Veritatem et vitam omnis homo capit; sed viam non omnis invenit. Deum esse
quamdam vitam aeternam, veritatem scibilem, etiam huius saeculi philosophi
viderunt. Verbum ergo Dei, quod apud patrem est veritas et vita, assumendo
hominem, factum est via. Ambula per hominem, et pervenies ad Deum. Melius
enim est in via claudicare, quam praeter viam fortiter ambulare. Hilarius de Trin. Non enim vos in erratica atque in
invia deducit ille qui via est; neque illudit per falsa qui veritas est;
neque in mortis relinquit errore qui vita est. Theophylactus. Cum itaque activam exerces, fit tibi
Christus via; cum autem in contemplativa perseveras, efficitur tibi veritas.
Adiecta autem vita est activo et contemplativo : decet enim ire et praedicare
pro futuro saeculo. Augustinus. Sciebant ergo viam, quia sciebant ipsum
qui est via. Quid autem opus erat ut adderet veritas et vita, cum restaret
nosse quo iret? Quia ad veritatem ibat et ad vitam. Ibat ergo ad seipsum per
seipsum. Sed numquid, o domine, ut venires ad nos, reliqueras te? Scio quidem
quod formam servi accepisti et in carne venisti, manens ubi eras : et per hanc
rediisti, non relinquens quo veneras. Si ergo per hanc et venisti et
rediisti; per hanc nobis non solum qua veniremus ad te, verum etiam tibi qua
venires et redires via fuisti. Cum vero ad vitam, quod es ipse, ivisti,
eamdem carnem tuam de morte ad vitam duxisti. Itaque dum caro de morte venit
ad vitam, Christus venit ad vitam. Et quia verbum est vita, Christus venit ad
seipsum; quoniam utrumque est Christus, una persona, scilicet verbum caro.
Venerat etiam per carnem Deus ad homines, veritas ad mendaces : est enim Deus
verax, omnis autem homo mendax. Cum itaque se ab hominibus abstulit, atque
illuc ubi nemo mentitur, carnem suam levavit, idem ipse, qua verbum caro
factum est, per seipsum, idest per carnem suam, ad veritatem, quod est ipse,
remeavit : quam quidem veritatem, quamvis inter mendaces, etiam in morte
servavit. Ecce ego ipse, si loquor vobis quod intelligatis, quodammodo ad vos
procedo, nec me relinquo. Cum autem tacuero, quodammodo ad me redeo, et
vobiscum maneo, si tenueritis quod audistis. Si hoc potest imago quam fecit
Deus, quid potest ex Deo nata imago? Ac per hoc et ipse per seipsum, et ad
seipsum, et ad patrem, et nos per ipsum, et ad ipsum, et ad patrem imus. Chrysostomus. Si enim ego sum dominus ducendi ad
patrem, omnino venietis illuc : neque enim est possibile alia venire via. Cum
autem supra dixerit : nemo potest venire ad me, nisi pater traxerit illum,
nunc dicens quoniam nullus potest venire ad patrem nisi per me, exaequat
seipsum ei qui genuit. Qualiter autem dixerit : quo vado scitis, et viam
scitis, ostendit subdens si cognovissetis me, et patrem meum utique
cognovissetis; quasi dicat : si sciretis meam substantiam et dignitatem, et
eam quae patris est sciretis. Noverant quidem eum, sed non ita ut oportebat :
postea autem spiritus veniens perfectam in eis construxit cognitionem : et
propter hoc subditur amodo cognoscetis eum : dicit autem eam quae secundum
mentem cognitionem. Et vidistis eum : scilicet per me : ostendens quoniam qui
videt eum, et patrem videt. Viderunt autem eum, non in nuda substantia, sed
carne indutum. Beda. Sed quaerendum est quomodo nunc dicat dominus
si cognovissetis me, et patrem meum utique cognovissetis : cum praemiserit
supra : quo ego vado scitis, et viam scitis. Datur ergo intelligi quia quidam
eorum sciebant, quidam vero nesciebant, quorum unus erat Thomas. Hilarius de Trin. Vel aliter continua. Cum iter ad
patrem per filium sit, quaerendum est utrum hoc per doctrinae admonitionem,
an per naturae fidem sit. Intelligentiae igitur sensum in consequentibus
requiramus; nam sequitur si cognovissetis me, et patrem meum utique
cognovissetis. In sacramento enim assumpti corporis divinitatis paternae
naturam confirmans, hunc ordinem tenuit; tempus autem visionis separavit a
tempore cognitionis : nam quem cognoscendum ait, eumdem iam dixit et visum,
ut naturae iam pridem in se conspectae scientiam ex tempore nunc huius
revelationis acciperent. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (horn. 73 sur Saint Jean). Si
les Juifs, qui ne demandaient pas mieux que de se séparer de Jésus-Christ,
l'interrogeaient sur le lieu où il devait aller, combien plus les disciples
qui ne voulaient pour rien au monde en être séparés, désiraient savoir où il
allait ! aussi lui font-ils cette question dans un sentiment mêlé
d'amour et de crainte : « Thomas lui
dit : Seigneur, nous ne savons où vous allez ; comment donc en
saurions-nous le chemin ?» —
Saint Augustin : (Traité 59 sur Saint Jean). Notre
Seigneur venait de leur dire qu'ils savaient où il allait, et qu'ils en
savaient aussi la voie; Thomas, de son côté, déclare ignorer ces deux choses,
mais le Fils de Dieu ne peut mentir; les Apôtres savaient donc, mais ils
ignoraient qu'ils savaient, et Notre Seigneur leur prouve qu'ils savaient ce
qu'ils croyaient ignorer : « Jésus lui
dit : Je suis la voie, la vérité et la vie. » —
Saint Augustin : (Serm. 34 sur les par. du
Seign). C'est-à-dire, où voulez-vous aller ? je suis la voie; où
voulez-vous aller ? je suis la vérité; où voulez-vous demeurer ? je suis la
vie. Tout homme est capable de percevoir la vérité et la vie, mais tout homme
ne trouve pas la voie qui y conduit. Que Dieu soit une certaine vie
éternelle, et une vérité que l'on peut connaître, c'est ce que les
philosophes de ce monde ont eux-mêmes compris, mais c'est le Verbe de Dieu qui,
dans le sein du Père, est la vérité et la vie qui est devenu la voie en se
revêtant de notre humanité. Marchez par cette humanité, et vous arriverez
jusqu'à la divinité; car il vaut encore mieux marcher en boitant dans la
voie, que d’aller à grands pas hors de la voie. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 7) Celui qui est la voie ne
vous conduira pas dans des chemins perdus et sans issue; celui qui est la
vérité, ne peut vous tromper, et celui qui est la vie ne vous laissera pas
dans l'erreur de la mort. — Théophylactus : Lorsque vous menez la vie active, Jésus-Christ est pour vous la voie,
lorsque vous persévérez dans la vie contemplative, il devient pour vous la
vérité. La vie est le fruit de l'action et de la vie contemplative, car il
faut nécessairement marcher et annoncer l'Evangile pour mériter la vie future
et éternelle. —
Saint Augustin : (Traité 69). Ils savaient donc la
voie, parce qu'ils le connaissaient, lui qui est la voie. Mais qu'était-il
besoin d'ajouter qu'il était la vérité et la vie, alors que [la voie étant
connue,] il restait à savoir quel en était le terme, si ce n'est parce qu'il
allait à la vérité et à la vie ? Il allait donc à lui-même par lui-même.
Mais, Seigneur, est-ce que pour venir jusqu'à nous, vous vous étiez quitté
vous-même ? Je sais que vous avez pris la forme de serviteur, et que vous
êtes venu dans une chair mortelle, tout en demeurant où vous étiez d'abord,
et vous êtes retourné par cette même chair sans vous séparer de ceux vers
lesquels vous étiez venu. Si donc c'est par cette chair que vous êtes venu et
que vous êtes retourné, c'est par cette même chair aussi que vous êtes devenu
tout à la fois la voie que nous devons prendre pour arriver jusqu'à vous, et
la voie par laquelle vous êtes vous-même venu et retourné. Or, lorsque vous
êtes retourné vers la vie (qui n'est autre que vous-même), vous avez conduit
cette même chair de la mort à la vie. Jésus-Christ est donc allé à la vie
lorsque sa chair a passé de la mort à la vie. Et comme le Verbe est la vie,
c'est à lui-même que le Christ est venu, car le Christ est un composé de ces
deux choses, le Verbe et la chair dans une même personne. Dieu était venu par
le moyen de la chair vers les hommes, la vérité était venue trouver le
mensonge, car Dieu est la vérité, et tout homme est menteur. (Rm 3,
4). Lors donc qu'il s'est dérobé aux regards des hommes, et qu'il a élevé sa
chair vers ces hauteurs inaccessibles au mensonge, c’est le même Verbe fait chair qui,
par lui-même, c'est-à-dire par sa chair, est retourné vers la vérité, qui n'est
autre que lui-même; vérité qu'au milieu même des hommes de mensonge, il a
conservée jusque dans la mort. Lorsque moi-même je vous tiens un langage que
vous comprenez, je m'avance en quelque sorte vers vous, sans me quitter
moi-même, et lorsque je cesse de parler, je reviens comme à moi-même, tout en
demeurant avec vous, si vous retenez ce que vous avez entendu. Or, si cela
est possible à l'homme, image créée de Dieu, que ne peut point son image
substantielle qu'il a engendrée ? Il va donc à lui-même par lui-même, et par
lui-même au Père, et par lui, nous allons nous-mêmes à lui et au Père. —
Saint Jean Chrysostome : Si j'ai le pouvoir de vous
conduire au Père, vous ne pouvez manquer d'y arriver, car il n'est pas
possible d'y arriver par un autre chemin. En rapprochant ce qu'il a dit
précédemment : « Personne ne peut venir
à moi, si mon Père ne l'attire, » de ce qu'il déclare ici que personne ne
peut venir à son Père que par lui, il se proclame l’égal de celui qui l'a
engendré. Mais comment après avoir dit : « Vous
savez où je vais, et vous en savez la voie, » ajoute-t-il : « Si vous m'aviez connu, vous auriez aussi
connu mon Père, » c'est-à-dire, si vous connaissiez ma nature et
ma dignité, vous connaîtriez aussi la nature et la dignité du Père. [Il n'y a
point ici contradiction, car] ils connaissaient, mais d'une connaissance
imparfaite, il était réservé à l'Esprit saint de leur donner cette
connaissance dans toute sa perfection. C'est pour cela qu'il ajoute : « Bientôt vous le connaîtrez (il veut
parler d'une connaissance tout à fait spirituelle), et vous l'avez déjà vu (c'est-à-dire par moi) » ; il leur apprend ainsi que celui qui le voit, voit son
Père, or, ils l'avaient vu, non dans sa pure substance divine, mais sous le
voile de la chair dont il était revêtu. —
Saint Bède : Il nous faut examiner
maintenant comment Notre Seigneur a pu dire à ses disciples : « Si vous m'aviez connu, vous auriez
aussi connu mon Père », après leur avoir dit précédemment : « Là où je vais, vous le savez, et
vous savez le chemin ». La réponse à cette difficulté est que parmi
les Apôtres, quelques-uns le savaient, et d'autres, du nombre desquels était
Thomas, l'ignoraient. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 7) On peut encore rattacher
ces paroles entre elles d'une autre manière. Comme on ne peut aller au Père
que par le Fils, il faut examiner si c'est par réception de sa doctrine ou
par la foi en sa nature divine. La réponse à cette question se trouve dans
les paroles qui suivent : « Si vous
m'aviez connu, vous auriez aussi connu mon Père. » En effet, le Sauveur a
suivi cet ordre dans le mystère de son incarnation, qui avait pour objet de
confirmer lu nature divine de son Père, il a distingué le temps de la vision
du temps de la connaissance; celui qu'ils doivent connaître bientôt, ils
l'ont déjà vu et ils devaient recevoir par l'effet de la révélation
l'intelligence de la nature divine qu'ils avaient déjà contemplée en lui. |
Lectio 3 |
Versets 8-11 |
[86108] Catena in Io., cap. 14 l. 3 Hilarius
de Trin. Commovit apostolum Philippum novitas dictorum. Homo cernitur, Dei
se filium confitetur, cognito se cognoscendum patrem fatetur, patrem visum
esse dicit. Prorupit igitur apostolica familiaritas dominum interrogans; unde
dicitur dicit ei Philippus :
domine, ostende nobis patrem, et sufficit nobis. Non visum negavit,
sed ostendi sibi rogavit; neque ostensionem veluti corporalis contemplationis
intuitum desideravit, sed demonstrationem intelligendi eius qui visus est
postulavit. Filium enim in habitu hominis viderat, sed quomodo per id patrem
viderit, nescit : nam ut ostensio illa intelligendi potius esset demonstratio
quam videndi, subiecit et sufficit nobis. Augustinus de Trin. Illa enim laetitia qua nos
adimplebit cum vultu suo, nihil amplius requiretur : quod bene intellexerat
Philippus, ut diceret domine, ostende nobis patrem, et sufficit nobis. Sed
nondum intellexerat eo quoque modo ad ipsum se potuisse dicere : domine,
ostende nobis te, et sufficit nobis. Ut enim hoc intelligeret, responsum est
ei a domino; unde sequitur dixit ei Iesus : tanto tempore vobiscum sum, et
non cognovistis me? Augustinus in Ioannem. Sed quomodo hoc dicit, cum et
quo iret scirent et viam scirent, non ob aliud nisi quod ipsum scirent? Sed
facile ista quaestio solvitur, si dicamus, quod eum aliqui eorum sciebant,
aliqui nesciebant, de quibus erat Philippus. Hilarius. Arguit ergo apostolum in cognoscendo se
ignorantem : cum enim ea quae gereret, propria Deo essent, calcare undas,
iubere ventis, peccata dimittere, mortuis vitam reddere; hinc querelae omnis
orta conquaestio est, quod in homine assumpto Dei non intellecta natura est.
Et ideo postulanti ut sibi patrem ostenderet, ait Philippe, qui videt me,
videt et patrem. Augustinus. Solemus enim de simillimis duobus ita
loqui : vidistis illum? Vidistis istum. Sic ergo dictum est qui videt me,
videt et patrem : non quod ipse sit pater et filius; sed quod a patris
similitudine in nullo prorsus discrepet filius. Hilarius. Non autem ille hic visum oculorum
carnalium significat : non enim hoc quod ex partu virginis carnale est, ad
contemplandam in eo Dei formam et imaginem proficit; sed intellectus Dei
filius id praestat ut intellectus et pater sit, dum ita imago est ut non
differat genere, sed significet auctorem; non enim solitarium sermo
significat et indifferentem; tamen naturam professio docet : cum enim dicitur
et patrem, exclusa est singularis atque unici intelligentia; et quid reliquum
est, nisi ut per naturae unicam similitudinem pater per filium visus sit?
Augustinus. Sed numquid obiurgandus est qui cum
similem viderat, etiam illum cui est similis, vult videre? Sed ideo
discipulum dominus arguebat, quoniam cor postulantis videbat. Tamquam enim
melior esset pater quam filius, ita Philippus patrem nosse cupiebat; et ideo
nec filium sciebat, quo alium meliorem esse credebat. Ad hunc ergo sensum
corrigendum dictum est non credis quia ego in patre, et pater in me est?
Quasi dicat : si ad te multum est hoc videre, saltem quod non vides crede.
Hilarius. Quae enim ignorandi patrem aut ostendendi
ignorantibus necessitas relinquebatur, cum pater in filio visus esset ex
proprietate naturae, dum ex indifferentia unitatis unum sint natus et
generans, ut hic sermo domini sequeretur : non credis quia ego in patre, et
pater in me est? Augustinus de Trin. Volebat enim eum ex fide vivere,
antequam illud posset videre; et ideo dicit non credis? Contemplatio quippe
merces est fidei; cui mercedi per fidem corda mundantur. Hilarius de Trin. Pater autem in filio est et filius
in patre, non per duplicem convenientium generum coniunctionem, neque per
insitam capacioris substantiae naturam; quia per corporalem necessitatem
exteriora fieri his quibus continentur interiora non possunt, sed per
nativitatem viventis naturae ex vivente, dum non aliud ex Deo quam Deus
nascitur. Hilarius de Trin. Naturam enim suam, ut ita dicam,
sequitur indemutabilis Deus, indemutabilem gignens Deum. Nec naturam suam
deserit ex indemutabili Deo indemutabilis Dei perfecta nativitas.
Subsistentem igitur in eo Dei naturam intelligimus, cum in Deo Deus sit; nec
praeter eum qui est Deus, quisquam alius Deus sit. Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter totum. Philippus
hic corporeis oculis patrem volebat videre, quia et ipsum filium ita se
existimabat vidisse, fortassis a prophetis audiens, quoniam vidi dominum, et
ideo dixit ostende nobis patrem. Etenim Iudaei interrogaverunt : quis est
pater tuus? Et Petrus et Thomas, quo iret : et nullus didicit manifeste. Ut
ergo non videatur onerosus esse Philippus, et ipse interrogans ostende nobis
patrem, adiungit et sufficit nobis; idest, nihil plus quaerimus. Dominus
autem non dixit ei : impossibile petis; sed ostendit quoniam neque ipsum
filium vidit : nam si hunc potuisset videre, et illum vidisset; et ideo dicit
tanto tempore vobiscum sum, et non cognovistis me? Non dixit : non vidistis
me, sed non cognovistis me, quantum ad hoc scilicet quod filius hoc manens
quod pater, decenter in seipso ostendit eum qui genuit. Deinde dividens
hypostases, ait qui videt me, videt et patrem : ne quis dicat, quod ipse est
pater, ipse filius. Ostendit autem per hoc quoniam neque filium visu corporeo
vidit. Si autem aliquis hic visum cognitionem dicere velit, non contradico;
quasi dicat : qui cognovit me, cognovit et patrem. Sed non dixit hoc; sed
consubstantialitatem repraesentare volens, dixit : qui meam substantiam
vidit, vidit et eam quae patris. Unde patet quod non est creatura : creaturam
enim videntes, Deum nesciunt omnes : Philippus etiam substantiam patris
videre quaerebat. Si ergo alterius substantiae esset, non diceret qui videt
me, videt et patrem. Sed nec aliquis in argento auri substantiam videre
potest : non enim alia per aliam apparet naturam. Augustinus. Deinde non ad solum Philippum, sed ad
omnes pluraliter loquitur, dicens verba quae ego loquor vobis, a meipso non
loquor. Quid est a meipso non loquor, nisi : a meipso non sum, qui loquor? Ei
quippe tribuit quod facit de quo est ipse qui facit. Hilarius de Trin. Unde neque se filium negavit, nec
naturam in se paternae virtutis abscondit : nam dum loquitur, ipse in
substantia manens loquitur; dum autem non a se loquitur, nativitatem in se
Dei a Deo testatur. Chrysostomus. Vide autem superabundantem unius
substantiae demonstrationem : nam subditur pater autem in me manens, ipse
facit opera; quasi dicat : nequaquam aliter facit pater et aliter ego; sicut
et alibi ait : si non facio opera patris mei, non credatis mihi. Sed quomodo
a verbis incipiens, ad opera venit? Conveniens enim erat dicere : ipse
loquitur verba; sed duo ponit de doctrina et signis; aut quia et verba opera
erant. Augustinus in Ioannem. Nam qui proximum loquendo
aedificat, bonum opus operatur. In his duabus sententiis diversi nobis
adversantur haeretici. Ariani dicunt : ecce inaequalis est patri filius : non
a seipso loquitur. Dicunt Sabelliani : ecce qui pater est, ipse est filius.
Quid est pater in me manens ipse facit, nisi in me maneo ego qui facio? Hilarius. Sed manere in filio patrem, non est
singularis atque unici; operari vero per filium patrem, non est differentis
aut exteri; sicut non unius est, non a se loqui qui loquitur, neque rursus
alieni ac separabilis loqui per loquentem. Et quia in se patrem loqui et
operari docuerat, perfecte huius unitatis fidem statuit, dicens credite mihi
quia ego in patre et pater in me est : ne scilicet per virtutis efficientiam,
et non per naturae, quae secundum nativitatem est, proprietatem, pater in
filio et operari crederetur et loqui : sic enim habetur in Graeco. Nostra
littera habet non creditis quia ego in patre, et pater in me est? Augustinus in Ioannem. Antea solus Philippus
arguebatur. Chrysostomus. Si vero non sufficit hoc ad
ostendendum consubstantialitatem, saltem ab operibus discite; unde subditur
alioquin propter opera ipsa credite. Vidistis enim signa cum auctoritate, et
omnia quae deitatis erant propria, et quae solus pater operatur : peccata
soluta, mortem recedentem, et huiusmodi. Augustinus. Hoc ergo propter opera credite quia ego
in patre et pater in me est : neque enim, si separati essemus,
inseparabiliter operari ulla ratione possemus. |
—
Saint
Hilaire : (de la Trin., 7) La nouveauté de ce
langage étonne l'apôtre Philippe, on ne voit en Jésus-Christ qu'un homme, et
il se proclame le Fils de Dieu, il déclare qu'en le connaissant on connaît
son Père, et que qui le voit voit son Père; Philippe fait au Sauveur cette
question qu'autorisait son titre d'Apôtre :
« Seigneur, montrez-nous votre Père, et cela nous suffit. » Il ne nie pas
qu'on puisse voir son Père en lui, mais il demande qu'on le lui montre, non
pas comme un spectacle extérieur propre à satisfaire les regards du corps,
mais comme une démonstration intellectuelle qui lui fasse comprendre celui
qu'il désire voir; car il avait bien vu le Fils de Dieu sous une forme
humaine, mais il ne savait pas comment en le voyant, il pouvait voir le Père.
Et comme preuve que cette manifestation qu'il désire est plutôt une
démonstration de l'intelligence qu'une vision extérieure, il ajoute : « Et cela nous suffira. » —
Saint Augustin : (de la Trin., 8) Cette joie dont il nous
comblera en nous montrant son visage (Ps 15, 11), ne nous laissera
plus rien à désirer, et c'est ce qu'avait bien compris Philippe, lorsqu'il
disait : « Seigneur, montrez-nous le
Père, et cela nous suffit. » Mais il n'avait pas encore compris qu'il
pouvait également dire à Jésus-Christ : « Seigneur, montrez-vous à nous, et
cela nous suffit », car c'est pour lui faire comprendre cette vérité,
que Notre Seigneur ajoute : « Il y a si
longtemps que je suis avec vous, et vous ne me connaissez pas ? » —
Saint Augustin : (Traité 70). Mais comment le Sauveur
peut-il leur faire ce reproche, alors qu'ils savaient bien où il allait,
ainsi que la voie qui y conduisait, par cela seul qu'ils le connaissaient
lui-même ? Cette question peut facilement se résoudre, en disant que parmi
les Apôtres, quelques-uns connaissaient Jésus-Christ, mais que quelques
autres ne le connaissaient pas, et que de ce nombre était Philippe. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 7) Le Sauveur fait donc un
reproche à cet Apôtre de ce qu'il ne le connaît point, car les actions qu'il
avait faites, comme de marcher sur la mer, de commander aux vents, de
remettre les péchés, de rendre la vie aux morts, étaient visiblement les
œuvres d'un Dieu; toute la difficulté venait de ce que sous le voile de
l'humanité qu'il avait prise, Philippe n'avait pas compris l'existence de la
nature divine. Aussi à la demande que lui fait cet Apôtre, de lui montrer son
Père, il répond : « Philippe qui me
voit, voit mon Père. » —
Saint Augustin : En effet, lorsque nous
parlons de deux personnes parfaitement semblables, nous disons : « Si vous
avez vu l'une, vous avez vu l'autre. » C'est dans ce sens que Notre Seigneur
dit : « Celui qui me voit, voit mon
Père, » non pas que le Père soit le même que le Fils, mais parce que le
Fils a une entière et parfaite ressemblance avec le Père. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 7) Notre Seigneur ne veut
point parler ici de la vue des yeux du corps, car la chair qui est née de la
vierge Marie, ne peut servir à découvrir en Jésus-Christ la nature et l’image
de Dieu, mais c'est l'intelligence que nous avons du Fils de Dieu, qui nous
fait comprendre le Père, car si le Fils est l'image du Père, il a avec lui
une même nature, et cette expression signifie simplement qu'il a été
engendré. Les paroles du Sauveur ne laissent point supposer, en effet, une
personne unique et indifférenciée, bien qu'elles expriment l'unité de nature,
car en ajoutant : « voit le Père, »
il exclut la supposition d'une personne singulière et unique, et il ne nous
reste qu’à admettre qu'en vertu de l'unité de nature, le Père est vu dans le
Fils. —
Saint Augustin : Mais doit-on faire des
reproches à celui qui, voyant une personne parfaitement semblable à une
autre, désire voir celle à qui elle ressemble ? Nous répondons que le Sauveur
reprend son disciple, parce qu'il voyait le fond de son cœur; Philippe
désirait connaître le Père, comme si le Père était supérieur au Fils, et par
là-même il ne connaissait pas le Fils, car il croyait qu'il existait un être
qui lui fût supérieur. C'est pour redresser cette erreur que Notre Seigneur
lui dit : « Ne croyez-vous pas que je
suis dans mon Père, et que mon Père est en moi ? » C'est-à-dire, si c'est
beaucoup pour vous de voir le Père dans le Fils, croyez au moins ce que vous
ne voyez pas. —
Saint Hilaire : (de la Trin., vu). Comment pouvait-on
encore ignorer le Père, et quelle nécessité de le faire connaître à ceux qui
l'ignoraient, alors qu'on pouvait le voir dans le Fils ? Or, on le voyait,
parce qu'ils ont une commune nature, et qu'en vertu de cette nature absolument
semblable, celui qui engendre et celui qui est engendré ne sont qu'un, selon
ces paroles du Sauveur : « Ne
croyez-vous pas que je suis dans mon Père, et que mon Père est en moi ? » —
Saint Augustin : (de la Trin., 1, 2). Le Sauveur voulait
qu'il vécût de la foi avant de parvenir à la claire vision, c’est pourquoi il
dit : « Ne croyez-vous
pas ? », car la contemplation est la récompense de la foi, et
c'est la foi qui prépare les cœurs à cette récompense en les purifiant. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 7) Or, le Père est dans le
Fils, et le Fils dans le Père, non par la double union de deux natures qui se
rencontrent, ni par l'union d'une nature supérieure qui vient s'enter sur une
autre nature, parce que les choses intérieures ne peuvent être soumises aux
nécessités des dimensions corporelles, et demeurer extérieures aux choses qui
les contiennent, mais [le Père est dans le Fils, et le Fils dans le Père] en
vertu de sa naissance d'une nature vivante sortant d'une autre nature
vivante, c'est-à-dire en vertu de la naissance d'un Dieu engendré par un
Dieu. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 5) En effet, Dieu qui est
immuable, agit conformément à sa nature en engendrant une nature immuable, et
cette naissance parfaite d'un Dieu immuable [qui sort du sein d'un Dieu
immuable] ne lui fait pas perdre la perfection de sa nature. Nous comprenons
donc que la nature divine est en lui, en ce sens que c'est Dieu qui est dans
Dieu, et qu'il n'y a point d'autre Dieu en dehors de lui qui est Dieu. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 74 sur Saint Jean). On
peut encore donner une autre explication de ce passage. Philippe
voulait voir le Père des yeux du corps, parce qu'il pensait avoir vu le Fils
de la sorte, peut-être aussi, parce qu'il avait entendu dire aux prophètes
qu'ils avaient vu le Seigneur, c'est sous cette impression qu'il dit à Jésus
: « Montrez-nous le Père. » Les
Juifs lui avaient souvent fait cette question : « Quel est votre Père ? » Pierre et Thomas lui avaient demandé où
il allait, et ni les uns ni les autres n'avaient compris sa réponse. Philippe
donc voulant éviter de passer pour importun, se contente de lui dire : « Montrez-nous 1e Père, et cela nous
suffit, » c'est-à-dire, nous ne demandons rien autre chose. Or, le
Sauveur ne lui répond point : « Vous
demandez une chose impossible », mais il lui fait comprendre qu'il n'a
même pas vu le Fils, car s'il avait pu le voir, il aurait vu aussi le Père,
et c'est le sens de ces paroles : « Il
y a si longtemps que je suis avec vous, et vous ne me connaissez pas ? »
Il ne lui dit pas : Vous ne m'avez pas vu, mais : « Vous ne m'avez pas connu, » c'est-à-dire vous n'avez pas
compris que le Fils demeurant ce qu'est le Père, peut très bien montrer en
lui celui qui l'a engendré. Il distingue ensuite les deux personnes, en ajoutant
: « Celui qui me voit, voit aussi mon
Père, » pour prévenir cette erreur que le Fils est une même personne que
le Père. Il lui montre maintenant qu'il n'a point vu le Fils des yeux du
corps. Si quelqu'un veut donner ici au mot voir la signification du
mot connaître, je ne m'y oppose point, et tel serait alors le sens de
ces paroles : « Celui qui me connaît, connaît aussi le Père. » Mais ce n'est
point la pensée du Sauveur, qui a voulu exprimer sa consubstantialité avec
son Père en ces termes : Celui qui a vu ma substance, a vu la substance de
mon Père. Il résulte de là qu'il n'est pas une simple créature, car celui qui
voit un être créé ne voit pas Dieu. Philippe, d'ailleurs, désirait voir la substance
du Père. Si donc le Sauveur avait une substance différente de son Père, il ne
dirait pas : « Celui qui me voit, voit
mon Père », car personne ne peut voir la nature de l'or dans celle
de l'argent; une nature ne peut faire voir en elle-même une nature toute
différente. —
Saint Augustin : Le Sauveur s'adresse ensuite
non plus à Philippe seul, mais a tous ses apôtres : « Les paroles que je vous dis, je ne vous les dis pas de moi-même» ;
que signifie cette manière de s'exprimer : « Je ne parle pas de moi-même, » si ce n'est : Moi qui vous
parle, je ne suis pas de moi-même ? Il attribue ainsi ce qu'il fait à celui
de qui lui vient avec l'être le pouvoir d'agir. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 7) Il ne nie donc pas qu'il
soit le Fils, il ne dissimule pas non plus la puissance de la nature
paternelle qui est en lui, car lorsqu'il parle, il parle dans sa propre substance,
et en déclarant qu'il ne parle pas de lui-même, il atteste en lui la
naissance divine qui le fait naître d'un Dieu. —
Saint Jean Chrysostome : Voyez avec quelle abondance
de preuves il établit l'unité de la substance divine : « Le Père qui demeure en moi, fait lui-même les œuvres que je fais. »
C'est-à-dire, mon Père et moi n'agissons point d'une manière différente,
comme il le dit ailleurs : « Si je ne
fais point les œuvres de mon Père, ne croyez pas en moi. » Mais pourquoi
passe-t-il des paroles aux œuvres ? Il paraissait convenable de dire : C'est
lui qui dit les paroles que je prononce, mais il veut donner ici deux preuves
différentes empruntées, l'une à la doctrine, l'autre aux miracles; ou encore,
parce que les paroles étaient ici comme des œuvres. —
Saint Augustin : En effet, celui qui édifie
son prochain par ses discours, fait une bonne œuvre. Ces deux propositions
ont été pour des hérétiques différents, la matière d'une double difficulté.
Le Fils n'est point égal au Père, disent les Ariens, puisqu'il ne parle point
de lui-même. Le Père est la même chose que le Fils, disent à leur tour les
Sabelliens, car que signifient ces paroles : « Le Père qui demeure en moi, fait lui-même les œuvres que je fais, »
si ce n'est : Je demeure en moi-même, moi qui fais ces œuvres ? —
Saint Hilaire : (de la Trin., 7) Que le Père demeure dans
le Fils, cela n'indique pas une seule et même personne; que d'un autre côté,
le Père agisse par le Fils, on ne peut en conclure qu'ils soient d'une nature
différente. Disons encore que celui qui ne parle point de lui-même, prouve
par-là même qu'il n'est pas seul, et que celui qui parle par lui n'est pas
d'une nature différente. Or, après avoir enseigné que le Père parlait et agissait
en lui, il apportait la foi à cette unité parfaite entre lui et son Père, en
ajoutant : «Croyez-m’en : je suis
dans mon Père, et mon Père est en moi ? » Tant il veut que nous croyons
que le Père parle et agit dans son Fils, non par un effet de sa puissance,
mais par l'effet de la génération divine et de l'unité de nature. C’est en
effet ce que dit le texte grec ; le texte latin dit : « Ne croyez-vous pas que je suis dans
mon Père et que mon Père est en moi ? » —
Saint Augustin : Jusque-là Notre Seigneur
n'avait adressé de reproches qu'à Philippe [il fait voir maintenant qu'il
n'était pas le seul qui les méritât, en disant à tous : « Croyez au moins à
cause de mes œuvres ? »] —
Saint Jean Chrysostome : Si ce que j'ai dit ne suffit
pas pour vous convaincre que je suis consubstantiel à mon Père, apprenez-le
du moins par mes oeuvres. C'est le sens de ces paroles : « Croyez-le du moins à cause de mes œuvres. » Vous avez vu des miracles faits avec
autorité, vous avez vu en moi tous les signes les plus évidents de divinité et
que seul le Père peut réaliser, les péchés remis, les morts ressuscités, et
d'autres prodiges semblables. —
Saint Augustin : Croyez donc au moins à cause
de mes œuvres, que je suis dans mon Père et que mon Père est en moi; car si
nous avions une nature distincte, nous ne pourrions nullement agir avec
autant d'unité. |
Lectio 4 |
Versets 12-14 |
[86109] Catena in Io., cap. 14 l. 4 Chrysostomus in
Ioannem. Quia dominus dixerat : propter opera credite, ostendens quoniam
non hoc solum potest, sed multo maiora, et, quod est mirabilius, aliis potest
dare, adiunxit amen, amen, dico vobis : qui credit in me, opera quae ego
facio, et ipse faciet, et maiora horum faciet. Augustinus in Ioannem. Sed quae sunt ista maiora? An
forte quod aegros ipsis transeuntibus etiam eorum umbra sanabat? Maius est
enim quod sanet umbra quam fimbria. Verumtamen quando ista dicebat, verborum
suorum facta et opera commendabat. Cum enim dixit : pater in me manens, ipse
facit opera, quae opera tunc dicebat nisi verba quae loquebatur? Et eorum
verborum fructus erat fides illorum. Verumtamen evangelizantibus discipulis
non tam pauci quam illi erant, sed gentes etiam crediderunt. Nonne ab ore
ipsius dives ille tristis abscessit? Et tamen postea quod ab illo auditum non
fecit unus, fecerunt multi, cum per discipulos loqueretur. Ecce maiora fecit
praedicatus a credentibus, quam locutus audientibus. Verum, hoc adhuc movet
quod hic maiora per apostolos fecit. Non autem ipsos tantum significans ait
qui credit in me. Numquid inter credentes in Christum non est computandus qui
non fecerit opera maiora quam Christus? Durum est nisi intelligatur.
Apostolus dicit : credenti in eum qui iustificat impium, reputatur
fides ad iustitiam. In hoc opere faciemus opera Christi, quia et ipsum credere
in Christum, opus est Christi : hoc operatur in nobis, non utique sine nobis.
Audi ergo : qui credit in me, opera quae ego facio et ipse faciet. Prius ego
facio, deinde et ipse faciet : quia facio ut faciat. Quae opera, nisi ut ex
impio iustus fiat? Quod utique in illo, sed non sine illo Christus operatur.
Prorsus hoc maius esse dixerim quam creare coelum et terram : caelum enim et
terra transibunt : praedestinatorum autem salus et iustificatio permanebit.
Sed in caelis Angeli opera sunt Christi : numquid etiam his operibus maiora
facit qui cooperatur Christo ad suam iustificationem? Iudicet qui potest
utrum maius sit iustos creare quam impios iustificare. Certe si aequalis sit
utrumque potentiae, hoc maioris est misericordiae. Sed omnia opera intelligere
Christi, ubi ait maiora horum faciet, nulla necessitas cogit : horum enim
forsitan dixit quae illa hora faciebat; tunc autem verba fidei faciebat; et
utique minus est verba iustitiae praedicare, quod fecit praeter nos, quam
impios iustificare, quod ita facit in nobis ut faciamus et nos. Magnam autem
spem dominus suis promisit orantibus, dicens quia ego ad patrem vado. Chrysostomus. Hoc est, non pereo, sed in propria
manebo dignitate, et in caelis ero. Vel hoc dicit, ac si diceret : vestrum est
de cetero miracula facere; ego enim vado. Augustinus. Et ne quisquam hoc sibi tribueret ut
etiam illa opera maiora seipsum facere ostenderet, adiecit et quodcumque
petieritis patrem in nomine meo, hoc faciam. Qui dixerat : faciet post ait
faciam : tamquam diceret : non vobis hoc impossibile videatur : non enim
poterit esse maior me qui credit in me; sed ego sum facturus et tunc maiora
quam nunc; maiora per eum qui credit in me, quam nunc per me; quod non est
defectio, sed dignatio. Chrysostomus in Ioannem. Dicit autem in nomine meo,
quia et apostoli dicebant : in nomine Christi Iesu surge et ambula. Omnia
enim signa quae fecerunt, ipse faciebat, et manus domini erat cum illis. Theophylactus. Exponit autem nobis per hoc
miraculorum doctrinam : nam per orationem ac invocationem sui nominis potest
quis exercere prodigia. Augustinus. Sed quid est quodcumque petieritis, cum
videamus plerumque fideles eius petere et non accipere? An forte propterea
quia male petunt? Male enim usurus eo quod vult accipere, Deo potius
miserante non accipit. Quomodo ergo intelligendum est quodcumque petieritis,
hoc faciam, si Deus aliqua petentibus fidelibus etiam consulendo non facit?
An forte solis apostolis hoc dictum debemus accipere? Absit : superius enim
dixerat : qui credit in me, opera quae ego facio, et ipse faciet. Ipsos
quoque si cogitemus apostolos, inveniemus eum qui plus omnibus laboravit
rogasse ut ab eo discederet Angelus Satanae, nec tamen quod rogaverat
accepisse. Sed audi quod illic positum est in nomine meo, quod est Christus
Iesus. Christus regem, Iesus salvatorem significat : et per hoc quodcumque
petimus adversus utilitatem salutis, non petimus in nomine salvatoris : et
tamen ipse salvator est, non solum quando facit quod petimus, verum etiam
quando non facit : quoniam quod videt peti contra salutem, non faciendo se
exhibet salvatorem. Novit enim medicus quid pro sua, quid contra suam salutem
poscat aegrotus; et ideo contraria poscentis non facit voluntatem, ut faciat
sanitatem. Sane quaedam quamvis in nomine eius petamus, non tunc quando
petimus facit, sed tamen facit : differtur enim quod petimus, non negatur.
Continuo autem subiecit ut glorificetur pater in filio, si quid petieritis in
nomine meo, hoc faciam. Nullo modo igitur sine patre filius facit, quandoquidem,
ut in illo pater glorificetur, propterea facit. Chrysostomus. Cum enim filius ostendatur magna
potens, glorificabitur ille qui genuit. Ideo autem secundo id ponit, ut
certificet sui ipsius sermonem. Theophylactus. Attende etiam seriem paternae
glorificationis. In nomine Iesu facta sunt signa per quae credebant
apostolorum sermonibus : et sic dum ad notitiam patris pervenirent,
glorificabatur pater in filio. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 74 sur Saint Jean). Notre
Seigneur venait de dire à ses disciples : «
Croyez du moins, à cause, de
mes œuvres.» Il veut leur apprendre maintenant que non seulement il peut
faire des œuvres semblables, mais qu'il peut en faire de plus grandes, et (ce
qui est encore plus admirable), qu'il peut communiquer à d'autres ce pouvoir
: « En vérité, en vérité, je vous le
dis, celui qui croit en moi fera lui-même les œuvres que je fais, et en fera
encore de plus grandes. » —
Saint Augustin : (Traité 71 sur Saint Jean). Mais
quelles sont ces œuvres plus grandes ? Est-ce d'avoir guéri les malades par
l'ombre seule de son corps lorsqu'ils passaient ? (Ac 5, 15). Car
c'est une action plus merveilleuse de guérir par l'ombre seule de son corps
que par la frange de son vêtement. Toutefois en s'exprimant de la sorte, le Sauveur
avait en vue les faits et les œuvres de ses paroles; en effet, lorsqu'il dit
: « Mon Père qui demeure en moi, opère
lui-même les œuvres,» de quelles œuvres voulait-il parler ? évidemment
des paroles qu'il disait. Et le fruit de ces paroles, c'était la foi de ses
disciples; mais lorsque ses disciples eux-mêmes prêchèrent l'Evangile, ceux
qui se convertirent furent beaucoup plus nombreux qu'ils n'étaient eux-mêmes,
puisque des nations elles-mêmes embrassèrent la foi. (Traité 72). Ne
voyons-nous pas ce jeune homme riche se retirer de Jésus plein de tristesse
après l'avoir entendu ? (Mt 19) Et cependant le conseil qu'un seul ne
put se décider à pratiquer sur la recommandation du Sauveur, un grand nombre
l'embrassèrent avec ardeur à la prédication des Apôtres. Il a donc fait de
plus grandes œuvres lorsqu'il a été prêché par ceux qui croyaient, que
lorsqu'il parlait lui-même à ceux qui l’écoutaient. Mais voici une autre
difficulté, ces oeuvres plus grandes n'ont été faites que par les Apôtres;
or, ce n'est, pas seulement d'eux que le Sauveur veut parler, lorsqu'il dit :
« Celui qui croit en moi. » Ou bien
ne doit-on compter parmi ceux qui croient en Jésus-Christ que ceux qui
auraient fait des œuvres plus grandes que les siennes ? Cette conséquence
serait dure, [elle serait même absurde,] si on ne comprenait bien ces
paroles. L'Apôtre dit : « Lorsqu'un
homme, [sans faire des œuvres], croit en celui qui justifie le pécheur, sa
foi lui est imputée à justice. » (Rm 4, 5) En cela nous
faisons les œuvres de Jésus-Christ, car c'est faire l'œuvre de Jésus-Christ
que de croire en lui; c'est une œuvre qu'il fait en nous, non toutefois sans
notre concours. Entendez donc bien le sens de ces paroles : Celui qui croit
en moi, fera aussi les œuvres que je fais; je les fais le premier, et il les
fera après moi, parce que je ne les fais le premier que pour qu'il les fasse
à mon exemple. Or, quelles sont ces œuvres ? la justification du pécheur,
c'est ce que le Christ opère dans le pécheur, mais non sans le concours de sa
volonté. Or, je dirais que c'est là une oeuvre plus grande que la création du
ciel et de la terre, car le ciel et la terre passeront, mais le salut et la
justification des prédestinés demeureront à jamais. Les anges dans les cieux,
sont aussi l'œuvre de Jésus-Christ, pouvons-nous dire que celui qui coopère à
la grâce de Jésus-Christ pour sa justification, fait une œuvre plus grande
que la création des anges ? Que celui qui en est capable, juge si la création
des justes est une œuvre plus grande que la justification des pécheurs, si
l'une et l'autre de ces deux œuvres annoncent une puissance égale, la seconde
exige une plus grande miséricorde. D'ailleurs il n'est nullement nécessaire
d'entendre de toutes les œuvres de Jésus-Christ, ces paroles : « Il fera de plus grandes œuvres que les
miennes. » Peut-être n'a-t-il voulu parler que des œuvres qu'il opérait
alors, et en ce moment il ne faisait qu’enseigner la doctrine de la foi; or,
enseigner la doctrine de la justice (ce que Jésus a fait sans nous), c'est
faire moins que du justifier les pécheurs, ce qu'il a fait en nous avec le
concours de notre volonté. Notre Seigneur donne ensuite un grand sujet
d'espérance à ceux qui lui adresseront leurs prières, lorsqu'il ajoute : « Parce que je vais à mon Père.. » —
Saint Jean Chrysostome : C'est-à-dire, je ne dois
point périr, mais je resterai dans la puissance qui m'est propre, et je
demeurerai dans les cieux. Ou bien tel est le sens de ces paroles : C'est à
vous maintenant de faire des miracles, pour moi je m'en vais à mon Père. —
Saint Augustin : Et afin que personne ne fût
tenté de s'attribuer le mérite de ces oeuvres plus grandes, il leur fait voir
que c'est lui-même qui en sera l'auteur : «
Et tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, je le ferai. » Il
venait de dire : « Il fera, », il
dit maintenant : « Je le ferai, »
et voici l'explication de cette parole : Ne regardez pas ce que je vous dis
comme impossible, celui qui croit en moi ne peut être plus grand que moi;
c'est moi-même qui ferai alors des œuvres plus éclatantes que celles que je
fais maintenant, je ferai par celui qui croit en moi ces œuvres plus grandes
que celles que je fais actuellement par moi-même, ce qui n'accuse point un
défaut de puissance, mais un sentiment de condescendance. —
Saint Jean Chrysostome : Notre Seigneur dit : « Tout ce que vous demanderez en mon nom,
» c'est ce que proclamaient les Apôtres : « Au nom de Jésus-Christ, levez-vous et marchez » (Ac 3,
6; 9, 33) car c'est lui-même qui était l'auteur de tous les miracles qu'ils
opéraient, et la main du Seigneur était avec eux. — Théophylactus : Il nous fait connaître ici la véritable théorie des miracles, c'est
par la prière et par l'invocation de son nom qu'on peut opérer les plus
grands prodiges. —
Saint Augustin : Mais que veulent dire ces
paroles : « Tout ce que vous
demanderez, » lorsque nous voyons tant de fidèles demander et ne pas
recevoir ? N'est-ce point parce qu'ils demandent mal ? Dieu refuse dans sa
miséricorde ce qu'on ne demande que pour en faire un mauvais usage. Comment
donc faut-il entendre ces paroles : «
Tout ce que vous demanderez, je le ferai, » si Dieu, dans leur intérêt,
n'accorde point aux fidèles l'objet de leurs prières ? Devons-nous comprendre
que promesse n'a été faite qu'aux seuls Apôtres ? Non, sans doute, car le
Sauveur avait dit précédemment : «
Celui qui croit en moi, fera les œuvres que je fais moi-même. » Si nous
considérons l'accomplis-sement de cette promesse dans les Apôtres eux-mêmes,
nous voyons que celui qui a travaillé plus qu'eux tous, a prié trois fois le
Seigneur d'éloigner de lui l'ange de Satan, sans avoir pu obtenir l'effet de
sa prière. (2 Co 12, 7-9). Comprenez bien le sens des paroles qui sont
prononcées ici : « en mon nom, »
(qui est Jésus-Christ). Le mot Christ signifie roi, le mot Jésus veut
dire sauveur; donc tout ce que nous demandons contre les véritables
intérêts de notre salut, nous ne le demandons pas au nom du Sauveur.
Cependant il ne laisse pas d’être notre Sauveur, non seulement quand il nous
accorde l'objet de nos prières, mais même quand il refuse de les exaucer, car
il se montre justement notre Sauveur, en refusant de nous accorder ce qu'il
sait être contraire à notre salut. Le médecin sait bien ce que le malade
demande dans l'intérêt ou contre l'intérêt de sa santé, et il refuse
d'accorder à ce malade les choses nuisibles qu'il désire, justement pour lui
conserver la santé. Disons encore qu'il est des choses que nous demandons en
son nom et qu'il ne nous accorde pas au moment même où nous les
demandons, mais il les accorde néanmoins; il diffère, mais il ne refuse pas
d'exaucer nos prières. Il ajoute aussitôt : « afin que le Père soit glorifié dans le Fils, si vous demandez
quelque chose en mon nom je le ferai. »
Le Fils ne fait donc rien sans le Père, puisqu'il n'agit que pour
que le Père soit glorifié en lui. —
Saint Jean Chrysostome : En effet, lorsqu'on verra le
Fils opérer de grandes choses, la gloire en reviendra à celui qui l'a
engendré. Pourquoi répète-t-il de nouveau : « Je le ferai ? » pour confirmer la vérité de ses paroles. — Théophylactus : Remarquez, par quels degrés le Père est glorifié : c'est au nom de
Jésus que sont opérés les miracles grâce auxquels les peuples croyaient à la
prédication des Apôtres, et tandis qu'ils parvenaient ainsi à la
connaissance, du Père, le Père était glorifié dans le Fils. |
Lectio 5 |
Versets 15-17 |
[86110] Catena in Io., cap. 14 l. 5 Chrysostomus
in Ioannem. Quia dominus dixerat : quodcumque petieritis, hoc faciam, ut
non aestiment omnem simpliciter petitionem valere, induxit si diligitis me,
mandata mea servate : quasi dicat : tunc faciam quod petitis. Vel quia
audientes quoniam ad patrem vado consequens erat eos turbari, dicit : non est
hoc me amare ut turbemini, sed ut faciatis mandata mea : hoc est enim amor,
obedire et credere ei qui diligitur. Quia vero consequens erat eos vehementer
inquirere carnis praesentiam, et illam habere consolationem quam prius
habuerunt, subiungit et ego rogabo patrem, et alium Paraclitum dabit vobis.
Augustinus in Ioannem. In quo ostendit et seipsum
esse Paraclitum. Paraclitus autem Latine dicitur advocatus : et dictum est de
Christo : advocatum habemus apud patrem Iesum Christum iustum. Alcuinus. Vel Paraclitum, idest consolatorem :
habebant enim et tunc unum consolatorem, qui miraculorum dulcedine et praedicatione
eos erigere et confortare solebat. Didymus de spiritu sancto. Sed spiritum sanctum
alium Paraclitum nominavit, non iuxta naturae differentiam, sed iuxta
operationis diversitatem. Cum enim salvator mediatoris et legati personam
habebat, ex qua pontifex deprecaretur pro peccatis nostris, spiritus sanctus
secundum aliam significationem Paraclitus, ab eo quod consolatur in tristitia
positos, nuncupatus est. Verum noli ex filii et spiritus sancti operatione
diversa varias aestimare naturas : siquidem in alio loco reperitur Paraclitus
spiritus legati apud patrem persona fungi, ut ibi : ipse spiritus interpellat
pro nobis. Salvator quoque consolationem operatur in cordibus eorum qui
indigent; scriptum est enim : et humiles populi sui consolatus est. Chrysostomus. Ait autem rogabo patrem, ut fide
dignum faciat eis sermonem : quoniam si dixisset : ego mittam, non
simpliciter credidissent. Augustinus contra Arianos. Qui tamen ut
inseparabilia sua et patris opera demonstraret, alibi ait : cum abiero, mittam
eum ad vos. Chrysostomus. Quid autem apostolis plus haberet, si
patrem solum rogaret ut spiritum aliis daret? Quoniam illi multoties et sine
oratione ostenduntur hoc facientes. Alcuinus. Rogabo igitur dicit, ut inferior secundum
humanitatem, patrem meum, cui sum aequalis et consubstantialis secundum
divinam naturam. Chrysostomus. Dicit autem ut maneat vobiscum in
aeternum, quoniam neque post mortem recedit. Per hoc etiam occulte insinuat,
quod spiritus sanctus non patietur mortem ut ipse, neque abibit. Ne autem
Paraclitum audientes, rursus incarnationem aliam suspicentur, et oculis
putent eum videre, subiungit spiritum veritatis, quem mundus non potest
accipere, quia non videt eum nec scit eum. Augustinus. Hic est utique in Trinitate spiritus
sanctus, quem patri et filio consubstantialem et coaeternum fides Catholica
profitetur. Chrysostomus in Ioannem. Spiritum autem veritatis
eum vocat per hoc quod figuras veteris testamenti manifestat. Mundum autem
hic malos dicit; visionem autem certissimam cognitionem dicit, quia visus est
apertior sensus. Beda. Nota etiam, quod cum spiritum sanctum,
spiritum veritatis dicit, spiritum sanctum esse spiritum suum ostendit :
deinde cum a patre eum dari narrat, patris etiam eum spiritum esse declarat;
ac per hoc spiritus sanctus a patre procedit et filio. Gregorius Moralium. Spiritus autem sanctus omnem
quem repleverit, ad desideranda invisibilia accendit; et quoniam mundana
corda solum visibilia diligunt, hunc mundus non accipit, quia ad diligenda
invisibilia non assurgit. Saeculares etenim mentes quanto se foras per
desideria dilatant, tanto ad receptionem illius, sinum cordis angustant. Augustinus in Ioannem. Sic autem mundum, idest mundi
dilectores, dicit non posse accipere spiritum sanctum, velut si dicamus :
iniustitia iusta esse non potest. Mundus ergo, idest mundi dilectores, non
potest eum accipere, quia non videt eum. Non enim habet invisibiles oculos
mundana dilectio, per quos videri spiritus sanctus nisi invisibiliter non
potest. Sequitur vos autem cognoscetis eum, quia apud vos manebit. Sed ne
putarent quod dictum est, apud vos manebit, ita dictum quemadmodum apud
hospes visibiliter manere consuevit, adiecit in vobis erit. Chrysostomus. Quasi dicat : non ita apud vos manebit
sicut ego, sed in vestris habitabit animabus. Augustinus. Prius autem est esse alicubi, post
manere. Sed exposuit quod dixerat apud vos, cum adiunxit in vobis. Si enim
non sit in vobis, non potest esse in vobis eius scientia : sic enim a vobis
videtur in vobis et vestra conscientia. Gregorius Moralium. Si autem spiritus sanctus in
discipulis manet, quomodo iam singulare signum erit quod in mediatore
permanet? Secundum illud : supra quem videris spiritum descendentem et
manentem, hic est qui baptizat. Quod tamen citius cognoscimus, si dona
eiusdem spiritus discernamus. In his enim donis sine quibus ad vitam
perveniri non potest, spiritus sanctus in electis omnibus semper manet; in
illis autem quibus non nostra vita servatur, sed aliorum quaeritur, nequaquam
semper manet : aliquando enim se a signorum ostensionibus subtrahit, ut eo
humilius virtutes eius habeamus : Christus autem in cunctis eum et semper
habet praesentem. Chrysostomus. Hic autem sermo oppositas haereses
velut uno ictu sustulit : nam dicere alium ostendit eius, idest spiritus,
hypostaseos differentiam; dicere vero Paraclitum, substantiae cognitionem.
Augustinus contra Arianos. Consolatorem enim (quod
officium tamquam personae infimae in Trinitate spiritui sancto deputant) Deum
dicit apostolus, secundum illud : is qui consolatur humiles, consolatus est
nos Deus. Deus est itaque spiritus sanctus qui consolatur humiles. Aut si hoc
de patre vel filio dictum ab apostolo volunt accipi, desinant consolationis
tamquam munere proprio separare a patre et filio spiritum sanctum. Augustinus in Ioannem. Sed cum caritas Dei diffusa
sit in cordibus nostris per spiritum sanctum, qui datus est nobis, quomodo
diligemus et mandata Christi servabimus, ut eum accipiamus quem nisi
habuerimus, diligere et mandata servare non possumus? An forte praecedit in
nobis caritas qua diligamus Christum, ut diligendo Christum eiusque faciendo
mandata, mereamur accipere spiritum sanctum, ut caritas Dei patris
diffundatur in cordibus nostris? Perversa est ista sententia. Qui enim se
filium Dei diligere credit, et patrem non diligit, profecto nec filium
diligit; sed quod sibi ipsi videtur confinxit. Restat ergo ut intelligamus,
spiritum sanctum habere qui diligit, et habendo mereri ut plus habeat, et
plus habendo plus diligat. Iam itaque habebant spiritum discipuli, quem
dominus promittebat; sed dandus eis erat amplius; habebant occulte, accepturi
erant manifeste. Proinde non solum non habenti, verum etiam habenti non
incassum promittitur; non habenti quidem, ut habeatur; habenti autem, ut
amplius habeatur. Chrysostomus. Quando igitur discipulos purgaverat
per sacrificium passionis, et peccatum solutum erat, et ipsi ad pericula et
agones mittebantur, oportebat spiritum sanctum venire abundanter. Non autem
statim post resurrectionem, ut in multo eius constituti desiderio, cum multa
eum suscipiant gratia. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 74 sur Saint Jean). Les
paroles que Notre Seigneur venait de dire : « Tout ce que vous demanderez, je le ferai, » pouvaient donner
aux Apôtres la pensée que toute prière indistinctement devait être exaucée;
il se hâte donc de prévenir cette idée, en ajoutant : « Si vous m'aimez,
gardez mes commandements; » comme s'il leur disait : C'est à cette
condition que je ferai ce que vous demandez. Ou bien encore, comme la nouvelle
qu'il venait de leur apprendre, qu'il allait à son Père, devait naturellement
les jeter dans le trouble, il leur dit : « L'amour que vous devez
avoir pour moi, ne doit point avoir pour effet de troubler votre âme, mais de
vous faire accomplir mes commandements; car l'amour consiste à obéir et à
croire en celui qu'on aime. » Il prévoit aussi qu'ils devaient désirer
vivement cette présence extérieure et cette, consolation sensible dont ils
avaient joui jusqu'à présent, et c'est pour cela qu'il ajoute : « Et moi, je prierai mon Père, et il
vous donnera un autre Paraclet. » —
Saint Augustin : (Traîté 74) En parlant ainsi,
il fait voir qu'il est lui-même un Paraclet. Le mot Paraclet veut dire, en
latin, avocat, et saint Jean dit du Sauveur : « Nous avons pour avocat auprès du Père, Notre Seigneur Jésus-Christ. » (Jn 1) —
Alcuin : Ou bien, le mot Paraclet
veut dire Consolateur, et les Apôtres, en effet, avaient eu
jusqu'alors un Consolateur, qui les animait et les fortifiait par l'éclat de
ses miracles et par la douceur de ses enseignements. —
Didyme : (De l'Eprit saint). Notre Seigneur appelle l'Esprit saint un
autre consolateur, non qu'il ait une nature autre que la sienne, mais parce
que son action est différente. Le Sauveur était venu pour remplir l'office de
médiateur et d'ambassadeur, et comme un pontife qui devait prier pour nos
péchés, l'Esprit saint reçoit le nom de Paraclet [ou de consolateur] dans un
autre sens, parce que sa mission est de consoler ceux qui sont dans la
tristesse. Mais de cette diversité d'opérations, il faut se garder de
conclure à la différence de natures, puisque nous voyons dans un autre
endroit l'Esprit consolateur remplir près du Père l'office d'ambassadeur. « L'Esprit lui-même, dit saint Paul, demande pour nous [par des gémissements
inénarrables]. » (Rm 8, 20). Le Sauveur, de son côté, répand la
consolation dans les coeurs affligés, car il est écrit : « Il a consolé tous les humbles de son peuple. » (1 M 14,
14) —
Saint Jean Chrysostome : Le Sauveur dit : « Je prierai mon Père » pour rendre
ses paroles plus dignes de foi : car s'il avait dit simplement : Je vous
enverrai [un autre consolateur], ils ne l'auraient pas cru aussi facilement. —
Saint Augustin : (Cont.le. Serm. Des Ar, 19) Et cependant pour
montrer que ses oeuvres ne sont point distinctes de celles du Père, il dit
ailleurs : « Lorsque je m'en serai
allé, je vous l'enverrai. » (Jn 16) —
Saint Jean Chrysostome : Qu'aurait-il eu, en effet,
plus que les apôtres, s'il avait dû prier son Père pour qu'il envoyât
l'Esprit saint, alors que nous voyons les apôtres eux-mêmes le communiquer
aux autres, sans avoir recours à la prière ? —
Alcuin : Je prierai, comme inférieur
par mon humanité, mon Père, à qui je suis égal et consubstantiel par ma
nature divine. —
Saint Jean Chrysostome : Il leur promet que l'Esprit
saint demeurera avec eux éternellement, parce qu'il ne les quittera même pas
après leur mort; et il leur enseigne, indirectement, par là même, que
l'Esprit saint ne doit ni souffrir la mort comme lui, ni se séparer d'eux. Et
pour qu’en entendant le mot « Paraclet » ils n’imaginent pas une
nouvelle incarnation qui rendrait le Saint-Esprit visible à leurs yeux, il
ajoute : « L'Esprit de vérité, que le
monde ne peut recevoir parce qu'il ne le voit point et ne le connaît point. » —
Saint Augustin : Cet Esprit saint est une des
personnes de la sainte Trinité, et la foi catholique le proclame
consubstantiel et coéternel au Père et au Fils. —
Saint Jean Chrysostome : Il l'appelle l'Esprit de
vérité, parce que c'est lui qui nous révèle le sens des figures de l'Ancien
Testament; le monde ici, ce sont les méchants; et voir, c'est connaître avec
certitude, parce que la vue est le plus clair de tous les sens. —
Saint Bède : Remarquez encore qu'en
appelant l'Esprit saint l'Esprit de vérité, il prouve en même temps qu'il est
son Esprit. De même encore lorsqu'il enseigne que cet Esprit est donné par le
Père, il déclare par là même qu'il est l'Esprit du Père, et que par
conséquent l'Esprit saint procède du Père et du Fils. —
Saint Grégoire : (Moral., 5, 19 ou 20, dans
les anc. ex. ) Dès que l'Esprit saint remplit un cœur, il excite en lui
un ardent désir des biens invisibles. Mais comme les cœurs des mondains n'ont
d'amour que pour les biens extérieurs, le monde ne peut recevoir cet Esprit,
parce qu'il est incapable de s'élever jusqu'à l'amour des choses invisibles.
En effet, plus les âmes mondaines s'étendent au dehors par leurs désirs, plus
elles se resserrent et deviennent étroites pour recevoir ce divin Esprit. —
Saint Augustin : Notre Seigneur déclare que
le monde (c'est-à-dire ceux qui aiment le monde), ne peuvent recevoir
l'Esprit saint, comme si nous disions : L'injustice ne peut être juste. Le
monde donc, c'est-à-dire ceux qui aiment le monde, ne peuvent recevoir
l'Esprit saint, parce qu’ils ne le voient point. En effet, l'amour du monde
est privé de ces yeux invisibles par lesquels nous ne pouvons voir l'Esprit
saint que d’une manière invisible. «
Pour vous, vous le connaîtrez, parce qu'il demeurera au milieu de vous. »
Et afin qu'ils n'entendent pas ces paroles : « Il demeurera au milieu de vous, » d'une demeure visible, comme
celle d'un hôte à qui l'on donne l'hospitalité, il ajoute : « et il sera en vous. » —
Saint Jean Chrysostome : C'est-à-dire il ne demeurera
pas au milieu de vous comme j'y suis demeuré moi-même, mais il habitera dans
vos âmes. —
Saint Augustin : Il faut d'abord se donner à
quelqu'un avant de demeurer en lui, et Notre Seigneur explique ces paroles : « au milieu de vous, » par ces autres
: « en vous » ; car s'il n'est
pas en vous, vous ne pouvez non plus avoir en vous la connaissance de ce
divin Esprit. C'est ainsi que vous voyez en vous-même votre propre
conscience. —
Saint Grégoire : (Moral., 2, 28 ou 41 dans
les anc. ex. ) Si l'Esprit saint demeure dans les disciples, comment
donner encore comme signe distinctif du médiateur que l'Esprit saint demeure
en lui, comme il est dit [à Jean-Baptiste] : « Celui sur qui vous verrez l'Esprit saint descendre et demeurer,
c'est lui qui baptise ? » Cette difficulté disparaîtra bientôt, si nous
prenons soin de faire une distinction entre les dons de l'Esprit saint. Quant
aux dons sans lesquels il est impossible de parvenir à la vie, l'Esprit saint
demeure dans tous les élus; s'il s'agit au contraire des dons qui ont pour
objet non de conserver notre vie, mais de produire dans les autres la vie
surnaturelle, il ne demeure pas toujours; quelquefois, en effet, il suspend
le pouvoir d'opérer des miracles, pour que l'humilité garde plus sûrement les
vertus qu'il inspire. Jésus-Christ, au contraire, jouit toujours, et en
toutes circonstances, de la présence de l'Esprit saint. —
Saint Jean Chrysostome : Par ces seules paroles,
Notre Seigneur renverse d'un seul coup deux hérésies contraires. En disant : « Je vous enverrai un autre Paraclet, »
il établit la différence de personnes; et en lui donnant le nom de
consolateur, l'identité de nature. —
Saint Augustin : (contr. le serm. des Ar., chap. 19). L'office de
consolateur, que les hérétiques abandonnent à l'Esprit saint, comme à la
dernière personne de la sainte Trinité, l'Apôtre l'attribue à Dieu lui-même,
quand il dit : « Dieu qui console
les humbles nous a consolés ». (2 Co 7, 6) L'Esprit saint qui
console les humbles, est donc Dieu. Ou s'ils prétendent que saint Paul veut
parler ici du Père et du Fils, qu'ils cessent de séparer l'Esprit saint du
Père du Fils, en lui attribuant exclusivement l'office de consolateur. —
Saint Augustin : (Traité 64 sur Saint Jean). Mais
s'il est vrai que la charité de Dieu a été répandue dans nos cœurs par
l'Esprit saint qui nous y été donné (Rm 5), comment aimer Jésus-Christ
et observer ses commandements pour mériter de recevoir l'Esprit saint,
puisque nous ne pouvons sans lui ni aimer ni observer les commandements ?
Peut-on dire que nous avons d'abord en nous la charité qui nous fait aimer
Jésus-Christ, et que cet amour de Jésus-Christ et l'observation de ses
commandements attirent en nous l'Esprit saint qui répand la charité de Dieu
le Père dans nos cœurs ? Cette interprétation est tout à fait erronée; celui
qui croit aimer le Fils de Dieu, et n'aime pas le Père, n'aime certainement
pas le Fils, il aime le produit de son imagination. La seule manière de
résoudre cette difficulté est donc de dire que celui qui aime a déjà l'Esprit
saint, et qu'en le possédant, il mérite de le posséder encore davantage et
d'avoir ainsi un plus grand amour. Les disciples de Jésus avaient déjà en eux
l'Esprit saint que le Sauveur leur promettait, mais ils devaient le recevoir
d'une manière plus abondante. Ils le possédaient au dedans d’eux-mêmes, il
devait leur être donné d'une manière visible, ce n’est donc point sans raison
que ce divin Esprit est promis, non seulement à celui qui ne l'a pas encore,
mais à celui qui le possède déjà. Il est promis à celui qui ne l'a pas, pour
qu'il le possède, et à celui qui l'a déjà pour qu'il le reçoive plus
abondamment. —
Saint Jean Chrysostome : Lorsque Jésus eut purifié
ses disciples par le sacrifice de sa passion, que leurs péchés furent effacés
et que le temps fut venu de les envoyer affronter les dangers et les combats,
ils eurent besoin de recevoir l'Esprit saint dans toute sa plénitude. Il ne
leur fut point donné aussitôt sa résurrection, afin que leurs désirs plus
ardents fussent une préparation à recevoir l'abondance de ses grâces. |
Lectio 6 |
Versets 18-21 |
[86111] Catena in Io., cap. 14 l. 6 Augustinus in
Ioannem. Ne quisquam putaret quod ita spiritum sanctum dominus daturus
fuerat, velut per seipsum non et ipse esset futurus cum eis, adiecit, et ait
non relinquam vos orphanos. Orphani pupilli sunt : illud enim est Graecum,
hoc Latinum. Quamvis ergo nos filius Dei suo patri adoptavit filios, tamen in
hoc etiam ipse erga nos paternum ostendit affectum. Chrysostomus in Ioannem. Et quidem a principio
dixerat : venietis quo ego vado; sed quia hoc longum tempus erat, promisit
spiritum. Et quia nesciebant quid est hoc, promittit eis suam praesentiam,
quam maxime quaerebant, cum dicit veniam ad vos. Ne tamen rursus eamdem
quaerant praesentiam, qualem et prius habuerunt, occulte hoc excludit, cum
subdit adhuc modicum, et mundus me iam non videt; vos autem videtis me; ac si
diceret : veniam quidem ad vos, non tamen ut prius vobiscum per unamquamque
diem consistens. Et ne dicant : qualiter igitur Iudaeis dixisti : amodo non
videbitis me? Solvit opinionem dicens ad vos solos veniam. Augustinus in Ioannem. Videbat enim tunc eum mundus
carneis oculis in carne conspicuum; non autem videbat quod in carne verbum
latebat. Sed quoniam post resurrectionem etiam carnem suam, quam non solum
videndam, verum etiam contrectandam demonstravit suis, noluit demonstrare non
suis; hinc dictum est adhuc modicum, et mundus iam me non videt; vos autem
videbitis me. Sed quoniam in iudicio eum mundus videbit, quo nomine
significati sunt a regno eius alieni; melius intelligitur illud etiam tempus
significare voluisse quando in fine saeculi auferetur ab oculis damnatorum,
ut eum de cetero videant diligentes. Modicum autem dixit, quia id quod
prolixum videtur hominibus, brevissimum est ante oculos Dei. Sequitur quia
ego vivo, et vos vivetis. Theophylactus. Quasi dicat : et si mortem subiero,
tamen resurgo. Vos quoque vivetis; hoc est, cum videritis me, laetabimini, et
tamquam mortui reviviscetis in apparitione mea. Chrysostomus. Mihi autem videtur vitam non
praesentem dicere, sed futuram; ac si dicat : mors crucis non distare faciet
vos a me in finem, sed momento parvo occultabit me a vobis. Augustinus. Cur autem de praesenti se dixerit
vivere, illos autem de futuro esse victuros, nisi quia et vitam carnis
resurgentis qualis in ipso praecedebat, et illis est pollicitus secuturam? Et
quia ipsius mox futura erat resurrectio, praesentis temporis ponit verum,
propter significandam celeritatem; illorum autem, quoniam saeculi differtur
in finem, non ait : vivitis, sed vivetis. Quia vero vivit ille, ideo et nos
vivemus : per hominem quippe mors, et per hominem resurrectio mortuorum.
Sequitur in illo die, de quo scilicet ait, et vos vivetis, vos cognoscetis,
contemplando, quamvis et nunc credendo noverimus, quia ego sum in patre, et
vos in me, et ego in vobis : quia quando vivemus ea vita qua mors absorbetur,
tunc perficietur hoc ipsum quod nunc inchoatum est iam per ipsum, ut sit in
nobis, et nos in ipso. Chrysostomus. Vel in illo die cum resurgam,
cognoscetis; quia cum viderunt eum resurrexisse et esse cum eis, tunc
certissimam fidem didicerunt. Magna enim erat virtus spiritus sancti, quae
omnia eos docebat. Quod autem dictum est ego sum in patre, humilitatis est;
quod autem dicit et vos in me et ego in vobis, humanitatis est, et auxilii
quod est a Deo. Consuevit enim Scriptura multoties eisdem verbis in Deo et
hominibus positis non similiter uti. Hilarius de Trin. Vel hoc dicit, ut cum ille in
patre per naturam divinitatis esset, nos autem in eo per corporalem eius
nativitatem; et ille rursus in nobis per sacramenti mysterium inesse
crederetur : ipse enim testatus est : qui edit carnem meam et bibit sanguinem
meum, in me manet, et ego in eo. Alcuinus. Per dilectionem autem et observantiam
mandatorum eius, tunc perficietur hoc ipsum quod nunc inchoatum est per
ipsum, ut sit in nobis, et nos in ipso. Et ut omnibus, non tantum apostolis,
hanc beatitudinem promisisse videatur, adiungit qui habet mandata mea et
servat ea, ille est qui diligit me. Augustinus. Qui habet in memoria et servat in vita;
qui habet in sermonibus et servat in operibus; qui habet audiendo et servat
faciendo; qui habet faciendo et servat perseverando, ipse est qui diligit me.
Opere est demonstranda dilectio, ne sit infructuosa nominis appellatio. Theophylactus. Ac si dicat : vos putatis quod ex
affectione quadam tristamini de morte mea; sed ego signum dilectionis reputo
mandata mea servari. Qualem autem praerogativam obtineat qui diligit,
ostendit subdens qui autem diligit me, diligetur a patre meo, et ego diligam
eum. Augustinus. Sed quid est diligam, tamquam nunc non
diligat? Exponit per id quod sequitur : et manifestabo ei meipsum; idest, ad
hoc diligam ut manifestem, et ipsam visionem mercedem fidei capiamus. Nunc
enim ad hoc nos dilexit ut credamus; tunc ad hoc ut videamus; quia et nos
nunc diligimus credendo quod videbimus; tunc autem diligemus videndo quod
credidimus. Augustinus ad Paulinam de videndo Deo. Sic autem
promisit ostensurum seipsum dilectoribus suis cum patre Deum unum, non
quomodo in hoc saeculo visus est in corpore et a malis. Theophylactus. Vel quia post resurrectionem
appariturus illis erat in corpore magis repraesentante divinitatem, ne
credant ipsum spiritum fore, seu phantasma, ob hoc praedixit illis; ut tunc
videntes illum non diffidant, sed reminiscantur quia propter mandatorum
suorum custodiam apparet eis : atque ideo tenentur semper custodire illa, ut
perpetuo eis appareat. |
—
Saint
Augustin : (Traité 75 sur Saint Jean). Notre
Seigneur ne veut point laisser croire à ses disciples qu'il leur donne
l'Esprit saint pour le remplacer, comme s'il ne devait plus être avec eux, et
c'est pour cela qu'il leur dit : « Je ne vous laisserai point
orphelins. » Le mot orphelins signifie la même chose que le mot
pupilles, l'un est grec, l'autre latin. Ainsi, bien que le Fils de Dieu
nous ait donnés à son Père comme des enfants adoptifs, il veut lui-même nous
témoigner une tendresse toute paternelle. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 75). Le Sauveur leur avait
dit tout d'abord : « Vous viendrez là où je vais » ;
mais comme il fallait attendre un long espace de temps, il leur promet
l'Esprit saint, et parce qu'ils ne comprenaient pas l'excellence de ce don,
il leur promet sa présence dont ils étaient si avides, en leur disant : « Je viendrai à vous. » Mais il ne veut
pas qu'ils recherchent sa présence telle qu'ils en ont joui jusqu'à présent,
il exclut indirectement ce genre de présence quand il ajoute : « Encore un peu de temps, et le monde ne
me verra plus, mais vous, vous me verrez » c'est-à-dire : Je viendrai à
vous, mais non pas comme par le passé, en demeurant chaque jour tout entier
au milieu de vous. Et pour prévenir cette objection : Pourquoi donc avez-vous
dit aux Juifs : « Bientôt vous ne
me verrez plus ? », il leur dit : «
C'est vers vous seuls que je viendrai. » —
Saint Augustin : : Le monde le voyait alors
des yeux du corps revêtu d'une chair visible, mais il ne voyait pas le Verbe,
qui était caché sous l'enveloppe d'un corps sensible, de même qu'après sa
résurrection, il a donné cette chair, non seulement à voir, mais à toucher à
ses disciples, tandis qu'il en a dérobé la vue à ceux qui n’étaient pas à
lui, peut-être est-ce pour cela qu'il dit : « Encore un peu de temps, et le monde ne me verra plus, mais pour
vous, vous me verrez. » Cependant, comme au jour du jugement, le monde,
c'est-à-dire, ceux qui sont exclus de son royaume, le verront [de leurs yeux],
je crois qu'il a surtout voulu désigner ce temps de la fin du monde où il
disparaîtra pour toujours des yeux des réprouvés, et ne sera plus vu que de
ceux qui l'aiment. Et s'il se sert de cette locution : « Encore un peu de temps, » c'est que ce qui parait long aux yeux
des hommes, est toujours très court aux yeux de Dieu. « Parce que je
vis et que vous vivrez aussi. » — Théophylactus : C'est-à-dire, bien que je doive souffrir la mort, cependant je
ressusciterai : et vous aussi vous vivrez, c'est-à-dire, vous serez dans la
joie, lorsque vous me verrez, et dès que j'apparaîtrai, vous ressusciterez
comme des morts [qui sortent du tombeau]. —
Saint Jean Chrysostome : Il me semble qu’il veut
parler ici non de la vie présente, mais de la vie future, et tel est le sens
de ces paroles : La mort de la croix ne me séparera point de vous pour
toujours, mais elle ne fera que me cacher un bref instant à vos yeux. —
Saint Augustin : Pourquoi dit-il de lui au
présent : « Parce que je vis, » et
d'eux au futur : « et que vous vivrez
? » C'est parce qu'il leur promettait pour l'avenir la vie de la
chair ressuscitée, telle qu'il devait bientôt la manifester le premier dans
sa personne. En effet, sa résurrection devait suivre presque immédiatement sa
mort, et c'est pour cela qu'il dit au présent : « Je vis, » pour exprimer le terme prochain de sa
résurrection. Mais comme la résurrection des siens devait être différée
jusqu'à la fin des siècles, il ne leur dit pas : Vous vivez, mais : « Vous vivrez. » Nous vivrons en vertu
de sa vie, car si c'est par un homme que la mort est entrée dans le monde,
c'est aussi par un homme qu'aura lieu la résurrection des morts. Et dans ce
jour (où s'accomplira cette promesse de vie), vous connaîtrez (par l’intuition
[par la contemplation ?], ce dont la foi
nous donne ici la connaissance), que je suis dans mon Père, et vous en moi,
et moi en vous, parce qu'en effet, lorsque nous vivrons de cette vie qui aura
complètement détruit la mort, nous verrons alors s'accomplir ce qu'il a
commencé lui-même, c'est-à-dire qu'il soit en nous et que nous soyons en lui. —
Saint Jean Chrysostome : Ou bien encore, au jour de
ma résurrection, vous connaîtrez, parce que leur foi devint pleine de
certitude lorsqu'ils le virent ressusciter et revenir au milieu d'eux; car la
puissance de l'Esprit saint, qui leur enseignait toutes choses était grande.
Quant à ces paroles : « Je suis dans
mon Père, » c'est le langage de l'humilité, et quand il ajoute : « et vous en moi, et moi en vous, » il
veut parler de son humanité, du secours qui vient de Dieu, car l'Ecriture
emploie très souvent des mots semblables, mais qu'elle entend dans un sens
différent, suivant qu'elle les applique à Dieu ou aux hommes. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 8) Ou bien en s'exprimant de
la sorte, il veut que nous croyions qu'il est dans son Père par sa nature
divine, que nous sommes en lui par sa naissance corporelle, et qu'il est
encore en nous par le mystère de son sacrement, comme il l'atteste lui-même :
« Celui qui mange ma chair et boit mon
sang, demeure en moi et moi en lui. » (Jn
6) —
Alcuin : Or, c'est par l'amour et par
l'observation de ses commandements que s'accomplira cette union parfaite
qu'il a commencée lui-même, et en vertu de laquelle il est en nous, et nous
en lui. Et ce n'est pas seulement à ses Apôtres qu'est promis ce bonheur,
mais à tous les hommes : « Celui qui a
mes commandements et qui les garde, voilà celui qui m’aime.» —
Saint Augustin : Celui qui les a dans sa
mémoire et les garde dans sa vie; celui qui les a dans ses discours et qui
les garde dans ses œuvres; celui qui les a par son attention à les écouter et
qui les garde par sa fidélité à les pratiquer; celui qui les a en les
observant et qui les garde par une constante persévérance : voilà celui qui
m'aime [véritablement], la preuve de l'amour doit être dans les œuvres, ou
alors il n'est plus qu'une dénomination stérile. — Théophylactus : Voici, en effet, le vrai sens de ces paroles : vous pensez me donner
un témoignage d'amour en vous attristant de ma mort, mais pour moi la preuve
de l'amour véritable, c'est l'observation de mes commandements. Or, quelle
sera la récompense de cet amour ? «
Celui qui m'aime sera aimé de mon Père, et je l'aimerai aussi. » —
Saint Augustin : Mais qu'est-ce à dire : « Je l'aimerai, » comme s'il n'avait
pas aimé jusque-là ? Il répond à cette difficulté en ajoutant : « et je me manifesterai à lui, »
c'est-à-dire je l'aimerai pour me manifester à lui et lui donner la claire
vision comme récompense de sa foi. Maintenant Jésus nous aime pour nous
amener à la foi, il nous aimera alors pour nous conduire à la vision [des
cieux]; et nous aussi nous aimons maintenant en croyant ce que nous verrons un
jour, et nous aimerons alors en voyant ce qui est l'objet de notre foi. —
Saint Augustin : (Lett. 112 à Paulin., chap.
10) Or, il a promis de se manifester à ceux qui l'aiment comme un seul Dieu
avec son Père, et non corporellement comme il a été vu dans ce monde par les
méchants eux-mêmes. — Théophylactus : Ou bien encore, comme il devait leur apparaître après sa résurrection
dans un corps [glorieux et] plus rapproché de la divinité, il leur fait cette
prédiction afin qu'ils ne le prennent point pour un esprit ou pour un
fantôme, et que bannissant tout sentiment de défiance, ils se rappellent
qu'il se manifeste à eux pour les récompenser d'avoir observé ses
commandements, et qu'ils persévèrent dans cette observance pour jouir
toujours de cette manifestation. |
Lectio 7 |
Versets 22-27 |
[86112] Catena in Io., cap. 14 l. 7 Augustinus
in Ioannem. Quia dominus dixerat : adhuc modicum, et mundus me iam non
videt; vos autem videbitis me, interrogavit eum de hoc ipse Iudas, non ille
traditor eius qui Iscariotis cognominatus est, sed cuius epistola inter
Scripturas canonicas legitur; unde dicitur dicit ei Iudas non ille Iscariotis
: domine, quid factum est, quia nobis manifestaturus es teipsum, et non
mundo? Causam quaesivit quare non se mundo, sed suis manifestaturus esset.
Dominus autem exponit quare suis se manifestaturus est, non alienis : quia
scilicet hi diligunt, illi vero non diligunt; unde sequitur respondit Iesus,
et dixit ei : si quis diligit me, sermonem meum servabit. Gregorius in Evang. Probatio enim dilectionis,
exhibitio est operis : nunquam amor Dei est otiosus : operatur enim magna, si
est; si vero operari renuerit, amor non est. Augustinus. Dilectio
autem sanctos discernit a mundo, quae facit unanimes habitare in domo in qua
facit pater et filius mansionem; qui donant et ipsam dilectionem, quibus in
fine donabunt suam manifestationem. Est enim quaedam Dei manifestatio
interior, quam prorsus impii non noverunt : quibus Dei patris et spiritus
sancti manifestatio nulla est : filii vero esse potuit, sed in carne; quae
nec talis est qualis illa, nec semper illis adesse potest, sed ad modicum
tempus; et hoc ad iudicium, non ad gaudium; ad supplicium, non ad praemium;
unde sequitur et ad eum veniemus. Veniunt quidem ad nos dum venimus ad eos;
veniunt subveniendo, venimus obediendo; veniunt illuminando, venimus
intuendo; veniunt implendo, venimus capiendo; ut sit nobis eorum non extranea
visio, sed interna; et in nobis eorum non transitoria mansio, sed aeterna;
unde sequitur et mansionem apud eum faciemus. Gregorius. In quorumdam etenim corda venit, et
mansionem non facit : quia per compunctionem quidem respectum Dei percipiunt,
sed tentationis tempore hoc ipsum quod compuncti fuerant obliviscuntur,
sicque ad perpetranda peccata redeunt ac si haec minime planxissent. Qui ergo
Deum vere diligit, in eius corde dominus et venit et mansionem facit : quia
sic eum divinitatis amor penetrat ut ab hoc amore tentationis tempore non
recedat : ille enim vere amat cuius mentem delectatio prava ex consensu non
superat. Augustinus. An forte putabitur, mansionem in
dilectore suo facientibus patre et filio, exclusus esse ab hac mansione
spiritus sanctus? Quid est ergo quod superius ait de spiritu sancto : apud
vos manebit, et in vobis erit? Nisi forte quisquam sic absurdus est ut
arbitretur, cum pater et filius venerint, discessurum inde spiritum sanctum,
tamquam locum daturum maioribus. Sed et huic carnali cogitationi occurrit
Scriptura, cum dicit : ut maneat vobiscum in aeternum. In eadem ergo mansione
cum ipsis erit in aeternum : quia nec ille sine ipsis venit, nec illi sine eo
: sed propter insinuationem Trinitatis, personis singulis nominatis dicuntur
quaedam, non tamen aliis separatis intelliguntur, propter eiusdem Trinitatis
substantiam. Gregorius. Tanto autem quisque a superno amore
disiungitur, quanto inferius delectatur; unde subditur qui non diligit me,
sermones meos non servat. De dilectione ergo conditoris, lingua, mens et vita
requiratur. Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter totum.
Aestimavit Iudas sicut mortuos videmus in somno, ita et se eum esse visuros;
unde quaerit quid est quod debes te manifestare nobis, et non mundo? Quasi
dicat : vae nobis, quoniam morieris, et ut mortuus debes nobis assistere. Ne
igitur hoc suspicentur, dicit ego et pater ad eum veniemus; quasi dicat :
sicut pater manifestat seipsum, ita et ego : et mansionem apud eum faciemus;
quod somniorum non est. Sequitur et sermo quem audistis non est meus, sed
eius qui misit me patris; quasi dicat : non me solum, sed neque patrem amat
qui hunc non audit sermonem. Dicit autem hoc, quoniam nihil extra patrem
loquitur, neque praeter id quod illi videtur. Augustinus. Et fortasse propter aliquam
distinctionem, ubi suos dixit, pluraliter sermones dixit, dicens qui non
diligit me, sermones meos non servat. Ubi autem sermonem, hoc est verbum, non
suum esse dixit, sed patris, seipsum intelligi voluit; non enim suum, sed
patris est verbum; quomodo nec sua imago, sed patris; nec suus filius, sed
patris. Recte igitur auctori tribuit quod facit aequalis, a quo habet hoc
ipsum quod illi est indifferens et aequalis. Chrysostomus. Quia vero eorum quae dixerat, quaedam
manifesta erant et quaedam non intellexerunt, ut non turbarentur, subiungit
haec locutus sum vobis apud vos manens. Augustinus in Ioannem. Alia est illa mansio quam
promisit futuram, alia vero haec quam praesentem esse testatur : illa
spiritualis est, atque intrinsecus mentibus redditur; haec corporalis
forinsecus oculis atque auribus adhibetur. Chrysostomus in Ioannem. Ut autem eius corporalem
recessum facilius sustinerent, praeparat eos, promittens quod eius recessus
magnorum eis esset futura causa bonorum : quia donec ipse apud eos
corporaliter manebat et spiritus non venerat, nihil magnum poterant scire;
unde sequitur Paraclitus autem spiritus sanctus quem mittet pater in nomine
meo, ille vos docebit omnia, et suggeret vobis omnia quaecumque dixero vobis.
Gregorius in Evang. Graeca locutione Paraclitus,
Latina advocatus dicitur, vel consolator. Qui idcirco advocatus dicitur, quia
pro errore delinquentium apud iustitiam patris intervenit, dum eos quos
repleverit, exorantes facit. Consolator autem idem spiritus vocatur, quia de
peccati perpetratione moerentibus, dum spem veniae praeparat, ab afflictione
tristitiae mentem levat. Chrysostomus. Continue autem eum Paraclitum vocat
propter continentes eos tribulationes. Didymus de spiritu sancto. Spiritum autem sanctum a
patre in suo mitti nomine salvator affirmat, cum proprie nomen salvatoris sit
filius; siquidem naturae consortium, et, ut ita dicam, proprietas personarum
ex ista voce significatur. Filii quippe tantummodo est in nomine patris
venire, salva proprietate filii ad patrem, et patris ad filium. Nullus autem
alius venit in nomine patris; sed verbi gratia, in nomine domini, Dei, et omnipotentis.
Quomodo igitur servi qui in nomine domini veniunt, per hoc ipsum quod
subiecti sunt et serviunt, indicant dominum, servi quippe sunt domini; sic et
filius qui venit in nomine patris, portat eius nomen per hoc quod unigenitus
Dei filius approbatur. Quia ergo spiritus sanctus in nomine filii a patre
mittitur, ostendit quia unitate sit iunctus ad filium; unde et filii dictus
est spiritus, per adoptionem suam filios faciens eos qui se recipere
voluissent. Iste autem spiritus sanctus, qui venit in nomine filii missus a
patre, docebit omnia eos qui in fide Christi perfecti sunt : omnia autem illa
quae spiritualia sunt et intellectualia veritatis et sapientiae sacramenta.
Docebit vero, non sicut qui artes aliquas et sapientiam studio industriaque
didicere; sed quasi ipsa ars atque doctrina et sapientia, veritatis spiritus
invisibiliter menti insinuat scientiam divinorum. Gregorius. Nisi autem idem spiritus cordi adsit
audientis, otiosus est sermo doctoris. Nemo ergo docenti homini tribuat quod
ex ore docentis intelligitur : quia nisi intus sit qui doceat, doctoris
lingua exterius in vacuum laborat. Sed et ipse conditor non ad eruditionem
hominis loquitur, si eidem homini per unctionem spiritus non loquatur. Augustinus. Numquid autem dicit filius et docet
spiritus sanctus, ut dicente filio verba capiamus, docente autem spiritu
sancto, eadem verba intelligamus? Omnis igitur et dicit et docet Trinitas;
sed nisi etiam sigillatim commendaretur, eam nullo modo humana capere
utcumque posset infirmitas. Gregorius. Requirendum vero nobis est cur de eodem
spiritu dicatur suggeret vobis omnia, cum suggerere soleat esse minoris. Sed
quia suggerere aliquando dicimus subministrare, invisibilis spiritus
suggerere dicitur, non quod nobis scientiam ab imo inferat, sed ab occulto.
Augustinus. Vel quod addit suggeret, idest
commemorabit vos, intelligere debemus etiam, quod iubemur non oblivisci,
saluberrima monita ad gratiam pertinere, quae nos commemorat Christus. Theophylactus. Spiritus itaque sanctus et docuit et
commemoravit : docuit quidem quaecumque non dixerat eis Christus, tamquam non
valentibus portare; commemoravit vero quaecumque dominus dixerat; sed
obscuritatis causa vel intellectus tarditate, commendare memoriae nequiverunt.
Chrysostomus. Quia vero et haec audientes turbantur,
excogitantes odia et praelia sibi imminere post eius recessum, rursus eos
consolatur, dicens pacem relinquo vobis, pacem meam do vobis. Augustinus. Pacem nobis reliquit in hoc saeculo, in
qua manentes hostem vincimus, et ut etiam hic invicem diligamus; pacem suam
nobis dabit in futuro saeculo, quando sine hoste regnabimus, ubi nunquam
dissentire possimus. Pax autem nobis ipse est, et cum credimus quia est, et
cum videbimus eum sicuti est. Sed quid est quod ubi dicit pacem relinquo
vobis, non addit meam; ubi vero ait do vobis, ibi dixit meam? Utrum
subaudiendum est meam et ubi dictum non est; an forte et hic aliquid latet?
Pacem enim suam eam voluit intelligi qualem habet ipse; pax vero ista quam
nobis reliquit in hoc saeculo, nostra potius dicenda est quam ipsius. Illi
quippe nihil repugnat in seipso, quia nullum habet omnino peccatum; nos autem
talem pacem nunc habemus in qua adhuc dicamus : dimitte nobis debita nostra.
Itemque inter nos ipsos est nobis pax, quia invicem nobis credimus quod
invicem diligamus. Sed nec ipsa plena est, quia cogitationes cordis nostri
invicem non videmus. Nec ignoro ista domini verba etiam sic accipi posse, ut
eiusdem sententiae repetitio videatur. Quod vero dominus adiunxit non quomodo
mundus dat, ego do vobis, quid est aliud, nisi non quomodo homines dant qui
diligunt mundum? Qui propterea sibi dant pacem, ut sine molestia mundo
perfruantur : et quando iustis dant pacem ut non eos persequantur, pax esse
non potest vera ubi non est vera concordia, quia disiuncta sunt corda. Chrysostomus. Pax etiam exterior ad malum fit
multoties, et eis qui habent eam nihil prodest. Augustinus de Verb. Dom. Est autem pax serenitas
mentis, tranquillitas animi, simplicitas cordis, amoris vinculum, consortium
caritatis. Nec poterit ad hereditatem domini pervenire qui testamentum pacis
noluerit observare; nec potest concordiam habere cum Christo qui discors
voluerit esse cum Christiano. |
—
Saint
Augustin : (Traité 76 sur Saint Jean). Notre
Seigneur venait de dire : « Encore un
peu de temps, et le monde ne me verra plus, mais pour vous, vous me verrez. »
Judas, non pas le traître surnommé Iscariote, mais celui dont l'Epître est au
rang des Ecritures canoniques, Judas lui demande l’explication de ces paroles
: « Judas, non pas l'Iscariote, lui dit
: Seigneur, d'où vient que vous vous manifesterez à nous et non au monde ? »
Il lui demande donc la raison pour laquelle il doit se manifester, non pas au
monde, mais à ses disciples, le Seigneur lui donne cette raison, c'est qu'il
est aimé des uns et qu'il n'est pas aimé des autres. Jésus lui répondit : « Si quelqu'un m'aime, il gardera ma
parole, » —
Saint Grégoire : (hom. 30 sur les Evang). La
preuve de l'amour ce sont les œuvres; l'amour de Dieu ne peut jamais être
oisif, dès qu'il existe, il opère de grandes choses, s'il refuse d'agir, ce
n'est pas de l’amour. —
Saint Augustin : L'amour qui distingue les
saints des partisans du monde, est cet amour qui inspire un même esprit à
ceux qui habitent (Ps 68, 7) dans la maison où le Père et le Fils font
leur demeure, en répandant leur amour sur ceux à qui ils doivent se
manifester un jour. Il y a donc une certaine manifestation intérieure de
Dieu, complètement inconnue des impies, à qui Dieu le Père et l’Esprit
Saint ne se manifestent jamais. Quant au Fils, ils ont pu le voir, mais
seulement dans sa chair, cette manifestation ne ressemble nullement à
l'autre, elle ne peut d'ailleurs leur être toujours présente, elle ne dure
qu'un peu de temps, et loin d'être pour eux une cause de joie et de
récompense, elle est bien plutôt un principe de jugement et de condamnation :
« Et nous viendrons à lui. » Le
Père et le Fils viennent à nous, lorsque nous venons nous-mêmes à eux; ils
viennent à nous en nous secourant, nous venons à eux en obéissant à leur
inspiration, ils viennent à nous en nous comblant de leur lumière, nous
venons à eux en la contemplant, ils viennent à nous en nous remplissant de
leurs dons, nous venons à eux en les recevant. Cette vision n'a aucun rapport
avec les sens extérieurs, elle est tout intérieure, et cette demeure n'est
point passagère, elle est éternelle : « Et nous ferons en lui notre demeure. » —
Saint Grégoire : Dieu vient dans certaines
âmes et n'y fait pas sa demeure, parce que si le repentir leur fait tourner les
regards vers Dieu, elles oublient ce repentir aux approches de la tentation,
et retombent dans leurs anciens péchés, comme si elles ne les avaient jamais
pleurés. Celui donc qui aime Dieu d'un amour véritable, voit le Seigneur
venir en lui et y établir sa demeure, parce qu'il est tellement pénétré de
l'amour de Dieu, qu'il lui reste fidèle dans le temps même de la tentation,
et il aime véritablement Dieu, parce que le plaisir criminel ne peut
triompher de son âme en lui arrachant son consentement. —
Saint Augustin : Mais devons-nous admettre
que l'Esprit saint reste étranger à cette demeure que le Père et le Fils font
dans l'âme de celui qui les aime ? Alors que signifieraient ces paroles que
le Sauveur a dites précédemment de l'Esprit saint : « Il demeurera au
milieu de vous, et il sera en vous, » à moins qu'on ne pousse l'absurdité
jusqu'à penser que lorsque le Père et le Fils arrivent, le Saint-Esprit
s'éloigne comme pour laisser la place à ceux qui lui sont supérieurs ? La
sainte Ecriture va du reste au-devant de cette grossière objection,
lorsqu'elle dit : « afin qu'il demeure
en vous éternellement. » L'Esprit saint sera donc éternellement dans la
même demeure avec le Père et le Fils, parce qu'il ne peut venir sans eux, et
qu'ils ne peuvent venir sans lui. C'est pour établir la distinction des
personnes de la sainte Trinité, que quelques opérations sont attribuées
nominativement à chacune des personnes, mais il ne faut jamais en exclure les
autres personnes, parce qu'il n'y a qu'une seule et même nature dans la
Trinité. —
Saint Grégoire : Plus on se livre aux
plaisirs bas [et terrestres], plus on s'éloigne de l'amour des biens
célestes. « Celui qui ne m'aime pas,
poursuit Notre-Seigneur, ne garde point mes commandements. » L'amour du
Créateur exige donc le concours de la langue, du cœur et de la vie. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 75 sur Saint Jean). On
peut encore donner cette explication : Judas pensait qu'ils ne verraient le
Sauveur que comme nous voyons les morts pendant notre sommeil, et c'est pour
cela qu'il lui fait cette question : «
D'où vient que vous vous manifesterez à nous et non au monde ? » C'est-à-dire
: Malheur à nous ! Vous allez mourir,
et vous ne nous apparaîtrez plus que comme les morts ont coutume
d'apparaître. C'est pour détruire ce soupçon que Notre Seigneur leur dit : « Mon Père et moi, nous viendrons à
lui, » c'est-à-dire, de même que mon Père se manifestera lui-même, je me
manifesterai moi aussi ; « Et nous
ferons en lui notre demeure », ce qui éloigne toute idée de sommeil et de
songe; il ajoute : « Et la parole
que vous avez entendue n'est pas de moi, mais de mon Père, qui m'a envoyé. »
C'est-à-dire, celui qui n'écoute pas ma parole, n'aime ni mon Père, ni moi.
Le Sauveur s'exprime de la sorte, parce qu'il ne dit rien qui soit en dehors
de son Père, ou qui ne soit conforme à son bon plaisir. —
Saint Augustin : Peut-être est-ce pour
établir une distinction, que lorsqu'il s'agit de ses propres paroles, le
Sauveur parle au pluriel : « Celui qui
ne m'aime pas, ne garde pas mes commandements », tandis que lorsqu'il
parle au singulier de sa parole, c'est-à-dire du Verbe du Père, il ne dit
point que c'est sa parole, mais celle du Père, c'est-à-dire lui-même. En
effet, il n'est point son Verbe, mais le Verbe du Père; de même qu'il n'est
point son image, mais l'image du Père; de même qu'il n'est point son Fils,
mais le Fils du Père. C'est donc avec raison qu'il attribue à l'auteur de son
être ce qu'il fait comme étant son égal, puisque c'est de lui qu'il a reçu ce
qui lui donne cette parfaite égalité. —
Saint Jean Chrysostome : Parmi les choses que le
Sauveur venait de leur dire, les unes étaient claires, les autres étaient
restées incomprises; il ajoute donc, pour calmer le trouble de leur âme : « Je vous ai dit ceci, pendant que je
demeure avec vous. » —
Saint Augustin : (Traité 77) Cette
demeure qu'il vient de promettre pour l'avenir, est toute différente de celle
qu'il déclare exister actuellement. La première est toute spirituelle, et se
réalise au dedans de l'âme; l'autre est extérieure et accessible aux yeux du
corps comme au sens de l'ouïe. —
Saint Jean Chrysostome : Or, pour les préparer à
supporter plus patiemment la privation de sa présence corporelle, il leur
promet que son départ sera pour eux la cause des biens les plus abondants,
car tant qu'il restait au milieu d'eux d'une manière visible, sans que
l'Esprit saint vînt en eux, ils ne pouvaient comprendre aucune vérité
importante. Aussi Notre Seigneur ajoute : «
Mais le Paraclet, l'Esprit saint, que mon Père enverra en mon nom, vous
enseignera toutes choses, et vous rappellera tout ce que je vous ai dit. » —
Saint Grégoire : Le mot grec
παράkλητος veut dire en latin
avocat ou consolateur. L'Esprit saint est appelé avocat, parce qu'il
intercède auprès de la justice du Père en faveur des pécheurs qui se sont
égarés, et en inspirant l'esprit de prière à ceux qu'il remplit de ses dons.
On lui donne aussi le nom de consolateur, parce qu'il délivre de l'affliction
et de la tristesse les âmes que la pensée de leurs crimes plongent dans une
mer d'amertumes, en leur faisant entrevoir l'espérance du pardon. —
Saint Jean Chrysostome : Il leur représente encore
l'Esprit saint comme consolateur, en vue des tribulations dont ils allaient
être assaillis. — Didyme : (De l'Esprit saint, liv. 2) Le Sauveur affirme que l'Esprit
saint est envoyé par le Père en son nom, et le nom du Sauveur est celui de
Fils, qui exprime à la fois l'unité de nature et, pour ainsi dire, la
distinction des personnes. En effet, il est exclusivement le propre du Fils
de venir au nom du Père, en conservant les relations qui existent du Père le
Fils; aussi nul autre n'est venu au nom du Père, mais plusieurs sont venus au
nom du Seigneur Dieu tout-puissant. De même donc que les serviteurs qui
viennent au nom de leur maître rappellent le souvenir de leur maître, par
cela seul qu'ils sont ses serviteurs et ses subordonnés, ainsi le Fils qui
vient au nom de son Père porte [et rappelle] son nom par cela seul qu'il est
reconnu pour le Fils unique de Dieu. Par cela donc que l'Esprit saint est
envoyé par le Père au nom du Fils, il montre les liens étroits qui l'unissent
au Fils; aussi est-il appelé l'Esprit du Fils, et par la grâce de l'adoption,
il donne à ceux qui veulent le recevoir le titre et les droits d'enfants de
Dieu. Or, ce divin Esprit, qui est envoyé par le Père et qui vient au nom du
Fils, enseignera toutes choses à ceux dont la foi en Jésus-Christ est
parfaite, c'est-à-dire tous les mystères et les secrets spirituels de la
vérité et de la sagesse, et il les enseignera non comme les hommes enseignent
les arts et la sagesse, à force d'étude et d'habileté, mais cet Esprit de
vérité les enseignera comme étant lui-même par essence la doctrine et la
sagesse, et répandra invisiblement dans les âmes la science des choses
divines. —
Saint Grégoire : La parole de celui qui
enseigne demeure nécessairement infructueuse si l'Esprit saint n'est présent
dans le cœur de celui qui reçoit ses enseignements. Que personne donc
n'attribue à celui qui enseigne l'intelligence des vérités qui sortent de ses
lèvres, car sans la présence de ce maître intérieur, la langue de celui qui
enseigne travaille inutilement à l'extérieur. Le Créateur lui-même ne parle
point à l'homme pour son instruction, à moins que l'Esprit saint ne lui parle
on même temps par son onction. —
Saint Augustin : Mais est-ce donc que le Fils
parle et que l'Esprit saint enseigne, de manière que nous entendions les
paroles du Fils, et que l'enseignement de l'Esprit saint nous en donne
l'intelligence ? C’est donc la Trinité tout entière qui parle et qui
enseigne; mais si l'action de chacune des divines personnes ne nous était
présentée comme distincte et séparée, la faiblesse humaine ne pourrait en
aucune manière la comprendre. —
Saint Grégoire : (hom. 30). Examinons
encore pourquoi le Sauveur dit de l'Esprit saint : « Il vous suggérera toutes les choses, », ce qui parait
indiquer un ministère inférieur. Mais il faut nous rappeler que le mot
suggérer a quelquefois le sens de fournir, [de donner],
et on dit de l'Esprit invisible qu'il suggère, non qu'il nous
inspire la science puisée dans les régimes inférieurs, mais parce qu'il la
tire des profondeurs cachées aux yeux des hommes. —
Saint Augustin : Ou bien encore ces paroles :
« Il vous suggérera, » c'est-à-dire
il vous rappellera, doivent nous faire comprendre que c'est pour nous un
devoir de ne jamais oublier que ses salutaires enseignements ont pour objet [et
pour fin] la grâce que l'Esprit nous remet en mémoire. — Théophylactus : L'Esprit saint a donc tout ensemble enseigné et remis en mémoire; il a
enseigné les vérités que Jésus-Christ n'avait pas voulu faire connaître à ses
disciples, parce qu'ils n'étaient pas capables de les comprendre; et il les a
fait ressouvenir de celles que le Sauveur leur avait enseignées, mais dont
ils avaient perdu la mémoire par suite de l'obscurité des choses elles-mêmes
ou de la lenteur de leur intelligence. —
Saint Jean Chrysostome : Ces discours du divin Maître
jetaient le trouble dans leur âme, en leur représentant les persécutions et les
combats qu'ils auraient à soutenir après que Jésus les aurait quittés; il les
console donc le nouveau en leur disant : «
Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. » —
Saint Augustin : Il nous laisse la paix dans
ce monde, afin qu'elle nous serve à vaincre nos ennemis et à nous aimer les
uns les autres, tant que nous demeurons ici-bas; il nous donnera sa paix dans
le siècle futur, où nous régnerons sans avoir à craindre ni les attaques des
ennemis, ni les dissentiments avec nos frères. Or, c'est lui-même qui est
notre paix, et lorsque nous croyons qu'il est et lorsque nous le verrons tel
qu'il est. Mais pourquoi, lorsqu'il dit à ses disciples : « Je vous laisse la paix, » ne dit-il
point : Ma paix, tandis que dans la proposition suivante il dit : « Je vous donne ma paix » ? Devons-nous
sous-entendre ce pronom ma dans la phrase où il n'est pas exprimé ? Ou
bien y a-t-il ici quelque vérité cachée ? Par sa paix, il veut que nous
entendions celle dont il jouit lui-même. Quant à la paix qu'il nous laisse
pendant cette vie, c'est plutôt notre paix que la sienne. Le Sauveur n'a en
lui aucun élément de guerre intérieure, parce qu'il n'y a en lui aucun péché;
tandis que la paix que nous pouvons avoir en ce monde ne nous empêche pas de
dire : « Pardonnez-nous nos
péchés. » De même encore la paix règne entre nous, parce que nous croyons
à l'amour mutuel que nous avons les uns pour les autres; mais cette paix
n'est point parfaite, parce que nous ne pouvons pénétrer réciproquement les
pensées secrètes de nos cœurs. Je sais toutefois que l'on peut entendre ces
paroles du Sauveur dans le sens d'une simple répétition de la même pensée. Il
ajoute : « Je ne vous la donne pas
comme le monde la donne », c'est-à-dire, je ne la donne pas comme la
donnent les hommes qui aiment le monde. Ils s'accordent mutuellement la paix,
afin de pouvoir jouir des biens de ce monde sans inquiétude [et sans crainte]
; et s'ils laissent la paix aux justes en ce sens qu'ils ne les persécutent
pas, ce ne peut être une paix véritable, parce qu'il ne peut y avoir de
véritable entente là où les cœurs sont séparés. —
Saint Jean Chrysostome : D'ailleurs, la paix qui
n'est qu'extérieure est souvent très dangereuse, et n'est d'aucune utilité
pour ceux qui la possèdent. —
Saint Augustin : (serm. 59 sur les par. du
Seign). La paix, c'est la sérénité de l'âme, la tranquillité de l'esprit,
la simplicité du cœur, le lien de l'amour, l'union intime de la charité;
celui qui n'aura point voulu observer ce divin testament de la paix, ne
pourra parvenir à l'héritage du Seigneur, et il ne peut espérer d'être en
paix avec Jésus-Christ, s'il est en guerre avec un de ses frères en Jésus-Christ. |
Lectio 8 |
Versets 27-31 |
[86113] Catena in Io., cap. 14 l. 8 Chrysostomus
in Ioannem. Quia dixerat : pacem relinquo vobis, quod erat recedentis, hoc
poterat eos conturbare, ideo dicit non turbetur cor vestrum, neque formidet :
quoniam haec quidem ex dilectione, illa vero ex formidine patiebantur. Augustinus in Ioannem. Hinc autem turbari et
formidare poterat cor illorum, quod ibat ab eis, quamvis venturus ad eos, ne
forsitan gregem lupus hoc intervallo invaderet pastoris absentia; unde
sequitur audistis quia ego dixi vobis : vado, et venio ad vos. Ibat autem per
id quod homo erat, et manebat per id quod Deus erat. Cur itaque turbaretur et
formidaret cor, quando sic deserebat oculos ut non desereret cor? Ut autem
intelligerent secundum id quod homo erat, eum dixisse vado, et venio ad vos,
subiecit atque ait si diligeretis me, gauderetis utique quia vado ad patrem,
quia pater maior est. Per quod ergo filius non est aequalis patri, per hoc
erat iturus ad patrem, a quo et venturus est, iudicaturus vivos et mortuos;
per illud autem in quo est aequalis gignenti, nunquam recedit a patre, sed
cum illo est ubique totus pari divinitate, quam nullus continet locus. Ipse
ergo filius Dei aequalis patri in forma Dei, quia semetipsum exinanivit, non
formam Dei amittens, sed formam servi accipiens, maior est etiam seipso :
quia maior est forma Dei, quae amissa non est, quam forma servi, quae accepta
est. Haec igitur est forma servi, in qua Dei filius minor est non patre solo,
sed etiam spiritu sancto : secundum hanc formam servi puer Christus etiam
parentibus minor erat, quando parvus maioribus, sicut scriptum est, subditus
erat. Agnoscamus igitur geminam substantiam Christi; divinam scilicet, qua
aequalis est patri; et humanam, qua maior est pater. Utrumque autem simul,
non duo, sed unus est Christus, ne sit quaternitas sed Trinitas Deus. Ideo
ergo dixit si diligeretis me, gauderetis utique, quia vado ad patrem : quia
naturae humanae gratulandum est, eo quod sic assumpta est a verbo unigenito
ut immortalis constitueretur in caelo, atque ita fieret terra sublimis, ut
incorruptibilis pulvis sederet ad dexteram patris. Quis non hinc gaudeat, qui
sic diligit Christum, ut suam naturam iam immortalem gratuletur in Christo,
atque ipsum speret futurum esse per Christum? Hilarius de Trin. Vel aliter. Si donantis
auctoritate pater maior est, numquid per doni confessionem minor filius est?
Maior itaque donans est, sed minor iam non est cui unum esse donatur. Chrysostomus. Vel aliter. Nondum noverant apostoli
quid sit resurrectio, quam praedixerat dicens vado, et venio ad vos; neque
qualem oportebat de eo opinionem, habebant; patrem vero magnum esse
aestimabant. Dicit igitur eis : etsi de me formidatis quod me defendere
nequeam, nec confiditis quod post crucem rursus vos videam; tamen audientes
quoniam ad patrem vado, laetandum vobis est, quoniam ad maiorem vado, et
potentem omnia versuta dissolvere. Haec autem omnia ad imbecillitatem
discipulorum dicebantur : et ideo subdidit et nunc dixi vobis priusquam fiat,
ut cum factum fuerit, credatis. Augustinus in Ioannem. Quid est hoc, cum magis
credere homo debeat antequam fiat id quod credendum est? Haec est enim laus
fidei, si quod creditur non videtur : nam et ille cui dictum est : quia
vidisti, credidisti, aliud vidit, aliud credidit : vidit hominem, credidit
Deum. Sed si dicuntur credi quae videntur, sicut dicit unusquisque oculis
suis se credidisse, non tamen ipsa est quae in nobis aedificatur fides; sed
ex rebus quae videntur, acquiritur in nobis, ut ea credantur quae non
videntur. Illud itaque dicit cum factum fuerit, quod eum post mortem visuri
erant viventem et ad patrem ascendentem; quo viso, fuerant credituri quod
ipse esset Christus filius Dei, qui hoc potuit facere, et praedicere antequam
faceret; credituri autem hoc, non fide nova, sed aucta; aut certe cum mortuus
esset, defecta; cum resurrexisset, refecta. Hilarius. Gloriae autem resumendae meritum continuo
subiecit dicens iam non multa loquar vobiscum. Beda. Ideo hoc dicebat, quoniam iam instabat tempus
ut comprehenderetur, et ad mortem traderetur. Venit enim princeps mundi huius.
Augustinus. Quis nisi Diabolus? Non autem
creaturarum, sed peccatorum princeps est Diabolus. Unde apostolus cum
dixisset : adversus rectores mundi sequenti verbo exposuit quid dixisset
mundi, cum subiungit : tenebrarum harum, idest hominum impiorum. Et in me non
habet quidquam. Quia neque cum peccato Deus venerat, nec eius carnem de
peccati propagine virgo pepererat. Et tamquam ei diceretur : cur ergo
morieris, si non habes peccatum, cui debetur mortis supplicium? Continuo
subiungit sed ut cognoscat mundus quia diligo patrem, et sicut mandatum dedit
pater, sic facio; surgite, eamus hinc. Discumbens enim discumbentibus
loquebatur. Eamus autem dixit ad illum locum unde fuerat tradendus ad mortem
qui nullum habebat meritum mortis, sed habebat, ut moreretur, mandatum patris.
Augustinus contra Arianos. Quod autem voluntati et
praecepto patris obediens est filius nec in hominibus demonstrat diversam
imparemque naturam patris praecipientis et filii obedientis. Huc accedit quod
Christus non tantum Deus est, qua natura aequalis est patri, sed etiam homo,
qua natura minor est patre. Chrysostomus. Vel hoc quod dicit surgite, eamus
hinc, principium est alterius sententiae : consequens enim erat eos formidare
et a tempore et a loco, in villa manifeste existentes : etenim nox profunda
erat; et erat consequens eos non attendere his quae dicebantur; sed semper
circumvolvere oculos, et imaginari eos qui aggressuri eos erant, et maxime
audientes : adhuc modicum vobiscum sum, et : venit princeps mundi huius. Quia
igitur haec et huiusmodi audientes, turbabantur, ut mox capiendi, ducit eos
in locum alium, ut aestimantes se in cautela esse, cum otio de reliquo
audiant : magna enim dogmata erant audituri. |
—
Saint Jean Chrysostome : (hom. 75 sur Saint Jean). Ces
paroles du Sauveur à ses disciples : «
Je vous laisse ma paix, » leur faisaient pressentir son départ et
pouvaient leur inspirer un sentiment de trouble; il se hâte donc de leur dire
: « Que votre cœur ne se trouble point
et ne s'effraie point. » Ce double sentiment était produit en eux l'un
par l'amour, l'autre par la crainte. —
Saint Augustin : (Traité 78 sur Saint Jean). Ce
qui pouvait être pour eux une cause de trouble et d'effroi, c'est que Jésus
les quittait (quoiqu'il dût revenir), et que pendant cet intervalle, le loup
pouvait profiter de absence du pasteur pour fondre sur le troupeau : « Vous avez entendu, leur dit le Sauveur,
que je vous ai dit : Je m'en vais et reviens à vous. » Il s'en allait en
tant qu'homme, et il restait en tant que Dieu. Mais pourquoi ce trouble et
cet effroi, puisqu'en se dérobant à leurs regards, Jésus n'abandonnait pas
leur cœur ? Or, pour leur faire comprendre que c'était comme homme qu'il leur
avait dit : « Je m'en vais et je
reviens à vous », il ajoute : « Si
vous m'aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je m'en vais à mon Père, car
le Père est plus grand que moi». C'est en tant qu'il n'était pas égal au
Père, que le Fils devait aller à son Père, d'où il devait revenir juger les
vivants et les morts. Mais en tant qu'il est égal à celui qui l'a engendré,
il ne se sépare jamais de son Père, mais il est tout entier avec lui en tout
lieu en vertu de cette divinité qu'aucun lieu ne peut limiter. Aussi le Fils
de Dieu, égal à son Père dans la forme de Dieu (car il s'est anéanti lui-même
sans perdre la forme de Dieu, mais en prenant la forme de serviteur), (Ph 2),
est plus grand que lui-même, puisque la forme et la nature de Dieu qu'il n'a
point perdues, sont plus grandes que la forme et la nature de serviteur qu'il
a prises. A ne considérer que cotte forme de serviteur, le Fils de Dieu est
inférieur, non seulement au Père, mais à l'Esprit saint; sous ce rapport de
serviteur, Jésus-Christ enfant était inférieur à ses parents, puisqu'il leur
était soumis dans son enfance, comme l'Evangile nous l'apprend. (Lc 2)
Reconnaissons donc en Jésus-Christ deux natures, la nature divine, qui le
fait égal au Père, et la nature humaine, qui le rend inférieur au Père. Or,
ces deux natures ne font point deux Christs, mais un seul Christ; de sorte
qu'il n'y a pas en Dieu quaternité, mais trinité. Or, Notre Seigneur dit : « Si vous m'aimiez, vous vous réjouiriez de
ce que je m'en vais à mon Père. » Félicitons, en effet, la nature
humaine, de ce que le Fils unique de Dieu a daigné la prendre pour la placer
dans les cieux, au sein de l'immortalité, de ce que la terre a été élevée si
haut, et de ce que la poussière, devenue incorruptible, s'est assise à la
droite le Dieu le Père. Qui ne se réjouirait, s'il aime Jésus-Christ, qui
n'applaudirait de voir sa nature revêtue de l'immortalité dans la personne du
Christ, et d'espérer obtenir lui-même un jour cette immoralité par les
mérites de Jésus-Christ ? —
Saint Hilaire : (de la Trin., 9) Ou bien encore, si le
Père est plus grand que moi, en vertu de l'autorité de celui qui donne,
est-ce que le Fils ne lui est pas inférieur, par-là même qu'il reconnaît
avoir reçu de son Père ? Oui, celui qui donne est plus grand, mais le Fils
n'est pas inférieur, puisque son Père lui donne d'être un seul et même Dieu
avec lui. —
Saint Jean Chrysostome : On peut encore donner cette
explication : Les Apôtres ne savaient pas encore en quoi consistait cette
résurrection qu'il leur avait prédite, en leur disant : « Je m'en vais et je reviens à vous, » et ils l'avaient pas
encore de lui une idée convenable, tandis qu'ils regardaient le Père comme
infiniment plus grand [et plus élevé]. Il leur dit donc : « Vous craignez que
je ne sois pas assez puissant pour me secourir moi-même, et vous ne pouvez
croire que je revienne vous voir après ma mort sur la croix; mais au moins
vous devriez vous réjouir de m'entendre dire que je vais à mon Père qui est
plus grand que moi, et qui est assez puissant pour renverser tous les
obstacles. » Il accommodait ainsi son langage à la faiblesse de ses
disciples, et c'est pour cela qu'il ajoute : « et je vous le dis maintenant, avant que cela arrive, afin que
quand ce sera arrivé, vous croyiez. » —
Saint Augustin : (Traité 79 sur Saint Jean). Que
veulent dire ces paroles ? Est-ce que l'homme ne doit pas croire bien plutôt
ce qui lui est proposé comme l'objet de sa foi avant son accomplissement ? Le
véritable mérite de la foi, c'est de croire ce qu'on ne voit point, car cet
Apôtre à qui Jésus a dit : « Vous avez
cru parce que vous avez vu, » il a vu une chose et en a cru une
autre, il a vu en Jésus-Christ un homme, et il a cru qu'il était Dieu. On dit
bien, il est vrai, qu'on croit ce que l'on voit, qu'on en croit à ses propres
yeux, mais ce n'est point là cette foi qui s'établit dans nos cœurs; les
choses que nous voyons ne sont que le moyen par lequel nous croyons celles
que nous ne voyons pas. Ces paroles : «
Quand cela sera arrivé, » signifient donc qu'après qu'il sera mort, ils
le verront de nouveau plein de vie, et montant vers son Père, et qu'en le
voyant ils croiront fermement qu'il était le Christ, fils de Dieu, qui a pu
opérer un tel prodige et le prédire avant de l'accomplir. Et ils le devaient
croire, non d'une foi nouvelle, mais d'une foi plus complète, ou si l'on
veut, d'une foi qui avait faibli au moment de sa mort, mais qui s'était
ranimée lors de sa résurrection. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 9) Notre Seigneur leur fait
connaître ensuite ce qui devait lui mériter la gloire qui devait suivre sa
mort : « Je ne vous parlerai plus
guère. » —
Saint Bède : Il s'exprime de la sorte,
parce que le moment approchait où on allait se saisir de sa personne et le
mettre à mort : « Car le prince de ce
monde vient. » —
Saint Augustin : Quel est ce prince du monde
si ce n'est le démon ? Il n'est point toutefois le prince de toutes les
créatures, mais seulement des pécheurs. Aussi lorsque l'Apôtre nous dit : « Nous avons à combattre..... contre les
princes de ce monde, » (Ep 6, 12) il ajoute : « de ce monde de ténèbres, » c'est-à-dire, du monde composé des
hommes impies, « et il n'a rien en moi,
» parce que le Fils de Dieu était venu sans péché, et la très sainte
Vierge n'avait pas conçu et enfanté sa chair d'une source empoisonnée par le
péché. Mais alors, pouvait-on lui dire : Pourquoi devez-vous souffrir la
mort, si vous êtes sans péché, puisque la mort est la peine du péché ? Il
prévient cette objection en ajoutant : «
Mais afin que le monde connaisse que j'aime mon Père, et que selon le
commandement que mon Père m'a donné, ainsi je fais; levez-vous, sortons
d'ici. » En effet, il était encore à table avec ses disciples, lorsqu'il
leur adressait le discours qui précède; il dit : « Allons, » en se dirigeant vers le lieu où on devait se
saisir de sa personne pour le livrer à la mort, bien qu'il n'eût aucunement
mérité la mort; mais son Père lui commandait de mourir, [et il voulait donner
l'exemple de l'obéissance par amour]. —
Saint Augustin : (contr. le disc. des Ar., 2) L'obéissance du Fils, à
la volonté et aux ordres de son Père, n'est point une preuve même parmi les
hommes, de la diversité et de l'inégalité de nature entre le Père qui
commande et le Fils qui obéit, et il y a ici quelque chose de plus, c'est que
Jésus-Christ n'est pas seulement Dieu, en quoi il est égal à son Père, mais
il est homme aussi, et par conséquent d'une nature inférieure à celle de son
Père. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 76 sur Saint Jean). On
peut dire encore que ces paroles : «
Levez-vous, sortons d'ici, » sont le commencement d'un autre ordre
d'idées. Le temps, comme le lieu, étaient pour les disciples une cause
naturelle de crainte. Ils étaient dans un endroit connu et ouvert de toutes
parts; la nuit était profonde, et ils ne prêtaient qu'une médiocre attention
aux paroles du Sauveur, tournant les yeux de côté et d'autre, et s'imaginant
toujours voir entrer ceux qui devaient les attaquer. Ce que le Sauveur venait
de leur dire : « Je ne vous parlerai
plus guère », et « le
prince de ce monde est venu, » ajoutait à leur frayeur. Jésus les voyant
sous cette impression en entendant ses paroles, les conduit dans un autre
lieu, où la pensée qu'ils étaient plus en sûreté leur laisserait plus de
liberté d'esprit pour écouter attentivement les grandes vérités qu'il avait à
leur révéler. |
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Caput 15 |
CHAPITRE XV
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Lectio 1 |
Versets 1 |
[86114] Catena in Io., cap. 15 l. 1 Hilarius de Trin. Ad
consummandae corporeae passionis sacramentum per dilectionem efficiendi
mandati paterni festinat exurgens; corporeae tamen assumptionis statim mysterium
pandens, per quam ei tamquam in vite modo palmitis inessemus, adiecit ego sum
vitis vera. Augustinus in Ioannem. Quod secundum hoc dicit quod
est caput Ecclesiae, nosque membra eius, homo Christus Iesus. Unius quippe
naturae sunt vitis et palmites. Sed cum dicit ego sum vitis vera, numquid ut
adderet vera, ad eam vitem retulit, unde ista similitudo translata est? Sic
autem dicitur vitis per similitudinem, non per proprietatem : sicut agnus,
ovis et cetera huiusmodi : ut magis ipsa sint vera, ex quibus ducuntur istae
similitudines. Sed dicendo ego sum vitis vera, ab illa se discernit cui
dicitur : quomodo conversa es in amaritudinem, vitis aliena? Nam quo pacto
est vitis vera quae expectata est ut faceret uvam, fecit autem spinas? Hilarius. Sed a corporeae huius humilitatis
assumptione formam paternae maiestatis alienans, agricolam patrem curiosum
huius vitis ostendit, dicens et pater meus agricola est. Augustinus de Verb. Dom. Colimus enim Deum, et colit
nos Deus; sed sic Deum colimus, ut non meliorem eum faciamus; colimus enim
eum adorando, non arando; quod autem ille nos colit, meliores nos reddit.
Cultura ipsius est in nos, quod non cessat verbo suo extirpare mala semina de
cordibus nostris, aperire cor nostrum tamquam aratro sermonis, plantare
semina praeceptorum expectare fructum pietatis. Chrysostomus in Ioannem. Et quia Christus sibi
sufficit, discipuli vero multo indigent agricolae auxilio; propterea de vite
nihil dicit, sed de palmitibus, cum subdit omnem palmitem in me non ferentem
fructum, tollet eum. Fructum autem hic vitam occulte insinuat, ostendens quod
sine operibus non potest aliquid esse in eo. Hilarius. Inutiles autem et inveraces palmites
desecans, deputabit arsuros. Chrysostomus. Et quia etiam qui valde virtuosi sunt,
indigent agricolae opere, adiungit et omnem qui fert fructum, purgabit eum,
ut fructum plus afferat. Hoc dixit propter tribulationes eorum quae tunc
inducebantur, ostendens quod tentationes fortiores eos faciebant; sicut et
purgare, hoc est circumcidere palmitem, eum magis germinare facit. Augustinus. Quis autem est in hac vita sic mundus ut
non sit magis magisque mundandus? Ubi si dixerimus quia peccatum non habemus,
nosmetipsos seducimus. Mundat itaque mundos, idest fructuosos, ut tanto sint
fructuosiores quanto sunt mundiores. Secundum hoc ergo vitis est Christus
quod ait : pater maior me est; secundum illud autem quod ait supra : ego et
pater unum sumus, et ipse agricola est; nec talis quales sunt qui extrinsecus
operando exhibent ministerium, sed talis ut det intrinsecus incrementum :
unde continuo etiam seipsum mundatorem palmitum ostendit, dicens iam vos
mundi estis propter sermonem quem locutus sum vobis. Ecce ipse mundator est
palmitum : quod est agricolae, non vitis officium. Sed quare non ait : mundi
estis propter Baptismum quo abluti estis, nisi quia et in aqua verbum mundat?
Detrahe verbum : et quid est aqua nisi aqua? Accedit verbum ad elementum, et
fit sacramentum. Unde ista tanta virtus aquae ut corpus tangat et cor
abluatur, nisi faciente verbo, non quia dicitur, sed quia creditur? Nam in
ipso verbo aliud est sonus transiens, aliud virtus immanens. Hoc verbum fidei
tantum valet in Ecclesia Dei ut per ipsum credentem, offerentem,
benedicentem, tingentem mundet infantem, quamvis credere non valentem. Chrysostomus. Vel dicit mundi estis, propter
sermonem quem locutus sum vobis; idest, interim lumen doctrinae iam
suscepistis, et a Iudaico errore eruti estis. |
—
Saint Hilaire : (de la Trin., 9) Notre
Seigneur se lève et se hâte d'aller consommer le mystère de sa passion par
l'amour qui le porte à exécuter les ordres de son Père. Cependant il veut
expliquer auparavant le mystère de son incarnation, en vertu de laquelle nous
lui sommes unis, comme les branches sont unies à la vigne : « Je suis la vraie vigne, » dit-il à
ses disciples. —
Saint Augustin : (Traité 80 sur Saint Jean). Le Sauveur parle ici comme étant le
chef de l'Eglise, dont nous sommes les membres, [comme le médiateur entre
Dieu et les hommes,] Jésus-Christ homme. (1 Tm 5) En effet, les branches de
la vigne sont de même nature que la tige. Mais lorsque Notre Seigneur dit : « Je suis la vraie vigne, » a-t-il
ajouté le mot vraie par opposition à la vigne, qu'il prend ici pour terme de
comparaison ? Car on lui donne le nom de vigne dans un sens figuré et non au
littéral, de même qu'on lui donne les noms d'agneau, de brebis et d'autres
encore, où la réalité extérieure existe bien plutôt dans les choses qui sont
prises comme objets de comparaison. En disant : « Je suis la vraie vigne, » il a donc voulu se séparer de cette
vigne, à laquelle Dieu dit, par son Prophète : « Comment vous êtes-vous changée en amertume, ô vigne étrangère ? »
(Jr 2, 21). Et comment serait-elle la vraie vigne, elle qui, au lieu de
fruits qu'on attendait, n'a produit que des épines ? (Is 5) —
Saint Hilaire : (de la Trin., 9) Mais le
Sauveur a soin de distinguer la majesté divine de son Père de l'humble nature
dont il s'est revêtu dans son incarnation, et il le représente comme étant le
vigneron intelligent qui cultive cette vigne : « et mon Père est le vigneron. » —
Saint Augustin : Nous cultivons Dieu, et Dieu
nous cultive; mais nous cultivons Dieu non pour le rendre meilleur, nous le
cultivons en l'adorant et non en le labourant; tandis que Dieu nous cultive
pour nous rendre meilleurs que nous ne sommes; c'est notre âme qui est
l'objet de cette culture, et il ne cesse d'extirper tous les mauvais germes
de notre cœur, de l'ouvrir par sa parole comme avec le soc de la charrue, d'y
jeter la semence de ses commandements, et d'en attendre le fruit de la piété. —
Saint Jean Chrysostome : Mais Jésus-Christ se suffit
à lui-même, tandis que les disciples ont un grand besoin de l’aide du
laboureur; aussi ne dit-il rien de la vigne elle-même, il ne parle que des
branches : « Toute branche qui ne porte
point de fruit en moi, il la retranchera. » Il nous fait comprendre, sans
le dire, que ce fruit, c’est la vie de la grâce, et Notre Seigneur nous
apprend ainsi que sans les oeuvres, nous ne pouvons lui être unis. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 9) Quant aux
branches inutiles et infructueuses, il les coupera et les jettera au feu. —
Saint Jean Chrysostome : Ceux mêmes qui sont arrivés
à une haute vertu ont besoin de l'opération de ce [céleste] vigneron, et
c'est pour cela qu'il ajoute : « et la
branche qui porte du fruit il l'émondera, afin qu'elle en porte davantage. »
Il veut parler ici des tribulations qui les attendaient, et il leur enseigne
que les épreuves les rendront plus vigoureux, de même qu'on rend la branche
de la vigne plus féconde en la taillant et en l'émondant. —
Saint Augustin : Mais qui peut se glorifier
d'être si pur dans cette vie, qu'il n'ait point besoin d'être purifié encore
davantage, puisque si nous disons que nous n'avons pas de péché, nous nous
trompons nous-mêmes ? (1 Jn 1, 1) Dieu purifie donc ceux qui sont déjà purs,
afin que cette pureté plus grande, soit aussi la cause d'une plus grande
fécondité. Or, Notre Seigneur Jésus-Christ est la vigne, sous le même rapport
qui lui fait dire : « Mon Père est plus
grand que moi. » (Jn 14) Mais lorsqu'il dit : « Mon Père et moi ne sommes qu'un, » (Jn 10) il est également le
vigneron. Et il n'est point vigneron, comme ceux qui ne peuvent que donner
leur travail extérieur, son opération va jusqu'à produire l'accroissement
intérieur. Aussi se représente-t-il aussitôt comme, celui qui émonde aussi la
vigne : « Déjà, leur dit-il, vous êtes purs, à cause des paroles que
je vous ai dites. » Voilà donc qu'il émonde les branches, ce qui est
l'office du vigneron et non de la vigne. Mais pourquoi ne dit-il pas : Vous
êtes déjà purs, à cause, du baptême dans lequel vous avez été lavés ? Parce
que, dans l'eau du baptême, c'est la parole qui purifie. Otez la parole, et
l'eau n'est plus que de l'eau [ordinaire]. La parole vient se joindre à l'eau,
et forme de sacrement. Or, d'où peut venir à l'eau cette si grande vertu de
purifier le cœur en touchant le corps, si ce n'est de la parole, et non pas
de la parole simplement dite, mais de la parole qui est crue ? Il faut
distinguer, en effet, dans la parole, le son qui passe de la vertu qui
demeure. Cette parole de la foi a une telle puissance dans l'Eglise de Dieu,
que par celui qui croit, qui offre, qui bénit, qui répand l'eau, elle purifie
l'enfant, qui est encore incapable de croire —
Saint Jean Chrysostome : Ou bien encore, tel est le
sens de ces paroles : Vous êtes purs, à cause des paroles que je vous ai
dites. C'est-à-dire, vous avez reçu la lumière de la doctrine, et vous êtes
délivrés des erreurs judaïques. |
Lectio 2 |
Versets 2-7 |
[86115] Catena in Io., cap. 15 l. 2 Chrysostomus
in Ioannem. Quia iam mundos eos dixerat propter sermonem quem locutus
fuerat eis, docet quod oportet de reliquo incipere ea quae ab eis sunt; et
ideo dicit manete in me et ego in vobis. Augustinus in Ioannem. Non eo modo illi in ipso,
sicut ipse in illis : utrumque enim prodest, non ipsi, sed illis : ita sunt
quippe in vite palmites ut viti non conferant, sed inde accipiant unde
vivant; ita vero vitis est in palmitibus ut vitale alimentum subministret
eis, non sumat ab eis; ac per hoc, ut manentem in se haberent Christum, et
manerent in Christo, discipulis prodest utrumque, non Christo; unde subdit
sicut palmes non potest ferre fructum a semetipso nisi manserit in vite, sic
nec vos nisi in me manseritis. Magna gratiae commendatio. Corda instruit
humilium, ora obstruit superborum. Nonne huic resistunt veritati, ad bona
opera facienda Deum sibi necessarium non putantes, non assertores, sed
praecipitatores liberi arbitrii? Qui enim a semetipso se fructum aestimat
ferre, in vite non est; qui in vite non est, in Christo non est; qui in
Christo non est, Christianus non est. Alcuinus. Omnis enim fructus boni operis ab illa
radice procedit, qui nos sua gratia liberavit, et suo auxilio provehit, ut
fructum plus afferre valeamus : unde cum repetitione et superiorum
explanatione subdit ego sum vitis et vos palmites. Qui manet in me, credendo,
obediendo, perseverando, et ego in eo, illuminando, subveniendo,
perseverantiam donando, hic, et non alius, fert fructum multum. Augustinus. Sed ne quisquam putaret saltem parvum
aliquem fructum posse a semetipso palmitem ferre, subdit quia sine me nihil
potestis facere. Non ait : parum potestis facere : quia nisi palmes in vite
manserit et vixerit de radice, quantumlibet fructum a semetipso non potest
ferre. Quamvis autem Christus vitis non esset nisi homo esset; tamen istam
gratiam palmitibus non praeberet, nisi etiam Deus esset. Chrysostomus. Vide ergo filium non minus patre
conferentem ad discipulorum procurationem : nam pater quidem purgat; ipse
vero in se tenet quod facit palmites fructificare. Sed tamen et purgare filii
monstratum est esse, et manere in radice est patris, qui radicem genuit.
Igitur magnum quidem damnum est nihil posse facere; verum non usque ad hoc
sistit, sed ulterius producit sermonem, dicens si quis in me non manserit,
mittetur foras sicut palmes, id est agricolae non potietur manus, et arescet,
hoc est, si quid habebat a radice, amittet, denudatus eius auxilio et vita :
et colligent eum; Alcuinus : messores Angeli, et in ignem, aeternum
scilicet, mittent et ardet. Augustinus. Ligna enim vitis tanto sunt
contemptibiliora si in vite non manserint, quanto gloriosiora si manserint.
Unum ex duobus palmiti congruit, aut vitis, aut ignis : si in vite non est,
in igne erit. Chrysostomus. Deinde ostendens quid est manere in
eo, subdit si manseritis in me et verba mea in vobis manserint, quodcumque
volueritis petetis, et fiet vobis. Eam enim quae per opera ostensionem
quaerit. Augustinus. Tunc enim sunt dicenda verba eius in
nobis manere, quando facimus quae praecepit et diligimus quae promisit.
Quando autem verba eius manent in memoria nec inveniuntur in vita, non
computatur palmes in vite, quia vitam non attrahit ex radice. Quid autem
velle possunt manendo in salvatore nisi quod non alienum est a salute? Aliud
quippe volumus quia sumus in Christo, et aliud volumus quia sumus adhuc in
hoc saeculo. De mansione autem huius saeculi nobis aliquando subrepit ut hoc
petamus quod nobis non expedire nescimus. Sed absit ut faciat nobis, si
maneamus in Christo, qui non facit quando petimus nisi quod expedit nobis. Ad
verba autem eius pertinet oratio pater noster, ab huius orationis verbis et
sensibus non recedamus in petitionibus nostris; et quidquid petimus, fiet
nobis. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 75 sur Saint Jean) Après leur avoir déclaré qu'ils étaient
purs à cause des instructions qu'il leur avait données, il leur enseigne à
faire ce qui dépend d'eux pour prêter leur concours à la grâce : « Demeurez en moi, et moi en vous. » —
Saint Augustin : (Traité 81 sur Saint Jean.) Ils n'étaient pas en lui de la même
manière qu'il était en eux, car cette union réciproque ne pouvait être utile
qu'à eux seuls, pas à lui. Les branches sont unies étroitement à la vigne,
mais sans lui rien communiquer; tandis que c'est d'elle qu'ils tirent le
principe de leur vie. La vigne, au contraire, est unie aux branches de
manière à leur communiquer sa sève vivifiante, sans rien recevoir d'eux.
Ainsi cette demeure de Jésus-Christ dans les apôtres et des apôtres dans
Jésus-Christ, n'a d’autre but que leur avantage et non celui de Jésus-Christ.
C'est pour cela qu'il ajoute : « De
même que la branche ne peut porter de fruit si elle ne demeure unie à la
vigne, ainsi vous ne le pouvez non plus si vous ne demeurez en moi. »
Quel magnifique éloge de la grâce ! Comme il est propre à instruire les cœurs
des humbles et à fermer la bouche des superbes ! N'est-ce pas contredire
cette vérité que de ne pas croire à la nécessité d'un secours divin pour
faire le bien, [et ceux qui sont dans cette erreur que font-ils ?] Loin
d'affirmer et de défendre le libre arbitre, ils ne font que le ruiner. Celui
qui s'imagine pouvoir porter du fruit par lui-même, n'est pas uni à la vigne;
celui qui n'est pas dans la vigne n'est pas dans Jésus-Christ, et celui qui
n'est pas dans Jésus-Christ n'est pas chrétien. —
Alcuin : Tout le fruit des bonnes
oeuvres vient comme de sa racine, de celui qui nous a délivrés par sa grâce,
et nous donne par son secours une force nouvelle pour nous faire produire du
fruit en plus grande abondance. Aussi Notre Seigneur revient sur cette
vérité, en lui donnant un plus grand développement : « Je puis la vigne, et vous êtes les branches; si quelqu'un demeure
en moi (par la foi, l'obéissance, la persévérance), et moi en lui, (par les lumières que je répands dans son âme,
par ma grâce et le don de persévérance),
celui-là, (à l'exclusion de tout autre), portera beaucoup de fruit. » —
Saint Augustin : Et que personne ne s'imagine
que la branche puisse produire par elle-même quelque peu de fruit, car Notre
Seigneur ajoute : « Sans moi, vous ne
pouvez rien faire. » Il ne dit pas : Vous pourrez faire peu de chose, car
si la branche ne demeure attachée à la vigne, et ne tire de sa racine la sève
qui lui donne la vie, elle ne peut, d’elle-même, absolument produire aucun
fruit. Or, bien que Jésus-Christ ne pût être la vigne s'il n'était homme,
cependant il ne pourrait communiquer une si grande vertu aux branches s'il
n'était également Dieu. —
Saint Jean Chrysostome : Vous voyez que le Fils
procure autant de grâces aux disciples que le Père. Le Père émonde les
branches, le Fils les tient unies avec lui, et leur donne ainsi la vertu de
produire des fruits. Et cependant nous avons vu qu'il appartient aussi au
Fils d'émonder, de même que le Père qui a engendré la racine, nous donne
aussi de demeurer attaché à la racine; c'est donc déjà un grand malheur que
de ne pouvoir rien faire absolument; toutefois Notre Seigneur ne s'arrête pas
là, et il ajoute : « Celui qui ne demeure
pas en moi, sera jeté comme le sarment (c'est-à-dire, qu'il n'aura aucune
part aux soins du vigneron), et il
séchera (c'est-à-dire, qu'il perdra le peu de sève qu'il avait reçue de
la racine, et qu'il sera privé de tout secours et de la vie), et on le ramassera. » —
Alcuin : (Ce sont les anges qui le
recueilleront), et on le jettera au feu éternel, et il brûlera. —
Saint Augustin : Car plus le bois de la vigne
est précieux, s'il demeure uni à la vigne, plus il est méprisable s'il vient
à en être détaché, il n'y a pour la branche d'autre alternative que d'être
unie à la vigne ou d'être jetée dans le feu. Si elle ne reste point attachée
à la vigne, elle sera jetée au feu; [qu'elle demeure donc unie à la vigne
pour éviter le feu]. —
Saint Jean Chrysostome : Notre Seigneur explique
ensuite ce que c'est que de demeurer en lui : « Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous, vous
demanderez tout ce que vous voudrez, et il vous sera accordé. » Ce qu'il
demande, c'est le témoignage des œuvres. —
Saint Augustin : Ses paroles demeurent en
nous, lorsque nous accomplissons ses commandements et que nous aimons ses
promesses, mais si ses paroles ne restent que dans la mémoire, et qu'on n'en
trouve aucune trace dans la vie, le sarment ne fait plus partie de la vigne,
parce qu'il ne tire plus sa vie de la racine. Or, que peuvent vouloir ceux
qui demeurent dans le Sauveur, que ce qui a rapport à leur salut ? En effet,
ce que nous voulons lorsque nous sommes unis à Jésus-Christ, est tout
différent de ce que nous voulons, lorsque nous sommes encore attachés au
monde. Il arrive quelquefois que la partie de nous-mêmes qui demeure encore
dans le monde, nous suggère des prières dont nous ne voyons pas l'opposition
avec notre salut, mais loin de nous la pensée que nous obtenions ce que nous
demandons, si nous demeurons en Jésus-Christ, qui n'exauce que les prières
qui nous sont utiles. La prière du Notre Père fait partie des paroles de
Jésus-Christ, dont il est ici question, prenons donc soin de ne pas nous
écarter dans nos demandes des paroles et de l'esprit de cette prière, et tout
ce que nous demanderons nous sera infailliblement accordé. |
Lectio 3 |
Versets 8-11 |
[86116] Catena in Io., cap. 15 l. 3 Chrysostomus in
Ioannem. Ostendit supra dominus quoniam qui eis insidiabantur, ardebunt,
non manentes in Christo; deinde ostendens quoniam ipsi inexpugnabiles erunt,
ita scilicet ut multum fructificent, ait in hoc clarificatus est pater meus
ut plurimum fructum afferatis; quasi dicat : si ad gloriam patris pertinet
quod vos fructificetis, non contemnet gloriam suam. Qui autem fructum facit,
ille est discipulus Christi; unde subdit et efficiamini mei discipuli. Theophylactus. Fructus autem apostolorum sunt
gentes, quae per eorum doctrinam astrictae sunt fidei, nec non ad Dei
redactae sunt gloriam. Augustinus in Ioannem. Sive enim clarificatus, sive
glorificatus dicatur, ex uno verbo Graeco utrumque translatum est. Doxa enim
Graece dicitur, Latine gloria est. Quod ideo commemorandum putavi, ne hoc
nostrae gloriae tribuamus, tamquam ex nobis ipsis habeamus : eius est enim
haec gratia; et ideo in hoc non nostra, sed eius est gloria. A quo enim
faciemus fructum nisi ab illo cuius misericordia praevenit nos? Unde subditur
sicut dilexit me pater, et ego dilexi vos. Ecce unde sunt nobis opera bona;
nam unde nobis essent, nisi quia fides per dilectionem operatur? Unde autem
diligeremus, nisi prius diligeremur? Quod autem ait sicut dilexit me pater,
et ego dilexi vos, non aequalitatem naturae ostendit nostrae et suae, sicut
est patris et ipsius; sed gratiam, qua mediator est Dei et hominum, homo
Christus Iesus. Mediator quippe monstratur, cum dicit pater dilexit me, et
ego dilexi vos : nam pater utique diligit et nos, sed in ipso. Chrysostomus. Si igitur pater amat nos, confidite :
si patris est gloria, fructificate. Deinde ut non pigros eos faciat, subdit
manete in dilectione mea. Qualiter autem hoc erit, ostendit subdens si
praecepta mea servaveritis, manebitis in dilectione mea. Augustinus. Quis ambigat quod dilectio praecedat
observantiam praeceptorum? Unde enim praecepta servet, non habet qui non
diligit. Quod ergo hic ait, ostendit non unde dilectio generetur, sed unde
monstretur; ut nemo se fallat dicendo quod eum diligat, si eius praecepta non
servat. Quamvis quod dicit manete in dilectione mea, non apparet quam dixerit
dilectionem : utrum qua eum diligimus, an qua ipse nos diligit; sed ex verbo
superiori dignoscitur; dixerat quippe ego dilexi vos, et continuo subiecit
manete in dilectione mea, illa utique qua dilexit eos. Quid est ergo manete
in dilectione mea, nisi manete in gratia mea? Et quid est si praecepta mea
servaveritis, manebitis in dilectione mea, nisi ex hoc scietis quod in
dilectione mea, qua vos diligo, manetis, si mea praecepta servatis. Non ergo
ut nos diligat, prius praecepta eius servamus; sed nisi nos diligat,
praecepta eius servare non possumus. Haec est gratia quae humilibus patet,
superbos latet. Sed quid illud est quod adiungit sicut et ego praecepta
patris mei servavi et maneo in eius dilectione? Utique eam hic dilectionem
patris intelligi voluit, qua eum diligit pater. Sed numquid et haec gratia
intelligenda est qua pater diligit filium, sicut gratia est qua nos diligit
filius; cum simus nos filii gratia, non natura, unigenitus autem natura, non
gratia? An hoc etiam in ipso filio ad hominem referendum est? Ita sane : nam
dicendo sicut dilexit me pater, et ego dilexi vos, gratiam mediatoris
ostendit; mediator autem Dei et hominum, non inquantum Deus, sed inquantum
homo, est Christus. Igitur hoc recte possumus dicere, quod cum ad naturam Dei
non pertineat humana natura, ad personam tamen filii Dei per gratiam
pertinet, qua nulla est maior, nulla prorsus aequalis. Neque enim illam
susceptionem ulla hominis merita praecesserunt, sed ab illa susceptione merita
eius cuncta coeperunt. Alcuinus. Quae autem praecepta dixerit, exponit
apostolus dicens : Christus factus est obediens patri usque ad mortem, mortem
autem crucis. Chrysostomus in Ioannem. Deinde quia futura passio
et tristia verba interruptura erant eorum laetitiam, subiungit haec locutus
sum vobis, ut gaudium meum in vobis sit, et gaudium vestrum impleatur; quasi
dicat : et si incidat tristitia, hanc auferam, ut ad finem veniat gaudium.
Augustinus in Ioannem. Quod est autem gaudium
Christi in nobis, nisi quod dignatur gaudere de nobis? Et quod est gaudium
nostrum, quod dicit implendum, nisi eius habere consortium? Gaudium autem iam
ipse perfectum de nobis habebat, quando nos praesciendo et praedestinando
gaudebat; sed illud gaudium in nobis non erat, quia nec nos, in quibus esse
posset, eramus; coepit autem esse in nobis quando vocavit nos. Et hoc gaudium
nostrum merito dicimus, quo nos beati futuri sumus; quod inchoatur in fide
renascentium, implebitur in praemio resurgentium. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 75 sur Saint Jean). Notre Seigneur venait de déclarer à
ses disciples, que ceux qui lui tendaient des embûches et ne demeuraient pas
en Jésus-Christ, seraient condamnés au feu; il leur prédit maintenant qu'ils
seront à l'épreuve de toutes les attaques, et qu'ils porteront beaucoup de
fruits : « C'est la gloire de mon Père que vous portiez beaucoup de fruit,
» c'est-à-dire : si la gloire de mon Père est intéressée à ce que
vous portiez du fruit, il ne négligera pas sa gloire; or, celui qui produit
du fruit est disciple de Jésus-Christ, comme l'ajoute Notre Seigneur : « et
que vous deveniez mes disciples. » — Théophylactus : Le fruit que devaient porter les Apôtres sont les nations qu'ils ont
enchaînées à la foi par leurs enseignements, et dont ils ont fait autant
d'instruments de la gloire de Dieu. —
Saint Augustin : (Traité 82 sur Saint Jean). Que l'on traduise, c'est l'honneur ou
la gloire, clarificatus, sive glorificatus,
l'un et l'autre de ces deux mots sont la traduction du même mot grec δόζα,
en latin, gloria, gloire; j'ai cru utile de faire cette remarque, pour
que nous ne soyons pas tentés de tourner à notre propre gloire le mérite de
nos bonnes oeuvres, comme s'il venait de nous, car il vient de sa grâce, et
nous devons en renvoyer la gloire non pas à
nous, mais à lui. Qui pourrait, en effet, nous faire produire du
fruit, si ce n'est celui dont la miséricorde nous a prévenus ? Aussi le
Sauveur ajoute-t-il : « Comme mon Père m'a aimé, moi aussi je vous ai
aimés. » Voilà pour nous le principe de toutes les bonnes oeuvres, et
d'où pourraient-elles venir, si ce n'est de la foi qui opère par la charité ?
Et comment aurions-nous pu l'aimer, s'il ne nous aimait le premier ? Quant à
ces paroles : « Comme mon Père m'a aimé, moi aussi je vous aime, »
elles n'emportent pas l'égalité de nature entre nous et Jésus-Christ, comme
elle existe entre son Père et lui, elles signifient simplement la grâce du
médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ homme. C'est cette médiation
qu'il veut exprimer, lorsqu'il dit : « Comme mon Père m'a aimé, moi aussi
je vous ai aimés, » car le Père nous aime aussi, mais en Jésus-Christ. —
Saint Jean Chrysostome : Si donc le Père vous aime,
prenez confiance, et s'il y va de la gloire du Père, efforcez-vous de
produire du fruit. Et pour prévenir toute négligence de leur part, il ajoute
: « Demeurez dans mon amour. » Comment ? « Si vous gardez mes
commandements, vous demeurerez dans mon amour.» —
Saint Augustin : Qui doute que l'amour ne
précède l'observation des commandements ? Celui qui n'aime pas, n'a aucun
motif de garder les commandements. Ce n'est donc point le principe et la
cause, mais les effets de l'amour que le Sauveur veut nous indiquer ici, afin
que personne ne s'illusionne en affirmant qu'il aime Dieu, sans garder ses
commandements ? Toutefois ces paroles : « Demeurez dans mon amour, »
ne précisent pas de quel amour Notre Seigneur veut parler, de celui que nous
avons pour lui, ou de celui qu'il a pour nous; et ce n'est que par ce qui
précède que nous pouvons le savoir. En effet, après avoir dit : « Je vous
ai aimés, » il ajoute aussitôt : « Demeurez dans mon amour, »
c'est-à-dire, dans l'amour dont il les a aimés. Or, que signifient ces
paroles : « Demeurez dans mon amour » ? persévérez dans ma grâce.
Et que veut-il dire quand il ajoute : « Si vous gardez mes commandements,
vous demeurerez dans mon amour ? » Le signe certain que vous persévérez
dans l'amour que j'ai pour vous, c'est la fidélité à observer mes
commandements. Ce n'est donc point pour mériter son amour que nous observons
ses commandements, mais nous ne pouvons les observer, s'il ne nous aime [le
premier]. C'est la grâce qui est révélée aux humbles et qui demeure cachée
aux superbes. Mais quel est le sens des paroles suivantes : « Comme
moi-même j'ai gardé les commandements de mon Père, et je demeure dans son
amour ? » Le Sauveur veut aussi parler de l'amour que son Père a pour
lui. Mais devons-nous entendre que le Père aime son Fils par grâce, dans le
même sens que nous sommes redevables à la grâce de l'amour du Fils, alors que
nous sommes les enfants de Dieu, non par nature, mais par grâce, tandis que
le Fils unique est Fils par nature et non par grâce ? Ou bien faut-il
entendre ces paroles du Fils de Dieu fait homme ? Oui, sans doute, car ces
paroles : « Comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous aime, »
expriment la grâce du médiateur; or c’est comme homme et non comme Dieu que
Jésus-Christ est médiateur entre Dieu et les hommes. Nous pouvons donc, dire
en toute vérité, que bien que la nature humaine n'ait point de rapport avec
la nature divine, cependant elle a été unie à la personne du Fils de Dieu,
par un effet de la grâce, et d'une grâce si extraordinaire, qu'il n'en est ni
de plus grande, ni même d'égale. En effet, cette union [de la nature divine
avec la nature humaine], n'est la récompense d'aucun mérite de la part de
l'homme, et c'est de cette union, au contraire, que les mérites des hommes
ont découlé comme de leur source. —
Alcuin : Or l'Apôtre nous apprend de
quels préceptes le Sauveur a voulu ici parler lorsqu'il dit : «
Jésus-Christ s'est rendu obéissant à son Père jusqu'à la mort, et jusqu'à la
mort de la croix. » (Ph 2, 8). —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 77 sur Saint Jean). Mais comme sa passion qui approchait
et de tristes paroles étaient de nature à troubler et interrompre leur joie;
le Sauveur ajoute : « Je vous ai dit ces choses afin que ma joie soit en
vous, et que cette joie soit pleine [et parfaite], » c'est-à-dire :
bien que la tristesse doive s'emparer de vous, je la dissiperai et je la
changerai à la fin en joie. —
Saint Augustin : (Traité 83). Quelle est
cette joie de Jésus-Christ en nous, si ce n'est celle dont il daigne se
réjouir à notre propos ? Et quelle est notre joie dont il nous prédit le
parfait accomplissement, si ce n'est la participation à son propre bonheur ?
La joie qu'il avait à notre sujet était déjà parfaite, quand il nous
prédestinait dans sa prescience divine, mais cette joie n'était pas encore en
nous, parce que nous n'existions pas encore. Elle a commencé à être en nous,
lorsqu'il nous a appelés à la foi, et nous disons à juste titre que cette
joie est notre joie, puisque c'est elle qui doit faire un jour notre
félicité, elle commence avec la foi qui nous régénère, elle sera pleine et
parfaite avec la résurrection qui sera notre récompense. |
Lectio 4 |
Versets 12-16
|
[86117] Catena in Io., cap. 15 l. 4 Theophylactus.
Quia praedixerat, quod si mandata mea custodieritis, tunc in me
permanebitis; hic ostendit quae mandata observare oporteat, dicens hoc est
praeceptum meum, ut diligatis invicem. Gregorius in Evang. Cum autem cuncta sacra eloquia
dominicis sint plena praeceptis, quid est quod de dilectione quasi de
speciali mandato hic dicit, nisi quia omne mandatum de sola dilectione est,
et omnia praecepta unum sunt? Quia quidquid praecipitur, in sola caritate
solidatur. Ut enim multi arboris rami ex una radice prodeunt, sic multae
virtutes ex una caritate generantur; nec habet aliquid viriditatis ramus boni
operis, si non manet in radice caritatis. Augustinus in Ioannem. Ubi ergo caritas est, quid
est quod possit deesse? Ubi autem non est, quid est quod possit prodesse?
Discernitur autem ita dilectio ab ea qua se invicem diligunt homines sicut
homines : unde adiunctum est sicut dilexi vos. Ut quid enim nos dilexit
Christus, nisi ut possimus regnare cum Christo? Ad hoc ergo et nos invicem
diligamus, ut dilectionem nostram discernamus a ceteris, qui non ad hoc se
invicem diligunt ut Deus diligatur, quia nec vere diligunt. Qui autem se
propter habendum Deum diligunt, ipsi se diligunt. Gregorius. Una autem et summa est probatio
caritatis, si et ipse diligatur qui adversatur : nam et ipsa veritas et
crucis patibulum sustinet, et tamen ipsis suis persecutoribus affectum
dilectionis impendit, dicens : pater, ignosce illis, quia nesciunt quid
faciunt. Cuius dilectionis summam exprimit cum subiungit maiorem hac
dilectionem nemo habet, quam ut animam suam ponat quis pro amicis suis. Mori
pro inimicis dominus venerat : et tamen positurum se animam pro amicis
dicebat, ut nobis ostenderet quia, cum diligendo lucrum facere de inimicis
possumus, etiam ipsi amici sunt qui persequuntur. Augustinus in Ioannem. Quia ergo superius dixerat :
hoc est praeceptum meum ut diligatis invicem sicut dilexi vos, fit ex hoc
consequens quod idem Ioannes dicit, ut quemadmodum Christus pro nobis animam
suam posuit, sic et nos debemus animas pro fratribus ponere. Hoc martyres
ardenti dilectione fecerunt; ideo ad mensam Christi non sic eos commemoramus
quemadmodum alios, ut etiam pro eis oremus; sed magis ut eorum vestigiis
haereamus. Talia enim suis fratribus exhibuerunt qualia de domini mensa
pariter acceperunt. Gregorius. Qui vero tranquillitatis tempore non dat
pro Deo tunicam suam, qualiter in persecutione daturus est animam suam?
Virtus ergo caritatis ut invicta sit in perturbatione, nutriatur per
misericordiam in tranquillitate. Augustinus de Trin. Ex una autem eademque caritate
Deum proximumque diligimus; sed Deum propter Deum, nos autem et proximum
propter Deum. Cum ergo duo sint praecepta caritatis, in quibus tota lex
pendet et prophetae, dilectio Dei et proximi; non immerito plerumque
Scriptura pro utroque unum ponit : quia qui diligit Deum, consequens est ut
faciat quae praecepit Deus; consequens ergo est ut proximum diligat, quia et
hoc praecepit Deus; unde et hic sequitur vos amici mei estis, si feceritis
quae ego praecipio vobis. Gregorius Moralium. Amicus quippe quasi animae
custos dicitur : unde non immerito qui voluntatem Dei custodire in praeceptis
illius dicitur, eius amicus vocatur. Augustinus in Ioannem. Magna
dignatio. Cum servus bonus esse non possit, si praecepta domini sui non
fecerit; hinc amicos suos voluit intelligi, unde boni servi possunt probari.
Potest igitur esse et servus et amicus qui servus est bonus. Quomodo autem
intellecturi sumus et servum et amicum esse servum bonum, declarat cum subdit
iam non dicam vos servos, quia servus nescit quid faciat dominus eius. Itaque
tunc servi non erimus quando boni servi fuerimus. Numquid servo bono et
probato dominus eius non etiam sua secreta committit? Sed sicut sunt duo
timores, sic sunt duae servitutes. Est timor quem perfecta caritas mittit
foras, in quo etiam est servitus simul foras cum ipso timore mittenda; et est
alius timor castus, permanens in saeculum saeculi. Ad primam ergo servitutem
servos pertinentes intuebatur dominus dicens iam non dicam vos servos, quia
servus nescit quid faciat dominus eius : non ille utique servus ad timorem
pertinens castum, cui dicitur : euge, serve bone (..). intra in gaudium domini
tui; sed ille servus pertinens ad timorem foras a caritate mittendum, de quo
alibi dicitur : servus non manet in domo in aeternum : filius autem manet in
aeternum. Quoniam itaque dedit nobis potestatem filios Dei fieri, ut miro
modo servi, non servi esse possimus, hoc dominum facere scimus. Hoc servus
ille nescit, qui nescit quid faciat dominus eius; et cum aliquid boni facit,
sic extollitur quasi hoc ipse faciat, et non dominus eius; et in se, et non
in domino gloriatur. Sequitur vos autem dixi amicos, quia omnia quaecumque
audivi a patre meo, nota feci vobis. Theophylactus. Quasi dicat : servus non novit
consilia sui domini; vos autem cum amicos reputem, secreta mea vobis
communicavi. Augustinus in Ioannem. Quo autem pacto intellecturi
sumus, omnia eum nota fecisse discipulis quaecumque audivit a patre, cum
propterea multa non dicat eis quia scit eos modo portare non posse? Sed omnia
se nota fecisse discipulis dicit, quae se novit nota esse facturum in illa
plenitudine, de qua dicit apostolus : tunc cognoscam sicut et cognitus sum.
Sicut enim mortalitatem carnis et salutem animarum futuram expectamus, ita
omnium notitiam quaecumque unigenitus audivit a patre, futuram expectare
debemus. Gregorius in Evang. Vel omnia quae audivit a patre,
quae nota fieri voluit servis suis, sunt gaudia internae caritatis et festa
supernae patriae, quae nostris quotidie mentibus per aspirationem sui amoris
imprimit : dum enim audita superna caelestia amamus, amata iam novimus, quia
amor ipse notitia est. Omnia ergo nota eis fecerat, quia a terrenis
desideriis immutati, amoris summi facibus ardebant. Chrysostomus in Ioannem. Vel omnia dicit quaecumque
eos audire oportebat. Per hoc autem quod dicit se audisse, ostendit quod
nihil alienum loquitur, sed quae patris. Gregorius. Sed quisque ad hanc pervenit dignitatem
ut amicus Dei vocetur, dona quae percipit super se, non suis meritis tribuat;
unde subditur non vos me elegistis, sed ego elegi vos. Augustinus in Ioannem. Haec est ineffabilis gratia :
quid enim eramus quando Christum nondum elegeramus, nisi iniqui et perditi?
Neque enim credideramus in eum, ut eligeret nos : nam si credentes elegit,
eligentes elegit. Hic certe vacat vana illorum ratio qui ideo nos dicunt
electos ante mundi constitutionem, quia praescivit nos Deus futuros bonos,
non seipsum nos facturum bonos : quoniam si propterea nos elegisset quia
bonos futuros esse praescierat, simul etiam praescisset quod eum nos
fuissemus prius electuri : non enim aliter possumus esse boni; nisi forte
dicendus est bonus qui non elegit bonum. Quid ergo elegit in non bonis? Non
est ut dicas : ideo electus sum quia iam credebam; si enim credebas in eum,
iam elegeras eum. Nec est ut dicas : antequam crederem iam bona operabar,
ideo electus sum. Quid enim est boni operis ante fidem? Quid ergo dicturi
sumus, nisi quia mali eramus, et electi sumus ut boni per gratiam nos
eligentis essemus? Augustinus de Praedest. Sanct. Electi sunt itaque
ante mundi constitutionem ea praedestinatione in qua Deus sua futura facta
praescivit; electi autem de mundo ea vocatione qua Deus id quod
praedestinavit implevit : quos enim praedestinavit, hos et vocavit. Augustinus in Ioannem. Et videte quemadmodum non
eligat bonos, sed quos elegit, faciat bonos; nam sequitur et posui vos ut eatis
et fructum afferatis. Iste est fructus de quo iam dixerat : sine me nihil
potestis facere. Ipse est via, in qua nos posuit, ut eamus. Gregorius. Posui ergo vos, scilicet ad gratiam
plantavi, ut eatis volendo, quia velle iam mente ire est; et fructum afferatis
operando. Qualem vero fructum afferre debeant significat cum addit et fructus
vester maneat : omne enim quod secundum praesens saeculum laboramus, vix
usque ad mortem sufficit : mors namque interveniens fructum nostri laboris
abscindit. Quod vero pro aeterna vita agitur, etiam post mortem servatur; et
tunc apparere incipit, cum laborum carnalium fructus coeperit non videri.
Tales ergo fructus operemur qui maneant, qui, cum mors cuncta interimat, ipsi
exordium a morte sumant. Augustinus. Dilectio ergo est fructus noster; quae
nunc est in desiderio, nondum in saturitate. Et ipso desiderio quodcumque
petierimus in nomine unigeniti filii, dat nobis pater; unde sequitur ut
quodcumque petieritis patrem in nomine meo, det vobis. Hoc petimus in nomine
salvatoris quod pertinet ad rationem salutis. |
—
Théophylactus : Notre Seigneur avait prédit à ses disciples que s'ils observaient ses
commandements, ils demeureraient dans son amour, il leur enseigne ici quels
sont les commandements qu'ils doivent observer : « Voici mon commandement,
c'est que vous vous aimiez les uns les autres. » —
Saint Grégoire : (hom. 27 sur les Evang).
Toutes les pages des saintes Écritures sont remplies des commandements de
Dieu, comment donc, le Sauveur nous recommande-t-il ici le précepte de
l'amour comme le précepte spécial, si ce n'est parce que tous les
commandements ont pour but unique la charité, et qu'ils se réduisent tous à
un seul, parce que tout précepte ne peut s'appuyer solidement que sur la
charité ? De même que toutes les branches de l'arbre sortent d'une seule
racine, ainsi toutes les vertus sont produites par la charité, et les
branches, figure des bonnes oeuvres, ne peuvent se couvrir de verdure, si
elles ne sont unies à la racine de la charité. [Les commandements du Seigneur
sont nombreux et variés, quant à la diversité des oeuvres, mais ils se
réduisent à un seul, si l'on considère la racine du la charité qui les
produit.] —
Saint Augustin : (Traité 83 sur Saint Jean). Là où est la charité, quelle chose
peut nous manquer ? mais si la charité n'existe pas, quelle compensation peut
nous rester ? Or, cette charité est distincte de l'amour que les hommes ont
les uns pour les autres, en tant qu'ils sont hommes, [et Notre Seigneur prend
soin d'établir cette distinction, en ajoutant] : « comme je vous ai aimés.
» car dans quel dessein Jésus-Christ nous a-t-il aimés, si ce n'est pour
nous faire régner avec lui [dans les cieux] ? Aimons-nous donc les uns les
autres pour le même motif, afin que notre amour nous sépare de ceux dont l'amour
réciproque n'a point pour fin l'amour de Dieu, et qui ne s'aiment pas
véritablement. Ceux au contraire qui s'aiment les uns les autres pour tendre
d'un commun accord à la possession de Dieu, s'aiment d'un amour véritable. —
Saint Grégoire : La grande et unique preuve
d'amour, c'est d'aimer ceux qui nous sont opposés. C'est ainsi que la vérité
elle-même, tout en souffrant le supplice ignominieux de la croix, donne à ses
persécuteurs un témoignage touchant d'amour dans cette prière : « Mon
Père, Pardonnez-leur, parce qu'ils ne savent ce qu'ils font. » (Lc 23)
amour porté au plus haut degré, comme il le dit lui-même : « Personne ne
peut avoir un plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. »
Notre Seigneur était venu mourir pour ses ennemis, et cependant il déclare
qu'il doit donner sa vie pour ses amis, et il nous apprend ainsi que lorsque
nous pouvons gagner nos ennemis par notre affection, nos persécuteurs
eux-mêmes deviennent nos amis. —
Saint Augustin : (Traité 84) Le Sauveur avait
dit précédemment : « Voici mon commandement, c'est que vous vous aimiez
les uns les autres comme je vous ai aimés, » la conséquence de ce
précepte se trouve exprimée dans la première Epître de saint Jean : « De
même que Jésus-Christ a donné sa vie pour nous, nous devons aussi donner
notre vie pour nos frères. » (1 Jn 3, 16). C'est ce que les martyrs ont
fait dans leur ardent amour [pour Jésus-Christ]; aussi à la table de
Jésus-Christ, nous n'en faisons pas mémoire comme des autres fidèles, en
priant pour eux; mais nous les prions bien plutôt de nous obtenir la grâce de
marcher sur leurs traces, car ils ont donné à leurs frères le témoignage
d'amour qu'ils avaient reçu eux-mêmes de la table du Seigneur. —
Saint Grégoire : Mais comment celui qui, en
temps de paix, ne peut sacrifier sa tunique pour Dieu, pourra-t-il donner sa
vie lorsque viendra la persécution ? Si donc la vertu de charité veut être
invincible au moment de l'épreuve, il faut qu'en temps de paix elle se
nourrisse et s'entretienne par l'exercice de la miséricorde. —
Saint Augustin : (de la Trin., 8, 8). C'est
par la seule et même vertu de charité que nous aimons Dieu et notre prochain,
avec cette unique différence que nous aimons Dieu pour Dieu, et que nous
aimons le prochain et nous-mêmes pour Dieu. On comprend donc que bien qu'il y
ait deux préceptes de charité qui renferment toute la loi et les prophètes
(c'est-à-dire l'amour de Dieu et l'amour du prochain), l'Ecriture cite
souvent l'un pour l'autre, parce qu'en effet, celui qui aime Dieu, est
disposé à faire ce que Dieu lui commande; il doit donc aimer son prochain
pour obéir au commandement que Dieu lui en fait. Et c'est pour cela que Notre
Seigneur ajoute : « Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous
commande. » —
Saint Grégoire : Un ami, amicus, est
comme le gardien de l'âme, animi custos, et voilà pourquoi celui qui
garde la volonté de Dieu en accomplissant ses préceptes, est appelé son ami à
juste titre. —
Saint Augustin : (Traité 85 sur Saint Jean). Quelle admirable condescendance !
comme on ne peut être bon serviteur si l'on n'accomplit les préceptes de son
maître, il veut que le caractère spécial des bons serviteurs, soit aussi le
signe distinctif de ses amis. Le bon serviteur peut donc à la fois être
serviteur et ami. Mais comment comprendre que le bon serviteur puisse réunir
à la fois les deux titres de serviteur et d'ami, le Sauveur l'explique
lui-même : « Je ne vous appellerai plus serviteur, parce que le serviteur
ne sait pas ce que fait son maître. » Est-ce à dire que nous cesserons
d'être serviteurs, parce que nous serons de bons serviteurs ? Est-ce qu'un
maître ne confie pas aussi ses secrets à un serviteur, dont il a mis la
fidélité à l'épreuve ? Je réponds qu'il y a deux sortes de servitudes, comme
il y a deux sortes de craintes. Il y a la crainte que la charité parfaite
bannit complètement du cœur (1 Jn 4, 18); et cette crainte entraîne avec elle
la servitude qu'il faut mettre dehors avec la crainte; et il y a une autre
crainte pure, celle qui demeure éternellement. (Ps 18) Notre Seigneur avait
donc en vue ceux qui servent sous l'impression de la première servitude,
lorsqu'il dit : « Je ne vous appellerai plus serviteurs, parce que le
serviteur ne sait pas ce que fait son maître, ». Il ne veut point parler
de ce serviteur animé d'une crainte chaste, et à qui son maître dit : «
Courage, bon serviteur, entrez dans la gloire de votre Seigneur » (Mt 24),
mais du serviteur qui agit par ce sentiment de crainte que l'amour parfait
chasse du cœur, et dont il est dit ailleurs : « Le serviteur ne demeure
pas toujours dans la maison, mais le fils y demeure éternellement. »
Puisque donc Dieu nous a donné le pouvoir d'être ses enfants (Jn 1), ne
soyons plus serviteurs, soyons des enfants, de sorte que par une admirable
transformation, nous soyons serviteurs sans être serviteurs; or, nous savons
que c'est le Seigneur qui produit ce changement ineffable, tandis que le
serviteur qui ne sait pas ce que fait son maître, l'ignore. Lorsqu'il fait
quelque bien, il s'élève comme s'il en était l'unique auteur, et se glorifie
en lui-même, plutôt que de renvoyer toute la gloire à son maître. « Je vous ai appelés mes amis, parce que tout ce que
j'ai entendu de mon Père, je vous l'ai fait connaître. » — Théophylactus : C'est-à-dire, le serviteur ne connaît pas les pensées de son maître,
mais pour vous que je considère comme mes amis, je vous ai communiqué tous
mes secrets. —
Saint Augustin : (Traité 86 sur Saint Jean). Mais dans quel sens devons-nous
entendre qu'il a fait connaître à ses disciples tout ce qu'il a entendu dire
à son Père ? Il y a sans doute beaucoup de choses que le Sauveur n'a point
dites à ses disciples, parce qu’il savait qu'ils n'étaient pas capables de
les comprendre; mais il dit qu'il leur a fait connaître toutes les vérités
qu'il sait leur devoir un jour révéler avec cette plénitude de science, dont
saint Paul a dit : « Alors je connaîtrai comme je suis connu. » (1 Co
13, 12). Car de même que nous attendons l'immortalité de la chair et le salut
éternel de nos âmes, nous espérons également [la révélation et] la
connaissance de toutes les vérités que le Fils unique a entendues de son
Père. —
Saint Grégoire : (hom. 27 sur les Evang). Ou
bien, toutes ces choses qu'il a entendues de son Père, et qu'il a voulu faire
connaître à ses serviteurs, ce sont les joies que la charité répand dans nos
âmes, et les fêtes éternelles de la patrie céleste que Dieu imprime tous les
jours dans nos cœurs par les aspirations de son amour, car l'amour que nous
avons pour les biens célestes, nous en donne déjà la connaissance, parce que
l'amour est lui-même une [espèce de] connaissance. Il leur a donc fait tout
connaître, parce qu'il les avait arrachés à tous les désirs de la terre pour
les faire brûler du feu de l'amour divin. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 77 sur Saint Jean). Ou bien encore, toutes ces vérités
sont celles qu'ils devaient apprendre [et savoir]. Notre Seigneur dit qu'il a
entendu, et nous montre par là qu'il ne dit rien qui ne soit entièrement
conforme à la volonté de son Père. —
Saint Grégoire : Mais que celui qui parvient
à cet honneur insigne d'être appelé l'ami de Dieu, se garde bien d'attribuer
à ses mérites les dons célestes qu'il reçoit, car poursuit le Sauveur : «
Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, mais c'est moi qui vous ai choisis. » —
Saint Augustin : (Tr. 86 sur Saint Jean). Quelle grâce ineffable !
Qu’étions-nous, en effet, avant d'avoir choisi Jésus-Christ, si ce n'est des
enfants d'iniquité et de perdition ? Nous n'avions pas encore cru en lui,
pour mériter par notre foi d'être choisis par lui, car s'il avait choisi ceux
qui ont cru, il aurait donc choisi ceux qui déjà l'avaient choisi. Loin donc
d'ici les vains raisonnements de ceux qui prétendent que nous avons été
choisis avant la création du monde, parce que Dieu, dans sa prescience, avait
prévu que nous serions bons, et non qu'il nous rendrait bons lui-même. En
effet, s'il nous avait choisis, parce qu'il prévoyait que nous serions bons,
il aurait également prévu que nous devions le choisir les premiers, car c'est
la seule manière dont nous pouvions être bons, à moins qu'on n'appelle bon
celui qui n'a pas choisi le bien. Qu'a-t-il donc pu choisir dans ceux qui
n'avaient rien de bien ? En effet vous ne pouvez dire : J'ai été choisi parce
que je croyais déjà, car si vous croyiez alors en lui, c'est vous qui l'aviez
choisi. Ne dites pas non plus : Avant de croire, je faisais déjà le bien, et
j'ai mérité par là d'être choisi, car quelle bonne œuvre peut exister avant
la foi ? Que nous reste-t-il donc à dire ? C'est que nous étions mauvais et
que nous avons été choisis pour devenir bons par la grâce de celui qui nous a
choisis. —
Saint Augustin : (de la prédes. des saints,
17) Ils ont donc été élus avant la création du monde, en vertu de celte
prédestination dans laquelle Dieu prévoyait tout ce qu'il devait faire, et
nous avons été choisis du milieu du monde par suite de cette vocation qui
réalisait la prédestination de Dieu, « car ceux qu'il a prédestinés, il
les a appelés. » (Rm 8) —
Saint Augustin : (Traité 86 sur Saint Jean). Remarquez donc bien qu'il ne
choisissait pas ceux qui étaient bons, mais qu'il rendait bons ceux qu'il
avait choisis : « Et je vous ai établis pour que vous alliez et que vous
rapportiez du fruit. » C'est ce fruit dont il avait dit plus haut : «
Sans moi vous ne pouvez rien faire, » car il est lui-même la voie dans
laquelle il nous a placés pour que nous y marchions. —
Saint Grégoire : (hom. 27). Je vous ai
établis (par ma grâce), je vous ai comme plantés afin que vous alliez (par la
volonté qui est comme la marche pour l'âme), et que vous rapportiez du fruit
(par les bonnes œuvres). Il leur fait connaître quelle espèce de fruit ils
doivent produire, lorsqu'il ajoute : « et que votre fruit demeure. »
En effet, tous nos travaux pendant cette vie, peuvent à peine suffire à nos besoins
jusqu'à la mort; et la mort vient d'un seul coup anéantir tout le fruit de
notre travail sur la terre; mais les travaux qui ont pour objet la vie
éternelle, survivent à la mort, et le fruit de ces travaux commence à
paraître, lorsque le fruit des œuvres charnelles est à jamais anéanti.
Produisons donc de ces fruits qui demeurent et qui prennent naissance à la
mort qui renverse tout. —
Saint Augustin : Le fruit que nous devons
produire, c'est donc l'amour qui n'est que dans le désir et ne jouit pas encore
entièrement de son objet; et tout ce que nous demandons sous l'inspiration de
ce désir au nom du Fils unique, nous est donné par le Père : « Et tout ce
que vous demanderez à mon Père en mon nom, il vous le donnera » ;
or, nous demandons au nom du Sauveur, lorsque nous demandons ce qui est utile
au salut de notre âme. |
Lectio 5 |
Versets 17-21 |
[86118] Catena in Io., cap. 15 l. 5 Augustinus in
Ioannem. Dixerat dominus : posui vos ut eatis et fructum afferatis :
caritas autem fructus noster est : de hoc itaque fructu mandans nobis, dicit
haec mando vobis ut diligatis invicem. Unde et apostolus : fructus, inquit,
spiritus caritas, ac deinde cetera tamquam ex isto capite exorta et religata
contexuit. Merito itaque sic dilectionem saepe commendat tamquam sola
praecipienda sit, sine qua non possunt prodesse cetera bona, et quae non
potest haberi sine ceteris bonis, quibus homo efficitur bonus. Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter continua. Dixi
quoniam animam meam pro vobis pono, et quia primum vos elegi. Haec autem
omnia non exprobrans dixi, sed ad dilectionem vos inducens ut diligatis
invicem. Deinde, quia persecutionem pati et a multis exprobrari difficile
erat, ostendit consequenter quod non dolere, sed laetari oportet; unde
sequitur si mundus vos odit, scitote quia me priorem vobis odio habuit; quasi
dicat : scio hoc esse durum, sed propter me patiemini. Augustinus in Ioannem. Cur enim se membra supra
verticem extollunt? Recusas esse in corpore, si non vis mundi odium sustinere
cum capite. Pro dilectione autem patienter debemus etiam mundi odium
sustinere : necesse est enim ut nos oderit, quos cernit nolle quod diligit;
unde sequitur si de mundo fuissetis, mundus quod suum erat diligeret. Chrysostomus. Quia enim propter Christum pati nondum
erat eis sufficiens mitigationis causa; illa causa dimissa, hanc adiecit,
ostendens quod hoc est virtutis argumentum a mundo odio haberi; unde dolere
oporteret si a mundo diligeremini : hoc enim esset malitiae vestrae
ostensivum. Augustinus. Universae autem hoc dicit Ecclesiae,
quam plurimum mundi nomine appellat, sicut est illud : Deus erat in Christo,
mundum reconcilians sibi. Totus ergo mundus Ecclesia est, et totus mundus
odit Ecclesiam. Mundus igitur odit mundum, inimicus reconciliatum, inquinatus
mundatum. Quaeri ergo potest : si etiam mali faciunt persecutionem malis,
sicut impii reges et iudices cum essent persecutores piorum, utique et
homicidas et adulteros puniebant; quomodo intelligendum est quod dominus ait
si de mundo essetis, mundus quod suum erat diligeret? Nisi quia mundus est in
eis a quibus talia scelera puniuntur, et mundus est in eis a quibus
diliguntur. Mundus ergo odit quod suum est ex ea parte hominum qua sceleratis
nocet, et diligit quod suum est ex ea parte qua ipsis favet. Si etiam
quaeratur quomodo se diligat mundus qui odit modum redemptionis; diligit
utique falsa dilectione, non vera : quoniam quod ei nocet hoc diligit : odit
naturam, diligit vitium : unde et nos prohibemur diligere in illo quod ipse
diligit, et iubemur diligere quod ipse odit in seipso. Vitium quippe in illo
diligere prohibemur, iubemurque naturam. Ut autem de hoc mundo damnato non
essent, electi sunt inde non meritis suis, quorum nulla bona praecesserant
opera; non natura, quae tota fuerat in ipsa radice vitiata, sed gratia; unde
sequitur quia vero de mundo non estis, sed ego elegi vos de mundo, propterea
odit vos mundus. Gregorius super Ezech. Nam perversorum derogatio
vitae nostrae approbatio est : quia iam ostenditur nos aliquid iustitiae
habere, si illis displicere incipimus qui non placent Deo : nemo enim potest
in una eademque re omnipotenti domino atque eius hostibus gratus existere :
nam se Deo amicum denegat qui eius placet inimico; et inimicis veritatis
adversabitur qui eidem veritati in mente subiugabitur. Augustinus. Exhortans autem dominus suos servos ad
mundi odia perferenda patienter, nullum eis maius et melius quam de seipso
proponit exemplum; unde sequitur mementote sermonis mei quem ego dixi vobis :
non est servus maior domino suo. Si me persecuti sunt, et vos persequentur;
si sermonem meum servaverunt, et vestrum servabunt. Glossa. Idem observaverunt ut calumniarentur, iuxta
illud : observabit peccator iustum. Theophylactus. Vel aliter. Si dominum, inquit,
persecuti sunt, vos etiam servos multo magis; si non persecuti fuissent, sed
sermonem custodivissent, vestrum etiam custodirent. Chrysostomus in Ioannem. Quasi dicat : non vos
turbari oportet, si communicabitis meis passionibus : quia vos non estis me
potiores. Augustinus. Hic autem ubi dicitur non est servus maior
domino, illum significat servum pertinentem ad timorem castum, qui permanet
in saeculum saeculi. Chrysostomus. Deinde et aliam mitigationem ponit,
quoniam et pater cum eis contumeliam patitur, cui iniuriantur; unde sequitur
sed haec omnia facient vobis propter nomen meum. Augustinus. Quae omnia nisi quae dixit, quod odio
habebunt, et persequentur, sermonemque contemnent? Quid est autem aliud
dicere propter nomen meum, quam me in vobis odio habebunt, me in vobis
persequentur, et sermonem vestrum, quia meus est, ideo non servabunt? Tanto
igitur miseriores qui propter hoc nomen ista faciunt, quanto beatiores qui
propter hoc nomen ista patiuntur. Faciunt autem et ista malis; sed utrique
miseri, et qui faciunt, et qui patiuntur. Quomodo autem hoc erit verum haec
omnia facient vobis propter nomen meum, cum illi non propter nomen Christi
faciant, hoc est propter iustitiam, sed propter iniquitatem suam? Haec
quaestio ita solvitur, si totum referatur ad iustos, tamquam dictum sit :
haec patiemini ab eis propter nomen meum. Si autem propter nomen meum sic
accipitur, idest quod in vobis oderunt, et propter iustitiam quam in vobis
oderunt : similiter recte dici possunt et boni, cum persecutionem faciunt
malis, et propter iustitiam facere, quam diligendo persequuntur malos; et
propter iniquitatem, quam oderunt in ipsis malis. Quod autem addit quia
nesciunt eum qui misit me, secundum eam scientiam dictum est qua dicitur :
scire te, sensus est consummatus. |
—
Saint Augustin : (Traité 87 sur Saint Jean). Notre
Seigneur venait de dire : « Je vous ai établis pour que vous alliez et que
vous rapportiez du fruit. » La charité est le fruit que nous devons
produire, et Jésus-Christ nous en fait un précepte formel : « Ce que je
vous commande, est de vous aimer les uns les autres. » C'est pour cela
que l'Apôtre nous dit : « Le fruit de l'esprit, c'est la charité, »
(Ga 5) et il nous représente toutes les autres vertus sortant de cette source
et se rattachant à ce lien de la charité. Notre Seigneur nous recommande donc
avec raison la charité, comme si elle était le seul précepte sans laquelle tous
les autres biens sont inutiles et qui amène nécessairement avec elle tous les
autres biens qui constituent la bonté de l'homme. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 77 sur Saint Jean). On peut encore rattacher autrement
ces paroles à ce qui précède : « Je vous ai dit que je donnais ma vie pour
vous, et que je vous ai choisis le premier. Ce n'est point pour vous faire un
reproche que je vous ai parlé de la sorte, mais pour vous engager à un tendre
amour les uns pour les autres ». Et comme il est toujours pénible d'être
en butte à la persécution et aux outrages, il leur prouve que loin de s'en
plaindre, ils doivent s'en réjouir : « Si le monde vous hait, leur
dit-il, sachez qu'il m'a haï le premier, » c'est-à-dire, je sais que
la haine est toujours dure à supporter, mais souffrez-la à cause de moi. —
Saint Augustin : Pourquoi, en effet, les
membres s'élèveraient-ils au-dessus de leur chef ? Vous refusez de faire
partie du corps, si vous ne voulez pas souffrir la haine du monde avec votre
chef; or, nous devons souffrir patiemment cette haine pour l'accomplissement
du précepte de l'amour, car le monde doit nécessairement nous haïr en voyant
que nous ne voulons point de ce qu'il aime, ainsi que le dit le Sauveur : «
Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui est à lui. » —
Saint Jean Chrysostome : Comme le motif de souffrir
pour Jésus-Christ ne suffisait pas encore pour contrebalancer leurs craintes,
il en ajoute un autre, c'est que c'est une preuve incontestable de vertu
d'être haï du monde, et nous devrions nous attrister si nous en étions aimés,
car ce serait un signe évident de notre dépravation. —
Saint Augustin : Ces paroles s'appliquent à
toute l'Eglise, qui est souvent désignée sous le nom du monde, comme dans ce
passage : « Dieu était dans le Christ, se réconciliant le monde. » (2
Co 5, 19) L'Eglise est donc le monde entier, et c'est le monde entier qui
hait l'Eglise. C'est donc le monde qui hait le monde, le monde ennemi qui
hait le monde réconcilié, le monde réprouvé qui hait le monde sauvé, le monde
souillé qui hait le monde purifié. (Tr. 88). On peut donc s’interroger :
puisque les méchants tourmentent aussi les méchants (ainsi les rois et les
juges impies, tout en persécutant les bons, punissent aussi les homicides et
les adultères); ces paroles du Sauveur : « Si vous étiez du monde, le
monde aimerait ce qui est à lui, » comment doivent-elles s'entendre ?
dans ce sens que le monde est dans ceux qui punissent de tels crimes, et
qu'il est aussi dans ceux qui les aiment. Le monde a donc de la haine pour ce
qui est à lui, en tant qu'il châtie les criminels, et il aime ce qui vient de
lui en ce qu'il favorise les mêmes crimes. (Traité 87). Si l'on demande
quelle affection peut avoir pour lui-même ce monde de perdition qui n'a que
de la haine pour le monde de la rédemption, je répondrai qu'il s'aime d'une
affection qui n'a rien de vrai, parce qu'il aime ce qui lui est nuisible. Il
déteste en lui la nature et n'aime que le vice. Aussi nous est-il défendu
d'aimer ce qu'il aime en lui-même, tandis que Dieu nous commande d'aimer ce
qu'il déteste, c’est-à-dire qu’il nous est défendu d'aimer en lui le vice, et
commandé d'aimer la nature. Or, c'est pour tirer les disciples de ce monde de
perdition que Dieu les a choisis, et il les a choisis, non à cause de leurs
mérites, puisqu'ils n'avaient aucune bonne œuvre à présenter, ni à cause de
leur nature, qui avait été profondément viciée dans la racine, mais il les a
choisis uniquement par grâce : « Parce que vous n'êtes pas du monde, et
que je vous ai choisis du milieu du monde, à cause de cela le monde vous
hait. » —
Saint Grégoire : (hom. 9 sur Ezéch). Le blâme
des méchants est une approbation de notre vie, c'est une marque évidente que
nous commençons à avoir quelque justice, lorsque nous commençons à déplaire à
ceux qui ne plaisent pas à Dieu; car personne ne peut, dans une seule et même
chose, être agréable tout à la fois à Dieu tout-puissant et à ses ennemis;
c'est renier le titre d'ami de Dieu que de plaire à ses ennemis, et on est
ouvertement opposé aux ennemis de la vérité, lorsqu'on est intérieurement
soumis au règne de cette même vérité. —
Saint Augustin : (Traité 8S sur Saint Jean). Notre-Seigneur, pour encourager ses
serviteurs à supporter patiemment la haine du monde, ne leur a point proposé
d'exemple plus grand et plus efficace que le sien : « Souvenez-vous de la
parole que je vous ai dite : Le serviteur n'est pas plus grand que son
maître; s'ils m'ont persécuté, ils vous persécuteront aussi, s’ils ont gardé
ma parole, ils garderont aussi la vôtre.» — La Glose : Ils
ont suivi la même conduite pour la calomnie, selon ces paroles : « Le
pécheur observera le juste. » (Ps 36) — Théophylactus : S'ils ont persécuté le Seigneur, à plus forte raison, vous
persécuteront-ils, vous, ses serviteurs; s'ils ne l'avaient point persécuté
et qu'ils eussent gardé sa parole, ils auraient aussi gardé la vôtre. —
Saint Jean Chrysostome : C'est-à-dire, en d'autres
termes : Ne vous troublez point, si vous avez part à mes souffrances, parce
que vous n'êtes pas au-dessus de moi. —
Saint Augustin : Lorsque le Sauveur dit : «
Le serviteur n'est pas au-dessus de son maître, » il veut parler du
serviteur qui est rempli de cette crainte chaste et sainte qui demeure
éternellement. (Ps 18) —
Saint Jean Chrysostome : Il leur donne encore un
nouveau motif de consolation, c'est que les outrages qu'ils reçoivent
s'adressent on même temps à Dieu le Père : « Mais ils vous feront toutes
ces choses à cause de mon nom » —
Saint Augustin : Quelles sont toutes ces
choses ? celles dont il vient de parler, la haine, les mauvais traitements,
et le mépris qu'on fera de leur parole : « Ils vous feront toutes ces
choses; à cause de mon nom, » n'est-ce pas dire équivalemment : c'est moi
qu'ils poursuivront de leur haine dans votre personne, c'est moi qu'ils
persécuteront en vous persécutant, et ils ne garderont pas votre parole,
parce qu'elle est la mienne. Ceux qui vous feront ces mauvais traitements à
cause de mon nom, sont donc d'autant plus malheureux, que le bonheur de ceux
qui les souffrent à cause de mon nom est plus grand. Les méchants les font
endurer également aux méchants, et ils sont misérables les uns comme les
autres, ceux qui font souffrir comme ceux qui souffrent. Mais comment Notre
Seigneur a-t-il pu dire : « Ils vous feront toutes ces choses à cause de
mon nom, » alors que ces impies n'agissent point pour le nom de
Jésus-Christ, c'est-à-dire par un motif de justice, mais par amour de
l'iniquité ? Si on applique exclusivement ces paroles aux justes, voici comme
on peut résoudre cette question : «Vous souffrirez toutes ces choses à
cause de mon nom. » Mais si on entend ces paroles dans ce sens : « Ils
vous feront toutes ces choses à cause de mon nom qui est en vous l'objet de
leur haine, » on peut leur donner cette signification : A cause de la justice
qu'ils ne peuvent s'empêcher de haïr dans votre personne. Par la même raison,
lorsque les bons sont obligés de persécuter les méchants, ils le font, et à
cause de la justice dont ils défendent les intérêts en châtiant les méchants,
et à cause de l'iniquité qu'ils détestent dans leur personne. Notre Seigneur
ajoute : « parce qu'ils ne connaissent pas celui qui m'a envoyé, » et
cette connaissance est celle dont il est écrit : « Vous connaître, c'est
la parfaite prudence. » |
Lectio 6 |
Versets 22-25
|
[86119] Catena in Io., cap. 15 l. 6 Chrysostomus
in Ioannem. Ponit iterum dominus aliam discipulorum mitigationem,
ostendens quoniam iniuste et in ipsum, et in discipulos talia operabuntur;
unde dicitur si non venissem et locutus eis non fuissem, peccatum non
haberent. Augustinus in Ioannem. Iudaeis locutus est Christus,
non aliis gentibus. In eis ergo voluit intelligi mundum, qui odit Christum et
discipulos eius; immo vero non eos solos, sed nos quoque ad eundem mundum
pertinere monstravit. Numquid ergo sine peccato erant Iudaei, quibus Christus
locutus est, antequam Christus in carne venisset? Sed magnum quoddam
peccatum, non omne peccatum sub generali nomine vult intelligi : hoc est enim
peccatum quo tenentur cuncta peccata, quod unusquisque si non habeat,
dimittuntur ei cuncta peccata; hoc autem est, quia non crediderunt in
Christum, qui propterea venit ut credatur in eum. Hoc ergo peccatum, si non
venisset, non utique haberent : adventus enim eius quantum credentibus
salutaris, tantum non credentibus exitialis factus est. Sequitur nunc autem
excusationem non habent de peccato suo. Si autem hi ad quos non venit
Christus, nec locutus est eis, excusationem non habent de peccato suo; cur hic
dictum est, propterea istos non habere, quia venit et locutus est eis? Si
autem habent, utrum ad hoc habent ut a poenis alienentur, aut ut mitius
puniantur? Ad haec inquisita respondeo, eos habere excusationem, non de omni
peccato suo, sed de hoc peccato suo, quo in Christum non crediderunt. Sed non
in eo sunt numero illi ad quos per discipulos venit : non sunt enim in poena
leviori ponendi qui omnino legem Christi accipere noluerunt, et eam, quantum
ad ipsos attinet, omnino nullam esse voluerunt. Hanc etiam excusationem
possunt habere qui priusquam Evangelium Christi audirent, vitae huius fine
praeventi sunt; sed non ideo possunt effugere damnationem. Quicumque enim
homines, nisi in eo salvatore salventur qui venit quaerere quod perierat, ad
perditionem sine dubio pertinebunt. Quamvis dici possit, alios leviores,
alios graviores poenas passuros. Ille enim perire Deo dicitur, qui ab illa
beatitudine quam dat sanctis suis, per supplicium separatur. Tanta est autem
diversitas suppliciorum, quanta est diversitas peccatorum : quae quomodo se
habeat, altius iudicat sapientia divina, quam coniectura scrutatur aut
effatur humana. Chrysostomus. Quia vero hinc inde causabantur,
quoniam propter patrem eum persequebantur, destruens eorum excusationem,
dicit qui me odit, et patrem meum odit. Alcuinus. Sicut enim qui diligit filium, diligit et
patrem, quia una est dilectio patris et filii, sicut una natura; ita et qui
odit filium, odit patrem. Augustinus in Ioannem. Sed cum superius dixerit :
nesciunt eum qui me misit, quomodo possunt odisse quem nesciunt? Si enim
Deum, non quod est ipse, sed nescio quid aliud eum suspicantur aut credunt,
non utique ipsum oderunt. Et de hominibus quidem fieri potest ut eos saepe
quos numquam vidimus oderimus vel diligamus, fama de aliquo sermocinante vel
bene vel male. Sed quomodo de quo natura nobis intimatur, dicendus est
ignotus? Non enim eius facie corporali nobis intimatur; sed tunc nobis ad
cognitionem patet quando eius mores et vita non latent : alioquin nec seipsum
nosse quisquam potest, qui videre faciem suam non potest. Sed plerumque in
eis nostra credulitas fallitur : quia nonnunquam et historia, et multo magis
fama mentitur. Pertinet autem ad nos ut, quia non possumus hominum indagare
conscientiam, de ipsis rebus habeamus veram certamque sententiam. Quando ergo
non erratur in rebus, ut recta sit improbatio vitiorum, virtutumque
approbatio; si erratur in hominibus, venialis est humana tentatio. Proinde,
sicut fieri potest ut homo bonus hominem bonum oderit, nesciens, non ipsum,
sed quod putat esse ipsum; vel potius diligat nesciens, cum bonum diligit,
quod est ille; ita fieri potest ut homo iniustus hominem oderit iustum; et
tamen dum eum credit iniustum, diligat non ipsum, sed quod putat esse ipsum;
quemadmodum autem homines, sic et Deum. Deinde, si interrogarentur Iudaei
utrum diligerent Deum, se diligere responderent, non ex animo mentientes, sed
errando potius opinantes : quomodo enim diligerent patrem veritatis qui
habent odio veritatem? Nolunt enim sua facta damnari; et hoc habet veritas.
Tantum igitur oderunt veritatem quantum oderunt suas poenas, quas talibus
irrogat. Nesciunt autem illam esse veritatem, quae tales quales ipsi sunt
damnat; ac per hoc quia veritatem, qua iudicante damnantur, de patre Deo
natam nesciunt, etiam ipsum et nesciunt et oderunt. Chrysostomus. Sic igitur non habent, inquit,
excusationem, per hoc quod eam quae a sermonibus doctrinam tribuebam, sed et
eam quae ab operibus adieci, secundum Moysi legem, qui ab eo qui hoc facit,
persuaderi universos iussit; cum ad pietatem ducat, et miracula tribuat. Unde
subdit si opera non fecissem in eis quae nemo alius fecit, peccatum non
haberent. Augustinus in Ioannem. Hoc scilicet peccatum quo in
eum loquentem et operantem non crediderunt. Sed quid est quod addidit quae
nemo alius fecit? Nulla quippe in operibus Christi videntur esse maiora quam
suscitatio mortuorum, quod scimus etiam antiquos fecisse prophetas. Fecit
tamen aliqua Christus quae nemo alius fecit. Sed respondetur nobis, et alios fecisse quae nec ipse
nec alius fecit. Sed quod tam multa vitia et malas valetudines
vexationesque mortalium tanta potestate sanaret, nullus omnino legitur
antiquorum. Ut enim taceatur quod iubendo, sicut occurrebant, salvos singulos
fecit : Marcus dicit quod quocumque introibat in vicos vel in villas aut in
civitates, in plateis ponebant infirmos, et deprecabantur, ut vel fimbriam
vestimenti eius tangerent; et quotquot tangebant eum, salvi fiebant. Haec
nemo alius fecit in eis. Sic enim intelligendum est quod ait in eis, non
inter eos vel coram eis, sed prorsus in eis : quia sanavit eos. Nemo tamen
alius fecit quicumque talia opera in eis fecit : quoniam quisquis alius homo
aliquid eorum fecit, ipso faciente facit; haec autem ipse non illis facientibus
fecit. Sed haec etsi pater aut spiritus sanctus fecit, nemo alius fecit, quia
totius Trinitatis una substantia est. His ergo beneficiis amorem, non odium
retribuere debuerunt; et hoc eis exprobrans, adiungit dicens nunc autem
viderunt et oderunt me et patrem meum. Chrysostomus. Hoc autem dicit, ne discipuli dicant :
cur igitur intra tot nos induxisti mala? Nonne praelia et odium praevidisti?
Sed et prophetiam inducit, cum subdit sed ut adimpleatur sermo qui in lege
eorum scriptus est : quia odio habuerunt me gratis. Augustinus de Trin. Legis nomine aliquando simul
omnia veteris testamenti sanctarum Scripturarum significantur eloquia : et
ita dominus hic dicit in lege eorum scriptus est, cum legatur in Psalmis.
Augustinus in Ioannem. Eorum autem legem dicit, non
ab ipsis inventam, sed ipsis datam. Gratis odit qui nullum ex odio commodum
quaerit, vel incommodum fugit : sic oderunt Deum impii, sic diligunt iusti,
ut alia praeter illum bona non expectent : quoniam ipse erit in omnibus omnia.
Gregorius Moralium. Aliud est autem bona non facere,
aliud bonorum odisse doctorem : sicut aliud est ex praecipitatione, aliud ex
deliberatione peccare. Ex infirmitate enim plerumque solet accidere amare
bonum, sed implere non posse. Ex studio autem peccare, est bonum nec facere
nec amare. Sicut ergo nonnumquam gravius est peccatum diligere quam
perpetrare, ita nequius est odisse iustitiam quam non fecisse. Sunt ergo
nonnulli in Ecclesia, qui non solum bona non faciunt, sed etiam persequuntur;
et quae ipsi facere negligunt, etiam in aliis detestantur. Horum peccatum non
ex infirmitate aut ignorantia, sed ex solo studio perpetratur. |
—
Saint Jean Chrysostome : (hom. 77 sur Saint Jean).
Notre Seigneur console encore [et encourage] ses disciples par cette pensée
que c'est par une souveraine injustice qu'ils firent toutes ces choses et
contre ses disciples et contre lui : « Si je n'étais pas venu, et que je
ne leur eusse point parlé, ils n'auraient point de péché. » —
Saint Augustin : (Traité 89 sur Saint Jean). Jésus-Christ a parlé aux Juifs, et
non aux autres peuples. C'est donc dans les Juifs qu'il a voulu personnifier
ce monde qui hait Jésus-Christ et ses disciples, et ce ne sont pas seulement
les Juifs, c'est nous-mêmes qu'il veut désigner ici sous le nom de monde.
Mais est-ce donc que les Juifs, à qui le Christ a parlé, étaient sans péché
avant qu'il fût venu au milieu d'eux dans la chair ? Non, sans doute; le
Sauveur, sous le nom général de péché, ne veut point qu'on comprenne toutes
sortes de péchés, mais un péché plus grand que tous les autres, un péché
auquel se rattachent tous les autres péchés, un péché sans lequel tous les
autres peuvent être remis, c'est le péché d'incrédulité à l'égard de
Jésus-Christ, qui est venu afin que tous croient en lui. Or, s'il n'était pas
venu, ils ne seraient pas coupables de ce péché; car autant son avènement a
été salutaire à ceux qui ont cru en lui, autant il a été funeste à ceux qui
ont refusé de croire. « Mais maintenant ils n'ont point d'excuse de leur
péché. » On peut ici se demander si ceux vers qui Jésus-Christ n'est pas
venu, qui n'ont point entendu sa parole, n’ont pas une excuse de leur péché;
car s'ils n'en ont point, pourquoi le Sauveur dit-il que les Juifs n'ont
point d'excuse ? parce que Jésus-Christ est venu et qu'il leur a parlé. Et,
s'ils ont une excuse, pourra-t-elle les soustraire au châtiment, ou du moins
adoucir celui qu'ils auraient mérité ? Je réponds à cette question qu'ils
sont excusables non point de tout péché, mais du péché d'incrédulité à l'égard
de Jésus-Christ. Quant à ceux vers qui il est venu dans la personne de ses
disciples, ils ne sont point de ce nombre, et on ne peut les ranger avec ceux
dont le châtiment sera moins rigoureux, eux qui ont refusé absolument de
recevoir la loi de Jésus-Christ, et qui, autant que cela dépendait d'eux,
auraient voulu l'anéantir. Cette excuse peut encore être apportée par ceux
qui ont été prévenus par la mort avant d'avoir entendu annoncer l'Evangile de
Jésus-Christ; mais ils ne peuvent cependant pas échapper à la damnation, car
tous les hommes qui ne seraient point sauvés par le Sauveur, qui est venu
chercher ce qui avait péri, feraient sans aucun doute partie des réprouvés;
bien qu'on puisse admettre que le châtiment des uns sera plus léger, et celui
des autres plus rigoureux. En effet, on périt véritablement aux yeux de Dieu,
lorsqu'on est séparé par un châtiment éternel de cette félicité qu'il donne à
ses saints. La différence des supplices entre eux répond donc à la variété
multiple des péchés. Comment cela se fait-il ? La profondeur des jugements de
la sagesse divine est ici au-dessus de toute conjecture comme de toute parole
humaine. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 77 sur Saint Jean). Comme les Juifs alléguaient presque
toujours que c'était pour [défendre l'honneur de] Dieu le Père qu’ils
persécutaient le Sauveur, il leur ôte ce prétexte en leur déclarant : «
Celui qui me hait, hait aussi mon Père. » —
Alcuin : De même, en effet, que celui
qui aime le Fils, aime aussi le Père (parce qu'il n'y a qu'un amour du Père
et du Fils, comme il n'y a qu'une nature), ainsi celui qui hait le Fils, hait
aussi le Père. —
Saint Augustin : (Traité 90 sur Saint Jean). Mais Notre Seigneur n'a-t-il pas dit
plus haut : « Ils ne connaissent pas celui qui m'a envoyé ? » Comment
peuvent-ils donc haïr celui qu'ils ne connaissent pas ? Car si, sous le nom
de Dieu, ce n'est pas Dieu lui-même qu'ils poursuivent de leur haine, mais je
ne sais quelle divinité imaginaire qu'ils se sont formée, ce n'est plus Dieu
lui-même qui est l'objet de leur haine, mais ce que leur erreur ou leur vaine
crédulité leur représentent comme tel. [Si au contraire ils ont sur Dieu des
idées justes et vraies, comment peut-on dire qu'ils ne le connaissent pas ?]
Il peut arriver quelquefois, il est vrai, que nous ayons de l'affection ou de
la haine pour des hommes que nous n’avons jamais vus et que nous ne
connaissons que sur le bien on le mal que nous en avons appris, mais comment
pourrait-on dire d'un homme qu'on nous fait connaître, qu'il nous est inconnu
? Ce ne sont pas sans doute les traits de son visage qui nous le font
connaître, mais la connaissance qu'on nous donne de ses habitudes et de sa
vie; autrement il faudrait dire qu'on ne peut se connaître soi-même,
puisqu'on ne peut voir les traits de son visage. Cependant la plupart du
temps nous nous trompons sur ceux que nous connaissons de cette manière, car
souvent l'histoire, et plus souvent encore la renommée, nous induisent en
erreur. Dans l'impossibilité où nous sommes de pénétrer dans la conscience des
hommes, nous pouvons au moins, pour n'être pas dupes d'une opinion
mensongère, avoir une connaissance véritable et certaine des choses
elles-mêmes. Quand donc on ne se trompe pas sur les choses; qu'on blâme ce
qui est réellement vice, et qu'on approuve ce qui est véritablement vertu, si
l'erreur ne porte que sur les personnes, c'est une faiblesse qui tient à
l'humanité et qui est digne de pardon. Il peut, en effet, arriver qu'un homme
vertueux ait de la haine pour un homme également bon dont il ignore la vertu,
et alors ce n'est pas cet homme, mais l'idée qu'il s'en fait, qui est l'objet
de sa haine; ou plutôt il peut arriver qu'il aime cet homme sans le
connaître, parce qu'il aime le bien qui se trouve en cet homme. De même, un
homme injuste peut avoir de la haine pour un homme vertueux, et l'aimer
lorsqu'il le suppose injuste, en aimant alors en lui non pas ce qu'il est
véritablement, mais l'idée qu'il s'en forme. Or, la même chose peut arriver
pour Dieu. Ainsi, qu'on ait demandé aux Juifs s'ils aimaient Dieu, ils
auraient répondu qu'ils l'aimaient sans faire un mensonge, mais en étant
simplement dupes de la fausse idée qu'ils s'en formaient; car comment peut-on
aimer le Père de la vérité lorsqu'on a de la haine pour la vérité ? Ils ne
veulent pas que leurs actions soient condamnées, et c'est ce que fait la
vérité. Ils ont donc autant de haine pour la vérité qu'ils en ont pour les
châtiments qu'elle inflige à ceux qui l'outragent. Mais ils ne savent pas que
c'est la vérité elle-même qui condamne ceux qui leur ressemblent, et parce
qu'ils ignorent que cette vérité qui les juge et les condamne, est née de
Dieu le Père, ils ont de la haine pour Dieu sans le connaître. —
Saint Jean Chrysostome : Les Juifs n'ont donc aucune
excuse; je leur ai transmis ma doctrine par mes paroles, je l'ai confirmée
par mes œuvres, comme le recommande la loi de Moïse, qui fait un devoir à
tous d'obéir à celui qui s'annonce comme docteur lorsque sa doctrine inspire
une véritable piété, et qu'elle est confirmée par des miracles extraordinaires.
C'est pour cela qu'il ajoute : « Si je n'avais point fait parmi eux des
œuvres que nul autre n'a faites, ils n'auraient point de péché. » —
Saint Augustin : (Traité. 91 sur Saint Jean). C'est-à-dire le péché qu'ils ont
commis eu refusant de croire à ses enseignements et à ses œuvres. Mais
pourquoi ajoute-t-il : « que nul autre
n'a faites ? » Nous ne voyons point de plus grands miracles dans la vie
de Jésus-Christ que la résurrection des morts, et nous savons que les anciens
prophètes ont ressuscité des morts[, en particulier Elie (3 R 17); Elisée,
pendant sa vie (4 R 4), et jusque dans son tombeau (4 R 13)]. Cependant
Jésus-Christ a fait quelques miracles que nul autre n'a faits, [par exemple,
lorsqu'il a nourri cinq mille hommes avec cinq pains; lorsqu'il a marché sur
les eaux, et donné à Pierre le pouvoir d'y marcher lui-même; lorsqu'il a
changé l'eau en vin; lorsqu'il a ouvert les yeux de l'aveugle-né, et fait
beaucoup d'autres miracles, qu'il serait trop long d'énumérer ici]. Mais on
nous répond que d'autres ont opéré des prodiges qui n'ont été faits ni par
Jésus-Christ, ni par aucun autre. [Quel autre que Moïse, par exemple, a
conduit tout un peuple à travers les eaux divisées de la mer, a fait
descendre du ciel la manne pour le nourrir, et jaillir l'eau du rocher pour
étancher sa soif ? Quel autre que Jésus, fils de Navé, a partagé les eaux du
Jourdain pour livrer un passage au peuple de Dieu, et par ses prières a mis
comme un frein au soleil dans sa course ? Quel autre qu'Elisée a rendu la vie
à un mort par le seul contact de son propre cadavre ? J'en omets bien
d'autres, et je pense que ces exemples suffirent pour prouver que les autres
saints ont opéré des prodiges que personne n'a faits]. Mais on ne sait point
que, parmi les anciens, aucun d'eux ait jamais guéri avec autant d'autorité
et de puissance les vices nombreux, les maladies et les infirmités
multipliées des hommes. Car, sans dire ici que d'un seul mot il guérissait
tous ceux qui se présentaient à lui, saint Marc nous raconte que « partout où il entrait, dans les bourgs,
dans les villages ou dans les villes, on mettait les malades sur les places
publiques, et on le suppliait de leur laisser toucher seulement la frange de
son vêtement; et tous ceux qui le touchaient étaient guéris. » (Mc 6, 56)
Voilà ce que personne d’autre que lui n'a fait en eux, car c'est ainsi qu'il
faut traduire ces paroles : in eis,
en eux, et non parmi eux, ou devant eux; parce qu'il les a guéris eux-mêmes. Or
il n’y a eu personne d’autre qui ait fait de tels prodiges en eux. [Et si un
autre que lui semble avoir opéré les mêmes prodiges, on peut dire, encore que
nul autre n'a fait ce qu'il a fait, car] tous les miracles semblables qu'un
autre a pu opérer, il les a opérés en vertu de la puissance du Sauveur;
tandis que Jésus les a faits sans le concours d'aucun autre. Et, bien que le
Père et le Saint-Esprit aient pris part à ces miracles, on peut dire encore
que nul autre ne les a faits, parce qu'il n'y a dans la Trinité qu'une seule
et même substance. Les Juifs auraient donc dû répondre à de si grands
bienfaits par l'amour plutôt que par la haine, et c'est ce que le Sauveur
leur reproche : « Maintenant ils ont vu
ces œuvres, et ils me haïssent, moi et mon Père » —
Saint Jean Chrysostome : Il prévient ainsi l'objection
que ses disciples auraient pu lui faire. Pourquoi nous avez-vous jetés au
milieu de tant de dangers ? N'avez-vous donc pas prévu tous ces combats,
toute cette haine ? Il leur répond eu leur citant cette prophétie : « afin que la parole qui est écrite dans
leur loi soit accomplie :’ils m’ont haï sans motif’. » —
Saint Augustin : (de la Trin., 17) Tous les
livres de l'Ancien Testament sont souvent désignés dans les saintes Ecritures
sous le nom de loi, et c'est le sens que le Sauveur lui donne ici, lorsqu'il
dit : « Il est écrit dans leur loi, »
c'est-à-dire dans les Psaumes. (Ps 68, 5) —
Saint Augustin : (Traité 91) Il dit leur loi,
non pas qu'ils l'aient faite eux-mêmes, mais parce qu'elle leur a été donnée.
Haïr sans sujet ou gratuitement, c'est haïr sans rechercher aucun avantage,
sans crainte d'aucun danger, c'est le caractère de la haine des impies pour
Dieu; c'est aussi le caractère de l'amour des justes qui n'attendent point
d'autres biens que Dieu, parce qu'il sera lui-même tout dans tous. (1 Co 15, 28). —
Saint Grégoire : (Moral., 25, 11 ou 16 dans
les anc. man) [référence à vérifier]. Il y a
une grande différence entre ne pas faire le bien et haïr celui qui enseigne
le bien, de même qu'entre pécher par précipitation et pécher de propos
délibéré. Il nous arrive souvent par suite de notre faiblesse de ne point accomplir
le bien que nous aimons; mais pécher de propos délibéré, c'est ne pas faire
le bien, et de plus n'avoir aucun amour pour le bien. De même donc qu'on est
quelquefois plus coupable d'aimer le péché que de le commettre, ainsi c'est
souvent une faute plus grave de haïr la justice que de ne point en pratiquer
les actes. Or, il y en a un certain nombre dans l'Eglise qui, non seulement
ne font pas le bien, mais le persécutent, et qui haïssent dans les autres le
bien qu'ils n'ont pas le courage de pratiquer, et leur péché n'est pas un
péché de faiblesse on d'ignorance, mais un péché commis avec intention et de
propos délibéré. |
Lectio 7 |
Versets 26-27
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[86120] Catena in Io., cap. 15 l. 7 Chrysostomus
in Ioannem. Possent discipuli domino dicere : si verba a te audierunt quae
nullus dixit; si opera viderunt quae nullus alius fecit, et tamen non
profuerunt; si oderunt et patrem tuum et te cum eo, cuius gratia nos mittis,
qualiter digni fide erimus? Ne igitur haec cogitantes turbentur,
consolationem inducit, dicens cum autem venerit Paraclitus, quem ego mittam
vobis a patre, spiritum veritatis, qui a patre procedit, ille testimonium
perhibebit de me. Augustinus in Ioannem. Tamquam diceret : odio me habuerunt
et occiderunt videntes : sed tale de me testimonium Paraclitus perhibebit, ut
eos faciat in me credere non videntes : et quia ille perhibebit, et vos
perhibebitis; unde sequitur et vos testimonium perhibebitis. Ille cordibus
vestris inspirando, vos vocibus vestris sonando; unde poteritis praedicare
quod nostis quia ab initio mecum estis : quod modo non facitis, quia illius
spiritus plenitudo nondum adest vobis. Dabit enim vobis fiduciam testimonium
perhibendi caritas Dei diffusa in cordibus vestris per spiritum sanctum qui
dabitur vobis. Ille quippe testimonium perhibens, et testes fortissimos
faciens, abstulit amicis Christi timorem, et inimicorum odium convertit in
amorem. Didymus de spiritu sancto. Spiritum autem sanctum
venientem consolatorem dicit, ab operatione ei nomen imponens : quia non
solum eos quos se dignos esse reperit, ab omni perturbatione reddit alienos,
verum incredibile quoddam gaudium eis tribuit : sempiterna quippe laetitia in
eorum corde versatur quorum spiritus sanctus habitator est. Iste spiritus
consolator a filio mittitur, non secundum Angelorum aut prophetarum aut
apostolorum ministerium, sed ut mitti decet a sapientia et virtute spiritum
Dei indivisam habentem cum eadem sapientia et virtute naturam. Etenim filius
missus a patre non separatur atque disiungitur ab eo, manens in illo, et
habens illum in semetipso. Qui spiritus sanctus supradicto modo missus a
filio, de patre egreditur, non aliunde ad alia transmigrans. Quomodo enim
pater non consistit in loco, cum ultra omnem corporum sit naturam; ita et
spiritus veritatis nequaquam locorum fine clauditur, cum sit incorporalis, et
excedens universam creaturarum essentiam. Chrysostomus. Propterea vero non spiritum sanctum,
sed spiritum veritatis eum vocavit, ut ostendat quod erit fide dignus. Dicit
autem quod a patre procedit, quia omnia certissime novit, quemadmodum ipse
ait de seipso : quoniam novi unde venio et quo vado. Didymus. Sed cum posset dicere : a Deo, sive :
omnipotente, potente, nihil horum tetigit; sed ait a patre, non quod pater a
Deo omnipotente sit alius; sed secundum proprietatem patris intellectum
parientis, egredi ab eo dicitur spiritus veritatis. Mittente autem filio
spiritum veritatis, simul mittit et pater, cum eadem voluntate patris et
filii, spiritus veniat. Theophylactus. Et alias quidem patrem dicit mittere
spiritum; nunc autem cum se missurum dixit, aequipollentiam denotat. Ne autem
censeretur reniti contra patrem, velut ab alia potestate transmittens
spiritum, addidit a patre; quasi acceptante patre, et pariter destinante. Cum
autem audis quod procedit, ne intelligas processum missionem esse illatam
extrinsecus, qua mittuntur administratorii spiritus; sed quoddam differens,
et exceptae actionis proprium processum appellat uni principali spiritui
attributum : originalis enim consistentia spiritus est processus. Non ergo
procedere pro mittere sumendum est, sed ex patre naturalem essentiam obtinere.
Augustinus in Ioannem. Hic aliquis forsitan quaerit
utrum et a filio procedat spiritus sanctus : filius enim solius patris est
filius, et pater solius filii est pater : spiritus autem sanctus non est
unius eorum spiritus, sed amborum, quandoquidem dicit ipse Christus :
spiritus patris vestri qui loquitur in vobis; et dicit apostolus : misit Deus
spiritum filii sui in corda vestra. Nec ob aliud aestimo ipsum proprie vocari
spiritum, cum etiam si de singulis interrogemur, non possimus nisi et patrem
et filium spiritum dicere. Quod ergo communiter vocantur et singuli, hoc
proprie vocari oportuit eum qui non est unus eorum, sed in quo communitas
apparet eorum amborum. Cur ergo non credamus quod etiam de filio procedat
spiritus sanctus, cum filii quoque ipse sit spiritus? Si enim ab eo non
procederet, non post resurrectionem discipulis suis insufflasset, dicens :
accipite spiritum sanctum. De hac quoque virtute credendus est dicere
Evangelista : virtus de illo exibat, et sanabat omnes. Si ergo et de patre et
de filio procedat spiritus sanctus, cur filius dixit de patre procedit, nisi
quemadmodum solet ad eum referre et quod ipsius est de quo ipse est? Unde
illud est quod ait : mea doctrina non est mea, sed eius qui me misit. Si
igitur haec intelligatur eius doctrina, quam tamen dixit non suam, sed patris
: quanto magis intelligendus est et de ipso procedere spiritus sanctus, ubi
sic ait de patre procedit, ut non diceret : de me non procedit. A quo autem
habet filius ut sit Deus, ab illo habet utique ut procedat ab eo spiritus
sanctus. Hinc utcumque et illud intelligitur, cur non dicatur natus esse, sed
potius procedere spiritus sanctus : quoniam si et ipse filius diceretur,
amborum utique filius diceretur, quod absurdissimum est : filius quippe
nullus est duorum, nisi patris et matris. Absit autem ut inter Deum patrem et
Deum filium tale aliquid suspicemur, quia nec filius hominum simul ex patre
et ex matre procedit; sed cum in matrem procedit ex patre, non tunc procedit
et ex matre. Spiritus autem sanctus non de patre procedit in filium et de
filio procedit ad sanctificandam creaturam; sed simul de utroque procedit.
Neque enim possumus dicere quod non sit vita spiritus sanctus, cum vita
pater, vita sit filius; ac per hoc sicut pater, cum habeat vitam in
semetipso, dedit et filio vitam habere in semetipso, sic ei dedit vitam
procedere de illo, sicut procedit et de seipso. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 77 sur Saint Jean). Les disciples pouvaient dire au
Sauveur : S'ils ont entendu de votre bouche des paroles que nul autre n'a
dites, s'ils ont vu des prodiges que personne autre n'a faits, sans en
retirer la moindre utilité; si au contraire ils n'ont eu que de la haine pour
votre Père et pour vous, pourquoi donc nous envoyer, et comment espérer que
nous soyons dignes de foi ? Notre Seigneur dissipe le trouble que pouvaient
faire naître ces pensées, en leur faisant cette promesse consolante : « Lorsque sera venu le Paraclet que je
vous enverrai d’auprès du Père, l’Esprit de vérité qui procède du Père, il
rendra témoignage de moi. » —
Saint Augustin : (Tr. 92 sur Saint Jean). C'est-à-dire, les Juifs m'ont haï et
m'ont mis à mort, bien qu'ils aient vu [de leurs yeux les œuvres que j'ai
faites], mais le Paraclet rendra de moi un si éclatant témoignage, qu'il fera
croire en moi ceux mêmes qui n'auront pu me voir. (Traité 93). En même temps
que l'Esprit de vérité me rendra témoignage, vous aussi me rendrez témoignage :
« Et vous aussi, vous me rendrez
témoignage », lui dans les cœurs, et vous par vos paroles, lui par
ses inspirations, vous par vos prédications. (Traité 92) Vous pourrez alors
prêcher hautement ce que vous connaissez, vous qui avez été avec moi dès le
commencement, ce que vous ne pouvez faire maintenant, parce que vous n'avez
pas encore reçu la plénitude de l'Esprit saint; car c'est dans la charité qui
a été répandue dans vos cœurs par l'Esprit saint qui vous a été donnée (Rm
5), que vous puiserez le courage nécessaire pour me rendre témoignage.
L'Esprit saint, en effet, en rendant lui-même témoignage, et en inspirant à
ces [nouveaux] témoins un courage à toute épreuve, a banni complètement la
crainte du cœur des amis de Jésus-Christ, et a converti en amour la haine de
ses ennemis. —
Didyme : (de l'Esprit saint, 2) Le
Sauveur donne à l'Esprit saint qui vient le nom de consolateur, nom
significatif de ce qu'il produit [dans les âmes], parce que, non seulement il
affranchit de toute espèce de trouble ceux qu'il en trouve dignes, mais il
les remplit encore d'une joie ineffable; car les cœurs où l'Esprit saint fixe
son séjour, jouissent d'une joie éternelle. Cet Esprit consolateur est envoyé
par le Fils, non comme Dieu envoyait les anges, les prophètes ou les Apôtres,
mais comme il convenait à la sagesse et à la vérité d'envoyer l'Esprit de
Dieu qui a une nature indivisible avec cette même sagesse et cette même
vérité. En effet, le Fils qui est envoyé par le Père, n'en est pour cela ni
séparé, ni divisé, il demeure dans son Père, et son Père demeure en lui.
Ainsi l'Esprit saint envoyé par le Fils de la manière que j’ai dite, sort du
Père, sans aller d'un lieu dans un autre; car de même que le Père ne peut
être contenu dans un espace limité, puisque son infinité s'étend au-delà de
tous les espaces matériels, ainsi l'Esprit de vérité ne peut être circonscrit
par aucune limite, parce qu'il est incorporel et qu'il est au-dessus de
toutes les créatures raisonnables. —
Saint Jean Chrysostome : Notre Seigneur l'appelle,
non l'Esprit saint, mais l'Esprit de vérité, pour montrer combien son
témoignage est digne de foi. Il déclare qu'il procède du Père, c'est-à-dire,
qu'il sait toutes choses avec une entière certitude, comme le Sauveur dit de
lui-même dans un autre endroit : « Je
sais d'où je viens et où je vais. » —
Didyme : Il aurait pu dire qu'il
procédait de Dieu ou du Tout-Puissant, il laisse ces dénominations et choisit
de préférence celle du Père, non sans doute que le Père soit différent du
Dieu tout-puissant; mais parce que l'Esprit de vérité sort de lui en vertu de
cette propriété et de cette intelligence qui est propre au Père. Or, en même
temps que le Fils envoie l'Esprit de vérité, le Père l'envoie également,
puisqu'il vient par un seul et même acte de la volonté du Père et du Fils. — Théophylactus : Nous voyons ailleurs que le Père envoie l'Esprit saint, [ici le
Sauveur], en déclarant qu'il l'enverra lui-même, prouve qu'il a une même
puissance avec le Père. Et afin qu'où ne crût pas qu'il était opposé au Père,
et qu'il envoyait l'Esprit saint en vertu d'une puissance différente, il
ajoute : « qui procède du Père, »
pour nous apprendre que non seulement le Père consent à cette mission, mais
qu'il la donne lui-même. Lorsque vous entendez dire que l'Esprit saint
procède, n'allez pas croire que celte procession soit une mission extérieure
comme celle qui est donnée aux esprits qui servent le Seigneur (He 1, 14);
cette procession est une propriété toute différente, attribut exclusif de cet
esprit principal. La procession du Saint-Esprit n'est autre que l'origine de
son être, il ne faut donc pas prendre la procession pour la mission, car la
procession est l'acte en vertu duquel l'Esprit reçoit du Père sa nature. —
Saint Augustin : (Traité 96). On nous fera
peut-être ici cette question : L'Esprit saint procède-t-il aussi du Fils ? Le
Fils est Fils du Père seulement, et le Père est exclusivement le Père du
Fils; or, l'Esprit saint n'est pas l'Esprit d'une seule des deux premières personnes
divines, il est l'Esprit des deux, puisque Jésus-Christ dit expressément : « L'Esprit de votre Père qui parle en
vous, » (Mt 10, 20) et que l'Apôtre nous dit de son côté : « Dieu a envoyé l'Esprit de son Fils dans
vos cœurs. » (Ga 4, 6). Et je ne vois pas d'autre raison pour laquelle on
lui donne le nom d'Esprit, car si on nous interroge sur ce que nous pensons
de chacune des autres personnes, il n'y a que le Père et le Fils à qui nous
puissions donner ce nom d'Esprit. Or, ce nom qui est le nom commun des deux
premières personnes, a dû être donné proprement à celui qui n'est pas
l'Esprit de l'un deux, mais qui est le principe d'union des deux personnes
divines. Pourquoi donc n'admettrions-nous pas que l'Esprit saint procède également
du Fils, puisqu'il est aussi l'Esprit du Fils ? S'il ne procédait pas de lui,
le Fils de Dieu n'aurait pas soufflé sur ses disciples après sa résurrection,
en leur disant : « Recevez le
Saint-Esprit, » c'est aussi de cette vertu de l'Esprit saint que
l'Evangéliste veut parler, quand il dit : «
Une vertu sortait de lui et les guérissait tous. » (Lc 6, 19) Mais si
l'Esprit saint procède du Père et du Fils, pourquoi le Fils déclare-t-il
qu'il procède du Père ? C'est parce qu'il a coutume de rapporter tous ses
attributs divins à celui de qui vient sa nature divine. C'est dans ce même
sens qu'il dit ailleurs : « Ma
doctrine n'est pas ma doctrine, mais la doctrine de celui qui m'a envoyé ».
Si donc on doit regarder comme sa doctrine la doctrine qu'il déclare être non
la sienne, mais celle de son Père, à plus forte raison doit-on entendre que
l'Esprit saint procède de lui, lorsqu'il dit : « qui procède du Père, » et non : Il procède de moi. C'est du
Père que le Fils a reçu d'être Dieu, c'est du Père aussi qu'il a reçu d'être
le principe d'où procède l'Esprit saint. C'est ce qui nous explique, aussi
pourquoi on ne dit pas de l'Esprit saint qu'il est né mais qu'il procède; car
s'il était appelé Fils, il faudrait dire qu'il est le Fils des deux personnes
divines, ce qui serait une absurdité, car on ne peut être le Fils de deux
personnes, que lorsque ces deux personnes sont le père et la mère, or, loin
de nous de supposer quelque chose de semblable entre Dieu le Père et Dieu le
Fils. Disons plus, même, parmi les hommes, le fils ne procède pas en même
temps du père et de la mère, car au moment où il procède du père dans la
mère, il ne procède pas de la mère. Quant à l'Esprit saint, il ne procède pas
du Père dans le Fils et du Fils dans les créatures qu'il sanctifie, il
procède en même temps du Père et du Fils, car nous ne pouvons dire que
l'Esprit saint ne soit pas la vie, puisque le Père est la vie, et que le Fils
aussi est la vie, et ainsi de même que le Père qui a la vie en lui-même, a
donné au Fils d'avoir la vie en lui-même (Jn 5), ainsi a-t-il donné au Fils
que la vie procède de lui, comme elle procède du Père. |
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Caput 16 |
CHAPITRE XVI
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Lectio 1 |
Versets 1-5
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[86121] Catena in Io., cap. 16 l. 1 Augustinus
in Ioannem. Merito promisso spiritu sancto, quo in eis operante fierent
testes eius, subiunxit haec locutus sum vobis, ut non scandalizemini. Cum
enim caritas Dei diffunditur in cordibus nostris per spiritum sanctum qui
datus est nobis, fit pax multa diligentibus legem Dei ut non sit illis
scandalum. Deinde quae passuri essent exprimens, ait absque synagogis facient
vos. Chrysostomus in Ioannem. Iam enim composuerant, ut
si quis confessus fuerit Christum, extra synagogam fieret. Augustinus. Quid
autem mali erat apostolis expelli de Iudaicis synagogis, quasi non fuerint
inde exituri, etiam si eos nullus expelleret? Sed voluit denuntiare, quia
Iudaei Christum non fuerant recepturi, a quo isti non fuerant recessuri. Nam
quia non erat ullus alius populus Dei quam illud semen Abrahae; si
cognoscerent Christum, non aliae fierent Ecclesiae Christi, aliae synagogae
Iudaeorum. Quod quia noluerunt, quid restabat nisi ut remanentes extra
Christum, extra synagogam facerent eos qui non reliquerunt Christum? Deinde
cum hoc eis dixisset, adiecit sed venit hora ut omnis qui interficit vos,
arbitretur obsequium se praestare Deo. Quae verba ita subiecit tamquam ex hoc
consolaretur eos qui de synagogis Iudaicis pellerentur. An forte de synagogis
illa separatio sic eos fuerat turbatura ut mori vellent potius quam in hac
vita sine Iudaeorum congregationibus morari? Absit ut sic turbarentur qui
Dei, non hominum, gloriam requirebant. Iste itaque sensus est in his verbis.
Extra synagogam facient vos; sed nolite solitudinem formidare. Separati
quippe a congregationibus eorum, tam multos in nomine meo congregabitis, ut
illi metuentes ne templum quod erat apud eos, et omnia legis veteris
sacramenta deserantur, sic interficient vos ut Deo arbitrentur se praestare
obsequium, zelum Dei habentes, sed non secundum scientiam. Hoc enim de
Iudaeis dictum debemus accipere, de quibus dixerat : extra synagogam facient
vos. Nam testes, idest martyres Christi, etiam si occisi sunt a gentilibus,
non tamen illi arbitrati sunt Deo, sed diis suis falsis obsequium se
praestare; Iudaeorum autem omnis qui occidit praedicatores Christi, Deo se
putavit praestare obsequium, credens quod desererent Deum Israel quicumque
converterentur ad Christum. Hinc ergo accensi et zelum Dei habentes, sed non
secundum scientiam, obsequium se Deo praestare credentes, occidebant eos.
Chrysostomus. Deinde consolationem inducit, dicens
et haec omnia facient vobis, quia non noverunt patrem neque me; quasi dicat :
sufficit vobis in consolationem, propter me et patrem haec pati. Augustinus. Ne autem ignaros atque imparatos animos
mala improvisa, quamvis cito transitura, turbarent, hanc fuisse causam ut
haec eis praenuntiaret, ostendit subdens haec locutus sum vobis, ut cum
venerit hora eorum, reminiscamini quia dixi vobis. Hora eorum, hora
tenebrosa, hora nocturna; sed nox Iudaeorum separatum a se diem Christianorum
nulla confusione fuscavit. Chrysostomus in Ioannem. Sed et propter aliam causam
hoc praedixit, ut non dicerent, quoniam non praevidit futura; et hoc
significat cum dicit reminiscamini quia ego dixi vobis. Et ut non possent
dicere, quoniam blandiens nobis, ea quae ad gratiam dicebat solum. Cuius
autem gratia hoc a principio non dixit, ostendit dicens haec autem ab initio
vobis non dixi, quia vobiscum eram : quia scilicet in custodia mea eratis, et
licitum erat interrogare quando volebatis, et super me totum praelium
vertebatur : unde superfluum erat hoc a principio vobis dicere; non quia haec
tunc non noveram, propterea non dixi. Augustinus in Ioannem. Sed alii tres Evangelistae
eum praedixisse ista demonstrant, antequam ventum esset ad coenam, qua
peracta, secundum Ioannem, ista locutus est. An forte hinc ista solvitur
quaestio, quia et illi eum narrant proximum fuisse passioni cum hoc diceret?
Non ergo ab initio quando cum illis erat. Sed Matthaeus non solum imminente
passione, verum etiam ab initio haec denuntiata esse commemorat. Quid sibi
ergo vult quod hic dicit haec autem ab initio non dixi, nisi quia ea quae hic
dicit de spiritu sancto, quod sit venturus ad eos, et testimonium
perhibiturus quando mala passuri sunt, haec eis ab initio non dixit, quoniam
cum ipsis erat et eius praesentia consolabantur? Abscessurus autem, oportebat
ut diceret illum esse venturum, per quem caritate diffusa in cordibus suis
verbum Dei cum fiducia praedicarent. Chrysostomus. Vel praedixit quidem quoniam flagella
patientur; non autem quod mors eorum reputaretur ut Dei cultura : quod maxime
poterat eos attonitos facere. Vel quia illic ea quae a gentibus debebant pati
dixit; hic autem et quae a Iudaeis dicit. |
—
Saint
Augustin : (Traité 93 sur Saint
Jean). Après avoir promis à ses disciples l'Esprit saint, qui devait
faire d'eux autant de témoins de la vérité, le Sauveur ajoute : « Je vous ai dit ces choses, afin que vous
ne soyez pas scandalisés. » Et en effet, lorsque la charité de Dieu est
répandue dans nos cœurs par l'Esprit saint qui nous a été donné (Rm 5), une
paix abondante se répand en même temps dans l'âme de ceux qui aiment la loi
de Dieu, et il n'y a point pour eux de scandale. (Ps 118, 165). Il leur
prédit ensuite les épreuves qui les attendent : « Ils vous chasseront des synagogues. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 77 sur Saint Jean). Ils avaient déjà pris de concert la
résolution de chasser de la synagogue quiconque confesserait Jésus-Christ. —
Saint Augustin : Mais quel grand mal pour les
Apôtres d'être chassés des synagogues des Juifs, puisqu'ils devaient en
sortir d'eux-mêmes, alors que personne ne les chasserait dehors ? Il a donc
voulu leur apprendre par là que les Juifs ne devaient point recevoir
Jésus-Christ, dont les disciples ne devaient point se séparer. Si, en effet,
ils avaient voulu le reconnaître, comme il n'y avait point d'autre peuple de
Dieu que la race d'Abraham, les Eglises de Jésus-Christ n'auraient pas été
différentes des synagogues des Juifs. Mais ils ont refusé de recevoir Jésus-Christ,
et la conséquence naturelle, c'est que restant eux-mêmes en dehors de
Jésus-Christ, ils devaient chasser de leurs synagogues ceux qui ne
consentaient pas à quitter Jésus-Christ. Le Sauveur ajoute, encore : « Et l'heure vient où quiconque vous fera
mourir, croira faire nue chose agréable à Dieu, » paroles qui ont pour but
de consoler ceux qui seraient chassés des synagogues des Juifs. Est-ce donc
que cette expulsion de la synagogue devait les affliger à ce point qu'ils
auraient mieux aimé mourir que de n'en plus faire partie ? Non, sans doute,
une crainte semblable ne pouvait trouver place dans le cœur de ceux qui
cherchaient, non la gloire des hommes, mais la gloire de Dieu. Voici donc le
sens de ces paroles : Ils vous
chasseront des synagogues, mais ne craignez pas votre isolement; vous serez
exclus de leurs réunions, il est vrai, mais vous en rassemblerez un si grand
nombre en mon nom, que les Juifs, craignant l'abandon de leur temple et de
toutes les cérémonies de l'ancienne loi, vous mettront à mort, croyant en
cela faire une chose agréable à Dieu, parce que leur zèle pour la gloire de
Dieu, n'est pas un zèle dirigé par la science (Rm 10, 2), paroles qu'il faut
entendre des Juifs, dont Notre Seigneur dit : « Ils vous chasseront de leurs synagogues. » En effet, lorsque
les Gentils ont mis à mort les témoins, c'est-à-dire les martyrs de
Jésus-Christ, ce n'est pas à Dieu, mais à leurs fausses divinités qu'ils ont
cru faire une chose agréable, tandis que ceux qui, parmi les Juifs, mirent à
mort les prédicateurs de Jésus-Christ, crurent faire un acte agréable à Dieu,
dans la crainte que ceux qui se convertiraient à Jésus-Christ, abandon-neraient
le Dieu d’Israël. Voilà pourquoi dans l'ardeur d'un zèle qui n'était pas
selon la science, ils mettaient à mort les disciples de Jésus-Christ, croyant
en cela faire une œuvre agréable à Dieu. —
Saint Jean Chrysostome : Jésus leur donne ensuite un
nouveau motif de consolation : « Et ils
vous traiteront de la sorte, parce qu'ils ne connaissent ni mon Père, ni moi,
» c'est-à-dire, qu'il vous suffise comme consolation de penser que vous
souffrez pour moi et pour mon Père. —
Saint Augustin : Il leur apprend ensuite que
la cause pour laquelle il leur a prédit ces épreuves, c'est de prévenir le
trouble qu'auraient jeté dans leurs cœurs non préparés des maux qu'ils
n'avaient pas prévus, bien qu'ils dussent être de courte durée : « Je vous ai dit ces choses, afin que
lorsqu'un sera venue l'heure, vous vous souveniez que je vous les ai dites. »
Cette heure, c'était l'heure des ténèbres, l'heure de la nuit, mais la nuit
des Juifs n'a pu obscurcir de ses ténèbres les clartés du jour de
Jésus-Christ qui en était séparé. —
Saint Jean Chrysostome : Un autre motif pour lequel
il leur annonce ces épreuves à l'avance; c'est afin de bien les convaincre
que l'avenir lui était présent, comme il le déclare par ces paroles : « afin que lorsqu'on sera venue l'heure,
vous vous souveniez que je vous les ai dites ». Il ne veut pas non
plus qu'ils puissent dire qu'il n'avait cherché qu'à les flatter et à leur
dire des choses agréables. Mais pourquoi ne leur a-t-il pas fait tout d'abord
ces prédictions ? En voici la raison : «
Je ne vous ai pas dit ces choses dès le commencement, parce que j'étais avec
vous, » c'est-à-dire : vous étiez sous ma garde, vous pouviez
m'interroger quand vous vouliez; tous les efforts de vos ennemis se
concentraient sur moi; il était donc inutile de vous en parler tout d'abord,
mais au moins si je ne l'ai pas fait, ce n'est pas que j'ignorais que ces
épreuves dussent arriver. —
Saint Augustin : (Tr. 94 sur Saint Jean). Selon les trois autres évangélistes,
Notre Seigneur fit cette prédiction avant la cène, taudis que saint Jean la
place après la cène. Ne peut-on pas résoudre cette difficulté, en disant que
les trois premiers évangélistes font observer que sa passion était proche,
lorsqu'il fit ces prédictions ? Il ne les fit donc pas dès le commencement
qu'il était avec eux. Cependant saint Matthieu rapporte que le Sauveur prédit
ces événements, non seulement aux approches de sa passion, mais encore dès le
commencement. Comment donc expliquer ces paroles : « Je ne vous les ai pas dites dès le commencement, », si ce n'est
en faisant une exception pour les choses qu'il attribue ici à l'Esprit saint,
et qu'il ne leur a pas fait connaître dès le commencement, par exemple qu'il
devait leur être envoyé et rendre témoignage, lorsqu'ils seraient persécutés.
En effet, il était alors au milieu d'eux, et sa présence seule était pour eux
une consolation. Mais lorsque le moment vint de les quitter, il devait leur
annoncer la venue de l'Esprit saint, qui, en répandant dans leurs cœurs la
charité de Dieu, leur donnerait le courage de prêcher hautement le Verbe de
Dieu. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 78 sur Saint Jean). Ou peut dire encore qu'il leur avait
prédit les persécutions qu'ils devaient endurer, mais non pas que leur mort
serait regardée comme une œuvre agréable à Dieu, ce qui devait être pour eux
un sujet d'étonnement extraordinaire; ou bien encore, il leur annonça dès le
commencement, ce qu'ils devaient souffrir de la part des Gentils, et leur
prédit ici les persécutions que leur préparaient les Juifs. |
Lectio 2 |
Versets 6-11 |
[86122] Catena in Io., cap. 16 l. 2 Chrysostomus in
Ioannem. Quia discipulos nondum perfectos tristitia impugnabat, eos
dominus increpando dirigit, dicens et nunc vado ad eum qui me misit; et nemo
ex vobis interrogat me : quo vadis? Audientes enim quoniam qui interficiet
vos, opinabitur se obsequium praestare Deo, ita ceciderunt ut nihil ei
loquerentur; et ideo subditur sed quia haec locutus sum vobis, tristitia
implevit cor vestrum. Non parva autem est haec mitigatio, scire eos quoniam
sciverat dominus tristitiae eorum superabundantiam, et propter desertionem
eius, et propter mala quae didicerant se passuros, et nesciebant si possent
viriliter ferre. Augustinus in Ioannem. Vel quia superius
interrogaverant eum quo esset iturus; et responderat se iturum quo ipsi tunc
venire non possent : nunc ita se promittit iturum ut nullus eorum quo vadat
interroget; et hoc est quod dicit et nemo ex vobis interrogat me : quo vadis?
Euntem enim in caelum non verbis quaesierunt, sed oculis deduxerunt. Videbat
autem dominus quid sua verba in eorum cordibus agerent : spiritualem quippe
nondum interius habentes consolationem quam per spiritum sanctum fuerant
habituri, id quod exterius in Christo videbant, amittere metuebant; et quia
se amissuros esse, illo vera denuntiante, dubitare non poterant,
contristabatur humanus affectus, quia carnalis desolabatur aspectus; unde sequitur
sed quia haec locutus sum vobis, tristitia implevit cor vestrum. Noverat
autem ille quid eis potius expediret : quia visus interior ipse est melior,
quo eos consolaturus erat spiritus sanctus; unde subdit sed ego veritatem
dico vobis : expedit vobis ut ego vadam. Chrysostomus. Quasi dicat : et si millies
contristemini, oportet vos audire, quia me recedere vobis confert. Quid autem
conferat, ostendit subdens si enim non abiero, Paraclitus non veniet ad vos.
Augustinus de Trin. Haec autem dixit non propter
inaequalitatem verbi Dei et spiritus sancti; sed tamquam impedimento esset
praesentia filii hominis apud eos quominus veniret ille qui minor non esset :
quia non semetipsum exinanivit sicut filius formam servi accipiens. Oportebat
ergo ut auferretur ab eorum oculis forma servi, quam intuentes hoc solum
Christum esse putabant quod videbant; unde sequitur si autem abiero, mittam
eum ad vos. Augustinus in Ioannem. Numquid autem hic positus,
eum non poterat mittere quem scimus super eum baptizatum venisse atque
mansisse; immo vero a quo scimus eum nunquam separabilem fuisse? Quid est
ergo si non abiero, Paraclitus non veniet ad vos, nisi : non potestis capere
spiritum quamdiu secundum carnem nosse persistitis Christum? Christo autem
discedente corporaliter, non solum spiritus sanctus, sed et pater et filius
illis affuit spiritualiter. Gregorius Moralium. Ac si aperte diceret : si ab
intentionis vestrae oculis corpus non subtraho, ad intellectum vos
invisibilem per consolatorium spiritum non perduco. Augustinus de Verb. Dom. Hanc autem habitudinem
spiritus sanctus Paraclitus attulit, ut, ab oculis carnis forma servi remota,
quam de virginis utero accepit, in ipsa Dei forma, in qua patri aequalis,
etiam cum in carne dignatus est apparere, permansit, purgata mentis acie
ostenderetur. Chrysostomus. Quid autem hic dicunt qui non
convenientem de spiritu sancto habent opinionem? Numquid expedit dominatorem
abire, et servum accedere? Quae autem sit utilitas advenientis spiritus,
ostendit cum subditur et cum venerit ille, arguet mundum de peccato et de
iustitia et de iudicio. Augustinus in Ioannem. Numquid autem Christus non
arguit mundum? An forte quia Christus in Iudaeorum tantum gente locutus est,
mundum non videtur arguisse? Spiritus autem sanctus in discipulis eius toto
orbe diffusis, non unam gentem intelligitur arguisse, sed mundum. Sed quis
audeat dicere quod per discipulos Christi arguat mundum spiritus sanctus, et
non arguat Christus, cum clamet apostolus : an experimentum quaeritis eius
qui in me loquitur Christus? Quos itaque arguit spiritus sanctus, utique et
Christus. Sed dixit ille arguet mundum, quasi dicat : ille diffundet in
cordibus vestris caritatem; sic enim timore depulso, arguendi habebitis
libertatem. Exponit deinde quid dixerit, dicens de peccato quidem, quia non
crediderunt in me; hoc enim peccatum solum prae ceteris posuit, quia hoc
manente, cetera detinentur, et hoc discedente, cetera dimittuntur. Augustinus de Verb. Dom. Sed multum interest utrum
quisque credat ipsum esse Christum et utrum credat in Christum; nam ipsum
esse Christum, et Daemones crediderunt : ille vero credit in Christum qui et
sperat in Christum et diligit Christum. Augustinus in Ioannem. Arguitur ergo mundus de
peccato, quia in Christum non credit; et arguitur de iustitia eorum qui
credunt. Ipsa quippe fidelium comparatio, infidelium est vituperatio. De
iustitia vero, quia ad patrem vado. Et quoniam ista vox infidelium esse
consuevit : quomodo credimus quod non videmus? Ideo credentium iustitiam sic
oportuit definiri : quia ad patrem vado, et iam non videbitis me. Beati enim
qui non vident et credunt. Nam et qui viderunt Christum, non in eo laudata
est fides eorum quia credebant quod videbant, idest filium hominis; sed quia
credebant quod non videbant, idest filium Dei. Cum vero et ipsa forma servi
subtracta eorum esset aspectibus, tunc ex omni parte impletum est : iustus ex
fide vivit. Erit itaque vestra iustitia, de qua mundus arguetur, quoniam in
me, quem non videbitis, credetis; et quandoque me videbitis : quoniam tunc
sicut ero videbitis me, non quod sum vobiscum modo; idest, non videbitis
mortalem, sed sempiternum; dicendo enim iam non videbitis me, velut nunquam
eos de cetero visuros Christum praenuntiavit. Augustinus de Verb. Dom. Vel aliter. Illi non crediderunt
: ipse ad patrem vadit. Illorum ergo peccatum, ipsius autem iustitia. Quod
enim a patre ad nos venit, misericordia est; iustitia vero quod ad patrem
vadit; secundum illud apostoli : propter quod et Deus exaltavit illum. Sed si
solus vadit ad patrem, quid nobis prodest? An ideo solus, quia Christus unus
est cum omnibus membris suis, tamquam caput cum corpore suo? Arguitur ergo
mundus de peccato in eis qui non credunt in Christum, et de iustitia in eis
qui resurgunt in membris Christi. Sequitur de iudicio autem, quia princeps
mundi huius iam iudicatus est, idest Diabolus princeps iniquorum, qui corde
non habitant nisi in hoc mundo quem diligunt. Hoc autem ipso quo foris missus
est, iudicatus est; et de hoc iudicio mundus arguitur : quia frustra de Diabolo
queritur qui non vult credere in Christum, quem iudicatum, idest foras
missum, et propter nostram exercitationem forinsecus expugnare permissum, non
solum viri, sed etiam mulieres et pueri et puellae martyres vicerunt. Augustinus in Ioannem. Vel iudicatus est, quoniam
iudicio ignis aeterni irrevocabiliter destinatus est; et de hoc iudicio
mundus arguitur, quoniam cum suo principe iudicatur, quem superbum atque
impium imitatur. Credant itaque homines in Christum, ne arguantur de peccato
infidelitatis suae, quo peccata omnia detinentur; transeant in numerum
fidelium, ne arguantur de iustitia eorum quos iustificatos non imitantur;
caveant futurum iudicium, ne cum mundi principe iudicentur, quem iudicatum
imitantur. Chrysostomus in Ioannem. Vel aliter. Arguet mundum
de peccato : idest, omnem eorum excusationem abscindet, et ostendet eos sine
venia peccasse, non credentes in me, dum videbunt spiritus sancti donationem
ineffabilem invocato me fieri. Augustinus de quaest. Nov. et Vet. Testam. Hoc etiam
modo spiritus sanctus de peccato arguit mundum, quia in nomine salvatoris,
qui reprobatus est a mundo, virtutes operatus est. Salvator autem, servata
iustitia, non trepidavit reverti ad eum qui se miserat, et per id quod
regressus est probavit se inde venisse; unde sequitur et de iustitia, quia ad
patrem vado. Chrysostomus. Idest, ire ad patrem erit argumentum
quod irreprehensibilem agebam vitam, ut non possint adhuc dicere, quoniam hic
homo peccator est, et non est ex Deo. Rursus quoniam expugnavi adversarium
(nequaquam autem peccator existens expugnasset), non possunt dicere quod
Daemonium habeo, et quod seductor sum. Quoniam autem condemnatus est propter
me, scient quod conculcabunt eum postea; et resurrectionem meam manifeste
scient : non enim me valuit detinere. Augustinus de quaest. Nov. et Vet. Testam. Videntes
Daemones animas de Inferis ire ad caelos, cognoverunt iudicatum esse
principem huius mundi, ut reus factus in causa salvatoris, quae tenebat iure
amitteret. Haec quidem ascendente salvatore visa sunt; sed superveniente in
discipulis spiritu sancto, palam aperteque manifestata sunt. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 78 sur Saint Jean). La tristesse s'était emparée de
l'esprit des disciples encore bien imparfaits, [en entendant les dernières
paroles de leur divin Maître]; il les en reprend, et leur en fait un
reproche. « Et maintenant je vais à
celui qui m'a envoyé, et aucun de vous ne me demande : Où allez-vous ? »
En effet, lorsqu'ils l'entendirent déclarer que celui qui les mettrait à mort
croirait faire une chose agréable à Dieu, ils furent frappés au point de ne
plus adresser aucune question, c'est pour cela qu'il ajoute : « Mais parce que je vous ai dit ces
choses, la tristesse a rempli votre cœur, ». Ce n'était pas pour eux une
consolation médiocre que de voir que le Seigneur connaissait la grandeur de
leur tristesse produite par la pensée de son départ prochain, par la
perspective des maux qu'ils devaient souffrir, et l'ignorance où ils étaient
s'ils pourraient les supporter courageusement. —
Saint Augustin : (Traité 94 sur saint Jean).
Ou bien encore, ils lui avaient demandé précédemment où il allait, et il leur
avait répondu qu'il allait où ils ne pouvaient le suivre actuellement;
maintenant il leur déclare qu'il s'en ira, sans qu'aucun d'eux lui demande où
il va : « Aucun de vous ne me demande :
Où allez-vous ? » Car lorsqu'il monta aux cieux, ils l'accompagnèrent de
leurs regards, mais sans chercher à savoir où il allait. Or, le Seigneur
voyait l'effet que produisaient ses paroles dans leur cœur; comme ils
n'avaient pas encore cette consolation intérieure que le Saint-Esprit devait
répandre dans leur âme, ils craignaient de perdre la présence visible de
Jésus-Christ; et comme d'après sa déclaration, ils ne pouvaient douter qu'ils
la perdraient, leur affection encore tout humaine s'attristait de ce que
leurs yeux allaient être privés de ce qui faisait leur consolation : « Mais parce que je vous ai dit ces
choses, la tristesse a rempli votre cœur. » Jésus savait ce qui leur
était le plus avantageux; car la vue intérieure que l'Esprit saint devait
leur donner comme consolation, était bien préférable : « Cependant je vous dis la vérité, il vous est avantageux que je m'en
aille. » —
Saint Jean Chrysostome : C’est-à-dire, dût votre
tristesse être mille fois plus grande, il vous faut entendre cette vérité,
c'est qu'il vous est utile que je me sépare de vous. Or, quelle est cette
utilité ? « Car si je ne m'en vais pas,
le Paraclet ne viendra pas à vous. » —
Saint Augustin : (de la Trin., 1, 9) S'il
parle de la sorte, ce n'est point qu'il y ait inégalité entre le Verbe de
Dieu et l'Esprit saint, mais parce que la présence du Fils de l'homme au
milieu d'eux était comme un empêchement à la venue de celui qui ne lui était
pas inférieur, parce qu'il ne s'était pas anéanti lui-même jusqu'à prendre la
forme de serviteur. (Ph 2) Il fallait donc faire, disparaître à leurs yeux la
forme de serviteur, qui les portait à croire que Jésus-Christ n'était pas ce
qu'ils voyaient des yeux au corps : «
mais si je m’en vais, je vous l'enverrai. » —
Saint Augustin : Est-ce qu'il ne pouvait
l'envoyer, tout en demeurant sur la terre, lui sur qui nous savons que
l'Esprit saint descendit et demeura lorsqu'il fut baptisé et qui ne fut
jamais séparé de lui ? Quel est donc le sens de ces paroles : « Si je ne m'en vais, le Paraclet ne
viendra pas à vous, » si ce n'est : vous n'êtes pas capables de
recevoir le Saint-Esprit, tant que vous continuez à ne connaître Jésus-Christ
que selon la chair. Mais lorsque Jésus-Christ les eut privés de sa présence
corporelle, non seulement l'Esprit saint, mais le Père et le Fils vinrent
fixer spirituellement en eux leur séjour. —
Saint Grégoire : (Moral., 8, 13 ou 17 dans
les anc. éd). Il semble leur dire ouvertement : « Si je ne dérobe pas mon
corps aux yeux de votre affection, il me sera impossible de vous conduire à
l'intelligence invisible par l'Esprit consolateur ». —
Saint Augustin : (sur les par. du Seig). Or,
après que la forme de serviteur que le Sauveur a prise dans le sein de la
Vierge, eut été éloignée des yeux de la chair, l'Esprit consolateur leur
procura ce bonheur singulier de pouvoir contempler avec les yeux purifiés de
leur intelligence la nature de Dieu elle-même, par laquelle le Fils était
égal à son Père, alors même qu'il daigna se manifester dans la chair. —
Saint Jean Chrysostome : Mais quelle est donc
l'objection que font ici ceux qui ne se forment point de l'Esprit saint des
idées justes et convenables ? Est-il donc utile que le Seigneur s'en aille
pour que le serviteur vienne ? Or, le Sauveur répond, en nous faisant
connaître les avantages de la venue de l'Esprit saint : « Et lorsqu'il sera venu, il convaincra le monde en ce qui touche le
péché, la justice et le jugement.» —
Saint Augustin : (Traité 95 sur Saint Jean). Est-ce donc que Jésus-Christ n'a pas
convaincu le monde ? Serait-ce parce qu'il n'a fait entendre sa voix qu’à la
nation juive, qu'on ne pourrait dire qu'il a convaincu le monde, tandis que
l'Esprit saint, au contraire, dans la personne de ses disciples répandus par
tout l'univers, n'a pas seulement convaincu une seule nation, mais le monde
tout entier ? Mais qui oserait dire que l'Esprit saint a convaincu le monde
par la bouche des disciples, tandis que Jésus-Christ ne peut le convaincre;
alors que l'Apôtre s'écrie : « Est-ce
que vous voulez éprouver la puissance du Jésus-Christ qui parle par ma bouche
? » (2 Co 13, 3). Jésus-Christ peut donc convaincre ceux que l'Esprit
saint convainc lui-même. Mais Notre Seigneur dit : « Il convaincra le monde, » c'est-à-dire, il répandra la charité
dans vos cœurs, et en dissipant toutes vos craintes, vous donnera la liberté
de convaincre le monde. Il explique ensuite ce qu'il venait de dire : « En ce qui touche le péché, parce qu'ils
n'ont pas cru en moi. » Notre Seigneur ne parle que de ce péché à
l'exclusion de tous les autres, parce que tant qu'il reste, les autres péchés
ne sont pas remis, et que s'il vient à être effacé, tous les autres le sont
avec lui. —
Saint Augustin : (serm. 61 sur les par. du
Seig). Mais il y a une grande différence entre croire que Jésus est le
Christ, et croire en Jésus-Christ; les démons eux-mêmes n'ont pu s'empêcher
de croire qu'il était le Christ, mais celui qui croit en Jésus-Christ, espère
en même temps en Jésus-Christ, aime Jésus-Christ. —
Saint Augustin : (Traité 95). Le monde est
donc convaincu de péché, parce qu'il ne croit pas en Jésus-Christ, et il est
convaincu aussi en ce qui touche la justice de ceux qui croient, car le seul
exemple des fidèles est la condamnation des infidèles : « Il convaincra le monde en ce qui touche la justice, parce que je
m'en vais à mon Père. » Nous entendons souvent sortir de la bouche des
infidèles cette question : Comment pouvons-nous croire ce que nous ne voyons
pas ? Il fallait donc définir de la sorte le caractère de la justice des
croyants : « parce que je m'en vais à
mon Père, et que vous ne me verrez plus. » Bienheureux, en effet, ceux
qui ne voient point et croient, car si la foi de ceux qui ont vu Jésus-Christ
a reçu des éloges, ce n'est point parce qu'ils croyaient ce qu'ils voyaient
(c'est-à-dire le Fils de l'homme), mais parce qu'ils croyaient ce qu'ils ne
voyaient pas (c'est-à-dire le Fils de Dieu). Lorsqu'au contraire, la forme de
serviteur eut disparu à leurs regards, alors cette, parole [du prophète] fut
entièrement accomplie : « Le juste vit
de la foi. » Votre justice donc qui convaincra le monde, consistera à
croire en moi, alors que vous ne me verrez plus; et lorsque vous me verrez
tel que je serai alors, vous ne me verrez plus tel que je suis maintenant au
milieu de vous, c'est-à-dire, vous ne me verrez plus soumis à la mort, mais
environné d'immortalité. Et en effet, en leur disant : « Vous ne me verrez plus, » il leur prédit qu'ils ne verront plus
désormais le Christ tel qu'ils le voient. — Saint
Augustin : (serm. 61 sur les par. du Seigneur). On peut
donner encore cette explication : Il n'ont pas cru en lui, et il s'en va vers
son Père; le péché est donc pour eux, et la justice pour lui. En effet,
lorsqu'il est venu du sein de son Père vers nous; c'est un acte de
miséricorde, mais c'est par un effet de sa justice qu'il retourne à son Père,
selon ces paroles de l'Apôtre : « C'est
pour cela que Dieu l'a exalté. » (Ph 2) Mais s'il s'en va seul à son
Père, quelle utilité pouvons-nous en retirer ? S'en est-il allé seul, parce
que le Christ ne fait qu'un avec tous ses membres, comme le chef ne fait
qu'un avec son corps ? Le monde est donc convaincu de péché dans la personne
de ceux qui ne croient pas en Jésus-Christ, et il est convaincu en ce qui touche
la justice dans ceux qui ressuscitent comme membres de Jésus-Christ : « et en ce qui touche le jugement ,
parce que le prince de ce monde est déjà jugé, » c'est-à-dire le démon,
le prince des méchants dont le cœur est tout entier fixé dans ce monde, objet
de leurs affections. Par-là même qu'il a été jeté dehors, il a été jugé, et
le monde est convaincu de ce jugement, parce qu'il se plaint inutilement du
démon, lui qui ne veut point croire en Jésus-Christ. En effet, ce prince du
monde qui est jugé, c'est-à-dire jeté dehors, et à qui Dieu permet de nous
attaquer extérieurement pour nous exercer à la vertu, a été vaincu, non seulement
par des hommes, mais par de simples femmes, par des enfants, par de tendres
vierges qui ont souffert le martyre pour Jésus-Christ. —
Saint Augustin : (Tr. 95 sur Saint Jean). Ou bien encore, il est déjà jugé,
parce qu'il est irrévocablement condamné au feu éternel. Or, le monde est
convaincu de ce jugement, parce qu'il est jugé lui-même avec son chef dont il
imite l'orgueil et l'impiété. Que tous les hommes croient donc en
Jésus-Christ, pour n'être point convaincus du péché d'incrédulité qui est
comme un lien qui retient tous les autres péchés; qu'ils passent au nombre
des fidèles, pour n'être point convaincus en ce qui touche la justice de ceux
dont ils n'imitent point la conduite, et qu'ils se mettent en garde contre le
jugement à venir, afin de n'être pas jugé avec le prince du monde qu'ils ont
imité malgré son jugement [et sa condamnation]. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 78 sur Saint Jean). Ou bien encore : « Il convaincra le monde de pêché, » c'est-à-dire, il leur ôtera
toute excuse, et leur prouvera qu'ils sont coupables de n'avoir pas voulu
croire en moi, alors qu'ils verront l'Esprit saint descendre sur les fidèles
d'une manière ineffable par la seule invocation de mon nom. —
Saint Augustin : (Quest. sur le Nouv. et
l'Anc. Test., quest. 89) L'Esprit saint a encore convaincu le monde de péché
par les prodiges qu'il a opérés au nom du Sauveur, que le monde avait rejeté.
Pour le Sauveur lui-même, ayant réservé la justice, il n'a point hésité de
retourner à celui qui l'avait envoyé, et en retournant vers lui, il a prouvé
qu'il en était venu : « Et en ce qui
touche la justice, parce que je m'en vais à mon Père. » —
Saint Jean Chrysostome : C'est-à-dire qu'en
retournant à mon Père, je leur prouverai que ma vie était irréprochable, et
qu'ils ne pourront dire encore [comme autrefois] : « Cet homme est un pécheur, et ne vient pas de Dieu. » Lorsqu'ils
verront d'ailleurs que j'ai triomphé de mon ennemi (ce que je n'aurais pu
faire si j'avais été un pécheur), il leur sera impossible de dire que je suis
possédé du démon, que je suis un séducteur. En apprenant que le démon a été
condamné à cause de ce qu'il avait fait à mon égard, ils sauront qu'ils
pourront désormais le fouler aux pieds, et ils seront convaincus à n'en
pouvoir douter de ma résurrection, parce qu'il n'a pu me retenir dans les
liens de la mort. —
Saint Augustin : (Quest. de l'Anc. et du
Nouv. Test). Les démons eux-mêmes en voyant les âmes délivrées des enfers
monter vers les cieux, ont connu que le prince de ce monde était déjà jugé,
et que par suite du crime qu'il avait commis dans le jugement du Sauveur, il
était condamné lui-même à perdre tout ce qu'il avait en sa possession, c'est
ce que les Apôtres virent à l'ascension de Jésus-Christ, mais ce qui leur fut
pleinement découvert, lorsque l'Esprit saint descendit sur eux. |
Lectio 3 |
Versets 12-15 |
[86123] Catena in Io., cap. 16 l. 3 Theophylactus.
Quia supra dixerat dominus : expedit vobis ut ego vadam, iam hoc
amplificat dicens adhuc multa habeo vobis dicere; sed non potestis portare
modo. Augustinus in Ioannem. Omnes haeretici audacias
figmentorum suorum, quas maxime exhorret sensus humanus, hac occasione
evangelicae sententiae colorare conantur; quasi haec ipsa sint quae tunc
discipuli portare non poterant, et ea docuerit spiritus sanctus, quae palam
docere atque praedicare spiritus erubescit immundus. Sed alia sunt mala quae
portare non potest qualiscumque pudor humanus, et alia sunt bona quae portare
non potest parvus sensus humanus. Ista sunt in corporibus impudicis, illa
remota sunt a corporibus universis. Quis autem nostrum audeat eorum se dicere
iam capacem quae illi capere non valebant? Ac per hoc nec a me expetenda sunt
ut dicantur. Sed dicet aliquis : sic multi possunt quod tunc non poterat
Petrus, sicut multi possunt martyrio coronari, quod tunc non poterat Petrus,
praesertim iam misso spiritu sancto, qui tunc nondum erat missus. Sed numquid ideo scimus quae sunt quae dicere voluit? Absurdissime enim mihi videtur dici, tunc non potuisse
portare discipulos quae de altissimis rebus invenimus in apostolicis litteris
quae postmodum scriptae sunt, nec ea dominum dixisse narratur. Perversarum
quidem sectarum homines ferre non possunt quod in Scripturis sanctis de fide
Catholica reperitur, sicut nos ferre non possumus sacrilegas eorum vanitates
: quid enim est ferre non posse, nisi aequo animo non habere? Quis autem
fidelis, vel etiam catechumenus, antequam spiritum sanctum baptizatus
accipiat, non aequo animo legit atque audit, etiam si non intelligit ea quae
post ascensionem domini scripta sunt? Dicet autem aliquis : nihil ne
spirituales viri habent in doctrina quod carnalibus taceant, et spiritualibus
eloquantur? Nulla quidem necessitas est ut aliqua secreta doctrinae taceantur
fidelibus parvulis, seorsum dicenda maioribus; sed spirituales spiritualia
carnalibus non omnino taceant propter Catholicam fidem, quae omnibus
praedicanda est : nec tamen sic edisserant ut volentes ea perducere ad
intelligentiam non capacium, facilius fastidire faciant in veritate sermonem,
quam in sermone percipi veritatem. Non ergo in his domini verbis nescio quae
secreta suscipimus quae cum dici a docente possint, portari a discente non
possint. Sed ea ipsa quae in doctrina religionis in quorumlibet hominum
notitia dicimus, si vellet nobis Christus dicere, sicut ea dicit Angelis
suis; quinam homines portare possent, etiam si essent spiritales, quales
adhuc apostoli non erant? Nam utique quidquid de creatura sciri potest, minus
est ipso creatore : et quis eum tacet? Quis autem vivens in hoc corpore
posset omnem cognoscere veritatem, cum dicat apostolus : ex parte scimus? Sed
quia per spiritum sanctum fit ut ad ipsam quoque plenitudinem veniamus, de
qua idem dicit apostolus : tunc autem facie ad faciem; non quod est in hac
tantum vita dominus nobis promisit dicens cum autem venerit ille spiritus
veritatis, docebit vos omnem veritatem; vel deducet vos in omnem veritatem :
quo verbo intelligimus eius nobis plenitudinem in vita alia reservari. Ipse
autem spiritus sanctus et nunc docet fideles, quanta quisque potest capere
spiritalia, et in eorum cordibus desiderium maius accendit. Didymus. Vel hoc dicit, quod auditores verborum eius
nondum fuerant omnia consecuti quae postea pro nomine eius sufferre poterant
: sed aliqua tradens eis, illa quae maiora erant, in posterum distulit; quae
tunc non poterant, nisi primitus in capite nostro magisterium et forma crucis
praeiret. Adhuc etiam typo legis, et umbrae et imaginibus servientes non
poterant veritatem, cuius umbram lex portabat, inspicere. Cum autem venerit
spiritus veritatis, diriget vos in omnem veritatem sua doctrina et
institutione, vos transferens a morte litterae ad spiritum vivificantem, in
quo solo omnis Scripturae veritas posita est. Chrysostomus. Quia ergo dixerat nunc non potestis
portare, tunc autem poteritis; et quoniam spiritus sanctus ducet vos in omnem
veritatem, ne hoc audientes, maiorem spiritum sanctum existiment, subiungit
non enim loquetur a semetipso, sed quaecumque audiet loquetur. Augustinus in Ioannem. Simile est hoc ei quod de
seipso dixit : non possum a me ipso facere quidquam, sed sicut audio iudico;
sed illud secundum hominem posse accipi dicimus. Cum igitur spiritus sanctus nulla susceptione cuiusquam
creaturae creatura sit factus, quomodo de illo hoc intelligendum est? Sic
itaque debemus accipere, ut intelligamus non eum esse a se ipso : nam filius
de patre natus est, et spiritus sanctus de patre procedit. Quid autem illic
intersit inter procedere et nasci, et longum est disserere, et temerarium
definire. Audire autem illi scire est, scire vero esse. Quia ergo non est a
semetipso, sed ab illo a quo procedit; a quo illi est essentia, ab illo scientia
: ab illo igitur audientia. Semper itaque audit spiritus sanctus, quia semper
scit : ab illo ergo audivit, audit et audiet a quo est. Didymus. Ait ergo non loquetur a semetipso; hoc est,
non sine me et sine meo et patris arbitrio : quia non ex se est, sed ex patre
et me est. Hoc enim ipsum quod subsistit et loquitur, a patre et a me illi
est. Ego veritatem loquor; idest, inspiro quae loquor, siquidem spiritus
veritatis est. Dicere autem et loqui in Trinitate, non secundum consuetudinem
nostram accipiendum est, sed iuxta formam incorporalium naturarum, et maxime
Trinitatis, quae voluntatem suam inserit cordibus credentium, et eorum qui
audire eum sunt digni. Loqui ergo patrem et audire filium, eiusdem naturae in
patre et filio consensusque significatio est. Spiritus vero sanctus, qui est
spiritus veritatis spiritusque sapientiae, non potest filio loquente audire
quae nescit, cum hoc ipsum sit quod profertur a filio, idest procedens
veritas a veritate, consolator manans a consolatore, Deus de Deo spiritus veritatis
procedens. Denique ne quis illum a patris et filii voluntate et societate
discerneret, scriptum est sed quae audiet loquetur. Augustinus de Trin. Non autem hinc efficitur ut
minor sit spiritus sanctus; secundum hoc enim dictum est quod de patre
procedit. Augustinus in Ioannem. Nec moveat quod verbum futuri
temporis positum est : illa quippe audientia sempiterna est, quia est
sempiterna scientia. In eo autem quod sempiternum est, sine initio et sine
fine, cuiuslibet temporis verbum ponatur : quamvis enim natura illa
immutabilis non recipiat fuit et erit, sed tantum est; non tamen mendaciter
dicimus : fuit et est et erit; fuit, quia nunquam defuit; erit, quia nunquam
deerit; est, quia semper est. Didymus. Per spiritum etiam veritatis futurorum
sanctis viris scientia certa conceditur : unde et prophetae hoc eodem repleti
spiritu praenuntiabant, et quasi praesentia intuebantur quae erant deinceps
secutura; unde sequitur et quae ventura sunt annuntiabit vobis. Beda. Constat quia multi spiritus sancti gratia
repleti, quae ventura erant agnoverunt; sed quia multi variis coruscant
virtutibus, nec tamen quae ventura sunt agnoscunt, potest hic sermo sic
accipi : quae ventura sunt, vobis annuntiabit, idest, gaudia vobis caelestis
patriae ad memoriam reducet. Ventura vero apostolis nuntiavit, mala scilicet
quae pro confessione Christi erant passuri, et bona quae pro eisdem malis
erant percepturi. Chrysostomus in Ioannem. Elevavit igitur per hoc
eorum mentem, cum ad nihil ita avidum sit humanum genus ut ad sciendum
futura. Ab hac igitur eos eruit sollicitudine, ostendens, quoniam futura eis
pericula praedicat ut non incidant non observantes. Deinde ostendens quoniam
dixerit omnem veritatem in quam spiritus sanctus adducet, subiungit ille me
clarificabit. Augustinus in Ioannem. Quia scilicet diffundendo in
credentium cordibus caritatem, spiritualesque faciendo, declaravit eis
qualiter patri filius esset aequalis, quem secundum carnem prius tantummodo
noverant, et hominem sicut homines cogitabant. Vel certe, quia per ipsam
caritatem fiducia repleti, et timore depulso, annuntiaverunt hominibus
Christum; ac sic fama eius diffusa est toto orbe terrarum. Quod enim facturi
erant in spiritu sancto, hoc eumdem spiritum dixit esse facturum. Chrysostomus. Et quia dominus dixerat : magister
vester unus est Christus; ut et spiritus sanctus suscipiatur ab eis,
subiunxit quia de meo accipiet, et annuntiabit vobis. Didymus. Accipere hic ut divinae naturae conveniat
intelligendum est : quomodo enim filius dans non privatur his quae tribuit,
neque eum damno suo impartitur aliis, sic et spiritus sanctus non accipit
quod ante non habuit : si enim prius quod non habebat accepit, translato in
alium munere vacuus largitor effectus est. Sic igitur spiritum sanctum a
filio accipere id quod suae naturae fuerat, cognoscendum est; et non aliam
dantem et accipientem, sed unam significare substantiam. Siquidem et filius
eadem a patre suscipere dicitur in quibus ipse subsistit : neque enim quid
aliud est filius, exceptis his quae ei dantur a patre; neque alia est
spiritus sancti substantia praeter id quod datur a filio. Augustinus. Non autem propterea, sicut quidam
haeretici putaverunt, minor est filio spiritus sanctus, quia filius accipiat
a patre, spiritus sanctus a filio, quasi quibusdam gradibus, naturam. Unde
ipse quaestionem solvens, cur hoc dixerit, explanat dicens omnia quae habet
pater, mea sunt : propterea : dixi vobis, quia de meo accipiet, et
annuntiabit vobis. Didymus. Quasi dicat : licet a patre procedat
spiritus veritatis, tamen quia omnia quae habet pater, mea sunt, et ipse
patris spiritus meus est, et de meo accipiet. Cave autem ne cum ista
dicuntur, putes rem esse aliquam et possessionem quae a patre habeatur, ac a
filio; verum quae habet pater iuxta substantiam, idest aeternitatem,
immutabilitatem, bonitatem, haec eadem habet et filius. Procul hinc absint
dialecticorum tendiculae; dicunt enim : ergo et pater est filius. Si autem
dixisset : omnia quaecumque habet Deus, mea sunt, haberet occasionem impietas
consurgendi; cum vero dixerit omnia quae habet mea sunt, patris nomine se
filium declaravit, paternitatem qui filius erat non usurpavit; quamvis et
ipse per adoptionis gratiam multorum sanctorum sit pater. Hilarius de Trin. Non ergo in incerto dominus
reliquit, utrum ex patre an ex filio spiritus Paraclitus esse putetur : a
filio enim accepit quod ab illo mittitur, et a patre procedit. Et interrogo
utrum idipsum sit a filio accipere quod a patre procedere. Certe idipsum
atque unum esse existimabitur a filio accipere, quod si acciperet a patre;
cum enim ait omnia quaecumque habet pater, sua esse, et idcirco dixisse, de
suo accipiendum esse, docet etiam a patre accipienda, a se tamen accipi, quia
omnia quae patris sunt, sua sunt. Non habet haec unitas diversitatem; nec
differt a quo acceptum sit, quod datum a patre, datum referatur a filio. |
—
Théophylactus : Notre Seigneur développe les paroles qu'il vient de leur dire : « Il vous est utile que je m’en aille, »
en ajoutant : « J'ai encore beaucoup de
choses à vous dire, mais vous ne
pouvez pas les porter maintenant. » —
Saint Augustin : (Traité 97 sur Saint Jean). Tous les hérétiques se sont efforcés
d'étayer sur ces paroles de l'Evangile leurs audacieuses inventions que la
raison humaine repousse avec horreur, comme si ces inventions étaient
justement les vérités que les disciples ne pouvaient porter, et que l'Esprit
saint leur eut enseigné ce que l'esprit immonde rougit d'enseigner et de
prêcher en public. (Tr. 96) Mais on ne peut établir de comparaison entre les
infamies qu'aucune pudeur humaine ne peut supporter, et les vérités
salutaires que la faiblesse de l'esprit humain n'est pus capable de
comprendre. Les unes ne se trouvent que dans les corps livrés à l'impureté,
les autres sont au-dessus de toute nature corporelle [et sensible]. (Même
Traité). Mais qui de nous se croira capable de comprendre les vérités que les
disciples ne pouvaient porter alors ? Il ne faut donc point s'attendre à ce
que je les explique. On me dira peut-être : il en est beaucoup
maintenant qui pourraient comprendre ce que saint Pierre ne pouvait pas
comprendre, alors même qu'il en est beaucoup qui sont aujourd'hui capables de
recevoir la couronne du martyre, ce que Pierre n’a pu faire, surtout depuis
qu'ils ont reçu l'Esprit saint qui alors n'avait pas encore été envoyé. [J'accorde qu'il en soit beaucoup qui, depuis la
venue du l'Esprit saint, puissent porter les vérités dont les disciples
étaient incapables avant de l'avoir reçu]. Est-ce une raison pour que nous
sachions ce qu'il a voulu dire ? [Et puisqu'il a cru devoir les taire, qui de nous
entreprendra de les dire ? (Plus bas). Savons-nous pour cela les vérités
qu'il n'a pas cru devoir révéler ?] Il me semble qu’il est de la dernière
absurdité de dire que les disciples étaient alors incapables de porter les
hautes vérités que renferment leurs Epîtres écrites beaucoup plus tard, et
dont on ne voit pas que le Seigneur leur ait parlé. Ces hommes qui
appartiennent à des sectes perverses [et corrompues, comme les Manichéens,
les Sabelliens, les Ariens,] ne peuvent supporter les vérités de la foi
catholique qui se trouvent dans les saintes Ecritures [et condamnent leurs
erreurs], de même que nous ne pouvons supporter leurs mensonges sacrilèges.
Qu'est-ce, en effet, que de ne pouvoir supporter quelque chose ? C'est ne
pouvoir l'envisager avec un esprit égal [et tranquille]. Mais quel est le
fidèle, quel est même le catéchumène qui, avant d'avoir reçu avec le baptême
le Saint-Esprit, ne lise pas ou n'entende pas d'un esprit égal, bien qu'il ne
les comprenne pas, les vérités qui n'ont été écrites qu'après l'ascension du
Sauveur ? (Traité 97 vers la fin). On me dira encore : Est-ce que les hommes
versés dans la spiritualité n'ont pas dans leur doctrine des vérités qu'ils
taisent aux hommes charnels, et qu'ils révèlent à ceux qui se conduisent
selon l'esprit ? (Traité 98, avant le milieu). Il n'y a aucune nécessité de
taire aux fidèles qui ne font que commencer les secrets de la doctrine
chrétienne, pour les exposer en particulier aux âmes plus avancées. (Le
milieu). Les hommes spirituels ne doivent pas garder devant les chrétiens,
même charnels, un secret absolu sur les vérités spirituelles, parce qu'elles
font partie de la foi catholique qui doit être annoncée à tous les hommes.
Cependant, dans l'exposé qu'ils en font, ils doivent prendre garde qu'en
voulant faire entrer ces vérités dans l'esprit de ceux qui n'en sont pas
capables, ils leur inspirent le dégoût pour la parole de vérité plutôt que de
leur en donner l'intelligence. (Même imité après le commencement). Ne
soupçonnons donc pas dans ces paroles du Seigneur, je ne sais quelles vérités
secrètes qui pourraient être dites par celui qui enseigne, mais que ne
pourrait supporter son disciple; mais comprenons que pour les choses mêmes
qui, dans la doctrine chrétienne, font partie de l’enseignement commun des
fidèles, si Jésus-Christ voulait nous les expliquer comme il les développe à
ses anges, quels sont ceux qui pourraient supporter cette révélation,
fussent-ils des plus avancés dans la spiritualité, ce que n'étaient pas
encore les Apôtres ? Certainement tout ce qu'on peut savoir de la créature
est au-dessous du Créateur, et cependant qui garde le silence sur le Créateur
? [Dans quel endroit du monde n'est-il pas connu de tous les hommes ? Et
cependant alors que tous parlent de lui, quel est celui qui le comprend comme
il doit être compris ? (Traité 96)]. Et quel est celui qui, pendant cette
vie, peut connaître toute la vérité ? Est-ce que l'Apôtre ne dit pas : « Nous ne connaissons maintenant
qu'imparfaitement ? » (1 Co 13) Disons donc que comme l'Esprit Saint nous
conduit à cette plénitude de vérité dont parle le même Apôtre, en ajoutant : « Mais alors nous le verrons face à face » ;
ce n’est pas seulement ce qui doit se faire en cette vie, mais la révélation
pleine et entière qui doit avoir lieu dans la vie future que Notre Seigneur
nous promet par ces paroles : « Lorsque
l'Esprit de vérité sera venu, il vous enseignera toute vérité, » ou : « Il vous fera parvenir à toute vérité. »
Ces paroles nous font comprendre que la plénitude de la vérité nous est
réservée pour l'autre vie, et que dans celle-ci l'Esprit saint enseigne aux
fidèles les choses spirituelles d'une manière proportionnée à leurs
dispositions, tout en excitant dans leur cœur un désir de plus en plus vif
pour ces mêmes vérités. —
Didyme : (de l'Esprit saint, 2) Ou
bien Notre Seigneur veut dire que ses disciples n’avaient pas encore entendu
tout ce qu'ils auraient à souffrir dans la suite pour son nom; il ne leur en
faisait connaître qu'une partie, réservant pour plus tard la connaissance des
épreuves plus grandes qu'ils ne pouvaient porter alors, avant que leur chef
leur en eut donné l'exemple par l'enseignement de sa croix. Ils étaient
encore asservis aux figures, à l'ombre et aux images de la loi, et ils ne
pouvaient regarder la vérité dont la loi n'était que l'ombre. Mais lorsque
l'Esprit de vérité sera venu, il vous enseignera toute vérité, et par sa
doctrine et par son enseignement ; il vous fera passer de la mort de la
lettre à l'esprit de vie dans lequel seul se trouve la vérité de tontes les
Ecritures. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 78). Ces paroles : «
Vous ne pouvez porter maintenant ces vérités, » (mais vous le pourrez
plus tard) et ces autres : « L'Esprit saint vous conduira à toute vérité,
» pouvaient donner aux Apôtres la pensée que l'Esprit saint était plus
grand que lui, il se hâte donc d'ajouter : « Car il ne parlera pas de
lui-même, et il vous annoncera les choses à venir». —
Saint Augustin : (Traité 99 sur Saint Jean). Ces paroles sont semblables à celles
que le Sauveur dit de lui-même : « Je ne puis faire rien de moi-même, mais
je juge suivant ce que j'entends, » toutefois il parlait ainsi en tant
qu'homme. — Or, comme l'Esprit saint n'est pas devenu créature
par son union à un être créé, comment entendre en lui ces paroles de Notre
Seigneur ? Nous devons les entendre dans ce sens que l'Esprit saint n'existe
point par lui-même, car le Fils est né du Père, et l'Esprit saint procède du
Père; or quelle différence entre procéder et naître, c'est ce qui demanderait
de longues discussions et ce qu'il serait téméraire de définir. Entendre pour
l'Esprit-Saint, c'est savoir, et savoir, c'est être. Puisque donc l'Esprit
saint n'existe pas de lui-même, mais par celui de qui il procède, il reçoit
la science et la propriété d'entendre de celui duquel il reçoit l'être.
L’Esprit saint entend donc, toujours parce qu'il sait toujours; c'est donc de
celui qui lui a donné l'être qu'il a entendu, qu'il entend et qu'il entendra. —
Didyme : (De l'Esprit saint). Notre
Seigneur dit donc : « Il ne parlera pas de lui-même, » c'est-à-dire
sans la volonté de mon Père et la mienne; parce qu'il n’existe pas de
lui-même et tire son existence de mon Père et de moi, et c'est de mon Père et
de moi qu'il a reçu d'être, et de parler. Pour moi, je dis la vérité,
c'est-à-dire je lui inspire ce que je dis, car il est l'Esprit de vérité.
Lorsqu'il s'agit de la Trinité, il ne faut point entendre ces expressions
dire et parler dans leur signification ordinaire, mais dans le sens qui seul
peut convenir aux natures incorporelles, et surtout à la Trinité qui inspire
sa volonté dans le cœur des fidèles et de ceux qui sont dignes d'entendre sa
voix. Pour le Père parler, et pour le Fils entendre, est le signe d'une
entière égalité de nature, et d'une parfaite unité de volonté. Quant à
l’Esprit-Saint, qui est l’Esprit de vérité, l'Esprit de sagesse, lorsque le
Fils parle, on ne peut dire qu'il entend ce qu'il ne sait pas, puisqu'il est
lui-même ce qui sort du Fils, la vérité qui procède de la vérité, le
consolateur qui émane du consolateur, le Dieu Esprit de vérité qui procède de
Dieu. Et afin que personne ne lui attribuât une volonté différente de celle
du Père et du Fils, Notre Seigneur ajoute : « Ce qu'il entendra, il le
dira. » —
Saint Augustin : (De la Trin., 2, 43) On ne
peut conclure de là que l'Esprit saint soit inférieur [au Père et au Fils],
car ces paroles doivent s'entendre de lui en tant qu'il procède du Père. —
Saint Augustin : (Traité 99 sur Saint Jean). Il ne faut pas s'étonner que le verbe
« il entendra » soit au futur, le Saint-Esprit entend de toute
éternité parce qu'il sait de toute éternité. Or quand il s'agit d'un être
éternel sans commencement comme sans fin, quel que soit le temps qu'on
emploie, [il n'est pas contraire à la vérité]. Quoique cette nature immuable
ne soit pas susceptible de passé et de futur, mais seulement du présent,
cependant on ne parle point contre la vérité en disant : « Il a été, il est,
et il sera, » il a été, car il n'a jamais cessé d'être; il sera, parce que
son existence n'aura jamais de fin; il est, parce qu'il existe toujours. —
Didyme : (De l'Esprit saint). C'est
encore par l'Esprit de vérité que la science certaine de l'avenir est
accordée à de saints personnages, c'est sous l'inspiration de cet Esprit dont
ils étaient remplis que les prophètes prédisaient, et voyaient comme présents
des événements qui ne devaient arriver que bien longtemps après : « Et il
vous annoncera les choses à venir. » —
Saint Bède : Il est certain qu'un grand
nombre de saints personnages remplis de la grâce de l'Esprit saint ont connu
et annoncé les événements à venir. Mais comme il en est un grand nombre aussi
en qui brille l'éclat des plus pures vertus, et à qui la science des choses à
venir n'est point donnée, on peut entendre ces paroles : « Il vous
annoncera les choses à venir » dans ce sens qu'il vous remettra en
mémoire les joies de la céleste patrie. L'Esprit saint fait connaître encore
aux apôtres les épreuves qu'ils devaient endurer pour le nom de Jésus-Christ,
et les biens qui devaient être la récompense de ces mêmes épreuves. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 78). C'est ainsi que
Notre Seigneur élève l'esprit et les pensées de ses disciples, car rien
n'excite à un plus haut degré la curiosité et les désirs de la nature
humaine, comme la connaissance de l'avenir. Il les délivre donc de cette
sollicitude en leur révélant les épreuves qui les attendent, afin qu'ils n'y
tombent point sans y être préparés. Il leur explique ensuite quelle est cette
vérité dont il a dit : « L'Esprit saint vous enseignera toute vérité, »
en ajoutant : « Il me glorifiera, ». —
Saint Augustin : (Traité 6 sur Saint Jean). C'est-à-dire qu'en répandant la
charité dans les coeurs des fidèles, et en les rendant des hommes spirituels,
l'Esprit saint leur a fait connaître que le Fils était égal au Père, lui
qu'ils ne connaissaient auparavant que selon la chair, et que dans leurs
pensées tout humaines, ils ne considéraient que comme un homme. Ou bien
encore : « Il me glorifiera, » parce que la charité remplissant les
apôtres de confiance, et bannissant la crainte de leurs cœurs, ils ont
annoncé Jésus-Christ aux hommes, et répandu la connaissance de son nom dans
tout l'univers, car le Sauveur attribue ici à l’Esprit Saint ce que les apôtres
devaient faire sous son inspiration. —
Saint Jean Chrysostome : Et comme il leur avait dit
précédemment : « Vous n'avez qu'un seul maître, qui est le Christ »
(Mt 23), pour les disposer à recevoir les leçons de l'Esprit saint, il ajoute
: « Il recevra de ce qui est à moi, et vous l'annoncera. » —
Didyme : Il faut entendre ce mot
recevoir dans un sens qui puisse convenir à la nature divine; car de même que
le Fils en donnant, ne perd point ce qu'il donne, et n'éprouve aucun dommage
de ce qu'il accorde aux autres; ainsi l'Esprit saint ne reçoit point ce qu'il
n'avait pas auparavant, car s'il a reçu ce qu'il n'avait pas, en communiquant
lui-même cette même grâce à un autre, il s'est appauvri de ce qu'il donnait.
Comprenons donc que l'Esprit saint a reçu du Fils ce qui était propre à sa
nature, qu'il n'y a point ici une personne qui donne et une personne qui
reçoit, mais une seule et même substance, car le Fils lui-même reçoit du Père
les propriétés qui font sa substance; en effet, le Fils n'est rien en dehors
de ce qui lui est donné par son Père, de même qu'on ne peut concevoir la substance
de l'Esprit saint en dehors de ce qui lui est donné par le Fils. —
Saint Augustin : (Traité 6 sur Saint Jean). Il ne faut point toutefois penser,
comme l'ont fait quelques hérétiques, que l'Esprit saint soit moindre que le
Fils, parce que le Fils reçoit du Père, et que le Saint-Esprit reçoit du Fils
en suivant certains degrés qui établiraient une différence entre leurs
natures, aussi le Sauveur se hâte de résoudre cette difficulté et d'expliquer
ces paroles en ajoutant : « Tout ce qu'a mon Père est à moi. Voilà
pourquoi je vous ai dit : ‘Il recevra de moi et il vous l’annoncera’ ». —
Didyme : C'est-à-dire : quoique
l'Esprit de vérité procède du Père, cependant, comme tout ce qui est à mon
Père est à moi, l'Esprit du Père est le mien, et il recevra de ce qui est à
moi. Gardez-vous, en entendant ces paroles de soupçonner ici une chose ou une
propriété quelconque qui serait possédée par le Père et par le fils; tout ce
que le Père a dans sa substance, c'est-à-dire dans son éternité, dans son
immutabilité, dans sa bonté, le Fils l'a également. Rejetons donc bien loin
tous ces filets des raisonneurs [et des sophistes] qui viennent nous dire : «
Donc le Père est le Fils » ; s'il avait dit : Tout ce qu'a Dieu est à
moi, leur impiété pourrait y trouver matière à ces inventions sacrilèges,
mais comme il a dit : « Tout ce qu'a mon Père est à moi, » en
proclamant le nom de son Père, il déclare lui-même qu'il est Fils, et il se
garde bien, lui qui est le Fils, d'usurper la paternité, bien que par la
grâce de l'adoption, il soit lui-même le Père d'un grand nombre de saints. —
Saint Hilaire : (De la Trin., 8)
Notre-Soigneur n'a donc point laissé dans l'incertitude si le Saint-Esprit
venait du Père ou du Fils; il a reçu du Fils d'être envoyé, et il procède du
Père. Mais je demande si c'est une même chose pour l'Esprit saint de recevoir
du Fils et de procéder du Père ? On devra certainement reconnaître que c'est
une seule et même chose de recevoir du Fils et de recevoir du Père; car
lorsque Notre Seigneur dit : « Tout ce qu'a mon Père est à moi, » et
qu'il dit eu même temps que l'Esprit saint recevra de ce qui est à lui, il
enseigne par là- même qu'il doit recevoir également du Père. Il dit cependant
qu'il recevra de ce qui est à lui, parce que tout ce qui est à son Père est à
lui. Cette unité ne peut donc admettre de différence, peu importe de qui on
reçoit, puisque ce qui est donné par le Père est considéré comme donné par le
Fils. |
Lectio 4 |
Versets 16-22
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[86124] Catena in Io., cap. 16 l. 4 Chrysostomus
in Ioannem. Postquam dominus discipulos relevavit per ea quae de spiritu
sancto promisit, rursus eorum oppressit sensum dicens modicum et iam non
videbitis me. Hoc autem facit, ut assuefaciat eos per tristium auditionem,
bene ferre suam separationem : eam enim quae dolet animam, et a tristitia
multa detinetur, nihil ita consuevit quietare, ut quae tristitiam pariunt
verba revoluta continue. Beda. Dicit enim modicum et iam non videbitis me;
quia tentus est nocte illa a Iudaeis, et in mane crucifixus et vespere
sepultus ab humanis est seclusus obtutibus. Chrysostomus. Si vero quis diligenter scrutabitur,
hoc consolationis est dicere quoniam ad patrem vado : hoc enim est ostendere
quod non perierit, sed mors eius translatio sit; et aliam consolationem eis
imposuit cum adiecit et iterum modicum, et videbitis me : ostendens quoniam
et redibit, et in pauco erit separatio, et continua quae cum eis coexistentia.
Augustinus in Ioannem. Haec autem verba domini
obscura erant discipulis, antequam id quod dicit esset impletum; unde
sequitur dixerunt ergo ex discipulis eius ad invicem : quid est hoc quod
dicit nobis : modicum et non videbitis me, et iterum modicum et videbitis me
quia vado ad patrem? Chrysostomus. Hoc autem non intelligebant, aut
propter tristitiam, quae amovebat a mente eorum ea quae dicebantur, aut
propter immanifestationem eorum quae dicebantur : idcirco videbatur eis duo
contraria ponere, non existentia contraria. Si enim videbimus te, aiunt,
quomodo vadis? Si vero vadis, qualiter et videbimus? Propterea dicunt quid
est hoc quod dicit nobis : modicum? Nescimus quid loquitur. Augustinus. Nam in praecedentibus, quia non dixerat
modicum, sed dixerat ad patrem vado, aperte illis visus est loqui. Nunc ergo
quod illis tunc obscurum fuit, et mox manifestatum est, iam nobis utique
manifestum est. Post paululum enim passus est, et non viderunt eum; rursus
post paululum resurrexit, et viderunt eum. Dicit autem et iam non videbitis
me; quia scilicet mortalem Christum ulterius non viderunt. Alcuinus. Vel aliter. Modicum tempus est futurum quo
non videbitis me, idest illud triduum quo in sepulchro quievit; et iterum est
modicum futurum tempus quo videbitis me, idest illi quadraginta dies, in
quibus eis saepius post passionem suam usque ad tempus ascensionis suae
apparuit; et ideo illo modico tempore videbitis me, quia vado ad patrem :
quia non semper in terra corporaliter sum mansurus, sed per humanitatem quam
assumpsi, ascensurus in caelum. Sequitur cognovit autem Iesus quia volebant eum
interrogare, et dixit eis : de hoc quaeritis inter vos, quia dixi vobis :
modicum et non videbitis me. Amen, amen, dico vobis, quia plorabitis et
flebitis vos. Ignorantiam ipsorum pius magister intelligens, secundum illorum
dubitationem respondit, quasi expositurus quid esset quod dixit. Augustinus. Quod sic accipi potest, quia contristati
sunt discipuli de morte domini, et confestim de resurrectione laetati. Mundus
autem (quo nomine significati sunt inimici, a quibus Christus occisus est)
tunc utique laetatus est occiso Christo, quando sunt discipuli contristati;
unde sequitur mundus autem gaudebit, vos autem contristabimini; sed tristitia
vestra vertetur in gaudium. Alcuinus. Sed et cunctis fidelibus
convenit hic sermo domini, qui per lacrymas pressurasque praesentes ad gaudia
aeterna contendunt. Flentibus autem iustis, mundus gaudet, quia in praesenti
delectantur, alterius vitae nulla gaudia sperantes. Chrysostomus. Deinde ostendens quoniam tristitia
parit gaudium, et quoniam tristitia brevis, laetitia vero infinita est, ad
exemplum venit mundanum, dicens mulier cum parit, tristitiam habet, quia
venit hora eius; cum autem pepererit puerum, iam non meminit pressurae
propter gaudium, quia natus est homo in mundum. Augustinus. Ista similitudo ad intelligendum non
videtur esse difficilis; quoniam comparatio eius in promptu est, eodem ipso
exponente cur dicta sit; nam sequitur et vos igitur nunc quidem tristitiam
habetis. Iterum autem videbo vos, et gaudebit cor vestrum. Parturitio quippe
tristitiae, partus autem gaudio comparatur; quod tunc magis esse consuevit
quando non puella, sed puer nascitur. Quod vero subdit et gaudium vestrum
nemo tollet a vobis, quia gaudium ipsorum ipse Iesus est, significat quod ait
apostolus : Christus resurgens ex mortuis iam non moritur. Chrysostomus. Significat etiam praedicto exemplo
quoniam solvit ipse mortis pressuras, et novum hominem regenerans esse fecit.
Et non dixit quoniam non erit ei tribulatio, sed neque meminit eius : tantum est
quod succedit gaudium; ita erit et sanctis. Et non dixit : quoniam natus est
puer, sed : quoniam homo, occulte suam resurrectionem insinuans. Augustinus. Vel de futuris visione et gaudio, quae
superius dicta sunt, melius existimo intelligi modicum et iam non videbitis
me : modicum enim est hoc totum spatium quo praesens pervolat saeculum; ideo
namque addidit quia vado ad patrem : quod ad superiorem sententiam referendum
est, ubi ait modicum et iam non videbitis me; non ad posteriorem ubi ait
modicum et videbitis me. Eundo quippe ad patrem, facturus erat ut eum non
viderent. Illis ergo ait modicum et iam non videbitis me, qui eum tunc
corporaliter videbant : quia iturus erat ad patrem et eum deinceps mortales
visuri non erant qualem cum ista loquebatur videbant. Quod vero addidit et
iterum modicum et videbitis me, universae promisit Ecclesiae. Hoc autem
modicum longum nobis videtur, quoniam adhuc agitur; cum finitum fuerit, tunc
sentiemus quam modicum fuerit. Alcuinus. Mulier autem sancta Ecclesia est, propter
fecunditatem bonorum operum, et quia spiritales Deo filios generat. Haec
mulier dum parit, idest dum in mundo virtutum profectibus insistit, dum
undique tentatur et affligitur, tristitiam habet de hoc, quia venit hora eius
ut patiatur : quia nemo carnem suam odio habuit. Augustinus in Ioannem. Nec tamen in huius gaudii
parturitione sine gaudio tristes sumus; sed, sicut apostolus ait : spe
gaudentes; quia et ipsa mulier parturiens, cui comparati sumus, plus gaudet
de mox futura prole quam tristis est de praesenti dolore. Alcuinus. Sed cum peperit, idest cum devicto laborum
certamine ad palmam pervenerit, iam non meminit pressurae praecedentis,
propter gaudium perceptae retributionis, quia natus est homo in mundum. Sicut
enim mulier nato in hoc mundo homine laetatur, ita Ecclesia, nato in vitam
aeternam fidelium populo, exultatione repletur. Beda. Nec novum debet videri si natus dicatur qui ex
hac vita migraverit : sicut enim consuete nasci dicitur cum quis de utero
matris procedens in hanc lucem ingreditur, ita potest natus appellari qui
solutus a vinculis carnis, ad lucem aeternam sublimatur : unde sanctorum
solemnia, non funebria, sed natalitia vocantur. Alcuinus. Quod autem dicit iterum videbo vos, idest
assumam vos ad meipsum. Vel iterum videbo vos; idest, iterum videndus
apparebo; et gaudebit cor vestrum. Augustinus. Hunc enim totius laboris sui fructum
Ecclesia nunc parturit desiderando, tunc est paritura cernendo. Et ideo
masculum, quoniam ad istum fructum contemplationis, cuncta officia referuntur
actionis; solus enim liber est qui propter se appetitur, et non refertur ad
aliud : huic servit actio. Ad hoc enim refertur quidquid bene agitur : ibi
est finis qui sufficit nobis : aeternus igitur erit. Neque enim finis nobis
sufficit nisi cuius nullus est finis. De hoc igitur quod sufficit nobis
rectissime audivimus gaudium vestrum nemo tollet a vobis. |
—
Saint Jean Chrysostome : (hom. 79 sur Saint Jean).
Après avoir répandu la joie dans l’âme de ses disciples, par la promesse
qu'il leur a faite de leur envoyer l'Esprit saint, le Sauveur les attriste de
nouveau en leur disant : « Encore un peu de temps, et vous ne me verrez
plus. » Il agit de la sorte pour les préparer, par ce langage triste, à
l’idée de sa séparation prochaine; car rien n'est plus propre à calmer l’âme
plongée dans la tristesse et l'affliction, comme la pensée fréquente des
motifs qui ont produit en elle cette tristesse. —
Saint Bède : (hom. 1, pour le 2° Dim. ap.
l'oct. de Pâq). Il dit : « Encore un peu de temps, et vous ne me verrez
plus,» parce qu'il fut arrêté cette nuit par les Juifs, crucifié le jour
suivant, enseveli vers le soir, et qu'il disparut ainsi aux regards des
hommes. —
Saint Jean Chrysostome : En méditant sérieusement ces
paroles : « parce que je m'en vais à mon Père, » on y trouve un motif
de consolation, car Notre Seigneur montre ainsi qu'il ne doit point périr [sans
retour], et que sa mort n'est qu'un passage [de ce monde à son Père]. Il les
console, encore en ajoutant : « Et encore un peu de temps, et vous me
verrez » ; car il leur apprend ainsi qu'il reviendra, que la
séparation sera courte, et que la réunion avec eux durera éternellement. —
Saint Augustin : (Traité 100 sur Saint Jean). Ces paroles du Sauveur étaient
obscures pour les disciples avant l'accomplissement des événements qu'elles
avaient pour objet. Aussi : « Plusieurs de ses disciples se dirent l'un à
l'autre : Qu'est-ce qu'il nous dit : Encore un peu de temps, et vous ne me
verrez plus : et encore un peu de temps, et vous me verrez, parce que je vais
à mon Père ? » —
Saint Jean Chrysostome : Ils ne comprenaient pas,
soit à cause de la tristesse qui les empêchait de penser à ce qu'il leur
disait, soit à cause de l'obscurité des paroles elles-mêmes, qui paraissaient
renfermer deux choses contradictoires, mais qui ne l'étaient pas en réalité;
car, si nous vous verrons, pouvaient-ils dire, comment vous en allez-vous ?
Et si vous vous en allez, comment pourrons-nous vous voir ? C'est pour cela
qu'ils se demandent l'un à l'autre : « Qu'est-ce qu'il nous dit : Encore
un peu de temps ? Nous ne savons ce qu'il veut dire. » —
Saint Augustin : Dans ce qui précède,
Notre-Seigneur, en leur disant : « Je vais à mon Père, » sans ajouter
: « Dans un peu de temps, vous ne me verrez plus, » leur avait parlé, semble-t-il,
ouvertement. Mais ce qui put alors leur paraître obscur, et qui leur fut
bientôt dévoilé, nous est aussi parfaitement connu. En effet, la passion [et
la mort] du Sauveur arrivèrent quelque temps après, et ils ne le virent plus;
puis, peu de temps après, il ressuscita et ils le virent de nouveau. Il leur
dit aussi : « et vous ne me verrez plus, » parce qu'ils ne devaient
plus voir Jésus-Christ dans la nature mortelle dont il était revêtu. —
Alcuin : On peut dire encore que ce
peu de temps pendant lequel ils ne le verront pas, ce sont les trois jours
qu'il fut déposé dans le sépulcre, et que ce peu de temps après lequel ils le
reverront, ce sont les quarante jours qui suivirent sa passion [et sa
résurrection], et pendant lesquels il leur apparut plusieurs fois jusqu'au
jour de son ascension. Pendant ce court espace de temps, vous me verrez,
jusqu'au jour où je m'en irai à mon Père; car je ne dois pas toujours rester
corporellement sur cette terre, mais je dois remonter dans le ciel avec
l'humanité que j'ai prise dans mon incarnation. « Jésus, connaissant qu'ils voulaient l'interroger,
leur dit : Vous vous demandez les uns aux autres ce que j'ai dit : Encore un
peu de temps, et vous ne me verrez plus; et encore un peu de temps, et vous
me verrez. « En vérité, en vérité, je vous le dis, vous pleurerez et vous
gémirez. »
Ce bon Maître, qui voit leur ignorance, répond au doute que ses paroles
avaient fait naître, en leur expliquant le sens de ce qu'il vient de leur
dire. —
Saint Augustin : On peut entendre ces paroles
de la tristesse des apôtres après la mort du Sauveur, et de la joie que leur
fit éprouver sa résurrection; et le monde alors (c'est-à-dire les ennemis de
Jésus-Christ, qui le firent mourir), se réjouit de la mort du Sauveur, tandis
que ses disciples étaient dans la tristesse. « Le monde se réjouira, vous
serez attristés, mais votre tristesse se hangera en joie.» —
Alcuin : Ces paroles du Seigneur
peuvent s'appliquer à tous les chrétiens qui tendent aux joies éternelles par
les larmes et les souffrances de cette vie; tandis que les justes pleurent,
le monde se réjouit, parce qu'il ne connaît que les joies de la vie présente,
et n'espère en aucune façon les joies de l'autre vie. —
Saint Jean Chrysostome : Notre Seigneur voulant
ensuite leur montrer que la tristesse engendre la joie, comme aussi que cette
tristesse sera courte, tandis que leur joie n'aura point de fin, emprunte
cette comparaison aux choses du monde : « Une femme, lorsqu'elle enfante,
a de la tristesse, parce que son heure est venue; mais lorsqu'elle a mis un
enfant au jour, elle ne se souvient plus de ses douleurs, à cause de sa joie,
parce qu'un homme est né au monde. » —
Saint Augustin : Cette comparaison n'est pas
difficile à comprendre, parce que les termes en sont connus, puisque c'est
celui même qui la propose qui en est l'application : « Vous donc aussi,
vous avez maintenant de la tristesse; mais je vous reverrai, et votre cœur se
réjouira. » Le travail de l'enfantement est ici comparé à la tristesse,
et la délivrance à la joie, qui est ordinairement d'autant plus grande, que
ce n'est pas une fille, mais un garçon qu'on a mis au monde. Il ajoute : «
Et personne ne vous ravira votre joie, » parce que Jésus est lui-même
leur joie, et que, comme le dit l'Apôtre : « Jésus-Christ, ressuscité
d'entre les morts, ne meurt plus. » (Rm 6, 9). —
Saint Jean Chrysostome : Par la comparaison qui
précède, il veut aussi exprimer, d'une manière figurée, qu'il s'est délivré
des étreintes de la mort, et qu'il a lui-même régénéré le nouvel homme. Et il
ne dit pas qu'il n'aura point de tribulation, mais qu'il ne s'en souviendra
point, tant sera grande la joie qui lui succédera : et il en sera de même
pour les saints. Il ne dit pas non plus : Parce qu'un enfant, mais : « parce
qu'un homme est venu au monde, » annonçant ainsi, en termes couverts, sa
résurrection. —
Saint Augustin : Mais je crois qu’il est
mieux d’entendre de la vision et de la joie des cieux, ces paroles : «
Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus », et alors, ce peu de
temps, c'est toute la durée du siècle présent. C'est pour cela que Notre
Seigneur ajoute : « parce que je vais à mon Père, » paroles qui se
rapportent à la première proposition : « Encore un peu de temps, et vous
ne me verrez plus », et non à la seconde : « Encore un peu de temps,
et vous me verrez, » car c'est eu allant à son Père qu'il est devenu
invisible pour eux. Il leur dit donc, à ceux qui le voyaient corporellement :
« Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus, » parce qu'il
devait aller à son Père, et qu'ils ne devaient plus le voir désormais dans
cette nature mortelle, qu'ils voyaient de leurs yeux, lorsqu'il leur tenait
ce langage. Ce qu'il ajoute : « Et encore un peu de temps, et vous me
verrez, » est une promesse qui s'adresse à toute l'Eglise. Ce peu de
temps nous paraît bien long, parce qu'il dure encore; mais lorsqu'il sera
écoulé, nous comprendrons alors combien courte a été sa durée. —
Alcuin : Cette femme, c'est la sainte
Eglise qui est féconde en bonnes oeuvres, et qui engendre à Dieu des enfants
spirituels. Cette femme, tant que dure pour elle le travail de l'enfantement
(c'est-à-dire, tant qu'elle s'applique à faire des progrès dans la vertu,
tant qu'elle est exposée aux tentations et aux épreuves), a de la tristesse,
parce que l'heure de la souffrance est venue pour elle; car il n'est personne
qui ait de la haine pour sa propre chair. (Ep 5, 30). —
Saint Augustin : Et cependant jusque dans
l'enfantement de cette joie, notre tristesse elle-même n'est pas sans quelque
joie, car, comme le dit l'Apôtre : « Nous nous réjouissons en espérance, »
(Rm 12) parce qu'en effet, la femme à laquelle Jésus-Christ nous compare, se
réjouit beaucoup plus de l'enfant qu'elle doit mettre au monde, qu'elle n'est
triste des douleurs actuelles qu'elle ressent. — Alcuin
: Mais lorsqu'elle a mis au monde son enfant
(c'est-à-dire, lorsqu'ayant triomphé de toutes ses épreuves, elle arrive à
recueillir les palmes de la victoire), elle ne se souvient plus des douleurs
qui ont précédé, tant est grande la joie de la récompense qui lui est donnée,
parce qu’un homme est né au monde ; en effet de même qu'une femme se
réjouit d'avoir mis un homme au monde, ainsi l'Eglise est remplie d'une juste
allégresse, en voyant le peuple des fidèles qu'elle a enfanté à la vie
éternelle. —
Saint Bède : Il ne doit point nous
paraître étrange d'entendre parler de la naissance de celui qui sort de cette
vie, car de même qu'on dit de celui qui sort du sein de sa mère pour voir
cette lumière sensible, qu'il naît à la vie; ainsi on peut dire de celui qui,
délivré des liens de la chair, est élevé jusqu'à la contemplation de la
lumière éternelle, qu'il naît à une nouvelle vie, et c'est pour cela que les
fêtes des saints sont appelées les anniversaires, non de leur mort, mais de
leur naissance. —
Alcuin : Notre Seigneur dit à ses
Apôtres : « Je vous verrai de nouveau, » c'est-à-dire, je vous
prendrai avec moi, ou bien : « Je vous verrai de nouveau, »
c'est-à-dire, j'apparaîtrai de nouveau à vos regards, « et votre cœur se
réjouira. » —
Saint Augustin : (Traité 1) L'Eglise enfante
maintenant par ses désirs le fruit de tous ses travaux, elle l'enfantera
alors par la contemplation, elle enfantera par conséquent un enfant mâle,
parce que tous les devoirs de la vie active se rapportent à ce fruit de la
contemplation; le seul fruit vraiment libre est celui qu'on recherche pour
soi, et qui ne se rapporte pas à un autre, la vie active lui est subordonnée,
car toutes les bonnes oeuvres se rapportent à lui, c'est la fin qui nous
suffit; ce fruit sera donc éternel, car la seule fin qui puisse nous suffire
est celle qui n'a pas de fin. C'est de cette fin qui doit combler tous nos
désirs que le Sauveur nous dit a juste titre : « Et personne ne vous
ravira votre joie. » |
Lectio 5 |
Versets 23-28 |
[86125] Catena in Io., cap. 16 l. 5 Chrysostomus in
Ioannem. Rursus ostendit dominus quod expedit eum abire, cum dicit et in
illo die me non rogabitis quidquam. Augustinus in Ioannem. Hoc verbum quod est rogare
non solum petere, verum et interrogare significat; et Graecum Evangelium,
unde hoc translatum est, tale habet verbum quod utrumque possit intelligi.
Chrysostomus. Dicit ergo et in illo die, scilicet
cum resurrexero, me non rogabitis quidquam, idest non dicetis : ostende nobis
patrem, et : quo vadis? Quoniam scietis per spiritum sanctum. Vel non
rogabitis me, idest, non indigebitis mediatore ad impetrandum; sed sufficiet
nomen meum, quod invocantes, omnia accipietis; unde sequitur amen, amen, dico
vobis, si quid petieritis patrem in nomine meo, dabit vobis. Ostendit autem
nominis virtutem, si non visus neque rogatus, sed nominatus solum apud patrem
facit mirabilia. Non ergo, ait, existimetis, quia de reliquo non ero
vobiscum, vos derelictos esse; nomen enim meum maiorem dabit vobis
securitatem; unde sequitur usque modo non petistis quidquam in nomine meo.
Petite et accipietis, ut gaudium vestrum sit plenum. Theophylactus. Alacritas enim vestra tunc erit
integerrima, cum ad vota vobis petita succedent. Chrysostomus. Quia obumbrata erant quae dicta sunt,
subiunxit haec in proverbiis locutus sum vobis. Venit hora cum iam non in
proverbiis loquar vobis : idest erit tempus quando scietis omnia manifeste;
dicit autem resurrectionis tempus : sed palam de patre meo annuntiabo vobis :
etenim quadraginta diebus disputavit cum eis congregatis, loquens de regno
Dei. Et nunc, inquit, in timore existentes non attenditis his quae dicuntur;
tunc autem resuscitatum videntes, poteritis palam omnia dicere. Theophylactus. Adhuc praebet illis fiduciam, quoniam
recipient in tentationibus auxilium desuper, cum subdit in illo die in nomine
meo petetis : adeo assero vobis patrem favere quod neque interventu meo
ulterius indigebitis; unde subdit et non dico vobis quia ego rogabo patrem
pro vobis : ipse enim pater amat vos. Porro ne resiliant a domino, velut eo
ulterius non egentes subiungit quia vos me amastis; quasi dicat : ob hoc
diligit vos pater, quia vos me dilexistis. Cum itaque excideritis ab amore
meo, confestim et a paterno decidetis. Augustinus in Ioannem. Sed numquid ideo amat ille quia
nos amamus, an potius quia ille amat, ideo nos amamus? Hoc ipse Evangelista
dicit : nos diligamus, quia ipse prior dilexit nos. Amat ergo nos pater, quia
nos amamus filium, cum a patre et filio accepimus, ut patrem amemus et
filium. Amavit ipse quod fecit; sed non in nobis faceret quod amaret, nisi
antequam id faceret, nos amaret. Hilarius de Trin. Caret etiam apud patrem
intercessionis necessitate perfecta de filio fides, quae quod a Deo exierit,
credit, atque amat, et per seipsam iam et audiri meretur et amari, natum ex
Deo filium missumque confessa; unde sequitur et credidistis quia a Deo exivi.
Nativitas itaque eius, et adventus ostenditur, cum subdit exivi a patre et
veni in mundum. Alterum in dispensatione, alterum in natura est. A patre enim
venisse et a Deo exisse, non est significationis eiusdem; cum aliud sit a Deo
in substantiam nativitatis exisse, aliud a patre in hunc mundum ad
consummanda salutis nostrae sacramenta venisse. Cum autem exire a Deo sit ex
nativitate subsistere, quid aliud quam Deus esse posset? Chrysostomus in Ioannem. Quia vero resurrectionis
sermo non modicum eos mitigabat, et cum hoc audire quod a Deo exivit et illuc
vadit, continue ea circumvolvit; unde sequitur iterum relinquo mundum et vado
ad patrem. Nam hoc quidem certificabat quoniam recte in ipsum credebant : hoc
vero quoniam sub munitione eius futuri erant. Augustinus. Exiit enim a patre, quia de patre est;
in mundum venit, quia mundo suum corpus ostendit. Mundum reliquit corporali
discessione, perrexit ad patrem hominis ascensione, nec mundum deseruit
praesentiae gubernatione : quia sic in mundum venit exiens a patre ut non
desereret patrem. Sed dominum Iesum Christum posteaquam resurrexit, et
interrogatum legimus et rogatum : nam interrogatus est a discipulis
ascensurus in caelum, quando regnum restitueret Israel; rogatus est a
Stephano cum esset in caelo, ut spiritum eius susciperet. Et quis audeat
dicere rogandum non esse immortalem, rogari debuisse mortalem? Puto ergo,
quod dicit in illa die me non rogabitis quidquam, non ad illud tempus
referendum esse quo resurrexit, sed ad illud quando videbimus eum sicuti est;
quae visio non temporalis vitae est, sed aeternae, ubi iam nihil rogemus,
nihil interrogemus, quia nihil desiderandum remanebit, nihil quaerendum
latebit. Alcuinus. Sic ergo dicit : in futuro me non
rogabitis quidquam; sed interim, dum in peregrinatione huius miseriae
conversamini, si petieritis patrem, dabit vobis; unde subdit amen, amen, dico
vobis : si quid petieritis patrem in nomine meo, dabit vobis. Augustinus. Hoc quod ait si quid, non quodlibet
intelligitur, sed aliquid quod non in beatae vitae comparatione sit nihil.
Non autem petitur in nomine salvatoris quidquid petitur contra rationem
salutis : non enim sonum litterarum aut syllabarum, sed quod sono recte ac
veraciter intelligitur, hic accipiendum est, cum dicit in nomine meo. Unde
qui hoc sentit de Christo quod non est de unico filio Dei sentiendum, non
petit in eius nomine. Qui vero quod est de illo sentiendum sentit, ipse in eius
nomine petit, et accipit quod petit, si non contra suam salutem sempiternam
petit; accipit autem quando debet accipere : quaedam enim non negantur, sed
ut congruo dentur tempore differuntur. Ita sane intelligendum est, quod ait
dabit vobis, ut ea beneficia significata sciantur his verbis quae ad eos qui
petunt proprie pertinent. Exaudiuntur quippe omnes sancti pro seipsis, non
autem pro omnibus, quia non utcumque dictum est dabit; sed dabit vobis. Quod
autem sequitur, usque modo non petistis quidquam in nomine meo, duobus modis
intelligi potest : vel quia in nomine meo non petistis, quod nomen non sicut
cognoscendum est cognovistis; vel non petistis quidquam, quoniam in
comparatione rei quam petere debuistis, pro nihilo habendum est quod
petistis. Ut igitur in nomine eius non nihil, sed gaudium plenum petant,
subdit petite, et accipietis, ut gaudium vestrum sit plenum. Hoc quod dicit
gaudium plenum, non carnale, sed spirituale gaudium est; et quando tantum
erit ut aliquid ei iam non sit addendum, tunc erit plenum. Augustinus de Trin. Hoc est autem plenum gaudium
vestrum quo amplius non est, frui Deo, Trinitate, ad cuius imaginem facti
sumus. Augustinus in Ioannem. Quidquid ergo petitur quod
pertinet ad hoc gaudium consequendum, hoc est in nomine Christi petendum.
Isto enim bono in petendo perseverantes sanctos suos nequaquam misericordia
divina fraudabit. Quidquid autem aliud petitur, nihil petitur : non quia
nulla res est, sed quia in tantae rei comparatione quidquid aliud
concupiscitur, nihil est. Sequitur haec in proverbiis locutus sum vobis :
venit hora cum iam non in proverbiis loquar vobis, sed palam de patre meo
annuntiabo vobis. Possem dicere hanc de qua loquitur horam futurum saeculum
intelligi, ubi videbimus palam quod apostolus dicit : facie ad faciem; ut
quod ait haec in proverbiis locutus sum vobis, hoc sit quod ab apostolo
dictum est : videmus nunc per speculum in aenigmate. Annuntiabo autem vobis
quia per filium pater videbitur : neque enim patrem quis cognoscit nisi
filius, et cui voluerit filius revelare. Gregorius Moralium. Palam quippe de patre annuntiare
se asserit; quia per patefactam tunc maiestatis suae speciem, et quomodo ipse
gignenti non impar oriatur, et quomodo utrorumque spiritus utrique coaeternus
procedat ostendet. Augustinus. Sed istum sensum videtur impedire quod
sequitur : in illo die in nomine meo petetis : in futuro enim saeculo quid
petituri sumus, quando satiabitur in bonis desiderium nostrum? Petitio namque
alicuius est indigentiae. Relinquitur itaque ut intelligatur Iesus discipulos
suos de carnalibus vel animalibus spirituales esse facturus. Homo autem
animalis sic audit quaecumque audit de Dei natura ut aliud quam corpus
cogitare non possit. Ideo proverbia illi sunt quaecumque dicta sapientiae de
incorporea immutabilique substantia; non quod tamquam proverbia deputet, sed
quia sic cogitat quomodo qui proverbia solent audire, neque intelligere. Cum
vero spiritalis coeperit omnia diiudicare, etiam si in hac vita velut per
speculum et ex parte perspicit, tamen nullo corporis sensu, nulla imaginaria
cogitatione, sed mentis certissima intelligentia, capit Deum non corpus esse,
sed spiritum. Ita palam de patre annuntiante filio ut eiusdem substantiae
conspiciatur et ipse qui annuntiat, nunc in eius nomine petunt qui petunt :
quia in sono eius nominis non aliud quam res ipsa est quae hoc nomine
vocatur, intelligunt. Hi possunt cogitare dominum nostrum Iesum Christum,
inquantum homo est, pro nobis interpellare patrem; inquantum Deus est, nos
exaudire cum patre : quod eum significasse arbitror, ubi ait et non dico
vobis quia ego rogabo patrem pro vobis. Ad hoc quippe intuendum, quomodo non
roget patrem filius, sed simul exaudiant rogantes pater et filius, non nisi
spiritualis oculus mentis ascendit. |
—
Saint Jean Chrysostome : (hom. 79 sur Saint Jean).
Notre Seigneur montre de nouveau à ses disciples qu'il leur est avantageux
qu'il s'en aille, en leur disant : « Et
en ce jour-là, vous ne m'interrogerez plus sur rien. » —
Saint Augustin : (Traité 101 sur Saint Jean). Le mot rogare ne signifie pas seulement demander, mais aussi interroger,
et le verbe qui se trouve dans l'Evangile grec, dont le nôtre est une
traduction, peut signifier également l'un et l'autre. —
Saint Jean Chrysostome : Il leur dit donc : « En ce jour-là (c'est-à-dire, lorsque
je serai ressuscité), vous ne
m'interrogerez plus, » c'est-à-dire vous ne direz pas : Montrez-nous
votre Père, et où allez-vous ? car l'Esprit saint vous l'apprendra. On bien
encore, vous ne me demanderez rien, c'est-à-dire vous n'aurez pas besoin de
médiateur pour obtenir [l'effet de vos prières], mon nom seul suffira, et en
l'invoquant, vous recevrez tout ce que vous demanderez : « En vérité, en vérité, je vous le dis, tout ce que vous demanderez à
mon Père en mon nom, il vous le donnera. » Il fait voir ainsi la
puissance de son nom, puisque sans le voir, sans le prier, il suffira de
prononcer ce nom pour qu'il opère des merveilles auprès de son Père. Ne vous
regardez donc point, dit-il, comme abandonnés, parce que je ne serai plus avec
vous; mon nom seul vous inspirera une plus grande confiance : « Jusqu'à présent, vous n'avez rien
demandé en mon nom, demandez et vous recevrez, afin que voire joie soit
pleine. » — Théophylactus : Votre joie sera entière et parfaite, lorsque vos vœux seront
pleinement satisfaits. —
Saint Jean Chrysostome : Comme ses paroles étaient
encore couvertes d'un certain voile pour ses disciples, il ajoute : « Je vous ai dit ces choses en paraboles,
vient l'heure où je ne vous parlerai plus en paraboles, » c'est-à-dire :
il viendra un temps (c'est le temps de sa résurrection), où vous comprendrez
parfaitement ce que je vous dirai, et où je vous parlerai ouvertement de mon
Père; et, en effet, pendant quarante jours, il s'entretint, avec tous ses
disciples réunis, du royaume de Dieu. Maintenant, leur dit-il, vous êtes
remplis de crainte, et ne prêtez point d'attention à ce que je vous dis, mais
lorsque vous me verrez ressuscité, vous pourrez dire toutes choses sans qu'il
y ait pour vous d'obscurité. —
Théophylactus : Il leur donne encore un nouveau motif de confiance, c'est qu'ils
recevront dans leurs tentations le secours d'en haut : « En ce jour-là, vous demanderez en mon nom, » c'est-à-dire :
je vous déclare que mon Père vous aime à ce point, que vous n'aurez plus besoin
de mon intervention : « Et je ne vous
dis point que je prierai mon Père pour vous, car le Père lui-même vous aime».
Mais ce ne doit pas être pour eux une raison de s'éloigner du Sauveur, comme
s'ils n'en avaient plus besoin, et c'est pour cela qu'il ajoute : « parce que vous m'avez aimé, »
c'est-à-dire : mon Père vous aime, parce que vous m'avez aimé, si donc
vous veniez à vous détacher de mon amour, vous perdriez immédiatement l'amour
de mon Père. —
Saint Augustin : (Traité 102 sur Saint Jean). Mais le Père nous aime-t-il parce que
nous l’aimons ? N'est-ce point, au contraire, parce qu’il nous aime que nous
l’aimons ? C'est ce que nous dit l'évangéliste saint Jean, [dans une de ses
Epîtres] : « Aimons Dieu, parce qu'il
nous a aimés le premier. » (l Jn IV). Le Père nous aime donc, parce que
nous aimons le Fils, en vertu du pouvoir que le Père et le Fils nous ont
donné de les aimer. Dieu aime en nous son œuvre, mais Dieu n'aurait pas fait
en nous ce qui est digne de son amour, si avant de le faire il ne nous avait
aimés le premier. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 6) La foi
parfaite que nous avons en Jésus-Christ, Fils de Dieu, n'a plus besoin
d'intercession auprès de Dieu, car elle croit qu'il est sorti de Dieu et
qu'elle l'aime, et elle mérite ainsi d'être écoutée et d'être aimée par
elle-même, parce qu'elle professe hautement la naissance divine du Fils et
son incarnation : « et parce que vous
avez cru que je suis sorti de Dieu. » C'est, en effet, à sa naissance
divine et à son avènement en ce monde, que le Sauveur fait allusion dans ces
paroles : « Je suis sorti de mon Père,
et je suis venu en ce monde » ; la première de ces deux choses s'est
accomplie dans sa nature divine, la seconde dans son incarnation; car ces
deux expressions : « Venir de son Père », et « sortir de son Père,
» n'ont plus la même signification; autre chose, en effet, est pour le Fils
de sortir du Père par une naissance qui lui donne toute la substance divine;
autre chose est d'être venu du Père en ce monde pour y consommer les mystères
de notre salut. Mais comme sortir de Dieu n'est autre chose que d'avoir par
naissance la nature divine, celui qui a le privilège de cette naissance ne
peut être que Dieu. —
Saint Jean Chrysostome : Comme les paroles du Sauveur
sur sa résurrection était un véritable adoucissement à leurs peines, aussi
bien que de lui entendre dire qu'il sortait de Dieu et qu'il retournait à
Dieu, il les entretient continuellement dans cette pensée : « Je quitte de nouveau le monde et je vais
à mon Père. » Il leur donnait ainsi la certitude d'un côté qu'ils avaient
en lui une foi droite, et de l'autre qu'ils seraient désormais sous sa
protection. —
Saint Augustin : Il est sorti du Père, parce
qu'il vient du Père, et il est venu dans le monde, parce qu'il est apparu au
monde dans uncorps [qu'il avait pris dans le sein de la vierge Marie]. Il a
quitté le monde corporellement, et il est retourné vers son Père, en
conduisant son humanité dans les cieux; mais il n'a point cessé de gouverner
le monde par sa présence, parce qu'il est sorti de son Père pour venir dans
le monde sans quitter le sein de son Père. Or, nous voyons que les Apôtres et
les disciples de Jésus-Christ lui ont adressé, après sa résurrection, et des
questions et des prières; des questions, lorsqu'ils lui demandèrent avant son
ascension, en quel temps il rétablirait le royaume d'Israël (Ac 1), des
prières lorsque Etienne le vit dans les cieux à la droite du Père, et le pria
de recevoir son esprit. (Ac 6) Et qui oserait dire que nous ne devions plus
le prier depuis qu'il est immortel, tandis qu'on devait le prier pendant sa
vie mortelle ? Je pense donc que ses paroles : « En ce jour-là vous ne me demanderez plus rien, » ne doivent pas
être rapportées au temps qui suivit sa résurrection, mais à celui où nous le
verrons tel qu'il est (1 Jn 3), vision qui n'est pas de cette vie que le
temps mesure, mais qui est le privilège de cette vie éternelle, dans laquelle
nous n'aurons plus aucune prière, aucune question à faire, parce qu'il ne
nous restera plus rien à désirer, rien à connaître. —
Alcuin : Voici donc le sens des
paroles du Sauveur : Dans la vie future, vous ne me demanderez plus rien,
mais durant le pèlerinage de cette vie de misères, si vous demandez quelque
chose à mon Père, il vous l'accordera. Comme il le déclare expressément : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si
vous demandez quoique chose à mon Père on mon nom, il vous l'accordera. » —
Saint Augustin : Il ne veut pas dire toutes
sortes de choses indifféremment, mais quelque chose, qui ne soit pas comme un
rien en comparaison de la vie éternelle. Or, toute prière dont l'objet est
contraire aux intérêts de notre salut, n'est pas faite au nom du Sauveur, car
par ces paroles : « en mon nom, »
il faut entendre, non pas le son extérieur des lettres et des syllabes dont
ce nom est composé, mais la signification correcte et véritable de ce nom.
Donc celui qui a de Jésus-Christ des idées autres que celles qu'il faut avoir
du Fils unique de Dieu, ne demande point en son nom, [bien que ses lèvres
prononcent le nom de Jésus-Christ, parce qu'il demande au nom de celui qui
est présent à sa pensée, au moment de sa prière]. Celui, au contraire, qui a
de Jésus-Christ des idées justes, demande véritablement en son nom, et reçoit
infailliblement l'objet de ses prières, s'il ne demande rien de contraire au
salut éternel de son âme. Or, il reçoit dans le temps où Dieu juge devoir
l'exaucer, car il est des choses que Dieu ne nous refuse pas, mais qu'il
diffère de nous donner dans un temps plus favorable. Il faut encore entendre ces
paroles : « Il vous donnera, » (pour
que nous sachions bien quelles grâces sont signifiées par nos paroles), des
grâces exclusivement propres à ceux qui demandent; car tous les saints sont
exaucés dans les prières qu'ils font pour eux-mêmes, mais non dans celles
qu'ils adressent à Dieu pour tous les autres, parce qu'en effet, le Sauveur
ne dit pas en général : Il donnera, mais : « Il vous donnera. » Quant aux paroles qui suivent : « jusqu'à présent, vous n'avez rien
demandé en mon nom, » on peut les entendre de deux manières : Ou bien,
vous n'avez rien demandé en mon nom, parce que vous n'aviez pas de ce nom la
connaissance que vous deviez en avoir, ou bien vous n'avez rien demandé,
parce que ce qui a fait l'objet de vos prières doit être considéré comme
rien, en comparaison de ce que vous auriez dû demander. C'est donc, pour les
engager à ne plus demander des choses de rien, mais une joie pleine et
entière, qu'il ajoute : « Demandez, et
vous recevrez, afin que votre joie soit pleine. » Cette joie pleine n'est
point une joie sensible, mais une joie toute spirituelle, et elle sera
pleine, lorsqu'elle sera si grande, qu'on ne pourra plus y rien ajouter. —
Saint Augustin : (de la Trin., 1, 2). Cette
joie pleine, au-dessus de laquelle il n'y a plus rien, sera de jouir de la
présence de Dieu dans la Trinité, à l'image de laquelle nous avons été créés. —
Saint Augustin : (Traité 102 sur Saint Jean). C'est donc au nom de Jésus-Christ
qu'il nous faut demander tout ce qui tend à nous faire obtenir cette joie
éternelle, et jamais la miséricorde divine ne trompera la confiance de ses
saints qui persévèrent dans la demande d'un si grand bien.. Tout ce qu'on
demande en dehors de ce bien, n'est rien, non pas que l’objet de nos prières
soit nul absolument, mais parce qu'en comparaison d'un si grand bien, tout ce
que l'on peut désirer n'est rien. « Je vous ai
dit ces choses en paraboles, mais vient l'heure où je ne vous parlerai plus
en paraboles, mais où je vous parlerai ouvertement de mon Père. » Je dirais volontiers que cette
heure dont il parle est la vie future où nous le verrons à découvert, comme
le dit l'Apôtre : « Nous le verrons
face à face. » (1 Co 13, 12). Et alors ces paroles du Sauveur : « Je vous ai dit ces choses en paraboles,
» se rapporteraient à ce que dit saint Paul : « Nous ne voyons maintenant que comme dans un miroir et sous des
images obscures, » ; je vous parlerai ouvertement de mon Père, parce
que c'est par le Fils qu'on peut voir le Père, « car personne ne connaît le Père, si ce n'est le Fils, et celui à
qui le Fils a voulu le révéler. » (Mt 11) —
Saint Grégoire : (Moral., 20, 5, ou dans les
anc. éd., 8). Il leur annonce qu'il leur parlera ouvertement de son Père,
parce qu'en leur découvrant l'éclat de sa majesté, il leur fera voir comment
il est égal dans sa naissance à celui qui l'a engendré, et comment l'Esprit
saint est coéternel au Père et au Fils dont il procède. —
Saint Augustin : Mais les paroles qui suivent
semblent s'opposer à l'explication que nous venons de donner : « En ce jour, dit le Sauveur, vous demanderez en mon nom, » car
que pourrons-nous demander dans le siècle futur, quand nos désirs seront
rassasiés de l'abondance de tous les biens ? car la demande suppose toujours
une indigence quelconque. Il est donc mieux d'entendre ces paroles dans ce
sens, que Jésus rendra ses disciples spirituels, de charnels et d'esclaves de
leurs sens qu'ils étaient. En effet l'homme animal ne se représente que sous
des images matérielles et sensibles tout ce qu'il entend dire de la nature de
Dieu. Tous les enseignements de la sagesse sur la substance incorporelle et
immuable de Dieu sont pour lui autant de paraboles, non qu'il les prenne
positivement pour des paraboles, mais parce qu'il n'a d'autres pensées que
ceux qui entendent des paraboles sans les comprendre. Mais lorsque l'homme
devenu spirituel commence à juger tout avec discernement, bien que dans cette
vie il ne puisse voir que comme dans un miroir et en partie, il comprend que
Dieu n'est pas un corps, mais un esprit, et cela sans l'aide d'aucun sens,
d'aucune image sensible, mais par une perception claire et distincte de son
intelligence. Lorsque le Fils nous parle ainsi à découvert de son Père, et
nous fait voir en même temps qu'il a une même substance avec lui, alors nous
demandons véritablement en son nom, parce que ce nom représente alors à notre
esprit la vérité même qu'il exprime. Nous pouvons comprendre alors que Notre
Seigneur Jésus-Christ, en tant qu'homme, prie pour nous son Père, et que,
comme Dieu, il nous exauce conjointement avec son Père, ce qu'il paraît
indiquer dans les paroles suivantes : «
Et je ne vous dis pas que je prierai mon Père pour vous. » Il n'y a, en
effet, que l'œil spirituel de l'âme qui puisse s'élever jusqu'à cette vérité
que le Fils ne prie pas le Père, mais que le Père et le Fils exaucent
ensemble les prières qui leur sont adressées. |
Lectio 6 |
Versets 29-33
|
[86126] Catena in Io., cap. 16 l. 6 Chrysostomus
in Ioannem. Quia discipulos hoc maxime respirare fecit quod erant patris
amici, propterea dicunt se cognoscere quod omnia nosset; unde sequitur dicunt
ei discipuli eius : ecce nunc palam loqueris, et proverbium nullum dicis.
Augustinus in Ioannem. Cum autem adhuc promittatur
futura illa hora in qua sine proverbiis locuturus est; cur isti hoc dicunt,
nisi quia illa quae scit ipsis non intelligentibus esse proverbia, usque adeo
non intelligunt, ut nec saltem non se intelligere intelligant? Chrysostomus. Quoniam autem ad id quod in eorum
mente erat respondit, subdunt nunc scimus quoniam scis omnia. Vides qualiter
imperfecte se habebant, qui post tot et tanta demonstrata dicunt nunc scimus;
et hoc dicunt tamquam ei quamdam gratiam tribuentes. Et non est opus tibi ut
quis te interroget; hoc est, antequam audias, nosti ea quae scandalizant nos,
et quiescere nos fecisti dicens quoniam pater vos amat. Augustinus. Quid ergo vult sibi quod ei quem
sciebant nosse omnia, cum dicere debuisse videantur : non est opus tibi ut
quidquam interroges, dicendum potius putaverunt non est opus tibi ut quis te
interroget? Quod utrumque legimus factum : et interrogasse scilicet dominum,
et interrogatum fuisse. Sed hoc cito solvitur : quia hoc non ei, sed illis
potius opus erat quos interrogabat, vel a quibus interrogabatur. Neque enim
aliquos ille interrogabat ut ab eis aliquid disceret, sed eos potius ut
doceret : et qui interrogabant eum, volentes ab eo aliquid discere, illis
profecto id opus erat ut scirent ab eo aliqua qui noverat omnia. Ille autem
non opus habebat ut quod ab eo scire quisque vellet, per ipsius cognosceret
interrogationem : quia priusquam interrogaretur, interrogatorum noverat
voluntatem. Praevidere autem cogitationes hominum, magnum domino non erat,
sed magnum parvulis erat, qui subdunt in hoc credimus quia a Deo existi. Hilarius de Trin. Per id enim credunt quod a Deo
exiit, quia ea quae Dei sunt agit. Nam cum dominus utrumque dixisset, a Deo
exivi, et a patre veni in hunc mundum, nihil admirationis in eo habuerunt
quod frequenter audierunt : unde non addunt : a patre venisti in hunc mundum
: sciebant enim a Deo missum, exisse tamen a Deo nesciebant. Inenarrabilem
vero illam filii nativitatem per virtutem dicti istius intelligentes, tunc
primum coeperunt advertere, cum illum sine proverbiis profiterentur esse
locutum. Non enim per consuetudinem humani partus Deus ex Deo nascitur, cuius
a Deo exitio potius quam partus est. Est enim unus ex uno : non est portio,
non est defectio, non est diminutio, non derivatio; non est protensio, non
passio, sed viventis naturae ex vivente nativitas est. Deus ex Deo exiens
est, non creatura in Dei nomine electa, non ut esset coepit ex nihilo; sed
exiit a manente, et exiisse significationem habet nativitatis, non
inchoationis. Augustinus. Denique de ipsa eorum aetate adhuc
secundum interiorem hominem parva et infirma eos admonet; unde subditur
respondit eis Iesus : modo creditis. Beda. Quod duobus modis pronuntiari potest;
affirmando scilicet et insultando. Si insultando, hic est sensus : tardius ad
credendum evigilastis : ecce enim venit hora ut dispergamini unusquisque in
propria et cetera. Si affirmando, sensus est : verum est quod creditis; sed
ecce venit hora ut dispergamini unusquisque in propria, et me solum
relinquatis. Augustinus in Ioannem. Non enim quando comprehensus
est, tantummodo carne sua eius carnem, verum etiam mente reliquerunt fidem.
Chrysostomus in Ioannem. Dicit autem dispergamini,
scilicet quando tradar : tantum enim vobis dominabitur timor ut neque simul
possitis recedere. Sed ego ex hoc nullum patiar malum; unde subdit et non sum
solus, quia pater mecum est. Augustinus. Ad hoc intelligendum eos volebat extendi
et crescere ne sic a patre filium cogitarent exisse ut putarent etiam
recessisse. Deinde sermonem concludit dicens haec locutus sum vobis, ut in me
pacem habeatis. Chrysostomus. Idest, ut non abiciatis me a mente
vestra. Non enim nunc solum quando comprehendar, fient vobis adversa, sed
donec eritis in mundo pressuram habebitis, idest tribulationem; et hoc est
quod subdit in mundo pressuram habebitis. Gregorius Moralium. Quasi dicat : sit vobis de me
interius quod consolando reficiat, quia erit de mundo exterius, quod
saeviendo graviter premat. Augustinus. Illud initium habitura fuerat ista
pressura de quo dicit venit hora ut dispergamini unusquisque in propria; sed
non eo modo erat perseveratura : quod enim adiunxit, et me solum relinquatis,
non vult eos tales esse in consequenti pressura, quam post eius ascensionem
fuerant in mundo habituri, ut relinquant eum, sed ut in illo pacem habeant
permanentes in eo; unde sequitur sed confidite. Chrysostomus. Idest, resurgite mente : magistro enim
superante inimicos, non oportet discipulos anxiari; unde subdit quia ego vici
mundum. Augustinus. Dato autem spiritu sancto confiderunt,
et vicerunt, non nisi in illo : non enim vicisset ille mundum, si membra eius
vinceret mundus. Cum autem dicitur haec locutus sum vobis, ut in me pacem
habeatis, non recentiora paulo ante ab eo dicta, sed omnia debemus accipere :
sive quaecumque illis locutus est ex quo eos coepit habere discipulos, sive
ex quo post coenam exorsus est hunc mirabilem prolixumque sermonem. Hanc enim
causam commendavit sermonis sui, ut in illo pacem haberent. Haec pax finem
temporis non habebit; sed omnis piae nostrae intentionis actionisque finis
ipsa erit. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 79 sur Saint Jean). Les disciples de Jésus ranimés par
l'assurance qui leur est donnée qu'ils sont les amis du Père, lui avouent
qu'ils reconnaissent maintenant qu'il sait toutes choses : « Ses disciples lui dirent : Voilà que
maintenant vous parlez ouvertement, et sans vous servir d'aucune parabole. » —
Saint Augustin : (Traité 103 sur Saint Jean). Le Sauveur leur promet seulement que
l'heure vient où il ne leur parlera plus en paraboles, d'où vient donc qu'ils
lui tiennent ce langage, sinon qu'ils ne comprennent pas les paraboles dont
il se sert, et que leur ignorance est si grande, qu'ils ne reconnaissent même
pas qu’ils ne comprennent pas ? —
Saint Jean Chrysostome : Notre-Seigneur, dans les
paroles qui précèdent, a répondu aux secrètes pensées de leur esprit, et
c'est pour cela qu'ils lui disent : «
Maintenant nous voyons que vous savez toutes choses. » Voyez comme ils
étaient encore imparfaits; après tant et de si grandes preuves qu'il leur
avait données, ils lui disent : « C'est
maintenant seulement que nous savons » ; ils semblent lui en faire
un mérite. « Et il n'est pas besoin que
personne vous interroge, » c'est-à-dire : avant même que vous nous
l’entendiez dire, vous saviez ce qui était pour nous un sujet de trouble, et
vous nous avez rassurés en nous disant que votre Père nous aimait. —
Saint Augustin : Les apôtres étaient
convaincus maintenant que le Sauveur savait toutes choses, d'où vient donc
qu'au lieu de lui dire, ce qui paraissait bien plus naturel : Vous n'avez pas
besoin d'interroger sur aucune chose, ils lui disent au contraire : « Il n'est pas besoin que personne vous
interroge ? » Ou plutôt comment se fait-il que les deux choses eurent
lieu, c'est-à-dire que le Seigneur les interrogea, et qu'ils l'interrogèrent
à leur tour ? La solution de cette difficulté est facile, car ce n'était que
pour eux et non pour lui qu'il devait les interroger, ou qu'il en était
interrogé lui-même. En effet, il ne les interrogeait pas pour en apprendre
quelque chose, mais bien plutôt pour les enseigner eux-mêmes; et ses
disciples, qui l'interrogeaient pour en apprendre ce qu'ils voulaient savoir,
avaient besoin d'être instruits à l’école de celui qui savait toutes choses.
Pour lui au contraire il n'avait aucun besoin qu'on l'interrogeât pour qu'il
connût ce que chacun d'eux voulait savoir de lui; car avant même qu'on lui
fit aucune question, il connaissait l'intention de celui qui allait
l'interroger. Ce n'était point sans doute une chose extraordinaire pour le
Seigneur de prévoir les pensées des hommes, mais pour des hommes faibles il y
avait un grand mérite à dire comme ils le font : « En cela nous croyons que vous êtes sorti de Dieu. » —
Saint Hilaire : (De la Trin., 6) Ils croient
qu'il est sorti de Dieu, parce qu'il fait des oeuvres que Dieu seul peut
faire. Le Sauveur leur avait déjà dit plusieurs fois : « Je suis sorti de Dieu, et je suis venu de mon Père en ce monde, »
et cette déclaration si souvent répétée, n'avait excité en eux aucun
sentiment d'admiration; aussi ils n'ajoutent pas : Vous êtes venu de votre Père
en ce monde; car ils savaient qu'il avait été envoyé de Dieu, mais ils ne
savaient pas qu'il était sorti de Dieu, ils ne commencèrent à comprendre
cette ineffable naissance du Fils de Dieu que grâce à ces [derniers]
enseignements du Sauveur, et c'est alors qu'ils reconnaissent qu'il ne leur
parlait plus en paraboles. Ce n'est point en effet à la manière des
enfantements humains, qu'un Dieu naît d'un Dieu, c'est plutôt une sortie
qu'un enfantement, car il vient seul d'un principe unique, il n'en est pas une
partie, un amoindrissement, une diminution, une dérivation, une extension,
une affection, c'est la naissance d'un être vivant sortant d'un être vivant,
il n'est point choisi pour recevoir le nom de Dieu, il n'est point sorti du
néant pour arriver à l'existence, il est sorti d'un être immuable, et cette
sortie doit s'appeler une naissance, mais non un commencement. —
Saint Augustin : Le Sauveur leur donne
ensuite des avis proportionnés à l'état de faiblesse et d'enfance où se
trouvait encore en eux l'homme intérieur : « Jésus leur répondit : Vous croyez maintenant ? » —
Saint Bède : Ce que l'on peut entendre de
deux manières : comme une affirmation, ou comme une ironie; comme une ironie
dans ce sens : Il est bien tard pour commencer à croire; car voici l'heure où
vous serez dispersés chacun de votre côté, etc… ; comme une affirmation,
c'est-à-dirc : « Vous croyez
maintenant; il est vrai, mais voici que vient l'heure, et déjà elle est venue
où vous serez dispersés chacun de votre côté, et où vous me laisserez seul. » —
Saint Augustin : En effet lorsqu'on se saisit
de sa personne, ils n'abandonnèrent pas seulement extérieurement son corps [au
pouvoir de ses ennemis]; mais ils renoncèrent intérieurement à la foi qu'ils
avaient en lui. —
Saint Jean Chrysostome : Il leur dit : « L'heure est venue que vous soyez
dispersés, » c'est-à-dire quand je serai livré [à mes ennemis], car la
crainte qui s'emparera de vous sera si grande, que vous ne pourrez fuir tous
ensemble; mais pour moi il n'en résultera aucun mal. « Et je ne suis pas seul, parce que mon Père est avec moi. » —
Saint Augustin : Il voulait que leur foi prît
de l'accroissement et que leur intelligence s'élevât jusqu'à comprendre que
le Fils était sorti du Père, mais sans le quitter. Il conclut son discours par
ces paroles : « Je vous ai dit ces
choses, afin que vous ayez la paix en moi. » —
Saint Jean Chrysostome : C'est-à-dire afin que vous
ne me repoussiez jamais de votre cœur, car ce n'est pas seulement lorsque je
serai pris [par mes ennemis] que vous serez assaillis par le malheur; tant
que vous serez dans le monde, vous serez opprimés, c'est-à-dire, persécutés,
c'est ce qu'il leur prédit en ces termes : « Dans le monde vous aurez des tribulations. » —
Saint Grégoire : (Moral., 26, 12, ou 11 dans
les anc. éd). Il semble leur dire : Placez en moi toute votre consolation et
votre force intérieure, car pour le monde, vous n'avez à en attendre que
l'oppression et la persécution la plus cruelle. —
Saint Augustin : Cette oppression devait
commencer pour eux à cette heure dont Jésus leur disait : « Vient l'heure où vous serez dispersés
chacun de votre côté, » mais elle ne devait pas se continuer de la même
manière. Car ce qu'il ajoute : « et que
vous me laissiez seul, » ne devait point s'appliquer aux persécutions
qu'ils auraient à endurer dans le monde, après son ascension; alors, au
contraire, loin de l'abandonner, il veut qu'ils lui demeurent attachés et
qu'ils mettent en lui leur paix. Il leur dit encore : « Ayez confiance. » —
Saint Jean Chrysostome : C'est-à-dire que votre âme
ressuscite [et revienne à la vie], car il ne faut pas que les disciples
restent dans les alarmes, alors que leur Maître a triomphé de leurs ennemis.
C'est pour cela qu'il ajoute : « parce
que j'ai vaincu le monde. » —
Saint Augustin : Lorsqu'ils eurent reçu
l'Esprit saint, c'est en Jésus-Christ qu'ils mirent toute leur confiance, et
c'est par lui qu'ils remportèrent la victoire; car on ne pourrait dire que le
Sauveur a vaincu le monde, si ses membres étaient vaincus par le monde.
(Traité 104). Quant à ces paroles : «
Je vous ai dit ces choses, afin que vous ayez la paix en moi, » nous ne
devons pas seulement les entendre de ce qu'il vient de dire immédiatement à
ses disciples, mais de tous ses enseignements, soit de ceux qu'il leur a
donnés depuis qu'ils ont commencé à être ses disciples, soit de ce long et
admirable discours qui suivit la cène. Le but qu'il s'est proposé dans tous
ces discours il l'a dit en termes exprès, c'est qu'ils placent en lui leur
paix; cette paix n'aura point de fin comme le temps, mais elle sera elle-même
la fin de toutes nos pieuses intentions et de nos saintes actions. |
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Caput 17 |
CHAPITRE XVII
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Lectio 1 |
Versets 1-5
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[86127] Catena in Io., cap. 17 l. 1 Chrysostomus in
Ioannem. Quia dixerat dominus : in mundo pressuram habebitis, post
admonitionem in orationem convertitur, erudiens nos in tribulationibus, omnia
dimittentes, ad Deum refugere; unde dicitur haec locutus est Iesus. Beda. Illa intelligi debent quae in coena locutus
est, quaedam quidem sedendo usque ibi : surgite, eamus hinc; deinde stando
usque ad hymni finem, cuius hoc est initium : et sublevatis oculis in caelum
dixit : pater, venit hora : clarifica filium tuum. Chrysostomus. Propter hoc in caelum oculos elevavit
ut nos doceret extensionem quae est in orationibus, ut stantes sursum
aspiciamus, non oculis carnis solum, sed et mentis. Augustinus in Ioannem. Poterat autem dominus in
forma servi, si hoc opus esset, orare silentio; sed ita se patri exhiberi
voluit precatorem ut meminisset nostrum se esse doctorem. Proinde non solum
ad ipsos sermocinatio, sed etiam pro ipsis ad patrem oratio, discipulorum est
aedificatio : profecto et nostrum, qui fueramus conscripta lecturi. Hoc autem
quod ait pater, venit hora, ostendit omne tempus, et quid et quando faceret,
vel fieri sineret, ab illo dispositum qui tempori subditus non est. Non autem
credatur haec hora fato urgente venisse, sed Deo potius ordinante : absit
enim ut sidera mori cogerent siderum conditorem. Hilarius de Trin. Non diem autem, non tempus, sed
horam venisse dicit. In hora diei portio est : et quae erat haec hora? Iam
nunc conspuendus, flagellandus, crucifigendus erat : sed clarificat pater
filium. Sol de cursu operis defecit, et interitum suum cum eo reliqua mundi
elementa senserunt; ad onus domini in cruce pendentis terra tremuit, et eum
qui moriturus erat se contestata est non capere. Proclamat centurio : vere
filius Dei erat iste; praedictioni consentit effectus. Dominus dixerat
clarifica filium tuum. Non solum nomine contestatus est esse se filium, sed
et proprietate qua dicitur tuum : multi enim nos filii Dei, sed non talis hic
filius : hic enim proprius et verus est filius origine, non adoptione;
veritate, non nuncupatione; nativitate, non creatione. Ergo post
clarificationem eius, veritatem confessio secuta est : nam verum Dei filium
centurio confitetur, ne quis credentium ambigeret quod aliquis persequentium
non negasset. Augustinus in Ioannem. Sed si passione clarificatus
dicitur, quanto magis resurrectione? Nam in passione magis eius humilitas
quam claritas commendatur. Quod ergo ait : pater, venit hora, clarifica
filium tuum, sic intelligendum est tamquam dixerit : venit hora seminandae
humilitatis : fructum non differas claritatis. Hilarius de Trin. Sed forte infirmus reperietur
filius dum clarificationem potioris expectat. Et quis non patrem potiorem
confitebitur, cum ipse dicat : pater maior me est? Sed cavendum est ne apud
imperitos gloriam filii honor patris infirmet; nam sequitur ut filius tuus
clarificet te. Non ergo infirmus est filius, vicem clarificationis ipse, cum
clarificandus sit, redditurus. Ergo expostulatio clarificationis dandae
vicissimque reddendae, eamdem in utroque ostendit divinitatis virtutem. Augustinus. Merito autem quaeritur quomodo patrem
clarificaverit filius, cum sempiterna claritas patris nec diminuta fuerit in
forma humana, nec augeri potuerit in sua perfectione divina. Sed apud homines
minor erat, quando in Iudaea tantummodo Deus notus erat; quia vero per
Evangelium Christi factum est ut pater innotesceret gentibus, patrem
clarificavit et filius. Dicit ergo clarifica filium tuum, ut filius tuus
clarificet te; ac si dicat : resuscita me, ut innotescas toti orbi per me.
Deinde magis pandens quomodo clarificet patrem filius, subiungit sicut dedisti
ei potestatem omnis carnis, ut omne quod dedisti ei, det eis vitam aeternam.
Omnem carnem dixit omnem hominem, a parte totum significans. Hoc autem quod
potestas Christo a patre data est omnis carnis, secundum hominem
intelligendum est. Hilarius de Trin. Caro enim factus ipse vitae
aeternitatem erat caducis et corporeis et mortalibus redditurus. Vel acceptio potestatis sola est significatio
nativitatis, in qua accepit id quod est. Non est infirmitati datio deputanda,
cum in eo significetur pater esse quod dederit, et in eo filius Deus maneat
quod vitae aeternae dandae sumpserit potestatem. Chrysostomus in Ioannem. Dicit autem dedisti ei
potestatem omnis carnis : ut ostendat quod non ad Iudaeos solos sua
praedicatio, sed ad totum orbem terrarum extenditur. Sed quid est quod dicit
omnis carnis? Non enim utique omnes crediderunt. Et quidem quantum ex eo est,
omnes crediderunt; si vero non attendebant his quae dicebantur, non eius qui
dicebat, est criminatio, sed eorum qui non susceperunt. Augustinus in Ioannem. Dicit ergo sicut dedisti ei
potestatem omnis carnis, ita te glorificet filius, idest notum te faciat omni
carni quam dedisti ei; sic enim dedisti, ut omne quod dedisti ei, det eis
vitam aeternam. Hilarius de Trin. Sed in quo tandem aeternitatis
vita est, ostendit cum subdit haec est autem vita aeterna, ut cognoscant te
solum verum Deum. Vita est verum Deum nosse; sed solum hoc non facit vitam :
quid ergo connectitur? Et quem misisti Iesum Christum. Hilarius de Trin. Dum autem Ariani intelligunt solum
patrem verum Deum, solum iustum, solum sapientem, a communione horum,
secundum hos, filius separatur. Soli enim, ut aiunt, propria non
participantur ab altero; quae si in patre solo, et non in filio
existimabuntur, necesse est ut filius Deus falsus et insipiens esse credatur.
Nulli autem dubium est veritatem ex natura et ex
virtute naturae esse : verum enim triticum est quod spica structum, et
aristis vallatum, et folliculis excussum, et in far comminutum, et in panem
coctum, et in cibum sumptum reddit ex se et naturam panis et munus. Quaero
ergo in quo filio veritas Dei desit, cui non desit Dei nec natura nec virtus.
Naturae enim suae virtute usus est, ut essent quae non erant, et fierent quae
placerent. An forte quod ait te solum, communionem atque unitatem
suam a Deo separat? Separat sane, si non ad id quod ait te solum verum Deum,
continue subiecit et quem misisti Iesum Christum. Per id enim Ecclesiae fides
Christum verum Deum confessa est, quod solum verum Deum confessa patrem sit :
non enim unigenito Deo naturae demutationem naturalis nativitas intulit. Augustinus de Trin. Videndum est ergo an intelligere
cogamur, cum dictum est patri ut cognoscant te solum verum Deum, tamquam hoc
insinuare voluerit, quia et solus pater Deus verus est, ne non nisi ipsa tria
simul, patrem et filium et spiritum sanctum, intelligeremus esse Deum. Nunc
ergo ex domini testimonio et patrem solum verum Deum dicimus, et filium solum
Deum verum, et spiritum sanctum solum verum Deum; et simul patrem et filium
et spiritum, idest simul ipsam Trinitatem, non tres veros deos, sed unum
verum Deum. Augustinus. Vel ordo verborum est : ut te, et quem
misisti Iesum Christum, cognoscant solum verum Deum; consequenter enim et
spiritus sanctus intelligitur, quia spiritus est patris et filii, tamquam
caritas consubstantialis amborum. Sic igitur filius glorificat te, ut omnibus
quos dedisti ei, te cognitum faciat. Porro si cognitio mei est vita aeterna,
tanto magis in vita aeterna, quanto magis in hac cognitione proficimus. Non autem
moriemur in vita aeterna. Tunc ergo Dei cognitio perfecta erit quando nulla
mors erit : summa tunc Dei clarificatio, quia summa gloria. A veteribus autem
gloria definita est frequens de aliquo fama cum laude. At si homo laudatur
cum famae creditur, quomodo Deus laudabitur quando ipse videbitur? Propter
quod scriptum est : beati qui habitant in domo tua, in saecula saeculorum
laudabunt te. Ibi erit Dei sine fine laudatio, ubi erit Dei plena cognitio,
et ideo clarificatio. Augustinus de Trin. Quod dixerit famulo suo Moysi :
ego sum qui sum, hoc contemplabimur cum vivemus in aeternum. Augustinus de Trin. Cum enim fides nostra videndo
fiat veritas, tunc mortalitatem nostram commutatam tenebit aeternitas.
Augustinus in Ioannem. Sed prius hic clarificatur Deus cum annuntiatus
hominibus innotescit, et per fidem credentibus praedicatur; propter quod
dicit ego te clarificavi super terram. Hilarius de Trin. Haec quidem clarificationis
vicissitudo non pertinet ad divinitatis profectum, sed ad honorem qui ex
cognitione ignorantium suscipiebatur. Chrysostomus. Unde bene dixit super terram : in
caelo enim glorificatus fuerat, et in natura gloriam habens, et ab Angelis
adoratus. Non igitur de illa gloria ait quae substantiae eius est, sed de ea
quae ad culturam hominum pertinet; unde subdit opus consummavi quod dedisti
mihi ut facerem. Augustinus. Non ait : iussisti, sed dedisti : ubi
commendatur evidens gratia : quid enim habet quod non accepit, etiam in
unigenito, humana natura? Sed quomodo consummavit opus quod accepit ut
faciat, cum restet adhuc passionis experimentum, nisi consummasse se dicat
quod se consummaturum certissime novit? Chrysostomus. Vel dicit consummavi; quasi, ea quae
ex parte mea sunt omnia feci; aut quia, cum id quod maximum est factum est,
dici potest totum iam factum esse. Radix enim bonorum submissa erat, quam
omnino debebat sequi fructus : et quia his quae futura erant, ipse iam aderat
et copulabatur. Hilarius de Trin. Post quae, ut meritum obedientiae
et sacramentum totius dispensationis intelligeremus, adiecit et nunc
clarifica me tu, pater, apud temetipsum. Augustinus. Supra dixerat :
pater, venit hora, clarifica filium tuum, ut filius tuus clarificet te; in
quo verborum ordine ostenderat, prius a patre clarificandum filium, ut patrem
clarificaret filius; modo autem dixit ego te clarificavi, et nunc clarifica
me; tamquam prior ipse patrem clarificaverit, a quo deinde ut clarificetur
exposcit. Ergo intelligendum est utroque verbo superius usum eo ordine quo
futurum erat; modo vero usum fuisse verbo praeteriti temporis de re futura,
velut si dixisset : ego te clarificabo super terram, opus consummando quod
dedisti mihi ut faciam, et nunc clarifica me tu, pater : quae est omnino
eadem sententia, nisi quod hic additur clarificationis modus, cum subdit
claritate quam habui, priusquam mundus fieret, apud te. Ordo verborum est :
quam habui apud te, priusquam mundus esset. Hoc quidam sic intelligendum
putaverunt tamquam natura humana quae suscepta est a verbo, converteretur in
verbum, et homo mutaretur in Deum; immo, si diligentius cogitemus, homo
periret in Deo. Non enim quisquam ex ista mutatione hominis, vel duplicari
Dei verbum dicturus est, vel augeri; sed quisquis Dei filium praedestinatum
negat, hunc eumdem filium hominis negat. Cum ergo videret illius
praedestinatae suae glorificationis venisse tempus, ut et nunc fieret in
redditione quod fuerat in praedestinatione iam factum, oravit dicens et nunc
clarifica me tu, pater, etc. : idest, illam claritatem quam habui apud te
praedestinatione tua, tempus est ut apud te habeam etiam vivens in dextera
tua. Hilarius de Trin. Vel orabat ut id quod ex tempore
erat, gloriam eius quae sine tempore est claritatis acciperet, ut in Dei
virtutem et spiritus incorruptionem transformata carnis corruptio
absorberetur. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 80 sur Saint Jean). Notre Seigneur venait de dire à ses
disciples : « Vous aurez des
tribulations dans le monde. » A cet avertissement il fait succéder la
prière, pour nous apprendre à tout quitter pour recourir à Dieu seul au
milieu de nos tribulations : « Ainsi
parla Jésus, ». —
Saint Bède : Il faut entendre ici les
choses qu'il leur dit pendant la cène, les unes lorsqu'il était encore à
table, jusqu'à ces paroles : «
Levez-vous, sortons d'ici » ; les autres lorsqu'il fut sorti,
jusqu'à la fin de la prière, dont voici le commencement : « Jésus leva les yeux au ciel, et dit :
Mon Père, l’heure est venue ; glorifiez votre Fils». —
Saint Jean Chrysostome : Il lève les yeux au ciel
pour nous apprendre jusqu'où nos prières doivent monter, et que nous devons
les faire en levant au ciel, non seulement les yeux au corps, mais ceux de
l'esprit. —
Saint Augustin : (Traité 104 sur Saint Jean). Notre Seigneur aurait pu en tant
qu'homme, s'il l'avait fallu, prier en silence; mais en se montrant l'humble
suppliant de son Père, il a voulu nous apprendre qu'il n'a pas oublié qu'il
était notre maître. Aussi ses disciples trouvent-ils un sujet d'édification,
non seulement dans ses enseignements, mais dans la prière qu'il adresse pour
eux à son Père. Et ce fruit précieux est aussi pour nous qui devons un jour
la lire [dans le saint Evangile]. Il commence sa prière en ces termes : « Mon Père, l'heure est venue, » et il
nous montre ainsi que loin d'être nécessairement soumis au temps, il était le
suprême ordonnateur du temps où devaient s'accomplir les actions dont il
était l'auteur immédiat ou qui ne se faisaient que par sa permission.
N'allons pas croire que cette heure soit venue comme amenée par le destin,
c'est Dieu lui-même qui l'avait fixée dans ses décrets, car loin de nous la
pensée que les astres aient pu contraindre à mourir le Créateur des astres. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 3) Il ne dit
pas : Le jour ou le temps est venu, mais : « L'heure est venue. » L'heure est une partie du jour, et quelle
est cette heure ? celle où il devait être couvert de crachats, flagellé,
crucifié, mais celle aussi où le Père devait glorifier le Fils. La mort vint
interrompre le cours de ses œuvres, et tous les éléments du monde ressentirent
l'effet de cette mort, la terre trembla sous le poids du Seigneur suspendu à
la croix, et elle attesta qu'elle ne pouvait contenir dans son sein celui qui
allait mourir. Le centurion s’écrie bien haut : « Il était vraiment le Fils de Dieu. » La prédiction se trouve
ainsi justifiée. Le Sauveur avait dit : «
Glorifiez votre Fils, » et il affirme ainsi qu'il était vraiment son
Fils, non seulement de nom, mais en réalité, en ajoutant le pronom : « Votre, » car nous sommes aussi en
grand nombre les Fils de Dieu, mais nous ne le sommes pas de la même manière
que lui. Il est proprement le Fils de Dieu par origine et non par adoption,
en vérité, et non seulement par dénomination, par sa naissance, et non par
création. Aussi après qu'il eut été glorifié, la vérité fut solennellement
proclamée, le centurion confessa qu'il était le vrai Fils de Dieu, de manière
à ce que personne, parmi les fidèles, ne pût hésiter à reconnaître ce que les
bourreaux eux-mêmes n'avaient pu nier. —
Saint Augustin : Mais si sa passion a été
pour lui un principe de gloire, combien plus sa résurrection ? Ce qui éclate,
en effet, dans sa passion, c'est son humilité bien plutôt que sa gloire. Il
faut donc entendre ces paroles : « Mon
Père, l'heure est venue, glorifiez votre Fils » dans ce sens : L'heure
est venue de répandre la semence de l'humilité, ne différez pas les fruits de
gloire qu'elle doit produire. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 3) Mais
peut-être regardera-t-on comme une marque de faiblesse dans le Fils qu'il ait
besoin d'être glorifié par un plus puissant que lui. Et qui, en effet, se
refuserait à reconnaître dans le Père une puissance plus grande, alors que le
Sauveur lui-même déclare que son Père est plus grand que lui ? Prenons donc
garde qu'un sentiment d'irréflexion nous fasse voir dans la gloire du Père un
affaiblissement de la gloire du Fils, car Notre-Seigneur ajoute aussitôt : « afin que votre Fils vous glorifie. »
Il n'y a donc ici aucun signe de faiblesse dans le Fils, puisqu'il doit
rendre lui-même la gloire qu'il demande; donc cette prière qu'il fait pour
que son Père lui donne une gloire qu'il doit lui rendre à son tour, est une
preuve qu'ils ont tous deux une même puissance et une même divinité. —
Saint Augustin : (Traité 105 sur Saint Jean) Mais on peut demander avec raison
comment le Fils a glorifié le Père, puisque la gloire éternelle du Père n'a
pu subir d'amoindrissement qui serait la suite de son union avec la nature
humaine, ni d'accroissement dans sa perfection divine. [Sans doute la gloire
du Père n'a pu éprouver en elle-même aucune altération, aucun accroissement,
mais] elle était comme amoindrie aux yeux des hommes, lorsque Dieu n'était
connu que dans la Judée. C'est donc lorsque l'Evangile de Jésus-Christ eut
fait connaître le Père aux nations, que le Fils a véritablement glorifié le
Père. Il lui dit donc : « Glorifiez
votre Fils, afin que votre Fils vous glorifie, » c'est-à-dire :
Ressuscitez-moi, afin que je vous fasse connaître à tout l'univers. Il
explique ensuite plus clairement encore comment le Fils glorifie le Père, en
ajoutant : « puisque vous lui avez
donné puissance sur toute chair, afin qu'il donne la vie éternelle à tous
ceux que vous lui avez donnés. » Cette expression, « toute chair, » signifie tous les hommes, c'est-à-dire que la
partie est prise pour le tout. Cette puissance sur toute chair a été donnée
par le Père à Jésus-Christ en tant qu'homme. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 3) Car il
s'est incarné pour rendre la vie éternelle à tout ce qui était faible,
esclave de la chair et de la mort. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 9) Ou bien,
Dieu a donné ce pouvoir au Fils par sa naissance par laquelle il lui a
communiqué sa divine essence. Il ne faut point regarder cette communication
dans le Père comme un signe de faiblesse, puisqu'il conserve le pouvoir qu'il
donne, et que le Fils ne laisse pas d'être Dieu lui-même, tout en recevant le
pouvoir de donner la vie éternelle. —
Saint Jean Chrysostome : Notre Seigneur dit : « Vous lui avez donné la puissance sur
toute chair, » pour montrer que sa prédication devait s'étendre, non seulement
aux Juifs, mais à tout l'univers. Mais comment entendre ces paroles : « sur toute chair, » car tous les
hommes n'ont pas embrassé la foi ? c'est-à-dire que le Fils de Dieu a fait
tout ce qui dépendait de lui pour déterminer les hommes à croire; si un grand
nombre n'ont point écouté sa parole, la faute n'en est pas à celui qui leur
parlait, mais à ceux qui ont refusé de recevoir sa parole. —
Saint Augustin : Il leur dit donc : « Puisque vous lui avez donné puissance sur
toute chair; que votre Fils vous glorifie, » c’est-à-dire, qu'il vous
fasse connaître à toute chair que vous lui avez donnée, car vous ne la lui
avez donnée que pour qu'il lui donne lui-même la vie éternelle. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 3) Mais en quoi
consiste la vie éternelle ? le Sauveur va nous l'apprendre : « Or, la vie éternelle consiste à vous
connaître, vous le seul Dieu véritable, et celui que vous avez envoyé
Jésus-Christ. » La vie, c'est de connaître le vrai Dieu, mais cela seul
ne suffit pas. Quelle est la connaissance essentiellement liée à celle-là ? « et celui que vous avez envoyé,
Jésus-Christ. » —
Saint Hilaire : (de la Trin., 4) Les Ariens
prétendent que le Père seul est le seul vrai Dieu, le seul juste, le seul
sage, et ils excluent le Fils de toute communion à ces divines perfections.
Les choses qui sont propres à un seul, disent-ils, ne peuvent être
communiquées à un autre, si donc ces attributs se trouvent dans le Père seul,
la conséquence est que le Fils n'est point véritablement Dieu, et que c'est à
tort qu'on lui en donne le nom. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 5) Chacun
sait, à n'en pouvoir douter, que la vérité d'une chose se révèle par sa
nature et par sa vertu, ainsi le véritable froment est celui qui, débarrassé
de sa gaîne et de ses gousses, réduit en épis, puis en farine, cuit sous la
forme de pain, et pris en nourriture, présente la nature au pain et en
produit les effets; je demande donc ce qui manque au Fils pour qu'il soit
vrai Dieu, puisqu'il a tout à la fois la nature et la vertu de Dieu ? Il a
donné des preuves de la puissance de sa nature, lorsqu'il a créé les choses
qui n'existaient pas et les a appelées à l'existence suivant sa volonté. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 9) Dira-t-on
que par ces paroles : « Vous qui êtes
le seul vrai Dieu, » le Sauveur se met en dehors de toute communion, de
toute identité avec la nature divine ? Oui, sans doute, ou pourrait dire
qu'il se met en dehors, si après ces paroles : « Vous qui êtes le seul vrai Dieu, » il n'ajoutait : « et celui que vous avez envoyé
Jésus-Christ. » En effet, la foi de l'Eglise a confessé que Jésus-Christ
était vrai Dieu, par la même raison qu'elle reconnaissait que le Père était
le seul vrai Dieu, car la naissance divine du Fils unique ne lui a rien fait
perdre de la nature divine. —
Saint Augustin : (de la Trin., 6, 9). Voyons
donc si ces paroles du Sauveur : « afin
qu'ils vous connaissent, vous qui êtes le seul vrai Dieu, » nous obligent
à comprendre que le Père seul est le vrai Dieu, et si au contraire nous ne
devons pas en conclure que les trois personnes, le Père, le Fils, et le
Saint-Esprit sont Dieu. Mais c'est en vertu du témoignage du Sauveur
lui-même, que nous disons que le Père est le seul vrai Dieu, que le Fils est
le seul vrai Dieu, que l'Esprit saint est le seul vrai Dieu, et que le Père,
le Fils, et le Saint-Esprit, c'est-à-dire toute la Trinité, ne font pas trois
Dieux, mais un seul vrai Dieu. —
Saint Augustin : (Traité 103 sur Saint Jean). On peut encore disposer la phrase, de
cette manière : Afin qu'ils reconnaissent pour le seul vrai Dieu vous et
celui que vous avez envoyé, Jésus-Christ; et dans cette proposition se trouve
compris l'Esprit saint, parce qu'il est l'Esprit du Père et du Fils, et
l'amour consubstantiel de ces deux personnes divines. Le Fils vous glorifie
donc en vous faisant connaître à tous ceux que vous lui avez donnés. Or, si
la connaissance de Dieu est la vie éternelle, plus nous avançons dans la
connaissance de Dieu, plus aussi nous avançons vers la vie éternelle. La mort
n'a plus d'accès dans la vie éternelle, et la connaissance de Dieu sera
parfaite, lorsque l'empire de la mort sera complètement détruit. Alors Dieu
sera souverainement glorifié, parce que sa gloire sera à son comble. Les
anciens ont défini la gloire, la renommée d'un homme, accompagnée d'estime et
de louange. Or, si la gloire d'un homme peut résulter de sa renommée seule,
quelle sera donc la gloire de Dieu, lorsqu'il sera vu tel qu'il est ? C'est
pour cela que le Psalmiste a écrit : «
Bienheureux ceux qui habitent dans votre maison, ils vous loueront dans les
siècles des siècles. » La gloire et la louange de Dieu, et par conséquent
sa glorification, n'auront plus de fin, parce que la connaissance de Dieu
sera pleine et parfaite. —
Saint Augustin : (de la Trin., 1, 8). C'est
alors que nous contemplerons dans la vie éternelle la vérité de ce que Dieu
disait à son serviteur Moïse : « Je
suis celui qui suis. » (Ex 3) —
Saint Augustin : (de la Trin., 5, 18).
Lorsque notre foi deviendra la vérité par la vision même de Dieu, alors notre
mortalité fera place à l'éternité. —
Saint Augustin : (Traité 105 sur Saint Jean,) Mais dès cette vie Dieu est glorifié,
lorsque il est annoncé et révélé aux hommes et que la prédication le fait
connaître aux hommes par la foi, et c'est pour cela que le Sauveur dit : « Je vous ai glorifié sur la terre. » —
Saint Hilaire : (de la Trin., 4) Cette
glorification n'ajoute rien à la perfection de la divinité, mais elle est un
certain honneur qui résulte de la connaissance de ceux qui l'ignoraient
auparavant. —
Saint Jean Chrysostome : C'est avec raison qu'il dit
: « Je vous ai glorifié sur la terre, »
car il avait été glorifié dans les cieux en recevant la gloire qui est propre
à sa nature, et les adorations des anges; il ne parle donc pas ici de la
gloire essentielle à la substance du Père, mais de la gloire qui résulte des
hommages que lui rendent les hommes. C'est pour cela qu'il ajoute : « J'ai porté à son achèvement l'œuvre que
vous m'avez donnée à faire. » —
Saint Augustin : (Traité 105 sur Saint Jean). Il ne dit pas : L'œuvre que vous
m'avez commandée, mais : « que vous
m'avez donnée, » paroles qui sont un éclatant témoignage en faveur du la
grâce; car que possède la nature humaine, même dans le Fils unique, qu'elle
n'ait reçu ? Mais comment a-t-il achevé l’œuvre que Dieu lui a donnée à
faire, puisqu'il lui restait encore la [douloureuse] épreuve de sa passion ?
Il regarde donc comme consommé ce dont il sait avec certitude que la
consommation est proche. —
Saint Jean Chrysostome : Ou bien encore il dit : « J'ai achevé l'œuvre que vous m'avez
donnée, » c'est-à-dire j'ai fait de mon côté tout ce qui me concernait;
on peut dire aussi que tout est consommé, quand la plus grande partie est
faite, car la racine de tous les biens avait été plantée et les fruits ne
devaient pas tarder à suivre, et il était d'ailleurs essentiellement uni à
tout ce qui devait arriver dans la suite. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 9) Il ajoute
ensuite pour nous faire comprendre le mérite de l'obéissance et tout le
mystère de sa divine incarnation : « Et
maintenant, mon Père, glorifiez-moi en vous-même. » —
Saint Augustin : (Tr. 105 sur Saint Jean). Il avait dit précédemment : « Mon Père, l'heure est venue, glorifiez
votre Fils, afin que votre Fils vous glorifie, » c'est-à-dire que d'après
l'ordre indiqué par ces paroles, le Père devait glorifier le Fils, afin que
le Fils pût glorifier ensuite le Père. Ici au contraire il dit : « Je vous ai glorifie, et maintenant
glorifiez-moi, » c'est-à-dire qu'il semble demander d'être glorifié [comme
récompense] de ce qu'il a le premier glorifié son Père. Pour expliquer cette
différence, il faut admettre que dans la première proposition, Notre Seigneur
s'est servi du verbe qui exprimait le temps dans lequel les choses devaient
avoir lieu, et que dans la seconde proposition, il s'est servi du passé pour
exprimer une chose future, comme s'il avait dit : Je vous glorifierai sur la
terre, en achevant l'œuvre que vous m'avez donnée à faire, et maintenant
glorifiez-moi vous-même, mon Père. Ces deux propositions ont donc le même
sens et ne diffèrent que parce que la seconde renferme le mode de
glorification que le Fils demande à son Père : « Glorifiez-moi en vous-même de la gloire que j'ai eue en vous avant
que le monde fût. » L'ordre naturel de cette phrase est celui-ci : que
j'ai eue en vous avant que le monde existât. Il en est qui ont prétendu que
ces paroles signifiaient que la nature humaine dont le Verbe s'est revêtu
dans l'incarnation, devait être transformée dans la nature du Verbe, et que l'homme
devait être changé on Dieu. Bien plus, si nous examinons de plus près leur
sentiment, ils vont jusqu'à dire que l'homme est anéanti en Dieu, car
personne n'oserait dire que ce changement double en aucune façon, ou augmente
le Verbe de Dieu. [Nous disons, nous, que] celui qui nie que le Fils de Dieu
ait été prédestiné, nie par-là même qu'il soit le Fils de l'homme, Jésus donc
voyant arriver le temps de la glorification à laquelle il était prédestiné,
demande que cette prédestination reçoive son accomplissement : « Et maintenant glorifiez-moi, Père» etc...
C’est-à-dire, il est temps que je jouisse en vous en vivant à votre droite,
de cette gloire que j'ai eue en vous en vertu de votre prédestination
éternelle. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 3) Ou bien il
demandait que la nature qui en lui appartenait au temps, reçût la gloire qui
est au-dessus du temps, et que la chair soumise à la corruption fût
transformée dans la vertu de Dieu et l'incorruptibilité de l'esprit. |
Lectio 2 |
Versets 6-8
|
[86128] Catena in Io., cap. 17 l. 2 Chrysostomus
in Ioannem. Quia dixerat opus consummavi, manifestat quale opus : ut
scilicet nomen Dei manifestaret; unde dicitur manifestavi nomen tuum
hominibus quos dedisti mihi de mundo. Augustinus in Ioannem. Quod si de his tantum dicit
discipulis cum quibus coenavit, non pertinet hoc ad illam clarificationem de
qua superius loquebatur, qua filius clarificat patrem : quanta est enim
gloria duodecim vel undecim innotescere potuisse mortalibus? Si autem quod
ait manifestavi nomen tuum hominibus quos dedisti mihi de mundo, omnes
intelligi voluit qui in eum fuerant credituri, est plane ista clarificatio
qua filius clarificat patrem : et tale est quod ait manifestavi nomen tuum,
quale illud quod supra dixerat : ego te clarificavi, pro tempore futuro et
illic et hic praeteritum ponens. Sed de his qui iam erant discipuli, non de
omnibus qui in illum fuerant credituri, eum hoc dixisse, ea quae sequuntur
credibilius demonstrant. Ab ipso ergo orationis suae exordio omnes suos
dominus volebat intelligi, quibus notum faciendo patrem, clarificat eum. Cum
enim dixisset : filius tuus clarificet te, mox quemadmodum id fieret
demonstravit dicens : sicut dedisti ei potestatem omnis carnis. Iam nunc quid
de illis a quibus tunc audiebatur discipulis suis dicat, audiamus :
manifestavi nomen tuum hominibus quos dedisti mihi de mundo. Non ergo Dei
nomen noverant, cum essent Iudaei; et ubi est quod legitur : notus in Iudaea
Deus, et in Israel magnum nomen eius? Ergo intelligendum est : manifestavi
nomen tuum hominibus istis, quos dedisti mihi de mundo, qui me audiunt haec
dicentem, non illud nomen tuum quod vocaris Deus, sed illud quod vocaris
pater meus; quod nomen manifestari sine ipsius filii manifestatione non
possit : nam quod Deus dicitur universae creaturae, etiam omnibus gentibus
antequam in Christum crederent non omnimode esse potuit hoc nomen incognitum.
In hoc ergo quod fecit hunc mundum, et antequam imbuerentur in fide Christi,
notus in omnibus gentibus Deus; in hoc autem quod non est cum diis falsis
colendus, notus in Iudaea Deus; in hoc vero quod pater est huius Christi, per
quem tollit peccatum mundi, hoc nomen eius prius occultum, nunc manifestavit
eis quos dedit ei pater ipse de mundo. Sed quomodo manifestavit, si nondum
venit hora de qua superius dixerat, quod veniet hora cum iam non in
proverbiis loquar vobis? Proinde intelligendum est pro tempore futuro
praeteritum positum. Chrysostomus. Vel quod ipsum Christum filium habeat,
manifestaverat eis iam et verbis et rebus. Augustinus. Per hoc autem quod dicit dedisti mihi de
mundo, dictum est de illis quod non essent de mundo; sed hoc eis regeneratio
praestitit, non generatio. Quid est autem quod sequitur : tui erant, et mihi
eos dedisti? An aliquando habuit pater aliquid sine filio? Absit. Verumtamen
habuit aliquid aliquando Dei filius, quod nondum habuit idem ipse hominis
filius, qui nondum erat homo factus ex matre : quapropter quod dixit tui
erant, non inde se separavit Dei filius; sed solet ei tribuere omne quod
potest a quo est ipse qui potest. Quod itaque ait et mihi eos dedisti,
secundum hominem se accepisse hanc potestatem ut eos haberet ostendit; et
etiam ipse sibi eos dedit, hoc est cum patre Deus Christus homini Christo;
quod cum patre non est. Hoc autem dixit, ut ostendat eam quam ad patrem
unanimitatem, et quoniam placet patri ut filio credant; unde sequitur et
sermonem tuum servaverunt. Beda. Sermonem patris semetipsum appellat, quia per
ipsum pater omnia condidit, et in se continet omnes sermones; ac si diceret :
memoriae me commendaverunt, ut nunquam obliviscantur. Vel dicit : et sermonem
tuum servaverunt, in eo scilicet quod mihi crediderunt; unde sequitur et nunc
cognoverunt quia omnia quae dedisti mihi, abs te sunt. Quidam autem dicunt
hanc esse litteram : nunc cognovi quia omnia quae dedisti mihi, abs te sunt :
sed hi non habent rationem. Quomodo enim poterat ignorare filius quae sunt
patris? Sed de discipulis dictum est; quasi dicat : didicerunt quod nihil est
in me alienum extra te, et quod quaecumque doceo, tua sunt. Augustinus. Simul autem pater dedit ei omnia cum
genuit qui habet omnia. Chrysostomus. Et unde didicerunt? Ex verbis meis,
quibus docebam eos quoniam a te exivi : hoc enim per totum studebat ostendere
Evangelium; unde sequitur quia verba quae dedisti mihi, dedi eis; et ipsi
acceperunt. Augustinus. Idest, intellexerunt, atque tenuerunt.
Tunc enim verbum accipitur quando mente percipitur; unde sequitur et
cognoverunt vere quia a te exivi. Et ne quisquam putaret istam cognitionem
iam per speciem factam, non per fidem, exponendo addidit et crediderunt, ut
subaudiamus vere quia tu me misisti. Hoc itaque crediderunt vere, quod
cognoverunt vere. Idem enim est a te exivi quod est tu me misisti. Quod autem
dicit crediderunt, vere intelligendum est, non eo quo supra dixit modo
crediderunt, sed vere, idest quomodo credendum est, inconcusse, firme,
stabiliter; non iam ad propria redituri, et Christum relicturi. Adhuc ergo
discipuli non erant tales quales eos dicit verbis praeteriti temporis, quasi
iam esset praenuntians quales futuri essent accepto spiritu sancto. Quomodo
autem pater ea verba filio dederit, facilior quaestio videtur, si secundum
quod est filius hominis accepisse a patre credatur; si vero secundum id quod
est a patre genitus, accepisse a patre ista verba cogitatur, nihil ibi
temporis cogitetur, quasi prius fuerit, et ea non habuerit; quoniam quidquid
Deus pater Deo filio dedit, gignendo dedit. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 81 sur Saint Jean). Après avoir dit : « J’ai achevé l’œuvre… », Notre
Seigneur explique ensuite à ses disciples quelle est cette œuvre qu'il a
consommée, c'est-à-dire, la manifestation du nom de Dieu : « J'ai manifesté votre nom aux hommes que
vous m'avez donnés (du milieu du monde). » —
Saint Augustin : (Traité 106 sur Saint Jean). S'il veut seulement parler ici des
disciples avec lesquels il vient de célébrer la cène, il ne peut être
question de cette glorification dont il a parlé précédemment, et par laquelle
le Fils glorifie le Père. Quelle gloire, en effet, pour Dieu, d'avoir pu être
connu de onze ou de douze mortels ? Si au contraire ces paroles : « J'ai manifesté votre nom aux hommes que
vous m'avez donnés du monde, » comprennent dans la pensée du Sauveur,
tous ceux qui devaient croire en lui, c'est vraiment alors cette glorification
par laquelle le Fils donne la gloire au Père. Cette proposition : « J'ai manifesté votre nom, » doit
donc s'entendre comme cette autre : «
Je vous ai glorifié, » c'est-à-dire que le passé est mis ici pour le
futur. Cependant la suite nous autorise à regarder comme plus probable que le
Sauveur parlait ici de ceux qui étaient déjà ses disciples, et non de tous
ceux qui devaient croire en lui. Dès le commencement de sa prière, le Sauveur
veut nous faire comprendre sous le nom de « siens », tous ceux à qui
il a fait connaîtra le nom de son Père qu'il a glorifié en leur donnant cette
connaissance; ce qu'il a dit précédemment : « afin que votre Fils vous glorifie, » se trouve expliqué par les
paroles qui suivent : « puisque vous
lui avez donné la puissance sur toute chair. » Ecoutons maintenant ce
qu'il dit de ses disciples : « J'ai
manifesté votre nom aux hommes que vous m'avez donnés du monde. » Est-ce
donc qu'ils ne connaissaient pas le nom de Dieu, lorsqu'ils étaient
Juifs ? Et où donc lisons-nous : Dieu est connu dans la Judée, et son nom est
grand dans Israël ? Voici donc comme il faut entendre ces paroles : « J'ai manifesté votre nom aux hommes que
vous m'avez donnés du monde, » c'est-à-dire à ceux qui m'écoutent en ce
moment; non pas ce nom de Dieu que vous donnent communément les hommes, mais
le nom de Père, nom qui ne peut être manifesté qu'autant que le Fils est
manifesté lui-même. Il n'est, en effet, aucune nation qui, avant même de
croire en Jésus-Christ, n'ait eu une connaissance quelconque de Dieu, comme
étant le Dieu de toutes les créatures. Comme créateur du monde, Dieu était
donc connu dans toutes les nations, avant même qu'elles eussent embrassé la
foi de Jésus-Christ. Il était connu dans la Judée comme le Dieu, dont le
culte était exclusif de toutes les fausses divinités. Mais son nom de Père de
Jésus-Christ, par lequel il efface les péchés du monde, n'était nullement
connu, et c'est ce nom qu'il manifeste à ceux que son Père lui a donnés du
monde. Mais comment l'a-t-il manifesté ? Si le temps dont il a dit
précédemment : « L'heure vient où je ne
vous parlerai plus en paraboles » n'était pas encore venue, il faut
admettre que le Sauveur a employé ici le passé pour le futur. —
Saint Jean Chrysostome : On peut dire encore qu'il
leur avait déjà fait connaître par ses paroles comme par ses actions, que
Dieu le Père avait Jésus-Christ pour Fils. —
Saint Augustin : En leur disant : « Vous me les avez donnés du monde, »
il leur fait comprendre qu'ils n'étaient pas du monde; toutefois ce n'est pas
à leur naissance, mais à la grâce de la régénération qu'ils en étaient
redevables. Mais que veulent dire les paroles qui suivent : « Ils étaient à vous, et vous me les avez
donnés ? » Est-ce que le Père a jamais rien possédé que le Fils n'ait
possédé lui-même ? Non sans doute; cependant le Fils de Dieu a eu en cette
qualité ce qu'il n'avait pas encore comme Fils de l'homme, alors qu'il ne
s'était pas encore fait homme dans le sein de sa mère. Lors donc qu'il dit : « Ils étaient à vous, » le Fils de
Dieu ne se sépare point de son Père, mais il a coutume de rapporter toute sa
puissance à celui de qui il tire cette puissance avec son origine. Et en
ajoutant : « Vous me les avez donnés, »
il nous montre que c'est comme homme qu'il les a reçus de son Père. Il se les
est aussi donnés à lui-même, c'est-à-dire que Jésus-Christ Dieu a donné avec
son Père à Jésus-Christ homme ce qui n'est pas avec le Père, [c'est-à-dire
les hommes]. En s'exprimant ainsi, il nous fait voir l'étroite union qui
existe entre lui et son Père, et que la volonté de son Père est que les
hommes croient au Fils, c'est pour cela qu'il ajoute : « et ils ont gardé votre parole ». —
Saint Bède : Cette parole du Père, c'est
lui-même, parce que c'est par lui que le Père a créé toutes choses, et qu'il
contient en lui-même toutes les paroles, comme s'il disait : Ils m'ont confié
à leur souvenir, de manière à ne jamais m'oublier. Ou bien « ils ont gardé ma parole, » en ce
sens qu'ils ont cru en moi : « Et
maintenant ils savent que tout ce que vous m'avez donné vient de vous. »
Il en est qui prétendent qu'il faut lire : « Maintenant j'ai connu que tout
ce que vous m'avez donné vient de vous, » mais ce langage n'aurait pas de
sens, car comment le Fils pouvait-il ignorer ce qui appartient au Père ? Au
contraire, [on comprend très bien qu']il ait dit de ses disciples : « Ils ont
appris qu'il n'y a rien en moi qui vous soit étranger, et que toutes les
vérités que j'enseigne viennent de vous. » —
Saint Augustin : Le Père lui a tout donné
lorsqu'il l'a engendré, pour qu'il possédât tout ce qu'il possède lui-même. —
Saint Jean Chrysostome : Et comment les disciples
l'ont-ils appris ? Par mes paroles, qui leur enseignaient que je suis sorti
de vous; c'est, en effet, ce à quoi nous le voyons s'appliquer dans tout son
Evangile : « Parce que je leur ai donné
les paroles que vous m'avez données, et ils les ont reçues. » —
Saint Augustin : C'est-à-dire, ils les ont
comprises et retenues, car on reçoit véritablement la parole lorsqu'on la
comprend intérieurement : « Et ils ont
reconnu véritablement que je suis sorti de vous. » Et pour ne pas donner
à penser que cette connaissance était déjà le fruit de la claire vision, et
non de la foi, il explique quelle est cette connaissance, en ajoutant : « Et ils ont cru (sous-entendez véritablement) que vous m'avez envoyé. » Ils ont
donc cru véritablement ce qu'ils ont reconnu véritablement. Car ces paroles :
« Je suis sorti de vous, » ont la
même signification que ces autres : «
Vous m'avez envoyé. » Il ne faut pas entendre ce que le Sauveur dit ici :
« Ils ont cru, en vérité, » dans le
même sens que ce qu'il a dit précédemment à ses disciples : « Vous croyez maintenant » ; mais
ils ont cru en vérité, c'est-à-dire comme il faut croire, d'une foi
inébranlable, forte, persévérante, qui devait les empêcher de s'enfuir chacun
chez eux, et d'abandonner Jésus-Christ. Les disciples n'étaient donc pas
encore tels que le Sauveur les représente, en employant le passé pour le
futur, et en prédisant l'admirable changement que le Saint-Esprit devait opérer
en eux. Il est facile d'expliquer comment le Père a donné ces paroles à son
Fils, si l'on entend qu'il les a reçues du Père comme Fils de l'homme ;
si l'on entend, au contraire, qu'il a reçu ces paroles du Père comme Fils
unique, il faut éloigner toutes idée de temps, et se garder de croire que le
Fils de Dieu ait pu exister un seul instant sans que son Père lui ait donné
ces paroles; car tout ce que le Père a donné au Fils, il le lui a donné en
l'engendrant. |
Lectio 3 |
Versets 9-13
|
[86129] Catena in Io., cap. 17 l. 3 Chrysostomus in
Ioannem. Quia multas a domino consolationes discipuli audientes nondum
persuasi erant, de reliquo patri loquitur, dilectionem quam ad eos habebat
ostendens; unde sequitur ego pro eis rogo; quasi dicat : non solum quae a me sunt
tribuo eis, sed et alium pro hoc rogo; ut ampliorem ostendat amorem. Augustinus in Ioannem. Cum ergo addit non pro mundo,
mundum vult intelligi eos qui vivunt secundum concupiscentiam mundi, et non
sunt in ea sorte gratiae ut ab illo eligantur ex mundo; quam sortem
significat cum subdit sed pro his quos dedisti mihi. Per hoc enim quod eos
illi pater iam dedit, factum est ut non pertineant ad mundum pro quo non
rogat. Neque autem quia pater eos filio dedit, amisit ipse quos dedit; unde
subdit quia tui sunt. Chrysostomus. Frequenter autem hoc ponit dedisti
mihi, ut discant quoniam patri hoc placet, et quoniam non ut alienus veniens
eos seduxit, sed ut proprios accepit. Deinde ne quis aestimet novum esse eius
principatum et nuper eos suscepisse a patre, subiungit et omnia mea tua sunt,
et tua mea sunt; ac si dicat : neque audiens aliquis quoniam mihi eos
dedisti, aestimet eos alienos esse a patre; mea enim eius sunt : nec audiens
quoniam tui erant, aestimet alienos eos fuisse a me : quae enim sunt eius,
mea sunt. Augustinus. Satis autem hic apparet, quoniam
unigeniti filii sunt omnia quae sunt patris; per hoc utique quod etiam ipse
Deus est, et de patre natus, patri aequalis : non quomodo dictum est maiori
ex duobus filiis : omnia mea tua sunt; illud enim de omnibus dictum est
creaturis quae infra creaturam sanctam rationalem sunt; hoc autem ita dictum
est, ut sit haec etiam ipsa creatura rationalis quae non nisi Deo subditur.
Hoc ergo cum sit Dei patris, non simul esset et filii, nisi patri esset aequalis.
Nefas est enim ut sancti de quibus haec locutus est, cuiusquam sint nisi eius
a quo creati et sanctificati sunt. Hoc autem quod ait, cum de spiritu sancto
loqueretur : omnia quae habet pater, mea sunt, de his dicit quae ad ipsam
patris pertinent divinitatem : neque enim spiritus sanctus de creatura quae
patri est subdita et filio, fuerat accepturus, cum dicat : de meo accipiet.
Chrysostomus. Deinde demonstrationem praedictorum
ponit, dicens et clarificatus sum in eis. Ex quo patet quoniam potestatem
super eos habeo, quoniam glorificant me, tibi credentes et mihi : nullus enim
in quibus non habet potestatem glorificatus est. Augustinus in Ioannem. Dicendo autem iam esse
factum, ostendit iam fuisse praedestinatum, et certum haberi voluit quod esset
futurum. Sed utrum ipsa sit clarificatio de qua dixerat : et nunc clarifica
me tu, pater, apud temetipsum (si enim apud te, quomodo in eis?), An cum hoc
ipsum innotescit eis, et per eos omnibus qui credunt eis, quasi testibus
suis; unde subdit et iam non sum in mundo, et hi in mundo sunt. Chrysostomus. Hoc est : et si non appaream secundum
carnem, per hos glorificor qui pro me moriuntur sicut et pro patre, et
praedicant me sicut et patrem. Augustinus. Sed si horam illam qua loquebatur
attendas, utrique in mundo adhuc erant. Non enim secundum profectum cordis et
vitae id accipere possumus, cum dicat iam non sum in mundo. Numquid ergo fas
est ut eum credamus aliquando mundana sapuisse? Restat igitur ut secundum
illud quod etiam ipse in mundo prius erat, in mundo se dixit iam non esse
praesentia corporali. An non quotidie dicimus : iam non est hic de aliquo
quantocius abituro, et maxime morituro? Unde exponens cur hoc dixerit,
adiecit et ego ad te venio. Commendat igitur patri eos quos corporali absentia
relicturus est, dicens pater sancte, serva eos in nomine tuo quos dedisti
mihi. Sicut homo Deum rogat pro discipulis suis, quos accepit a Deo. Sed
attende quod sequitur : ut sint unum sicut et nos. Non ait : ut simus unum
ipsi et nos, sicut et nos unum sumus : ipsi utique in natura sua unum sunt,
sicut nos in nostra unum sumus : quia enim una eademque persona est Deus et
homo, intelligimus hominem in eo quod rogat, et Deum in eo quod unum sunt et
ille et ipse quem rogat. Poterat quidem dicere per id quod Ecclesiae caput est,
et corpus eius Ecclesia : ego et ipsi, non unum sed unus sumus, quia caput et
corpus unus est Christus; sed divinitatem suam consubstantialem patri
ostendens, vult esse suos unum, sed in Christo; non tantum per eamdem naturam
qua omnes ex hominibus mortalibus aequales Angelis fiunt, sed etiam per
eamdem in eamdem habitudinem conspirantem concordissimam voluntatem, in unum
spiritum quodammodo caritatis igne conflati. Ad hoc enim valet quod ait ut
sint unum, sicut et nos unum sumus : ut quemadmodum pater et filius non
tantum aequalitate substantiae, sed etiam voluntate unum sunt, ita et hi
inter quos et Deum mediator est filius, non tantum per hoc quod eiusdem
naturae sunt, sed etiam per eamdem dilectionis societatem unum sint. Chrysostomus. Rursus ut homo loquitur subdens cum
essem cum eis, ego servabam eos in nomine tuo, hoc est per tuum adiutorium;
humane enim loquitur, et ad eorum mentem aestimantium quod maiorem quamdam
haberent utilitatem ab eius praesentia. Augustinus in Ioannem. In nomine enim patris
servabat discipulos suos filius homo, cum eis humana praesentia constitutus;
sed et pater in nomine filii servabat quos in nomine filii petentes
exaudiebat. Neque hoc tam carnaliter debemus accipere velut vicissim nos
servent pater et filius : simul enim nos custodiunt et pater et filius et
spiritus sanctus; sed Scriptura nos non levat nisi descendat ad nos.
Intelligamus ergo cum ita dominus loquitur, personas eum distinguere, non
separare naturam. Quando ergo servabat discipulos suos filius praesentia
corporali, non expectabat pater ad custodiendum succedere filio discedenti;
sed eos ambo servabant potentia spiritali; et quando ab eis abstulit filius
praesentiam corporalem, tenuit cum patre custodiam spiritalem; quia et custodiendos
quando filius homo accepit, custodiae paternae non abstulit; et cum pater
filio custodiendos dedit, non dedit sine ipso cui dedit; sed dedit homini
filio, non sine Deo eodem ipso filio; sequitur enim quos dedisti mihi, ego
custodivi, et nemo ex ipsis periit, nisi filius perditionis, idest traditor
Christi, perditioni praedestinatus, ut Scriptura impleatur, qua scilicet de
illo, maxime in Psalmo 108, prophetatur. Chrysostomus. Et nimirum solus ille tunc periit, sed
multi postea. Dicit autem nemo ex eis periit, idest, quantum ex mea parte non
perdam : quod manifestius alibi dicit : non eiciam foras. Si vero per seipsos
exilient, non ex necessitate ad me traho. Sequitur nunc autem ad te venio.
Sed quia posset aliquis quaerere : numquid non potes eos conservare recedens?
Potest quidem, sed cuius gratia hoc dicat, ostendit subdens et haec loquor in
mundo, ut habeant gaudium meum impletum in semetipsum; idest, ut non
tumultuentur imperfectiores existentes per id quod indicavit quod propter
eorum gaudium et requiem omnia haec infirma loquebatur. Augustinus. Vel aliter. Quod sit hoc gaudium, iam
superius expressum est ubi ait ut sint unum, sicut et nos unum sumus. Hoc
gaudium suum, idest a se in eos collatum, in eis dicit implendum; propter
quod se locutum dixit in mundo. Haec est pax et beatitudo futuri saeculi. In
mundo autem loqui se dicit, qui paulo ante dixerat iam non sum in mundo; quia
enim nondum abierat, hic adhuc erat; et quia mox fuerat abiturus, hic
quodammodo iam non erat. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 81 sur Saint Jean). Tant de paroles consolantes, que le
Seigneur avait prodiguées à ses disciples, n'avaient pu encore pénétrer leurs
cœurs; il s'adresse donc pour eux à son Père, afin de leur montrer la
grandeur de son amour. « C'est pour eux
que je vous prie, » c'est-à-dire je ne me contente pas de leur donner
tout ce que j'ai, je me rends encore leur intercesseur près d'un autre, pour
leur témoigner un plus grand amour. —
Saint Augustin : (Traité 107 sur Saint Jean). Ce monde, dont le Sauveur ajoute : « Je ne prie pas pour le monde, » ce
sont ceux qui suivent dans leur vie la concupiscence du monde, et qui ne sont
point compris dans les décrets de la grâce pour être choisis par lui du
milieu du monde. Ce sont ces discrets auxquels le Sauveur fait allusion par
ces paroles : « Mais je prie pour ceux
que vous m'avez donnés. » Par là même, en effet, que son Père les lui a
donnés, ils n'appartiennent plus à ce monde pour lequel il ne prie point. Ne
croyons pas, du reste, que parce que le Père les a donnés à son Fils, il ait
perdu ceux qu'il a donnés; aussi ajoute-t-il : « parce qu'ils sont à vous. » —
Saint Jean Chrysostome : Notre Seigneur répète
souvent ces paroles : « Vous me les
avez donnés, » pour bien convaincre ses disciples que telle était bien la
volonté de son Père, qu'il n'est point venu comme un étranger pour les
tromper, mais qu'il les a reçus comme étant à lui. Loin de nous encore la
pensée que son pouvoir sur eux est un pouvoir nouveau, et que c'est récemment
que son Père les lui a donnés, car il ajoute : « Et tout ce qui est à moi est à vous, et tout ce qui est à vous est
à moi. » Que personne, en entendant cela, ne croie, parce que mon Père me
les a donnés, qu'ils soient devenus étrangers à mon Père, car tout ce qui est
à moi est à lui; ni qu'ils m'étaient étrangers à moi-même, parce qu'ils m'ont
été donnés, car ce qui est à lui est à moi. —
Saint Augustin : Nous voyons assez clairement
ici comment tout ce qui est au Père est aussi au Fils unique; c'est parce
qu'il est Dieu lui-même, qu'il est né du Père, et qu'il est égal au Père. Ce
n'est donc point dans le même sens que le père de l'enfant prodigue disait à
l'aîné de ses fils : « Tout ce que j'ai
est à vous » (Lc 15, 31) ; car ces paroles doivent s'entendre de
tous les biens créés qui sont au-dessous de la créature raisonnable. Les
paroles du Sauveur, au contraire, comprennent la créature raisonnable
elle-même qui ne peut être soumise qu'à Dieu. Comme elle appartient à Dieu le
Père, elle ne pourrait appartenir en même temps au Fils qu'autant qu'il
serait égal au Père; car on ne peut sans crime assujettir les saints, dont il
parle ici, à un autre qu'à celui qui les a créés, qui les a sanctifiés. Mais
lorsqu'en parlant de l'Esprit saint le Sauveur dit aussi : « Tout ce qu'a mon Père est à moi, »
il entend les perfections qui sont de l'essence même de la divinité du Père,
car ce n'est point d'une créature soumise au Père et au Fils que le
Saint-Esprit aurait pu recevoir ce que le Sauveur exprime en ces termes : « Il recevra de ce qui est à moi. » —
Saint Jean Chrysostome : Notre Seigneur donne la
preuve de ce qu'il vient d'avancer : «
Et j'ai été glorifié en eux. » La preuve, en effet, qu'ils sont sous ma
puissance, c'est qu'ils me glorifient en croyant en moi et en vous, car
personne ne peut être glorifié en ceux qui ne seraient point soumis à sa
puissance. —
Saint Augustin : En leur représentant cette
glorification comme un fait accompli, il leur fait voir qu'elle entrait dans
les desseins de la prédestination divine, et il voulait qu'on regardât comme
certain ce qui devait nécessairement arriver. Cependant il nous faut examiner
s'il s'agit ici de cette glorification dont le Sauveur a dit plus haut : « Et maintenant, mon Père, glorifiez-moi
en vous » ; (car s'il a été glorifié dans son Père, comment l'a-t-il
été dans ses disciples ?) Est-ce lorsqu'il s'est manifesté aux apôtres, et
par eux à tous ceux qui ont cru en eux comme en des témoins ? Notre Seigneur
ajoute, en effet : « Et déjà je ne suis
plus dans le monde, et eux sont dans le monde. » —
Saint Jean Chrysostome : C'est-à-dire, alors même que
je ne serai plus présent sous une forme sensible, je serai glorifié dans la
personne de ceux qui donnent leur vie pour moi, comme pour mon Père, et qui
me font connaître par leurs prédications, comme ils font connaître mon Père. —
Saint Augustin : Si vous ne considérez que le
moment où le Sauveur parlait de la sorte, ses apôtres et lui étaient encore
dans le monde. Nous ne pouvons pas entendre ces paroles : « Déjà je ne suis plus dans le monde, »
du progrès du cœur et de l'âme dans la vie divine; car, peut-on admettre que
Jésus ait jamais eu du goût pour les choses du monde ? Il ne reste donc plus
qu'un sens possible à ces paroles, c'est que Notre Seigneur affirme qu'il
n'est plus présent dans le monde corporellement comme il l'était auparavant.
Est-ce que nous ne disons pas tous les jours, d'un homme qui est sur le point
de partir, et surtout de celui qui va mourir : Il n'est plus ici ? Jésus
explique d'ailleurs le sens de ces paroles, en ajoutant : « et je vais à vous. » Il recommande
donc à son Père ceux qu'il allait priver de sa présence corporelle : « Père saint, lui dit-il, conservez dans votre nom ceux que vous
m'avez donnés » ; c'est-à-dire qu'il prie Dieu en tant qu'homme,
pour les disciples que Dieu lui a donnés. Mais pesez bien les paroles qui
suivent : « afin qu'ils soient un comme
nous. » Il ne dit pas : Afin qu'eux et nous, nous soyons un, comme nous
sommes un nous-mêmes; mais qu'ils soient un dans leur nature, comme nous
sommes un nous-mêmes dans notre nature. En effet, comme [en Jésus-Christ]
Dieu et l'homme ne font qu'une seule et même personne, nous comprenons qu'il
est homme, parce qu'il prie, nous comprenons qu'il est Dieu, parce qu'il ne fait
qu'un avec celui qu'il prie. —
Saint Augustin : (De la Trin., 4, 8). Notre-Seigneur,
comme chef de l'Eglise qui est son corps, aurait pu dire : Eux et moi, nous
sommes non pas une seule chose, mais un seul être, car la tête et le corps ne
font qu'un en Jésus-Christ. Mais on nous montrant sa consubstantialité divine
avec son Père, il veut que nous soyons un en Jésus-Christ, non seulement dans
cette nature qui nous est commune, dans laquelle nous voyons des hommes
mortels s'élever à une [glorieuse] égalité avec les anges, mais qu'ils soient
un comme nous, par les sentiments d'un amour réciproque, qui les fonde en un
seul esprit dans les ardeurs du feu de la charité, et les fasse tendre au
même bonheur par les efforts d'une volonté unanime. Voilà ce que signifient
ces paroles : « afin qu'ils soient un
comme nous sommes un, » c'est-à-dire, de même que le Père et le Fils sont
un, non seulement dans une même substance individuelle, mais dans l'unité
d'une même volonté; ainsi ceux qui ont le Fils pour médiateur entre Dieu et
eux, doivent aussi être un, non seulement par la communauté d'une même
nature, mais par l'union d'une même charité. —
Saint Jean Chrysostome : Notre Seigneur parle ici de
nouveau comme homme : « Pendant que
j'étais avec eux, je les conservais en votre nom » ; c'est-à-dire
par votre puissance; il parle ici, [je le répète,] d'une manière humaine, en
rapport avec les dispositions d'esprit de ses disciples, qui croyaient que sa
présence corporelle leur était de la plus grande utilité. —
Saint Augustin : (Traité 107 sur Saint Jean). Le Fils de Dieu fait homme conservait
les disciples au nom de son Père, lorsqu'il était présent, par sa présence
humaine, au milieu d'eux; mais alors même le Père conservait au nom du Fils
ceux dont il exauçait les prières qui lui étaient faites au nom du Fils. Il
ne faut point prendre ces paroles dans ce sens matériel, que le Père et le
Fils nous gardent tour à tour, car le Père, le Fils et le Saint-Esprit nous
environnent ensemble d'une égale protection; mais la sainte Ecriture ne peut
nous venir en aide qu'en descendant jusqu'à nous. Comprenons donc qu'en
s'exprimant ainsi, Notre Seigneur établit la distinction des personnes
divines, mais non la séparation dans la nature. Lors donc, que le Fils
gardait ses disciples par sa présence corporelle, le Père n'attendait pas,
pour les garder lui-même, que son Fils cessât de remplir cet office, mais
tous deux les conservaient en les couvrant de leur puissance divine. Et quand
le Fils les priva de sa présence corporelle, il continua de les garder
spirituellement avec son Père. Car en les recevant comme homme des mains de
son Père pour les garder, il ne les a pas soustraits à la garde du Père; et
le Père, en les confiant à la garde de son Fils, ne les a point donnés sans
le concours de celui-là même qui les a reçus; car il les a donnés à son Fils
fait homme, mais conjointement avec ce même Fils, Dieu comme lui. « J'ai gardé ceux que vous m'avez donnés,
et aucun d'eux n'a péri, si ce n'est l'enfant de perdition, »
(c'est-à-dire le traître disciple prédestiné à la perdition), afin que
l'Ecriture fût accomplie, c'est-à-dire la prophétie qui a pour objet le
perfide Judas (surtout dans le Psaume 108). —
Saint Jean Chrysostome : Il fut le seul qui périt
alors, mais un grand nombre périrent dans la suite. Notre Seigneur dit : « Aucun d'eux n'a péri », autant
qu'il dépendait de moi, c'est ce qu'il exprime plus clairement ailleurs,
lorsqu'il dit : « Je ne jetterai pas
dehors celui qui vient a moi. » (Jn 10) Mais s'ils veulent sortir
d'eux-mêmes, je ne veux pas les retenir de vive force et malgré eux : « Et maintenant je viens à vous. »
Mais, pourrait-on lui dire, ne pouvez-vous donc pas les conserver tout en
vous éloignant d'eux ? Il le peut sans doute, mais il leur explique pourquoi
il parle ainsi : « Et je dis ces choses
étant dans le monde, afin qu'ils aient en eux la plénitude de ma joie, »
c'est-à-dire afin qu'ils ne se laissent point aller au trouble naturel à
leurs dispositions encore imparfaites. Il leur fait voir ainsi que c'est pour
leur procurer le repos de la joie intérieure qu'il tient ce langage. —
Saint Augustin : Le Sauveur a déjà expliqué
plus haut quelle est cette joie dont il dit ici : « afin qu'ils aient en eux la plénitude de ma joie, » lorsqu'il a
dit : « Qu'ils soient un comme nous
sommes un. » Cette joie qui est la sienne (c'est-à-dire qu'il leur a
donnée), il leur en prédit l'accomplissement parfait dans leurs cœurs, et
c'est pour cela qu'il a dit ces choses étant dans le monde. Cette joie, c'est
la paix et la félicité de la vie future. Jésus qui avait dit précédemment
qu'il n'était plus dans le monde, nous déclare maintenant qu'il dit ces
choses étant dans le monde, il y était encore, parce qu'il n'était pas encore
sorti du monde, et il n'y était plus dans un autre sens, parce qu'il devait
bientôt le quitter. |
Lectio 4 |
Versets 14-19 |
[86130] Catena in Io., cap. 17 l. 4 Chrysostomus
in Ioannem. Rursus dominus assignat causam propter quam digni sunt
discipuli multa diligentia potiri a patre, dicens ego dedi eis sermonem tuum,
et mundus eos odio habuit; quasi dicat : propter te odio habiti sunt et
propter sermonem tuum. Augustinus in Ioannem. Nondum autem id experti
fuerant passionibus suis, quae illos postea sunt secutae; sed more suo dicit
ista, verbis praeteriti temporis futura praenuntians. Deinde causam subicit
cur eos oderit mundus, dicens quia non sunt de mundo. Hoc eis regeneratione
collatum est : nam generatione de mundo erant. Donatum est ergo eis ut sicut
nec ipse, ita nec ipsi de mundo essent; unde sequitur sicut et ego non sum de
mundo. Ipse de mundo nunquam fuit; quia etiam secundum formam servi de
spiritu sancto natus est, de quo illi renati. Quamvis autem iam non essent de
mundo, adhuc tamen necessarium erat eos esse in mundo; unde subdit non rogo
ut tollas eos de mundo. Beda. Quasi dicat : iam imminet tempus ut tollar ego
de mundo, ideoque necesse est ut illi nunc non tollantur de mundo, ut me et
te primum annuntient mundo. Quod vero subdit, sed ut serves eos a malo, licet
omne malum intelligi possit, maxime vult intelligi malum secessionis. Augustinus. Repetit autem eamdem sententiam, dicens
de mundo non sunt, sicut et ego non sum de mundo. Chrysostomus. Supra autem dixit : quos dedisti mihi
de mundo; illic naturam dicens, hic autem de actibus malis. Dicit autem non
sunt de mundo : quia nihil commune cum terra est eis, sed caelestium facti
sunt cives : in quo amorem suum eis ostendit, dum patri eos laudat. Hoc autem
quod dicit sicut, cum in ipso et patre ponitur, parilitas ostenditur propter
naturae unitatem; sed cum de nobis et Christo dicitur, multa distantia
intermedia inter utrumque existit. Cum autem prius dixit : serva eos a malo,
non de periculorum ereptione ait solum, sed de permanentia in fide; unde
subdit sanctifica eos in veritate. Augustinus. Sic enim servantur a malo; quod superius
oravit ut fieret. Quaeri autem potest quomodo de mundo iam non erant, si
sanctificati in veritate nondum erant. An quia et sanctificati in eadem
proficiunt sanctitate, neque hoc sine adiutorio gratiae Dei? Sanctificantur
autem in veritate heredes testamenti novi, cuius veritatis umbrae fuerunt
sanctificationes veteris testamenti; et cum sanctificantur in veritate,
sanctificantur in Christo, qui dixit : ego sum via, veritas et vita; unde
sequitur sermo tuus veritas est. Graecum Evangelium logos habet, idest verbum.
Sanctificavit ergo pater in veritate, idest in verbo suo unigenito, suos
heredes, eiusque coheredes. Chrysostomus. Vel aliter. Sanctifica eos in
veritate; idest, sanctos fac per sancti spiritus donationem et recta dogmata
: recta enim dogmata de Deo docent, et sanctificant animam : et quia hic de
dogmatibus ait, subiunxit sermo tuus veritas est; hoc est : nullum mendacium
est in eo, et nihil typicum ostendit neque corporeum. Videtur autem mihi et
aliud ostendere hoc quod dicit sanctifica eos in veritate; idest, segrega eos
sermoni et praedicationi; unde subdit sicut tu me misisti in mundum. Glossa. Pro quo enim Christus missus est, pro hoc et
hi; unde Paulus : Deus erat in Christo, mundum reconcilians sibi, et posuit
in nobis verbum reconciliationis. Hoc autem quod dicit sicut, non similiter
de eo et de apostolis ponitur, sed ut erat possibile hominibus. Dicit autem
se eos misisse in mundum, secundum quod erat ei consuetudo, futurum ut factum
dicere. Augustinus. Manifestum est autem per hoc quod nunc
adhuc de apostolis loquitur : nam ipsum nomen apostolorum quoniam Graecum
est, missos significat in Latino; sed quoniam per hoc quod Christus factus
est caput Ecclesiae, illi membra sunt eius, ideo ait et pro eis ego
sanctifico meipsum; idest, eos in meipso sanctifico, cum et ipsi sint ego. Et
ut intelligeremus, cum dixit pro eis sanctifico meipsum, hoc eum dixisse quod
eos ipse sanctificaret, mox addidit ut sint et ipsi sanctificati in veritate,
idest in me, secundum quod verbum veritas est, in quo et ipse filius hominis
sanctificatus est ab initio, quando verbum caro factum est. Tunc enim
sanctificavit se in se, idest hominem se in verbo se : quia unus Christus
verbum et homo; propter sua vero membra dicit et pro eis ego sanctifico
meipsum; hoc est, ipsos in me, quoniam in me etiam ipsi sunt, et ego. Ut sint
et ipsi sanctificati in veritate. Quid est et ipsi, nisi quemadmodum ego, et
in veritate, quod sum ego? Chrysostomus. Vel aliter. Pro eis sanctifico
meipsum; idest, meipsum offero tibi hostiam : hostiae enim omnes sanctae
dicuntur, et quaecumque Deo dicantur. Quia vero antiquitus in figura
sanctificatio erat, utpote in ove, nunc autem est in ipsa veritate, ideo
subdit ut sint et ipsi sanctificati in veritate : quia et eos tibi facio
oblationem; quod propterea dicit, quia ipse qui offertur est caput eorum, aut
quia et ipsi immolantur. Exhibete enim, ait apostolus, membra vestra hostiam
viventem sanctam. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 82 sur Saint Jean). Notre Seigneur donne une seconde
raison qui rend ses disciples dignes de la protection toute spéciale de son
Père : « Je leur ai donné votre parole,
et le monde les a eus en haine, » c'est-à-dire : ils ont été un
objet de haine à cause de vous et à cause de votre parole. —
Saint Augustin : Ils n'avaient pas encore
éprouvé cette haine par les persécutions auxquelles ils furent en butte dans
la suite, mais le Sauveur, suivant sa coutume, annonce les événements qui
doivent avoir lieu, en termes qui semblent signifier qu'ils sont déjà
arrivés. Il fait connaître ensuite la cause de la haine du monde contre eux :
« parce qu'ils ne sont pas du monde. »
C'est par la régénération que cette grâce de séparation leur a été donnée;
car par leur naissance naturelle, ils étaient du monde. Dieu leur a donné de n'être
plus du monde, comme lui-même n'est plus du monde : « Comme moi-même, ajoute-t-il,
je ne suis point du monde. » Le Sauveur n'a jamais été du monde, car même
dans sa nature de serviteur, il est né de l'Esprit saint, qui a été le
principe de la régénération des autres. Cependant bien qu'ils ne fussent plus
du monde, il était nécessaire qu'ils restassent encore dans le monde; aussi
Notre Seigneur ajoute : « Je ne demande
pas que vous les ôtiez du monde. » —
Saint Bède : C'est-à-dire : le temps
approche où je disparaîtrai du monde, il est donc nécessaire qu'ils n'en
soient pas enlevés eux-mêmes : « Mais
je vous prie de les sauver du mal. » Quoiqu'on puisse l'entendre de toute
sorte de mal, Notre Seigneur a surtout en vue le mal qui doit résulter de son
éloignement. —
Saint Augustin : Il répète la même pensée
qu'il vient d'exprimer : « Ils ne sont
pas du monde, comme moi-même je ne suis pas du monde ». —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 83 sur Saint Jean). Pourquoi donc a-t-il dit précédemment
: « que vous m'avez donnés du monde » ?
Il parlait alors de la nature, [et sous rapport ils étaient du monde], tandis
qu'ici il veut parler des actions mauvaises. Sous ce rapport, il dit : « ils ne sont point du monde »,
parce qu'ils n'ont rien de commun avec la terre, et qu'ils sont [par avance]
citoyens des cieux; il leur montre ainsi son amour pour eux on faisant leur
éloge à son Père. Lorsqu'on parlant de son Père et de lui, il emploie la
particule comme, il veut exprimer
l'égalité absolue qui résulte de l'unité de nature, mais lorsqu'il emploie ce
même mot on parlant de nous et de lui, il laisse une grande distance entre
les deux termes de comparaison. La prière qu'il adresse précédemment à son
Père : « Sauvez-les du mal, » a
pour objet de leur obtenir, non seulement d'être délivrés de tous les
dangers, mais aussi la persévérance dans la foi, c'est pour cela qu'il ajoute
: « Sanctifiez-les dans la vérité. » —
Saint Augustin : Car c'est ainsi qu'ils sont
sauvés de tout mal, ce qui vient de faire l'objet de sa prière. On peut
demander comment ils n'étaient plus du monde, s'ils n'étaient pas encore
sanctifiés dans la vérité; est-ce parce que tout sanctifiés qu'ils sont, ils
font des progrès dans cette même sainteté avec le secours de la grâce de Dieu
? Ces héritiers du Nouveau Testament sont sanctifiés dans la vérité, vérité
dont les sanctifications légales de l'Ancien Testament n'étaient que l'ombre,
et lorsqu'ils sont sanctifiés dans la vérité, ils sont sanctifiés en
Jésus-Christ, qui a dit : « Je suis la
voie, la vérité et la vie. » (Jn 14) Aussi le Sauveur ajoute : « Votre parole est vérité », le
texte de l'Evangile grec porte λόγος, c'est-à-dire,
le Verbe. Le Père a donc sanctifié dans la vérité (c'est-à-dire, dans son
Verbe unique), ses héritiers et ses cohéritiers. —
Saint Jean Chrysostome : Ou bien encore : « Sanctifiez-les dans la vérité, »
c'est-à-dire, sanctifiez-les en leur donnant l'Esprit saint, et la saine
doctrine, car la saine doctrine sur Dieu contribue à la sanctification de
l'âme, et comme preuve qu'il est ici question de doctrine, il ajoute : « Votre parole est vérité »,
c'est-à-dire, elle ne renferme point de mensonge, il n'y a rien en elle de
simplement figuratif ou de corporel. Cette prière : « Sanctifiez-les dans la vérité, » a encore, ce me semble, une
autre signification, c'est-à-dire : séparez-les pour le ministère de la
parole et de la prédication. Aussi ajoute-t-il : « Comme vous m'avez envoyé dans le monde, je les ai envoyés moi-même.
» — La Glose : Les
Apôtres ont été envoyés pour remplir la même mission que Jésus-Christ, voilà
pourquoi saint Paul dit : « Dieu était
dans le Christ, se réconciliant le monde, et il a placé en nous la parole de
réconciliation. » (2 Co 5, 19). L'expression comme n'a pas la même signification pour lui et pour les Apôtres,
[elle n'établit la parité qu']autant qu'elle est possible en parlant du Fils
de Dieu et des hommes. Notre Seigneur dit qu'il les a envoyés dans le monde,
en employant, selon sa coutume le passé, pour le futur. —
Saint Augustin : Nous avons ici eu une preuve
évidente que le Sauveur veut parler des apôtres; car le nom d'apôtres, qui
vient du grec, veut dire en latin, envoyés. Or, comme ils sont les membres du
corps de l'Eglise, dont Jésus-Christ est le chef, il continue ainsi sa prière
: « Et je me sanctifie moi-même pour
eux, » c'est-à-dire je les sanctifie en moi-même, puisqu'ils font partie
du corps dont je suis le chef. Et pour nous faire mieux comprendre que ces
paroles : « Je me sanctifie moi-même
pour eux, » veulent dire qu'il les sanctifie en lui-même, il ajoute : « afin qu'ils soient eux-mêmes sanctifiés
en vérité, » c'est-à-dire en moi, puisque le Verbe est la vérité; c'est
dans ce Verbe que le Fils de l'homme a été sanctifié dès le commencement de
son existence, lorsque le Verbe s'est fait chair. Il s'est alors sanctifié
lui-même en lui-même, c'est-à-dire qu'il s'est sanctifié comme homme en lui-même,
comme Verbe, parce que le Verbe et l'homme ne font qu'un seul Christ. Et
c'est à cause de ses membres qu'il ajoute : « Et je me sanctifie moi-même pour eux, » (c'est-à-dire je les
sanctifie eux-mêmes en moi, parce qu'ils ne font qu'un avec moi), afin qu'ils
soient eux-mêmes sanctifiés en vérité. Que signifie cette expression : « eux-mêmes » ? c'est-à-dire
comme moi, et dans la vérité, qui n'est autre que moi-même. —
Saint Jean Chrysostome : Ou bien encore : « Je me sanctifie moi-même pour eux »,
c'est-à-dire, je m'offre à vous comme victime; car toutes les victimes sont
saintes, aussi bien que tout ce qui est consacré à Dieu. Sous l'ancienne loi,
cette sanctification n'existait qu'en figure (comme par exemple dans les
brebis [qu'on immolait]), mais maintenant elle existe dans la vérité, c'est
pour cela qu'il ajoute : « afin qu'ils
soient sanctifiés en vérité » ; car je veux aussi vous les offrir on
sacrifice. Il s'exprime de la sorte, ou parce que lui, qui s'offre, est notre
chef, ou parce qu'ils sont eux-mêmes appelés à s'immoler comme victimes : « Offrez vos corps, dit l'Apôtre, comme une hostie vivante, sainte, et
agréable à ses yeux, » (Rm 13, 1) |
Lectio 5 |
Versets 20-23 |
[86131] Catena in Io., cap. 17 l. 5 Augustinus
in Ioannem. Cum orasset dominus pro discipulis suis, quos et apostolos
nominavit, adiunxit et ceteros qui in eum fuerant credituri, dicens non pro
eis autem rogo tantum, sed et pro eis qui credituri sunt per verbum eorum in
me. Chrysostomus in Ioannem. Hinc rursus consolatur eos,
ostendens aliorum salutis causam futuros, cum dicit qui credituri sunt per
verbum eorum in me. Augustinus. Ubi omnes suos intelligi voluit, non
solum qui tunc erant in carne, sed etiam qui futuri erant; neque hi tantum
qui ipsos, cum in carne viverent, apostolos audierunt, sed et post obitum
eorum, et nos longe post nati, per verbum eorum credidimus in Christum :
quoniam ipsi qui cum illo tunc fuerunt, quod ab illo audierunt, ceteris
praedicaverunt, atque ita verbum eorum ad nos usque pervenit, et perventurum
est ad posteros, quicumque credituri sunt. Potest autem videri in hac
oratione non orasse pro quibusdam suis, pro illis scilicet qui neque tunc
erant cum illo, neque per verbum eorum postea, sed in eum ante crediderunt.
Numquid etiam cum illo erat tunc Nathanael, Ioseph ab Arimathaea, et multi
alii, de quibus Ioannes dicit quod crediderunt in eum? Omitto dicere de
Simeone sene, de Anna prophetissa, Zacharia, Elisabeth, Ioanne praecursore :
quoniam responderi potest, orandum pro talibus mortuis non fuisse, qui cum
magnis suis meritis hinc abierant : hoc enim et de antiquis iustis similiter
respondetur. Intelligendum est igitur quod nondum ei sic crediderant quomodo
ipse in se credi volebat; sed post eius resurrectionem spiritu sancto
impartito edoctis et confirmatis apostolis, sic alios credidisse quemadmodum
Christo credi oportebat. Sed restat ad quaestionem Paulus apostolus non ab
hominibus, neque per hominem, et latro qui tunc credidit quando in ipsis
doctoribus fides quae fuerat qualiscumque defecit. Proinde relinquitur ut sic
intelligamus quod dictum est, per verbum eorum, ut ipsum verbum fidei quod
praedicaverunt in mundo, sic significatum esse credamus. Dictum autem est
verbum eorum, quoniam ab ipsis est primitus ac praecipue praedicatum : nam
quidem ab ipsis praedicabatur in terra, quando per revelationem Iesu Christi
ipsum verbum eorum Paulus accepit; ac per hoc et ille latro in fide sua
verbum eorum habebat. Ergo illa oratione pro omnibus quos redemit, sive tunc
in carne viventes, sive postea futuros, redemptor noster oravit. Quid autem, vel quare pro eis rogaret, continuo
subiunxit dicens ut omnes unum sint. Hic pro omnibus rogavit quod est supra
pro illis; ut omnes, hoc est ut nos et illi unum simus. Chrysostomus in Ioannem. Et sic in unanimitate
sermonem concludit, unde incepit ibi finiens : nam incipiens dixit : mandatum
novum do vobis, ut diligatis invicem. Hilarius de Trin. Tum demum unitatis profectus
exemplo unitatis ostenditur cum ait sicut tu, pater, in me, et ego in te, ut
et ipsi in nobis unum sint : ut scilicet sicut pater in filio, et filius in
patre est, ita per huius unitatis formam in patre et filio unum omnes essent.
Chrysostomus. Rursus autem et hoc quod dicit sicut,
non certissimae parilitatis in eis est, sed ut hominibus possibile est; sicut
cum dicit : estote misericordes sicut et pater vester caelestis perfectus est.
Augustinus in Ioannem. Est autem hic diligenter
advertendum, non dixisse dominum : ut omnes unum simus; sed ut omnes unum
sint, sicut tu, pater, in me, et ego in te; subintelligitur : unum sumus. Ita
est enim pater in filio ut unum sint, quia unius substantiae sunt; nos vero
esse quidem possumus in eis unum; unum tamen cum eis esse non possumus, quia
unius substantiae nos et ipsi non sumus. Sic autem sunt in nobis, vel nos in
illis, ut illi unum sint in natura sua, nos unum in nostra. Sunt quippe et
ipsi in nobis sicut Deus in templo; sumus autem nos in illis, sicut creatura
in creatore suo. Ideo ergo addidit in nobis, ut quod unum efficimur
fidelissima caritate, gratiae Dei tribuendum esset, non nobis. Augustinus de Trin. Vel quia in seipsis unum esse
non possunt, dissociati ab invicem per diversas voluptates et cupiditates et
immunditiam peccatorum : unde mundentur per mediatorem, ut sint in illo unum.
Hilarius de Trin. Laborantes autem haeretici
fallere, ne per id quod dictum est : ego et pater unum sumus, naturae in his
unitas, et indifferens divinitatis subsistentia crederetur; sed ex dilectione
mutua et voluntatum concordia unum essent : exemplum unitatis istius ex his
dictis dominicis protulerunt ut omnes unum sint, sicut tu, pater, in me, et
ego in te. Sed licet ipsum intelligentiae suae sensum impietas demutet, non
tamen potest intelligentia non extare dictorum : si enim regenerati in unius
vitae atque aeternitatis natura sunt, cessat in his solus unitatis assensus
qui unum sunt in eiusdem regeneratione naturae; soli autem patri et filio ex
natura proprium est ut unum sint, quia Deus ex Deo unigenitus, non potest
nisi in originis suae esse natura. Augustinus. Quid est autem hoc quod subdit ut mundus
credat quia tu me misisti? Numquid tunc crediturus est mundus, quando in
patre et filio omnes unum erimus? Nonne ista est pax illa perpetua, potius
fidei merces quam fides? Sed etsi in hac vita propter ipsam communem fidem
omnes qui unum credimus, unum sumus; etiam sic non ut credamus, sed quia
credimus, unum sumus. Quid est ergo omnes unum sint ut mundus credat? Ipsi
quippe omnis mundus est credens, cum de his dicat de quibus dixerat : non pro
his rogo tantum, sed pro his qui credituri sunt per verba eorum in me.
Quomodo ergo intellecturi sumus? Nisi quia non in eo causam posuit ut credat
mundus, quia illi unum sunt : sed orando dixit ut mundus credat, sicut orando
dixerat ut unum sint. Denique si verbum quod ait rogo, ubique ponamus, erit
huius expositio sententiae manifestior. Rogo ut omnes unum sint; rogo ut et
ipsi in nobis unum sint; rogo ut mundus credat quia tu me misisti. Hilarius de Trin. Vel per id mundus crediturus est
filium a patre missum esse, quod omnes qui credituri in illum sunt, unum in
patre et filio erunt. Chrysostomus in Ioannem. Nihil enim ita scandalizat
omnes ut ab invicem dividi; sed quod credentes fiant unum, hoc aedificat ad
fidem, et hoc etiam a principio dixit : in hoc cognoscent omnes quia mei
estis discipuli, si dilectionem habueritis ad invicem. Si enim altercantur,
non dicentur pacifici magistri esse discipuli. Me vero, inquit, non existente
pacifico, non confitebuntur a te missum. Augustinus. Deinde salvator noster, qui rogando
patrem se hominem demonstrabat, nunc demonstrat, se ipsum, quoniam cum patre
Deus est, facere quod rogat; unde subdit et ego claritatem quam dedisti mihi,
dedi illis. Quam claritatem, nisi immortalitatem, quam natura humana in illo
fuerat acceptura? Propter immutabilitatem enim praedestinationis praeteriti
temporis verbis futura significat. Immortalitatis autem claritatem, quam sibi
a patre datam dicit, etiam se sibi dedisse intelligendum est. Cum enim tacet
filius in opere patris operationem suam, humilitatem commendat; cum vero in
opere suo tacet operationem patris, parilitatem commendat. Isto igitur modo
et hoc loco, nec se facit alienum a patris opere, quamvis dixerat claritatem
quam dedisti mihi; nec patrem fecit alienum ab opere suo, quamvis dixerat
dedi eis. Sicut autem ex eo quod patrem pro suis omnibus rogavit, hoc fieri
voluit ut omnes unum sint; ita etiam suo beneficio id fieri voluit; unde
adiunxit ut unum sint in nobis, sicut et nos unum sumus. Chrysostomus. Vel claritatem dicit gloriam quae est
per signa et dogmata, et ut unanimes sint; unde subdit ut unum sint in nobis,
sicut et nos unum sumus. Haec enim gloria, ut sint unum; etiam signis maior
est. Universi enim qui per apostolos crediderunt, unum sunt; et si quidam ex
ipsis divisi sunt, hoc eorum desidiae fuit; quod tamen eum non latuit. Hilarius. Per acceptum igitur et datum honorem omnes
unum sunt. Sed nondum apprehendo ratione, quoniam datus honor unum omnes esse
perficiat. Sed dominus gradum quemdam atque ordinem consummandae unitatis
exposuit cum subdit ut unum sint in nobis : ut cum ille in patre per naturam
divinitatis esset, nos contra in eo per corporalem eius nativitatem, et ille
iterum in nobis per sacramenti esse mysterium crederetur, perfecta per
mediatorem unitas docetur. Chrysostomus. Alibi vero ait de se et patre :
veniemus, et mansionem apud eum faciemus : illic quidem Sabellianorum
obstruens ora, dum scilicet ponit duas personas; hic vero Arii suspicionem
destruens, cum patrem per se dicit discipulis advenire. Augustinus in Ioannem. Neque tamen hoc ita dictum
est tamquam pater non in nobis aut nos in patre non simus, sed per mediatorem
inter Deum et hominem se breviter intimavit. Quod vero addidit ut sint
consummati in unum, ostendit eo perduci reconciliationem quae fit per
mediatorem ut perfecta beatitudine perfruamur. Unde id quod sequitur, ut
cognoscat mundus quia tu me misisti, non sic accipiendum puto tamquam iterum
dixerit ut credat mundus. Quamdiu enim credimus quod non videmus, nondum
sumus consummati, sicut erimus cum meruerimus videre quod credimus. Quando
ergo de consummatione loquitur, talis est intelligenda cognitio qualis erit
per speciem, non qualis nunc est per fidem. Ipsi quippe credentes sunt
mundus, non permanens inimicus, sed ex inimico amicus effectus; propterea
sequitur et dilexisti eos sicut me dilexisti. In filio quippe nos pater
diligit, quia in eo nos elegit : nec ideo pares sumus unigenito filio : neque
enim semper aequalitatem significat quod dicitur : sicut illud, ita et istud;
sed aliquando tantum : quod illud est, est et illud. Ita in hoc loco nihil
est aliud dilexisti eos sicut me dilexisti, quam dilexisti eos, quoniam et me
dilexisti : non enim alia causa est diligendi membra eius, nisi quia diligit
eum. Cum igitur eorum quae fecerit nihil oderit, quis digne possit eloqui
quantum diligat membra unigeniti filii sui, et quanto amplius ipsum
unigenitum? |
—
Saint
Augustin : (Traité 109 sur Saint
Jean). Après avoir prié pour ses disciples, auxquels il avait donné le
nom d'apôtres, il comprend aussi dans sa prière tous les autres qui devaient
croire en lui : « Je ne prie pas pour
eux seulement, mais encore pour ceux qui, par leur parole, doivent croire en
moi. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 82 sur Saint Jean). Il donne en même temps un nouveau
motif de consolation, en leur apprenant qu'ils seront eux-mêmes la cause du
salut d'[un grand nombre d']autres : «
Mais encore pour ceux qui, par leur parole, doivent croire en mon nom. » —
Saint Augustin : Le Sauveur comprend ici tous
ses élus, ceux qui vivaient alors, et aussi ceux qui devaient exister dans la
suite, et non seulement qui ont entendu les prédications des apôtres
lorsqu'ils étaient encore sur la terre, mais encore tous ceux qui ne sont
venus qu'après leur mort, et nous-mêmes, qui sommes nés si longtemps après;
mais qui avons été amenés à la foi en Jésus-Christ par la parole des Apôtres ;
en effet, les apôtres, qui vivaient avec Jésus-Christ, ont annoncé aux autres
ce qu'ils avaient appris de lui, et c'est ainsi que leur parole est parvenue
jusqu'à nous, et qu'elle parviendra à tous ceux qui, dans la suite, doivent
croire en lui. Il peut sembler, au premier abord, qu'il n'a point compris
dans sa prière quelques-uns des siens, ceux par exemple qui n'étaient pas
alors avec lui, qui n'ont pas cru grâce à la parole des apôtres, mais qui
avaient cru en Jésus-Christ bien auparavant. En effet, Nathanaël, Joseph
d'Arimathie, et un grand nombre d'autres, dont saint Jean dit qu'ils crurent
en Jésus-Christ, n'étaient pas alors avec lui. Je ne parle pas du vieillard
Siméon, de la prophétesse Anne, de Zacharie, d'Elisabeth, de Jean le
Précurseur, parce qu'on pourrait me répondre qu'il n'était pas besoin de
prier pour ces saints personnages, qui étaient sortis de cette vie avec de
grands mérites, ce que l'on peut dire également de tous les anciens justes.
Quant aux premiers, il faut admettre que leur foi en Jésus-Christ n'était pas
encore aussi parfaite qu'il la voulait. Ce ne fut qu'après sa résurrection,
lorsque l'Esprit saint eut éclairé l'ignorance et fortifié la faiblesse des
apôtres, que la foi des autres au Christ fut telle qu’elle devait l’être.
Mais la difficulté existe encore pour l'apôtre saint Paul, qui déclare qu'il
a été fait apôtre non de la part des hommes, ni par un homme, et pour le bon
larron, qui crut en Jésus-Christ, alors qu'on vit défaillir, dans les
docteurs, leur foi, encore si imparfaite. La seule solution que nous
puissions donner, c'est de dire que la parole des apôtres c'est la parole de
foi qu'ils ont prêchée dans le monde. Notre Seigneur l'appelle leur parole,
parce qu'ils en ont été les premiers et les principaux organes, car depuis
longtemps ils l'annonçaient par toute la terre, quand Paul la reçut lui-même
par une révélation particulière de Jésus-Christ, et c'est encore cette même
parole qui était le fondement de la foi du bon larron. Notre divin Rédempteur
a donc compris dans sa prière tous ceux qu'il a rachetés, ceux qui vivaient
alors comme ceux qui ne devaient exister que dans la suite. — (Traité 112) Quel était l'objet ou le motif de
cette prière ? Le voici : « afin que
tous ils soient un. » Il demande ici pour tous ce qu'il a demandé
précédemment pour ses apôtres, afin que nous tous, c'est-à-dire eux et nous,
nous soyons un. —
Saint Jean Chrysostome : Notre Seigneur termine son
discours par des vœux d'unité, c'est-à-dire comme il l'avait commencé
lorsqu'il disait : « Je vous donne un
commandement nouveau, c'est de vous aimer les uns les autres. » —
Saint Hilaire : (de la Trin., 8) Il
explique, plus distinctement ce qu'il a dit de cette unité, en lui donnant
pour exemple, le plus sublime modèle d'unité : « Comme vous, mon Père, êtes un en moi, et moi en vous, qu'eux aussi
soient un en nous » ; c'est-à-dire, que de même le Père est dans le
Fils, et le Fils dans le Père, nous devons, à leur exemple, être un dans le
Père et le Fils. —
Saint Jean Chrysostome : Cette expression comme ne signifie pas ici une
ressemblance exacte et parfaite ; elle doit être prise dans la limite
des possibilités humaines, comme lorsque le Sauveur nous dit, dans un autre
endroit : « Soyez miséricordieux comme
votre Père céleste est miséricordieux. » (Lc 6, 36) —
Saint Augustin : Il est très important de
remarquer ici que Notre Seigneur n'a pas dit : « afin que tous nous
soyons un », mais : « afin qu'ils
soient un, comme vous, mon Père, vous êtes en moi, et moi en vous. »
Sous-entendu : « nous sommes un. » Le Père est, en effet, dans le Fils, et le
Fils dans le Père, de manière à ne faire qu'un, parce qu'ils n'ont qu'une
seule et même substance. Quant à nous, nous pouvons bien être un en eux, mais
nous ne pouvons pas être un avec eux, parce que nous n'avons pas avec eux une
même substance. Ils sont donc en nous, et nous en eux, de manière à ne faire
qu'un dans leur nature, comme nous ne faisons qu'un dans la nôtre; car le
Père et le Fils sont en nous comme Dieu est dans son temple, et nous sommes
en eux comme la créature est dans le Créateur. Il ajoute : « en nous, » pour nous faire bien
comprendre que cette unité, que produit la charité parfaite, doit être
attribuée à la grâce de Dieu [comme à son principe], et non pas à nous. —
Saint Augustin : (de la Trin., 4, 9) Ou bien
il parle ainsi, parce que les hommes ne peuvent être un en eux-mêmes, séparés
qu'ils sont par diverses passions, par la cupidité, par les souillures qui,
dans leurs péchés, couvrent leur âme. Il demande donc qu'ils soient purifiés
par le Médiateur, afin qu'ils puissent être un on lui. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 8) Les
hérétiques font tous leurs efforts pour nous induire en erreur, en nous
persuadant que ces paroles : « Mon Père et moi, ne sommes qu'un, » ne
signifient pas l'unité parfaite de nature, et l'identité de substance divine
dans le Père et le Fils, mais une simple union, qui résulte de leur amour
mutuel et du parfait accord de leurs volontés; et ils appuient leur opinion
sur ce terme de comparaison pris par Notre Seigneur lui-même : « afin
qu'ils soient tous un, comme nous sommes un nous-mêmes. » Mais malgré les
efforts de l'impiété pour détourner le sens véritable de ces paroles, ce sens
n'en reste pas moins le seul qu'on puisse admettre. — Si, en effet, les hommes, par la grâce de la
régénération prennent, comme une nouvelle nature, qui leur communique une
même vie, une même éternité, on ne peut plus dire qu'ils ne sont un que par
la communauté des mêmes sentiments, puisqu'ils le sont par la communauté de
la même nature régénérée. — Mais au Père et au Fils seuls il appartient d'être
un, en vertu de leur nature; parce qu'un Dieu qui naît d'un Dieu comme son
Fils unique, ne peut exister qu'en recevant une seule et même nature de celui
qui l'a engendré. —
Saint Augustin : (Traité 110 sur Saint Jean). Mais que signifient ces paroles qu'il
ajoute : « afin que le monde croie que vous m'avez envoyé ? » Faut-il
croire que le monde embrassera la foi, lorsque tous nous ne ferons plus qu'un
avec le Père et le Fils ? Est-ce que cette union parfaite n'est pas cette
paix perpétuelle, qui est plutôt la récompense de la foi que la foi elle-même
? Dans cette vie, bien que tous nous soyons un, par les liens d'une même foi,
cependant celte unité est bien plutôt l'effet que la cause de notre foi. Que
veut-il donc dire par ces paroles : « Qu'ils soient tous un, afin que le
monde croie ? » Car ils forment eux-mêmes le monde qui doit croire, et
c'est d'eux qu'il a dit : « Je ne prie pas pour eux seulement, mais pour ceux
qui, par leur parole, doivent croire en moi. » Comment donc devons-nous
entendre ces paroles : [« Qu'ils soient un en nous, afin que le monde
croie que vous m'avez envoyé ? »] Le Sauveur ne veut pas dire que leur
parfaite unité sera la cause pour laquelle le monde embrassera la foi; mais
c'est une prière qu'il fait à Dieu : « Que le monde croie, » comme
lorsqu'il dit : « Qu'ils soient un. » Et si nous suppléons partout le
mot : « Je demande, » le sens de cette proposition sera des plus clairs : Je
demande que tous ils ne soient qu'un : Je demande qu'ils soient tous un en
nous : Je demande que le monde croie que vous m'avez envoyé. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 4) Ou bien le
monde doit croire que le Fils a été envoyé par le Père, parce que tous ceux
qui doivent croire en lui seront un dans le Fils et dans le Père. —
Saint Jean Chrysostome : Rien n'est plus scandaleux,
en effet, que la division entre les chrétiens; tandis que l'union parfaite
entre ceux qui ont une même foi, est un sujet d'édification et un motif de
foi [pour ceux qui ne croient point]. C'est ce que le Sauveur avait dit dès
le commencement : « Tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous
avez de la charité les uns pour les autres » ; si la division règne
parmi eux, on ne les reconnaîtra plus pour les disciples d'un Maître
pacifique; et si je ne suis point moi-même ami de la paix, ils ne
reconnaîtront point que vous m'avez envoyé. —
Saint Augustin : Notre Sauveur qui, en priant
son Père, venait de donner une preuve de son humanité, prouve maintenant
qu'il est Dieu comme son Père, et qu'il peut accorder lui-même ce qu'il
demande : « et je leur ai donné la gloire que vous m'avez donnée, ».
Quelle est cette gloire ? C'est l'immortalité, que la nature humaine devait
recevoir dans la personne de Jésus-Christ; car en vertu des décrets immuables
de la prédestination, il se sert du temps passé pour annoncer les événements
futurs. Mais cette gloire de l'immortalité, qu'il déclare lui avoir été
donnée par son Père, il faut entendre qu'il se l'est aussi donnée à lui-même;
car toutes les fois que le Fils parle d'une œuvre du Père sans s'y associer
lui-même, il fait acte d'humilité; et lorsqu'en parlant de ses propres œuvres
il n'y comprend pas le Père, il veut établir l'égalité [qui règne entre lui
et son Père]. D'après cette règle, il ne se met pas ici en dehors des œuvres
du Père, en disant : « la gloire que vous m’avez donnée, » et ne
présente pas non plus son Père comme étranger à son action, bien qu'il
déclare que c'est lui-même qui donne cette gloire. Or, de même qu'en priant
son Père pour tous les siens, son dessein a été que « tous fussent un »,
ainsi, en disant : « Je leur ai donné la gloire que vous m'avez donnée, »
il a voulu que cette unité parfaite fût un effet de sa grâce, car il ajoute
aussitôt : « afin qu'ils soient un en nous, comme nous sommes un. » —
Saint Jean Chrysostome : Ou bien, par cette gloire,
il entend la gloire qui vient des miracles et de la doctrine, et qui doit
avoir pour fin la parfaite union entre eux : « afin qu'ils soient un en
nous, comme nous sommes un. » Car cette gloire d'être aussi parfaitement
unis, est plus grande que[ la gloire qui vient des miracles]. En effet, tous
ceux qui ont cru par la prédication des apôtres, sont un, et si la division a
régné parmi quelques-uns d'entre eux, ils ne doivent l'imputer qu'à leur
négligence, ce que Notre Seigneur n'a pu ignorer. —
Saint Hilaire : (de la Trin., 8) Tous les
fidèles sont donc un, par le moyen de cette gloire, tour à tour reçue et
donnée; mais je ne comprends pas encore comment cette gloire a été la cause
de cette unité parfaite entre tous les fidèles. Notre Seigneur a voulu
établir en quelque sorte les degrés et l'ordre par lesquels ou peut arriver à
cette unité consommée, lorsqu'il dit : « Qu'ils soient un en nous, »
c'est-à-dire que notre divin Médiateur nous enseigne l'unité parfaite, parce
qu'il est en son Père par sa nature divine, ce que nous sommes en lui par
suite [de son incarnation et] de sa naissance corporelle, et qu'il est encore
en nous par le mystère de son sacrement. —
Saint Jean Chrysostome : Dans un autre endroit, il
dit de lui et de son Père : « Nous viendrons à lui, et nous ferons en lui
notre demeure, » (Jn 14) et il ferme ainsi la bouche aux Sabelliens, par
la distinction qu'il fait des deux personnes; en même temps qu'il détruit
l'erreur des Ariens, en affirmant [que son Père ne vient point par lui dans
ses disciples, mais] qu'il vient lui-même en eux avec son Père. —
Saint Augustin : Cependant il ne veut pas
dire que le Père n'est pas en nous, ou que nous ne sommes pas dans le Père;
le Sauveur a voulu simplement marquer en peu de mots l'office de médiateur
qu'il remplit entre Dieu et les hommes. Il ajoute : « afin qu'ils soient
consommés dans l'unité », et il nous montre ainsi que la réconciliation
qui a lieu par ce divin Médiateur, nous conduit à la jouissance de la
félicité parfaite. Aussi, je ne crois pas qu'on doive entendre les paroles
qui suivent : « afin que le monde connaisse que vous m'avez envoyé, »
dans le même sens que s'il disait, comme précédemment : « afin que le
monde croie » ; car, tant que nous croyons ce que nous ne voyons
pas, nous ne sommes pas encore consommés dans l'unité comme nous le serons
lorsque nous mériterons de voir ce qui fait ici-bas l'objet de notre foi. La
connaissance qui sera le fruit de cette consommation n'est donc plus celle
que donne la foi, mais celle que produira la claire vue, et les croyants dont
parle ici le Sauveur, c'est le monde lui-même, qui d'ennemi qu'il était est
devenu l'ami de Dieu. C'est pour cela que Notre Seigneur ajoute : « et que
vous les avez aimés comme vous m'avez aimé. » En effet, c'est dans son
Fils que le Père nous aime, parce que c'est en lui qu'il nous a choisis. Mais
nous ne sommes pas pour cela les égaux du Fils unique; car cette locution : de
même que, ainsi, n'expriment pas toujours l'égalité, mais
simplement : Telle chose est, parce que telle autre chose est également. Ces
paroles : « Vous les avez aimés comme je vous ai aimé, » signifient
donc : Vous les avez aimés parce que vous m'avez aimé; car, la seule raison
pour laquelle le Père aime les membres de son Fils, c'est l'amour qu'il a
pour son Fils lui-même. Or, qui pourrait dire combien ce Dieu, qui ne peut
rien haïr de ce qu'il a fait, aime les membres de son Fils unique, et combien
plus encore il aime le Fils unique lui-même ? |
Lectio 6 |
Versets 24-26 |
[86132] Catena in Io., cap. 17 l. 6 Chrysostomus
in Ioannem. Postquam dixerat quia multi credent per eos, et multa gloria
potientur, loquitur de reliquo de coronis eis repositis, dicens pater, quos
dedisti mihi, volo ut ubi ego sum et illi sint mecum. Augustinus in Ioannem. Ipsi sunt quos a patre
accepit, quos et ipse de mundo elegit : sicut enim ait in huius orationis
exordio : dedit ei potestatem omnis carnis, idest omnis hominis, ut det eis
vitam aeternam : ubi ostendit potestatem se omnis hominis accepisse, ut
liberaret quos voluerit et damnaret quos voluerit. Quapropter omnibus membris
suis promisit hoc praemium, ut ubi est ipse, et nos cum illo simus; nec
poterat non fieri quod omnipotenti patri se velle dixerit omnipotens filius :
una vero est patris et filii voluntas; et si intelligere nondum permittit
infirmitas, credat pietas. Quantum ergo attinet ad creaturam, in qua factus
est ex semine David secundum carnem, eo modo dicere potuit ubi ego sum, ut
iam ibi se esse diceret ubi fuerat mox futurus. In caelo ergo nos futuros
esse promisit : illo enim forma servi levata est quam sumpsit ex virgine et
ad dexteram patris collocata. Gregorius Moralium. Ubi est ergo quod rursus veritas
dicit : nemo ascendit in caelum nisi qui de caelo descendit? Quae sibi in
verbis suis non discrepat : quia enim membrorum suorum caput dominus factus
est, repulsa reproborum multitudine, solus etiam est nobiscum; et sic, dum
nos cum illo unum iam facti sumus, unde solus venit in se, illuc etiam solus
redit in nobis. Augustinus in Ioannem. Quod vero attinet ad formam
Dei, in qua aequalis est patri, si secundum eam velimus intelligere quod
dictum est ubi ego sum, et illi sint mecum, abscedat ab animo omnis imaginum
corporalium cogitatio, et non inquiratur aequalis patri filius ubi sit;
quoniam nemo invenit ubi non sit : propterea non ei satis fuit dicere volo ut
ubi ego sum, et ipsi sint, sed addidit mecum. Esse enim cum illo magnum bonum
est : nam et miseri possunt esse ubi est ille; sed beati soli sunt cum illo.
Et ut de visibili, quamvis longe dissimili, qualecumque sumamus exemplum;
sicut caecus etiam si ibi sit ubi lux est, non est tamen ipse cum luce, sed
absens est a praesente, ita non solum infidelis, sed etiam fidelis, etsi esse
numquam possit ubi non sit Christus, non est tamen ipse cum Christo per
speciem; nam fidelem non est dubitandum esse cum Christo per fidem. Sed hic
de specie illa dicebat in qua videbimus eum sicuti est; unde adiunxit ut
videant claritatem meam quam dedisti mihi. Ut videant dixit, non : ut credant
: fidei merces est ista, non fides. Chrysostomus in Ioannem. Non autem dixit : ut
participent gloriam meam, sed ut videant, hoc occulte insinuans quoniam omnis
requies ibi est filium Dei videre. Dedit autem ei pater claritatem quando eum
genuit. Augustinus. Cum ergo viderimus claritatem quam dedit
pater filio, etiam si eam dici hoc loco intelligamus, non quam pater aequali
filio, gignens eum, dedit, sed quam facto homini filio dedit post mortem
crucis, tunc fiet iudicium, tunc tolletur impius ne videat claritatem domini
: quam, nisi illam qua Deus est? Si ergo secundum id quod filius Deus est,
accipiamus hoc dictum, volo ut ubi ego sum, et ipsi sint mecum, in patre cum
Christo erimus : qui cum dixisset ut videant claritatem quam dedisti mihi,
continuo subiunxit quia dilexisti me ante constitutionem mundi. In illo enim
dilexit et nos ante constitutionem mundi, et tunc praedestinavit quod in fine
facturus est mundi. Beda. Claritatem igitur vocat dilectionem qua ipse
dilectus est a patre ante mundi constitutionem : in illa claritate et nos
dilexit ante constitutionem mundi. Theophylactus. Postquam ergo pro fidelibus oravit,
et tot illis prospera promisit, ponit quoddam pium et propria mansuetudine
dignum, dicens pater iuste, mundus te non cognovit : quasi dicat : ego
cuperem cunctos homines consequi dicta bona, quae quidem pro fidelibus imploravi;
sed quia ignoraverunt te, ideo non contingent gloriam et coronas. Chrysostomus. Videtur autem mihi hoc et anxius
dicere, quoniam eum qui ita bonus et iustus est cognoscere noluerunt. Non
igitur hoc est quod Iudaei dicunt, quoniam ipsi quidem te cognoscunt, ego
vero ignoro; sed e contrario est; unde subdit ego autem cognovi te, et hi
cognoverunt quia tu me misisti : et notum feci eis nomen tuum, et notum
faciam, per spiritum sanctum eis perfectam cognitionem dando. Si autem
didicerint quis es tu, scient quia ego non sum separatus a te, sed valde
amatus, et proprius filius et coniunctus. Hoc vero suasi eis, ut ego maneam
in eis; et sic fidem quae est in me et amorem servabunt certissime; et hoc
est quod subditur ut dilectio qua dilexisti me, in ipsis sit, et ego in
ipsis; quasi dicat : ipsis me amantibus, ego manebo in eis. Augustinus. Vel aliter. Quid est eum cognoscere,
nisi vita aeterna, quam mundo damnato non dedit, reconciliato dedit?
Propterea itaque mundus non cognovit quia iustus es. Hoc meritis eius, ut non
cognosceret, retribuisti; et propterea mundus reconciliatus cognovit quia
misericors es; et ut cognosceret, non ei merito, sed gratia subvenisti.
Denique sequitur ego autem cognovi te. Ipse fons gratiae est Deus natura,
homo autem de spiritu sancto et virgine ineffabili gratia. Denique quia
gratia Dei per Iesum Christum est, dicitur et hi cognoverunt : ipse est
mundus reconciliatus; sed ideo quia tu me misisti : ergo gratia cognoverunt.
Et notum feci eis nomen tuum per fidem, et notum faciam per speciem, ut
dilectio qua dilexisti me, in ipsis sit. Qualis est ista locutio, tali et
apostolus usus est : bonum certamen certavi; non ait : bono certamine, quod
usitatius dicetur. Quomodo autem dilectio qua pater dilexit filium, esset in
nobis, nisi quia membra eius sumus, et in illo diligimus, cum ipse diligitur
totus, idest caput et corpus? Et ideo subiunxit et ego in ipsis : est enim in
nobis tamquam in templo suo, nos autem in illo secundum quod caput nostrum
est. |
—
Saint Jean Chrysostome : (hom. 82 sur Saint Jean).
Après avoir prédit qu'un grand nombre croiraient grâce à eux, les Apôtres, et
qu'ils jouiraient d'une gloire extraordinaire, il les entretient de la
couronne qui leur est réservée : « Mon Père, je veux que, là où je suis,
ceux que vous m'avez donnés soient aussi avec moi. » —
Saint Augustin : (Traité 110 sur Saint Jean). Il veut parler de ceux que son Père
lui a donnés, de ceux qu'il a choisis du milieu du monde, car comme il le dit
au commencement de sa prière : « Dieu lui a donné puissance sur toute
chair », c'est-à-dire sur tous les hommes, pour leur donner la vie
éternelle, preuve évidente du pouvoir qu'il a reçu sur tout homme pour sauver
ceux qu'il veut et laisser qui il veut dans la damnation éternelle. Telle est
donc la récompense qu'il a promise à tous ses membres, c'est que là où il
est, nous serons avec lui. Or, il est impossible que le Père tout-puissant
n'accomplisse pas la volonté exprimée par son Fils tout-puissant (Traité
111); car la volonté du Père et celle du Fils sont vraiment une seule
volonté ; et notre piété doit croire sans difficulté ce que notre
faiblesse ne nous permet pas de comprendre. A ne voir en Jésus-Christ que la
nature humaine, selon laquelle il est né de la race de David, il a pu dire : «
Là où je suis, » en se considérant comme étant déjà là où il devait
bientôt aller. Il nous promet donc que nous serons un jour dans les cieux,
car cette nature humaine qu'il a prise dans le sein d'une Vierge, il l'a
élevée jusque dans les cieux et l'a placée à la droite de son Père. —
Saint Grégoire : (Moral., 27, 8). Mais alors
que signifient ces paroles que la vérité nous dit dans un autre endroit : «
Personne n'est monté au ciel que celui qui est descendu du ciel ? » Nous
répondons que la vérité n'est point eu contradiction avec elle-même, car le
Seigneur étant le chef de ses membres, il est seul avec nous après qu'il a
rejeté loin de lui la multitude des réprouvés, et puisque nous ne faisons
plus qu'un avec lui, on peut dire qu'il retourne seul en nous au ciel d'où il
est descendu seul en lui-même. —
Saint Augustin : (Traité 111 sur Saint Jean). Si nous considérons au contraire la
nature divine par laquelle il est égal à Dieu son Père, et que nous voulions
comprendre à ce point de vue le sens de ces paroles : « Là où je suis, je
veux qu'ils soient avec moi, » il nous faut éloigner de notre esprit
toute image des choses sensibles, et ne pas rechercher où est le Fils égal à
son Père, parce qu'on ne peut trouver un lieu où il ne soit pas. Remarquons
encore que Notre Seigneur ne se contente pas de dire : « Je veux que là où
je suis, ils y soient eux-mêmes », mais il ajoute : « avec moi. »
En effet, être avec lui, c'est le plus grand des biens, car si l'on peut être
malheureux en étant là où il est, on est nécessairement heureux lorsqu'on est
avec lui. Ainsi, pour prendre un exemple dans les choses sensibles, quoique
d'un ordre bien différent, de même qu'un aveugle qui se trouve là où brille
la lumière, n'est cependant pas avec la lumière, mais en est séparé même en présence
de la lumière, ainsi, bien que non seulement l'infidèle, mais encore le
fidèle ne puisse jamais être où n'est pas le Christ, il n'est cependant pas
avec le Christ contemplé dans sa nature. Nul doute que le chrétien fidèle
soit avec Jésus-Christ par la foi, mais le Sauveur voulait parler ici de la
claire vue qui nous le fera voir tel qu'il est : c'est pour cela qu'il ajoute
: « afin qu'ils voient la gloire que vous m'avez donnée. » Remarquez :
« afin qu'ils voient, » et non : afin qu'ils croient; c'est la
récompense de la foi, et non la foi elle-même. —
Saint Jean Chrysostome : Il ne dit pas non plus :
Afin qu'ils entrent en participation de ma gloire, mais : « afin qu'ils
voient ma gloire, » nous indiquant ainsi en termes couverts que le
souverain repos consiste dans les cieux à voir le Fils de Dieu. Or, le Père a
donné cette gloire à son Fils lorsqu'il l'a engendré. —
Saint Augustin : Lors donc que nous verrons
la gloire que le Père a donnée à son Fils, quand même nous entendrions ici,
non pas la gloire que le Père donne à son Fils qui lui est égal, en
l'engendrant, mais celle qu'il a donnée à son Fils fait homme après la mort
de la croix; [lorsque nous verrons cette gloire du Fils], c'est alors qu'aura
lieu le jugement, et que l'impie disparaîtra pour ne pas être témoin de la
gloire du Seigneur. Quelle est cette gloire ? Celle qui lui est propre comme
Dieu. En admettant donc que c'est comme Fils de Dieu et Dieu lui-même que le
Sauveur dit : « Je veux que là où je suis ils y soient avec moi, »
nous serons alors dans le Père avec Jésus-Christ, qui après ces paroles : «
afin qu'ils voient la gloire que vous m'avez donnée, » ajoute aussitôt : «
parce que vous m'avez aimé avant la création du monde. » C'est en
Jésus-Christ, en effet, qu'il nous a aimés avant la création du monde, et
c'est alors qu'il a réglé dans sa prédestination ce qu'il devait accomplir à
la fin du monde. —
Saint Bède : Il donne le nom de gloire à
l'amour dont son Père l'a aimé avant la création du monde, et c'est dans
cette gloire qu'il nous aime nous-mêmes avant l'établissement du monde. —
Théophylactus : Après avoir prié pour les fidèles et leur avoir fait de si magnifiques
promesses, Notre Seigneur place une considération pleine de piété et digne de
la mansuétude dont il faisait profession : « Père juste, le monde ne vous
a pas connu, » c'est-à-dire : mon désir eût été de voir tous les
hommes en possession des biens que j'ai demandés dans cette prière; mais ils
ne vous ont point connu, et ne pourront obtenir ni la gloire, ni les
couronnes que je leur ai promises. —
Saint Jean Chrysostome : Le langage du Sauveur me paraît
ici empreint d'un profond sentiment de tristesse, de ce que les hommes n'ont
point voulu connaître l'auteur de toute bonté et de toute justice. Les Juifs
sont donc dans l'erreur quand ils prétendent vous connaître, et qu'ils me
reprochent à moi de ne point vous connaître; c'est le contraire qui est vrai
: « Pour moi, je vous ai connu, et ceux-ci ont connu que vous m'avez
envoyé, et je leur ai fait connaître votre nom et le leur ferai connaître »,
en leur donnant par l'Esprit saint une connaissance parfaite. Or, quand ils
auront appris ce que vous êtes, ils sauront que je ne suis point séparé de
vous, mais que vous m'avez aimé d'un amour extraordinaire, que je suis votre
propre Fils, et que je vous suis uni par les liens les plus étroits. C'est ce
que je leur ai enseigné, afin que je demeure en eux, et c'est ainsi qu'ils
conserveront infailliblement la foi qu'ils ont en moi, et l'amour qui doit en
être le fruit : « afin que l'amour dont vous m'avez aimé soit en eux. »
Comme s'il disait : C'est l'amour qu'ils auront pour moi, qui leur méritera
que je demeure en eux. —
Saint Augustin : Ou bien encore : Qu'est-ce
que la connaissance de Dieu, si ce n'est la vie éternelle, qu'il n'a point
donnée au monde réprouvé, mais au monde réconcilié ? Le monde ne vous a donc
point connu, parce que vous êtes juste, et qu'il a mérité que vous lui
refusiez la grâce de vous connaître; au contraire, le monde réconcilié vous a
connu, parce que vous êtes miséricordieux, et que ce n'est point à ses
mérites, mais à votre grâce qu'il doit de vous connaître. Il ajoute : «
Pour moi je vous ai connu. » En tant que Dieu, il est par nature la
source de la grâce, et en tant qu'homme, né du Saint-Esprit et de la vierge
Marie, il l'est devenu par une grâce ineffable. Enfin, comme la grâce de Dieu
nous est donnée par Jésus-Christ, il termine en disant : « Et ceux-ci (c'est-à-dire,
le monde réconcilié) ont connu », mais parce que vous m'avez
envoyé; cette connaissance leur est donc venue par la grâce. Et je leur ai
fait connaître votre nom (par la foi), et je le leur ferai connaître (par la
claire vue), afin que l'amour dont vous m'avez aimé soit en eux. L'Apôtre s'est servi d'une locution
semblable lorsqu'il a dit : « J'ai combattu un bon combat. » (1 Tm 1,
4). Il ne dit pas : J'ai combattu d'un bon combat, ce qui serait plus
conforme au langage ordinaire. Or, comment l'amour dont le Père a aimé le
Fils est-il en nous, si ce n'est parce que nous sommes ses membres, et que nous
aimons Dieu dans son Fils, qu'il aime tout entier, c'est-à-dire, le chef et
les membres, c'est pour cela que le Sauveur ajoute : « et moi en eux. »
Il est, en effet, en nous comme dans son temple, et nous sommes en lui en
tant qu'il est notre chef. |
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Caput 18 |
CHAPITRE XVIII
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Lectio 1 |
Versets 1-2
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[86133] Catena in Io., cap. 18 l. 1 Augustinus in
Ioannem. Terminato sermone quem post coenam dominus ad discipulos habuit,
adiuncta oratione quam dixerat ad patrem, eius passionem Ioannes Evangelista
sic exorsus est haec cum dixisset Iesus, egressus est cum discipulis suis
trans torrentem Cedron, ubi erat hortus, in quem introivit ipse, et discipuli
eius. Non autem continuo hoc factum est cum eius illa finita esset oratio;
sed alia quaedam sunt interposita, quae ab isto praetermissa, apud alios
Evangelistas leguntur. Augustinus de Cons. Evang. Facta est enim contentio
inter eos, quis eorum videretur esse maior, sicut Lucas commemorat. Dixit
etiam ipse Petro, sicut ipse Lucas subiungit : ecce Satanas expetivit vos, ut
cribraret sicut triticum et cetera quae ibi sequuntur. Et hymno dicto, sicut
Matthaeus et Marcus commemorant, exierunt in montem oliveti. Contexit ergo
narrationem Matthaeus, et dixit : tunc venit Iesus cum illis in villam quae
dicitur Gethsemani. Iste locus est quem commemorat hic Ioannes : ubi erat
hortus, in quem introivit ipse, et discipuli eius. Augustinus. Ad hoc ergo valet quod dictum est, haec
cum dixisset, ut non eum ante opinemur ingressum quam illa verba finiret.
Chrysostomus in Ioannem. Sed propter quid non dixit : cessans ab oratione
venit illuc? Quoniam oratio illa fuit loquela propter discipulos facta. De
nocte autem vadit, et flumen pertransit, et properat ad locum proditori
cognitum, auferens his qui insidiabantur, laborem, et ostendens discipulis
quoniam volens ad mortem venit. Alcuinus. Dicit autem trans torrentem Cedron, idest
cedrorum : genitivus enim est Graecus. Transit torrentem, quia de torrente
passionis bibit. Ubi erat hortus, ut peccatum quod in horto commissum fuerat,
in horto deleret : Paradisus enim hortus deliciarum interpretatur. Chrysostomus. Ne autem audiens hortum, eum occultari
aestimes, subiungit sciebat autem et Iudas, qui tradebat eum, locum : quia
frequenter Iesus convenerat illuc cum discipulis suis. Augustinus. Ibi ergo lupus ovina pelle contectus, et
inter oves alto patrisfamilias consilio toleratus didicit, ubi ad tempus
exiguum dispergeret gregem, insidiis appetendo pastorem. Chrysostomus. Multoties autem ibi cum discipulis
Iesus singulariter convenerat, de necessariis loquens, et quae non erat fas
alios audire. Facit autem hoc in montibus et in hortis, maxime purum a
tumultibus inquirens semper locum, ne mens impediatur ab auditione. Ideo
autem Iudas illuc venit, quoniam multoties Christus extra pernoctabat.
Ivisset autem ad domum, si putasset eum ibi invenire dormientem. Theophylactus. Noverat etiam Iudas dominum festo
tempore consuevisse semper docere discipulos aliquod sublime : erat autem
solitus docere huiusmodi mystica in talibus locis : ac quoniam tunc dies erat
solemnis, arbitratus est illum esse illic, et discipulos docere quae ad
celebritatem spectabant. |
—
Saint Augustin : (Traité 112 sur Saint Jean). Le
discours que Notre Seigneur avait adressé à ses disciples après la cène étant
terminé, ainsi que la prière qu'il avait faite à son Père, l'évangéliste
saint Jean commence ainsi le récit de sa passion : « Après ce discours, Jésus s'en alla avec ses disciples au-delà du
torrent de Cédron, où il y avait un jardin dans lequel il entra, lui et ses
disciples.» Ce ne fut pas immédiatement après avoir achevé cette prière,
mais après quelques autres faits intermédiaires que saint Jean passe sous
silence, et qui sont rapportés par les autres évangélistes. —
Saint Augustin : (De l'accord des Evang., 3,
3) Il s'éleva en effet parmi eux une contestation, lequel d'entre eux devait
être estimé le plus grand, ainsi que le raconte saint Luc. Le Sauveur dit
encore à Pierre, comme l'ajoute encore le même évangéliste : « Voilà que Satan vous a réclamés pour
vous passer au crible, comme le froment, » et les paroles qui suivent.
(Lc 22, 31-38). Et après avoir récité l'hymne de louange, suivant le récit de
saint Matthieu et de saint Marc, ils s'en allèrent à la montagne des
Oliviers. La liaison du récit de saint Matthieu se trouve donc ainsi établie
avec celui de saint Jean : « Alors
Jésus vint avec eux à une maison de campagne, qui est appelée Gethsémani »,
c'est le lieu dont parle ici saint Jean, et où il y avait un jardin dans
lequel il entra avec ses disciples. —
Saint Augustin : Ces paroles : « Après qu'il eût dit ces choses, »
signifient donc simplement que le Sauveur n'est entré dans ce lieu qu'après
avoir terminé son discours. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 83 sur Saint Jean). Mais pourquoi l'Evangéliste ne dit-il
pas : Après avoir terminé sa prière, il se rendit dans ce lieu ? Parce que cette
prière était une instruction à l'adresse de ses disciples. C'est pendant la
nuit qu'il sort, qu'il passe le torrent, et qu'il se hâte vers le lieu connu
de son traître disciple; épargnant ainsi la fatigue à ceux qui lui avaient
tendu des embûches, et montrant à ses disciples que sa mort est pleinement
volontaire. —
Alcuin : L'Evangéliste dit : « Au delà du torrent de Cédron, » c'est-à-dire
des cèdres, le mot Cédron étant comme le génitif grec du mot Kέδρων.
Il traverse le torrent, parce que [dans le chemin (c'est-à-dire dans le
passage de cette vie),] il a bu de l'eau du torrent (de la passion). Il se
rend dans un jardin, pour expier le péché qui avait été commis dans un
jardin, car le paradis signifie jardin de délices. —
Saint Jean Chrysostome : En entendant le mot
« jardin », ne croyez pas que Jésus cherche à se dérober à ses
ennemis, car, dit l'Evangéliste, «
Judas qui le trahissait, connaissait aussi ce lieu, parce que Jésus y venait
fréquemment avec ses disciples. » —
Saint Augustin : C'est dans ce lieu que le
loup couvert de la peau de brebis, et supporté au milieu du troupeau par un
conseil profond du père de famille apprit à dresser ses embûches au pasteur,
et à disperser pour un moment le troupeau. —
Saint Jean Chrysostome : Jésus avait souvent réuni
ses disciples à l'écart pour avoir avec eux des entretiens nécessaires que
d'autres ne devaient pas entendre. Il se rend de préférence pour cela sur les
montagnes et dans les jardins, parce qu'il cherche un endroit calme et
tranquille pour que l'esprit de ses disciples ne soit empêché de bien écouter.
Judas de son côté vient dans ce jardin, parce que Jésus-Christ y passait très
souvent la nuit; il n'eût pas manqué d'aller chercher dans la maison, s'il
eût pensé y trouver le Seigneur qui dormait. — Théophylactus : Judas savait aussi qu'aux jours de fête, le Seigneur avait coutume
d'adresser à ses disciples des instructions plus élevées, et qu'il
choisissait un jardin pour ces entretiens mystérieux; et comme c'était la
grande solennité des Juifs, Judas pensa que Jésus se trouvait dans ce lieu et
qu'il y enseignait à ses disciples ce qui avait rapport à la célébration de
la fête. |
Lectio 2 |
Versets 3-9 |
[86134] Catena in Io., cap. 18 l. 2 Glossa. Ostenderat
Evangelista quomodo Iudas ad locum ubi Christus erat, pervenire potuerit;
nunc ostendit quomodo illuc pervenit, dicens Iudas ergo cum accepisset
cohortem, et a pontificibus et Pharisaeis ministros, venit illuc cum laternis
et facibus et armis. Augustinus in Ioannem. Cohors non Iudaeorum, sed
militum fuit. A praeside itaque intelligatur accepta, tamquam ad tenendum
reum servato ordine legitimae potestatis, ut nullus tenentibus auderet
obsistere; quamquam et manus tanta fuerat congregata, et sic armata veniebat,
ut vel terreret, vel etiam repugnaret, si quisquam Christum defendere auderet.
Chrysostomus in Ioannem. Sed qualiter cohorti
suaserunt? Quia milites erant, pecuniarum gratia omnia facere meditantes.
Theophylactus. Faces autem afferunt et laternas, ne
Christus latens in tenebris fugeret. Chrysostomus. Multoties autem alias miserunt
comprehendere eum, sed non valuerunt : unde manifestum est quod tunc sponte
seipsum dedit; propter quod subditur Iesus autem sciens omnia quae ventura
erant super eum, processit, et dixit ad eos : quem quaeritis? Theophylactus. Quaerit autem non ut volens scire :
nam utique noverat omnia quae ventura erant super eum : sed ostendere volens
quoniam cum praesens esset, ab eis videri non poterat vel discerni; nam
sequitur dicit ei Iesus : ego sum. Chrysostomus. In medio enim eorum existens,
excaecavit eorum oculos : quoniam enim non tenebrae causa erant, indicavit
Evangelista dicens, quoniam habuerunt lampades. Si vero lampades non essent,
a voce saltem debebant eum agnoscere. Si vero et illi ignorabant, qualiter
Iudas ignoravit, qui cum eo fuerat continue? Et ideo subdit stabat autem et
Iudas, qui tradebat eum, cum ipsis. Fecit autem hoc Iesus, ostendens quoniam
non solum comprehendere eum non possent, sed nec videre in medio existentem,
nisi ipse concederet; unde subditur ut ergo dixit eis : ego sum, abierunt
retrorsum, et ceciderunt in terram. Augustinus. Ubi nunc militum cohors, ubi terror, et
munimen armorum? Una vox turbam odiis ferocem armisque terribilem sine telo ullo
percussit, repulit, stravit. Deus enim latebat in carne, et sempiternus dies
ita membris occultabatur humanis, ut cum laternis et facibus quaereretur
occidendus a tenebris. Quid iudicaturus faciet qui iudicandus hoc fecit? Et
nunc utique per Evangelium, ego sum, dicit Christus, et a Iudaeis expectatur
Antichristus, ut retro redeant, et in terram cadant : quoniam deserentes
caelestia, terrena desiderant. Gregorius super Ezech. Quid autem hoc est quod
electi in faciem, et reprobi retrorsum cadunt, nisi quod omnis qui post se
cadit, ibi cadit ubi non videt; qui vero ante se ceciderit, ibi cadit ubi
videt? Iniqui ergo quia in invisibilibus cadunt, post se cadere dicuntur,
quia ibi corruunt ubi quod tunc eos sequitur, modo videre non possunt : iusti
vero, quia in istis visibilibus semetipsos sponte deiciunt ut in
invisibilibus erigantur, quasi in faciem cadunt, quia timore compuncti
videntes humiliantur. Chrysostomus in Ioannem. Demum ne quis dicat quoniam
ipse Iudaeos ad hoc induxit ut eum occiderent, seipsum in manibus eorum
tradens, manifeste ostendit eis omnia quae sufficiebant eos revocare. Sed
quia permanebant in malitia et nullam habebant excusationem, tunc seipsum in
manibus eorum tradidit; unde sequitur iterum ergo interrogavit eos : quem quaeritis?
Illi ergo dixerunt : Iesum Nazarenum. Respondit Iesus : dixi vobis quia ego
sum. Augustinus in Ioannem. Audierant primo ego sum; sed
non comprehenderant : quia hoc noluit qui potuit quidquid voluit. Verum si
nunquam se ab eis permitteret apprehendi; non quidem illi facerent propter
quod venerant, sed nec ipse faceret propter quod venerat : proinde quia
tenere volentibus et non valentibus ostendit potestatem suam, iam tenebunt
eum, ut faciat de nescientibus voluntatem suam; unde subditur si ergo me quaeritis,
sinite hos abire. Chrysostomus. Quasi dicat : si me quaeritis, nihil
vobis ad hos commune est : ecce meipsum trado : usque ad ultimam horam ad
suos dilectionis conservantiam demonstrans. Augustinus. Inimicos iubet, et hoc faciunt quod
iubet : sinunt scilicet nunc eos abire quos non vult perire. Chrysostomus. Unde Evangelista ostendens quod hoc
non fuit eorum propositi, sed virtus eius qui comprehensus fuerat, subiungit
ut impleretur sermo quem dixit : quia quos dedisti mihi, non perdidi ex eis
quemquam. Perditionem autem non hanc dixerat quae est mortis, sed illam
aeternam : Evangelista vero et de praesenti morte id accepit. Augustinus. Numquid autem non erant postea morituri?
Cur ergo si tunc morerentur, perderet eos, nisi quia nondum in eum sic
credebant quomodo credunt quicumque non pereunt? |
— La Glose : Après nous avoir expliqué comment Judas put savoir le lieu où
Jésus-Christ se trouvait, l'Evangéliste raconte comment il s'y rendit : « Judas ayant donc pris une cohorte, et
des gens des pontifes et des pharisiens, y vint avec des lanternes, des
torches et des armes. » —
Saint Augustin : (Traité 112 sur Saint Jean). Cette cohorte était composée non de
Juifs, mais de soldats [romains]. Les ennemis de Jésus l'avaient demandée au
gouverneur comme pour s'emparer du coupable en respectant les prescriptions
du pouvoir légitime, et afin que personne ne cherchât à le délivrer de leurs
mains, quoiqu'il y eût d'ailleurs une foule si nombreuse, et si bien armée,
qu'elle fut capable d'effrayer et au besoin de repousser celui qui oserait
prendre la défense de Jésus-Christ. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 83 sur Saint Jean). Mais comment purent-ils entraîner cette
cohorte dans leurs desseins ? Parce qu'ils avaient affaire à des soldats
prêts à tout faire pour de l'argent. — Théophylactus : Ils portent avec eux des torches et des lanternes afin que
Jésus-Christ ne pût leur échapper à la faveur des ténèbres. —
Saint Jean Chrysostome : Bien souvent ils avaient
envoyé des gens pour se saisir de Jésus, sans qu'ils aient pu s'emparer de sa
personne, preuve évidente qu'il se livrait volontairement entre leurs mains.
Aussi l'Evangéliste ajoute : « Mais
Jésus sachant tout ce qui devait lui arriver, s'avança et leur demanda : ‘Qui cherchez-vous ?’ ». — Théophylactus : Il leur fait cette question, non pour connaître leurs desseins,
puisqu'il savait parfaitement ce qui devait lui arriver, mais pour leur
montrer que, alors qu’il était présent à leurs yeux, ils ne pouvaient ni le
voir ni le distinguer : « Ils lui répondirent : Jésus de Nazareth, Jésus leur
dit; c'est moi. » —
Saint Jean Chrysostome : Il est au milieu d'eux, et
il frappe leurs yeux de cécité, et l'Evangéliste nous fait bien voir que ce
ne sont pas les ténèbres de la nuit qui les empêchèrent [de reconnaître Jésus],
en prenant soin de nous dire qu'ils avaient des lanternes. S’ils n’avaient
pas eu de lumières, ils auraient dû le reconnaître à sa voix, et si cette
troupe ne connaissait pas Jésus, comment Judas qui avait continuellement été
avec lui pouvait-il ne pas le reconnaître ? Aussi l'Evangéliste fait-il
remarquer que Judas qui le trahissait, était aussi avec eux. Or, Jésus
voulait opérer ce prodige pour leur montrer que sans sa permission, non seulement
ils ne pouvaient pas se saisir de sa personne, mais qu'ils ne pouvaient le
voir quoiqu'il fût présent au milieu d'eux. « Lors donc qu'il leur eut dit : ‘C'est moi’, ils reculèrent et
tombèrent par terre ». —
Saint Augustin : Où est maintenant cette
cohorte de soldats ? où est ce déploiement d'armes menaçantes ? Une seule
parole, sans qu'il fût besoin d'aucune autre arme, a suffi pour frapper, pour
repousser, pour jeter à terre cette troupe nombreuse dont la haine était si
ardente et l'appareil armé si effrayant. C'est que Dieu était caché dans ce
corps mortel, et le jour éternel était tellement voilé par la nature humaine,
que les ténèbres qui voulaient le mettre à mort étaient obligées de le
chercher avec des torches et des lanternes. Que fera-t-il donc au jour où il
viendra juger le monde, [lui qui opère de si grands prodiges] au moment où il
va lui-même être jugé. Maintenant Jésus-Christ, par son Evangile, fait
retentir en tous lieux cette parole : «
C'est moi, » et cependant les Juifs attendent l'Antéchrist, et se
retournent ainsi en arrière pour tomber à la renverse, parce qu'ils
sacrifient les biens du ciel aux désirs des choses de la terre. —
Saint Grégoire : (hom. 9 sur Ezéch). Mais
pourquoi les élus tombent-ils la face contre terre, tandis que les réprouvés
tombent à la renverse ? N’est-ce pas que tout homme qui tombe à la renverse,
tombe en aveugle, tandis que celui qui tombe le visage contre terre, voit
l'endroit où il tombe ? Comme les méchants tombent dans un milieu qui est
pour eux invisible, on dit qu'ils tombent en arrière, parce qu'ils ne peuvent
voir ce qui les suit dans ce milieu où ils sont tombés. Les justes au
contraire qui s'humilient d'eux-mêmes au milieu de ces choses visibles pour
mériter de s'élever jusqu'aux invisibles, tombent comme la face contre terre,
parce que pénétrés de componction et de crainte, ils voient leur propre
humiliation. —
Saint Jean Chrysostome : Le Sauveur ne veut pas
cependant qu'on puisse penser que c'est lui qui a comme amené les Juifs à le
mettre à mort, en se livrant de lui-même à ses ennemis, et il fait tout ce
qui était nécessaire pour les détourner de leur dessein. Mais comme ils
persévèrent opiniâtrement et qu'ils sont tout à fait sans excuse, il se remet
lui-même entre leurs mains : « Il leur
demanda encore une fois : ‘Qui cherchez-vous ?’ Ils lui dirent : ‘Jésus de
Nazareth’. Jésus répondit : ‘Je vous ai dit que c’est moi’. » —
Saint Augustin : Ils avaient déjà entendu
cette réponse : « C’est moi, » et
ils ne s'étaient pas emparé de la personne du Sauveur, parce que telle était
la volonté de celui qui peut tout ce qu'il veut. Cependant s'il ne leur avait
jamais permis de se saisir de lui, cette troupe n'aurait pas rempli la
mission qui lui avait été donnée, et lui-même n'aurait pas accompli le
dessein qui l'avait fait descendre sur la terre. Maintenant qu'il a donné des
preuves suffisantes de sa puissance à ceux qui voulaient s'emparer de lui,
mais n’y parvenaient pas, qu'ils se saisissent de sa personne ils ne feront,
sans le savoir, qu'obéir à l'ordre de sa volonté : « Si donc c'est moi que vous cherchez, leur dit-il, laissez aller ceux-ci. » —
Saint Jean Chrysostome : C'est-à-dire, si c'est moi
que vous cherchez, vous n'avez rien à démêler avec eux; je me livre moi-même
entre vos mains, et c'est ainsi que jusqu'à la dernière heure, il donne à ses
disciples des témoignages persévérants de son amour pour eux. —
Saint Augustin : Il commande à ses ennemis,
et ses ennemis exécutent ses ordres, et ils laissent aller en liberté ceux
qu'il leur défend de faire périr. —
Saint Jean Chrysostome : Aussi l'Evangéliste voulant
nous montrer que ce n'était point là un acte de leur volonté, mais un effet
de la puissance de celui qu'ils venaient d'arrêter, ajoute : « afin que fût accomplie la parole qu'il
avait dite : Je n'ai perdu aucun de ceux que vous m'avez donnés. » Notre
Seigneur n'avait pas eu en vue dans ces paroles la mort du corps, mais la
mort éternelle; l'Evangéliste les applique à la mort même corporelle. —
Saint Augustin : Est-ce que les Apôtres
devaient être pour toujours à l'abri de la mort ? Pourquoi donc les perdrait-il,
s'ils mouraient alors ? C'est qu'ils ne croyaient pas encore, en lui comme il
faut croire pour ne point périr. |
Lectio 3 |
Versets 10-11
|
[86135] Catena in Io., cap. 18 l. 3 Chrysostomus
in Ioannem. Petrus confidens in praedicta voce domini et in his quae iam
facta erant, armatur adversus eos qui supervenerant; unde dicitur Simon ergo
Petrus habens gladium, eduxit eum, et percussit pontificis servum. Sed
qualiter iussus non peram habere neque duo vestimenta, gladium habet? Mihi
videtur hunc formidans praeparasse dudum. Theophylactus. Vel ad opus agni illo indigens,
ferebat hunc etiam post coenam. Chrysostomus. Sed qualiter qui iussus
erat non alapam dare, homicida fit? Quia maxime non se ulcisci iussus est;
hic autem non se ulciscebatur, sed magistrum. Demum nondum perfecti adhuc
erant, sed videbis postea Petrum verberatum, et humiliter ferentem. Non sine
causa autem subdit et abscidit eius auriculam dexteram. Videtur mihi enim
impetum apostoli significare quoniam ad ipsum caput impetum fecit. Augustinus in Ioannem. Solus autem hic Evangelista
etiam nomen servi huius expressit, cum dixit erat autem nomen servo Malchus :
sicut Lucas solus quod eius auriculam dominus tetigerit, et sanaverit eum.
Chrysostomus. Tunc enim miraculum fecit, et erudiens
nos, quoniam eis qui male faciunt benefacere oportet, et virtutem revelans
suam. Nomen autem propterea posuit Evangelista, ut his qui tunc legerent,
liceret quaerere si vere factum sit. Servum autem eum summi pontificis dicit
: quia magnum est quod factum est, non solum quia curavit, sed quia curavit
eum qui super eum venerat, et paulo post alapam daturus erat. Augustinus. Malchus autem interpretatur regnaturus.
Quid ergo auris pro domino amputata et a domino sanata significat, nisi
auditum amputata vetustate renovatum, ut sit in novitate spiritus, et non in
vetustate litterae : quod cui praestitum fuerit a Christo, quis dubitet
regnaturum esse cum Christo? Quod autem servus inventus est, et hoc ad illam
pertinet vetustatem, quae in servitutem generat; sed cum accessit sanitas,
figurata est et libertas. Theophylactus. Vel caesio auris dexterae servi
principis sacerdotum signum erat surditatis eorum, quae praecipue in
principibus sacerdotum inoleverat; quod autem denuo restituta sit auris,
significat ultimam reparationem intellectus in Israeliticis veniente Elia.
Augustinus. Factum autem Petri dominus improbavit,
et progredi ultra prohibuit; unde sequitur dixit ergo Iesus Petro : mitte
gladium tuum in vaginam. Etenim ille ad patientiam commonendus fuit, et hoc
ad intelligentiam conscribendum. Chrysostomus. Non solum autem minis
eum cohibuit, ut Matthaeus refert; sed et aliter consolatur eum, dicens
calicem quem dedit mihi pater, non vis ut bibam illum? Ostendens quoniam non
illorum virtutis quae fiebant erant, sed suae concessionis; et quod non est
Deo contrarius, sed obediens usque ad mortem. Theophylactus. In eo autem quod ipsam calicem dicit,
quam sibi grata et acceptabilis pro salute mortalium mors videatur, edisserit.
Augustinus. Quod autem a patre traditum sibi dicit
calicem passionis, illud est quod ait apostolus : filio proprio non pepercit,
sed pro nobis omnibus tradidit eum. Verum auctor calicis huius est etiam ipse
qui bibit : unde idem apostolus dicit : Christus dilexit nos, et tradidit seipsum
pro nobis. |
—
Saint Jean Chrysostome : (hom. 83 sur Saint Jean). Pierre, plein de confiance dans ce
que le Seigneur venait de dire, et dans le prodige qu'il avait opéré, sort
son arme contre ceux qui étaient venus pour se saisir de Jésus : « Alors Simon-Pierre qui avait une épée,
la tira et frappa le serviteur du grand-prêtre ». Mais comment celui à
qui Jésus avait commandé de n'avoir ni bourse ni deux vêtements, peut-il
avoir un glaive ? Je crois qu'il s'était depuis longtemps muni de ce glaive
dans la prévision des dangers qu'il redoutait. — Théophylactus : Ou bien, ayant eu besoin d’un glaive pour découper l'agneau, Pierre l’avait
conservé après la cène. —
Saint Jean Chrysostome : Mais comment encore celui à
qui le Sauveur avait défendu de donner un soufflet, se rend-il homicide ?
Jésus lui avait surtout défendu toute vengeance personnelle, mais ici ce
n'est point lui, mais son maître qu'il cherche à venger ; d'ailleurs les
Apôtres n'étaient pas encore parfaits, mais nous verrons plus tard Pierre se laisser
frapper sans faire aucune résistance. Ce n'est pas sans raison que
l’Evangéliste remarque qu'il coupa l'oreille droite de ce serviteur; il fait
ainsi ressortir, me semble-t-il, l'impétuosité de l'Apôtre, qui s'attaque
tout d'abord à la tête de cet homme. —
Saint Augustin : (Traité 112 sur Saint Jean). L'évangéliste saint Jean est le seul
qui nous ait conservé le nom de cet homme : « Et cet homme s'appelait Malchus » ; comme saint Luc est le
seul qui rapporte que le Seigneur toucha son oreille et la guérit. —
Saint Jean Chrysostome : Jésus fait ici un second
miracle, et il nous apprend ainsi à faire du bien à ceux qui nous font du
mal, en même temps qu'il donne un nouveau témoignage de sa puissance.
L'Evangéliste donne le nom de cet homme, pour permettre à ceux qui liraient
son récit, de vérifier si ce fait était vrai. Il ajoute qu'il était le
serviteur du grand-prêtre, pour faire ressortir l'excessive bonté du Sauveur,
qui non seulement guérit cet homme, mais un homme qui venait se saisir de
lui, et qui devait bientôt lui donner un soufflet. —
Saint Augustin : Malchus veut dire « qui
doit régner »; que signifie donc l'oreille coupée pour la défense du
Seigneur, et que le Seigneur guérit lui-même ? Elle est la figure du sens de
l'ouïe qui est renouvelé après que tout ce qui appartenait au vieil homme a
été retranché, afin qu'il serve Dieu dans la nouveauté de l'esprit et non
dans la vieillesse de la lettre. (Rm 7, 6). Or, qui peut douter que celui qui
a reçu cette grâce de Jésus-Christ, doive un jour régner avec Jésus-Christ ?
C'est un serviteur qui est l'objet de ce miracle, et il est la figure de
l'ancienne loi qui n'engendrait que des esclaves, mais lorsqu'il a été guéri,
il devient la ligure de la liberté [spirituelle]. (Ga 4, 24-26). — Théophylactus : L'oreille droite coupée au serviteur du prince des prêtres, est le
symbole de la surdité des Juifs, surdité qui régnait surtout dans les princes
des prêtres, et la guérison de cette oreille, signifie que l'intelligence
sera rendue aux Juifs dans les derniers temps, lors de l'avènement d'Elie. —
Saint Augustin : Le Sauveur désapprouva
l'action de son disciple, et lui défendit d'aller plus loin : « Jésus dit à Pierre : Remets ton épée
dans le fourreau. » Il voulait ainsi lui enseigner la patience, et en même
temps que ce fait fut écrit pour notre instruction. —
Saint Jean Chrysostome : Ce n'est point seulement en
le menaçant que Jésus réprime le zèle de Pierre (comme saint Matthieu le
rapporte); mais il lui donne un autre motif plus propre à le consoler : « Ne boirai-je donc point le calice que
mon Père m'a donné ? » Nouvelle preuve que ce qui arrivait ne devait pas
être attribué à la puissance de ses ennemis, mais à sa permission, et que
loin d'être opposé à son Père, il lui obéissait jusqu'à la mort. — Théophylactus : Il se sert de la comparaison du calice pour montrer combien la mort
qu'il allait souffrir pour le salut des hommes, lui était agréable et qu’il
l’acceptait comme l'objet de ses plus vifs désirs. —
Saint Augustin : Il déclare que son Père lui a
donné à boire le calice de sa passion dans le sens de ces paroles de l'Apôtre
: « Il n'a pas épargné son propre Fils,
» (Rm 8) mais il l'a livré pour nous tous, cependant celui qui doit boire
ce calice en est lui-même l'auteur, suivant ces paroles du même Apôtre : « Jésus-Christ nous a aimés, et s'est
livré lui-même pour nous. » (Ep 5) |
Lectio 4 |
Versets 12-14 |
[86136] Catena in Io., cap. 18 l. 4 Theophylactus. Peractis
cunctis quae sufficienter se habebant ad prohibendum Iudaeos, cum illi hoc
nequaquam discernerent, tunc duci se permisit; unde dicitur cohors ergo et
tribunus et ministri Iudaeorum comprehenderunt Iesum. Augustinus in
Ioannem. Comprehenderunt ad quem non accesserunt : nec audierunt illud :
accedite ad eum, et illuminamini. Si enim sic accederent, non eum manibus
occidendum, sed recipiendum corde comprehenderent. Nunc autem quando eum illo
modo comprehenderunt, ab eo longius recesserunt. Sequitur et ligaverunt eum;
a quo solvi potius velle debuerunt : et erant forte in eis qui postea liberati
ab eo, dixerunt : dirupisti vincula mea. Postea vero quam persecutores
tradente Iuda dominum ligaverunt, ut intelligatur Iudas non laudabilis
utilitate traditionis huius, sed sceleris voluntate damnabilis, subditur et
adduxerunt eum ad Annam primum. Chrysostomus in Ioannem. Prae delectatione enim
gloriabantur in his quae fiebant, quasi trophaeum statuentes. Augustinus in Ioannem. Nec tacet causam cur ita
factum sit, subdens erat enim socer Caiphae, qui erat pontifex anni illius.
Merito et Matthaeus, cum id brevius narrare voluisset, eum ad Caipham ductum
fuisse commemorat : quia et ad Annam prius ideo ductus est, quod socer eius
fuerit; ut intelligendum sit hoc eumdem Caipham fieri voluisse. Beda. Quatenus dum a consimili pontifice damnaretur,
ipse quoque minoris criminis reus haberetur. Vel fortassis sic domus eius
sita erat ut praeterire eam non possent. Sive divinitus actum est, ut qui
erant affines sanguine, sociarentur in scelere. Sed quod dicitur, quod esset
pontifex anni illius, sonat contrarium legi, in qua praeceptum erat ut unus
esset pontifex summus, quo mortuo succederet ei filius suus; sed iam
pontificatus ambitione erat infectus. Alcuinus. Refert enim Iosephus, istum Caipham, unius
anni sacerdotium redemisse. Non ergo mirum si iniquus pontifex inique
iudicaverit : saepe qui per avaritiam ad sacerdotium accedit, per iniustitiam
in eo servatur. Chrysostomus. Ne autem audiens vincula auditor
tumultuetur, recoluit prophetiae, quoniam mors eius salus fuit orbis
terrarum; unde sequitur erat autem Caiphas qui consilium dederat Iudaeis,
quia expedit unum hominem mori pro populo : tanta enim est veritatis
superabundantia, ut et inimici eam personent. |
—
Théophylactus : Après avoir épuisé tous les moyens propres à détourner les Juifs de
tout criminel dessein, sans avoir pu y parvenir, Notre Seigneur leur permit
de l'emmener : « Alors la cohorte, le
tribun et les satellites des Juifs se saisirent de Jésus, ». —
Saint Augustin : Ils se saisirent de celui
dont ils ne s'étaient point approchés, et ils ne comprirent pas cette
invitation [du prophète] : « Approchez-vous de lui, et vous serez éclairés. »
(Ps 33) S'ils s'étaient approchés de lui dans ces dispositions, ils se
seraient emparé de lui, non pour le mettre à mort, mais pour le recevoir dans
leurs cœurs. En s'emparant de la sorte de sa personne [sacrée], ils
s'éloignent, beaucoup plus encore de lui, et ils enchaînèrent celui à qui ils
auraient bien plutôt demandé de briser leurs propres chaînes; et peut-être
s'en trouvait-il parmi eux qui lui dirent plus tard, comme à leur libérateur
: « Vous avez rompu mes liens. »
(Ps 115, 6) Après que les ennemis du Sauveur se furent rendus maîtres de sa
personne par la trahison de Judas, l'Evangéliste, pour montrer que ce traître
n'avait pas agi dans un but louable et utile, mais dans une intention
criminelle et condamnable, ajoute : «
Et ils l'emmenèrent d'abord chez Anne, ». —
Saint Jean Chrysostome : Ils triomphent de joie du
haut fait qu'ils viennent d'accomplir, et promènent Jésus comme un trophée [de
leur victoire]. —
Saint Augustin : (Traité 113 sur Saint Jean). L'Evangéliste donne la raison de
cette manière d'agir : « parce qu'il
était beau-père de Caïphe, qui était grand-prêtre cette année-là. » Saint
Matthieu, qui voulait abréger son récit, se contente de dire qu'ils amenèrent
Jésus chez Caïphe, car il ne fut conduit chez Anne d'abord, que parce qu'il
était le beau-père de Caïphe, et nous pouvons conclure de là que c'est Caïphe
qui voulut qu'il en fût ainsi. —
Saint Bède : Il voulait faire condamner
Jésus par un de ses collègues, pontife comme lui, afin de diminuer le crime
dont il allait se rendre coupable. Peut-être aussi la maison d'Anne était
située de manière à ce qu'on ne pût passer devant sans entrer, ou bien
encore, cela se fit par suite d'un conseil tout divin qui voulait associer
dans un même crime ceux qui l'étaient déjà par les liens du sang. Ce que dit
ici l'Evangéliste, que Caïphe était grand-prêtre cette année-là, paraît
contraire à la loi d'après laquelle il ne devait y avoir qu'un seul grand-prêtre,
qui, après sa mort, avait son fils pour successeur, mais [il faut se rappeler
que] le souverain pontificat était alors déshonoré par l'ambition des
prétendants. —
Alcuin : En effet, Josèphe rapporte
que Caïphe avait racheté cette année de pontificat. Il n'y a donc rien
d'étonnant qu'un grand-prêtre inique ait été l'auteur d'un jugement inique,
car souvent celui qui parvient au sacerdoce par avarice, le conserve par des
moyens injustes. —
Saint Jean Chrysostome : Mais de peur que l'idée de
liens ne jetât le trouble dans notre esprit, l’Evangéliste rappelle une
prophétie d'après laquelle la mort de Jésus devint le salut du monde : « Or, Caïphe était celui qui avait donné
ce conseil aux Juifs : Il est avantageux qu'un seul homme meure pour tout le
peuple. » La force de la vérité est si grande, que ses ennemis eux-mêmes
sont obligés de lui rendre hommage. |
Lectio 5 |
Versets 15-18 |
[86137] Catena in Io., cap. 18 l. 5 Augustinus
de Cons. Evang. De Petri tentatione, quae inter domini contumelias facta
est, non eodem ordine omnes narrant : nam ipsas primo commemorant Matthaeus
et Marcus, deinde Petri tentationem; Lucas vero explicat prius tentationes
Petri, demum domini contumelias. Ioannes autem incipit Petri tentationem
dicere, cum dicit sequebatur autem Iesum Simon Petrus, et alius discipulus.
Alcuinus. Ex devotione sequebatur magistrum, quamvis
a longe propter timorem. Augustinus in Ioannem. Quis sit autem ille alius
discipulus, non temere affirmandum est, quia tacetur. Solet autem se idem
Ioannes ita significare et addere : quem diligebat Iesus : fortassis ergo et
hic ipse est. Chrysostomus in Ioannem. Se autem occultat
humilitatis gratia; etenim magnam rectitudinem enarrat, quomodo omnibus
fugientibus ipse sequitur. Sed praeponit sibi Petrum, et sui ipsius coactus
est meminisse, ut discas quoniam certius aliis enarrat ea quae facta sunt in
atrio, quasi intus existens. Succidit autem propriam laudem, subdens
discipulus autem ille erat notus pontifici, et introivit cum Iesu in atrium
pontificis; non enim hoc ut magnum quid de seipso ponit; sed quia dixit quod
intravit cum Iesu solus, ut non aestimes hoc excelsae mentis esse, addit
causam. Igitur Petrum venisse illuc, amoris fuit; non intrasse autem intro,
timoris; unde sequitur Petrus autem stabat ad ostium foris. Alcuinus. Foris stabat qui negaturus erat dominum,
nec erat in Christo qui Christum confiteri non erat ausus. Chrysostomus. Sed quoniam et Petrus intrasset utique
domum, si ei concessum esset, indicavit subdens exivit ergo discipulus alius,
qui erat notus pontifici, et dixit ostiariae, et introduxit Petrum. Ideo
autem ipse eum non introduxit, quia Christo adhaerebat, et sequebatur eum.
Sequitur dixit ergo ancilla ostiaria : numquid et tu ex discipulis es hominis
istius? Dicit ille : non sum. Quid dicis, o Petre? Nonne prius dixisti : et
si oportuerit, animam meam pro te ponam? Quid ergo factum est, quoniam nec
ostiariae fers interrogationem? Non erat miles qui interrogabat, sed ostiaria
vilis; neque dixit : seductoris discipulus es, sed hominis illius; quod
miserentis erat. Dicit autem numquid et tu? Quia Ioannes intus erat. Augustinus. Sed quid mirum si Deus vera praedixit,
homo autem falsa praesumpsit? Sane in ista quae iam coepta est negatione
Petri debemus advertere, non solum ab eo negari Christum qui dicit eum non
esse Christum, sed ab illo etiam qui negat se esse Christianum. Dominus enim
non ait Petro : discipulum meum te negabis; sed : me negabis. Negavit ergo
ipsum cum se negavit esse discipulum. Quid autem aliud isto modo quam se negavit
esse Christianum? Quam multi postea, etiam pueri et puellae, potuerunt mortem
pro Christi confessione contemnere, et regnum caelorum fortiter introire,
quod tunc iste non potuit, qui claves regni eius accepit. Ecce unde dictum
est sinite hos abire : quia quos dedisti mihi, non perdidi ex eis quemquam.
Utique enim Petrus, si negato Christo hinc iret, quid aliud quam periret?
Chrysostomus. Idcirco autem divinae providentiae
secretum permisit ut primus ipse laberetur Petrus, quo erga peccantes duriorem
sententiam proprii casus intuitu temperaret. Petrus enim orbis terrarum
doctor et magister peccavit, et veniam impetravit, ut haec indulgentiae norma
et regula iudicantibus praeberetur. Idcirco enim non Angelis arbitror
commissam sacerdotii potestatem, ne cum ipsi minime peccarent, in
peccatoribus sine misericordia vindicarent. Homo passibilis supra homines
ordinatur, ut dum ipse in aliis suas recolit passiones, mitem apud eos se
praebeat et benignum. Theophylactus. Quidam tamen inanem quamdam gratiam
appropriantes Petro, dicunt, quod ideo negavit Petrus, quoniam volebat semper
esse cum Christo, et sequi continue. Novit enim quod si fateretur se esse de
Christi discipulis, divideretur ab eo, et non haberet ultra spatium sequendi
videndique dilectum : unde simulabat se officium gerere ministrorum, ne
vultus moestitia cognitus excluderetur; unde sequitur stabant autem servi et
ministri ad prunas, quia frigus erat, et calefaciebant se. Erat autem et
Petrus stans cum eis, et calefaciens se. Augustinus. Non hiems erat, et tamen frigus erat,
quale solet etiam aequinoctio verno accidere. Gregorius Moralium. Iam autem intus a caritatis
calore Petrus torpuerat, et ad amorem praesentis vitae, quasi ad persecutorum
prunas, infirmitate aestuante recalebat. |
—
Saint
Augustin : (de l'acc. des Evang., 3. 6) Tous les
évangélistes ne racontent pas dans le même ordre le reniement de Pierre, qui
vint s'ajouter aux outrages auxquels le Sauveur fut en butte [pendant cette
nuit]. Saint Matthieu et saint Marc, ne le placent qu'après le récit de ces
outrages, saint Luc raconte tout d'abord le triple renoncement de cet Apôtre,
ensuite les outrages faits au Seigneur. Saint Jean commence le récit de la
chute de Pierre, à ces paroles : «
Cependant Simon Pierre suivait Jésus, ainsi qu'un autre disciple avec lui. » —
Alcuin : Il suivait son Maître par
amour, quoique la crainte ne le lui faisait suivre que de loin. —
Saint Augustin : Il serait peut-être
téméraire d'affirmer quel est ce disciple, puisque l'Evangéliste ne nous dit
point son nom ; cependant, c'est de cette façn vague que saint Jean a
coutume de se désigner, en ajoutant : «
Celui qu'aimait Jésus. » Peut-être donc est-ce lui-même dont il est ici
question. —
Saint Jean Chrysostome : Il cache ici son nom par un
sentiment d'humilité. L'action qu'il raconte est des plus glorieuses,
puisqu'il est le seul qui suive Jésus, et que tous les autres ont pris la
fuite. Cependant il donne à Pierre la première place dans son récit, et il
semble céder à la nécessité en parlant de lui-même. Il vous apprend en même
temps que son récit sur les faits qui se sont passés dans la cour du
grand-prêtre, et dont il a été le témoin oculaire, est plus sûr que celui des
autres. Mais il se dérobe aux éloges qu'il méritait en ajoutant : « Or, ce disciple était connu du
grand-prêtre et il entra avec Jésus dans le palais du grand-prêtre. » Il
ne cherche donc point à se prévaloir comme d'un acte héroïque d'avoir suivi
Jésus seul jusque chez le grand-prêtre, et il en donne la raison pour ne pas
laisser supposer qu'il a fait preuve en cela d'élévation de caractère. Quant
à Pierre, l'amour le conduisit jusque-là, mais la crainte le retint à la
porte : « Mais Pierre se tenait dehors
à la porte. » —
Alcuin : Celui qui devait renier le
Seigneur, se tenait dehors, et il n'était pas en Jésus-Christ, parce qu'il
n'osait pas confesser hautement Jésus-Christ. —
Saint Jean Chrysostome : L'Evangéliste nous fait voir
que Pierre lui-même serait entré dans l'intérieur de la maison si on le lui avait
permis : « L'autre disciple, qui était
connu du grand-prêtre, sortit donc et parla à la portière, et elle fit entrer
Pierre. » Il ne le fit pas entrer lui-même, parce qu'il suivait
Jésus-Christ et se tenait près de lui. «
Cette servante qui gardait la porte dit à Pierre : « Etes-vous aussi des
disciples de cet homme ? Il lui répondit : Je n'en suis point. » Que
dites-vous là, ô Pierre ? n'est-ce pas vous qui avez dit, il y a peu
d'instants : « Et s'il le faut, je
donnerai ma vie pour vous ? » Qu'est-il donc arrivé, que vous ne puissiez
même pas supporter la question d'une simple servante ? Ce n'est point un
soldat qui vous interroge, c'est une pauvre portière. Et encore ne lui
dit-elle pas : Etes-vous le disciple de ce séducteur ? mais : « Etes-vous le disciple de cet homme ? »,
question qui paraissait dictée par un sentiment de compassion. Elle lui dit :
« Etes-vous aussi ? » parce que
Jean était dans l'intérieur de la cour. —
Saint Augustin : Mais qu'y a-t-il d'étonnant
que Dieu ait prédit la vérité, et que l'homme se soit trompé en présumant
trop de lui-même ? Or, nous devons remarquer, dans cette première négation de
Pierre, qu'on renonce Jésus-Christ non seulement quand on nie qu'il soit le
Christ, mais quand on nie que l'on est chrétien. En effet, Notre Seigneur
n'avait pas dit à Pierre : Vous nierez que vous êtes mon disciple, mais : « Vous me renierez moi-même » ;
Pierre a donc renié Jésus-Christ, en niant qu'il fût son disciple. Et que
fit-il autre chose on cela que de nier qu'il fût chrétien ? Combien de
garçons et de jeunes filles on a vu, par la suite, mépriser la mort pour
confesser hautement le nom de Jésus-Christ, et entrer dans le royaume des
cieux en lui faisant violence, ce que ne put faire, alors celui qui avait
reçu les clefs du royaume des cieux ! Voilà pourquoi Notre Seigneur avait dit
: « Laissez ceux-ci s'en aller, car je
n'ai perdu aucun de ceux que vous m'avez donnés. » Et si Pierre s'en
était allé après avoir renié Jésus-Christ, sa perte n’était-elle pas
infaillible ? —
Saint Jean Chrysostome : (Serm. sur Pierre et Elie).
C'est donc par un secret dessein que la Providence permit que Pierre tombât
le premier, pour que la vue de sa propre chute lui inspirât plus de douceur
pour les pécheurs. En effet, Dieu permit que Pierre, qui était le maître et
le docteur de l'univers, succombât et obtînt son pardon, pour donner aux
juges [des consciences] la loi et la règle de miséricorde qu'ils devraient
suivre à l'égard des pécheurs. C'est pour cela, je pense, que Dieu n'a point
confié aux anges la dignité du sacerdoce, parce qu'étant impeccables ils
auraient poursuivi sans miséricorde le péché dans ceux qui le commettent.
C'est un homme, sujet à toutes les passions, que Dieu établit au-dessus des
autres hommes, afin que le souvenir de ses propres faiblesses lui inspire
plus de douceur et de bonté pour ses frères. —
Théophylactus : Il en est qui cherchent, mais vainement, à justifier Pierre, en disant
qu'il a renoncé à Jésus-Christ parce qu'il voulait toujours être avec lui, et
marcher constamment à sa suite. Il savait, disent-ils, que s'il se donnait
pour un des disciples de Jésus, il en serait aussitôt séparé, et qu'il ne lui
serait plus permis ni de le suivre ni de le voir; il feint donc d'être du
nombre des serviteurs du grand-prêtre, de peur que la tristesse de son visage
ne le fit reconnaître et chasser dehors : «
Or, les serviteurs et les satellites étaient rangés autour d'un brasier,
parce qu'il faisait froid, et se chauffaient; et Pierre aussi se tenait
debout parmi eux, et se chauffait. » —
Saint Augustin : On n'était point en hiver,
et cependant il faisait froid, comme il arrive d'ordinaire à l'équinoxe du
printemps. —
Saint Grégoire : (Moral., 2, 2). Déjà Pierre
avait laissé refroidir dans son âme le feu de la charité, et il réchauffait
la fièvre de sa faiblesse à l'amour de la vie présente, comme au feu des
persécuteurs. |
Lectio 6 |
Versets 19-21 |
[86138] Catena in Io., cap. 18 l. 6 Chrysostomus
in Ioannem. Quia Christo nullum crimen inferre poterant, de discipulis
interrogabant; unde dicitur pontifex ergo interrogavit Iesum de discipulis
suis : fortassis ubi erant, vel cuius gratia eos collegit. Hoc autem dicebat
quasi seditiosum et novarum rerum factorem eum redarguere volens, quasi nullo
alio attendente ei quam eius discipulis. Theophylactus. Explorat insuper de doctrina; unde
sequitur et de doctrina eius, cuiusmodi scilicet foret, utrum a lege
discrepans et adversa Moysi, ut exinde occasione concepta ut Dei aemulum
perdat. Alcuinus. Non enim cognoscendae veritatis amore
interrogat, sed ut causam inveniret qua eum accusare potuisset, et tradere
Romano praesidi ad damnandum. Sed dominus ita temperavit responsionem ut nec
veritatem taceret, nec se defendere videretur; sequitur enim respondit ei
Iesus : ego palam locutus sum mundo; ego semper docui in synagoga et in templo
quo omnes Iudaei conveniunt, et in occulto locutus sum nihil. Augustinus in Ioannem. Non praetereunda nascitur hic
quaestio : si enim ipsis discipulis non loquebatur palam, sed horam
promittebat quando palam fuerat locuturus, quomodo palam locutus est mundo?
Deinde ipsis discipulis suis multo manifestius loquebatur quando cum eis erat
remotus a turbis; tunc enim et parabolas aperiebat, quas clausas proferebat
ad alios. Sed intelligendum est ita eum dixisse palam locutus sum mundo, ac
si dixisset : multi me audierunt. Et rursus non erat palam, quia non
intelligebant; et quod seorsum discipulis loquebatur, non in occulto utique
loquebatur; quis namque in occulto loquitur qui coram tot hominibus loquitur?
Praesertim si hoc loquitur paucis, quod per eos velit innotescere multis.
Theophylactus. Reminiscitur autem hic prophetiae
quae dicit : non in occulto locutus sum, nec in loco terrae tenebroso. Chrysostomus in Ioannem. Vel locutus est quidem in
occulto, sed non, ut hi aestimabant, trepidans et seditionem faciens; sed ubi
multorum auditione superiora erant quae dicebantur. Volens autem ex
superabundantia fide dignum constituere suum testimonium, subdit quid me
interrogas? Interroga eos qui audierunt quid locutus sim ipsis : ecce hi
sciunt quae dixerim ego; quasi dicat : tu me de meis interrogas; interroga
inimicos meos, qui insidiantur mihi. Sunt autem haec verba confidentis in
eorum quae dicta erant veritate : haec est enim veritatis inaltercabilis
demonstratio, cum inimicos quis invocat teste. Augustinus. Ipsa enim quae audierant et non
intellexerant, talia erant ut non possent iuste ac veraciter criminari : et
quotiescumque interrogando tentarunt ut invenirent unde accusarent eum, sic
eis respondit ut omnes eorum retunderentur doli, et calumniae eorum frustrarentur. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 83 sur Saint Jean). Comme les ennemis de Jésus ne
pouvaient produire aucun chef d'accusation contre lui, ils l'interrogent sur
ses disciples : « Le grand-prêtre
interrogea donc Jésus à propos de ses disciples. » Il lui demanda sans
doute où ils étaient, dans quel but il les avait réunis; et son dessein, en
cela, était de l'accuser comme séditieux ou comme auteur de nouveautés, et
n'ayant personne pour s'attacher à lui, à l'exception de ses seuls disciples. — Théophylactus : Il l'interroge encore « sur sa
doctrine, » c'est-à-dire en quoi elle consistait, si elle était
différente de la loi et opposée à la doctrine de Moïse, afin de trouver
l'occasion de le perdre, comme l'antagoniste de Dieu —
Alcuin : Ce n'est point, en effet,
par le désir de connaître la vérité qu'il interroge le Sauveur, mais afin
d'avoir un motif de l'accuser et de le livrer au gouverneur romain pour le
faire condamner; mais le Seigneur pesa tellement les termes de sa réponse,
que, sans taire la vérité, il ne parut pas vouloir se défendre : « Jésus lui répondit, : J'ai parlé
publiquement au monde, j'ai toujours enseigné dans la synagogue et dans le
temple, où tous les Juifs s'assemblent, et je n’ai pas parlé en secret.» —
Saint Augustin : (Traité 113 sur Saint Jean. ) Ici se présente une question qu'il
ne faut point passer sous silence. Notre Seigneur ne parlait pas ouvertement
à ses disciples, mais leur promettait que viendrait un jour où il leur
parlerait sans aucun voile; comment donc peut-il dire qu'il a parlé
publiquement au monde ? D'ailleurs il parlait beaucoup plus clairement à ses
disciples quand il s'éloignait avec eux de la foule, car c'est alors qu'il
leur expliquait les paraboles qu'il proposait au peuple, sans lui en
découvrir le sens. « J'ai parlé
publiquement au monde, » ne signifie donc autre chose que : Beaucoup
m'ont entendu. On peut dire encore qu'il ne leur parlait pas ouvertement,
parce qu'ils ne le comprenaient pas. D'un autre côté, s'il enseignait ses
disciples en particulier, ce n'était cependant pas en secret, car on ne parle
pas en secret, lorsqu'on enseigne devant tant de témoins, surtout si
l'intention de celui qui parle devant peu de personnes est qu’elles fassent
connaître à un plus grand nombre ce qu'il leur a enseigné. — Théophylactus : Notre Seigneur se rappelle ici ces paroles du Prophète : « Je n'ai point parlé en secret, ni dans
quelque coin obscur de la terre. » (Is 45, 19) —
Saint Jean Chrysostome : Ou bien : Il a parlé dans le
secret, il est vrai, mais non pas comme ils le pensaient, par crainte, et
comme un homme qui cherche à exciter des troubles, mais parce que les vérités
qu'il enseignait dépassaient l'intelligence d'un grand nombre. Or, pour
rendre son témoignage encore plus digne de foi, il ajoute : « Pourquoi m'interrogez-vous ? Interrogez
ceux qui ont entendu ce que je leur ai dit, ils savent ce que je leur ai
enseigné. » C'est-à-dire : pourquoi me questionner sur mes disciples
? Interrogez mes ennemis, qui m'ont constamment tendu des embûches. Voilà le
langage d'un homme plein de confiance dans la vérité de son enseignement, car
une preuve invincible de la vérité, c'est d'invoquer en sa faveur le
témoignage de ses ennemis. —
Saint Augustin : Les choses qu'ils avaient
entendues sans les comprendre, ne pouvaient offrir aucun juste sujet
d'accusation; et, toutes les fois qu'ils étaient venus le questionner pour le
tenter et trouver matière à l'accuser, il leur avait répondu de manière à
déjouer toutes leurs ruses, et à frapper d'impuissance toutes leurs calomnies. |
Lectio 7 |
Versets 22-24 |
[86139] Catena in Io., cap. 18 l. 7 Theophylactus.
Cum Iesus astantium interpellasset testimonium, volens se minister
excusare quod non esset de his qui admirabantur Iesum, percussit eum; unde
dicitur haec autem cum dixisset, unus assistens ministrorum dedit alapam
Iesu, dicens : sic respondes pontifici? Augustinus de Cons. Evang. Hic sane ostenditur quod
Annas pontifex erat, nondum enim erat missus ad Caipham cum hoc diceretur; et
hos duos Annam et Caipham pontifices commemorat etiam Lucas in initio
Evangelii sui. Alcuinus. Hic impletur prophetia threnorum : dedi
maxillam meam percutientibus. Sed Iesus iniuste percussus mansuete respondit;
unde sequitur respondit ei Iesus : si male locutus sum, testimonium perhibe
de malo; si autem bene, quid me caedis? Theophylactus. Quasi dicat : si habes ex his quae
nunc a me prolata sunt reprehendere, ostende quod male dixerim; quod si
nequis, quid furis? Vel etiam sic : si perperam docui cum in synagogis
docebam, certifica principem sacerdotum; quod si recte docui, ita ut etiam
vos ministri miraremini, quid me nunc caedis, quem prius admirabaris? Augustinus in Ioannem. Quid ista responsione verius,
mansuetius, iustius? Qui enim accepit alapam, numquid vellet eum qui
percussit aut caelesti igne consumi, aut terra dehiscente sorberi, aut
correptum Daemonio volutari, aut etiam alia huiusmodi qualibet poena, vel
etiam graviori puniri? Quid horum per potentiam iubere non potuisset per quem
factus est mundus, nisi patientiam nos docere maluisset, qua vincitur mundus?
Hic dicet aliquis : cur non fecit quod ipse praecepit? Percutienti scilicet
non sic respondere, sed maxillam debuit alteram praebere. Quid quod et
mansuete respondit, et non solum maxillam alteram iterum percussuro, sed
totum corpus figendum praeparavit in ligno? Et hinc potius demonstravit sua
illa praecepta patientiae non ostentatione corporis, sed cordis praeparatione
fienda : fieri enim potest ut alteram maxillam visibiliter homo praebeat
iratus. Quanto ergo melius et respondet vera placatus, et ad perferenda
graviora tranquillo animo fit paratus? Chrysostomus in Ioannem. Quid igitur consequens
erat, nisi aut redarguere, aut acceptare quod dictum est? Sed hoc non fit :
ea enim quae fiebant non erant iudicium, sed seditio et tyrannis. Non
invenientes autem quid plus facerent, mittunt eum ligatum ad Caipham; unde
sequitur et misit eum Annas ligatum ad Caipham pontificem. Theophylactus. Suspicantes hunc, cum astutior esset,
excogitare aliquid posse adversum Iesum dignum morte. Augustinus. Ad illum autem, sicut Matthaeus dicit,
ab initio ducebatur, quoniam ipse erat illius anni princeps sacerdotum.
Alternis quippe intelligendi sunt solere annis agere pontificatum, et
credendum est secundum voluntatem Caiphae id esse factum ut Iesum primo ad
Annam ducerent; vel etiam domos eorum ita fuisse positas ut non deberet Annas
a transeuntibus praeteriri. Beda. Quod autem dicit ligatum, non sic
intelligendum quod tunc tantum fuerit ligatus; sed tunc ligatus est cum est
captus : itaque ligatum ad Caipham misit sicut sibi fuerat praesentatus. Sive
fieri potuit ut ad horam solveretur, quatenus discuteretur, post hoc
discussus iterum ligaretur, et sic ad Caipham mitteretur. |
—
Théophylactus : Après que Jésus eut ainsi invoqué le témoignage des assistants, un
serviteur du grand-prêtre voulant se mettre à couvert du soupçon qu'il était
un des admirateurs de Jésus, le frappa [au visage] : « Après qu'il eut dit cela, un des satellites, là présent, donna un
soufflet à Jésus, disant : Est-ce ainsi que tu réponds au grand-prêtre ? » —
Saint Augustin : (de l'accord des Evang., 1,
6). Nous avons ici une preuve qu'Anne était grand-prêtre, car Jésus n'avait
pas encore été envoyé à Caïphe, lorsque cet homme lui fit cette observation,
et saint Luc lui-même rapporte au commencement de son Evangile, qu'Anne et
Caïphe étaient tous deux grands-prêtres. —
Alcuin : Ici s'accomplit cette
prophétie : «J'ai abandonné mes joues à
ceux qui me frappaient. » (Is 1, 6) Or, Jésus frappé injustement, répond
avec douceur : « Si j'ai mal parlé,
montrez ce que j'ai dit de mal; mais si j'ai bien parlé, pourquoi me
frappez-vous ? » —
Théophylactus : C'est-à-dire, si vous trouvez quelque chose à reprendre dans ce que je
viens de dire, prouvez que j'ai mal parlé; si vous ne le pouvez pas, pourquoi
cet acte de cruauté ? Ou bien encore, si l'enseignement que j'ai donné dans
les synagogues est blâmable, faites-le connaître au prince des prêtres; si au
contraire cet enseignement est irrépréhensible à ce point que même vous en
étiez dans l'admiration, pourquoi me frappez-vous maintenant, puisque vous m’admiriez
auparavant ? —
Saint Augustin : (Traité 113 sur Saint Jeun). Quoi de plus vrai, de plus doux, de
plus juste que cette réponse ? Si nous considérons attentivement celui qui a
reçu ce soufflet, qui de nous ne voudrait voir celui qui l'a frappé, ou
consumé par le feu du ciel, ou englouti par la terre entr'ouverte, ou la
proie d'un démon furieux, ou victime d'un châtiment semblable et plus
effrayant encore ? Quoi de plus facile à celui qui a créé le monde que de
mettre sa puissance au service de sa justice, s'il n'avait mieux aimé nous
enseigner la patience par laquelle nous triomphons du monde. On nous
demandera peut-être : Pourquoi le Sauveur n'a-t-il pas fait ce qu'il a
commandé lui-même [aux autres] ? Ne devait-il pas souffrir cet affront en
silence et tendre l'autre joue, à celui qui le frappait ? Nous dirons que
Notre Seigneur est allé plus loin, en répondant avec douceur et en ne tendant
pas seulement l'autre joue à celui qui le frappait, mais en abandonnant son
corps tout entier pour être cloué sur la croix. Il nous apprend ainsi que
nous devons accomplir les préceptes de patience qu’il nous a donnés, moins
par des actes extérieurs où l'ostentation peut avoir part, que par les sentiments
du cœur. Il peut arriver, en effet, qu'un homme présente l'autre joue avec la
colère dans le cœur. Notre Seigneur a donc beaucoup mieux agi en répondant la
vérité sans la moindre aigreur, et en se montrant paisiblement disposé à
supporter patiemment des outrages plus sanglants encore. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 83 sur Saint Jean). Quelle était la conduite naturelle à
tenir ? C'était, ou de prouver que Jésus avait tort, ou de se rendre à son
observation. Mais ce n'est pas ce qu’ils font, car tout ce qui se passait
n'avait aucune apparence de légalité, mais tout était l’œuvre du désordre et d’abus
d’autorité. Ne sachant plus que faire, ils envoient Jésus chargé de chaînes à
Caïphe : « Et Anne l'envoya lié à
Caïphe le grand-prêtre. » — Théophylactus : Ils s'imaginèrent qu'étant plus rusé [que son beau-père], il pourrait
trouver contre Jésus un chef d'accusation qui mériterait la mort. —
Saint Augustin : D'après saint Matthieu,
c'était chez Caïphe qu'on le conduisit dès le commencement, parce qu'il était
prince des prêtres de cette année. En effet, Anne et Caïphe remplissaient
alternativement chaque année la charge de grand-prêtre, et il est probable
que c'est sur la volonté de Caïphe, que Jésus fut d'abord conduit chez Anne,
ou que leurs maisons étaient situées de manière qu'on ne pouvait passer
devant la maison d'Anne sans y entrer. —
Saint Bède : De ce que l'Evangéliste dit
qu'il l'envoya lié, il ne faut pas conclure qu'il le fût seulement alors pour
la première fois. Jésus fut enchaîné lorsqu'on se saisit de lui. Anne
l'envoya donc, chargé de chaînes à Caïphe, comme on le lui avait amené. Il
put se faire aussi qu'on le débarrassât un instant de ses liens pendant qu'on
l'interrogeait, et qu'après cet interrogatoire, on l'enchaîna de nouveau pour
l'envoyer ainsi à Caïphe. |
Lectio 8 |
Versets 25-27 |
[86140] Catena in Io., cap. 18 l. 8 Augustinus
in Ioannem. Cum dixisset Evangelista, quod Iesum ligatum miserat Annas ad
Caipham, reversus est ad locum narrationis, ubi reliquerat Petrum, ut
explicaret quod in domo Annae de trina eius negatione contigerat; unde
dicitur erat autem Simon Petrus stans, et calefaciens se. Hic recapitulat
quod ante iam dixerat. Chrysostomus in Ioannem. Vel multo stupore
detinebatur qui fervidus erat, ut deducto Iesu de cetero non moveretur. Sed
hoc fit, ut discas quanta naturae sit imbecillitas, cum Deus hominem
dereliquerit. Et interrogatus rursus etiam negat; unde sequitur dixerunt ergo
ei : numquid et tu ex discipulis eius es? Negavit ille, et dixit : non sum.
Augustinus de Cons. Evang. Hoc loco invenimus non
ante ianuam, sed ad focum stantem, secundo negasse Petrum; quod fieri non
posset nisi iam rediisset postea quam foras exierat, ut Matthaeus dicit.
Neque enim iam exierat, et foris vidit eum altera ancilla; sed cum exiret,
eum vidit; idest, cum surgeret et exiret, animadvertit eum et dixit his qui
erant ibi, idest qui simul erant ad ignem intus in atrio : et hic cum Iesu
Nazareno erat. Ille autem qui foras exierat, hoc audito, rediens, iuravit
illis contra nitentibus : quia non novi hominem. Deinde in eo quod Ioannes
hic ait dixerunt : numquid et tu ex discipulis eius es? Quod redeunti et
stanti dictum intelligimus, hoc quoque confirmatur, non illam tantum alteram
ancillam, quam commemorant in hac secunda negatione Matthaeus et Marcus, sed
alium quemdam, quem commemorat Lucas, cum Petro illud egisse; unde Ioannes
dicit dixerunt ergo ei. Ioannes autem secutus de tertia Petri negatione, ita
explicat dicit ei unus ex servis pontificis, cognatus eius cuius abscidit
Petrus auriculam : nonne ego vidi te in horto cum illo? Quod Matthaeus et
Marcus non singulari, sed plurali numero enuntiant eos qui cum Petro agebant,
cum Lucas unum dicat; Ioannes quoque unum eumdemque cognatum eius cuius
abscidit Petrus auriculam : facile est intelligere aut pluralem numerum pro
singulari usitata locutione usurpasse Matthaeum et Marcum; aut quod unus
maxime tamquam sciens, et qui eum viderat, affirmabat; ceteri autem secuti
eius fidem Petrum simul urgebant. Chrysostomus. Sed neque hortus in memoriam eius
reduxit ea quae ibi dicta sunt, neque multa dilectio quam illic per verba
multa ostendit; unde sequitur iterum ergo negavit Petrus, et statim gallus
cantavit. Augustinus. Ecce medici completa est praedictio, aegroti
convicta praesumptio : non enim factum est quod ille dixerat : animam meam
pro te ponam; sed factum est quod ille praedixerat : ter me negabis. Chrysostomus. Evangelistae vero concorditer
negationem Petri scripserunt, non discipulum accusantes, sed nos erudire
volentes quantum malum sit non Deo totum concedere, sed in semetipso
confidere. Beda. Mystice autem per primam Petri negationem illi
designantur qui ante passionem ipsius negaverunt eum esse Deum; per secundam
vero illi qui post resurrectionem eius in divinitate pariter et humanitate
offenderunt. Item per primum galli cantum ipsius designatur capitis
resurrectio, per secundum illa quae in fine celebrabitur totius corporis. Per
primam autem ancillam, quae Petrum negare coegit, designatur cupiditas; per
secundam carnalis delectatio; per unum seu plures servos, Daemones, qui
suadent Christum negare. |
—
Saint
Augustin : (Tr. 113 sur Saint Jean).
Après avoir rapporté comment Anne envoya Jésus enchaîné à Caïphe,
l'Evangéliste revient à l'endroit du son récit où il avait laissé Pierre pour
raconter le triple reniement de ce disciple dans la maison d'Anne : « Cependant Simon Pierre était là, debout,
et se chauffant. » Il rappelle donc ici ce qu'il avait dit plus haut. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 83 sur Saint Jean). Dans quel engourdissement était
plongé cet Apôtre si plein d'ardeur, lorsqu'on voulait s'emparer de Jésus !
Le voilà devenu comme insensible, et cela se produit pour vous apprendre
combien est grande la faiblesse de l'homme lorsque Dieu l'abandonne à
lui-même. On le questionne de nouveau, et il nie pour la seconde fois : « Ils lui dirent donc : Et vous,
n'êtes-vous pas aussi de ses disciples ? Il ne nia et dit : ‘Je n’en
suis pas’.» —
Saint Augustin : (de l'accord des Evang., 3,
6). Nous voyons ici que ce n'est point devant la porte, mais lorsqu'il se
chauffait devant le brasier, que Pierre renia Jésus pour la seconde fois, ce
qui n'aurait pu avoir lieu, s'il ne fût rentré après être sorti dehors, comme
le raconte saint Matthieu. Ce n'est pas, en effet, lorsqu'il fût sorti dehors,
que cette autre servante le vit, mais au moment même où il sortait, et c'est
alors qu'elle le remarqua et qu'elle dit à ceux qui étaient là, c'est-à-dire,
à ceux qui se chauffaient avec lui dans l'intérieur de la cour : « Celui-ci était aussi avec Jésus de
Nazareth.» Pierre qui était déjà sorti, ayant entendu ces paroles,
rentra, et à toutes les affirmations de ceux qui étaient présents, répondit
avec serment : « Je ne connais point
cet homme. » L'évangéliste saint Jean raconte ainsi le second reniement
de saint Pierre : « Ils lui dirent donc
: Et vous, n'êtes-vous pas aussi de ses disciples ? » C'est-à-dire,
lorsqu'il rentrait, ce qui nous confirme dans la pensée que ce ne fut pas
seulement celte autre servante dont parlent saint Matthieu et saint Marc,
mais une autre personne encore dont parle saint Luc, qui firent à Pierre la
question qui détermina le second reniement de cet Apôtre; c'est pour cela que
saint Jean emploie ici le pluriel : «
Ils lui dirent donc. » Le même Evangéliste poursuivant son récit, raconte
ainsi le troisième renoncement : « Un
des serviteurs du grand-prêtre, parent de celui à qui Pierre avait coupé
l’oreille, lui dit : ‘Ne t’ai-je pas vu avec lui dans le jardin ?.
» Saint Matthieu et saint Marc se servent du pluriel pour désigner ceux
qui firent à Pierre cette nouvelle question; saint Luc ne parle que d'un
seul, ainsi que saint Jean, qui ajoute cette circonstance, qu'il était parent
de celui à qui Pierre coupa l'oreille. Cette divergence s'explique facilement
si l'on considère que saint Matthieu et saint Marc oui l'habitude de mettre
le pluriel pour le singulier, ou qu'un de ceux qui étaient présents affirmait
avec plus de force, comme ayant vu Pierre [dans le jardin], tandis que les
autres ne pressaient Pierre que sur l'attestation de celui qui l'avait vu. —
Saint Jean Chrysostome : Mais le jardin ne lui
rappelle le souvenir, ni des promesses qu'il y a faites, ni de cet amour si
ardent dont il avait protesté à plusieurs reprises : « Pierre le nia de nouveau et aussitôt le coq chanta. » —
Saint Augustin : (Traité 113). Voici la
prédiction du médecin qui est accomplie, et le malade convaincu de
présomption, car ce que nous voyons se réaliser, ce n'est pas la promesse de
Pierre : « Je donnerai ma vie pour
vous, » mais la prédiction de Jésus : «
Vous me renierez trois fois. » —
Saint Jean Chrysostome : Les évangélistes s'accordent
tous pour raconter le triple reniement de saint Pierre, non pour accuser ce
disciple, mais pour nous apprendre quel mal c'est de ne pas tout remettre
entre les mains de Dieu, et de placer sa confiance en soi-même. —
Saint Bède : Dans le sens allégorique, le
premier reniement de Pierre figure ceux qui, avant la passion du Sauveur, ont
nié qu'il fût Dieu; le second représente ceux qui, après sa résurrection, ont
nié à la fois sa divinité et son humanité. De même le premier chant du coq
figure la résurrection du chef; le second, la résurrection de tout le corps
qui aura lieu à la fin du monde. La première servante, qui fut l'occasion du
premier renoncement de Pierre, représente la cupidité; la seconde, le plaisir
des sens; le serviteur, ou les serviteurs du grand-prêtre, les démons qui
nous portent à renoncer Jésus-Christ. |
Lectio 9 |
Versets 28-32 |
[86141] Catena in Io., cap. 18 l. 9 Augustinus
in Ioannem. Redit Evangelista ad locum narrationis suae, ubi eam
reliquerat ut explicaret Petri negationem; unde dicitur adducunt ergo Iesum
ad Caipham in praetorium : ad Caipham quippe ab Anna collega et socero eius
dixerat missum. Sed si ad Caipham, cur ad praetorium, quod nihil aliud vult
intelligi quam ubi praeses Pilatus habitavit? Beda. Praetorium enim dicitur sedes praetoris;
praetores vero dicuntur praefecti, sive praeceptores, eo quod civibus
praecepta donent. Augustinus. Aut igitur aliqua urgente causa de domo
Annae, quo ad audiendum ambo convenerant, Caiphas perrexerat ad praetorium
praesidis, et socero suo Iesum reliquerat audiendum; aut in domo Caiphae
praetorium Pilatus acceperat, et tanta domus erat ut seorsum habitantem
dominum suum, seorsum iudicem ferret. Augustinus de Cons. Evang. Tamen ad ipsum Caipham ab
initio ducebatur, ad quem in extremo perductus est; sed quia iam tamquam
convictum reum adducebant, Caiphae autem antea visum fuerat ut Iesus
moreretur, nulla mora interposita est quin occidendus Pilato traderetur.
Sequitur erat autem mane. Chrysostomus in Ioannem. Antequam gallus cantaret,
ad Caipham ducitur; mane vero ad Pilatum : per quae demonstrat Evangelista
quoniam per totum intermedium noctis a Caipha interrogatus in nullo
redarguitur; et idcirco misit eum Pilato. Sed illa aliis dimittens enarranda,
ipse quaesivit quod deinceps est; sequitur enim et ipsi non introierunt in
praetorium. Augustinus in Ioannem. Hoc est in eam partem domus
quam Pilatus tenebat, si ipsa erat domus Caiphae. Cur autem non introierunt,
exponit subdens ut non contaminarentur, sed manducarent Pascha. Chrysostomus. Quoniam tunc Iudaei faciebant Pascha;
ipse vero ante unam diem tradidit Pascha, reservans suam occisionem sextae
feriae quando vetus Pascha fiebat : vel Pascha dicit totum festum. Augustinus. Dies enim agere coeperant azymorum,
quibus diebus contaminatio illis erat in alienigenae habitaculum intrare.
Alcuinus. Pascha enim proprie dicebatur dies illa
qua agnus ad vesperam quartadecima luna occidebatur; septem vero dies
sequentes dies azymorum dicebantur, in quibus nihil fermentatum in domibus
eorum debuit inveniri. Sed tamen dies paschalis invenitur inter dies
azymorum, ut apud Matthaeum : prima autem die azymorum accesserunt discipuli
ad Iesum, dicentes : ubi vis paremus tibi comedere Pascha? Pascha etiam dies
azymorum inveniuntur nominati, sicut hic : ut manducarent Pascha : Pascha
enim non immolationem agni hic notat, quae fiebat quartadecima luna ad
vesperam; sed magnam solemnitatem, quae quintadecima luna celebrabatur post
agni immolationem; quartadecima enim luna dominus, sicut et alii Iudaei,
Pascha celebravit; quintadecima luna, quando magna solemnitas celebrabatur,
est crucifixus; quartadecima vero luna coepit esse immolatio ex quo captus
est in horto. Augustinus. O impia caecitas. Alienigenae iudicis
praetorio contaminari timebant, et fratris innocentis sanguinem fundere non
timebant. Nam quod etiam dominus erat et vitae dator qui occidebatur, non
eorum conscientiae, sed nescientiae deputetur. Theophylactus. Sed Pilatus utcumque procedens
mitius, ipse idem egreditur; unde sequitur exivit ergo Pilatus ad eos foras.
Beda. Haec autem erat consuetudo Iudaeorum, ut quem mortis reum
iudicarent, vinctum praesidi traderent, ut dum praeses vinctum cerneret, intelligeret
morti addictum. Chrysostomus. Sed videns eum ligatum et a tot
ductum, non aestimavit hoc argumentum esse inaltercabile accusationis, sed
interrogat; unde sequitur et dixit eis : quam accusationem affertis adversus
hominem hunc? Inconveniens enim dicit esse, iudicium eos rapuisse, supplicium
autem illi concedere. Sed illi renuentes ex directo accusationem, coniecturis
quibusdam utuntur; unde sequitur responderunt, et dixerunt : si non esset hic
malefactor, non tibi tradidissemus eum. Augustinus. Interrogentur atque respondeant ab
immundis spiritibus liberati, caeci videntes, mortui resurgentes, et, quod
omnia superat, stulti sapientes, utrum sit malefactor Iesus. Sed ista
dicebant, de quibus per prophetam iam ipse praedixerat : retribuebant mihi
mala pro bonis. Augustinus de Cons. Evang. Sed videndum est ne
contra sit quod Lucas dicit, certa in eum dicta esse crimina : coeperunt
autem illum, inquit, accusare, dicentes : hunc invenimus subvertentem gentem
nostram, et prohibentem tributa dari Caesari, et dicentem se Christum regem
esse. Sed secundum Ioannem videntur Iudaei noluisse dicere crimina ut eorum
auctoritatem secutus Pilatus, quid ei obicerent desineret quaerere; sed ob
hoc tantum nocentem crederet, quod sibi ab eis tradi meruisset. Ergo
intelligere debemus et hoc dictum esse, et illud quod Lucas commemoravit :
multa enim dicta et multa responsa sunt. Unde in narratione sua quisque
posuit quod satis esse iudicavit : nam et ipse Ioannes dicit quaedam quae
obiecta sunt, quae suis locis videbimus. Itaque sequitur dicit ergo eis
Pilatus : accipite eum vos, et secundum legem vestram iudicate eum. Theophylactus. Quasi dicat : quoniam ad votum
iudicium poscitis, et superbitis, ac si nihil unquam profanum egeritis,
accipite vos et damnate; ego nequaquam talis iudex efficiar. Alcuinus. Vel hoc dicit, quasi dicat : vos qui legem
habetis, scitis quid lex de talibus iudicet; secundum quod iustum esse
scitis, ita facite. Sequitur dixerunt ergo Iudaei : nobis non licet
interficere quemquam. Augustinus in Ioannem. Sed nonne lex praecepit, ne
malefactoribus, praesertim seductoribus adeo qualem istum putabant, parcant?
Sed intelligendum est eos dixisse non sibi licere interficere quemquam
propter festi diei sanctitatem quam celebrare iam coeperant. Ita ne omnem
sensum nimia malitia perdidistis, ut ideo vos a sanguine innocentis
impollutos esse credatis, quia eum fundendum alteri traditis? Chrysostomus in Ioannem. Vel ideo ipsi eum non
interfecerunt, quia multum de potestate eorum abscissum erat eis Romanis
regibus subiacentibus. Vel aliter. Quia dixerat eis secundum legem vestram
interficite eum, volentes ostendere quod peccatum eius non est Iudaicum,
dicunt non licet nobis : non enim secundum legem nostram peccavit; sed crimen
eius est publicum, quia se regem dixit. Vel quia eum crucifigi cupiebant, ut
etiam modo mortis eum diffament. Non autem licebat eis crucifigere. Sed quod
alio modo interficiebant, monstrat Stephanus ab eis lapidatus; et ideo
subditur ut sermo Iesu impleretur quem dixit significans qua morte esset
moriturus : quoniam scilicet Iudaeis crucifigere non licebat. Aut dicit hoc
Evangelista, quoniam non ab eis solum, sed et a gentibus debebat interfici.
Augustinus. Sic enim legimus apud Marcum, ubi ait :
ecce ascendimus Ierosolymam, et filius hominis tradetur principibus
sacerdotum et Scribis, et tradent eum gentibus. Pilatus autem Romanus erat,
eumque in Iudaeam Romani praesidem miserant. Ut ergo iste sermo Iesu
impleretur, idest ut eum sibi traditum gentes interficerent, noluerunt eum
accipere, dicentes nobis non licet interficere quemquam. |
—
Saint
Augustin : (Traité 114 sur Saint
Jean). L'Evangéliste revient à l'endroit de son récit qu'il avait
interrompu pour raconter le reniement de Pierre : « Ils amenèrent donc Jésus de chez Caïphe dans le prétoire. »
Déjà nous avions vu Jésus envoyé chez Caïphe par Anne, son collègue et son
beau-père. Mais puisqu'il est envoyé chez Caïphe, pourquoi l'amener dans le
prétoire ? Saint Jean veut simplement dire qu'on l'amena dans la maison
qu'habitait le gouverneur romain Pilate. —
Saint Bède : Le prétoire est ainsi
appelé, parce qu'il est le siège du préteur; or, les préteurs sont des
préfets ou des commandants à qui on donne ce nom, parce qu'ils sont chargés
d'intimer aux citoyens les ordres [du souverain]. —
Saint Augustin : Ou bien donc Caïphe, pour
une cause urgente, quitta la maison d'Anne, ou tous deux s'étaient réunis
pour entendre [les dépositions contre] Jésus, et se dirigea vers le prétoire,
en laissant à son beau-père l'interrogatoire de Jésus, ou bien Pilate avait
établi le prétoire dans la maison même de Caïphe, parce que cette maison
était assez grande pour loger à la fois et séparément Caïphe et le gouverneur
romain. —
Saint Augustin : (de l'accord des Evang).
C'est à Caïphe, que Jésus était amené tout d'abord, et il n'y arriva
cependant qu'en dernier lieu; on l'amenait comme un coupable déjà convaincu,
Caïphe, d'ailleurs avait déjà résolu sa mort, il le livre donc sans aucun
délai à Pilate pour qu'il le fit exécuter. « Or, c'était le matin. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 82 sur Saint Jean). Jésus fut conduit chez Caïphe avant
le chant du coq, et le matin chez Pilate. L'Evangéliste nous donne ici une
preuve que l'interrogatoire que Caïphe fît subir à Jésus pendant toute la
nuit, ne put fournir contre lui aucun sujet d'accusation, et c'est pour cela
qu'il le renvoie à Pilate. Mais saint Jean laisse aux autres évangélistes le
soin de nous raconter ces détails, et en vient immédiatement à ce qui suivit
les événements de la nuit : « Et eux
n'entrèrent point dans le prétoire. » —
Saint Augustin : C'est-à-dire dans la partie
de la maison occupée par Pilate, en supposant que ce fût la maison de Caïphe.
Or, pour quel motif ne voulurent-ils point y entrer ? Saint Jean ajoute que
c’est afin de ne point se souiller et de pouvoir manger la Pâque. —
Saint Jean Chrysostome : C'était le jour, en effet,
où les Juifs célébraient la Pâque, que Jésus avait célébrée un jour
auparavant, parce qu'il voulait que sa mort eût lieu le sixième jour où se
célébrait l'ancienne Pâque. Ou bien le mot Pâque s'étend ici à toute la fête. —
Saint Augustin : Les jours des azymes étaient
commencés, et pendant ces jours ou ne pouvait entrer dans la maison d'un
païen, sans contracter l'impureté légale. —
Alcuin : La Pâque, proprement dite,
était le jour où on immolait l'agneau pascal, le soir du quatorzième jour de
la lune; les sept jours suivants s'appelaient les jours des azymes pendant
lesquels les Juifs ne devaient avoir chez eux aucun pain fermenté. Cependant
nous voyons le jour de Pâque compté parmi les jours des azymes dans
l'évangile de saint Matthieu, où nous lisons : « Le premier jour des azymes, les disciples s'approchèrent de Jésus,
et lui dirent : Où voulez-vous que nous préparions ce qui est nécessaire pour
manger la Pâque ? » (Mt 26, 17) Le nom de Pâque est aussi donné aux jours
des azymes, comme nous le voyons ici : «
afin de pouvoir manger la Pâque. » Or, la Pâque ici ne signifie point
l'immolation de l'agneau, qui avait lieu le soir du quatorzième jour de la lune,
mais la grande solennité qui se célébrait le quinzième jour de la lune, après
l'immolation de l'agneau; Notre Seigneur avait donc célébré la Pâque comme
les autres Juifs, le quatorzième jour de la lune, et fut crucifié le
quinzième jour, qui était le jour de la grande solennité, et son immolation
commença le quatorzième jour de la lune, du moment où on se saisit de lui
dans le jardin [des Olives]. —
Saint Augustin : O aveuglement impie ! Ils
craignaient de se souiller en entrant dans le prétoire d'un juge païen et ils
ne craignent pas de répandre le sang de leur frère innocent, car ils ne
savaient pas que celui qu'ils voulaient faire mourir était le Soigneur et
l'auteur de la vie, et il faut attribuer ce crime plutôt à leur ignorance
qu'à une volonté réfléchie. —
Théophylactus : Pilate quelqu'ait été le mode de procédure qu'il suivait à l'égard de
Jésus, en sort avec des sentiments beaucoup plus modérés : « Pilate vint à eux dehors » —
Saint Bède : C'était la coutume chez les
Juifs quand ils avaient condamné un coupable à mort, de le remettre chargé de
chaînes au gouverneur, afin que le gouverneur le voyant en cet état, comprît
qu'il était condamné à la peine de mort. —
Saint Jean Chrysostome : Cependant bien que Pilate vît
Jésus enchaîné et amené devant lui par une foule aussi nombreuse, il ne crut
pas que ce fût là une preuve péremptoire ou irrécusable de culpabilité, il
les interroge donc : « Quelle
accusation leur demande-t-il, portez-vous contre cet homme ? » Il leur
fait sentir l'inconvenance qu'ils commettent en s'emparant du pouvoir de
juger, et en ne lui laissant que celui d'infliger le châtiment; mais les
Juifs refusent d'aborder de front l'accusation, et n'allèguent que de vagues
présomptions : « Ils lui répondirent :
Si ce n'était pas un malfaiteur, nous ne vous l'aurions pas livré. » —
Saint Augustin : Qu'on interroge et qu'ils
répondent, ceux qu'il a délivrés des esprits impurs, les aveugles dont il a
ouvert les yeux, les morts qu'il a ressuscites, et ce qui surpasse tous ces
miracles, les insensés à qui il a donné la sagesse, et qu'ils disent si Jésus
est un malfaiteur. Mais ceux qui portaient cette accusation étaient ces
ingrats dont le Prophète avait fait cette prédiction : « Ils me rendaient le mal pour le bien. » (Ps 34, 12) —
Saint Augustin : (De l'accord des Evang., 3,
8) Il nous faut examiner si saint Luc n'est pas en contradiction avec saint
Jean lorsqu'il raconte que les Juifs formulèrent contre le Sauveur des chefs
certains d'accusation : « Et ils
commencèrent à l'accuser, ou disant : Nous avons trouvé celui-ci
pervertissant notre nation, défendant de payer le tribut à César, et disant
qu'il est le Christ roi. » (Lc 22, 2). D'après saint Jean, au contraire,
les Juifs paraissent ne vouloir formuler aucune accusation aussi
particulière, afin que Pilate s'en rapportant exclusivement à leur parole,
cessât de leur demander ce dont ils l'accusaient, et qu'il le regardât comme
coupable par cela seul qu'ils avaient cru devoir le livrer entre ses mains.
Or nous devons admettre et le récit de saint Jean et celui de saint Luc; car
il y eut dans cette circonstance bien des questions et des réponses
échangées, chaque évangéliste a fait entrer dans sa narration ce qu'il a jugé
plus utile, et saint Jean lui-même a rapporté certaines accusations dirigées contre
Jésus, comme nous le verrons en son lieu : « Pilate leur dit donc : Prenez-le vous-même, et jugez-le selon votre
loi. » — Théophylactus : C'est-à-dire, puisque vous voulez qu'il soit jugé selon vos désirs, puisque
vous en êtes fiers et qu'à vous entendre, il semble que vous n'ayez jamais
rien fait de répréhensible, prenez-le et condamnez-le ; quant à moi, je
ne consentirai jamais à juger de la sorte. —
Alcuin : Ou bien encore il veut leur
dire : Vous avez une loi, et vous savez ce qu'elle prononce en pareille
circonstance, faites donc selon que vous le croyez juste. « Les Juifs lui répondirent : Il ne nous
est pas permis de mettre à mort personne. » —
Saint Augustin : Mais est-ce que la loi ne
défend pas d'épargner les malfaiteurs, et surtout les séducteurs [qui
cherchent à détourner du culte du vrai Dieu] comme était Jésus dans leur
pensée ? Si donc ils répondent qu'il ne leur est pas permis de mettre
personne à mort, c'est, entendons-le bien, à cause de la solennité du jour
qu'ils avaient commencé à célébrer. L’excès de votre malice vous a-t-il fait
perdre entièrement toute raison que vous vous croyiez purs du sang innocent
parce que vous voulez le faire répandre par un autre ? —
Saint Jean Chrysostome : Ou bien ils répondent qu'ils
ne peuvent le mettre à mort, parce que leur pouvoir était singulièrement
diminué depuis qu'ils étaient soumis à la domination romaine. Ou bien encore,
Pilate leur ayant dit : « Jugez-le
suivant votre loi », ils veulent lui prouver que le crime que Jésus
a commis n'est pas contre la loi juive, et ils répondent : « Il ne nous est pas permis, »
c'est-à-dire, il n'a point péché contre notre loi, mais son crime est un
crime contre la sûreté publique, puisqu'il s'est dit roi. On peut dire encore
qu'ils désiraient faire mourir Jésus du supplice de la croix pour le couvrir
d'ignominie par ce genre de mort; or il ne leur était pas permis de
crucifier, mais l'exemple d'Etienne qui fut lapidé par eux montre qu'ils
pouvaient mettre à mort d'une autre manière. Aussi l'Evangéliste ajoute : « afin que fût accomplie la parole que
Jésus-Christ avait dite, touchant la mort dont il devait mourir, » parce
qu'il était défendu aux Juifs de crucifier, ou bien l'Evangéliste s'exprime
ainsi parce que Jésus devait être mis à mort, non seulement par les Juifs
mais par les Gentils. —
Saint Augustin : Nous lisons en effet dans
saint Marc que Jésus dit à ses disciples : « Voilà que nous montons à Jérusalem, et le Fils de l'homme sera
livré aux princes des prêtres, aux scribes et aux anciens, ils le condamneront
à mort et le livreront aux Gentils. » (Mc 10, 23). Or Pilate était
romain, et les [empereurs] romains l'avaient établi gouverneur de la Judée.
Ce fut donc pour accomplir cette prédiction de Jésus, qu'il serait livré aux
Gentils et qu'ils le mettraient à mort, qu'ils ne voulurent point le recevoir
des mains de Pilate, et qu'ils lui dirent : « Il ne nous est pas permis de mettre personne à mort. » |
Lectio 10 |
Versets 33-38 |
[86142] Catena in Io., cap. 18 l. 10 Chrysostomus in
Ioannem. Pilatus ab odio Iudaeorum eripi volens, iudicium non protraxit in
longum; unde dicitur introivit ergo iterum in praetorium Pilatus, et vocavit
Iesum. Theophylactus. Seorsum, eo quod magnam habebat de eo
suspicionem. Proponebat autem omnia exquisite rimari amoto strepitu Iudaeorum;
unde sequitur et dixit ei : tu es rex Iudaeorum? Alcuinus. His verbis ostendit Pilatus Iudaeos
obiecisse hoc criminis, ut diceret se esse regem Iudaeorum. Chrysostomus. Vel hoc Pilatus a multis audierat.
Quia vero nihil illi habebat dicere, ut non multa fieret investigatio, quod
communiter dicebatur, hoc in medium ducere vult. Sequitur et respondit Iesus
: a temetipso hoc dicis, an alii tibi dixerunt de me? Theophylactus. Innuit ex hoc, Pilatum esse vecordem,
ac indiscrete iudicantem; ac si diceret : si hoc ex te ipso loqueris, pande
signa meae rebellionis; at si ab aliis percepisti, inquisitionem fac
ordinariam. Augustinus in Ioannem. Sciebat utique dominus et
quod ipse interrogavit, et quod ille responsurus fuit; sed tamen dici voluit,
non ut ipse sciret, sed ut conscriberetur quod voluit ut sciretur. Chrysostomus. Non ergo ignorans interrogat, sed ab
ipso accusari Iudaeos volens; unde sequitur respondit Pilatus : numquid ego
Iudaeus sum? Augustinus. Abstulit a se suspicionem qua posset
putari a semetipso dixisse, id se a Iudaeis audisse demonstrans; unde subdit
gens tua et pontifices tui tradiderunt te mihi. Deinde dicendo quid fecisti?
Satis ostendit illud ei pro crimine obiectum; tamquam diceret : si te regem
negas, quid fecisti, ut tradereris mihi? Quasi mirum non esset, si puniendus
iudici traderetur qui se diceret regem. Chrysostomus. Reducit autem Pilatum non valde malum
existentem, et vult ostendere quod non est homo nudus, sed Deus et Dei filius
: et quod formidaverit Pilatus, dissolvit tyrannidis suspicionem; unde
sequitur respondit Iesus : regnum meum non est de hoc mundo. Augustinus. Hoc est quod bonus magister scire nos
voluit. Sed prius nobis demonstranda fuerat vana hominum de regno eius
opinio, sive gentium, sive Iudaeorum, a quibus id Pilatus audierat; quasi
propterea fuisset morte plectendus, quod illicitum affectaverit regnum, vel
quoniam solent regnaturi invidere regnanti : et videlicet cavendum erat ne
huius regnum sive Romanis sive Iudaeis esset adversum. Quod si interrogante
Pilato continue respondisset, non etiam Iudaeis, sed solis gentibus hoc de se
opinantibus respondisse videretur. Sed post responsionem Pilati, iam Iudaeis
et gentibus opportunius aptiusque respondit; quasi dicat : audite, Iudaei et
gentes, non impedio dominationem vestram in hoc mundo. Quid vultis amplius?
Venite credendo ad regnum quod non est de hoc mundo. Quid est enim eius
regnum, nisi credentes in eum? Quibus dicit : de hoc mundo non estis; quamvis
eos esse vellet in mundo. Unde et hic non ait regnum meum non est in hoc
mundo; sed non est de hoc mundo. De mundo enim est quidquid hominum a Deo
quidem creatum, sed ex Adam vitiata stirpe generatum est; factum est autem
regnum non iam de mundo quidquid inde in Christo regeneratum est. Sic enim
nos Deus eruit de potestate tenebrarum, et transtulit in regnum filii
caritatis suae. Chrysostomus. Vel hoc dicit, quoniam non tenet
regnum ut hic reges terreni tenent; sed quoniam desuper habet principatum,
qui non est humanus, sed multo maior et clarior; unde subdit si ex hoc mundo
esset regnum meum, ministri mei utique decertarent ut non traderer Iudaeis.
Ostendit hic regni eius quod apud nos est imbecillitatem, quoniam a ministris
habet fortitudinem; superius vero regnum sufficiens est sibi ipsi, nullo indigens.
Si igitur maius est illud regnum, volens captus est, seipsum tradens. Augustinus. Cum autem probasset regnum suum non esse
de hoc mundo, subdit nunc autem regnum meum non est hinc. Non dixit : non est
hic : hic enim est regnum eius usque ad finem saeculi, habens intra se
commixta zizania usque ad messem; sed tamen non est hinc, quia peregrinatur
in mundo. Theophylactus. Vel ideo non dicit : non est hic, sed
non est hinc : nam regnat in mundo, et utitur eius provisione, et iuxta votum
cuncta disponit; non est autem ab infimis constitutum regnum eius, sed
caelitus et ante saecula. Chrysostomus. Hinc autem haeretici accipientes
occasionem, alienum eum esse a mundi conditione dicunt. Sed cum dicit regnum
meum non est hinc, non privat mundum a sua providentia et praelatione; sed
ostendit regnum suum non esse humanum neque corruptibile. Sequitur dicit
itaque ei Pilatus : ergo rex es tu? Respondit Iesus : tu dicis quia rex sum
ego. Augustinus. Non quia regem se timuit confiteri : sed
ita dictum est, ut neque regem se neget, neque regem se talem esse fateatur
cuius regnum putetur esse de hoc mundo. Dictum est enim tu dicis, ac si
diceretur : carnalis carnaliter dicis. Deinde subiungit ego in hoc natus sum,
et ad hoc veni in mundum, ut testimonium perhibeam veritati. Non est
producenda huius pronominis syllaba quod ait in hoc natus sum, tamquam
dixerit : in hac re natus sum; sed corripienda, tamquam dixerit : ad hoc
natus sum; sicut et ait ad hoc veni in mundum. Unde manifestum est eum
temporalem nativitatem suam hic commemorasse, qua incarnatus venit in mundum;
non illam sine initio qua Deus erat. Theophylactus. Vel aliter. Quaesito per Pilatum si
dominus esset rex, ego, inquit, in hoc natus sum, idest ad hoc quia rex sum;
hoc enim ipso quod a rege productus sum, me quoque testor fore regem. Chrysostomus in Ioannem. Si igitur rex natus est,
nihil nisi accipiens habet. Ad hoc, inquit, veni, ut testimonium perhibeam
veritati, hoc est, ut hoc ipsum suadeam omnibus. Et notandum est, quod suam
humilitatem ostendit, dum dicentibus quoniam malefactor est, ferebat silens;
quando vero interrogatus est de regno, tunc locutus est ad Pilatum, erudiens
eum et reducens ad altiora : et ostendit se nihil versutum operatum esse, per
hoc quod dicit ut testimonium perhibeam veritati. Augustinus. Cum autem Christus testimonium perhibeat
veritati, testimonium perhibet sibi : eius quippe est vox : ego sum veritas.
Sed quia non omnium est fides, adiungit, atque ait omnis qui est ex veritate,
audit vocem meam. Audit utique interioribus auribus; idest, obedit meae voci;
ac si diceret : credit mihi. Quod vero ait omnis qui est ex veritate, gratiam
commendavit, qua secundum propositum vocat. Nam si naturam cogitemus in qua
creati sumus, cum omnes veritas creaverit, quis non est ex veritate? Sed non
omnes sunt, quibus ut obediant veritati, ex ipsa veritate praestatur. Si enim
dixisset : omnis qui audit vocem meam, ex veritate est, ideo dictus ex
veritate putaretur, quia obtemperat veritati. Non autem hoc dicit, sed ait
omnis qui est ex veritate, audit vocem meam. Audit utique, ac per hoc non
ideo est ex veritate quia eius audit vocem, sed ideo audit quia ex veritate
est : quia hoc illi donum ex veritate collatum est. Chrysostomus. Haec autem dicens, attrahit, et suadet
fieri eorum quae dicuntur, auditorem : ita denique et eum cepit his brevibus
verbis, ut quaereret quid est veritas; sequitur enim dixit ei Pilatus : quid
est veritas? Theophylactus. Nam fere ab hominibus evanuerat, et
cunctis erat incognita, dum essent increduli. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 83 sur Saint Jean). Pilate qui voulait arracher Jésus à
la haine des Juifs, ne traîna pas le jugement en longueur : « Etant donc rentré dans le prétoire, il
appela Jésus. » —
Théophylacte : [référence à vérifier] Il se le fait amener en
particulier, parce qu'il entrevoyait dans le Sauveur quelque chose de grand,
et il se proposait de tout examiner avec un soin scrupuleux après s'être mis
en dehors de l'agitation tumultueuse des Juifs. « Il lui dit donc : Etes-vous roi des Juifs ? » —
Alcuin : [référence à vérifier] Pilate fait voir ici que les
Juifs avaient accusé Jésus de s'être dit roi des Juifs. —
Saint Jean Chrysostome : Ou bien Pilate l'avait
appris par le bruit public, et comme les Juifs n'avaient formulé contre lui
aucune autre accusation, pour ne point prolonger inutilement cet
interrogatoire, il lui fait connaître ce qu'ils lui reprochaient le plus
habituellement. « Jésus lui répondit :
Dites-vous cela, de vous-même, ou d'autres vous l'ont-ils dit de moi ? » —
Théophylacte :
[référence à vérifier] Le Sauveur semble reprocher
indirectement à Pilate de juger ici à la légère et sans discernement comme
s'il lui disait : Si vous dites cela de vous-même, donnez les preuves de ma
rébellion, et si d'autres vous l'ont dit de moi, faites une enquête dans les
formes. —
Saint Augustin : (Traité. 115 sur Saint Jean). Jésus savait très bien et ce qu'il
demandait à Pilate et la réponse que celui-ci allait lui faire, cependant il
veut qu'il lui fasse cette question, non pour se renseigner lui-même, mais
pour que cette question fût conservée par écrit et parvînt ainsi à notre
connaissance. —
Saint Jean Chrysostome : Ce n'est donc point par
ignorance qu'il interroge, mais pour faire condamner les Juifs par la bouche
même de Pilate : « Pilate reprit :
Est-ce que je suis juif ? » —
Saint Augustin : Il se justifie du soupçon d’avoir
parlé ainsi de lui-même, et prouve que ce sont les Juifs qui ont accusé près
de lui Jésus de cette prétention : «
Votre nation et vos prêtres vous ont livré à moi ». En ajoutant : « Qu'avez-vous fait ? », il fait
assez voir que c'était là le crime dont on l'accusait, et il semble lui dire
: Si vous niez que vous êtes roi, qu'avez-vous fait pour m'être livré ? Comme
s'il n'était pas étonnant qu'on eût amené devant son tribunal pour être
condamné un homme qui se disait roi. —
Saint Jean Chrysostome : Le Sauveur cherche à relever
les idées de Pilate qui n'était pas absolument mauvais, il veut lui prouver
qu'il n'est pas simplement un homme, mais qu'il est en même temps Dieu et le
Fils de Dieu; et il éloigne tout soupçon d'avoir aspiré à la royauté (ce
qu'avait craint jusqu'à présent Pilate) : «
Jésus répondit : Mon royaume n'est pas de ce monde. » —
Saint Augustin : Voilà ce que le bon maître a
voulu nous apprendre, mais il fallait auparavant nous faire connaître la
vaine opinion que les hommes, Gentils ou Juifs de qui Pilate l'avait apprise,
s'étaient formée de sa royauté. Ils prétendaient qu'il méritait la mort pour
avoir cherché à s'emparer injustement de la royauté. Ou bien encore comme
ceux qui sont en possession du pouvoir voient ordinairement d'un œil jaloux
ceux qui peuvent leur succéder, les Romains ou les Juifs pouvaient craindre
que ce nouveau royaume ne fût opposé à leur domination. Si le Sauveur avait répondu
aussitôt à la question de Pilate, il eût paru répondre exclusivement non pour
les Juifs, mais pour les Gentils qui avaient de lui cette opinion; mais après
la réponse de Pilate, il répond d'une manière plus opportune et plus utile
aux Juifs et aux Gentils, et tel est le sens de sa réponse : Ecoutez, Juifs
et Gentils, je ne gêne en rien votre domination en ce monde, que voulez-vous
davantage ? Venez prendre possession par la foi d'un royaume qui n'est pas de
ce monde. En effet, de quoi se compose son royaume ? De ceux qui croient en
lui. C'est à eux que Jésus dit : « Vous
n'êtes pas de ce monde, » bien que sa volonté fût qu'ils demeurent au
milieu du monde. Aussi ne dit-il pas : Mon royaume n'est pas dans ce monde,
mais : « Mon royaume n'est pas de ce monde.
» Tout ce qui dans l'homme a été créé de Dieu, il est vrai, mais qui a
été engendré de la race corrompue d'Adam, est du monde ; mais tout ce
qui a été ensuite régénéré en Jésus-Christ fait partie de son royaume et
n'est plus du monde. « C'est ainsi que
Dieu nous a arrachés de la puissance des ténèbres, et nous a transférés dans
le royaume de son Fils bien-aimé. » (Col 1, 13). —
Saint Jean Chrysostome : Ou bien encore Notre
Seigneur veut dire que sa royauté n' a pas la même origine que la royauté des
princes de la terre, et qu'il tient d'en haut un pouvoir qui n'a rien
d'humain, et qui est beaucoup plus grand et plus éclatant. C'est pour cela
qu'il ajoute : « Si mon royaume était
de ce monde, mes serviteurs combattraient pour que je ne sois pas livré aux
Juifs. » Il fait voir ici la faiblesse des royautés de la terre qui
tirent leur force de leurs ministres [et de leurs serviteurs]; mais le
royaume dont l'origine est toute céleste se suffit à lui-même, et n'a besoin
d'aucun appui. Si telle est donc la puissance de ce royaume, c'est de sa
pleine volonté qu'il s'est lui-même livré à ses ennemis. —
Saint Augustin : Après avoir prouvé que son
royaume n'était pas de ce monde, Jésus ajoute : « Mais mon royaume n'est pas d'ici. » Il ne dit pas : Mon royaume
n'est pas ici, car il est vraiment sur la terre jusqu'à la fin du monde;
l'ivraie s'y trouve mêlée avec le bon grain jusqu'à la moisson, et cependant
il n'est pas de ce monde, parce qu'il est dans ce monde comme dans un lieu
d'exil. — Théophylactus : Ou bien encore, il ne dit pas : « Mon royaume n'est pas ici, » mais « il n'est pas d'ici, » parce qu'il
règne dans le monde, que sa providence le gouverne, et qu'il y règle tout
suivant sa volonté. Toutefois son royaume n'est pas composé d'éléments
terrestres, mais son origine est céleste et il existe avant tous les siècles. —
Saint Jean Chrysostome : Les hérétiques prennent de
là occasion de dire que le Sauveur est étranger à la direction du monde. Mais
de ce qu'il déclare que son royaume n'est pas d'ici, il ne s'ensuit nullement
que le monde ne soit point gouverné par sa providence; ces paroles signifient
donc simplement que son royaume n'est soumis ni aux lois du temps, ni aux
imperfections de notre humanité. «
Alors Pilate lui dit : Vous êtes donc roi ? Jésus répondit : Vous le dites,
je suis roi. » —
Saint
Augustin : [référence à
vérifier] Notre
Seigneur ne craignait pas de déclarer qu'il est roi, mais il répond de
manière à ne point nier qu'il est roi, et à ne point avouer qu'il l'est dans
ce sens que son royaume est de ce monde. En effet, il répond à Pilate : « Vous le dites, » c'est-à-dire :
vous êtes de la terre, et votre langage ne peut être que terrestre. Il ajoute
: « Je suis né et je suis venu dans le
monde pour rendre témoignage à la vérité. » Il ne faut point faire longue
la syllabe de ce pronom hoc comme
si le sens était : « Je suis né dans cette condition, » mais la faire brève
de manière qu'elle présente cette signification : « Je suis né pour cela, » de même qu'il dit : « C'est pour cela que je suis venu au
monde. » Il est donc évident que le Sauveur a voulu parler ici de sa
naissance temporelle et de sa venue comme homme dans le monde, et non de sa
naissance éternelle et sans commencement comme Dieu. — Théophylactus : On peut dire encore que le Seigneur interrogé par Pilate s'il était
roi lui répondit : « Je suis né pour cela », c'est-à-dire pour être roi,
car par cela seul que je suis né d'un roi, j'affirme que je suis roi
moi-même. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 84 sur Saint Jean). Mais s'il est né roi, il n'a donc,
rien qu'il n'ait reçu. « Je suis venu, poursuit-il, pour rendre témoignage à la vérité, »
c'est-à-dire pour persuader tous les hommes de la vérité. Considérez ici combien
le Sauveur montre une grande humilité, tandis qu'on le traitait comme un
malfaiteur, il a supporté cet outrage en silence; mais quand on l'interroge
sur son royaume, alors il répond à Pilate, il cherche à l'instruire et à
élever son esprit vers des idées plus hautes, et veut le convaincre que toute
sa conduite a été exempte d'artifices : «
Je suis venu pour rendre témoignage à la vérité. » —
Saint Augustin : Lorsque Jésus-Christ rend
témoignage à la vérité, il se rend témoignage à lui-même; car il a dit, en
termes exprès : « Je suis la vérité. »
Mais comme la foi n'est pas le partage de tous, il ajoute : « Quiconque est de la vérité, entend ma
voix. » Il l'entend avec les oreilles intérieures [du cœur], c'est-à-dire
il obéit à ma voix, ou si vous voulez, il croit en moi. Par ces paroles : « Quiconque est de la vérité, », le
Sauveur veut faire ressortir l'importance de la grâce, par laquelle il nous
appelle selon son décret. (Rm 8) Si nous considérons la nature dans laquelle
nous avons été créés, quel est celui qui n'est pas de la vérité, puisque
c'est la vérité qui a créé tous les hommes ? Mais tous ne reçoivent pas de la
vérité la grâce nécessaire pour obéir à la vérité. S'il avait dit : Quiconque
entend ma voix est de la vérité, on pourrait croire qu'on est de la vérité,
parce qu'on obéit à la vérité; mais ce n’est pas cela qu’il dit, mais au
contraire : « Quiconque est de la
vérité, entend ma voix. » Il entend, il est vrai; toutefois il n'est pas
de la vérité, pour cette raison qu'il entend sa voix, mais il entend sa voix
parce qu'il est de la vérité, et que la vérité lui a donné cette grâce. —
Saint Jean Chrysostome : En parlant de la sorte, il
attire à lui Pilate, et cherche à lui persuader de prêter l'oreille à ses
paroles, et il l'amène, par ce peu de paroles, à lui demander ce que c'est
que la vérité : « Pilate lui demanda :
Qu'est-ce que la vérité ? » — Théophylactus : La vérité avait presque disparu du milieu des hommes, et elle était
comme inconnue à tous, à cause de leur incrédulité. |
Lectio 11 |
Versets 38-40
|
[86143] Catena in Io., cap. 18 l. 11 Augustinus
in Ioannem. Cum dixisset Pilatus quid est veritas? Credo in mentem illi
venisse continuo consuetudinem Iudaeorum, qua solet eis dimitti unus in
Pascha; et ideo non expectavit ut responderet ei Iesus, ne mora fieret, cum
recoluisset morem quo posset eis in Pascha dimitti; quod eum valde voluisse
manifestum est; unde dicit et cum hoc dixisset, iterum exivit ad Iudaeos.
Chrysostomus in Ioannem. Sciebat enim quidem quoniam
haec indigebat tempore interrogatio; oportebat autem eum eripere ab impetu
Iudaeorum; idcirco et exivit. Alcuinus. Vel non expectabat audire responsum, quia
forte indignus fuit audire. Sequitur et dixit eis : ego nullam in eo invenio
causam. Chrysostomus. Non dixit : quia peccavit, et dignus
est morte, donate eum festo; sed primum eum excusans, tum rogat ex abundanti,
ut si nollent eum ut innocentem dimittere, saltem obnoxium donarent tempori,
ideoque induxit est autem consuetudo vobis ut unum dimittam vobis in Pascha.
Beda. Haec consuetudo non erat legis praeceptum, sed
ex antiqua patrum traditione descendit, ut ob recordationem liberationis ex
Aegypto unum etiam in die Paschae dimitterent vinctum. Deinde exhortative
dicit. Vultis ergo dimittam vobis regem Iudaeorum? Augustinus. Avelli enim ex eius corde non potuit
Iesum regem Iudaeorum esse, tamquam hoc ibi sicut in titulo ipsa veritas
fixerit, de qua quid esset interrogavit. Theophylactus. Pulchre autem Pilatus respondet per
hoc quod in nullo Iesus erraverit; sed frustra inquietetur ab eis velut
regnum desiderans. Non enim eum qui se regem assereret ac aemulum Romanae
potestatis, Romanorum vicarius absolvisset. Quamobrem in hoc quod dixit regem
Iudaeorum absolvam, prorsus innoxium Iesum prodit, illuditque Iudaeos; quasi
dicat : quem vos criminamini ut regem se putantem, hunc ego absolvi iubeo
quasi talem non existentem. Augustinus. Sed hoc audito clamaverunt; unde
sequitur clamaverunt omnes rursum dicentes : non hunc, sed Barabbam. Erat
autem Barabbas latro. Non reprehendimus, o Iudaei, quod per Pascha liberastis
nocentem, sed quod occidistis innocentem; quod tamen nisi fieret, verum
Pascha non fieret Beda. Quia ergo reliquerunt salvatorem et petiverunt
latronem, usque hodie Diabolus sua latrocinia exercet in ipsos. Alcuinus. Barabbas autem interpretatur iste filius
magistri eorum, idest Diaboli, qui huic latroni in suo scelere, Iudaeis in
sua perfidia magister fuit. |
—
Saint
Augustin : (Traité 115 sur Saint
Jean). Aussitôt que Pilate eut fait cette question : « Qu'est-ce que la vérité ? », il lui
vint à l'esprit (je pense que c'était la coutume parmi les Juifs,) qu'on leur
accordât, à la fête de Pâques, la délivrance d'un criminel; il n'attendit
donc pas que Jésus lui répondît, pour ne pas perdre de temps, du moment qu'il
se fut rappelé la coutume qui lui permettait de le délivrer à la fête de
Pâques, ce qui, de toute évidence, était son plus vif désir, comme le prouve
la nouvelle démarche qu'il fit : « Et,
ayant dit cela, il sortit encore pour aller vers les Juifs, ». —
Saint Jean Chrysostome : Il savait que la réponse à
la question qu'il avait faite demandait du temps, et qu'il fallait au plus
tôt arracher Jésus à la fureur des Juifs; et c'est pourquoi il sort de
nouveau du prétoire pour parler aux Juifs. —
Alcuin : Ou peut-être encore il
n'attendit pas la réponse, parce qu'il était indigne de l'entendre. « Et il leur dit : Je ne trouve en lui
aucun crime. » —
Saint
Jean Chrysostome : [référence à vérifier] Il ne leur dit pas :
Puisqu'il est coupable et digne de mort, donnez-lui sa grâce à l'occasion de
la fête; il proclame d'abord son innocence, puis il les prie, du reste, s'ils
ne veulent point le délivrer à cause de son innocence, de le faire en
considération de la fête : « C’est la
coutume, parmi vous, que je vous accorde, à la fête de Pâques, la délivrance
d'un criminel ». —
Saint Bède : Cette coutume n'était pas
prescrite par la loi, elle venait d'une ancienne tradition des Juifs; qui, en
souvenir de leur délivrance d'Egypte, délivraient chaque année un criminel à
la fête de Pâques. Pilate emploie donc à leur égard le langage de la persuasion
: « Voulez-vous que je vous délivre le
Roi des Juifs ? » —
Saint Augustin : On ne pouvait arracher de
son cœur que Jésus fût le Roi des Juifs, il semble que la vérité elle-même,
qu'il avait demandé a connaître, l'eût gravée dans son cœur comme elle le fit
écrire sur l'inscription de la croix. —
Théophylactus : La réponse de Pilate, qui justifie Jésus de toute accusation, est
admirable, et c’est en vain que les Juifs cherchent à l’inquiéter, en lui
représentant le Sauveur comme ayant désiré la royauté, car le représentant
des Romains n'aurait jamais acquitté et mis en liberté un homme qui se serait
déclaré roi en face de la puissance des empereurs romains. Lors donc qu'il
leur dit : « Délivrerai-je le Roi des
Juifs ? », il proclame publiquement l'innocence de Jésus, et plaisante
les Juifs en leur tenant ce langage : « Celui que vous accusez d’avoir voulu
se faire roi, j'ordonne de le mettre en liberté, comme complètement innocent
du crime dont vous le chargez. » —
Saint Augustin : Mais à ces mots, « ils crièrent de nouveau, tous ensemble :
Non pas celui-ci, mais Barabbas. » Or, Barabbas était un bandit. Nous ne
vous faisons pas un reproche, ô Juifs, de mettre en liberté un criminel, à
l'occasion de la fête de Pâques ! Mais nous vous faisons un crime d'avoir mis
à mort un innocent; et cependant si vous n'agissiez de la sorte, la véritable
Pâque n'aurait pas lieu. —
Saint Bède : Ils ont sacrifié le Sauveur
et demandé la grâce d'un brigand; et jusqu’aujourd’hui, [en punition de cet
attentat], le démon exerce impunément sur eux des brigandages. —
Alcuin : Barabbas signifie le fils de
leur maître, c'est-à-dire du diable; car c'est le diable qui fut le maître de
ce brigand dans ses crimes, comme il fut celui des Juifs dans leur trahison. |
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Caput 19 |
CHAPITRE XIX
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Lectio 1 |
Versets 1-5
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[86144] Catena in Io., cap. 19 l. 1 Augustinus in
Ioannem. Cum Iudaei clamassent, non Iesum sibi dimitti a Pilato velle
propter Pascha, sed Barabbam latronem, subditur tunc ergo apprehendit Pilatus
Iesum, et flagellavit. Hoc Pilatus non ob aliud fecisse credendus est nisi ut
eius iniuriis Iudaei satiati, sufficere sibi aestimarent, et usque ad eius
mortem saevire desisterent. Ad hoc pertinet quod idem praeses etiam cohortem
suam permisit facere quae sequuntur; aut fortassis et iussit : dixit enim
quid deinde fecerint milites, Pilatum tamen id iussisse non dixit; sequitur
enim et milites plectentes coronam de spinis imposuerunt capiti eius, et
veste purpurea circumdederunt eum : et veniebant ad eum, et dicebant : ave,
rex Iudaeorum, et dabant ei alapas. Chrysostomus in Ioannem. Quia enim Pilatus dixit eum
regem Iudaeorum, schema ei contumeliae de reliquo apponunt. Beda. Nam pro diademate spineam illi imposuerunt
coronam, et pro purpureo vestimento, quo reges veteres utebantur, vestem
purpuream ei circumdant : ubi non debet videri contrarium quod Matthaeus
dicit circumdedisse chlamydem coccineam, quia, ut Origenes refert, unius sunt
materiae coccus et purpura : cocculae enim inciduntur, et ex his guttae
sanguinis fluunt, ex quibus utriusque generis tingitur vestimentum. Et
quamvis hoc milites illudendo facerent, nobis tamen operabantur mysteria. Nam
per spineam coronam nostrorum designatur peccatorum susceptio, quae sicut
spinas terra nostri corporis germinat. In vestimento purpureo caro
passionibus subiecta significatur. Purpura etiam vestitur, cum de triumphis
sanctorum martyrum gloriatur. Chrysostomus. Non autem iniunctio principis erat
quod faciebant, sed ad gratiam Iudaicam hoc faciebant; quia neque circa
initium ab illo iussi iverunt nocte; sed Iudaeis pecuniarum gratia
gratificantes omnia audebant : tot autem et talibus factis ipse stabat
silens. Tu vero audiens haec, in mente habe continue : et regem orbis
terrarum et Angelorum dominum videns contumeliam patientem et omnia ferentem
silentio imitare. Augustinus. Sic enim implebantur quae de se dixerat
Christus; sic martyres informabantur ad omnia quae persecutores libuit
facere, perferenda; sic regnum quod de hoc mundo non erat, superbum mundum
non atrocitate pugnandi, sed patiendi humilitate vincebat. Chrysostomus. Ut autem convicium quod a militibus
factum erat in eum, videntes respirent a passione, coronatum Iesum adduxit ad
eos; unde sequitur exivit iterum Pilatus foras, et dixit eis : ecce adduco
vobis eum foras, ut cognoscatis quia nullam in eo causam invenio. Augustinus. Hinc apparet non ignorante Pilato haec a
militibus facta, sive iusserit ea, sive permiserit illa, scilicet causa quam
supra diximus, ut haec eius ludibria inimici libentissime viderent, et
ulterius sanguinem non sitirent; unde sequitur exivit ergo Iesus portans
spineam coronam et purpureum vestimentum : non clarus imperio, sed plenus
opprobrio. Sequitur et dicit eis : ecce homo; quasi dicat : si regi
invidetis, iam parcite, quia abiectum videtis : fervet ignominia, frigescat
invidia. |
—
Saint
Augustin : (Traité 116 sur Saint
Jean). Les Juifs ayant demandé à grands cris qu'à l'occasion de la
fêle de Pâques, Pilate leur délivrât non pas Jésus, mais le brigand Barabbas,
« alors, dit l’Evangéliste, Pilate prit Jésus elle fit flageller. »
On peut croire que Pilate n'eut en cela d'autre pensée que de forcer les
Juifs à s’estimer satisfaits par ce châtiment ignominieux, et de les empêcher
de pousser la fureur jusqu'à demander la mort de Jésus. C'est dans le même
dessein qu'il permit, ou peut-être même qu'il ordonna aux soldats de sa
cohorte de faire ce que rapporte l'Evangéliste. Il raconte, en effet, ce que
firent les soldats, mais il ne dit point que ce fut par l'ordre de Pilate : «
Et les soldats, ayant tressé une couronne d'épines, la mirent sur sa tête, et
le revêtirent d'un manteau d'écarlate. Puis ils venaient, à lui, et disaient
: Je vous salue, roi des Juifs. » —
Saint Jean Chrysostome : Comme pour répondre à ce que
Pilate vient de dire, que Jésus était roi des Juifs, ils le revêtent des
insignes dérisoires de la royauté. —
Saint Bède : Pour diadème, ils lui
mettent sur la tête une couronne d'épines, et pour le vêtement de pourpre
dont se servaient autrefois les rois, ils lui jettent sur les épaules un habit
de pourpre. Le récit de saint Jean n'est point ici en contradiction avec ce
que dit saint Matthieu, qu'on jeta sur lui un manteau d'écarlate; car, selon
la remarque d'Origène, l'écarlate et la pourpre sont de la même matière; les
excroissances qui contiennent la cochenille laissent couler, par les
incisions qu'on leur fait, des gouttes de sang, qui servent à teindre à la
fois la pourpre et l'écarlate. Bien que ce fût par dérision que les soldats
traitent ainsi le Sauveur, ils accomplissaient pour nous des actions pleines
de mystères. En effet, la couronne d'épines signifiait que Jésus se chargeait
de nos péchés, que la terre de notre corps produit comme autant d'épines; le
manteau de pourpre est la figure de la chair, esclave de ses passions. Notre
Seigneur est encore revêtu de pourpre, lorsqu'il se glorifie des triomphes
remportés par les martyrs. —
Saint Jean Chrysostome : Ce n'était point pour obéir
aux ordres du gouverneur que les soldats en agissaient ainsi, mais pour
plaire aux Juifs. Ce n'était point sur son ordre qu'ils étaient venus pendant
la nuit se saisir de Jésus, mais ils se portaient à tous les excès pour être
agréables aux Juifs, qui leur avaient promis de fortes sommes d'argent.
Cependant, au milieu de tant et de si cruels outrages, Jésus garde le
silence. Pour vous, [ne vous contentez pas d'entendre le récit d'un tel
spectacle, mais] qu'il soit toujours présent à votre esprit, et imitez le Roi
de l'univers et le Seigneur des anges, souffrant avec patience de semblables
outrages, et les supportant sans ouvrir la bouche. —
Saint Augustin : C'est ainsi que Jésus-Christ
accomplissait ce qu'il avait prédit de lui-même; c'est ainsi qu'il enseignait
les martyrs à supporter tout ce que la cruauté des persécuteurs pourrait
inventer contre eux; c'est ainsi que le royaume qui n'était pas de ce monde
triomphait de ce monde superbe, non pas en livrant des combats sanglants,
mais en souffrant avec patience et humilité. —
Saint Jean Chrysostome : Pilate, dans l'espérance que
la vue de ces outrages mettrait un terme à la fureur des Juifs, leur présente
Jésus couronné d'épines : « Pilate sortit de nouveau, et dit aux Juifs :
Voici que je vous l'amène dehors, afin que vous sachiez que je ne trouve en
lui aucune raison de le mettre à mort. » —
Saint Augustin : Nous avons ici une preuve
que ce ne fut pas à l'insu de Pilate que les soldats exercèrent ces actes de
cruauté, soit qu'il les ait ordonnés, soit qu'il les ait simplement permis,
pour le motif que nous avons indiqué plus haut, afin que ses ennemis pussent
boire à longs traits ces outrages, et éteindre ainsi la soif qu'ils avaient
de son sang, « Jésus sortit donc portant une couronne d'épines et un
manteau d'écarlate. » Il parait, non pas dans l'éclat de la royauté, mais
au milieu des opprobres dont il est rassasié. « Et Pilate leur dit : Voilà
l'homme; » c'est-à-dire, si vous portez envie au roi, épargnez du moins
celui que vous voyez si profondément humilié, et que toute votre envie
s'apaise devant cet excès d'ignominie. |
Lectio 2 |
Versets 5-8
|
[86145] Catena in Io., cap. 19 l. 2 Augustinus
in Ioannem. Iudaeorum invidia pro Christi ignominia non frigescit :
inardescit potius et increscit; unde dicitur cum ergo vidissent eum
pontifices et ministri, clamabant dicentes : crucifige, crucifige eum. Chrysostomus in Ioannem. Vidit ergo Pilatus omnia
inaniter fieri; unde sequitur dicit eis Pilatus : accipite eum vos, et
crucifigite. Execrantis est hoc verbum, et ad rem non concessam eos
impellentis : ipsi enim ducebant eum, ut cum praesidis iudicio hoc fieret.
Contigit autem contrarium, iudicio praesidis eum magis absolvi; unde sequitur
ego enim non invenio in eo causam : continue enim eum ab accusationibus eruit
: unde manifestum est quoniam et priora propter illorum concessit insaniam.
Sed Iudaeos canes nil horum in verecundiam convertit; nam sequitur
responderunt Iudaei : nos legem habemus, et secundum legem debet mori, quia
filium Dei se fecit. Augustinus. Ecce alia maior invidia : parva quidem
illa videbatur velut affectatae illicito ausu regiae potestatis : et tamen
neutrum sibi Iesus mendaciter usurpavit; sed utrumque verum est : et
unigenitus est Dei filius, et rex a Deo constitutus super Sion montem sanctum
eius : et utrumque nunc demonstraret, nisi quanto erat potentior, tanto
mallet esse patientior. Chrysostomus. Ad invicem enim ipsis disputantibus
silebat, implens propheticum illud quod non aperuit os suum; in humilitate
sua iudicium ei sublatum est. Augustinus de Cons. Evang. Hoc autem potest
congruere ei quod Lucas commemorat in accusatione Iudaeorum dictum : hunc
invenimus subvertentem gentem nostram, ut adiungatur quia filium Dei se fecit.
Chrysostomus. Deinde Pilatus quidem timet ab ipsis
auditis, et formidavit ne forte verum esset quod dicebatur, et videretur
inique agere; unde sequitur cum ergo audisset Pilatus hunc sermonem, magis
timuit. Beda. Non timuit quia legem audivit, quia alienigena
erat; sed magis timuit, ne filium Dei occideret. Chrysostomus. Illi vero hoc dicentes non horruerunt;
sed interficiunt eum pro quibus oportuerat adorare. |
—
Saint Augustin : (Traité 116 sur Saint Jean).
L'envieuse fureur des Juifs contre Jésus-Christ s’apaise pas et ne fait que
s'accroître encore davantage : « Les princes des prêtres et leurs
satellites ne l'eurent pas plutôt vu, qu'ils crièrent : Crucifiez-le,
crucifiez-le. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 84 sur Saint Jean). Pilate, voyant l'inutilité de ses
efforts, leur dit : « Prenez-le vous-mêmes, et crucifiez-le. » C'est
le langage d'un homme qui manifeste son horreur [pour une action], et qui semble
engager à faire ce qu'il n'a pas voulu accorder; car les Juifs ne lui avaient
amené Jésus que pour qu'il fût condamné par le jugement du gouverneur
lui-même; or il arriva tout le contraire, c'est-à-dire qu'il est déclaré
innocent au tribunal du gouverneur. C'est ce qu'il leur dit en propres termes
: « Je ne trouve pas en lui de cause qui mérite la mort. »
C'est-à-dire qu'il ne cesse de le justifier de toutes les accusations portées
contre lui. Il est donc évident que ce n'est que pour satisfaire leur fureur
qu'il a livré Jésus à ces premiers outrages. Mais rien de tout cela ne fut
capable d'émouvoir et de fléchir les Juifs, semblables à des chiens affamés. «
Les Juifs lui répondirent : Nous avons une loi, et selon cette loi il doit
mourir, parce qu'il s'est fait Fils de Dieu. » —
Saint Augustin : Voici un sujet d'envie plus
grande encore. L'usurpation de la puissance royale, par des moyens illicites,
n'était rien [auprès du cette ambition sacrilège]. Cependant Jésus ne s'était
arrogé injustement ni l'un ni l'autre de ces titres, il les possède tous les
deux en vérité, il est le Fils unique de Dieu, et Dieu l'a établi roi sur
Sion, sa montagne sainte (Ps 2), et il lui serait facile de donner
actuellement des preuves de cette double puissance, s'il ne préférait montrer
que sa patience est d'autant plus grande que sa puissance est plus étendue. —
Saint Jean Chrysostome : Pendant qu'il est ainsi
l'objet de leurs disputes, il se tait et accomplit cette prophétie : « Il
n'a pas ouvert la bouche, et dans son humiliation son jugement a été
supprimé. » —
Saint Augustin : (De l'accord des Evang., 2,
8). Cette accusation des Juifs peut se rattacher à celle que rapporte saint
Luc : « Nous l'avons trouvé soulevant notre nation, » et à laquelle on
peut ajouter : « parce qu'il s'est fait Fils de Dieu. » —
Saint Jean Chrysostome : Pilate est effrayé de ce
nouveau chef d'accusation; il craint que ce qu'il vient d'entendre dire ne
soit vrai, et qu'il ne s'expose à commettre une plus grande injustice : «
Pilate ayant entendu ces paroles, dit l'Evangéliste, fut encore plus
effrayé. » —
Saint Bède : Pilate est effrayé, non
point parce qu'il entend parler de la loi (puisqu'il était païen), mais parce
qu'il craint de mettre à mort le Fils de Dieu. —
Saint Jean Chrysostome : Les Juifs, au contraire,
n'eurent point horreur de ce qu'ils venaient de dire, et ils mettent à mort
le Sauveur pour une cause qui aurait dû les faire tomber tous en adoration
devant lui. |
Lectio 3 |
Versets 9-11 |
[86146] Catena in Io., cap. 19 l. 3 Chrysostomus in
Ioannem. Pilatus timore concussus, rursus inquisitionem facit; unde
dicitur et ingressus est praetorium iterum, et dicit ad Iesum : unde es tu?
Non autem ultra interrogat : quid fecisti? Sequitur Iesus autem responsum non
dedit ei. Qui enim audivit, quoniam in hoc natus sum et ad hoc veni, et
quoniam regnum meum non est hinc, cum debuisset resistere et eripere eum, hoc
quidem non fecit, sed secutus est Iudaicum impetum. Propterea ergo nihil ei
respondit, quoniam inaniter omnia interrogabat. Sed et aliter operibus
testantibus ei, nolebat per sermones vincere, et excusationes componere,
ostendens quoniam ad hoc venit. Augustinus in Ioannem. Hoc autem silentium domini
nostri Iesu Christi non semel factum, collatis omnium Evangelistarum
narrationibus, reperitur : et apud principem sacerdotum, et apud Herodem, et
apud ipsum Pilatum, ut non frustra de illo prophetia processerit : sicut
agnus coram tondente fuit sine voce, sic non aperuit os suum, tunc utique
quando interrogantibus non respondit; quamvis enim quibusdam interrogantibus
saepe responderit, tamen propter illa in quibus noluit respondere, ad hoc
data est de agno similitudo, ut in suo silentio non reus, sed innocens
haberetur; idest, non sicut male sibi conscius, qui de peccatis convincebatur
suis, sed sicut mansuetus qui pro peccatis immolabatur alienis. Chrysostomus. Quia igitur siluit, sequitur dicit
ergo ei Pilatus : mihi non loqueris? Nescis quia potestatem habeo crucifigere
te, et potestatem habeo dimittere te? Vide qualiter seipsum condemnavit. Si
enim in te totum positum est, cuius gratia nullam causam inveniens, non
absolvis? Quia igitur adversus seipsum protulit, respondit Iesus : non
haberes potestatem adversum me ullam, nisi datum esset tibi desuper,
ostendens quoniam non simpliciter et secundum aliorum consequentiam hoc fit,
sed mystice consummatur. Ne igitur hoc audiens aestimes eum ab omni erutum
crimine, subdit propterea qui tradidit me tibi, peccatum maius habet. Et
nimirum si datum erat, neque hic neque illi obnoxii sunt criminibus; inaniter
dicis. Hoc enim datum est, idest concessum; ac si diceret : permisit hoc
fieri; neque tamen propterea extra nequitiam sunt. Augustinus. Ecce respondit. Proinde ubi non
respondebat, non sicut reus, sive dolosus, sed sicut ovis silebat; ubi respondebat,
sicut pastor docebat. Discamus ergo quod dixit, quod et per apostolum docuit
quia non est potestas nisi a Deo; et quia plus peccat qui potestati
innocentem occidendum livore tradit, quam potestas ipsa si eum timore
alicuius maioris potestatis occidit. Talem quippe Deus dederat illi
potestatem ut esset etiam sub Caesaris potestate : quapropter inquit non
haberes adversum me potestatem ullam, idest quantulamcumque habes, nisi hoc
ipsum, quidquid est, tibi esset datum desuper. Sed quia scio quantum sit, non
enim tantum est ut tibi omni modo liberum sit, propterea qui tradidit me
tibi, maius peccatum habet. Ille quippe me tuae potestati tradidit invidendo;
tu vero eamdem potestatem in me exerciturus es metuendo. Nec timendo quidem,
praesertim innocentem hominem, homo debet occidere; sed id zelando facere
multo maius malum est quam timendo; et ideo non ait qui me tibi tradidit,
ipse habet peccatum, tamquam ille non haberet; sed ait maius peccatum habet,
ut etiam se habere intelligeret. Theophylactus. Dicit autem qui tradidit me tibi,
idest Iudas, vel etiam turba. Cum ergo patens responsum Iesus ediderit, quod
nisi ego memetipsum praeberem, et pater concederet, non haberes potestatem in
me; ex hoc potius ipsum absolvere Pilatus satagebat; unde sequitur et exinde
quaerebat Pilatus dimittere eum. Augustinus. Lege superiora, et invenies iam dudum
eum quaerere dimittere Iesum. Exinde itaque intelligendum est, propter hoc,
idest ex hac causa, ne haberet peccatum occidendo innocentem sibi traditum. |
—
Saint Jean Chrysostome : (hom. 84 sur Saint Jean).
Pilate, saisi de crainte, adresse à Jésus une nouvelle question : « Et,
étant rentré dans le prétoire, il dit à Jésus : D'où êtes-vous ? » Il ne
lui demande plus : Qu'avez-vous fait ? « Mais Jésus ne lui fit aucune
réponse ». Pilate lui avait entendu dire qu'il était né, et qu'il
était venu pour rendre témoignage à la vérité, et que son royaume n'était pas
de ce monde; son devoir était donc de résister courageusement à ses ennemis,
et de le délivrer; mais au contraire il se laisse entraîner par les fureurs
des Juifs : Jésus ne lui fait donc aucune réponse, parce que les questions de
Pilate n'étaient pas sérieuses. D'ailleurs ses œuvres lui rendaient un
témoignage assez éclatant, et il ne voulait point triompher de ses
accusateurs par ses discours et par l'habileté de ses moyens de défense pour
montrer qu'il était venu volontairement pour souffrir. —
Saint Augustin : Ce silence de Notre Seigneur
Jésus-Christ, dans plusieurs circonstances, est rapporté par tous les évangélistes.
Jésus se tait, en effet, devant le prince des prêtres, devant Hérode et
devant Pilate lui-même. Il accomplit ainsi pleinement cette prophétie : «
Il est demeuré dans le silence, sans ouvrir la bouche, comme un agneau est
muet devant celui qui le tond, » (Is 53) en ne répondant pas à ceux qui
l'interrogent. Il a répondu, sans doute, à plusieurs des questions qui lui
étaient faites, cependant la comparaison de l'agneau reste vraie pour les
circonstances où il n'a pas voulu répondre; ainsi son silence est une preuve,
non de sa culpabilité, mais de son innocence, et il a été devant ses juges,
non comme un coupable convaincu de ses crimes, mais comme un innocent, immolé
pour les péchés des autres. —
Saint Jean Chrysostome : Jésus, continuant de se taire,
« Pilate lui dit : Vous ne me parlez pas, ignorez-vous donc que j'ai le
pouvoir de vous crucifier et le pouvoir de vous délivrer ? » Voyez comment
Pilate ici se condamne lui-même. En effet, si tout dépend de vous, pourquoi
ne délivrez-vous pas celui en qui vous ne trouvez aucune cause de mort ?
Après que Pilate eut ainsi prononcé sa propre condamnation, Jésus lui
répondit : « Vous n'auriez sur moi aucun pouvoir, s'il ne vous était donné
d'en haut. » Il lui apprend ainsi que les événements qui le concernent ne
suivent pas la marche ordinaire des choses, et ne découlent pas de causes
naturelles, mais de raisons secrètes et surnaturelles; ne croyez pas
cependant que le Sauveur justifie entièrement pour cela la conduite de Pilate
: « C'est pourquoi, ajoute-t-il, celui qui m'a livré à vous est
coupable, d'un plus grand péché. » Mais, me direz-vous, si ce pouvoir a
été donné d'en haut, ni Pilate, ni les Juifs ne sont coupables de ces crimes
? [Vaine objection, car] ce pouvoir lui a été donné dans ce sens qu'il lui a
été accordé, c'est-à-dire que Dieu a permis tout ce qui arrivait, mais Pilate
et les Juifs n'en sont pas pour cela moins coupables. —
Saint Augustin : Notre Seigneur répond ici à
la question qui lui était faite; lors donc qu'il ne répondra pas, ce n'est ni
par conscience de sa culpabilité, ni par artifice, mais parce qu'il est
semblable à l'agneau [qui se tait devant ceux qui le tondent]; et, lorsqu'il
croit devoir répondre, c'est pour enseigner, comme pasteur. Recueillons donc
ici la leçon que Notre Seigneur nous donne, et qu'il nous enseigne encore par
son Apôtre : « Il n'y a point de pouvoir qui ne soit de Dieu » (Rm 13,
1) et celui qui, poussé par un noir sentiment d'envie, livre au pouvoir un
innocent pour le faire mettre à mort, est plus coupable que le dépositaire du
pouvoir lui-même qui condamne cet innocent, parce qu'il craint le pouvoir qui
lui est supérieur. En effet, le pouvoir que Dieu avait donné à Pilate était
subordonné à celui de César. C'est pour cela que Jésus lui dit : « Vous
n'auriez sur moi aucun pouvoir (c'est-à-dire le moindre pouvoir tel que
celui que vous avez), si ce pouvoir, quel qu'il soit, ne vous avait été
donné d'en haut. » Mais comme je connais l'étendue de ce pouvoir (qui ne
va pas jusqu'à être complètement indépendant), je déclare que celui qui m'a
livré entre vos mains est coupable d'un plus grand péché. C'est par un sentiment d'envie qu'il m'a
livré à votre pouvoir, tandis que c'est par un sentiment de crainte que vous
exercez contre moi ce pouvoir. Jamais on ne doit sacrifier à la crainte la
vie de quiconque, surtout d'un innocent, mais c'est un bien plus grand crime
de la sacrifier à l'envie plutôt qu’à la crainte. Aussi Notre Seigneur ne dit
pas : Celui qui m'a livré entre vos mains est coupable de péché (comme si
Pilate lui-même ne l'était pas), mais : il est coupable d'un plus grand
péché; » paroles qui devaient faire comprendre à Pilate qu'il était loin
d'être exempt de faute. — Théophylacte : « Celui qui m'a
livré, » c'est-à-dire Judas, ou la foule. Devant cette réponse si claire
de Jésus : « Si je ne me livrais moi-même, et si mon Père ne vous
l'accordait, vous n'auriez sur moi aucun pouvoir », Pilate fait de plus
grands efforts pour délivrer Jésus. « De ce moment, Pilate cherchait à le
délivrer. » —
Saint Augustin : Lisez ce qui précède, et
vous trouverez que déjà il avait cherché les moyens de mettre Jésus en
liberté. L'expression : « Depuis lors, de ce moment, de là, » signifie : à
cause de cela, pour ce motif, c'est-à-dire pour ne pas se rendre coupable de
péché, en condamnant à mort un innocent qui était livré entre ses mains. |
Lectio 4 |
Versets 12-16 |
[86147] Catena in Io., cap. 19 l. 4 Augustinus
in Ioannem. Maiorem timorem se ingerere putaverunt Iudaei Pilato terrendo
de Caesare ut occideret Christum, quam superius ubi dixerunt nos legem
habemus, et secundum legem debet mori, quia filium Dei se fecit; unde dicitur
Iudaei autem clamabant dicentes : si hunc dimittis, non es amicus Caesaris :
omnis enim qui se regem facit, contradicit Caesari. Chrysostomus in Ioannem. Sed unde habetis hoc
demonstrare? A purpura, a diademate, a curru, a militibus? Nonne solus semper
cum duodecim discipulis incedebat, per omnia vilia transiens, et cibum et
stolam et habitationem? Augustinus. Pilatus autem eorum legem non timuit ut
occideret; sed magis filium Dei timuit, ne occideret. Nunc vero non sic
potuit contemnere Caesarem auctorem potestatis suae, quemadmodum legem gentis
alienae; unde subditur Pilatus autem cum audisset hos sermones, adduxit foras
Iesum, et sedit pro tribunali in loco qui dicitur lithostratos, Hebraice
autem Gabbatha. Chrysostomus. Exiit quidem, ut scrutaturus rem :
sedere enim pro tribunali, hoc ostendebat. Glossa. Sicut enim tribunal est iudicum, sic thronus
vel solium regum, et cathedra doctorum. Beda. Lithostratos autem dicitur pavimentum quasi
lapide stratum; et erat locus sublimis. Sequitur erat autem parasceve
Paschae, hora quasi sexta. Alcuinus. Parasceve, idest praeparatio; hoc nomine
dicebatur sexta sabbati, in qua praeparabant necessaria sabbato, ut de manna
dictum est : sexta die colligetis duplum. Quia enim sexta die homo est
factus, et in septima requievit Deus, ideo sexta die pro homine patitur,
sabbato quiescit in sepulchro. Hora autem erat quasi sexta. Augustinus in Ioannem. Quid est ergo quod Marcus
dicit : erat hora tertia quando crucifixerunt eum, nisi quia hora tertia
crucifixus est dominus linguis Iudaeorum, hora sexta manibus militum? Ut
intelligamus horam quintam iam fuisse transactam, et aliquid de sexta
coeptum, quando sedit pro tribunali Pilatus, quae dicta est a Ioanne hora
quasi sexta; et cum duceretur et crucifigeretur, et iuxta eius crucem
gererentur quae gesta narrantur, hora sexta integra compleretur : ex qua hora
usque ad nonam sole obscurato, tenebras factas, trium Evangelistarum,
Matthaei, Marci et Lucae contestatur auctoritas. Sed quoniam Iudaei facinus
interfecti Christi a se in Romanos, idest Pilatum et eius milites, transferre
conati sunt, propterea Marcus ea hora qua Christus a militibus crucifixus est
praetermissa, tertiam potius horam recordatus expressit, ut non tantum
milites reperiantur crucifixisse Iesum, verum etiam Iudaei, qui ut
crucifigeretur, hora tertia clamaverunt. Est et alia huius solutio
quaestionis, ut non hic accipiatur hora sexta diei; quia neque Ioannes ait :
erat hora diei quasi sexta; sed ait erat parasceve hora quasi sexta.
Parasceve autem Latine praeparatio est Pascha enim nostrum, ut dicit
apostolus, immolatus est Christus : cuius Paschae praeparationem si ab hora
noctis nona computemus, quando videntur principes sacerdotum pronuntiasse
domini immolationem, dicentes : reus est mortis, usque ad horam diei tertiam,
qua crucifixum esse Christum Marcus Evangelista testatur, sex horae sunt :
tres nocturnae et tres diurnae. Theophylactus. Solvunt autem quidam, quod ex peccato
scriptoris contigerit apud Graecos : nam quaedam littera Graeca nomine gamma,
cuius talis est figura g, tertiam horam importat : quaedam autem figura, quae
ab eis vocatur episemon, quae talis est s, sextam horam importat. Ex
negligentia ergo scriptorum, praecedens figura cedere potuit in sequentem.
Chrysostomus in Ioannem. Pilatus ergo, ut
scrutaturus exiens, nullam tamen scrutationem faciens, tradit eum, aestimans
movendos esse eos; unde sequitur et dixit Iudaeis : ecce rex vester. Theophylactus. Quasi dicat : ecce qualem hominem
fatemini quod imperium vestrum capesseret, humilis, ut nihil tale possit
tentare. Chrysostomus. Et nimirum quae dicta sunt erant
sufficientia ut facerent eos de cetero ab ira cessare; sed trepidabant, ne
dimissus, rursus turbam ducat. Amor etenim principatus versutum quid est, et
animum sufficiens perdere : propterea magis insistunt; unde sequitur illi
autem clamabant : tolle, tolle. Interficere enim eum conantur exprobratissima
morte; unde subdunt crucifige eum, formidantes, ne aliqua eius post ipsum
fiat memoria. Augustinus. Adhuc autem Pilatus terrorem, quem de
Caesare ingesserant, superare conatur; unde subditur dixit eis Pilatus :
regem vestrum crucifigam? De ignominia eorum volens eos frangere, quos de
ignominia Christi mitigare non potuit. Sequitur responderunt pontifices : non
habemus regem, nisi Caesarem. Chrysostomus. Volentes seipsos
submiserunt supplicio; propterea et Deus tradidit eos; quia enim concorditer
negaverunt regnum Dei, dimisit eos in suum iudicium incidere : regnum enim
Christi refutantes, id quod Caesaris est super seipsos vocabant. Augustinus. Sed Pilatus timore mox vincitur; unde
sequitur tunc ergo tradidit eis illum, ut crucifigeretur. Apertissime enim
contra Caesarem venire videretur, si regem se non habere nisi Caesarem
profitentibus, alium regem vellet ingerere, dimittendo impunitum quem propter
hos ausus ei tradiderunt occidendum. Non autem dictum est tradidit eis illum
ut crucifigerent illum, sed ut crucifigeretur, scilicet iudicio ac potestate
praesidis. Sed ideo illis traditum dixit Evangelista, ut eos crimine
implicatos, a quo alieni esse conabantur, ostenderet; non enim faceret hoc
Pilatus, nisi ut id quod eos cupere cernebat, impleret. |
—
Saint Augustin : (Tr. 116 sur Saint Jean). Les Juifs
s'imaginèrent qu'en menaçant Pilate de César, ils lui inspireraient une
crainte plus grande encore, et qu'ils obtiendraient de lui la condamnation de
Jésus plus efficacement que lorsqu'ils lui avaient dit : « Nous avons une
loi, et selon notre loi il doit mourir, parce qu'il s'est fait Fils de Dieu.
» Mais les Juifs criaient : « Si vous le délivrez, vous n'êtes pas ami
de César, car quiconque se fait roi n'est pas ami de César. » —
Saint Jean Chrysostome : (Hom. 84 sur Saint Jean). Mais comment pouvez-vous prouver
qu'il a voulu se faire roi ? Par la pourpre dont il était revêtu ? par son
diadème ? par ses chars ? par ses soldats ? Est-ce qu'il ne marchait pas
toujours seul avec ses douze disciples, ne se servant que de ce qu'il y avait
de plus commun pour sa nourriture, pour son vêtement, pour son habitation ? —
Saint Augustin : La crainte de la loi des
Juifs n'avait eu aucune influence sur Pilate pour le déterminer à faire
mourir Jésus-Christ; il avait craint bien plus de livrer à la mort le Fils de
Dieu. Mais il ne put se résoudre à ne pas tenir compte de César, de qui il
tenait son pouvoir, comme il avait fait pour la loi d'un peuple étranger.
Aussi, dit l'Evangéliste, « Pilate,
ayant entendu ces paroles, fit amener Jésus dehors, et il s'assit sur son
tribunal au lieu qui est appelé liqostratoj, en hébreu gabatha. » —
Saint Jean Chrysostome : Pilate quitte les Juifs pour
examiner plus sérieusement encore cette affaire, ce qu'indiquent ces paroles : « Il s'assit sur son tribunal. » — La Glose : Le
tribunal est pour les juges ce que le trône est pour les rois, ce que la
chaire est pour les docteurs. —
Saint Bède : Le mot liqostratoj, qui signifie terrain pavé
de pierres, était un lieu élevé [comme l'indique le mot hébreu]. « C'était
le jour de la préparation de la Pâque, vers la sixième heure ». —
Alcuin : Le mot « parasceve »
veut dire préparation. C'est le nom que l'on donnait au sixième jour de la
semaine, parce que l'on préparait en ce jour ce qui était nécessaire pour le
jour du sabbat, comme Dieu l'avait recommandé pour la manne : « Le sixième jour, vous en recueillerez le
double. » (Ex 16) L'homme a été créé le sixième jour, et Dieu s'est
reposé le septième, c'est pour cela que le Sauveur a voulu souffrir le
sixième jour, et reposer le septième jour dans le sépulcre : « C'était vers la sixième heure. » —
Saint Augustin : (Traité 117 sur Saint Jean). Pourquoi donc saint Marc
rapporte-t-il que « ce fut à la
troisième heure qu'ils le crucifièrent » ? C'est-à-dire, qu'il fut crucifié
à la troisième heure par les langues des Juifs, et qu'il le fut à la sixième
heure par les mains des soldats. Il nous faut donc comprendre que la
cinquième heure était passée, et la sixième commencée lorsque Pilate s'assit
sur son tribunal à la sixième heure, comme le dit saint Jean, et que cette
sixième heure s'écoula tout entière, pendant le trajet du Calvaire, le
crucifiement et les différentes circonstances qui se passèrent au pied de la
croix. C'est depuis cette heure jusqu'à la neuvième que le soleil
s'obscurcit, et que les ténèbres se répandirent [sur toute la terre], comme
l'affirment les trois évangélistes saint Matthieu, saint Marc et saint Luc.
Mais comme les Juifs ont cherché à rejeter sur les Romains (c'est-à-dire sur
Pilate et ses soldats), le crime d'avoir mis à mort Jésus-Christ, saint Marc
passe sous silence l'heure à laquelle les soldats crucifièrent le Sauveur, et
rappelle de préférence la troisième heure, pour nous faire comprendre que ce
ne sont pas seulement les soldats qui l'ont crucifié, mais encore les Juifs
qui ont demandé à grands cris, à la troisième heure, qu'il fût crucifié. On
peut encore expliquer autrement celte difficulté en prenant cette sixième
heure [comme la sixième heure de la préparation et non] comme la sixième heure
du jour. En effet, saint Jean ne dit pas : C'était vers la sixième heure du
jour, mais : « C'était vers la sixième
heure de la préparation. » Le mot « parascere » signifie en
latin praeparatio, et, comme le dit
l'Apôtre : « Jésus-Christ, notre Agneau
pascal, a été immolé. » (1 Co 5) Or, si nous comptons la préparation de
cette pâque, depuis la neuvième heure de la nuit, où les princes des prêtres
prononcèrent, semble-t-il, l'arrêt de mort du Sauveur, en disant : « Il est digne de mort », jusqu'à la
troisième heure du jour, où l'évangéliste saint Marc rapporte qu'il fut
crucifié, nous trouvons six heures, trois heures de nuit et trois heures de
jour. — Théophylactus : Il en est qui résolvent cette difficulté en rejetant cette variante
sur la négligence d'un copiste parmi les Grecs, chez qui les lettres de
l'alphabet font l'office de chiffres. En effet, la lettre grecque appelée
γάμμα qui est caractérisée par le γ, désigne la
troisième heure, tandis qu'une autre lettre qu’ils appellent episemon, c'est-à-dire la lettre
ς, signifie la sixième heure. Or, il a pu très bien arriver que, par la
négligence des copistes, un de ces signes ait été employé pour l'autre. —
Saint Jean Chrysostome : Pilate était sorti sous le
prétexte de procéder à un nouvel interrogatoire, mais au fond il n'en fait
rien, et il abandonne Jésus aux Juifs, espérant les fléchir [par cette
condescendance] : « Et il dit aux Juifs
: Voilà votre roi. » — Théophylactus : C'est-à-dire : Voilà cet homme que vous accusez de vouloir usurper la
royauté; dans cet état d'humiliation, il ne peut rien entreprendre de
semblable. —
Saint Jean Chrysostome : Tout ce que Pilate leur
avait déjà dit devait suffire pour apaiser leur fureur, mais ils craignaient
qu'une fois délivré, Jésus n'entraînât de nouveau la multitude après lui; car
l'amour du pouvoir est plein d'artifices, et il est capable de conduire une
âme à sa perte. Aussi les Juifs redoublent-ils leurs instances : « Mais eux criaient : Otez-le, ôtez-le du
monde. » Ils s'efforcent de le faire mourir de la plus ignominieuse des
morts, et c'est pour cela qu'ils ajoutent : « Crucifiez-le, » tant ils redoutent que sa renommée survive à sa
mort. —
Saint Augustin : Pilate cherche encore à
surmonter la terreur que lui a inspiré le nom de César : « Pilate leur demanda : Crucifierai-je votre roi ? » Il veut
fléchir par la considération de leur propre ignominie ceux qu'il n'a pu adoucir
par le spectacle des ignominies de Jésus-Christ. « Les pontifes répondirent : Nous n'avons de roi que César. » —
Saint Jean Chrysostome : Dieu ne les a livrés au
châtiment que parce qu'ils l’ont envoyé au supplice de leur pleine volonté.
Ils ont repoussé unanimement le règne de Dieu, et Dieu les a rendus victimes
de leur propre jugement. Ils ont repoussé le règne de Jésus-Christ et ils ont
appelé sur eux le règne de César. —
Saint Augustin : Enfin Pilate se laisse
vaincre par la crainte : « Alors, il le
leur livra pour être crucifié. » Il aurait paru, en effet, se déclarer
ouvertement contre César en persistant à vouloir donner un autre roi à ceux
qui déclaraient n'avoir d'autre roi que César, et en accordant l'impunité à
celui dont ils lui demandaient la mort parce qu'il avait osé aspirer à la
royauté. L'Evangéliste ne dit pas : Il le leur livra pour qu'ils le
crucifient, mais : « afin qu'il fût
crucifié, » en vertu du jugement et du pouvoir du gouverneur. Mais il dit
positivement que Jésus leur fut livré pour montrer qu'ils étaient étroitement
associés au crime dont ils s'efforçaient d'éloigner d'eux le soupçon; car
jamais Pilate n’aurait agi ainsi s'il n'avait voulu en cela satisfaire leurs
plus vifs désirs. |
Lectio 5 |
Versets 16-18
|
[86148] Catena in Io., cap. 19 l. 5 Glossa. Ad
mandatum praesidis, milites Christum susceperunt crucifigendum; unde dicitur
susceperunt autem Iesum, et eduxerunt. Augustinus in Ioannem. Potest
enim hoc iam referri ad milites apparitores praesidis : nam postea evidentius
dicitur : milites ergo cum crucifixissent eum quamvis Evangelista, etiam si
totum Iudaeis tribuit, merito facit : ipsi enim fecerunt quidquid ut fieret
extorserunt. Chrysostomus in Ioannem. Sed quia lignum ut profanum
putabant et vitabant, et neque tangere ipsum sustinebant; crucem Iesu ut
condemnato imponunt; unde sequitur et baiulans sibi crucem, exivit in eum qui
dicitur Calvariae locum, Hebraice autem Golgotha, ubi eum crucifixerunt. Ita
et in typo factum est : Isaac etenim ligna portavit; sed tunc quidem usque ad
patris beneplacitum res processit; nunc autem in rebus effectum obtinuit,
veritas enim erat. Theophylactus. Sed quodammodo, ut illic Isaac
dimissus est, et mactatus est aries, sic et hic divina natura manet
impassibilis; sed humanitas, secundum quam aries dicitur, tamquam errantis
arietis Adae filius, hic mactata est. Sed qualiter alius Evangelista dicit,
quod angariaverunt Simonem, ut crucem portaret? Augustinus de Cons. Evang. Utrumque factum invenimus
: primo id quod Ioannes dicit, deinde quod ceteri tres; unde intelligitur
quod ipse sibi portabat crucem, cum exiret in locum memoratum. Augustinus in Ioannem. Grande spectaculum; sed si
spectet impietas, grande ludibrium; si pietas, grande mysterium. Videt
impietas regem pro virga regni lignum sui portare supplicii : videt pietas
regem baiulantem lignum ad seipsum figendum, quod fixurus fuerat etiam in
frontibus regum, spernendum oculis impiorum, in quo erant gloriatura corda
sanctorum : ipsam crucem suam gestans humero commendabat, et lucernae
arsurae, quae sub modio ponenda non erat, candelabrum ferebat. Chrysostomus. Et sicut victores, ita et ipse in
humeris portabat victoriae signum. Quidam autem dicunt, quod in illo loco qui
Calvariae dicebatur, Adam mortuus est et sepultus; ut in loco ubi mors
regnavit, illic et Iesus trophaeum statuerit. Hieronymus super Matth. Favorabilis interpretatio et
mulcens aurem populi, nec tamen vera. Extra urbem enim et foris portam loca
sunt in quibus truncantur capita damnatorum, et Calvariae, quasi decollatorum,
sumpsere nomen. Adam vero sepultum iuxta Ebron et Arbee in Iesu filii Nave
volumine legimus. Chrysostomus. Crucifigebant autem eum cum
latronibus; unde sequitur et cum eo alios duos hinc et inde : medium autem
Iesum : in hoc prophetiam implentes, quoniam cum iniquis reputatus est. Quae
enim conviciantes faciebant, haec veritati conferebant : volebat enim Daemon
quod fiebat obumbrare, sed non valuit : tribus enim in cruce affixis,
miracula quae fiebant, nulli ascripsit, nisi soli Iesu. Ita inanes Diaboli
artes factae sunt. Nec solum non obfuit gloriae eius; sed contulit non parum
: nam latronem in cruce convertere, et in Paradisum inducere, non minus fuit
quam concutere petras. Augustinus. Tamen et ipsa crux, si attendas,
tribunal fuit : in medio enim iudice constituto, unus latro, qui credidit,
liberatus; alter, qui insultavit, damnatus est : iam significabat quod
facturus est de vivis et mortuis, alios positurus ad dexteram, alios vero ad
sinistram. |
— La Glose : Sur l'ordre qui leur fut donné par le gouverneur, les soldats se
saisirent de Jésus pour le crucifier : «
Ils prirent donc Jésus et remmenèrent. » —
Saint Augustin : (Traité 110 sur Saint Jean). On peut entendre ici qu’il s’agissait
des soldats qui faisaient partie de la garde du gouverneur, car plus bas
l'Evangéliste s'exprime sans ambiguïté : «
Lorsque les soldats l'eurent crucifié. » Mais quand il attribuerait
exclusivement aux Juifs l'exécution tout entière du crime, ce ne serait que
justice, car ils sont véritablement les auteurs de la condamnation qu'ils ont
arrachée à Pilate. —
Saint Jean Chrysostome : (Hom. 83 sur Saint Jean). Mais comme aux yeux des Juifs le bois
de la croix était un bois souillé qu'ils évitaient avec soin et qu'ils
n'auraient jamais consenti à toucher, ils en chargèrent Jésus lui-même comme
un criminel condamné à mort : « Et
portant sa croix, il sortit vers le lieu dit « du Crâne », ce qui
se dit en hébreu « Golgotha », où ils le crucifièrent.» C'est ce qui déjà avait eu lieu dans celui
qui était la figure [du Sauveur], Isaac, qui avait porté lui-même le bois de
son sacrifice : mais alors le sacrifice figuratif ne s'accomplit que selon la
volonté du père, tandis qu'il dut s'accomplir ici en réalité, parce que
c'était la vérité. — Théophylactus : De même qu'Isaac fut délivré et qu'un bélier fut immolé à sa place, de
même la nature divine demeure ici impassible, et il n'y a eu d'immolée que
l'humanité, qui fait comparer le Sauveur à un bélier, comme étant le fils
d'Adam, semblable à un bélier qui s'est égaré. Mais comment expliquer ce que
dit un autre évangéliste, qu'ils forcèrent Simon de porter la croix ? —
Saint Augustin : (De l'accord des Evang., 3,
10). Les deux choses se sont faites successivement, d'abord ce que dit saint
Jean, et ensuite ce que rapportent les trois autres évangélistes; il faut
donc admettre qu'il portait lui-même sa croix au moment où il se dirigeait
vers le lieu du Calvaire. —
Saint Augustin : (Trait. 117 sur Saint Jean). Quel grand spectacle ! Mais aux yeux
de l'impiété, quel immense sujet de moquerie ! aux yeux de la piété, quel
grand et touchant mystère ! L'impiété tourne en dérision ce Roi qu'elle voit,
au lieu de sceptre, porter le bois de son supplice; la piété contemple ce Roi
qui porte cette croix où il devait se clouer lui-même avant de la placer sur
le front des rois. Cette croix le rendra un objet de mépris pour les impies,
mais les cœurs des saints y placeront toute leur gloire. Il relève donc, la
croix en la portant sur ses épaules, et il portait ainsi le chandelier de
cette lampe qui devait répandre sa lumière et ne point demeurer sous le
boisseau. —
Saint Jean Chrysostome : Semblable aux triomphateurs,
il portait sur ses épaules le signe de sa victoire. Il en est qui prétendent
qu'Adam est mort et enseveli dans cet endroit qui est appelé Calvaire, et que
Jésus avait voulu établir le trophée de sa victoire là où la mort avait
inauguré son règne. —
Saint Jérôme : (Sur Saint Matth). Cette opinion flatte agréablement
l'esprit du peuple, mais elle est dénuée de vérité. Car, c'est hors de la
ville et au delà des portes que l'on tranchait la tête à ceux que l'on
condamnait à mort, d'où ce lieu a pris le nom de Calvaire (ou lieu de ceux
qui sont décapités). Quant à Adam, nous lisons dans le livre de Josué, fils
de Navé, qu'il a été enseveli entre Ebron et Arbée. —
Saint Jean Chrysostome : Or, ils le crucifièrent avec
des voleurs, dit l'Evangéliste : « Ils
le crucifièrent, et avec lui deux autres, un de chaque côté, et Jésus au
milieu, » accomplissant ainsi [malgré eux] la prophétie d'Isaïe : « Il a été mis au nombre des scélérats »
(Is 53) ; et c'est que ce qu'ils faisaient pour l'outrager servait au
triomphe de la vérité. Le démon voulait obscurcir l'éclat de cette mort, mais
il ne put y parvenir. Il y avait trois crucifiés, mais personne n'attribua à
un autre qu'à Jésus les miracles qui se firent. Tous les efforts du démon
furent donc inutiles; et, loin d'obscurcir sa gloire, il la fit briller d'un
plus vif éclat, car le miracle que fit Jésus en convertissant un des voleurs
et en lui ouvrant les portes du ciel n’est pas moindre que celui d'ébranler
et de fendre les rochers. —
Saint Augustin : (Trait. 31 sur Saint Jean, vers la fin). Cependant, si vous
voulez y faire attention, la croix de Jésus fut un tribunal; le juge était
placé au milieu de deux criminels : l'un des deux crut et fut sauvé; l'autre
insulta son juge et fut condamné. Il commençait à faire dès lors ce qu'il
doit accomplir un jour à l'égard des vivants et des morts, en plaçant les uns
à sa droite et les autres à sa gauche. |
Lectio 6 |
Versets 19-22
|
[86149] Catena in Io., cap. 19 l. 6 Chrysostomus
in Ioannem. Sicut in trophaeo litterae ponuntur victoriam ostendentes, ita
Pilatus titulum cruci Christi inscripsit; unde dicitur scripsit autem et
titulum Pilatus, et posuit super crucem : simul quidem pro Christo
respondens, ut eum a communione latronum discerneret; simul autem et de
Iudaeis ulciscens, ostendens scilicet ipsorum malitiam, dum in suum regem
insurrexerunt; unde sequitur erat autem scriptum : Iesus Nazarenus rex
Iudaeorum. Beda. In quo monstrabatur iam tum regnum ipsius,
non, ut ipsi putabant, destructum, sed potius augmentatum. Augustinus in Ioannem. Sed Iudaeorum tantum rex
Christus est, an etiam gentium? Immo et gentium; cum enim dixisset : ego
autem sum constitutus rex ab eo super Sion montem sanctum eius, subiecit :
postula a me, et dabo tibi gentes hereditatem tuam. Magnum ergo volumus
intelligi in hoc titulo sacramentum : quia scilicet oleaster factus est
particeps pinguedinis oleae, non olea particeps facta est amaritudinis
oleastri. Rex ergo Iudaeorum Christus, secundum Iudaeorum circumcisionem, non
carnis, sed cordis; non littera, sed spiritu. Sequitur hunc ergo titulum
multi legebant Iudaeorum : quia prope civitatem erat locus ubi crucifixus est
Iesus. Chrysostomus. Credibile autem est multos gentiles
simul cum Iudaeis propter festum convenisse; et ideo ut nullus ignoraret, non
in una lingua, sed in tribus scripsit; unde subditur et erat scriptum
Hebraice, Graece et Latine. Augustinus. Hae quippe tres linguae ibi prae ceteris
eminebant : Hebraea propter Iudaeos in lege Dei gloriantes; Graeca propter
gentium sapientes; Latina propter Romanos multis et pene omnibus tunc
gentibus imperantes. Theophylactus. Significat autem superscriptio
triplici sermone figurata, dominum esse regem practicae, physicae, nec non
theologiae. Nam per Latinas litteras figuratur practica, eo quod Romanorum
imperium potentissimum, satisque officiosum in expeditionibus fuerit. Per
Graecas vero litteras physica figuratur : Graeci namque erga naturalium
speculationem insudaverunt. Demum per Hebraicas theologia praetenditur, dum
Iudaeis est credita rerum divinarum agnitio. Chrysostomus. Iudaei autem crucifixo invidebant;
unde sequitur dicebant ergo Pilato pontifices Iudaeorum : noli scribere : rex
Iudaeorum; sed : quia ipse dixit : rex sum Iudaeorum. Nam haec quidem
enuntiatio est, et communis sententia. Si vero adiciatur quoniam ipse dixit,
ipsius petulantiae et extollentiae ostenderetur crimen esse. Sed Pilatus in
priori stetit mente; unde sequitur respondit Pilatus : quod scripsi scripsi. O ineffabilem vim divinae operationis etiam in cordibus
ignorantium. Nonne occulta vox quaedam Pilato intus quodam, si dici potest,
clamoso silentio personabat quod tanto ante in Psalmorum litteris prophetatum
est : ne corrumpas tituli inscriptionem? Sed quid loquimini, insani
pontifices? Numquid enim propterea non erit verum, quia Iesus ait : rex sum
Iudaeorum? Si corrumpi non potest quod Pilatus scripsit, corrumpi potest quod
veritas dixit? Ideo enim Pilatus quod scripsit scripsit, quia dominus quod
dixit dixit. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (Hom. 84 sur Saint Jean). De même que l'on met sur les trophées
des inscriptions qui rappellent les victoires des triomphateurs, ainsi Pilate
place une inscription sur la croix de Jésus : « Pilate fil aussi une inscription qu'il fit mettre au haut de la
croix. » Il veut par là prendre la défense de Jésus-Christ et séparer sa
cause de celle des voleurs, et tout à la fois se venger des Juifs, en faisant
ainsi connaître publiquement l'excès de leur malice, qui les a portés à
s'élever contre leur propre roi : « Il
y était écrit : Jésus de Nazareth, roi des Juifs. » —
Saint Bède : Il était ainsi démontré que
le règne de Jésus-Christ, loin d'être détruit comme le pensaient les Juifs,
était bien plutôt affermi. —
Saint Augustin : (Traité 118 sur Saint Jean). Mais est-ce que Jésus est seulement
le roi des Juifs ? n’est-il pas aussi le roi des Gentils ? Oui sans doute, il
l'est aussi des Gentils, car après avoir dit par la bouche du prophète : « J'ai été établi roi par lui sur Sion, sa
montagne sainte, » il ajoute : «
Demandez-moi, et je vous donnerai les nations pour héritage. » (Ps 20) Il
nous faut donc voir dans cette inscription un grand mystère, c'est-à-dire que
l'olivier sauvage a pris part à la sève et au suc de l'olivier (Rm 11, 17),
et que ce n'est pas l'olivier franc qui a pris part à l'amertume de l'olivier
sauvage. Jésus-Christ est donc le roi des Juifs, mais des Juifs circoncis de
cœur plutôt qu'extérieurement, de cette circoncision qui se fait par
l'esprit, et non par la lettre. « Beaucoup de
Juifs lurent cette inscription, parce que le lieu où Jésus fut crucifié était
près de la ville. » —
Saint Jean Chrysostome : Il est vraisemblable qu'un
grand nombre de Gentils s'étaient rendus avec les Juifs à Jérusalem pour la
fête de Pâque, et afin que tous puissent lire cette inscription, elle fut
écrite non dans une seule langue, mais dans trois langues différentes : « Elle était écrite en hébreu, en grec et
en latin. » —
Saint Augustin : Ces trois langues étaient
alors les plus répandues : la langue hébraïque, qui était celle des Juifs qui
se glorifiaient de leur loi; la langue grecque, celle des sages parmi les
païens; la langue latine, qui était celle des Romains, dont la domination
s'étendait alors sur presque toutes les nations de la terre. — Théophylactus : Cette inscription en trois langues signifiait que le Christ était le
roi des trois sciences, la science pratique, la physique et la théologie. La
langue latine figure la science pratique, les Romains ayant déployé, dans
leurs expéditions, une puissance et une habileté sans égale; la langue
grecque est le symbole de la science physique, parce qu'en effet les Grecs
ont consacré tous leurs efforts à la découverte des phénomènes de la nature;
enfin la langue hébraïque signifie la théologie, parce que c'est aux Juifs
qu'a été confiée la connaissance des choses divines. —
Saint Jean Chrysostome : L'envie des Juifs poursuit
Jésus-Christ jusque sur la croix : «
Les princes des prêtres dirent donc à Pilate : N'écrivez point : Le roi des
Juifs; mais qu'il s'est dit roi des Juifs. » Car cette inscription semble
affirmer la proposition qu'elle exprime; mais si l'on ajoute qu'il s'est dit
roi des Juifs, on y verra une preuve de son audacieuse et criminelle
ambition. Mais Pilate persévère dans son premier dessein : « Pilate répondit : Ce qui est écrit est
écrit. » —
Saint Augustin : [référence à
vérifier] O
puissance ineffable de l'action de Dieu jusque dans les cœurs de ceux qui la
méconnaissent ! Ne semble-t-il pas qu'une voix secrète, un silence qui avait
son éloquence faisait retentir aux oreilles de l’âme de Pilate ce qui avait
été prédit si longtemps auparavant dans le livre des Psaumes : « Ne changez pas l'inscription du titre ?
» Mais que dites-vous, prêtres insensés ! Cette inscription
cessera-t-elle d'être vraie, parce que Jésus a dit : « Je suis roi des Juifs ? » Si l'on ne peut changer ce que Pilate
a écrit, pourra-t-on changer ce qui est affirmé par la vérité elle-même ?
Pilate a écrit ce qu'il a écrit, parce que le Seigneur a véritablement dit ce
qu'il a dit. |
Lectio 7 |
Versets 23-24
|
[86150] Catena in Io., cap. 19 l. 7 Augustinus
in Ioannem. Iudicante Pilato, milites qui ei parebant crucifixerunt Iesum;
unde dicitur milites ergo, cum crucifixissent eum, acceperunt vestimenta eius
: et tamen si voluntates, si clamores eorum cogitemus, Iudaei magis
crucifixerunt. Sed de partitione sortitioneque vestimentorum eius, ceteri
Evangelistae brevius et clause; iste vero apertissime locutus est; nam
sequitur et fecerunt quatuor partes, unicuique militi partem : unde apparet
quatuor fuisse milites qui in eo crucifigendo praesidi paruerunt. Sequitur et
tunicam : subaudiendum est : acceperunt; ut iste sit sensus : acceperunt
autem et tunicam; et sic locutus est, ut de ceteris vestimentis nullam sortem
missam esse videamus; sed de tunica, quam simul cum ceteris acceperunt, sed
non similiter diviserunt; de hac enim sequitur exponens erat autem tunica
inconsutilis, desuper contexta per totum. Chrysostomus in Ioannem. Ipsam speciem tunicae
Evangelista historice designat : quia enim in Palaestina duos pannos
connectentes subtexunt indumenta, ostendit Ioannes quod talis erat tunica
Iesu; occulte vilitatem vestimentorum insinuans. Theophylactus. Alii vero dicunt, quod apud
Palaestinam telas contexunt, non velut apud nos texuntur, existente superius
stamine, inferius vero texentibus; ut sic non versus partem supremam textura
protendat, sed e contra. Augustinus. Cur autem de illa sortem miserint narrat,
dicens dixerunt ergo ad invicem : non scindamus eam, sed sortiamur de illa,
cuius sit. Apparet itaque in aliis vestimentis aequales se habuisse partes,
ut sortiri necesse non fuerit; in illa vero una non eos habere potuisse
singulas partes nisi scinderetur, ut pannos eius inutiliter tollerent : quod
ne facerent, ad unum eam pervenire sortitione maluerunt. Huius Evangelistae
narrationi consonat et propheticum testimonium; unde subiungit ut Scriptura
impleretur dicens : partiti sunt vestimenta mea sibi, et in vestem meam
miserunt sortem. Chrysostomus. Intuere prophetiae certitudinem : non
enim quae partiti sunt solum, sed et quae non partiti sunt, dixit propheta :
nam vestimenta quidem diviserunt, sed vestem sorti concesserunt. Augustinus. Matthaeus dicendo : diviserunt
vestimenta eius, sortem mittentes, totam divisionem vestimentorum voluit
intelligi, et ad illam tunicam pertinere, de qua sortem miserunt. Tale est
quod etiam ait Lucas : dividentes vestimenta eius, miserunt sortes.
Dividentes enim venerunt ad tunicam, de qua est sortitio. Dicendo autem
sortes, pluralem numerum pro singulari posuit. Marcus autem solus videtur
intulisse aliquam quaestionem : dicendo enim : mittentes sortem super eis,
quis quid tolleret, tamquam super omnibus vestimentis, non super sola tunica
sors missa sit, locutus videatur. Sed haec brevitas obscuritatem facit. Sic
enim dictum est : mittentes sortem super eis, ac si diceretur : mittentes
sortem cum dividerentur. Cum autem dicit : quis quid tolleret, idest quis
tunicam tolleret, tamquam si totum ita diceretur : mittentes sortem super
eis, quis tunicam, quae partibus aequalibus superfuerat, tolleret.
Quadripartita autem vestis domini nostri Iesu Christi, quadripartitam
figuravit eius Ecclesiam, quatuor scilicet partibus in orbe diffusam, et in
eisdem aequaliter, idest concorditer, distributam. Tunica vero illa sortita,
omnium partium significat unitatem, quae caritatis vinculo continetur. Si
autem caritas et supereminentiorem habet viam, et supereminet scientiae, et
super omnia praecepta est, secundum illud : super omnia autem haec caritatem
habete; merito vestis, qua significatur, desuper contexta perhibetur. Et
addidit per totum : quia nemo eius est expers qui pertinere invenitur ad
totum, a quo toto Catholica vocatur Ecclesia. Inconsutilis autem, ne
aliquando dissuatur; et ad unum provenit, quia in unum omnes colligit. In
sorte autem, Dei gratia commendata est : cum enim sors mittitur, non personae
cuiusque, vel meritis, sed occulto iudicio Dei ceditur. Chrysostomus. Vel, sicut quidam dicunt, tunica
inconsutilis desuper contexta per totum, secundum allegoriam ostendit quoniam
non simpliciter homo erat qui crucifixus est, sed et desuper deitatem habebat.
Theophylactus. Vel aliter. Vestis inconsutilis
denotat corpus Christi, quod a superiori parte contextum est : spiritus enim
sanctus supervenit, et virtus altissimi virgini obumbravit. Hoc ergo
sacrosanctum Christi corpus indivisibile constat : nam et si dividatur per
singulos, sanctificans uniuscuiusque animam simul et corpus, integre tamen et
indivisibiliter consistit in omnibus. At quoniam ex quatuor elementis mundus
consistit, intelligenda est per Christi vestimenta visibilis creatura, quam
inter se dividunt Daemones, quoties morti tradunt verbum Dei quod habitat in nobis,
ac satagunt nos suae partis efficere per mundanas illecebras. Augustinus. Nec ideo ista non aliquid boni
significasse quis dixerit, quia per malos facta sunt : quid enim de ipsa
cruce dicturi sumus, quae similiter ab impiis facta est? Et tamen ea significari
recte intelligitur quod ait apostolus : quae sit latitudo, longitudo,
altitudo et profundum. Lata est quippe in transverso ligno, quo extenduntur
pendentes manus, et significat opera bona in latitudine caritatis : longa est
a transverso ligno usque ad terram, et significat perseverantiam in
longitudine temporis : alta est in cacumine, quo transversum lignum sursum
versus excedit, et significat supernum finem, quo cuncta opera referuntur :
profunda est in ea parte quae in terra figitur; ibi quippe occulta est, sed
cuncta eius apparentia inde consurgunt, sicut bona nostra de profunditate
gratiae Dei, quae comprehendi non potest, universa procedunt. Sed etsi crux
Christi hoc solum significet quod ait apostolus : qui Christi sunt, carnem
suam crucifixerunt cum passionibus et concupiscentiis, quam magnum bonum est.
Postremo quid est signum Christi nisi crux Christi? Quod signum nisi
adhibeatur sive frontibus credentium, sive ipsi aquae, ex qua regenerantur,
sive oleo, quo chrismate unguntur, sive sacrificio quo aluntur, nihil eorum
vitae proficitur. |
—
Saint
Augustin : (Traité 118 sur Saint
Jean). Sur le jugement rendu par Pilate, les soldats placés sous ses
ordres crucifièrent Jésus, comme le dit l'Evangéliste : « Les soldats, après avoir crucifié Jésus, prirent ses vêtements…»
Et cependant si nous considérons les intentions, si nous prêtons l'oreille
aux cris qui se font entendre, ce sont bien plutôt les Juifs qui l'ont
crucifié. Les trois autres évangélistes ont raconté plus succinctement et
d’une manière obscure ce partage et le tirage au sort des vêlements du
Sauveur, tandis que saint Jean entre ici dans de plus grands détails : « Ils en firent quatre parts, une pour
chaque soldat. » On voit par là que ce furent quatre soldats qui
crucifièrent Jésus sur les ordres de Pilate : « et sa tunique » ; sous-entendez : « Ils prirent » pour donner à la phrase ce sens : « Ils prirent aussi sa tunique. »
L'Evangéliste s'exprime de la sorte pour nous faire comprendre que les
soldats partagèrent les autres vêtements sans les tirer au sort, ce qu'ils ne
firent que pour la tunique, qu'ils prirent avec ses autres vêtements sans la
partager. « Et cette tunique, poursuit-il, était sans couture, d'un seul tissu
depuis le haut jusqu'en bas. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 85 sur Saint Jean). Saint Jean nous fait ici une
description de la tunique du Sauveur, et comme c'est l'usage dans la
Palestine de faire les vêtements avec deux morceaux d'étoffe que l'on réunit
ensemble, il veut nous montrer que telle était la tunique de Jésus, pour nous
faire comprendre indirectement la pauvreté de ses vêtements. — Théophylactus : D'autres disent que dans la Palestine on tisse la toile non comme chez
nous en mettant le tissu au-dessous et la chaîne au-dessus de manière que le
tissu se dirige vers le haut, mais dans un sens tout contraire. —
Saint Augustin : L'Evangéliste nous apprend
ensuite pourquoi cette tunique fut tirée au sort : « Ils se dirent donc entre eux : Ne la divisons point, mais tirons au
sort à qui elle sera.» Ils avaient donc divisé en parties égales les
autres vêtements, ce qui avait rendu superflu le tirage au sort; mais pour
cette tunique, ils ne pouvaient en avoir chacun une partie qu'en la coupant
en quatre lambeaux qui leur eussent été complètement inutiles. Pour éviter
cet inconvénient, ils aimèrent mieux que le sort la rendît la part d'un seul.
Les oracles des prophètes viennent rendre ici témoignage au récit évangélique
: « afin que s'accomplît cette parole
de l'Ecriture : Ils se sont partagé mes vêtements, et ils ont tiré ma robe au
sort.» —
Saint Jean Chrysostome : Voyez quelle précision dans
sa prophétie; le Prophète ne prédit pas seulement ce que les soldats ont
partagé, mais ce qui n'a pu être l'objet d'un partage, en effet, ils ont
partagé les vêtements, mais ils ont tiré au sort la tunique qu'ils n'ont pas
voulu diviser. —
Saint Augustin : Le récit de saint Matthieu
ainsi conçu : « Ils se partagèrent ses
vêtements en les tirant au sort, » a voulu nous faire entendre que ce
partage s'étendit à tous les vêtements et à la tunique elle-même qu'ils
tirèrent au sort. Saint Luc s'exprime en termes à peu près semblables : « Partageant ensuite ses vêtements, ils
les tirèrent au sort, » c'est-à-dire qu'en partageant ses vêtements, ils
en vinrent à la tunique qu'ils tirèrent au sort. Saint Luc a mis le mot « sort »
au pluriel sortes pour le singulier
sortem. Le récit du saint Marc,
seul paraît faire quelque difficulté : «
Ils se partagèrent ses vêtements, les tirant au sort, pour savoir ce que
chacun en emporterait. » Il semble par là qu'ils aient tiré au sort la
totalité des vêtements, et non la tunique seule ; mais cette ambiguïté n'est
due qu'à la concision du récit. Ces paroles : « Les tirant au sort » équivalent à celles-ci : « Les tirant au
sort au moment du partage. » Il ajoute : «
pour savoir ce que chacun en emporterait, » c'est-à-dire pour savoir qui
emporterait sa tunique, et le sens complet de la phrase serait celui-ci : «
Ils tirèrent ses vêtements au sort pour savoir qui emporterait sa tunique qui
restait après le partage égal des autres vêtements ». Les vêtements de
Notre Seigneur Jésus-Christ, partagés
en quatre parts représentent l'universalité de l'Eglise qui s'étend aux
quatre parties du monde, et qui se trouve également répandue dans chacune
d'elles. La tunique tirée au sort figure l'unité de toutes les parties unies
entre elles par le lien de la charité. Mais si la charité nous ouvre une voie
plus excellente (1 Co 12), si elle est supérieure à la science (Ep 3), si
elle est le premier de tous les commandements selon ces paroles de saint Paul
: « Par-dessus tout ayez la charité, »
(Col 3) c'est avec raison que le vêtement est le symbole d'un seul tissu
depuis le haut jusqu'en bas. L'Evangéliste ajoute : « jusqu'en bas, » car il faut nécessairement avoir la charité
pour appartenir à ce grand tout qui s'appelle l'Eglise catholique. Elle est
sans couture pour qu'elle ne puisse se séparer, et elle devient la possession
d'un seul, parce qu'elle ramène tous les hommes à l'unité. Le tirage au sort
est une figure de la grâce de Dieu, car lorsqu'on règle une chose par le sort
on ne tient compte ni de la qualité des personnes ni de leurs mérites, mais
on laisse la décision aux dispositions secrètes des jugements de Dieu. —
Saint Jean Chrysostome : Ou bien encore, selon
l'interprétation de quelques-uns, cette tunique sans couture, d'un seul tissu
dans toute son étendue, figure dans le sens allégorique que ce n'est pas
seulement un homme mais un Dieu qui est crucifié. —
Théophylactus : On peut dire encore que cette tunique sans couture est la figure du
corps de Jésus-Christ qui est comme tissu dans sa partie supérieure, car
l'Esprit saint est survenu dans la Vierge Marie; et la vertu du Très-Haut l'a
couverte de son ombre. Le très saint corps de Jésus-Christ est donc indivisible;
car bien qu'il soit distribué à tous pour sanctifier l'âme et le corps de
chaque fidèle, cependant il est dans tous en entier et d'une manière
indivisible. Comme le monde visible est composé de quatre éléments, on peut
voir dans les vêtements du Sauveur [partagés en quatre parties égales] les
créatures visibles que les démons se partagent entre eux, toutes les fois
qu'ils mettent à mort le Verbe de Dieu qui habite en nous, et qu'ils
s'efforcent de nous entraîner dans leur malheureux sort par les charmes
trompeurs des plaisirs du monde. —
Saint Augustin : De ce que cette action est
accomplie par des hommes pervers, il ne s'ensuit pas qu'elle ne puisse être
la figure d'une bonne chose, car alors que dirons-nous de la croix elle-même
qui a été préparée par les impies ? Et cependant nous y voyons figurées ces
dimensions mystérieuses dont parle l'Apôtre, c'est-à-dire, « la largeur, la longueur, la hauteur et
la profondeur. » (Ep 3, 18). La largeur est dans le bois transversal sur
lequel les bras du crucifié sont étendus, elle figure les bonnes oeuvres qui
s'accomplissent dans toute l'expansion de la charité. La longueur est dans la
partie qui descend jusqu'à terre et signifie la persévérance qui est égale à
la longueur du temps. La hauteur est dans le sommet qui s'élève au-dessus de
la partie transversale; elle figure la fin surnaturelle à laquelle nous
devons rapporter toutes nos oeuvres. La profondeur enfin est dans la partie
qui s'enfonce dans la terre; cette partie est cachée, c'est elle cependant
qui soutient toutes les parties apparentes de la croix; c'est ainsi que le
principe de toutes nos bonnes oeuvres sort des profondeurs de la grâce de
Dieu que personne ne peut comprendre. Mais quand même la croix de
Jésus-Christ ne figurerait autre chose que ce que l'apôtre saint Paul exprime
en ces termes : « Ceux qui
appartiennent à Jésus-Christ ont crucifié leur chair avec ses passions et ses
désirs déréglés » (Ga 5, 24), quel grand bien ce serait déjà ! Enfin
qu'est-ce que le signe de Jésus-Christ, si ce n'est sa croix ? Si on
n'imprime ce signe sur les fronts des fidèles, si on ne le trace sur l'eau
qui les régénère, sur l'huile du chrême qui sert à l'onction sainte, sur le
sacrifice qui les nourrit, aucun de ces sacrements n’est utile à la vie.. |
Lectio 8 |
Versets 25-27 |
[86151] Catena in Io., cap. 19 l. 8 Theophylactus. Cum
milites quae ad propriam spectabant socordiam prosequebantur, ipse de
genitricis cura sollicitus est; unde dicitur et milites quidem haec fecerunt
: stabant autem iuxta crucem Iesu mater eius, et soror matris eius, Maria
Cleophae et Maria Magdalene. Ambrosius. Maria mater domini ante crucem stabat
filii. Nullus me hoc docuit nisi sanctus Ioannes Evangelista. Mundum alii
concussum in passione domini conscripserunt, caelum tenebris obductum,
refugisse solem, in Paradisum latronem, sed post piam confessionem, receptum.
Ioannes docuit quod alii non docuerunt, quemadmodum in cruce positus matrem
appellaverit. Pluris putavit quod victor suppliciorum, pietatis officia matri
exhibebat, quam quod regnum caeleste donabatur vitae aeternae. Nam si
religiosum est quod latroni donatur vita, multo uberioris pietatis est quod a
filio mater tanto affectu honoratur : ecce, inquit, filius tuus. Ecce mater
tua. Testabatur de cruce Christus, et inter matrem atque discipulum dividebat
pietatis officia. Condebat dominus non solum publicum, sed etiam domesticum
testamentum. Et hoc eius testamentum signabat Ioannes, dignus tanto testatore
testis. Bonum testamentum non pecuniae, sed vitae aeternae, quod non atramento
scriptum est, sed spiritu Dei vivi : lingua mea calamus Scribae velociter
scribentis. Sed nec Maria minor quam matrem Christi decebat, fugientibus
apostolis, ante crucem stabat, et piis spectabat oculis filii vulnera, quia
spectabat non in pignoris mortem, sed in mundi salutem; aut fortasse quia
cognoverat per filii mortem mundi redemptionem, aula regalis etiam sua morte
putabat se aliquid publico addituram muneri; sed Iesus non egebat adiutore ad
redemptionem omnium, qui omnes sine adiutore servavit; unde et dicit : factus
sum homo sine adiutorio inter mortuos liber. Suscepit quidem affectum
parentis, sed non quaesivit alterius auxilium. Hanc imitamini, matres
sanctae, quae in unico filio dilectissimo tantum maternae virtutis exemplum
dedit : neque enim vos dulciores liberos habetis, neque illud virgo quaerebat
solatium, ut alium posset generare filium. Hieronymus contra Helvidium. Maria ista, quae in
Marco et Matthaeo, Iacobi et Ioseph mater dicitur, fuit uxor Alphaei, et
soror Mariae matris domini quam Mariam Cleophae nunc Ioannes cognominat, a
patre, sive a gentilitate familiae, aut quacumque alia causa ei nomen
imponens. Si autem inde tibi alia atque alia videtur, quod alibi dicatur
Maria Iacobi minoris mater, et hic Maria Cleophae, disce Scripturae
consuetudinem, eumdem hominem diversis nominibus appellari. Chrysostomus in Ioannem. Et considera, quod
imbecillius genus, scilicet mulierum, virilius apparuit iuxta crucem stando,
fugientibus discipulis. Augustinus de Cons. Evang. Nisi autem Matthaeus et
Lucas Mariam Magdalene nominassent, potuissemus dicere alias a longe, alias
iuxta crucem fuisse : nullus enim eorum praeter Ioannem matrem domini
commemoravit. Nunc ergo quomodo intelligitur eadem Maria Magdalene, et a
longe stetisse cum aliis mulieribus, sicut Matthaeus et Lucas dicunt, et
iuxta crucem fuisse, sicut Ioannes dicit, nisi quia in tanto intervallo erant
ut iuxta dici possent, quia in conspectu eius praesto aderant, et a longe in
conspectu turbae propinquius circumstantis cum centurione et militibus?
Possumus etiam intelligere quod illae quae simul aderant cum matre domini,
postquam eam discipulo commendavit, abire iam coeperant, ut a densitate
turbae se eruerent, et cetera quae facta sunt, longius intuerentur; ut ceteri
Evangelistae, qui post mortem domini eas commemoraverunt, iam longe stantes
commemorarent. Quid autem interest ad veritatem quod quasdam mulieres pariter
omnes, quasdam singuli nominaverunt? Chrysostomus. Et cum aliae mulieres astarent,
nullius alterius meminit nisi matris, docens nos plus aliquid matribus
praebere. Sicut enim parentes circa spiritualia adversantes neque nosse
oportet, ita quando nihil impediunt, omnia decet eis praebere, et aliis
praeferre; unde subditur cum vidisset ergo Iesus matrem, et discipulum stantem
quem diligebat, dicit matri suae : mulier, ecce filius tuus. Beda. Dilectionis indicio Evangelista suam
demonstrat personam : non quod exceptis ceteris solus, sed prae ceteris
familiarius propter privilegium castitatis a domino amabatur, quoniam virgo
ab eo vocatus, virgo permansit in aevum. Chrysostomus. Papae. Quanto discipulum honoravit
honore. Sed ipse seipsum occultat, moderate sapiens : si enim vellet
gloriari, et causam utique adiecisset propter quam amabatur : etenim
conveniens est magnam quamdam et mirabilem esse causam. Ideo autem nihil
aliud Ioanni loquitur, neque consolatur tristantem, quoniam tempus non erat
verborum consolatione. Sed neque parum erat honorari eum tali honore. Quia
vero conveniens erat matrem existentem dolore oppressam procurationem
quaerere, quia ipse aberat, discipulo qui diligebatur tradidit diligentiam
habituro; unde sequitur deinde dicit discipulo : ecce mater tua. Augustinus in Ioannem. Haec nimirum est illa hora de
qua Iesus aquam conversurus in vinum dixerat matri : quid mihi et tibi est,
mulier? Nondum venit hora mea. Tunc enim divina facturus, non divinitatis,
sed humanitatis vel infirmitatis matrem velut incognitam repellebat; nunc
autem humana iam patiens, ex qua factus fuerat homo, affectu commendabat humano.
Moralis igitur insinuatur locus, et exemplo suo instruit praeceptor bonus, ut
a filiis piis impendatur cura parentibus : tamquam lignum illud ubi erant
fixa membra morientis, etiam cathedra fuerit magistri docentis. Chrysostomus in Ioannem. Itaque etiam Marcionis
obstruit inverecundiam : si enim non genitus est secundum carnem, neque
matrem habuit; cuius gratia tantam circa eam solam facit providentiam?
Intuere autem qualiter cum crucifigeretur, universa imperturbate agebat,
discipulo loquens de matre, prophetias implens, latroni bonam spem tribuens;
antequam autem crucifigeretur, trepidans videtur; nam illic quidem naturae
imbecillitas demonstrata est, hic autem virtutis superabundantia
ostendebatur. Sed et nos per hoc erudit, si ante adversa conturbamur, non
propterea desistere; cum vero agonem ingressi fuerimus, omnia sustinere ut
facilia et levia. Augustinus. Quia ergo matri, quam relinquebat,
alterum pro se filium quodammodo providebat, cur hoc fecerit ostendit in hoc
quod subditur et ex illa hora accepit eam discipulus in sua. Sed in quae sua
Ioannes matrem domini accepit? Neque enim non ex eis erat qui dixerant ei :
ecce nos dimisimus omnia, et secuti sumus te. Suscepit ergo eam in sua, non
praedia, quae nulla propria possidebat, sed officia, quae propria
dispensatione exequenda curabat. Beda. Alia littera habet : accepit eam discipulus in
suam, quidam volunt in suam matrem; sed congruentius subauditur in suam curam. |
—
Théophylactus : Pendant que les soldats s'occupaient de leurs misérables intérêts,
Jésus étendait sa sollicitude sur sa sainte Mère : « Voilà ce que firent les soldats. Cependant, debout près de la croix
de Jésus était sa mère, Marie, la femme de Cléophas et Marie de Magdala». —
Saint Ambroise : (Lettre à l'Eglise de
Verceil). Marie, mère de Jésus, se tenait debout au pied de la croix de son
Fils, saint Jean est le seul qui nous apprenne cette circonstance. Les autres
évangélistes ont décrit le monde ébranlé au moment où le Sauveur fut
crucifié, le ciel couvert de ténèbres, le soleil refusant sa lumière, le ciel
ouvert au bon larron pieusement repentant. Mais saint Jean nous apprend ce
dont les autres n'ont point parlé, les paroles qu'il a, du haut de la croix,
adressées à sa mère. Il a estimé qu'il était plus important que Jésus
triomphant de ses douleurs ait donné à sa mère ce témoignage de tendresse,
que d'avoir fait don du ciel au bon larron; car si la vie qu'il accorde au
bon larron est une preuve de sa miséricorde, cet hommage public d'affection
extraordinaire que le Fils rend à sa mère témoigne une piété filiale bien
plus grande. « Femme, lui dit-il, voilà votre Fils, » et au disciple :
« Voilà votre mère. » Jésus-Christ
testait du haut de la croix, et son affection se partageait entre sa mère et
son disciple. Le Sauveur faisait alors non seulement son testament pour tous
les hommes, mais son testament particulier, et ce testament recevait la
signature de Jean, digne témoin d'un si grand testateur. Testament qui avait
pour objet, non une somme d'argent, mais la vie éternelle, qui n'était point
écrit avec de l'encre, mais avec l'Esprit du Dieu vivant (2 Co 3) : « Ma langue, disait le Psalmiste, est comme la plume de l'écrivain qui
écrit très vite. » (Ps 44) Il ne convenait pas non plus que Marie fût
au-dessous de ce qu'exigeait la dignité de mère du Christ; aussi tandis que
les Apôtres ont pris la fuite, elle se tient debout au pied de la croix, elle
jette des regards pieusement attendris sur les blessures de son Fils, parce
qu'elle considère non la mort de ce Fils chéri, mais le salut du monde. Ou
bien encore, comme elle savait que la mort de son Fils devait être la
rédemption du monde, elle croyait en formant ainsi la cour de ce divin Fils
ajouter par sa propre mort au sacrifice qu'il offrait pour tous les hommes :
mais Jésus n'avait pas besoin qu'on vînt lui prêter secours pour la
rédemption du monde, lui qui a sauvé tous les hommes sans le secours de
personne, ce qui lui fait dire par la bouche du Roi-prophète : « J'ai été comme un homme sans aide, libre
entre les morts. » (Ps 87) Il accepte le témoignage d'affection de sa
mère, mais il n'implore le secours d'aucune créature. Mères pieuses, imitez
cette Vierge sainte qui dans la mort de son Fils unique et bien-aimé vous
donne un si grand exemple de vertu maternelle; car jamais vous n'avez eu des
enfants plus chéris, et cette divine Vierge ne pouvait avoir, comme vous,
l'espérance de donner le jour à un autre fils. — Saint Jérôme : (Contre Helvid). Cette Marie qui est appelée dans saint Marc et dans
saint Matthieu la mère de Jacques et de Joseph, fut l'épouse d'Alphée et la
sœur de Marie, mère du Seigneur. Saint Jean l'appelle Marie de Cléophas, nom
qui lui vient soit de son père, soit de sa famille, soit de quelque autre
cause. Si vous étiez tenté de croire que Marie, mère de Jacques le Mineur, et
celle qui est ici appelée Marie de Cléophas sont deux personnes différentes,
il faut vous rappeler que la coutume de l'Ecriture est de donner différents
noms à une seule et même personne. —
Saint Jean Chrysostome : Remarquez ici que c'est le
sexe le plus faible, les femmes, qui fit paraître le plus de courage; les
femmes restent au pied de la croix pendant que les disciples se sont enfuis. —
Saint Augustin : (De l'acc. des Evang., 3,
21). Si saint Matthieu et saint Luc n'avaient pas désigné nominativement
Marie-Madeleine, nous aurions pu dire que parmi ces femmes les unes s'étaient
tenues près de la croix, et les autres plus éloignées, car saint Jean seul
fait ici mention de la mère du Sauveur. Mais comment entendre que la même
Marie-Madeleine s'est tenue loin de la croix (comme le rapportent saint
Matthieu et saint Luc) et qu'elle fût au pied de la croix, suivant le récit
de saint Jean ? Il faut dire que malgré l'intervalle qui les séparait de la
croix, on pouvait dire qu'elles en étaient rapprochées, parce qu'elles
étaient à portée de la croix, et en même temps qu'elles étaient loin en
comparaison de la foule qui en était plus rapprochée avec le centurion et les
soldats. On peut encore admettre que les femmes qui étaient présentes avec la
mère du Seigneur s'éloignèrent de la croix après que Jésus eut recommandé sa
mère à son disciple, pour se dégager de la multitude qui les entourait, et
considérer de plus loin le spectacle qu'elles avaient sous les yeux, ce qui
fit dire aux autres évangélistes qui ne parlent d'elles qu'après la mort du
Sauveur qu'elles se tenaient loin de la croix. Qu'importe d'ailleurs à la
vérité du récit que tous les évangélistes donnent les noms de quelques-unes
de ces femmes, et que chaque évangéliste fasse mention spéciale de quelques
autres ? —
Saint Jean Chrysostome : D'autres femmes aussi se
tenaient près de la croix, et le Sauveur paraît ne faire attention qu'à sa
mère, nous apprenant ainsi que nos mères ont droit à des égards plus
particuliers. Lorsque nos parents cherchent à s'opposer à nos intérêts
spirituels, nous ne devons pas même les connaître; mais aussi lorsqu'ils n'y
mettent aucun obstacle, nous devons leur donner de préférence aux autres tous
les témoignages d'affection qu'ils peuvent désirer. C'est ce que fait Jésus. « Jésus ayant donc vu sa mère, et près
d'elle le disciple qu'il aimait, il dit à sa mère : Femme, voilà votre Fils.
» —
Saint Bède : Saint Jean se donne à
connaître par l'affection que Jésus avait pour lui, non pas sans doute qu'il
en fût aimé à l'exclusion des autres, mais parce qu'il était l'objet d'une
affection plus particulière qu'il devait à sa virginité. En effet, il était
vierge lorsqu'il fut appelé par Jésus, et il demeura vierge toute sa vie. —
Saint Jean Chrysostome : Quel magnifique témoignage
d'honneur le Seigneur donne à son disciple ! Mais une sage modestie lui fait
garder le silence sur cet honneur dont il est l'objet. Si en effet il avait
voulu s'en prévaloir, il eût fait connaître le motif de l'affection que Jésus
avait pour lui, motif qui devait se rattacher à une cause d'un ordre
supérieur. Le Sauveur ne dit rien d’autre à saint Jean; il ne le console pas
dans sa tristesse, parce que ce n'était pas le temps de prononcer des paroles
de consolation. Sa mère reçoit de lui une marque d'honneur non moins
remarquable. Dans la tristesse profonde où elle était plongée, il fallait lui
chercher un appui [et un soutien] pour remplacer Jésus, qui allait la
quitter; il la confie donc lui-même à son disciple, afin qu'il en prenne
soin; « Ensuite il dit à son disciple :
Voici votre mère. » —
Saint Augustin : (Traité 119 sur Saint Jean). C'était l'heure dont Jésus, avant de
changer l'eau eu vin, avait dit à sa mère : « Femme, qu'y a-t-il entre vous et moi ? Mon heure n'est pas encore
venue. » Au moment de faire une œuvre toute divine, il semble repousser
comme lui étant inconnue la mère, non pas de sa divinité, mais de son
humanité ou de son infirmité. Maintenant, au contraire qu'il endure des
souffrances propres à la nature humaine, il recommande celle dans le sein de
laquelle il s'est fait homme avec l'affection qu'inspire la nature. Il nous
donne ainsi un enseignement d'une haute moralité; il nous apprend par son
exemple, comme un bon maître, les tendres soins que la piété filiale doit inspirer
aux enfants pour leurs parents; et le bois où sont cloués les membres du
Sauveur mourant a été aussi comme la chaire du haut de laquelle le divin
Maître nous a enseigné. —
Saint Jean Chrysostome : C'est ainsi qu'il confond
l'impudente erreur de Marcion. Si, en effet, il n'est point né selon la
chair, il n'a pas eu de mère, alors pourquoi cette sollicitude extraordinaire
dont elle est l'objet ? Considérez encore comment, au moment où il est
crucifié, Jésus fait tout avec le plus grand calme : il confie sa mère à son
disciple, il accomplit les prophéties, il donne l'espérance du ciel au bon
larron. Au contraire, avant son crucifiement, son âme paraît en proie au
trouble. Il donnait ainsi la preuve, d'un côté de la faiblesse de la nature
humaine, de l'autre de la force supérieure de son âme. Il nous apprend ainsi
à ne point nous laisser abattre, si au milieu des adversités le trouble vient
à s'emparer de notre âme, et lorsque nous serons entrés dans la lice, à
supporter toutes les épreuves comme faciles et légères. —
Saint Augustin : En quittant sa mère, il
prenait soin de lui laisser en quelque sorte un autre fils, et saint Jean
nous fait connaître la raison de cette conduite dans les paroles suivantes : « Dès ce moment le disciple la reçut chez
lui. » (In sua). Mais quel est ce «
chez lui » dans lequel Jean reçut la mère du Sauveur ? Est-ce qu'il
n'était pas du nombre de ceux qui avaient dit : « Voici que nous avons tout quitté pour vous suivre ? » Il la
reçut donc chez lui, non pas dans ses propriétés, parce qu'il n'en avait pas,
mais dans son affection, qui le portait à prodiguer à la mère de Jésus tous
les offices personnels. —
Saint Bède : Une autre version porte : «
Le disciple la reçut comme sienne » (in suam) ; quelques-uns disent
comme étant sa mère, mais il est plus naturel de sous-entendre le mot curam,
il la reçut pour être l'objet de sa sollicitude. |
Lectio 9 |
Versets 28-30 |
[86152] Catena in Io., cap. 19 l. 9 Augustinus
in Ioannem. Patiebatur haec omnia qui apparebat homo, et ipse idem
disponebat haec omnia qui latebat Deus; unde dicitur postea, sciens quoniam
omnia consummata sunt, ut consummaretur Scriptura, idest quod Scriptura
praedixerat : et in siti mea potaverunt me aceto, dixit : sitio, tamquam
diceret : hoc minus fecistis : date quod estis. Iudaei quippe ipsi erant
acetum, degenerantes a vino patriarcharum et prophetarum. Vas ergo positum
erat aceto plenum : tamquam enim de pleno vase, de iniquitate mundi huius
impletum cor habentes, velut spongia, cavernosis quodammodo atque tortuosis latibulis
fraudulentum; unde sequitur illi autem spongiam plenam aceto, hyssopo
circumponentes, obtulerunt ori eius. Chrysostomus in Ioannem. Neque enim ex his quae
videbant facti sunt mansueti, sed saeviebant magis, et eum potabant,
condemnatorum pocula offerentes : propterea enim hyssopus appositus erat.
Augustinus. Hyssopum autem, cui circumposuerunt
spongiam aceto plenam, quoniam herba est humilis et pectus purgat, Christi
humilitatem congruenter accipimus; quam circumdederunt, et se circumvenisse
putaverunt : Christi namque humilitate mundamur. Ne moveat quomodo spongiam
ori eius potuerunt admovere qui in cruce fuerat exaltatus a terra : sicut
enim apud alios Evangelistas legitur, quod hic praetermisit, in arundine
factum est, ut in spongia talis potus ad crucis sublimia levaretur. Theophylactus. Quidam vero hyssopum dicunt vocari
arundinem : nam frondes habet arundini consimiles. Sequitur cum ergo
accepisset Iesus acetum, dixit : consummatum est. Augustinus. Quid nisi quod prophetia tanto ante praedixerat?
Beda. Hic quaeri potest quomodo hic dicitur cum
accepisset acetum, cum alius Evangelista dicat : noluit bibere. Sed hoc
facile solvitur : quoniam non accepit ut biberet, sed ut quod scriptum erat
impleret. Augustinus. Deinde, quia nihil remanserat quod
antequam moreretur fieri adhuc oporteret, sequitur et inclinato capite
tradidit spiritum, peractis omnibus quae ut peragerentur expectabat, tamquam
ille qui potestatem habebat ponendi animam suam, et iterum sumendi eam. Gregorius Moralium. Spiritus autem hic pro anima
ponitur : si enim aliud spiritum quam animam Evangelista diceret, exeunte
spiritu anima remansisset. Chrysostomus. Non autem quoniam expiravit,
inclinavit caput, sed quia inclinavit caput, tunc expiravit; per quae omnia
indicavit Evangelista quoniam omnium dominus ipse erat. Augustinus. Quis enim ita dormit quando voluerit,
sicut Iesus mortuus est quando voluit? Quanta speranda vel timenda potestas
est iudicantis, si apparuit tanta morientis? Theophylactus. Tradidit autem dominus spiritum Deo
patri, ostendens quod nequaquam sanctorum animae conversantur in tumulis,
immo deveniunt ad manus patris omnium, peccatoribus ad locum poenarum
delatis, videlicet ad Infernum. |
—
Saint
Augustin : (Traité 119 sur Saint
Jean). L'homme qui apparaissait aux regards endurait toutes les
souffrances qui étaient réglées par le Dieu qui demeurait caché. « Après cela, Jésus sachant que toutes
choses étaient accomplies, afin que l'Ecriture» c'est-à-dire cette
prédiction de l'Ecriture : « Et dans ma
soif, ils m'ont abreuvé de vinaigre, » (Ps 68) reçût aussi son accomplissement, il dit : « J'ai soif. » Il
semble dire par là aux Juifs : Vous avez oublié ce dernier trait, donnez-moi
ce que vous êtes. Les Juifs étaient en effet un vinaigre, dégénéré qu’ils
étaient du vin des patriarches et des prophètes. Or, il y avait là un vase
plein de vinaigre, c'est-à-dire que les Juifs, dont le cœur, semblable à une
éponge, renfermait mille cavités tortueuses comme autant de repaires de
malice, puisèrent à plein vase et remplirent leur cœur de l'iniquité du monde
: « Les soldats remplirent une éponge
de vinaigre, et, l'environnant d'hysope, la lui présentèrent à la bouche. » —
Saint Jean Chrysostome : (Hom. 85 sur Saint Jean). Le spectacle qu'ils avaient sous les
yeux, loin de les adoucir, ne fit qu'augmenter leur cruauté, et pour étancher
sa soif, ils lui donnent le breuvage des condamnés, c'est pour cela qu'ils
font usage d'hysope. —
Saint Augustin : L'hysope dont ils entourent
l'éponge imbibée de vinaigre, est une petite plante qui a une vertu
purgative; Nous pouvons la voir à juste titre comme l'humilité de
Jésus-Christ qu'ils entourèrent de leurs criminelles intrigues et qu'ils
crurent avoir circonvenue; car c'est l'humilité de Jésus-Christ qui nous
purifie. Il ne faut pas s'étonner qu'ils aient pu approcher une éponge de la
bouche de Jésus qui, sur la croix, était élevé bien au-dessus de la terre,
car d'après les autres évangélistes qui nous rapportent cette circonstance,
que celui-ci passe sous silence, ils le firent à l'aide d'un roseau, afin que
le breuvage contenu dans l'éponge pût arriver à la hauteur de la croix. — Théophylactus : Il en est qui pensent que ce roseau fut tout simplement l'hysope,
parce que cette plante a des branches qui ressemblent au roseau. « Jésus ayant
donc pris le vinaigre dit : Tout est accompli. » — Saint Augustin : [référence à vérifier] Qu'est-ce qui est accompli ?
Ce que les prophètes avaient prédit si longtemps auparavant. —
Saint Bède : Mais comment concilier ce
que dit ici saint Jean : « Après qu'il
eut pris ce vinaigre, » avec ce que rapporte un autre Evangéliste : « Qu'il n'en voulut point boire ? »
Cette difficulté est facile à résoudre. Jésus prit le vinaigre non pour le
boire, mais pour accomplir ce qui était écrit. —
Saint Augustin : Et comme il ne restait plus
rien de ce qui devait s'accomplir avant sa mort, l'Evangéliste ajoute : « Et baissant la tête, il rendit l'esprit,
» après avoir fait toutes les choses dont il attendait l'accomplissement
pour mourir, agissant en tout comme celui qui avait le pouvoir de donner sa
vie et le pouvoir de la reprendre. —
Saint Grégoire : (Moral., 11, 3). L'esprit
est mis ici pour l'âme, car si par esprit l’Evangéliste entendait autre chose
que l'âme, il s'en suivrait que l'âme serait restée après le départ de
l'esprit. —
Saint Jean Chrysostome : Ce n'est point parce qu'il
expire qu'il baisse la tête, mais c'est après qu'il a baissé la tête qu'il
expire, et l'Evangéliste veut nous montrer par toutes ces circonstances que
Jésus est le maître de toutes choses. —
Saint Augustin : Quel autre s'endort si
précisément quand il veut, comme Jésus est mort au moment qu'il a voulu ?
Quelle espérance, mais aussi quelle crainte doit inspirer la puissance qu'il
fera éclater au jour du jugement, alors que celle qu'il manifeste en mourant
est déjà si grande ? — Théophylactus : Le Sauveur remet son esprit a Dieu et à son Père, pour nous apprendre
que les âmes des saints ne restent point dans les tombeaux, mais qu'elles
reviennent dans les mains du Père de tous les hommes, tandis que les âmes des
pécheurs sont envoyées dans un lieu de supplices, c'est-à-dire dans l'enfer. |
Lectio 10 |
Versets 31-37
|
[86153] Catena in Io., cap. 19 l. 10 Chrysostomus in
Ioannem. Iudaei qui camelum transglutiebant, culicem autem colabant, cum tantam
fuissent operati audaciam, de die diligenter ratiocinantur; unde dicitur
Iudaei ergo, quoniam parasceve erat, ut non remanerent in cruce corpora
sabbato. Beda. Parasceve, idest praeparatio, dicta est sexta
feria, quia eo die duplices sibi cibos filii Israel praeparabant. Erat enim
magnus dies ille sabbati; scilicet propter solemnitatem paschalem. Rogaverunt
Pilatum, ut frangerentur crura eorum. Augustinus in Ioannem. Non crura tollerentur, sed hi
quibus ideo frangebantur ut morerentur, auferrentur ex ligno, ne pendentes in
crucibus magnum diem festum sui diurni cruciatus horrore foedarent. Theophylactus. Sic enim iubebatur in lege, non
occidere solem in hominis supplicio : vel quia noluerunt in die festo
tortores aut homicidae censeri. Chrysostomus. Vide autem qualiter valida est veritas
: per eorum enim studia prophetia completur; unde subditur venerunt ergo
milites, et primi quidem fregerunt crura, et alterius qui crucifixus est cum
eo; ad Iesum autem cum venissent, ut viderunt eum iam mortuum, non fregerunt
eius crura; sed unus militum lancea latus eius aperuit. Theophylactus. Ut Iudaeis complaceant, lanceant
Christum, circa corpus exanime contumelias inferentes; sed contumelia in
signum prodiit : sanguinem enim de corpore extincto manare miraculosum est.
Augustinus. Vigilanti verbo Evangelista usus est, ut
non diceret latus eius percussit, aut vulneravit, sed aperuit, ut illic
quodammodo vitae ostium panderetur, unde sacramenta Ecclesiae manaverunt,
sine quibus ad vitam quae vere vita est, non intratur; unde sequitur et
continuo exivit sanguis et aqua. Ille sanguis in remissionem fusus est
peccatorum : aqua illa salutare temperat poculum : hoc et lavacrum praestat
et potum. Hoc praenuntiabat quod Noe in latere arcae ostium facere iussus est,
quo intrarent animalia quae non erant diluvio peritura, quibus
praefigurabatur Ecclesia. Propter hoc prima mulier facta est de viri latere
dormientis; et hic secundus Adam inclinato capite in cruce dormivit, ut inde
formaretur ei coniux per id quod de latere dormientis effluxit. O mors, unde
mortui reviviscunt. Quid isto sanguine mundius, quid isto vulnere salubrius?
Chrysostomus. Et quia hinc suscipiunt principium
sacra mysteria, cum accesseris ad tremendum calicem, ut ab ipsa bibiturus
Christi costa, ita accedas. Theophylactus. Erubescant igitur qui vinum in sacris
non limphant mysteriis : videntur enim non credere quod aqua de latere
fluxerit. Potest tamen quis calumniose dicere, quod aliqua virtus vitalis
erat in corpore, et ideo sanguis effluxit; aqua vero manans inexpugnabile
signum fuit; et ideo Evangelista subiungit et qui vidit, testimonium
perhibuit. Chrysostomus. Quasi dicat : non ab aliis audivit,
sed ipse praesens vidit. Et verum est testimonium eius : quod convenienter
subiungit, convicium Christi enarrans, non magnum aliquod et admirabile
signum, ut sic suspectus sermo redderetur; sed ipse hoc dixit, haereticorum
ora praecludens, et futura personans mysteria, et eum qui latebat in eis
inspiciens thesaurum. Sequitur et ille scit quia vera dicit, ut et vos
credatis. Augustinus. Scit enim qui vidit, cuius credat
testimonio qui non vidit. Duo autem testimonia de Scripturis reddidit
singulis rebus quas factas fuisse narravit. Nam quia dixerat : non fregerunt
crura Iesu, subdidit facta sunt enim haec ut Scriptura impleretur : os non
comminuetis ex eo : quod praeceptum est eis qui celebrare Pascha iussi sunt
ovis immolatione in veteri lege, quae dominicae passionis umbra praecesserat.
Item quia subiunxerat : unus militum lancea latus eius aperuit, ad hoc
pertinet alterum testimonium quod subdit dicens et iterum alia Scriptura
dicit : videbunt in quem transfixerunt : ubi promissus est Christus in ea qua
crucifixus est carne futurus. Hieronymus. Hoc autem testimonium sumptum est de
Zacharia. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (Hom. 85 sur Saint Jean). Les Juifs, qui ne craignaient pas
d'avaler le chameau et rejetaient le moucheron, après avoir audacieusement
consommé un si grand attentat, manifestent des scrupules au sujet du jour du
sabbat. « Les Juifs, comme c’était le
jour de la Préparation, de peur que les corps ne demeurassent sur la croix le
jour du sabbat, ». —
Saint Bède : Le mot parasceve, qui veut dire préparation, indique ici le sixième jour
de la semaine, et on lui donnait ce nom parce qu'en ce jour, les Israélites
devaient préparer une double provision d'aliments; parce que le lendemain
était le grand jour du sabbat, à cause de la grande solennité de Pâque. Ils
demandèrent à Pilate de faire briser les jambes de Jésus. —
Saint Augustin : (Traité 120 sur Saint Jean). Ce ne sont point les jambes des
suppliciés qui devaient être enlevées, mais ceux à qui on les brisait pour
les faire mourir devaient être détachés de la croix pour ne point profaner ce
grand jour de fête par le spectacle de leur supplice prolongé sur la croix. — Théophylacte :
D'ailleurs la loi défendait que le supplice d'un homme condamné à mort se
prolonge au delà du coucher du soleil. Peut-être aussi ne voulurent-ils pas
être regardés comme des bourreaux ou des homicides dans ce jour de fête. —
Saint Jean Chrysostome : Voyez ici combien est grande
la force de la vérité; les Juifs eux-mêmes, par leurs efforts, concourent à
l'accomplissement des prophéties : « Il
vint donc des soldats qui rompirent les jambes au premier, et de même à
l'autre qu'on avait crucifié avec lui. Puis étant venu à Jésus, et voyant
qu'il était déjà mort, ils ne lui rompirent point les jambes; mais un des
soldats lui ouvrit le côté avec une lance. » — Théophylactus : Pour complaire aux Juifs, les soldats percent de leur lance le corps
de Jésus-Christ et poursuivent de leurs outrages ce corps même inanimé; mais
cet outrage donne lieu à un miracle éclatant, car c’est un véritable miracle
que le sang coule d'un corps privé de la vie. —
Saint Augustin : L'Evangéliste se sert ici
d'une expression choisie à dessein; il ne dit pas : il frappa ou il
blessa son côté, mais il ouvrit son côté avec une lance, pour nous apprendre
qu'il ouvrait en quelque sorte la porte de la vie d'où sont sortis les
sacrements de l'Eglise, sans lesquels on ne peut avoir d'accès à la véritable
vie. « Et il en sortit aussitôt du sang
et de l'eau. » Ce sang a été répandu pour la rémission des péchés, cette
eau vient se mêler pour nous au breuvage du salut; elle est à la fois un bain
qui purifie et une boisson [rafraîchissante]. Nous voyons une figure de ce
mystère dans l'ordre donné à Noé d'ouvrir sur un des côtés de l'arche une
porte par où puissent entrer les animaux qui devaient échapper au déluge, et
qui représentaient l'Eglise (Gn 6, 16). C'est en vue du même mystère que la
première femme fut faite d'une des côtes d'Adam pendant son sommeil (Gn 2,
22), et nous voyons ici le second Adam s'endormir sur la croix après avoir
incliné la tête, pour qu'une épouse aussi lui fût formée par ce sang et cette
eau qui coulèrent de son côté après sa mort. O mort qui devient pour les
morts un principe de résurrection ! Quoi de plus pur que ce sang ? Quoi de
plus salutaire que cette blessure ? —
Saint Jean Chrysostome : C'est donc de ce côté ouvert
que nos saints mystères tirent leur origine; lors donc que vous approchez de
l'autel pour boire ce calice redoutable, approchez dans les mêmes
dispositions que si vous deviez appliquer vos lèvres sur le côté même de
Jésus-Christ. — Théophylactus : Ceux qui refusent de mêler l'eau avec le vin dans la célébration des
saints mystères soient donc ici couverts de honte, car ils paraissent ne pas
croire que l'eau ait coulé du côté du Sauveur. On pourrait dire par calomnie
qu'il restait encore un léger principe de vie dans le corps de Jésus, ce qui
explique le sang qui sortit de son côté; mais l'eau qui en sort maintenant
est une preuve sans réplique qu'il était mort. Aussi l'Evangéliste prend-il
soin d'ajouter : « Et celui qui l'a vu
en rend témoignage. » —
Saint Jean Chrysostome : C'est-à-dire, il ne l'a
point appris des autres, il était présent, il en a été le témoin oculaire; « et son témoignage est véritable. » Il
fait cette réflexion à l'occasion de ce nouvel outrage fait au corps du
Sauveur, et non après le récit de quelque prodige extraordinaire pour fixer
davantage l'attention. En s'exprimant de la sorte, il ferme aussi par avance
la bouche des hérétiques, prédit les mystères que l'avenir devait dévoiler,
et arrête ses regards sur le trésor inépuisable qu'ils renferment. « Et il sait
qu'il dit vrai, afin que vous croyiez aussi. » —
Saint Augustin : Celui qui a vu ce miracle le
sait, et son témoignage doit servir d'appui à la foi de celui qui ne l'a pas
vu. Saint Jean confirme par deux témoignages de l'Ecriture les deux faits
dont il atteste la vérité. Après avoir dit : « Ils ne brisèrent point les jambes à Jésus, » il ajoute : « Ces choses se sont faites afin que cette
parole de l'Ecriture fût accomplie : Vous ne briserez aucun de ses os, »
(Ex 12, 46). C'est ce qui était recommandé à ceux qui, dans l'ancienne loi,
célébraient la pâque par l'immolation d'un agneau, qui était la figure de la
passion du Sauveur. Saint Jean avait dit aussi : « Un des soldats ouvrit son côté avec une lance, » et à l'appui
il cite cet autre témoignage : « Il est
dit encore dans un autre endroit de l'Ecriture : Ils jetèrent leurs regards
sur celui qu'ils ont transpercé » (Za 12, 11); prophétie qui annonçait
que le Christ paraîtrait au monde avec cette chair dans laquelle il a été
crucifié. —
Saint Jérôme : (Préface sur le Pentateuque). Ce second témoignage est emprunté au
prophète Zacharie. |
Lectio 11 |
Versets 38-42
|
[86154] Catena in
Io., cap. 19 l. 11 Chrysostomus in Ioannem. Aestimans
Ioseph extinctum esse Iudaeorum furorem Christo crucifixo, cum fiducia
accessit, ut deponendum funus procuraret; unde dicitur post haec autem
rogavit Pilatum Ioseph ab Arimathaea. Beda. Arimathaea, ipsa est Ramatha civitas Helcanae
et Samuelis. Caelitus autem provisum est ut esset dives, ut ad praesidem
posset accedere; et ut esset iustus, ut corpus domini accipere mereretur;
unde sequitur ut tolleret corpus Iesu, eo quod esset discipulus Iesu. Chrysostomus. Non ex duodecim, sed ex septuaginta :
quoniam nullus ex duodecim accesserit. Et si timorem Iudaeorum quis pro causa
assumpserit, hic eodem detinebatur timore; unde dicitur occultus autem
propter metum Iudaeorum. Sed valde insignis erat, et Pilato notus; unde et
gratiam accepit; et hoc est quod subditur et permisit Pilatus. Et sepelit de
reliquo, non ut condemnatum, sed ut magnum quemdam et mirabilem; unde
subditur venit ergo, et tulit corpus Iesu. Augustinus de Cons. Evang. In extremo enim illo
officio funeri exhibendo, minus curavit de Iudaeis, quamvis soleret in domino
audiendo eorum inimicitias devitare. Beda. Sedata enim utcumque eorum saevitia, eo quod
se adversus Christum praevaluisse gaudebant, corpus Christi petiit, quoniam
non videbatur causa discipulatus sed pietatis venisse, ut funeri officium
impenderet; quod homines non solum bonis, sed etiam malis solent impendere.
Adiungitur autem ei et Nicodemus; unde sequitur venit autem et Nicodemus, qui
venerat ad Iesum nocte primum, ferens mixturam myrrhae et aloes quasi libras
centum. Augustinus in Ioannem. Non ita distinguendum est, ut
dicamus : primum ferens mixturam myrrhae, sed ut quod dictum est primum, ad
superiorem sensum pertineat. Venerat enim ad Iesum Nicodemus nocte primum,
quod idem Ioannes narravit in prioribus Evangelii sui partibus. Hic ergo
intelligendum est, ad Iesum non tunc solum, sed tunc primum venisse
Nicodemum; venisse autem postea, ut fieret audiendo discipulus Christi. Ferunt autem pigmenta, quae maxime corpus apta sunt
quamplurimum conservare, et non permittere cito subici corruptioni : adhuc
enim ut de nudo homine disponebant, sed tamen multam dilectionem
demonstrabant. Beda. Notandum est autem, quod simplex unguentum
fuerit : quia ex diversis aromatibus licentiam conficiendi non haberent.
Sequitur acceperunt ergo corpus Iesu, et ligaverunt eum linteis cum
aromatibus, sicut mos est Iudaeis sepelire. Augustinus. In quo Evangelista admonuit in huiusmodi
officiis quae mortuis exhibentur, morem cuiusque gentis esse servandum. Erat
autem illius gentis consuetudo, ut mortuorum corpora variis aromatibus
condirentur, ut diutius servarentur illaesa. Augustinus de Cons. Evang. Neque autem hic Ioannes
aliis repugnat : neque enim illi qui Nicodemum tacuerunt, affirmaverunt a
solo Ioseph dominum sepultum, quamvis solius commemorationem fecerint : aut
quia illi una sindone a Ioseph involutum dixerunt, propterea prohibuerunt
intelligi, et alia lintea potuisse afferri a Nicodemo, et superaddi; ut verum
narret Ioannes, quod non uno linteo, sed linteis involutus sit : quamvis et
propter sudarium quod capiti adhibeatur, et institas quibus corpus totum
alligatum est, quia omnia de lino erant, etiam si una sindon ibi fuit,
veracissime dici potuit ligaverunt eum linteis : lintea quippe generaliter
dicuntur quae lino texuntur. Beda. Hinc Ecclesiae consuetudo descendit, ut corpus
domini non in sericis et auro textis consecretur, sed in sindone munda. Chrysostomus in Ioannem. Quia vero brevitate
temporis urgebantur : nona enim hora mortuo Christo, deinde accedentibus ad
Pilatum et deponentibus Christi corpus, vespera imminebat; ideo ponunt eum in
proximo monumento; unde subditur erat autem in loco ubi crucifixus est,
hortus, et in horto monumentum novum, in quo nondum quisquam positus fuerat :
quod dispensatione factum est, ne alterius alicuius, qui cum eo iaceret,
aestimaretur resurrectio facta esse. Augustinus in Ioannem. Sicut etiam in Mariae
virginis utero nemo ante illum, nemo post illum conceptus est, ita in hoc
monumento nemo ante illum, nemo post illum sepultus est. Theophylactus. Per hoc etiam quod novum fuit
sepulchrum, mystice datur intelligi quod per Christi sepulturam omnes
innovamur, morte et corruptione destructa. Attende etiam abundantiam pro
nobis susceptae paupertatis : nam qui domum in vita non habuit, post mortem
quoque in alieno sepulchro reconditur, et nudus existens, a Ioseph operitur.
Sequitur ibi ergo propter parasceven Iudaeorum, quia iuxta erat monumentum,
posuerunt Iesum. Augustinus. Acceleratam vult intelligi sepulturam,
ne advesperasceret, quando iam propter parasceven, quam coenam puram Iudaei
Latine usitatius apud nos vocant, facere tale aliquid non licebat. Chrysostomus. Propinquum autem fuit sepulchrum, ut
discipuli possent cum facilitate accedere, et consideratores fieri eorum quae
eveniebant, prope existente loco; et ut sepulturae testes essent etiam inimici
custodientes sepulchrum, et ut falsus ostenderetur is qui de furto sermo.
Beda. Mystice autem Ioseph interpretatur aptus pro
acceptione boni operis; ad quod monemur ut corpus domini digne percipere
mereamur. Theophylactus. Nunc etiam quodammodo Christus apud
avaros mortificatur in paupere famem patiente. Esto ergo Ioseph, et tege
Christi nuditatem non semel, sed iugiter in tuo tumulo spirituali
considerando reconde, cooperi, et misce myrrham et aloem amaricantia,
considerando vocem illam : ite, maledicti, in ignem aeternum, qua nihil
amarius aestimo. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 85 sur Saint Jean). Joseph pensant que la crucifixion de
Jésus avait suffi pour calmer la fureur des Juifs, se présente avec confiance
pour rendre au Sauveur les honneurs de la sépulture : « Après cela Joseph d'Arimathie, [qui était disciple de Jésus], demanda
à Pilate, etc... » —
Saint Bède : Arimathie n'est autre que
Ramatha, patrie d'Helcana et de Samuel. C'est par une providence toute
particulière que Dieu avait veillé à ce que Joseph fût un homme aisé pour
pouvoir approcher du gouverneur et fût un homme juste pour être digne de
recevoir le corps du Seigneur. C'est ce que nous indique l'Evangéliste par
ces paroles : «…d’enlever le corps de
Jésus car il était disciple de Jésus, ». —
Saint Jean Chrysostome : Il ne faisait point partie
des douze Apôtres, mais des soixante-douze disciples. Et comment se fait-il
que nous ne voyions ici aucun des douze ? Dira-t-on que la crainte des Juifs
les retenait, mais Joseph avait les mêmes raisons de craindre, c'est pour
cela que l'Evangéliste ajoute : « mais
en secret, parce qu'il craignait les Juifs. » Toutefois comme il
jouissait d'une grande réputation et qu'il était connu de Pilate, il obtint
de lui ce qu'il demandait : « Et Pilate
lui permit [d'enlever le corps de Jésus] » qu'il ensevelit non pas comme
le corps d'un condamné, mais comme celui d'un personnage des plus célèbres et
des plus éminents : « Il vint donc et
prit le corps de Jésus. » —
Saint Augustin : (De l'accord des Evang., 3,
22). En rendant à Jésus les derniers devoirs, il n'est point arrêté par la
pensée des Juifs, bien qu'il ait pris soin de se mettre à l'abri de leur
jalousie haineuse lorsqu'il écoutait les enseignements du Sauveur. —
Saint Bède : Leur fureur était apaisée en
partie par la joie qu'ils éprouvaient de l'avoir emporté contre Jésus-Christ;
Joseph ne craint donc plus de venir demander le corps de Jésus-Christ,
démarche qu'il paraissait faire non comme disciple, mais pour remplir à son
égard un acte de religion en lui rendant ces derniers devoirs qu'on n'accorde
pas seulement aux bons, mais qu'on ne refuse même pas aux méchants. Nicodème
vient se joindre à lui : « Nicodème qui
était venu trouver Jésus la première fois, vint aussi, apportant un mélange
de myrrhe et d’aloès, environ 100 livres.» —
Saint Augustin : Faisons attention à cette
distinction : L'expression primum,
la première fois, ne doit pas se joindre à ces paroles : « Portant cent
livres d'une composition de myrrhe, » mais au membre de phrase qui précède,
car Nicodème était venu trouver Jésus pour la première fois la nuit, comme
saint Jean le raconte dans les premiers chapitres de son Evangile. Ce ne fut
donc pas la seule fois mais la première fois que Nicodème vint alors trouver
Jésus, car il vint plusieurs fois dans la suite pour écouter ses divins
enseignements et devenir son disciple. —
Saint Jean Chrysostome : [référence à
vérifier] Ils
apportent avec eux des aromates qui ont la vertu de conserver très longtemps
les corps et de les préserver de la corruption, car ils ne considéraient
encore le Sauveur que comme un homme, mais ils faisaient preuve d'un amour
extraordinaire pour lui. —
Saint Bède : Il faut remarquer que
c'était un parfum simple de parfums, parce qu'il ne leur était point permis
d'en faire un qui fût composé de divers aromates. « Ils prirent donc le corps de Jésus, l’entourèrent
de bandelettes avec les aromates, et ils l'ensevelirent comme c’est l’usage
chez les Juifs. » —
Saint Augustin : L'Evangéliste nous apprend
ici que dans les derniers devoirs que l'on rend aux morts, il faut se
conformer aux usages particuliers à chaque nation. Or, les Juifs avaient
coutume d'embaumer les corps avec divers parfums, afin de les préserver plus
longtemps de la corruption. —
Saint Augustin : (De l'accord des Evang., 3,
23). Saint Jean n'est point ici en contradiction avec les autres
évangélistes, ils ne parlent point il est vrai de Nicodème, mais ils
n’affirment pas pour cela que Joseph seul ait enseveli le corps du Sauveur,
bien qu'ils ne fassent mention que de lui seul. Ils disent encore que Joseph
l'ensevelit dans un linceul, nous défendent-ils pour cela d'admettre que
Nicodème ait pu apporter d'autres linges et de justifier ainsi la vérité du
récit de saint Jean d'après lequel le corps de Jésus fut enseveli non dans un
seul mais dans plusieurs linceuls. D'ailleurs le suaire dont sa tête fut
enveloppée et les bandelettes dont son corps fut entouré, et qui étaient de
lin aussi bien que le suaire, permettent de dire en toute vérité : « Ils l'enveloppèrent dans des linges »,
quand même il n'y aurait eu qu'un linceul, car on appelle linges généralement
tout ce qui est fait de lin. —
Saint Bède : C'est de là qu'est venue la
coutume de l'Eglise de consacrer le corps de Jésus-Christ non sur des étoffes
de soie ou d'or, mais sur une toile de lin très pure. —
Saint Jean Chrysostome : Comme le temps pressait,
(car Jésus était mort à la neuvième heure), et le soir devait bientôt
arriver, pendant qu'ils iraient chez Pilate, et qu'ils descendraient de la
croix le corps du Sauveur ils le déposent donc dans un tombeau qui était
proche : « Or il y avait dans le lieu
où il avait été crucifié, un jardin, et dans ce jardin un sépulcre tout neuf,
où personne n'avait été encore mis », ce qui se fit par une providence toute
spéciale, afin qu'on ne pût supposer que c'était un autre que Jésus qui était
ressuscité. —
Saint Augustin : De même que ni avant ni
après lui, nul autre ne fut conçu dans le sein de la Vierge, ainsi, aucun
autre corps ni avant ni après le sien, ne fut déposé dans ce tombeau. — Théophylactus : C'était un sépulcre nouveau, et cette circonstance nous apprend que
nous sommes renouvelés par la sépulture de Jésus-Christ qui détruit le règne
de la mort et de la corruption. Voyez encore à quel excès de pauvreté Jésus
s'est réduit pour notre amour, il n'avait point de demeure pendant sa vie;
après sa mort, il est enseveli dans un tombeau d'emprunt, et il faut que
Joseph vienne couvrir la nudité de son corps dépouillé de tous ses vêtements. « Et comme
c'était le jour de la préparation du sabbat des Juifs, et que ce sépulcre
était proche, ils y mirent Jésus. » —
Saint Augustin : L'Evangéliste veut nous
faire entendre qu'ils se hâtèrent de l'ensevelir, pour ne pas être surpris
par la nuit, car alors, le temps de la préparation parasceve, que les Juifs (d’une manière plus adéquate que nous ne
le faisons) appellent en latin le temps des pains sans levain, ne leur eût
pas permis de remplir cet office. —
Saint Jean Chrysostome : Ils choisirent ce tombeau
qui était proche, afin que les disciples puissent y venir plus facilement et
observer attentivement ce qui s'y passerait. Ce sépulcre fut encore choisi
afin que les ennemis du Sauveur qui en étaient gardiens fussent eux-mêmes
témoins qu'il avait été enseveli, et pour convaincre de mensonge le bruit
qu'ils devaient faire courir que son corps avait été enlevé. —
Saint Bède : Dans le sens mystique le nom
de Joseph veut dire qui est augmenté par l'accroissement des bonnes oeuvres,
et c'est pour nous un avertissement de nous rendre dignes de recevoir le
corps du Seigneur. — Théophylactus : Maintenant encore Jésus-Christ est mis à mort par les avares dans la
personne des pauvres qui souffrent la faim. Soyez donc un nouveau Joseph, et
couvrez la nudité de Jésus-Christ, ensevelissez-le par la méditation dans le
tombeau spirituel de votre âme. Couvrez-le d'un mélange de myrrhe et d'aloès,
deux substances amères, en méditant sérieusement ces paroles : « Allez maudits au feu éternel, » qui
est ce qu'il y a de plus amer. |
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Caput 20 |
CHAPITRE XX
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Lectio 1 |
Versets 1-9 |
[86155] Catena in Io., cap. 20 l. 1 Chrysostomus in
Ioannem. Quia iam transierat sabbatum in quo impediebatur a lege, non
potuit Maria Magdalene quiescere, sed venit profundo diluculo, consolationem
quamdam a loco sepulturae invenire volens; unde dicitur una autem sabbati
Maria Magdalene venit mane, cum adhuc tenebrae essent, ad monumentum. Augustinus de Cons. Evang. Venit quidem Maria
Magdalene, sine dubio ceteris mulieribus quae domino ministraverant plurimum
dilectione ferventior, ut non immerito Ioannes solam commemoraret, tacitis
eis qui cum illa fuerant, sicut alii testantur. Augustinus in Ioannem. Una autem sabbati est, quem
iam diem dominicum propter domini resurrectionem mos Christianus appellat,
quem Matthaeus primam sabbati nominavit. Beda. Dicitur ergo una sabbati, hoc est altera sive
prima die post sabbatum. Theophylactus. Vel aliter. Hebdomadae dies Iudaei
sabbatum nominabant, unam autem ex sabbati diebus primam. Futuri autem
saeculi exemplar est haec dies, quoniam futuri saeculi una dies est nequaquam
nocte interpolata : Deus enim ibi sol est, qui numquam occidit. In hac igitur
die dominus resurrexit, incorruptibilitatem corporis assumens, sicut nos in
futuro saeculo incorruptione induemur. Augustinus de Cons. Evang. Quod autem Marcus dicit :
valde mane oriente iam sole, non repugnat ei quod hic dicitur : cum adhuc
tenebrae essent : die quippe surgente aliquae reliquiae tenebrarum tanto
magis extenuantur, quanto magis oritur lux. Nec sic accipiendum est quod ait
Marcus : valde mane orto iam sole, tamquam sol ipse iam videretur super
terram; sed potius, sicut dicere solemus eis quibus volumus significare
temporius aliquid faciendum, orto iam sole dicitur, idest de proximo
adveniente in has partes. Gregorius in Evang. Congrue autem dicitur cum adhuc
tenebrae essent. Maria enim auctorem omnium quem carne viderat, mortuum
quaerebat in monumento : et quia hunc minime invenit, furatum credidit. Adhuc
ergo erant tenebrae cum venit ad monumentum. Sequitur et vidit lapidem
revolutum a monumento. Augustinus. Iam ergo factum erat quod solus
Matthaeus commemorat de terraemotu et lapide revoluto, conterritisque
custodibus. Chrysostomus. Surrexit quidem dominus, lapide et
signaculis sepulchro iniacentibus. Quia vero oportebat et alios certificari,
aperitur monumentum post resurrectionem, et ita creditur quod factum est. Hoc
denique et Mariam movit : videns enim lapidem sublatum, non intravit neque
prospexit, sed ad discipulos ex multo amore cum velocitate cucurrit. Nondum
autem de resurrectione noverat aliquid manifestum, sed putabat translationem
corporis esse factam. Glossa. Et ideo cucurrit nuntiare discipulis, ut aut
secum quaererent, aut secum dolerent; et hoc est quod sequitur cucurrit ergo,
et venit ad Simonem Petrum, et ad alium discipulum quem diligebat Iesus. Augustinus in Ioannem. Ita se commemorare solet quod
eum diligebat Iesus, qui utique omnes, sed ipsum prae ceteris et familiarius
diligebat. Sequitur et dixit eis : tulerunt dominum de monumento, et nescimus
ubi posuerunt eum. Gregorius Moralium. Hoc autem dicens, totum pro
parte insinuat; solum quippe corpus domini quaesitura venerat : et quasi
totum dominum sublatum deplorat. Augustinus. Nonnulli autem codices Graeci habent
tulerunt dominum meum; quod videri dictum potest propensiore caritatis vel
famulatus affectu. Sed hoc in pluribus codicibus quos in promptu habemus, non
invenimus. Chrysostomus. Evangelista vero non privavit mulierem
hac laude, nec verecundum existimavit quod ab ea prius addiscerent. Audientes
ergo illi, cum multo studio monumento insistunt. Gregorius in Evang. Illi autem prae ceteris
cucurrerunt, qui prae ceteris amaverunt, videlicet Petrus et Ioannes; unde
sequitur exiit ergo Petrus et ille alius discipulus, et venerunt ad monumentum.
Theophylactus. Sed si quaeras quomodo astantibus
custodibus venerunt ad monumentum, rudis questio : quoniam postquam dominus
resurrexit, et una cum terraemotu affuit Angelus in sepulchro, recesserunt
custodes, annuntiantes Pharisaeis. Augustinus. Cum autem iam dixisset venerunt ad
monumentum, regressus est, ut narraret quomodo venerunt, atque ait currebant
autem duo simul : et ille alius discipulus praecucurrit citius Petro, et
venit prior ad monumentum, ubi ostendit quod ipse prior venerit, sed tamquam
de alio cuncta narrat. Chrysostomus in Ioannem. Veniens autem considerat
linteamina posita; unde sequitur et cum se inclinasset, vidit posita
linteamina. Nihil tamen ipse plus perscrutatur, sed desistit; et hoc est quod
subditur non tamen introivit. Petrus vero ut fervidus introiens universa
inspexit diligenter, et amplius vidit; unde sequitur venit ergo Simon Petrus
sequens eum, et introivit in monumentum, et vidit linteamina posita, et
sudarium quod fuerat super caput eius, non cum linteaminibus positum, sed
separatim involutum in unum locum : quod erat resurrectionis signum. Neque
enim, si quidem eum transtulissent, corpus eius denudassent; neque si furati
essent, huius rei fuissent solliciti, ut levarent sudarium et involverent et
ponerent in unum locum seorsum a linteaminibus, sed simpliciter ut se habebat
suscepissent corpus. Ideo enim Ioannes praemiserat quoniam sepultus est cum
myrrha, quae conglutinat corpori linteamina, ut non decipiaris ab his qui
dicunt eum furto sublatum esse. Non enim ita insensatus esset qui furaretur,
ut circa rem superfluam tantum studium consumeret. Post Petrum autem et
Ioannes introivit; unde sequitur tunc ergo introivit et ille discipulus qui
venerat primus ad monumentum, et vidit et credidit. Augustinus in Ioannem. Nonnulli putant hoc Ioannem
credidisse quod Iesus resurrexerit; sed quod sequitur, hoc non indicat. Vidit
ergo inane monumentum, et credidit quod dixerat mulier; nam sequitur nondum
enim sciebant Scripturam quia oportebat eum a mortuis resurgere. Non ergo eum
credidit resurrexisse quem nesciebat oportere resurgere. Quando autem ab ipso
domino audiebant, quamvis apertissime diceretur, consuetudine tamen audiendi
ab illo parabolas, non intelligebant, et aliquid aliud eum significare
credebant. Gregorius in Evang. Haec autem tam subtilis
Evangelistae descriptio a mysteriis vacare credenda non est. Per Ioannem
iuniorem synagoga, per seniorem vero Petrum Ecclesia gentium designatur :
quia etsi ad Dei cultum est prior synagoga quam Ecclesia gentium, ad usum
tamen saeculi prior est multitudo gentium quam synagoga. Cucurrerunt autem
simul, quia ab ortus sui tempore usque ad occasum pari et communi via, etsi
non pari et communi sensu, gentilitas cum synagoga decucurrit. Venit synagoga
prior ad monumentum, sed minime intravit : quia legis quidem mandata
percepit, prophetias de incarnatione ac passione dominica audivit; sed
credere in mortuum noluit; venit autem Simon Petrus, et introivit in
monumentum : quia secuta posterior Ecclesia gentium, Christum Iesum et
cognovit carne mortuum, et viventem credidit Deum. Sudarium autem capitis
domini cum linteaminibus non invenitur : quia caput Christi Deus, et
divinitatis incomprehensibilia sacramenta ab infirmitatis nostrae cognitione
disiuncta sunt, eiusque potentia creaturae transcendit naturam. Non solum
autem separatim, sed involutum inveniri dicitur : quia lintei quo involvitur,
nec initium nec finis aspicitur. Celsitudo autem divinitatis nec coepit esse
nec desinit. Bene autem additur in unum locum : quia in scissura mentium Deus
non est : et illi eius gratiam habere merentur qui se ab invicem per sectarum
scandala non dividunt. Sed quia solet per sudarium laborantium sudor detergi,
potest et sudarii nomine intelligi labor Dei. Sudarium ergo quod super caput eius fuerat, seorsum
invenitur, quia ipsa redemptoris nostri passio longe a nostra passione
disiuncta est : quoniam ipse sine culpa pertulit quod nos cum culpa
toleramus; ipse sponte morti succumbere voluit, ad quam nos venimus inviti.
Postquam autem intravit Petrus, ingressus est et Ioannes : quia in fine mundi
ad redemptoris fidem etiam Iudaea colligetur. Theophylactus. Vel aliter. Intellige Petrum activum
et promptum; Ioannem vero contemplativum et docilem rerum divinarum habuisse
peritiam. Plerumque autem praevenit contemplativus notitia et docilitate; sed
activus instantia fervoris et sedulitate praecedit illius acumen, et prius
inspicit divinum mysterium. |
—
Saint
Jean Chrysostome : (hom. 85 sur Saint Jean). Le sabbat où la loi commandait à
chacun de rester en repos, étant passé, Marie Madeleine ne put résister plus
longtemps au désir qui la pressait; elle vint donc à la première aurore pour
trouver quelque consolation en voyant le lieu où Jésus avait été enseveli : « Le jour d'après le sabbat, Marie
Madeleine vint au sépulcre, alors qu’il faisait encore sombre.» —
Saint Augustin : (de l'acc. des Evang., 3,
12). Marie-Madeleine vint au sépulcre, sans doute sous l'impulsion d'un amour
plus ardent que celui des autres femmes qui avaient servi le Seigneur, et
c'est la raison pour laquelle saint Jean ne parle ici que d'elle, à
l'exception des autres femmes qui étaient venues avec elle d'après le récit
des autres évangélistes. —
Saint Augustin : Ce premier jour de la
semaine est celui que les chrétiens appellent maintenant le jour du Seigneur,
à cause de la résurrection du Sauveur, et que saint Matthieu désigne sous le
nom de premier jour du sabbat. —
Saint Bède : Le premier jour du sabbat,
c'est-à-dire, le lendemain du sabbat, ou le premier jour qui suit le sabbat. — Théophylactus : Ou bien encore, comme les Juifs donnaient le nom de sabbat à tous les
jours de la semaine, ils appelaient le premier du sabbat, le premier des
jours du sabbat ou de la semaine. Ce jour est le symbole de la vie future,
qui ne sera composée que d'un seul jour que la nuit n'interrompra jamais, car
Dieu en est le soleil, et ce soleil ne se couche jamais. C'est donc, dans ce
jour que le Seigneur a voulu ressusciter et revêtir son corps de
l'incorruptibilité dont nous nous revêtirons nous-mêmes dans la vie future. —
Saint Augustin : (de l'accord des Evang). Ce
que rapporte saint Marc : « qu'elles
vinrent de grand matin le soleil étant déjà levé, » n'est point en
contradiction avec ce que dit ici saint Jean : « alors que les ténèbres n'étaient pas encore dissipées, » car à
la naissance du jour il reste encore quelque obscurité qui se dissipe
d'autant plus que la lumière du jour s'avance davantage. Il ne faut pas du
reste entendre ces paroles de saint Marc (de
grand matin le soleil étant déjà levé), dans ce sens que le soleil
paraissait déjà sur l'horizon, mais dans le sens où nous disons, lorsque nous
voulons qu'une chose soit faite le plus tôt possible : « Vous la ferez au
soleil levé, » c'est-à-dire à l'heure où il est près de se lever. —
Saint Grégoire : (hom. 22 sur Saint Jean. ) L'expression : « lorsque les ténèbres n'étaient pas encore dissipées, » est
pleine de justesse; Marie, en effet, cherchait dans le sépulcre le Créateur
de toutes choses qu'elle avait vu mourir dans son corps sur la croix, et
comme elle ne le trouve point, elle croit qu'on l'a dérobé. Il est donc vrai
de dire que les ténèbres duraient encore lorsqu'elle se rendit au sépulcre. « Et elle vit la pierre ôtée du tombeau. » —
Saint Augustin : (de l'acc. des Evang). Ce
que saint Matthieu seul rapporte du tremblement de terre, du renversement de
la pierre et de l'effroi des gardes avait donc eu déjà lieu. —
Saint Jean Chrysostome : Le Seigneur était ressuscité
sans renverser la pierre du sépulcre, sans rompre les sceaux qu'on y avait
apposés, mais comme le fait de la résurrection devait être connu avec
certitude d'un grand nombre d'autres, le tombeau est ouvert après que Jésus
est ressuscité, afin que chacun puisse croire à la vérité de ce qui est
arrivé. Celte circonstance frappe vivement Marie-Madeleine; aussi à la vue de
la pierre ôtée du tombeau, elle n'entra pas dedans, elle ne prit pas le temps
de regarder, mais courut avec un empressement mêlé d'amour, apprendre cet
événement aux disciples. Elle n'avait encore aucune idée claire de, la
résurrection, et croyait seulement qu'on avait changé le corps de place. — La Glose : Elle
court donc apprendre cette nouvelle aux disciples, pour les engager ou à
chercher avec elles, ou du moins à partager sa douleur : « Elle courut donc, et vint trouver Simon-Pierre et cet autre
disciple que Jésus aimait. » —
Saint Augustin : (Traité 119 sur Saint Jean). Saint Jean se désigne ordinairement
par l'affection que Jésus avait pour lui, non pas que Jésus n'aimât les
autres disciples, mais parce que le Sauveur avait pour lui un amour plus
particulier et plus intime. « Et elle
leur dit : Ils ont enlevé le Seigneur du sépulcre, et nous ne savons où ils
l'ont mis. » —
Saint Grégoire : (Moral., 3, 10 ou 9 dans les
anc. édit). En parlant de la sorte, Madeleine prend la partie pour le tout;
c'était le corps seul du Sauveur qu'elle était venu chercher, et elle
s'afflige comme si on eût enlevé le Seigneur tout entier. —
Saint Augustin : (Traité 120 sur Saint Jean). Quelques exemplaires grecs portent : « Ils ont enlevé mon Seigneur, » ce
qui parait être l'expression d'un amour plus ardent ou d'un plus grand
attachement. Mais nous n'avons pas trouvé cette addition dans un grand nombre
de manuscrits que nous avons sous la main. —
Saint Jean Chrysostome : L'Evangéliste ne veut point
ravir à cette femme la gloire qui lui est due, et ne croit pas qu'il y ait de
la honte pour eux que Madeleine leur ait appris la première cette nouvelle.
Aussitôt donc qu'elle leur eût parlé, ils se rendent en toute hâte au tombeau. —
Saint Grégoire : (hom. 22 sur les Evang). Ce
sont ceux dont l'amour est plus grand qui courent aussi plus vite que les
autres, c'est-à-dire Pierre et Jean : « Pierre
sortit avec, l'autre disciple, et il vint au sépulcre ». — Théophylactus : Demanderez-vous comment ils osèrent venir au tombeau en présence de
ceux qui le gardaient ? C'est une question qui suppose bien de l'ignorance,
car après que le Seigneur fut ressuscité, et qu'en même temps que la terre
tremblait, un ange apparut sur la pierre du sépulcre, les gardes s’enfuirent
pour annoncer aux pharisiens [ce qui venait d'avoir lieu]. —
Saint Augustin : Après avoir dit : « Ils vinrent au tombeau, » saint Jean
revient sur ses pas pour raconter comment ils y arrivèrent : « Ils couraient tous deux ensemble, et
l'autre courut plus vite que Pierre, et arriva le premier au sépulcre. »
Il nous apprend ainsi qu'il arriva le premier, mais il raconte tout ce qui le
concerne, comme s'il s'agissait d'un autre. —
Saint Jean Chrysostome : Aussitôt qu'il fut arrivé,
il considère les linges qui avaient été laissés dans le tombeau : « Et s'étant penché, il vit les linceuls
posés à terre. » Toutefois il ne pousse pas plus loin ses recherches, et
s'en tient là. C’est pourquoi l’Evangéliste ajoute : « mais il n’entra pas ».
Pierre, au contraire, beaucoup plus ardent, entre dans le tombeau, examine
tout avec soin, et voit quelque chose de plus : « Simon-Pierre qui le suivait, arriva ensuite et entra dans le
sépulcre, et vit les linges posés à terre, et le suaire qui couvrait sa tête,
non point avec les linges, mais plié en un lieu à part. » Il y avait dans
toutes ces circonstances une preuve évidente de la résurrection. Car en
supposant qu'on eût enlevé son corps, on ne l'eût pas dépouillé de ses
linceuls, et ceux qui seraient venus le dérober, n'auraient pas pris tant de
soin d'ôter le suaire, de le rouler et de le placer dans un endroit à pari,
séparé des linceuls; mais ils auraient tout simplement enlevé le corps tel
qu'il se trouvait. Pourquoi saint Jean nous a-t-il l'ait remarquer
précédemment que Jésus avait été enseveli avec une grande quantité de myrrhe,
qui fait adhérer fortement les linges au corps, c'est pour que vous ne soyez
pas dupe de ceux qui vous affirment que le corps du Sauveur a été enlevé, car
celui qui serait venu pour le dérober, n'aurait point perdu le sens à ce
point que de dépenser tant de soins et de temps pour une chose parfaitement
inutile. Jean entre dans le tombeau après Pierre : « Alors l'autre disciple qui était arrivé le premier au sépulcre,
entra aussi, et il vit, et il crut, ». —
Saint Augustin : Il en est qui pensent que
Jean croyait déjà que Jésus était ressuscité, mais ce qui suit indique le
contraire. Il vit que le tombeau était vide, et il crut à ce que Madeleine
leur avait rapporté : « Car, ajoute
le récit évangélique, ils n'avaient pas
encore compris ce que dit l'Ecriture, qu'il fallait qu'il ressuscitât d'entre
les morts. » Jean ne croyait donc pas encore à la résurrection du
Sauveur, puisqu'il ne savait pas encore qu'il devait ressusciter. Le Seigneur
leur en avait parlé souvent, mais bien qu'il s'exprimât dans les termes les
plus clairs, l'habitude qu'ils avaient d'entendre des paraboles, les
empêchait de comprendre ce qu'il leur disait et leur faisait donner un autre
sens à ses paroles. —
Saint Grégoire : (hom. 22 sur les Ev).
Gardons-nous de croire que ce récit aussi détaillé ne renferme pas quelques
mystères ; en effet, Jean, le plus jeune des deux disciples, représente
la synagogue juive; Pierre, le plus âge, est la figure de l'Eglise des
nations, car bien que la synagogue ait précédé l'Eglise des nations pour ce
qui concerne le culte de Dieu, toutefois, dans l'ordre naturel, le peuple des
Gentils précède la synagogue des Juifs. Ils coururent tous deux ensemble,
parce que depuis le temps de leur naissance jusqu'à celui de leur déclin, le
peuple des Gentils et la synagogue ont suivi une voie commune, quoiqu'avec
des sentiments bien différents. La synagogue arrive la première au sépulcre,
mais elle n'y entre pas, c'est qu'en effet, elle a bien reçu de Dieu les
commandements de la loi, elle a entendu les prophéties qui avaient pour objet
l'incarnation et la passion du Seigneur, mais elle a refusé de croire en lui
lorsqu'il fut mort. Simon-Pierre, au contraire, vient et entre dans le
sépulcre, parce que l'Eglise des Gentils est venue la dernière, à la suite de
Jésus-Christ, et a connu et cru qu'il était mort dans sa nature humaine, mais
qu'il était vivant dans sa nature divine. Le suaire qui enveloppait la tête
du Seigneur ne se trouve point avec les linceuls, parce que Dieu est la tête
du Christ, et que les mystères incompréhensibles de la divinité sont en
dehors de l'intelligence de notre faible humanité, et que sa puissance est
au-dessus de toute nature créée. Le suaire n'est pas seulement séparé, mais
roulé, nous dit-on; en effet, un linge qui est roulé ne laisse voir aucune de
ses deux extrémités, et il est ainsi la figure de la divinité sublime qui n'a
point eu de commencement et ne doit point avoir de fin. L'Evangéliste ajoute
avec raison qu'il était placé dans un endroit seul, parce que Dieu ne se
trouve pas dans les âmes divisées, et que ceux-là seuls méritent de recevoir
sa grâce qui ne se séparent pas les uns des autres par les scandales que
produisent les sectes. Le linge qui couvre la tête sert à essuyer la sueur de
ceux qui travaillent, et ce suaire peut être considéré comme la figure du
travail de Dieu, [qui demeure toujours dans
son repos et dans son immutabilité, et qui nous déclare cependant qu'il ne
cesse de travailler, parce qu'il supporte le lourd fardeau des iniquités des
hommes]. Le suaire qui enveloppait la tête est trouvé plié en
un lieu à part, parce que la passion de notre divin Rédempteur est bien
éloignée de nos propres souffrances, car Jésus a souffert sans être coupable,
ce que nous souffrons en expiation de nos crimes. Il s'est soumis
volontairement à la mort dont nous sommes les victimes involontaires. Après
que Pierre est entré, Jean entre à son tour, parce qu'à la fin du monde, les
Juifs se réuniront au peuple fidèle pour embrasser la foi du Rédempteur. —
Théophylactus : Ou bien encore, Pierre est la figure, de l'esprit actif et prompt,
Jean, le symbole de l'esprit contemplatif et instruit dans la connaissance
des choses de Dieu. Or, souvent l'esprit contemplatif est le premier par sa
facilité à comprendre les charités divines, mais l'esprit actif l'emporte sur
cette pénétration d'intelligence par sa ferveur persévérante et sa constante
application, et son regard pénètre le premier la profondeur des divins
mystères. |
Lectio 2 |
Versets 11-18 |
[86156] Catena in Io., cap. 20 l. 2 Gregorius
in Evang. Maria autem Magdalene, quae fuerat in civitate peccatrix, amando
veritatem laverat lacrymis maculas criminis, cuius mentem magna vis amoris
accenderat, quae a monumento domini, etiam discipulis recedentibus, non
recedebat; dicitur enim abierunt ergo iterum discipuli ad semetipsos. Augustinus in Ioannem. Idest, ubi habitabant, et
unde ad monumentum cucurrerant. Viris autem redeuntibus, infirmiorem sexum in
eodem loco fortior figebat affectus; unde sequitur Maria autem stabat ad
monumentum foris plorans. Augustinus de Cons. Evang. Idest, ante illum saxei
sepulchri locum; sed tamen intra illud spatium quo iam ingressae fuerant :
hortus quippe illic erat. Chrysostomus in Ioannem. Ne mireris autem quod Maria
amare flebat ad sepulchrum, Petrus vero nihil tale passus est : compassibile
enim est muliebre genus et natura flebile. Augustinus in Ioannem. Oculi igitur qui dominum
quaesierant et non invenerant, lacrymis vacabant, amplius dolentes, quod
fuerat ablatus de monumento quam quod fuerat occisus in ligno : quoniam
magistri tanti, cuius vita subtracta fuerat, nec memoria remanebat. Augustinus de Cons. Evang. Viderat autem cum aliis
mulieribus Angelum sedentem a dextris super lapidem revolutum a monumento, ad
cuius verba cum fleret, prospexit in monumentum. Chrysostomus. Magnum enim ad mitigationem est
monumentum apparens. Vide denique eam, ut plus requiesceret, et inclinantem
se, et volentem locum videre ubi iacuit corpus; unde sequitur dum ergo
fleret, inclinavit se, et prospexit in monumentum. Gregorius in Evang. Amanti enim semel aspexisse non
sufficit, quia vis amoris intentionem multiplicat inquisitionis. Augustinus in Ioannem. Nimium enim dolebat, nec suis
nec discipulorum oculis facile putabat esse credendum : an potius divino
instinctu in animo eius effectum est ut prospiceret? Gregorius. Quaesivit enim corpus, et minime invenit;
perseveravit ut quaereret : unde et contingit ut inveniret, actumque est ut desideria
dilata crescerent, et crescentia caperent quod invenissent. Sancta enim
desideria dilatione crescunt; si autem dilatione deficiunt, desideria non
fuerunt. Ista itaque, quae sic amat, quae se ad monumentum quod prospexerat,
iterum inclinat : videamus quo fructu vis amoris in ea ingeminat opus
inquisitionis; sequitur enim et vidit duos Angelos in albis sedentes, unum ad
caput, et unum ad pedes, ubi positum fuerat corpus Iesu. Chrysostomus. Quia enim non erat excelsa mulieris
mens ut ex sudariis perciperet resurrectionem, Angelos videt in laeto habitu,
ut et ipsa a passione mitigetur. Augustinus. Quid est autem quod unus ad caput, et
alter ad pedes sedebat? An, quoniam qui Graece Angeli dicuntur, Latine sunt
nuntii, isto modo Christi Evangelium, velut a capite usque ad pedes, ab
initio usque in finem signabant esse nuntiandum? Gregorius. Vel ad caput sedet Angelus cum per
apostolos praedicatur, quia in principio erat verbum; et quasi ad pedes
sedet, cum dicitur : verbum caro factum est. Possumus etiam per duos Angelos
duo testamenta agnoscere, quae dum pari sensu incarnatum et mortuum ac
resurrexisse dominum nuntiant quasi testamentum prius ad caput et testamentum
posterius ad pedes sedet. Chrysostomus. Angeli autem apparentes nihil de
resurrectione dicunt; sed paulatim in eum qui de resurrectione est intrant
sermonem. Quia enim mulier ultra consuetudinem praeclarum habitum viderat, ne
turbetur, audivit compassionis vocem; unde sequitur dicunt ei illi : mulier,
quid ploras? Angeli lacrymas prohibebant, et futurum quodammodo
gaudium nuntiabant : ita enim dixerunt quid ploras? Ac si dicerent : plorare
noli. Gregorius. Ipsa enim sacra eloquia, quae nos in
lacrymas amoris excitant, easdem lacrymas consolantur, dum nobis redemptoris
nostri speciem repromittunt. Augustinus. At illa eos putans
interrogasse nescientes, causas prodit lacrymarum; unde sequitur dicit eis :
quia tulerunt dominum meum. Dominum suum vocat domini sui corpus exanime, a
toto partem significans; sicut omnes confitemur Iesum Christum filium Dei
sepultum, cum sola eius sepulta sit caro. Sequitur et nescio ubi posuerunt.
Haec erat causa maioris doloris, quia nesciebat quo iret ad consolandum
dolorem. Chrysostomus in Ioannem. Nondum autem de
resurrectione aliquid noverat, sed adhuc translationem imaginabatur. Augustinus de Cons. Evang. Hic intelligendi sunt
surrexisse Angeli, ut etiam stantes viderentur, sicut Lucas eos visos esse
commemorat. Augustinus in Ioannem. Sed hora iam venerat qua id
quod nuntiatum quodammodo fuerat ab Angelis flere prohibentibus, gaudium
succederet flentibus; unde sequitur haec cum dixisset, conversa est retrorsum.
Chrysostomus. Sed quare ad Angelos loquens, et nondum ab eis aliquid
audiens, convertitur retrorsum? Mihi videtur quod haec ea dicente, Christus
post eam apparuit, et Angeli considerantes dominatorem, et figura et
inspectione et motu confestim ostenderunt quoniam dominum viderunt; et hoc
est quod mulierem converti retrorsum fecit. Gregorius. Notandum etiam quod Maria, quae adhuc de
domini resurrectione dubitabat, conversa retrorsum est ut videret Iesum, quia
videlicet per eamdem dubitationem suam quasi tergum in domini faciem miserat,
quem resurrexisse minime credebat. Sed quia amabat et dubitabat, videbat et
non agnoscebat eum; unde sequitur et vidit Iesum stantem, et non sciebat quia
Iesus esset. Chrysostomus. Angelis enim ut dominator apparuit,
mulieri vero non ita, ne eam ex prima visione stupefaceret : non enim
oportebat eam repente ad excelsa reducere, sed paulatim. Sequitur dicit ei
Iesus : mulier, quid ploras? Quem quaeris? Gregorius. Interrogatur doloris causa, ut augeatur
desiderium; quatenus cum nominaret quem quaereret, in amorem eius ardentius
aestuaret. Chrysostomus. Et quia in communi figura apparuit,
aestimavit eum hortulanum esse; unde sequitur illa aestimans quia hortulanus
esset, dicit ei : domine, si tu sustulisti eum, dicito mihi ubi posuisti eum,
et ego eum tollam; hoc est : si propter timorem Iudaeorum levasti eum, dicito
mihi, et ego eum accipiam. Theophylactus. Timebat enim ne Iudaei etiam in
corpus saevirent exanime; et ideo volebat in alio loco incognito illud
transponere. Gregorius. Forsitan autem nec errando haec mulier
erravit, quae Iesum hortulanum credidit. An non ei spiritualiter hortulanus
erat, qui in eius pectore per amoris sui vim semina virtutum virentia
plantabat? Sed quid est quod viso eo quem hortulanum credidit, cui necdum
dixerat quem quaerebat, ait : domine, si tu sustulisti eum? Sed vis amoris
hoc agere solet in animo, ut quem ipse semper cogitat, nullum alium credat
ignorare. Postquam autem eam dominus communi vocabulo appellavit ex sexu, et
agnitus non est, vocat ex nomine; unde sequitur dicit ei Iesus : Maria; ac si
dicat : recognosce eum a quo recognosceris. Maria ergo, quia vocatur ex
nomine, recognoscit auctorem : quia et ipse erat qui quaerebatur exterius, et
ipse qui eam interius, ut quaereret, docebat; unde sequitur conversa illa
dicit ei : Rabboni (quod dicitur magister). Chrysostomus in Ioannem. Sicut enim Iudaeis
quandoque immanifestus erat et praesens; ita et loquens cum volebat, seipsum
notum faciebat. Qualiter autem conversam dicit, cum Christus ad eam
loqueretur? Mihi videtur quod dicente ea ubi posuisti eum, conversa est ad
Angelos, ut interrogaret cur stupefacti essent. Deinde Christus vocans eam,
convertit eam ad seipsum, et per vocem manifestum seipsum fecit. Augustinus in Ioannem. Vel quia prius conversa
corpore, quod non erat putavit, nunc corde conversa quod erat agnovit. Nemo
autem calumnietur mulierem, quod hortulanum dixerit dominum, et Iesum
magistrum : ibi enim honorabat hominem a quo beneficium postulabat; hic
recolebat doctorem, a quo discernere humana et divina discebat. Aliter ergo
dominum dixit : sustulerunt dominum meum; aliter autem : domine, si tu
sustulisti eum. Gregorius. Iam vero ab Evangelista non subditur quid
mulier fecit, sed ex eo innuitur quod audivit; sequitur enim dicit ei Iesus :
noli me tangere : in his namque verbis ostenditur, quod Maria amplecti voluit
eius vestigia quem recognovit. Sed cur tangi non debeat, ratio quoque additur
cum subiungitur nondum enim ascendi ad patrem meum. Augustinus. Sed si stans in terra non tangitur,
sedens in caelo quomodo ab homine tangetur? Qui certe antequam ascenderet,
discipulis suis se obtulit tangendum, dicens : palpate, et videte, quia
spiritus carnem et ossa non habet, ut Lucas testatur. Quis autem tam sit
absurdus ut dicat, eum a discipulis quidem, antequam ascendisset ad patrem,
se voluisse tangi, a mulieribus autem noluisse, nisi cum ascendisset ad
patrem? Sed leguntur etiam feminae post resurrectionem, antequam ad patrem
ascenderet, tetigisse Iesum, in quibus erat etiam ipsa Maria Magdalena,
narrante Matthaeo. Aut ergo hoc sic dictum est ut in illa femina
figuraretur Ecclesia de gentibus, quae in Christum non credidit nisi cum
ascendisset ad patrem; aut sic in se credi voluit Iesus, hoc est sic se
spiritualiter tangi, quod ipse et pater unum sunt. Eius quippe intimis
sensibus quodammodo ascendit ad patrem qui sic in eo profecerit ut patri
agnoscat aequalem. Quomodo autem haec non carnaliter adhuc in eum credebat
quem sicut hominem fiebat? Augustinus de Trin. Tactus autem tamquam finem facit
notionis; ideoque nolebat in eo esse finem intenti cordis in se, ut hoc quod
videbatur tantummodo putaretur. Chrysostomus. Vel aliter. Volebat haec mulier adhuc
cum Christo esse, sicut et ante passionem; et prae gaudio nihil magnum
excogitabat; quamvis caro Christi multo melior facta fuerit resurgendo. Ab
hac ergo intelligentia eam abducens, dixit noli me tangere, ut cum multa
reverentia ei loquatur : unde nec discipulis apparet de reliquo cum eis
conversans, ut reverentius ei attendant. Dicens autem nondum enim ascendi,
ostendit quoniam illuc properat et festinat. Eum autem qui illuc debet abire,
et non ultra cum hominibus conversari, non oportebat cum eadem videre mente
qua et ante; et hoc manifestat consequenter dicens vade autem ad fratres
meos; et dic eis : ascendo ad patrem meum et patrem vestrum, Deum meum et
Deum vestrum. Hilarius de Trin. Inter ceteras impietates suas
etiam hoc dicto domini uti solent haeretici, ut per id quod pater eius pater
eorum est, et Deus eius, Deus eorum est, in natura Dei non sit. Sed in forma
Dei manens formam servi assumpsit : et cum hoc ad homines in servi forma
Christus Iesus loquatur, non ambigitur quin pater sibi ut ceteris sit ex ea
parte qua homo est, et Deus sibi ut cunctis sit ex ea natura qua servus est.
Denique hunc eumdem sermonem coepit dicens vade ad fratres meos. Fratres
autem ex carne sunt Deo; ceterum unigenitus Deus in unigeniti exceptione sine
fratribus est. Augustinus in Ioannem. Vel aliter. Non ait : patrem
nostrum, sed patrem meum et patrem vestrum. Aliter ergo meum, aliter vestrum;
natura meum, gratia vestrum. Neque dixit : Deum nostrum, sed Deum meum, sub
quo ego homo, et Deum vestrum, inter quos et ipsum mediator sum. Augustinus de Cons. Evang. Tunc ergo egressa est a
monumento, hoc est ab illo loco ubi erat horti spatium ante lapidem effossum,
et cum illa aliae quas secundum Marcum invaserat tremor et pavor, et nemini,
scilicet aliorum, quidquam dicebant; unde et hic dicitur venit Maria
Magdalene annuntians discipulis : quia vidi dominum, et haec dixit mihi. Gregorius. Ecce humani generis culpa ibi absconditur
unde processit : quia enim in Paradiso mulier viro propinavit mortem, a
sepulchro mulier viris annuntiavit vitam; et dicta sui vivificatoris narrat
quae mortiferi serpentis verba narraverat. Augustinus. Dum autem cum aliis veniret, tunc
secundum Matthaeum occurrit illis Iesus dicens : avete. Sic ergo colligamus
Angelorum collocutionem bis numero eas habuisse venientes ad monumentum, et
etiam ipsius domini : semel scilicet quando Maria hortulanum putavit; et
iterum cum eis occurrit in via, ut eas repetitione firmaret : et sic venit
Maria Magdalene annuntians discipulis, non solum ipsa, sed et aliae quas
Lucas commemorat. Beda. Mystice autem Maria, quae interpretatur
domina, illuminata, illuminatrix, seu stella maris, significat Ecclesiam,
quae Magdalena, idest turrensis dicitur : nam Magdalon Graece, Latine turris
dicitur, propter illud quod dicitur in Psalmo 60, 4 : factus est mihi turris
fortitudinis. In eo autem quod haec mulier discipulis Christum resurrexisse
nuntiavit, omnes monentur, maxime quibus est commissum praedicandi officium,
ut si quid ei caelitus revelatum fuit, studiose proximis propinent. |
—
Saint
Grégoire : (hom. 25 sur les Evang). Marie-Madeleine, qui
avait été [connue pour] une femme pécheresse dans la ville, dans son amour
pour la vérité, lava de ses larmes les taches de sa vie criminelle. [et vit s'accomplir en elle
ces paroles de la vérité : « Beaucoup de péchés lui sont remis, parce qu'elle
a beaucoup aimé. » (Lc 7) Elle était restée précédemment dans le froid mortel
du péché, elle brûle maintenant des flammes de l'amour le plus ardent.
Considérez, en effet,] combien grande était la force de son amour qui la
retient près du tombeau du Sauveur, alors que tous ses disciples l'ont
abandonné, comme le rapporte l'Evangéliste : « Les disciples s'en
revinrent de nouveau chez eux. » —
Saint Augustin : C'est-à-dire dans le lieu
qu'ils habitaient et d'où ils étaient accourus au tombeau. Les hommes s'en
sont retourné, mais un amour beaucoup plus fort enchaîne près du tombeau le
sexe qui est le plus faible : « Mais Marie se tenait dehors, près du
sépulcre, versant des larmes. » —
Saint Augustin : (de l'acc. des Ev., 3, 24).
Elle se tenait près du sépulcre de pierre, mais dans le lieu fermé dans
lequel elles étaient déjà entrées, car il y avait là un jardin. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 86 sur Saint Jean). Ne soyez point surpris que Marie
pleure amèrement auprès du tombeau, tandis que nous ne voyons pas que Pierre
ait versé des larmes, car les femmes sont naturellement portées à la
compassion et aux pleurs. —
Saint Augustin : Les yeux qui avaient cherché
le Seigneur sans le trouver étaient donc baignés de larmes et ils
s'affligeaient beaucoup plus de ce que le corps du Sauveur avait été enlevé
du tombeau, que de ce qu'il avait été mis à mort sur la croix, car on ne possédait
même plus alors le tombeau de ce divin Maître dont la vie avait été si
cruellement tranchée. —
Saint Augustin : (De l’accord des Evang., 3,
24). Marie avait vu avec les autres femmes l'ange assis à droite sur la
pierre renversée du tombeau, et à sa voix elle regarde en pleurant dans le
tombeau. —
Saint Jean Chrysostome : La vue du tombeau d'une
personne chère est un adoucissement [à la douleur de l'avoir perdue], aussi
voyez comment Marie cherche à se consoler en se penchant et en regardant de
plus près le lieu où a reposé le corps [du Sauveur] : « Tout en
pleurant, elle se pencha et regarda dans le sépulcre ». —
Saint Grégoire : (hom. 25) Ce n'est pas assez
pour son amour de l'avoir vu une fois, et sa vive affection redouble ses
désirs et lui fait multiplier ses recherches. —
Saint Augustin : (Traité 121 sur Saint Jean). Sa douleur n'avait point de bornes,
elle n'en croyait ni à ses yeux ni à ceux des disciples, ou plutôt une
inspiration divine la portait à regarder dans l'intérieur du tombeau. —
Saint Grégoire : Elle a cherché le corps du
Sauveur sans le trouver, elle a persévéré dans ses recherches et elle a fini
par le trouver. Ses désirs retardés dans la jouissance de leur objet n'en
devinrent que plus ardents, et dans leur ardeur ils se saisirent de ce qu'ils
cherchaient. En effet, le retard ne fait qu'accroître les saints désirs, et
ceux qu'il rend moins ardents n'étaient pas de vrais désirs. Or voyons dans
cette femme dont l'affection est si forte et qui se penche de nouveau vers le
tombeau qu'elle avait déjà examiné, quelle est la récompense de cet amour
ardent qui la porte à multiplier ses recherches : « Et elle vit deux anges
vêtus de blanc, assis à la place où avait été posé le corps de Jésus, l’un à
la tête et l’autre aux pieds.» —
Saint Jean Chrysostome : Comme l'esprit de cette
femme n'était pas encore assez élevé pour que la vue des linceuls lui fît
conclure que Jésus était ressuscité, elle voit des anges revêtus d'habits de
joie et qui devaient apaiser sa douleur. —
Saint Augustin : Mais pourquoi l'un de ces
anges est-il assis à la tête et l'autre aux pieds ? Ceux qui sont appelés
anges en grec portent en latin le nom de messagers; cette manière
d'apparaître ne signifierait-elle donc pas que l'Evangile de Jésus-Christ
devait être annoncé des pieds jusqu'à la tête, c'est-à-dire du commencement
jusqu'à la fin ? —
Saint Grégoire : Ou bien encore l'ange qui
est assis à la tête représente les apôtres annonçant au monde ces paroles : «
Au commencement était le Verbe, » et celui qui est assis aux pieds figure
les mêmes apôtres prêchant cette autre vérité : « Et le Verbe s'est fait
chair. » Nous pouvons encore voir dans ces deux anges les deux Testaments
qui annoncent d'un commun accord l'incarnation, la mort et la résurrection du
Sauveur, le premier des deux Testaments est comme assis à la tête, et le
second aux pieds. —
Saint Jean Chrysostome : Les anges qui apparaissent
ne disent rien de la résurrection, mais amènent indirectement le discours sur
cette vérité. La vue de ces vêtements éclatants et extraordinaires pouvait
inspirer à Marie un sentiment d'effroi, mais ce sont des paroles de
compassion qu’elle entend ; ils lui disent donc : « Femme, pourquoi
pleurez-vous ? » —
Saint Augustin : [référence à vérifier] Les anges lui défendent les larmes, et lui annoncent la joie qui
devait bientôt inonder son âme, car lui demander : « Pourquoi pleurez-vous
? » c'est lui dire : « Ne pleurez pas. » —
Saint Grégoire : C'est qu'un effet les
saintes Ecritures qui excitent en nous les larmes de l'amour, sèchent ces
mêmes larmes, en nous donnant l'espérance du Rédempteur. —
Saint Augustin : Marie, persuadée qu'ils
ignorent ce qu'ils lui demandent, leur fait connaître la cause de ses larmes
: « Elle leur répondit : Parce qu'ils ont enlevé mon Seigneur. » Elle
appelle son Seigneur, le corps inanimé du Sauveur, en prenant la partie pour
le tout, dans le sens ou nous confessons tous que Jésus-Christ, Fils de Dieu
a été enseveli, bien que son corps seul ait été mis dans le tombeau. « Et
je ne sais où ils l'ont mis. » Ce qui augmentait sa douleur, c'est
qu'elle ne savait où aller pour la consoler. —
Saint Jean Chrysostome : Elle ne savait encore rien
de la résurrection, et s'imaginait que le corps avait été changé de place. —
Saint Augustin : (De l'accord des Evang., 3, 24).
Il faut admettre ici que les anges se levèrent, et apparurent debout, comme
saint Luc le dit en termes exprès. —
Saint Augustin : (Traité 121 sur Saint Jean). Mais le moment était venu ou selon la
prédiction des anges qui lui avaient dit : « Ne pleurez pas, » la joie
devait succéder aux larmes : « Ayant dit cela, elle se retourna, ». —
Saint Jean Chrysostome : Pourquoi Marie qui vient de
parler aux anges, se retourne-t-elle en arrière sans attendre leur réponse ?
C'est à mon avis qu'au moment où elle parlait aux anges, Jésus-Christ apparut
derrière elle, et que les anges à la vue de leur souverain Maître,
manifestèrent par leur attitude, leur regard et leurs mouvements qu'ils
avaient vu le Seigneur, et c'est ce qui porta Marie à se retourner. —
Saint Grégoire : Remarquez que Marie qui
doutait encore de la résurrection du Seigneur, se retourne en arrière pour
voir Jésus, parce qu'en doutant ainsi, elle tournait pour ainsi dire le dos
au Seigneur à la résurrection duquel elle ne croyait pas. Mais comme malgré
le doute de son esprit, elle aimait le Sauveur, elle le voyait sans le reconnaître
: « Elle vit Jésus debout et elle ne savait pas que ce fut Jésus. » —
Saint Augustin : [référence à vérifier] Jésus apparut aux anges comme leur souverain maître, mais à Marie sous
un autre aspect pour ne point jeter l'effroi dans son âme au premier regard,
car ce n'est pas tout d'un coup, mais insensiblement qu'il fallait la ramener
à des idées plus élevées. « Jésus lui dit : Femme, pourquoi pleurez-vous ? Qui
cherchez-vous ? » —
Saint Grégoire : Il lui demande la cause de
sa douleur pour accroître ses désirs et embraser son âme d'un amour plus
ardent en lui faisant prononcer le nom de celui qu'elle cherchait. —
Saint Jean Chrysostome : Comme Jésus lui était apparu
sous une forme ordinaire, elle crut que c'était le jardinier : « Elle,
pensant que c'était le jardinier, lui dit : Seigneur, si vous l'avez enlevé,
dites-moi où vous l'avez mis et je l'emporterai, » c'est-à-dire : si
c'est par crainte des Juifs que vous l'avez enlevé, dites-le moi, et je le
prendrai [pour le mettre en sûreté]. — Théophylactus : Elle craignait que les Juifs ne se portent à de nouveaux excès sur son
corps même inanimé, et elle voulait le transporter dans un autre endroit qui
leur fût inconnu. — Saint
Grégoire : Mais ne peut-on pas dire que cette femme tout
en se trompant ne fut pas dans l'erreur en croyant que Jésus était le
jardinier ? N'était-il pas pour elle un jardinier spirituel, lui qui par la
force de son amour avait semé dans son cœur les germes féconds de toutes les
vertus ? Mais comment se fait-il qu'en voyant celui qu'elle prenait pour le
jardinier, et sans lui avoir dit qui elle cherchait, elle lui fait cette
question : Seigneur, si c'est vous qui l'avez enlevé ? etc. Tel est le caractère
d'un amour ardent, il ne suppose point que personne puisse ignorer celui qui
est l'objet constant de ses pensées. Après l'avoir d'abord appelé de son nom
de femme sans en avoir été reconnu, le Sauveur l'appelle par son nom propre :
« Jésus lui dit Marie, » comme s'il lui disait : Reconnaissez celui
qui vous reconnaît. Marie, en s'entendant appeler par son nom, reconnaît son
divin Maître, car celui qu'elle cherchait extérieurement, était le même qui
lui inspirait intérieurement le désir de le chercher : « Elle, se
retournant, lui dit : Rabboni, c'est-à-dire Maître. » —
Saint Jean Chrysostome : De même qu'il était
quelquefois présent au milieu des Juifs, sans qu'il en fût reconnu, ainsi
même en parlant, il ne se faisait connaître que lorsqu'il le voulait. Mais
comment expliquer ce que dit l'Evangéliste, que Marie se retourna, lorsque
Jésus lui adressa la parole ? Je pense que lorsqu'elle fit cette question : «
Dites-moi où vous l'avez mis ? » elle se tourna vers les anges pour leur
demander la cause de leur étonnement, et lorsqu'ensuite Jésus-Christ
l'appelle par son nom, elle se retourne vers lui, et il se découvre à elle
par sa parole. —
Saint Augustin : On peut dire encore qu'en se
retournant d'abord extérieurement elle prit Jésus pour un autre, mais lorsqu'elle
se tourne vers lui par le mouvement de son cœur, elle le reconnaît pour ce
qu'il est. Que personne du reste n'accuse cette femme de donner au jardinier
le nom de Seigneur, et à Jésus celui de Maître. [Ici, elle adressait une
prière, là elle reconnaît,] d'un côté elle témoigna des égards à un homme de
qui elle attendait un service; de l'autre, elle reconnaît le docteur qui lui
avait appris à faire le discernement des choses humaines et des vérités
divines. C'est donc dans un tout autre sens qu'elle prend le nom de Seigneur
dans cette phrase : « Ils ont enlevé mon Seigneur, » et dans celte
autre : « Seigneur, si vous l'avez, enlevé. » —
Saint Grégoire : L'Evangéliste ne nous dit
pas ce que fit ensuite Marie-Madeleine, mais nous pouvons facilement le supposer
par les paroles que le Sauveur lui adresse : « Jésus lui dit : Ne me
touchez point, » et qui prouvent qu'elle voulait embrasser les pieds de
celui qu'elle venait de reconnaître. Mais pourquoi ne veut-il point qu'elle
le touche ? Il en donne la raison : « car je ne suis pas encore remonté
vers mon Père. » —
Saint Augustin : Mais si on ne peut le
toucher alors qu'il est sur la terre, comment les hommes pourront-ils le
toucher lorsqu'il sera remonté dans le ciel ? D'ailleurs, avant de remonter vers
le ciel, n'a-t-il pas engagé lui-même ses disciples à le toucher, en leur
disant : « Touchez et voyez qu'un esprit n'a ni chair ni os, » ainsi
que le rapporte saint Luc. (Lc 24) Or, qui donc oserait pousser l'absurdité
jusqu'à dire qu'à la vérité il a consenti à être touché par ses disciples
avant de remonter vers son Père, mais qu'il n'a voulu être touché par des
femmes que lorsqu'il serait remonté dans le ciel ? Mais ne voyons-nous pas
que les femmes elles-mêmes, parmi lesquelles était Marie-Madeleine, ont touché
le corps du Sauveur après sa résurrection, avant qu'il fut remonté vers son
Père, comme le raconte saint Matthieu : [« Et voilà que Jésus se présenta
devant elles et leur dit : Je vous salue. Elles s'approchèrent, et,
embrassant ses pieds, elles l'adorèrent. » (Mt 28, 8)]. Il faut donc
entendre cette défense dans ce sens que Marie-Madeleine était la figure de
l'Eglise des Gentils, qui n'a cru en Jésus-Christ que lorsqu'il fut remonté
vers son Père. On peut dire encore que Jésus a voulu que la foi qu'on avait
en lui, foi par laquelle on le touche spirituellement, allait jusqu'à croire
que son Père et lui ne faisaient qu'un. Car celui qui a fait en lui d'assez
grands progrès pour reconnaître qu'il est égal à son Père, monte en quelque
manière jusqu'au Père par les sentiments intérieurs de son âme. Comment, en
effet, la foi de Madeleine en Jésus-Christ n'aurait-elle pas été charnelle,
puisqu'elle ne le pleurait encore que comme un homme ? —
Saint Augustin : (de la Trin., 1, 9). Le
toucher est comme le dernier degré de la connaissance; aussi Jésus ne voulait
pas qu'il fût comme le dernier terme de l'affection si vive de
Marie-Madeleine pour lui, et que sa pensée s'arrêtât à ce qui frappait ses
regards. —
Saint Jean Chrysostome : Ou bien encore, cette femme
voulait dans ses rapports avec le Sauveur, se conduire comme avant sa
passion, et la joie qu'elle éprouvait fermait son esprit à toute pensée
élevée, bien que le corps de Jésus-Christ fût revêtu de propriétés bien
supérieures depuis sa résurrection. C'est donc pour la détourner de ces
pensées trop naturelles, qu'il lui dit : « Ne me touchez point » ;
il veut ainsi qu'elle apprenne à lui parler avec une moins grande
familiarité; c'est pour la même raison que ses rapports avec ses disciples ne
sont plus les mêmes [qu'avant sa passion], afin qu'ils aient pour lui une
plus grande vénération. Ces paroles : « Je ne suis pas encore monté vers
mon Père, » indiquent qu'il se hâte de se rendre au plus tôt vers lui.
Or, il ne fallait plus voir et traiter de la même manière celui qui devait
bientôt se rendre dans les cieux et cesser tout rapport extérieur avec les
hommes, et c'est ce qu'il veut faire entendre, en ajoutant : « Allez à mes
frères, et dites-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu
et votre Dieu. » —
Saint Hilaire : (de la Trin., 11) Parmi tant
d'autres impiétés, les hérétiques prétendent s'appuyer sur ces paroles du
Seigneur, pour soutenir que son Père étant le Père de ses disciples, et son
Dieu leur Dieu, il n’a pas lui-même la nature divine. [Ils ne réfléchissent
pas qu']il a pris la nature du serviteur, tout en conservant la nature
divine. Or, puisque c'est dans la forme de serviteur que Jésus-Christ
s'adresse à des hommes, nul doute qu'à ne considérer que sa nature humaine et
la forme d'esclave dont il s'est revêtu, son Père ne soit aussi leur Père, et
son Dieu leur Dieu. Il s'exprime encore de la même manière lorsqu'il leur dit
en commençant : « Allez à mes frères. » Ils sont les frères de Dieu
selon la chair, car en tant que Fils unique de Dieu, il n'a point de frères. —
Saint Augustin : Remarquez d'ailleurs que
Jésus ne dit point : Notre Père, mais : « Mon Père, et votre Père. »
Il est donc mon Père dans un autre sens qu'il est le vôtre; il est mon Père
par nature, il est le vôtre par grâce. Il ne dit pas non plus : Notre Dieu,
mais : « Mon Dieu, » auquel je suis inférieur comme homme, et : «Votre
Dieu, » et je suis le médiateur entre vous et lui. —
Saint Augustin : (de l'accord des Evang., 3,
24). Madeleine sortit alors du tombeau, c'est-à-dire du jardin qui entourait
le tombeau creusé dans le roc. Avec elle sortirent les autres femmes que
saint Marc nous représente saisies de crainte et d'effroi, et toutes gardent
un profond silence. Marie-Madeleine, poursuit l'Evangéliste, vint trouver les
disciples et leur dit : « J'ai vu le Seigneur, et il m'a dit cela. » —
Saint Grégoire : Le crime du genre humain est
effacé dans les mêmes circonstances où il a été commis, c'est dans un jardin
que la femme a communiqué la mort à l'homme, c'est en sortant d'un sépulcre
qu'une femme vient annoncer la vie aux hommes, et celle qui s'était rendu
l'organe des paroles de mort du serpent, rapporte aujourd'hui les paroles du
souverain auteur de la vie. —
Saint Augustin : (de l'accord des Evang., 3,
24). D'après le récit de saint Matthieu, c'est alors que Madeleine revenait
avec les autres femmes, que Jésus se présenta devant elles et leur dit : «
Je vous salue. » Il faut conclure de là que les anges aussi bien que le
Sauveur, parlèrent aux pieuses femmes, lorsqu'elles allèrent au tombeau, à
deux reprises différentes; une première fois lorsque Marie prit Jésus pour le
jardinier, et une seconde fois, lorsqu'il se présenta de nouveau devant elles
pour les affermir par cette double apparition; c'est donc alors que Marie-Madeleine,
non pas seule, mais avec les autres femmes dont parle saint Luc, vint
annoncer cette nouvelle aux disciples. — Saint Bède : (sur Saint Matth., 27) [référence à
vérifier] Dans le sens allégorique [ou tropologique], Jésus se
présente à tous ceux qui commencent à marcher dans le chemin des vertus, et
il les salue en leur donnant les secours nécessaires pour arriver au salut
éternel. Les deux femmes qui portent le même nom et qui, animées des mêmes
sentiments de piété et d'amour (c'est-à-dire, Marie-Madeleine et l'autre
Marie), viennent visiter le tombeau du Sauveur, figurent les deux peuples
fidèles, le peuple des Juifs et le peuple des Gentils, qui manifestent le
même zèle et le même empressement pour célébrer la passion et la résurrection
du Rédempteur. (Sur Saint Marc). C'est avec
raison que la femme qui a la première annoncé aux disciples éplorés la
joyeuse nouvelle de la résurrection du Sauveur, nous est représentée comme
ayant été délivrée de sept démons, c'est-à-dire, de tous les vices; elle nous
apprend ainsi, que nul de ceux dont le repentir est véritable, ne doit
désespérer du pardon de ses fautes, en la voyant elle-même élevée à un si
haut degré de foi et d'amour, qu'elle est jugée digne d'annoncer aux Apôtres
eux-mêmes le miracle de la résurrection. — La Glose : [référence
à vérifier] Marie-Madeleine qui se montre bien plus empressée que tous
les autres d'aller voir le tombeau de Jésus-Christ, représente toute âme qui
désire vivement connaître la vérité divine, et qui mérite ainsi d'obtenir
cette connaissance. Mais elle doit alors faire connaître aux autres la vérité
qui lui a été révélée, à l'exemple de Madeleine, qui annonce la résurrection
aux disciples, pour éviter la juste condamnation d'avoir tenu caché son
talent. (Sur Saint Marc). Il ne vous est pas
permis de renfermer cette joie dans le secret de votre cœur, mais vous devez
la faire partager à ceux qui partagent votre amour. Dans le sens allégorique, Marie qui signifie
maîtresse, illuminée, illuminatrice, étoile de la mer, est la figure de
l'Eglise. Elle s'appelle aussi Madeleine, c'est-à-dire, élevée comme une
tour, car le mot Magdal, en grec, a la même signification que le mot turris
en latin. Or, ce nom qui est dérivé du mot tour, convient parfaitement à
l'Eglise, dont il est dit dans le Psaume 60 : « Vous êtes devenu pour moi
une forte tour contre l’ennemi. » L'exemple de Marie-Madeleine, annonçant
la résurrection de Jésus-Christ aux disciples, nous avertit tous et surtout
ceux à qui a été confié le ministère de la parole, de transmettre
soigneusement à notre prochain ce que nous avons reçu nous-mêmes par
révélation divine. |
Lectio 3 |
Versets 19-25 |
[86157] Catena in Io., cap. 20 l. 3 Chrysostomus
in Ioannem. Audientes discipuli quod Maria annuntiavit, consequens erat ut
aut discrederent, aut credentes dolerent, quoniam eos non reputavit dignos
sua visione. Haec igitur recogitantes neque per unam diem dimisit
pertransire; sed ex eo quod sciebant iam suscitatum esse, videre sitientibus
et timidis existentibus, cum sero factum esset, ipsis astitit; unde dicitur
cum ergo sero esset die illo, una sabbatorum, et fores essent clausae ubi
erant discipuli congregati propter metum Iudaeorum. Beda. In hoc infirmitas apostolorum monstratur, qui
foribus clausis intus congregati resident propter timorem Iudaeorum, quorum
metu fuerant prius dispersi. Venit Iesus, et stetit in medio. Ideo autem sero
apparuit, quia consequens erat tunc maxime eos timidos esse.
Theophylactus. Vel quia praestolabatur ut omnes convenirent. Ostiis vero
clausis, ut ostendat quia eodem modo resurrexit adiacente lapide super
monumentum. Augustinus. Nonnulli autem de hac re ita moventur,
ut pene periclitentur afferentes contra miracula divina, praeiudicia
ratiocinationum suarum; sic enim disputant : si corpus erat, si hoc surrexit
de sepulchro quod pependit in ligno, quomodo per ostia clausa intrare potuit?
Si comprehendis modum, non est miraculum; ubi deficit ratio, ibi est fidei
aedificatio. Augustinus in Ioannem. Moli quidem corporis, ubi
divinitas erat, ostia clausa non obstiterunt : ille quippe non eis apertis
intrare potuit quo nascente virginitas matris inviolata permansit. Chrysostomus. Sed mirabile est qualiter phantasma
eum non aestimarunt. Sed hoc fuit quia mulier praeveniens, in eis multam
fidem operata est. Sed et ipse per visum manifestum se eis ostendit, et voce
eorum fluctuantem mentem firmavit; unde sequitur et dixit eis : pax vobis;
idest, ne tumultuemini : in quo etiam commemorat verbum quod ante crucem
dixerat : pacem meam do vobis; et rursus : in me pacem habebitis. Gregorius. Et quia ad illud corpus, quod videri
poterat, fides intuentium dubitabat, ostendit eis protinus manus et latus;
unde sequitur et cum hoc dixisset, ostendit eis manus et latus. Clavi enim manus fixerant, lancea latus aperuerat : ibi
ad dubitantium corda sananda vulnerum sunt servata vestigia. Chrysostomus in Ioannem. Et quia ante crucem eis
dixerat : iterum videbo vos, et gaudebit cor vestrum, hoc opere impletur;
unde sequitur gavisi sunt discipuli viso domino. Augustinus de Civ. Dei. Claritas, qua iusti
fulgebunt sicut sol in regno patris sui, in Christi corpore, cum resurrexit,
ab oculis discipulorum potius abscondita fuisse quam defuisse credenda est
(non enim eam ferret humanus atque infirmus aspectus), quando ille a suis ita
deberet attendi ut posset agnosci. Chrysostomus. Universa autem haec eos ad fidem
certissimam inducebant. Quia vero praelium inexpugnabile habebant ad Iudaeos,
rursus eis pacem annuntiat; unde sequitur dixit eis ergo iterum : pax vobis.
Beda. Iteratio confirmatio est; sive ideo repetit,
quia gemina est virtus caritatis; vel quia ipse est qui fecit utraque unum.
Chrysostomus. Simul quoque demonstrat crucis
efficaciam, per quam solvit omnia tristia, et contulit omnia bona; et hoc est
pax. Mulieribus autem supra annuntiatum est gaudium, quia in tristitiis illud
genus erat, et hanc suscepit maledictionem, dicente domino : in dolore
paries. Quia ergo universa prohibentia sunt destructa, et directa sunt omnia,
de reliquo subdit sicut misit me pater, et ego mitto vos. Gregorius. Pater quidem filium misit, qui hunc pro
redemptione generis humani incarnari constituit. Itaque dicitur sicut misit
me pater, et ego mitto vos; idest, ea caritate vos diligo, cum inter
scandalum persecutorum mitto, qua me caritate pater diligit, quem venire ad
tolerandas passiones fecit. Augustinus in Ioannem. Aequalem autem patri filium
novimus; sed hic verba mediatoris agnoscimus. Medium quippe se ostendit
dicendo : ille me, et ego vos. Chrysostomus. Sic igitur elevavit eorum animum et ab
his quae facta sunt et a dignitate mittentis; et non adhuc deprecatio ad
patrem fit, sed sua auctoritate dat eis virtutem; unde sequitur haec cum
dixisset, insufflavit, et dixit eis : accipite spiritum sanctum. Augustinus de Trin. Flatus ergo ille corporeus
substantia spiritus sancti non fuit, sed demonstratio per congruam
significationem non tantum a patre, sed etiam a filio procedere spiritum
sanctum. Quis enim dementissimus diceret alium fuisse spiritum quem sufflans
dedit, et alium quem post ascensionem suam misit? Gregorius in Evang. Cur autem prius in terra
discipulis datur, postmodum de caelo mittitur, nisi quod duo sunt praecepta
caritatis, dilectio videlicet Dei et dilectio proximi? In terra datur
spiritus, ut diligatur proximus; ex caelo datur spiritus, ut diligatur Deus.
Sicut ergo una est caritas et duo praecepta; ita unus est spiritus et duo
data; prius a consistente domino in terra, postmodum datur ex caelo, quia
proximi amore discitur qualiter perveniri debeat ad amorem Dei. Chrysostomus. Quidam autem dicunt quoniam non
spiritum dedit, sed aptos eos ad susceptionem spiritus per insufflationem
construxit. Si enim Angelum videns Daniel excessum mentis passus est, quid
ineffabilem illam gratiam suscipientes passi essent, nisi discipulos suos
primitus instruxisset? Nequaquam autem quis peccabit, dicens, tunc suscepisse
eos quamdam potestatem spiritualis gratiae non ut mortuos suscitent et
miracula faciant, sed ut dimittant peccata; unde sequitur quorum remiseritis
peccata, remittuntur eis; et quorum retinueritis, retenta sunt eis. Augustinus in Ioannem. Ecclesiae caritas, quae per
spiritum sanctum diffunditur in cordibus nostris, participum suorum peccata
dimittit; eorum autem qui non sunt eius participes, tenet; ideo postquam dixit
accipite spiritum sanctum, continuo de peccatorum remissione et retentione
subiecit. Gregorius. Sciendum vero est, quod hi qui prius
spiritum sanctum habuerunt, ut et ipsi innocenter viverent, et in
praedicatione quibusdam prodessent, idcirco hunc post resurrectionem domini
patenter acceperunt, ut prodesse non paucis, sed pluribus possent. Libet ergo
intueri, illi discipuli ad tanta onera humilitatis vocati, ad quantum culmen
gloriae sint perducti. Ecce non solum de seipsis securi fiunt, sed etiam principatum
superni iudicii sortiuntur, ut vice Dei quibusdam peccata retineant,
quibusdam vero relaxent. Horum nunc in Ecclesia episcopi locum tenent, et
solvendi ac ligandi auctoritatem suscipiunt qui gradum regiminis sortiuntur.
Grandis honor, sed grave pondus istius est honoris. Durum quippe est ut qui
nescit tenere moderamina vitae suae, iudex fiat vitae alienae. Chrysostomus in Ioannem. Sacerdos enim etsi propriam
bene dispensaverit vitam, aliorum vero non cum diligentia curam habuerit, cum
perniciosis in Gehennam vadit. Scientes igitur periculi magnitudinem, multam
tribuite eis devotionem, etiam si non valde nobiles fuerint. Non autem iustum
est ab his qui in principatu subiciuntur iudicari. Et si vita eorum fuerit
valde detrectabilis, in nullo laederis in his quae sunt eis commissa a Deo :
non enim sacerdos, sed neque Angelus aut Archangelus operari aliquid potest
in his quae sunt data a Deo, sed pater et filius et spiritus sanctus omnia
dispensant; sacerdos autem suam linguam et manum tribuit : non enim iustum
esset, propter alterius malitiam circa symbola nostrae salutis laedi eos qui
ad fidem veniunt. Omnibus autem discipulis congregatis, solus Thomas
deficiebat a dispersione quae iam facta erat; unde dicitur Thomas autem unus
ex duodecim, qui dicitur Didymus, non erat cum eis, quando venit Iesus. Alcuinus. Didymus Graece, Latine geminus vel dubius,
propter dubium cor in credendo : Thomas abyssus quia altitudinem divinitatis
certa fide penetravit. Gregorius. Non autem casu gestum est ut electus ille
discipulus tunc deesset : egit namque miro modo superna clementia ut
discipulus dubitans, dum in magistro suo vulnera palparet carnis, in nobis
vulnera sanaret infidelitatis. Plus enim nobis infidelitas Thomae ad fidem
quam fides credentium discipulorum profuit : quia dum ille ad fidem palpando
reducitur, nostra mens omni dubitatione postposita in fide solidatur. Beda. Quaeri autem potest quare hic Evangelista tunc
Thomam defuisse dicat, cum Lucas scribat quod duo discipuli euntes in Emmaus,
reversi in Ierusalem invenerunt undecim congregatos. Sed datur intelligi
quoddam fuisse intervallum, quo ad horam Thomas egressus sit, et Iesus
veniens in medio eorum stetit. Chrysostomus in Ioannem. Sicut autem simpliciter et
qualitercumque credere, facilitatis est, ita multum investigare est
crassissimae mentis : et propter hoc Thomas accusatur : apostolis enim
dicentibus, quoniam vidimus dominum, non credidit, non tantum illis
discredens, quantum rem putans impossibilem esse; unde sequitur dixerunt ergo
ei alii discipuli : vidimus dominum. Ille autem dixit eis : nisi videro in
manibus eius fixuram clavorum, et mittam digitum meum in locum clavorum, et
mittam manum meam in latus eius, non credam. Aliis enim crassior existens,
eam quae est per sensum crassissimum, scilicet tactum, quaerebat fidem, et
neque oculis credebat : unde non suffecit ei dicere nisi videro, sed addidit
et mittam digitum meum in locum clavorum, et mittam manum meam in latus eius,
non credam. |
—
Saint Jean Chrysostome : (hom. 86 sur Saint Jean).
En apprenant de la bouche de Marie-Madeleine la nouvelle de la résurrection,
les disciples devaient ou refuser d'y croire, ou en y ajoutant foi, s’attrister
de ce que le Seigneur ne les avait pas jugés dignes de le voir [eux-mêmes
ressuscité]. Jésus ne les laisse pas une seule journée dans ces pensées, et
comme la nouvelle qu'ils avaient apprise qu'il était ressuscité, partageait
leur esprit entre le désir de le voir et la crainte, lorsque le soir fut
venu, il se présenta au milieu d'eux : « Sur le soir du même jour, qui
était le premier de la semaine, les portes du lieu où les disciples se
trouvaient rassemblés étant fermées par peur des Juifs. » —
Saint Bède : Nous avons ici une preuve de
la grande timidité des Apôtres qui les tient rassemblés les portes fermées de
peur des Juifs, dont la crainte les avait déjà dispersés : « Jésus vint et
se tint au milieu d'eux. » Il leur apparaît le soir, parce que leur
crainte devait alors être plus grande encore. — Théophylactus : Peut-être aussi voulut-il attendre ce moment pour les trouver tous
réunis. Il entre les portes fermées, pour leur montrer qu'il était ressuscité
de la même manière, en traversant la pierre qui recouvrait le sépulcre. —
Saint Augustin : (serm. sur la fête de
Pâque). Il en est quelques-uns que ce fait étonne au point de mettre leur foi
en péril, ils opposent aux miracles divins les préjugés de leurs
raisonnements, et argumentent ainsi : Si c'était vraiment un corps, si le
corps qui a été attaché à la croix est véritablement sorti du sépulcre,
comment a-t-il pu traverser les portes qui étaient fermées ? Si vous
compreniez le comment, ce ne serait plus un miracle, là où la raison fait
défaut, la foi commence à s'élever. —
Saint Augustin : (Traité 121 sur Saint Jean). Les portes fermées ne purent faire
obstacle à un corps où habitait la Divinité, et celui dont la naissance
laissa intacte la virginité de sa Mère, put entrer dans ce lieu sans que les
portes fussent ouvertes. —
Saint Jean Chrysostome : Il est surprenant que la
pensée ne soit point venue aux disciples que c'était un fantôme, mais
Marie-Madeleine, en leur annonçant [que Jésus était ressuscité], avait
développé leur foi. Il se manifesta lui-même ensuite à leurs yeux, et par ses
paroles il affermit leur âme encore chancelante : « Et il leur dit : La
paix soit avec vous, » c'est-à-dire, ne vous troublez point. Il rappelle
ici ce qu'il leur avait dit avant sa mort sur la croix : « Je vous donne
ma paix » et encore : « C'est en moi que vous aurez la paix. » —
Saint Grégoire : (hom. 20 sur les Evang).
Comme la foi de ses disciples avait encore quelque doute sur la vérité du
corps qu'ils avaient devant les yeux, Notre-Seigneur, [ajoute l'Evangéliste],
leur montra aussitôt ses mains et son côté. « Et cela dit, il leur
montra ses mains et son côté ». —
Saint Augustin : [référence à vérifier] Les clous avaient percé ses mains, la lance avait ouvert son côté, et
il avait voulu conserver les cicatrices de ses blessures pour guérir de la
plaie du doute le cœur de ses disciples. —
Saint Jean Chrysostome : Il accomplit la prédiction
qu'il leur avait faite avant sa passion : « Je vous verrai de nouveau, et
votre cœur se réjouira. » Aussi l'Evangéliste remarque « qu'ils furent
remplis de joie voyant le Seigneur. » —
Saint Augustin : (de la cité de Dieu, 22,
19). Cette gloire éclatante [comme le soleil] dont les justes brilleront dans
le royaume de leur Père (Mt 13), il nous faut croire qu’elle demeura voilée
dans le corps de Jésus-Christ ressuscité, mais n'en fut point séparée. (La
faiblesse des yeux de l'homme n'aurait pu le considérer dans cet éclat), et
il suffisait d'ailleurs alors à ses disciples de le voir de manière à pouvoir
le reconnaître. —
Saint Jean Chrysostome : Toutes ces circonstances
donnaient à leur foi une certitude absolue; mais comme ils devaient avoir à
soutenir contre les Juifs une lutte acharnée, il leur souhaite du nouveau la
paix : « Il leur dit de nouveau : La paix soit avec vous. » —
Saint Bède : Ce souhait redoublé est une
confirmation [de la paix qu'il leur souhaite]; et il le répète à deux fois
parce que la vertu de charité a un double objet, ou bien parce que c'est lui «
qui des deux peuples n'en a fait qu'un. » (Ep 2, 14). —
Saint Jean Chrysostome : Il nous montre en même temps
l'efficacité de la croix qui a dissipé toutes les causes de tristesse et a
été pour nous la source de tous les biens, et c'est là la véritable paix.
C'est ainsi qu'il avait fait porter précédemment aux saintes femmes ces
paroles de joie, parce que ce sexe était comme dévoué à la tristesse par
suite de cette malédiction de Dieu prononcée contre lui : « Vous
enfanterez dans la douleur. » (Gn 3) Mais maintenant que tous les
obstacles sont renversés et toutes les difficultés aplanies, le Sauveur
ajoute : « Comme mon Père m'a envoyé, moi-même je vous envoie. » —
Saint Grégoire : Le Père a envoyé son Fils
lorsqu'il a décrété qu'il s'incarnerait pour la rédemption du genre humain.
C'est pour cela qu'il dit à ses disciples : « Comme mon Père m'a envoyé,
moi-même je vous envoie. » C'est-à-dire en vous envoyant au milieu de
tous les pièges que vous tendront les persécuteurs, je vous aime du même
amour dont mon Père m'a aimé lorsqu'il m'a envoyé pour supporter toutes les
souffrances que j'ai eu à endurer. —
Saint Augustin : (Traité 121 sur Saint Jean). Nous savons que le Fils est égal à
son Père, mais nous reconnaissons à ces paroles le langage du Médiateur. Il
nous montre en effet qu'il est Médiateur en leur disant : « Mon Père m'a
envoyé, et moi je vous envoie. » —
Saint Jean Chrysostome : C'est ainsi qu'il relève
leur courage par la pensée des événements qui ont eu lieu et de la dignité de
celui qui les envoie. Il n'adresse plus ici de prière à son Père, c'est de sa
propre autorité qu'il leur communique une puissance [toute divine] : «
Ayant dit ces paroles, il souffla sur eux et leur dit : Recevez l'Esprit
saint. » —
Saint Augustin : (de la Trin., 4, 20). Ce
souffle extérieur ne fut point la substance de l'Esprit saint, mais une
figure propre à nous faire comprendre que l'Esprit saint procédait non seulement
du Père, mais aussi du Fils. Car, qui serait assez dénué de raison pour
prétendre que l'Esprit saint que Jésus donna à ses disciples en soufflant sur
eux est différent de celui qu'il leur a envoyé après sa résurrection ? —
Saint Grégoire : Mais pourquoi le donne-t-il
d'abord étant sur la terre à ses disciples, avant de le leur envoyer du ciel
? C'est parce qu'il y a deux préceptes de la charité, le précepte de la
charité de Dieu, le précepte de la charité du prochain. L'Esprit saint nous
est donné sur la terre pour nous porter à l'amour du prochain; il nous est
envoyé du haut du ciel pour nous inspirer l'amour de Dieu. De même que la
charité est une, bien qu'elle ait deux préceptes pour objet, ainsi il n'y a
qu'un seul esprit donné dans deux circonstances différentes, la première fois
par le Sauveur, lorsqu'il était encore sur la terre; la seconde fois
lorsqu'il fut envoyé du ciel, car c'est l'amour du prochain qui nous apprend
à nous élever jusqu'à l'amour de Dieu. —
Saint Jean Chrysostome : Quelques-uns prétendent que
Notre Seigneur n'a point donné l'Esprit saint à ses disciples, mais qu'il les
prépara, en soufflant sur eux, à recevoir l'Esprit saint. En effet, si à la
vue seule d'un ange, Daniel fut saisi d'effroi, que n'auraient pas éprouvé
les disciples en recevant ce don ineffable, si Jésus n'avait pris soin de les
y préparer ? On ne se trompera point du reste en disant qu'ils reçurent alors
la puissance d'une grâce toute spirituelle, non point pour ressusciter les
morts et faire des miracles, mais pour remettre les péchés, comme paraissent
l'indiquer les paroles suivantes : « Les péchés seront remis à ceux à qui
vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez. » —
Saint Augustin : La charité de l'Eglise que
l'Esprit saint répand dans nos cœurs (Rm 5) remet les péchés de ceux qui
entrent en participation de cette divine charité, mais elle les retient à
ceux qui n'y ont aucune part. C'est pour cela qu'après avoir dit : «
Recevez l'Esprit saint, » le Sauveur parle aussitôt du pouvoir de remettre
et du retenir les péchés. —
Saint Grégoire : Il faut remarquer que ceux
qui ont reçu d'abord l'Esprit saint pour vivre dans l'innocence et prêcher
d'une manière utile à quelques-uns, ont reçu ensuite visiblement ce même
Esprit, après la résurrection du Seigneur, pour que les effets de leur zèle
fussent moins restreints et s'étendissent à un plus grand nombre. J'aime à
considérer à quel degré de gloire Jésus élève ceux qu'il avait appelé à de si
grands devoirs d'humilité. Voici que non seulement il leur donne toute espèce
de sécurité pour eux-mêmes, mais ils reçoivent en partage la magistrature du
jugement suprême et le pouvoir de remettre les péchés aux uns et de les
retenir aux autres, au nom de Dieu. Les évêques qui sont appelés au
gouvernement de l'Eglise tiennent maintenant leur place et ont aussi le
pouvoir de lier et de délier. C'est un grand honneur, mais c'est en même
temps un bien lourd fardeau, car quelle charge plus pénible pour celui qui ne
sait tenir les rênes de sa propre vie, de prendre en main la direction de la
vie des autres ! —
Saint Jean Chrysostome : Le prêtre qui se contente de
bien régler sa vie personnelle, mais ne prend point un soin vigilant de la
vie des autres, est condamné au feu de l'enfer avec les impies. En
considérant la grandeur du danger auquel les prêtres sont exposés, ayez donc
pour eux beaucoup de respect, quand même ils ne seraient point de condition
très élevée, car il n'est pas juste qu'ils soient jugés sévèrement par ceux
qui sont soumis à leur pouvoir. Quand même leur vie serait souverainement
coupable, vous n'avez aucun dommage à craindre dans la distribution des
grâces dont ils sont les dispensateurs, car dans les dons qui viennent de
Dieu, ce n'est point le prêtre, ce n'est ni un ange, ni un archange qui
peuvent agir; c'est du Père, du Fils et du Saint-Esprit que découlent toutes
les grâces. Le prêtre ne fait que prêter sa langue et sa main. Il n'eût pas
été juste, en effet, que par suite de la conduite criminelle des ministres de
Dieu, les sacrements de notre salut perdissent de leur efficacité pour ceux
qui ont embrassé la foi. Tous les disciples étant rassemblés, Thomas seul
manquait, depuis le moment où ils s'étaient tous dispersés. « Or Thomas, un
des douze, appelé Didyme, n'était pas avec eux lorsque Jésus vint. » —
Alcuin : Le mot grec Didyme veut dire
jumeau ou double en latin, et ce disciple est ainsi appelé à cause de ses
doutes dans la foi. Le mot Thomas signifie abîme, parce qu'il a pénétré
ensuite avec une foi certaine les profondeurs de la divinité. — Saint Grégoire : [référence à
vérifier] Or,
ce n'était point par l’effet du hasard que ce disciple était alors absent,
car la conduite de la divine bonté paraît ici d'une manière merveilleuse,
elle voulait que ce disciple incrédule, en touchant les blessures du corps du
Sauveur, guérît en nous les blessures de l'incrédulité. Eu effet,
l’incrédulité de Thomas nous a plus servi pour établir en nous la foi que la foi
elle-même des disciples [qui crurent sans hésiter]. L'exemple de ce disciple
qui revient à la foi en touchant le corps du Sauveur chasse de notre âme
toute espèce de doute et nous affermit à jamais dans la foi. —
Saint Bède : On peut demander pourquoi
saint Jean nous dit ici que Thomas était alors absent, tandis que saint Luc
rapporte, que les deux disciples qui revenaient d'Emmaüs à Jérusalem
trouvèrent les onze réunis. Cette difficulté s'explique en admettant qu'il y
eut un intervalle pendant lequel Thomas sortit pour un instant, et que ce fut
alors que Jésus se présenta au milieu de ses disciples. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 87 sur Saint Jean). C’est la marque d'un esprit léger de
croire trop facilement et sans examen, mais c'est le caractère d'un esprit
peu intelligent de porter ses recherches au delà de toute mesure et de
vouloir trop approfondir, et c'est en quoi Thomas se rendit coupable. Les
apôtres lui disent : « Nous avons vu le Seigneur, » et il refuse de le
croire, moins encore par défiance de ce qu'ils lui disaient que parce qu'il
regardait la chose comme impossible. « Les autres disciples lui dirent
donc : Nous avons vu le Seigneur. Il leur répondit : Si je ne vois dans ses
mains la marque des clous qui les ont percées, et si je ne mets mon doigt
dans le trou des clous et ma main dans la plaie de son côté, je ne le croirai
point. » Son esprit, plus grossier que celui des autres, voulait arriver
à la foi par le sens le plus matériel, c'est-à-dire par le toucher. Le
témoignage de ses yeux ne lui suffisait même pas; aussi ne se contente-t-il
pas de dire : Si je ne vois, mais il ajoute : « Si je ne mets mon doigt dans
la place des clous et si je ne mets pas ma main dans son côté, je ne croirai
pas. » |
Lectio 4 |
Versets 26-31 |
[86158] Catena in Io., cap. 20 l. 4 Chrysostomus
in Ioannem. Considera dominatoris clementiam : qualiter et pro una anima
ostendit seipsum vulnera habentem, et accedit ut salvet unum. Et nimirum
discipuli annuntiantes, digni erant fide, et ipse promittens; sed tamen, quia
solus Thomas quaesivit, neque hoc eum privavit Christus. Non autem statim ei
apparet, sed post dies octo, ut in medio a discipulis admonitus accendatur in
maius desiderium, et fidelior fieret in futurum; unde dicitur et post dies
octo iterum erant discipuli eius intus, et Thomas cum eis. Venit Iesus ianuis
clausis, et stetit in medio, et dixit : pax vobis. Augustinus. Quaeris a me, et dicis : si per ostia
clausa intravit, ubi est corporis modus? Et ego respondeo : si super mare
ambulavit, ubi est corporis pondus? Sed fecit illud dominus tamquam dominus :
numquid igitur, quia resurrexit, destitit esse dominus? Chrysostomus. Stat itaque Iesus et non expectat a
Thoma interrogari; sed ut ostendat quoniam cum loquebatur ad condiscipulos,
aderat, eisdem verbis usus est. Et primo quidem increpat, vel improperat;
unde sequitur deinde dicit Thomae : infer digitum tuum huc, et vide manus
meas, et affer manum tuam, et mitte in latus meum. Secundo autem erudit
dicens et noli esse incredulus, sed fidelis. Vide quoniam infidelitatis erat
ambiguitas, antequam spiritum sanctum acciperent; postea autem non, sed firmi
erant de reliquo. Dignum autem est quaerere qualiter corpus incorruptibile
typos habebat clavorum. Sed ne tumultueris : condescensionis enim erat ut
discerent quoniam ipse erat qui crucifixus fuerat. Augustinus de symbolo. Posset autem, si vellet, de
corpore suscitato et clarificato omnem maculam cuiuslibet cicatricis
abstergere; sed sciebat quare cicatrices in suo corpore reservaret. Sicut
enim demonstravit Thomae non credenti, nisi tangeret et videret, ita etiam
inimicis suis vulnera demonstraturus est sua : non quod eis dicat sicut
Thomae : quia vidisti, credidisti, sed ut convincens eos veritas dicat : ecce
hominem quem crucifixistis; videtis vulnera quae infixistis, agnoscitis latus
quod pupugistis, quoniam per vos et propter vos apertum est, nec tamen
intrare voluistis. Augustinus de Civ. Dei. Nescio autem quomodo etiam
sic afficimur amore martyrum beatorum, ut velimus in illo regno in eorum
corporibus videre vulnerum cicatrices, quae pro Christi nomine pertulerunt;
et fortasse videbimus; non enim deformitas in eis, sed dignitas erit; et
quaedam quamvis in corpore, non corporis, sed virtutis pulchritudo fulgebit.
Nec ideo tamen si aliqua martyribus amputata et ablata sunt membra; sine
ipsis membris in resurrectione erunt mortuorum, quibus dictum est : capillus
capitis vestri non peribit. Sed si hoc decebit in illo novo saeculo, ut
indicia gloriosorum vulnerum in illa immortali carne cernantur, ubi membra,
ut praeciderentur, percussa vel secta sunt, ibi cicatrices, sed tamen eisdem
membris redditis, non perditis, apparebunt. Quamvis igitur omnia quae
acciderant corpori vitia, tunc non erunt, non sunt tamen appellanda vitia,
sed virtutis indicia. Gregorius in Evang. Palpandam autem carnem dominus
praebuit, quam clausis ianuis introduxit : qua in re duo mira, et iuxta
humanam rationem valde sibi contraria ostendit, dum post resurrectionem
corpus suum incorruptibile, et tamen palpabile demonstravit. Nam et corrumpi
necesse est quod palpatur, et palpari non potest quod non corrumpitur. Et
incorruptibilem se ergo et palpabilem demonstravit, ut profecto post
resurrectionem esse ostenderetur corpus suum et eiusdem naturae et alterius
gloriae. Gregorius Moralium. Corpus etiam nostrum in illa
resurrectionis gloria erit quidem subtile per effectum spiritualis potentiae,
sed palpabile per veritatem naturae : non autem sicut Eutychius scripsit,
impalpabile, et ventis aereque subtilius. Augustinus in Ioannem. Videbat autem Thomas
tangebatque hominem, et confitebatur Deum, quem non videbat neque tangebat;
per hoc quod videbat atque tangebat, illud iam remota dubitatione credebat;
unde sequitur respondit Thomas, et dixit ei : dominus meus et Deus meus.
Theophylactus. Qui prius infidelis fuerat, post lateris tactum, optimum se
theologum ostendit : nam duplicem naturam unicamque hypostasim Christi
edisseruit : dicendo enim dominus meus, humanam naturam; dicendo vero Deus
meus, divinam confessus est, et unum et eumdem Deum et dominum. Sequitur
dicit ei Iesus : quia vidisti me, credidisti. Augustinus. Non ait : tetigisti me, sed vidisti me :
quoniam generalis quodammodo est sensus visus : nam et per quatuor alios
sensus nominari solet, velut cum dicimus : audi, et vide quam bene sonet;
olfac, et vide quam bene oleat; gusta, et vide quam bene sapiat; tange, et vide
quam bene caleat. Unde et hic dominus dicit infer digitum tuum huc, et vide
manus meas. Quid aliud ait quam tange et vide? Nec tamen ille oculos habebat
in digito. Ergo sive intuendo, sive etiam tangendo, hoc ait : quia vidisti
me, credidisti. Quamvis dici possit non ausum fuisse discipulum tangere, cum
se offerret ille tangendum. Gregorius in Evang. Sed cum apostolus dicat : fides
est substantia sperandarum rerum, argumentum non apparentium, profecto liquet
quia quae apparent, iam fidem non habent, sed agnitionem. Dum ergo vidit
Thomas, dum palpavit, cur ei dicitur quia vidisti me, credidisti? Sed aliud
vidit, aliud credidit : hominem vidit et Deum confessus est. Laetificat autem
valde quod sequitur : beati qui non viderunt et crediderunt : in qua sententia
nos specialiter significati sumus, qui eum quem carne non vidimus, mente
retinemus; si tamen fidem nostram operibus sequimur, ille enim vere credit
qui exercet operando quod credit. Augustinus. Praeteriti autem temporis usus est
verbis, tamquam ille qui id quod erat futurum in sua noverat praedestinatione
iam factum. Chrysostomus in Ioannem. Cum ergo aliquis nunc
dixerit : utinam in temporibus illis fuissem, et vidissem Christum miracula
facientem; excogitet : beati qui non viderunt et crediderunt. Theophylactus. Exprimit autem et hic discipulos qui
nec plagas clavorum nec latus palpantes crediderunt. Chrysostomus. Quia vero Ioannes pauciora aliis
Evangelistis dixerat, subiungit multa quidem et alia signa fecit Iesus in
conspectu discipulorum suorum, quae non sunt scripta in libro hoc. Sed nec
alii omnia dixerunt, sed quae erant sufficientia attrahere ad fidem
audientes. Mihi autem videtur hic dicere ea quae post resurrectionem sunt
signa; et ideo dicit in conspectu discipulorum suorum, cum quibus solis post
resurrectionem conversatus est. Deinde ut discas quoniam non solum
discipulorum gratia signa fiebant, induxit haec autem scripta sunt, ut
credatis quia Iesus est Christus filius Dei : communiter ad humanam naturam
loquens. Et ut ostendat quoniam non illi cui creditur, sed nobisipsis utile
est credere, subdit et ut credentes vitam habeatis in nomine eius, idest per
Iesum; ipse autem est vita. |
—
Saint Jean Chrysostome : (hom. 87 sur Saint Jean).
Considérez la bonté du divin Maître; il daigne apparaître et montrer ses
blessures pour le salut d'une seule âme. Les disciples qui lui avaient appris
que le Sauveur était ressuscité étaient assurément bien dignes de foi, aussi
bien que le Sauveur lui-même qui l'avait prédit; cependant comme seul Thomas
exige une nouvelle preuve, le Christ ne veut pas la lui refuser. Toutefois il
ne lui apparaît pas aussitôt, mais huit jours après, afin que le témoignage
des disciples rendît ses désirs plus vifs, et que sa foi fût plus affermie
dans la suite : « Huit jours après, dit l'Evangéliste, les
disciples étaient encore dans le même lieu, et Thomas avec eux, Jésus vint,
les portes étant fermées, et il se tint au milieu d'eux et leur dit : La paix
soit avec vous. » —
Saint Augustin : (Serm. sur la Pass. ou serm.
3 pour l'oct. de Pâq., 159 du temps). Vous me demandez : Puisqu'il est entré
les portes étant fermées, que sont devenues les propriétés naturelles du
corps ? Et moi je vous réponds : Lorsqu'il a marché sur la mer, qu'était
devenue la pesanteur de son corps ? Le Seigneur se conduisait ainsi comme
étant le souverain Maître; a-t-il donc cessé de l'être parce qu'il est
ressuscité ? —
Saint Jean Chrysostome : Jésus apparaît donc, et il
n'attend pas que Thomas l'interroge, et pour lui montrer qu'il était présent
lorsqu'il exprimait ses doutes aux autres disciples, il se sert des mêmes
paroles. Il commence par lui faire les reproches qu'il méritait : « Il dit
ensuite à Thomas : Portez ici votre doigt et considérez mes mains; approchez
aussi votre main et mettez-la dans mon côté. » Puis il l'instruit en
ajoutant : « Et ne soyez plus incrédule, mais fidèle. » Vous voyez
qu'ils étaient travaillés par le doute de l'incrédulité avant d'avoir reçu
l'Esprit saint, mais ils furent ensuite affermis pour toujours dans la foi.
Ce serait une question digne d'intérêt d'examiner comment un corps
incorruptible pouvait porter la marque des clous, mais n'en soyez pas
surpris, c'était un effet de la bonté du Sauveur qui voulait ainsi convaincre
ses disciples que c'était bien lui qui avait été crucifié. —
Saint Augustin : (du symb. aux catéch., 2,
8). Jésus aurait pu, s'il avait voulu, faire disparaître de son corps
ressuscité et glorifié toute marque de cicatrice, mais il savait les raisons
pour lesquelles il conservait ces cicatrices dans son corps. De même qu'il
les a montrées à Thomas, qui ne voulait point croire à moins d'avoir touché
et d'avoir vu, ainsi il montrera un jour ces mêmes blessures à ses ennemis,
non plus pour leur dire : « Parce que vous avez vu, vous avez cru, »
mais pour qu'ils soient convaincus par la vérité qui leur dira : « Voici
l'homme que vous avez crucifié, vous voyez les blessures que vous avez
faites; vous reconnaissez le côté que vous avez percé, c'est par vous et pour
vous qu'il a été ouvert, et cependant vous n'avez pas voulu y entrer. » —
Saint Augustin : (de la cité de Dieu, 22,
20). Je ne sais pourquoi l'amour que nous avons pour les saints martyrs nous
fait désirer de voir sur leur corps, dans le royaume des cieux, les
cicatrices des blessures qu'ils ont reçues pour le nom de Jésus-Christ, et peut-être
les verrons-nous. Car ces blessures, loin d'être une difformité, seront un
signe de gloire, et bien qu'empreintes sur leur corps, elles feront éclater
la beauté, non point du corps, mais de leur courage et de leur vertu. Et
quand même les martyrs auraient eu quelques-uns de leurs membres coupés ou
retranchés, ils ne ressusciteront pas sans que ces membres leur soient
rendus, car il leur a été dit : « Un cheveu de votre tête ne périra pas. »
(Lc 21, 18). Si donc il est juste que dans cette vie nouvelle, on voie les
marques de ces glorieuses blessures dans leur chair douée de l'immortalité,
les cicatrices de ces blessures apparaîtront sur les membres qui leur seront
rendus, à l'endroit même où ils ont été frappés ou coupés pour être
retranchés. Tous les défauts du corps disparaîtront alors, il est vrai, mais
on ne peut considérer comme des défauts ou des taches les témoignages du
courage des martyrs. —
Saint Grégoire : (hom. 20). Notre Seigneur
offre au toucher cette même chair, avec laquelle il était entré les portes
demeurant fermées. Nous voyons ici deux faits merveilleux et qui paraissent
devoir s'exclure si l’on ne considère que la raison; d'un côté, le
corps de Jésus ressuscité est incorruptible, et de l'autre cependant, il est
accessible au toucher. Or, ce qui peut se toucher doit nécessairement se
corrompre, et ce qui est impalpable ne peut être sujet à la corruption. Notre-Seigneur,
en montrant [dans son corps ressuscité,] ces deux propriétés de
l'incorruptibilité et de la tangibilité, nous fait voir que sa nature est
restée la même après sa résurrection, mais que sa gloire est différente. —
Saint Grégoire : (Moral., 14, 39 ou 31 dans
les anc. édit). Après la gloire de la résurrection, notre corps deviendra
subtil par un effet de la puissance spirituelle [dont il sera revêtu], mais
il demeurera palpable en vertu de sa nature première, et il ne sera pas,
comme l'a écrit Eutychius, impalpable et plus subtil que l'air et les vents. —
Saint Augustin : Thomas ne voyait et ne
touchait que l'homme, et il confessait le Dieu qu'il ne pouvait ni voir ni
toucher; mais ce qu'il voyait et ce qu'il touchait le conduisait à croire
d'une foi certaine ce dont il avait douté jusqu'alors : « Thomas répondit
et lui dit : Mon Seigneur et mon Dieu. » — Théophylactus : Celui qui avait d'abord été un incrédule, après l'épreuve du toucher,
se montre un parfait théologien, en proclamant en Jésus-Christ deux natures
et une seule personne, en disant : « Mon Seigneur, » il reconnaît la
nature humaine, et en ajoutant : « Mon Dieu, » la nature divine, et
ces deux natures dans un seul et même Dieu, et Seigneur. « Jésus lui dit : Vous avez cru parce que vous
m'avez vu. » —
Saint Augustin : Il ne lui dit pas : Vous
m'avez touché, mais « vous m'avez vu », parce que la vue est
comme un sens général qui, dans le langage ordinaire, comprend les quatre
autres sens. C'est ainsi que nous disons : Ecoutez et voyez quel son
harmonieux, sentez et voyez quelle odeur agréable, goûtez et voyez comme
c’est bon ; touchez et voyez quelle chaleur ? C'est ainsi que Notre
Seigneur lui-même dit à Thomas : « Mettez-la votre doigt, et voyez mes
mains, » ce qui ne veut dire autre chose que : « Touchez et voyez. »
Thomas cependant n'avait pas les yeux au bout du doigt. Les deux opérations
de la vue et du toucher sont donc exprimées dans ces paroles du Sauveur : «
Parce que vous m'avez vu, vous avez cru. » On pourrait dire encore que
Thomas n'osa pas toucher le corps de Jésus, bien qu'il le lui offrît. —
Saint Grégoire : (hom. 26). L'Apôtre nous dit
: « La foi est le fondement des choses que l'on doit espérer, et une
pleine conviction de celles qu'on ne voit point. » (He 11, 1) Il est donc
évident que ce que l'on voit clairement n'est pas l'objet de la foi, mais de
la connaissance. Pourquoi donc le Sauveur dit-il à Thomas, qui avait vu et
touché : « Parce que vous avez vu, vous avez cru ? » C'est qu'il crut
autre chose que ce qu'il voyait. Ses yeux ne voyaient qu'un homme, et il
confessait un Dieu. Les paroles qui suivent : « Bienheureux ceux qui n'ont
pas vu et qui ont cru, » répandent une grande joie dans notre âme, car
c'est nous que Notre Seigneur a eus particulièrement en vue, nous qui croyons
dans notre esprit en celui que nous n'avons pas vu de nos yeux, si toutefois
nos œuvres sont conformes à notre foi. Car la vraie foi est celle qui se
traduit et se prouve par les œuvres. —
Saint Augustin : Le Sauveur parle ici au
passé, parce que dans les décrets de sa prédestination, il regardait comme
déjà fait ce qui devait arriver. —
Saint Jean Chrysostome : Lors donc qu'un chrétien est
tenté de dire : Que n'ai-je été dans ces temps [heureux] pour voir de mes
yeux les miracles de Jésus-Christ, qu'il se rappelle ces paroles : «
Bienheureux ceux qui n'ont point vu et qui ont cru. » — Théophylactus : Notre Seigneur désigne ici ceux de ses disciples qui ont cru sans
toucher les blessures faites par les clous et la plaie du côté. —
Saint Jean Chrysostome : Comme le récit de saint Jean
est moins étendu que celui des autres évangélistes, il ajoute : « Jésus
fit encore devant ses disciples beaucoup d'autres miracles qui ne sont pas
écrits dans ce livre. » Les autres évangélistes n'ont pas non plus raconté
tout ce qu'ils ont vu, mais simplement tout ce qui suffisait pour amener les
hommes à la foi. Je crois du reste que saint Jean ne veut parler ici que des
miracles qui ont eu lieu après la résurrection, c'est pour cela qu'il dit : «
en présence de ses disciples » avec lesquels seuls il eut des rapports
après sa résurrection. Ne croyez pas du reste que ces miracles n'étaient
faits que dans l'intérêt des disciples, car ajoute l'Evangéliste : «
Ceux-ci sont écrits afin que vous croyiez que Jésus est le Christ Fils de
Dieu, » et il parle ici de tous les hommes. Et remarquez que cette foi
est utile, non pas à celui qui en est l'objet, mais à nous-mêmes qui croyons
: « afin que croyant, vous ayez la vie en son nom », c'est-à-dire par
lui ; car c’est lui qui est la vie. |
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Caput 21 |
CHAPITRE XXI
|
Lectio 1 |
Versets 1-11
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[86159] Catena in Io., cap. 21 l. 1 Augustinus
in Ioannem. Quod immediate Evangelista praemiserat, veluti huius libri
indicat finem; sed narratur hic deinde quemadmodum se manifestaverit dominus
ad mare Tiberiadis; unde dicitur postea manifestavit se Iesus iterum ad mare
Tiberiadis. Chrysostomus in Ioannem. Dicit autem postea, quia
non continue cum eis ambulabat, ut antea. Dicit etiam manifestavit se, quia
non videretur nisi condescenderet : quia incorruptibile erat corpus. Loci
autem meminit, ostendens quoniam plurimum timoris eis dominus abstulerat, ut
de reliquo ipsi longe a domo procedant, non ultra in domo conclusi; sed in
Galilaeam ierant, periculum declinantes Iudaicum. Beda. More autem solito Evangelista prius retulit
causam, deinde quemadmodum res gesta sit enarrat; unde sequitur manifestavit
autem sic. Chrysostomus. Quia vero neque dominus cum eis
continue erat, neque spiritus datus erat, neque aliquid tunc erat eis
commissum, neque aliquid habebant agere, artem piscatoriam tractabant; unde
sequitur manifestavit autem sic : erant simul Simon Petrus, et Thomas, qui
dicitur Didymus, et Nathanael, qui erat a Cana Galilaeae, qui scilicet
vocatus est a Philippo, et filii Zebedaei, scilicet Iacobus et Ioannes, et
alii ex discipulis eius duo. Dicit eis Simon Petrus : vado piscari. Gregorius in Evang. Quaeri potest cur Petrus, qui
piscator ante conversionem fuit, post conversionem ad piscationem rediit, cum
veritas dicat : neque mittens manum ad aratrum, et respiciens retro, aptus
est regno Dei. Augustinus. Quod si fecissent discipuli, defuncto
Iesu, priusquam resurrexisset a mortuis, putaremus eos illa quae animos eorum
occupaverat desperatione fecisse. Nunc vero post eum sibi de sepulchro
redditum vivum, post inspecta vulnerum loca, post acceptum eius insufflatione
spiritum sanctum, subito fiunt sicut fuerant, non hominum, sed piscium
piscatores. Respondendum est ergo, non eos fuisse prohibitos ex arte sua
licita victum necessarium quaerere, sui apostolatus integritate servata, si
quando unde viverent aliud non haberent. Si enim beatus Paulus ea potestate,
quam profecto cum ceteris Evangelii praedicatoribus habebat, non cum ceteris
uteretur, sed stipendio suo militaret, ne gentes a nomine Christi penitus
alienas, doctrina eius quasi venalis offenderet, aliter educatus, artem quam
non noverat didicit, ut dum suis manibus transigitur doctor, nullus
gravaretur auditor, quanto magis beatus Petrus, qui iam piscator fuerat, quod
noverat fecit, si ad praesens illud tempus, aliud unde viveret non invenit.
Sed respondebit quispiam : et cur non invenit, cum dominus promiserit dicens
: quaerite primum regnum Dei et iustitiam eius, et haec omnia apponentur
vobis? Prorsus etiam dominus quod promisit implevit : nam quis alius pisces
qui caperentur apposuit, qui non ob aliud credendus est eis ingessisse
penuriam, qua cogerentur ire piscatum, nisi dispositum volens exhibere
miraculum? Gregorius. Negotium ergo quod ante conversionem sine
peccato extitit, hoc etiam post conversionem repetere culpa non fuit : unde
post conversionem suam ad piscationem Petrus rediit; Matthaeus vero ad
telonii negotium non resedit. Sunt enim pleraque negotia quae sine peccatis
exhiberi aut vix aut nullatenus possunt. Quae ergo ad peccatum implicant, ad
haec necesse est ut post conversionem animus non recurrat. Chrysostomus in Ioannem. Alii autem discipuli
sequebantur Petrum; unde dicitur dicunt ei : venimus et nos tecum : colligati
enim de reliquo sibi invicem erant. Simul volebant piscationem videre.
Sequitur et exierunt, et ascenderunt in navim. In nocte autem piscabantur,
quia adhuc formidolosi erant. Gregorius. Facta est autem discipulis piscationis
magna difficultas, ut veniente magistro fieret admirationis magna sublimitas;
unde sequitur et illa nocte nihil prendiderunt. Chrysostomus. Laborantibus autem et afflictis
discipulis assistit Iesus; unde sequitur mane facto stetit Iesus in littore;
non tamen cognoverunt discipuli quia Iesus est. Non enim seipsum mox eis
ostendit, sed voluit et allocutionem cum eis inire; et primo loquitur eis
humanius; nam sequitur dicit eis Iesus : pueri, numquid pulmentarium habetis?
Hoc autem dicit, quasi ab eis aliquid emere vellet. Ut autem timuerunt, eis
signum ostendit, per quod cognoscerent; sequitur enim dixit eis : mittite in
dexteram navigii rete, et invenietis. Multa autem consequenter facta sunt :
quorum primum est, multos pisces esse comprehensos; unde sequitur miserunt
ergo, et iam non valebant illud trahere prae multitudine piscium. Sed in
Christi cognitione Petrus et Ioannes suos proprios modos ostenderunt. Ioannes
enim perspicacior erat; et ideo primo cognovit Christum; unde sequitur dicit
ergo discipulus ille quem diligebat Iesus, Petro : dominus est. Beda. Hoc indicio sicut saepe, ita et hic suam
demonstrat personam. Cognovit autem primus dominum sive miraculo istius
piscationis, sive sono praecognitae vocis, sive primae reminiscens
piscationis. Chrysostomus. Petrus autem ferventior erat, et ideo
promptius venit ad Christum; sequitur enim Simon Petrus cum audisset quia
dominus est, tunica succinxit se (erat enim nudus). Beda. Dicitur
autem Petrus nudus fuisse ad comparationem ceterorum vestimentorum quibus uti
solebat; sicut solemus dicere cum aliquem simplici vestimento videmus indutum
: quare nudus incedis? Sive potest intelligi quod more piscatorum studio
piscandi nudus incesserit. Theophylactus. Quod vero se praecinxit Petrus,
pudoris est signum; praecinxit autem se lineo amictu, quem Phoenices et Tyrii
piscatores circumvolvunt sibi, cum nudi sunt, sive etiam ceteris indumentis
apponunt. Beda. Eodem autem ardore quo et multa alia fecerat,
venit ad Iesum; unde sequitur et misit se in mare; alii autem discipuli
navigio venerunt. Non tamen intelligendum est Petrum super fluctus venisse,
sed aut natando, aut pedibus propriis, quia erant prope terram; sequitur enim
non longe enim erant a terra, sed quasi cubitis ducentis. Glossa. Interpositio est; sequitur enim trahentes
rete piscium : ut sit ordo litterae : alii discipuli navigio venerunt
trahentes rete piscium : non longe enim et cetera. Chrysostomus. Deinde aliud signum ponitur cum
subditur ut ergo descenderunt in terram, viderunt prunas positas, et piscem
superpositum, et panem. Non enim adhuc ex materia superposita operatur, sed
ad id quod est mirabilius ducit signa, ostendens quoniam et ex subiecta
materia ante crucem miracula faciebat propter quamdam dispensationem. Augustinus in Ioannem. Non autem hic est
intelligendum, et panem fuisse prunis superpositum; sed quasi diceret :
viderunt prunas positas, et piscem superpositum prunis, et viderunt panem.
Chrysostomus. Ut autem ostenderet non esse phantasma
quod factum est, iubet ex piscibus ab eis captis afferri; sequitur enim dicit
eis Iesus : afferte ex piscibus, quos prendidistis nunc. Deinde et aliud
signum fuit quod ex multitudine piscium rete non est scissum; unde sequitur
ascendit Simon Petrus, et traxit rete ad terram plenum magnis piscibus centum
quinquaginta tribus : et cum tanti essent, non est scissum rete. Augustinus. Mystice autem in captura piscium
commendavit Ecclesiae sacramentum, qualis futura est in ultima resurrectione
mortuorum. Et ad hoc commendandum valet quod tamquam finis est interpositus
libri, quod esset etiam secuturae narrationis quasi prooemium. Quod autem
septem discipuli fuerunt in illa piscatione, suo septenario numero finem significat
temporis : universum quippe septem diebus volvitur tempus. Theophylactus. Cum autem nox erat, ante solis
Christi praesentiam prophetae nihil ceperunt : quia etsi unam nationem Israel
corrigere conarentur, illa tamen frequenter in idololatriam labebatur. Gregorius in Evang. Quaeri autem potest cur
discipulis in mare laborantibus, post resurrectionem suam in littore stetit
qui ante resurrectionem suam coram discipulis in fluctibus maris ambulavit.
Sed mare praesens saeculum significat, quod se causarum tumultibus et undis
vitae corruptibilis illidit; per soliditatem autem littoris perpetuitas
quietis aeternae figuratur. Quia igitur discipuli adhuc fluctibus mortalis
vitae inerant, in mari laborabant; quia autem redemptor noster iam
corruptionem carnis excesserat, post resurrectionem suam in littore stabat.
Augustinus. Littus etiam finis est maris; et ideo
finem significat saeculi. Sicut enim in hoc loco qualiter in fine saeculi
futura sit, ita dominus alia piscatione significavit Ecclesiam qualiter nunc
sit : unde ibi Iesus non stabat in littore, sed ascendens in unam navim, quae
erat Simonis, rogavit eum a terra reducere pusillum. In alia piscatione non
mittuntur retia in dexteram, ne solos significent bonos; nec in sinistram, ne
solos malos; sed indifferenter : laxate, inquit, retia vestra in capturam, ut
permixtos intelligamus bonos et malos; hic autem mittite, inquit, in dexteram
navigii rete, ut significaret eos qui stabant ad dexteram solos bonos. Illud
fecit initio praedicationis suae, hoc post resurrectionem suam : hinc
ostendens illam capturam piscium bonos et malos significare, quos nunc habet
Ecclesia; istam vero tantummodo bonos, quos habebit in aeternum, completa in
fine huius saeculi resurrectione mortuorum. Illi autem qui pertinent ad
resurrectionem vitae, idest ad dexteram, et inter Christiani nominis retia
defiguntur, nonnisi in littore, idest in fine saeculi, cum resurrexerint
apparebunt; ideo non valuerunt sic trahere retia ut in navem refunderent quos
ceperant pisces, sicut de aliis factum est. Habet autem istos dexteros
Ecclesia post finem vitae huius in somno pacis velut in profundo latentes,
donec ad littus rete perveniat. Quod autem in prima piscatione duabus
naviculis, hoc isto loco ducentis cubitis, tamquam centum et centum, existimo
figuratum, propter utriusque generis electos, et circumcisionis et praeputii.
Beda. Vel per ducentos cubitos gemina caritatis
virtus exprimitur : per dilectionem enim Dei et proximi Christo
appropinquamus. Piscis autem assus, est Christus passus : ipse latere
dignatus est in aquis generis humani, capi voluit laqueo nostrae noctis; et
qui nobis factus est piscis humanitate, extitit nobis panis, nos reficiens
sua divinitate. Gregorius. Petro autem sancta Ecclesia est commissa;
ipsi specialiter dicitur : pasce oves meas. Quod ergo postmodum aperitur in
voce, nunc significatur in opere. Ipse enim pisces ad soliditatem littoris
pertrahit, quia stabilitatem aeternae patriae fidelibus ostendit. Hoc egit
verbis, hoc epistolis, hoc agit quotidie miraculorum signis. Sed cum rete
magnis piscibus plenum dicitur, additur et quantis; et hoc est quod subditur
plenum magnis piscibus centum quinquaginta tribus. Augustinus. In alia piscatione numerus piscium non
exprimitur, tamquam illud ibi fiat quod praedictum est per prophetam :
annuntiavi, et locutus sum; multiplicati sunt super numerum; hic vero certus
est numerus, cuius reddenda est ratio. Numerus enim qui legem significat
decem est propter Decalogum. Cum autem accedit ad legem gratiae, idest ad
litteram spiritus, quodammodo denario numero additur septenarius, septenario
quippe numero significatur spiritus sanctus, ad quem sanctificatio proprie
pertinet. Primum enim in lege sonuit sanctificatio in die septima. Isaias
etiam propheta eum commendat opere, vel munere septenario. Cum itaque legis
denario spiritus sanctus per septenarium numerum accedit, fiunt decem et
septem, qui numerus ab uno usque ad seipsum, computatis omnibus crescens ad
centum quinquaginta tres pervenit. Gregorius. Ducamus etiam per trigonum decem et
septem, veniunt quinquaginta unum. In quinquagesimo autem anno cunctus
populus ab omni operatione quiescebat. Sed vera requies in unitate est : ubi
enim scissura divisionis est, vera requies non est. Augustinus. Non ergo tantummodo centum quinquaginta
tres sancti ad vitam resurrecturi significantur aeternam, sed omnes ad
gratiam spiritus pertinentes hoc numero figurantur : qui etiam numerus ter
habet quinquagenarium numerum, et insuper ipsa tria propter mysterium
Trinitatis. Quinquagenarius autem multiplicatis septem per septem, et unius
adiectione completur. Unus autem additur, ut eos significet esse unum. Non
autem frustra dictum est quod erant magni. Cum enim dixisset dominus : non
veni solvere legem, sed implere, daturus spiritum, utique per quem lex posset
impleri, paucis verbis interpositis ait : qui fecerit et docuerit, magnus
vocabitur in regno caelorum. In prima autem piscatione rete propter
significanda schismata rumpebatur; hic vero, quoniam in illa summa pace
sanctorum nulla erunt schismata, pertinuit ad Evangelistam consequenter
dicere et cum tanti essent, idest tam magni, non est scissum rete, tamquam
illud respiceret ubi scissum est, et in illius mali comparatione commendaret
hoc bonum. |
—
Saint Augustin : (Traité 122 sur Saint Jean). Les
dernières paroles de l'Evangéliste semblaient indiquer la fin de son récit.
Cependant il nous raconte encore comment Notre Seigneur se manifesta près de
la mer de Tibériade : « Après cela, Jésus apparut de nouveau près de la
mer de Tibériade. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 89 sur Saint Jean). Saint Jean dit : « Après cela, »
parce que Notre Seigneur ne restait pas continuellement avec ses disciples
comme auparavant. Il se sert de cette expression : « Il se manifesta, »
parce que ses disciples n'auraient pu le voir, s'il n'avait consenti à se
rendre visible par un effet de sa bonté, puisque son corps était
incorruptible. Il fait mention expresse de l'endroit où il leur apparut, pour
nous montrer que le Sauveur avait diminué de beaucoup leurs craintes,
puisqu'ils s'éloignent à une assez grande distance de leur demeure. En effet,
ils ne restaient plus renfermés, mais ils allaient dans la Galilée, pour
éviter tout danger de la part des Juifs. —
Saint Bède : Suivant sa coutume,
l'Evangéliste commence par exposer le fait, puis il raconte la manière dont
il eut lieu : « Or, il se manifesta de cette sorte. » —
Saint Jean Chrysostome : Comme le Seigneur n'était
pas continuellement avec eux, qu'ils n'avaient pas encore reçu l'Esprit
saint, qu'aucune charge ne leur avait été confiée, et qu'ils n'avaient pas
autre chose à faire, ils se livraient à leurs occupations de pêcheur : « Voici
comment il se manifesta : Simon-Pierre et Thomas, appelé Didyme, et
Nathanaël, qui était de Cana, en Galilée (qui avait été appelé par Philippe),
et les fils de Zébédée (Jacques et Jean), et deux autres de ses disciples se
trouvaient ensemble. Simon-Pierre leur dit : « Je vais pêcher. » —
Saint Grégoire : (hom. 24 sur les Evang). On
peut demander pourquoi Pierre, qui exerçait le métier de pêcheur avant sa
conversion, revient à ses filets après sa conversion, alors que la vérité
elle-même nous dit : « Quiconque met la main à la charrue et regarde en
arrière, n'est point propre au royaume de Dieu. » —
Saint Augustin : Si les Apôtres avaient agi
de la sorte aussitôt la mort de Jésus, et avant sa résurrection, nous aurions
lieu de penser qu'ils cédaient au découragement qui s'emparait de leur âme.
Au contraire, c'est après avoir vu Jésus-Christ sorti du tombeau plein de
vie; c'est après avoir examiné les traces que les blessures avaient laissées
sur son corps, c'est après qu'il leur a donné l'Esprit saint en soufflant sur
eux, qu'ils redeviennent ce qu'ils étaient auparavant, pécheurs non d'hommes,
mais de poissons. Je réponds donc qu'il ne fut point défendu aux Apôtres de
pourvoir à leur subsistance par l'exercice d'un métier légitime, tout en
sauvegardant la dignité de leur apostolat, s'ils n'avaient point d'ailleurs
d'autres moyens d'existence. En effet, si saint Paul refusa d'user du pouvoir
qui lui était commun avec les autres prédicateurs de l'Evangile, et voulut
combattre à ses propres frais, pour ne point être un obstacle à la conversion
des peuples complètement étrangers au nom de Jésus-Christ, en leur laissant
supposer que l'intérêt était le mobile de sa prédication; si cet Apôtre, dont
l'éducation avait été tout autre, par suite de ce principe, voulut apprendre
un métier qu'il ne connaissait pas, afin qu'en vivant du travail de ses
mains, il ne fût à charge à aucun de ceux qu'il enseignait, à combien plus
juste titre saint Pierre, qui avait été précédemment pêcheur, pût-il
reprendre le métier qu'il savait, si pour le moment il ne trouvait point
d'autre ressource pour vivre. On me dira peut-être : Et pourquoi n'en a-t-il
point trouvé, lorsque la promesse du Seigneur est formelle : « Cherchez
d'abord le royaume de Dieu et sa justice, et le reste vous sera donné comme
par surcroît. » Je réponds que le Seigneur a parfaitement accompli sa
promesse, car quel autre a conduit les poissons dans les filets où ils ont
été pris ? Et très certainement c'est lui qui permit que la nécessité
contraignît ses disciples de retourner à la pêche, parce qu'il voulait les
rendre témoins du miracle qu'il se proposait d'opérer. —
Saint Grégoire : Ils purent donc reprendre
sans aucune faute après leur conversion, des occupations auxquelles ils se
livraient très licitement avant leur conversion. Voilà pourquoi Pierre, après
sa conversion retourne à la pêche, mais Matthieu ne reprend point sa place au
bureau des impôts, car il est des professions que l'on ne peut absolument, ou
sans de grandes difficultés, exercer sans péché. Il faut donc que le cœur
véritablement converti se détache complètement de tout ce qui peut
l'entraîner au péché. —
Saint Jean Chrysostome : Les autres disciples
suivaient Pierre : « Ils lui dirent : Nous y allons aussi avec vous »,
car ils ne formaient tous qu'une seule société, et voulaient tous ensemble
être témoins de la pêche : « Ils s'en allèrent donc, et montèrent dans la
barque. » Ils péchaient pendant la nuit, parce qu'ils étaient encore
dominés par la crainte [des Juifs]. —
Saint Grégoire : Les disciples éprouvèrent de
grandes difficultés dans cette pêche, afin qu'à l'arrivée de leur divin
Maître, ils fussent remplis d'une grande admiration : « Et cette nuit-là
ils ne prirent rien. » —
Saint Jean Chrysostome : Tandis qu'ils se fatiguent
ainsi et se désolent de ne rien prendre, Jésus leur apparaît : « Mais le
matin venu, Jésus parut sur le rivage. Mais les disciples ne savaient pas que
c’était Jésus. » Il ne se découvre pas tout d'abord, mais veut auparavant
lier conversation avec eux. Il leur parle donc en premier lieu un langage
tout humain : « Enfants, n'avez-vous rien à manger ? » Il semble, par
cette question, avoir l'intention de leur acheter quelque chose; mais comme
il les voit saisis de crainte, il leur donne un signe qui put le faire
reconnaître : « Il leur dit : Jetez le filet à droite de la barque, et
vous en trouverez, » Les miracles se succèdent alors en grand nombre; le
premier, c'est qu'ils prennent une quantité énorme de poissons : « Ils le
jetèrent et ils ne pouvaient plus le tirer tant il était chargé de poissons.
» Dans la manière dont ils reconnaissent Jésus-Christ, Pierre et Jean
font voir chacun la différence de leur caractère. [Le premier était plus
ardent, le second d'une intelligence plus élevée, l'un avait plus
d'initiative,] l'autre plus de discernement; aussi est-il le premier à
reconnaître Jésus-Christ : « Le disciple que Jésus aimait, dit à Pierre :
C'est le Seigneur. » —
Saint Bède : C'est par ce miracle que
Jésus, comme en beaucoup d'autres endroits, manifeste sa personne divine. Or,
Jean reconnaît le premier le Seigneur, soit à cette pêche miraculeuse, soit
au son d'une voix qui lui était connue, soit au souvenir de la première
pêche. —
Saint Jean Chrysostome : Pierre avait plus d'ardeur,
et il met plus d'empressement à venir à Jésus-Christ : « Simon-Pierre
ayant entendu que c'était le Seigneur, se ceignit de sa tunique (car il était
nu), » etc. — Saint Bède : Saint Jean dit que Pierre
était nu par opposition aux autres vêtements dont il faisait usage. C'est
ainsi qu'en voyant un homme couvert d'un simple vêtement, nous lui disons :
Pourquoi donc êtes-vous ainsi nu ? Ou peut aussi admettre que suivant la
coutume des pêcheurs, il était nu pour pêcher plus librement. — Théophylactus : Pierre se ceignit aussitôt, par un sentiment de pudeur; il se ceignit
d'un vêtement de lin dont les pêcheurs de la Phénicie et de Tyr
s'enveloppent, et dont ils se couvrent, qu’ils soient nus ou qu'ils aient ou
non d'autres vêtements. —
Saint Bède : Pierre vient à la rencontre
de Jésus avec la même ardeur qu'il faisait éclater dans toutes ses actions : «
Et il se jeta à la mer; les autres disciples vinrent avec la barque. » Il
n'est point cependant nécessaire d'entendre que Pierre ait marché sur les
flots, il vint trouver Jésus, soit en nageant, soit en marchant dans l'eau,
car on était près de la terre. « Car, remarque saint Jean, ils
n'étaient pas éloignés de la terre, mais à deux cent coudées environ. » — La Glose : Il
y a ici une transposition évidente, car nous lisons à la suite : « en
tirant le filet rempli de poissons. » Voici l'ordre naturel de la phrase
: « Les autres disciples vinrent dans la barque, en tirant le filet rempli de
poissons, car ils n'étaient pas loin de la terre. » —
Saint Jean Chrysostome : Un autre miracle les
attendait sur le rivage : « Lorsqu'ils furent descendus à terre, ils
virent des charbons allumés, avec des poissons dessus et du pain. » Notre
Seigneur n'opère plus ici sur une matière préexistante, mais il fait quelque
chose de plus merveilleux, il donne l'être à ce qui n'existait pas, et il
montre ainsi qu'avant sa passion, c'était par suite d'une mystérieuse
économie qu'il faisait ses miracles en se servant d'une matière déjà
existante. —
Saint Augustin : (Traité 123 sur Saint Jean). Il ne faut point entendre ces paroles
dans ce sens, que le pain fut placé sur les charbons, mais voici ce que
l'Evangéliste veut dire : « Ils virent des charbons allumés, et un poisson
placé dessus, et ils virent du pain. » — Théophylactus : [référence à vérifier] Pour leur prouver qu'ils ne
sont pas dupes d'une illusion fantastique, il leur commande de lui apporter
quelques-uns des poissons qu'ils avaient pris : « Jésus leur dit :
Apportez quelques-uns des poissons que vous venez de prendre. » Un
troisième miracle fut que le filet ne se rompit point sous l'énorme quantité
de poissons qu'il renfermait : « Simon-Pierre monta donc dans la barque,
et tira à terre ce filet plein de cent cinquante-trois grands poissons. Et
quoiqu'il y en eût un si grand nombre, le filet ne se rompit point. » —
Saint Augustin : (Traité 122 sur Saint Jean). Dans le sens mystique, cette pêche
miraculeuse est la figure du mystère qui s'opérera dans l'Eglise lors de la
résurrection des morts. C'est à mon avis pour faire ressortir plus clairement
ce mystère que saint Jean parait vouloir terminer son Evangile par cette
réflexion qui devient comme l'introduction du récit qui va suivre [et lui
donne ainsi plus d'importance. Ce qui donne un nouveau caractère de vérité à
ce sentiment, c'est que le récit évangélique paraissait terminé, et que ce
fait est comme le commencement d'un nouveau récit]. Les sept disciples qui
prirent part à cette pêche sont, par leur nombre de sept, la figure de la fin
du temps, dont la révolution s'accomplit dans un espace de sept jours. — Théophylactus : Tant que dura la nuit, avant le lever du soleil de justice, qui est
Jésus-Christ, les prophètes ne purent rien prendre, car bien que leurs
efforts n'eussent pour but que la réforme du seul peuple juif, ce peuple ne
laissait pas de tomber fréquemment dans l'idolâtrie. —
Saint Grégoire : (hom. 24). Mais on peut se
demander pourquoi, pendant que ses disciples se consument en efforts au
milieu de la mer, Jésus, après sa résurrection, se tient-il sur le rivage,
lui qui, avant sa résurrection, marche sur les flots mêmes de la mer pour
aller les trouver ? La mer est la figure du siècle présent qui se brise au
choc de l'agitation des événements et des flots de cette vie corruptible,
tandis que la terre ferme du rivage est le symbole de la stabilité du repos
éternel. Comme les disciples étaient encore au milieu des flots de cette vie
mortelle, ils avaient à supporter les fatigues de la mer, mais notre
Rédempteur, qui avait dépouillé la corruption de la chair, se tenait sur le
rivage après sa résurrection. —
Saint Augustin : Le rivage est comme la fin
de la mer et figure la fin du monde. De même que Notre Seigneur veut nous
signifier dans cet endroit ce que sera l'Eglise à la fin du monde; ainsi dans
une autre pêche qui a précédé, il a voulu nous figurer l'Eglise telle qu'elle
est pendant cette vie. Aussi lors de cette première pêche, Jésus ne se tenait
pas sur le rivage, mais montant sur une barque qui était celle de
Simon-Pierre, il le pria de s'éloigner du rivage. Dans cette même
circonstance, les filets ne sont pas jetés à droite de la barque, pour ne pas
signifier les bons seulement, ni à gauche, pour ne pas figurer exclusivement
les mauvais, mais indifféremment à droite ou à gauche : « Jetez, dit
Jésus, vos filets pour pêcher, » (Lc 5) afin de figurer ainsi le mélange
des bons et des mauvais, ici, au contraire, il dit : « Jetez votre filet à
la droite de la barque, » pour signifier seulement ceux qui se tiendront
à la droite, c'est-à-dire les bons exclusivement. Le Sauveur fit le premier
miracle au commencement de sa prédication, et le second après sa
résurrection. La première pêche représente le mélange des bons et des
mauvais, dont l'Eglise est maintenant composée; et la seconde, les bons
seulement, dont elle sera formée, pour l'éternité après la résurrection des
morts, qui aura lien à la fin du monde. Ceux qui auront part à la
résurrection de la vie (c'est-à-dire, ceux qui seront à droite), et qui sont
morts dans les filets du nom chrétien, ne paraîtront que sur le rivage
(c'est-à-dire, à la fin du monde après la résurrection). Aussi les disciples
ne purent tirer les filets pour verser comme la première fois, dans la
barque, les poissons qu'ils avaient pris. Ces poissons qui sont pris à la
droite de la barque, l'Eglise les conserve cachés dans le sommeil de la paix,
comme dans les profondeurs de la mer, jusqu'à ce que le filet soit tiré sur
le rivage. Dans la première pêche il y avait deux barques, et dans celle-ci,
les disciples étaient à deux cents coudées du rivage; on peut dire que c'est
la figure des élus des deux peuples, du peuple de la circoncision et du
peuple des Gentils (comprenant chacun le nombre cent). —
Saint Bède : Ou bien encore, ces deux
cents coudées représentent les deux préceptes de la charité, car c'est par
l'amour de Dieu et du prochain que nous approchons de Jésus-Christ. Le
poisson rôti est la figure de Jésus-Christ dans sa passion; il a daigné se
cacher dans les eaux du genre humain, il s'est laissé prendre dans les filets
de notre nuit; il a été pour nous comme un poisson par son humanité, et il
est devenu pour nous un pain en nous fortifiant par sa divinité. —
Saint Grégoire : C'est à Pierre qu'a été
confié le soin de la sainte Eglise, et c'est à lui spécialement qu'il est dit
: « Paissez mes brebis. » Ce que le Sauveur lui dira bientôt en termes
exprès, il le lui dit maintenant par les faits. C'est Pierre qui tire les
poissons sur la terre ferme du rivage, parce que c'est lui qui montre aux
fidèles l'éternelle et immuable patrie; c'est ce qu'il a fait par ses
paroles, c'est ce qu'il a fait par ses Epîtres, c'est ce qu'il fait encore
tous les jours par l'éclat de ses miracles. L'Evangéliste ne se contente pas
de nous dire que le filet était plein de gros poissons, mais il en précise le
nombre : « Il était plein de cent cinquante-trois poissons. » —
Saint Augustin : Dans la première pêche, on
ne parle pas du nombre des poissons, et nous y voyons comme un accomplissement
de cette prédiction du Roi-prophète : « J'ai voulu annoncer vos œuvres,
leur multitude m'a paru innombrable. » (Ps 39, 6). Ici, au contraire, le
nombre est précisé, et il faut en donner la raison. Le nombre qui figure la
loi est le nombre dix, à cause du décalogue; mais lorsque la grâce vient
s'unir à la loi (c'est-à-dire l'esprit à la lettre), le nombre sept vient
s'ajouter au nombre dix. En effet, le nombre sept est comme le symbole de
l'Esprit saint, qui est surtout l'auteur de notre sanctification. Cette
sanctification se montre pour la première fois dans le repos du septième
jour. (Gn 2) Le prophète Isaïe fait l'éloge de l'Esprit saint, en énumérant
ses sept dons ou ses sept opérations, (Is 11) Lors donc qu'au nombre dix de
la loi vient s'ajouter le nombre sept, symbole de l'Esprit saint; ces deux
nombres réunis forment le nombre dix-sept; si l'on décompose ce nombre en
commençant par l'unité et en ajoutant toujours à chacune de ces parties,
depuis un jusqu'à dix-sept le nombre additionnel ou arrive au nombre total de
cent cinquante-trois. —
Saint Grégoire : Multiplions le nombre sept
et dix-sept par trois, et nous trouvons cinquante-un. Or, c'est dans la
cinquantième année que tout le peuple se reposait de tout travail. Mais le
véritable repos est dans l'unité, car le véritable repos ne peut se trouver
au milieu des déchirements produits par la division. —
Saint Augustin : Il ne faudrait pas conclure
de là qu'il n'y aura que cent cinquante-trois saints qui ressusciteront à la
vie éternelle, car tous ceux qui ont part à la grâce de l'Esprit saint, sont
compris dans ce nombre qui renferme trois fois le nombre cinquante, et de
plus le nombre trois, symbole du mystère de la sainte Trinité. Or, le nombre
cinquante est le produit du nombre sept multiplié par sept, et auquel on
ajoute l'unité. Cette unité indique qu'ils ne doivent faire qu'un. Ce n'est
pas sans raison que l'Evangéliste fait la remarque que les poissons étaient
grands, car lorsque Notre Seigneur eut dit : « Je ne suis pas venu
détruire la loi, mais l'accomplir (en donnant l'Esprit saint qui devait
la faire accomplir) », il ajoute un peu plus loin : « Celui qui fera et
enseignera sera grand dans le royaume des cieux. » (Mt 5) Lors de la
première pêche, le filet se rompait en figure des schismes qui devaient
déchirer l'Eglise. Ici, au contraire, comme les schismes seront impossibles
dans la paix suprême dont jouiront les saints, l'Evangéliste a dû faire
remarquer que, malgré le grand nombre et la grosseur des poissons, le filet
ne se rompit point. Il semble faire allusion à la première pêche où le filet
se rompit, et vouloir faire ressortir par cette comparaison avec la mauvaise
pêche la supériorité de la bonne pêche. |
Lectio 2 |
Versets 12-14 |
[86160] Catena in Io., cap. 21 l. 2 Augustinus in
Ioannem. Peracta piscatione dominus eos ad prandium vocat; unde dicitur
dicit eis Iesus : venite, prandete. Chrysostomus in Ioannem. Hic quidem non dicit quod
comedit cum eis; sed Lucas hoc dicit. Hoc autem fiebat, non ut natura
indigente cibis de reliquo, sed condescensione ad demonstrationem
resurrectionis facta. Augustinus de Civ. Dei. Corpora autem iustorum quae
in resurrectione futura sunt, neque ligno vitae indigebunt, quo fiat ut nullo
morbo, vel senectute inveterata moriantur, neque ullis aliis corporalibus
nutrimentis, quibus esuriendi atque sitiendi qualiscumque molestia devitetur;
quoniam certo et inviolabili munere immortalitatis induentur, ut non nisi
velint, possibilitate, non necessitate vescantur : non enim potestas, sed
egestas edendi et bibendi talibus corporibus auferetur; sicut et salvator
noster post resurrectionem iam quidem in spirituali carne, sed tamen vera,
cibum ac potum cum discipulis sumpsit, non alimentorum indigentia, sed ea qua
et hoc poterat potestate. Sequitur et nemo audebat discumbentium interrogare
eum : tu quis es? Scientes quia dominus est; ac si diceretur : Augustinus in Ioannem. Nemo audebat dubitare quod
ipse esset : tanta enim erat evidentia veritatis ut eorum non solum negare,
sed nec dubitare quidem ullus auderet : quoniam si quisquam dubitaret, utique
interrogaret. Chrysostomus. Vel hoc dicit, quia de reliquo non
similiter confidebant ei loqui ut prius; sed cum silentio et reverentia multa
sedebant attendentes in eum : et formam quidem alteratam videntes, et multa admiratione
plenam, valde stupefacti nolebant interrogare. Sed formido in hoc quod
sciebant quod dominus est, detinebat interrogationem; et solum comedebant
quae eis dabat cum priori potestate. Hic autem non respicit in caelum, neque
humana illa facit, ostendens quoniam condescensionis gratia fiebant; unde
subditur et venit Iesus, et accepit panem, et dabat eis : et pisces similiter.
Augustinus. Mystice autem piscis assus Christus est
passus; ipse est et panis qui de caelo descendit; huic incorporatur Ecclesia
ad participandum beatitudinem sempiternam; propter hoc dictum est afferte de
piscibus quos prendidistis nunc : ut omnes qui hanc spem gerimus, per illum
septenarium numerum discipulorum, per quem potest in hoc loco nostra
universitas intelligi figurata, tanto sacramento nos communicare nossemus, et
eidem beatitudini sociari. Gregorius. Per hoc etiam quod cum septem discipulis
ultimum convivium celebrat, eos tantummodo qui septiformi gratia sancti
spiritus pleni sunt, futuros secum in aeterna refectione denuntiat; septem
quoque diebus omne hoc tempus evolvitur, et saepe septenario numero perfectio
designatur. Illi ergo ultimo convivio de praesentia veritatis epulantur qui
nunc perfectionis studio terreno transcendunt. Chrysostomus. Quia vero non continuo cum eis
conversabatur, neque similiter ut prius, subdit Evangelista dicens hoc iam
tertio manifestatus est Iesus discipulis suis cum resurrexisset a mortuis.
Augustinus. Quod non ad ipsas demonstrationes, sed
ad dies referre debemus; idest, primo die cum resurrexisset, et post octo,
quando Thomas vidit et credidit, et hoc die quando hoc de piscibus fecit, et
deinde quoties voluit, usque ad diem quadragesimum quo ascendit in caelum.
Augustinus de Cons. Evang. Invenimus autem apud
quatuor Evangelistas decies commemoratum dominum visum esse post
resurrectionem. Semel ad monumentum a mulieribus; iterum eisdem
regredientibus a monumento in itinere; tertio Petro; quarto duobus euntibus
in castellum; quinto pluribus in Ierusalem, ubi non erat Thomas; sexto ubi
vidit eum Thomas; septimo ad mare Tiberiadis; octavo omnibus undecim in monte
Galilaeae secundum Matthaeum; nono, ut dicit Marcus, novissime recumbentibus,
quia iam non erant in terra cum illo convivaturi; decimo ipso die
ascensionis, non iam in terra, sed elevatum in nube. |
—
Saint Augustin : (Traité 123 sur Saint Jean). La pêche
étant terminée, le Seigneur invite ses disciples à manger : « Jésus leur
dit : Venez, mangez. » —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 87 sur Saint Jean). Nous ne voyons pas ici qu'il ait
mangé avec eux, mais saint Luc le dit expressément. Il le fit du reste, non
pas que sa nature eût encore besoin d'aliments, mais pour s'accommoder à la
faiblesse de ses disciples et leur donner ainsi une nouvelle preuve de sa
résurrection. —
Saint Augustin : (de la cité de Dieu, 13,
22). Quant aux corps des justes, tels qu'ils seront après la résurrection,
ils n'auront plus besoin de l'arbre de vie pour se garantir des maladies et
de la décrépitude qui conduisent à la mort, ni des aliments matériels qui
apaisent le besoin si souvent pénible de la faim et de la soif, parce qu'ils
seront revêtus du don assuré d'une immortalité qu'ils ne pourront plus
perdre, immortalité qui, en les affranchissant de la nécessité de se nourrir,
leur en laissera la faculté. En effet, les corps ressuscités seront
affranchis, non de la faculté, mais du besoin de boire et de manger. C'est
ainsi que notre Sauveur, après sa résurrection, voulut boire et manger avec
ses disciples dans une chair toute spirituelle, quoique très véritable, non
par le besoin qu'il avait de nourriture, mais en vertu de la faculté qui lui
en était restée. « Et nul de ceux qui étaient assis n'osait lui
demander : ‘Qui êtes-vous ?’, sachant que c’était le Seigneur ». —
Saint Augustin : (Traité 123 sur Saint Jean). C'est-à-dire, nul d'entre eux n'osait
élever des doutes sur la réalité de la personne du Sauveur, car l'évidence de
la vérité était si grande, qu'aucun d'eux n'osait, non seulement nier, mais
même douter que ce fût lui, car s'ils avaient eu quelque doute, ils
l'auraient interrogé. —
Saint Jean Chrysostome : Ou bien l’Evangéliste fait
celle réflexion, parce que les disciples n'osaient plus lui parler avec la
même liberté qu'auparavant; ils étaient assis en silence et dans l'attitude
du plus grand respect, les yeux fixés sur lui, et à la vue des propriétés
différentes de son corps, ravis d'admiration et d'étonnement, ils ne
voulaient pas l'interroger. Mais comme ils savaient que c'était le Seigneur,
la crainte les arrêtait, et ils se contentaient de manger ce qu'il leur
distribuait avec une autorité souveraine. Il ne lève point ici les yeux au
ciel, et il n'agit plus comme un homme, pour leur apprendre que ce qu'il
faisait autrefois était la suite de ses abaissements volontaires : « Et
Jésus vint, prit le pain, et le leur donna, et pareillement du poisson.» —
Saint Augustin : Dans le sens mystique, le
poisson rôti représente Jésus-Christ dans sa passion. Il est le pain descendu
du ciel, et l'Eglise lui est incorporée pour avoir part au bonheur éternel. Il
leur dit : « Apportez quelques-uns des poissons que vous venez de prendre »,
afin que nous tous qui avons cette espérance, nous sachions que nous entrons
en participation d'un si grand mystère dans la personne de ces sept disciples
(nombre où l'on peut voir l'universalité des fidèles), et que nous sommes
associés à leur félicité. —
Saint Grégoire : Ce dernier repas que Jésus
fait avec sept de ses disciples, nous enseigne que ceux-là seuls qui sont
remplis des sept dons de l'Esprit saint, auront part avec lui à l'éternel
festin. Le cours du temps s'accomplit et se mesure par espaces de sept jours,
et ce nombre est souvent pris pour le symbole de la perfection. Ceux donc
qui, dans ce dernier et éternel festin, se nourriront de la présence de la
vérité, sont ceux que le zèle pour leur perfection élève au-dessus des choses
de la terre. —
Saint Jean Chrysostome : Le Sauveur ne restait pas
longtemps avec ses disciples, et n'avait plus avec eux les mêmes rapports que
précédemment, c'est pour cela que l'Evangéliste ajoute : « Ce fut la
troisième fois que Jésus apparut à ses disciples, depuis qu'il était
ressuscité des morts ». —
Saint Augustin : Ce nombre de trois doit
s'entendre, non de l'ordre des apparitions elles-mêmes, mais des jours où
elles eurent lieu. Ainsi il leur apparut le jour même de sa résurrection,
puis huit jours après, lorsque Thomas crut après l'avoir vu de ses yeux, et
encore le jour de cette pêche miraculeuse, et ensuite aussi souvent qu'il le
voulut jusqu'au quarantième jour où il monta au ciel. —
Saint Augustin : (de l'acc. des Evang., 3,
25). Nous trouvons dans les quatre évangélistes, dix apparitions du Seigneur
après sa résurrection. Il apparut la première fois aux saintes femmes, près
du sépulcre; la seconde, sur le chemin, lorsqu'elles revenaient du sépulcre;
la troisième fois à Pierre; la quatrième aux deux disciples qui allaient à
Emmaüs; la cinquième à plusieurs disciples dans Jérusalem, sans Thomas; la
sixième lorsque Thomas le vit; la septième sur les bords de la mer de
Tibériade; la huitième aux onze Apôtres, sur une montagne de Galilée, selon
saint Matthieu; la neuvième, comme le rapporte saint Marc, à ce dernier repas
après lequel ils ne devaient plus manger avec lui sur la terre; la dixième
fois enfin; le jour même de son ascension, alors qu'il n'était déjà plus sur
la terre, mais qu'il s'élevait dans les cieux. |
Lectio 3 |
Versets 15-17
|
[86161] Catena in Io., cap. 21 l. 3 Theophylactus.
Finito prandio, commissionem ovium mundi Petro commendat, non aliis; unde
dicitur cum ergo prandissent, dicit Simoni Petro Iesus : Simon Ioannis,
diligis me plus his? Augustinus in Ioannem. Sciens dominus interrogat :
sciebat enim dominus quod non solum eum diligeret, verum etiam quod plus
omnibus eum diligeret Petrus. Alcuinus. Dicitur autem Simon Ioannis, idest filius
Ioannis carnalis patris. Mystice autem Simon obediens, Ioannes gratia; et
merito hoc nomine vocatur, idest obediens gratiae Dei, ut ostendatur, quod
ardentiori eum caritate amplectitur, non meriti humani, sed divini esse
muneris. Augustinus in Serm. Pass. Dum autem dominus
moreretur, timuit et negavit; resurgens autem dominus amorem inseruit,
timorem fugavit : nam quando negavit, mori timuit; resurgente domino quid
timeret, in quo mortem mortuam reperiret? Unde sequitur ait illi : etiam,
domine, tu scis quia amo te. Confitenti autem amorem suum, oves suas
commendavit; unde sequitur dicit ei : pasce agnos meos : tamquam non esset
ubi ostenderet Petrus amorem suum in Christum, nisi esset pastor fidelis sub
principe omnium pastorum. Chrysostomus in Ioannem. Quod enim maxime omnium
tribuit nobis eam quae desuper est benevolentiam, est proximorum procuratio.
Praeteriens autem dominus alios, Petro de talibus loquitur : eximius enim
apostolorum erat Petrus et os discipulorum, et vertex collegii; unde et
negatione deleta, committit ei praelationem fratrum. Et negationem quidem ei
non exprobrat, sed dicit : si diligis me, praeside fratribus, et ferventem
amorem quem per omnia demonstrasti, nunc ostende; et animam quam dixisti te
esse positurum pro me, hanc da pro ovibus meis. Sequitur dicit ei iterum :
Simon Ioannis, diligis me? Ait illi : etiam, domine, tu scis quia amo te.
Augustinus. Merito dicitur Petro diligis me? Et
respondet amo te, eique dicitur pasce agnos meos : ubi etiam demonstratur
unum atque idem esse amorem et dilectionem : nam etiam dominus novissime non
ait : diligis me, sed amas me. Sequitur dicit ei tertio : Simon Ioannis, amas
me? Tertio, utrum Petrus eum diligat, dominus interrogat. Redditur enim
negationi trinae trina confessio; ne minus amori lingua serviat quam timori;
et plus vocis elicuisse videatur mors imminens quam vita praesens. Chrysostomus. Tertio etiam interrogat, et tertio
iniungit eadem, ostendens quantum appretiat praelationem propriarum ovium, et
quoniam hoc est maxime eius amoris signum. Theophylactus. Ex tunc etiam inolevit consuetudo, ut
ter confiteantur qui veniunt ad Baptismum. Chrysostomus. Deinde tertio interrogatus conturbatus
est; unde sequitur contristatus est Petrus, quia dixit ei tertio : amas me?
Rursus formidans priora, ne forte aestimans se diligere, si non diligat,
corripiatur, sicut et prius correptus est, multum se aestimans fortem; unde
ad ipsum Christum refugit; unde sequitur et dicit ei : domine, tu omnia scis,
idest ineffabilia cordis, praesentia et futura. Augustinus de verbis Dom. Inde ergo contristatus est
quod saepe interrogatus esset ab eo qui sciverat quod interrogabat, et
donaverat quod audiebat. Veraciter ergo respondit, et de intimo cordis
protulit amantis vocem, dicens tu scis quia amo te. Augustinus in Ioannem. Non autem addit plus his; hoc
enim respondit quod de seipso sciebat; non enim quantum ab alio quolibet
diligeretur scire poterat qui cor alterius videre non poterat. Sequitur dicit
ei : pasce oves meas; quasi dicat : sit amoris officium pascere dominicum
gregem, sicut fuit timoris indicium negare pastorem. Theophylactus. Potest autem quis assignare
differentiam inter agnos et oves : agni sunt qui introducuntur, oves vero
perfecti. Alcuinus. Pascere autem oves est credentes in
Christo, ne a fide deficiant, confortare, terrena subsidia, si necesse est,
subditis providere, et exempla virtutum cum verbo praedicationis impendere,
adversariis obsistere, errantes subditos corrigere. Augustinus. Qui hoc autem animo pascunt oves Christi
ut suas velint esse, non Christi, se convincuntur amare, non Christum, vel
gloriandi vel dominandi vel acquirendi cupiditate, non obediendi et
subveniendi et Deo placendi caritate. Non ergo nos, sed ipsum amemus, et in
pascendis ovibus eius ea quae sunt eius, non quae nostra sunt, quaeramus :
quisquis enim seipsum, non Deum amat, non amat se : qui enim non potest
vivere de se, moritur utique amando se : non ergo se amat qui ne vivat se
amat. Cum vero ille diligitur de quo vivitur, non se diligendo magis se
diligit, qui propterea non se diligit ut eum diligat de quo vivit. Augustinus. Extiterunt autem quidam servi infideles,
qui diviserunt gregem Christi, et furtis suis peculia sibi fecerunt; et audis
eos dicere : oves meae sunt illae : quid quaeris ad oves meas? Non te
inveniam ad oves meas. Si sic et nos dicamus meas, et illi dicant suas;
perdidit Christus oves suas. |
—
Théophylactus : Après le repas, Jésus confie à Pierre, et non pas à d'autres, le
gouvernement des brebis qui étaient dans le monde : « Lors donc qu'ils
eurent mangé, Jésus dit à Simon-Pierre :’Simon, fils de Jean, m’aimes-tu
plus que ceux-ci ?’ » —
Saint Augustin : (Traité 123 sur Saint Jean). Le Sauveur interroge, bien qu'il sût
ce qu'il demandait, car il savait parfaitement que, non seulement Pierre
l'aimait, mais qu'il l'aimait plus que tous les autres. —
Alcuin : Simon est appelé fils de
Jean, parce que son père s'appelait Jean. Dans le sens mystique, Simon veut
dire obéissant, et Jean signifie grâce. C'est à juste titre que Pierre est
appelé obéissant à la grâce de Dieu, pour faire voir que s'il aime
Jésus-Christ d'un amour plus ardent, ce n'est point à ses mérites, mais à la
grâce de Dieu qu'il en est redevable. —
Saint Augustin : (Serm. sur la pass). Lorsque
le Seigneur fut sur le point d’être mis à mort, Pierre fut saisi de crainte
et renia son Maître, car c'est la crainte de la mort qui lui fit renier
Jésus-Christ; mais maintenant qu'il est ressuscité, que pourrait-il craindre
encore, puisque la mort a reçu elle-même dans sa personne le coup de la mort
? « Il lui répondit donc : Oui, Seigneur, vous savez que je vous aime. »
Sur cette assurance que Pierre lui donne de son amour, Jésus lui confie le
soin de son troupeau. Il lui dit : « Paissez mes brebis, » comme si
Pierre n'avait point d'autre occasion de manifester son amour pour
Jésus-Christ, qu'en devenant un pasteur fidèle [de ses brebis] sous
l'autorité du Prince de tous les pasteurs. —
Saint Jean Chrysostome : (hom. 88 sur Saint Jean). Rien ne nous rend plus dignes de la
bienveillance divine comme le soin que nous prenons du prochain. Notre
Seigneur donne cette charge à Pierre de préférence à tous les autres Apôtres,
parce qu'il était le premier entre tous les Apôtres, la bouche des disciples,
et la tête du sacré collège, et c'est pour cela qu'après lui avoir pardonné
son reniement, il l'établit le chef de ses frères. Il ne lui reproche pas de
l'avoir renié, mais il lui dit : « Si vous m'aimez, soyez à la tête de vos
frères, montrez maintenant cet amour dont vous avez fait constamment preuve,
et sacrifiez pour mes brebis cette vie que vous étiez prêt, disiez-vous, à
donner pour moi. » « Jésus lui dit de nouveau : Simon, fils de Jean,
m'aimez-vous ? Pierre répondit : Seigneur, vous savez que je vous aime.
» —
Saint Augustin : (Traité 123 sur Saint Jean). C'est avec raison que Jésus demande à
Pierre : « M'aimez-vous ? » et que sur la réponse qu'il lui fait : «
Je vous aime. » Jésus lui dit : « Paissez mes agneaux. » Nous
voyons ici que l'amour et la dilection sont une seule et même chose, car la
troisième fois le Seigneur ne lui dit pas : Diligis me, [avez-vous
pour moi de la dilection ?] mais : Amas me, m'aimez-vous. Jésus lui
dit une troisième fois : « Simon, fils de Jean, m'aimez-vous ? » Jésus
demande à Pierre pour la troisième fois s'il l'aime, à son triple renoncement
correspond une triple confession, il faut que sa langue devienne l'organe de
son amour comme elle l'a été de sa crainte, et que le témoignage de sa parole
soit aussi explicite en présence de la vie qu'il l'a été devant la mort qui
le menaçait. —
Saint Jean Chrysostome : Trois fois Jésus lui fait la
même question, et trois fois aussi il lui renouvelle la même recommandation,
pour nous apprendre quel prix il attache à la direction de ses brebis, et que
c'est à ses yeux la preuve la plus grande d'amour. — Théophylactus : C'est de là qu'est venu l'usage de la triple promesse exigée de ceux
qui demandent à recevoir le baptême. —
Saint Jean Chrysostome : A cette troisième question,
le trouble s'empare de l'âme de Pierre : « Pierre fut contristé de ce que
Jésus lui demandait pour la troisième fois : M'aimez-vous ? » Il tremble
au souvenir de sa conduite passée, il craint de se tromper en croyant qu'il
aime Jésus, et de mériter de nouveau la rude leçon qu'il a reçue par suite de
la trop grande confiance qu'il avait dans ses propres forces. C'est donc
auprès de Jésus-Christ qu'il cherche son refuge : « Et il lui dit :
Seigneur, vous connaissez toutes choses, » c'est-à-dire, les secrets les
plus intimes du cœur pour le présent et pour l'avenir. —
Saint Augustin : (Serm. 50 sur les par. du
Seig). Ce qui l'attriste, c'est de se voir renouveler cette question par
celui qui savait parfaitement ce qu'il demandait et qui avait inspiré à
Pierre les assurances qu'il donnait de son amour. Il répond donc en toute
vérité, et c'est du fond de son cœur qu'il fait sortir ces accents d'un
véritable amour : « Vous savez que je vous aime. » —
Saint Augustin : (Traité 124 sur Saint Jean). Pierre n'ajoute pas : Plus que
ceux-ci, il ne répond que sur ce qu'il sait de lui-même, car il ne pouvait
connaître le degré d'amour qu'avaient les autres disciples pour Jésus,
puisqu'il ne pouvait lire dans le fond de leur cœur : « Jésus lui dit :
Paissez mes brebis, » c'est-à-dire, donnez un témoignage de votre amour
en paissant le troupeau du Seigneur, comme vous avez donné une preuve de
votre peur en reniant le pasteur. —
Théophylactus : On peut établir une différence entre les agneaux et les brebis; les
agneaux sont ceux qui commencent à faire partie du troupeau; les brebis sont
les âmes qui ont atteint la perfection. —
Alcuin : Paître les brebis, c'est
fortifier ceux qui croient en Jésus-Christ, pour que leur foi ne vienne pas à
défaillir, pourvoir, s’il le faut, aux nécessités temporelles de ceux qu'on
dirige, donner, par la prédication, l’exemple des vertus, s'opposer à leurs
ennemis, et ramener ceux d'entre eux qui s'égarent. —
Saint Augustin : (Traité 123 sur Saint Jean). Ceux qui paissent les brebis de
Jésus-Christ, dans l'intention d'en faire leurs propres brebis plutôt que de
les attacher à Jésus-Christ, sont convaincus de s'aimer au lieu d'aimer
Jésus-Christ, d'être conduits par le désir de la gloire, de la domination ou
de l'intérêt plutôt que par la charité qui ne se propose que d'obéir, de
secourir et de plaire à Dieu. Gardons-nous donc de nous aimer nous-mêmes, au
lieu d'aimer Jésus-Christ; en paissant ses brebis, cherchons ses intérêts
plutôt que les nôtres. Celui qui s'aime au lieu d'aimer Dieu, ne s'aime pas
véritablement, car puisqu'il ne peut vivre par lui-même, en n'aimant que soi
il se condamne à la mort. Ce n'est donc point s'aimer véritablement que de
s'aimer d'un amour qui fait perdre la vie. Lorsqu'au contraire ou aime celui
qui nous fait vivre, en ne s'aimant pas soi-même, on s'aime beaucoup plus,
puisqu'on refuse de s'aimer pour aimer davantage celui qui est pour nous le
principe de la vie. —
Saint Augustin : (Serm. sur la pass). Il
s'est trouvé des serviteurs infidèles qui ont divisé le troupeau de
Jésus-Christ, et qui, par leurs rapines, se sont amassé une certaine fortune.
Vous les entendez dire : Ce sont là mes brebis, que venez-vous faire près de
mes brebis, prenez garde que je vous retrouve parmi mes brebis. Si nous
tenons nous-mêmes ce langage, et qu'à leur exemple, nous disions aussi : Mes
brebis; c'en est fait, Jésus-Christ a perdu ses brebis. |
Lectio 4 |
Versets 18-19 |
[86162] Catena in Io., cap. 21 l. 4 Chrysostomus
in Ioannem. Cum dixisset Petro dominus de amore quem habebat ad ipsum,
praenuntiat ei martyrium quod pro ipso debebat sustinere; erudire nos volens
quomodo eum amare oportet; unde dicit amen, amen, dico tibi : cum esses
iunior, cingebas te, et ambulabas ubi volebas. Meminit prioris vitae, quia in
saecularibus iuvenis quidem utilis est, qui vero senuerit, inutilis. In
divinis autem non ita est; sed cum supervenerit senectus, tunc virtus
clarior, tunc virilitas industrior, in nullo ab aetate prohibita. Quia ergo
Petrus semper volebat in periculis esse cum Christo, dicit ei : confide : ita
implebo tuum desiderium, ut quae passus non es iuvenis existens, oporteat te
pati senem; unde sequitur cum autem senueris : per quod ostenditur quod neque
tunc iuvenis erat neque senex, sed vir perfectus. Origenes super Matth. Et attende quod non facile
invenitur quis ex eis qui apti fuerint ad hoc opus, ut cito transeat de hac
vita; unde nunc Petro dicitur cum senueris, extendes manus tuas. Augustinus in Ioannem. Hoc est, crucifigeris. Ad hoc
autem ut venias, alius te cinget, et ducet quo non vis. Prius dixit quod
fieret, et deinde quomodo fieret : non enim crucifixus, sed crucifigendus quo
nollet est ductus. Solutus quippe a corpore esse volebat cum Christo : sed si
fieri posset, praeter mortis molestiam vitam concupiscebat aeternam; ad quam
molestiam nolens venit sed volens eam vicit, et reliquit hunc infirmitatis
affectum, quo nemo vult mori, usque adeo naturalem ut eum beato Petro nec
senectus auferre potuerit. Sed molestia quantacumque sit mortis, debet eam
vincere vis amoris quo amatur ille qui, cum sit vita nostra, etiam mortem
voluit ferre pro nobis. Nam si nulla esset mortis, vel parva molestia, non
esset tam magna martyrii gloria. Chrysostomus. Dicit ergo quo non vis, propter
naturalem compassionem animae, quae invita separatur a corpore, Deo hoc
utiliter dispensante, ut non multi sibi mortem inferant violentam. Deinde
erigens auditorem Evangelista induxit hoc autem dixit significans qua morte
clarificaturus esset Deum. Non dixit : moriturus esset, ut discas quoniam
pati pro Christo, gloria est patientis et honor. Nisi autem certificaretur
animus quia verus Deus est, minime eius intuitu mortem toleraret : quo fit ut
sanctorum mors divinae sit gloriae certitudo. Augustinus. Hunc invenit exitum ille negator et
amator, ut pro eius nomine perfecta dilectione moreretur cum quo se moriturum
perversa festinatione promiserat. Hoc enim oportebat, ut prius Christus pro
Petri salute, deinde Petrus pro Christi praedicatione moreretur. |
—
Saint Jean Chrysostome : (hom. 88 sur Saint Jean).
Après avoir enseigné à Pierre le véritable caractère de l'amour qu'il devait
avoir pour lui, il lui prédit le martyre qu'il devait souffrir pour son nom,
et nous apprend ainsi comment nous devons l'aimer nous-mêmes : « En
vérité, en vérité, je vous le dis, lorsque vous étiez plus jeune, vous vous
ceigniez vous-même, et vous alliez où vous vouliez. » Jésus lui rappelle
le temps de sa jeunesse, parce qu'en effet, pour les affaires de la terre, le
jeune homme seul a de la valeur, celui qui a vieilli n'en a presque point.
Dans les choses divines, au contraire, c'est dans la vieillesse que la vertu
a plus d'éclat, plus d'habileté, plus d'application, sans que l'âge y apporte
aucun obstacle. Or, comme Pierre voulait toujours être au milieu des dangers
avec Jésus-Christ, le Sauveur lui dit : Ayez confiance, j'accomplirai votre désir;
ce que vous n'avez pas souffert dans votre jeunesse, vous le souffrirez dans
votre vieillesse ; « mais quand vous aurez vieilli ».
preuve que Pierre n'était alors ni jeune ni vieux, mais dans la force de
l'âge. — Origène : (sur Saint Matth). Remarquez qu'il n'est pas facile de trouver
quelqu'un de ceux qui sont prêts à quitter immédiatement cette vie. C'est
pour cela que Jésus dit dès maintenant à Pierre : « Lorsque vous serez
devenu vieux, vous étendrez vos mains. » — Saint
Augustin : (Traité 123 sur Saint
Jean). C'est-à-dire vous serez crucifié, et pour vous conduire au
supplice, un autre vous ceindra et vous conduira où vous ne voudrez pas.
Jésus prédit d'abord l'événement et ensuite la manière dont il devait
s'accomplir. Ce n'est pas lorsqu'il fut crucifié, mais avant d'être attaché à
la croix, qu'il fut conduit là où il ne voulait pas. Il voulait bien être
dépouillé de son corps pour être avec Jésus-Christ, mais, s'il eût été
possible, il aurait désiré entrer dans la vie éternelle sans passer par les
angoisses de la mort. C'est malgré lui qu'il fut conduit au supplice, mais
c'est par sa volonté qu'il a triomphé [des horreurs de cette mort] et qu'il
s'est dépouillé de ce sentiment de crainte et de répugnance pour la mort,
sentiment tellement inhérent à notre nature que la vieillesse même ne put
l'éteindre dans saint Pierre. Mais quelles que soient les souffrances dont la
mort se montre environnée, nous devons en triompher par la force de l'amour
que nous avons pour celui qui, étant notre vie, a voulu souffrir la mort pour
nous. Car s'il n'y avait que peu ou point de souffrance à endurer pour
mourir, la gloire du martyre serait beaucoup moins grande. —
Saint Jean Chrysostome : Jésus lui dit : « [Vous
serez conduit] là où vous ne voudrez point, » à cause de ce sentiment
naturel à l'âme qui fait qu'elle se sépare malgré elle du corps, par un sage
conseil de la Providence divine qui s'oppose ainsi aux funestes desseins d'un
grand nombre qui auraient fini leurs jours par une mort violente.
L'Evangéliste élève ensuite plus haut nos pensées : « Jésus dit cela
indiquant par quelle mort il devait glorifier Dieu. » Il ne dit pas : de
quelle mort il devait mourir, pour nous apprendre que c'est un honneur et une
gloire de souffrir pour Jésus-Christ. Or, jamais le chrétien ne consentirait
à souffrir la mort pour Jésus-Christ si son esprit n'avait la certitude qu'il
est vraiment Dieu. Aussi la mort des saints est-elle pour nous une preuve
certaine de la gloire de Dieu. —
Saint Augustin : (Traité 123 sur Saint Jean). Telle fut donc la fin de Pierre.
Après avoir renié Jésus-Christ, il l'aima de tout son cœur, et, sous
l'impulsion de cet amour parfait, il souffrit la mort pour celui pour qui,
par une précipitation coupable, il avait promis de sacrifier sa vie. Il
fallait d'abord, en effet, que Jésus-Christ souffrît la mort pour le salut de
Pierre avant que Pierre donnât sa vie pour la foi de Jésus-Christ qu'il
annonçait. |
Lectio 5 |
Versets 19-23 |
[86163] Catena in Io., cap. 21 l. 5 Augustinus in
Ioannem. Cum praenuntiasset dominus Petro qua morte clarificaturus esset
Deum, invitat eum ad sui sequelam; unde dicitur et cum hoc dixisset, dicit ei
: sequere me. Cur dicitur Petro sequere me, nec dicitur ceteris qui simul
aderant, qui eum sicut magistrum discipuli sequebantur? Sed si ad passionem
intelligendum est, numquid solus pro Christiana veritate passus est Petrus?
Nonne ibi erat Iacobus, qui ab Herode manifestatur occisus? Verum aliquis
dixerit, quoniam non est Iacobus crucifixus, merito dictum esse Petro sequere
me, qui non solum mortem, sed et mortem crucis sicut Christus expertus est.
Theophylactus. Audiens autem Petrus quia mortem pro
Christo passurus est, quaerit de Ioanne an moriatur; unde sequitur conversus
Petrus, vidit illum discipulum quem diligebat Iesus sequentem, qui et
recubuit in coena super pectus eius, et dixit : domine, quis est qui tradet
te? Augustinus. Seipsum dicit discipulum quem diligebat
Iesus, quia ipsum prae ceteris et familiarius diligebat, ita ut in convivio
super pectus suum discumbere faceret. Credo ut istius Evangelii quod per eum
fuerat praedicaturus, divinam excellentiam hoc modo altius commendaret. Sunt
qui senserint, et hi non contemptibiles sacri eloquii tractatores, a Christo
Ioannem propterea plus amatum, quia ab ineunte pueritia castissimus vixerit.
Sequitur hunc ergo cum vidisset Petrus, dixit Iesu : domine, hic autem quid?
Theophylactus. Idest, numquid non morietur et ipse?
Ut quidam exponunt. Sequitur dicit ei Iesus : sic eum volo manere donec
veniam, quid ad te? Augustinus. Et repetitum est tu me sequere, tamquam
ille ideo non sequeretur, quoniam eum manere voluit donec veniat. Quis facile
aliud esse credat quam quod fratres crediderunt qui tunc erant? Sequitur enim
exiit ergo sermo iste inter fratres, quia discipulus ille non moritur. Sed
hanc opinionem Ioannes ipse abstulit subdens et non dixit Iesus : non
moritur; sed : sic eum volo manere donec veniam; quid ad te? Sed cui placet
adhuc resistat et dicat, verum esse quod ait Ioannes, non dixisse dominum
quod discipulus ille non moritur; sed hoc tamen significatum esse talibus
verbis qualia eum dixisse narravit. Theophylactus. Vel dicat : Christus non negavit
Ioannem moriturum, nam quidquid oritur moritur; sed dixit volo eum manere,
idest vivere usque ad mundi finem, et tunc pro me patietur martyrium; et ideo
fatentur adhuc illum vivere, ab Antichristo vero debere occidi, et una cum
Elia praedicaturum nomen Christi. Sed et si assignetur eius sepulchrum,
vivens quidem illud intravit, postea discessit. Augustinus. Vel forte aliquis in illo sepulchro
eius, quod est apud Ephesum, dormire potius eum quam mortuum iacere contendet
: assumens argumentum, quod illic terra sensim scaturire, et quasi ebullire
perhibetur; atque hoc eius anhelitu fieri pertinaciter asseverans. Sed cur
eius discipulo quem prae ceteris diligebat, pro magno munere longum in
corpore donaverit somnum, cum beatum Petrum per ingentem martyrii gloriam ab
onere corporis absolverit, eique concesserit quod Paulus se concupiscere
dixit : cupio dissolvi, et esse cum Christo? Si autem vere ibi fit quod
semper sparsit fama, aut ideo fit ut eo modo commendetur pretiosa eius mors,
quoniam non eam commendat martyrium, aut propter aliquid aliud quod nos
latet. Manet tamen quaestio cur dixerit dominus de homine morituro sic eum
volo manere donec veniam. Illud etiam movet ad quaerendum, cur Ioannem plus
dilexerit dominus, cum ipsum dominum plus dilexerit Petrus. Quantum ipse
sapio, meliorem qui plus diligit Christum, feliciorem vero quem plus diligit
Christus, facile responderem, si iustitiam liberatoris nostri, quemadmodum
defenderem providerem. Aggrediar igitur de solvenda quaestione tam ingenti.
Duas vitas sibi divinitus praedicatas novit Ecclesia : quarum una est in
fide, altera in specie. Ista significata est per apostolum Petrum propter
apostolatus sui primatum, illa per Ioannem; ideo huic dicitur sequere me, per
imitationem scilicet perferendi temporalia mala; de illo vero dicitur sic eum
volo manere donec veniam; quasi dicat : tu me sequere per imitationem
perferendi temporalia mala; ille maneat donec sempiterna venio redditurus
bona; quod apertius dici potest : perfecta me sequatur actio informata meae
passionis exemplo; inchoata vero contemplatio maneat donec venio, perficienda
cum venero : quod non sic intelligendum est, quasi dixerit remanere vel
permanere, sed expectare : quoniam quod per eum significatur, cum venerit
Christus implebitur. In hac autem activa vita quanto magis Christum
diligimus, tanto facilius liberamur a malo; at ipse nos minus diligit quales
nos sumus, et hinc ideo liberat, ne semper tales simus; ibi vero amplius nos
diligit, quoniam quod ei displiceat et quod a nobis auferat non habebimus.
Amet ergo eum Petrus, ut ab ista mortalitate liberemur; ametur ab eo Ioannes,
ut in illa immortalitate servemur. Cur ergo Ioannes minus eum diligebat quam Petrus, si
eam vitam significabat in qua est multo amplius diligendus, nisi quia
propterea dictum est volo eum manere, idest expectare, donec veniam; quando
et ipsum amorem qui tunc multo amplior erit, nondum habemus, sed expectamus
futurum, ut dum ipse venerit, habeamus. Hoc ergo per Petrum significatum est
plus amantem, sed minus amatum, quia minus nos amat Christus miseros quam
beatos : veritatis autem contemplationem qualis tunc futura est, minus
amamus, quia nunc nondum novimus nec habemus. Nemo tamen istos insignes
apostolos separet : et in eo quod significabat Petrus ambo erant, et in eo
quod significabat Ioannes ambo futuri erant. Glossa. Vel aliter sic eum volo manere; idest, nolo
eum per martyrium consummare, sed expectare eum in placidam absolutionem
carnis suae, quando ego veniens recipiam eum in aeterna beatitudine. Theophylactus. Vel aliter totum hoc. Quando dicit
dominus Petro sequere me, cunctorum fidelium praelaturam ei instituit. Simul
autem et sequi intelligas hic imitationem in cunctis et verbis et operibus.
Ostendit etiam affectionem ad ipsum : quia qui nobis astrictiores sunt, hos
sequi nos volumus. Chrysostomus in Ioannem. Si vero dixerit quis :
qualiter igitur Iacobus thronum assumpsit Hierosolymorum? Illud utique dicam,
quoniam Petrus orbis terrarum inthronizavit magistrum. Sequitur conversus
Petrus vidit illum discipulum quem diligebat Iesus, sequentem, qui et
recubuit in coena super pectus eius. Non sine causa recolit illam
accubationem, sed ut ostendat quantam Petrus habebat fiduciam post
negationem. Qui enim in coena non audebat interrogare, sed Ioanni
interrogationem commisit, huic et praepositura fratrum credita est, et non
solum non committit alteri interrogare quae ad ipsum pertinent, sed de
reliquo ipse pro aliis magistrum interrogat. Quia igitur magna ei praedixerat
dominus, et orbem terrarum commiserat, et martyrium praenuntiaverat, et
amorem protestatus est ampliorem; volens et Ioannem communicatorem accipere
dixit hic autem quid? Quasi diceret : nonne eadem nobiscum veniet via? Valde
enim Ioannem amabat Petrus; et per Evangelium ostenditur eorum colligatio, et
in actibus apostolorum. Sic igitur nunc vicem reddit Petrus Ioanni. Aestimans
autem eum velle interrogare de seipso, nec audere, ipse pro eo suscipit
interrogationem. Quia vero debebant orbis terrarum procurationem accipere,
nec oportebat eos de reliquo sibi invicem esse coniunctos, quod esset damnum
orbi terrarum, propterea dominus dicit secundum litteram Graecam : si eum
volo manere donec veniam, quid ad te? Tu me sequere; quasi dicat : opus tibi
commissum attende et perfice, hunc vero si voluero manere hic, quid ad te?
Theophylactus. Quod vero dicitur dum venero, quidam
sic intellexerunt ac si diceret : quousque contra Iudaeos, qui me
crucifixerunt, veniam percutiens illos baculo Romanorum. Aiunt enim, hunc
apostolum usque ad Vespasiani tempus, cum Ierusalem capienda erat, in locis
illis conversatum. Vel dicit dum venero, idest, dum hunc volens dirigam ad
praedicandum, te namque nunc dirigo ad orbis pontificatum; et in hoc sequere
me : ipse vero maneat hic donec et eum educam sicut te. Chrysostomus. Deinde Evangelista discipulorum
opinionem ponit et corrigit, ut supra dictum est. |
—
Saint Augustin : (Traité 124 sur Saint Jean). Après
avoir prédit à Pierre par quelle mort il devait glorifier Dieu, il l'invite à
marcher à sa suite : « Et après avoir ainsi parlé, il lui dit : «
Suivez-moi. » Mais pourquoi le Sauveur dit-il à Pierre seul : «
Suivez-moi, » sans adresser la même invitation aux autres qui étaient
présents et qui le suivaient comme des disciples suivent leur maître ? Or, si
par ces paroles Jésus l'appelle au martyre, Pierre est-il donc le seul qui
ait souffert pour la vérité chrétienne ? Est-ce que Jacques n'était pas là,
lui que nous savons avoir été mis à mort par Hérode ? On répondra peut-être à
cela que Jacques n'ayant pas été crucifié, Jésus put dire exclusivement à
Pierre : « Suivez-moi, » parce que non seulement il devait souffrir la
mort, mais la mort de la croix, à l'exemple de Jésus-Christ. —
Théophylactus : Pierre ayant appris qu'il devait souffrir la mort pour Jésus-Christ,
lui demande si Jean doit mourir de la même mort. « Pierre s'étant retourné
vit le disciple que Jésus aimait, qui pendant le repas, s’était retourné sur
la poitrine de Jésus et lui avait dit : ‘Seigneur, qui est celui qui va
vous livrer ?’». —
Saint Augustin : Il se nomme le disciple que
Jésus aimait parce qu'en effet Jésus avait pour lui un amour plus intime et
plus tendre que pour les autres, et c'est pour cela que, pendant la cène, il
le fit reposer sur sa poitrine. Je crois que le Sauveur a voulu ainsi nous
donner une haute idée de la plus grande qualité divine de l'Evangile que Jean
devait annoncer. Il en est qui pensent (et ce ne sont pas les interprètes les
moins distingués des saintes Ecritures) que l'amour plus particulier de Jésus
pour Jean avait pour cause la chasteté que cet Apôtre avait toujours
inviolablement gardée depuis sa première enfance. « Pierre donc, l'ayant vu, dit à Jésus : Seigneur,
mais celui-ci, que deviendra-t-il?» — Théophylactus : C'est-à-dire, suivant
l'explication de quelques interprètes, est-ce qu'il ne doit pas mourir aussi? « Jésus lui dit : Je veux qu'il demeure ainsi
jusqu'à ce que je vienne; que vous importe ? » —
Saint Augustin : Et il lui répète : «
Suivez-moi, » paroles qui semblent nous indiquer que Jean ne le suivrait
point, parce qu'il voulait qu'il restât jusqu'à ce qu'il vint lui-même. Il
semble qu'on ne pourrait facilement admettre d'autre interprétation de ces
paroles que celle qui vint à l'esprit des disciples qui étaient présents : «
Le bruit courut donc parmi les frères que ce disciple ne mourrait point. »
Mais Jean lui-même combat cette interprétation en ajoutant : « Et Jésus ne
lui dit pas : Il ne mourra point, mais je veux qu'il demeure ainsi jusqu'à ce
que je vienne, que vous importe ? » On peut insister cependant si l'on
veut, et dire que ce qu’avait dit Jean était vrai : Notre Seigneur
n'avait pas dit que « ce disciple ne mourrait point, » mais que c'est le sens
qui résulte des paroles rapportées par saint Jean. — Théophylactus : On peut dire encore : Jésus-Christ n'a point nié que Jean dût mourir
(car tout ce qui naît doit mourir), mais il lui a dit simplement : Je veux
qu'il demeure, c'est-à-dire qu'il vive jusqu'à la fin du monde, et c'est
alors qu'il souffrira pour moi le martyre. Voilà pourquoi il en est qui
prétendent que Jean vit encore, et qu'il doit être mis à mort par
l'antéchrist, après avoir annoncé le nom de Jésus-Christ avec Elie. On
montre, il est vrai, son tombeau, mais il y est entré vivant pour en sortir
bientôt après. —
Saint Augustin : Il en est même qui vont
jusqu'à dire que dans son tombeau, que l'on montre encore à Ephèse, Jean y
est enseveli dans le sommeil plutôt que dans la mort, et ils en donnent pour
preuve que la terre qui recouvre son tombeau se soulève et fait comme jaillir
des flots de poussière, ce qu'ils attribuent obstinément à l'effet de sa
respiration. Mais pourquoi le Sauveur aurait-il accordé, comme une grâce
privilégiée au disciple qu'il aimait plus que les autres, un sommeil du corps
aussi prolongé, tandis que par la gloire éclatante du martyre il a délivré saint
Pierre du fardeau de ce corps terrestre et l'a mis en possession de ce
bonheur que saint Paul désirait si vivement lorsqu'il disait : « Je désire
d'être dégagé des liens du corps pour être avec Jésus-Christ ? » (Ph 1,
23). Si donc il faut en croire la renommée sur le fait en question, nous
dirons que Dieu le permit pour relever la mort de son disciple qui n'a pas
été rehaussée par la gloire du martyre, ou pour toute autre cause qui nous
est inconnue. Cependant il reste toujours à résoudre cette question :
Pourquoi le Seigneur a-t-il pu dire d'un homme qui devait mourir : « Je
veux qu'il demeure ainsi jusqu'à ce que je vienne ? » Il nous est également intéressant d'examiner
pourquoi le Sauveur avait pour Jean un amour plus particulier, alors que
Pierre aimait son Maître plus que les autres. Autant que je puis en juger, je
serais porté à dire que celui qui a pour Jésus-Christ un plus grand amour
vaut mieux que les autres, tandis que celui qui est plus aimé de Jésus-Christ
est plus heureux, si je voyais comment défendre en cela la justice de notre
divin Rédempteur. Je vais donc essayer de résoudre cette importante et
difficile question. L'Eglise connaît deux vies différentes que la prédication
divine lui a enseignées, l'une est la vie de la foi, l'autre la vie de la
claire vision; la première est personnifiée dans l'apôtre Pierre, à cause de
la primauté de sa dignité apostolique; l'autre dans l'apôtre Jean. Jésus dit
à Pierre : « Suivez-moi, » tandis qu'on parlant de Jean, il dit : «
Je veux qu'il demeure ainsi jusqu'à ce que je vienne, » paroles dont
voici le sens : Pour vous, suivez-moi en supportant, à mon exemple, les
souffrances de cette vie; quant à lui, qu'il demeure jusqu'à ce que je vienne
le mettre en possession des biens éternels. Ou pour parler plus clairement
encore : Que la vie active parfaite me suive en imitant l'exemple que je lui
ai donné dans ma passion, et que la vie contemplative, qui ne fait que
commencer ici-bas, demeure jusqu'à ce que je vienne lui donner toute sa
perfection. Cette expression « demeurer » ne doit pas s'entendre
dans le sens de « rester », « être permanent », mais dans
le sens d'attendre, parce que la vie dont Jean est la figure aura son parfait
accomplissement lorsque Jésus-Christ viendra. Or, dans cette vie active, plus
nous aimons Jésus-Christ, plus aussi nous sommes délivrés facilement du mal.
Cependant Jésus nous aime moins dans l'état où nous sommes, et il nous en
délivre pour que nous n'y restions pas éternellement. Dans la vie du ciel, au
contraire, il nous aime davantage, parce qu'il n'y aura plus rien en nous qui
lui déplaise et dont il doive nous délivrer. Que Pierre donc aime
Jésus-Christ afin que nous soyons délivrés de cette vie mortelle; que Jean
soit aimé par lui, afin que nous possédions l'immortalité sans crainte de la
perdre. Si vous demandez maintenant pourquoi Jean, qui figurait la vie où
Jésus est plus aimé, l'aimait cependant moins que Pierre, je répondrai :
C'est parce que le Sauveur a dit : « Je veux qu'il demeure (c'est-à-dire
qu'il attende) jusqu'à ce que je vienne, », c'est parce que nous n'avons pas
encore, mais que nous attendons dans l'avenir, cet amour plus parfait que
Jésus nous donnera lorsqu'il viendra. Voilà ce qui nous est figuré dans la
personne de Pierre, qui aime davantage Jésus-Christ, mais qui en est moins
aimé, parce que le Sauveur nous aime moins dans l'état d'épreuve que dans la
vie bienheureuse; et nous-mêmes nous aimons moins la contemplation de la
vérité telle qu'elle doit se dévoiler un jour, parce que nous n'en avons
encore ni la connaissance, ni la possession. [C'est ce qui nous est figuré
par Jean, qui aime Jésus-Christ moins que Pierre]. Que personne cependant ne
songe à séparer ces deux illustres apôtres, car tous deux vivaient de cette
vie qui se personnifiait dans Pierre, comme tous deux devaient vivre un jour
de cette vie dont Jean était la figure. — La Glose : Ou bien encore ces paroles : « Je veux qu'il demeure ainsi, »
veulent dire : Je ne veux pas qu'il termine sa vie par le martyre, mais qu'il
attende en paix la délivrance de son corps, lorsque je viendrai le mettre en
possession de la félicité éternelle. —
Théophylactus : Ou bien autrement, par ces paroles : « Suivez-moi, » le
Seigneur place Pierre à la tête de tous les fidèles; et ce mot : «
Suivez-moi, » emporte l'imitation générale de toutes ses paroles, de
toutes ses actions. Il lui prouve aussi par là l'amour qu'il a pour lui, car
ce sont ceux que nous aimons le plus que nous voulons voir à notre suite. —
Saint Jean Chrysostome : Si l'on me demande comment
se fait-il donc que Jacques ait occupé le siège de Jérusalem ? Je répondrai :
parce que Pierre a été établi maître du monde entier. « Pierre s'étant
retourné, vit le disciple que Jésus aimait, qui, pendant la cène, s'était
reposé sur sa poitrine, et lui avait demandé : Seigneur, quel est celui qui
vous trahira ? » Ce n'est pas sans raison que l’Evangéliste rappelle
cette circonstance de la cène, il veut nous faire voir quelle grande
confiance animait Pierre après son reniement. Pendant la cène, il n'avait pas
osé interroger le Sauveur, mais avait fait signe à Jean de l'interroger à sa
place, et c’est à lui qu'est confiée la suprême juridiction sur ses frères.
Et non seulement il ne laisse plus à un autre le soin d'interroger son Maître
sur ce qui le concerne, mais lui-même l'interroge désormais sur ce qui peut
intéresser les autres. Comme le Seigneur venait de lui faire les plus grandes
promesses, de lui confier le soin de l'univers entier, de lui prédire son
martyre, et de constater solennellement que l’amour de Pierre pour lui était
plus grand [que celui des autres], Pierre, dans le désir que Jean entre en
partage d'aussi grandes prérogatives, dit à Jésus : « Mais celui-ci, que
deviendra-t-il ? » C'est-à-dire : Est-ce qu'il ne suivra pas la même voie
? En effet, Pierre aimait beaucoup Jean, et leur union nous est attestée par
l'Evangile et par le livre des Actes. C'est ainsi que Pierre veut rendre à
Jean ce que Jean a fait autrefois pour lui. Il croit que Jean voudrait bien
demander ce qui doit lui arriver, mais qu'il n'ose le faire, il interroge
donc le Sauveur à sa place. Mais ils devaient être chargés de la direction de
tout l'univers, et ne pouvaient plus rester réunis comme ils l'avaient été
jusqu'à présent, ce qui eût été un véritable préjudice pour le monde tout
entier; le Seigneur répond donc à Pierre, selon le texte grec : « Si je
veux qu'il demeure ainsi jusqu'à ce que je vienne, que vous importe ? Quant à
vous, suivez-moi, » c'est-à-dire, ne vous occupez que de l’œuvre qui vous
est confiée, et accomplissez-la soigneusement, pour celui-ci, si je veux
qu'il demeure, que vous importe ? —
Théophylactus : Il en est qui entendent ces paroles : « jusqu'à ce que je vienne, »
dans ce sens : Jusqu'à ce que je vienne contre les Juifs qui m'ont crucifié,
et que je les frappe par les armes des Romains. On rapporte, en effet, que
cet Apôtre vécut dans ces mêmes lieux jusqu'au temps de Vespasien, sous
lequel la ville de Jérusalem devait être prise. Ou bien encore : « jusqu'à
ce que je vienne, » c'est-à-dire, jusqu'à ce que je l'envoie annoncer
l'Evangile. Quant à vous, je vous destine le pontificat du monde entier, et
c'est pour cela que je vous dis : « Suivez-moi » ; pour lui qu'il
demeure ici jusqu'au jour où je lui donnerai sa mission comme à vous. —
Saint Jean Chrysostome : L'Evangéliste exprime
ensuite et redresse l'opinion des disciples, comme nous l'avons dit plus
haut. |
Lectio 6 |
Versets 24-25
|
[86164] Catena in Io., cap. 21 l. 6 Chrysostomus
in Ioannem. Quia ex multa certitudine scripsit Ioannes, non refutat sui
ipsius testimonium in medium ferre; unde dicit hic est discipulus ille qui
testimonium perhibet de his. Consuetudo enim est, cum valde vera dicamus,
nostrum testimonium non denegare, et multo magis ille qui spiritu sancto
scribebat : unde et alii apostoli dicebant : nos sumus testes horum. Sequitur
et scripsit haec; quod ipse solus dicit, quia posterior ad scribendum venit
Christo monente; unde et frequenter ostendit Christi ad se amorem, occulte
insinuans causam ex qua ad scribendum processit, et fide dignum faciens hunc
sermonem ex sua dignitate. Sequitur et scimus quia verum est testimonium
eius. Omnibus enim aderat, et neque cum crucifigeretur defuit et mater ei
commissa est; quae sunt signa amoris, et quod cum certitudine sciat omnia. Et
si aliqui non credant, inducantur ad credendum ex hoc quod subditur : sunt
autem et alia multa quae fecit Iesus. Unde manifestum est quod nequaquam
scripsi ut Christo gratiam praestarem, cum tot existentibus non tot
scripserim quot ceteri; sed horum plura reliqui, contumelias et convicia in
medium proponens. Eum autem qui ad gloriam alterius scribit oportet e
contrario, ea quae sunt exprobrabiliora tacere, quae vero sunt clara
proponere. Augustinus in Ioannem. Quod autem subdit : quae si
scribantur per singula, nec ipsum arbitror mundum capere posse eos qui
scribendi sunt libros, non spatio locorum credendum est mundum capere non
posse, sed capacitate legentium comprehendi non posse; quamvis salva rerum
fide plerumque verba excedere videantur fidem : quod non fit quando aliquid
quod erat obscurum vel dubium, exponitur, sed quando id quod apertum est vel
augetur vel extenuatur; nec tamen a tramite significandae veritatis erratur :
quoniam sic verba rem quae indicatur excedunt, ut voluntas loquentis nec
fallentis appareat. Hunc loquendi modum Graeco nomine hyperbolem vocant, qui
modus sicut in hoc loco, ita in nonnullis aliis divinis litteris invenitur.
Chrysostomus. Vel hoc referendum est ad eius
potentiam qui faciebat virtutem : sicut enim nobis facile est loqui, ita et
illi, et multo facilius, facere quae volebat : quia ipse est super omnia Deus
benedictus in saecula saeculorum. Amen. |
— Saint Jean Chrysostome : (hom. 88 sur Saint Jean).
Comme le récit de saint Jean est appuyé sur les faits et les documents les
plus certains, il n'hésite pas à produire son propre témoignage : « C'est
ce même disciple qui rend témoignage de ces choses et qui les a écrites. »
Nous avons pour habitude, lorsque nous rapportons des faits d'une véracité
incontestable, de produire à l'appui notre propre témoignage; c'est ce que
fait à plus forte raison celui qui écrivait sous l'inspiration du
Saint-Esprit. Voilà pourquoi les autres Apôtres disaient eux-mêmes : « Nous
sommes témoins de ces faits. » Saint Jean ajoute : « et qui les a écrites.
» Il est le seul qui parle de la sorte parce qu'il a écrit le dernier sur
l'ordre qu'il en a reçu de Jésus-Christ. Voilà pourquoi il parle si
fréquemment de l'amour de Jésus-Christ pour lui, faisant ainsi connaître
indirectement la cause secrète qui le porte à écrire, et appuyant son récit
sur le privilège particulier [d'être l’ami de Jésus-Christ] : « Et nous
savons que son témoignage est vrai, » car il avait été présent à tous les
événements qu'il raconte; il était là lorsque Jésus-Christ fut crucifié;
c’est à lui que le Sauveur daigne confier sa mère, preuves du grand amour que
Jésus avait pour lui, et de la certitude de tous les faits qu'il raconte. Si
quelques-uns restent incrédules, ce qu'il dit en terminant doit les amener à
la foi : « Jésus fit encore beaucoup d'autres choses. » Il est donc
évident que je n'ai pas écrit dans le but d'être agréable à Jésus-Christ,
puisque tant de faits qui existent, j'en ai raconté beaucoup moins que les
autres évangélistes; j'en ai laissé un très grand nombre, choisissant de préférence
les injures et les outrages faits à sa personne. Or, celui qui écrit pour
donner de la gloire à son héros, doit au contraire passer sous silence ce
qui, dans sa vie, porte un caractère d'ignominie, et ne s'attacher qu'aux
faits éclatants. —
Saint Augustin : (Traité 124 sur Saint Jean). Il ajoute : « Si on les écrivait
en détail, je ne pense pas que le monde entier pût contenir les livres qu'il
faudrait écrire. » Il ne faut pas entendre ces paroles dans ce sens, que
l'étendue du monde entier ne suffirait point à contenir tous ces livres, mais
que la capacité des lecteurs du monde entier ne suffirait pas à les
comprendre. On peut dire aussi que souvent les expressions, tout en
respectant la vérité des choses, paraissent cependant aller au-delà, ce qui
arrive, non point lorsqu'on met au jour une chose obscure ou douteuse, mais
quand on exagère ou qu'on atténue une vérité claire par elle-même. Cependant,
en parlant, ainsi, on ne s'écarte pas de la voie de la vérité, car ces
expressions qui vont au-delà de ce qu'on veut dire, ne trahissent nullement
l'intention de tromper dans celui qui les a employées. Cette manière de
parler, s'appelle en grec hyperbole, et cette figure ne se rencontre pas
seulement ici, mais dans d'autres endroits de l'Ecriture. —
Saint Jean Chrysostome : On bien encore, il faut
rapporter ces paroles à la puissance divine de celui qui accomplissait ces
œuvres admirables; en effet il lui était beaucoup plus facile de faire les
œuvres qu'il voulait, qu'il ne nous l’est à nous de les raconter, car il est
le Dieu béni au-dessus de toutes choses dans les siècles des siècles. Amen. |