La leçon inaugurale ou principium
de saint Thomas d’Aquin

Sommaire.

Notes.
Rigans montes, pr.
Rex caelorum et dominus hanc legem ab aeterno instituit, ut providentiae suae dona ad infima per media pervenirent.
Unde Dionysius, quinto capitulo ecclesiasticae hierarchiae ; dicit : « lex divinitatis sacratissima est, ut per prima media adducantur ad sui divinissimam lucem ».
Dans la Patrologie grecque de Migne, nous avons « Lex quidem hæc est sacrosanctæ summæ Deitatis, ut per prima quæ sequuntur, ad divinissimam ejus lucem adducantur. » (PG, vol. III, col. 503, D.)
Quae quidem lex, non solum in spiritualibus, sed etiam in corporalibus invenitur.
Unde Augustinus III de Trinitate : « quemadmodum igitur crassiora et infirmiora per corpora subtiliora et potentiora quodam ordine reguntur, ita omnia corpora per spiritum vitae rationalem ».
Et ideo Psalmo praedictam legem in communicatione spiritualis sapientiae observatam sub metaphora corporalium rerum proposuit dominus : « rigans montes », et cetera.
Videmus autem ad sensum, a superioribus nubium imbres effluere, quibus montes rigati flumina de se emittunt, quibus terra satiata fecundatur.
Similiter, de supernis divinae sapientiae rigantur mentes doctorum, qui per montes significantur, quorum ministerio lumen divinae sapientiae usque ad mentes audientium derivatur.
Sic igitur in verbo proposito quattuor possumus considerare, scilicet : spiritualis doctrinae altitudinem ; doctorum eius dignitatem ; auditorum conditionem ; et communicandi ordinem.
Rigans montes, pr.
Le Roi des cieux et Seigneur a institué de toute éternité cette loi selon laquelle les dons de sa providence parviendraient aux créatures infimes 
Au sens premier de ce qui est le plus bas.
par des créatures intermédiaires.
D’où l’affirmation de Denys, dans La Hiérarchie ecclésiastique, chap. V, pars I, § 4 : « Une très sainte loi de la Divinité est de conduire à sa divine lumière par des réalités intermédiaires supérieures ».
Or, nous retrouvons cette loi non seulement dans les réalités spirituelles mais aussi dans les réalités corporelles.
Aussi saint Augustin écrit-il, au livre III de La Trinité : « De même que les corps assez faibles et grossiers sont régis, selon un certain ordre, par les corps plus puissants et subtils, de même tous les corps sont-ils régis par un esprit de vie ».
Dans l’Index Thomisticus, on trouve une vingtaine de fois ce texte de saint Augustin avec quinze fois l’expression spiritum vitae rationalem. Il semble cependant que le rationalem soit de trop par rapport au texte de saint Augustin. Nous avons, en effet, dans la Patrologie Latine :
« Sed quemadmodum corpora crassiora et inferiora per subtiliora et potentiora quodam ordine reguntur, ita omnia corpora per spiritum vitae, et spiritus vitae irrationalis per spiritum vitae rationalem, et spiritus vitae rationalis desertor atque peccator per spiritum vitae rationalem pium et iustum, et ille per ipsum Deum, ac sic universa creatura per Creatorem suum ex quo et per quem et in quo etiam condita atque instituta est ; ac per hoc voluntas Dei est prima et summa causa omnium corporalium specierum atque motionum. Nihil enim fit visibiliter et sensibiliter quod non de interiore invisibili atque intellegibili aula summi Imperatoris, aut iubeatur, aut permittatur secundum ineffabilem iustitiam praemiorum atque poenarum, gratiarum et retributionum, in ista totius creaturae amplissima quadam immensaque republica. »
Traduction de M. Devoille (site de l’abbaye Saint-Benoît de Port-Valais) :
« Mais de même que dans l’ordre physique les corps lourds et inférieurs reçoivent l’influence des corps plus légers et supérieurs, ainsi dans l’ordre moral tous les corps obéissent à l’action de l’esprit de vie. Dans l’animal irraisonnable, cet esprit de vie est soumis à celui de l’homme doué de raison ; et dans l’homme, qui par le péché s’est éloigné de Dieu, ce même esprit de vie est dirigé selon l’avantage des justes et des élus. Enfin, ceux-ci n’agissent eux-mêmes que sous la dépendance de Dieu. Il nous est donc facile de comprendre comment toutes les créatures obéissent en dernier ressort au Dieu qui leur a donné l’être, qui les a créées pour lui. Ainsi la volonté de Dieu est la cause première et souveraine de toutes les formes que revêtent les créatures corporelles, et de tous les mouvements qu’elles reçoivent. Et, en effet, l’ensemble de la création peut être considéré comme un état vaste et immense, où il ne se produit aucun mouvement visible et sensible, sans que l’impulsion première ne parte du palais secret et invisible du Maître et du souverain. Car c’est toujours lui qui tantôt commande et tantôt permet, selon que les arrêts de sa suprême justice, distribuent les récompenses et les châtiments, les grâces et les faveurs. »
Dans la traduction française de la Somme des éditions Du Cerf, nous trouvons pour cette phrase de saint Augustin « omnia corpora (reguntur) per spiritum vitae rationalem », les interprétations suivantes : « Toute la nature corporelle est régie par l'esprit vivant et intelligent » (Ia q. 103, a. 6). « Tous les corps sont régis par un esprit vivant doué de raison » (Ia q. 110, a. 1). « Tous les corps sont régis par l’esprit, principe rationnel de vie » (IIIa q. 13, a. 2). Autant de tournures qui nous semblent maladroites.
Après une lecture attentive des différentes utilisations de ce texte par saint Thomas, il semble que saint Thomas veuille simplement signifier là sa grande idée que toute créature corporelle est dirigée par un esprit ; soit par un pur esprit (l’ange) pour les créatures purement corporelles, soit par l’esprit même de l’homme, créature composée de corps et d’esprit. Traduire « omnia corpora (reguntur) per spiritum vitae rationalem » par « tous les corps sont régis par un esprit de vie » nous semble suffisant et nécessaire pour traduire cette idée générale d’esprit d’un être vivant (ange ou homme).
Voilà pourquoi le Seigneur nous expose, dans ce psaume, cette loi de communication de la sagesse spirituelle sous la métaphore de réalités corporelles : « Arrosant les montagnes », etc.
Or, d’après nos sens, nous voyons la pluie des nuages tomber depuis les hauteurs ; les montagnes, irriguées par la pluie, produire en elles-mêmes des fleuves ; et la terre, rassasiée par les fleuves, devenir féconde.
De même, la lumière de la sagesse divine abreuve depuis ses hauteurs l’esprit des docteurs (signifiés par les montagnes) et se répand par leur ministère jusque dans les esprits des auditeurs.
Ainsi donc, dans le texte proposé, nous pouvons considérer quatre points : la hauteur de la doctrine spirituelle, la dignité de ses docteurs, la manière d’être des auditeurs et l’ordre de communication.
Rigans montes, cap. 1
Altitudo ista ostenditur in hoc quod dicit : « de superioribus suis ». Glossa : « de altioribus archanis ».
Habet enim sacra doctrina altitudinem ex tribus.
Primo, ex origine : haec enim est sapientia quae de sursum esse describitur. Iac. III et Eccli. I : « fons sapientiae verbum Dei in excelsis ».
Secundo, ex subtilitate materiae, Eccli. XXIV : « ego in altissimis habitavi ».
Sunt enim quaedam alta divinae sapientiae, ad quae omnes perveniunt, etsi imperfecte, quia « cognitio existendi Deum naturaliter omnibus est inserta », ut dicit Damascenus, et quantum ad hoc dicitur, Iob XXXVI : « omnes homines vident eum unusquisque intuetur procul ».
Quaedam vero sunt altiora, ad quae sola sapientum ingenia pervenerunt, rationis tantum ductu, de quibus, Rom. I : « quod enim notum est Dei, manifestum est in illis ».
Quaedam autem sunt altissima, quae omnem humanam rationem transcendunt ; et quantum ad hoc dicitur, Iob XXVIII : « abscondita est sapientia ab oculis omnium viventium » ; et in Psalmo : « posuit tenebras latibulum suum ».
Sed hoc per spiritum sanctum qui « scrutatur etiam profunda Dei », I Cor. II, sacri doctores edocti tradiderunt in textu sacrae Scripturae ; et ista sunt altissima, in quibus haec sapientia dicitur habitare.
Tertio, ex finis sublimitate : finem enim habet altissimum, scilicet vitam aeternam, Ioan. XX : « haec autem scripta sunt ut credatis quia Iesus est Christus filius Dei ; et ut credentes vitam habeatis in nomine eius ». Col. III : « quae sursum sunt quaerite ubi Christus est in dextera Dei sedens ; quae sursum sunt sapite, non quae super terram ».
Rigans montes, cap. 1
Cette hauteur est indiquée par les mots : « depuis vos hauteurs ». Et, selon la Glose : « depuis vos profonds secrets ».
La doctrine sacrée est, en effet, profondément élevée pour trois raisons.
Premièrement, en raison de son origine, car il s’agit de la sagesse dite d’en-haut. Jc 3, 17 [ : « tandis que la sagesse d’en-haut »] et Si 1, 5 : « La parole de Dieu dans les cieux est la source de la sagesse ».
Deuxièmement, en raison de la subtilité de sa matière ; Si 24, 7 : « J’ai habité sur les très hauts sommets ».
Car il y a des sommets de la divine sagesse vers lesquels tous parviennent, même si c’est de manière imparfaite. Saint Jean Damascène dit, en effet : « La connaissance de l’existence de Dieu est inscrite en tous » et, à ce sujet, il est dit en Jb 36, 25 : « Tous les hommes le voient, chacun le regarde de loin ».
Il y a des sommets plus hauts vers lesquels, à l’aide de la seule raison, s’élève seulement l’intelligence des sages, dont il est dit en Rm 1, 19 : « Ce que l’on connaît de Dieu est pour eux manifeste ».
Enfin, il y a les très hauts sommets, ceux qui transcendent l’humaine raison et dont il est dit en Jb 28, 21 : « La sagesse est cachée aux yeux de tous les vivants » et au Ps 18, 12 : « Il fit des ténèbres sa retraite ».
Mais les savants docteurs sacrés, par le Saint-Esprit qui « scrute les profondeurs de Dieu » (I Co 2, 10), ont livré cela dans le texte de la Sainte Écriture. Et c’est en ces sommets-là qu’est dite demeurer la sagesse.
Troisièmement, en raison de la sublimité de sa fin, car elle possède une finalité très haute, qui est la vie éternelle. Jn 20, 31 : « Ceux-là ont été écrits afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu ; et pour qu’en croyant vous ayez la vie en son nom ». Col 3, 1-2 : « Recherchez les choses d’en-haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu ; savourez les choses d’en-haut, non celles qui sont sur la terrre ».
Rigans montes, cap. 2
Ratione enim altitudinis huius doctrinae et in doctoribus eius requiritur dignitas ; unde per montes significantur, cum dicitur : « rigans montes » ; et hoc propter tria, scilicet :
Primo, propter montium altitudinem.
Sunt enim a terra elevati et caelo vicini.
Sic enim sacri doctores terrena contemnendo solis caelestibus inhiant, Philipp. III : « nostra autem conversatio in caelis est »,
unde de ipso doctore doctorum, scilicet Christo, dicitur, Isai. II : « elevabitur super colles et fluent ad eum omnes gentes ».
Secundo, propter splendorem.
Primo enim montes radiis illustrantur.
Et similiter sacri doctores mentium splendorem primo recipiunt.
Sicut montes enim doctores primitus radiis divinae sapientiae illuminantur, Psal. : « illuminans tu mirabiliter a montibus aeternis turbati sunt omnes insipientes corde » ; id est a doctoribus qui sunt in participatione aeternitatis, Philipp. II : « inter quos lucetis sicut luminaria in mundo ».
Tertio, propter montium munitionem, quia per montes terra ab hostibus defenditur.
Ita et doctores Ecclesiae in defensionem fidei debent esse contra errores.
Filii Israel non in lancea, nec in sagitta confidunt, sed montes defendunt illos.
Et ideo quibusdam improperatur, Ezech. XIII : « non ascendistis ex adverso neque opposuistis murum pro domo Israel, ut staretis in praelio in die domini ».
Omnes igitur doctores sacrae Scripturae esse debent alti per vitae eminentiam, ut sint idonei ad efficaciter praedicandum ; quia, ut dicit Gregorius in pastorali : « cuius vita despicitur, necesse est ut eius praedicatio contemnatur ». Eccle. XII : « verba sapientum quasi stimuli et quasi clavi in altum defixi ».
Non enim cor stimulari potest aut configi in timore Dei, nisi in vitae altitudine defigatur.
Debent esse illuminati, ut idonee doceant legendo, Ephes. III : « mihi autem omnium sanctorum minimo data est gratia haec, in gentibus evangelizare investigabiles divitias Christi, et illuminare omnes, quae sit dispensatio sacramenti absconditi a saeculis in Deo ».
Muniti, ut errores confutent disputando, Luc. XXI : « ego dabo vobis os et sapientiam, cui non poterunt resistere et contradicere omnes adversarii vestri ».
Et de his tribus officiis, scilicet praedicandi, legendi et disputandi, dicitur, Tit. I : « ut sit potens exhortari », quantum ad praedicationem ; « in doctrina sana », quantum ad lectionem ; « et contradicentes revincere », quantum ad disputationem.
Rigans montes, cap. 2
En raison de la hauteur de cette doctrine, il est exigé de ses docteurs d’avoir de la dignité. Voilà pourquoi les docteurs sont signifiés par les montagnes, dans notre verset : « arrosant les montagnes ». Et ce, pour trois raisons :
Premièrement, à cause de la hauteur des montagnes.
Ils sont, en effet, élevés de la terre et voisin du ciel.
Et ainsi, méprisant les choses de la terre, les docteurs sacrés s’attachent seulement à celles du ciel (Ph 3, 20 : « pour nous, notre commerce est dans les cieux »).
C’est pour cela qu’en Is 2, 2, il est dit du Docteur des docteurs, c’est-à-dire du Christ : « il s’élèvera au-dessus des collines et toutes les nations y afflueront ».
Deuxièmement, à cause de leur clarté.
Car les montagnes sont éclairées en premier par les rayons du soleil.
Et semblablement les docteurs sacrés bénéficient en premier de la clarté de l’esprit.
En effet, la sagesse divine illumine d’abord les docteurs sacrés, comme étant des montagnes, Ps 75, 5 : « L’éclat merveilleux de votre lumière a jailli des montagnes éternelles, tous les insensés de cœur ont été consternés », à savoir par les docteurs qui participent de l’éternité, Ph 2, 15 : « parmi lesquels vous brillez comme des luminaires dans le monde ».
Troisièmement, à cause du rempart des montagnes, car les terres sont défendues des ennemis par les montagnes.
Et c’est ainsi que les docteurs de l’Église doivent défendre la foi contre les erreurs.
Les fils d’Israël ne se fient pas dans les lances ni dans les flèches mais dans les montagnes, qui les défendent.
D’où les reproches pressants d’Ézéchiel envers certains [prophètes] : « Vous n’êtes pas montés aux brèches, vous n’avez pas construit de rempart autour de la maison d’Israël, pour tenir ferme dans le combat, au jour du Seigneur » (Éz 13, 5).
Par conséquent, tous les docteurs de l’Écriture sainte doivent être élevés par l’éminence de leur vie, afin d’être aptes à prêcher efficacement ; parce que, comme le dit saint Grégoire (dans Les Règles Pastorales) : « on méprise forcément la prédication de celui dont on méprise la vie ». Qo 12, 11 : « Les paroles des sages sont comme des stimulants et comme des clous fixés en hauteur ».
Le cœur, en effet, ne peut être stimulé et fixé dans l’amour de Dieu s’il n’est solidement fixé dans une vie éminente.
Les docteurs doivent être éclairés, afin d’être aptes à enseigner durant leurs leçons. Ép 3, 8-9 : « À moi, le moindre de tous les saints, a été donnée cette grâce d’annoncer aux païens les insondables richesses du Christ, et de mettre pour tous en lumière la dispensation du mystère caché depuis les siècles en Dieu, qui a créé toutes choses. ».
Les docteurs doivent être fortifiés, afin d’être aptes à réfuter les erreurs durant leurs disputes. Lc 21, 15 : « Je vous donnerai un langage et une sagesse, à laquelle tous vos adversaires ne pourront résister et qu’ils ne pourront contredire ».
Et de ces trois fonctions, à savoir prêcher, lire et disputer, il est dit en Tit 1, 9 : « afin d’être puissant dans ses exhortations », en ce qui concerne la prédication ; « selon la saine doctrine », en ce qui concerne les leçons ; « et de réfuter les contradicteurs », en ce qui concerne les disputes.
Rigans montes, cap. 3
Tertio, auditorum conditionem, quae sub terrae similitudine figuratur ; unde dicit : « satiabitur terra ».
Et hoc quia terra infima est, Prov. XXV : « caelum sursum et terra deorsum ».
Item stabilis et firma, Eccle. I : « terra autem in aeternum stat ».
Item fecunda, Gen. I : « germinet terra herbam virentem, et facientem semen, et lignum pomiferum faciens fructum iuxta genus suum ».
Similiter, debent ad similitudinem terrae esse infimi per humilitatem, Prov. XI : « ubi humilitas, ibi sapientia ».
Item, firmi per sensus rectitudinem, Ephes. IV : « ut non sitis parvuli sensibus ».
Il y a confusion apparente entre deux passages de saint Paul : « ut iam non simus parvuli fluctuantes » (Ép 4, 14) et « nolite pueri effici sensibus » (I Co 14, 20).
Item fecundi, ut percepta sapientiae verba in eis fructificent, Luc. VIII : « quod autem cecidit in terram bonam hi sunt qui in corde bono et optimo audientes verbum retinent, et fructum afferunt in patientia ».
Humilitas ergo in eis requiritur quantum ad disciplinam quae est per auditum, Eccli. VI : « si inclinaveris aurem tuam excipies doctrinam ; et si dilexeris audire, sapiens eris ».
Rectitudo autem sensus, quantum ad iudicium auditorum, Iob XII : « nonne auris verba diiudicat ? »
Sed fecunditas quantum ad inventionem, per quam ex paucis auditis multa bonus auditor annuntiet, Prov. IX : « da occasionem sapienti, et addetur ei sapientia ».
Rigans montes, cap. 3
Troisièmement, la manière d’être des auditeurs, figurée dans la similitude de la terre : « la terre se rassasie ».
Et cela, parce que la terre est en bas, Pr 25, 3 : « le ciel en hauteur, la terre en profondeur ».
D’autre part, parce qu’elle est stable et ferme, Qo 1, 4 : « mais la terre subsiste à jamais ».
Et enfin, parce qu’elle est féconde, Gn 1, 11 : « Que la terre produise de la verdure verdoyante produisant semence, ainsi que des arbres fruitiers produisant des fruits selon leur espèce ».
De même, les auditeurs doivent, selon la similitude de la terre, être en bas par l’humilité, Pr 11, 2 : « là où est l’humilité, là est la sagesse ».
Ils doivent aussi être fermes par la rectitude du sens : « afin que vous ne soyez pas des enfants quant au sens ».
Enfin, ils doivent être féconds, afin que les paroles de sagesse reçues fructifient en eux. Lc 8, 15 : « Et ce qui est tombé dans la bonne terre, ce sont ceux qui, ayant entendu la parole avec un cœur bon et parfait, la retiennent et portent du fruit dans la patience ».
L’humilité est donc requise à leur enseignement qui se fait par l’écoute, Si 6, 34 : « Si tu inclines l’oreille, tu recevras l’enseignement ; et si tu aimes l’écouter, tu seras sage ».
La rectitude du sens, au jugement des choses qu’ils ont entendues, Jb 12, 11 : « L’oreille ne juge-t-elle pas les paroles ? »
Et la fécondité, à la découverte, grâce à laquelle celui qui entend bien annonce beaucoup à partir de peu, Pr 9, 9 : « Donne une occasion au sage, et il lui sera rajouté de la sagesse ».
Rigans montes, cap. 4
Ordo autem generationis tangitur hic quantum ad tria, scilicet, quantum ad communicandi ordinem ; et quantum ad quantitatem et qualitatem doni accepti.
Primo quantum ad communicandi ordinem : quia non totum quod in divina sapientia continetur, mentes doctorum capere possunt.
Unde non dicit : « superiora montibus influens », sed : « de superioribus rigans » ; Iob XXVI : « ecce haec ex parte dicta sunt ».
Similiter etiam, nec totum quod doctores capiunt, auditoribus effundunt, II Cor. XII : « audivit archana verba quae non licet homini loqui ».
Unde non dicit : « fructum montium terrae tradens », sed : « de fructu terram satians ».
Et hoc est quod dicit Gregorius in XVII Moralium exponens illud Iob XXVI : « qui ligat aquas in nubibus suis, ut non erumpant pariter deorsum : praedicare non debet rudibus doctor quanta cognoscit, quia et ipse de divinis mysteriis cognoscere non valet quanta sunt ».
Secundo, tangitur ordo quantum ad modum habendi :
quia sapientiam Deus habet per naturam. Unde superiora sua esse dicuntur illi, scilicet naturalia, Iob XII : « apud ipsum scientia et fortitudo ; ipse habet consilium et intelligentiam ».
Vulg. : Apud ipsum est sapientia et fortitudo etc.
Sed doctores scientiam participant ad copiam. Unde de superioribus rigari dicuntur, Eccli. XXIV : « rigabo hortum plantationum, et inebriabo prati mei fructum ».
Sed auditores eam participant ad sufficientiam, et hoc significat terrae satietas, Psal. : « satiabor cum apparuerit gloria tua ».
Tertio, quantum ad virtutem communicandi :
quia Deus propria virtute sapientiam communicat. Unde per seipsum montes rigare dicitur.
Sed doctores sapientiam non communicant nisi per ministerium. Unde fructus montium non ipsis, sed divinis operibus tribuitur. « De fructu », inquit, « operum tuorum ».
I Cor. III : « quid igitur est Paulus ? » Et infra : « ministri eius cui credidistis ».
 
Sed « ad haec quis tam idoneus ? » II Cor. II.
Requirit enim Deus : ministros innocentes, Psal. : « ambulans in via immaculata, hic mihi ministravit », intelligentes, Prov. XIV : « acceptus est regi minister intelligens », ferventes, Psal. : « qui facis Angelos tuos spiritus, et ministros tuos ignem urentem », item, obedientes, Psal. : « ministri eius qui faciunt voluntatem eius ».
Sed quamvis aliquis per se, ex seipso, non sit sufficiens ad tantum ministerium, sufficientiam tamen potest a Deo sperare, II Cor. III : « non quod sufficientes simus cogitare aliquid ex nobis, quasi ex nobis ; sed sufficientia nostra ex Deo est ».
Debet autem petere a Deo, Iac. I : « si quis indiget sapientia postulet a Deo, qui dat omnibus affluenter et non improperat, et dabitur ei ».
Oremus. Nobis Christus concedat. Amen.
Rigans montes, cap. 4
L’ordre de génération [de la doctrine spirituelle] est traitée ici sur trois points : l’ordre de sa communication, la quantité et la qualité du don reçu.
Premièrement, l’ordre de sa communication, car ce n’est pas tout ce qui est contenu dans la sagesse divine que les esprits des docteurs peuvent comprendre.
Voilà pourquoi le psalmiste ne dit pas « déversant ses hauteurs sur les montagnes », mais « arrosant depuis ses hauteurs ». Jb 26, 14 : « Toutes ces choses ne sont dites être qu’une partie [de ses œuvres] ».
De même, aussi, les docteurs ne révèlent pas aux auditeurs tout ce qu’ils comprennent, II Co 12, 4 : « il entendit des paroles secrètes dont il n’est pas permis à l’homme de parler ».
Voilà pourquoi le psalmiste ne dit pas « donnant à la terre le fruit des montagnes », mais « la terre se rassasie du fruit ».
C’est ce que dit saint Grégoire dans Les Moralia, XVII, lorsqu’il commente Jb 26, 8 : « il enferme les eaux dans ses nuages, afin qu’elles ne se déversent pas toutes ensembles », en disant : « le docteur ne doit pas prêcher aux débutants tout ce qu’il connaît, car lui-même n’est pas capable non plus de tout connaître des mystères divins ».
Deuxièmement, l’ordre [de génération de la doctrine spirituelle] quant à la manière de la posséder.
Car Dieu possède la sagesse par nature. Aussi les hauteurs sont-elles dites siennes, c’est-à-dire naturelles. Jb 12, 13 : « En Lui sont la science et la force ; il possède le conseil et l’intelligence ».
Tandis que les docteurs possèdent la sagesse par participation abondante. Aussi les docteurs sont-ils dits arrosés depuis les hauteurs. Si 24, 42 (31) : « Je vais arroser mon jardin de plantes et abreuver en abondance les fruits de ma prairie ».
Et que les auditeurs la possèdent par participation suffisante. Ce que signifie le rassasiement de la terre. Ps 16, 15 : « Je serai rassasié quand apparaîtra votre gloire ».
Troisièmement, l’ordre [de génération de la doctrine spirituelle] quant à la vertu de communication.
Car c’est par sa propre vertu que Dieu communique la sagesse. Aussi les montagnes sont-elles dites arrosées par Lui.
Tandis que les docteurs ne communiquent la sagesse que par ministère. Aussi les fruits des montagnes ne sont-ils pas attribués à leurs œuvres mais aux œuvres divines. « Du fruit », est-il dit, « de vos œuvres. »
I Co 3, 4-5 : « Qu’est-ce donc Apollos et qu’est-ce que Paul ? Des ministres, au moyen desquels vous avez cru. ».
 
Mais « de cela qui en est tellement capable ? » (II Co 2, 16).
Car Dieu requiert des ministres qu’ils soient innocents, Ps 100, 6 : « celui qui marche dans une voie immaculée est mon ministre » ; intelligents, Pr 14, 35 : « la faveur du roi va au ministre intelligent », fervents, Ps 103, 4 : « des vents vous faites vos messagers, du feu enflammé vos ministres » ; et obéissants, Ps 102, 21 : « vous, ses ministres, qui faites sa volonté ».
Mais bien que personne, par lui-même et de lui-même, ne soit capable d’un tel ministère, il peut cependant en espérer de Dieu la capacité, II Co 3, 5 : « non que nous soyons capables de supputer quoi que ce soit de nous comme venant de nous, mais notre capacité vient de Dieu ».
Il doit alors la demander à Dieu. Jc 1, 5 : « Si quelqu’un manque de sagesse, qu’il la demande à Dieu, lequel donne à tous avec profusion et sans faire de reproche ; et elle lui sera donnée ».
Prions le Christ de nous l’accorder. Amen.

Notes.