Commentaire de la première épître de saint
Paul aux Corinthiens
PAR SAINT THOMAS D’AQUIN
Docteur de l'Eglise catholique
Edition Louis Vivès, 1870,
Traduction par l'Abbé Bralé
Reprise et corrigée par Charles Duyck, janvier 2009
Deuxième édition numérique, https://www.i-docteurangelique.fr/DocteurAngelique, 2009
Les œuvres complètes de saint Thomas d'Aquin
Commentaire
reconstitué par Frère Réginald, après la perte de l'original, à partir de notes
d'étudiants
""Testibus primaevis
catalogis operum eius, Thomas hanc expositionem proprio stylo notavit usque
ad caput VII. Exinde vero ad caput X amissa est lectura, ac lacuna repleta ex
commentario Petri de Tarantasia
breviato forte a Nicholao de Gorran. A capite vero XI exstant reportationes
duae : una ad caput
XIII, Reginaldo de Piperno tribuenda, altera vulgata copiis,
usque ad finem lecturae."" |
Comme en témoignent les premiers
catalogues de son œuvre, saint Thomas a donné, dans son style propre, ce
commentaire jusqu’au chapitre VII. Au-delà, jusqu’au chapitre X, le texte
original est perdu et a été complété par un commentaire de Pierre de Tarentaise,
probablement abrégé par Nicolas de Gorran. A partir du chapitre XI, deux
versions coexistent : l’une, jusqu’au chapitre XIII, est attribuée à Réginald
de Piperno ; l’autre, connue par des copies, jusqu’à la fin de l’œuvre. |
CHAPITRE I — L'EVANGILE DES PETITS
Leçon 1 : 1 Corinthiens I, 1-9 — Salutations
Leçon 2 : 1 Corinthiens I, 10-17 — Un seul baptême
Leçon 3 : 1 Corinthiens I, 17-25 — La simplicité de la
prédication de l'Evangile
Leçon 4 : 1 Corinthiens I, 26-31 — Dieu choisi les
faibles pour prêcher son Evangile
CHAPITRE II — SAGESSE DE DIEU, FOLIE POUR LE MONDE
Leçon 1 : 1 Corinthiens II, 1-7 — Prêcher la mystérieuse
Sagesse de Dieu
Leçon 2 : 1 Corinthiens II, 8-12 — Sagesse cachée au
monde
Leçon 3 : 1 Corinthiens II, 13-16 — Une sagesse
spirituelle et non animale
CHAPITRE III — RECOMPENSE ET CHÂTIMENT
Leçon 1 : 1 Corinthiens III, 1-8 — Le jugement de la
chair
Leçon 2 : 1 Corinthiens III, 8-15 — Le purgatoire du
péché
Leçon 3 : 1 Corinthiens III, 16-23 — Le châtiment des
mauvais ministres
CHAPITRE IV — LE PÉCHÉ DES CORINTHIENS
Leçon 1 : 1 Corinthiens IV, 1-5 — Dieu seul peut juger
les coeurs
Leçon 2 : 1 Corinthiens IV, 6-13 — Se garder de l'orgueil
Leçon 3 : 1 Corinthiens IV, 14-21 — Exhortation à la
conversion
CHAPITRE V — JUGEMENT D'UN SCANDALE (INCESTE)
Leçon 1 : 1 Corinthiens V, 1-5 — Excommunication d'un
fornicateur
Leçon 2 : 1 Corinthiens V, 6-8 — Les complices de
l'incestueux
Leçon 3 : 1 Corinthiens V, 9-13 — Fuir les pervers?
CHAPITRE VI — LES PROCÈS ENTRE CHRÉTIENS
Leçon 1 : 1 Corinthiens VI, 1-6 — Les tribunaux dans
l'Eglise
Leçon 2 : 1 Corinthiens VI, 7-13 — Ne pas se déchirer en
procès
Leçon 3 : 1 Corinthiens VI, 13-20 — Le corps : temple de
l'Esprit
CHAPITRE VII — MARIAGE ET VIRGINITÉ [par Pierre de
Tarentaise]
Leçon 1 : 1 Corinthiens VII, 1-9 — Faut-il se marier ?
Leçon 2 : 1 Corinthiens VII, 10-14 — L'indissolubilité du
mariage
A partir d'ici, et jusqu'à la fin du ch. 10, commentaire
remplacé par frère Pierre de Tarentaise op
Leçon 3 : 1 Corinthiens VII, 15-20 — Le cas des mariage
mixte
Leçon 4 : 1 Corinthiens VII, 21-24 — Rester dans son état
de vie
Leçon 5 : 1 Corinthiens VII, 25-28 — Le conseil
évangélique de virginité
Leçon 6 : 1 Corinthiens VII, 29-31 — Les rapport
conjugaux
Leçon 7 : 1 Corinthiens VII, 32-35 — La supériorité de la
continence volontaire
Leçon 8 : 1 Corinthiens VII, 36-40 — La liberté du choix
de son état de vie
CHAPITRE VIII — LES IDOLOTYTES [par Pierre de Tarentaise]
Leçon 1 : 1 Corinthiens VIII, 1-8 — Les viandes immolées
aux idoles
Leçon 2 : 1 Corinthiens VIII, 9-13 — Mais ne pas
scandaliser les faibles
CHAPITRE IX — LA SUBSISTANCE MATERIELLE DES APÔTRES [par
Pierre de Tarentaise]
Leçon 1 : 1 Corinthiens IX, 1-10 — Un salaire matériel
pour Paul?
Leçon 2 : 1 Corinthiens IX, 11-14 — Il est permis de
vivre de l'Evangile
Leçon 3 : 1 Corinthiens IX, 15-18 — Pourquoi, en ce qui
le concerne, Paul n'a rien demandé?
Leçon 4 : 1 Corinthiens IX, 19-23 — Paul a tout fait pour
l'Evangile
Leçon 5 : 1 Corinthiens IX, 24-27 — La liberté dans
l'apostolat
CHAPITRE X — LE SENS DES ÉPREUVES [par Pierre de
Tarentaise]
Leçon 1 : 1 Corinthiens X, 1-5 — L'exemple des anciens
hébreux et de leur idolâtrie
Leçon 2 : 1 Corinthiens X, 6-11 — Tout leur est arrivé
pour notre instruction
Leçon 3 : 1 Corinthiens X, 12-13 — Les avantages de la
tentation
Leçon 4 : 1 Corinthiens X, 14-17 — Un seul pain
Leçon 5 : 1 Corinthiens X, 18-24 — Attention à l'idolâtrie
Leçon 6 : 1 Corinthiens X, 25-30 — Quand peut-on manger
des viandes immoler aux idoles?
Leçon 7 : 1 Corinthiens X, 31-33 — Tout faire pour la
gloire de Dieu
CHAPITRE XI — LES ASSEMBLÉES ET L'EUCHARISTIE [par saint
Thomas d’Aquin]
Ici reprend le commentaire de saint Thomas
Leçon 1 : 1 Corinthiens XI, 1-3 — Imiter Paul
Leçon 2 : 1 Corinthiens XI, 4-7 — Le voile des femmes –
Règle pour les prophéties
Leçon 3 : 1 Corinthiens XI, 8-16 — La femme, gloire de
l'homme
Leçon 4 : 1 Corinthiens XI, 17-22 — Les Agapes
Leçon 5 : 1 Corinthiens XI, 23-24 — L'eucharistie
Leçon 6 : 1 Corinthiens XI, 25-26 — La consécration du
calice
Leçon 7 : 1 Corinthiens XI, 27-34 — Recevoir
l'eucharistie avec respect
CHAPITRE XII — TOUS LES DONS VIENNENT DU MÊME ESPRIT
Leçon 1 : 1 Corinthiens XII, 1-6 — Plusieurs grâces, un
seul Esprit
Leçon 2 : 1 Corinthiens XII, 7-11 — Plusieurs dons, un
seul Esprit
Leçon 3 : 1 Corinthiens XII, 12-31 — Comme les divers
organes d'un corps
Leçon 1 : 1 Corinthiens XIII, 1-3 — La plus grande : La
charité
Leçon 2 : 1 Corinthiens XIII, 4-7 — La charité accomplit
toutes les vertus
Leçon 3 : 1 Corinthiens XIII, 8-14 — La charité demeurera
toujours
Leçon 4 : 1 Corinthiens XIII, 12 à 13 — L'épanouissement
dans la gloire
CHAPITRE XIV — HIÉRARCHIE DES CHARISMES
Leçon 1 : 1 Corinthiens XIV, 1-4 — La prophétie est
supérieure au don des langues
Leçon 2 : 1 Corinthiens XIV, 5-12 — Le don de prophétie
est …
Leçon 3 : 1 Corinthiens XIV, 13-17 — … au-dessus du don
des langues
Leçon 4 : 1 Corinthiens XIV, 18-22 — L'exemple de
l'Apôtre
Leçon 5 : 1 Corinthiens XIV, 23-26 — L'usage à bon
escient des charismes
Leçon 6 : 1 Corinthiens XIV, 27-33 — Quand user du don
des langues ?
Leçon 7 : 1 Corinthiens XIV, 34-40 — Normes pour l'usage
du don de prophétie
Leçon 1 : 1 Corinthiens XV, 1-11 — La résurrection de
Jésus
Leçon 2 : 1 Corinthiens XV, 12-19 — Sans résurrection,
vaine est notre foi
Leçon 3 : 1 Corinthiens XV, 20-28 — Notre résurrection à
la fin du monde
Leçon 4 : 1 Corinthiens XV, 29-34 — Sans résurrection,
Carpe diem
Leçon 5 : 1 Corinthiens XV, 35-38 — Comme la semence…
Leçon 6 : 1 Corinthiens XV, 39-44 — Les corps ressuscités
Leçon 7 : 1 Corinthiens XV, 44-50 — Le corps spirituel
Leçon 8 : 1 Corinthiens XV, 51-52 — Comment se produira
la résurrection ?
Leçon 9 : 1 Corinthiens XV, 53-58 — Attendre dans la foi
la résurrection
Leçon 1 : 1 Corinthiens XVI, 1-9 — Collecte et futurs
voyages
Leçon 2 : 1 Corinthiens XVI, 10-24 — Recommandations
finales
Textum Taurini 1953 editum
ac automato translatum a Roberto Busa SJ in taenias magneticas denuo
recognovit Enrique Alarcón atque instruxit |
Traduction
par l'Abbé Bralé. Reprise et corrigée par Charles Duyck, janvier 2008 |
|
|
Prooemium |
PROLOGUE |
[86233] Super 1 Cor., pr.
Non
abscondam a vobis sacramenta Dei, etc., Sap. VI, 24. Sacramenti nomen dupliciter accipi
consuevit. Nam quandoque sacramentum dicitur quodcumque secretum, et
praecipue de rebus sacris; quandoque sacramentum dicitur sacrae rei signum,
ita quod et eius imaginem gerat, et causa existat, secundum quod nos dicimus
septem sacramenta Ecclesiae, scilicet Baptismus, confirmatio, Eucharistia,
poenitentia, extrema unctio, ordo et matrimonium. In qua quidem
significatione sacramenti etiam prima significatio continetur; nam in his
Ecclesiae sacramentis, divina virtus secretius operatur salutem, ut
Augustinus dicit. Haec igitur sacramenta Dei praelatus, seu doctor Ecclesiae,
fidelibus Christi non debet abscondere sed manifestare, propter tria. Primo
quidem, quia hoc pertinet ad honorem Dei, secundum illud Tob. XII, 7 — sacramentum
regis abscondere bonum est, opera autem Dei revelare et confiteri honorificum
est. Secundo, quia hoc pertinet ad salutem hominum, qui per horum
ignorantiam in desperationem labi possent, sicut de quibusdam dicitur Sap. II, 22 quod nescierunt
sacramenta Dei, nec speraverunt mercedem iustitiae, quia per sacramenta
homines purificantur, ut sint praeparati ad recipiendum mercedem iustitiae.
Tertio quia hoc pertinet ad debitum officium praelati vel doctoris, secundum
illud Eph. III, 8 — mihi omnium sanctorum minimo data est gratia haec,
illuminare omnes quae sit dispensatio sacramenti absconditi a saeculis in Deo.
Sic ergo praedicta verba
demonstrant nobis materiam huius epistolae, in qua apostolus agit de
sacramentis Ecclesiae. Cum enim in epistola ad Romanos gratiam Dei
commendasset, quae in sacramentis Ecclesiae operatur : hic, scilicet in prima
epistola ad Corinthios, de ipsis Ecclesiae sacramentis agit; in secunda vero
de ministris sacramentorum. Videamus ergo primo textum. |
Le mot
sacrement est pris ordinairement de deux manières : tantôt on appelle
sacrement un secret quelconque, et particulièrement quand il s’agit de choses
sacrées ; tantôt on entend par là le signe d’une chose sacrée dont il porte
l’image et dont il est la cause. C’est dans ce sens que nous disons les sept
sacrements de l’Eglise, à savoir : le Baptême, la Confirmation,
l’Eucharistie, la Pénitence, l’Extrême Onction, l’Ordre et le Mariage. Dans
cette signification du mot sacrement, on retrouve cependant aussi la première
; car, dans ces sacrements de l’Eglise, la puissance divine opère
mystérieusement le salut, comme le dit S. Augustin. Or les prélats ou
docteurs de l’Eglise ne doivent pas cacher les secrets de Dieu aux fidèles de
Jésus-Christ, mais les manifester, et cela pour trois raisons. La première,
c’est que cette manifestation touche à l’honneur de Dieu, selon cette parole
(Tobie, XII, 7) : "Il est bon de cacher le secret du roi, mais il est
honorable de révéler et de publier les oeuvres de Dieu." Ensuite
parce qu’elle intéresse le salut des hommes, qui, dans l’ignorance de ces
mystères, pourraient se laisser aller au désespoir, comme ceux dont il est
dit au livre de la Sagesse (II, 22) : "ils n’ont pas su les secrets
de Dieu, et ils n’ont pas espéré la récompense de la justice," car
les hommes sont purifiés par les sacrements pour recevoir cette récompense.
Enfin c’est un office obligatoire pour le pontife ou le docteur, selon cette
parole (Ephés., III, 8) : "Moi, le plus petit d’entre les saints,
j’ai reçu la grâce d’éclairer tous les hommes sur l’économie des mystères
cachés depuis des siècles en Dieu." Ces paroles que nous avons
citées nous indiquent le sujet de cette épître, dans laquelle S. Paul traite
des sacrements de l’Eglise. Ayant montré dans l’épître aux Romains la
grandeur de la grâce qui opère dans ces sacrements, ici, c’est-à-dire dans
cette première épître aux Corinthiens, il traite des sacrements mêmes, et,
dans la seconde, des ministres des sacrements. Voyons d’abord le texte. |
|
|
Caput 1 |
CHAPITRE I — L'EVANGILE DES PETITS |
|
|
Lectio 1 |
Leçon 1 : 1 Corinthiens I, 1-9 — Salutations |
|
SOMMAIRE : S. Paul salue les Corinthiens, il leur souhaite les biens spirituels, la grâce et la paix qui assurent la tranquillité de la vie. Il rend ensuite grâces à Dieu des dons faits aux Corinthiens. |
|
|
[1]
Paulus vocatus apostolus Christi Iesu per voluntatem Dei et Sosthenes frater [2]
ecclesiae Dei quae est Corinthi sanctificatis in Christo Iesu vocatis sanctis
cum omnibus qui invocant nomen Domini nostri Iesu Christi in omni loco
ipsorum et nostro [3]
gratia vobis et pax a Deo Patre nostro et Domino Iesu Christo [4]
gratias ago Deo meo semper pro vobis in gratia Dei quae data est vobis in
Christo Iesu [5] quia
in omnibus divites facti estis in illo in omni verbo et in omni scientia [6]
sicut testimonium Christi confirmatum est in vobis [7] ita
ut nihil vobis desit in ulla gratia expectantibus revelationem Domini nostri
Iesu Christi [8] qui
et confirmabit vos usque ad finem sine crimine in die adventus Domini nostri
Iesu Christi [9] fidelis Deus per quem vocati estis in societatem Filii eius Iesu
Christi Domini nostri |
1. Paul,
appelé apôtre de Jésus-Christ par la volonté de Dieu, et Sosthène son frère, 2. A
l’Eglise de Dieu qui est à Corinthe : aux sanctifiés dans le Christ Jésus,
appelés saints, ainsi que tous ceux qui invoquent le nom de Notre Seigneur
Jésus-Christ, en quelque lieu qu'ils soient et que nous soyons nous-mêmes : 3. Grâce à
vous et paix par Dieu notre Père et par le Seigneur Jésus-Christ. 4. Je rends
continuellement grâce à mon Dieu pour vous, à cause de la grâce de Dieu qui
vous a été donnée dans le Christ Jésus, 5. De ce
que vous avez été comblés en Lui de toutes sortes de richesses, en toute
parole et en toute science; 6. (Ainsi
le témoignage du Christ a été confirmé en vous); 7. De sorte
qu'il ne vous manque aucune grâce, à vous qui attendez la révélation de Notre
Seigneur Jésus-Christ, 8. Qui vous
affermira encore jusqu'à la fin, sans reproche au jour de l’avènement de
Notre Seigneur Jésus-Christ. 9. Il est
fidèle le Dieu par qui vous avez été appelés à la société de son Fils
Jésus-Christ Notre Seigneur. |
|
|
[86234] Super 1 Cor.,
cap. Circa primum duo facit. Primo ponit personam principalem quam
describit ex nomine, dicens Paulus, de quo quidem nomine satis dictum
est in epistola ad Romanos. Hic autem sufficiat dicere quod hoc nomen
praemittit in signum humilitatis; nam Paulus idem est quod modicus, quod ad
humilitatem pertinet. I Reg. c. XV, 17 — cum esses parvulus in oculis
tuis, caput in tribubus Israel factus es. Matth. XI, v. 25 — abscondisti
haec a sapientibus et prudentibus, et revelasti ea parvulis. Consequenter
describit eam a dignitate. Et primo ponit modum adipiscendae dignitatis, cum
dicit vocatus, secundum illud Hebr. V, 4 — nemo sumit sibi honorem,
sed qui vocatur a Deo tamquam Aaron. Secundo ponit ipsam dignitatem,
dicens apostolus Iesu Christi, quae quidem est prima dignitas in
Ecclesia, et interpretatur missus, quia fuerunt missi a Deo, ut vice eius
fungerentur in terris. Unde dicitur Lc. c. VI, 13, quod elegit duodecim,
quos et apostolos nominavit, et infra XII, 28 — Deus posuit in
Ecclesia quosdam, primum quidem apostolos, et cetera. Tertio ponit
originem sive causam huius dignitatis, cum dicit per voluntatem Dei.
Quod est intelligendum de voluntate beneplaciti, ex qua perficiuntur illi qui
multipliciter praesunt Ecclesiis. Eccli. X, 4 — in manibus Dei potestas terrae, et utilem rectorem in
tempore suscitabit super illam. Et de praedicta voluntate sub figura
nobis dicitur, Iob XXXVII, 12, quod lustrant cuncta per circuitum
quocumque voluntas gubernantis perduxerit. Dimittit autem Deus aliquos praefici
propter subditorum peccata, secundum illud Iob XXXIV, 30 — regnare facit
hominem hypocritam propter peccata populi. Talis autem rector non
dicitur esse secundum voluntatem Dei, sed secundum eius indignationem,
secundum illud Osee XIII, 11 — dabo tibi regem in furore meo, et auferam
in indignatione mea. Secundo ponit personam
adiunctam, cum dicit et Sosthenes frater, quem sibi salutando
adiungit, quia ad apostolum detulerat contentiones et alios Corinthiorum
defectus, ne hoc videretur ex odio fecisse; et ideo nominat eum fratrem, ut
ostendat quod ex zelo charitatis hoc fecerat. Prov. IX, 8 — argue
sapientem, et diliget te. Deinde ponit personas salutatas, cum dicit Ecclesiae
Dei quae est Corinthi. Et, primo, ponit principales personas, quas describit
tripliciter. Primo quidem ex loco, cum dicit Ecclesiae Dei quae est
Corinthi, id est, fidelibus Christi Corinthi congregatis. Ps. XXXIV, 18 —
confitebor tibi in Ecclesia magna. Secundo ex munere gratiae, cum
dicit sanctificatis in Christo Iesu, id est, in fide, passione et
sacramento Christi Iesu. Infra VI, 11 — sed abluti estis, sed sanctificati
estis. Hebr. ult. : Iesus ut sanctificaret per suum sanguinem populum,
extra portam passus est. Tertio ponit originem gratiae, cum dicit vocatis
sanctis; quia scilicet ad sanctitatem per gratiam vocationis pervenerunt.
Rom. VIII, 30 — quos praedestinavit, hos et vocavit. I Petr. II, 9 — de
tenebris vos vocavit in admirabile lumen suum. Secundo ponit personas secundarias, fideles
scilicet, quae non erant in ipsa civitate sed habitabant in dioecesi
civitatis vel districtu. Unde subdit vobis, inquam, qui estis Corinthi
scribo, cum omnibus qui invocant nomen domini nostri Iesu Christi,
scilicet per veram fidei confessionem. Ioel. c. II, 32 — omnis qui
invocaverit nomen domini salvus erit. Et hoc in omni loco ipsorum,
id est eorum iurisdictioni subiecto, et nostro, quia per hoc quod
subiiciebantur episcopo civitatis, non eximebantur a potestate apostoli,
quinimo magis erant ipsi apostolo subiecti, quam his quibus ipse eos
subiecerat. Ps.
CII, 22 — in omni loco dominationis eius, benedic, anima mea, domino. Ultimo autem in
salutatione ponit bona salutifera quae eis optat, quorum primum est gratia,
per quam iustificamur a peccatis, Rom. III, 24 — iustificati gratis per gratiam
ipsius; ultimum autem est pax, quae perficitur in felicitate
aeterna. Ps. CXLVII, 14 — qui posuit fines tuos pacem. Is. XXXII, 18 — sedebit
populus meus in pulchritudine pacis. Per haec autem duo, omnia alia
includit. Unde
dicit gratia et pax. Causam eorum ostendit, subdens a Deo patre
nostro, secundum illud Iac. I, 17 — omne datum optimum et omne donum
perfectum desursum est, descendens a patre luminum. Addit autem et
domino Iesu Christo, per quem, ut dicitur II Petr. I, 4, maxima et
pretiosa promissa donavit nobis Deus. Io. I, v. 17 — gratia et veritas
per Iesum Christum facta est. Quod autem dicit a Deo patre nostro.
Potest intelligi de tota Trinitate, a qua creati sumus et in filios adoptati.
Additur autem et domino Iesu
Christo, non quia sit persona alia vel hypostasis praeter tres personas,
sed propter aliam naturam. Vel quod dicitur Deo patre nostro, per
quamdam appropriationem accipitur pro persona patris, sicut Io. XX, 17 — ascendo
ad patrem meum, Deum meum et Deum vestrum. In hoc autem quod subdit et domino Iesu
Christo, manifestatur persona filii. Tacetur autem de spiritu sancto,
quia est nexus patris et filii, et intellectus ex ambobus, vel quia est donum
utriusque, intelligitur in donis, de quibus dicit gratia et pax, quae
per spiritum sanctum dantur. Infra XII, v. 11 — haec omnia operatur unus
atque idem spiritus. Deinde cum dicit gratias ago Deo meo,
incipit epistolarem tractatum. Et primo gratias agit de bonis eorum, ut correctionem suorum defectuum
tolerabilius ferant; secundo ponit eorum instructionem, ibi obsecro vos
autem, fratres. Circa primum duo facit. Primo gratias agit de bonis quae
iam acceperant; secundo de bonis quae in futurum expectabant, ibi expectantibus
revelationem. Circa primum duo facit. Primo ponit gratiarum actionem, cum
dicit gratias ago Deo meo, qui scilicet etsi sit Deus omnium per
creationem et gubernationem, tamen est eius et cuiuslibet iusti per fidem et
devotionem. Ps. CXVII, 28 — Deus meus es tu, et confitebor tibi.
Ostendit etiam quando gratias agit, cum dicit semper, quia haec
gratiarum actio ex charitatis affectu procedit, qui in eius corde assiduus
erat. Prov. XVII, 17 — omni tempore diligit qui amicus est. Et quamvis
omni tempore eos diligeret, et pro eorum bonis gratias ageret actualiter,
tamen etiam pro eis gratias agebat omnibus horis quas habebat orationi
deputatas. Ostendit etiam pro quibus gratias agit, cum dicit
pro vobis, de quorum scilicet bonis propter charitatis unionem
gaudebat, sicut de suis. III Io. v. 4 — maiorem horum non habeo
gratiam, quam ut audiam filios meos in veritate ambulare. Secundo ostendit materiam
gratiarum actionis, et primo in generali, cum dicit in gratia Dei, id
est, per gratiam Dei, quae data est vobis in Christo Iesu, id est per
Christum Iesum. Io. I, 16 — de plenitudine eius omnes nos accepimus
gratiam pro gratia. Secundo in speciali, ubi
primo ostendit gratiae abundantiam cum dicit quia in omnibus, scilicet
quae pertinent ad salutem, divites, id est abundantes, facti estis
in illo, id est per Christum, secundum illud I1 Cor. VIII, 9 — propter vos
egenus factus est, ut illius inopia divites essetis. Et exponit in quibus
sint divites facti, cum dicit in omni verbo, vel quia omnibus
generibus linguarum loquebantur, vel quia in verbo doctrinae abundabant. Verbum
autem non proferretur ordinate, nisi ex scientia procederet, et ideo subdit in
omni scientia, id est, intelligentia omnium Scripturarum, et
universaliter omnium quae pertinent ad salutem. Sap. X, 10 — dedit illi
scientiam sanctorum. Hoc autem quod dicit apostolus referendum est ad eos
qui erant in Ecclesia perfectiores, in quibus etiam alii minores has divitias
possidebant, sicut Augustinus dicit super Ioannem : si amas unitatem cui
haeres, habes quicquid in illa alter habet : tolle invidiam, et tuum est quod
alius habet; quos enim cupiditas et invidia separat, charitas iungit.
Secundo ostendit rectitudinem, dicens sicut testimonium Christi
confirmatum est in vobis; non esset rectum verbum doctrinae, neque recta
scientia, si a testimonio Christi discordaret, vel si etiam Christi
testimonium non firmiter per fidem cordibus inhaereret; quia, ut dicitur Iac.
I, 6 — qui haesitat similis est fluctui maris, qui a vento movetur et
circumfertur. Testimonium autem Christi dicit, vel quia de ipso prophetae
praenuntiaverunt, secundum illud Act. X, 43 — huic omnes prophetae
testimonium perhibent; vel quia ipse Christus testimonium perhibuit,
secundum illud Io. c. VIII, 14 — si ego testimonium perhibeo de meipso,
verum est testimonium meum; vel etiam quia apostolus in sua praedicatione
Christo testimonium dedit. Act. XXII, 18 — non recipient testimonium tuum
de me. Tertio tangit gratiae perfectionem, cum dicit ita
ut nihil vobis desit in ulla gratia, quia scilicet in diversis personis
omnes gratias gratis datas habebant. Ad divinam enim
providentiam pertinet, ut absque defectu necessaria largiatur. Ps. XXXIII, 10 — nihil
deest timentibus eum; et iterum : inquirentes autem dominum non
minuentur omni bono. Deinde ponit bona in futurum expectanda. Et circa
hoc tria facit. Primo ponit futuri boni expectationem, dicens vobis,
inquam, non solum habentibus gratiam in praesenti, sed etiam expectantibus,
in futurum, revelationem domini nostri Iesu Christi, qua scilicet
sanctis suis revelabitur, non solum per gloriam humanitatis, secundum illud
Is. XXXIII,
17 — regem in decore suo videbunt, sed etiam per gloriam divinitatis,
secundum illud Is. XL, 5 — revelabitur gloria domini; quae quidem
revelatio homines beatos facit. I Io. III, 2 — cum autem apparuerit,
similes ei erimus : et videbimus eum sicuti est. Et in hoc vita aeterna
consistit, secundum illud Io. XVII, 3 — haec est vita aeterna, ut
cognoscant te solum verum Deum, et quem misisti Iesum Christum. Sicut
autem illi quibus Christus revelatur, sunt beati in re, ita illi qui hoc
expectant, sunt beati in spe. Is. XXX, 18 — beati omnes qui expectant eum.
Et ideo de ipsa expectatione gratias agit.
Secundo ostendit quod haec expectatio non est vana ex auxilio divinae
gratiae. Unde subdit : qui, scilicet Christus, qui spem dedit vobis
huiusmodi revelationis, etiam confirmabit vos in gratia accepta. I
Petr. ult. : modicum passos ipse perficiet, confirmabit solidabitque.
Et hoc usque in finem, scilicet vitae vestrae. Matth. c. X, 22 — qui
perseveraverit usque in finem, hic salvus erit. Non autem ut sitis sine
peccato : quia, si dixerimus quoniam peccatum non habemus, ipsi
nosmetipsos seducimus, et veritas in nobis non est, ut dicitur I Io. I,
8, sed ut sitis sine crimine, id est, sine peccato mortali. I Tim.
III, 10 — ministrent nullum crimen habentes. Et hoc, inquam, erit in
die adventus domini nostri Iesu Christi, quia scilicet qui sine crimine
invenitur in die mortis, sine crimine perveniet ad diem iudicii, secundum
illud Eccle. XI, 3
— si ceciderit lignum ad Austrum, sive ad Aquilonem, in quocumque loco
ceciderit, ibi erit. Nisi autem sine crimine nunc inveniatur, frustra illam revelationem
expectaret. Tertio rationem suae promissionis assignat,
dicens quod Deus vos confirmabit, quod debetis sperare, quia Deus est
fidelis (Deut. XXXII, 4 — Deus fidelis et absque ulla iniquitate), per
quem vocati estis in societatem filii eius Iesu Christi domini nostri, ut
scilicet habeatis societatem ad Christum, et in praesenti per similitudinem
gratiae, secundum illud I Io. I, 7 — si in luce ambulamus, sicut et ipse
in luce est, societatem habemus cum eo ad invicem, et in futuro per
participationem gloriae, Rom. VIII, 17 — si compatimur, ut et simul
glorificemur. Non
autem videretur esse fidelis Deus, si nos vocaret ad societatem filii et nobis
denegaret, quantum in ipso est, ea, per quae pervenire ad eum possemus. Unde
Iosue I, v. 5 dicit : non te deseram, neque derelinquam. |
Cette
épître est divisée en deux parties. Dans la première, S. Paul fait d’abord la
salutation d’usage ; dans la seconde, il développe sa pensée, à ces mots
(verset 4) : Je rends pour vous à mon Dieu des actions de grâces. I° Dans la salutation, l’Apôtre, I. nomme les personnes
qui saluent ; II. les
personnes à qui s’adresse la salutation, à ces mots (verset 2) : à l’Eglise
de Dieu, etc.; III. il
souhaite les biens qui ont rapport au salut, à ces autres (verset 3) : Grâce
et paix à vous, etc. I. Des personnes qui
saluent, il désigne : 1° la principale par son nom, en
disant (verset 4) : Paul ; ce nom a été suffisamment
expliqué dans l’épître aux Romains. Qu’il suffise de dire ici qu’il met ce
nom en tête par humilité ; car Paul a le même sens que « petit »,
ce qui appartient à l’humilité ; (I Rois, XV, 17) : "Pendant que
vous étiez petit à vos propres yeux, n’êtes-vous pas devenu le chef des
tribus d’Israël" et (Matthieu XI, 25 — "Vous avez caché ces
mystères aux sages et aux prudents, et vous les avez révélés aux
petits." En suite il dépeint cette personne à raison de sa dignité :
a) Il exprime la
manière dont cette dignité même a été acquise, lorsqu’il dit (verset 4) : appelé,
selon cette parole (Hebr., V, 4) : "Personne ne peut s’attribuer cet
honneur ; il faut y être appelé de Dieu, comme Aaron." b) Il indique cette dignité même, en
disant (verset 4) : apôtre de Jésus Christ, dignité qui est la
première dans l’Eglise et a la même signification qu’envoyé, parce que les
apôtres furent envoyés par Dieu pour être ses représentants sur la terre.
C’est de là qu’il est dit (Luc, VI, 13) : "Il en choisit douze
auxquels il donna le nom d’apôtres" et ci-après (XXI, 28) : Dieu
a établi dans son Eglise premièrement des apôtres, etc. c) Il en rappelle l’origine et la
cause, en disant (verset 1) : par la volonté de Dieu, ce qu’il faut
entendre de la volonté de bienveillance par laquelle sont préposés les
pasteurs qui, à tant de titres divers, président aux Eglises ;
(Ecclésiastique X, 4) : "Dans la main de Dieu est le pouvoir de la
terre ; il suscitera en son temps un chef sage pour la gouverner."
De cette volonté il nous est dit au figuré (Job, XXXVII, 12) : "Ils
éclairent de toutes parts sur la face de la terre, où les conduit la volonté
de celui qui les gouverne." Or Dieu, quelquefois, permet que
quelques-uns soient préposés à cause des péchés des inférieurs, selon ce mot
de Job (XXXIV, 30) : "Il fait régner l’homme hypocrite à cause des
péchés du peuple." On ne peut dire de celui qui règne ainsi qu’il
règne par la volonté de Dieu, mais en vertu de son indignation, suivant ce
passage d’Osée (XIII, 11) : "Je vous ai donné un roi dans ma fureur,
et je vous l’ôterai dans mon indignation." 2° Il indique en second lieu une
personne qui est près de lui, lors qu’il dit (verset 1) : et Sosthène,
notre frère : il se l’adjoint dans cette salutation, parce qu’il avait
rapporté à S. Paul les contestations et les autres misères des Corinthiens.
De peur qu’on ne crût que Sosthène avait agi en cela par haine, l'Apôtre lui
donne aussi le nom de frère, afin de faire voir que le zèle de la charité
avait dirigé sa conduite en cette circonstance (Prov., IX, 8) : "Reprenez
le sage, et il vous aimera." II. S. Paul désigne en
second lieu les personnes à qui s’adresse la salutation (verset 2) : à
l’Eglise de Dieu qui est à Corinthe. 1° Il nomme les principales et les
fait connaître, de trois façons : 1. d’abord
par leur demeure : à l’Eglise de Dieu qui est à Corinthe, c'est-à-dire
aux fidèles de Jésus-Christ rassemblés à Corinthe ; (Psaume
XXXIV, 18) : "Je vous rendrai gloire dans une nombreuse
assemblée" 2. ensuite par
le don de la grâce : aux fidèles sanctifiés en Jésus-Christ,
c’est-à-dire sanctifiés par la foi, par la passion et par le sacrement du
Christ Jésus ; (ci-après, VI, 11) : Vous avez été purifiés, vous avez
été sanctifiés ; (Hébr., XII, 12) : "Jésus, afin de
sanctifier le peuple par son propre sang, a souffert hors de la ville."
3. Enfin il rappelle
l’origine de cette grâce (verset 2) : appelés saints, à savoir parce
que par la grâce de la vocation ils sont parvenus à la sainteté ; (Rom.,
VIII, 30) : "Ceux qu’il a prédestinés, il les a appelés" et (I
Pierre, II, 9) : "Il vous a appelés des ténèbres à son admirable
lumière." 2° Il indique les personnes qui
viennent en second lieu, c’est-à-dire les fidèles qui n‘étaient pas dans
cette ville même, mais qui habitaient dans le diocèse où elle était située,
ou sur le territoire qui en dépendait. Il ajoute donc (verset 2) : vous, qui
êtes à Corinthe, c’est à vous que j’écris, et à tous ceux qui
invoquent le nom de Notre Seigneur Jésus-Christ, à savoir par la
véritable confession de la foi ; (Joël, II, 32) : "Quiconque
invoquera le nom du Seigneur sera sauvé", et cela en tout lieu où
ils sont, c’est-à-dire soumis à la juridiction des Corinthiens, lieu
qui est aussi le nôtre, parce que, pour être soumis à l’évêque de la
ville, ils n’étaient pas en dehors de l’autorité de l’Apôtre ; au contraire,
ils lui étaient soumis beaucoup plus qu’à ceux auxquels lui-même les avait
soumis ; (Psaume CII, 22) : "Dans toute l’étendue de son empire,
ô mon âme! bénis le Seigneur." III. En dernier lieu, S.
Paul énumère, dans la salutation, les biens relatifs au salut qu’il désire
pour eux. Le premier est la grâce, par laquelle nous sommes justifiés
de nos péchés ; (Rom., III, 24) : "gratuitement justifiés par sa
grâce" . Le dernier est la paix qui est complète dans le
bonheur éternel ; (Psaume CXLVII, 14) : "Qui a établi la paix
jusqu’à tes dernières limites" ; (Isaïe, XXXII, 18) : "Mon
peuple se reposera dans la beauté de la paix." Or, dans ces deux
biens, S. Paul comprend tous les autres, ce qui lui fait dire : la grâce
et la paix. Il en indique la cause, en ajoutant de la part de Dieu
notre Père", selon ce que dit S. Jacques (I, 17) : "Toute
grâce excellente et tout don parfait vient d’en haut et descend du Père des
lumières." Il dit encore : et de Notre Seigneur Jésus-Christ par
qui, d’après S. Pierre (II, I, 4) : "Dieu nous a donné les
grandes et précieuses grâces qu’il a promises" ; (Jean I, 17) :
"La grâce et la vérité viennent de Jésus-Christ." Ces
paroles : de la part de Dieu le Père peuvent être entendues de toute
la Trinité, par laquelle nous avons été créés et adoptés pour enfants. Ce qui
suit : et de Notre Seigneur Jésus-Christ, ne veut pas dire que
Jésus-Christ soit une personne ou hypostase différente des trois personnes
divines, mais qu’il a pris une seconde nature. Ou encore ces mots : de la
part de Dieu notre Père, s’entendent par certaine appropriation de la
personne de Dieu le Père, comme en S. Jean (XX, 17) : "Je monte vers
mon Père, vers mon Dieu et votre Dieu." Dans ce qui
suit : et de Notre Seigneur Jésus-Christ, l’Apôtre montre la personne
du Fils; s’il n’exprime pas la personne du Saint Esprit, c’est qu’il
est le lien et du Père et du Fils et compris dans les deux premières
personnes ; ou parce qu’étant le don mutuel des deux premières personnes, il
est exprimé par les dons dont a parlé l’Apôtre : la grâce et la paix,
lesquels sont donnés par l’Esprit ; (ci-après, XII, 11) : C’est un
seul et même Esprit qui opère toutes ces choses. II° (verset 4) : Je rends pour vous à mon Dieu des actions de grâces. S. Paul
entre ici dans le sujet de sa lettre. Et d’abord il rend grâces du bien qu’il
y a en eux, afin qu’ils supportent mieux la correction de leurs défauts ; il
les instruit ensuite, à ces mots (verset 10) : Je vous conjure, mes
frères. Sur le premier de ces points, il rend d’abord grâces des biens
qu’ils avaient déjà reçus ; ensuite de ceux qu’ils attendaient pour l’avenir,
à ces mots (verset 7) : pour attendre la manifestation de Notre Seigneur
Jésus-Christ. À l’égard des biens reçus : I. S. Paul exprime
l’action de grâces (verset 4) : Je rends pour vous des actions de grâces à
mon Dieu, qui, bien qu’il soit le Dieu de tous par la création et par sa
providence, l’est cependant de Paul et de toute âme juste par la foi et par
la dévotion ; (Psaume CXVII, 28) : "Vous êtes mon Dieu et je
vous rendrai grâces." Il montre aussi quand il rend grâces : [Des
actions de grâces] continuelles, parce que cette action de grâces procède
de l’affection de la charité qui était continuellement dans son cœur ;
(Prov., XVII, 17) : "Le véritable ami aime en tout temps."
Et quoiqu’il les aimât en tout temps, et qu’il rendît grâces dans le moment
même pour les biens qu’ils avaient reçus, cependant il rendait grâces pour
eux à toutes les heures qu’il consacrait à la prière. Il montre encore pour
qui il rend grâces : pour vous, c’est-à-dire qu’il se réjouit de leurs
biens, comme s’ils eussent été les siens propres, à cause de l’union de la
charité ; (III Jean, 4) : "Je n’ai pas de joie plus grande que
d’apprendre que mes enfants marchent dans la vérité." II. Il montre l’objet
de l’action de grâces, 1° d’abord d’une manière générale
(verset 4) : dans la grâce de Dieu, c’est-à-dire à cause de cette
grâce qui vous a été donnée en Jésus-Christ, en d’autres termes par
Lui ; (Jean I, 16) : "Et nous avons tous reçu de sa plénitude,
et grâce pour grâce." 2° En second lieu, d’une manière
spéciale, 1. en
montrant d’abord l’abondance de cette grâce (verset 5) : parce qu’en
toutes choses, à savoir qui concernent le salut, vous êtes devenus
riches - regorgeant de richesses - en Lui, c’est-à-dire par
Jésus-Christ, selon cette parole : (I1 Cor., VIII, 9) : "Il s’est
fait pauvre pour l’amour de vous, afin que vous deveniez riches, par sa
pauvreté". Il explique en quoi ils sont devenus riches (verset 5) : dans
toute parole, ou parce qu’ils parlaient toutes sortes de langues, ou
parce qu’ils avaient abondamment la parole pour enseigner. Or la parole ne se
produirait pas selon l’ordre si elle ne procédait de la connaissance. Voilà
pourquoi S. Paul ajoute (verset 5) : en toute connaissance, c’est-à-dire
dans l’intelligence de toutes les Ecritures, et généralement de tout ce qui a
rapport au salut ; (Sag., X, 10) : "La sagesse lui a donné la
science des saints." Ce que dit ici l’Apôtre doit se rapporter à
ceux qui, dans l’Eglise, étaient les plus avancés, parmi lesquels les
moindres même possédaient ces richesses, comme S. Augustin l’a remarqué
(Traité sur Jean, XXII) : "Si vous aimez l’unité et si vous ne vous
séparez pas d’elle, vous avez tout ce que possèdent les autres : enlevez
l’envie, et tout ce qu’a votre frère devient vôtre, car ceux que séparent
l’envie et la cupidité, la charité les unit." 2. En second lieu, S.
Paul montre où est la rectitude, en disant (verset 6) : le témoignage
qu’on vous a rendu du Christ étant ainsi confirmé parmi vous. Car ni
l’enseignement de la doctrine, ni la science droite ne seraient dans la
rectitude si elles s’écartaient du témoignage rendu à Jésus-Christ, ou si
même ce témoignage n’était pas fortement gravé dans le coeur par la foi ;
car, dit S. Jacques (I, 6) : "Celui qui doute est semblable au flot
de la mer, qui est soulevé et emporté çà et là par le vent."
L’Apôtre dit : le témoignage de Jésus-Christ, soit parce que les
prophètes l’ont rendu de Lui, suivant ce passage des Actes (X, 43) : "Tous
les prophètes Lui rendent témoignage", ou parce que
Jésus-Christ se l’est rendu à Lui-même, d’après cette parole de S. Jean
(VIII, 14) : "Si je rends témoignage de moi-même, mon témoignage est
vrai" ; ou encore parce que l’Apôtre rendit dans la persécution
témoignage à Jésus-Christ ; (Actes, XXII, 18) : "Ils ne
recevront pas le témoignage que vous leur rendrez de moi." 3° Enfin il indique la perfection de
la grâce (verset 7) : en sorte qu’il ne vous manque aucun don ; comprenez
: il y avait dans les divers fidèles toutes les grâces gratuitement données.
Car il est de la divine Providence de donner à chacun, sans omission aucune,
ce qui lui est nécessaire ; (Psaume XXXIII, 10) : "Rien ne
manque à ceux qui le craignent" ; et encore (verset 11) : "Ceux
qui cherchent le Seigneur ne seront privés d’aucun bien." 3° L’Apôtre rappelle les biens qu’il
faut attendre dans l’avenir. 1. A cet
effet, il expose l’attente des biens futurs : à vous, dis-je, qui non
seulement avez la grâce dans le moment présent, mais attendez pour
l’avenir la manifestation de Notre Seigneur Jésus-Christ, lequel se
révélera à ses saints non seulement par la gloire de son humanité, selon
cette parole d’Isaïe (XXXIII, 17) : "Ils verront le Roi dans l’éclat
de sa majesté," mais encore par la gloire de sa divinité, comme dit
le même Isaïe (XL, 5) : "La gloire du Seigneur se manifestera," manifestation
qui fait la béatitude des hommes ;(l Jean III, 2) : "Lorsqu’il
viendra dans sa gloire nous serons semblables à Lui, parce que nous Le
verrons tel qu’Il est." C’est en cela d’ailleurs, que consiste la
vie éternelle (Jean XVII, 3) : "C’est la vie éternelle de vous
connaître, vous le Dieu véritable, et Jésus-Christ que vous avez
envoyé." Mais, de même que ceux auxquels Jésus-Christ est manifesté
sont bienheureux par la possession, ainsi ceux qui attendent cette
manifestation sont bienheureux en espérance ; (Isaïe, XXX, 18) : "Heureux
tous ceux qui l’attendent !" Voilà pourquoi S. Paul rend grâces pour
l’attente même. 2. En second
lieu, l’Apôtre fait voir que, par le secours de la grâce divine, cette
attente n’est pas vaine ; il ajoute donc (verset 8) : le même,
c’est-à-dire Jésus-Christ, qui vous a donné l’espérance de cette heureuse
manifestation, vous confirmera encore jusqu’à la fin dans la grâce que
vous avez reçue ; (I Pierre, V, 10) : "Lui qui vous
perfectionnera, vous affermira et vous justifiera après que vous aurez
souffert un peu de temps" ; et cela jusqu’à la fin, à
savoir de notre vie ; (Matth., X, 22) : "Celui qui persévérera
jusqu’à la fin sera sauvé," non pas pourtant jusqu’à être sans péché
; car (1 Jean X, 8) : "Si nous disons que nous sommes sans péché,
nous nous séduisons nous-mêmes et la verité n’est pas en nous," mais
"pour que vous soyez sans reproche," c’est-à-dire sans péché
mortel (1 Tim., III, 10) : "Qu’ils exercent le saint ministère s’ils
ne se trouvent coupables d’aucun crime;" et qu’il en soit ainsi jusqu’au
jour de l’avènement de Notre Seigneur Jésus-Christ, parce que celui que
Dieu trouve sans crime au jour de la mort parviendra sans crime au jour du
jugement ; (Ecclésiastique XI, 3) : "Si l’arbre tombe au midi ou
au septentrion, en quelque lieu qu’il sera tombé, il y demeurera" ;
mais celui qui ne sera pas tel attendra en vain cette manifestation. 3. Enfin S. Paul assigne la raison de
son attente, en disant : Dieu vous affermira dans ce que vous devez attendre,
parce qu’il est fidèle ; (Deut., XXXII, 4) : "Dieu est
fidèle et sans aucune iniquité" ; "Lui qui vous a
appelés en société de son Fils Jésus-Christ Notre Seigneur",
c’est-à-dire afin que nous soyons unis à Lui, et dans le temps présent, par
la ressemblance de la grâce, selon cette parole de S. Jean (I Jean, I, 7) : "Si
nous marchons dans la lumière, comme il est Lui-même dans la lumière, nous
sommes en union réciproque et complète avec Lui", et dans la vie
future par la participation de la gloire ; (Rom., VIII, 17) : "Si
nous souffrons avec Lui, nous serons aussi glorifiés avec Lui." Or
Dieu ne se montrerait pas fidèle s’il nous appelait à la société de son Fils
et nous refusait, autant qu’il est en Lui, ce qui est nécessaire pour arriver
jusqu’à Lui. C’est pourquoi il dit Lui-même, au livre de Josué (I, 5) :
"Je ne vous laisserai point, je ne vous abandonnerai pas." |
|
|
Lectio 2 |
Leçon 2 : 1 Corinthiens I, 10-17 — Un seul baptême |
|
SOMMAIRE : La diversité des ministres du Baptême était devenue pour les Corinthiens une cause de querelles et de dissensions. L’Apôtre s’efforce de les apaiser en les exhortant à la concorde. |
[10] obsecro autem vos fratres per nomen Domini nostri Iesu
Christi ut id ipsum dicatis omnes et non sint in vobis scismata sitis autem
perfecti in eodem sensu et in eadem sententia [11] significatum est enim mihi de vobis fratres mei ab his qui
sunt Chloes quia contentiones inter vos sunt [12] hoc autem dico quod unusquisque vestrum dicit ego quidem
sum Pauli ego autem Apollo ego vero Cephae ego autem Christi [13] divisus est Christus numquid Paulus crucifixus est pro
vobis aut in nomine Pauli baptizati estis [14] gratias ago Deo quod neminem vestrum baptizavi nisi
Crispum et Gaium [15] ne quis dicat quod in nomine meo baptizati sitis [16] baptizavi autem et Stephanae domum ceterum nescio si quem
alium baptizaverim [17] non enim misit me Christus
baptizare sed evangelizare non in sapientia verbi ut non evacuetur crux
Christi |
10. Or je
vous conjure, mes frères, par le nom de Jésus-Christ Notre Seigneur, d’avoir
tous un même langage et de ne pas souffrir parmi vous de divisions, mais
d’être tous unis ensemble dans un même esprit et dans un même sentiment; 11. Car
j’ai été averti, mes frères, par ceux de la maison de Cloé, qu'il y a des
contestations parmi vous. 12. Ce que
je veux dire est que chacun de vous prend parti en disant : pour moi, je suis
à Paul; et moi, je suis à Apollon; et moi, je suis à Céphas; et moi, je suis
à Jésus-Christ. 13.
Jésus-Christ est-il divisé? Est-ce Paul qui a été crucifié pour vous, ou
avez-vous été baptisés au nom de Paul? 14. Je
rends grâces à Dieu de ce que je n’ai baptisé aucun de vous, sinon Crispe et
Caïus, 15. Afin
que personne ne dise que vous avez été baptisés en mon nom. 16. J’ai
encore baptisé ceux de la famille de Stéphanas, et je ne sache point en avoir
baptisé d’autres, 17. Parce
que Jésus-Christ ne m’a pas envoyé pour baptiser, mais pour prêcher l’Evangile. |
[86235] Super 1 Cor., cap. 1
l. 2 Praemissa
salutatione et gratiarum actione, hic incipit eos instruere. Et primo ponitur
instructio de his quae ad omnes communiter pertinent, scilicet de his quae
pertinent ad ecclesiastica sacramenta. Secundo instruit eos de his quae ad
quosdam pertinebant, XVI cap. de collectis autem quae fiunt in sanctos,
et cetera. In sacramentis autem tria sunt consideranda. Primo quidem ipsum
sacramentum, sicut Baptismus; secundo id quod est res significata et
contenta, scilicet gratia; tertio id quod est res significata et non
contenta, scilicet gloria resurrectionis. Primo ergo agit de ipsis
sacramentis; secundo de ipsis gratiis, XII cap. de spiritualibus autem
nolo vos, etc., tertio, de gloria resurrectionis, infra XV notum autem
vobis facio. Circa primum tria facit. Primo determinat ea quae pertinent
ad sacramentum Baptismi; secundo ea quae pertinent ad sacramentum matrimonii,
V cap., ibi omnino auditur inter vos, etc.; tertio ea quae pertinent
ad sacramentum Eucharistiae, VIII cap., ibi de his autem quae idolis
sacrificantur. Dominus autem, Matth. ult., discipulis praeceptum dedit de
doctrina simul et Baptismo, dicens euntes docete omnes gentes, baptizantes,
et cetera. Et ideo apostolus in prima
parte simul cum Baptismo agit de doctrina. Est autem sciendum quod inter
Corinthios fideles erat quaedam dissensio propter baptistas et doctores; illi
enim qui erant instructi contemnebant alios, quasi qui meliorem doctrinam
acceperint, et meliorem Baptismum. Unde circa primum duo facit. Primo removet
contentionem; secundo contentionis causam quae erat in hoc, quod gloriabantur
de quibusdam, et alios Christi ministros contemnebant, infra III capite et
ego, fratres, non potui vobis loqui. Circa primum tria facit. Primo
proponit admonitionem; secundo admonitionis necessitatem ostendit, ibi significatum
est enim mihi, etc.; tertio rationem admonitionis assignat, ibi divisus
est Christus? et cetera. Circa primum duo consideranda sunt. Primum quidem quod eos inducit ad
admonitionem servandam. Uno modo per propriam humilitatem, cum dicit obsecro
autem vos, et cetera. Prov. XVIII, 23 — cum obsecrationibus loquitur
pauper. Alio modo per fraternam charitatem, cum dicit fratres,
quia scilicet ex affectu fraternae charitatis hoc dicebat. Prov. XVIII, 19 — frater
qui iuvatur a fratre, quasi civitas firma. Tertio per reverentiam
Christi, cum dicit per nomen domini nostri Iesu Christi, quod est ab
omnibus honorandum, et cui oportet omnes esse subiectos. Phil. II, 10 — in
nomine Iesu omne genu flectatur. Secundo considerandum est quod inducit eos ad
tria. Primo quidem ad concordiam, cum dicit ut idipsum dicatis omnes,
id est, omnes eamdem fidem confiteamini, et eamdem sententiam proferatis de
his quae sunt communiter agenda. Rom. XV, 6 — ut unanimes uno ore
honorificetis Deum. Secundo prohibet vitium contrarium virtuti, cum
dicit et non sint in vobis schismata, quia unitas ecclesiastica dividi
non debet, in cuius signum milites de tunica inconsutili, Io. XIX, 24
dixerunt : non scindamus eam, sed sortiamur de ea cuius sit. Sunt
autem proprie schismata, quando, vel propter diversam fidei confessionem, vel
propter diversas sententias de agendis, homines unius collegii in diversas
separantur partes. Is. XXII, v. 9 — scissuras civitatis David videbitis,
quia multiplicatae sunt. Tertio inducit eos ad id per quod possunt
schismata vitare, scilicet ad perfectionem. Est enim divisionis causa,
dum unusquisque partiale bonum quaerit, praetermisso perfecto bono, quod est
bonum totius. Et ideo dicit sitis autem perfecti in eodem sensu,
scilicet quo iudicatur de agendis, et in eadem scientia, qua iudicatur
de cognoscendis, quasi dicat : per haec perfecti esse poteritis, si in
unitate persistatis. Col. III, 14 — super omnia charitatem habete, quod
est vinculum perfectionis. Matth. V, 48 — estote perfecti sicut pater
vester caelestis perfectus est. Deinde, cum dicit significatum est mihi,
ostendit necessitatem praedictae admonitionis, quia scilicet contentionis
vitio laborabant, quasi dicat : ideo necesse est vos ad hoc inducere, quia significatum
est mihi, fratres mei, ab his qui sunt Cloes, id est, in quadam villa
Corinthiorum iurisdictioni subiecta, vel Cloes potest esse nomen matronae, in
cuius domo erant multi fideles congregati, quia contentiones sunt inter
vos, contra id quod dicitur Prov. XX, 3 — honor est homini qui separat se a
contentionibus. Et modum contentionis exponit, subdens hoc autem dico,
id est, contentionem nomino, quod unusquisque vestrum nominat se ab eo
a quo est baptizatus et instructus, et dicit : ego quidem sum Pauli,
quia erat a Paulo baptizatus et instructus; alius ego autem Apollo,
qui scilicet Corinthiis praedicaverat, ut habetur Act. XIX, 1; alius ego vero
Cephae, scilicet Petri, cui dictum est Io. I, v. 42 — tu vocaberis
Cephas, quod interpretatur Petrus. Quod quidem ideo dicebant, quod
putabant a meliori baptista meliorem Baptismum dari, quasi virtus baptistae
in baptizatis operaretur. Et de hoc pseudoapostoli gloriabantur, secundum
illud Ps. XLVIII, 12 — vocaverunt nomina sua in terris suis. Alius
autem dicit ego autem sum Christi, qui solus benedixit, quia solius
Christi virtus operatur in Baptismo Christi. Io. I, 33 — super quem
videris spiritum descendere et manere, ipse est qui baptizat. Et ideo
baptizati a solo Christo denominantur Christiani, non autem a Paulo Paulini.
Is. IV, 1 — tantummodo invocetur nomen tuum super nos. Ad huius autem
erroris vitationem, dicuntur Graeci hac forma in baptizando uti baptizetur
servus Christi Nicolaus in nomine patris, et filii, et spiritus sancti,
ut detur intelligi quod homo non baptizat interius, sed baptizatur a Christo.
Quia tamen etiam homo baptizat ministerio, ut membrum et minister Christi,
ideo Ecclesia utitur hac forma in baptizando ego te baptizo in nomine
patris, et filii, et spiritus sancti, quod quidem est expressius secundum
formam a Christo traditam, qui dixit discipulis : docete omnes gentes,
baptizantes eos in nomine patris, et filii, et spiritus sancti, etc., ubi
ipsos apostolos dicit baptizantes, secundum quem modum sacramenti minister
dicit : ego te baptizo. Deinde cum dicit divisus est Christus?
etc., ponit rationem praedictae admonitionis, quare inter eos scissurae et
contentiones esse non debebant, et primo ex parte Baptismi; secundo ex parte
doctrinae, ibi non in sapientia verbi, et cetera. Circa primum tria
facit. Primo ponit inconveniens quod ex praedicta contentione sequitur;
secundo manifestat quare illud inconveniens sequatur, ibi numquid Paulus
crucifixus est, etc.; tertio excludit quamdam falsam suspicionem, ibi gratias
ago Deo meo, et cetera. Dicit ergo primo : dixi quod unusquisque vestrum
dicit ego sum Pauli, ego Apollo, et ex hoc sequitur quod Christus est
divisus. Nec refert utrum interrogative vel remissive legatur. Hoc autem
potest intelligi, uno modo, quasi diceret : per hoc quod inter vos
contenditur, Christus est divisus a vobis, qui non nisi in pace habitat,
secundum illud Ps. LXXV, 3 — in pace factus est locus eius. Is. LIX, 2
— iniquitates vestrae diviserunt inter vos et Deum vestrum. Sed melius
aliter hoc potest intelligi, ut sit sensus : per hoc quod creditis Baptismum
esse meliorem, qui a meliori baptista datur, sequitur quod Christus, qui
principaliter et interius baptizat, sit divisus, id est, differens in sua
virtute et effectu, secundum differentiam ministrorum : quod patet esse
falsum per id quod dicitur Eph. IV, 5 — unus dominus, una fides, unum
Baptisma. Sed adhuc melius hoc intelligitur quod apostolus dicit : ex hoc
quod ea quae sunt propria Christi aliis attribuitis, quodammodo Christum dividitis,
plures christos facientes, contra id quod dicitur Matth. XXIII, 10 — magister
vester unus est Christus. Is. XLV, v. 22 — convertimini ad me, et
salvi eritis, omnes fines terrae, quia ego dominus, et non est alius. Est autem sciendum quod
Christus in Deinde, cum dicit numquid Paulus, etc.,
ostendit praedictum inconveniens sequi ex eorum errore quod diversum Baptisma
esse aestimabant secundum differentiam baptistarum; hoc enim esset, si a
baptistis Baptismus efficaciam haberet, quod quidem solius est Christi. Hoc
autem ostendit dupliciter. Primo quidem ex parte passionis Christi, in cuius
virtute Baptismus operatur, secundum illud Rom. VI, 3 — quicumque
baptizati sumus in Christo Iesu, in morte ipsius baptizati sumus. Et ideo
dicit numquid Paulus crucifixus est pro vobis? Quasi dicat : numquid
passio Pauli causa est nostrae salutis, ut secundum ipsum Baptismus habeat
virtutem salvandi? Quasi dicat : non. Hoc enim proprium est Christo, ut sua
passione et morte nostram salutem operatus fuerit. Io. XI, 50 — expedit ut
unus homo moriatur pro populo, et non tota gens pereat. I1 Cor. c. V, 14
— unus pro omnibus mortuus est. Sed contra videtur esse quod apostolus dicit Col.
I, 24 — gaudeo in passionibus meis pro vobis, et adimpleo ea quae desunt
passionum Christi in carne mea pro corpore eius, quod est Ecclesia. Sed
dicendum quod passio Christi fuit nobis salutifera non solum per modum
exempli, secundum illud I Petr. II, 21 — Christus passus est pro nobis,
vobis relinquens exemplum, ut sequamini vestigia eius, sed etiam per modum
meriti, et per modum efficaciae, inquantum eius sanguine redempti et
iustificati sumus, secundum illud Hebr. ultimo : ut sanctificaret per suum
sanguinem populum, extra portam passus est. Sed passio aliorum nobis est
salutifera solum per modum exempli, secundum illud I1 Cor. I, 6 — sive
tribulamur, pro vestra exhortatione et salute. Secundo ostendit idem ex virtute nominis Christi,
qui in Baptismo invocatur. Unde subdit aut in nomine Pauli baptizati
estis? Quasi dicat : non. Ut enim dicitur Act. IV, 12, non est aliud
nomen datum hominibus, per quod oporteat nos salvos fieri. Unde et Is.
XXVI, 8 dicitur : nomen tuum et memoriale tuum in desiderio animae. Sed videtur quod in nomine Christi homines non
baptizentur. Dicit enim Matth. ult. : docete omnes gentes, baptizantes eos
in nomine patris, et filii, et spiritus sancti. Dicendum est autem quod in primitiva Ecclesia,
quia nomen Christi multum erat odiosum, ut venerabile redderetur, apostoli in
nomine Christi baptizabant ex speciali ordinatione spiritus sancti. Unde
dicitur Act. c. VIII, 12, quod in nomine Christi baptizati sunt viri et
mulieres. Et tamen, ut Ambrosius dicit in nomine Christi tota Trinitas
intelligitur. Christus enim interpretatur unctus, in quo intelligitur non
solum ille qui ungitur, qui est filius Dei, sed etiam ipsa unctio, quae est
spiritus sanctus, et ipse ungens, qui est pater, secundum Ps. XLIV, 8 — unxit
te Deus, Deus tuus, oleo laetitiae prae consortibus tuis. Nunc autem quia
nomen Christi iam est magnum in gentibus ab ortu solis usque ad occasum,
ut dicitur Mal. I, 11, Ecclesia utitur forma prius instituta a Christo,
baptizans in nomine patris, et filii, et spiritus sancti. Et tamen
quicumque in hac forma baptizantur, in nomine eius, qui est vere filius Dei,
baptizantur, secundum illud I Io. c. ult. : ut simus in vero filio eius,
Iesu Christo. Baptizantur etiam omnes fideles in nomine Christi, id est,
fide et confessione nominis Christi, secundum illud Ioel. c. II, 32 — omnis
quicumque invocaverit nomen domini, salvus erit. Unde baptizati a Christo Christiani nominantur,
quia, ut dicitur Gal. III, 27 — quotquot in Christo baptizati estis,
Christum induistis. Sic ergo, si solius Christi passio, si solius Christi
nomen virtutem confert Baptismo ad salvandum, verum est proprium esse
Christo, ut ex eo Baptismus habeat sanctificandi virtutem. Unde qui hoc aliis
attribuit, dividit Christum in plures. Deinde, cum dicit gratias ago Deo meo,
excludit quamdam suspicionem. Quia ibi dixerat : numquid enim Paulus
crucifixus est pro vobis? Posset aliquis credere quod et si non
auctoritate, ministerio tamen plures baptizaverit. Et circa hoc tria facit.
Primo gratias agit de hoc quod paucos baptizavit; secundo, quibusdam paucis
nominatis, quosdam alios addit, ibi baptizavi autem; tertio assignat
rationem quare non multos baptizaverit, ibi non enim misit me Deus. Dicit ergo primo gratias ago Deo meo, quod neminem vestrum
baptizavi, nisi Crispum, de quo Act. XVIII, 8 — Crispus archisynagogus
credidit domino cum omni domo sua, et Caium, ad quem scribitur tertia
canonica Ioannis. Et quia gratiarum actio locum non habet, nisi in beneficiis
perceptis, consequenter apostolus ostendit qualiter de hoc gratias agat, cum
subdit ne quis dicat quod in nomine meo baptizati estis. Est enim optabile sanctis viris,
ne ex bonis quae ipsi faciunt, alii sumant occasionem erroris sui, sive
peccati. Et quia Corinthii in eum errorem devenerant, ut se a suis baptistis
nominarent, dicentes ego sum Pauli et Apollo, ac si in eorum nominibus essent
baptizati, ideo gratias agit de hoc quod de suo ministerio talis error
consecutus non fuerit. Et ideo signanter dicit se baptizasse illos qui ab hoc
errore immunes erant. Deinde, cum dicit baptizavi autem, etc.,
ponit quosdam alios a se baptizatos, ne in eius verbis aliquid veritatis
minus appareret. Unde dicit baptizavi et domum, id est familiam, Stephanae,
scilicet cuiusdam matronae. Et quia circa particularia facta memoria hominum
labilis est, subdit caeterum nescio, id est in memoria non habeo, si
quem alium baptizaverim, in propria persona. Deinde, cum dicit non enim misit, etc.,
assignat rationem quare paucos baptizaverit, dicens non enim misit me Deus
baptizare, sed evangelizare. Contra quod videtur esse quod dicitur Matth.
ult. : euntes docete omnes gentes, baptizantes eos in nomine patris, et
filii, et spiritus sancti. Sed dicendum est quod Christus apostolos misit
ad utrumque, ita tamen quod ipsi per seipsos praedicarent, secundum quod ipsi
dicebant Act. VI, 2 — non est aequum relinquere nos verbum Dei, et
ministrare mensis. Baptizarent autem per inferiores ministros, et hoc
ideo quia in Baptismo nihil operatur industria vel virtus baptizantis : nam
indifferens est utrum per maiorem vel minorem ministrum detur Baptismus, sed
in praedicatione Evangelii multum operatur sapientia et virtus praedicantis,
et ideo praedicationis officium per seipsos apostoli tamquam maiores ministri
exercebant, sicut et de ipso Christo dicitur Io. IV, 2 quod ipse non
baptizabat, sed discipuli eius, qui tamen de seipso dicit Lc. IV, 43 — quia
et aliis civitatibus oportet me evangelizare regnum Dei, quia ideo missus sum.
Is. LXI, 1 — ad annuntiandum mansuetis misit me. |
Après les
salutations et l’action de grâces, S. Paul commence à instruire les
Corinthiens. Et d’abord il donne une instruction sur les points qui sont
communs à tous, c’est-à-dire sur ce qui concerne les sacrements de l’Eglise ;
ensuite sur ce qui n’a rapport qu’à quelques-uns (XVI, 1) : Sur les
aumônes qu’on recueille, etc. Par rapport aux sacrements, trois choses
sont à considérer : premièrement le sacrement lui-même, comme le Baptême ;
deuxièmement, ce qu’il signifie et contient, c’est-à-dire la grâce ;
troisièmement, ce qu’il signifie sans le contenir, c’est-à-dire la gloire de
la résurrection. L’Apôtre traite donc d’abord des sacrements mêmes ; en
second lieu, des grâces ; (XII, 4) : Par rapport aux dons spirituels,
je ne veux pas, mes frères, etc. ; enfin de la gloire de la résurrection
(XV, 1) : Je vous rappelle, mes frères, le souvenir de l’Evangile. A
l’égard des sacrements, S. Paul détermine d’abord ce qui a rapport au
sacrement de Baptême ; ensuite au sacrement de Mariage (V, 4) à ces mots
: On entend dire qu’il se commet parmi vous... ; enfin à celui de
l’Eucharistie (VIII, 1), à ces mots : Quant aux viandes qui ont été
offertes aux idoles. Le Sauveur (Matthieu XXVIII, 19) a donné à ses
disciples le double précepte d’enseigner et de baptiser : "Allez
donc, enseignez toutes les nations, les baptisant, etc." Voilà
pourquoi S. Paul, dans sa première partie, traite simultanément du Baptême et
de la doctrine. Il faut ici se rappeler que parmi les fidèles de Corinthe il
y avait une sorte de dissension entre ceux qui baptisaient et ceux qui
enseignaient ; car ceux qui étaient instruits méprisaient les autres, comme
s’ils eussent reçu eux-mêmes une doctrine plus excellente et un meilleur
baptême. Sur ce premier point, S. Paul arrête d’abord toute contestation ;
ensuite il enlève la cause même de la contestation, qui venait de ce que
quelques-uns se glorifiaient de certains maîtres, en méprisant les autres
ministres de Jésus-Christ (ci-après, III, 1) : Et moi, mes frères, je n’ai
pu vous parler comme à des hommes spirituels. Quant au premier point,
l’Apôtre I° fait une
recommandation ; II° il en
montre la nécessité, à ces mots (verset 11) : Car j’ai été averti, mes
frères ; III° il en
donne la raison, à ces autres (verset 13) : Jésus-Christ est-il donc
divisé, etc.? I° Sur la recommandation qu’il fait, il faut remarquer : I. qu’il les engage à
tenir compte de cette recommandation, en premier lieu, par son humilité
lorsqu’il dit (verset 10) : Or je vous conjure, mes frères, etc. ;
(Prov., XVIII, 23) : "Le pauvre emploie les prières" ;
en second lieu, par la charité fraternelle : Mes frères ; il les
appelle de ce nom par affection de charité fraternelle ; (Prov., XVIII,
19) : "Le frère qui est aidé par son frère est comme une ville
forte" ; enfin par le respect qu’ils doivent à Jésus-Christ
(verset 10) : au nom de Jésus-Christ Notre Seigneur, qui doit être
honoré de tous, et auquel tous doivent être soumis ; (Philip., II, 10) :
"Afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse." II. Il faut remarquer
que cette recommandation de l’Apôtre porte sur trois points : 1° il les engage à la concorde (verset
10) : d’avoir un même langage, c’est-à-dire professer la même foi et
avoir le même avis sur ce que tous doivent accomplir ; (Rom., XV, 6) : "Afin
que d’un même coeur et d’une même bouche vous glorifiiez Dieu." 2° Il condamne le vice contraire à
cette vertu (verset 10) : et de ne pas souffrir de divisions, parce
que l’unité de l'Eglise ne doit pas être rompue ; c’est ce que figurent les
paroles des soldats en parlant de la tunique sans couture (Jean XIX, 24) : "Ne
la coupons pas, mais voyons par le sort à qui elle appartiendra." Or
les schismes existent, à proprement parler, lorsque, par suite de la
diversité de la confession de la foi ou des avis divergents sur ce qu’on doit
pratiquer, les membres d’une association se séparent en plusieurs parties
(Isaïe, XXII, 9) : "Vous remarquerez le grand nombre des brèches de
la cité de David." 3° Il les exhorte à ce qui peut leur
faire éviter les divisions, c’est-à-dire à la perfection. Car il y a cause de
division lorsque chacun cherche son bien particulier en délaissant le bien
parfait qui est le bien de tous. Voilà pourquoi l’Apôtre dit (verset 10) : Soyez
tous parfaitement unis dans les mêmes sentiments, c’est-à-dire dans un
même jugement sur ce qu’il faut pratiquer, et dans le même esprit sur
ce qu’il faut connaître ; comme s’il disait : vous pourrez être parfaits si
vous persévérez dans l’unité ; (Colos., III, 14) : "Surtout ayez
la charité qui est le lien de la perfection" ; et (Matth., V,
48) : "Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait." II° Quand il ajoute (verset 11) : "J’ai été averti, mes
frères," S. Paul établit la nécessité de
l’avertissement qui précède, à savoir parce qu’ils étaient travaillés par le
vice de la contestation ; comme s’il disait : il est nécessaire de vous
exhorter à ces dispositions, puisqu’il m’a été dit, mes frères, par ceux
de Chloé, nom d’une habitation soumise à la juridiction des Corinthiens,
ou peut-être nom d’une dame chrétienne dans la maison de laquelle étaient
réunis plusieurs fidèles, qu’il y a parmi vous des contestations,
contrairement à cette parole (Prov., XX, 3) : "C’est une gloire à
l’homme d’éviter les contestations." Il fait remarquer comment elles
ont pris naissance (verset 12) : Or je parle ainsi, c’est-à-dire
« je nomme cela une contestation », parce que chacun de vous
prend son nom de celui qui l’a baptisé et instruit, et dit : « Moi,
je suis à Paul », parce qu’il a été instruit et baptisé par Paul ;
un autre : « Je suis à Apollos » ; Apollos était celui
qui avait prêché à Corinthe, comme il a été rapporté au ch. XIX, 1 des Actes
; un troisième : « Et moi je suis à Céphas », c’est-à-dire à
Pierre, à qui il a été dit (S. Jean, I, 42) : "Vous vous appellerez
Céphas, ce que l’on interprète par Pierre". Ils parlaient ainsi
parce qu’ils pensaient que celui qui était le meilleur donnait le meilleur
baptême, comme si la vertu de celui qui baptise opérait dans celui qui est
baptisé. Or les faux apôtres se glorifiaient de cette vertu, selon ce passage
(Psaume XLVIII, V, 12) : "Ils ont donné leurs noms à leurs
terres." Mais un autre dit : « Pour moi, je suis au
Christ » ; celui-là seul a raison, parce que c’est la
puissance de Jésus-Christ seul qui opère dans le baptême de
Jésus-Christ ; (Jean I, 33) : "Celui sur lequel vous verrez
l’Esprit Saint descendre et se reposer, c’est celui-là qui baptise."
Voilà pourquoi les baptisés s’appellent chrétiens, de Jésus-Christ seul, et
ne s’appellent pas pauliniens, du nom de Paul ; (Isaïe, IV, 1) : "Que
votre nom seulement soit invoqué sur nous." C’est, dit-on, pour
éviter cette erreur, que les Grecs, en baptisant, se servent de cette formule
: "Que le serviteur de Jésus-Christ (Nicolas) soit baptisé au nom du
Père, et du Fils, et du Saint Esprit," afin de donner à entendre
qu’au fond l’homme ne baptise pas, mais qu’on est baptisé par Jésus-Christ.
Cependant, parce que l’homme, en exerçant ce ministère, baptise aussi comme
membre et ministre de Jésus-Christ, l’Eglise, elle, se sert de cette forme
sacramentelle : "Je te baptise au nom du Père, et du Fils, et du
Saint Esprit" ; ce qui se rapproche d’une manière plus expresse
de la forme donnée par Jésus-Christ lui-même : "Enseignez toutes les
nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit, etc.
" Ces expressions montrent que les apôtres baptisent ; aussi le
ministre des sacrements dit : « Je te baptise ». III° En disant (verset 13) : "Le Christ est-il donc divisé ?" S. Paul
assigne la raison de l’avertissement qu’il a donné, c’est-à-dire pourquoi il
ne doit pas y avoir parmi eux de contestations ni de divisions : et d’abord,
du côté du baptême ; ensuite, du côté de la doctrine, à ces mots (verset 17) :
non par l’art ou l’éloquence, etc. Du côté du baptême, l’Apôtre fait
trois choses : premièrement il fait ressortir les inconséquences de leur
contestation ; il explique ensuite pourquoi ces inconséquences en résultent,
à ces mots (verset 13) : Est-ce que Paul a été crucifié pour vous, etc.?
Enfin il répond à une sorte de mauvais soupçon, à ces autres (verset 14) : Je
rends grâces à mon Dieu, etc. I. Il dit donc d’abord
: J’ai dit que chacun de vous parle ainsi : "Moi, je suis à Paul ;
moi, je suis à Apollos..." ; il s’ensuit que Jésus-Christ est
divisé. Il importe peu qu’on entende ce passage sous forme d’interrogation ou
d’insinuation. On peut d’abord l’expliquer comme s’il disait : par cela même
qu’il y a parmi vous des contestations, Jésus-Christ est divisé par vous, lui
qui ne peut habiter que dans la paix (Psaume LXXV, 3) : "Il a choisi
pour demeure la cité de paix" ; (Isaïe LIX, 2) : "Vos
iniquités ont fait une séparation entre vous et votre Dieu." On peut
donner un meilleur sens et dire : de ce que vous croyez que le baptême le
meilleur est celui qui est donné par le meilleur ministre, il s’ensuit que
Jésus-Christ, qui principalement baptise intérieurement, est divisé,
c’est-à-dire qu’il a une puissance différente et produit des effets
différents, selon la diversité des ministres, conséquence manifestement
fausse, comme on le voit par cette parole (Ephés., IV, 5) : "Il n’y a
qu’un Seigneur, qu’une foi et qu’un baptême." On peut encore et plus
justement interpréter de cette manière ce que dit ici S. Paul : par le fait
que vous attribuez à d’autres ce qui appartient à Jésus-Christ, vous divisez
en quelque sorte Jésus-Christ, vous faites plusieurs Jésus-Christ,
contrairement à ce qui est dit en S. Matthieu (XXIII, 10) : "Vous
n’avez qu’un seul maître, qui est Jésus-Christ," et au prophète
Isaïe (XLV, 22) : "Tournez vos coeurs vers moi, et vous serez sauvés,
vous qui habitez aux extrémités de la terre, parce que je suis le Seigneur,
et il n’y en a pas d’autre que moi." Or il faut
observer que Jésus-Christ, dans le sacrement du Baptême, a une double
puissance qui lui est propre. D’abord une puissance divine, par laquelle,
conjointement avec le Père et le Saint Esprit, il purifie intérieurement du
péché, et cette puissance n’a pu être communiquée à aucune créature. Ensuite
une personne propre, selon la nature humaine, qui est la puissance suprême
dans les sacrements, laquelle consiste dans ces quatre caractères :
premièrement, qu’il a institué lui-même les sacrements ; secondement, qu’il a
pu produire l’effet des sacrements sans leur intermédiaire ; troisièmement,
que le mérite de ses souffrances opère dans le baptême et les autres
sacrements ; quatrièmement, que les sacrements sont conférés par l’invocation
de son nom. Or cette puissance suprême, et surtout quant à son dernier
caractère, il pouvait la déléguer aux ministres du baptême, de telle sorte
qu’il fût conféré en leurs noms ; mais il ne l’a pas voulu, afin de ne pas
donner par là occasion à des divisions dans l’Église : on aurait pu croire
qu’il y a autant de baptêmes que de personnes qui baptisent. C’est là,
suivant l’explication de S. Augustin, ce que Jean-Baptiste (Jean III, 27)
avoue ne pas savoir, c’est-à-dire si le Christ se réservait cette puissance
pour lui-même. II. Lorsqu’il dit
(verset 13) : Est-ce que Paul a été crucifié pour vous ?, l’Apôtre
fait voir que ces inconséquences résultent de l’erreur de ceux qui
prétendaient que le baptême avait plus ou moins de valeur selon la diversité
des personnes qui baptisaient. Il en serait en effet ainsi si le baptême
tirait de celui qui baptise son efficacité, tandis qu’elle vient de
Jésus-Christ seul. S. Paul le démontre de deux manières : 1° d’abord par la passion de
Jésus-Christ, dont les mérites opèrent dans le baptême (Rom., VI, 3) : "Nous
tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, nous avons été baptisés en sa
mort." Voilà pourquoi l’Apôtre dit (verset 13) : Est-ce que Paul
a été crucifié pour vous ? comme s’il disait : est-ce que la passion de
Paul est la cause de notre salut, pour que ce soit par lui que le baptême ait
la puissance de nous sauver ? Il sous-entend : non ; car il n’appartient qu’à
Jésus-Christ d’avoir, par sa passion et par sa mort, opéré notre salut ;
(Jean XI, 50) : "Il est bon qu’un homme meure pour le peuple, et non
pas que toute la nation périsse" et (I1 Cor., V, 14) : "Un
seul est mort pour tous." Mais ceci
semble être contredit par ce que l’Apôtre dit aux Colossiens (I, 24) : "Je
me réjouis dans les maux que je souffre pour vous, moi qui accomplis dans ma
chair ce qui manque à la passion de Jésus-Christ pour son corps, qui est
l’Eglise." Il faut répondre que les souffrances de Jésus-Christ ont
été la cause de notre salut non seulement par l’autorité de l'exemple (I
Pierre, II, 21) : "Jésus-Christ a souffert pour nous, vous laissant
un exemple, afin que vous suiviez ses traces" ; mais encore par
le moyen du mérite et de l’efficacité, en tant que par son sang nous sommes
rachetés et justifiés ; (Hébr., XIII, 12) : "Jésus, afin de
sanctifier le peuple par son propre sang, a souffert sa passion hors la
ville." Mais les souffrances des autres ne nous sont profitables que
par le moyen de l’exemple ; (I1 Cor., I, 6) : "Si nous sommes
affligés, c’est pour votre instruction et votre salut." 2° S. Paul continue sa preuve en
passant à la puissance du nom de Jésus-Christ qui est invoqué dans le baptême
(verset 13) : Ou avez-vous été baptisés au nom de Paul ?; comme s’il
répondait : non ; car (Actes, IV, 12) : "Nul autre nom n’a été donné
aux hommes, par lequel nous devions être sauvés." De là (Isaïe XXVI,
8) : "Votre nom et votre souvenir sont les délices de mon âme, " Mais il
semble qu’on puisse dire que les hommes ne sont pas baptisés au nom de
Jésus-Christ ; car, au dernier chapitre de S. Matthieu (verset 19),
Jésus-Christ dit : "Allez, enseignez toutes les nations, les
baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit" Il faut
répondre que, dans la primitive Eglise, le nom de Jésus. Christ étant très
odieux, les apôtres, afin de le rendre vénérable, baptisaient au nom de
Jésus-Christ par une disposition spéciale de l’Esprit Saint. C’est de là
qu’aux Actes (VIII, 12), il est rapporté que "plusieurs hommes et
femmes furent baptisés au nom de Jésus-Christ". Et toutefois, comme
l’enseigne S. Ambroise, "sous le nom de Jésus-Christ on entend la
Trinité tout entière". Car Christ veut dire « oint », et
par cette expression on comprend non seulement celui qui a reçu l’onction,
c’est-à-dire le Fils de Dieu, mais l’onction elle-même, c’est-à-dire le Saint
Esprit, et celui qui la donne, à savoir le Père, suivant ce passage (Psaume
XLIV, 8) : "O Dieu, votre Dieu vous a sacré d’une onction de joie qui
vous élève au-dessus de tous ceux qui doivent la partager." Mais
maintenant que le nom de Jésus-Christ : "est grand dans toutes les
nations, depuis le lever du soleil jusqu’à son coucher," comme dit
le prophète Malachie (I, 11), l’Eglise se sert de la forme instituée d’abord
par Jésus-Christ, et baptise au nom du Père, et du Fils, et du Saint
Esprit. Cependant tous ceux qui sont baptisés sous cette forme sont
baptisés au nom de celui qui est le véritable Fils de Dieu, suivant cette
parole de S. Jean (I Jean, V, 20) : "afin que nous vivions en son
vrai Fils." Tous les fidèles sont aussi baptisés au nom de Jésus-Christ,
c’est-à-dire par la foi et la confession de son nom, selon cette parole du
prophète Joël (II, 32) : "Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera
sauvé." De là tous ceux qui sont baptisés sont appelés chrétiens, du
nom de Jésus-Christ, car (Gal., III, 27) : "Vous tous qui avez été
baptisés en Jésus-Christ, vous vous êtes revêtus de Jésus-Christ." Ainsi
donc, si les souffrances de Jésus-Christ seul, si le nom de Jésus-Christ seul
confère au baptême sa vertu pour opérer le salut, il est incontestable qu’il
n’appartient qu’à Jésus-Christ de donner au baptême la vertu de sanctifier,
et ainsi celui qui l’attribue à d’autres divise et multiplie Jésus-Christ. III. Lorsque l’Apôtre
dit (verset 14) : Je rends grâces à mon Dieu, il repousse une sorte de
soupçon ; car sur ce qu’il venait de dire : Est-ce que Paul a été crucifié
pour vous ? on pouvait penser que, s’il n’avait pas baptisé d’autorité un
grand nombre de fidèles, au moins ils l’avaient été par son ministère. Sur ce
point, il rend grâces d’abord de ce qu’il n’a baptisé qu’un petit nombre de
personnes ; ensuite, après avoir nommé ce petit nombre, il en désigne
quelques autres, à ces mots (verset 16) : J’ai encore baptisé, etc. ;
enfin il assigne la raison pour laquelle il n’en a pas baptisé davantage,
à ces autres (verset 17) : Aussi Dieu ne m’a-t-il pas envoyé pour
baptiser. 1° Il dit donc d’abord (verset 14) : Je
rends grâces à Dieu de ce que je n’ai baptisé aucun de vous, si ce n’est
Crispus, dont il est dit aux Actes (XVIII, 8) : "Crispus, chef de
la synagogue, crut au Seigneur avec toute sa maison," - et Caïus à
qui fut écrite la troisième épître canonique de S. Jean. Et parce que
l’action de grâces n’a pas de raison d’être sinon pour des bienfaits reçus,
il explique en quel sens il rend des actions de grâces, en ajoutant (verset
15) : afin que personne ne dise que vous avez été baptisés en mon nom.
Car il est souhaitable, pour les saints personnages, que du bien même qu’ils
font on ne prenne pas occasion d’erreur ou de péché. Mais, parce que les
Corinthiens se trompaient au point de se désigner par les noms de ceux qui
les avaient baptisés en disant : "Moi, je suis à Paul, et moi à
Apollos", comme s’ils eussent été baptisés en leurs noms, S. Paul
rend grâces à Dieu de ce que son ministère n’a pas été l’occasion d’une
semblable erreur. Voilà pourquoi encore il dit expressément qu’il a baptisé
ceux qui s’étaient préservés de cette erreur. 2° Lorsque l’Apôtre dit (verset 16) : J’ai
encore baptisé, il nomme quelques autres personnes baptisées par lui,
afin que dans ses paroles la vérité ne paraisse pas affaiblie. Il dit donc : J’ai
encore baptisé la maison, c’est-à-dire la famille, de Stéphanas,
une dame chrétienne sans doute ; encore parce que sur les faits
particuliers la mémoire des hommes est fragile, il ajoute : Au surplus, je
ne sais, c’est-à-dire je n’ai pas présent à mon souvenir, si personnellement
j’en ai baptisé d’autres. 3° En ajoutant (verset 17) : Aussi
n’est-ce pas pour baptiser que Jésus-Christ m’a envoyé,etc., il donne la
raison pour laquelle il a baptisé un si petit nombre de personnes : C’est
que ce n’est pas pour baptiser que Dieu m’a envoyé, mais pour prêcher
l’Évangile. Ne
pourrait-on pas objecter ce qu’on lit au dernier chapitre, verset 19, de S.
Matthieu : "Allez, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom
du Père, et du Fils, et du Saint Esprit" ? Il faut répondre que
Jésus-Christ a envoyé ses apôtres pour ce double ministère : qu’ils prêchent
par eux-mêmes, ainsi qu’ils le disaient (Actes, VI, 2) : "Il n’est
pas juste que nous abandonnions la parole de Dieu pour le service des
tables", et qu’ils baptisent par les ministres inférieurs. La raison
en est que dans le baptême rien ne s’opère par l’habileté ou la vertu de
celui qui baptise, car il est indifférent que le baptême soit conféré par un
ministre plus ou moins élevé ; tandis que dans la prédication de l’Evangile
la sagesse et la vertu du prédicateur sont d’un grand poids : voilà pourquoi
les apôtres, comme ministres supérieurs, exerçaient eux-mêmes l’office de
prédicateurs. C’est ainsi qu’il est dit de Jésus-Christ lui même (Jean IV, 2)
que Jésus ne baptisait pas par lui-même, mais par ses disciples ; tandis
qu’il dit de lui-même (Luc, IV, 43) : "Il faut aussi que j’apporte la
bonne nouvelle du royaume de Dieu aux autres villes, car c’est pour cela que
je suis envoyé" ; et (Isaïe, LXI, 4) : "Il m’a envoyé
pour annoncer son Evangile aux humbles." |
|
|
Lectio 3 |
Leçon 3 : 1 Corinthiens I, 17-25 — La simplicité de la prédication de l'Evangile |
|
SOMMAIRE : L’Apôtre condamne l’éloquence pompeuse du siècle, dont les faux apôtres tiraient vanité, afin de faire cesser les querelles et, les disputes. Il exclut de la prédication de l’Evangile les raisonnements tirés de la nature physique. |
[17] non enim misit me Christus baptizare sed evangelizare non
in sapientia verbi ut non evacuetur crux Christi [18] verbum enim crucis pereuntibus quidem stultitia est his
autem qui salvi fiunt id est nobis virtus Dei est [19] scriptum est enim perdam sapientiam sapientium et
prudentiam prudentium reprobabo [20] ubi sapiens ubi scriba ubi conquisitor huius saeculi nonne
stultam fecit Deus sapientiam huius mundi [21] nam quia in Dei sapientia non cognovit mundus per
sapientiam Deum placuit Deo per stultitiam praedicationis salvos facere
credentes [22] quoniam et Iudaei signa petunt et Graeci sapientiam
quaerunt [23] nos autem praedicamus Christum crucifixum Iudaeis quidem
scandalum gentibus autem stultitiam [24] ipsis autem vocatis Iudaeis atque Graecis Christum Dei
virtutem et Dei sapientiam [25] quia quod stultum est Dei
sapientius est hominibus et quod infirmum est Dei fortius est hominibus |
17. Non pas
par la sagesse de la parole, pour ne pas anéantir la croix de Jésus-Christ; 18. Car la
parole de la croix est une folie pour ceux qui se perdent; mais, pour ceux
qui se sauvent, c'est-à-dire pour nous, elle est la vertu de Dieu. 19. Car il
est écrit : Je détruirai la sagesse des sages, et je rejetterai la science
des savants. 20. Que
sont devenus les sages? que sont devenus les docteurs de la Loi? que sont devenus
les esprits curieux de ce siècle? Dieu n'a t-il pas convaincu de folie la
sagesse de ce monde? 21. Car,
Dieu voyant que le monde avec la sagesse humaine ne l'avait pas connu dans
les ouvrages de la sagesse divine, il lui a plu de sauver par la folie de la
prédication ceux qui croiraient en lui. 22. Les
Juifs demandent des miracles, et les Gentils cherchent la sagesse; 23. Pour
nous, nous prêchons le Christ crucifié, qui est un scandale aux Juifs et une
folie aux Gentils, 24. Mais le
Christ qui est la force de Dieu et la sagesse de Dieu à ceux qui sont
appelés, soit Juifs soit Gentils, 25. Parce
que ce qui parait en Dieu une folie est plus sage que les hommes, et que ce
qui paraît en Dieu une faiblesse e plus fort que les hommes. |
[86236]
Super 1 Cor., cap. 1 l. 3 Postquam apostolus improbavit Corinthiorum
contentionem, ratione sumpta ex parte Baptismi, hic excludit eorum
contentionem, ratione sumpta ex parte doctrinae. Quidam enim eorum
gloriabantur de doctrina pseudo-apostolorum, qui ornatis verbis et humanae
sapientiae rationibus veritatem fidei corrumpebant. Et ideo apostolus primo
ostendit hunc modum convenientem non esse doctrinae fidei; secundo ostendit
hoc modo docendi se usum apud eos non fuisse, II cap., ibi et ego, cum
venissem ad et cetera. Circa primum duo facit. Primo proponit quod
intendit; secundo manifestat propositum, ibi ut non evacuetur. Dicit ergo primo : dixi quod misit me Christus
evangelizare, non tamen ita quod ego in sapientia verbi evangelizem,
id est, in sapientia mundana, quae verbosos facit, inquantum per eam multis
vanis rationibus homines utuntur. Eccle. VI, 11 — ubi verba sunt plurima, multam
in disputando habentia vanitatem. Prov. XIV, 23 — ubi verba sunt
plurima, ibi frequenter egestas. Vel sapientiam verbi nominat rhetoricam,
quae docet ornate loqui, ex quo alliciuntur interdum homines ad assentiendum
erroribus et falsitatibus. Unde Rom. XVI, 18 — per dulces sermones
seducunt corda innocentium. Et de meretrice dicitur Prov. II, 16, in
figura haereticae doctrinae : ut eruaris a muliere aliena et extranea,
quae mollit sermones suos. Sed contra dicitur Is. XXXIII, 19 — populum
impudentem non videbis, scilicet in Catholica Ecclesia, et populum
alti sermonis, ita ut non possis intelligere disertitudinem linguae eius, in
quo nulla est sapientia. Sed quia in Graeco ponitur logos, quod
rationem et sermonem significat, posset convenientius intelligi sapientia
verbi, id est humanae rationis, quia illa quae sunt fidei, humanam rationem
excedunt, secundum illud Eccli. III, 25 — plurima supra sensum hominis
ostensa sunt tibi. Sed contra hoc videtur esse quod multi doctores
Ecclesiae in doctrina fidei sapientia et rationibus humanis et ornatu
verborum sunt usi. Dicit enim Hieronymus in epistola ad magnum oratorem urbis
Romae, quod omnes doctores fidei in ornatu philosophiae doctrinis atque
scientiis suos referserunt libros, ut nescias quid in illis primum admirari
debeas, eruditionem saeculi, an scientiam Scripturarum. Et Augustinus dicit
in quarto de doctrina Christiana : sunt viri ecclesiastici qui divina
eloquia non solum sapienter, sed etiam suaviter tractaverunt. Dicendum
est ergo quod aliud est docere in sapientia verbi quocumque modo
intelligatur, et aliud uti sapientia verbi in docendo. Ille in sapientia
verbi docet qui sapientiam verbi accipit pro principali radice suae
doctrinae, ita scilicet quod ea solum approbet, quae verbi sapientiam
continent : reprobet autem ea quae sapientiam verbi non habent, et hoc fidei
est corruptivum. Utitur autem sapientia verbi, qui suppositis verae fidei
fundamentis, si qua vera in doctrinis philosophorum inveniat, in obsequium
fidei assumit. Unde Augustinus dicit in secundo de doctrina Christiana, quod si
qua philosophi dixerunt fidei nostrae accommoda, non solum formidanda non
sunt, sed ab eis tamquam ab iniustis possessoribus in usum nostrum vindicanda.
Et in IV de doctrina Christiana dicit : cum posita sit in medio facultas
eloquii, quae ad persuadendum seu prava seu recta valent pluribus, cur non
bonorum studio comparetur ut militet veritati, si eam mali in usum
iniquitatis et erroris usurpant. Deinde, cum dicit ut non evacuetur crux
Christi, probat quod dixerat, et primo quidem ex parte materiae, secundo
ex parte ipsorum docentium, ibi videte enim vocationem vestram, et
cetera. Circa primum tria facit. Primo ostendit modum docendi qui est in
sapientia verbi, non esse congruum fidei Christianae; secundo probat quod
supposuerat, ibi verbum enim crucis; tertio probationem manifestat,
ibi quoniam Iudaei signa petunt. |
S. Paul,
après avoir réprouvé la contestation des Corinthiens par une raison tirée du
baptême, l’attaque ici du côté de la doctrine.Car, parmi eux, quelques-uns se
glorifiaient de la doctrine de faux apôtres qui, se servant de paroles
recherchées et de raisonnements d’une sagesse tout humaine, corrompaient la
vérité de la foi. Aussi l’Apôtre établit d’abord que cette méthode n'est pas
en concordance avec la doctrine de la foi, et fait voir ensuite qu’il ne
s’est pas servi parmi eux de cette manière d’enseigner, à ces mots (II, 4) : Et
moi, lorsque je suis venu vers vous, etc. Sur le premier point, il
énumère ce qu’il veut établir ; il développe ensuite sa proposition, à ces
mots (verset 17) : afin de ne pas anéantir... I° Il dit donc d’abord : J’ai dit que Jésus-Christ m’a envoyé
annoncer l’Evangile, non pas pourtant de cette sorte que je le fasse avec
la sagesse de la parole, c’est-à-dire cette sagesse humaine qui fait les
hommes verbeux, en tant que par elle ils usent de beaucoup de vains
raisonnements ; (Ecclésiastique VI, 11) : "La multitude des
paroles n’est pour ceux qui disputent qu’une grande vanité" ;
et (Prov., XIV, 23) : "Où il y a beaucoup de paroles, on trouve
souvent l’indigence." Ou encore, par la sagesse de la parole,
il désigne la rhétorique qui apprend à parler d’une manière fleurie, ce qui
séduit souvent et fait donner son assentiment aux erreurs et aux faussetés ;
de là (Rom., XVI, 18) : "Par des paroles douces et flatteuses ils
séduisent les âmes simples" ; et (Prov., II, 16) il est dit de
la femme adultère, qui est la figure de la doctrine hérétique : "afin
que vous échappiez à la femme adultère, à l’étrangère qui use de paroles
doucereuses." Il est dit, au contraire, au prophète Isaïe (XXXIII,
19) : "Vous ne verrez pas," à savoir dans l’Eglise
catholique, "ce peuple impudent, ce peuple obscur dans ses discours,
dont vous ne pouvez entendre le langage étudié, et qui n’a aucune
sagesse." Mais, comme dans le texte grec se trouve le mot logos,
qui signifie à la fois raison et discours, on pourrait entendre plus convenablement
par « la sagesse de la parole » la raison humaine, parce que les
vérités qui appartiennent à la foi dépassent la portée de cette raison, selon
cette parole de l’Ecclésiastique (III, 25) : "Un grand nombre de
merveilles qui surpassent l’esprit de l’homme sont devant vos yeux." On objecte
qu’un grand nombre de docteurs de l'Eglise, en exposant les choses de la foi,
ont employé la sagesse et les raisonnements humains, et un style orné ; car
S. Jérôme, dans sa Lettre à Magnas, orateur de Rome [ou : dans
une lettre à un grand orateur romain], dit que pour orner la foi tous les
docteurs ont rempli leurs livres de la doctrine philosophique et des
sciences, en sorte que l'on ne sait ce que l’on doit admirer davantage en
eux, de l’érudition profane ou de la science des saintes Ecritures. Et S.
Augustin, au livre IV, ch. V, de la Doctrine chrétienne, dit
que "des écrivains ecclésiastiques ont parlé des choses divines non
seulement avec sagesse, mais encore avec éloquence". Il faut
répondre qu’autre chose est d’enseigner avec la sagesse de la parole, quelque
soit la manière dont on est compris, autre chose de se servir de cette
sagesse pour enseigner. Celui-là enseigne avec la sagesse de la parole qui la
prend pour fondement et source principale de ce que l’on enseigne,
c’est-à-dire de telle sorte qu’on n’approuve que ce qui respire cette
sagesse, et qu’on repousse ce qui en est dépourvu : cela conduit à corrompre
la foi. Mais celui-ci se sert de la sagesse de la parole qui pose d’abord les
fondements de la foi véritable, puis met au service de cette foi ce que l’on
trouve de vrai dans les doctrines des philosophes. Aussi S. Augustin, au II°
livre de la Doctrine
chrétienne, ch. XL, déclare que, "si les philosophes ont
dit quelques vérités conformes à notre foi, non seulement il n’y a pas à s’en
effrayer, mais il faut les revendiquer pour notre usage, comme se trouvant
entre les mains d’injustes usurpateurs". Et au IV° livre de cet
ouvrage, ch. II, il dit : "Chacun pouvant user du talent de la
parole, qui peut servir beaucoup pour persuader des choses justes ou
injustes, pourquoi les gens de bien ne s’appliqueraient-ils pas à l’acquérir
pour rendre service à la vérité, quand les méchants osent en abuser pour les
intérêts de l’erreur et de l'iniquité ?" II° S. Paul ajoute (verset 17) : pour ne pas anéantir la croix de
Jésus-Christ, et prouve ce qu’il vient de dire, d’abord
par la nature des vérités enseignées et par la condition même de ceux qui les
enseignent, à ces mots (verset 26) : Considérez votre vocation, etc. Sur
le premier point, il fait trois choses : il montre d’abord que la méthode
d’enseignement qui ne s’appuie que sur la sagesse de la parole n’est pas
convenable pour la foi chrétienne ; il prouve ensuite ce qu’il avait supposé,
à ces mots (verset 18) : Car la prédication de la croix ; il
développe enfin sa preuve, à ces autres (verset 22) : Car les Juifs
demandent des miracles. |
Circa primum considerandum
est, quod etiam in philosophicis doctrinis non est idem modus conveniens
cuilibet doctrinae. Unde sermones secundum materiam sunt accipiendi, ut
dicitur in primo Ethicorum. Tunc autem maxime modus aliquis docendi est
materiae incongruus, quando per talem modum destruitur id quod est principale
in materia illa, puta si quis in rebus intellectualibus velit metaphoricis
demonstrationibus uti, quae non transcendunt res imaginatas, ad quas non
oportet intelligentem adduci, ut Boetius ostendit in libro de Trinitate.
Principale autem in doctrina fidei Christianae est salus per crucem Christi
facta. Unde, cap. II, 2, dicit non iudicavi me scire aliquid inter vos,
nisi Iesum Christum et hunc crucifixum. Qui autem principaliter innititur
in docendo sapientiam verbi, quantum in se est, evacuat crucem Christi. Ergo
docere in sapientia verbi non est modus conveniens fidei Christianae. Hoc est
ergo quod dicit ut non evacuetur crux Christi, id est, ne si in
sapientia verbi praedicare voluero, tollatur fides de virtute crucis Christi.
Gal. V, 11 — ergo evacuatum est scandalum crucis. Ps. CXXXVI, v. 7 — qui
dicunt, exinanite usque ad fundamentum in ea. |
I. Sur le mode
d’enseigner, il faut remarquer que, même dans les discussions philosophiques,
la même méthode ne convient pas à toute doctrine. Le discours doit donc être
proportionné à la matière, comme il est dit au livre I° de la Morale, III. Or un mode
d’enseignement est opposé surtout à sa matière lorsque par ce mode on
renverse ce que cette matière a de principal, par exemple si, dans les
vérités de pur intellect, on voulait se servir de démonstrations
métaphoriques, arguments qui ne dépassent pas les choses d’imagination,
auxquelles il n’est pas question de conduire l’homme raisonnable, comme Boèce
le fait voir au livre de la
Trinité. Or le principal dans la doctrine de la foi chrétienne,
c’est le salut obtenu par la croix de Jésus-Christ, ce qui fait dire à S.
Paul lui-même, au chapitre suivant (verset 2) : Je n’ai point prétendu
parmi vous savoir autre chose que Jésus-Christ, et Jésus crucifié. Or
celui qui, en enseignant, s’appuie principalement sur la sagesse de la parole,
autant qu’il est en lui, anéantit la croix de Jésus-Christ ; donc,
enseigner avec cette sagesse n’est pas le mode convenable pour la foi
chrétienne ; c’est ce que l’Apôtre dit (verset 17) : de ne pas anéantir la
croix de Jésus-Christ, c’est-à-dire de peur que si dans ma prédication je
veux m’appuyer sur la sagesse de la parole, la foi en la vertu de la croix ne
fût anéantie ; (Gal., V, 11) : "Le scandale de la croix est donc
anéanti" ; et (Psaume CXXXVI, 7) : "Ils s’écrient :
abattez, anéantissez jusqu’à ses fondements." |
Deinde, cum dicit verbum
crucis, etc., probat quod per doctrinam, quae est in sapientia verbi,
crux Christi evacuetur. Et circa hoc duo facit primo inducit probationem;
secundo assignat causam dictorum, ibi scriptum est enim, et cetera. |
II. Lorsqu’il dit
(verset 18) : Car la prédication de la croix, etc., S. Paul
prouve que par la doctrine qui repose sur la sagesse de la parole, la croix
de Jésus-Christ est anéantie, et, sur ces deux propositions, il donne d’abord
sa preuve, et assigne ensuite la cause de ce qu’il a dit, à ces mots (verset
19) : C’est pourquoi il est écrit, etc. |
Dicit ergo primo : ideo dixi
quod si per sapientiam verbi doctrina fidei proponeretur, evacuaretur crux
Christi, verbum enim crucis, id est Annuntiatio crucis Christi,
stultitia est, id est stultum aliquid videtur, pereuntibus quidem,
id est, infidelibus qui se secundum mundum existimant sapientes, eo quod
praedicatio crucis Christi aliquid continet, quod secundum humanam sapientiam
impossibile videtur, puta quod Deus moriatur, quod omnipotens violentorum
manibus subiiciatur. Continet etiam quaedam quae prudentiae huius mundi
contraria videntur, puta quod aliquis non refugiat confusiones, cum possit,
et aliqua huiusmodi. Et ideo Paulo huiusmodi annuntianti dixit Festus, ut
legitur Act. XXVI, 24 — insanis, Paule, multae litterae ad insaniam te
adducunt. Et ipse Paulus dicit infra IV, 10 — nos stulti propter
Christum. Et ne credatur revera verbum crucis stultitiam continere,
subdit his autem qui salvi fiunt, id est nobis, scilicet Christi
fidelibus qui ab eo salvamur, secundum illud Matth. c. I, 21 — ipse enim
salvum faciet populum suum a peccatis eorum, virtus Dei est, quia ipsi in
cruce Christi mortem Dei cognoscunt, qua Diabolum vicit et mundum. Apoc. V, 5
— ecce vicit leo de tribu Iuda. Item virtutem quam in seipsis
experiuntur, dum simul cum Christo vitiis et concupiscentiis moriuntur,
secundum illud Gal. V, 24 — qui Christi sunt, carnem suam crucifixerunt
cum vitiis et concupiscentiis. Unde in Ps. CIX, 2 dicitur virgam
virtutis tuae emittit dominus ex Sion. Lc. VI, 19 — virtus de illo
exibat et sanabat omnes. |
1° Il dit donc : J’ai annoncé que si
l’on proposait avec la sagesse de la parole la doctrine de la foi, la croix
de Jésus-Christ serait anéantie ; car Le langage de la croix,
c’est-à-dire la prédication de la croix de Jésus-Christ, est une folie,
c’est-à-dire est regardée comme quelque chose d’insensé, pour ceux qui
périssent, à savoir pour les infidèles, qui s’estiment sages selon le
monde. La raison en est que la prédication de la croix de Jésus-Christ
contient quelque chose qui, selon la sagesse humaine, paraît impossible : par
exemple qu’un Dieu meure, que le Tout-Puissant se soit soumis à la violence
de ses bourreaux. Elle contient encore quelque chose qui paraît contraire à
la prudence de ce monde, à savoir qu’on ne refuse pas, lorsqu’on le peut, de supporter
les désordres et autres épreuves semblables. Voilà pourquoi, pendant que
l’apôtre S. Paul prêchait devant Festus de semblables vérités, ce gouverneur,
ainsi qu’il est rapporté dans les Actes (XXVI, 24), lui dit : "Paul,
vous êtes en délire : votre grande culture vous a fait perdre le sens" ;
et S. Paul lui-même dit (ci-après, IV, 10) : Nous sommes insensés à cause
de Jésus-Christ. Et, pour que l’on ne croie point que le mystère de la
croix contient réellement quelque chose d’insensé, il ajoute (verset 18) : Mais
pour ceux qui se sauvent, c’est-à-dire pour nous, fidèles
de Jésus-Christ, qui sommes sauvés par Lui (Matthieu I, 21) : "C’est
Lui qui délivrera son peuple de ses péchés," - "elle est la force
de Dieu," parce qu’ils reconnaissent dans cette croix de Jésus la
mort d’un Dieu qui par elle a vaincu le démon et le monde ; (Apoc., V,
5) : "Voici le lion de la tribu de Juda qui a vaincu." Ils y
reconnaissent en même temps la force qu’ils sentent en eux-mêmes, quand, avec
Jésus-Christ, ils meurent aux vices et aux convoitises ; (Gal., V, 24) :
"Ceux qui appartiennent à Jésus-Christ ont crucifié leur chair avec
ses passions et ses désirs déréglés." De là (Pi., CIX, 2) : "Le
Seigneur va faire sortir de Sion le sceptre de votre puissance" ;
et (Luc, VI, 19) : "Une vertu sortait de lui et les guérissait
tous." |
Deinde cum dicit scriptum
est enim, ostendit praedictorum causam, et ponit primo quare verbum crucis
sit hominibus stultitia; secundo ostendit quare ista stultitia sit virtus Dei
his, qui salvantur, ibi nam quia in Dei sapientia, et cetera. Circa primum duo facit.
Primo inducit auctoritatem praenuntiantem quod quaeritur; secundo ostendit
hoc esse impletum, ibi ubi sapiens? Circa primum considerandum
quod id quod est in se bonum, non potest alicui stultum videri, nisi propter
defectum sapientiae. Haec est ergo causa quare verbum crucis quod est
salutiferum credentibus, quibusdam videtur stultitia, quia sunt ipsi
sapientia privati. Et hoc est quod dicit scriptum est enim : perdam
sapientiam sapientium, et prudentiam prudentium reprobabo. Potest autem
hoc sumi ex duobus locis. Nam in Abdia dicitur : perdam sapientiam de
Idumaea, et prudentiam de monte Esau. Expressius autem habetur Is. XXIX,
v. 14 — peribit sapientia a sapientibus, et intellectus prudentium eius
abscondetur. Differunt autem sapientia et prudentia. Nam sapientia est
cognitio divinarum rerum; unde pertinet ad contemplationem, Iob XXVIII, v. 28
— timor Dei ipsa est sapientia; prudentia vero proprie est cognitio
rerum humanarum, unde dicitur Prov. X, 23 — sapientia est viro prudentia,
quia scilicet scientia humanarum rerum prudentia dicitur. Unde et philosophus
VI Ethicorum dicit quod prudentia est recta ratio agibilium, et sic prudentia
ad rationem pertinet. Est autem considerandum quod
homines quantumcumque mali non totaliter donis Dei privantur, nec in eis dona
Dei reprobantur, sed in eis reprobatur et perditur quod ex eorum malitia procedit.
Et ideo non dicit simpliciter perdam sapientiam, quia omnis sapientia
a domino Deo est, ut dicitur Is. XXIX, 14 ss., sed perdam sapientiam
sapientium, id est, quam sapientes huius mundi adinvenerunt sibi contra
veram sapientiam Dei, quia, ut dicitur Iac. III, 15, non est ista
sapientia desursum descendens, sed terrena, animalis, diabolica.
Similiter non dicit reprobabo prudentiam, nam veram prudentiam
sapientia Dei docet, sed dicit prudentiam prudentium, id est, quam
illi qui se prudentes aestimant in rebus mundanis prudentiam reputant ut
scilicet bonis huius mundi inhaereant. Vel quia, ut dicitur Rom. VIII, v. 6, prudentia
carnis mors est. Et sic propter defectum sapientiae reputant impossibile
Deum hominem fieri, mortem pati secundum humanam naturam; propter defectum
autem prudentiae reputant inconveniens fuisse quod homo sustineret crucem,
confusione contempta, ut dicitur Hebr. XII, 2. Deinde cum dicit ubi
sapiens, etc., ostendit esse impletum quod de reprobatione humanae
sapientiae et prudentiae fuerat probatum. Et primo ponit medium sub
interrogatione; secundo conclusionem infert, ibi nonne stultam Deus fecit
sapientiam huius mundi, et cetera. Dicit ergo primo ubi sapiens?
Quasi diceret : non invenitur in congregatione fidelium qui salvatur. Per
sapientem intelligit illum qui secretas naturae causas scrutatur. Is. XIX, 11
— quomodo dicetis Pharaoni : filius sapientium ego? Et hoc refertur ad
gentiles, qui huius mundi sapientiae studebant. Ubi Scriba? Id est
peritus in lege, et hoc refertur ad Iudaeos; quasi diceret : non est in coetu
fidelium. Io. VII, 48 — numquid ex principibus aliquis credidit in eum?
Ubi inquisitor huius saeculi? Qui scilicet per prudentiam exquirit quae
sit convenientia vitae humanae in rebus huius saeculi; quasi dicat : non
invenitur inter fideles, et hoc refertur ad utrosque, scilicet Iudaeos et
gentiles. Baruch c. III, 23 — filii Agar, qui exquisierunt prudentiam quae
de terra est. Videtur autem apostolus hanc
interrogationem sumere ab eo, quod dicitur Is. XXXIII, v. 18 — ubi est
litteratus? Pro quo ponit sapientem. Ubi est verba legis ponderans?
Pro quo ponit Scribam. Ubi est doctor parvulorum? Pro quo ponit inquisitorem
huius saeculi, quia parvuli maxime solent instrui de his, quae pertinent
ad disciplinam moralis vitae. Deinde cum dicit nonne stultam fecit,
etc., infert conclusionem sub interrogatione, quasi dicat : cum illi qui
sapientes mundi reputantur a via salutis defecerint, nonne Deus sapientiam
huius mundi fecit stultam? Id est, demonstravit esse stultam, dum illi
qui hac sapientia pollebant tam stulti inventi sunt ut viam salutis non
acciperent. Ier. X, 14 et LI, 17 — stultus factus est omnis homo a
scientia sua. Is. XLVII, 10 — sapientia tua et scientia tua haec
decepit te. Potest autem et aliter
intelligi quod dictum est, ac si diceret : perdam sapientiam sapientium et
prudentiam prudentium reprobabo, id est eligam eam in primis meis
praedicatoribus, secundum illud Prov. XXX, 1 — visio quam locutus est vir
cum quo est Deus; et infra : stultissimus sum virorum, et sapientia
hominum non est mecum. Ubi sapiens? Quasi dicat : inter praedicatores
fidei non invenitur. Matth. XI, 25 — abscondisti haec a sapientibus et
prudentibus, et revelasti ea parvulis. Nonne Deus stultam fecit, id est
demonstravit, sapientiam huius mundi? Faciendo quod ipsis impossibile
reputabatur, scilicet dictum esse hominem mortuum resurgere, et alia
huiusmodi. |
2° (verset 19) : C’est pourquoi il
est écrit. L’Apôtre donne ici la raison de ce qu’il a avancé, et d’abord
il explique comment la parole de la croix est pour les hommes une folie ; il
montre ensuite comment cette folie est la force de Dieu pour ceux qui sont
sauvés, à ces mots (verset 21) : le monde n’ayant pu connaître la sagesse
de Dieu, etc. 1. Sur le premier de ces points, il cite
d’abord une autorité qui prédit ce qu’il veut établir ; il fait voir ensuite
comment cette prophétie a été accomplie, à ces mots (verset 20) : Où est
le sage ? A) A l’égard de la prophétie, il faut
remarquer que ce qui est bon en soi ne peut paraître dépourvu de sens qu’à
celui qui manque lui-même de sagesse : telle est la raison pour laquelle la
parole de la croix, source de salut pour ceux qui croient, paraît à
quelques-uns une folie : c’est qu’eux-mêmes sont privés de sagesse. Voilà
pourquoi S. Paul dit (verset 19) : C’est pourquoi il est écrit : Je
détruirai la sa gesse des sages et je rejetterai la science des savants.
Or ce passage peut avoir été tiré de deux endroits de l’Ecriture ; car il est
dit dans le prophète Abdias (verset 8) : "Je perdrai les sages de
l’Idumée, et la prudence de la montagne d’Esaü." Mais il se
trouve d’une manière plus expresse dans le prophète Isaïe (XXIX, 14) : "La
sagesse des sages périra, et l’intelligence des docteurs s’obscurcira". Mais
la sagesse et la prudence diffèrent entre elles, car la sagesse est la
connaissance des choses divines, et ainsi elle appartient à la contemplation ;
(Job, XXVIII, 28) : "Craindre Dieu, c’est la sagesse." La
prudence, à proprement parler, est la connaissance des choses humaines ;
(Prov., X, 23) : "La sagesse, c’est pour l’homme la prudence", à
savoir parce qu’on donne le nom de prudence à la science des choses humaines.
C’est pourquoi le Philosophe (Morale,
livre VI) dit que la prudence est la droite raison dans les choses à faire.
La prudence appartient donc à la raison. Or observez que les hommes, quelque
mauvais qu’ils puissent être, ne sont pas privés totalement des dons de Dieu,
et que les dons de Dieu ne sont pas réprouvés en eux ; mais ce qui est en eux
réprouvé et perdu, c’est ce qui provient de leur malice. Voilà pourquoi il
n’est pas dit simplement : Je perdrai la sagesse, car toute sagesse
vient de Dieu, ainsi qu’il est dit dans (Isaïe, XXIX, 14 sv), mais Je
détruirai la sagesse des sages, c’est-à-dire celle que les sages de ce monde
ont inventée pour eux contre la vraie sagesse de Dieu, parce que (Jacques
III, 15) : "Ce n’est pas une sagesse qui vient d’en haut, mais une
sagesse terrestre, animale, diabolique." De même le Prophète ne dit
pas : je rejetterai la science, parce que la sagesse de Dieu
enseigne la science véritable, mais la science des savants, c’est-à-dire
celle que ceux qui se regardent comme savants dans les choses du siècle
appellent science, laquelle les attache aux biens de ce monde ; ou encore
parce que (Rom., VIII, 6) : "L’amour des choses de la chair, c’est la
mort." C’est ainsi que, par leur manque de sagesse, ils estiment
impossible qu’un Dieu se fasse homme et qu’il puisse mourir selon l’humaine
nature ; et, par défaut de science, ils regardent comme hors de toute
convenance que l’Homme se soit soumis au supplice de la croix en méprisant
l’ignominie, comme le dit (Hébr., XII, 2). B) En disant (verset 20) : Où est
le sage ?, l’Apôtre fait voir que la prophétie sur la réprobation de la
sagesse et de la prudence humaine a été accomplie. Et d’abord il énonce, sous
la forme d’une interrogation, la proposition intermédiaire ; en second lieu
il déduit la conclusion, à ces mots (verset 20) : Dieu n’a-t-il pas
convaincu de folie la sa gesse de ce monde, etc. ? a) Il dit donc d’abord : Où est le
sage ? comme s’il disait : ou ne le trouve pas dans l’assemblée des
fidèles qui sont sauvés. Et par sage il entend celui qui approfondit les
causes secrètes de la nature ; (Isaïe XIX, 11) : "Comment
direz-vous à Pharaon : Je suis le fils des sages ?" Ces paroles se
rapportent aux Gentils, qui s’appliquaient à cette sagesse du monde. Où
est le docteur ? c’est-à-dire le docteur de la Loi : ceci se rapporte aux
Juifs comme s’il disait : il n’est pas dans l’assemblée des fidèles ; (Jean
VII, 48) : "Quelqu’un des princes des prêtres et des pharisiens a
t-il cru en lui ?" – Où est le savant de ce siècle ? c’est-à-dire
celui qui, par sa science, cherche ce qui convient à la vie humaine dans les
choses de ce siècle ; comme s’il disait : il ne se rencontre point parmi les
fidèles ; paroles qui se rapportent aux uns et aux autres, soit Juifs soit
Gentils ; (Baruch, III, 23) : "Les enfants d’Agar, qui
recherchent une prudence de la terre." L’Apôtre paraît tirer cette
interrogation de ce qu’on lit au prophète Isaïe (XXXI, 18) : "Où est
le lettré ? pour lequel il met : le sage - "où est celui qui pèse
les paroles de la Loi ?" pour lequel il met : le docteur -
"Où est le maître des petits enfants ?" pour lequel il dit : le
savant du siècle, parce que les petits sont instruits d’ordinaire des
règles de la vie morale. b) Quand il
ajoute (verset 20) : Dieu n’a-t-il pas convaincu de folie, etc.? il
déduit la conclusion sous forme d’interrogation ; comme s’il disait : dès
lors que ceux qui sont regardés comme les sages du monde se sont écartés des
voies du salut, est-ce que Dieu n’a pas convaincu de folie la sagesse de
ce monde ?, comprenez : n’a-t-il pas démontré qu’elle était
insensée, quand ceux qui étaient les premiers dans cette sagesse se sont montrés
tellement dépourvus de sens qu’ils n’ont pas pris la voie du salut ? (Jér.,
X, 14, et LI, 17) : "La science de tous les savants les rend
insensés" et (Isaïe XLVII, 10) : "Votre sagesse et votre
science vous ont séduite." On peut encore entendre autrement ce qui
précède, comme si l’Apôtre disait : je détruirai la sagesse des sages et
je rejetterai la science des savants, c’est-à-dire je la choisirai dans
mes premiers prédicateurs selon cette parole des Proverbes (XXX, 1) : "Vision
qu’a révélée par la parole un homme qui a Dieu avec lui" et à la
suite (verset 2) : "Je suis de moi-même le plus insensé des hommes,
et la sagesse des hommes n’est pas avec moi." – Où est le sage ?
comme s’il disait : on ne le trouve point parmi les prédicateurs de la foi ;
(Matth. XI, 25) : "Vous avez caché ces choses aux sages et aux
prudents, et vous les avez révélées aux petits." - Est-ce que Dieu n’a
pas convaincu de folie, c’est-à-dire n’a pas démontré comme insensé, la
sagesse de ce monde ? en faisant ce qui paraissait à ces sages
impossible, à savoir qu’on prêchât qu’un homme mort était ressuscité, et
d’autres vérités semblables. |
Deinde cum dicit nam quia
in Dei sapientia, etc., assignat rationem quare per praedicationis
stultitiam salventur fideles. Et hoc est quod dictum est, quod verbum crucis
pereuntibus quidem stultitia est, virtus vero salvationis credentibus; nam
placuit Deo per stultitiam praedicationis, id est per praedicationem,
quam humana sapientia stultam reputat, salvos facere credentes; et hoc
ideo, quia mundus, id est mundani, non cognoverunt Deum per sapientiam ex
rebus mundi acceptam, et hoc in Dei sapientia. Divina enim sapientia faciens
mundum, sua iudicia in rebus mundi instruit, secundum illud Eccli. I, 10 — effudit
illam super omnia opera sua; ita quod ipsae creaturae, per sapientiam Dei
factae, se habent ad Dei sapientiam, cuius iudicia gerunt, sicut verba
hominis ad sapientiam eius quam significant. Et sicut discipulus pervenit
ad cognoscendum magistri sapientiam per verba quae ab ipso audit, ita homo
poterat ad cognoscendum Dei sapientiam per creaturas ab ipso factas
inspiciendo pervenire, secundum illud Rom. c. I, 20 — invisibilia Dei per
ea quae facta sunt, intellecta conspiciuntur. Sed homo propter sui cordis
vanitatem a rectitudine divinae cognitionis deviavit. Unde dicitur Io. I, 10
— in mundo erat, et mundus per ipsum factus est, et mundus eum non
cognovit. Et ideo Deus per quaedam alia ad sui cognitionem salutiferam
fideles adduxit, quae in ipsis rationibus creaturarum non inveniuntur, propter
quod a mundanis hominibus, qui solas humanarum rerum considerant rationes,
reputantur stulta. Et huiusmodi sunt fidei documenta. Et est simile, sicut si
aliquis magister considerans sensum suum ab auditoribus non accipi, per verba
quae protulit, studet aliis verbis uti, per quae possit manifestare quae
habet in corde. |
2. (verset 21) : En
effet, le monde, avec sa propre sagesse, etc. , S. Paul assigne ici la
raison pour laquelle les fidèles sont sauvés par la folie de la prédication.
C’est d’ailleurs ce qu’il a dit déjà (verset 18), que La prédication de la
croix est une folie pour ceux qui se perdent; et, pour ceux qui croient, la
force qui les sauve. Car il a plu à Dieu de se servir de la folie de la
prédication, c’est-à-dire de la prédication que la sagesse humaine
regarde comme une folie, pour sauver ceux qui croient, et cela pour
cette raison que le monde, en d’autres termes les partisans du monde, n’ont
pas connu Dieu par la sagesse puisée dans les choses du monde, c’est-à-dire
dans la sagesse de Dieu. Car cette sagesse, en créant le monde, a fait
briller ses jugements dans les choses du monde (Ecclésiastique I, 10) : "Il
a répandu sa sagesse sur toutes ses oeuvres", en sorte que les
créatures mêmes, faites par la sagesse de Dieu, sont, par rapport à cette
sagesse dont elles expriment les jugements, comme les paroles de l’homme
relativement à la sagesse de l’homme qu’elles manifestent. Et de même que le
disciple parvient à connaître la sagesse de son maître par les paroles qu’il
entend de celui-ci, ainsi l’homme pouvait parvenir à connaître la sagesse de
Dieu en considérant les créatures qu’il avait produites, selon cette parole
(Rom., I, 20) : "Les perfections invisibles de Dieu sont devenues
visibles à l’intelligence depuis la création du monde." Mais, par
suite de la vanité de son coeur, l’homme s’est écarté de la rectitude de la
connaissance divine ; c’est de là qu’il est dit (Jean I, 10) : "Il
était dans le monde, et le monde a été fait par Lui, et le monde ne l’a pas
connu." Voilà pourquoi Dieu a amené les fidèles à la salutaire
connaissance de Lui-même par d’autres moyens qui ne se trouvent pas dans des
raisonnements tirés des créatures, et qui, pour ce motif, sont regardés comme
dénués de sagesse par les hommes du siècle, qui ne considèrent que les
raisons des choses humaines. Tels sont les enseignements de la foi. Il en est
de ceci comme d’un maître qui, considérant que les paroles qu’il profère ne
peuvent faire recevoir sa pensée par ses auditeurs, s’applique à en employer
d’autres, afin de pouvoir manifester ce qu’il a dans le coeur. |
Deinde cum dicit quoniam
et Iudaei, etc., manifestat probationem praemissorum, et primo quantum ad
id, quod dixerat : verbum crucis pereuntibus stultitia est. Secundo
quantum ad id quod dixerat : his qui salvi fiunt, virtus Dei est ipsis
autem vocatis, et cetera. |
III. L’Apôtre, en
ajoutant (verset 22) : Car les Juifs, etc., développe la preuve de ce
qu’il a avancé : et d’abord quant à ceci : La prédication de la croix est,
pour ceux qui périssent, une folie ; ensuite quant à ce qu’il a dit
encore : pour ceux qui se sauvent, c’est la force de Dieu pour ceux qui
sont appelés, etc. |
Circa primum duo facit.
Primo ponit pereuntium differens studium et intentionem; secundo ex hoc
rationem assignat eius quod dixerat, ibi nos autem praedicamus Christum.
Pereuntium autem, id est
infidelium, quidam erant Iudaei, quidam gentiles. Dicit ergo : dictum est
quod verbum crucis pereuntibus est stultitia, et hoc ideo quoniam Iudaei
signa petunt. Erant enim Iudaei consueti divinitus instrui, secundum
illud Deut. c. VIII, 5 — erudivit eum et docuit. Quae quidem doctrina
cum esset a Deo per multa mirabilia manifestata, secundum illud Ps. LXXVII, 12
— fecit mirabilia in terra Aegypti, et ideo ab afferentibus quamcumque
doctrinam signa quaerebant, secundum illud Matth. c. XII, 38 — magister,
volumus a te signum aliquod videre. Et in Ps. LXXIII, 9 dicitur : signa
nostra non vidimus. Sed Graeci sapientiam quaerunt, utpote in
studio sapientiae exercitati, sapientiam dico quae per rationes rerum
mundanarum accipitur, de qua dicitur Ier. IX, 23 — non glorietur sapiens
in sapientia. Per Graecos autem omnes gentiles dat intelligere qui a
Graecis mundanam sapientiam acceperunt. Quaerebant igitur sapientiam,
volentes omnem doctrinam eis propositam secundum regulam humanae sapientiae
iudicare. |
1° Sur la première de ces
propositions, il expose d’abord la diversité de sentiment et d’intention de
ceux qui périssent ; il en tire ensuite la raison de ce qu’il avait dit, à
ces mots (verset 23) : Pour nous, nous prêchons Jésus-Christ. 1. Or de ceux qui périssent,
c’est-à-dire de ceux qui ne croient pas, les uns étaient Juifs, les autres
Gentils. Il dit donc : Il a été dit que la prédication de la croix est, pour
ceux qui périssent, une folie, et ce pour la raison que Les Juifs
demandent des miracles. Car les Juifs étaient ordinairement instruits par
Dieu lui-même ; (Deut., VIII, 5) : "Il l’a élevé, il l’a
instruit." Comme Dieu avait lui-même appuyé cet enseignement par un
grand nombre de prodiges (Psaume LXXVII, 12) : "Il a fait éclater ses
prodiges en Egypte," ainsi, à quiconque venait leur apporter quelque
enseignement, ils demandaient des prodiges (Matth., X, 38) : "Maître,
nous voulons voir de vous quelque prodige" ; et (Psaume LXXIII,
9) : "Nous ne voyons plus de miracles." Mais Les Grecs
cherchent la sagesse, parce qu’ils étaient habiles dans cette étude ; je
dis "la sagesse" acquise par les raisonnements des choses
terrestres. De là (Jér., IX, 23) : "Que le sage ne se glorifie point
dans sa sagesse." Par les Grecs, l’Apôtre donne à entendre tous les
Gentils, qui ont reçu des Grecs la sagesse du siècle. Ils cherchaient donc la
sagesse, exigeant que toute doctrine qui leur était proposée fût jugée par
eux selon la règle de la sagesse humaine. |
Deinde concludit quare
verbum crucis sit eis stultitia, dicens nos autem praedicamus Christum
crucifixum, secundum illud infra cap. XI, 26 — mortem domini
annuntiabitis donec veniat. Iudaeis scandalum, quia scilicet desiderabant
virtutem miracula facientem et videbant infirmitatem crucem patientem; nam,
ut dicitur I1 Cor. ultimo : crucifixus est ex infirmitate. Gentibus autem
stultitiam, quia contra rationem humanae sapientiae videtur quod Deus
moriatur et quod homo iustus et sapiens se voluntarie turpissimae morti exponat. |
2. L’Apôtre conclut
ensuite et dit pourquoi la prédication de la foi est pour eux une folie
(verset 23) : Pour nous, nous prêchons Jésus-Christ crucifié, selon ce
qui sera dit plus loin (XI, 26) : Vous annoncerez la mort du Seigneur
jusqu’à ce qu’il vienne. - Ce qui est pour les Juifs un scandale, à
savoir parce qu’ils désiraient une puissance qui fît des miracles, et qu’ils
ne voyaient qu’une faiblesse chargée de la croix ; car (I1 Cor., XIII, 4) : "Il
a été crucifié selon la faiblesse de la chair." C’est pour les
Gentils une folie, parce qu’il paraît contradictoire aux raisonnements de
l’humaine sagesse qu’un Dieu meure et qu’un homme juste et sage s’expose
volontaire ment à une mort pleine d’ignominie. |
Deinde, cum dicit ipsis
autem vocatis, manifestat quod dixerat : his autem qui salvi fiunt,
virtus Dei est. Et primo manifestat hoc; secundo rationem assignat; ibi quia
quod stultum, et cetera. Dicit ergo primo : dictum est quod praedicamus
Christum crucifixum, Iudaeis scandalum et gentibus stultitiam, sed
praedicamus Christum Dei virtutem et Dei sapientiam ipsis vocatis Iudaeis
et Graecis, id est his qui ex Iudaeis et gentibus ad fidem Christi vocati
sunt, qui in cruce Christi recognoscunt Dei virtutem, per quam et Daemones
superantur et peccata remittuntur et homines salvantur. Ps. XX, 14 — exaltare,
domine, in virtute tua. Et hoc dicit contra scandalum Iudaeorum, qui de
infirmitate Christi scandalizabantur et recognoscunt in cruce Dei sapientiam,
inquantum per crucem convenientissimo modo humanum genus liberat. Sap. IX, 19
— per sapientiam sanati sunt quicumque placuerunt tibi a principio.
Dicitur autem Dei virtus et Dei sapientia per quamdam appropriationem. Virtus
quidem, inquantum per eum pater omnia operatur, Io. I, 3 — omnia per ipsum
facta sunt, sapientia vero, inquantum ipsum verbum, quod est filius,
nihil est aliud quam sapientia genita vel concepta. Eccli. c. XXIV, 5 — ego
ex ore altissimi prodii primogenita ante omnem creaturam. Non autem sic
est intelligendum, quod Deus pater sit fortis et sapiens virtute aut
sapientia genita, quia, ut Augustinus probat VI de Trinitate, sequeretur,
quod pater haberet esse a filio, quia hoc est Deo esse, quod fortem et
sapientem esse. |
2° (verset 24) : Mais pour ceux qui
sont appelés, S. Paul développe ce qui précède : Pour ceux qui se
sauvent, il est la force de Dieu. Et d’abord il explique cette parole ;
il en assigne ensuite la raison, à ces mots (verset 25) : Car ce qui
paraît en Dieu une folie, etc. 1. Il dit donc : Il a été dit que nous prêchons
Jésus-Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les Gentils ;
mais nous prêchons Jésus-Christ la force de Dieu et la sagesse de Dieu,
pour ceux qui sont appelés soit d’entre les Juifs, soit d’entre les Grecs,
c’est-à-dire pour ceux qui, parmi les uns ou parmi les autres, ont été
appelés à la foi de Jésus-Christ, et qui dans sa croix reconnaissent la force
de Dieu, par laquelle les démons sont vaincus, les péchés remis et les hommes
sauvés ; (Psaume XX, 14) : "Élève-toi, Seigneur, par ta
puissance." Ces paroles s’appliquent au scandale des Juifs, qui se
scandalisaient de la faiblesse de Jésus-Christ, et reconnaissent aussi dans
la croix la sagesse de Dieu, en tant que par la croix il délivre le genre
humain de la manière la plus convenable ; (Sag., IX, 19) : "C’est
par la sagesse qu’ont été guéris ceux qui vous ont été agréables dès le
commencement." On dit, avec une certaine justesse de termes, "la
force de Dieu et la sagesse de Dieu" : la force d’abord, en tant que le
Père opère par elle toutes choses ; (Jean I, 3) : "Toutes choses
ont été faites par Lui" ; la sagesse, en tant que le Verbe
lui-même, qui est le Fils, n’est autre que la sagesse engendrée ou conçue ;
(Ecclésiastique XXIV, 5) : "Je suis sortie de la bouche du Très-Haut ;
je suis née avant toute créature." Il ne faut pas entendre pourtant
que Dieu le Père soit fort et sage par la force ou la sagesse engendrée,
parce que, ainsi que le prouve S. Augustin (livre VI de la Trinité),
il s’ensuivrait que le Père tiendrait l’être de son Fils ; car, pour Dieu,
être et avoir la force et la sagesse ne sont qu’une seule et même chose. |
Deinde cum dicit quia
quod stultum est Dei, assignat rationem eius quod dixerat, dicens quomodo
id, quod est infirmum et stultum possit esse virtus vel sapientia Dei, quia quod
stultum est Dei sapientius est hominibus, quasi dicat : iam aliquod
divinum videtur esse stultum, non quia deficiat a sapientia, sed quia
superexcedit sapientiam humanam. Homines enim quidam consueverunt stultum
reputare quod eorum sensum excedit. Eccli. III, 25 — plurima super sensum
hominis ostensa sunt tibi. Et quod infirmum est Dei, fortius est hominibus,
quia scilicet non dicitur aliquid infirmum in Deo per defectum virtutis, sed
per excessum humanae virtutis, sicut etiam dicitur invisibilis, inquantum
excedit sensum humanum. Sap. XII, 17 — virtutem ostendis tu qui non
crederis esse in virtute consummatus. Quamvis hoc possit referri ad
incarnationis mysterium : quia id quod reputatur stultum et infirmum in Deo
ex parte naturae assumptae, transcendit omnem sapientiam et virtutem. Ex. XV,
11 — quis similis tui in fortibus, domine? |
2. Enfin, en disant
(verset 25) : Car ce qui paraît en Dieu une folie, l’Apôtre développe
la raison de ce qu’il avait dit, et explique comment ce qui est faiblesse et
folie peut être la force ou la sagesse de Dieu : C’est que ce qui paraît
en Dieu une folie est plus sage que les hommes ; comme s’il disait :
nous avons vu que ce qui est divin paraît folie, non par défaut de sagesse,
mais parce qu’il dépasse la sagesse humaine En effet, les hommes regardent
d'ordinaire comme dépourvu de sens ce qui excède leur compréhension ;
(Ecclésiastique III, 25) : "Un grand nombre de merveilles qui
surpassent l’esprit de l’homme sont devant vos yeux." De même ce
qui est faiblesse en Dieu est plus fort que les hommes ; car l’on ne dit
pas que quelque chose est faible en Dieu par manque de force, mais parce
qu’il dépasse la force de l’homme ; c’est ainsi qu’on l’appelle invisible en
tant qu’il ne peut être atteint par les sens ; (Sag., XII, 17) : "Vous
montrez votre puissance lorsqu’on ne vous croit pas la plénitude de la
force," bien qu’on puisse rapporter ceci au mystère de
l’Incarnation, parce que tout ce qui, en Dieu, est considéré comme faiblesse
et folie du côté de la nature qu’il a prise sur lui, excède toute sagesse et
toute puissance ; (Exode, XV, 11) : "Seigneur, qui est semblable
à vous parmi les forts ?" |
|
|
Lectio 4 |
Leçon 4 : 1 Corinthiens I, 26-31 — Dieu choisi les faibles pour prêcher son Evangile |
|
SOMMAIRE : Qu’il ne faut pas prêcher l’Evangile avec la sagesse du monde, car ce n’est pas sur elle que se sont appuyés les premiers prédicateurs, qui n’ont employé que la sagesse de Dieu connue par Jésus-Christ. |
[26]
videte enim vocationem vestram fratres quia non multi sapientes secundum
carnem non multi potentes non multi nobiles [27] sed
quae stulta sunt mundi elegit Deus ut confundat sapientes et infirma mundi
elegit Deus ut confundat fortia [28] et
ignobilia mundi et contemptibilia elegit Deus et quae non sunt ut ea quae
sunt destrueret [29] ut
non glorietur omnis caro in conspectu eius [30] ex
ipso autem vos estis in Christo Iesu qui factus est sapientia nobis a Deo et
iustitia et sanctificatio et redemptio [31] ut quemadmodum scriptum est qui gloriatur in
Domino glorietur |
26. En effet,
considérez, mes frères, qui sont ceux d’entre vous qui ont été appelés : il y
en a peu de sages selon la chair, peu de puissants et peu de nobles. 27. Mais
Dieu a choisi les moins sages selon le monde pour confondre les sages; il a
choisi les faibles selon le monde pour confondre les puissants; 28. Et il a
choisi les plus vils et les plus méprisables selon le monde, et ce qui
n’était rien, pour détruire ce qui est, 29. Afin
que nul homme ne se glorifie devant lui. 30. C’est
par cette voie que vous êtes établis dans le Christ Jésus, qui nous a été
donné de Dieu pour être nôtre sagesse, notre justice, notre sanctification et
notre rédemption 31. Afin
que, selon qu'il est écrit, celui qui se glorifie, se glorifie dans le
Seigneur. |
[86237] Super 1 Cor., cap. |
S. Paul a
démontré que la méthode d’enseignement qui s’appuie sur la sagesse de la
parole ne convient pas à la doctrine chrétienne en raison de sa matière, qui
est la croix même de Jésus-Christ ; il fait voir ici que ce même mode
d’enseignement ne convient pas davantage à cette doctrine du côté de ceux qui
enseignent, suivant cette parole des Proverbes (XXVI, 7) : "Les
paroles sages sont une dérision dans la bouche d’un insensé" ; et
(Ecclésiastique XX, 22) : "Une parole sage sera réprouvée dans la bouche
de l’insensé." Les premiers prédicateurs de la foi n’étant donc
point sages d’une sagesse selon la chair, il n’était pas convenable à eux
d’enseigner avec la sagesse de la parole. L’Apôtre fait donc ici deux choses :
I° il montre comment
les premiers docteurs de la foi ne furent pas sages d’une sagesse charnelle,
et comment ils manquaient de compétence dans les affaires humaines ; II° il montre comment
ce défaut a été suppléé en eux par Jésus-Christ, à ces mots (verset 30) : C’est
ainsi que vous avez été établis en Jésus-Christ. |
Circa primum tria facit.
Primo excludit a fidei primis doctoribus excellentiam saecularem; secundo
astruit eorum subiectionem quantum ad saeculum, ibi sed quae stulta sunt
mundi; tertio rationem assignat, ibi ut non glorietur. |
I° Sur le premier de ces points, I. il écarte des premiers prédicateurs de la foi la
grandeur selon le siècle ; II. il fait
ressortir leur abaissement par rapport au siècle, à ces mots (verset 27) : Mais
[Dieu a choisi] les moins sages selon le monde ; III. il en assigne la
raison, à ces autres (verset 29) : afin que nul ne se glorifie. |
Dicit ergo primo : dictum
est quod stultum est Dei, sapientius est hominibus, et hoc considerare
potestis in ipsa vestra conversione. Videte enim, id est diligenter
considerate, vocationem vestram, quomodo scilicet vocati estis : non
enim per vos ipsos accessistis, sed ab eo vocati estis. Rom. VIII, v. 30 — quos
praedestinavit, hos et vocavit. I Petr. II, 9 — de tenebris vos
vocavit in admirabile lumen suum. Inducit autem eos ut considerent modum
suae vocationis, quantum ad eos per quos vocati sunt, sicut Is. LI, 2 dicitur
: attendite ad Abraham patrem vestrum, et ad Saram quae genuit vos. A quibus vocationis
ministris primo excludit sapientiam, cum dicit quia non multi, eorum
per quos vocati estis, sapientes secundum carnem, id est in carnali
sapientia et terrena. Iac. III, 15 — non est ista sapientia desursum
descendens, sed terrena, animalis, diabolica. Baruch III, 23 — filii
Agar exquisierunt sapientiam, quae de terra est. Dicit non multi,
quia aliqui pauci erant etiam in sapientia mundana instructi, sicut ipse, et
ut Barnabas, vel Moyses in veteri testamento, de quo dicitur Act. VII, 22,
quod eruditus erat Moyses in omni sapientia Aegyptiorum. Secundo excludit saecularem
potentiam, cum dicit non multi potentes, scilicet secundum saeculum.
Unde et Io. VII, 48 dicitur : numquid aliquis ex principibus credidit in
eum? Et Bar. III, 16 dicitur : ubi sunt principes gentium? Exterminati
sunt, et ad Inferos descenderunt. Tertio excludit excellentiam
generis, cum dicit non multi nobiles. Et aliqui inter eos nobiles
fuerunt, sicut ipse Paulus, qui in civitate Romana se natum dicit, Act. XXII,
25, et Rom. ult. de quibusdam dicit qui sunt nobiles in apostolis. |
I. Il dit donc : Il a
été avancé que ce qui est en Dieu folie est plus sage que les hommes,
et vous pouvez le reconnaître dans votre propre conversion. (verset 26) : En
effet voyez, c’est-à-dire considérez avec attention, votre vocation, en
d’autres termes comment vous avez été appelés ; car vous n'êtes pas venus de
vous-mêmes, c’est lui qui vous a appelés ; (Rom., VIII, 30) : "Ceux
qu’il a prédestinés, il les a appelés" ; et encore (I Pierre,
II, 9) : "Il vous a appelés des ténèbres à son admirable
lumière." L’Apôtre les engage à considérer le mode de leur vocation,
d’abord quant à ceux par lesquels ils ont été appelés ; (Isaïe, LI, 2) :
"Jetez les yeux sur Abraham et Sara, les auteurs de votre race."
De ces premiers ministres de leur vocation, il écarte : 1° la sagesse, en disant (verset 26) :
[Vous trouverez parmi ceux par lesquels vous avez été appelés peu
de sages selon la chair, c’est-à-dire d’une sagesse charnelle et
terrestre ; (Jacques III, 15) : "Ce n’est pas là la sagesse qui
vient d’en haut, mais une sagesse terrestre, animale, diabolique" ;
et (Baruch, III, 23) : "Les enfants d’Agar, qui recherchent une
sagesse de la terre." Il dit : peu de sages, parce qu’il y en
avait cependant quelques-uns qui n’étaient pas étrangers à la sagesse du
monde, comme Paul lui-même et Barnabé, et, dans l’Ancien Testament, Moïse,
qui (Act., VII, 22) : "fut instruit dans toute la science des
Egyptiens." 2° Il en écarte la puissance du siècle
: peu de puissants, à savoir selon le siècle ; de là aussi en S. Jean
(VII, 48) : "Quelqu’un des princes des prêtres a-t-il cru en lui ?"
et (Baruch, III, 16) : "Où sont les princes des nations ?" (verset
19) : "Ils ont été exterminés, ils sont descendus aux enfers." 3° Enfin il en écarte l’excellence de
la race (verset 26) : et peu d’illustres. Toutefois il y en eut parmi
eux quelques-uns, comme Paul lui-même qui, au ch. XXII, 25 des Actes, se dit né
citoyen romain, et qui, au ch. XVI, 7, de l’épître aux Romains, dit de
quelques-uns : "Qu’ils sont d’une naissance illustre." |
Deinde, cum dicit sed
quae stulta sunt, etc., ponit e converso eorum abiectionem quantum ad
mundum, et primo defectum contrarium sapientiae, cum dicit quae stulta
sunt mundi, id est, eos qui secundum mundum stulti videbantur, elegit
Deus ad praedicationis officium, scilicet piscatores illiteratos,
secundum illud Act. IV, 13 — comperto quod homines essent sine litteris et
idiotae, admirabantur. Is. XXXIII, 18 — ubi est litteratus, ubi verba
legis ponderans? Et hoc ut confundat sapientes, id est eos qui de
sapientia mundi confidunt, dum ipsi non cognoverunt quae sunt simplicibus
revelata. Matth. XI, 25 — abscondisti haec a sapientibus et prudentibus,
et revelasti ea parvulis. Is. XIX, 12 — ubi sunt nunc sapientes tui?
Annuntient tibi. Secundo ponit defectum
contrarium potentiae, dicens et infirma mundi, id est homines
impotentes secundum mundum, puta rusticos et plebeios, elegit Deus ad
praedicationis officium. In cuius figura dicitur III Reg. XX, 14 — ego
tradens eos in manu tua per pedissequos principum provinciarum; et Prov.
IX, 3 dicitur quod sapientia misit ancillas ut vocarent ad arcem. In
utrisque autem primorum praedicatorum infirmitas designatur. Et hoc ideo ut
confundat fortia, id est potentes huius mundi. Is. II, 17 — incurvabitur
omnis sublimitas hominum, et humiliabitur altitudo virorum. Tertio ponit defectum
contrarium nobilitati, in quo possunt tria considerari. Primo quidem claritas
generis, quam ipsum nomen nobilitatis designat. Et contra hoc dicit et
ignobilia mundi, id est qui secundum mundum sunt ignobiles. Infra IV, 10
— vos nobiles, nos autem ignobiles. Secundo, circa nobilitatem
considerantur honor et reverentia quae talibus exhibentur, et contra hoc
dicit et contemptibilia, id est homines contemptibiles in hoc mundo
elegit Deus ad praedicationis officium, secundum illud Ps. LXXVIII, 4 — facti
sumus opprobrium vicinis nostris, et his qui in circuitu nostro sunt. Tertio, in nobilitate
consideratur magna opinio quam homines de eis habent. Et contra hoc dicit et
ea quae non sunt, id est quae non videntur esse in saeculo, elegit Deus
ad praedicationis officium. Iob XXX, 2 — quorum virtus manuum erat mihi
pro nihilo, et vita ipsa putabantur indigni. Et hoc ideo ut destrueret
ea quae sunt, id est eos qui in hoc mundo aliquid esse videntur. Is.
XXIII, v. 9 — dominus exercituum cogitavit hoc, ut detraheret superbiam
omnis gloriae, et ad ignominiam deduceret universos inclytos terrae. |
II. (verset 27) : Mais
Dieu a choisi les moins sages, etc. L’Apôtre met ici en opposition leur
abjection par rapport au monde : 1° et d’abord le défaut contraire à la
sagesse : les moins sages selon le inonde, en d’autres termes ceux qui
selon le monde paraissaient insensés, Dieu les a choisis pour l’office
de prédicateurs, c’est-à-dire des pêcheurs illettrés ; (Act., IV,
13) : "Sachant qu’ils étaient des hommes sans lettres et ignorants,
les Juifs s’en étonnaient" ; (Isaïe XXXIII, 18) : "Où
est le lettré ? où est celui qui fait son étude de la Loi ?" - et
cela afin de confondre les sages, c’est-à-dire ceux qui mettaient leur
confiance dans la sagesse du monde, tandis qu’ils n’ont pas connu eux-mêmes
ce qui fut révélé aux simples ; (Matth., XI, 25) : "Vous avez
caché ces choses aux sages et aux prudents, et vous les avez révélées aux
petits" ; (Isaïe XIX, 12) : "Où sont maintenant
vos sages ? qu’ils vous disent l’avenir !" 2° Paul marque ce qui leur manque du
côté de la puissance, en disant : et les faibles selon le monde, c’est-à-dire
des hommes sans puissance selon le monde, par exemple de la campagne et de
basse extraction, Dieu les a choisis pour l’office de prédicateur ; ce
qui était figuré par ce qu’on lit au III° livre des Rois (XX, 14) : "Je
vous livrerai cette multitude entre les mains par les valets des princes des
provinces" ; et (Prov., IX, 3) : La sagesse "a envoyé
ses serviteurs, elle a appelé du lieu le plus élevé de la ville." On
voit dans ces deux passages la faiblesse des premiers prédicateurs. C’était pour
confondre les forts, c’est-à-dire les puissants de ce monde ;
(Isaïe, II, 17) : "Toute grandeur humaine sera humiliée, tout orgueil
sera abattu." 3° Enfin l’Apôtre indique ce qui leur
manque du côté de la noblesse. L’on peut considérer dans la noblesse trois
aspects : 1. l’illustration de la famille
désignée par le nom même de noblesse ; sur ce point, il dit (verset 28) : Il
a choisi les plus vils, c’est-à-dire ceux qui sont vils selon le monde ;
(ci-après, IV, 10) : Vous êtes honorés, nous sommes méprisés. 2. L’honneur et le
respect qu’on rend à ceux qui sont nobles ; sur ce point il dit (verset 28) :
et les plus méprisables, c’est-à-dire Dieu a choisi pour le travail de
la prédication des hommes méprisables selon le monde ; (Psaume LXXVIII, 4)
: "Nous sommes devenus un sujet d’opprobre à nos voisins et pour ceux
qui sont autour de nous." 3. Enfin la haute opinion que les gens
ont de la noblesse ; de cette opinion il dit : et ce qui n’était rien,
c’est-à-dire qui n’était pas aperçu dans le monde, Dieu l’a choisi pour le
ministère de la parole ; (Job, XXX, 2) : "Ceux dont la force et
le travail des mains était pour nous moins que rien et qui étaient regardés
comme indignes de vivre" ; et cela afin de détruire ce qui
est, c’est-à-dire ceux qui dans le monde paraissaient être quelque chose ;
(Isaïe, XXIII, 9) : "Le Seigneur des armées a résolu de renverser
toute la gloire des superbes, et de faire tomber dans l’ignominie tous ceux
qui paraissaient dans le monde avec éclat." |
Deinde assignat causam
dictorum dicens : ideo non elegit in saeculo excellentes sed abiectos, ut
non glorietur omnis caro, etc., id est ut nullus pro quacumque carnis
excellentia glorietur per comparationem ad dominum. Ier. IX, 23 — non
glorietur sapiens in sapientia sua, et non glorietur fortis in fortitudine
sua et non glorietur dives in divitiis suis. Ex hoc enim quod Deus mundum
suae fidei subiecit, non per sublimes in mundo, sive in saeculo, sed per
abiectos, non potest gloriari homo quod per aliquam carnalem excellentiam
salvatus sit mundus. Videretur autem non esse a Deo excellentia mundana, si
Deus ea non uteretur ad suum obsequium. Et ideo in principio quidem paucos,
postremo vero plures saeculariter excellentes Deus elegit ad praedicationis
officium. Unde in Glossa dicitur, quod nisi fideliter praecederet
piscator, non humiliter sequeretur orator. Et etiam ad gloriam Dei
pertinet, dum per abiectos sublimes in saeculo ad se trahit. |
III. L’Apôtre assigne
ensuite la cause de ce qu’il vient de dire, en ajoutant : S’il n’a pas choisi
dans le monde ceux qui y étaient distingués, mais ceux qui étaient méprisés,
c’est (verset 29) : afin que nul homme ne se glorifie, etc., c’est-à-dire
afin que nul, pour quelque excellence selon la chair, ne se glorifie en se
comparant avec le Seigneur ; (Jér., IX, 23) : "Que le sage ne se
glorifie point de sa sagesse, et que le fort ne se glorifie point de sa
force, et que le riche ne se glorifie point dans ses richesses." Car
de ce que Dieu a soumis le monde à sa foi, non par ceux qui étaient élevés
dans le monde ou dans le siècle, mais par ceux qui étaient méprisés, il
s’ensuit que l’homme ne peut se glorifier, comme si le monde avait été sauvé
par quelque excellence selon la chair. Cependant l’excellence du monde ne
paraîtrait pas venir de Dieu si Dieu lui-même ne s’en servait pas pour se
faire rendre hommage. Voilà pourquoi, dans les commencements, Dieu a choisi
d’abord quelques hommes et ensuite un grand nombre, parmi ceux qui étaient
distingués selon le siècle, pour prêcher la foi. Aussi la Glose dit-elle : Si
le pêcheur ne précédait avec fidélité, l’orateur ne suivrait pas avec
humilité ; et il appartient aussi à la gloire de Dieu d’attirer à Lui,
par ceux qui sont méprisés, ceux qui sont élevés dans le siècle. |
Deinde cum dicit ex ipso
autem vos estis, ne praedicatores fidei tamquam non excellentes, sed
abiecti in saeculo contemnerentur, ostendit quomodo Deus praedictum defectum
in eis supplet. |
II° Quand S. Paul dit (verset 30) : C’est par là que vous êtes établis
en Jésus-Christ, il montre comment Dieu, pour
empêcher que les prédicateurs de la foi ne soient méprisés comme gens abjects
et sans distinction dans le siècle, a suppléé en eux ce qui leur manquait. |
Et circa hoc tria facit.
Primo ostendit cui sit attribuenda salus mundi, quae praedicatorum ministerio
facta est, dicens : dictum est quod vocati estis non per excellentes sed per
abiectos in saeculo, ex quo patet quod vestra conversio non est homini
attribuenda sed Deo. Et hoc est quod dicit ex ipso autem, id est ex
virtute Dei, vocati estis in Christo Iesu, id est ei iuncti et
incorporati per gratiam. Eph. II, v. 10 — ipsius enim factura sumus,
creati in Christo Iesu in operibus bonis. |
I. A cet effet, il
fait voir d’abord à qui il faut attribuer le salut du monde, qui a été
produit par le ministère des prédicateurs. Il a été établi, dit-il, que vous
avez été appelés non par ceux qui étaient distingués dans le siècle, mais par
ceux qui y étaient méprisés ; il est donc évident que votre conversion n’est
pas l’oeuvre de l’homme, mais l’oeuvre de Dieu. C’est ce que dit l’Apôtre
(verset 30) : C’est donc par Lui, c’est-à-dire par la force de Dieu, que
vous avez été établis en Notre Seigneur Jésus-Christ, c’est-à-dire que
vous êtes unis à Lui et ne faites plus qu’un corps avec Lui par la grâce ;
(Ephés., II, 10) : "Nous sommes son ouvrage, créés en Jésus-Christpour
accomplir de bonnes oeuvres." |
Deinde ostendit quomodo Deus
praedictos defectus in praedicatoribus suis supplet per Christum. Et primo
quantum ad defectum sapientiae, cum dicit qui, scilicet Christus, factus
est nobis praedicantibus fidem, et, per nos, omnibus fidelibus, sapientia,
quia ei inhaerendo, qui est Dei sapientia, et participando ipsum per gratiam,
sapientes facti sumus. Et hoc a Deo, qui nobis Christum dedit et nos ad ipsum
traxit, secundum illud Io. VI, 44 — nemo potest venire ad me, nisi pater,
qui me misit, traxerit eum. Deut. c. IV, 6 — haec est vestra sapientia
et intellectus coram populis. Secundo quantum ad defectum
potentiae, dicit et iustitia, quae propter sui fortitudinem thoraci
comparatur Sap. V, 19 — induet pro thorace iustitiam. Dicitur autem
Christus nobis factus iustitia, inquantum per eius fidem iustificamur,
secundum illud Rom. III, v. 22 — iustitia autem Dei per fidem Christi Iesu.
Tertio quantum ad defectum
nobilitatis subdit et sanctificatio, et redemptio. Sanctificamur enim
per Christum, inquantum per eum Deo coniungimur, in quo consistit vera
nobilitas, secundum illud I Reg. II, 30 — quicumque honorificaverit me,
glorificabo eum, qui autem contemnunt me, erunt ignobiles. Unde dicitur
Hebr. ult. : Iesus ut sanctificaret per suum sanguinem populum, extra
portam passus est. Factus est autem nobis redemptio, inquantum per
ipsum redempti sumus de servitute peccati, in quo vere ignobilitas consistit.
Unde in Ps. XXX, 6 dicitur : redemisti me, Deus veritatis. |
II. Ensuite il fait
voir que Dieu supplée par Jésus-Christ ce qui manque aux prédicateurs de la
foi : 1° et d’abord le manque de sagesse, lequel,
à savoir Jésus-Christ (verset 30), est devenu pour nous qui prêchons
la foi, et par nous pour tous les fidèles, la sagesse, parce
qu’en nous unissant à Lui, qui est la sagesse de Dieu, et en participant à
Lui par la grâce, nous sommes devenus sages, et cela grâce à Dieu qui nous a
donné Jésus-Christ et nous a attirés à Lui ; (Jean VI, 44) : "Nul
ne peut venir à moi si le Père qui m’a envoyé ne l’attire" ; et
(Deut., IV, 6) : "Telles seront votre sagesse et votre intelligence
devant les peuples." 2° Le manque de puissance (verset 30) :
et notre justice, qui, à cause de sa force, est comparée à la cuirasse ;
(Sag., V, 19) : "Il prendra la justice pour cuirasse." Or il
est dit que Jésus-Christ nous a été donné comme notre justice, parce que
c’est en sa foi que nous sommes justifiés ; (Rom., III, 22) : "la
justice de Dieu par la foi en Jésus-Christ." 3° Enfin le manque de noblesse (verset
30) : notre sanctification et notre rédemption. Nous sommes, en effet,
sanctifiés par Jésus-Christ, en tant que par lui nous sommes unis à Dieu, et
c’est en quoi consiste la véritable noblesse, suivant cette parole du 1er
livre des Rois (II, 30) : "Je glorifierai celui qui m’aura glorifié,
et ceux qui me méprisent seront couverts d’ignominie." De là cette
parole (Hébr., XIII, 12) : "C’est pourquoi Jésus, afin de sanctifier
le peuple par son propre sang, a souffert sa passion hors de la ville."
Il est de venu notre rédemption, en tant que par Lui nous avons été rachetés
de la servitude du péché qui constitue la véritable bassesse. C’est de là
encore qu’il est dit (Psaume XXX, 6) : "Vous m’avez racheté, Dieu de
vérité !" |
Tertio assignat dictorum causam, cum dicit ut
quemadmodum scriptum est, Ier. IX, 23 s., qui autem gloriatur, in
domino glorietur; ubi nostra littera habet : in hoc glorietur scire et
nosse me. Dicit enim : si salus hominis non provenit ex aliqua
excellentia humana, sed ex sola virtute divina, non debetur homini gloria,
sed Deo, secundum illud Ps. CXIII, 1 — non nobis, domine, non nobis, sed
nomini tuo da gloriam. Eccli. ult. : danti mihi sapientiam, dabo
gloriam. |
III. Enfin S. Paul donne
la raison de ce qui précède (verset 31) : afin que, selon qu’il est écrit
(Jér., IX, 24) : "celui qui se glorifie ne se glorifie que dans le
Seigneur." Notre Vulgate porte en cet en droit (verset 24) : "[Que
celui qui se glorifie], se glorifie de me connaître et de savoir que je suis
le Seigneur." Si, dit l’Apôtre, le salut de l’homme ne procède point
de quelque excellence humaine, mais uniquement de la force de Dieu, la gloire
n’est pas due à l’homme, mais à Dieu, selon cette parole (Psaume CXIII, 1) : "Faites
éclater votre gloire, non pas pour nous, Seigneur, mais pour votre nom" ;
et (Ecclésiastique LI, 3) : "A celui qui me donne la sagesse je
rendrai la gloire". |
|
|
Caput 2 |
CHAPITRE II — SAGESSE DE DIEU, FOLIE POUR LE MONDE |
|
|
Lectio 1 |
Leçon 1 : 1 Corinthiens II, 1-7 — Prêcher la mystérieuse Sagesse de Dieu |
|
SOMMAIRE : Que l’Apôtre n’a pas été envoyé pour prêcher l’Evangile avec les recherches et la sagesse de la parole humaine, bien qu’il sache annoncer la sagesse aux parfaits ; parmi eux il n’a voulu savoir autre chose que Jésus-Christ. |
[1] et ego cum venissem ad vos fratres veni non per
sublimitatem sermonis aut sapientiae adnuntians vobis testimonium Christi [2] non enim iudicavi scire me aliquid inter vos nisi Iesum
Christum et hunc crucifixum [3] et ego in infirmitate et timore et tremore multo fui apud
vos [4] et sermo meus et praedicatio mea non in persuasibilibus
sapientiae verbis sed in ostensione Spiritus et virtutis [5] ut fides vestra non sit in sapientia hominum sed in
virtute Dei [6] sapientiam autem loquimur inter perfectos sapientiam vero
non huius saeculi neque principum huius saeculi qui destruuntur [7] sed
loquimur Dei sapientiam in mysterio quae abscondita est quam praedestinavit
Deus ante saecula in gloriam nostram |
1. Pour
moi, mes frères, lorsque je suis venu vers vous pour vous annoncer l'Evangile
du Christ, je ne suis point venu avec les discours élevés de l'éloquence et
de la sagesse ; 2. Car j’ai
fait profession de ne savoir autre chose parmi vous que le Christ, et le
Christ crucifié. 3. Et tant
que j’étais parmi vous, j’y ai toujours été dans un état de faiblesse, de
crainte et de tremblement ; 4. Et je
n'ai point employé en vous parlant et en vous prêchant les discours
persuasifs de la sagesse humaine, mais les effets sensibles de l’Esprit et de
la vertu, 5. Afin que
votre foi ne repose point sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de
Dieu. 6. Nous
prêchons néanmoins la sagesse parmi les parfaits, non la sagesse de ce monde
ni des princes de ce monde qui se détruisent ; 7. Mais
nous prêchons la sagesse de Dieu, sagesse mystérieuse et cachée, qu'il avait
prédestinée avant tous les siècles pour notre gloire. |
[86238] Super 1 Cor., cap. 2 l. 1 Postquam apostolus ostendit
quis sit conveniens modus doctrinae Christianae, hic ostendit se illum modum
observasse. Et circa hoc tria facit : primo ostendit se non fuisse usum apud
eos aliqua excellentia saeculari; secundo ostendit apud quos excellentia
spirituali utatur, ibi sapientiam autem loquimur inter perfectos,
etc., tertio rationem assignat, ibi quae etiam loquimur, et cetera. Circa primum tria facit. Primo dicit quod non
ostendit apud eos excellentiam saecularis sapientiae; secundo quod non
praetendit excellentiam potentiae saecularis, ibi et ego in infirmitate;
tertio non praetendit excellentiam eloquentiae, ibi et sermo meus. Circa primum duo facit. Primo proponit quod
intendit; secundo rationem assignat, ibi non enim iudicavi. Dicit ergo primo : quia dictum est quod Christus
misit me evangelizare non in sapientia verbi, et quod non sunt multi
sapientes, et ego, fratres, quamvis sapientiam saecularem habeam,
secundum illud I1 Cor. XI, 6 — et si imperitus sermone, sed non scientia,
cum venissem ad vos, convertendos ad Christum, ut habetur Act. XVIII, 1, veni
annuntians vobis testimonium Christi, secundum illud Act. IV, 33 — virtute
magna reddebant apostoli testimonium resurrectionis domini nostri Iesu
Christi, et hoc non in sublimitate sermonis aut sapientiae.
Attenditur autem sublimitas sapientiae in consideratione aliquorum sublimium
et elevatorum supra rationem et sensum hominum. Eccli. XXIV, 7 — ego in
altissimis habitavi. Sublimitas autem sermonis potest referri vel ad
verba significantia sapientiae conceptiones, secundum illud Eccle. ult. : verba
sapientium quasi stimuli, et quasi clavi in altum defixi, vel ad modum
ratiocinandi per aliquas subtiles vias. Nam in Graeco habetur logos, quod et
verbum et rationem significat, ut Hieronymus dicit. Hoc autem dicit
apostolus, quia fidem Christi per huiusmodi sublimitates sermonis aut
sapientiae confirmare nolebat. I Reg. II, 3 — nolite multiplicare sublimia.
Deinde huius rationem assignat, dicens non
enim iudicavi me scire aliquid, nisi Christum Iesum. Non enim ad hoc opus erat
ut sapientiam ostentaret sed ut demonstraret virtutem, secundum illud I1 Cor.
IV, 5 — non enim praedicamus nosmetipsos, sed Iesum Christum. Et ideo
solum utebatur his quae ad demonstrandam virtutem Christi pertinebant,
existimans se ac si nihil sciret quam Iesum Christum. Ier. IX, 24 — in hoc
glorietur qui gloriatur, scire et nosse me. In Christo autem Iesu, ut
dicitur Col. II, 3, sunt omnes thesauri sapientiae et scientiae Dei absconditi,
et quantum ad plenitudinem deitatis et quantum ad plenitudinem sapientiae et
gratiae, et etiam quantum ad profundas incarnationis rationes, quae tamen
apostolus eis non annuntiavit sed solum ea quae erant manifestiora et inferiora
in Christo Iesu. Et ideo subdit et hunc crucifixum, quasi dicat : sic
vobis me exhibui ac si nihil aliud scirem quam crucem Christi. Unde Gal. ult.
dicit : mihi absit gloriari, nisi in cruce domini nostri Iesu Christi.
Quia igitur per sapientiam verbi evacuatur crux Christi, ut dictum est ideo
ipse apostolus non venerat in sublimitate sermonis aut sapientiae. Deinde cum dicit et ego in infirmitate,
etc., ostendit quod non praetenderit apud eos potentiam, sed potius
contrarium et foris et intus. Unde quantum ad id quod foris est dicit et
ego fui apud vos in infirmitate, id est tribulationes apud vos patiens. Gal. IV, 13 — scitis
quia per infirmitatem carnis evangelizavi vobis iampridem. Ps. XV, 4 — multiplicatae
sunt infirmitates eorum. Quantum vero ad id quod intus est, dicit et
timore, scilicet de Deinde cum dicit et sermo meus, ostendit
quod non praetenderit apud eos excellentiam eloquentiae : et circa hoc tria
facit. Primo excludit indebitum modum praedicandi, dicens et sermo meus,
quo scilicet privatim et singulariter aliquos instruebam, Eph. IV, v. 29 — omnis
sermo malus ex ore vestro non procedat, sed si quis bonus est ad
aedificationem fidei; et praedicatio mea, qua scilicet publice docebam, non
fuit in verbis persuasibilibus humanae sapientiae, id est per rhetoricam,
quae componit ad persuadendum. Ut scilicet supra dixit quod non fuit
intentionis quod sua praedicatio niteretur philosophicis rationibus, ita nunc
dicit non fuisse suae intentionis niti rhetoricis persuasionibus. Is. c.
XXXIII, 19 — populum impudentem non videbis, populum alti sermonis, ita ut
non possis intelligere disertitudinem linguae eius, in quo nulla est
sapientia. Secundo ostendit debitum modum quo usus fuit in
praedicando, dicens : sermo meus fuit in ostensione spiritus et virtutis,
quod quidem potest intelligi dupliciter. Uno modo quantum ad hoc
quod credentibus praedicationi eius dabatur spiritus sanctus, secundum illud
Act. X, 44 —
adhuc loquente Petro verba haec, cecidit spiritus sanctus super omnes qui
audiebant verbum. Similiter
etiam suam praedicationem confirmabat, faciendo virtutes, id est miracula,
secundum illud Marc. c. ultimo : sermonem confirmante sequentibus signis.
Unde Gal. III, 5 — qui tribuit vobis spiritum, et operatur in vobis.
Alio modo potest intelligi quantum ad hoc quod ipse per spiritum loquebatur,
quod sublimitas et affluentia doctrinae ostendit. II Reg. c. XXIII, 2 — spiritus
domini locutus est per me. Et I1 Cor. IV, 13 — habentes eumdem
spiritum fidei credimus, propter quod et loquimur. Confirmat etiam suam
praedicationem, ostendendo in sua conversatione multa opera virtuosa. I Thess. II, 10 — vos
enim testes estis, et Deus, quam sancte et iuste sine querela vobis qui
credidistis, affuimus. Tertio assignat rationem dictorum, dicens ut
fides vestra non sit in sapientia hominum, id est non innitatur
sapientiae humanae, quae plerumque decipit homines, secundum illud Is. XLVII,
10 — sapientia tua et scientia tua haec decepit te. Sed in virtute Dei,
ut scilicet virtuti divinae fides innitatur, et sic non possit deficere. Deinde cum dicit sapientiam loquimur,
etc., ostendit apud quos excellentia spiritualis sapientiae utatur. Et primo
proponit quod intendit; secundo manifestat propositum, ibi sapientiam vero.
Dicit ergo : apud vos solum Christum crucifixum
praedicavi, sapientiam autem, id est profundam doctrinam, loquimur
inter perfectos. Dicuntur autem aliqui
perfecti dupliciter : uno modo, secundum intellectum; alio modo secundum
voluntatem. Haec enim inter potentias animae sunt propria hominis, et ideo
secundum eas oportet hominis perfectionem considerari. Dicuntur autem
perfecti intellectu illi, quorum mens elevata est super omnia carnalia et
sensibilia, qui spiritualia et intelligibilia capere possunt, de quibus
dicitur Hebr. c. V, 14 — perfectorum est solidus cibus, eorum qui per consuetudinem
exercitatos habent sensus ad discretionem mali et boni. Perfecti autem secundum voluntatem sunt, quorum voluntas super omnia
temporalia elevata soli Deo inhaeret et eius praeceptis. Unde Matth. V, 48,
praepositis dilectionis mandatis, subditur : estote perfecti sicut et
pater vester caelestis perfectus est. Quia igitur doctrina
fidei ad hoc ordinatur, ut fides per dilectionem operetur, ut habetur Gal. V,
6, necesse est eum qui in doctrina fidei instruitur, non solum secundum
intellectum bene disponi ad capiendum et credendum sed etiam secundum
voluntatem et affectum bene disponi ad diligendum et operandum. Deinde cum dicit sapientiam vero, etc.,
exponit qualis sit sapientia de qua mentionem fecit. Et primo ponit
expositionem; secundo rationem expositionis confirmat, ibi quam nemo
principum, et cetera. Circa primum duo facit. Primo exponit qualis sit
ista sapientia per comparationem ad infideles; secundo, per comparationem ad
fideles, ibi sed loquimur Dei sapientiam, et cetera. Dicit ergo primo : dictum est quod sapientiam loquimur inter
perfectos. Sapientiam vero dico, non huius saeculi, id est de
rebus saecularibus, vel quae est per rationes humanas; neque eam principum
huius saeculi. Et sic separat eam a sapientia mundana, et quantum ad modum
et materiam inquirendi, et quantum ad auctores, qui sunt principes huius
saeculi; quod potest intelligi de triplici genere principum, secundum
triplicem sapientiam humanam. Primo possunt dici principes huius saeculi reges et potentes
saeculares, secundum illud Ps. II, 2 — principes convenerunt in unum
adversus dominum et adversus Christum eius. A quibus principibus venit
sapientia humanarum legum, per quas res huius mundi in vita humana
dispensantur. Secundo possunt dici principes Daemones. Io. XIV, 30 — venit
princeps mundi huius, et in me non habet quicquam, et cetera. Et ab his
principibus venit sapientia culturae Daemonum, scilicet necromantia, et
magicae artes, et huiusmodi. Tertio possunt intelligi principes huius saeculi
philosophi, qui quasi principes se exhibuerunt hominibus in docendo, de
quibus dicitur Is. XIX, v. 11 — stulti principes Thaneos, sapientes
consiliarii Pharaonis. Et ab his principibus processit tota humana
philosophia. Horum autem principum homines destruuntur per mortem et per amissionem
potestatis et auctoritatis : Daemones vero non per mortem, sed per amissionem
potestatis et auctoritatis, secundum illud Io. XII, 31 — nunc princeps
huius mundi eicietur foras; de hominibus autem dicitur Bar. III, 16 — ubi
sunt principes gentium? Et postea subdit : exterminati sunt et ad
Inferos descenderunt. Sicut ipsi non sunt stabiles, ita et eorum
sapientia non potest esse firma : et ideo non ei innitendum est. Deinde cum dicit sed loquimur, etc.,
exponit qualis sit sapientia per comparationem ad fideles. Et primo describit eam quantum ad materiam vel
auctoritatem, cum dicit sed loquimur Dei sapientiam, id est quae est
Deus et a Deo. Quamvis enim omnis sapientia a Deo sit, ut dicitur Eccli. I,
1, tamen speciali quodam modo haec sapientia, quae est de Deo, est etiam a
Deo per revelationem, secundum illud Sap. IX, 17 — sensum autem tuum quis
sciet, nisi tu dederis sapientiam et miseris spiritum tuum de altissimis?
Secundo ostendit qualitatem eius, dicens in
mysterio, quae abscondita est; haec enim sapientia abscondita est ab
hominibus, inquantum hominis intellectum excedit, secundum illud Eccli. III,
25 — plurima supra sensum hominis ostensa sunt tibi. Unde dicitur Iob
c. XXVIII, 21 — abscondita est ab oculis omnium viventium. Et quia
modus docendi et doctrinae debet esse conveniens, ideo dicitur quod loquitur
eam in mysterio, id est in aliquo occulto, vel verbo vel signo. Infra
XIV, 2 — spiritus loquitur mysteria. Tertio ostendit fructum huius sapientiae, dicens quam
Deus praedestinavit, id est praeparavit, in gloriam nostram, id
est praedicatorum fidei, quibus ex praedicatione tam altae sapientiae gloria
magna debetur, et apud Deum, et apud homines. Prov. III, 35 — gloriam
sapientes possidebunt. Et quod dicit in gloriam nostram,
exponendum est omnium fidelium, quorum gloria haec est ut in plena luce
cognoscant ea quae nunc in mysterio praedicantur, secundum illud Io. c. XVII,
3 — haec est vita aeterna ut cognoscant te solum Deum verum, et quem
misisti Iesum Christum. |
Saint Paul,
après avoir dit quel est le mode convenable à l’enseignement chrétien, fait
voir qu’il a lui-même suivi ce mode. I° Il établit qu’il ne s’est prévalu parmi eux d’aucun
avantage du siècle ; II° il montre
près de qui il se sert des avantages selon l’esprit, à ces mots (verset 6) : Nous
prêchons néanmoins la sagesse aux parfaits, etc. ; III° il en donne la
raison, à ces autres (verset 13) : et ces dons, nous les annoncerons, etc.
. I° Sur le premier de ces points l’Apôtre dit : I. qu’il ne fait pas
ostentation parmi eux des avantages de la sagesse mondaine ; II. qu’il ne se prévaut
pas de la puissance selon le siècle, à ces mots (verset 3) : Et j’ai été
au milieu de vous dans un état de faiblesse ; III. qu’il n’emploie pas l’avantage de l’éloquence, à ces
autres (verset 4) : Mes discours, etc." I. En ce qui regarde
la sagesse, 1° il énonce
ce qu’il veut établir ; 2° il le
prouve, à ces mots (verset 2) : Car je n’ai pas prétendu savoir. 1° Il reprend donc : J’ai dit que
Jésus-Christ m’a envoyé pour annoncer l’Evangile non avec la sagesse de la
parole, et qu’il y a peu de sages ainsi envoyés (verset 1) : Pour moi, mes
frères, bien que je possède la sagesse mondaine (I1 Cor., XI, 6) : "Et
si je suis inhabile par la parole, il n’en est pas de même pour la
science," – lorsque je suis venu vers vous pour vous convertir à
Jésus-Christ, ainsi qu’il est rapporté au ch. XVIII, 1, des Actes : "Je
suis venu vous annonçant le témoignage de Jésus-Christ," selon cette
parole tirée également des Actes (IV, 33) : "Les apôtres rendaient
témoignage avec une grande force à la résurrection de J.-C. N.-S."
et Je ne suis point venu avec l’éclat d’une éloquence et d’une sagesse
humaines. Or on reconnaît la sublimité de la sagesse dans les
développements de quelques vérités sublimes et élevées au-dessus de la raison
et des sens des hommes (Ecclésiastique XXIV, 7) : "J’ai habité dans
les lieux très hauts", mais la sublimité des discours peut
s’entendre ou des paroles qui expriment les conceptions de la sagesse
(Ecclésiastique XIX, 15) : "Les paroles des sages sont comme des
aiguillons et comme des clous fixés profondément", ou bien de la
méthode de raisonnement par quelques déductions subtiles, car il y a dans le terme
grec logos, ce qui indique et la parole et la raison, comme le
remarque Saint Jérôme. L’Apôtre parle ainsi parce qu’il ne voulait pas défendre
la foi de Jésus-Christ par ces sortes de sublimités de la sa gesse ou du
discours ; (I Rois, II, 3) : "Gardez-vous de multiplier les
paroles pleines d’orgueil." 2° Il donne la raison de ce qu’il
vient de dire, en ces termes (verset 2) : Car je n’ai pas prétendu parmi
vous savoir autre chose que Jésus-Christ. Pour cela, en effet, il n’était
pas besoin que l’Apôtre fît ostentation de sagesse, mais qu’il donnât des
preuves de puissance (I1 Cor., IV, 5) : "Car nous ne nous prêchons
pas nous-mêmes, mais nous prêchons Jésus-Christ." Voilà pourquoi il
n’employait que ce qui pouvait manifester la puissance de Jésus-Christ, se
regardant comme s’il ne savait rien d’autre que Jésus-Christ ; (Jér.,
IX, 24) : "Que celui qui se glorifie, se glorifie de me connaître et
de savoir que je suis le Seigneur." Or en Jésus-Christ (Colos., II,
3) : "Sont renfermés tous les trésors de la sagesse et de la science de
Dieu," et quant à la plénitude de la divinité, quant à la plénitude
de la sagesse et de la grâce, et même quant aux raisons profondes de
l’Incarnation, ce que pourtant ne leur annonçait pas l’Apôtre, qui s’en tint
à ce qui était plus manifeste et plus humble dans Notre Seigneur
Jésus-Christ. Aussi ajoute t-il : et Jésus crucifié, comme s’il disait
: je me suis présenté à vous comme ne sachant rien autre chose que la croix
de Jésus-Christ ; (Gal., VI, 14) : "Pour moi, à Dieu ne plaise
que je me glorifie en autre chose que dans la croix de Jésus-Christ Notre
Seigneur ! Ainsi donc, parce que la sagesse de la parole humaine
anéantissait la croix de Jésus-Christ, l’Apôtre, d’après ce qui précède, n’était
pas venu avec l’éclat de l’éloquence ou de la sagesse. II. En ajoutant (verset
3) : Et j’ai été au milieu de vous dans un état de faiblesse, saint
Paul fait voir qu’au milieu d’eux il ne s’est pas appuyé sur la puissance,
mais plutôt extérieurement et intérieurement sur tout ce qui lui est opposé. 1° Et d’abord pour l’extérieur (verset
3) : Et j’ai été au milieu de vous dans un état de faiblesse,
c’est-à-dire supportant parmi vous les tribulations (Gal., 1V, 13) : "Vous
savez que je vous ai autrefois prêché l’Evangile parmi les infirmités de la
chair" ; (Psaume XV, 4) : "Ils ont multiplié leurs
infirmités." 2° Quant à l’intérieur, il ajoute : et
de crainte, à savoir des maux qui étaient prêchés, et de tremblement,
c’est-à-dire en tant que la crainte intérieure réagit sur le corps ; (I1
Cor., VII, 5) : "Combats au dehors, frayeurs au dedans." III. (verset 4) : Mon
discours, l’Apôtre fait voir ici qu’il ne s’est pas prévalu de l’avantage
de l’éloquence. Sur ce point, il fait trois choses : 1° il réprouve ce mode, qui ne
convient pas à l’enseignement, en disant (verset 4) : Mon discours, à
savoir par lequel j’instruisais quelques personnes en particulier et
séparément ; (Ephés., IV, 29) : "Que nul mauvais discours ne
sorte de votre bouche, et qu’il n’en sorte que de bons et de propres à
nourrir la foi″ - et ma prédication, par laquelle j’enseignais.
publiquement, n’ont pas consisté dans les paroles persuasives de la
sagesse humaine, c’est-à-dire dans l’emploi de la rhétorique, qui se sert
d’artifices pour persuader, en sorte que, comme il a dit plus haut qu’il n’a
pas eu l’intention d’appuyer sa prédication sur les raisonnements philosophiques,
il dit maintenant qu’il n’a pas été dans son intention de s’appuyer sur les
moyens persuasifs de la rhétorique ; (Isaïe XXXIII, 19) : "Vous
ne verrez plus ce peuple orgueilleux, ce peuple obscur dans ses discours,
dont vous ne pourrez entendre le langage étudié, et qui n’a aucune
sagesse." 2° Il montre le mode légitime qu’il a
suivi en prêchant, en disant (verset 4) : Mes discours ont consisté dans
les preuves sensibles de l’es prit et de 3° Il donne la raison de ce qui
précède, en disant (verset 5) : afin que votre foi ne soit pas établie sur
la sagesse des hommes, c’est-à-dire ne s’appuie point sur la sagesse
humaine, qui, le plus souvent, trompe les hommes, selon cette parole d’Isaïe
(XLVII, 10) : "Votre sagesse et votre science, voilà ce qui vous a
séduites" - mais sur la puissance de Dieu, c’est-à-dire de façon que
votre foi repose sur la puissance divine, et qu’ainsi elle ne puisse
défaillir ; (Rom., I, 16) : "Je ne rougis point de l’Evangile,
parce qu’il est la vertu de Dieu pour sauver tous ceux qui croient." II° En disant (verset 6) : Nous prêchons maintenant la sagesse, etc., l’Apôtre
désigne ceux auprès desquels il se sert des avantages de la sagesse
spirituelle. I. Il énonce
ce qu’il veut établir; II. il
développe sa proposition, à ces mots (verset 6) : non la sagesse de ce
monde. I. Il dit donc : Je
n’ai prêché pour vous que Jésus crucifié ; mais la sagesse,
c’est-à-dire la doctrine profonde, nous la prêchons au milieu des
parfaits. On peut être appelé parfait dans deux sens différents : d’abord
quant à l’intelligence, ensuite quant à la volonté ; car, parmi les
puissances de l’âme, celles-ci sont propres à l’homme, et, par conséquent,
c’est d’après elles qu’on doit considérer dans l’homme la perfection. Or on
peut appeler parfaits quant à l’intelligence, ceux dont l’esprit est
élevé au-dessus des choses charnelles et sensibles, parce que ces hommes sont
susceptibles de comprendre les choses spirituelles et intellectuelles. De
ceux-ci il est dit (Hébr., V, 14) : "La nourriture solide est pour
les parfaits, pour ceux dont l’esprit, par un long exercice, s’est accoutumé
à discerner le bien et le mal." Ceux-là sont parfaits selon la
volonté, en qui cette faculté, élevée au-dessus de toutes les choses temporelles,
n’adhère qu’à Dieu et à ses préceptes. Aussi (Matthieu V, 48), après avoir
établi les préceptes de l’amour, le Sauveur ajoute t-il : "Soyez donc
parfaits comme votre Père céleste est parfait." L’enseignement de la
foi étant donc ordonné pour faire agir la foi par la charité, ainsi qu’il est
dit au ch. V, 6 de l’épître aux Galates, il est nécessaire que celui qu’on
instruit dans la doctrine de la foi soit non seulement disposé quant à
l’intelligence à recevoir la vérité et à croire, mais encore, quant à sa
volonté et à l’affection, à aimer et à bien agir. II. Lorsqu’il ajoute
(verset 7) : mais nous prêchons la sagesse de Dieu, etc… l’Apôtre
explique quelle est la sagesse dont il a parlé. Et d’abord il donne son
explication. Il en déduit ensuite la raison, à ces mots (verset 8) : qu’aucun
des princes de monde, etc… Il expose donc, dans son explication, quelle
est cette sagesse, par comparaison avec ceux qui n’ont pas la foi, et
en second lieu par comparaison avec les fidèles, à ces mots : Mais nous
prêchons la sagesse de Dieu, etc… 1° Il dit donc : Il a été dit que nous
prêchons la sagesse aux parfaits ; je dis la sagesse non pas de ce monde,
c’est-à-dire des choses du siècle, ou celle qui s’établit par des
raisonnements humains, ni celle des princes de ce monde,
séparant de cette manière la sagesse qu’il prêche de la sagesse du monde, et
quant au mode d’en rechercher l’objet et quant aux auteurs, qui sont les
princes de ce siècle ; ce qui peut être entendu de trois espèces de princes,
suivant les trois espèces de sagesse humaine. A) On peut donc en- tendre par princes de ce siècle les
rois et les puissants du siècle, selon cette parole du Psalmiste (II, 2) : "Les
princes se sont ligués contre le Seigneur et contre son Christ."
C’est de ces princes que procède la sagesse des lois humaines qui règlent les
choses de cette vie. B) En second lieu, les démons ;
(Jean XIV, 30) : "Le prince de ce monde est venu, et il n’y a en moi
rien qui lui appartienne, etc…" De ces princes vient la sagesse du
culte des démons, c’est-à-dire la nécromancie, la magie et autres pratiques
semblables. C) Enfin par princes du siècle on peut
entendre par princes de ce siècle les philosophes, qui se sont montrés aux
hommes comme les princes de l’enseignement, et dont il est dit (Isaïe, XIX,
11) : "Les princes de Tanis ont perdu le sens, ces sages conseillers
de Pharaon…" C’est de ces princes qu’est sortie toute la philosophie
humaine. Or, parmi ces princes, les humains tombent par la mort, par la perte
de la puissance et de l’autorité ; les démons, eux, ne périssent pas par la
mort, ils perdent l’autorité et la puissance, suivant cette parole (Jean XII,
31) : "Maintenant le prince de ce monde sera chassé" ;
et quant aux hommes (Baruch, III, 16) : "Où sont les princes des
nations ?" et peu après : "Ils ont été exterminés ; ils sont
descendus dans les enfers." De même donc qu’ils sont eux-mêmes sans stabilité,
leur sagesse ne peut être solide : voilà pourquoi il ne faut pas s’appuyer
sur elle. 2° L’Apôtre continue (verset 7) : Mais
nous prêchons, etc…, expliquant quelle est cette sagesse par rapport à
ceux qui croient. A) Et d’abord il la décrit quant à son
objet ou son autorité, en disant (verset 7) : Mais nous prêchons la
sagesse de Dieu, c’est-à-dire qui est Dieu et vient de Dieu. Car, bien
que toute sagesse vienne de Dieu comme le dit l’Ecclésiastique I, 1,
cependant cette sagesse, qui est de Dieu par une disposition particulière,
vient aussi de Lui par la révélation (Sag., IX, 17) : "Qui saura
votre pensée, Seigneur, si vous ne donnez la sagesse et si vous n’envoyez pas
votre Esprit d’en haut ?" B) Ensuite il en montre l’excellence
(verset 7) : mystérieuse et cachée. Car cette sagesse est cachée pour
les hommes, dont elle surpasse l’intelligence ; (Ecclésiastique III, 25)
: "Un grand nombre de merveilles qui surpassent l’esprit de l’homme
sont devant ses yeux." De là (Job, XXVIII, 21) : "Elle est cachée
aux yeux de tous les êtres vivants". Et, parce que le mode
d’enseignement et la doctrine doivent être en rapport, l’Apôtre ajoute
(verset 7) qu’il a prêché cette sagesse dans son mystère, c’est-à-dire
comme placée sous le voile qui la cache, parole ou signe ; (plus bas,
XIV, 2) : C’est par l’Esprit qu’il révèle les mystères. C) Enfin il en indique les fruits,
quand il dit (verset 7) : que Dieu, avant tous les siècles, avait
prédestinée, c’est-à-dire préparée, pour notre gloire, à savoir
celle des prédicateurs de la foi, à qui une grande gloire est due et devant
Dieu et devant les hommes, en raison de la prédication d’une si haute sagesse ;
(Prov., III, 35) : "Les sages posséderont la gloire en
héritage." Ce que dit l’Apôtre : pour notre gloire, peut s’appliquer
à tous les fidèles, dont la gloire consiste à connaître dans une complète
lumière ce qui est maintenant prêché dans le mystère, selon cette parole de saint
Jean (XVII, 3) : "Et c’est la vie éternelle de vous connaître, vous
le seul Dieu véritable, et Jésus-Christ que vous avez envoyé." |
|
|
Lectio 2 |
Leçon 2 : 1 Corinthiens II, 8-12 — Sagesse cachée au monde |
|
SOMMAIRE : Que Dieu a caché sa sagesse aux princes de ce siècle, et qu’il l’a révélée par son Esprit à ses apôtres. |
8. quam nemo
principum huius saeculi cognovit : si enim cognovissent, numquam Dominum
gloriae crucifixissent. 9. Sed
sicut scriptum est : « Quod oculus non vidit, nec auris audivit, nec in
cor hominis ascendit, quae praeparavit Deus iis, qui diligunt illum : 10. nobis
autem revelavit Deus per spiritum suum : Spiritus enim omnia scrutatur, etiam
profunda Dei. 11. Quis
enim hominum scit quae sunt hominis, nisi spiritus hominis, qui in ipso
est ? ita et quae Dei sunt, nemo cognovit, nisi Spiritus Dei. 12. Nos
autem non spiritum huius mundi accepimus, sed<Spiritum, qui ex Deo est, ut
sciamus quae a Deo donata sunt nobis. |
8. Que nul
des princes de ce monde n’a connue; car s’ils l’eussent connue, ils n’eussent
jamais crucifié le Seigneur de la gloire; 9. Et de
laquelle il est écrit que l’oeil n’a pas vu, l’oreille n’a pas entendu et le
coeur de l’homme n’a jamais conçu ce que Dieu a préparé pour ceux qui
l’aiment. 10. Mais
pour nous, Dieu nous l’a révélée par son Esprit, parce que l’Esprit pénètre
tout, jusqu’aux secrets les plus profonds de Dieu. 11. Car qui
des hommes connaît ce qui est dans l’homme, sinon l’esprit de l’homme qui est
en lui? Ainsi nul ne connaît ce qui est en Dieu que l’Esprit de Dieu. 12. Or nous
n’avons pas reçu l’esprit du monde, mais l’Esprit de Dieu, afin que nous
connaissions les dons que Dieu nous a faits. |
[86239] Super 1 Cor.,
cap. Dicit ergo primo : dictum est quod sapientia quam
loquimur non est principum huius saeculi, haec enim sapientia est, quam
nemo principum huius saeculi cognovit, quod verum est, de quibuscumque
principibus intelligatur. Saeculares enim principes hanc sapientiam non cognoverunt,
quia excedit rationem humani regiminis. Iob XII, 24 — qui immutat cor
principum populi terrae, et decipit eos, ut frustra incedant per invium.
Philosophi etiam eam non cognoverunt, quia excedit rationem humanam. Unde
dicitur Bar. c. III, 23 — exquisitores prudentiae et scientiae viam
sapientiae nescierunt. Daemones etiam eam non cognoscunt, quia excedit
omnem creatam sapientiam. Unde dicitur Iob XXVIII, 21 — volucres caeli
quoque latent. Perditio et mors dixerunt : auribus nostris audivimus famam eius.
Deinde cum dicit si enim cognovissent,
etc., probat quod dixerat, et primo quidem probat per signum quod non
cognoverunt principes Dei sapientiam, secundum quod est in se abscondita.
Secundo probat per auctoritatem, quod non cognoverunt eam, secundum quod
praeparata est in gloriam nostram, ibi sicut scriptum est. Dicit ergo primo : recte dico, quod principes
huius saeculi Dei sapientiam non cognoverunt, si enim cognovissent Dei
sapientiam, cognovissent utique Christum esse Deum, qui in hac sapientia continetur,
quo cognito, numquam crucifixissent Deum gloriae, id est, ipsum
Christum dominum dantem gloriam suis, secundum illud Ps. XXIII, v. 10 — dominus
virtutum ipse est rex gloriae; et Hebr. II, 10 — qui multos filios in
gloriam adduxerat. Cum enim creaturae rationali sit naturaliter
appetibilis gloria, non potest in voluntatem humanam cadere, quod auctorem
gloriae interimat. Quod autem principes crucifixerunt Iesum Christum, certum
est, si intelligatur de principibus qui potestatem habent inter homines.
Dicitur enim in Ps. II, 2 — astiterunt reges terrae, et principes
convenerunt in unum adversus dominum, et adversus Christum eius, quod
Act. IV, 27 exponitur de Herode et Pilato, et principibus Iudaeorum qui
consenserunt in mortem Christi. Sed etiam Daemones
operati sunt in mortem Christi, persuadendo, secundum illud Io. XIII, 2 — cum
Diabolus iam misisset in cor ut eum traderet, et cetera. Sed et
Pharisaei, et Scribae in lege periti, qui studium sapientiae dabant, operati
sunt ad mortem Christi instigando et approbando. Sed circa hoc duplex oritur dubitatio, quarum
prima est de hoc quod dicit Deum gloriae crucifixum. Non enim divinitas
Christi aliquid pati potuit, secundum quam dicitur Christus dominus gloriae. Sed dicendum quod Christus est una persona et
hypostasis in utraque natura consistens, divina scilicet et humana. Unde
potest utriusque naturae nomine designari, et quocumque nomine significetur,
potest praedicari de eo id quod est utriusque naturae, quia utrique non
supponitur nisi una hypostasis. Et per hunc modum possumus dicere quod homo
creavit stellas, et quod dominus gloriae est crucifixus, et tamen non creavit
stellas secundum quod homo, sed secundum quod Deus, nec est crucifixus
secundum quod est Deus, sed inquantum homo. Unde ex hoc verbo destruitur
error Nestorii, qui dixerat unam naturam esse in Christo, Dei et hominis,
quia secundum hoc nullo modo posset verificari quod dominus gloriae sit
crucifixus. Secunda dubitatio est de hoc quod videtur
supponere, quod principes Iudaeorum vel Daemones non cognoverunt Christum
esse Deum. Et quidem, quantum ad principes Iudaeorum, videtur hoc astrui per
hoc quod dicit Petrus, Act. III, 17 — scio quia per ignorantiam hoc
feceritis, sicut et principes vestri. Videtur autem esse contrarium quod
dicitur Matth. XXI, 38 — agricolae videntes filium, dixerunt intra se :
hic est haeres, venite, occidamus eum; quod exponens Chrysostomus dicit :
manifeste dominus probat his verbis Iudaeorum principes non per
ignorantiam, sed per invidiam Dei filium crucifixisse. Solvitur in Glossa
quod sciebant, principes Iudaeorum, eum esse qui promissus erat in
lege, non tamen mysterium eius quod filius Dei erat, neque sciebant
sacramentum incarnationis et redemptionis. Sed contra hoc esse videtur
quod Chrysostomus dicit quod cognoverunt eum esse filium Dei. Dicendum est ergo quod principes Iudaeorum pro
certo sciebant eum esse Christum promissum in lege, quod populus ignorabat.
Ipsum autem esse verum filium Dei non pro certo sciebant, sed aliqualiter
coniecturabant; sed haec coniecturalis cognitio obscurabatur in eis ex
invidia et ex cupiditate propriae gloriae, quam per excellentiam Christi
minui videbant. Similiter etiam videtur esse de Daemonibus dubitatio. Dicitur
enim Mc. I, 23 ss. et Lc. IV, 34, quod Daemonium clamavit, dicens : scio quod
sis sanctus Dei. Et ne hoc praesumptioni Daemonum ascribatur, qui se
iactabant scire quod nesciebant, eorum notitia quam habebant de Christo per
ipsos Evangelistas asseritur. In Marco quidem sic scribitur : non sinebat
ea loqui, scilicet Daemonia, quoniam sciebant eum Christum esse.
Et Lucas dicit : increpans non sinebat ea loqui quia sciebant eum esse
Christum. Et ad hoc respondetur in libro de quaestionibus
novi et veteris testamenti, quod Daemonia sciebant ipsum esse, qui per legem
fuit repromissus, quia omnia signa videbant in eo quae dixerunt prophetae,
mysterium autem divinitatis eius ignorabant. Sed contra hoc videtur esse quod
Athanasius dicit, quod Daemonia dicebant Christum esse sanctum Dei, quasi
singulariter sanctum : ipse enim naturaliter est sanctus cuius participatione
omnes alii sancti vocantur. Dicendum est autem quod, sicut Chrysostomus
dicit, non habebant adventus Dei firmam et certam notitiam, sed quasdam
coniecturas. Unde Augustinus dicit in IX de civitate Dei quod innotuit
Daemonibus, non per id quod est vita aeterna, sed per quaedam temporalia
sua virtute effecta. Deinde cum dicit sed sicut scriptum est,
probat per auctoritatem quod principes huius saeculi Dei sapientiam non
cognoverunt, quantum ad hoc quod praedestinata est in gloriam fidelium,
dicens : sed sicut scriptum est Is. LXIV, 4, ubi littera nostra habet :
oculus non vidit, Deus, absque te, quae praeparasti his qui diligunt te.
Ostenditur autem illa gloria visionis aperte ab hominibus ignorari dupliciter.
Primo quidem quod non subiacet humanis sensibus,
a quibus omnis humana cognitio initium sumit. Et ponit duos sensus. Primo
visionis quae deservit inventioni, cum dicit quod oculus non vidit,
Iob XXVIII, 7 — semitam eius ignoravit avis, nec intuitus est eam oculus
vulturis. Et hoc ideo, quia non est aliquid coloratum et visibile.
Secundo ponit sensum auditus, qui deservit disciplinae, dicens nec auris
audivit, scilicet ipsam gloriam, quia non est sonus aut vox sensibilis.
Io. V, v. 37 — neque speciem eius vidistis, neque vocem eius audistis.
Deinde excludit notitiam eius intellectualem, cum
dicit neque in cor hominis ascendit. Quod quidem potest intelligi :
uno modo ut ascendere in cor hominis dicatur quidquid quocumque modo
cognoscitur ab homine, secundum illud Ier. LI, v. 50 — Ierusalem ascendat
super cor vestrum : et sic oporteat, quod cor hominis accipiatur pro
corde hominis carnalis, secundum illud quod dicitur infra III, 3 — cum
sint inter vos zelus et contentio, nonne carnales estis, et secundum hominem
ambulatis? Est ergo sensus quod illa gloria non solum sensu non
percipitur, sed nec corde hominis carnalis, secundum illud Io. XIV, 17 — quem
mundus non potest accipere, quia non videt eum, nec scit eum. Alio modo potest exponi secundum quod proprie
dicitur in cor hominis ascendere id quod ab inferiori pervenit ad hominis
intellectum, puta a sensibilibus, de quibus prius fecerat mentionem. Res enim
sunt in intellectu secundum modum eius; res igitur inferiores sunt in
intellectu altiori modo quam in seipsis. Et ideo quando ab intellectu
capiuntur, quodammodo in cor ascendunt. Unde dicitur Is. LXV, 17
— non erunt in memoria priora, nec ascendent super cor. Illa vero quae
sunt in intellectu superiora, altiori modo sunt in seipsis quam in intellectu.
Et ideo quando
ab intellectu capiuntur, quodammodo descendunt. Iac. I, v. 17 — omne donum
perfectum desursum est descendens a patre luminum. Quia igitur illius gloriae notitia non accipitur
a sensibilibus, sed ex revelatione divina, ideo signanter dicit nec in cor
hominis ascendit, sed descendit, id scilicet quod praeparavit Deus,
id est, praedestinavit, diligentibus se, quia essentiale praemium
aeternae gloriae charitati debetur, secundum illud Io. c. XIV, 21 — si
quis diligit me diligetur a patre meo, et ego diligam eum et manifestabo ei
meipsum, in quo perfectio aeternae gloriae consistit; et Iob XXXVI, 33 — annuntiat
de ea, id est de luce gloriae, amico suo quod possessio eius sit.
Caeterae autem virtutes accipiunt efficaciam merendi vitam aeternam, inquantum
informantur charitate. Deinde cum dicit nobis autem, etc., probat
praedictam expositionem de sapientia divina per comparationem ad fideles. Et
primo proponit quod intendit; secundo probat propositum, ibi spiritus enim.
Dicit ergo primo : dictum est quod sapientiam Dei
nemo principum huius saeculi cognovit, nobis autem Deus revelavit per
spiritum suum, quem scilicet nobis misit, secundum illud Io. XIV, 26 — Paracletus
autem spiritus sanctus, quem mittet pater in nomine meo, ille vos docebit omnia,
Iob c. XXXII, 8 — inspiratio omnipotentis dat intelligentiam. Quia
enim spiritus sanctus est spiritus veritatis, utpote a filio procedens, qui
est veritas patris, his quibus mittitur inspirat veritatem, sicut et filius a
patre missus notificat patrem, secundum illud Matth. XI, 27 — nemo novit
patrem nisi filius, et cui voluerit filius revelare. Deinde cum dicit spiritus enim, probat
quod dixerat, scilicet quod per spiritum sanctum sit sapientia fidelibus
revelata. Et primo ostendit quod spiritus sanctus ad hoc sit efficax; secundo
probat quod hoc in discipulis Christi fecerat, ibi nos autem. Circa primum duo facit. Primo proponit quod
intendit; secundo manifestat propositum, ibi quis enim scit hominum,
et cetera. Dicit ergo primo : dictum est quod per spiritum
sanctum revelavit nobis Deus suam sapientiam, et hoc fieri potuit : spiritus
enim sanctus omnia scrutatur. Quod non est sic intelligendum,
quasi inquirendo quomodo fiant, sed quia perfecte et etiam intima quarumlibet
rerum novit, sicut homo quod aliquando diligenter scrutatur. Unde dicitur
Sap. VII, 22 s. quod spiritus intelligentiae sanctus est, omnia
prospiciens, et qui capiat omnes spiritus intelligibiles, mundos, subtiles,
et non solum res creatas, sed etiam profunda Dei perfecte cognoscit. Dicuntur
autem profunda ea quae in ipso latent, et non ea quae de ipso per creaturas
cognoscuntur, quae quasi superficie tenus videntur esse, secundum illud Sap.
XIII, 5 — a magnitudine speciei et creaturae cognoscibiliter poterit
creator eorum videri. Deinde, cum dicit quis enim scit hominum,
probat quod dixerat de spiritu Dei per similitudinem humani spiritus, dicens quis
enim scit hominum ea quae sunt hominis, id est, ea quae latent in corde, nisi
spiritus hominis, qui in eo est, id est, intellectus? Et ideo quae
interius latent, videri non possunt. Signanter autem dicit quis hominum, ne ab
horum cognitione etiam Deus videatur excludi; dicitur enim Ier. XVII, 9 — pravum
est cor hominis, et quis cognoscet illud? Ego Deus probans corda et scrutans
renes, quia scilicet secretorum cordis solus Deus est cognitor. Manifesta autem est ratio quare homo ea quae in
corde alterius latent scire non potest, quia cognitio hominis a sensu
accipitur, et ideo ea quae sunt in corde alterius, homo cognoscere non
potest, nisi quatenus per signa sensibilia manifestantur, secundum illud I
Reg. XVI, 7 — homo videt quae foris patent, Deus autem intuetur cor.
Sed nec Angelus bonus, nec malus ea quae in corde hominis latent scire
potest, nisi inquantum per aliquos effectus manifestantur, cuius ratio accipi
potest ex ipso verbo apostoli, qui dicit ea ratione spiritum hominis
cognoscere quae in corde hominis latent quia in ipso homine est; Angelus
autem, neque bonus neque malus, illabitur menti humanae, ut in ipso corde
hominis sit et intrinsecus operetur, sed hoc solius Dei proprium est. Unde
solus Deus est conscius secretorum cordis hominis, secundum illud Iob XVI, 20
— ecce in caelo testis meus, et in excelsis conscius meus. Secundo similitudinem adaptat ad spiritum Dei,
dicens ita et quae Dei sunt, id est, quae in ipso Deo latent, nemo
cognoscit, nisi spiritus Dei, secundum illud Iob c. XXXVI, 26 — ecce
Deus magnus vincens scientiam nostram. Sed sicut ea quae sunt in corde unius hominis
alteri manifestantur per sensibilia signa, ita ea quae sunt Dei possunt esse
nota homini per sensibiles effectus, secundum illud Sap. XIII, 5 — a
magnitudine speciei et creaturae, et cetera. Sed spiritus sanctus, qui
est in ipso Deo, utpote patri et filio consubstantialis, secreta divinitatis per
seipsum videt, secundum illud Sap. VII, 22 — est enim in illa,
scilicet Dei sapientia, et spiritus intelligentiae sanctus, omnem
habens virtutem, omnia prospiciens. Deinde, cum dicit nos autem, etc.,
ostendit quomodo cognitio spiritus sancti percipiatur, dicens : licet nullus
hominum per se possit scire quae sunt Dei, nos autem, spiritu sancto
scilicet repleti, non accepimus spiritum huius mundi, sed spiritum qui a
Deo est. Nomine autem spiritus vis quaedam vitalis et
cognitiva et motiva intelligitur. Spiritus ergo huius mundi potest dici
sapientia huius mundi, et amor mundi, quo impellitur homo ad agendum ea quae
mundi sunt; hunc autem spiritum sancti apostoli non receperunt, mundum
abiicientes et contemnentes, sed receperunt spiritum sanctum, quo corda eorum
illuminata sunt et inflammata ad amorem Dei, secundum illud Io. XIV, 26 — Paracletus
autem spiritus sanctus, quem mittet pater in nomine meo, etc., et Num.
XIV, 24 — servum meum Caleb, qui plenus est alio spiritu, et secutus est
me, introducam in terram hanc. Spiritus autem huius mundi errare facit,
secundum illud Is. XIX, 3 — dirumpetur spiritus Aegypti in visceribus
eius, et consilium eius praecipitabo. Ex divino autem spiritu eius
consecuti sumus, ut sciamus quae a Deo data sunt nobis, ut sciamus de
rebus divinis quantum unicuique Deus donavit : quia, sicut dicitur Eph. IV,
7, unicuique data est gratia secundum mensuram donationis Christi. Vel potest intelligi spiritum Dei donatum
sanctis, ut dona spiritualia cognoscant, quae, non habentes eumdem spiritum
ignorant, secundum illud Apoc. II, 17 — vincenti dabo manna absconditum,
quod nemo scit, nisi qui accipit. Ex hoc autem accipi potest, quod sicut nemo
novit patrem nisi filius, et cui voluerit filius revelare, ut dicitur
Matth. XI, 27 — ita nemo novit quae sunt Dei patris et filii, nisi spiritus
sanctus et qui ipsum acceperunt : et hoc ideo, quia sicut filius
consubstantialis est patri, ita spiritus sanctus patri et filio. |
Après avoir
expliqué en quoi consiste la sagesse qu’il prêche parmi les parfaits,
l’Apôtre donne la raison de son explication. I° Il l’avait exposée par rapport à ceux qui n’ont pas la
foi ; et II° par
rapport à ceux qui l’ont, à ces mots (verset 10) : Mais Dieu nous l’a
révélée par son Esprit. I° Sur le premier de ces points, I. il énonce ce qu’il veut prouver ; II. il donne sa preuve,
à ces mots (verset 8) : Car s’ils l’avaient connue. I. Il dit donc d’abord
: Il a été établi que la sagesse que nous prêchons n’est pas celle des
princes de ce siècle, car c’est la sagesse qu’aucun de ces princes n’a
connue, et ceci est vrai de quelque prince qu’on l’entende ; car les
princes du siècle n’ont pas connu cette sagesse, puisqu’elle dépasse la
portée du gouvernement humain ; (Job XII, 24) : "Il change le
coeur des princes de la terre ; il les égare, et ils s’avancent inutilement
dans un désert sans voies″. Les philosophes ne l’ont pas connue
davantage, puisqu’elle surpasse la raison humaine ; c’est pour cela qu’il est
dit (Baruch III, 23) : "Les inventeurs de la prudence et de
l’intelligence n’ont pas connu la voie de la sagesse″. Les démons,
enfin, ne la connaissent pas davantage, puisqu’elle est au-dessus de toute
sagesse créée ; car c’est d’elle qu’il est dit (Job, XXVIII 21) : "Elle
est inconnue aux oiseaux du ciel. L’enfer et la perdition ont dit : nous en
avons ouï parler." II. Lorsqu’il dit
(verset 8) : Car s’ils l’avaient connue,etc…, l’Apôtre prouve ce qu’il
avait dit. 1° Il donne
une marque que les princes n’ont pas connu la sagesse, en tant qu’elle est
cachée en soi ; 2° il prouve
par une autorité qu’ils ne l’ont pas connue, en tant qu’elle est prédestinée
pour notre gloire, à ces mots (verset 9) : et dont il est écrit. 1° Il dit donc d’abord : J’avance avec
raison que les princes de ce monde n’ont pas connu la sagesse de Dieu, car s’ils
l’avaient connue, ils eussent reconnu que Jésus-Christ est Dieu, Lui qui
est contenu dans cette sagesse, et, l’ayant connu, ils n’auraient jamais
crucifié le Seigneur de la gloire, c’est-à-dire Jésus-Christ lui-même
Notre Seigneur, qui donne la gloire aux siens, suivant cette parole du
Psalmiste (XXIII, 10) : "Le Seigneur tout-puissant est lui-même le
roi de gloire" et (Hébr., II, 10) : "Il voulait conduire à
la gloire la multitude de ses enfants." En effet, la gloire étant
l’objet naturel du désir de la créature raisonnable, il ne peut tomber sous
la volonté humaine de faire périr l’Auteur de la gloire. Or que les princes
aient crucifié Jésus-Christ, cela est certain si on l’entend des princes qui
ont puissance parmi les hommes, car il est dit chez le Psalmiste (II, 2) : "Les
rois de la terre se sont levés et les princes se sont ligués contre le
Seigneur et contre son Christ," paroles que le livre des Actes (IV,
27) applique à Hérode, à Pilate et aux princes des Juifs, qui, d’un commun
accord, firent mourir Jésus-Christ. Les démons eux-mêmes concoururent à cette
mort par inspiration (Jean XIII, 2) : "Satan ayant déjà mis dans le
coeur de Judas le dessein de le livrer, etc." Mais les Pharisiens et
les Scribes, qui étaient instruits dans Il faut
répondre que Jésus-Christ est une personne ou hypostase, subsistant en deux
natures, à savoir : la nature divine et la nature humaine. On peut donc le
désigner sous le nom de l’une et de l’autre de ces natures, et, sous quelque
nom qu’on l’ait désigné, lui attribuer ce qui est de l’une ou de l’autre,
parce que l’une et l’autre ne subsistent que dans la même hypostase. Dans ce
sens, nous pouvons dire que l’homme a créé les étoiles, et que le Seigneur de
la gloire a été crucifié. Cependant il n’a pas créé les étoiles en tant
qu’homme, mais en tant que Dieu ; de même il n’a pas été crucifié en tant que
Dieu, mais en tant qu’homme. Cette expression de saint Paul détruit donc
l’erreur de Nestorius, qui prétendait qu’il n’y avait qu’une seule nature
dans le Christ, de Dieu et de l’homme ; car, selon cette affirmation de Nestorius,
ce serait s’exprimer contrairement à la vérité de dire que le Seigneur de la
gloire a été crucifié. La seconde difficulté vient de ce que saint Paul
paraît supposer que les princes des Juifs ou les démons n’ont pas su que
Jésus-Christ est Dieu. Et d’abord, quant aux princes des Juifs, on peut
s’appuyer sur ce que dit saint Pierre (Actes, III, 17) : "Je sais que
vous l’avez fait par ignorance, comme vos chefs″. Or ceci semble
contredit par ce qu’on lit dans saint Matthieu (XXI, 38) : "Les
vignerons, voyant le Fils, dirent entre eux : Celui-ci est l’héritier; venez,
tuons-le." Et Jean Chrysostome, expliquant ce passage, dit : « Manifestement,
le Sauveur, par ces paroles, prouve que les princes des Juifs ont crucifié le
Fils de Dieu non par ignorance, mais par envie. » On répond dans On répond à
ceci (dans le livre des Questions du Nouveau et de l'Ancien Testament)
que les démons savaient que Jésus était celui qui avait été promis dans 2° Lorsque saint Paul ajoute (verset
9) : Et comme il est écrit, il prouve par voie d’autorité que les
princes de ce monde n’ont pas connu la sagesse de Dieu, en tant qu’elle est
prédestinée pour la gloire des fidèles, en disant : Et comme il est écrit ;
(Isaïe, LXIV, 4), où notre Vulgate porte (verset 4) : "Aucun oeil n’a
vu, excepté vous, Seigneur, ce que vous avez préparé à ceux qui vous
aiment." Or il est facile de reconnaître que cette gloire de la
vision est ignorée de l’homme, et cela de deux manières : 1. d’abord évidemment parce qu’elle
n’est pas soumise aux sens de l’homme, où toute connaissance humaine prend sa
source. L’Apôtre désigne deux de ces sens : A) celui de la vue qui sert à l’imagination (verset 9) : L’oeil
n’a pas vu ; (Job, XXVIII, 7) : "Aucun oiseau n’a
connu ses sentiers ; l’oeil du vautour ne les a pas aperçus" ;
et cela pour la raison que ce n’est pas quelque chose de coloré ni de
visible. B) Le sens de
l’ouïe qui sert à la science (verset 9) : L’oreille n’a pas entendu,
c’est-à-dire la gloire elle-même, parce qu’elle n’est ni un son ni une voix
sensible ; (Jean V, 37) : "Jamais vous n’avez entendu sa voix ni
vu l’éclat de sa beauté." 2. Il exclut ensuite la
connaissance pure de cette gloire, en disant (verset 9) : Et il n’est pas
monté jusqu’au coeur de l’homme.Or ceci peut s’entendre A) d’abord, en prenant « s’élever
dans le coeur de l’homme » pour tout ce que l’homme connaît, de quelque
manière que ce puisse être ; (Jér LI, 50) : "Que Jérusalem
domine dans votre cœur !" Dans ce sens, il faudra entendre par « le
coeur de l’homme », le coeur selon la chair ; (plus loin, III, 3) :
Puisqu’il y a pas parmi vous des jalousies et des contestations, n’est-il
pas visible que vous êtes charnels et que vous vous conduisez selon l’homme ?
Il faut donc entendre que cette gloire non seulement n’est pas perçue par
les sens, mais pas même par le coeur de l’homme charnel, selon cette parole
de saint Jean (XIV, 17) : "[L’esprit de vérité] que le monde ne peut
comprendre, parce qu’il ne le voit pas et qu’il ne le conçoit pas." B) On peut expliquer autrement ce
passage : on dit avec justesse que ce qui de la partie inférieure parvient à
l'intellect, par exemple élever des choses sensibles dont l’Apôtre vient de
parler, que cela donc monte dans le coeur de l’homme, car les choses sont
dans l’intelligence, suivant sa façon d’être, et par conséquent les choses
inférieures le sont d’une manière plus élevée qu’elles ne sont en elles-mêmes
; en sorte que, quand l’intellect les saisit, dans un certain sens elles
montent dans le coeur. De là cette parole (Isaïe, LXV, 17) : "Le
passé ne sera plus dans ma mémoire et ne s’élèvera plus dans mon coeur."
Mais, au contraire, les choses supérieures conçues par l’intellect sont en
elles-mêmes d’une manière plus élevée qu’elles ne sont dans l’intellect ;
quand donc elles sont saisies par l’intellect, dans un certain sens elles
descendent ; (Jacques I, 17) : "Tout don parfait vient d’en haut
et descend du Père des lumières." Ainsi donc, la connaissance de
cette gloire ne venant pas des choses sensibles, mais de la révélation
divine, l’Apôtre dit expressément : et il n’est pas monté jusqu’au coeur
de l’homme, mais il est descendu, à savoir ce que Dieu a
préparé, c’est-à-dire a prédestiné, à ceux qui l’aiment,
parce que la récompense de la gloire éternelle, dans ce qu’elle a
d’essentiel, est due à la charité ; (Jean XIV, 21) : "Celui qui
m’aime sera aimé de mon Père, et je l’aimerai aussi, et je me manifesterai à lui."
C’est en cette manifestation que consiste la plénitude de la gloire éternelle ;
(Job, XXXVI, 33) : "Il annonce d’elle," c’est-à-dire de la
lumière de la gloire, "à son ami, qu’elle est son partage" ;
quant aux autres vertus, elles acquièrent leur efficacité pour mériter cette
vie éternelle, en tant qu’elles sont vivifiées par la charité. II° En disant (verset 10) : Mais pour nous, etc., il prouve
l’explication qu’il a donnée de la sagesse divine, par rapport à ceux qui ont
la foi. I. Il énonce
ce qu’il veut établir ; II. il prouve
sa proposition, à ces mots (verset 10) : Car cet Esprit. I. Il dit donc d’abord
: Il a été établi qu’aucun des princes de ce monde n’a connu la sagesse de
Dieu ; mais, pour nous, Dieu nous l’a révélée par son Esprit, qu’il nous
a envoyé, selon cette parole de saint Jean (XIV, 26) : "Mais le
Consolateur, l’Esprit Saint, que mon Père vous enverra en mon nom, vous
enseignera toutes choses" ; (Job, XXXII, 8) : "L’inspiration
du Très-Haut donne la sagesse". Car l’Esprit Saint étant l’Esprit de
vérité, comme procédant du Fils qui est la vérité du Père, il inspire la
vérité à ceux auxquels il est envoyé, comme aussi le Fils envoyé par le Père
fait connaître le Père, suivant cette parole de saint Matthieu (XI, 27) : "Nul
ne connaît le Père, si n’est le Fils, et celui auquel le Fils a voulu le
révéler." II. Quand il ajoute
(verset 10) : car cet Esprit, l’Apôtre prouve ce qu’il a avancé, à
savoir que la sagesse est révélée aux fidèles par l’Esprit Saint. 1° il montre que l°Esprit Saint est
pour cela efficace ; 2° il prouve
qu’il l’a opéré dans les disciples de Jésus-Christ, à ces mots (verset 12) : Or
nous n’avons. 1° Sur le premier de ces points, il
énonce d’abord sa proposition ; ensuite il la développe, à ces mots (verset
12) : Qui d’entre les hommes, connaît, etc. ? 1. Il dit donc d’abord : Il a été
avancé que Dieu, par son Esprit Saint, nous a révélé sa sagesse. La chose a
été possible ; car (verset 10) : cet Esprit pénètre tout ; ce que
toutefois il ne faut pas entendre en ce sens que Dieu recherche comment les
choses arrivent, mais qu’il connaît chaque chose, quelle qu’elle soit,
parfaitement et dans son essence, comme l’homme connaît lorsqu’il approfondit
avec soin. C’est ainsi qu’on lit au livre de la Sagesse (VII, 22 et 23) : "L’Esprit
d’intelligence est saint ; il voit tout, il renferme en soi tous les esprits,
les intelligents, les purs et les plus subtils" ; il
connaît parfaitement non seulement les choses créées, mais encore les
profondeurs de Dieu L’expression « profondeur » indique ce qui
est caché en Dieu, et non pas ce que nous font connaître de lui les
créatures, qui semblent comme nous en retracer les premiers traits, selon
cette parole du livre de la Sagesse (XIII, 5) : "La grandeur et la
beauté de ses créatures ont pu faire connaître et rendre visible leur
Créateur." 2. En disant (verset
11) : Qui d’entre les hommes connaît ? saint Paul prouve, par une
similitude tirée de l’esprit humain, ce qu’il vient de dire de l’Esprit de
Dieu, et dit : Qui d’entre les hommes connaît ce qui est dans l’homme ?,
c’est-à-dire ce qui est caché dans son coeur, sinon l’esprit de
l’homme qui est en lui ?, c’est-à-dire son intelligence. Les choses donc
qui sont cachées à l’intérieur ne peuvent pas être entrevues. A) Cependant l’Apôtre dit en termes
exprès : "Qui d’entre les hommes ?" pour que Dieu lui-même
ne paraisse point exclu de cette connaissance des hommes ; car il est dit
(Jér., XVII, 9) : "Le coeur de l’homme est corrompu, et qui peut le
connaître? Moi, le Seigneur, qui sonde les coeurs et qui éprouve les reins !"
Et en effet, Dieu seul connaît les secrets du coeur. Or il y a une raison
évidente pour laquelle l’homme ne peut connaître ce qui est intérieurement
caché dans le coeur d’un autre : c’est que la connaissance arrive à l’homme par
les sens ; il ne peut par conséquent connaître ce qui est dans le coeur d’un
autre qu’autant que des signes sensibles le lui manifestent, selon cette
parole (I Rois, XVI, 7) : "L’homme voit ce qui paraît à l’extérieur,
mais Dieu regarde le coeur." L’ange même, bon ou mauvais, ne peut
savoir ce qui est caché dans le coeur, à moins qu’on ne le lui manifeste par
quelques effets. La raison s’en trouve dans les paroles mêmes de l’Apôtre,
qui dit que, si l’esprit de l’homme peut connaître ce qui est caché dans son
propre coeur, c’est qu’il est, cet esprit, dans l’homme même. Mais un
ange, bon ou mauvais, ne peut s’insinuer dans l'esprit de l’homme jusqu’à
pénétrer dans son coeur et y opérer intérieurement, ce qui n’appartient qu’à
Dieu seul. Dieu seul donc est initié aux secrets du coeur de l’homme, selon
cette parole de Job (XVI, 20) : "Car j’ai dans le ciel un témoin, et
celui qui connaît mon coeur habite au plus haut des cieux." B) En second lieu, saint Paul adapte
cette similitude à l’Esprit de Dieu, en disant (verset 14) : De même donc,
personne ne connaît ce qui est de Dieu, c’est-à-dire ce qui est caché en
Dieu lui-même, sinon l’Esprit de Dieu, selon cette parole de Job
(XXXVI, 26) : "En vérité, Dieu est grand; il surpasse toute notre
science." Mais de même que ce qui est dans le coeur d’un homme peut
être manifesté à un autre par des signes sensibles, ainsi ce qui est de Dieu
peut être connu de l’homme par des effets sensibles (Sag., XIII, 5) : "La
grandeur et la beauté des créatures, etc." Mais l’Esprit Saint, qui
est en Dieu, comme consubstantiel au Père et au Fils, voit par lui-même les
secrets de la Divinité, selon cette parole de la Sagesse (VII, 22) : "Car
il y a en elle," c’est-à-dire dans la sagesse de Dieu, "un
Esprit d’intelligence" qui est saint, qui peut tout, qui voit tout. 2° Enfin, lorsqu’il dit (verset 12) : Or
nous etc., saint Paul fait voir comment on reçoit la connaissance de
l’Esprit Saint, en disant : bien que nul homme ne puisse par lui-même savoir
ce qui est de Dieu, nous, cependant, par l’Esprit Saint,
c’est-à-dire remplis de cet Esprit, nous n’avons pas reçu l’esprit du
monde, mais l’Esprit de Dieu." Sous ce terme d’esprit, on comprend
une certaine force vitale, intelligente, motrice. L’esprit du monde peut donc
être appelé la sagesse de ce monde, l’amour du monde, qui porte l’homme à
faire ce qui est du monde ; or les saints apôtres n’ont pas reçu cet esprit,
eux qui ont méprisé et foulé aux pieds le monde, mais ils ont reçu l’Esprit
Saint, qui a éclairé et enflammé leurs coeurs en les portant à aimer Dieu,
selon cette parole de saint Jean (XIV, 26) : "Le Consolateur,
l’Esprit Saint que mon Père enverra en mon nom, etc." ; et (Nombres,
XIV, 24) : "Mon serviteur Caleb, qui, plein d’un autre Esprit, m’a
toujours suivi, je l’introduirai dans cette terre". L’esprit du
monde, au contraire, ne sait qu’égarer, suivant cette parole d’Isaïe (XIX, 3)
: "L’esprit de l’Egypte s’évanouira en elle, et je renverserai toute
sa prudence." Or c’est de l’Esprit de Dieu que (verset 12) nous
avons obtenu de connaître les dons que Dieu nous a faits, en sorte que
nous savons des choses divines, autant qu’il a été donné à chacun de nous ;
car (Ephés., IV, 7) : "La grâce a été donnée à chacun de nous selon
la mesure du don du Christ." On peut entendre encore que l’Esprit de
Dieu est donné aux saints afin qu’ils discernent les dons spirituels, que ne
connaissent pas ceux qui n’ont pas reçu le même Esprit ; (Apoc., II, 47)
: "Je donnerai au vainqueur la manne cachée que personne ne connaît,
sinon celui qui la reçoit." L’on peut par là reconnaître que, comme "personne
ne connaît le Père, si ce n’est le Fils et celui à qui le Fil l’a voulu
révéler" (Matthieu XI, 27), ainsi personne ne connaît ce qui est du
Père et du Fils, si ce n’est l’Esprit Saint et ceux qui l’ont reçu, parce
que, de même que le Fils est consubstantiel au Père, ainsi l’Esprit Saint est
consubstantiel aux deux autres personnes. |
|
|
Lectio 3 |
Leçon 3 : 1 Corinthiens II, 13-16 — Une sagesse spirituelle et non animale |
|
SOMMAIRE : L’Apôtre prêche la sagesse de Dieu parmi les parfaits, parce que l’homme animal ne discerne pas ce qui est de l’Esprit de Dieu. |
[13] quae et loquimur non in doctis humanae sapientiae verbis
sed in doctrina Spiritus spiritalibus spiritalia conparantes [14] animalis autem homo non percipit ea quae sunt Spiritus Dei
stultitia est enim illi et non potest intellegere quia spiritaliter
examinatur [15] spiritalis autem iudicat omnia et ipse a nemine iudicatur [16] quis
enim cognovit sensum Domini qui instruat eum nos autem sensum Christi habemus |
13. Et nous
les annonçons non avec les doctes discours de la sagesse humaine, mais avec
ceux que l’Esprit enseigne, traitant spirituellement les choses spirituelles. 14. Or
l’homme animal ne connaît pas les choses qui sont de l’Esprit de Dieu. Elles
lui paraissent une folie, et il ne les peut comprendre, parce que c’est par
une lumière spirituelle qu’on en doit juger. 15. Mais
l’homme spirituel juge de et n’est jugé par personne. 16. Car qui
connaît l’esprit du Seigneur, et qui peut l’instruire? Mais pour nous, nous
avons l’esprit du Christ. |
[86240] Super 1 Cor., cap. 2 l. 3 Dixerat supra apostolus sapientiam loquimur
inter perfectos. Postquam ergo manifestavit qualis sit haec sapientia,
quia mundanis hominibus incognita, cognita autem sanctis, hic manifestat qua
ratione hanc sapientiam sancti inter perfectos loquuntur. Et primo proponit quod
intendit; secundo assignat rationem, ibi animalis autem homo, et
cetera. Circa primum, primo proponit revelatorum
manifestationem, dicens : dictum est quod spiritum Dei accepimus, ut sciamus
quae a Deo donata sunt nobis, quae scilicet nobis per spiritum
revelata sunt, loquimur. Sunt enim eis revelata ad utilitatem. Unde et
Act. II, 4 — repleti sunt omnes spiritu sancto, et coeperunt loqui. Secundo tangit modum enarrandi, excludens modum
inconvenientem, dicens non in doctis humanae sapientiae verbis, id
est, non nitimur ad probandam nostram doctrinam per verba composita ex humana
sapientia, sive quantum ad ornatum verborum, sive quantum ad subtilitatem
rationum. Is. XXXIII, v. 19 — populum alti sermonis non videbis.
Astruit enim modum convenientem, cum dicit sed in doctrina spiritus,
id est, prout spiritus sanctus nos loquentes interius docet, et auditorum
corda ad capiendum illustrat. Io. XVI, 13 — cum venerit ille spiritus
veritatis, docebit vos omnem veritatem. Tertio determinat auditores, dicens spiritualibus
spiritualia comparantes, quasi dicat : recta comparatione spiritualia
documenta tradimus spiritualibus viris, quibus sunt convenientia. II Tim. II,
2 — haec commenda fidelibus viris, qui idonei erunt et alios docere. Eosdem autem hic nominat spirituales, quos supra
perfectos, quia per spiritum sanctum homines perficiuntur in virtute,
secundum illud Ps. XXXII, 6 — spiritu oris eius omnis virtus eorum. Deinde, cum dicit animalis, etc., assignat rationem dictorum,
et primo ostendit quare spiritualia non sunt tradenda animalibus hominibus;
secundo quare sunt tradenda spiritualibus, ibi spiritualis, et cetera.
Circa primum duo facit. Primo ponit rationem; secundo manifestat eam,
ibi stultitia enim, et cetera. Ratio ergo talis est : nulli sunt
tradenda documenta quae capere non potest, sed homines animales non possunt
capere spiritualia documenta; ergo non sunt eis tradenda. Hoc est ergo quod dicit animalis
homo, et cetera. Et ideo recta ratione non possunt tradi eis. Ubi primo considerandum est quis homo dicatur
animalis. Est ergo considerandum quod anima est forma corporis. Unde propriae
animae intelliguntur illae vires quae sunt actus corporalium organorum,
scilicet vires sensitivae. Dicuntur ergo homines animales qui huiusmodi vires
sequuntur, inter quas est vis apprehensiva, et appetitiva, et ideo potest
dici homo dupliciter animalis. Uno modo quantum ad vim apprehensivam, et hic
dicitur animalis sensu, qui, sicut dicitur in Glossa, de Deo iuxta corporum
phantasiam vel legis litteram, vel rationem philosophicam iudicat, quae
secundum vires sensitivas accipiuntur. Alio modo dicitur quis animalis
quantum ad vim appetitivam, qui scilicet afficitur solum ad ea quae sunt
secundum appetitum sensitivum, et talis dicitur animalis vita, qui, sicut
dicitur in Glossa, sequitur dissolutam lasciviam animae suae, quam intra
naturalis ordinis metas spiritus rector non continet. Unde dicitur in
canonica Iudae v. 19 — hi sunt qui segregant semetipsos, animales spiritum
non habentes. Secundo autem videndum quare tales non possunt
percipere ea quae sunt spiritus Dei : quod quidem manifestum est, et
quantum ad animalem sensum, et quantum ad animalem vitam. Ea enim de quibus
spiritus sanctus illustrat mentem, sunt supra sensum et rationem humanam,
secundum illud Eccli. III, 25 — plura supra sensum hominis ostensa sunt
tibi, et ideo ab eo capi non possunt, qui soli cognitioni sensitivae
innititur. Spiritus etiam sanctus accendit affectum ad diligendum spiritualia
bona, sensibilibus bonis contemptis, et ideo ille qui est animalis vitae, non
potest capere huiusmodi spiritualia bona, quia philosophus dicit in IV Ethic.
quod qualis unusquisque est, talis finis videtur ei. Prov. XVIII, 2 — non
recipit stultus verba prudentiae, nisi ei dixeris quae versantur in corde
eius. Eccli. XXII, 9 — cum dormiente loquitur, qui narrat sapientiam
stulto. Deinde, cum dicit stultitia enim, etc.,
manifestat quod dixerat per signum; cum enim aliquis aliqua sapienter dicta
reprobat quasi stulta, signum est quod ea non capiat. Quia igitur animalis
homo ea quae sunt spiritus Dei reputat stulta, ex hoc manifestatur quod ea
non capit. Et hoc est quod dicit stultitia enim est illi, scilicet
animali. Iudicat enim esse stulta quae secundum spiritum Dei aguntur. Eccle.
X, 3 — in via stultus ambulans, cum ipse sit insipiens, omnes stultos
aestimat. Quod autem homini animali quae secundum spiritum sunt videantur
stulta, non procedit ex rectitudine sensus : sicut sapientes aliqua iudicant
esse stulta quae stultis videntur sapientia propter defectum intellectus;
quia homo sensui deditus non potest intelligere ea quae supra sensum sunt, et
homo carnalibus affectus non intelligit esse bonum, nisi quod est delectabile
secundum carnem. Et hoc est quod sequitur et non potest intelligere,
Ps. LXXXI, 5 — nescierunt neque intellexerunt, in tenebris ambulant.
Quare autem non possit intelligere, ostendit subdens quia spiritualiter
examinatur, id est, spiritualium examinatio fit spiritualiter. Numquam
enim inferior potest examinare et iudicare ea quae sunt superioris, sicut
sensus non potest examinare ea quae sunt intellectus. Et similiter, neque
sensus, neque ratio humana potest iudicare ea quae sunt spiritus Dei. Et ita
relinquitur quod huiusmodi solo spiritu sancto examinantur, secundum illud
Ps. XVII, 31 — eloquia domini igne examinata, probata scilicet a
spiritu sancto. Quia ergo animalis homo caret spiritu sancto, non potest
spiritualia examinare, et per consequens nec ea intelligere. Deinde, cum dicit spiritualis autem iudicat
omnia, etc., assignat rationem quare spiritualibus spiritualia tradantur,
et primo ponit rationem; secundo manifestat causam, ibi quis enim novit.
Assignat autem talem rationem : illi tradenda
sunt spiritualia qui potest iudicare, secundum illud Iob XII, 11 — auris
verba diiudicat; sed spiritualis est huiusmodi, ergo ei spiritualia sunt
tradenda. Et hoc est quod dicit spiritualis autem diiudicat omnia, et ipse
a nemine iudicatur. Ubi primo videndum est quis homo dicatur
spiritualis. Est autem notandum quod spiritus nominare consuevimus
substantias incorporeas; quia igitur aliqua pars animae est quae non est
alicuius organi corporei actus, scilicet pars intellectiva comprehendens
intellectum et voluntatem, huiusmodi pars animae spiritus hominis dicitur,
quae tamen a spiritu Dei et illuminatur secundum intellectum, et inflammatur
secundum affectum et voluntatem. Dupliciter
ergo dicitur homo spiritualis. Uno modo ex parte intellectus, spiritu Dei
illustrante. Et
secundum hoc in Glossa dicitur quod homo spiritualis est, qui, spiritui Dei
subiectus, certissime ac fideliter spiritualia cognoscit. Alio modo ex parte
voluntatis, spiritu Dei inflammante : et hoc modo dicitur in Glossa quod
spiritualis vita est, qua spiritum Dei habens rectorem animam regit, id est
animales vires. Gal. ult. : vos qui spirituales estis, instruite huiusmodi,
et cetera. Secundo considerandum est quare spiritualis
diiudicat omnia, et ipse a nemine iudicatur. Ubi notandum est quod in omnibus
ille qui recte se habet, rectum iudicium habet circa singula. Ille autem qui
in se rectitudinis defectum patitur, deficit etiam in iudicando : vigilans
enim recte iudicat et se vigilare et alium dormire; sed dormiens non habet
rectum iudicium de se, nec de vigilante. Unde non sunt res tales quales
videntur dormienti, sed quales videntur vigilanti. Et eadem ratio est de sano
et infirmo circa iudicium saporum, et de debili et forti circa iudicium
ponderum, et virtuoso et vitioso circa agibilia. Unde et philosophus dicit in
V Ethicorum quod virtuosus est regula et mensura omnium humanorum, quia
scilicet in rebus humanis talia sunt singularia, qualia virtuosus iudicat ea
esse. Et secundum hunc modum apostolus hic dicit quod spiritualis iudicat
omnia, quia scilicet homo habens intellectum illustratum et affectum
ordinatum per spiritum sanctum, de singulis quae pertinent ad salutem, rectum
iudicium habet. Ille autem qui non est spiritualis habet etiam intellectum
obscuratum et affectum inordinatum circa spiritualia bona, et ideo ab homine
non spirituali, spiritualis homo iudicari non potest, sicut nec vigilans a
dormiente. Quantum ergo ad primum horum dicitur Sap. III, 8 quod iudicabunt
iusti nationes. Quantum ad secundum dicitur infra IV, 3 — mihi pro
minimo est, ut a vobis iudicer, aut ab humano die. Deinde cum dicit quis enim novit, etc.,
manifestat rationem inductam. Et primo inducit auctoritatem; secundo adaptat
ad propositum, ibi nos autem, et cetera. Est autem considerandum quod ad hoc quod aliquis
possit de aliquo homine iudicare, duo requiruntur. Primo ut iudicans
cognoscat ea quae sunt iudicati, quia, ut dicitur I Ethic. : unusquisque
bene iudicat quae cognoscit, et horum est optimus iudex. Ex quo patet
quod sensum, id est sapientiam Dei omnia iudicantem, nullus possit
diiudicare. Ideo dicit quis enim novit sensum domini? Quasi dicat :
nullus : quia sapientia Dei excedit omnem cupiditatem hominis. Eccli. I, 3 — sapientiam
Dei praecedentem omnia quis investigavit? Sap. IX, 17 — sensum autem
tuum quis scire poterit, nisi tu dederis sapientiam? Secundo requiritur quod iudicans sit superior
iudicato. Unde dominus habet iudicium de servo, magister de discipulo. Ex quo etiam patet quod
nullus potest sensum Dei iudicare. Propter quod sequitur aut quis
instruxit eum? Quasi dicat : nullus. Non enim habet scientiam ab aliquo
acceptam, sed potius fontem omnis scientiae. Iob XXVI, 3 — cui dedisti
consilium? Forsitan ei qui non habet sapientiam? Videntur autem verba
haec assumpta ex eo quod dicitur Is. XL, 13 — quis adiuvit spiritum
domini, aut quis consiliarius eius fuit et ostendit illi? Cum quo iniit
consilium et instruxit eum? Deinde adaptat quod dixerat ad propositum, dicens
nos autem, scilicet spirituales viri, sensum Christi habemus, idest,
recipimus in nobis sapientiam Christi ad iudicandum. Eccli. XVII, 6 — creavit
illis scientiam spiritus, sensu adimplevit corda illorum. Lc. ult.
dicitur quod aperuit illis sensum, ut intelligerent Scripturas, et ita, quia
sensus Christi diiudicari non potest, conveniens est quod spiritualis, qui
sensum Christi habet, a nemine iudicetur. |
Saint Paul
vient de dire : Nous prêchons la sagesse aux parfaits ; après avoir
expliqué quelle est cette sagesse, inconnue aux mondains, mais connue des
saints, il expose maintenant les principes d’après lesquels les saints
prêchent cette sagesse aux parfaits. I° Il énonce ce qu’il veut établir ; II° il en assigne
ensuite la raison, à ces mots (verset 14) : Or l’homme animal, etc. I° Sur le premier de ces points, I. il rappelle d’abord la manifestation des choses
révélées, en disant : Il a été établi que nous avons reçu l’Esprit de Dieu
afin de connaître les dons que Dieu nous a faits, c’est-à-dire : Ce
qui a été révélé par l’Esprit Saint, voilà ce que nous prêchons ;
car cette révélation leur a été faite afin qu’elle soit utile. De là (Actes,
II, 4) : "Ils furent tous remplis de l’Esprit Saint, et ils
commencèrent à parler." II. Il indique le mode
de transmission, en excluant d’abord celui qui n’est pas convenable (verset
13) : et nous l’annonçons non avec les discours éloquents de la sagesse
humaine, c’est-à-dire nous ne nous appuyons pas, pour prouver notre
doctrine, sur des paroles disposées d’après les règles de la sagesse humaine
et pour la beauté de l’élocution et pour la subtilité des raisonnements ;
(Isaïe, XXXIII, 19) : "Vous ne verrez pas un peuple au langage
obscur." Ensuite il détermine le mode qui est convenable (verset 13)
: mais avec les discours qu’enseigne l’Esprit," c’est-à-dire
selon que l’Esprit Saint nous instruit intérieurement, nous qui parlons, et
selon qu’il éclaire les coeurs des auditeurs afin qu’ils comprennent ;
(Jean XVI, 13) : "Lorsque l’Esprit de vérité sera venu, il vous
enseignera toute vérité." III. Enfin il indique
les auditeurs (verset 13) : exprimant les choses spirituelles à ceux qui
sont spirituels ; comme s’il disait : par une juste compensation
nous donnons l’enseignement spirituel à ceux qui sont spirituels, auxquels
cet enseignement convient ; (II Tim., II, 2) : "Donnez le dépôt à
des hommes fidèles qui soient eux-mêmes capables d’en instruire les
autres." Or l’Apôtre appelle ici spirituels ceux que plus haut il a
appelés parfaits, parce que l’Esprit Saint perfectionne les hommes dans la
vertu ; (Psaume XXXII, 6) : "C’est le souffle de sa bouche qui a
produit toute leur vertu." II° En disant (verset 14) : Or l’homme animal, etc., saint Paul
donne la raison de ce qu’il avance. I. Il montre pourquoi les choses
spirituelles ne doivent pas être communiquées à ceux qui sont charnels ; II. pourquoi on doit
les enseigner à ceux qui sont spirituels, à ces mots (verset 15) : Mais
l’homme spirituel, etc. I. Sur la première
proposition, 1° il fait un
raisonnement ; 2° il le
développe, à ces mots (verset 14) : Elles lui paraissent une folie,etc ... 1° Voici quel est le raisonnement de saint
Paul : On ne doit donner à personne un enseignement qu’il ne puisse
comprendre ; or ceux qui sont charnels ne peuvent pas s’élever aux
enseignements spirituels donc on ne doit pas les leur donner. C’est ce qu’il
dit (verset 14) : L’homme animal ne perçoit pas les choses de Dieu, etc. ;
par conséquent il y a une juste raison qui ne permet pas de les leur donner. A) Il faut ici savoir d’abord ce que
l’on entend par l’homme animal. Remarquons que l’âme est la forme du corps ;
on entend donc par forces propres de l’âme les actes des organes corporels,
c’est-à-dire les forces sensibles. Ainsi l’on donne le nom d’homme animal à
celui qui est conduit par ces sortes de forces, parmi lesquelles se trouvent
les forces appréhensive et appétitive ; voilà pourquoi l’homme peut être
animal de deux manières : a) d’abord
quant à la force appréhensive, et, sous ce rapport, on l’appelle animal par
les sens ; car, comme le dit la Glose, l’homme juge de Dieu selon les
apparences du corps, la lettre de la loi, ou enfin la raison philosophique,
toutes connaissances qui viennent des forces sensibles. b) On peut ensuite appeler l’homme
animal quant à la force appétitive, à savoir lorsqu’il ne se porte qu’à ce
qui dépend de l’appétit sensible ; alors l’homme tel est appelé animal en
raison de sa vie, parce que, comme le dit encore la Glose, il suit les
tendances dissolues de son âme, que l’esprit qui doit la régir ne maintient
plus dans les bornes de l’ordre naturel. C’est de là que saint Jude dit
(verset 19) : "Ce sont ces hommes qui se séparent eux-mêmes, hommes
sensuels, et qui n’ont pas l’Esprit." B) En second lieu, il faut examiner
pourquoi ils sont ainsi, ceux qui ne peuvent percevoir les choses qui sont
de l’Esprit de Dieu. On le voit facilement et quant au sens animal et
quant à la vie animale ; car ces vérités dont l’Esprit Saint éclaire
l’intelligence sont au-dessus du sens et de la raison de l’homme selon cette
parole (Ecclésiastique III, 25) : "Beaucoup de merveilles qui dépassent
l’esprit de l’homme sont mises devant vos yeux" ; par
conséquent elles ne peuvent être comprises par celui qui ne s’appuie que sur
la connaissance sensible. De plus, l'Esprit Saint enflamme la volonté pour
lui faire aimer les biens spirituels en méprisant les biens sensibles ; par
conséquent ceux dont la vie est animale ne peut goûter ces sortes de biens.
Car, comme dit Aristote (IV° livre de la Morale), tel on est, telle on voit sa fin ; (Prov.
XVIII, 2) : "L’insensé ne reçoit pas les paroles de la prudence, si
vous ne lui parlez selon ce qu’il a dans le coeur" ; et
(Ecclésiastique XXII, 9) : "C’est s’entretenir avec un homme qui dort
que de parler de la sagesse à un insensé." 2° Quand l’Apôtre ajoute (verset 14) :
Elles lui paraissent une folie, il développe ce qu’il a dit d’abord au
moyen d’un exemple. Car, lorsqu’on repousse comme une folie les choses sages
que l’on entend, c’est le signe qu’on ne les comprend pas. Donc, l’homme
animal considérant comme une folie ce qui est de l’Esprit de Dieu, il est
évident qu’il ne le comprend pas. Et voilà pourquoi saint Paul dit (verset
14) : Elles lui paraissent une folie, - à lui, c’est-à-dire à l’homme
animal ; car il juge comme une folie ce qui est de l’Esprit de Dieu ;
(Ecclésiastique X, 3) : "L’insensé qui marche dans sa voie, étant
lui-même insensé, croit que tous les autres sont comme lui."
Cependant, quand l’homme animal regarde comme une folie ce qui est selon
l’Esprit, cela ne procède point de la rectitude de ses sens, de la même façon
les sages regardent certaines choses comme une folie qui aux yeux des
insensés paraissent une sagesse à cause de l’imperfection de leur
intelligence, parce que l’homme livré au sens ne peut pas comprendre ce qui
est au-dessus des sens, et l’homme livré aux choses de la chair n’estime bon
que ce qui est délectable selon la chair ; aussi saint Paul ajoute-t-il
(verset 14) : et il ne peut les comprendre ; (Psaume LXXXI, 5) : "Ils
n’ont pas compris, ils n’ont pas su, ils marchent dans les ténèbres."
L’Apôtre montre pourquoi ils ne peuvent comprendre, en ajoutant (verset 14) :
car c’est par l’Esprit qu’on juge, c’est-à-dire l’examen des choses
spirituelles se fait par l'esprit. Jamais, en effet, l’inférieur ne peut
examiner et juger ce qui est d’un ordre supérieur, comme les sens ne peuvent
juger ce qui est de l’intellect ; de même, ni les sens ni le raisonnement
humain ne peuvent juger ce qui est de l’Esprit de Dieu. Il s’ensuit donc
qu’on n’estime ces choses que par l’Esprit Saint, suivant cette parole du
Psalmiste (XVII, 31) : "Les paroles du Seigneur sont éprouvées au
feu," c’est-à-dire par l’Esprit Saint. L’homme animal, n’ayant pas
l’Esprit Saint, ne peut donc juger des choses spirituelles, ni par conséquent
les comprendre. II. Quand saint Paul
ajoute (verset 15) : Mais l’homme spirituel juge de tout, il donne la
raison pour laquelle les choses spirituelles sont livrées à ceux qui sont
spirituels. 1° Il fait un
raisonnement ; 2° il en
développe le principe, à ces mots (verset 16) : Car qui connaît, etc.? 1° Voici son raisonnement : on doit
donner les choses spirituelles à celui qui peut en juger, selon ce mot de Job
(XII, 11) : "L’oreille juge des paroles." Or tel est l’homme
spirituel : donc on peut lui donner les choses spirituelles. C’est ce que dit
saint Paul (verset 15) : L’homme spirituel juge de tout et n’est jugé par
personne. 1. Il faut donc voir d’abord quel est
l’homme qu’on peut appeler spirituel. Remarquons que nous appelons
ordinairement esprits les substances incorporelles : ainsi, une partie de
l’âme n’étant l’acte d’aucun organe corporel, à savoir la partie
intellectuelle qui comprend l’intelligence et la volonté, on nomme cette
partie de l’âme l’esprit de l’homme, bien que ce soit l’Esprit de Dieu qui
éclaire l’intelligence et excite l’affection et la volonté de l’âme. On peut
donc dire que l’homme est spirituel de deux manières : A) d’abord par son intelligence en
tant que l’Esprit de Dieu l’éclaire. C’est dans ce sens qu’on lit dans la
Glose : Celui-là est spirituel qui, soumis à l’Esprit de Dieu, connaît avec
certitude entière et exactitude les choses spirituelles. B) ensuite par sa volonté en tant que
l’Esprit de Dieu lui communique l’ardeur ; dans ce sens on dit aussi dans la
Glose que la vie est spirituelle quand, ayant l’Esprit de Dieu pour guide, la
volonté régit l’âme, je veux dire ses forces vives ; (Gal., VI, 1) : "Vous
autres qui êtes spirituels, relevez votre frère avec douceur, etc. " 2. Il faut, en second
lieu, chercher pourquoi l’homme spirituel juge de tout et n’est jugé par
personne. Remarquons d’abord que celui qui se maintient dans la rectitude en
toutes choses porte aussi sur chaque chose un jugement droit ; mais celui qui
laisse défaillir en lui la rectitude est incertain dans son jugement. En
effet, celui qui veille juge avec vérité et qu’il veille et qu’un autre dort ;
mais celui qui dort n’a le jugement droit ni sur lui-même ni sur celui qui
veille. Ainsi les objets ne sont pas tels qu’ils paraissent à celui qui dort,
mais à celui qui veille. L’on peut raisonner de même de celui qui est sain et
de celui qui est infirme, relativement à l’appréciation des saveurs ; de
celui qui est faible et de celui qui est fort, pour l’appréciation de la
pesanteur ; de celui qui est vertueux et de celui qui est plein de vices,
quant aux devoirs à accomplir. C’est ce qui fait dire à Aristote (Morale, livre V) que celui qui
est vertueux est la règle et la mesure de toutes les choses humaines, parce
que, dans les choses humaines, chacune d’elles en particulier est telle que
l’homme vertueux la juge. C’est aussi dans ce sens que l’Apôtre dit ici
(verset 15) que Celui qui est spirituel juge de tout ; en
d’autres termes, celui dont le Saint Esprit éclaire l’intelligence et
détermine la volonté porte un jugement droit sur chacune des choses qui
appartiennent au salut. Mais celui qui n’est pas spirituel a l’intelligence
obscurcie et la volonté affaiblie à l’égard des biens spirituels ; aussi
l’homme spirituel ne peut être jugé par celui qui ne l’est pas, pas plus que
celui qui veille ne peut être jugé par celui qui dort. Du premier, la Sagesse
(III, 8) dit que "Les justes jugeront les nations" ; quant
au second, l’Apôtre dit (ci dessous, IV, 3) : Quant à moi, je me mets fort
peu en peine d’être jugé par vous ou devant les tribunaux des hommes. 2° En ajoutant (verset 16) : Car
qui connaît ? saint Paul développe son intention ; et d’abord il cite une
autorité ; ensuite il l’applique à sa proposition, à ces mots (verset 16) : Mais
nous, etc. A) Il faut remarquer que pour juger
quelqu’un, deux conditions sont nécessaires : a) premièrement que celui qui juge connaisse ce qui
appartient à l’objet du jugement, car (Morale, livre I) chacun juge bien de ce qu’il connaît ;
sur cela il est très bon juge. Il suit de là que personne ne peut juger
l’esprit, c’est-à-dire la sagesse de Dieu qui juge tout. Aussi saint Paul
dit-il (verset 16) : Car qui connaît la sagesse de Dieu ? comme s’il
répondait : personne. En effet, la sagesse de Dieu excède tout désir de
l’homme ; (Ecclésiastique I, 3) : "Qui a pénétré la sagesse de
Dieu, cette sagesse qui précède toutes choses ?", et (Sag., IX, 17) :
"Qui pourra connaître votre pensée, ô mon Dieu, si vous ne donnez
vous la sagesse ?" b) En second
lieu, il faut que celui qui juge soit supérieur à celui qui est jugé : c’est
pourquoi le maître peut juger son serviteur et le précepteur son disciple.
Ici encore il est évident que personne ne peut juger l’Esprit de Dieu ; aussi
l’Apôtre dit-il (verset 16) : Ou qui peut l’instruire ?, comme s’il
répondait : personne ; car la science de Dieu, il ne l’a reçue de personne,
et bien plutôt il est la source de toute science ; (Job, XXV 3) : "à
qui donnez-vous conseil ? sans doute à celui qui n’a pas assez de sagesse ?"
Ces paroles de saint Paul paraissent tirées d’Isaïe (XL, 13) : "Qui a
aidé l’Esprit du Seigneur ? qui lui a donné conseil ? qui lui a appris ce
qu’il devait faire ? qui a-t-il consulté ? qui l’a instruit?" B) L’Apôtre applique ce qu’il vient de
dire à sa proposition, en ajoutant (verset 16) : Mais nous, à savoir
qui sommes des hommes spirituels, nous avons reçu en nous la sagesse du
Christ pour juger ; (Ecclésiastique XVII, 6) : "Il a créé en
eux la science de l’Esprit ; il a rempli leur coeur de sagesse" ;
en (Luc, XXIV, 32) il est dit que le Sauveur ressuscité ouvrit l’esprit aux
disciples d’Emmaüs, afin qu’ils entendissent les Ecritures. Ainsi, l’Esprit
de Jésus-Christ ne pouvant être jugé, conséquemment l’homme spirituel, qui a
cet Esprit, ne peut être jugé par qui que ce soit. |
|
|
Caput 3 |
CHAPITRE III — RECOMPENSE ET CHÂTIMENT |
Lectio 1 |
Leçon 1 : 1 Corinthiens III, 1-8 — Le jugement de la chair |
|
SOMMAIRE : L’Apôtre attaque les jugements que les Corinthiens portaient sur les ministres de Jésus-Christ, jugements qui sont de venus la source de leurs divisions. Il qualifie les Corinthiens de charnels et d’imparfaits. |
|
|
[1] et ego fratres non potui vobis loqui quasi spiritalibus
sed quasi carnalibus tamquam parvulis in Christo [2] lac vobis potum dedi non escam nondum enim poteratis sed
ne nunc quidem potestis adhuc enim estis carnales [3] cum enim sit inter vos zelus et contentio nonne carnales
estis et secundum hominem ambulatis [4] cum enim quis dicit ego quidem sum Pauli alius autem ego
Apollo nonne homines estis quid igitur est Apollo quid vero Paulus [5] ministri eius cui credidistis et unicuique sicut Dominus
dedit [6] ego plantavi Apollo rigavit sed Deus incrementum
dedit [7] itaque neque qui plantat est aliquid neque qui rigat sed
qui incrementum dat Deus [8] qui
plantat autem et qui rigat unum sunt unusquisque autem propriam mercedem accipiet
secundum suum laborem |
1. Ainsi,
mes frères, je n’ai pu vous parler comme à des hommes spi rituels, mais comme
à des personnes charnelles, comme à des petits enfants dans le Christ. 2. Je ne
vous ai nourris, que de lait et non de viandes solides, parce que vous n’en
étiez pas alors capables; et à présent même vous ne l’êtes pas encore, parce
que vous êtes encore charnels; 3. Car,
puisqu’il y a parmi vous des jalousies et des disputes, n’est-il pas visible
que vous êtes charnels et que vous vous conduisez selon l’homme? 4. En
effet, puisque l’un dit : je suis à Paul, et l’autre : je suis d'Apollon,
n’êtes-vous pas encore charnels? Qu’est donc Paul et qu’est Apollon? 5. Ce sont
des ministres de Celui en qui vous avez cru, et chacun selon le don qu’il a
reçu du Seigneur. 6. C’est
moi qui ai planté, c’est Apollon qui a arrosé; mais c’est Dieu qui a donné
l’accroissement. 7. Ainsi
celui qui plante n’est rien, ni celui qui arrose; mais tout vient de Dieu,
qui donne l’accroissement. 8. Et celui
qui plante et celui qui arrose ne sont qu’une même chose. |
[86241] Super 1 Cor., cap. Circa primum duo facit. Primo ponit detrimentum
quod hactenus passi erant propter eorum defectum; secundo ostendit quod adhuc
idem patiuntur, ibi sed nec nunc quidem. Circa primum tria facit.
Primo ponit detrimentum quod hactenus passi erant propter eorum defectum.
Dixerat enim supra quod apostoli quidem spiritualia documenta spiritualibus
tradebant, quae animales homines percipere non poterant : quod eis adaptat,
dicens et ego, fratres, qui scilicet inter alios apostolos
spiritualibus spiritualia loquor, non potui, scilicet convenienter, vobis
loqui quasi spiritualibus, ut scilicet traderem vobis spiritualia
documenta, sed quasi carnalibus, scilicet locutus sum vobis. Eosdem
enim carnales dicit quos supra animales, quibus oportet tradi ea quae sunt
infirmitati eorum accommoda. Is. XXVIII, 9 — quem docebit scientiam, et
quem intelligere faciet auditum? Ablactatos a lacte, avulsos ab uberibus,
id est, carnali conversatione et sensu. Secundo adhibet similitudinem, dicens tamquam
parvulis in Christo, id est, parum adhuc introductis in perfectam
doctrinam fidei, quae spiritualibus debetur. Hebr. c. V, 13 — omnis qui
lactis est particeps, expers est sermonis iustitiae; parvulus enim est :
perfectorum autem est solidus cibus. Tertio rationem assignat, ne credatur ex invidia
eis spiritualem doctrinam subtraxisse, contra quod dicitur Sap. VII, 13 — quam
sine fictione didici, et sine invidia communico. Unde subditur nondum
enim poteratis, quasi dicat : non subtraxi vobis escam propter meam
invidiam, sed propter vestram impotentiam, quia verba spiritualia nondum
bene poteratis capere, secundum illud Io. XVI, v. 12 — adhuc multa habeo vobis dicere,
sed non potestis portare modo. Deinde, cum dicit sed nec nunc quidem potestis, ostendit quod
adhuc idem detrimentum patiuntur. Et primo quidem ponit impotentiam cui adhuc
subiacebant, dicens sed nec nunc quidem potestis, quasi dicat : quod a
principio perfectam doctrinam capere non poteratis, non mirum fuit, quia hoc
nescire vestrae novitati competebat, secundum illud I Petr. c. II, 2 — sicut
modo geniti infantes lac concupiscite. Sed hoc videtur esse culpabile,
quod post tantum tempus in quo proficere debuistis, eamdem impotentiam
retinetis, secundum illud Hebr. V, 12 — cum deberetis magistri esse
propter tempus, rursus indigetis doceri, quae sunt elementa sermonum Dei.
Secundo assignat praedictae impotentiae rationem,
dicens adhuc enim carnales estis, scilicet vita et sensu. Et ideo ea
quae sunt spiritus capere non potestis, sed sapitis ea quae sunt carnis,
secundum illud Rom. VIII, 5 — qui secundum carnem sunt, quae carnis sunt
sapiunt. Tertio ponit rationem probationis inductae,
dicens cum enim inter vos sit zelus et contentio, nonne carnales estis, et
secundum hominem ambulatis? Ubi considerandum est quod recte coniungit zelum
et contentionem, quia zelus, id est invidia, est contentionis materia.
Invidus enim tristatur de bono alterius, quod ille nititur promovere, et ex
hoc sequitur contentio. Unde Iac. III, 16 — ubi zelus et contentio, ibi
inconstantia et omne opus pravum. Et similiter e converso charitas, per
quam quis diligit bonum alterius, est materia pacis. Secundo considerandum est quod zelus et contentio
non habent locum nisi in carnalibus hominibus, quia ipsi circa bona
corporalia afficiuntur, quae simul a pluribus integre possideri non possunt.
Et ideo, propter hoc quod aliquis aliquod bonum corporale possidet, alius
impeditur a plena possessione illius, et ex hoc sequitur invidia, et per
consequens contentio. Sed spiritualia bona, quibus spirituales afficiuntur,
simul a pluribus possideri possunt, et ideo bonum unius non est alterius
impedimentum, et propter hoc in talibus nec invidia, nec contentio locum
habet. Unde Sap. VII, 13 — sine invidia communico. Tertio considerandum est quare homines carnales
dicit secundum hominem ambulare, cum tamen homo ex spiritu et carne
componatur, quia naturae humanae consonum est, ut spiritus cognitionem a
sensibus carnis accipiat. Unde consequenter affectus rationis humanae secundum
ea quae sunt carnis movetur, nisi spiritus hominis per spiritum Dei supra
hominem elevetur. Unde dicitur Eccli. XXXIV, 6 — sicut parturientis, cor
tuum phantasias patitur, nisi ab altissimo fuerit emissa visitatio. Est
ergo sensus secundum hominem, id est, secundum naturam humanam sibi a
Dei spiritu derelictam, sicut et in Ps. IV, 3 dicitur : filii hominum,
usquequo gravi corde, ut quid diligitis vanitatem et quaeritis mendacium?
Quarto manifestat probationem inductam, dicens cum
enim quis, id est, aliquis vestrum, dicat : ego quidem sum Pauli,
quia a Paulo baptizatus et doctus, alius autem : ego Apollo (genitivi
casus), per quod denotatur in vobis esse zelus et contentio, nonne homines
estis, scilicet carnales et non spirituales, utpote zelum et contentionem
habentes pro rebus humanis? Qualis enim homo est, talibus rebus afficitur et
per affectum inhaeret, secundum illud Osee IX, 10 — facti sunt
abominabiles, sicut ea quae dilexerunt. Deinde, cum dicit quid igitur est Apollo?
Improbat eorum iudicium, quantum ad hoc quod plus ministris attribuebant quam
deberent. Et primo ostendit veritatem; secundo excludit errorem, ibi nemo
vos seducat; tertio infert conclusionem intentam, ibi itaque nemo
glorietur in hominibus. Circa primum duo facit. Primo ostendit
conditionem ministrorum; secundo agit de eorum mercede, ibi unusquisque
propriam mercedem. Circa primum tria facit. Primo ponit ministrorum
conditionem; secundo ponit similitudinem, ibi ego plantavi, Apollo rigavit;
tertio ostendit intentum, ibi itaque neque qui plantat. Circa conditionem autem ministrorum duo tangit.
Primo quod non sunt domini, sed ministri, dicens : vos de Paulo et Apollo
gloriamini, igitur quaero a vobis : quid est Apollo, et quid Paulus?
Id est, cuius dignitatis vel potestatis, ut digne de eis gloriari possitis?
Et respondet : ministri eius, scilicet Dei sunt. Quasi dicat : quod
agunt in Baptismo et in doctrina, non principaliter agunt sicut domini, sed
sicut ministri eius, secundum illud Is. LXI, 6 — ministri Dei, dicetur
vobis. Posset autem alicui videri magnum esse, ministrum
Dei esse, et gloriandum esse in hominibus de ministeriis Dei. Et vere esset,
si sine hominibus non pateret accessus ad Deum, sicut illi qui solent
gloriari de ministris regis, sine quibus non patet aditus ad regem. Sed hoc hic locum non
habet, quia fideles Christi per fidem habent accessum ad Deum, secundum illud
Rom. V, 2 — per quem accessum habemus ad Deum per fidem et gratiam
istam, in qua stamus, et gloriamur in spe gloriae filiorum Dei. Ideo
signanter addit cui credidistis, quasi dicat : per fidem iam estis
coniuncti Deo, non hominibus. Unde supra II, 5 dictum est : ut fides
vestra non sit in sapientia hominum, sed in virtute Dei. Et ideo primo de Deo est
vobis gaudendum, quam de hominibus. Contingit autem quod ministri hominum, vel
dominorum, vel artificum primo habeant a seipsis aliquam dignitatem, vel
virtutem, ex qua idonei ad ministerium fiunt, sed hoc non est de ministris
Dei. Et ideo, secundo, ostendit quod tota dignitas et virtus ministrorum est
a Deo, dicens et unicuique sicut Deus divisit, quasi dicat : in tantum
aliquis, et unusquisque nostrum habet de virtute ministrandi, inquantum ei
Deus dedit, unde nec sic nobis est gloriandum. I1 Cor. c. III, 5 s. : sufficientia nostra a
Deo, qui idoneos nos fecit ministros novi testamenti. Deinde, cum dicit ego plantavi, ponit similitudinem ministrorum
ex similitudine agricolarum, ubi duplex differentia operationum intelligitur.
Una, operationis unius ministri ad operationem alterius. Et quantum ad
hoc dicit ego plantavi, id est, in praedicatione ad modum plantantis
me habui, quia scilicet primo vobis praedicavi fidem, Is. LI, v. 16 — posui
verba mea in ore tuo, ut plantes caelos; Apollo rigavit, id est, ad modum
rigantis se habuit, qui aquam plantis exhibet ad hoc ut nutriantur et
crescant. Et similiter legitur Act. XVIII, 1 s. quod, cum Paulus multos
Corinthiorum convertisset, supervenit Apollo, qui multum contulit his qui
crediderunt, publice ostendens per Scripturam esse Iesum Christum. Eccli. c. XXIV,
42 dicitur : rigabo hortum meum plantationum. Secunda differentia est operationis ministrorum, qui exterius
operantur plantando et rigando, ad operationem Dei, qui interius operatur. Unde subdit sed Deus
incrementum dedit, interius scilicet operando. I1 Cor. IX, 10 — augebit
incrementa frugum iustitiae vestrae. Sic etiam in rebus corporalibus
plantantes et rigantes exterius operantur, sed Deus operatur interius per
operationem naturae ad incrementa plantarum. Deinde cum dicit itaque neque qui plantat,
neque qui rigat, etc., infert ex praemissis duas conclusiones, quarum
prima infertur secundum comparationem ministrorum ad Deum, dicens : ex quo
Paulus plantavit, et Apollo rigavit, non sunt nisi ministri Dei, et non
habent aliquid nisi a Deo, et non operantur nisi exterius, Deo interius
operante. Itaque neque qui plantat est aliquid, scilicet principaliter
et magnum de quo sit gloriandum, neque qui rigat, sed qui incrementum dat,
Deus. Ipse enim per se est aliquid principale et magnum, de quo est gloriandum.
Actio enim non attribuitur instrumento, cui comparatur minister, sed
principali agenti. Unde Is. XL, v. 17 dicitur : omnes gentes quasi non
sint, sic sunt coram eo. Secundam conclusionem infert pertinentem ad
comparationem ministrorum ad invicem, dicens qui plantat autem, et qui
rigat, cum sint ministri Dei, et nihil nisi a Deo habentes, et solum
exterius operantes, unum sunt, ex conditione naturae et ministerii
ratione : quare scilicet non potest unus alteri praeferri, nisi secundum
donum Dei, et ita quantum in seipsis est, unum sunt. Et quia, consequenter,
in intentione ministrandi Deo unum sunt per concordiam voluntatis, ideo
stultum est de his qui unum sunt, dissentire. Ps. CXXXII, 1 — ecce quam
bonum et quam iucundum habitare fratres in unum. Rom. XII, 5 — multi
unum corpus sumus in Christo. |
Saint Paul,
après avoir montré les contestations et les divisions des Corinthiens qui se disputaient
entre eux à propos des ministres de Jésus-Christ qui les avaient baptisés et
instruits, commence ici à improuver les jugements qu’ils portaient sur ces
ministres, jugements qui étaient devenus parmi eux la source de leurs
disputes. Sur ce sujet, il fait deux choses : pour commencer, il condamne
leurs jugements, d’abord en ce qu’ils attribuaient plus qu’ils ne devaient à
certains ministres dont ils se glorifiaient ; ensuite en ce qu’ils
méprisaient les autres ministres de Jésus-Christ (IV, 1), à ces mots : Que
les hommes nous regardent. Sur le premier de ces points, saint Paul
montre d’abord le préjudice que les Corinthiens subissent par suite des
contestations qui naissent de ces faux jugements ; il condamne ensuite ces
faux jugements eux-mêmes, à ces mots (verset 4) : Qu’est-ce donc qu’Apollos
? I° Sur le préjudice qui résulte de ces disputes, I. il expose celui
qu’ils ont déjà éprouvé par leur faute ; II. il montre qu’ils l’éprouvent encore, à ces mots (verset
2) : à présent même vous ne pouvez encore. I. Il expose d’abord
le préjudice qu’ils ont subi par leur faute, 1° Il avait dit plus haut que les apôtres donnaient à
ceux qui étaient spirituels des enseignements spirituels que les hommes
charnels ne pouvaient comprendre ; il applique ces paroles aux Corinthiens,
en disant (verset 1) : Et moi, mes frères, c’est-à-dire moi qui, parmi
les autres apôtres, prêche des choses spirituelles à ceux qui sont
spirituels, je n’ai pu, à savoir convenablement, vous parler comme
à des personnes spirituelles, c’est-à-dire vous donner des enseignements
spirituels ; c’est comme à des personnes encore charnelles que je vous
ai parlé. Il appelle ainsi du nom de charnels ceux dont tout à l’heure il
disait : « l’homme animal » et à qui il ne faut donner que ce qui
est proportionné à leur faiblesse ; (Isaïe, XXVIII, 9) : "A qui le
Seigneur enseignera t-il sa loi ? et à qui donnera t-il l’intelligence de sa
parole ? A ceux qui sont déjà sevrés, à ceux qui ont quitté déjà le sein de
leurs mères," c’est-à-dire à ceux dont la vie et les sens ne sont
plus selon la chair. 2° Ensuite il
emploie une similitude, en disant (verset 1) : comme à des petits enfants
en Jésus-Christ, c’est-à-dire peu avancés encore dans la doctrine
parfaite de la foi qu’on doit aux spirituels ; (Hébr., V, 13) : "Quiconque
en est encore au lait est incapable d’entendre la doctrine de la justice, car
il est encore enfant ; or la nourriture solide n’est que pour les
parfaits." 3° Enfin il donne la raison de sa position,
pour qu’on ne croie point que c’est par jalousie qu’il leur a soustrait la
doctrine spirituelle, contrairement à ce qu’on lit au livre de la Sagesse (VII,
13) : "J’ai appris la sagesse sans déguisement, et je la communique
sans envie." Il ajoute donc (verset 2) : à présent même vous ne
le pouvez pas encore", comme s’il disait : je ne vous ai point privé
de nourriture par un sentiment de jalousie qui me serait personnel, mais à
cause de votre incapacité, parce que ces enseignements spirituels (verset 2) :
vous ne pouvez bien les recevoir encore, selon cette parole de saint
Jean (XVI, 12) : "J‘ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais
vous ne pouvez les porter présentement." II. En disant (verset
2) : "même à présent vous ne le pouvez pas encore," saint
Paul montre que le même préjudice dure encore. 1° Il fait sentir l’état d’incapacité
auquel ils étaient encore réduits, en disant (verset 2) : A présent même vous
ne pouvez pas ; comme s’il disait : que dans les commencements
vous n’ayez pu porter une doctrine parfaite, il n’y a rien d’étonnant, car
c’était la suite de votre entrée toute récente dans la foi ; (I Pierre,
II, 2) : "Comme des enfants nouvellement nés, désirez ardemment le
lait." Mais ce qui paraît répréhensible, c’est qu’après un temps si
long, pendant lequel vous avez dû faire des progrès, vous ayez conservé la
même incapacité ; (Hébreux V, 12) : "Vous qui devriez être
maîtres depuis le temps qu’on vous parle, vous avez encore besoin qu’on vous
apprenne les premiers éléments de la parole de Dieu." 2° Il donne la raison de cette
incapacité, en disant (verset 2) : parce que vous êtes encore charnels,
à savoir par la vie et par les sens ; et par suite vous ne pouvez
comprendre ce qui est de l’Esprit, tandis que vous n’avez de goût que pour ce
qui est de la chair ; (Rom., VIII, 5) : "Ceux qui vivent selon
la chair recherchent les choses de la chair." 3° Enfin il donne la raison de sa
preuve induite, en disant (verset 3) : En effet, puisqu’il y a parmi vous
des jalousies et des contestations, n’êtes-vous pas charnels encore, et ne
vous conduisez-vous pas selon l’homme ? A) Il faut remarquer que l’Apôtre
réunit avec raison la jalousie et la contestation, parce que le faux zèle,
c’est-à-dire la jalousie, est la source de la contestation ; car celui qui
est envieux s’attriste du bien auquel son frère s’efforce de parvenir : de là
la contestation ; (Jacques III, 16) : "Là où il y a jalousie et
contestation, là aussi est le trouble et toute espèce de mal." De la
même façon, la charité, au contraire, qui fait aimer le bien du prochain, est
la source de la paix. B) Il faut ensuite remarquer que la
jalousie et la contestation ne se rencontrent que dans des hommes charnels,
parce que ceux qui sont tels affectionnent eux-mêmes les biens du corps, que
plusieurs ensemble ne peuvent posséder complètement et simultanément. Ainsi,
quand l’un possède un bien corporel, un autre ne peut posséder complètement
ce même bien : de là naît la jalousie, et par conséquent la contestation.
Mais les biens spirituels, qui sont l’objet de l’affection des bons, peuvent
être possédés en même temps par plusieurs, et par suite le bien de l’un n’est
pas un obstacle à la possession de l’autre : pour cette raison, chez les bons
l’on ne rencontre ni la jalousie ni la contestation. Aussi lit-on au livre de
la Sagesse (VII, 13) : "Je communique la sagesse sans envie." C) Il faut voir, en troisième lieu,
pourquoi saint Paul dit que les hommes charnels se conduisent selon l’homme,
quoique cependant l’homme soit composé d’esprit et de chair. C’est qu’il est
conforme à la nature humaine que l’esprit reçoive la connaissance au moyen
des sens corporels ; donc l’affection de la nature humaine se détermine par
ce qui est selon la chair, à moins que l’esprit de l’homme ne soit élevé par
l’Esprit de Dieu au-dessus de l’homme. De là cette parole (Ecclésiastique
XXXIV, 6) : "Votre coeur est agité par des fantômes, comme celui de
la femme qui enfante, à moins que le Très-Haut ne vous visite."
Voici donc le sens de ce mot : selon l’homme, c’est-à-dire selon la
nature humaine abandonnée à elle-même par l’Esprit de Dieu, comme il est dit
(Psaume IV, 3) : "Enfants des hommes, jusques à quand aurez-vous le
coeur appesanti ? pourquoi aimez-vous la vanité et cherchez-vous le mensonge ?" 4° Enfin saint Paul développe sa
preuve induite en disant (verset 4) : Et puisque l’un dit,
c’est-à-dire l’un d’entre vous dit : « je suis à Paul »,
parce que j’ai été baptisé et instruit par Paul ; et l’autre : « je
suis à Apollos » (au génitif), ce qui fait voir qu’il y a parmi vous
des jalousies et des contestations, n’est-il pas visible que vous vous
conduisez selon l’homme, c’est-à-dire que vous êtes charnels et non
spirituels, puisque vous avez sur les choses humaines des jalousies et des
disputes ? Car l’homme est tel qu’est l’objet de ses affections ; et c’est
par ces affections qu’il s’attache, suivant cette parole d’Osée (IX, 40) : "Ils
sont devenus abominables, comme tout ce qu’ils ont aimé." II° Lorsque saint
Paul ajoute (verset 4) : "Qu’est-ce donc qu’Apollos ?" il improuve
leurs jugements en tant qu’ils attribuaient aux ministres plus qu’ils
n’auraient dû. Et d’abord il rétablit la vérité ; ensuite il repousse
l’erreur, à ces mots (verset 18) : Que personne ne se séduise soi-même ;
enfin il déduit la conclusion proposée, à ces autres (verset 24) : Que
personne donc ne se glorifie dans les hommes. Or, premier point,
il montre d’abord la condition des ministres ; ensuite il traite de leur
récompense, à ces mots (verset 8) : Chacun recevra son salaire. A
l’égard de la condition des ministres, I. il dit ce qu’elle est ; II. il emploie une comparaison, à ces mots (verset 6) : C’est
moi qui ai planté ; c’est Apollos qui a arrosé ; III. il déduit sa
conclusion, à ces autres (verset 17) : Or celui qui plante. I. Sur la condition
des ministres, il montre deux choses : 1° qu’ils ne sont pas maîtres, mais
ministres, en disant : Vous vous glorifiez de Paul et d’Apollos ; (verset 4) :
Mais qu’est-ce donc, je vous le demande, qu’Apollos, et qu’est-ce
que Paul ? c’est-à-dire quelle est leur dignité, quelle est leur
puissance pour que vous puissiez justement vous glorifier en eux ? Et il
répond (verset 5) : Ils sont ses ministres, c’est-à-dire les ministres
de Dieu ; comme s’il disait : ce qu’ils font dans le baptême, ce qu’ils font
quand ils enseignent, ils ne le font pas principalement comme maîtres, mais
comme les ministres de Dieu, suivant cette parole d’Isaïe (LXI, 6) : "Mais
vous, vous serez appelés les ministres de Dieu." On pourrait
regarder, il est vrai, comme quelque chose de grand d’être ministre de Dieu,
et se glorifier devant les hommes d’exercer un tel ministère ; et cela ne
manquerait pas de vérité si l’on n’avait accès à Dieu que par les hommes,
comme il en est de ceux qu’on voit d’ordinaire se glorifier d’être les
ministres d’un roi, sans lesquels on ne peut arriver jusqu’au roi. Mais ici
il n’en va pas de la sorte, car les fidèles de Jésus-Christ ont accès auprès
de Dieu par la foi, suivant cette parole (Rom., V, 2) : "Jésus-Christ
qui nous a donné accès à Dieu par la foi et par la grâce, dans
laquelle nous demeurons fermes, et nous nous glorifions dans l’espérance de
la gloire des enfants de Dieu." Aussi saint Paul ajoute expressément
(verset 3) : en qui vous avez cru, comme s’il disait : par la foi vous
êtes déjà unis à Dieu, et non aux hommes. C'est ainsi qu’on lit au chapitre
précédent (verset 5) : afin que votre foi ne soit pas établie sur la
sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu. Donc il faut d’abord
vous glorifier de Dieu, et non des hommes. Or il peut arriver que ceux qui
sont au service des hommes, des grands, ou de ceux qui exercent les arts,
aient d’eux-mêmes d’abord quelque dignité ou vertu qui les rende aptes à ce
service ; mais il n’en est pas ainsi à l’égard des ministres de Dieu : voilà
pourquoi saint Paul, en second lieu, montre que toute la dignité et la
puissance des ministres vient de Dieu, en disant (verset 5) : et chacun
selon le don qu’il a reçu de Dieu, comme s’il disait : tout ministre, et
chacun de nous, n’a, pour exercer le ministère, d’autre puissance que celle
que Dieu lui a donnée. Ainsi donc nous n’avons pas de quoi nous glorifier en
ce point ; (I1 Cor., III, 5) : "Toute notre capacité vient de
Dieu, et c’est lui qui nous a rendus aptes à devenir les ministres de
l’alliance nouvelle." 2° Lorsqu’il dit (verset 6) : C’est
moi qui ai planté..., l’Apôtre compare les ministres de l’Evangile aux
ouvriers des champs, et montre une double différence entre le travail des uns
et le travail des autres. A) La première différence entre le
travail d’un ministre et le travail d’un autre, il l’indique (verset 6) : C’est
moi qui ai planté, c’est-à-dire dans la prédication je me suis conduis à
la manière de celui qui plante ; car c’est moi qui le premier vous ai prêché
la foi ; (Isaïe, LI, 16) : "J’ai mis ma parole dans votre
bouche, afin que vous établissiez (plantiez) les cieux" - mais Apollos a
arrosé, c’est-à-dire a travaillé à la manière de celui qui arrose et qui
verse aux plantes l’eau qui les nourrit et les fait croître. On lit, en
effet, au ch. XVIII, 1 ss des Actes, que, Paul ayant converti un grand nombre
de Corinthiens, Apollos survint, ce qui fut d’une grande utilité à ceux qui
avaient reçu la foi, en montrant publiquement par les Ecritures que Jésus
était le Christ ; (Ecclésiastique XXIV, 42) : "J’arroserai le
jardin de mes plantations." B) La seconde différence est dans le
travail même des ministres de Dieu, travail tout extérieur, alors qu’ils
plantent et qu’ils arrosent, tandis que l’opération de Dieu qui agit est
intérieure ; ce qui fait dire à saint Paul (verset 6) : mais c’est Dieu
qui a donné l’accroissement, à savoir par son opération intérieure ;
(I1 Cor., IX, 10) : "Dieu fera croître de plus en plus les fruits de
votre justice." C’est ainsi que, dans les choses corporelles, ceux
qui plantent et ceux qui arrosent agissent extérieurement ; mais Dieu agit
intérieurement par l’opération de la nature pour donner l’accroissement aux
plantes. 3° En ajoutant (verset 7) : Or
celui qui plante n’est rien, pas plus que celui qui arrose, saint Paul
déduit de ces prémices deux conséquences, dont la première vient par
comparaison des ministres à Dieu. A) Du moment que Paul qui a planté et
Apollos qui a arrosé ne sont que les ministres de Dieu, du moment qu’ils
n’ont rien qui ne vienne de Dieu, et n’opèrent qu’extérieurement, tandis que
Dieu agit intérieurement, Celui qui plante n’est donc rien,
c’est-à-dire rien de principal ni de grand dont on puisse se glorifier, pas
plus que celui qui arrose, mais c’est Dieu qui donne l’accroissement.
Lui seul donc, par lui-même, est quelque chose de grand, de principal dont il
faut se glorifier ; car l’action ne s’attribue point à l’instrument auquel
correspond le ministre, mais à l’agent principal. C’est de là qu’on lit au
prophète Isaïe (XI, 17) : "Tous les peuples sont devant ses yeux,
comme s’ils n’étaient pas." B) Saint Paul déduit en suite la
seconde conséquence, qui se rapporte à la comparaison du travail des
ministres entre eux (verset 8) : et celui qui plante et celui qui arrose,
étant les ministres de Dieu, n’ayant rien qui ne vienne de lui, et ne
travaillant qu’à l’extérieur, ne sont qu’un par la condition de leur
nature et à raison de leur ministère ; on ne peut donc préférer l’un à
l’autre, si ce n’est en raison du don de Dieu, et, considérés en eux-mêmes,
ils ne sont qu’un. Et, comme c’est une conséquence que dans l'intention
d’exercer leur ministère devant Dieu ils soient un par l’accord de la volonté,
c’est donc une folie d’élever des discussions à l’égard de ceux qui ne sont
qu’un ; (Psaume CXXXII, 1) : "Qu’il est bon, qu’il est doux que
les frères habitent ensemble !" et (Rom., XII, 5) : "Quoique
nous soyons plusieurs, nous ne sommes tous qu’un seul corps en
Jésus-Christ." |
|
|
Lectio 2 |
Leçon 2 : 1 Corinthiens III, 8-15 — Le purgatoire du péché |
|
SOMMAIRE : L’Apôtre affirme que les ministres, soit bons, soit mauvais, ont leur récompense toute préparée, comme étant les ministres de Dieu. Il montre, par une comparaison tirée de celui qui construit, la diversité de cette récompense. |
[8] qui plantat autem et qui rigat unum sunt unusquisque autem
propriam mercedem accipiet secundum suum laborem [9] Dei enim sumus adiutores Dei agricultura estis Dei
aedificatio estis [10] secundum gratiam Dei quae data est mihi ut sapiens
architectus fundamentum posui alius autem superaedificat unusquisque autem
videat quomodo superaedificet [11] fundamentum enim aliud nemo potest ponere praeter id quod
positum est qui est Christus Iesus [12] si quis autem superaedificat supra fundamentum hoc aurum
argentum lapides pretiosos ligna faenum stipulam [13] uniuscuiusque opus manifestum erit dies enim declarabit
quia in igne revelabitur et uniuscuiusque opus quale sit ignis probabit [14] si cuius opus manserit quod superaedificavit mercedem
accipiet [15] si
cuius opus arserit detrimentum patietur ipse autem salvus erit sic tamen
quasi per ignem |
8. …Mais
chacun recevra sa récompense particulière selon son travail. 9. Car nous
sommes les coopérateurs de Dieu; et vous, vous êtes le champ que Dieu cultive
et l’édifice que Dieu bâtit. 10. Selon
la grâce que Dieu m’a donnée, j’ai posé le fondement, comme fait un sage
architecte; un autre bâtit dessus. Mais que chacun prenne garde comment il bâtit
sur ce fondement; 11. Car
personne ne peut poser d’autre fondement que celui qui est posé, lequel est
le Christ Jésus. 12. Que si
l’on élève sur ce fondement un édifice d’or, d’argent, de pierres précieuses,
de bois, de foin, de paille, 13.
L’ouvrage de chacun paraîtra; et le jour du Seigneur fera voir quel il est,
parce qu'il sera découvert par le feu, et que le feu mettra à l’épreuve
l’ouvrage de chacun; 14. Que si
l’ouvrage que quelqu’un a bâti sur le fond demeure, il en recevra la
récompense; 15. Si
l’ouvrage de quelqu’un est brûlé, il en souffrira la perte; il ne laissera
pas néanmoins d’être sauvé, mais comme en passant par le feu. |
[86242] Super 1 Cor., cap. Pro qua mercede laborantes mercenarii laudantur,
secundum illud Lc. XV, 17 — quanti mercenarii in domo patris mei abundant
panibus? Alioquin si pro alia mercede in opere Dei aliquis laboret,
laudandus non est, secundum illud Io. X, 12 — mercenarius autem, cuius non
sunt oves propriae, videt lupum venientem, et fugit. Haec autem merces et
communis est omnibus, et propria singulorum : communis quidem, quia idem est
quod omnes videbunt, et quo omnes fruentur, scilicet Deus, secundum illud Iob
XXII, 26 — super omnipotentem deliciis afflues, et levabis ad Deum faciem
tuam; Is. XXVIII, 5 — in illa die erit dominus exercituum corona
gloriae et sertum exultationis populo suo. Et ideo Matth. c. XX, 9 s.
omnibus laborantibus in vinea datur unus denarius. Propria vero merces erit
singulorum : quia unus alio clarius videbit, et plenius fruetur secundum
determinatam sibi mensuram. Unde et Dan. XII, 3 illi qui docti sunt, comparantur
splendori firmamenti, qui ad iustitiam erudiunt plurimos quasi stellae. Hinc
est quod Io. XIV, 2 dicitur : in domo patris mei mansiones multae sunt,
propter quod etiam hic dicitur unusquisque propriam mercedem accipiet.
Ostendit autem secundum quid attendatur mensura
propriae mercedis, cum subdit secundum suum laborem. Unde et in Ps.
CXXVII, 2 dicitur : labores manuum tuarum, quia manducabis, beatus es et
bene tibi erit. Non tamen propter hoc designatur aequalitas secundum
quantitatem laboris ad mercedem, quia, ut dicitur I1 Cor. IV, 17 — quod in
praesenti est momentaneum et leve tribulationis nostrae, supra modum in
sublimitate aeternum gloriae pondus operabitur in nobis. Sed aequalitatem
designat proportionis, ut scilicet ubi est potior labor, ibi sit potior
merces. Potest autem intelligi labor esse potior tripliciter. Primo quidem
secundum formam charitatis, cui respondet merces essentialis praemii,
scilicet fruitionis et visionis divinae. Unde dicitur Io. XIV, 21 — qui
diligit me, diligetur a patre meo, et ego diligam eum, et manifestabo ei
meipsum. Unde qui ex maiori charitate laborat, licet minorem laborem
patiatur, plus de praemio essentiali accipiet. Secundo ex specie operis; sicut enim in rebus
humanis ille magis praemiatur qui in digniori opere laborat, sicut
architector quam artifex manualis, licet minus laboret corporaliter : ita
etiam in rebus divinis ille qui in nobiliori opere occupatur, maius praemium
accipiet quantum ad aliquam praerogativam praemii accidentalis, licet forte
minus corporaliter laboret. Unde aureola datur doctoribus, virginibus et
martyribus. Tertio ex quantitate laboris, quod quidem
contingit dupliciter. Nam quandoque maior labor maiorem mercedem meretur,
praecipue quantum ad remissionem poenae, puta quod diutius ieiunat vel
longius peregrinatur, et etiam quantum ad gaudium quod percipiet de maiori
labore. Unde
Sap. X, 17 dicitur : reddidit, Deus scilicet, iustis mercedem
laborum suorum. Quandoque vero est maior labor ex defectu voluntatis. In
his enim quae propria voluntate facimus, minorem laborem sentimus. Et talis
magnitudo laboris non augebit, sed minuet mercedem. Unde dicitur Is. XL, 31 — assument
pennas ut aquilae, current et non laborabunt, volabunt et non deficient;
et ibi praemittitur : deficient pueri et laborabunt. Deinde, cum dicit Dei enim sumus, assignat
rationem eius quod dixerat. Et primo ponit rationem; secundo adhibet
similitudinem, ibi Dei agricultura estis. Dicit ergo primo : recte quilibet nostrum mercedem accipiet, Dei
enim sumus adiutores, scilicet secundum nostros labores. Contra quod
videtur esse quod dicitur Iob c. XXVI, 2 — cuius adiutor es, numquid
imbecillis? Et Is. XL, 13 — quis adiuvit spiritum domini? Dicendum est autem, quod
dupliciter aliquis alium adiuvat. Uno modo augendo eius virtutem, et sic
nullus potest esse Dei adiutor. Unde et post praemissa verba Iob subditur : et
sustentas brachium eius qui non est fortis. Alio modo obsequendo
operationi alterius, sicut si minister dicatur domini adiutor, in quantum
exequitur opus eius aut ministerium artificis, et hoc modo ministri Dei sunt
eius adiutores, secundum illud I1 Cor. VI, 1 — adiuvantes autem exhortamur.
Sicut ergo ministri hominum exequentes eorum opera, mercedem ab eis accipiunt
secundum suum laborem, ita et minister Dei. Secundo adhibet similitudinem simplicis operis,
scilicet agriculturae et aedificationis. Populus quidem fidelis ager est a
Deo cultus, in quantum per operationem divinam fructum boni operis Deo
acceptum producit, secundum illud Rom. VII, 4 — sitis alterius qui ex
mortuis resurrexit, ut fructificetis Deo, et Io. XV, 1 dicitur : pater
meus agricola est. Et hoc est quod primo dicitur Dei agricultura estis,
id est, quasi ager a Deo cultus, et fructum ferens eius opere, et populus
fidelis est quasi domus a Deo aedificata, inquantum scilicet Deus in eis
habitat, secundum illud Eph. II, 22 — et vos coaedificamini in habitaculum
Dei. Et ideo secundo dicitur Dei aedificatio estis, id est
aedificium a Deo constructum, secundum illud Ps. CXXVI, 1 — nisi dominus aedificaverit
domum, et cetera. Sic igitur ministri Dei sunt adiutores, inquantum
laborant in agricultura et aedificatione fidelis populi. Deinde, cum dicit secundum gratiam Dei,
etc., agit de diversitate mercedis, et quia merces distinguitur secundum distinctionem
laboris, ut dictum est, ideo primo agit de diversitate laboris; secundo de
diversitate mercedis, ibi si quis superaedificat. Circa primum duo facit. Primo ponit distinctionem
laborum; secundo subiungit admonitionem, ibi unusquisque autem videat,
et cetera. Circa primum duo facit. Primo, relicta
similitudine agriculturae quam supra prosecutus fuerat, sub similitudine
aedificationis suum proprium laborem describit, dicens secundum gratiam
Dei quae data est mihi, ut sapiens architectus fundamentum posui. Ubi
considerandum est quod architectus dicitur principalis artifex, et maxime
aedificii, ad quem pertinet comprehendere summam dispositionem totius operis,
quae perficitur per operationem manualium artificum. Et ideo dicitur sapiens
in aedificio, quia simpliciter sapiens est qui summam causam cognoscit,
scilicet Deum, et alios secundum Deum ordinat. Ita sapiens in aedificio
dicitur qui principalem causam aedificii, scilicet finem, considerat, et
ordinat inferioribus artificibus quid sit propter finem agendum. Manifestum est autem quod
tota structura aedificii ex fundamento dependet, et ideo ad sapientem
architectum pertinet idoneum fundamentum collocare. Ipse autem Paulus
fundamentum spiritualis aedificii collocavit Corinthiis, unde supra dixit : ego
plantavi. Sicut enim se habet fundamentum in aedificio, sic plantatio in
plantis. Per utrumque enim significatur spiritualiter prima praedicatio
fidei. Unde et ipse dicit Rom. XV, 20 — sic autem praedicavi Evangelium,
non ubi nominatus est Christus, ne super alienum fundamentum aedificarem,
et ideo se comparat sapienti architecto. Hoc autem non suae virtuti
attribuit, sed gratiae Dei. Et hoc est quod dicit secundum gratiam Dei
quae data est mihi, qui scilicet me aptum et idoneum ad hoc ministerium
fecit. Infra XV, 10 — abundantius
omnibus laboravi, non autem ego, sed gratia Dei mecum. Secundo describit laborem aliorum, dicens alius autem, id est,
quicumque inter vos laborat, superaedificat, fundamento a me posito.
Quod quidem potest ad duo referri. Uno quidem modo inquantum aliquis
superaedificat fidei in seipso fundatae profectum charitatis et bonorum
operum. I Petr. II, 5 — et ipsi tamquam lapides vivi superaedificamini.
Alio modo ad doctrinam, per quam quis fundatam fidem in aliis perfectius
manifestat. Unde Ier. I, 10 dicitur : ut aedifices et plantes. Et
secundum hoc idem significat haec superaedificatio, quod supra rigatio. Deinde, cum dicit unusquisque autem, etc., subiungit
monitionem, dicens : dictum est quod ad alios pertinet superaedificare, unusquisque
autem videat, id est, diligenter attendat, quomodo superaedificet,
id est, qualem doctrinam fidei fundatam in aliis superaddat, vel qualia opera
fidei in se fundatae habeat. Prov. IV, 25 — oculi tui videant recta, et palpebrae tuae
praecedant gressus tuos. Secundo respondet tacite quaestioni, quare
scilicet admoneat alios de superaedificatione et non de fundatione, vel
potius assignat rationem quare dixerit quod ad alios pertinet
superaedificare, dicens fundamentum aliud nemo potest ponere, praeter id
quod positum est, scilicet a me, quod est Iesus Christus, qui
habitat in cordibus vestris per fidem, ut dicitur Eph. III, 17. Et de fundamento
dicitur Is. XXVIII, 16 — ecce ego mittam in fundamentis Sion lapidem
angularem, probatum, pretiosum, id est, in fundamento fundatum. Sed contra videtur esse quod dicitur Apoc. XXI, 14
— murus civitatis habens fundamenta duodecim, et in ipsis duodecim nomina
apostolorum. Non
ergo solus Christus est fundamentum. Dicendum est autem, quod duplex est
fundamentum. Unum quidem quod per se habet soliditatem, sicut rupes aliqua
supra quam aedificium construitur, et huic fundamento Christus comparatur.
Ipse enim est petra de qua dicitur Matth. VII, 25 — fundata enim erat
supra firmam petram. Aliud est fundamentum, quod habet soliditatem non ex
se, sed ex alio solido subiecto, sicut lapides qui primo supponuntur petrae
solidae. Et hoc modo dicuntur apostoli esse fundamentum Ecclesiae, quia ipsi
primo superaedificati sunt Christo per fidem et charitatem. Unde dicitur Eph.
II, 20 — superaedificati supra fundamentum apostolorum. Deinde cum dicit si quis superaedificat,
etc., agit de mercedis differentia quantum ad hoc, quod quidam eam accipiunt
sine detrimento, quidam cum detrimento. Et circa hoc tria facit. Primo docet
quod diversitas operationum manifestatur ex retributione; secundo ostendit
quando manifestatur, ibi dies enim domini; tertio ostendit quomodo
manifestatur, ibi si cuius opus, et cetera. Circa primum considerandum est quod apostolus
intendens ostendere diversitatem superae-dificationis, sex ponit, videlicet
tria contra tria. Ex una quidem parte aurum, argentum, et lapides pretiosos;
et ex alia parte lignum, foenum et stipulam, quorum tria, scilicet aurum,
argentum, et lapides pretiosi habent quamdam inclytam claritatem simul et
inconsumptibilitatem et pretiositatem. Alia vero tria obscura sunt, et facile
ab igne consumuntur, et vilia sunt. Unde per aurum, argentum et lapides pretiosos
intelligitur aliquid praeclarum et stabile; per lignum vero, foenum et stipulam
aliquid materiale et transitorium. Dictum est autem supra quod superaedificatio
potest intelligi, et quantum ad opera quae unusquisque superaedificat fidei
fundamento, et quantum ad doctrinam quam aliquis doctor vel praedicator
superaedificat in fundamento fidei ab apostolis fundatae. Unde ista
diversitas quam hic apostolus tangit, ad utramque superaedificationem referri
potest. Quidam ergo referentes haec ad superaedificationem operum, dixerunt
quod per aurum, et argentum, et lapides pretiosos intelliguntur bona, quae
quis fidei superaddit. Sed per lignum, foenum, et stipulam debent intelligi
peccata mortalia quae quis facit post fidem susceptam. Sed ista expositio penitus stare non potest.
Primo quidem quia peccata mortalia sunt opera mortua, secundum illud Hebr.
IX, 14 — mundabit conscientias nostras ab operibus mortuis. In hoc
autem aedificio nihil aedificatur nisi vivum, secundum illud I Petr. II, v. 5
— et ipsi tamquam lapides vivi superaedificamini. Unde qui cum fide
habet peccata mortalia, non superaedificat, sed magis destruit vel violat,
contra quem dicitur infra : si quis templum Dei violaverit, disperdet
illum Deus. Secundo, quia peccata mortalia magis comparantur ferro, vel
plumbo, vel lapidi, tum propter gravitatem, tum quia etiam non renovantur per
ignem, sed semper in eo manent in quo sunt : peccata vero venialia
comparantur ligno, foeno et stipulae, tum propter levitatem, tum etiam quia
ab eis aliquis de facili expurgatur per ignem. Tertio, quia secundum hanc
expositionem videtur sequi, quod ille qui moritur in peccato mortali, dummodo
fidem retineat, finaliter salutem consequatur, licet primo aliquas poenas
sustineat. Sic enim sequitur : si cuius opus arserit, detrimentum
patietur, ipse autem salvus erit, sic tamen quasi per ignem. Quod quidem
contrariatur manifeste sententiae apostoli qua dicitur infra VI, 9 s. : neque
fornicarii, neque idolis servientes, etc. regnum Dei possidebunt;
et Gal. V, 21 —
qui talia agunt, regnum Dei non possidebunt. Non est autem alicui
salus nisi in regno Dei. Nam qui ab eo excluduntur, mittuntur in ignem aeternum, ut dicitur
Matth. XXV, 41. Quarto quia fides non potest dici fundamentum, nisi quia per
eam Christus habitat in nobis, cum supra dictum sit quod fundamentum est ipse
Christus Iesus. Non
enim habitat Christus in nobis per fidem informem, alioquin habitaret in
Daemonibus, de quibus scriptum est Iac. II, 19 — et Daemones credunt et
contremiscunt. Unde quod dicitur Eph. III, 17, habitare Christum per
fidem in cordibus nostris, oportet intelligi de fide per charitatem formata,
cum scriptum sit I Io. IV, 16 — qui manet in charitate in Deo manet, et
Deus in eo. Haec est fides quae per dilectionem operatur, ut dicitur
infra XIII, 4 — charitas non agit perperam. Unde manifestum est quod
illi qui operantur peccata mortalia, non habent fidem formatam, et ita non
habent fundamentum. Oportet ergo intelligere quod tam ille qui superaedificat
fundamento aurum, argentum, lapides pretiosos, quam etiam ille qui
superaedificat lignum, foenum, stipulam, vitet peccata mortalia. Ad horum ergo distinctionem intelligendum est,
quod actus humani ex obiectis speciem habent. Duplex est autem obiectum
humani actus, scilicet res spiritualis et res corporalis, quae quidem obiecta
differunt tripliciter. Primo quidem quantum ad hoc quod res spirituales sunt
perpetuae, res autem corporales sunt transitoriae. Unde I1 Cor. IV, 18 — quae
videntur, temporalia sunt; quae autem non videntur, aeterna. Secundo, quantum ad hoc
quod res spirituales in seipsis claritatem habent, secundum illud Sap. VI, 13 — clara est et
quae numquam marcescit sapientia. Res corporales obscuritatem habent ex
materia. Unde dicitur Sap. II, 5 — umbrae transitus est tempus nostrum.
Tertio, quantum ad hoc quod res spirituales sunt pretiosiores et nobiliores
rebus corporalibus; unde Prov. III, 15 dicitur de sapientia : pretiosior
est cunctis opibus; et Sap. VII, 9 — omne aurum in comparationem
illius, arena est exigua, et tamquam lutum aestimabitur argentum in conspectu
illius. Et ideo opera quibus homo innititur rebus
spiritualibus et divinis comparantur auro, argento et lapidi pretioso, quae
sunt solida, clara et pretiosa. Ita tamen quod per aurum designentur ea
quibus homo tendit in ipsum Deum per contemplationem et amorem; unde dicitur
Cant. V, 11 — caput eius aurum optimum. Caput enim Christi est Deus,
ut dicitur 1 Cor. XI, 3. De quo auro dicitur Apoc. III, 18 — suadeo tibi
emere a me aurum ignitum, id est sapientiam cum charitate. Per argentum
significantur actus, quibus homo adhaeret spiritualibus credendis, et
amandis, et contemplandis; unde in Glossa refertur argentum ad dilectionem
proximi, propter quod et in Psalmo LXVII, 14 pennae columbae describuntur
deargentatae, cuius superior pars, id est, posteriora describuntur esse in
pallore auri. Sed per lapides pretiosos designantur opera diversarum
virtutum, quibus anima humana ornatur; unde dicitur Eccli. L, 10 — quasi
vas auri solidum ornatum omni lapide pretioso. Vel etiam mandata legis
Dei, secundum illud Ps. CXVIII, 127 — dilexi mandata tua super aurum et
topazion. Opera vero humana quibus homo intendit rebus
corporalibus procurandis, comparantur stipulae, quae vilia sunt, namque
fulgent et facile comburuntur; habent tamen quosdam gradus, prout quaedam
sunt aliis stabiliora, quaedam vero facilius consumptibilia; nam ipsi homines
inter creaturas carnales et digniores sunt, et per successionem conservantur.
Unde comparantur lignis, secundum illud Iudic. IX, 8 — ierunt ligna
sylvarum ut eligerent super se regem. Caro autem hominis
facilius corrumpitur per infirmitatem et mortem; unde comparatur foeno,
secundum illud Is. XL, 6 — omnis caro foenum. Ea vero quae pertinent
ad gloriam huius mundi facillime transeunt, unde stipulae comparantur; unde
in Ps. LXXXII,
14 sequitur : pone illos ut rotam et ut stipulam ante faciem venti.
Sic ergo superaedificare aurum, et argentum et lapides pretiosos, est
superaedificare fidei fundamento ea quae pertinent ad contemplationem
sapientiae divinorum, et amorem Dei, et devotionem sanctorum, et obsequium
proximorum, et ad exercitium virtutum. Superaedificare vero
lignum, foenum et stipulam, est superaddere fidei fundamento ea quae
pertinent ad dispositionem humanarum rerum, et ad curam carnis, et ad
exteriorem gloriam. Sciendum tamen quod
contingit aliquem hominem id intendere tripliciter. Uno modo ita quod in his
finem constituat; et cum hoc sit peccatum mortale, per hoc homo non
superaedificat sed, everso fundamento, aliud fundamentum collocat. Potest autem et haec diversitas referri ad
superaedificationem doctrinae. Nam illi qui fidei ab apostolis fundatae per
suam doctrinam superaedificant solidam veritatem et claram, sive manifestam,
et ad ornamentum Ecclesiae pertinentem, superaedificant aurum, argentum,
lapides pretiosos. Unde Prov. X, 20 — argentum electum labia iusti.
Illi vero qui fidei ab apostolis fundatae superaddunt in doctrina sua aliqua
inutilia, et quae non sunt manifesta, nec veritatis ratione firmantur, sed
sunt vana et inania, superaedificant lignum, foenum, stipulam. Unde dicitur
Ier. XXIII, 28 — qui habet somnium, narret somnium, et qui habet sermonem
meum, loquatur sermonem meum vere. Quid paleis ad triticum? Qui vero
falsitatem doceret, non superaedificaret, sed magis subverteret fundamentum.
Dicit ergo si quis superaedificat, vel operando, vel docendo, super
fundamentum hoc, id est, super fidem formatam in corde, vel super fidem
fundatam ab apostolis et praedicatam, aurum, argentum aut lapides
pretiosos, id est spiritualia opera vel praeclaram doctrinam, vel
lignum, foenum, stipulam, id est corporalia opera, vel frivolam
doctrinam, uniuscuiusque opus manifestum erit, scilicet in divino
iudicio, quale sit. Non enim latet per humanam ignorantiam. Nam quidam
videntur superaedificare aurum, argentum, lapidem pretiosum, qui tamen
superaedificant lignum, foenum, stipulam, in rebus spiritualibus corporalia
meditantes, puta lucrum vel favorem humanum; quidam vero videntur
superaedificare lignum, foenum, stipulam, qui tamen aedificant aurum,
argentum et lapidem pretiosum, quia in administratione temporalium nihil nisi
spiritualia cogitant. Unde et Sophon. I, 12 dicitur : scrutabor Ierusalem
in lucernis, et Lc. XII, v. 2 — nihil opertum quod non reveletur. Deinde, cum dicit dies enim domini,
ostendit quando haec manifestatur. Et primo ponit tempus manifestationis, cum
dicit dies enim domini declarabit. Circa quod sciendum est quod tunc
dicitur esse tempus et dies alicuius rei, quando est in optimo statu et
maximo sui posse. Unde Eccle. III, 1 dicitur : omnia tempus habent.
Quando ergo homo suam voluntatem implet, etiam contra Deum, tunc est dies
hominis. Unde dicitur Ier. XVII, 16 — diem hominis non desideravi, tu scis.
Dies vero domini dicitur quando voluntas domini completur de hominibus, qui
per eius iustitiam vel praemiabuntur vel damnabuntur, secundum illud Ps.
LXXIV, 3 — cum accepero tempus, ego iustitias iudicabo. Unde secundum
triplex Dei iudicium tripliciter potest intelligi dies domini. Erit nempe
quoddam iudicium generale omnium, secundum illud Matth. XII, v. 41 — viri
Ninivitae surgent in iudicio. Et secundum hoc dies domini dicitur
novissimus dies iudicii, de quo II Thess. II, 2 — non terreamini quasi
instet dies domini. Et secundum hoc intelligitur dies domini
declarabit, quia in die iudicii manifestabitur differentia humanorum
meritorum. Rom. II, 16 — in die quando iudicabit dominus occulta hominum.
Aliud autem est particulare iudicium quod fit de unoquoque in morte ipsius,
de quo habetur Lc. XVI, 23 — mortuus est dives, et sepultus est in
Inferno, mortuus est autem mendicus, et portatus est ab Angelis in sinum
Abrahae. Et secundum hoc dies domini potest intelligi dies mortis,
secundum illud I Thess. V, 2 — dies domini sicut fur in nocte veniet.
Sic ergo dies domini declarabit, quia in morte uniuscuiusque eius
merita patent. Unde dicitur Prov. XI, 7 — mortuo homine impio, nulla erit
ultra spes; et eiusdem XIV, v. 32 — sperat autem iustus in morte sua.
Tertium autem est iudicium in hac vita, inquantum Deus per tribulationes
huius vitae interdum homines probat. Unde dicitur infra XI, 32 — cum
iudicamur, a domino corripimur, ut non cum hoc mundo damnemur. Et
secundum hoc dicitur dies domini, dies temporalis tribulationis, de quo
dicitur Sophon. I, 14 — vox diei domini amara, tribulabitur ibi fortis.
Dies ergo domini declarabit, quia in tempore tribulationis
affectus hominis probatur. Eccli. XXVII, 6 — vasa figuli probat fornax, et
homines iustos tentatio tribulationis. Secundo ostendit per quod fiet ista declaratio,
quia per ignem, unde sequitur quia in igne revelabitur, scilicet dies
domini. Nam dies iudicii revelabitur in igne, qui praecedet faciem iudicis,
exurens faciem mundi, et involvens reprobos, et iustos purgans : de quo
dicitur in Ps. XCVI, 3 — ignis ante ipsum praecedet, et inflammabit in
circuitu inimicos eius. Dies autem domini, qui est dies mortis,
revelabitur in igne Purgatorii, per quem purgabitur si quid in elementis
invenietur purgandum, de quo potest intelligi quod dicitur Iob XXIII, 10 — probabit
me quasi aurum quod per ignem transit. Dies vero qui est dies
tribulationis divino iudicio permissae, revelabitur in igne tribulationis, de
quo dicitur Eccli. II, 5 — in igne probatur aurum et argentum, homines
vero acceptabiles in camino tribulationis. Tertio ponit effectum manifestationis, cum subdit
et uniuscuiusque opus quale sit, ignis probabit, quia scilicet per
quemlibet ignium praedictorum probantur merita hominis vel demerita : unde in
Ps. XVI, 3 dicitur : igne me examinasti, et non est inventa in me
iniquitas. In his tribus quae hic apostolus ponit, primum est conclusio
duorum sequentium. Si enim dies domini revelatur in igne, et ignis probat
quale sit uniuscuiusque opus, consequens est quod dies domini declaret
differentiam operum humanorum. Deinde cum dicit si cuius opus, ostendit
modum praedictae manifestationis. Et primo quantum ad bona opera, cum dicit si
cuius, id est, alicuius opus, quod ipse superaedificavit, manserit,
scilicet in igne, ille, scilicet qui superaedificavit, mercedem accipiet.
Ier. XXXI, 16 — est merces operi tuo. Et Is. XL, 10 — ecce merces
eius cum eo. Dicitur autem aliquod opus in igne permanere illaesum
dupliciter. Uno modo ex parte ipsius operantis, quia scilicet ille qui hoc
facit opus, scilicet bonae doctrinae, vel quodcumque bonorum operum, propter
huiusmodi opus non punitur, inquantum scilicet nec torquebitur igne
Purgatorii, nec igne qui praecedit faciem iudicis, nec etiam aestuat igne
tribulationis. Qui enim non immoderate temporalia dilexit, consequens est
quod non nimis doleat de eorum amissione. Dolor enim causatur ex amore rei
quae amittitur. Unde superfluus amor superfluum generat dolorem. Alio modo potest intelligi ex parte ipsius operis
: quolibet enim praedictorum iudiciorum superveniente homini, permanet et
opus bonae doctrinae, vel quodcumque aliud bonum opus. Nam igne tribulationis
superveniente, non cessat homo neque a vera doctrina, neque a bono opere
virtutis; utrumque autem horum permanet homini quantum ad meritum et in igne
Purgatorii et in igne qui praecedit faciem iudicis. Secundo ostendit diem quantum ad mala opera,
dicens si cuius, id est, alicuius, opus arserit, scilicet per
aliquem ignium praedictorum, detrimentum patietur, scilicet qui hoc
operatus est, non tamen usque ad damnationem. Unde subdit : ipse autem
salvus erit, scilicet salute aeterna, secundum illud Is. XLV, 17 — salvatus
est Israel in domino salute aeterna. Sic tamen quasi per ignem, quem scilicet prius
sustinuit, vel in hac vita, vel in fine huius vitae, vel in fine mundi. Unde dicitur in Ps. LXV, 12
— transivimus per ignem et aquam, et eduxisti nos in refrigerium. Et
Is. XLIII, 2 s. : cum transieris per ignem, non combureris, et flamma non
comburet te, quia ego dominus Deus salvator tuus. Dicitur autem opus
alicuius ardere dupliciter. Uno modo ex parte operantis, inquantum scilicet
aliquis affligitur igne tribulationis propter immoderatum affectum quo
superflue terrena diligit, et punitur igne Purgatorii, vel igne qui praecedet
faciem iudicis propter peccata venialia, quae circa curam temporalium
commisit, sive etiam per frivola et vana quae docuit. Alio modo ardet opus in
igne ex parte ipsius operis, quia scilicet tribulatione superveniente, homo
non potest vacare nec doctrinae vanae, nec terrenis operibus, secundum illud
Ps. CXLV, 4 — in illa die peribunt omnes cogitationes eorum. Nec etiam
igne Purgatorii vel praecedente faciem iudicis remanebit ei aliquid
praedictorum vel ad remedium vel ad meritum. Et similiter dupliciter patitur
detrimentum, vel inquantum ipse punitur, vel inquantum perdit id quod fecit,
et quantum ad hoc dicitur Eccli. XIV, 20 s. : omne opus corruptibile in
fine deficiet, et qui operatur illud ibit cum illo, et omne opus electum in
fine iustificabitur, et qui operatur illud honorificabitur in illo.
Quorum primum pertinet ad eum qui superaedificat lignum, foenum et stipulam,
quod est opus in igne ardens; secundum autem pertinet ad eum qui
superaedificat aurum, argentum et lapides pretiosos, quod est opus manens in
igne absque detrimento. |
L’Apôtre,
ayant établi la condition des ministres, traite ici de leur récompense. Et
d’abord il dit quelle est la récompense des bons ; il traite ensuite de la
punition des mauvais, à ces mots (verset 16) : Ne savez-vous pas que vous
êtes le temple de Dieu ? etc. Aux bons ministres, I° il promet une récompense spéciale ;
II° Il en assigne la
raison, à ces mots (verset 9) : Car nous sommes les coopérateurs de Dieu ;
III° il traite
de la diversité des récompenses, à ces autres (verset 10) : selon la grâce
de Dieu. I° Il dit donc : Il a été établi que celui qui plante et celui qui arrose
ne sont rien ; toutefois ce n’est pas inutilement
que l’un plante et que l’autre arrose (verset 8) : Chacun recevra son
salaire selon son travail. I. En effet, bien que
ce soit Dieu qui donne lui-même l’accroissement et que Lui seul opère
intérieurement, cependant il donne leur salaire à ceux qui travaillent
extérieurement, selon cette parole de Jérémie (XXXI, 16) : "Que votre
voix cesse ses gémissements plaintifs, et que vos yeux cessent leurs larmes,
car il est une récompense pour vos oeuvres." Et cette récompense,
c’est Dieu Lui-même (Gen., XV, 1) : "Je suis votre protecteur et
votre récompense infiniment grande". Les mercenaires qui travaillent
pour cette récompense méritent des éloges ; (Luc, XV, 17) : "Combien
de mercenaires, dans la maison de mon père, ont du pain en abondance !"
mais si, dans l’oeuvre de Dieu, on travaille pour une autre récompense, on ne
mérite plus d'être loué, selon cette parole de saint Jean (X, 12) : "Le
mercenaire, à qui n’appartiennent pas les brebis, voit venir le loup, et
s’enfuit." Or cette récompense est tout à la fois commune à tous et
spéciale à chacun : elle est commune, car c’est le même objet que tous
verront, dont tous jouiront, à savoir Dieu (Job, XXII, 26) : "Alors
vous trouverez vos délices dans le Tout-Puissant, et vous tournerez vers Lui
vos regards" ; et (Isaïe, XXVIII, 5) : "Le Dieu des
armées sera en ce jour, pour son peuple, une couronne de gloire et une
guirlande de joie." Voilà pourquoi, en saint Matthieu (XX, 9), à
tous ceux qui travaillent dans la vigne on donne un denier. Toutefois la
récompense sera spéciale à chacun, parce que, à raison de la mesure accordée
à chacun, l’un jouira plus que l’autre de la claire vue et possédera la
gloire avec plus de délices. C’est pourquoi le prophète Daniel (XII, 3)
compare ceux qui sont doctes à la splendeur des cieux, et dit de ceux qui
enseignent la justice à plusieurs qu’ils seront comme des étoiles. C’est
encore ce qu’on lit en saint Jean (XIV, 2) : "Il y a plusieurs
demeures dans la maison de mon Père." Et saint Paul, pour cette même
raison, dit ici (verset 8) : "Chacun recevra le salaire qui lui est
dû." II. Il montre ensuite
sur quelle proportion sera mesurée la récompense spéciale, en disant (verset
8) : selon son travail. On lit la même chose au ps. CXXVII, 2 — "Parce
que vous mangez les fruits de vos travaux, vous serez heureux et comblés de
biens." Cependant, pour cette raison, on ne désigne pas l’égalité
entre la quantité du travail et la récompense, parce que, comme dit l’Apôtre
(I1 Cor., IV, 17), "La durée si courte et si légère des afflictions de
cette vie produit en nous le poids éternel d’une souveraine et incomparable
gloire" ; mais seulement l’égalité propor-tionnelle,
c’est-à-dire que là où il y aura eu plus de travail, là il y aura aussi plus
de récompense. Or une plus grande quantité de travail se conçoit sous trois
rapports : A) d’abord selon la forme qu’il reçoit
de la charité, à laquelle correspond ce qu'il y a d’essentiel dans sa
récompense, c’est-à-dire la jouissance et la vision divine. C’est pourquoi
(Jean XIV, 21) : "Celui qui m’aime sera aimé de mon Père; je
l’aimerai aussi, et je me manifesterai à lui." Celui qui travaille
avec une plus grande charité recevra donc davantage de la récompense
essentielle, quand bien même il aurait moins travaillé. B) Selon la nature des oeuvres. De même,
en effet, que, dans les choses humaines, on récompense davantage celui dont
le travail est d’un ordre plus élevé, l’architecte par exemple, relativement
au manoeuvre, bien que corporellement le premier ait moins de peine que le
second, ainsi, dans les choses divines, celui qui est occupé à une fonction
plus excellente recevra un salaire plus grand, en raison de quelque
prérogative de la récompense accidentelle, bien que peut-être son travail corporel
soit moindre. C’est ainsi qu’une auréole est donnée aux Docteurs, aux Vierges
et aux Martyrs. C) Enfin selon la quantité du travail,
ce qui arrive de deux manières ; car quelquefois un plus grand travail mérite
une plus grande récompense, principalement quant à la rémission de la peine,
par exemple pour un jeûne plus long, un pèlerinage à une plus grande
distance, et même pour la joie que l’on goûte à raison d’un travail plus
pénible. C’est pourquoi on lit (Sag., X, 17) : "Dieu a rendu aux
justes, le prix de leurs travaux." Quelquefois aussi le
travail est plus grand, à cause de la faiblesse de la volonté, car, dans ce
que nous faisons par notre volonté propre, nous sentons moins le travail ;
mais la grandeur du travail ainsi entendue n’augmente pas, elle diminue au
contraire la récompense. De là cette parole (Isaïe, XL, 31) : "Ils
prendront des ailes et s’élèveront comme l’aigle ; ils courront sans se
lasser ; ils marcheront sans se fatiguer" ; et au verset
précédent : "L’enfant se brise et succombe au travail." II° Quand saint Paul dit (verset 9) : Car nous sommes les coopérateurs
de Dieu, il donne la raison de ce qu’il vient de dire. Et
d’abord il expose cette raison ; ensuite il emploie une comparaison, à ces
mots (verset 9) : Vous êtes le champ que Dieu cultive. I. Il dit donc : C’est
avec justice que chacun de nous recevra son salaire, car nous sommes les
coopérateurs de Dieu, à savoir par notre travail. On objecte ces paroles
tirées de Job (XXVI, 2) : "Qui prétendez-vous aider ? celui qui est
faible ?" et celles-ci d’Isaïe (XL, 13) : "Qui a aidé l’Esprit
du Seigneur ?" Il faut
répondre que l’on peut aider quelqu’un de deux manières : d’abord en
augmentant sa force ; dans ce sens, nul ne peut aider Dieu. Aussi, après les
paroles précitées de Job, on lit : "Soutenez-vous le bras de celui
qui n’est pas assez fort ?" Ensuite en secondant le travail d’un
autre, comme quand on dit que le serviteur est le coopérateur du maître, en tant
qu’il exécute son oeuvre ou concourt à l’exercice de son art. C’est dans ce
dernier sens que les ministres de Dieu sont ses coopérateurs, suivant cette
parole (I1 Cor., VI, 1) : "Etant donc les coopérateurs de Dieu, nous
vous exhortons." De même donc que les serviteurs des hommes, en
exécutant leurs oeuvres, reçoivent d’eux un salaire proportionné à leur
travail, ainsi en est-il des ministres de Dieu. II. En second lieu,
l’Apôtre emploie une comparaison tirée d’un travail ordinaire, à savoir
l’agriculture et la construction des maisons. Le peuple fidèle est vraiment
un champ cultivé par Dieu, en tant que par l’opération divine il produit,
pour être agréable au Seigneur, les fruits des bonnes oeuvres, selon cette
parole (Rom., VII, 4) : "afin que vous soyez à un autre qui est
ressuscité d’entre les morts, et que vous produisiez des fruits pour
Dieu." On lit encore (Jean XV, 1) : "Mon Père est le
vigneron." C’est ce que saint Paul a dit d’abord (verset 9) : Vous
êtes le champ que Dieu cultive, c’est-à-dire vous êtes comme un champ
cultivé par Dieu et portant des fruits par son action. Le peuple fidèle est
comme une maison bâtie par Dieu, c’est-à-dire en tant que Dieu habite en eux,
selon cette parole (Ephés., II, 22) : "Vous entrez dans la
construction de cet édifice, en devenant la maison de Dieu." Voilà
pourquoi saint Paul ajoute (verset 9) : Vous êtes la maison de Dieu,
c’est-à-dire l’édifice construit par Lui, selon la parole du Psalmiste (CXXVI,
1) : "Si Dieu ne bâtit pas lui-même la maison, etc." Ainsi
donc les ministres de l’Eglise sont les coopérateurs de Dieu, en tant qu’ils
travaillent à la culture et à l’édifice du peuple fidèle. III° Quand saint Paul dit (verset 10) : selon la grâce que Dieu m’a
donnée, etc., il traite de la
diversité de la récompense. Et comme comme la récompense est diverse, suivant
la diversité du travail, ainsi qu’il a été dit, il traite d’abord de la diversité
du travail, et ensuite de la diversité de la récompense, à ces mots (verset
12) : Si l’on élève sur ce fondement. I. A l’égard de la
première, 1° il établit
cette diversité ; 2° il donne
un avertissement, à ces mots (verset 10) : Que chacun prenne garde, etc. 1° Sur le premier de ces points,
laissant de côté la comparaison avec la culture qu’il avait d’abord employée,
1. il décrit sous celle de la
construction d’un édifice son propre travail, en disant : selon la grâce
qui m’a été donnée par Dieu, j’ai posé le fondement comme un sage architecte.
Il faut remarquer ici que l’ouvrier principal, surtout quand il s’agit d’un
édifice, reçoit le nom d’architecte ; c’est à lui qu’il appartient de saisir
dans son ensemble la disposition générale de l’ouvrage tout entier qu’auront
à exécuter les manoeuvres. On l’appelle sage relativement à la construction,
parce que celui qui est sage dans le sens absolu est celui qui connaît la
cause suprême, c'est-à-dire Dieu, et dirige les autres vers Dieu. Celui-là
donc doit être appelé sage en construction qui considère la cause principale
de l’édifice, c’est-à-dire sa fin, et fixe aux ouvriers du second ordre ce
qu’ils ont à faire pour l’atteindre. Or il est évident que toute la structure
d’un édifice dépend du fondement ; aussi un architecte sage doit-il l’établir
convenablement. Saint Paul a posé lui-même, pour les Corinthiens, le
fondement de l’édifice spirituel (verset 7) : C’est moi qui ai planté.
Car le fondement est à l’édifice ce qu’est à la plante sa plantation, et l’un
et l’autre, dans le sens spirituel, marquent la première prédication de la
foi. Aussi saint Paul dit-il lui-même aux Romains (XV, 20) : "J’ai
prêché l’Evangile dans les lieux où le nom de Jésus-Christ n’était pas connu,
pour ne pas bâtir sur le fondement d’autrui." C’est la raison pour
laquelle il se compare à un sage architecte. Ce qu’il a fait, il ne
l’attribue point à son mérite propre, mais à la grâce de Dieu ; voilà
pourquoi il dit (verset 10) : selon la grâce que Dieu m'a donnée, car
c’est Lui qui m’a donné l’aptitude et les dispositions pour ce ministère
(ci-après, XV, 10) : J’ai travaillé plus que les autres, non pas moi
néanmoins, mais la grâce de Dieu avec moi. 2. Il décrit le
travail des autres, en disant (verset 10) : un autre, c’est-à-dire tous
ceux qui travaillent parmi vous, bâtit dessus, à savoir dessus ce
fondement posé par moi. On peut expliquer ce passage de deux manières :
d’abord en ce sens que le fidèle bâtit sur la foi établie en lui de la
charité et des bonnes œuvres ; (I Pierre, II, 5) : "Et
vous-mêmes, entrez dans la structure de l’édifice comme des pierres
vivantes." On peut ensuite l’appliquer à la doctrine, par laquelle
on développe plus complètement, dans les autres, la foi déjà établie ;
(Jér., I, 10) : "pour édifier et pour planter" ; dans
ce sens, « édifier sur quelque chose » a la même signification que
celle donnée plus haut au mot « arroser ». 2° Quand saint Paul ajoute (verset 10)
: mais que chacun prenne garde, etc., il donne un avertissement, en
disant : Il a été dit qu’il appartient aux autres d’édifier sur le fondement ;
mais que chacun prenne garde, c’est-à-dire examine avec attention
comment il bâtit sur ce fondement, c’est-à-dire quelle doctrine appuyée
sur la foi il établit dans les autres, ou quelles sont les oeuvres qu’il a
établies sur la foi ; (Prov., IV, 25) : "Que vos yeux regardent
droit devant vous et que vos paupières précèdent vos pas." Il répond
ensuite tacitement à cette question, à savoir pourquoi il avertit les autres
de construire sur le fondement, et non de le poser ; ou plutôt il donne la
raison pour laquelle il a dit qu’il appartenait aux autres de construire
ainsi, en disant (verset 14) : Car personne ne peut poser un autre
fondement que celui qui a été posé, à savoir par moi, "et ce
fondement est Jésus-Christ, qui habite dans vos coeurs par la foi,
comme dit l’Apôtre (Ephés., III, 17). Isaïe dit de ce fondement (XXVIII, 16) :
"J’établirai pour fondement, dans Sion, une pierre solide, choisie,
précieuse," c’est-à-dire posée dans la fondation. On pose en
objection ces paroles qu’on lit dans l’Apocalypse (XXI, 14) : "La
muraille de la ville avait douze fondements, et sur eux les douze noms des
apôtres de l’Agneau." Jésus-Christ n’est donc pas le fondement
unique. Il faut répondre qu’il y a deux sortes de fondements : d’abord celui
qui a en soi la solidité, comme un rocher sur lequel est construit un édifice
; c’est à ce fondement que Jésus-Christ est comparé, car il est la pierre
dont il est dit en saint Matthieu (VII, 25) : "La maison était fondée
sur la pierre solide." Il est une autre sorte de fondement qui tire
sa solidité non de lui-même, mais d’une autre base solide, comme les pierres
superposées sur la pierre fondamentale. C’est en ce sens que les apôtres sont
appelés les fondements de l’Eglise, parce que, les premiers, ils ont été
élevés sur Jésus-Christ par la foi et la charité. Tel est le sens de ce
passage (Ephés., II, 20) : "Vous êtes comme un édifice bâti sur le
fondement des apôtres." II. Quand saint Paul
dit (verset 12) : Si l’on élève sur ce fondement, etc., il traite de
la différence de la récompense, à ce point de vue que les uns la reçoivent
sans passer par l’épreuve, tandis que les autres l’ont subie.1° Il enseigne que la diversité du
travail se reconnaît à sa rétribution ; 2° il montre quand elle se reconnaît, à ces mots (verset
13) : car le jour du Seigneur ; 3° comment elle se manifeste, à ces autres (verset 14) : Celui
qui aura bâti, etc. 1° Sur le premier de ces points, il
faut remarquer que saint Paul, voulant montrer la diversité de l’ouvrage posé
sur le fondement, met trois termes en opposition avec trois autres termes :
d’un côté, l’or, l’argent, les pierres précieuses ; de l’autre, le bois, le
foin, la paille. Les trois premières, à savoir l’or, l’argent et les pierres
précieuses, non seulement portent avec elles un éclat naturel, mais sont en
même temps incombustibles et précieuses, tandis que les trois dernières n’ont
aucun éclat, sont facilement consumées par le feu et n’ont aucun prix. 1. Par l’or, l’argent, les pierres précieuses,
on entend donc quelque chose d’éclatant et de stable ; par le bois, le foin
et la paille on comprend quelque chose de matériel et de peu de durée. Or il
a été dit plus haut que par « construire dessus » on peut entendre
et les oeuvres que chacun doit élever sur le fondement de sa foi, et
l’enseignement que tout docteur ou prédicateur vient établir sur le fondement
de la foi posé par l’Apôtre. La diversité dont parle ici saint Paul peut donc
se rapporter à l’une ou à l’autre de ces constructions subséquentes. Quelques
auteurs, l’appliquant à l’édification des oeuvres, ont dit que par l’or,
l’argent, les pierres précieuses, on entend les bonnes oeuvres que l’on
ajoute à la foi ; et que par le bois, le foin et la paille on doit comprendre
les péchés mortels que l’on commet après avoir reçu la foi. Mais cette
explication ne peut se soutenir, d’abord parce que les péchés mortels sont
des oeuvres mortes, suivant cette parole de l’épître aux Hébreux (IX, 14) : "[Le
sang de Jésus-Christ] justifiera nos consciences des oeuvres mortes."
Mais dans cet édifice on n’élève rien qui ne soit vivant, suivant cette
parole de saint Pierre (I ép., II, 5) : "Et vous-mêmes, soyez établis
sur lui comme des pierres vivantes." Celui qui, avec la foi,
a des péchés mortels ne bâtit donc pas sur elle ; il détruit plutôt ou il
profane. C’est contre lui qu’on lit, dans ce chapitre même (verset 17) : Si
quelqu’un profane le temple de Dieu, Dieu le perdra. De plus, on compare,
avec plus de justesse, les péchés mortels au fer, au plomb et à la pierre,
soit à raison de leur poids, soit parce qu’ils ne sont pas renouvelés par le
feu, mais demeurent toujours dans celui en qui ils sont. On compare, au
contraire, les péchés véniels au bois, au foin, à la paille, soit à cause de
leur peu de gravité, soit parce qu’on peut facilement s’en purifier par le
feu. Enfin il semblerait suivre de cette explication que celui qui meurt en
état de péché mortel, pourvu qu’il conserve la foi, obtient finalement le
salut éternel, bien qu’il supporte d’abord quelques peines ; car on lit à la
suite (verset 15) : Si l’ouvrage de quelqu’un est consumé par le feu, il
en portera la peine ; toutefois il sera sauvé, mais comme par le
feu, ce qui est formellement opposé à la pensée de l’Apôtre, qui dit au
chapitre VI, 9 — Ni les fornicateurs, ni les idolâtres..., ne seront
héritiers du royaume de Dieu ; et dans l'épître aux Galates (V, 21) :
"Ceux qui commettent ces crimes ne posséderont pas le royaume de
Dieu." Or personne n’obtient le salut, sinon dans ce royaume ; car
ceux qui en sont exclus sont précipités dans le feu éternel (Matt, XXV, 41). En
dernier lieu, la foi ne peut être appelée du nom de fondement qu’autant que
Jésus-Christ, par elle, habite dans nos coeurs, puisqu’il a été dit plus haut
que ce fondement c’est Jésus-Christ lui-même. Car Jésus-Christ n’habite en
nous que par la foi formée ; autrement il habiterait parmi les démons, dont
il est écrit (Jacques II, 19) : "Les démons croient aussi, et ils
tremblent." Quand donc il est dit (Ephés., III, 17) que Jésus-Christ
habite dans nos coeurs par la foi, cela doit s’entendre de la foi formée par
la charité, puisqu’il est écrit (1 Jean IV, 16) : "Quiconque demeure
dans la charité demeure en Dieu, et Pieu demeure en lui." C’est
cette foi qui opère par la charité, comme il sera dit (XIII, 4) : La
charité n’est pas téméraire et précipitée. Il est donc évident que ceux
qui commettent des péchés mortels n’ont pas une foi formée, et qu’ainsi en
eux rien n’est solidement établi. Il faut donc comprendre que autant celui
qui édifie sur la pierre fondamentale l’or, l’argent et les pierres
précieuses, que celui qui y place le bois, le foin et la paille, doivent
éviter les péchés mortels[1]. Pour
comprendre cette distinction, il faut se souvenir que les actes humains se
spécifient d’après leurs objets. Or les objets des actes humains peuvent être
de deux sortes, spirituels ou corporels, et les objets diffèrent entre eux
sous trois rapports : premièrement, en ce que les choses spirituelles sont
perpétuelles ; les choses corporelles, transitoires. C’est de là qu’il est
dit (I1 Cor., IV, 18) : "Les choses visibles sont passagères, mais
les invisibles sont éternelles." Secondement, en ce que les choses
spirituelles ont en elles-mêmes de l’éclat, selon cette parole du livre de la
Sagesse (VI, 13) : "La sagesse est pleine de lumière, et sa beauté ne
se flétrit pas." Les choses corporelles, au contraire, sont obscures
par leur nature même ; c’est de là qu’il est dit (Sag., II, 5) : "Notre
vie est le passage d’une ombre." Troisièmement, enfin, en ce que les
choses spirituelles sont plus nobles et plus précieuses que les choses
corporelles, ce qui a fait dire de la sagesse (Prov., III, 15) : "Sa
possession vaut mieux que tous les trésors" ; et (Sag., VII, 9)
: "L’or, comparé à la sagesse, est un peu de sable, et l’argent,
devant elle, n’est que de la boue." 2. C’est aussi la
raison pour laquelle les oeuvres par lesquelles l’homme s’appuie sur les
choses spirituelles et divines sont comparées à l’or, à l’argent et aux
pierres précieuses, qui sont solides, éclatantes et de valeur, en sorte
toutefois que par l’or on désigne celles au moyen desquelles l’homme s’élève
vers Dieu lui-même par la contemplation et par l’amour ; (Cant., V, 11) :
"Sa tête brille comme l’or pur." En effet, la tête de Jésus-Christ,
c’est la Divinité ; (1 Cor., XI, 3). C’est de cet or que parle
l’Apocalypse (III, 18) : "Je vous conseille d’acheter de moi de l’or
purifié," c’est-à-dire la sagesse jointe à la charité. L’argent
indique les actes par lesquels l’homme s’applique aux choses spirituelles
afin de croire, aimer et contempler ces choses ; c’est pourquoi la Glose
applique l’argent à l’amour du prochain ; c’est également pour cette raison
qu’au ps. LXVII, 14, les ailes de la colombe sont dépeintes comme « argentées »
et, dans leur partie supérieure, c’est-à-dire le dos, comme ayant « la
couleur de l’or ». Par les pierres précieuses on désigne les oeuvres des
vertus diverses dont l’âme humaine est ornée ; de là ces paroles
(Ecclésiastique L, 10) : "Comme un vase d’or massif, orné de toutes
sortes de pierres précieuses." On peut encore y voir les
commandements de la loi de Dieu, selon cette parole du Psalmiste (CXVIII,
127) : "J'aime vos commandements plus que l’or et que la
topaze." Mais les oeuvres humaines, par lesquelles l’homme
s’applique à se procurer les choses corporelles, sont comparées à la paille,
parce qu’elles sont de vil prix, et que, malgré leur éclat, elles sont
toutefois facilement consumées. Il y a pourtant entre elles certaines
différences de degré, car quelques-unes ont plus de consistance que d’autres,
et d’autres sont plus facilement combustibles. Les hommes eux-mêmes, parmi
les créatures corporelles, sont plus dignes et se perpétuent par succession.
C'est pourquoi on les compare au bois, suivant ce passage du livre des Juges
(IX, 8) : "Les arbres des forêts allèrent se choisir un roi."
Mais le corps de l’homme se corrompt plus facilement par la maladie et par la
mort ; aussi est-il comparé au foin, suivant cette parole d’Isaïe (XL, 6) : "Toute
chair n’est que de l’herbe." Quant à ce qui touche à la gloire de ce
monde, cela passe avec rapidité ; aussi la compare-t-on à la paille. C’est
ainsi qu’on lit au Psalmiste (LXXXII, 14) : "Qu’ils soient devant
vous, Seigneur, comme une roue qui ne s’arrête pas et comme la paille
qu’emporte le souffle des vents." Donc édifier l’or, l’argent, les
pierres précieuses, c’est édifier sur le fondement de la foi ce qui
appartient à la contemplation de la sagesse dans les choses divines, l’amour
de Dieu, la dévotion pour les saints, le soulagement du prochain et
l’exercice des vertus ; édifier le bois, le foin et la paille, c’est poser
sur le fondement de la foi ce qui concerne la disposition des choses
humaines, les soins de la chair et la gloire extérieure. 3. Remarquons toutefois que l’on peut
avoir en vue ces choses humaines de trois manières. D’abord on peut y placer
sa fin, et, comme il y a en ceci péché mortel, agir ainsi, pour l’homme, ce
n’est pas édifier, mais renverser le fondement et en établir un autre ; car
la fin est, dans les choses désirables, le fondement de ce que l’on recherche
pour la fin. Ensuite on peut se proposer d’user des choses humaines en les
dirigeant totalement vers la gloire de Dieu ; et parce que les oeuvres se
spécifient par la fin qu’on leur assigne, ce ne sera plus édifier le bois, le
foin et la paille, mais l’or, l’argent et les pierres précieuses. En
troisième lieu, on peut, sans y mettre sa fin, ni vouloir, à cause d’elle,
agir contre Dieu, se préoccuper pourtant de ces biens temporels plus qu’on ne
devrait, en sorte qu’on en soit retardé dans le service des choses de Dieu,
ce en quoi il y a péché véniel : c’est là véritablement édifier le bois, le
foin et la paille, non pas qu’à proprement parler on en forme un édifice,
mais parce que les oeuvres qui tiennent à la sollicitude des choses
temporelles portent en elles-mêmes des défectuosités vénielles, par
l’affection trop vive qu’on a pour elles, affection qu’on compare, selon
qu’elle est plus ou moins intense, au bois, au foin et à la paille. On peut
apprécier cette affection de deux manières : selon la consistance des choses
spirituelles, ainsi qu’il a été dit plus haut, et ensuite selon la vivacité
de l’affection. Toutefois il ne faut pas perdre de vue que ceux qui
s’appliquent aux choses spirituelles ne peuvent pas se dégager complètement
du soin des choses temporelles, pas plus que ceux qui se donnent à
l’affection des choses temporelles, en conservant la charité, ne peuvent
rester absolument en dehors des choses spirituelles ; mais on les distingue
par l’application qu’ils y apportent. Car les uns dirigent l’application de
leur vie vers les choses spirituelles, et ne s’occupent des choses
temporelles qu’autant que l’exige la nécessité de la vie corporelle ; les
autres tournent cette même application vers les choses temporelles, en se
servant cependant des choses spirituelles pour la direction de leur vie. Les
premiers donc édifient l’or, l’argent, les pierres précieuses ; les seconds,
le bois, le foin et la paille. On voit par là que ceux qui édifient
l’or, l’argent, les pierres précieuses, ne sont pas exempts de quelques
péchés véniels ; mais ces péchés sont peu nombreux, parce que ces personnes
s’occupent peu du soin des choses temporelles. Quant à ceux qui édifient le
bois, le foin, la paille, ils ont quelque chose de stable, de précieux,
d’éclatant, mais à un degré inférieur, en ce sens qu’ils sont déterminés par
les biens spirituels. 4. On peut encore entendre cette
diversité, de l’édifice qui s’élève par l’enseignement ; car ceux qui, sur la
foi fondée par les apôtres, édifient par leur doctrine la vérité solide,
éclatante ou manifeste, telle enfin qu’elle puisse concourir à la beauté de
l'Eglise, édifient l’or, l’argent, les pierres précieuses ; (Prov., X,
20) : "Les paroles du juste sont un argent éprouvé." Mais
ceux qui, sur cette même foi, ajoutent à leur enseignement des choses
inutiles, obscures, sans liaison avec la vérité, vaines et futiles, édifient
le bois, le foin et la paille ; (Jér., XXIII, 28) : "Que le
prophète qui a un songe raconte son songe, et que celui qui a ma parole
publie fidèlement ma parole; car qu’y a-t-il de commun entre la paille et le
froment ?" Quant à celui qui enseignerait l’erreur, il n’édifierait
pas sur le fondement, il le détruirait plutôt. L’Apôtre dit donc : Si on
édifie ou par les oeuvres ou par la doctrine sur ce fondement,
c’est-à-dire sur la foi formée dans le coeur ou sur la foi fondée et prêchée
par les apôtres, l’or, l’argent et les pierres précieuses, en d’autres
termes les oeuvres spirituelles ou la doctrine éclatante, ou le bois, le
foin et la paille, c’est-à-dire les oeuvres de la vie du corps ou une
doctrine sans consistance (verset 13), l’oeuvre de chacun sera manifestée
au jugement de Dieu, telle qu’elle est. Cela n’est pas évident, à
cause de l’ignorance de l’homme. En effet, s’il en est qui paraissent édifier
l’or, l’argent et les pierres précieuses, qui ce pendant n’édifient que le
bois, le foin et la paille, parce que, dans les choses spirituelles, ils
n’envisagent que les besoins du corps, par exemple le profit ou la faveur des
hommes, d’autres, au contraire, paraissent édifier le bois, le foin et la
paille, qui, cependant, édifient l’or, l’argent et les pierres précieuses,
parce qu’en traitant les choses temporelles ils n’ont dans la pensée que les
choses spirituelles. Aussi (Soph., I, 12) : "Je scruterai Jérusalem
la lampe à la main" ; et (Luc, XII, 2) : "Il n’y a rien
de caché qui ne soit révélé." 2° Lorsque l’Apôtre dit (verset 13) : Car
le jour du Seigneur, il indique quand cela sera manifesté. A) Et d’abord il désigne le temps où
elle se fera, lorsqu’il dit : Le jour du Seigneur le fera connaître.
Sur ce point il faut observer que l’on dit d’une chose que son temps et son
jour sont arrivés quand elle est dans l’état le meilleur, et, relativement à
elle-même, le plus parfait qu’elle puisse atteindre. C’est pour cela qu’on
lit dans l’Ecclésiaste (III, 1) : "Tout a son temps." Quand
donc l’homme accomplit sa propre volonté, même contre Dieu, c’est alors le
jour de l’homme ; Jérémie (XVII, 16) dit dans ce sens : "Je n’ai
point désiré le jour de l’homme, vous le savez." Mais on appelle
jour du Seigneur le temps où la volonté du Seigneur s’accomplira à l’égard
des hommes, qui seront alors, selon les règles de la justice de Dieu,
récompensés ou punis, suivant cette parole du Psalmiste (LXXIV, 3) : "Quand
le temps sera venu, je jugerai les justices." Donc, comme il y a un
triple jugement de Dieu, on peut distinguer un triple jour du Seigneur. a) En effet, il y aura un jugement
général pour tous (Matthieu XII, 41) : "Les hommes de Ninive
s’élèveront au jour du jugement" ; dans ce sens, le jour du
Seigneur est le dernier jour du jugement, dont saint Paul dit (II Thess., II,
2) : "Ne vous laissez pas effrayer, comme si le jour du Seigneur
était près d’arriver." Ainsi entendues, ces paroles : Le jour du
Seigneur le fera connaître, s’expliquent de cette manière : au jour du
jugement sera manifestée la différence des mérites humains ; (Rom., II,
16) : "En ce jour où Dieu jugera ce qui est caché dans le coeur des
hommes." b) Il y a un
autre jugement particulier qui a lieu pour chacun au moment de la mort. Luc
dit de ce jugement (XVI, 23) : "Le riche mourut, et il fut enseveli
dans les enfers ; le pauvre mourut aussi, et il fut porté par les anges dans
le sein d’Abraham." Dans ce sens, on peut entendre par « jour
du Seigneur » le jour de la mort, selon cette parole de la première
épître aux Thessaloniciens (V, 2) : "Le jour du Seigneur viendra
comme un voleur au milieu de la nuit." Ainsi donc, Le jour du Seigneur
le fera connaître, parce que c’est à la mort que sont manifestés les
mérites de chacun. C’est de là qu’il est dit (Prov., XI, 7) : "la
mort du méchant, il ne restera plus d’espérance" ; et au même
livre (XIV, 32) : "Mais le juste espère même dans la mort." c) Enfin il y a pendant la vie un
troisième jugement : il a lieu quand Dieu éprouve parfois les hommes par les
tribulations de la vie. C’est ainsi qu’on lit (ci-après, XI, 32) : Lorsque
nous sommes jugés, c’est le Seigneur qui nous reprend, afin que nous ne
soyons pas condamnés avec le monde. Dans ce sens, on appelle jour du
Seigneur le jour éphémère de la tribulation, dont il est dit (Soph., I, 14) :
"Voix amère du jour du Seigneur, tribulation pour les forts." –
Le jour du Seigneur le fera donc connaître, parce que le coeur de
l’homme est éprouvé dans le temps de la tribulation ; (Ecclésiastique
XXVII, 6) : "La fournaise éprouve les vases du potier, et la
tribulation les hommes justes." B) En second lieu, saint Paul fait
connaître par quel moyen se fera la manifestation : ce sera par le feu ;
aussi ajoute-t-il (verset 13) : et il sera révélé par le feu, à savoir
le jour du Seigneur. Car le jour du Seigneur sera révélé par le feu qui
précédera la face du juge, dévorera la face du monde, en enveloppant les
méchants et en purifiant les justes. C’est de ce feu dont parle le Psalmiste
(XCVI, 3) : "Le feu le précédera et dévorera autour de lui ses
ennemis." Le jour du Seigneur, qui est le jour de la mort, sera
révélé dans le feu du purgatoire, par lequel seront purifiées les âmes, s’il
se trouve en elles quelque chose à purifier. A ce feu on peut appliquer ce
que dit Job (XXIII, 10) : "Il m’éprouvera comme l’or qui passe par le
feu." Quant au jour qui est le jour de la tribulation permise par le
jugement divin, il sera révélé dans le feu de la tribulation. De ce feu il
est dit (Ecclésiastique II, 5) : "L’or et l’argent s’éprouvent par la
flamme, mais les hommes que Dieu veut recevoir au nombre des siens sont
éprouvés dans le creuset de la tribulation." C) Il exprime l’effet de cette
manifestation lorsqu’il ajoute (verset 13) : Et le feu éprouvera l’ouvrage
de chacun, à savoir parce que chacun de ces feux dont j’ai parlé éprouvent
les mérites et les démérites des hommes ; (Psaume XVI, 3) : "Vous
m’avez fait passer par le feu, et l’iniquité ne s’est pas trouvée en
moi." De ces trois points qu’a développés saint Paul, le premier est
la conclusion des deux qui le suivent ; car si le jour du Seigneur est révélé
par le feu, et si le feu montre quel est l’ouvrage de chacun, il s’ensuit que
le jour du Seigneur fera connaître la différence des oeuvres des hommes. 3° En disant (verset 14) : Celui
qui aura bâti, l’Apôtre explique le mode de cette manifestation. 1. Et d’abord, quant aux bonnes
oeuvres, lorsqu’il dit (verset 14) : Si l’ouvrage, c’est-à-dire
l’oeuvre édifiée sur la foi, de quelqu’un, à savoir d’un fidèle, subsiste
dans le feu, il, c’est-à-dire celui qui aura bâti, en sera
récompensé ; (Jér., XXXI, 16) : "Il est une récompense à vos
oeuvres" ; et (Isaïe XL, 10) : "Il porte avec lui ses
récompenses." Or on peut dire d’un ouvrage qu’il est demeuré sans
atteinte dans le feu de deux façons différentes. A) D’abord que celui qui accomplit l’oeuvre, soit
enseignement de la bonne doctrine, soit toute autre œuvre bonne, ne sera pas
tourmenté, en raison de son œuvre, par les feux du purgatoire, ni par celui
qui précède la face du juge, ni par le feu de la tribulation ; car si l’on
n’a pas aimé les biens du temps au-delà de la mesure, c’est une conséquence
que l’on ne s’afflige pas démesurément de leur perte, la douleur ayant pour
cause l’amour de l’objet qu’on a perdu. Aussi l’excès de l’amour
engendre-t-il l’excès de la douleur. B) En second lieu, on peut considérer
la chose du côté de l’ouvrage même ; car, quelque soit celui des trois
jugements cités plus hauts qui survienne pour l’homme, il laisse subsister
l’oeuvre de la bonne doctrine ou quelque autre œuvre que ce soit. Lorsque le
feu de la tribulation arrive, l’homme ne s’écarte pas pour cela de la
doctrine véritable, ni des bonnes oeuvres qu’inspire la vertu ; mais il
retient le mérite de l’une et des autres, et dans le feu du purgatoire et
dans le feu qui précède la face du juge. 2. En second lieu, saint
Paul montre le jour de la manifestation quant aux oeuvres mauvaises, en
disant (verset 15) : Si l’ouvrage de quelqu’un, par l’un des feux dont
il a été parlé, vient à être confirmé, il, c’est-à-dire celui qui l’a
fait, en portera la peine, mais pas jusqu’à la damnation. Aussi saint
Paul ajoute-t-il (verset 15) : "Lui, pourtant, sera sauvé,"
c’est-à-dire obtiendra le salut éternel, suivant la parole d’Isaïe (XLV, 17) :
"Israël a reçu du Seigneur son salut éternel" - toutefois comme
par le feu, à savoir qu’il a d’abord souffert, soit dans cette vie, soit
à la fin de cette vie, soit à la fin du monde. C’est en ce sens que le
Psalmiste dit (LXV, 12) : "Nous avons passé par le feu et l’eau, et
vous nous avez conduits au lieu de rafraîchissement" ; et
(Isaïe XLIII, 2) : "Lorsque vous marcherez dans le feu, vous n’en
serez pas brûlés, et la flamme ne vous consummera pas, parce que je suis le
Seigneur votre Dieu, votre sauveur." Or un ouvrage peut être atteint
par le feu de deux manières : a) d’abord
par la faute de celui qui l’a fait, à savoir en ce qu’il peut endurer le feu de
la tribulation pour l’affection déréglée avec laquelle il a aimé démesurément
les choses terrestres, et subir le feu du purgatoire ou celui qui précédera
la face du juge, à cause des péchés véniels qu’il a commis en recherchant des
choses temporelles, ou même pour les choses vaines et frivoles qu’il aura
enseignées. b) Ensuite
l’ouvrage peut subir l’atteinte du feu par son propre défaut, à savoir quand,
survenant la tribulation, on ne peut vaquer ni à une doctrine vaine ni aux
préoccupations terrestres, selon cette parole du Psalmiste (CXLV, 4) : "En
ce jour-là périront toutes leurs pensées" ; ou encore parce que
soit le feu du purgatoire, soit celui qui monte devant le juge ne lui
laisseront, comme mérite ou comme remède, aucune des oeuvres précitées. Conséquemment
il a à subir une double peine, et en tant qu’il est lui-même puni et en tant
qu’il perd ce qu’il a fait. Quant à ceci, il est dit (Ecclésiastique XIV, 20)
: "Toute oeuvre corruptible disparaîtra à la fin, et celui qui l’a
faite s’en ira avec elle ; et toute oeuvre sainte sera reconnue à la fin, et
celui qui l’a faite sera honoré par elle." La première partie du
texte concerne celui qui édifie le bois, le foin et la paille,
c’est-à-dire l’oeuvre qui brûle dans le feu ; la seconde partie se rapporte à
celui qui bâtit l’or, l’argent et les pierres précieuses, c’est-à-dire
l’oeuvre qui subsiste dans le feu sans éprouver aucune altération. |
|
|
Lectio 3 |
Leçon 3 : 1 Corinthiens III, 16-23 — Le châtiment des mauvais ministres |
|
SOMMAIRE : L’Apôtre explique quel sera le châtiment des ministres indignes et dont le travail a été mauvais. Il ne faut pas se glorifier dans les ministres de Jésus-Christ, puisque tous les fidèles sont en union avec Lui. |
[16] nescitis quia templum Dei estis et Spiritus Dei habitat in
vobis [17] si quis autem templum Dei violaverit disperdet illum Deus
templum enim Dei sanctum est quod estis vos [18] nemo se seducat si quis videtur inter vos sapiens esse in
hoc saeculo stultus fiat ut sit sapiens [19] sapientia enim huius mundi stultitia est apud Deum
scriptum est enim conprehendam sapientes in astutia eorum [20] et iterum Dominus novit cogitationes sapientium quoniam
vanae sunt [21] itaque nemo glorietur in hominibus omnia enim vestra sunt [22] sive Paulus sive Apollo sive Cephas sive mundus sive vita
sive mors sive praesentia sive futura omnia enim vestra sunt [23] vos
autem Christi Christus autem Dei |
16. Ne
savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite
en vous? 17. Si
quelqu'un donc profane le temple de Dieu, Dieu le perdra; car le temple de
Dieu est saint, et c’est vous qui êtes ce temple. 18. Que nul
ne se trompe soi-même si quelqu’un d'entre vous pense être sage selon le
monde, qu’il devienne fou pour être sage; 19. Car la
sagesse de ce monde est une folie devant Dieu, selon qu’il est écrit : Je
surprendrai les sages dans leurs propres artifices 20. Et
ailleurs : "Le Seigneur pénètre les pensées des sages, et il en connaît
la vanité." 21. Que
personne donc ne mette sa gloire dans les hommes; 22. Car
toutes choses sont de vous, soit Paul, soit Apollon, soit Céphas, soit le
monde, soit la vie, soit la mort, soit les choses présentes, soit les choses
futures, tout est à vous; 23. Et
vous, vous êtes au Christ, et le Christ est d Dieu. |
[86243] Super 1 Cor., cap. Dicit ergo primo : dictum
est quod ille qui superaedificat, mercedem salutis accipiet, vel sine
detrimento vel cum detrimento; sed ut possitis agnoscere, quae sit poena male
in vobis laborantium, oportet vos vestram dignitatem agnoscere; quam primo
ponit, dicens : an vos nescitis quia, vos fideles Christi, estis
templum Dei? Eph. c. II, 21 s. : in quo omnis aedificatio constructa
crescit in templum sanctum in domino, in quo et vos coaedificamini in
habitaculum Dei. Secundo probat quod fideles sint templum Dei. Est
enim de ratione templi quod sit habitaculum Dei, secundum illud Ps. X, 5 — Deus in templo
sancto suo. Unde
omne illud in quo Deus habitat, potest dici templum. Habitat autem Deus
principaliter in seipso, quia ipse solus se comprehendit. Unde et ipse Deus
templum Dei dicitur Apoc. XXI, 22 — dominus Deus omnipotens templum illius
est. Habitat etiam Deus in domo sacrata per spiritualem cultum, qui in ea
sibi exhibetur; et ideo domus sacrata dicitur templum, secundum illud Ps. V, 8 — adorabo ad
templum sanctum tuum, et cetera. Habitat etiam Deus in hominibus per
fidem, quae per dilectionem operatur, secundum illud Eph. III, 17 — habitare
Christum per fidem in cordibus vestris. Unde et ad probandum quod
fideles sint templum Dei, subiungit quod inhabitantur a Deo, cum dicit et
spiritus Dei habitat in vobis. Et Rom. VIII, 11 dictum est : spiritus, qui
suscitavit Iesum Christum habitabit in vobis. Ez. XXXVI, 27 — spiritum
meum ponam in medio vestri. Ex quo patet quod spiritus sanctus est Deus,
per cuius inhabitationem fideles dicuntur templum Dei. Sola enim inhabitatio
Dei templum Dei facit, ut dictum est. Est autem considerandum quod Deus est
in omnibus creaturis, in quibus est per essentiam, potentiam et praesentiam,
implens omnia bonitatibus suis, secundum illud Ier. XXIII, 24 — caelum et
terram ego impleo. Sed spiritualiter dicitur Deus inhabitare tamquam in
familiari domo in sanctis, quorum mens capax est Dei per cognitionem et
amorem, etiam si ipsi in actu non cognoscant et diligant, dummodo habeant per
gratiam habitum fidei et charitatis, sicut patet de pueris baptizatis. Et
cognitio sine dilectione non sufficit ad inhabitationem Dei, secundum illud I
Io. IV, 16 — qui manet in charitate, in Deo manet, et Deus in eo. Inde
est quod multi cognoscunt Deum, vel per naturalem cognitionem, vel per fidem
informem, quos tamen non inhabitat spiritus Dei. Deinde cum dicit si quis autem templum,
etc., subiungit poenam male operantium secundum convenientiam praedictorum,
dicens si quis autem, et cetera. Violatur autem templum Dei
dupliciter. Uno modo per falsam doctrinam, quae non
superaedificatur fundamento, sed magis subruit fundamentum et destruit
aedificium. Unde dicitur Ez. XIII, 19 de falsis prophetis : violabant me
ac populum meum propter pugillum hordei et fragmentum panis. Alio modo violat aliquis templum Dei per peccatum
mortale, per quod aliquis vel seipsum corrumpit vel alium, opere vel exemplo.
Unde dicitur Malac. II, 11 — contaminavit Iudas sanctificationem domini
quam dilexit. Sic autem dignum est, ut disperdatur ille a Deo per
damnationem aeternam qui violat spirituale templum Dei, vel qualitercumque
polluit. Unde dicitur Malac. II, 12 — disperdet dominus virum qui fecerit
hoc, magistrum et discipulum. Et in Ps. XI, 4 — disperdet dominus
universa labia dolosa, et cetera. Deinde cum dicit templum Dei, etc.,
assignat rationem eius quod dixerat de sanctitate templi. Qui enim aliquam
rem sacram violat, sacrilegium committit, unde dignum est ut disperdatur. Templum
enim Dei sanctum est quod estis vos, sicut supra dictum est, et in Ps.
LXIV, 5 dicitur : sanctum est templum tuum, mirabile in aequitate; et
alibi domum tuam, domine, decet sanctitudo. Et quidem in materiali
templo est quaedam sacramentalis sanctitas, prout templum divino cultui
dedicatur, sed in fidelibus Christi est sanctitas gratiae, quam consecuti
sunt per Baptismum, secundum illud infra VI, 11 — abluti estis,
sanctificati estis. Deinde cum dicit nemo vos seducat,
excludit errorem contrarium. Et primo monet fideles ut sibi caveant a
seductione errorum; secundo docet modum cavendi, ibi si quis inter vos;
tertio assignat rationem, ibi sapientia enim huius mundi, et cetera. Circa primum sciendum quod quidam dixerunt quod
Deus neque punit, neque remunerat hominum facta; ex quorum persona dicitur
Sophon. I, 12 — qui dicunt in cordibus suis : non faciet bene dominus, et
non faciet male. Et Thren. III, 37 s. : quis est iste qui dixit, ut
fieret, domino non iubente? Ex ore altissimi non egredietur bonum neque malum.
Ad hunc ergo errorem excludendum dicit nemo vos seducat, asserens
scilicet quod ille qui templum Dei violat, non disperdatur a Deo, sicut Eph.
V, 6 dicitur : nemo vos seducat inanibus verbis, propter hoc enim venit
ira Dei in filios diffidentiae. Deinde cum dicit si quis inter vos, etc.,
docet modum cavendi huiusmodi seductionem. Ubi sciendum est quod quidam
dixerunt Deum non punire peccata hominum, innitentes rationibus humanae
sapientiae, puta quod Deus non cognoscat singularia, quae fiunt hic, ex
quorum persona dicitur Iob XXII, v. 14 — circa cardines caeli perambulat,
nec nostra considerat. Ad hoc ergo vitandum dicit si quis inter vos
videtur esse sapiens in hoc saeculo, id est, sapientia saeculari, quae in
eo quod contrariatur veritati fidei, non est sapientia, licet videatur esse, stultus
fiat, abiiciendo istam sapientiam apparentem, ut sit sapiens,
scilicet secundum sapientiam divinam, quae est vera sapientia. Et hoc etiam
observandum est non solum in his in quibus saecularis sapientia contrariatur
veritati fidei, sed etiam in omnibus in quibus contrariatur honestati morum.
Unde Prov. XXX, 1 dicitur : Deo secum morante confortatus est, et
cetera. Deinde cum dicit sapientia huius mundi,
etc., assignat rationem eius quod dixerat. Et primo ponit rationem. Videbatur
enim ineptam monitionem fecisse, ut aliquis fieret stultus, et vere inepta
esset si stultitia illa, de qua loquebatur, esset per abnegationem verae
sapientiae, sed non est ita. Sapientia enim huius mundi stultitia est apud
Deum. Dicitur autem sapientia huius mundi, quae principaliter mundo
innititur. Nam illa, quae per res huius mundi ad Deum attingit, non est
sapientia mundi, sed sapientia Dei, secundum illud Rom. I, 19 s. : Deus
enim illis revelavit. Invisibilia enim ipsius a creatura mundi per ea quae
facta sunt, intellecta conspiciuntur. Sapientia ergo mundi, quae sic
rebus intendit, ut ad divinam veritatem non pertingat, stultitia est apud
Deum, id est, stultitia reputatur secundum divinum iudicium. Is. XIX, 11
— stulti principes Thaneos, sapientes consiliarii Pharaonis dederunt
consilium insipiens. Secundo probat quod dixerat per duas
auctoritates, quarum prima scribitur Iob V, 13. Unde dicit scriptum est :
comprehendam sapientes in astutia eorum. Comprehendit autem sapientes
dominus in astutia eorum, quia per hoc ipsum quod astute cogitant contra
Deum, impedit Deus eorum conatum, et implet suum propositum; sicut per
malitiam fratrum Ioseph volentium impedire eius principatum, impletum est per
divinam ordinationem, quod Ioseph in Aegypto venditus principaretur. Unde et
ante praemissa verba dicit Iob : qui dissipat cogitationes eorum,
scilicet malignorum, ne possint implere manus eorum, quod coeperant;
quia, ut dicitur Prov. XXI, 30, non est sapientia, non est scientia, non
est consilium contra dominum. Secunda auctoritas sumitur ex Ps., unde dicit et
iterum scriptum est : dominus novit cogitationes sapientium, id est,
secundum sapientiam mundi, quoniam vanae sunt; quia scilicet non
pertingunt ad finem cognitionis humanae, quae est cognitio veritatis divinae.
Unde dicitur Sap. XIII, v. 1 — vani sunt homines, in quibus non subest
sapientia Dei. Deinde cum dicit itaque nemo glorietur in
hominibus, infert conclusionem principaliter intentam, scilicet quod non
debeant gloriari de ministris Dei. Et primo concludit propositum ex
praedictis dicens itaque, ex quo ministri nihil sunt, sed laborant pro
mercede, nemo glorietur in hominibus; sicut et in Ps. CXLV, 2 s.
dicitur : nolite confidere in principibus, neque in filiis hominum, in
quibus non est salus. Et Ier. XVII, 5 — maledictus vir qui confidit in
homine, et cetera. Secundo rationem assignat ex dignitate fidelium
Christi, assignans ordinem fidelium in rebus. Et primo ponit ordinem rerum ad fideles Christi,
dicens omnia vestra sunt, quasi dicat : sicut homo non gloriatur de
rebus sibi subiectis, ita et vos gloriari non debetis de rebus huius mundi,
quae omnia sunt vobis data a Deo, secundum illud Ps. VIII, 8 — omnia
subiecisti sub pedibus eius. Exponit autem, quae omnia, inter quae
primo ponit ministros Christi, qui sunt divinitus ordinati ad ministerium
fidelium, secundum illud I1 Cor. IV, 5 — nos autem servos vestros per
Iesum. Et hoc est, quod dicit sive Paulus, qui plantavit, sive
Apollo, qui rigavit, sive Cephas, id est, Petrus, qui est universalis
pastor ovium Christi, ut dicitur Io. ult. Post haec ponit res exteriores, cum dicit sive
mundus, qui est continentia omnium creaturarum, qui quidem est fidelium
Christi, eo quod homo per res huius mundi iuvatur, vel quantum ad
necessitatem corporalem, vel quantum ad cognitionem Dei, secundum illud Sap.
XIII, 5 — a magnitudine speciei et creaturae, et cetera. Consequenter ponit ea quae pertinent ad ipsam
hominis dispositionem, dicens sive vita, sive mors, quia scilicet
fidelibus Christi et vita est utilis in qua merentur, et mors per quam ad
praemia perveniunt, secundum illud Rom. XIV, 8 — sive vivimus, sive
morimur, et cetera. Et Phil. I, 21 — mihi vivere Christus est, et mori
lucrum. Ad
haec autem duo reducuntur omnia bona vel mala huius mundi, quia per bona
conservatur vita, per mala pervenitur ad mortem. Ultimo ponit quae
pertinent ad statum hominis praesentem vel futurum, dicens sive praesentia,
id est, res huius vitae, quibus iuvamur ad merendum; sive futura, quae
nobis reservantur ad praemium. Non enim habemus hic civitatem permanentem,
sed futuram inquirimus, ut dicitur Hebr. ult. Omnia, inquit, vestra sunt,
id est, vestrae utilitati deservientia, secundum illud Rom. VIII, 28 — diligentibus
Deum omnia cooperantur in bonum. Sic ergo primus ordo est rerum Christi ad
fideles; secundus vero fidelium Christi ad Christum, quos ponit subdens vos
autem Christi estis, quia scilicet sua morte vos redemit. Rom. XIV, 8 — sive
vivimus, sive morimur, domini sumus. Tertius ordo est Christi, secundum
quod homo ad Deum; ideo addit Christus autem, secundum quod homo, Dei
est. Unde eum
Deum et dominum in Ps. VII, 2 nominat, dicens : domine Deus meus, in te
speravi, ut nomine Dei tota Trinitas intelligatur. Quia ergo nullus debet gloriari de eo quod infra
ipsum est, sed de eo quod est supra ipsum, ideo non debent fideles Christi
gloriari de ministris, sed magis ministri de ipsis. I1 Cor. VII, 4 — multa mihi fiducia est apud
vos, multa mihi gloriatio pro vobis. Sed fideles Christi debent gloriari
de Christo, secundum illud Gal. ult. : mihi absit gloriari, nisi in cruce
domini nostri Iesu Christi, sicut Christus de patre, secundum illud Sap. II, 16 — gloriatur se
patrem habere Deum. |
Après avoir
établi quelle sera la récompense des bons ouvriers, l’Apôtre traite ici du
châtiment de ceux qui travaillent mal ou qui détruisent. D’abord il dit quel
est le châtiment ; ensuite il réfute l’erreur opposée, à ces mots (verset 18)
: Que personne ne vous trompe. I° Il fait voir d’abord le châtiment de ceux qui travaillent mal et qui détruisent, en
continuant sa comparaison de l’édifice spirituel. Sur ce point, il fait trois
choses : I. il rappelle
l’excellence de l’édifice spirituel ; II. il dé- termine le châtiment de ceux qui détruisent, à
ces mots (verset 17) : Si quelqu’un ; III. il en donne la raison, à ces autres (verset 17) : Car
le temple de Dieu, etc. I. Il dit donc
premièrement : Il a été établi que celui qui bâtit [sur la foi] recevra en
récompense le salut, avec ou sans épreuve ; mais, pour que vous puissiez reconnaître
quel est le châtiment de ceux qui parmi vous travaillent mal, il vous faut
connaître votre dignité. 1° L’apôtre l’exprime en disant
(verset 16) : Ne savez-vous pas que vous, fidèles de Jésus-Christ, vous
êtes le temple de Dieu ?; (Ephés., II, 21) : "C’est en Lui (J.-C.)
que tout l’édifice construit s’élève jusqu’à devenir un temple consacré au
Seigneur; et c’est par Lui que vous faites partie de la construction de cet
édifice, devenant la maison de Dieu" 2° Il prouve que les fidèles sont le
temple de Dieu. En effet, c’est la condition essentielle d’un temple d’être
l’habitation de Dieu, selon cette parole (Psaume X, 5) : "Le Seigneur
est dans son saint temple." Aussi tout lieu dans lequel Dieu habite
peut être appelé du nom de temple. Or Dieu habite principalement en Lui-même,
parce que Lui seul peut se comprendre ; Dieu est donc Lui-même appelé le
temple de Dieu dans l’Apocalypse (XXI, 22) : "Le Dieu tout-puissant
en est le temple." Dieu habite aussi dans tout édifice consacré par
le culte spirituel qu’on y rend à sa grandeur ; c’est pourquoi tout édifice
consacré est appelé du nom de temple, suivant cette parole (Psaume V, 8) : "Je
vous adorerai dans votre saint temple, etc. " Dieu habite aussi dans
les hommes par la foi, qui opère par la charité, selon cette parole
aux Ephésiens (III, 17) : "Que le Christ habite dans vos coeurs par
la foi.". Aussi, pour prouver que les fidèles sont le temple de
Dieu, l’Apôtre ajoute qu’ils sont habités par Dieu (verset 16) : et
l’Esprit de Dieu habite en vous ; (Rom., VIII, 11) : " L’Esprit
de celui qui a ressuscité Jésus-Christ habite en vous" ; (Ezéchiel
XXXVI, 27) : "Je mettrai mon Esprit au milieu de vous." Il
est donc évident par là que l’Esprit-Saint est Dieu, et que c’est à cause de
son habitation dans les fidèles qu’on les appelle le temple de Dieu ; car seule
l’habitation de Dieu fait le temple de Dieu, comme il a été dit. Or il faut
remarquer que Dieu est dans toutes les créatures et qu’il y réside par son
essence, par sa puissance et par sa présence, remplissant tout de ses bontés,
suivant cette parole de Jérémie (XXIII, 24) : "Je remplis le ciel et
la terre". Mais on dit que Dieu habite spirituellement, comme en sa
maison propre, dans les saints dont l’âme est capable de le recevoir par la
connaissance et par l’amour, bien qu’eux-mêmes ne le connaissent pas d’une
connaissance et d’un amour en acte, pourvu qu’ils aient par la grâce la foi
et la charité habituelles, comme on le voit dans les enfants qui ont reçu le
baptême. Toutefois la connaissance sans l’amour ne suffit pas pour que Dieu
habite dans une âme, suivant cette parole de saint Jean (I Jean, IV, 16) : "Quiconque
demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui." De là
il suit que beaucoup connaissent Dieu ou d’une connaissance naturelle, ou par
la foi informe, en qui cependant l’Esprit de Dieu n’habite pas. II. Lorsqu’il ajoute
(verset 17) : Or, si quelqu’un profane le temple de Dieu, etc., saint
Paul énonce le châtiment de ceux qui travaillent mal, en tant qu’il est
applicable aux prédicateurs, en disant Si quelqu’un, etc. Or on
profane le temple de Dieu de deux manières : 1° par la fausseté de la doctrine qui
n’est pas édifiée sur le fondement, mais qui bien plutôt le détruit et
renverse l’édifice. C’est en ce sens qu’Ezéchiel (XIII, 19) parle des faux
prophètes : "Ils me faisaient violence devant mon peuple pour un peu
d’orge et un morceau de pain." 2° On le profane par le péché mortel,
qui souille l’homme lui-même, ou perd le prochain par des actes ou des
[mauvais] exemples. De là cette parole (Malachie, II, 11) : "Judas a
souillé l’alliance que le Seigneur a aimée." Aussi est-il juste que
celui-là soit précipité par Dieu dans la damnation éternelle, qui profane le
temple spirituel de Dieu ou le souille de quelque manière que ce soit. De là
encore cette parole du même prophète (II, 12) : "Le Seigneur perdra
celui qui sera coupable de ces crimes, qu’il soit maître ou disciple" ;
(Ps. XI, 4) : "Le Seigneur confondra toute bouche qui trompe, etc." III. En disant (verset 17)
: Car le temple de Dieu est saint, l’Apôtre donne la raison de ce
qu’il avait dit sur la sainteté du temple ; car celui qui profane quelque
objet sacré commet un sacrilège et devient digne de la perdition : Car le
temple de Dieu est saint, et c’est vous qui êtes ce temple, ainsi qu’il
vient d’être dit ; (Psaume LXIV, 5) : "Votre temple est saint ;
il est admirable par votre équité" ; et ailleurs (Psaume XCII,
5) : "La sainteté est l’ornement de votre maison." En effet,
dans le temple matériel réside une sorte de sainteté sacramentelle, en tant
que le temple est dédié au culte divin ; mais dans les fidèles de
Jésus-Christ réside la sainteté de la grâce qu’ils ont acquise par le baptême
(ci-après, VI, 11) : Vous avez été lavés, vous avez été sanctifiés. II° Quand il dit (verset 18) : Que personne ne vous séduise, l’Apôtre
réfute l’erreur opposée. I. Il engage
les fidèles à se garder de la séduction de l’erreur ; II. il enseigne la
manière de s’en garder, à ces mots (verset 18) : S’il y a quelqu’un parmi
vous" ; III. il en donne
des raisons, à. ces autres (verset 19) : par la sagesse de ce monde, etc. I. Sur le premier de
ces points, il faut se souvenir que quelques hérétiques ont avancé que Dieu
ne punit ni ne récompense les actions des hommes ; c’est d’eux que parle
Sophonie (I, 12) : "Ils disent dans leur cœur : Dieu ne nous fera ni
bien ni mal" ; et (Lament., III, 37) : "Qui a
osé dire qu’une chose soit sans que le Seigneur l’ait ordonnée ? Les maux et
les biens ne sortent-ils pas de la bouche du Très-Haut ? " Donc,
pour détruire cette erreur, il dit : Que personne ne vous séduise, à
savoir en avançant que celui qui profane le temple de Dieu, Dieu ne le perdra
pas ; (Ephés., V, 6) : "Que personne ne vous séduise par de
vains discours, car c’est ce qui attire la colère de Dieu sur les enfants de
rébellion." II. En disant (verset
18) : S’il y a quelqu’un parmi vous, etc., il enseigne la manière de
se garder de cette sorte de séduction. Il faut savoir que quelques hérétiques
avaient avancé que Dieu ne punissait pas les péchés des hommes ; ils
appuyaient leur erreur sur des raisons tirées de la sagesse humaine, par
exemple que Dieu ne connaît pas dans le détail ce qui se passe ici-bas. Job
(XXII, 14) fait parler ainsi ces hérétiques : "Il se promène d’un
pôle à l’autre dans les cieux, et il ne considère point ce qui se passe parmi
nous". Donc, pour éviter cette erreur, l’Apôtre dit (verset 18) : S’il
y a quelqu’un parmi vous qui paraisse sage dans ce siècle, à savoir de la
sagesse selon le siècle, qui en ce qu’elle a d’opposé à la foi n’est pas de
la sagesse, bien qu’elle le paraisse, qu’il devienne insensé, en
rejetant cette fausse sagesse, pour être sage selon la sagesse divine,
qui est la vraie sagesse. Ceci s’applique non seulement à ce qui, dans la
sagesse du siècle, est opposé à la vérité de la foi, mais encore à tout ce
qui est contraire à l’honnêteté des moeurs. De là ce mot des Proverbes (XXX,
1) : "Il fut fortifié par la présence de Dieu, etc. " III. La sagesse de ce
monde, etc., saint Paul donne la raison de ce qu’il avait avancé. 1° Il énonce cette raison. On pouvait,
en effet, regarder comme dénué de sens l’avertissement donné plus haut de se
faire insensé, et véritablement c’eût été folie si cette folie dont il
parlait avait consisté à nier la vraie sagesse ; mais il n’en est pas ainsi :
car la sagesse de ce monde est folie devant Dieu. Or la sagesse de ce
monde, c’est celle qui s’appuie principalement sur le monde ; car la sagesse
qui, des choses de ce monde, s’élève à Dieu n’est pas la sagesse de ce monde,
mais la sagesse de Dieu, selon cette parole (Rom., V, 19) : "Dieu le
leur a révélé, car les perfections invisibles de Dieu depuis la création du
monde sont devenues visibles par ce qui a été fait." La sagesse du
monde, qui s’attache aux choses d’ici-bas, sans s’élever à la vérité divine,
est donc folie devant Dieu, en d’autres termes est réputée folie par
le jugement divin (Isaïe XIX, 13) : "Les princes de Tanis sont
devenus insensés ; les sages conseillers de Pharaon ont donné un conseil
plein de folie." 2° L’Apôtre prouve ce qu’il vient de
dire par deux autorités, dont : A) la première est tirée de Job (V, 13).
Il dit donc (verset 19) : Selon qu’il est écrit : Je surprendrai les sages
dans leurs propres artifices. Or Dieu surprend ainsi les sages dans leurs
artifices, parce que, par les ruses mêmes qu’ils machinent contre lui, il empêche
leurs efforts et accomplit ses desseins. C’est ainsi que, par la malice de
ses frères, qui voulaient empêcher l’élévation de Joseph au pouvoir souverain,
fut réalisée, avec le concours de la providence divine, l’accession de
Joseph, qui avait été vendu, au souverain pouvoir en Egypte. Aussi, avant les
paroles citées plus haut, Job dit-il (verset 12) : "Il dissipe leurs
conseils," à savoir ceux des méchants, "en faisant que leurs
mains ne peuvent accomplir ce qu’ils ont commencé" ; car,
dit le livre des Proverbes (XXI, 30) : "Il n’y a pas de sagesse, il
n’y a pas de connaissance, il n’y a pas de conseil contre le Seigneur." B) Le second passage est tiré du
psaume XCIII, 11 ; l’Apôtre dit (verset 20) : Et ailleurs : Le Seigneur
connaît les pensées des sages, selon la sagesse du monde et il en
connaît la vanité, à savoir parce que ni l’une ni l’autre
n’atteignent la fin de la connaissance humaine, qui est la connaissance de la
vérité divine ; (Sagesse XIII, 1) : "Ils sont vains tous les
hommes en qui n’est pas la sagesse de Dieu." III° Quand l’Apôtre dit (verset 21) : Que personne donc ne se glorifie
dans les hommes, il tire la conclusion principale qu’il avait
particulièrement en vue, à savoir qu’ils ne doivent pas se glorifier des
ministres de Dieu. I. Et d’abord
il conclut sa proposition, d’après ce qui précède, en disant : Donc,
puisque les ministres ne sont rien, mais travaillent pour leur salaire, que
personne ne se glorifie dans les hommes, ainsi qu’il est dit au psaume
CXLV, 2 — "Ne vous confiez pas aux princes ni aux fils de l’homme, en
qui le salut n’est pas" et (Jér., XVII, 5) : "Maudit l’homme
qui se confie dans l’homme, etc. !" II. Ensuite il assigne
la raison de sa conclusion. Elle repose sur la dignité des fidèles de
Jésus-Christ, dont il détermine le rang dans l’universalité des choses. 1° Il expose l’ordre des choses créées
relativement aux fidèles de Jésus-Christ, en disant (verset 22) : Car tout
est à vous, comme s’il disait : de même que l’homme ne se glorifie point
des choses qui lui sont soumises, ainsi ne devez-vous pas vous glorifier des
choses de ce monde, qui, toutes, vous ont été données par Dieu, selon cette
parole du psaume VIII, 8 — "Vous avez tout mis à ses pieds." Saint
Paul explique quelles sont ces choses, en mettant au premier rang les
ministres de Jésus-Christ, qui sont divinement ordonnés pour exercer le
ministère à l’égard des fidèles, selon cette parole (I1 Cor., IV, 5) : "Nous
nous regardons comme vos serviteurs pour Jésus." C’est pour cela
qu’il dit (verset 22) : Soit Paul qui a planté, soit Apollos, qui
a arrosé, soit Céphas, c’est-à-dire Pierre, qui est le pasteur
universel des brebis de Jésus-Christ, comme il est dit au dernier chapitre de
saint Jean. 2° Il désigne
les choses extérieures lorsqu’il dit (verset 22) : soit le monde, qui
renferme toutes les créatures et qui appartient aux fidèles de Jésus-Christ,
parce que l’homme peut être aidé par les choses de ce monde pour des
nécessités corporelles, ou peut s’en servir pour arriver à la connaissance de
Dieu ; (Sag., XIII, 5) : "Par la grandeur, par la beauté de la
créature, etc." 3° L’Apôtre place ensuite ce qui
appartient à la condition même de l’homme, en disant (verset 22) : soit la
vie, soit la mort, pour les fidèles de Jésus-Christ la vie peut être
utile pour acquérir des mérites, et la mort peut l’être pour arriver à la
récompense ; (Rom., XIV, 8) : "Soit donc que nous vivions, soit
que nous mourrions, etc." ; et (Philip., I, 21) : "Pour
moi, vivre c’est le Christ, et la mort m’est un gain." Or à ces deux
points on peut ramener tous les biens et tous les maux de ce monde, parce que
les biens conservent la vie, et les maux nous font arriver à la mort. 4° Enfin saint Paul indique ce qui
appartient à l’état présent ou futur de l’homme, en disant (verset 22) : soit
les choses présentes, c’est-à-dire les choses de cette vie qui peuvent
nous aider à acquérir des mérites ; soit les choses futures qui nous
sont réservées comme récompense. Car nous n’avons pas ici une cité
permanente, mais nous en cherchons une où nous habiterons un jour, comme le
dit (Hébr., XIII, 14). Tout est à vous, dit l’Apôtre, c’est-à-dire
servent à votre utilité, selon cette parole (Rom., VIII, 28) : "Tout
contribue au bien de ceux qui aiment Dieu." Le premier ordre
des choses est donc de Jésus-Christ aux fidèles, le second des fidèles à
Jésus-Christ même ; c’est ce que l’Apôtre dit ensuite (verset 23) : Mais
vous, vous êtes au Christ, à savoir parce que c’est par lui que vous avez
été rachetés ; (Rom., XIV, 8) : "Soit donc que nous vivions,
soit que nous mourrions, nous sommes toujours au Seigneur." Le
troisième rapport est de Jésus-Christ, en tant qu’homme, à Dieu (verset 23) :
et le Christ est à Dieu. C’est en ce sens que le Prophète l’appelle
Dieu et Seigneur au psaume VII, 2 — "Seigneur, mon Dieu, j’ai espéré
en vous" ; et par « Dieu » il faut entendre la
Trinité tout entière. Ainsi donc, personne ne devant se glorifier de ce qui
est au-dessous de lui, mais de ce qui est au dessus, les fidèles de
Jésus-Christ ne doivent pas se glorifier dans les ministres, mais au
contraire les ministres doivent se glorifier dans les fidèles ; (I1 Cor.,
VII, 4) : "Je vous parle avec une grande confiance ; j’ai grand sujet
de me glorifier de vous." Quant aux fidèles, ils doivent se
glorifier en Jésus-Christ, selon cette parole (Gal., VI, 14) : "A
Dieu ne plaise que je me glorifie en autre chose qu’en la croix de Notre
Seigneur Jésus-Christ !" comme Jésus-Christ se glorifie en son Père,
suivant cette parole du livre de la Sagesse (II, 16) : "Il se
glorifie d’avoir Dieu pour père." |
|
|
Caput 4 |
CHAPITRE IV — LE PÉCHÉ DES CORINTHIENS |
|
|
Lectio 1 |
Leçon 1 : 1 Corinthiens IV, 1-5 — Dieu seul peut juger les coeurs |
|
SOMMAIRE : L’Apôtre reprend la témérité des Corinthiens, qui jugeaient témérairement les ministres de Jésus-Christ. Le seul juge, c’est Dieu, qui scrute les coeurs et éclaire les ténèbres. |
[1] sic nos existimet homo ut ministros Christi et
dispensatores mysteriorum Dei [2] hic iam quaeritur inter dispensatores ut fidelis quis
inveniatur [3] mihi autem pro minimo est ut a vobis iudicer aut ab humano
die sed neque me ipsum iudico [4] nihil enim mihi conscius sum sed non in hoc iustificatus
sum qui autem iudicat me Dominus est [5] itaque
nolite ante tempus iudicare quoadusque veniat Dominus qui et inluminabit
abscondita tenebrarum et manifestabit consilia cordium et tunc laus erit
unicuique a Deo |
1. Que les
hommes nous considèrent comme les ministres du Christ et les dispensateurs
des mystères de Dieu. 2. Or ce
qu'on cherche dans les dispensateurs, c'est qu'ils soient trouvés fidèles. 3. Pour
moi, je me mets fort en peine d'être jugé par vous ou par quelque homme que
ce soit ; je n'ose pas même me juger moi-même ; 4. Car
encore que ma conscience ne me reproche rien, je ne suis pas justifié pour
cela ; mais c'est le Seigneur qui est mon juge. 5. C'est
pourquoi ne jugez pas avant le temps, jusqu'à ce que le Seigneur vienne, qui
produira à la lumière ce qui est caché dans les ténèbres et découvrira les
plus secrètes pensées des coeurs, et alors chacun recevra de Dieu la louange
qui lui sera due. |
[86244] Super 1 Cor., cap. 4 l. 1 Superius redarguit apostolus
Corinthios de hoc, quod de quibusdam ministris gloriabantur, hic autem arguit
eos quod alios ministros contemnebant. Et circa hoc duo facit. Primo arguit
eorum culpam; secundo instat ad eorum correctionem, ibi non ut confundam
vos. Circa primum duo facit. Primo arguit eorum temeritatem, qua male de
ministris iudicabant; secundo arguit eorum elationem, qua Christi ministros
contemnebant, ibi hoc autem, fratres. Circa primum duo facit. Primo
ostendit, quid sit de ministris Christi firmiter sentiendum; secundo quod non
sit de eis temere iudicandum, ibi hic iam quaeritur inter dispensatores.
Dicit ergo primo : dixi quod nullus vestrum debet
gloriari de hominibus, tamen quilibet vestrum debet cognoscere auctoritatem
officii nostri, ad quod pertinet quod sumus mediatores inter Christum cui
servimus, ad quos pertinet quod dicit sic nos existimet homo ut ministros
Christi, Is. LXI, v. 6 — sacerdotes Dei vocabimini ministri Dei
nostri, dicetur vobis, et inter membra eius, quae sunt fideles Ecclesiae,
quibus dona Christi dispensant, ad quos pertinet quod subditur et
dispensatores mysteriorum Dei, id est, secretorum eius, quae quidem sunt
spiritualia eius documenta, secundum illud infra XIV, 2 — spiritus est,
qui loquitur mysteria; vel etiam ecclesiastica sacramenta, in quibus
divina virtus secretius operatur salutem. Unde et in forma
consecrationis Eucharistiae dicitur : mysterium fidei. Pertinet ergo
ad officium praelatorum Ecclesiae, quod in gubernatione subditorum soli
Christo servire desiderent, cuius amore oves eius pascunt, secundum illud Io.
ult. : si diligis me, pasce oves meas. Pertinet etiam ad eos, ut
divina populo dispensent, secundum illud infra IX, 17 — dispensatio mihi
credita est, et secundum hoc sunt mediatores inter Christum et populum,
secundum illud Deut. V, 5 — ego
sequester fui, et medius illo tempore inter Deum et vos. Haec autem
aestimatio de praelatis Ecclesiae necessaria est ad salutem fidelium; nisi
enim eos recognoscerent ministros Christi, non eis obedirent, tamquam
Christo, secundum illud Gal. IV, 14 — sicut Angelum Dei excepistis me,
sicut Iesum Christum. Rursum, si eos non cognoscerent dispensatores,
recusarent ab eis dona recipere, contra illud quod idem apostolus dicit I1 Cor.
II, 10 — quod donavi, si quid donavi, propter vos in persona Christi
donavi. Deinde cum dicit hic iam quaeritur inter
dispensatores, ostendit circa ministros Christi, temere iudicari non
debere. Et circa hoc tria facit. Primo, ponit quoddam per quod iudicare
satagunt de fidelitate ministrorum; secundo, ostendit de hoc iudicio se non
curare, sed Deo reservare, ibi mihi autem pro minimo est; tertio,
concludit prohibitionem temerarii iudicii, ibi itaque nolite. Circa primum considerandum est, quod ministrorum
et dispensatorum Christi, quidam sunt fideles, quidam infideles. Infideles
dispensatores sunt, qui in dispensandis divinis ministeriis non intendunt
utilitatem populi, et honorem Christi, et utilitatem membrorum eius, secundum
illud Lc. XVI, v. 11 — in iniquo mammona fideles non fuistis. Fideles
autem, qui in omnibus intendunt honorem Dei, et utilitatem membrorum eius,
secundum illud Lc. XII, 42 — quis, putas, est fidelis servus et prudens,
quem constituit dominus super familiam suam? Qui autem sunt fideles
divino iudicio manifestabuntur in futuro. Sed Corinthii temere volebant
discutere, qui dispensatores essent fideles vel infideles. Et hoc est quod
dicit hic, hoc est, inter vos, iam, id est, praesenti tempore, quaeritur,
id est, discutitur, ut quis, id est aliquis, inter dispensatores
fidelis inveniatur. Iudicabant enim plures esse infideles, vix aliquem
virum putantes esse fidelem, secundum illud Prov. XX, 6 — multi viri
misericordes vocantur, virum autem fidelem quis inveniet? Deinde cum dicit mihi autem pro minimo est,
ostendit se hoc iudicium reputare nihil, et circa hoc tria facit. Primo
ponit, quod non curat circa hoc ab aliis iudicari, dicens mihi autem,
qui sum minimus inter dispensatores, pro minimo est, id est, minima
bona reputo, ut a vobis iudicer, scilicet esse fidelis, vel infidelis.
Et ne putarent ab apostolo haec dici in eorum contemptum, ac si eorum
iudicium despiceret, quasi vilium personarum, subiungit aut ab humano
intellectu, qui est dies hominis, secundum illud Io. XI, 9 — qui ambulat
in die, non offendit, quia lucem huius mundi videt. Vel ad litteram aut
ab humano die, id est, ab intellectu in hoc tempore iudicantibus, quasi
dicat : vestrum, vel quorumcumque hominum iudicium parum curo. Ier. XVII, 16
— diem hominis non desideravi, tu scis. Est autem sciendum, quod de
iudicio hominum dupliciter debet curari. Uno modo, quantum ad alios, qui ex eorum bono,
vel aedificantur, vel scandalizantur, et sic sancti non pro minimo, sed pro
magno habent ab hominibus iudicari, cum dominus dicat Matth. V, 16 — videant
opera vestra bona, et glorificent patrem vestrum, qui in caelis est. Alio
modo quantum ad seipsos, et sic non curant multum, quia nec gloriam humanam
concupiscunt, secundum illud I Thess. II, 6 — neque gloriam ab hominibus
quaerentes, neque aliquid a vobis, neque ab aliis. Neque opprobrium
hominis timent, secundum illud Is. LI, 7 — nolite timere opprobrium
hominum, et blasphemias eorum ne timeatis. Unde apostolus signanter dicit
mihi autem, etc., id est, quantum ad me pertinet, non autem id pro
nullo est, sed pro minimo, quia bona temporalia, inter quae bona fama
computatur, non sunt nulla bona, sed minima, ut Augustinus dicit in libro de
libero arbitrio. Unde et Sap. VII, 9 — omne aurum in comparatione illius
arena est exigua. Secundo ostendit, quod neque seipsum iudicare
praesumit, dicens sed neque meipsum iudico. Videtur autem hoc esse
contra id quod infra XI, 31 dicitur : si nosmetipsos diiudicaremus, non
utique iudicaremur. Debet ergo quilibet iudicare seipsum. Sed sciendum
est, quod iudicio discussionis, de quo apostolus hic loquitur, quilibet debet
iudicare seipsum, secundum illud Ps. LXXVI, 7 — exercitabar et scopebam
spiritum meum, et similiter iudicio condemnationis et reprehensionis in
manifestis malis, secundum illud Iob XIII, 15 — arguam coram eo vias meas;
sed iudicio absolutionis non debet aliquis praesumere se iudicare ut
innocentem; unde dicitur Iob IX, 20 — si iustificare me voluero, os meum
condemnabit me; si innocentem considero, pravum me comprobabit. Cuius
rationem assignat, dicens nihil mihi conscius sum, id est, non habeo
alicuius peccati mortalis conscientiam, secundum illud Iob XXVII, 6 — neque
reprehendit me cor meum in omni vita mea. Sed non in hoc iustificatus sum,
id est, non sufficit ad hoc, quod me iustum pronunciem, quia possunt aliqua
peccata in me latere, quae ignoro, secundum illud Ps. : delicta quis
intelligit? Et Iob c. IX, 21 dicitur : et si simplex fuero, hoc ipsum
ignorabit anima mea. Tertio concludit cui hoc iudicium reservetur,
dicens qui autem iudicat me dominus est, id est, ad solum Deum
pertinet iudicare utrum sim fidelis minister an non; hoc enim pertinet ad
intentionem cordis, quam solus Deus ponderare potest, secundum illud Prov.
XVI, 2 — spirituum ponderator est dominus. Et Ier. XVII, 9 — pravum
est cor hominis et inscrutabile, quis cognoscet illud? Ego dominus probans
renes et scrutans corda. Deinde cum dicit itaque nolite, etc.,
concludit prohibitionem temerarii iudicii, et circa hoc tria facit. Primo
prohibet praevenire divinum iudicium, dicens : itaque exemplo meo qui neque
meipsum iudico, neque ab aliis iudicari curo, sed iudicium meum Deo reservo, nolite
ante tempus iudicare, quia, ut dicitur Eccle. c. VIII, 6, omni negotio
tempus est et opportunitas. Quoadusque veniat dominus, scilicet ad
iudicandum, secundum illud Is. III, v. 14 — dominus ad iudicium veniet cum
senatoribus populi sui. Unde et dominus dixit Matth. VII, 1 — nolite
iudicare. Sed hoc intelligendum est de occultis; de manifestis autem
iudicare commissum est a Deo hominibus, secundum illud Deut. I, 16 — audite
illos, et quod iustum est iudicate. Sunt enim aliqua manifesta non solum
per evidentiam facti, sicut notoria, sed et propter confessionem, aut testium
probationem. Occulta vero Deus suo reservat iudicio. Sunt autem occulta
nobis, quae latent in corde, vel etiam in abscondito fiunt, et de his dicitur
in Ps. IV, 5 — quae dicitis in cordibus vestris, et in cubilibus vestris
compungimini. Unde homo quidem de his est temerarius iudex, sicut iudex
delegatus, qui excedit formam mandati iudicii de causa non sibi commissa. Est
ergo temerarium iudicium, quando aliquis de dubiis iudicat. Perversum autem,
quando falsum iudicium profert. Et quamvis non sit iudicandum circa personas,
puta ut aliquis iudicet malum hominem, qui bonus est, tamen multo gravius
est, ut iudicium pervertatur de rebus ipsis, puta si quis diceret
virginitatem esse malam, et fornicationem bonam. Contra quod dicitur Is. V, 20
— vae qui dicitis bonum malum, et malum bonum. Secundo describit perfectionem futuri divini
iudicii, dicens qui, scilicet dominus ad iudicandum veniens, illuminabit
abscondita tenebrarum, id est faciet esse lucida et manifesta ea quae
occulte in tenebris facta sunt. Et manifestabit consilia cordium, id
est omnia cordis occulta, secundum illud Iob XII, 22 — qui revelat occulta
de tenebris, et producit in lucem umbram mortis. Et Sophon. I, 12 — scrutabor
Ierusalem in lucernis. Quod quidem est intelligendum tam de bonis, quam
de malis, quae non sunt per poenitentiam tecta, secundum illud Ps. XXXI, v. 1
— beati quorum remissae sunt iniquitates, et quorum tecta sunt peccata.
Tertio ponit fructum, quem boni reportabunt de
divino iudicio, dicens et tunc laus erit unicuique, scilicet bonorum a
Deo. Quae quidem laus vera erit, quia Deus nec decipi, nec decipere
potest. Rom. II, 29 — cuius laus non ex hominibus, sed ex Deo est. I1
Cor. X, 18 — non enim qui seipsum commendat ille probatus est, sed quem
Deus commendat. |
Dans ce qui
précède, l’Apôtre a repris les Corinthiens de ce qu’ils se glorifiaient de
certains ministres ; ici il les reprend de ce qu’ils méprisaient les autres
ministres. A cet effet, d’abord il les reprend de leur faute ; ensuite il
insiste pour leur correction, à ces mots (verset 14) : Ce n’est pas pour
vous donner de la confusion. Sur le premier de ces points, il les
reprend, en premier lieu, de la témérité avec laquelle ils jugeaient mal des
ministres ; en second lieu, de l’orgueil dont ils faisaient preuve en
méprisant les ministres de Jésus-Christ, à ces mots (verset 6) : Au reste,
mes frères, [j’ai personnifié] ces choses en moi. Sur leur témérité, il
montre : I° ce qu’il
faut croire fermement des ministres de Jésus-Christ ; II° en quoi il ne faut
pas juger d’eux témérairement, à ces mots (verset 2) : Or on demande d’un
fidèle dispensateur. I° Il dit donc d’abord : J’ai établi que nul d’entre vous ne doit se
glorifier dans les hommes ; cependant chacun de vous doit reconnaître
l’autorité de notre ministère, qui nous constitue médiateurs entre
Jésus-Christ, que nous servons (verset 1) : Que les hommes nous regardent
comme les ministres de Jésus-Christ ; (Isaïe, LXI, 6) : "Mais
vous, vous serez appelés les prêtres du Seigneur, les ministres de notre
Dieu" ; et ses membres, qui sont les fidèles de l’Eglise,
auxquels les ministres dispensent les dons de Jésus-Christ (verset 1), et
Paul ajoute : Et comme les dispensateurs des mystères de Dieu,
c’est-à-dire de ses secrets, qui sont ses enseignements spirituels, selon ce
qui est dit au chapitre XIV, 2 — C’est l’Esprit qui annonce les mystères,
ou encore les sacrements de l’Eglise, dans lesquels la puissance divine opère
secrètement le salut. C’est pourquoi la forme de la consécration de
l’Eucharistie porte : mystère de foi. Il est donc du devoir des
pasteurs de l’Eglise de ne chercher dans le gouvernement de leurs sujets que
le service de Jésus-Christ seul, pour l’amour duquel ils paissent ses brebis,
selon cette parole de saint Jean (XXI, 17) : "Si vous m’aimez,
paissez mes brebis." Il leur appartient aussi de dispenser au peuple
les choses divines (ci-après, IX, 17) : Je dispense ce qui m’a été
confié ; et, sous ce rapport, ils sont médiateurs entre Jésus-Christ
et son peuple, selon cette parole du Deutéronome (V, 5) : "En ce
temps-là, j’ai été l’arbitre et le médiateur entre le Seigneur et vous."
Or il est nécessaire au salut des fidèles qu’ils aient cette estime des chefs
de l’Eglise ; car s’ils ne les regardaient pas comme les ministres de
Jésus-Christ, ils ne leur obéiraient pas comme à Jésus-Christ, ainsi qu’il
est dit dans l’épître aux Galates (IV, 14) : "Vous m’avez reçu comme
un ange de Dieu, comme un autre Jésus-Christ." De plus, s’ils ne les
regardaient pas comme des dispensateurs, ils refuseraient de recevoir leurs
dons ; l’Apôtre ne pourrait pas dire (I1 Cor., II, 10) : "Ce que j’ai
donné, si j’ai donné quelque chose, je l’ai donné à cause de vous, au nom de
Jésus-Christ." II° Lorsqu’il dit (verset 2) : Or ce qu’on demande des dispensateurs...,
saint Paul fait voir qu’il ne faut pas juger témérairement les ministres
de Jésus-Christ. A ce sujet, I. il indique
un point sur lequel ils se mêlent de juger la fidélité des ministres ; II. il montre qu’il se
met peu en peine de ce jugement, mais qu’il le réserve à Dieu, à ces mots
(verset 3) : Et moi, je me mets peu en peine d’être jugé par vous ;
III. il conclut en
défendant le jugement téméraire (verset 5) : Ne jugez donc point. I. Sur le premier de
ces points, il faut remarquer que parmi les ministres et les dispensateurs de
Jésus-Christ, il en est qui sont fidèles et d’autres infidèles. Les
dispensateurs infidèles sont ceux qui, dans la dispensation des divins
ministères, ne se visent pas à l’utilité du peuple chrétien, l’honneur de
Jésus-Christ et l’avantage de ses membres, selon cette parole (Luc, XVI, 11) :
"Si donc vous n’avez pas été fidèles dans les richesses
injustes,…" Les dispensateurs fidèles sont ceux qui en toutes choses
se proposent l’honneur de Dieu et l’avantage de ses membres, suivant cette
autre parole de Luc (XII, 42) : "Quel est, à votre avis, l’économe
fidèle et prudent que le maître établira sur sa famille ?" Or les
dispensateurs fidèles seront manifestés quand se fera, dans l’avenir, le
jugement de Dieu. Mais les Corinthiens voulaient discuter témérairement si
tel dispensateur était fidèle ou infidèle ; c’est ce que reprend saint Paul
(verset 2) : Ici, c’est-à-dire parmi vous, déjà, à savoir dans
le temps présent, on cherche, en d’autres termes on discute, si tel,
c’est-à-dire si tel ministre, est trouvé fidèle parmi les dispensateurs.
En effet, les Corinthiens jugeaient que le plus grand nombre étaient
infidèles, et pensaient qu’à peine l’on en trouvait un qui fût fidèle ;
(Prov., XX, 6) : "Beaucoup sont appelés miséricordieux, mais qui
trouvera un homme fidèle ?" II. En ajoutant (verset
3) : Et moi je me mets peu en peine, l’Apôtre montre qu’il regarde ce
jugement comme de peu d’importance. 1° Il manifeste qu’il s’inquiète peu
d’être en ce point jugé par les autres : Mais quant à moi, qui suis le
moindre parmi les dispensateurs, c’est très peu, c’est-à-dire je
regarde comme un avantage fort léger, d’être jugé par vous, en
d’autres termes d’être regardé comme fidèle ou infidèle. Et pour que les
Corinthiens ne s’imaginent pas que l’Apôtre parlait ainsi par mépris pour
eux, et dédaignait leur jugement comme porté par des gens sans valeur, il
ajoute : ou par un jugement humain, parole qui indique le jour de
l’homme (Jean XI, 9) : "Si quelqu’un marche dans le jour, il ne se
heurte point, parce qu’il voit la lumière de ce monde." Autrement,
d’après la lettre, ou par le jour de l’homme, c’est-à-dire par le
jugement de ceux qui jugent en ce temps ; comme s’il disait : de votre
jugement ou du jugement de qui que ce soit, je m’en occupe peu ; (Jér.,
XVII, 16) : "Je n’ai point désiré le jour de l’homme, vous le
savez." Or il faut savoir qu’on doit s’inquiéter du jugement des
hommes de deux manières : A) d’abord par rapport aux autres, qui
se défient du bien ou se scandalisent. A ce point de vue, les saints
n’accordent pas peu de valeur, mais une très grande au contraire au jugement
des hommes ; car le Seigneur a dit (Matthieu V, 16) : "Qu’ils voient
vos bonnes oeuvres et qu’ils glorifient votre Père, qui est dans les
cieux." B) ensuite par rapport à eux-mêmes. A
cet égard, ils s’en inquiètent fort peu, parce qu’ils ne désirent pas la
gloire humaine, selon cette parole "I Thess., II, 6) : "Nous
n’avons pas non plus recherché la gloire des hommes, soit de vous, soit des
autres," pas plus qu’ils ne redoutent l’opprobre des hommes, selon
cette parole d’Isaïe (LI, 7) : "Ne craignez pas l’opprobre et ne
redoutez pas les blasphèmes des hommes." C’est pour cette raison que
l’Apôtre dit expressément : Quant à moi, c’est-à-dire en ce qui me
concerne, je ne regarde pas comme rien, mais comme de peu de conséquence,
d’être jugé, parce que les biens temporels, parmi lesquels on compte la bonne
réputation, ne sont pas des biens méprisables, mais seulement d’une légère
valeur, comme saint Augustin le dit (liv. du Libre Arbitre, liv. I, ch. X). C’est de là que le
Sage a dit (Sag., VII, 9) : "L’or, comparé à la sagesse, est un peu
de sable." 2° Paul montre en second lieu qu’il
n’a pas la présomption de se juger lui-même en disant : Je ne me juge pas
non plus moi-même. Or cette parole semble contredire ce que nous lirons
plus loin (XI, 31) : Si nous nous examinions nous-mêmes, nous ne serions
pas jugés ; chacun doit donc se juger lui-même. Il faut comprendre
que le jugement de discussion dont l’Apôtre parle en cet endroit, chacun doit
se l’appliquer à soi-même, selon ce passage du Psalmiste (LXXVI, 7) : "Je
m’entretenais avec moi-même, et mon esprit était agité" ; de
même pour le jugement de condamnation et de réprimande, quand le mal est
manifeste, selon cette parole de Job (XIII, 15) : "J’exposerai mes
voies en sa présence." Mais¸ pour le jugement d’absolution, personne
ne doit avoir la présomption de se juger pour s’innocenter ; (Job., IX,
20) : "Si j’entreprends de me justifier, ma bouche me condamnera, et
si je me regarde comme innocent, elle me prouvera que je suis coupable."
Saint Paul en donne la raison en disant (verset 4) : car quoique ma
conscience ne me reproche rien, c’est-à-dire quoique je n’aie conscience
d’aucun péché mortel, selon cette parole de Job (XXVII, 6) : "Mon
coeur ne me reproche rien dans toute ma vie" - mais je ne suis pas pour
cela justifié, c’est-à-dire cela ne suffit pas pour que je me donne comme
juste, parce qu’il peut y avoir en moi quelques péchés cachés dont je n’aie point
connaissance, suivant cette parole du Psalmiste (XVIII, 13) : "Qui
connaît ses fautes ?" et (Job, IX, 21) : "Quand même je
serais juste, mon âme l’ignorera." 3° L’Apôtre conclut en disant à qui ce
jugement est réservé (verset 4) : Mais c’est le Seigneur qui est mon juge,
c’est-à-dire à Dieu seul il appartient de juger si je suis ou non un ministre
fidèle, car pour cela il faut juger l’intention du coeur, et Dieu seul peut
le faire, suivant cette parole des Proverbes (XVI, 2) : "Dieu seul
pèse les esprits" ; (Jér., XVII, 9) : "Le coeur de
l’homme est trompeur ; il est impénétrable ; qui le connaîtra ? Moi, le
Seigneur, qui sonde les coeurs et qui éprouve les reins." III. En disant (verset
5) : Ne jugez donc point avant le temps, saint Paul déduit en conclusion
l’interdiction du jugement téméraire. A cet effet 1° il défend de prévenir le jugement
de Dieu : ainsi donc, à mon exemple, puisque je ne me juge point moi-même, et
puisque je me mets peu en peine d’être jugé par les autres, laissant à Dieu
le soin de me juger (verset 5), ne jugez pas avant le temps, car
(Ecclésiastique VIII, 6) : "Chaque chose a son temps et son moment
favorable" ; (verset 5) : jusqu’à ce que le Seigneur
vienne, à savoir pour juger, selon cette parole d’Isaïe (III, 14) : "Le
Seigneur entrera en jugement avec les anciens de son peuple." Le
Seigneur a dit en ce sens (Matthieu VII, 1) : "Ne jugez pas." Toutefois
ces dernières paroles doivent s’entendre des fautes secrètes, car, quant à
celles qui sont manifestes, Dieu a donné aux hommes le pouvoir d’en juger,
suivant ce qu’on lit au Deutéronome (I, 16) : "Ecoutez-les, et jugez
selon la justice." En effet, il y a des actions qui sont manifestes
non seulement d’évidence du fait, par exemple les actes notoires, mais encore
par l’aveu ou par la preuve de témoins. Quant aux choses cachées, Dieu les
réserve à son jugement. Or, pour nous, les choses sont cachées quand elles
sont dans le secret du coeur, ou même quand elles s’accomplissent sans
témoins ; c’est de ces actions secrètes que le Psalmiste dit (XV, 5) : "Repassez
en silence, pendant votre repos, les pensées de votre coeur." Car,
de ces choses, l’homme serait un juge téméraire, comme un juge délégué qui
excéderait la portée de son mandat en prononçant sur une cause qui ne lui est
pas soumise. Le jugement est donc téméraire quand on juge ce qui est douteux
; il est pervers quand il énonce une chose fausse, et quoi qu’on n’ait pas le
droit de juger les personnes : dire par exemple qu’un tel est mauvais quand
il est bon ; toutefois le jugement est beaucoup plus grave quand il est porté
sans rectitude sur les choses elles-mêmes, par exemple si l’on venait à
affirmer que la virginité est mauvaise et que la fornication est bonne. C’est
contre un pareil jugement qu’il est dit au prophète Isaïe (V, 20) : "Malheur
à vous qui appelez mal le bien, et bien le mal !" 2° L’Apôtre décrit la perfection du
jugement que Dieu prononcera dans l’avenir, en disant (verset 5) : Qui,
c’est-à-dire le Seigneur, venant pour juger, éclairera ce qui est caché
dans les ténèbres, en d’autres termes rendra apparentes et manifestes les
actions qui auront été faites dans le secret et dans les ténèbres, et
découvrira les plus secrètes pensées des coeurs, c’est-à-dire tout ce
qu’il y a de caché dans les coeurs, selon cette parole de Job (XXX, 22) : "Il
découvre les profondeurs des ténèbres et amène à la lumière les ombres de la
mort" ; et (Soph., I, 12) : "Je visiterai Jérusalem la
lampe à la main" ; ce qu’il faut appliquer autant aux bonnes
oeuvres qu’aux mauvaises actions qui n’auraient pas été couvertes par la
pénitence, suivant cette parole du Psalmiste (XXXI, 1) : "Heureux
ceux dont les iniquités ont été pardonnées et dont les péchés ont été
couverts!" 3° Saint Paul expose les fruits que
les justes recueilleront du jugement divin, lorsqu’il dit (verset 5) : Et
alors chacun, à savoir des justes, recevra de Dieu la louange qui lui
sera due ; et cette louange sera véritable, parce que Dieu ne
saurait ni tromper ni être trompé ; (Rom., II, 29) : "Il tire sa
gloire non des hommes, mais de Dieu" ; et (I1 Cor., X, 18) : "Celui
qui se rend témoignage à lui-même n’est pas véritablement bon, mais celui à
qui Dieu rend témoignage." |
|
|
Lectio 2 |
Leçon 2 : 1 Corinthiens IV, 6-13 — Se garder de l'orgueil |
|
SOMMAIRE : L’Apôtre emploie l’ironie pour reprendre les Corinthiens de l’orgueil qui les portait à mépriser les ministres de Jésus-Christ. |
[6] haec autem
fratres transfiguravi in me et Apollo propter vos ut in nobis discatis ne
supra quam scriptum est unus adversus alterum infletur pro alio [7] quis enim te discernit quid autem habes quod non accepisti
si autem accepisti quid gloriaris quasi non acceperis [8] iam saturati estis iam divites facti estis sine nobis
regnastis et utinam regnaretis ut et nos vobiscum regnaremus [9] puto enim Deus nos apostolos novissimos ostendit tamquam
morti destinatos quia spectaculum facti sumus mundo et angelis et hominibus [10] nos stulti propter Christum vos autem prudentes in Christo
nos infirmi vos autem fortes vos nobiles nos autem ignobiles [11] usque in hanc horam et esurimus et sitimus et nudi sumus
et colaphis caedimur et instabiles sumus [12] et laboramus operantes manibus nostris maledicimur et
benedicimus persecutionem patimur et sustinemus [13]
blasphemamur et obsecramus tamquam purgamenta huius mundi facti sumus omnium
peripsima usque adhuc |
6. Au
reste, mes frères, j’ai proposé ces choses en ma personne et en celle
d’Apollos à cause de vous, afin que vous appreniez par notre exemple à
n’avoir pas de vous d’autres sentiments que ceux que je viens de marquer,
prenant garde à ne pas vous enfler d’orgueil les uns contre les autres pour
autrui. 7. Car qui
est-ce qui vous discerne ? Qu'avez-vous que vous n’ayez reçu ? Que si vous
l’avez reçu, pourquoi vous en glorifiez-vous comme si vous ne l’aviez pas
reçu ? 8. Vous
êtes déjà rassasiés, vous êtes déjà riches ; vous régnez sans nous, et plût à
Dieu que vous régnassiez, afin que nous régnassions aussi avec vous ! 9. Car il
semble que Dieu nous traite, nous autres apôtres, comme les derniers des
hommes, comme ceux qui sont condamnés à la mort, nous faisant servir de
spectacle au monde, aux anges et aux hommes. 10. Nous
sommes fous pour l’amour du Christ, mais vous autres vous êtes sages dans le
Christ ; nous sommes faibles, et vous êtes forts ; vous êtes honorés, et nous
sommes méprisés. 11. Jusqu’à
cette heure, nous souffrons la faim et la soif, la nudité et les mauvais
traitements ; nous n’avons pas de demeure stable ; 12. Nous
travaillons avec beaucoup de peine de nos propres mains ; on nous maudit, et
nous bénissons ; on nous persécute, et nous le souffrons ; 13. On nous
dit des injures, et nous répondons par des prières ; nous sommes jusqu'à
présent regardés comme les ordures du monde, comme des balayures qui sont
rejetées de tous. |
[86245] Super 1 Cor., cap. Deinde cum dicit quis enim te discernit?
Assignat rationem quare unus non debeat contra alium inflari. Et primo ponit
rationem, dicens quis enim te discernit? Quod potest intelligi
dupliciter : uno modo sic : quis enim te discernit a massa perditorum? Tu
teipsum discernere non potes : unde non habes in te unde contra alium
superbias. Et de hac discretione dicitur in Ps. XLII, 1 — iudica me, Deus,
et discerne causam meam de gente non sancta. Alio modo potest intelligi quis te discernit,
scilicet superiorem faciens proximo tuo? Hoc quod tu facere non
potes, unde contra eum superbire non debes. Et de hac discretione dicitur
Eccli. XXXIII, 11 — in multitudine disciplinae domini separavit eos, et
immutavit vias illorum. Sed inter homines, inquantum sunt fideles
Christi, non est discretio, quia, ut dicitur Rom. XII, 5, multi unum
corpus sumus in Christo. Et dicit Petrus : nihil discernit inter nos
et illos, fide purificans corda eorum. Secundo excludit quamdam rationem. Posset enim
aliquis discerni a bonis vel a malis, melior eis existens, propter bona quae
habet, puta fidem, sapientiam, et huiusmodi. Sed hoc excludit apostolus, dicens
quid autem habes, quod non accepisti? Quasi dicat : nihil. Omnia enim bona sunt a Deo,
secundum illud Ps. CIII, 28
— aperiente te manum tuam, omnia implebuntur bonitate; et Par. XXIX, 14
— tua sunt omnia, et quae de manu tua accepimus, dedimus tibi. Et ex
hoc concludit propositum, dicens si autem accepisti, quid gloriaris, quasi
non acceperis? Ille igitur gloriatur quasi non accipiens, qui de seipso
gloriatur, et non de Deo, sicut de quibusdam dicitur in Ps. XLVIII, v. 7 — qui
confidunt in virtute sua, et in multitudine divitiarum suarum gloriantur.
Et ad hoc pertinet prima species superbiae, qua scilicet aliquis superbiendo,
quod habet, dicit a seipso habere, iuxta illud Ps. XI, 5 — labia nostra a
nobis sunt, quis noster dominus est? Ille autem gloriatur quasi
accipiens, qui omnia Deo adscribens, gloriatur de ipso, sicut supra dictum
est : qui gloriatur, in domino glorietur. Sic autem gloriari non est
superbire, sed humiliari sub Deo, cui homo dat gloriam, secundum illud Eccli.
ult. : danti mihi sapientiam, dabo gloriam. Deinde, cum dicit iam saturati estis,
irridet eorum superbiam, qui apostolos Christi contemnebant. Et primo in generali, secundo in speciali, ibi nos
stulti sumus, et cetera. Circa primum duo facit. Primo irridet in eis quod de se nimis
praesumebant; secundo deridet in eis, quod apostolos contemnebant, ibi puto
enim quod Deus, et cetera. Circa primum duo facit. Primo irridet eos de
praesumptione, qua sibi attribuebant quod non habebant; secundo irridet eos
de hoc, quod sibi singulariter attribuebant, quod singulariter non habebant,
ibi sine nobis regnatis. Attribuebant autem sibi abundantiam bonorum,
quorum quaedam sunt interiora; et quantum ad hoc dicit iam saturati estis,
id est, vobis videtur quod saturati estis, id est, abundanter refecti
spirituali dulcedine, de qua dicitur in Ps. XVI, 15 — satiabor dum
manifestabitur gloria tua. Poterat autem eis secundum veritatem dici,
quod iam saturati estis, non plenitudine, sed fastidio, secundum illud Prov.
XXVII, 7 — anima satiata calcabit favum. Quaedam vero sunt bona
exteriora, et quantum ad hoc dicit iam divites facti estis, sicut
vobis videtur, scilicet divitiis spiritualibus, de quibus dicitur Is. c.
XXXIII, 6 — divitiae salutis sapientia et scientia. Simile est, quod dicitur
Apoc. III, v. 17 — dicis, quia dives sum, et locuples valde, et nullius
egeo. Sed contra hoc videtur illud quod supra dixit in principio, dicens
quia in omnibus divites facti estis in illo, in omni verbo, et in omni
scientia, et cetera. Sed dicendum est, quod supra dixit quantum ad bonos,
qui inter eos erant; hic autem dicit quantum ad praesumptuosos, qui
superbiebant de eo quod non habebant. Potest et aliter distingui satietas et
divitiae, ut saturitas referatur ad usum gratiae, quo quis spiritualibus
fruitur; divitiae autem ad ipsos habitus gratiarum. Secundo cum dicit sine nobis regnatis,
irridet eos, quod sibi singulariter attribuebant quod non habebant. Unde
dicit sine nobis regnatis, id est, ita vobis videtur, quod regnum ad
vos pertineat, non ad nos. Sic enim erant decepti a pseudo-apostolis, ut
crederent se solos habere fidei veritatem, quae in regno Dei consistit,
apostolum autem et sequaces eius errare. Contra quos dicitur Is. V, 8 — numquid
habitabitis vos soli in medio terrae? Et ne videatur apostolus ex invidia
hoc dicere, subiungit utinam regnetis. Optat enim ut veram fidem
habeant, secundum illud Act. XXVI, 29 — opto omnes qui audiunt, tales
fieri, qualis et ego sum, exceptis vinculis his. Et ut eis exempla
humilitatis praebeat, subiungit ut et nos regnemus vobiscum, quasi
dicat : si aliquam excellentiam habetis, non dedignamur vos sequi, sicut vos
dedignamini sequi nos, contra illud quod dicitur Gal. IV, v. 18 — quod
bonum est, aemulamini in bono semper. Et est advertendum, quod apostolus hic quatuor
species superbiae tangit, quarum prima est, quando aliquis reputat se non
habere a Deo quod habet, quam tangit dicens quid gloriaris quasi non
acceperis? Et hoc etiam potest reduci ad secundam speciem qua aliquis
existimat propriis meritis accepisse. Tertia species est, qua quis iactat se
habere quod non habet, et quantum ad hoc dicit iam saturati estis, iam
divites facti estis. Quarta species, quando aliquis, despectis caeteris,
singulariter vult videri, et quantum ad hoc pertinet quod dicit sine nobis
regnatis. Deinde, cum dicit puto quod Deus, etc.,
irridet eos de hoc quod apostolos Christi contemnebant, et primo irrisorie
ponit contemptum; secundo causam contemptus, ibi quia spectaculum facti
sumus. Dicit ergo primo : prius dixi, quod sine nobis regnatis, puto
enim, id est, vos putare videmini, quod Deus nos apostolos ostendit
novissimos, cum tamen infra c. XII, 28 dicatur, quod Deus in Ecclesia
posuit primum apostolos. Sic enim impletur quod dicitur Matth. XX, 16 — erunt
primi novissimi, et novissimi primi. Et ponit exemplum : tamquam morti
destinatos. Illi enim, qui sunt condemnati ad mortem, novissimi habentur
inter homines, utpote quos indignum sit vivere, et tales apostoli reputantur
a mundanis hominibus, secundum illud Ps. XLIII, 22 — aestimati sumus sicut
oves occisionis. Deinde, cum dicit quia spectaculum,
assignat causam contemptus. Circa quod considerandum est, quod quando aliqui
sunt condemnati ad mortem, convocantur homines ad eorum occisionem, quasi ad
spectaculum, et hoc maxime fiebat circa eos, qui damnabantur ad bestias. Quia
apostoli erant quasi morti destinati, subiungit quia spectaculum facti
sumus mundo, quasi totus mundus concurrat ad spectandum nostram
occisionem, secundum illud Ps. XLIII, v. 14 — posuisti nos opprobrium vicinis
nostris. Exponit autem quid nomine mundi intelligat, cum subdit et
Angelis, et hominibus, scilicet bonis et malis. Concurrebant enim ad
eorum spectaculum boni Angeli ad confortandum, mali autem ad impugnandum;
boni homines ad compatiendum, et exemplum patientiae sumendum, mali homines
ad persequendum, et irridendum. Deinde cum dicit nos stulti, etc., irridet eos in speciali,
quod apostolos contemnebant. Et circa hoc duo facit. Primo ponit contemptum;
secundo causam contemptus, ibi usque in hanc horam, et cetera. Circa primum irridet eorum contemptum quantum ad hoc, quod sibi
excellentiam, apostolis defectum attribuebant. Et primo quantum ad
perfectionem intellectus. Et quantum ad hoc dicit nos stulti sumus propter
Christum, id est stulti reputamur, quia crucem Christi praedicamus, supra
I, 18 — verbum crucis pereuntibus stultitia est, et etiam quia propter
Christum opprobria et contentiones sustinemus, secundum illud Sap. V, 4 — nos
insensati vitam illorum aestimabamus insaniam. Item, ut legitur Act. c.
XXVI, 24, Festus dixit Paulo : insanis, Paule, multae te litterae ad
insaniam adducunt. Vos, secundum vestram reputationem, estis prudentes
in Christo, quia scilicet nec crucem eius publice confiteri audetis, nec
persecutionem pro eo sustinetis. Prov. XXVI, 16 — sapientior sibi videtur
piger septem viris sequentibus sententias. Secundo quantum ad potestatem actionis, cum dicit nos infirmi,
reputamur scilicet in exterioribus, propter afflictiones quas sustinemus. I1
Cor. XII, 9 — libenter gloriabor in infirmitatibus meis. Vos autem,
scilicet secundum vestram reputationem, estis fortes, scilicet in
rebus corporalibus, quia secure vivitis sine tribulatione. Is. V, 22 — vae qui
potentes estis ad bibendum vinum, et viri fortes ad miscendam ebrietatem. Vos
nobiles, scilicet estis, secundum vestram aestimationem, id est, honore
digni, qui exterius contumelias non patimini. Is. XIX, 11 — filius
sapientium, ego filius regum antiquorum. Nos autem ignobiles sumus,
secundum vestram et aliorum reputationem, quia contemptibiles habemur. Supra
I, 27 — quae contemptibilia sunt mundi et ignobilia elegit Deus. Et
tamen secundum rei veritatem est e converso. Soli enim contemptibiles illi
sunt, qui Deum contemnunt, secundum illud I Reg. c. II, 30 — qui autem
contemnunt me, erunt ignobiles. Deinde, cum dicit usque in hanc horam,
etc., assignat causam contemptus. Et primo ponit pro causa defectum bonorum
temporalium; secundo mala quae in eis intelligebantur, ibi maledicimur et
benedicimus; tertio concludit intentum, ibi tamquam purgamenta. Circa primum duo facit.
Primo ponit defectum quem patiebantur in rebus necessariis. Unde quantum ad
ea, quae pertinent ad victum, dicit usque in hanc horam, id est,
continue a conversione nostra usque in praesens tempus, esurimus et sitimus.
I1 Cor. XI, 27 — in fame et siti. Quantum vero ad vestitum, subdit et
nudi sumus, id est, propter vestimentorum inopiam, quia etiam interdum
expoliabantur. Iob XXIV, 7 — nudos dimittunt homines vestimenta tollentes,
quibus non est operimentum in frigore. Sed contra est quod
dicitur in Ps. XXXVI, v. 25 — non vidi iustum derelictum, nec semen eius
quaerens panem. Sed dicendum est, quod ita patiebantur apostoli, quod non
derelinquebantur, quia divina providentia moderabatur in eis et abundantiam
et inopiam, quantum eis expediebat ad virtutis exercitium. Unde et apostolus Phil. IV,
11 ss. : ubique et in omnibus institutus sum, et saturari, et esurire, et
abundare, et penuriam pati; omnia possum in eo, qui me confortat. Secundo ponit defectum eorum, quae pertinent ad
bene esse humanae vitae, quorum primum est reverentia ab hominibus exhibita,
contra quod dicit et colaphis caedimur, quod quidem fit magis ad
opprobrium, quam ad poenam. Unde de Christo legimus Matth. XXVI, 67 quod expuerunt
in faciem suam, et colaphis eum caeciderunt. Secundo requiritur quies in
loco, contra quod dicitur et instabiles sumus, tum quia expellebantur
a persecutoribus de loco in locum, secundum illud Matth. X, 23 — si vos
persecuti fuerint in una civitate, fugite in aliam, tum etiam quia pro
executione sui officii discurrebant ubique, secundum illud Io. c. XV, 16 — posui
vos ut eatis. Tertio requiritur ministrantium auxilium, contra quod
dicitur et laboramus operantes manibus nostris, tum quia aliquando
nullus dabat eis unde possent sustentari; tum etiam, quia labore manuum
suarum victum acquirebant vel ad vitandum fidelium gravamen, vel ad
repellendum pseudo-apostolos, qui propter quaestum praedicabant, ut habetur I1
Cor. XII, 16 ss.; tum etiam, ut darent otiosis laborandi exemplum, ut habetur
II Thess. III, 9. Unde dicit Paulus Act. XX, v. 34 — ad ea quae mihi opus
erant, et his qui mecum sunt, ministraverunt manus istae. Deinde, cum dicit maledicimur, etc., ponit
mala quae apostoli patiebantur. Et primo in verbis, cum dicit maledicimur,
id est, male de nobis dicunt homines, vel ad detrahendum, vel ad contumelias
inferendum, vel etiam mala imprecando. Ier. XV, v. 10 — omnes
maledicunt mihi. Et benedicimus, id est, reddimus bonum pro malo,
secundum illud I Petr. III, 9 — non reddentes maledictum pro maledicto,
sed e contrario benedicentes. Secundo in factis, et
quantum ad hoc dicit persecutionem patimur, non solum quantum ad hoc,
quod fugamur de loco ad locum, quod proprie persecutio dicitur, sed quantum
ad hoc quod multipliciter tribulamur, secundum illud Ps. CXVIII, 157 — multi qui
persequuntur me, et tribulant me. Et sustinemus, in Christo scilicet
omnia patienter. Eccli. I, 29 — usque ad tempus sustinebit patiens. Tertio tangit causam utriusque, cum dicit blasphemamur,
id est, blasphemia imponuntur nobis, dum dicimur magi vel malefici, et
reputamur Dei inimici, secundum illud Io. c. XVI, 2 — venit hora, ut omnis
qui interficit vos, arbitretur obsequium se praestare Deo; et Rom. III, 8
— sicut blasphemamur, et sicut aiunt quidam nos dicere, faciamus mala, ut
veniant bona. Tamen, obsecramus Deum pro his qui nos persequuntur
et blasphemant, secundum illud Matth. V, 44 — orate pro persequentibus et
calumniantibus vos. Deinde cum dicit tamquam purgamenta, etc.,
concludit ex omnibus praemissis eorum contemptum, dicens : et propter omnia
praedicta facti sumus tamquam purgamenta huius mundi, id est, reputati
sumus et a Iudaeis et a gentilibus, ut per nos mundus inquinetur : et propter
nostram occisionem mundus purgetur, et tamquam simus peripsema omnium.
Dicitur peripsema quodcumque
purgamentum, puta vel pomi, vel ferri, vel cuiuscumque alterius rei. Et hoc, usque adhuc,
quia scilicet continue hoc patimur. Sed quandoque deficiet, secundum illud
Sap. V, 3, ubi ex ore impiorum dicitur : hi sunt, quos aliquando habuimus
in derisum, et in similitudinem improperii. Et postea subditur : quomodo
ergo computati sunt inter filios Dei? |
Saint Paul,
après avoir critiqué dans les Corinthiens la témérité avec laquelle ils
jugeaient les ministres de Jésus-Christ, attaque ici l’orgueil avec lequel
ils les méprisaient I° il énonce
ce qu’il veut établir ; II° il en
donne la raison, à ces mots (verset 7) : Qui est-ce qui met de la
différence entre vous ? III° il les
raille avec ironie de leur mépris, à ces autres (verset 8) : Vous voilà
rassasiés. I° Sur l’énoncé de sa proposition,
remarquons que l’Apôtre, dans ce qui précède, voulant réprimer les rivalités
des Corinthiens à propos des ministres de Jésus-Christ, avait cité les noms
de fidèles ministres du Christ (ci-dessus, I, 12) : Chacun de vous dit :
moi, je suis à Paul, et moi à Apollos, et moi à Céphas ; et (III, 22) : soit
Paul, soit Apollos, soit Céphas. Toutefois les Corinthiens ne se
glorifiaient pas dans les fidèles ministres de Jésus-Christ, et ce n’était
pas à cause d’eux qu’ils avaient des discussions, mais à cause des faux
apôtres, que saint Paul n’a pas voulu nommer pour ne pas paraître s’élever
contre eux par un sentiment de haine ou de jalousie ; à la place de leurs
noms il avait mis son propre nom et celui d’autres bons prédicateurs. C’est
ce qu’il dit (verset 6) : Au reste, mes frères, ces choses, à savoir
que j’ai dites sur les ministres à l’égard desquels vous vous glorifiez et
pour lesquels vous avez des rivalités, je les ai personnifiées,
c’est-à-dire, en parlant au figuré, je les ai transportées, à moi et à
Apollos. Car il est dit au livre des Proverbes (I, 6) : "Il
pénétrera les paraboles et leurs secrets, les discours des sages et leurs
mystères." Et cela pour vous, c’est-à-dire pour votre
avantage ; (I1 Cor., IV, 15) : "Car toutes choses sont pour
vous", (verset 6) : afin que vous appreniez par nous que nul
d’entre vous ne doit se laisser enfler d’orgueil, contre un de ses
frères, pour un autre, c’est-à-dire pour quelque ministre de
Jésus-Christ que ce soit, plus qu’il n’est écrit, en d’autres termes
au delà de la règle qui vous a été tracée ; (Sag., IV, 19) : "Ils
tomberont devant lui confus et muets". II° Lorsqu’il dit (verset 7) : Car qui vous discerne ? l’Apôtre
donne la raison pour laquelle on ne doit pas s’enfler d’orgueil l’un contre
l’autre. I. Il énonce cette
raison en disant (verset 7) : Car qui vous discerne ?, ce qui peut
s’entendre de deux manières : d’abord, qui vous discerne de la masse de ceux
qui se perdent ? Vous ne pouvez vous discerner vous-mêmes : vous n’avez donc
point en vous de quoi vous enorgueillir contre un autre. De ce premier
discernement il est dit (Ps. XLII, 1) : "Mon Dieu, jugez-moi, et
faites le discernement de ma cause d’avec la nation qui n’est pas
sainte." On peut encore donner à ces paroles qui vous
discerne ? ce sens : qui vous rend supérieur à votre prochain ? ce
que vous ne pouvez faire vous-mêmes. Vous ne devez donc pas vous enorgueillir
contre lui. De ce second discernement il est dit (Ecclésiastique XXXIII, 11) :
"Dans l’étendue de sa sagesse, le Seigneur a établi de la différence
entre les hommes, et il a diversifié leurs voies." Mais entre les
hommes, en tant qu’ils sont fidèles de Jésus-Christ, il n’y a pas de
différence ; car (Rom., XII, 5) : "Quoique nous soyons plusieurs,
nous ne sommes qu’un seul corps en Jésus-Christ" ; et Pierre
affirme (Act., XV, 9) : "Dieu n’a pas fait de différence entre eux et
nous, ayant purifié leurs coeurs par la foi." II. Saint Paul réfute
une sorte d’argumentation ; car on aurait pu se distinguer parmi les bons et
les méchants en étant meilleur qu’eux, par des actes louables, à savoir la
foi, la sagesse ou quelques qualités semblables. L’Apôtre répond à cette
allégation en disant (verset 7) : Qu’avez-vous que vous n’ayez reçu ?
comme s’il répondait : rien absolument. Car tous les biens viennent de Dieu,
selon cette parole du ps. CIII, 28 — "Vous ouvrez votre main, et tout
est rempli des effets de votre bonté" ; et (I Chroniques XXIX,
14) : "Tout est à vous, nous ne vous avons donné que ce que nous
avons reçu de votre main." De ce principe l’Apôtre déduit la
conclusion de sa proposition, en disant (verset 7) : Que si vous l’avez
reçu, pourquoi vous glorifier comme si vous ne l’aviez pas reçu ?
Celui-là donc se glorifie comme n’ayant pas reçu, qui se glorifie de lui-même
et non de Dieu, comme ceux dont il est dit (Psaume XLVIII, 7) : "Ils
se confient dans leur force et se glorifient dans l’abondance de leurs
richesses." C’est à cette disposition que se rapporte la première
espèce d’orgueil, qui fait que, s’élevant, on s’attribue ce que l’on a, selon
ce passage du Psalmiste (XI, 5) : "Nos lèvres sont à nous ; qui est
notre maître ?" Mais celui-là se glorifie comme ayant reçu, qui
attribuant tout à Dieu, se glorifie en Lui, comme il est dit (ci-dessus, I,
31) : Que celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur. Se
glorifier ainsi, ce n’est pas s’enorgueillir, c’est s’humilier devant Dieu,
auquel l’homme rend gloire, selon cette parole (Ecclésiastique LI, 23) : "Celui
qui me donne la sagesse je rendrai la gloire." III° Lorsque saint Paul ajoute (verset 8) : Vous voilà rassasiés, il raille
l’orgueil de ceux qui méprisaient les apôtres de Jésus-Christ. Il le fait
d’abord en général, ensuite en particulier, à ces mots (verset 10) : Nous
sommes insensés, etc." I. Sur le premier
point, 1° il se
raille d’eux parce qu’ils présumaient d'eux-mêmes ; 2° parce qu’ils méprisaient les
apôtres de Jésus-Christ, à ces mots (verset 9) : Il semble que Dieu, etc. 1° Sur leur présomption, d’abord il
les raille de la présomption avec laquelle ils s’attribuaient ce qui n’était
pas à eux ; ensuite de ce qu’en particulier ils s’attribuaient ce qui ne leur
appartenait pas, à ces mots (verset 8) : Vous régnez sans nous. 1. Or ils s’attribuaient l’abondance des biens dont ils regorgeaient. A) Parmi ces biens, quelques-uns sont intérieurs ; l’Apôtre y fait allusion en disant : Vous voilà rassasiés, c’est-à-dire il vous se |