Commentaire de la première épître de saint
Paul aux Corinthiens
PAR SAINT THOMAS D’AQUIN
Docteur de l'Eglise catholique
Edition Louis Vivès, 1870,
Traduction par l'Abbé Bralé
Reprise et corrigée par Charles Duyck, janvier 2009
Deuxième édition numérique, https://www.i-docteurangelique.fr/DocteurAngelique, 2009
Les œuvres complètes de saint Thomas d'Aquin
Commentaire
reconstitué par Frère Réginald, après la perte de l'original, à partir de notes
d'étudiants
""Testibus primaevis
catalogis operum eius, Thomas hanc expositionem proprio stylo notavit usque
ad caput VII. Exinde vero ad caput X amissa est lectura, ac lacuna repleta ex
commentario Petri de Tarantasia
breviato forte a Nicholao de Gorran. A capite vero XI exstant reportationes
duae : una ad caput
XIII, Reginaldo de Piperno tribuenda, altera vulgata copiis,
usque ad finem lecturae."" |
Comme en témoignent les premiers
catalogues de son œuvre, saint Thomas a donné, dans son style propre, ce
commentaire jusqu’au chapitre VII. Au-delà, jusqu’au chapitre X, le texte
original est perdu et a été complété par un commentaire de Pierre de Tarentaise,
probablement abrégé par Nicolas de Gorran. A partir du chapitre XI, deux
versions coexistent : l’une, jusqu’au chapitre XIII, est attribuée à Réginald
de Piperno ; l’autre, connue par des copies, jusqu’à la fin de l’œuvre. |
CHAPITRE I — L'EVANGILE DES PETITS
Leçon 1 : 1 Corinthiens I, 1-9 — Salutations
Leçon 2 : 1 Corinthiens I, 10-17 — Un seul baptême
Leçon 3 : 1 Corinthiens I, 17-25 — La simplicité de la
prédication de l'Evangile
Leçon 4 : 1 Corinthiens I, 26-31 — Dieu choisi les
faibles pour prêcher son Evangile
CHAPITRE II — SAGESSE DE DIEU, FOLIE POUR LE MONDE
Leçon 1 : 1 Corinthiens II, 1-7 — Prêcher la mystérieuse
Sagesse de Dieu
Leçon 2 : 1 Corinthiens II, 8-12 — Sagesse cachée au
monde
Leçon 3 : 1 Corinthiens II, 13-16 — Une sagesse
spirituelle et non animale
CHAPITRE III — RECOMPENSE ET CHÂTIMENT
Leçon 1 : 1 Corinthiens III, 1-8 — Le jugement de la
chair
Leçon 2 : 1 Corinthiens III, 8-15 — Le purgatoire du
péché
Leçon 3 : 1 Corinthiens III, 16-23 — Le châtiment des
mauvais ministres
CHAPITRE IV — LE PÉCHÉ DES CORINTHIENS
Leçon 1 : 1 Corinthiens IV, 1-5 — Dieu seul peut juger
les coeurs
Leçon 2 : 1 Corinthiens IV, 6-13 — Se garder de l'orgueil
Leçon 3 : 1 Corinthiens IV, 14-21 — Exhortation à la
conversion
CHAPITRE V — JUGEMENT D'UN SCANDALE (INCESTE)
Leçon 1 : 1 Corinthiens V, 1-5 — Excommunication d'un
fornicateur
Leçon 2 : 1 Corinthiens V, 6-8 — Les complices de
l'incestueux
Leçon 3 : 1 Corinthiens V, 9-13 — Fuir les pervers?
CHAPITRE VI — LES PROCÈS ENTRE CHRÉTIENS
Leçon 1 : 1 Corinthiens VI, 1-6 — Les tribunaux dans
l'Eglise
Leçon 2 : 1 Corinthiens VI, 7-13 — Ne pas se déchirer en
procès
Leçon 3 : 1 Corinthiens VI, 13-20 — Le corps : temple de
l'Esprit
CHAPITRE VII — MARIAGE ET VIRGINITÉ [par Pierre de
Tarentaise]
Leçon 1 : 1 Corinthiens VII, 1-9 — Faut-il se marier ?
Leçon 2 : 1 Corinthiens VII, 10-14 — L'indissolubilité du
mariage
A partir d'ici, et jusqu'à la fin du ch. 10, commentaire
remplacé par frère Pierre de Tarentaise op
Leçon 3 : 1 Corinthiens VII, 15-20 — Le cas des mariage
mixte
Leçon 4 : 1 Corinthiens VII, 21-24 — Rester dans son état
de vie
Leçon 5 : 1 Corinthiens VII, 25-28 — Le conseil
évangélique de virginité
Leçon 6 : 1 Corinthiens VII, 29-31 — Les rapport
conjugaux
Leçon 7 : 1 Corinthiens VII, 32-35 — La supériorité de la
continence volontaire
Leçon 8 : 1 Corinthiens VII, 36-40 — La liberté du choix
de son état de vie
CHAPITRE VIII — LES IDOLOTYTES [par Pierre de Tarentaise]
Leçon 1 : 1 Corinthiens VIII, 1-8 — Les viandes immolées
aux idoles
Leçon 2 : 1 Corinthiens VIII, 9-13 — Mais ne pas
scandaliser les faibles
CHAPITRE IX — LA SUBSISTANCE MATERIELLE DES APÔTRES [par
Pierre de Tarentaise]
Leçon 1 : 1 Corinthiens IX, 1-10 — Un salaire matériel
pour Paul?
Leçon 2 : 1 Corinthiens IX, 11-14 — Il est permis de
vivre de l'Evangile
Leçon 3 : 1 Corinthiens IX, 15-18 — Pourquoi, en ce qui
le concerne, Paul n'a rien demandé?
Leçon 4 : 1 Corinthiens IX, 19-23 — Paul a tout fait pour
l'Evangile
Leçon 5 : 1 Corinthiens IX, 24-27 — La liberté dans
l'apostolat
CHAPITRE X — LE SENS DES ÉPREUVES [par Pierre de
Tarentaise]
Leçon 1 : 1 Corinthiens X, 1-5 — L'exemple des anciens
hébreux et de leur idolâtrie
Leçon 2 : 1 Corinthiens X, 6-11 — Tout leur est arrivé
pour notre instruction
Leçon 3 : 1 Corinthiens X, 12-13 — Les avantages de la
tentation
Leçon 4 : 1 Corinthiens X, 14-17 — Un seul pain
Leçon 5 : 1 Corinthiens X, 18-24 — Attention à l'idolâtrie
Leçon 6 : 1 Corinthiens X, 25-30 — Quand peut-on manger
des viandes immoler aux idoles?
Leçon 7 : 1 Corinthiens X, 31-33 — Tout faire pour la
gloire de Dieu
CHAPITRE XI — LES ASSEMBLÉES ET L'EUCHARISTIE [par saint
Thomas d’Aquin]
Ici reprend le commentaire de saint Thomas
Leçon 1 : 1 Corinthiens XI, 1-3 — Imiter Paul
Leçon 2 : 1 Corinthiens XI, 4-7 — Le voile des femmes –
Règle pour les prophéties
Leçon 3 : 1 Corinthiens XI, 8-16 — La femme, gloire de
l'homme
Leçon 4 : 1 Corinthiens XI, 17-22 — Les Agapes
Leçon 5 : 1 Corinthiens XI, 23-24 — L'eucharistie
Leçon 6 : 1 Corinthiens XI, 25-26 — La consécration du
calice
Leçon 7 : 1 Corinthiens XI, 27-34 — Recevoir
l'eucharistie avec respect
CHAPITRE XII — TOUS LES DONS VIENNENT DU MÊME ESPRIT
Leçon 1 : 1 Corinthiens XII, 1-6 — Plusieurs grâces, un
seul Esprit
Leçon 2 : 1 Corinthiens XII, 7-11 — Plusieurs dons, un
seul Esprit
Leçon 3 : 1 Corinthiens XII, 12-31 — Comme les divers
organes d'un corps
Leçon 1 : 1 Corinthiens XIII, 1-3 — La plus grande : La
charité
Leçon 2 : 1 Corinthiens XIII, 4-7 — La charité accomplit
toutes les vertus
Leçon 3 : 1 Corinthiens XIII, 8-14 — La charité demeurera
toujours
Leçon 4 : 1 Corinthiens XIII, 12 à 13 — L'épanouissement
dans la gloire
CHAPITRE XIV — HIÉRARCHIE DES CHARISMES
Leçon 1 : 1 Corinthiens XIV, 1-4 — La prophétie est
supérieure au don des langues
Leçon 2 : 1 Corinthiens XIV, 5-12 — Le don de prophétie
est …
Leçon 3 : 1 Corinthiens XIV, 13-17 — … au-dessus du don
des langues
Leçon 4 : 1 Corinthiens XIV, 18-22 — L'exemple de
l'Apôtre
Leçon 5 : 1 Corinthiens XIV, 23-26 — L'usage à bon
escient des charismes
Leçon 6 : 1 Corinthiens XIV, 27-33 — Quand user du don
des langues ?
Leçon 7 : 1 Corinthiens XIV, 34-40 — Normes pour l'usage
du don de prophétie
Leçon 1 : 1 Corinthiens XV, 1-11 — La résurrection de
Jésus
Leçon 2 : 1 Corinthiens XV, 12-19 — Sans résurrection,
vaine est notre foi
Leçon 3 : 1 Corinthiens XV, 20-28 — Notre résurrection à
la fin du monde
Leçon 4 : 1 Corinthiens XV, 29-34 — Sans résurrection,
Carpe diem
Leçon 5 : 1 Corinthiens XV, 35-38 — Comme la semence…
Leçon 6 : 1 Corinthiens XV, 39-44 — Les corps ressuscités
Leçon 7 : 1 Corinthiens XV, 44-50 — Le corps spirituel
Leçon 8 : 1 Corinthiens XV, 51-52 — Comment se produira
la résurrection ?
Leçon 9 : 1 Corinthiens XV, 53-58 — Attendre dans la foi
la résurrection
Leçon 1 : 1 Corinthiens XVI, 1-9 — Collecte et futurs
voyages
Leçon 2 : 1 Corinthiens XVI, 10-24 — Recommandations
finales
Textum Taurini 1953 editum
ac automato translatum a Roberto Busa SJ in taenias magneticas denuo
recognovit Enrique Alarcón atque instruxit |
Traduction
par l'Abbé Bralé. Reprise et corrigée par Charles Duyck, janvier 2008 |
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Prooemium |
PROLOGUE |
[86233] Super 1 Cor., pr.
Non
abscondam a vobis sacramenta Dei, etc., Sap. VI, 24. Sacramenti nomen dupliciter accipi
consuevit. Nam quandoque sacramentum dicitur quodcumque secretum, et
praecipue de rebus sacris; quandoque sacramentum dicitur sacrae rei signum,
ita quod et eius imaginem gerat, et causa existat, secundum quod nos dicimus
septem sacramenta Ecclesiae, scilicet Baptismus, confirmatio, Eucharistia,
poenitentia, extrema unctio, ordo et matrimonium. In qua quidem
significatione sacramenti etiam prima significatio continetur; nam in his
Ecclesiae sacramentis, divina virtus secretius operatur salutem, ut
Augustinus dicit. Haec igitur sacramenta Dei praelatus, seu doctor Ecclesiae,
fidelibus Christi non debet abscondere sed manifestare, propter tria. Primo
quidem, quia hoc pertinet ad honorem Dei, secundum illud Tob. XII, 7 — sacramentum
regis abscondere bonum est, opera autem Dei revelare et confiteri honorificum
est. Secundo, quia hoc pertinet ad salutem hominum, qui per horum
ignorantiam in desperationem labi possent, sicut de quibusdam dicitur Sap. II, 22 quod nescierunt
sacramenta Dei, nec speraverunt mercedem iustitiae, quia per sacramenta
homines purificantur, ut sint praeparati ad recipiendum mercedem iustitiae.
Tertio quia hoc pertinet ad debitum officium praelati vel doctoris, secundum
illud Eph. III, 8 — mihi omnium sanctorum minimo data est gratia haec,
illuminare omnes quae sit dispensatio sacramenti absconditi a saeculis in Deo.
Sic ergo praedicta verba
demonstrant nobis materiam huius epistolae, in qua apostolus agit de
sacramentis Ecclesiae. Cum enim in epistola ad Romanos gratiam Dei
commendasset, quae in sacramentis Ecclesiae operatur : hic, scilicet in prima
epistola ad Corinthios, de ipsis Ecclesiae sacramentis agit; in secunda vero
de ministris sacramentorum. Videamus ergo primo textum. |
Le mot
sacrement est pris ordinairement de deux manières : tantôt on appelle
sacrement un secret quelconque, et particulièrement quand il s’agit de choses
sacrées ; tantôt on entend par là le signe d’une chose sacrée dont il porte
l’image et dont il est la cause. C’est dans ce sens que nous disons les sept
sacrements de l’Eglise, à savoir : le Baptême, la Confirmation,
l’Eucharistie, la Pénitence, l’Extrême Onction, l’Ordre et le Mariage. Dans
cette signification du mot sacrement, on retrouve cependant aussi la première
; car, dans ces sacrements de l’Eglise, la puissance divine opère
mystérieusement le salut, comme le dit S. Augustin. Or les prélats ou
docteurs de l’Eglise ne doivent pas cacher les secrets de Dieu aux fidèles de
Jésus-Christ, mais les manifester, et cela pour trois raisons. La première,
c’est que cette manifestation touche à l’honneur de Dieu, selon cette parole
(Tobie, XII, 7) : "Il est bon de cacher le secret du roi, mais il est
honorable de révéler et de publier les oeuvres de Dieu." Ensuite
parce qu’elle intéresse le salut des hommes, qui, dans l’ignorance de ces
mystères, pourraient se laisser aller au désespoir, comme ceux dont il est
dit au livre de la Sagesse (II, 22) : "ils n’ont pas su les secrets
de Dieu, et ils n’ont pas espéré la récompense de la justice," car
les hommes sont purifiés par les sacrements pour recevoir cette récompense.
Enfin c’est un office obligatoire pour le pontife ou le docteur, selon cette
parole (Ephés., III, 8) : "Moi, le plus petit d’entre les saints,
j’ai reçu la grâce d’éclairer tous les hommes sur l’économie des mystères
cachés depuis des siècles en Dieu." Ces paroles que nous avons
citées nous indiquent le sujet de cette épître, dans laquelle S. Paul traite
des sacrements de l’Eglise. Ayant montré dans l’épître aux Romains la
grandeur de la grâce qui opère dans ces sacrements, ici, c’est-à-dire dans
cette première épître aux Corinthiens, il traite des sacrements mêmes, et,
dans la seconde, des ministres des sacrements. Voyons d’abord le texte. |
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Caput 1 |
CHAPITRE I — L'EVANGILE DES PETITS |
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Lectio 1 |
Leçon 1 : 1 Corinthiens I, 1-9 — Salutations |
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SOMMAIRE : S. Paul salue les Corinthiens, il leur souhaite les biens spirituels, la grâce et la paix qui assurent la tranquillité de la vie. Il rend ensuite grâces à Dieu des dons faits aux Corinthiens. |
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[1]
Paulus vocatus apostolus Christi Iesu per voluntatem Dei et Sosthenes frater [2]
ecclesiae Dei quae est Corinthi sanctificatis in Christo Iesu vocatis sanctis
cum omnibus qui invocant nomen Domini nostri Iesu Christi in omni loco
ipsorum et nostro [3]
gratia vobis et pax a Deo Patre nostro et Domino Iesu Christo [4]
gratias ago Deo meo semper pro vobis in gratia Dei quae data est vobis in
Christo Iesu [5] quia
in omnibus divites facti estis in illo in omni verbo et in omni scientia [6]
sicut testimonium Christi confirmatum est in vobis [7] ita
ut nihil vobis desit in ulla gratia expectantibus revelationem Domini nostri
Iesu Christi [8] qui
et confirmabit vos usque ad finem sine crimine in die adventus Domini nostri
Iesu Christi [9] fidelis Deus per quem vocati estis in societatem Filii eius Iesu
Christi Domini nostri |
1. Paul,
appelé apôtre de Jésus-Christ par la volonté de Dieu, et Sosthène son frère, 2. A
l’Eglise de Dieu qui est à Corinthe : aux sanctifiés dans le Christ Jésus,
appelés saints, ainsi que tous ceux qui invoquent le nom de Notre Seigneur
Jésus-Christ, en quelque lieu qu'ils soient et que nous soyons nous-mêmes : 3. Grâce à
vous et paix par Dieu notre Père et par le Seigneur Jésus-Christ. 4. Je rends
continuellement grâce à mon Dieu pour vous, à cause de la grâce de Dieu qui
vous a été donnée dans le Christ Jésus, 5. De ce
que vous avez été comblés en Lui de toutes sortes de richesses, en toute
parole et en toute science; 6. (Ainsi
le témoignage du Christ a été confirmé en vous); 7. De sorte
qu'il ne vous manque aucune grâce, à vous qui attendez la révélation de Notre
Seigneur Jésus-Christ, 8. Qui vous
affermira encore jusqu'à la fin, sans reproche au jour de l’avènement de
Notre Seigneur Jésus-Christ. 9. Il est
fidèle le Dieu par qui vous avez été appelés à la société de son Fils
Jésus-Christ Notre Seigneur. |
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[86234] Super 1 Cor.,
cap. Circa primum duo facit. Primo ponit personam principalem quam
describit ex nomine, dicens Paulus, de quo quidem nomine satis dictum
est in epistola ad Romanos. Hic autem sufficiat dicere quod hoc nomen
praemittit in signum humilitatis; nam Paulus idem est quod modicus, quod ad
humilitatem pertinet. I Reg. c. XV, 17 — cum esses parvulus in oculis
tuis, caput in tribubus Israel factus es. Matth. XI, v. 25 — abscondisti
haec a sapientibus et prudentibus, et revelasti ea parvulis. Consequenter
describit eam a dignitate. Et primo ponit modum adipiscendae dignitatis, cum
dicit vocatus, secundum illud Hebr. V, 4 — nemo sumit sibi honorem,
sed qui vocatur a Deo tamquam Aaron. Secundo ponit ipsam dignitatem,
dicens apostolus Iesu Christi, quae quidem est prima dignitas in
Ecclesia, et interpretatur missus, quia fuerunt missi a Deo, ut vice eius
fungerentur in terris. Unde dicitur Lc. c. VI, 13, quod elegit duodecim,
quos et apostolos nominavit, et infra XII, 28 — Deus posuit in
Ecclesia quosdam, primum quidem apostolos, et cetera. Tertio ponit
originem sive causam huius dignitatis, cum dicit per voluntatem Dei.
Quod est intelligendum de voluntate beneplaciti, ex qua perficiuntur illi qui
multipliciter praesunt Ecclesiis. Eccli. X, 4 — in manibus Dei potestas terrae, et utilem rectorem in
tempore suscitabit super illam. Et de praedicta voluntate sub figura
nobis dicitur, Iob XXXVII, 12, quod lustrant cuncta per circuitum
quocumque voluntas gubernantis perduxerit. Dimittit autem Deus aliquos praefici
propter subditorum peccata, secundum illud Iob XXXIV, 30 — regnare facit
hominem hypocritam propter peccata populi. Talis autem rector non
dicitur esse secundum voluntatem Dei, sed secundum eius indignationem,
secundum illud Osee XIII, 11 — dabo tibi regem in furore meo, et auferam
in indignatione mea. Secundo ponit personam
adiunctam, cum dicit et Sosthenes frater, quem sibi salutando
adiungit, quia ad apostolum detulerat contentiones et alios Corinthiorum
defectus, ne hoc videretur ex odio fecisse; et ideo nominat eum fratrem, ut
ostendat quod ex zelo charitatis hoc fecerat. Prov. IX, 8 — argue
sapientem, et diliget te. Deinde ponit personas salutatas, cum dicit Ecclesiae
Dei quae est Corinthi. Et, primo, ponit principales personas, quas describit
tripliciter. Primo quidem ex loco, cum dicit Ecclesiae Dei quae est
Corinthi, id est, fidelibus Christi Corinthi congregatis. Ps. XXXIV, 18 —
confitebor tibi in Ecclesia magna. Secundo ex munere gratiae, cum
dicit sanctificatis in Christo Iesu, id est, in fide, passione et
sacramento Christi Iesu. Infra VI, 11 — sed abluti estis, sed sanctificati
estis. Hebr. ult. : Iesus ut sanctificaret per suum sanguinem populum,
extra portam passus est. Tertio ponit originem gratiae, cum dicit vocatis
sanctis; quia scilicet ad sanctitatem per gratiam vocationis pervenerunt.
Rom. VIII, 30 — quos praedestinavit, hos et vocavit. I Petr. II, 9 — de
tenebris vos vocavit in admirabile lumen suum. Secundo ponit personas secundarias, fideles
scilicet, quae non erant in ipsa civitate sed habitabant in dioecesi
civitatis vel districtu. Unde subdit vobis, inquam, qui estis Corinthi
scribo, cum omnibus qui invocant nomen domini nostri Iesu Christi,
scilicet per veram fidei confessionem. Ioel. c. II, 32 — omnis qui
invocaverit nomen domini salvus erit. Et hoc in omni loco ipsorum,
id est eorum iurisdictioni subiecto, et nostro, quia per hoc quod
subiiciebantur episcopo civitatis, non eximebantur a potestate apostoli,
quinimo magis erant ipsi apostolo subiecti, quam his quibus ipse eos
subiecerat. Ps.
CII, 22 — in omni loco dominationis eius, benedic, anima mea, domino. Ultimo autem in
salutatione ponit bona salutifera quae eis optat, quorum primum est gratia,
per quam iustificamur a peccatis, Rom. III, 24 — iustificati gratis per gratiam
ipsius; ultimum autem est pax, quae perficitur in felicitate
aeterna. Ps. CXLVII, 14 — qui posuit fines tuos pacem. Is. XXXII, 18 — sedebit
populus meus in pulchritudine pacis. Per haec autem duo, omnia alia
includit. Unde
dicit gratia et pax. Causam eorum ostendit, subdens a Deo patre
nostro, secundum illud Iac. I, 17 — omne datum optimum et omne donum
perfectum desursum est, descendens a patre luminum. Addit autem et
domino Iesu Christo, per quem, ut dicitur II Petr. I, 4, maxima et
pretiosa promissa donavit nobis Deus. Io. I, v. 17 — gratia et veritas
per Iesum Christum facta est. Quod autem dicit a Deo patre nostro.
Potest intelligi de tota Trinitate, a qua creati sumus et in filios adoptati.
Additur autem et domino Iesu
Christo, non quia sit persona alia vel hypostasis praeter tres personas,
sed propter aliam naturam. Vel quod dicitur Deo patre nostro, per
quamdam appropriationem accipitur pro persona patris, sicut Io. XX, 17 — ascendo
ad patrem meum, Deum meum et Deum vestrum. In hoc autem quod subdit et domino Iesu
Christo, manifestatur persona filii. Tacetur autem de spiritu sancto,
quia est nexus patris et filii, et intellectus ex ambobus, vel quia est donum
utriusque, intelligitur in donis, de quibus dicit gratia et pax, quae
per spiritum sanctum dantur. Infra XII, v. 11 — haec omnia operatur unus
atque idem spiritus. Deinde cum dicit gratias ago Deo meo,
incipit epistolarem tractatum. Et primo gratias agit de bonis eorum, ut correctionem suorum defectuum
tolerabilius ferant; secundo ponit eorum instructionem, ibi obsecro vos
autem, fratres. Circa primum duo facit. Primo gratias agit de bonis quae
iam acceperant; secundo de bonis quae in futurum expectabant, ibi expectantibus
revelationem. Circa primum duo facit. Primo ponit gratiarum actionem, cum
dicit gratias ago Deo meo, qui scilicet etsi sit Deus omnium per
creationem et gubernationem, tamen est eius et cuiuslibet iusti per fidem et
devotionem. Ps. CXVII, 28 — Deus meus es tu, et confitebor tibi.
Ostendit etiam quando gratias agit, cum dicit semper, quia haec
gratiarum actio ex charitatis affectu procedit, qui in eius corde assiduus
erat. Prov. XVII, 17 — omni tempore diligit qui amicus est. Et quamvis
omni tempore eos diligeret, et pro eorum bonis gratias ageret actualiter,
tamen etiam pro eis gratias agebat omnibus horis quas habebat orationi
deputatas. Ostendit etiam pro quibus gratias agit, cum dicit
pro vobis, de quorum scilicet bonis propter charitatis unionem
gaudebat, sicut de suis. III Io. v. 4 — maiorem horum non habeo
gratiam, quam ut audiam filios meos in veritate ambulare. Secundo ostendit materiam
gratiarum actionis, et primo in generali, cum dicit in gratia Dei, id
est, per gratiam Dei, quae data est vobis in Christo Iesu, id est per
Christum Iesum. Io. I, 16 — de plenitudine eius omnes nos accepimus
gratiam pro gratia. Secundo in speciali, ubi
primo ostendit gratiae abundantiam cum dicit quia in omnibus, scilicet
quae pertinent ad salutem, divites, id est abundantes, facti estis
in illo, id est per Christum, secundum illud I1 Cor. VIII, 9 — propter vos
egenus factus est, ut illius inopia divites essetis. Et exponit in quibus
sint divites facti, cum dicit in omni verbo, vel quia omnibus
generibus linguarum loquebantur, vel quia in verbo doctrinae abundabant. Verbum
autem non proferretur ordinate, nisi ex scientia procederet, et ideo subdit in
omni scientia, id est, intelligentia omnium Scripturarum, et
universaliter omnium quae pertinent ad salutem. Sap. X, 10 — dedit illi
scientiam sanctorum. Hoc autem quod dicit apostolus referendum est ad eos
qui erant in Ecclesia perfectiores, in quibus etiam alii minores has divitias
possidebant, sicut Augustinus dicit super Ioannem : si amas unitatem cui
haeres, habes quicquid in illa alter habet : tolle invidiam, et tuum est quod
alius habet; quos enim cupiditas et invidia separat, charitas iungit.
Secundo ostendit rectitudinem, dicens sicut testimonium Christi
confirmatum est in vobis; non esset rectum verbum doctrinae, neque recta
scientia, si a testimonio Christi discordaret, vel si etiam Christi
testimonium non firmiter per fidem cordibus inhaereret; quia, ut dicitur Iac.
I, 6 — qui haesitat similis est fluctui maris, qui a vento movetur et
circumfertur. Testimonium autem Christi dicit, vel quia de ipso prophetae
praenuntiaverunt, secundum illud Act. X, 43 — huic omnes prophetae
testimonium perhibent; vel quia ipse Christus testimonium perhibuit,
secundum illud Io. c. VIII, 14 — si ego testimonium perhibeo de meipso,
verum est testimonium meum; vel etiam quia apostolus in sua praedicatione
Christo testimonium dedit. Act. XXII, 18 — non recipient testimonium tuum
de me. Tertio tangit gratiae perfectionem, cum dicit ita
ut nihil vobis desit in ulla gratia, quia scilicet in diversis personis
omnes gratias gratis datas habebant. Ad divinam enim
providentiam pertinet, ut absque defectu necessaria largiatur. Ps. XXXIII, 10 — nihil
deest timentibus eum; et iterum : inquirentes autem dominum non
minuentur omni bono. Deinde ponit bona in futurum expectanda. Et circa
hoc tria facit. Primo ponit futuri boni expectationem, dicens vobis,
inquam, non solum habentibus gratiam in praesenti, sed etiam expectantibus,
in futurum, revelationem domini nostri Iesu Christi, qua scilicet
sanctis suis revelabitur, non solum per gloriam humanitatis, secundum illud
Is. XXXIII,
17 — regem in decore suo videbunt, sed etiam per gloriam divinitatis,
secundum illud Is. XL, 5 — revelabitur gloria domini; quae quidem
revelatio homines beatos facit. I Io. III, 2 — cum autem apparuerit,
similes ei erimus : et videbimus eum sicuti est. Et in hoc vita aeterna
consistit, secundum illud Io. XVII, 3 — haec est vita aeterna, ut
cognoscant te solum verum Deum, et quem misisti Iesum Christum. Sicut
autem illi quibus Christus revelatur, sunt beati in re, ita illi qui hoc
expectant, sunt beati in spe. Is. XXX, 18 — beati omnes qui expectant eum.
Et ideo de ipsa expectatione gratias agit.
Secundo ostendit quod haec expectatio non est vana ex auxilio divinae
gratiae. Unde subdit : qui, scilicet Christus, qui spem dedit vobis
huiusmodi revelationis, etiam confirmabit vos in gratia accepta. I
Petr. ult. : modicum passos ipse perficiet, confirmabit solidabitque.
Et hoc usque in finem, scilicet vitae vestrae. Matth. c. X, 22 — qui
perseveraverit usque in finem, hic salvus erit. Non autem ut sitis sine
peccato : quia, si dixerimus quoniam peccatum non habemus, ipsi
nosmetipsos seducimus, et veritas in nobis non est, ut dicitur I Io. I,
8, sed ut sitis sine crimine, id est, sine peccato mortali. I Tim.
III, 10 — ministrent nullum crimen habentes. Et hoc, inquam, erit in
die adventus domini nostri Iesu Christi, quia scilicet qui sine crimine
invenitur in die mortis, sine crimine perveniet ad diem iudicii, secundum
illud Eccle. XI, 3
— si ceciderit lignum ad Austrum, sive ad Aquilonem, in quocumque loco
ceciderit, ibi erit. Nisi autem sine crimine nunc inveniatur, frustra illam revelationem
expectaret. Tertio rationem suae promissionis assignat,
dicens quod Deus vos confirmabit, quod debetis sperare, quia Deus est
fidelis (Deut. XXXII, 4 — Deus fidelis et absque ulla iniquitate), per
quem vocati estis in societatem filii eius Iesu Christi domini nostri, ut
scilicet habeatis societatem ad Christum, et in praesenti per similitudinem
gratiae, secundum illud I Io. I, 7 — si in luce ambulamus, sicut et ipse
in luce est, societatem habemus cum eo ad invicem, et in futuro per
participationem gloriae, Rom. VIII, 17 — si compatimur, ut et simul
glorificemur. Non
autem videretur esse fidelis Deus, si nos vocaret ad societatem filii et nobis
denegaret, quantum in ipso est, ea, per quae pervenire ad eum possemus. Unde
Iosue I, v. 5 dicit : non te deseram, neque derelinquam. |
Cette
épître est divisée en deux parties. Dans la première, S. Paul fait d’abord la
salutation d’usage ; dans la seconde, il développe sa pensée, à ces mots
(verset 4) : Je rends pour vous à mon Dieu des actions de grâces. I° Dans la salutation, l’Apôtre, I. nomme les personnes
qui saluent ; II. les
personnes à qui s’adresse la salutation, à ces mots (verset 2) : à l’Eglise
de Dieu, etc.; III. il
souhaite les biens qui ont rapport au salut, à ces autres (verset 3) : Grâce
et paix à vous, etc. I. Des personnes qui
saluent, il désigne : 1° la principale par son nom, en
disant (verset 4) : Paul ; ce nom a été suffisamment
expliqué dans l’épître aux Romains. Qu’il suffise de dire ici qu’il met ce
nom en tête par humilité ; car Paul a le même sens que « petit »,
ce qui appartient à l’humilité ; (I Rois, XV, 17) : "Pendant que
vous étiez petit à vos propres yeux, n’êtes-vous pas devenu le chef des
tribus d’Israël" et (Matthieu XI, 25 — "Vous avez caché ces
mystères aux sages et aux prudents, et vous les avez révélés aux
petits." En suite il dépeint cette personne à raison de sa dignité :
a) Il exprime la
manière dont cette dignité même a été acquise, lorsqu’il dit (verset 4) : appelé,
selon cette parole (Hebr., V, 4) : "Personne ne peut s’attribuer cet
honneur ; il faut y être appelé de Dieu, comme Aaron." b) Il indique cette dignité même, en
disant (verset 4) : apôtre de Jésus Christ, dignité qui est la
première dans l’Eglise et a la même signification qu’envoyé, parce que les
apôtres furent envoyés par Dieu pour être ses représentants sur la terre.
C’est de là qu’il est dit (Luc, VI, 13) : "Il en choisit douze
auxquels il donna le nom d’apôtres" et ci-après (XXI, 28) : Dieu
a établi dans son Eglise premièrement des apôtres, etc. c) Il en rappelle l’origine et la
cause, en disant (verset 1) : par la volonté de Dieu, ce qu’il faut
entendre de la volonté de bienveillance par laquelle sont préposés les
pasteurs qui, à tant de titres divers, président aux Eglises ;
(Ecclésiastique X, 4) : "Dans la main de Dieu est le pouvoir de la
terre ; il suscitera en son temps un chef sage pour la gouverner."
De cette volonté il nous est dit au figuré (Job, XXXVII, 12) : "Ils
éclairent de toutes parts sur la face de la terre, où les conduit la volonté
de celui qui les gouverne." Or Dieu, quelquefois, permet que
quelques-uns soient préposés à cause des péchés des inférieurs, selon ce mot
de Job (XXXIV, 30) : "Il fait régner l’homme hypocrite à cause des
péchés du peuple." On ne peut dire de celui qui règne ainsi qu’il
règne par la volonté de Dieu, mais en vertu de son indignation, suivant ce
passage d’Osée (XIII, 11) : "Je vous ai donné un roi dans ma fureur,
et je vous l’ôterai dans mon indignation." 2° Il indique en second lieu une
personne qui est près de lui, lors qu’il dit (verset 1) : et Sosthène,
notre frère : il se l’adjoint dans cette salutation, parce qu’il avait
rapporté à S. Paul les contestations et les autres misères des Corinthiens.
De peur qu’on ne crût que Sosthène avait agi en cela par haine, l'Apôtre lui
donne aussi le nom de frère, afin de faire voir que le zèle de la charité
avait dirigé sa conduite en cette circonstance (Prov., IX, 8) : "Reprenez
le sage, et il vous aimera." II. S. Paul désigne en
second lieu les personnes à qui s’adresse la salutation (verset 2) : à
l’Eglise de Dieu qui est à Corinthe. 1° Il nomme les principales et les
fait connaître, de trois façons : 1. d’abord
par leur demeure : à l’Eglise de Dieu qui est à Corinthe, c'est-à-dire
aux fidèles de Jésus-Christ rassemblés à Corinthe ; (Psaume
XXXIV, 18) : "Je vous rendrai gloire dans une nombreuse
assemblée" 2. ensuite par
le don de la grâce : aux fidèles sanctifiés en Jésus-Christ,
c’est-à-dire sanctifiés par la foi, par la passion et par le sacrement du
Christ Jésus ; (ci-après, VI, 11) : Vous avez été purifiés, vous avez
été sanctifiés ; (Hébr., XII, 12) : "Jésus, afin de
sanctifier le peuple par son propre sang, a souffert hors de la ville."
3. Enfin il rappelle
l’origine de cette grâce (verset 2) : appelés saints, à savoir parce
que par la grâce de la vocation ils sont parvenus à la sainteté ; (Rom.,
VIII, 30) : "Ceux qu’il a prédestinés, il les a appelés" et (I
Pierre, II, 9) : "Il vous a appelés des ténèbres à son admirable
lumière." 2° Il indique les personnes qui
viennent en second lieu, c’est-à-dire les fidèles qui n‘étaient pas dans
cette ville même, mais qui habitaient dans le diocèse où elle était située,
ou sur le territoire qui en dépendait. Il ajoute donc (verset 2) : vous, qui
êtes à Corinthe, c’est à vous que j’écris, et à tous ceux qui
invoquent le nom de Notre Seigneur Jésus-Christ, à savoir par la
véritable confession de la foi ; (Joël, II, 32) : "Quiconque
invoquera le nom du Seigneur sera sauvé", et cela en tout lieu où
ils sont, c’est-à-dire soumis à la juridiction des Corinthiens, lieu
qui est aussi le nôtre, parce que, pour être soumis à l’évêque de la
ville, ils n’étaient pas en dehors de l’autorité de l’Apôtre ; au contraire,
ils lui étaient soumis beaucoup plus qu’à ceux auxquels lui-même les avait
soumis ; (Psaume CII, 22) : "Dans toute l’étendue de son empire,
ô mon âme! bénis le Seigneur." III. En dernier lieu, S.
Paul énumère, dans la salutation, les biens relatifs au salut qu’il désire
pour eux. Le premier est la grâce, par laquelle nous sommes justifiés
de nos péchés ; (Rom., III, 24) : "gratuitement justifiés par sa
grâce" . Le dernier est la paix qui est complète dans le
bonheur éternel ; (Psaume CXLVII, 14) : "Qui a établi la paix
jusqu’à tes dernières limites" ; (Isaïe, XXXII, 18) : "Mon
peuple se reposera dans la beauté de la paix." Or, dans ces deux
biens, S. Paul comprend tous les autres, ce qui lui fait dire : la grâce
et la paix. Il en indique la cause, en ajoutant de la part de Dieu
notre Père", selon ce que dit S. Jacques (I, 17) : "Toute
grâce excellente et tout don parfait vient d’en haut et descend du Père des
lumières." Il dit encore : et de Notre Seigneur Jésus-Christ par
qui, d’après S. Pierre (II, I, 4) : "Dieu nous a donné les
grandes et précieuses grâces qu’il a promises" ; (Jean I, 17) :
"La grâce et la vérité viennent de Jésus-Christ." Ces
paroles : de la part de Dieu le Père peuvent être entendues de toute
la Trinité, par laquelle nous avons été créés et adoptés pour enfants. Ce qui
suit : et de Notre Seigneur Jésus-Christ, ne veut pas dire que
Jésus-Christ soit une personne ou hypostase différente des trois personnes
divines, mais qu’il a pris une seconde nature. Ou encore ces mots : de la
part de Dieu notre Père, s’entendent par certaine appropriation de la
personne de Dieu le Père, comme en S. Jean (XX, 17) : "Je monte vers
mon Père, vers mon Dieu et votre Dieu." Dans ce qui
suit : et de Notre Seigneur Jésus-Christ, l’Apôtre montre la personne
du Fils; s’il n’exprime pas la personne du Saint Esprit, c’est qu’il
est le lien et du Père et du Fils et compris dans les deux premières
personnes ; ou parce qu’étant le don mutuel des deux premières personnes, il
est exprimé par les dons dont a parlé l’Apôtre : la grâce et la paix,
lesquels sont donnés par l’Esprit ; (ci-après, XII, 11) : C’est un
seul et même Esprit qui opère toutes ces choses. II° (verset 4) : Je rends pour vous à mon Dieu des actions de grâces. S. Paul
entre ici dans le sujet de sa lettre. Et d’abord il rend grâces du bien qu’il
y a en eux, afin qu’ils supportent mieux la correction de leurs défauts ; il
les instruit ensuite, à ces mots (verset 10) : Je vous conjure, mes
frères. Sur le premier de ces points, il rend d’abord grâces des biens
qu’ils avaient déjà reçus ; ensuite de ceux qu’ils attendaient pour l’avenir,
à ces mots (verset 7) : pour attendre la manifestation de Notre Seigneur
Jésus-Christ. À l’égard des biens reçus : I. S. Paul exprime
l’action de grâces (verset 4) : Je rends pour vous des actions de grâces à
mon Dieu, qui, bien qu’il soit le Dieu de tous par la création et par sa
providence, l’est cependant de Paul et de toute âme juste par la foi et par
la dévotion ; (Psaume CXVII, 28) : "Vous êtes mon Dieu et je
vous rendrai grâces." Il montre aussi quand il rend grâces : [Des
actions de grâces] continuelles, parce que cette action de grâces procède
de l’affection de la charité qui était continuellement dans son cœur ;
(Prov., XVII, 17) : "Le véritable ami aime en tout temps."
Et quoiqu’il les aimât en tout temps, et qu’il rendît grâces dans le moment
même pour les biens qu’ils avaient reçus, cependant il rendait grâces pour
eux à toutes les heures qu’il consacrait à la prière. Il montre encore pour
qui il rend grâces : pour vous, c’est-à-dire qu’il se réjouit de leurs
biens, comme s’ils eussent été les siens propres, à cause de l’union de la
charité ; (III Jean, 4) : "Je n’ai pas de joie plus grande que
d’apprendre que mes enfants marchent dans la vérité." II. Il montre l’objet
de l’action de grâces, 1° d’abord d’une manière générale
(verset 4) : dans la grâce de Dieu, c’est-à-dire à cause de cette
grâce qui vous a été donnée en Jésus-Christ, en d’autres termes par
Lui ; (Jean I, 16) : "Et nous avons tous reçu de sa plénitude,
et grâce pour grâce." 2° En second lieu, d’une manière
spéciale, 1. en
montrant d’abord l’abondance de cette grâce (verset 5) : parce qu’en
toutes choses, à savoir qui concernent le salut, vous êtes devenus
riches - regorgeant de richesses - en Lui, c’est-à-dire par
Jésus-Christ, selon cette parole : (I1 Cor., VIII, 9) : "Il s’est
fait pauvre pour l’amour de vous, afin que vous deveniez riches, par sa
pauvreté". Il explique en quoi ils sont devenus riches (verset 5) : dans
toute parole, ou parce qu’ils parlaient toutes sortes de langues, ou
parce qu’ils avaient abondamment la parole pour enseigner. Or la parole ne se
produirait pas selon l’ordre si elle ne procédait de la connaissance. Voilà
pourquoi S. Paul ajoute (verset 5) : en toute connaissance, c’est-à-dire
dans l’intelligence de toutes les Ecritures, et généralement de tout ce qui a
rapport au salut ; (Sag., X, 10) : "La sagesse lui a donné la
science des saints." Ce que dit ici l’Apôtre doit se rapporter à
ceux qui, dans l’Eglise, étaient les plus avancés, parmi lesquels les
moindres même possédaient ces richesses, comme S. Augustin l’a remarqué
(Traité sur Jean, XXII) : "Si vous aimez l’unité et si vous ne vous
séparez pas d’elle, vous avez tout ce que possèdent les autres : enlevez
l’envie, et tout ce qu’a votre frère devient vôtre, car ceux que séparent
l’envie et la cupidité, la charité les unit." 2. En second lieu, S.
Paul montre où est la rectitude, en disant (verset 6) : le témoignage
qu’on vous a rendu du Christ étant ainsi confirmé parmi vous. Car ni
l’enseignement de la doctrine, ni la science droite ne seraient dans la
rectitude si elles s’écartaient du témoignage rendu à Jésus-Christ, ou si
même ce témoignage n’était pas fortement gravé dans le coeur par la foi ;
car, dit S. Jacques (I, 6) : "Celui qui doute est semblable au flot
de la mer, qui est soulevé et emporté çà et là par le vent."
L’Apôtre dit : le témoignage de Jésus-Christ, soit parce que les
prophètes l’ont rendu de Lui, suivant ce passage des Actes (X, 43) : "Tous
les prophètes Lui rendent témoignage", ou parce que
Jésus-Christ se l’est rendu à Lui-même, d’après cette parole de S. Jean
(VIII, 14) : "Si je rends témoignage de moi-même, mon témoignage est
vrai" ; ou encore parce que l’Apôtre rendit dans la persécution
témoignage à Jésus-Christ ; (Actes, XXII, 18) : "Ils ne
recevront pas le témoignage que vous leur rendrez de moi." 3° Enfin il indique la perfection de
la grâce (verset 7) : en sorte qu’il ne vous manque aucun don ; comprenez
: il y avait dans les divers fidèles toutes les grâces gratuitement données.
Car il est de la divine Providence de donner à chacun, sans omission aucune,
ce qui lui est nécessaire ; (Psaume XXXIII, 10) : "Rien ne
manque à ceux qui le craignent" ; et encore (verset 11) : "Ceux
qui cherchent le Seigneur ne seront privés d’aucun bien." 3° L’Apôtre rappelle les biens qu’il
faut attendre dans l’avenir. 1. A cet
effet, il expose l’attente des biens futurs : à vous, dis-je, qui non
seulement avez la grâce dans le moment présent, mais attendez pour
l’avenir la manifestation de Notre Seigneur Jésus-Christ, lequel se
révélera à ses saints non seulement par la gloire de son humanité, selon
cette parole d’Isaïe (XXXIII, 17) : "Ils verront le Roi dans l’éclat
de sa majesté," mais encore par la gloire de sa divinité, comme dit
le même Isaïe (XL, 5) : "La gloire du Seigneur se manifestera," manifestation
qui fait la béatitude des hommes ;(l Jean III, 2) : "Lorsqu’il
viendra dans sa gloire nous serons semblables à Lui, parce que nous Le
verrons tel qu’Il est." C’est en cela d’ailleurs, que consiste la
vie éternelle (Jean XVII, 3) : "C’est la vie éternelle de vous
connaître, vous le Dieu véritable, et Jésus-Christ que vous avez
envoyé." Mais, de même que ceux auxquels Jésus-Christ est manifesté
sont bienheureux par la possession, ainsi ceux qui attendent cette
manifestation sont bienheureux en espérance ; (Isaïe, XXX, 18) : "Heureux
tous ceux qui l’attendent !" Voilà pourquoi S. Paul rend grâces pour
l’attente même. 2. En second
lieu, l’Apôtre fait voir que, par le secours de la grâce divine, cette
attente n’est pas vaine ; il ajoute donc (verset 8) : le même,
c’est-à-dire Jésus-Christ, qui vous a donné l’espérance de cette heureuse
manifestation, vous confirmera encore jusqu’à la fin dans la grâce que
vous avez reçue ; (I Pierre, V, 10) : "Lui qui vous
perfectionnera, vous affermira et vous justifiera après que vous aurez
souffert un peu de temps" ; et cela jusqu’à la fin, à
savoir de notre vie ; (Matth., X, 22) : "Celui qui persévérera
jusqu’à la fin sera sauvé," non pas pourtant jusqu’à être sans péché
; car (1 Jean X, 8) : "Si nous disons que nous sommes sans péché,
nous nous séduisons nous-mêmes et la verité n’est pas en nous," mais
"pour que vous soyez sans reproche," c’est-à-dire sans péché
mortel (1 Tim., III, 10) : "Qu’ils exercent le saint ministère s’ils
ne se trouvent coupables d’aucun crime;" et qu’il en soit ainsi jusqu’au
jour de l’avènement de Notre Seigneur Jésus-Christ, parce que celui que
Dieu trouve sans crime au jour de la mort parviendra sans crime au jour du
jugement ; (Ecclésiastique XI, 3) : "Si l’arbre tombe au midi ou
au septentrion, en quelque lieu qu’il sera tombé, il y demeurera" ;
mais celui qui ne sera pas tel attendra en vain cette manifestation. 3. Enfin S. Paul assigne la raison de
son attente, en disant : Dieu vous affermira dans ce que vous devez attendre,
parce qu’il est fidèle ; (Deut., XXXII, 4) : "Dieu est
fidèle et sans aucune iniquité" ; "Lui qui vous a
appelés en société de son Fils Jésus-Christ Notre Seigneur",
c’est-à-dire afin que nous soyons unis à Lui, et dans le temps présent, par
la ressemblance de la grâce, selon cette parole de S. Jean (I Jean, I, 7) : "Si
nous marchons dans la lumière, comme il est Lui-même dans la lumière, nous
sommes en union réciproque et complète avec Lui", et dans la vie
future par la participation de la gloire ; (Rom., VIII, 17) : "Si
nous souffrons avec Lui, nous serons aussi glorifiés avec Lui." Or
Dieu ne se montrerait pas fidèle s’il nous appelait à la société de son Fils
et nous refusait, autant qu’il est en Lui, ce qui est nécessaire pour arriver
jusqu’à Lui. C’est pourquoi il dit Lui-même, au livre de Josué (I, 5) :
"Je ne vous laisserai point, je ne vous abandonnerai pas." |
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Lectio 2 |
Leçon 2 : 1 Corinthiens I, 10-17 — Un seul baptême |
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SOMMAIRE : La diversité des ministres du Baptême était devenue pour les Corinthiens une cause de querelles et de dissensions. L’Apôtre s’efforce de les apaiser en les exhortant à la concorde. |
[10] obsecro autem vos fratres per nomen Domini nostri Iesu
Christi ut id ipsum dicatis omnes et non sint in vobis scismata sitis autem
perfecti in eodem sensu et in eadem sententia [11] significatum est enim mihi de vobis fratres mei ab his qui
sunt Chloes quia contentiones inter vos sunt [12] hoc autem dico quod unusquisque vestrum dicit ego quidem
sum Pauli ego autem Apollo ego vero Cephae ego autem Christi [13] divisus est Christus numquid Paulus crucifixus est pro
vobis aut in nomine Pauli baptizati estis [14] gratias ago Deo quod neminem vestrum baptizavi nisi
Crispum et Gaium [15] ne quis dicat quod in nomine meo baptizati sitis [16] baptizavi autem et Stephanae domum ceterum nescio si quem
alium baptizaverim [17] non enim misit me Christus
baptizare sed evangelizare non in sapientia verbi ut non evacuetur crux
Christi |
10. Or je
vous conjure, mes frères, par le nom de Jésus-Christ Notre Seigneur, d’avoir
tous un même langage et de ne pas souffrir parmi vous de divisions, mais
d’être tous unis ensemble dans un même esprit et dans un même sentiment; 11. Car
j’ai été averti, mes frères, par ceux de la maison de Cloé, qu'il y a des
contestations parmi vous. 12. Ce que
je veux dire est que chacun de vous prend parti en disant : pour moi, je suis
à Paul; et moi, je suis à Apollon; et moi, je suis à Céphas; et moi, je suis
à Jésus-Christ. 13.
Jésus-Christ est-il divisé? Est-ce Paul qui a été crucifié pour vous, ou
avez-vous été baptisés au nom de Paul? 14. Je
rends grâces à Dieu de ce que je n’ai baptisé aucun de vous, sinon Crispe et
Caïus, 15. Afin
que personne ne dise que vous avez été baptisés en mon nom. 16. J’ai
encore baptisé ceux de la famille de Stéphanas, et je ne sache point en avoir
baptisé d’autres, 17. Parce
que Jésus-Christ ne m’a pas envoyé pour baptiser, mais pour prêcher l’Evangile. |
[86235] Super 1 Cor., cap. 1
l. 2 Praemissa
salutatione et gratiarum actione, hic incipit eos instruere. Et primo ponitur
instructio de his quae ad omnes communiter pertinent, scilicet de his quae
pertinent ad ecclesiastica sacramenta. Secundo instruit eos de his quae ad
quosdam pertinebant, XVI cap. de collectis autem quae fiunt in sanctos,
et cetera. In sacramentis autem tria sunt consideranda. Primo quidem ipsum
sacramentum, sicut Baptismus; secundo id quod est res significata et
contenta, scilicet gratia; tertio id quod est res significata et non
contenta, scilicet gloria resurrectionis. Primo ergo agit de ipsis
sacramentis; secundo de ipsis gratiis, XII cap. de spiritualibus autem
nolo vos, etc., tertio, de gloria resurrectionis, infra XV notum autem
vobis facio. Circa primum tria facit. Primo determinat ea quae pertinent
ad sacramentum Baptismi; secundo ea quae pertinent ad sacramentum matrimonii,
V cap., ibi omnino auditur inter vos, etc.; tertio ea quae pertinent
ad sacramentum Eucharistiae, VIII cap., ibi de his autem quae idolis
sacrificantur. Dominus autem, Matth. ult., discipulis praeceptum dedit de
doctrina simul et Baptismo, dicens euntes docete omnes gentes, baptizantes,
et cetera. Et ideo apostolus in prima
parte simul cum Baptismo agit de doctrina. Est autem sciendum quod inter
Corinthios fideles erat quaedam dissensio propter baptistas et doctores; illi
enim qui erant instructi contemnebant alios, quasi qui meliorem doctrinam
acceperint, et meliorem Baptismum. Unde circa primum duo facit. Primo removet
contentionem; secundo contentionis causam quae erat in hoc, quod gloriabantur
de quibusdam, et alios Christi ministros contemnebant, infra III capite et
ego, fratres, non potui vobis loqui. Circa primum tria facit. Primo
proponit admonitionem; secundo admonitionis necessitatem ostendit, ibi significatum
est enim mihi, etc.; tertio rationem admonitionis assignat, ibi divisus
est Christus? et cetera. Circa primum duo consideranda sunt. Primum quidem quod eos inducit ad
admonitionem servandam. Uno modo per propriam humilitatem, cum dicit obsecro
autem vos, et cetera. Prov. XVIII, 23 — cum obsecrationibus loquitur
pauper. Alio modo per fraternam charitatem, cum dicit fratres,
quia scilicet ex affectu fraternae charitatis hoc dicebat. Prov. XVIII, 19 — frater
qui iuvatur a fratre, quasi civitas firma. Tertio per reverentiam
Christi, cum dicit per nomen domini nostri Iesu Christi, quod est ab
omnibus honorandum, et cui oportet omnes esse subiectos. Phil. II, 10 — in
nomine Iesu omne genu flectatur. Secundo considerandum est quod inducit eos ad
tria. Primo quidem ad concordiam, cum dicit ut idipsum dicatis omnes,
id est, omnes eamdem fidem confiteamini, et eamdem sententiam proferatis de
his quae sunt communiter agenda. Rom. XV, 6 — ut unanimes uno ore
honorificetis Deum. Secundo prohibet vitium contrarium virtuti, cum
dicit et non sint in vobis schismata, quia unitas ecclesiastica dividi
non debet, in cuius signum milites de tunica inconsutili, Io. XIX, 24
dixerunt : non scindamus eam, sed sortiamur de ea cuius sit. Sunt
autem proprie schismata, quando, vel propter diversam fidei confessionem, vel
propter diversas sententias de agendis, homines unius collegii in diversas
separantur partes. Is. XXII, v. 9 — scissuras civitatis David videbitis,
quia multiplicatae sunt. Tertio inducit eos ad id per quod possunt
schismata vitare, scilicet ad perfectionem. Est enim divisionis causa,
dum unusquisque partiale bonum quaerit, praetermisso perfecto bono, quod est
bonum totius. Et ideo dicit sitis autem perfecti in eodem sensu,
scilicet quo iudicatur de agendis, et in eadem scientia, qua iudicatur
de cognoscendis, quasi dicat : per haec perfecti esse poteritis, si in
unitate persistatis. Col. III, 14 — super omnia charitatem habete, quod
est vinculum perfectionis. Matth. V, 48 — estote perfecti sicut pater
vester caelestis perfectus est. Deinde, cum dicit significatum est mihi,
ostendit necessitatem praedictae admonitionis, quia scilicet contentionis
vitio laborabant, quasi dicat : ideo necesse est vos ad hoc inducere, quia significatum
est mihi, fratres mei, ab his qui sunt Cloes, id est, in quadam villa
Corinthiorum iurisdictioni subiecta, vel Cloes potest esse nomen matronae, in
cuius domo erant multi fideles congregati, quia contentiones sunt inter
vos, contra id quod dicitur Prov. XX, 3 — honor est homini qui separat se a
contentionibus. Et modum contentionis exponit, subdens hoc autem dico,
id est, contentionem nomino, quod unusquisque vestrum nominat se ab eo
a quo est baptizatus et instructus, et dicit : ego quidem sum Pauli,
quia erat a Paulo baptizatus et instructus; alius ego autem Apollo,
qui scilicet Corinthiis praedicaverat, ut habetur Act. XIX, 1; alius ego vero
Cephae, scilicet Petri, cui dictum est Io. I, v. 42 — tu vocaberis
Cephas, quod interpretatur Petrus. Quod quidem ideo dicebant, quod
putabant a meliori baptista meliorem Baptismum dari, quasi virtus baptistae
in baptizatis operaretur. Et de hoc pseudoapostoli gloriabantur, secundum
illud Ps. XLVIII, 12 — vocaverunt nomina sua in terris suis. Alius
autem dicit ego autem sum Christi, qui solus benedixit, quia solius
Christi virtus operatur in Baptismo Christi. Io. I, 33 — super quem
videris spiritum descendere et manere, ipse est qui baptizat. Et ideo
baptizati a solo Christo denominantur Christiani, non autem a Paulo Paulini.
Is. IV, 1 — tantummodo invocetur nomen tuum super nos. Ad huius autem
erroris vitationem, dicuntur Graeci hac forma in baptizando uti baptizetur
servus Christi Nicolaus in nomine patris, et filii, et spiritus sancti,
ut detur intelligi quod homo non baptizat interius, sed baptizatur a Christo.
Quia tamen etiam homo baptizat ministerio, ut membrum et minister Christi,
ideo Ecclesia utitur hac forma in baptizando ego te baptizo in nomine
patris, et filii, et spiritus sancti, quod quidem est expressius secundum
formam a Christo traditam, qui dixit discipulis : docete omnes gentes,
baptizantes eos in nomine patris, et filii, et spiritus sancti, etc., ubi
ipsos apostolos dicit baptizantes, secundum quem modum sacramenti minister
dicit : ego te baptizo. Deinde cum dicit divisus est Christus?
etc., ponit rationem praedictae admonitionis, quare inter eos scissurae et
contentiones esse non debebant, et primo ex parte Baptismi; secundo ex parte
doctrinae, ibi non in sapientia verbi, et cetera. Circa primum tria
facit. Primo ponit inconveniens quod ex praedicta contentione sequitur;
secundo manifestat quare illud inconveniens sequatur, ibi numquid Paulus
crucifixus est, etc.; tertio excludit quamdam falsam suspicionem, ibi gratias
ago Deo meo, et cetera. Dicit ergo primo : dixi quod unusquisque vestrum
dicit ego sum Pauli, ego Apollo, et ex hoc sequitur quod Christus est
divisus. Nec refert utrum interrogative vel remissive legatur. Hoc autem
potest intelligi, uno modo, quasi diceret : per hoc quod inter vos
contenditur, Christus est divisus a vobis, qui non nisi in pace habitat,
secundum illud Ps. LXXV, 3 — in pace factus est locus eius. Is. LIX, 2
— iniquitates vestrae diviserunt inter vos et Deum vestrum. Sed melius
aliter hoc potest intelligi, ut sit sensus : per hoc quod creditis Baptismum
esse meliorem, qui a meliori baptista datur, sequitur quod Christus, qui
principaliter et interius baptizat, sit divisus, id est, differens in sua
virtute et effectu, secundum differentiam ministrorum : quod patet esse
falsum per id quod dicitur Eph. IV, 5 — unus dominus, una fides, unum
Baptisma. Sed adhuc melius hoc intelligitur quod apostolus dicit : ex hoc
quod ea quae sunt propria Christi aliis attribuitis, quodammodo Christum dividitis,
plures christos facientes, contra id quod dicitur Matth. XXIII, 10 — magister
vester unus est Christus. Is. XLV, v. 22 — convertimini ad me, et
salvi eritis, omnes fines terrae, quia ego dominus, et non est alius. Est autem sciendum quod
Christus in Deinde, cum dicit numquid Paulus, etc.,
ostendit praedictum inconveniens sequi ex eorum errore quod diversum Baptisma
esse aestimabant secundum differentiam baptistarum; hoc enim esset, si a
baptistis Baptismus efficaciam haberet, quod quidem solius est Christi. Hoc
autem ostendit dupliciter. Primo quidem ex parte passionis Christi, in cuius
virtute Baptismus operatur, secundum illud Rom. VI, 3 — quicumque
baptizati sumus in Christo Iesu, in morte ipsius baptizati sumus. Et ideo
dicit numquid Paulus crucifixus est pro vobis? Quasi dicat : numquid
passio Pauli causa est nostrae salutis, ut secundum ipsum Baptismus habeat
virtutem salvandi? Quasi dicat : non. Hoc enim proprium est Christo, ut sua
passione et morte nostram salutem operatus fuerit. Io. XI, 50 — expedit ut
unus homo moriatur pro populo, et non tota gens pereat. I1 Cor. c. V, 14
— unus pro omnibus mortuus est. Sed contra videtur esse quod apostolus dicit Col.
I, 24 — gaudeo in passionibus meis pro vobis, et adimpleo ea quae desunt
passionum Christi in carne mea pro corpore eius, quod est Ecclesia. Sed
dicendum quod passio Christi fuit nobis salutifera non solum per modum
exempli, secundum illud I Petr. II, 21 — Christus passus est pro nobis,
vobis relinquens exemplum, ut sequamini vestigia eius, sed etiam per modum
meriti, et per modum efficaciae, inquantum eius sanguine redempti et
iustificati sumus, secundum illud Hebr. ultimo : ut sanctificaret per suum
sanguinem populum, extra portam passus est. Sed passio aliorum nobis est
salutifera solum per modum exempli, secundum illud I1 Cor. I, 6 — sive
tribulamur, pro vestra exhortatione et salute. Secundo ostendit idem ex virtute nominis Christi,
qui in Baptismo invocatur. Unde subdit aut in nomine Pauli baptizati
estis? Quasi dicat : non. Ut enim dicitur Act. IV, 12, non est aliud
nomen datum hominibus, per quod oporteat nos salvos fieri. Unde et Is.
XXVI, 8 dicitur : nomen tuum et memoriale tuum in desiderio animae. Sed videtur quod in nomine Christi homines non
baptizentur. Dicit enim Matth. ult. : docete omnes gentes, baptizantes eos
in nomine patris, et filii, et spiritus sancti. Dicendum est autem quod in primitiva Ecclesia,
quia nomen Christi multum erat odiosum, ut venerabile redderetur, apostoli in
nomine Christi baptizabant ex speciali ordinatione spiritus sancti. Unde
dicitur Act. c. VIII, 12, quod in nomine Christi baptizati sunt viri et
mulieres. Et tamen, ut Ambrosius dicit in nomine Christi tota Trinitas
intelligitur. Christus enim interpretatur unctus, in quo intelligitur non
solum ille qui ungitur, qui est filius Dei, sed etiam ipsa unctio, quae est
spiritus sanctus, et ipse ungens, qui est pater, secundum Ps. XLIV, 8 — unxit
te Deus, Deus tuus, oleo laetitiae prae consortibus tuis. Nunc autem quia
nomen Christi iam est magnum in gentibus ab ortu solis usque ad occasum,
ut dicitur Mal. I, 11, Ecclesia utitur forma prius instituta a Christo,
baptizans in nomine patris, et filii, et spiritus sancti. Et tamen
quicumque in hac forma baptizantur, in nomine eius, qui est vere filius Dei,
baptizantur, secundum illud I Io. c. ult. : ut simus in vero filio eius,
Iesu Christo. Baptizantur etiam omnes fideles in nomine Christi, id est,
fide et confessione nominis Christi, secundum illud Ioel. c. II, 32 — omnis
quicumque invocaverit nomen domini, salvus erit. Unde baptizati a Christo Christiani nominantur,
quia, ut dicitur Gal. III, 27 — quotquot in Christo baptizati estis,
Christum induistis. Sic ergo, si solius Christi passio, si solius Christi
nomen virtutem confert Baptismo ad salvandum, verum est proprium esse
Christo, ut ex eo Baptismus habeat sanctificandi virtutem. Unde qui hoc aliis
attribuit, dividit Christum in plures. Deinde, cum dicit gratias ago Deo meo,
excludit quamdam suspicionem. Quia ibi dixerat : numquid enim Paulus
crucifixus est pro vobis? Posset aliquis credere quod et si non
auctoritate, ministerio tamen plures baptizaverit. Et circa hoc tria facit.
Primo gratias agit de hoc quod paucos baptizavit; secundo, quibusdam paucis
nominatis, quosdam alios addit, ibi baptizavi autem; tertio assignat
rationem quare non multos baptizaverit, ibi non enim misit me Deus. Dicit ergo primo gratias ago Deo meo, quod neminem vestrum
baptizavi, nisi Crispum, de quo Act. XVIII, 8 — Crispus archisynagogus
credidit domino cum omni domo sua, et Caium, ad quem scribitur tertia
canonica Ioannis. Et quia gratiarum actio locum non habet, nisi in beneficiis
perceptis, consequenter apostolus ostendit qualiter de hoc gratias agat, cum
subdit ne quis dicat quod in nomine meo baptizati estis. Est enim optabile sanctis viris,
ne ex bonis quae ipsi faciunt, alii sumant occasionem erroris sui, sive
peccati. Et quia Corinthii in eum errorem devenerant, ut se a suis baptistis
nominarent, dicentes ego sum Pauli et Apollo, ac si in eorum nominibus essent
baptizati, ideo gratias agit de hoc quod de suo ministerio talis error
consecutus non fuerit. Et ideo signanter dicit se baptizasse illos qui ab hoc
errore immunes erant. Deinde, cum dicit baptizavi autem, etc.,
ponit quosdam alios a se baptizatos, ne in eius verbis aliquid veritatis
minus appareret. Unde dicit baptizavi et domum, id est familiam, Stephanae,
scilicet cuiusdam matronae. Et quia circa particularia facta memoria hominum
labilis est, subdit caeterum nescio, id est in memoria non habeo, si
quem alium baptizaverim, in propria persona. Deinde, cum dicit non enim misit, etc.,
assignat rationem quare paucos baptizaverit, dicens non enim misit me Deus
baptizare, sed evangelizare. Contra quod videtur esse quod dicitur Matth.
ult. : euntes docete omnes gentes, baptizantes eos in nomine patris, et
filii, et spiritus sancti. Sed dicendum est quod Christus apostolos misit
ad utrumque, ita tamen quod ipsi per seipsos praedicarent, secundum quod ipsi
dicebant Act. VI, 2 — non est aequum relinquere nos verbum Dei, et
ministrare mensis. Baptizarent autem per inferiores ministros, et hoc
ideo quia in Baptismo nihil operatur industria vel virtus baptizantis : nam
indifferens est utrum per maiorem vel minorem ministrum detur Baptismus, sed
in praedicatione Evangelii multum operatur sapientia et virtus praedicantis,
et ideo praedicationis officium per seipsos apostoli tamquam maiores ministri
exercebant, sicut et de ipso Christo dicitur Io. IV, 2 quod ipse non
baptizabat, sed discipuli eius, qui tamen de seipso dicit Lc. IV, 43 — quia
et aliis civitatibus oportet me evangelizare regnum Dei, quia ideo missus sum.
Is. LXI, 1 — ad annuntiandum mansuetis misit me. |
Après les
salutations et l’action de grâces, S. Paul commence à instruire les
Corinthiens. Et d’abord il donne une instruction sur les points qui sont
communs à tous, c’est-à-dire sur ce qui concerne les sacrements de l’Eglise ;
ensuite sur ce qui n’a rapport qu’à quelques-uns (XVI, 1) : Sur les
aumônes qu’on recueille, etc. Par rapport aux sacrements, trois choses
sont à considérer : premièrement le sacrement lui-même, comme le Baptême ;
deuxièmement, ce qu’il signifie et contient, c’est-à-dire la grâce ;
troisièmement, ce qu’il signifie sans le contenir, c’est-à-dire la gloire de
la résurrection. L’Apôtre traite donc d’abord des sacrements mêmes ; en
second lieu, des grâces ; (XII, 4) : Par rapport aux dons spirituels,
je ne veux pas, mes frères, etc. ; enfin de la gloire de la résurrection
(XV, 1) : Je vous rappelle, mes frères, le souvenir de l’Evangile. A
l’égard des sacrements, S. Paul détermine d’abord ce qui a rapport au
sacrement de Baptême ; ensuite au sacrement de Mariage (V, 4) à ces mots
: On entend dire qu’il se commet parmi vous... ; enfin à celui de
l’Eucharistie (VIII, 1), à ces mots : Quant aux viandes qui ont été
offertes aux idoles. Le Sauveur (Matthieu XXVIII, 19) a donné à ses
disciples le double précepte d’enseigner et de baptiser : "Allez
donc, enseignez toutes les nations, les baptisant, etc." Voilà
pourquoi S. Paul, dans sa première partie, traite simultanément du Baptême et
de la doctrine. Il faut ici se rappeler que parmi les fidèles de Corinthe il
y avait une sorte de dissension entre ceux qui baptisaient et ceux qui
enseignaient ; car ceux qui étaient instruits méprisaient les autres, comme
s’ils eussent reçu eux-mêmes une doctrine plus excellente et un meilleur
baptême. Sur ce premier point, S. Paul arrête d’abord toute contestation ;
ensuite il enlève la cause même de la contestation, qui venait de ce que
quelques-uns se glorifiaient de certains maîtres, en méprisant les autres
ministres de Jésus-Christ (ci-après, III, 1) : Et moi, mes frères, je n’ai
pu vous parler comme à des hommes spirituels. Quant au premier point,
l’Apôtre I° fait une
recommandation ; II° il en
montre la nécessité, à ces mots (verset 11) : Car j’ai été averti, mes
frères ; III° il en
donne la raison, à ces autres (verset 13) : Jésus-Christ est-il donc
divisé, etc.? I° Sur la recommandation qu’il fait, il faut remarquer : I. qu’il les engage à
tenir compte de cette recommandation, en premier lieu, par son humilité
lorsqu’il dit (verset 10) : Or je vous conjure, mes frères, etc. ;
(Prov., XVIII, 23) : "Le pauvre emploie les prières" ;
en second lieu, par la charité fraternelle : Mes frères ; il les
appelle de ce nom par affection de charité fraternelle ; (Prov., XVIII,
19) : "Le frère qui est aidé par son frère est comme une ville
forte" ; enfin par le respect qu’ils doivent à Jésus-Christ
(verset 10) : au nom de Jésus-Christ Notre Seigneur, qui doit être
honoré de tous, et auquel tous doivent être soumis ; (Philip., II, 10) :
"Afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse." II. Il faut remarquer
que cette recommandation de l’Apôtre porte sur trois points : 1° il les engage à la concorde (verset
10) : d’avoir un même langage, c’est-à-dire professer la même foi et
avoir le même avis sur ce que tous doivent accomplir ; (Rom., XV, 6) : "Afin
que d’un même coeur et d’une même bouche vous glorifiiez Dieu." 2° Il condamne le vice contraire à
cette vertu (verset 10) : et de ne pas souffrir de divisions, parce
que l’unité de l'Eglise ne doit pas être rompue ; c’est ce que figurent les
paroles des soldats en parlant de la tunique sans couture (Jean XIX, 24) : "Ne
la coupons pas, mais voyons par le sort à qui elle appartiendra." Or
les schismes existent, à proprement parler, lorsque, par suite de la
diversité de la confession de la foi ou des avis divergents sur ce qu’on doit
pratiquer, les membres d’une association se séparent en plusieurs parties
(Isaïe, XXII, 9) : "Vous remarquerez le grand nombre des brèches de
la cité de David." 3° Il les exhorte à ce qui peut leur
faire éviter les divisions, c’est-à-dire à la perfection. Car il y a cause de
division lorsque chacun cherche son bien particulier en délaissant le bien
parfait qui est le bien de tous. Voilà pourquoi l’Apôtre dit (verset 10) : Soyez
tous parfaitement unis dans les mêmes sentiments, c’est-à-dire dans un
même jugement sur ce qu’il faut pratiquer, et dans le même esprit sur
ce qu’il faut connaître ; comme s’il disait : vous pourrez être parfaits si
vous persévérez dans l’unité ; (Colos., III, 14) : "Surtout ayez
la charité qui est le lien de la perfection" ; et (Matth., V,
48) : "Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait." II° Quand il ajoute (verset 11) : "J’ai été averti, mes
frères," S. Paul établit la nécessité de
l’avertissement qui précède, à savoir parce qu’ils étaient travaillés par le
vice de la contestation ; comme s’il disait : il est nécessaire de vous
exhorter à ces dispositions, puisqu’il m’a été dit, mes frères, par ceux
de Chloé, nom d’une habitation soumise à la juridiction des Corinthiens,
ou peut-être nom d’une dame chrétienne dans la maison de laquelle étaient
réunis plusieurs fidèles, qu’il y a parmi vous des contestations,
contrairement à cette parole (Prov., XX, 3) : "C’est une gloire à
l’homme d’éviter les contestations." Il fait remarquer comment elles
ont pris naissance (verset 12) : Or je parle ainsi, c’est-à-dire
« je nomme cela une contestation », parce que chacun de vous
prend son nom de celui qui l’a baptisé et instruit, et dit : « Moi,
je suis à Paul », parce qu’il a été instruit et baptisé par Paul ;
un autre : « Je suis à Apollos » ; Apollos était celui
qui avait prêché à Corinthe, comme il a été rapporté au ch. XIX, 1 des Actes
; un troisième : « Et moi je suis à Céphas », c’est-à-dire à
Pierre, à qui il a été dit (S. Jean, I, 42) : "Vous vous appellerez
Céphas, ce que l’on interprète par Pierre". Ils parlaient ainsi
parce qu’ils pensaient que celui qui était le meilleur donnait le meilleur
baptême, comme si la vertu de celui qui baptise opérait dans celui qui est
baptisé. Or les faux apôtres se glorifiaient de cette vertu, selon ce passage
(Psaume XLVIII, V, 12) : "Ils ont donné leurs noms à leurs
terres." Mais un autre dit : « Pour moi, je suis au
Christ » ; celui-là seul a raison, parce que c’est la
puissance de Jésus-Christ seul qui opère dans le baptême de
Jésus-Christ ; (Jean I, 33) : "Celui sur lequel vous verrez
l’Esprit Saint descendre et se reposer, c’est celui-là qui baptise."
Voilà pourquoi les baptisés s’appellent chrétiens, de Jésus-Christ seul, et
ne s’appellent pas pauliniens, du nom de Paul ; (Isaïe, IV, 1) : "Que
votre nom seulement soit invoqué sur nous." C’est, dit-on, pour
éviter cette erreur, que les Grecs, en baptisant, se servent de cette formule
: "Que le serviteur de Jésus-Christ (Nicolas) soit baptisé au nom du
Père, et du Fils, et du Saint Esprit," afin de donner à entendre
qu’au fond l’homme ne baptise pas, mais qu’on est baptisé par Jésus-Christ.
Cependant, parce que l’homme, en exerçant ce ministère, baptise aussi comme
membre et ministre de Jésus-Christ, l’Eglise, elle, se sert de cette forme
sacramentelle : "Je te baptise au nom du Père, et du Fils, et du
Saint Esprit" ; ce qui se rapproche d’une manière plus expresse
de la forme donnée par Jésus-Christ lui-même : "Enseignez toutes les
nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit, etc.
" Ces expressions montrent que les apôtres baptisent ; aussi le
ministre des sacrements dit : « Je te baptise ». III° En disant (verset 13) : "Le Christ est-il donc divisé ?" S. Paul
assigne la raison de l’avertissement qu’il a donné, c’est-à-dire pourquoi il
ne doit pas y avoir parmi eux de contestations ni de divisions : et d’abord,
du côté du baptême ; ensuite, du côté de la doctrine, à ces mots (verset 17) :
non par l’art ou l’éloquence, etc. Du côté du baptême, l’Apôtre fait
trois choses : premièrement il fait ressortir les inconséquences de leur
contestation ; il explique ensuite pourquoi ces inconséquences en résultent,
à ces mots (verset 13) : Est-ce que Paul a été crucifié pour vous, etc.?
Enfin il répond à une sorte de mauvais soupçon, à ces autres (verset 14) : Je
rends grâces à mon Dieu, etc. I. Il dit donc d’abord
: J’ai dit que chacun de vous parle ainsi : "Moi, je suis à Paul ;
moi, je suis à Apollos..." ; il s’ensuit que Jésus-Christ est
divisé. Il importe peu qu’on entende ce passage sous forme d’interrogation ou
d’insinuation. On peut d’abord l’expliquer comme s’il disait : par cela même
qu’il y a parmi vous des contestations, Jésus-Christ est divisé par vous, lui
qui ne peut habiter que dans la paix (Psaume LXXV, 3) : "Il a choisi
pour demeure la cité de paix" ; (Isaïe LIX, 2) : "Vos
iniquités ont fait une séparation entre vous et votre Dieu." On peut
donner un meilleur sens et dire : de ce que vous croyez que le baptême le
meilleur est celui qui est donné par le meilleur ministre, il s’ensuit que
Jésus-Christ, qui principalement baptise intérieurement, est divisé,
c’est-à-dire qu’il a une puissance différente et produit des effets
différents, selon la diversité des ministres, conséquence manifestement
fausse, comme on le voit par cette parole (Ephés., IV, 5) : "Il n’y a
qu’un Seigneur, qu’une foi et qu’un baptême." On peut encore et plus
justement interpréter de cette manière ce que dit ici S. Paul : par le fait
que vous attribuez à d’autres ce qui appartient à Jésus-Christ, vous divisez
en quelque sorte Jésus-Christ, vous faites plusieurs Jésus-Christ,
contrairement à ce qui est dit en S. Matthieu (XXIII, 10) : "Vous
n’avez qu’un seul maître, qui est Jésus-Christ," et au prophète
Isaïe (XLV, 22) : "Tournez vos coeurs vers moi, et vous serez sauvés,
vous qui habitez aux extrémités de la terre, parce que je suis le Seigneur,
et il n’y en a pas d’autre que moi." Or il faut
observer que Jésus-Christ, dans le sacrement du Baptême, a une double
puissance qui lui est propre. D’abord une puissance divine, par laquelle,
conjointement avec le Père et le Saint Esprit, il purifie intérieurement du
péché, et cette puissance n’a pu être communiquée à aucune créature. Ensuite
une personne propre, selon la nature humaine, qui est la puissance suprême
dans les sacrements, laquelle consiste dans ces quatre caractères :
premièrement, qu’il a institué lui-même les sacrements ; secondement, qu’il a
pu produire l’effet des sacrements sans leur intermédiaire ; troisièmement,
que le mérite de ses souffrances opère dans le baptême et les autres
sacrements ; quatrièmement, que les sacrements sont conférés par l’invocation
de son nom. Or cette puissance suprême, et surtout quant à son dernier
caractère, il pouvait la déléguer aux ministres du baptême, de telle sorte
qu’il fût conféré en leurs noms ; mais il ne l’a pas voulu, afin de ne pas
donner par là occasion à des divisions dans l’Église : on aurait pu croire
qu’il y a autant de baptêmes que de personnes qui baptisent. C’est là,
suivant l’explication de S. Augustin, ce que Jean-Baptiste (Jean III, 27)
avoue ne pas savoir, c’est-à-dire si le Christ se réservait cette puissance
pour lui-même. II. Lorsqu’il dit
(verset 13) : Est-ce que Paul a été crucifié pour vous ?, l’Apôtre
fait voir que ces inconséquences résultent de l’erreur de ceux qui
prétendaient que le baptême avait plus ou moins de valeur selon la diversité
des personnes qui baptisaient. Il en serait en effet ainsi si le baptême
tirait de celui qui baptise son efficacité, tandis qu’elle vient de
Jésus-Christ seul. S. Paul le démontre de deux manières : 1° d’abord par la passion de
Jésus-Christ, dont les mérites opèrent dans le baptême (Rom., VI, 3) : "Nous
tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, nous avons été baptisés en sa
mort." Voilà pourquoi l’Apôtre dit (verset 13) : Est-ce que Paul
a été crucifié pour vous ? comme s’il disait : est-ce que la passion de
Paul est la cause de notre salut, pour que ce soit par lui que le baptême ait
la puissance de nous sauver ? Il sous-entend : non ; car il n’appartient qu’à
Jésus-Christ d’avoir, par sa passion et par sa mort, opéré notre salut ;
(Jean XI, 50) : "Il est bon qu’un homme meure pour le peuple, et non
pas que toute la nation périsse" et (I1 Cor., V, 14) : "Un
seul est mort pour tous." Mais ceci
semble être contredit par ce que l’Apôtre dit aux Colossiens (I, 24) : "Je
me réjouis dans les maux que je souffre pour vous, moi qui accomplis dans ma
chair ce qui manque à la passion de Jésus-Christ pour son corps, qui est
l’Eglise." Il faut répondre que les souffrances de Jésus-Christ ont
été la cause de notre salut non seulement par l’autorité de l'exemple (I
Pierre, II, 21) : "Jésus-Christ a souffert pour nous, vous laissant
un exemple, afin que vous suiviez ses traces" ; mais encore par
le moyen du mérite et de l’efficacité, en tant que par son sang nous sommes
rachetés et justifiés ; (Hébr., XIII, 12) : "Jésus, afin de
sanctifier le peuple par son propre sang, a souffert sa passion hors la
ville." Mais les souffrances des autres ne nous sont profitables que
par le moyen de l’exemple ; (I1 Cor., I, 6) : "Si nous sommes
affligés, c’est pour votre instruction et votre salut." 2° S. Paul continue sa preuve en
passant à la puissance du nom de Jésus-Christ qui est invoqué dans le baptême
(verset 13) : Ou avez-vous été baptisés au nom de Paul ?; comme s’il
répondait : non ; car (Actes, IV, 12) : "Nul autre nom n’a été donné
aux hommes, par lequel nous devions être sauvés." De là (Isaïe XXVI,
8) : "Votre nom et votre souvenir sont les délices de mon âme, " Mais il
semble qu’on puisse dire que les hommes ne sont pas baptisés au nom de
Jésus-Christ ; car, au dernier chapitre de S. Matthieu (verset 19),
Jésus-Christ dit : "Allez, enseignez toutes les nations, les
baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit" Il faut
répondre que, dans la primitive Eglise, le nom de Jésus. Christ étant très
odieux, les apôtres, afin de le rendre vénérable, baptisaient au nom de
Jésus-Christ par une disposition spéciale de l’Esprit Saint. C’est de là
qu’aux Actes (VIII, 12), il est rapporté que "plusieurs hommes et
femmes furent baptisés au nom de Jésus-Christ". Et toutefois, comme
l’enseigne S. Ambroise, "sous le nom de Jésus-Christ on entend la
Trinité tout entière". Car Christ veut dire « oint », et
par cette expression on comprend non seulement celui qui a reçu l’onction,
c’est-à-dire le Fils de Dieu, mais l’onction elle-même, c’est-à-dire le Saint
Esprit, et celui qui la donne, à savoir le Père, suivant ce passage (Psaume
XLIV, 8) : "O Dieu, votre Dieu vous a sacré d’une onction de joie qui
vous élève au-dessus de tous ceux qui doivent la partager." Mais
maintenant que le nom de Jésus-Christ : "est grand dans toutes les
nations, depuis le lever du soleil jusqu’à son coucher," comme dit
le prophète Malachie (I, 11), l’Eglise se sert de la forme instituée d’abord
par Jésus-Christ, et baptise au nom du Père, et du Fils, et du Saint
Esprit. Cependant tous ceux qui sont baptisés sous cette forme sont
baptisés au nom de celui qui est le véritable Fils de Dieu, suivant cette
parole de S. Jean (I Jean, V, 20) : "afin que nous vivions en son
vrai Fils." Tous les fidèles sont aussi baptisés au nom de Jésus-Christ,
c’est-à-dire par la foi et la confession de son nom, selon cette parole du
prophète Joël (II, 32) : "Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera
sauvé." De là tous ceux qui sont baptisés sont appelés chrétiens, du
nom de Jésus-Christ, car (Gal., III, 27) : "Vous tous qui avez été
baptisés en Jésus-Christ, vous vous êtes revêtus de Jésus-Christ." Ainsi
donc, si les souffrances de Jésus-Christ seul, si le nom de Jésus-Christ seul
confère au baptême sa vertu pour opérer le salut, il est incontestable qu’il
n’appartient qu’à Jésus-Christ de donner au baptême la vertu de sanctifier,
et ainsi celui qui l’attribue à d’autres divise et multiplie Jésus-Christ. III. Lorsque l’Apôtre
dit (verset 14) : Je rends grâces à mon Dieu, il repousse une sorte de
soupçon ; car sur ce qu’il venait de dire : Est-ce que Paul a été crucifié
pour vous ? on pouvait penser que, s’il n’avait pas baptisé d’autorité un
grand nombre de fidèles, au moins ils l’avaient été par son ministère. Sur ce
point, il rend grâces d’abord de ce qu’il n’a baptisé qu’un petit nombre de
personnes ; ensuite, après avoir nommé ce petit nombre, il en désigne
quelques autres, à ces mots (verset 16) : J’ai encore baptisé, etc. ;
enfin il assigne la raison pour laquelle il n’en a pas baptisé davantage,
à ces autres (verset 17) : Aussi Dieu ne m’a-t-il pas envoyé pour
baptiser. 1° Il dit donc d’abord (verset 14) : Je
rends grâces à Dieu de ce que je n’ai baptisé aucun de vous, si ce n’est
Crispus, dont il est dit aux Actes (XVIII, 8) : "Crispus, chef de
la synagogue, crut au Seigneur avec toute sa maison," - et Caïus à
qui fut écrite la troisième épître canonique de S. Jean. Et parce que
l’action de grâces n’a pas de raison d’être sinon pour des bienfaits reçus,
il explique en quel sens il rend des actions de grâces, en ajoutant (verset
15) : afin que personne ne dise que vous avez été baptisés en mon nom.
Car il est souhaitable, pour les saints personnages, que du bien même qu’ils
font on ne prenne pas occasion d’erreur ou de péché. Mais, parce que les
Corinthiens se trompaient au point de se désigner par les noms de ceux qui
les avaient baptisés en disant : "Moi, je suis à Paul, et moi à
Apollos", comme s’ils eussent été baptisés en leurs noms, S. Paul
rend grâces à Dieu de ce que son ministère n’a pas été l’occasion d’une
semblable erreur. Voilà pourquoi encore il dit expressément qu’il a baptisé
ceux qui s’étaient préservés de cette erreur. 2° Lorsque l’Apôtre dit (verset 16) : J’ai
encore baptisé, il nomme quelques autres personnes baptisées par lui,
afin que dans ses paroles la vérité ne paraisse pas affaiblie. Il dit donc : J’ai
encore baptisé la maison, c’est-à-dire la famille, de Stéphanas,
une dame chrétienne sans doute ; encore parce que sur les faits
particuliers la mémoire des hommes est fragile, il ajoute : Au surplus, je
ne sais, c’est-à-dire je n’ai pas présent à mon souvenir, si personnellement
j’en ai baptisé d’autres. 3° En ajoutant (verset 17) : Aussi
n’est-ce pas pour baptiser que Jésus-Christ m’a envoyé,etc., il donne la
raison pour laquelle il a baptisé un si petit nombre de personnes : C’est
que ce n’est pas pour baptiser que Dieu m’a envoyé, mais pour prêcher
l’Évangile. Ne
pourrait-on pas objecter ce qu’on lit au dernier chapitre, verset 19, de S.
Matthieu : "Allez, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom
du Père, et du Fils, et du Saint Esprit" ? Il faut répondre que
Jésus-Christ a envoyé ses apôtres pour ce double ministère : qu’ils prêchent
par eux-mêmes, ainsi qu’ils le disaient (Actes, VI, 2) : "Il n’est
pas juste que nous abandonnions la parole de Dieu pour le service des
tables", et qu’ils baptisent par les ministres inférieurs. La raison
en est que dans le baptême rien ne s’opère par l’habileté ou la vertu de
celui qui baptise, car il est indifférent que le baptême soit conféré par un
ministre plus ou moins élevé ; tandis que dans la prédication de l’Evangile
la sagesse et la vertu du prédicateur sont d’un grand poids : voilà pourquoi
les apôtres, comme ministres supérieurs, exerçaient eux-mêmes l’office de
prédicateurs. C’est ainsi qu’il est dit de Jésus-Christ lui même (Jean IV, 2)
que Jésus ne baptisait pas par lui-même, mais par ses disciples ; tandis
qu’il dit de lui-même (Luc, IV, 43) : "Il faut aussi que j’apporte la
bonne nouvelle du royaume de Dieu aux autres villes, car c’est pour cela que
je suis envoyé" ; et (Isaïe, LXI, 4) : "Il m’a envoyé
pour annoncer son Evangile aux humbles." |
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Lectio 3 |
Leçon 3 : 1 Corinthiens I, 17-25 — La simplicité de la prédication de l'Evangile |
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SOMMAIRE : L’Apôtre condamne l’éloquence pompeuse du siècle, dont les faux apôtres tiraient vanité, afin de faire cesser les querelles et, les disputes. Il exclut de la prédication de l’Evangile les raisonnements tirés de la nature physique. |
[17] non enim misit me Christus baptizare sed evangelizare non
in sapientia verbi ut non evacuetur crux Christi [18] verbum enim crucis pereuntibus quidem stultitia est his
autem qui salvi fiunt id est nobis virtus Dei est [19] scriptum est enim perdam sapientiam sapientium et
prudentiam prudentium reprobabo [20] ubi sapiens ubi scriba ubi conquisitor huius saeculi nonne
stultam fecit Deus sapientiam huius mundi [21] nam quia in Dei sapientia non cognovit mundus per
sapientiam Deum placuit Deo per stultitiam praedicationis salvos facere
credentes [22] quoniam et Iudaei signa petunt et Graeci sapientiam
quaerunt [23] nos autem praedicamus Christum crucifixum Iudaeis quidem
scandalum gentibus autem stultitiam [24] ipsis autem vocatis Iudaeis atque Graecis Christum Dei
virtutem et Dei sapientiam [25] quia quod stultum est Dei
sapientius est hominibus et quod infirmum est Dei fortius est hominibus |
17. Non pas
par la sagesse de la parole, pour ne pas anéantir la croix de Jésus-Christ; 18. Car la
parole de la croix est une folie pour ceux qui se perdent; mais, pour ceux
qui se sauvent, c'est-à-dire pour nous, elle est la vertu de Dieu. 19. Car il
est écrit : Je détruirai la sagesse des sages, et je rejetterai la science
des savants. 20. Que
sont devenus les sages? que sont devenus les docteurs de la Loi? que sont devenus
les esprits curieux de ce siècle? Dieu n'a t-il pas convaincu de folie la
sagesse de ce monde? 21. Car,
Dieu voyant que le monde avec la sagesse humaine ne l'avait pas connu dans
les ouvrages de la sagesse divine, il lui a plu de sauver par la folie de la
prédication ceux qui croiraient en lui. 22. Les
Juifs demandent des miracles, et les Gentils cherchent la sagesse; 23. Pour
nous, nous prêchons le Christ crucifié, qui est un scandale aux Juifs et une
folie aux Gentils, 24. Mais le
Christ qui est la force de Dieu et la sagesse de Dieu à ceux qui sont
appelés, soit Juifs soit Gentils, 25. Parce
que ce qui parait en Dieu une folie est plus sage que les hommes, et que ce
qui paraît en Dieu une faiblesse e plus fort que les hommes. |
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Super 1 Cor., cap. 1 l. 3 Postquam apostolus improbavit Corinthiorum
contentionem, ratione sumpta ex parte Baptismi, hic excludit eorum
contentionem, ratione sumpta ex parte doctrinae. Quidam enim eorum
gloriabantur de doctrina pseudo-apostolorum, qui ornatis verbis et humanae
sapientiae rationibus veritatem fidei corrumpebant. Et ideo apostolus primo
ostendit hunc modum convenientem non esse doctrinae fidei; secundo ostendit
hoc modo docendi se usum apud eos non fuisse, II cap., ibi et ego, cum
venissem ad et cetera. Circa primum duo facit. Primo proponit quod
intendit; secundo manifestat propositum, ibi ut non evacuetur. Dicit ergo primo : dixi quod misit me Christus
evangelizare, non tamen ita quod ego in sapientia verbi evangelizem,
id est, in sapientia mundana, quae verbosos facit, inquantum per eam multis
vanis rationibus homines utuntur. Eccle. VI, 11 — ubi verba sunt plurima, multam
in disputando habentia vanitatem. Prov. XIV, 23 — ubi verba sunt
plurima, ibi frequenter egestas. Vel sapientiam verbi nominat rhetoricam,
quae docet ornate loqui, ex quo alliciuntur interdum homines ad assentiendum
erroribus et falsitatibus. Unde Rom. XVI, 18 — per dulces sermones
seducunt corda innocentium. Et de meretrice dicitur Prov. II, 16, in
figura haereticae doctrinae : ut eruaris a muliere aliena et extranea,
quae mollit sermones suos. Sed contra dicitur Is. XXXIII, 19 — populum
impudentem non videbis, scilicet in Catholica Ecclesia, et populum
alti sermonis, ita ut non possis intelligere disertitudinem linguae eius, in
quo nulla est sapientia. Sed quia in Graeco ponitur logos, quod
rationem et sermonem significat, posset convenientius intelligi sapientia
verbi, id est humanae rationis, quia illa quae sunt fidei, humanam rationem
excedunt, secundum illud Eccli. III, 25 — plurima supra sensum hominis
ostensa sunt tibi. Sed contra hoc videtur esse quod multi doctores
Ecclesiae in doctrina fidei sapientia et rationibus humanis et ornatu
verborum sunt usi. Dicit enim Hieronymus in epistola ad magnum oratorem urbis
Romae, quod omnes doctores fidei in ornatu philosophiae doctrinis atque
scientiis suos referserunt libros, ut nescias quid in illis primum admirari
debeas, eruditionem saeculi, an scientiam Scripturarum. Et Augustinus dicit
in quarto de doctrina Christiana : sunt viri ecclesiastici qui divina
eloquia non solum sapienter, sed etiam suaviter tractaverunt. Dicendum
est ergo quod aliud est docere in sapientia verbi quocumque modo
intelligatur, et aliud uti sapientia verbi in docendo. Ille in sapientia
verbi docet qui sapientiam verbi accipit pro principali radice suae
doctrinae, ita scilicet quod ea solum approbet, quae verbi sapientiam
continent : reprobet autem ea quae sapientiam verbi non habent, et hoc fidei
est corruptivum. Utitur autem sapientia verbi, qui suppositis verae fidei
fundamentis, si qua vera in doctrinis philosophorum inveniat, in obsequium
fidei assumit. Unde Augustinus dicit in secundo de doctrina Christiana, quod si
qua philosophi dixerunt fidei nostrae accommoda, non solum formidanda non
sunt, sed ab eis tamquam ab iniustis possessoribus in usum nostrum vindicanda.
Et in IV de doctrina Christiana dicit : cum posita sit in medio facultas
eloquii, quae ad persuadendum seu prava seu recta valent pluribus, cur non
bonorum studio comparetur ut militet veritati, si eam mali in usum
iniquitatis et erroris usurpant. Deinde, cum dicit ut non evacuetur crux
Christi, probat quod dixerat, et primo quidem ex parte materiae, secundo
ex parte ipsorum docentium, ibi videte enim vocationem vestram, et
cetera. Circa primum tria facit. Primo ostendit modum docendi qui est in
sapientia verbi, non esse congruum fidei Christianae; secundo probat quod
supposuerat, ibi verbum enim crucis; tertio probationem manifestat,
ibi quoniam Iudaei signa petunt. |
S. Paul,
après avoir réprouvé la contestation des Corinthiens par une raison tirée du
baptême, l’attaque ici du côté de la doctrine.Car, parmi eux, quelques-uns se
glorifiaient de la doctrine de faux apôtres qui, se servant de paroles
recherchées et de raisonnements d’une sagesse tout humaine, corrompaient la
vérité de la foi. Aussi l’Apôtre établit d’abord que cette méthode n'est pas
en concordance avec la doctrine de la foi, et fait voir ensuite qu’il ne
s’est pas servi parmi eux de cette manière d’enseigner, à ces mots (II, 4) : Et
moi, lorsque je suis venu vers vous, etc. Sur le premier point, il
énumère ce qu’il veut établir ; il développe ensuite sa proposition, à ces
mots (verset 17) : afin de ne pas anéantir... I° Il dit donc d’abord : J’ai dit que Jésus-Christ m’a envoyé
annoncer l’Evangile, non pas pourtant de cette sorte que je le fasse avec
la sagesse de la parole, c’est-à-dire cette sagesse humaine qui fait les
hommes verbeux, en tant que par elle ils usent de beaucoup de vains
raisonnements ; (Ecclésiastique VI, 11) : "La multitude des
paroles n’est pour ceux qui disputent qu’une grande vanité" ;
et (Prov., XIV, 23) : "Où il y a beaucoup de paroles, on trouve
souvent l’indigence." Ou encore, par la sagesse de la parole,
il désigne la rhétorique qui apprend à parler d’une manière fleurie, ce qui
séduit souvent et fait donner son assentiment aux erreurs et aux faussetés ;
de là (Rom., XVI, 18) : "Par des paroles douces et flatteuses ils
séduisent les âmes simples" ; et (Prov., II, 16) il est dit de
la femme adultère, qui est la figure de la doctrine hérétique : "afin
que vous échappiez à la femme adultère, à l’étrangère qui use de paroles
doucereuses." Il est dit, au contraire, au prophète Isaïe (XXXIII,
19) : "Vous ne verrez pas," à savoir dans l’Eglise
catholique, "ce peuple impudent, ce peuple obscur dans ses discours,
dont vous ne pouvez entendre le langage étudié, et qui n’a aucune
sagesse." Mais, comme dans le texte grec se trouve le mot logos,
qui signifie à la fois raison et discours, on pourrait entendre plus convenablement
par « la sagesse de la parole » la raison humaine, parce que les
vérités qui appartiennent à la foi dépassent la portée de cette raison, selon
cette parole de l’Ecclésiastique (III, 25) : "Un grand nombre de
merveilles qui surpassent l’esprit de l’homme sont devant vos yeux." On objecte
qu’un grand nombre de docteurs de l'Eglise, en exposant les choses de la foi,
ont employé la sagesse et les raisonnements humains, et un style orné ; car
S. Jérôme, dans sa Lettre à Magnas, orateur de Rome [ou : dans
une lettre à un grand orateur romain], dit que pour orner la foi tous les
docteurs ont rempli leurs livres de la doctrine philosophique et des
sciences, en sorte que l'on ne sait ce que l’on doit admirer davantage en
eux, de l’érudition profane ou de la science des saintes Ecritures. Et S.
Augustin, au livre IV, ch. V, de la Doctrine chrétienne, dit
que "des écrivains ecclésiastiques ont parlé des choses divines non
seulement avec sagesse, mais encore avec éloquence". Il faut
répondre qu’autre chose est d’enseigner avec la sagesse de la parole, quelque
soit la manière dont on est compris, autre chose de se servir de cette
sagesse pour enseigner. Celui-là enseigne avec la sagesse de la parole qui la
prend pour fondement et source principale de ce que l’on enseigne,
c’est-à-dire de telle sorte qu’on n’approuve que ce qui respire cette
sagesse, et qu’on repousse ce qui en est dépourvu : cela conduit à corrompre
la foi. Mais celui-ci se sert de la sagesse de la parole qui pose d’abord les
fondements de la foi véritable, puis met au service de cette foi ce que l’on
trouve de vrai dans les doctrines des philosophes. Aussi S. Augustin, au II°
livre de la Doctrine
chrétienne, ch. XL, déclare que, "si les philosophes ont
dit quelques vérités conformes à notre foi, non seulement il n’y a pas à s’en
effrayer, mais il faut les revendiquer pour notre usage, comme se trouvant
entre les mains d’injustes usurpateurs". Et au IV° livre de cet
ouvrage, ch. II, il dit : "Chacun pouvant user du talent de la
parole, qui peut servir beaucoup pour persuader des choses justes ou
injustes, pourquoi les gens de bien ne s’appliqueraient-ils pas à l’acquérir
pour rendre service à la vérité, quand les méchants osent en abuser pour les
intérêts de l’erreur et de l'iniquité ?" II° S. Paul ajoute (verset 17) : pour ne pas anéantir la croix de
Jésus-Christ, et prouve ce qu’il vient de dire, d’abord
par la nature des vérités enseignées et par la condition même de ceux qui les
enseignent, à ces mots (verset 26) : Considérez votre vocation, etc. Sur
le premier point, il fait trois choses : il montre d’abord que la méthode
d’enseignement qui ne s’appuie que sur la sagesse de la parole n’est pas
convenable pour la foi chrétienne ; il prouve ensuite ce qu’il avait supposé,
à ces mots (verset 18) : Car la prédication de la croix ; il
développe enfin sa preuve, à ces autres (verset 22) : Car les Juifs
demandent des miracles. |
Circa primum considerandum
est, quod etiam in philosophicis doctrinis non est idem modus conveniens
cuilibet doctrinae. Unde sermones secundum materiam sunt accipiendi, ut
dicitur in primo Ethicorum. Tunc autem maxime modus aliquis docendi est
materiae incongruus, quando per talem modum destruitur id quod est principale
in materia illa, puta si quis in rebus intellectualibus velit metaphoricis
demonstrationibus uti, quae non transcendunt res imaginatas, ad quas non
oportet intelligentem adduci, ut Boetius ostendit in libro de Trinitate.
Principale autem in doctrina fidei Christianae est salus per crucem Christi
facta. Unde, cap. II, 2, dicit non iudicavi me scire aliquid inter vos,
nisi Iesum Christum et hunc crucifixum. Qui autem principaliter innititur
in docendo sapientiam verbi, quantum in se est, evacuat crucem Christi. Ergo
docere in sapientia verbi non est modus conveniens fidei Christianae. Hoc est
ergo quod dicit ut non evacuetur crux Christi, id est, ne si in
sapientia verbi praedicare voluero, tollatur fides de virtute crucis Christi.
Gal. V, 11 — ergo evacuatum est scandalum crucis. Ps. CXXXVI, v. 7 — qui
dicunt, exinanite usque ad fundamentum in ea. |
I. Sur le mode
d’enseigner, il faut remarquer que, même dans les discussions philosophiques,
la même méthode ne convient pas à toute doctrine. Le discours doit donc être
proportionné à la matière, comme il est dit au livre I° de la Morale, III. Or un mode
d’enseignement est opposé surtout à sa matière lorsque par ce mode on
renverse ce que cette matière a de principal, par exemple si, dans les
vérités de pur intellect, on voulait se servir de démonstrations
métaphoriques, arguments qui ne dépassent pas les choses d’imagination,
auxquelles il n’est pas question de conduire l’homme raisonnable, comme Boèce
le fait voir au livre de la
Trinité. Or le principal dans la doctrine de la foi chrétienne,
c’est le salut obtenu par la croix de Jésus-Christ, ce qui fait dire à S.
Paul lui-même, au chapitre suivant (verset 2) : Je n’ai point prétendu
parmi vous savoir autre chose que Jésus-Christ, et Jésus crucifié. Or
celui qui, en enseignant, s’appuie principalement sur la sagesse de la parole,
autant qu’il est en lui, anéantit la croix de Jésus-Christ ; donc,
enseigner avec cette sagesse n’est pas le mode convenable pour la foi
chrétienne ; c’est ce que l’Apôtre dit (verset 17) : de ne pas anéantir la
croix de Jésus-Christ, c’est-à-dire de peur que si dans ma prédication je
veux m’appuyer sur la sagesse de la parole, la foi en la vertu de la croix ne
fût anéantie ; (Gal., V, 11) : "Le scandale de la croix est donc
anéanti" ; et (Psaume CXXXVI, 7) : "Ils s’écrient :
abattez, anéantissez jusqu’à ses fondements." |
Deinde, cum dicit verbum
crucis, etc., probat quod per doctrinam, quae est in sapientia verbi,
crux Christi evacuetur. Et circa hoc duo facit primo inducit probationem;
secundo assignat causam dictorum, ibi scriptum est enim, et cetera. |
II. Lorsqu’il dit
(verset 18) : Car la prédication de la croix, etc., S. Paul
prouve que par la doctrine qui repose sur la sagesse de la parole, la croix
de Jésus-Christ est anéantie, et, sur ces deux propositions, il donne d’abord
sa preuve, et assigne ensuite la cause de ce qu’il a dit, à ces mots (verset
19) : C’est pourquoi il est écrit, etc. |
Dicit ergo primo : ideo dixi
quod si per sapientiam verbi doctrina fidei proponeretur, evacuaretur crux
Christi, verbum enim crucis, id est Annuntiatio crucis Christi,
stultitia est, id est stultum aliquid videtur, pereuntibus quidem,
id est, infidelibus qui se secundum mundum existimant sapientes, eo quod
praedicatio crucis Christi aliquid continet, quod secundum humanam sapientiam
impossibile videtur, puta quod Deus moriatur, quod omnipotens violentorum
manibus subiiciatur. Continet etiam quaedam quae prudentiae huius mundi
contraria videntur, puta quod aliquis non refugiat confusiones, cum possit,
et aliqua huiusmodi. Et ideo Paulo huiusmodi annuntianti dixit Festus, ut
legitur Act. XXVI, 24 — insanis, Paule, multae litterae ad insaniam te
adducunt. Et ipse Paulus dicit infra IV, 10 — nos stulti propter
Christum. Et ne credatur revera verbum crucis stultitiam continere,
subdit his autem qui salvi fiunt, id est nobis, scilicet Christi
fidelibus qui ab eo salvamur, secundum illud Matth. c. I, 21 — ipse enim
salvum faciet populum suum a peccatis eorum, virtus Dei est, quia ipsi in
cruce Christi mortem Dei cognoscunt, qua Diabolum vicit et mundum. Apoc. V, 5
— ecce vicit leo de tribu Iuda. Item virtutem quam in seipsis
experiuntur, dum simul cum Christo vitiis et concupiscentiis moriuntur,
secundum illud Gal. V, 24 — qui Christi sunt, carnem suam crucifixerunt
cum vitiis et concupiscentiis. Unde in Ps. CIX, 2 dicitur virgam
virtutis tuae emittit dominus ex Sion. Lc. VI, 19 — virtus de illo
exibat et sanabat omnes. |
1° Il dit donc : J’ai annoncé que si
l’on proposait avec la sagesse de la parole la doctrine de la foi, la croix
de Jésus-Christ serait anéantie ; car Le langage de la croix,
c’est-à-dire la prédication de la croix de Jésus-Christ, est une folie,
c’est-à-dire est regardée comme quelque chose d’insensé, pour ceux qui
périssent, à savoir pour les infidèles, qui s’estiment sages selon le
monde. La raison en est que la prédication de la croix de Jésus-Christ
contient quelque chose qui, selon la sagesse humaine, paraît impossible : par
exemple qu’un Dieu meure, que le Tout-Puissant se soit soumis à la violence
de ses bourreaux. Elle contient encore quelque chose qui paraît contraire à
la prudence de ce monde, à savoir qu’on ne refuse pas, lorsqu’on le peut, de supporter
les désordres et autres épreuves semblables. Voilà pourquoi, pendant que
l’apôtre S. Paul prêchait devant Festus de semblables vérités, ce gouverneur,
ainsi qu’il est rapporté dans les Actes (XXVI, 24), lui dit : "Paul,
vous êtes en délire : votre grande culture vous a fait perdre le sens" ;
et S. Paul lui-même dit (ci-après, IV, 10) : Nous sommes insensés à cause
de Jésus-Christ. Et, pour que l’on ne croie point que le mystère de la
croix contient réellement quelque chose d’insensé, il ajoute (verset 18) : Mais
pour ceux qui se sauvent, c’est-à-dire pour nous, fidèles
de Jésus-Christ, qui sommes sauvés par Lui (Matthieu I, 21) : "C’est
Lui qui délivrera son peuple de ses péchés," - "elle est la force
de Dieu," parce qu’ils reconnaissent dans cette croix de Jésus la
mort d’un Dieu qui par elle a vaincu le démon et le monde ; (Apoc., V,
5) : "Voici le lion de la tribu de Juda qui a vaincu." Ils y
reconnaissent en même temps la force qu’ils sentent en eux-mêmes, quand, avec
Jésus-Christ, ils meurent aux vices et aux convoitises ; (Gal., V, 24) :
"Ceux qui appartiennent à Jésus-Christ ont crucifié leur chair avec
ses passions et ses désirs déréglés." De là (Pi., CIX, 2) : "Le
Seigneur va faire sortir de Sion le sceptre de votre puissance" ;
et (Luc, VI, 19) : "Une vertu sortait de lui et les guérissait
tous." |
Deinde cum dicit scriptum
est enim, ostendit praedictorum causam, et ponit primo quare verbum crucis
sit hominibus stultitia; secundo ostendit quare ista stultitia sit virtus Dei
his, qui salvantur, ibi nam quia in Dei sapientia, et cetera. Circa primum duo facit.
Primo inducit auctoritatem praenuntiantem quod quaeritur; secundo ostendit
hoc esse impletum, ibi ubi sapiens? Circa primum considerandum
quod id quod est in se bonum, non potest alicui stultum videri, nisi propter
defectum sapientiae. Haec est ergo causa quare verbum crucis quod est
salutiferum credentibus, quibusdam videtur stultitia, quia sunt ipsi
sapientia privati. Et hoc est quod dicit scriptum est enim : perdam
sapientiam sapientium, et prudentiam prudentium reprobabo. Potest autem
hoc sumi ex duobus locis. Nam in Abdia dicitur : perdam sapientiam de
Idumaea, et prudentiam de monte Esau. Expressius autem habetur Is. XXIX,
v. 14 — peribit sapientia a sapientibus, et intellectus prudentium eius
abscondetur. Differunt autem sapientia et prudentia. Nam sapientia est
cognitio divinarum rerum; unde pertinet ad contemplationem, Iob XXVIII, v. 28
— timor Dei ipsa est sapientia; prudentia vero proprie est cognitio
rerum humanarum, unde dicitur Prov. X, 23 — sapientia est viro prudentia,
quia scilicet scientia humanarum rerum prudentia dicitur. Unde et philosophus
VI Ethicorum dicit quod prudentia est recta ratio agibilium, et sic prudentia
ad rationem pertinet. Est autem considerandum quod
homines quantumcumque mali non totaliter donis Dei privantur, nec in eis dona
Dei reprobantur, sed in eis reprobatur et perditur quod ex eorum malitia procedit.
Et ideo non dicit simpliciter perdam sapientiam, quia omnis sapientia
a domino Deo est, ut dicitur Is. XXIX, 14 ss., sed perdam sapientiam
sapientium, id est, quam sapientes huius mundi adinvenerunt sibi contra
veram sapientiam Dei, quia, ut dicitur Iac. III, 15, non est ista
sapientia desursum descendens, sed terrena, animalis, diabolica.
Similiter non dicit reprobabo prudentiam, nam veram prudentiam
sapientia Dei docet, sed dicit prudentiam prudentium, id est, quam
illi qui se prudentes aestimant in rebus mundanis prudentiam reputant ut
scilicet bonis huius mundi inhaereant. Vel quia, ut dicitur Rom. VIII, v. 6, prudentia
carnis mors est. Et sic propter defectum sapientiae reputant impossibile
Deum hominem fieri, mortem pati secundum humanam naturam; propter defectum
autem prudentiae reputant inconveniens fuisse quod homo sustineret crucem,
confusione contempta, ut dicitur Hebr. XII, 2. Deinde cum dicit ubi
sapiens, etc., ostendit esse impletum quod de reprobatione humanae
sapientiae et prudentiae fuerat probatum. Et primo ponit medium sub
interrogatione; secundo conclusionem infert, ibi nonne stultam Deus fecit
sapientiam huius mundi, et cetera. Dicit ergo primo ubi sapiens?
Quasi diceret : non invenitur in congregatione fidelium qui salvatur. Per
sapientem intelligit illum qui secretas naturae causas scrutatur. Is. XIX, 11
— quomodo dicetis Pharaoni : filius sapientium ego? Et hoc refertur ad
gentiles, qui huius mundi sapientiae studebant. Ubi Scriba? Id est
peritus in lege, et hoc refertur ad Iudaeos; quasi diceret : non est in coetu
fidelium. Io. VII, 48 — numquid ex principibus aliquis credidit in eum?
Ubi inquisitor huius saeculi? Qui scilicet per prudentiam exquirit quae
sit convenientia vitae humanae in rebus huius saeculi; quasi dicat : non
invenitur inter fideles, et hoc refertur ad utrosque, scilicet Iudaeos et
gentiles. Baruch c. III, 23 — filii Agar, qui exquisierunt prudentiam quae
de terra est. Videtur autem apostolus hanc
interrogationem sumere ab eo, quod dicitur Is. XXXIII, v. 18 — ubi est
litteratus? Pro quo ponit sapientem. Ubi est verba legis ponderans?
Pro quo ponit Scribam. Ubi est doctor parvulorum? Pro quo ponit inquisitorem
huius saeculi, quia parvuli maxime solent instrui de his, quae pertinent
ad disciplinam moralis vitae. Deinde cum dicit nonne stultam fecit,
etc., infert conclusionem sub interrogatione, quasi dicat : cum illi qui
sapientes mundi reputantur a via salutis defecerint, nonne Deus sapientiam
huius mundi fecit stultam? Id est, demonstravit esse stultam, dum illi
qui hac sapientia pollebant tam stulti inventi sunt ut viam salutis non
acciperent. Ier. X, 14 et LI, 17 — stultus factus est omnis homo a
scientia sua. Is. XLVII, 10 — sapientia tua et scientia tua haec
decepit te. Potest autem et aliter
intelligi quod dictum est, ac si diceret : perdam sapientiam sapientium et
prudentiam prudentium reprobabo, id est eligam eam in primis meis
praedicatoribus, secundum illud Prov. XXX, 1 — visio quam locutus est vir
cum quo est Deus; et infra : stultissimus sum virorum, et sapientia
hominum non est mecum. Ubi sapiens? Quasi dicat : inter praedicatores
fidei non invenitur. Matth. XI, 25 — abscondisti haec a sapientibus et
prudentibus, et revelasti ea parvulis. Nonne Deus stultam fecit, id est
demonstravit, sapientiam huius mundi? Faciendo quod ipsis impossibile
reputabatur, scilicet dictum esse hominem mortuum resurgere, et alia
huiusmodi. |
2° (verset 19) : C’est pourquoi il
est écrit. L’Apôtre donne ici la raison de ce qu’il a avancé, et d’abord
il explique comment la parole de la croix est pour les hommes une folie ; il
montre ensuite comment cette folie est la force de Dieu pour ceux qui sont
sauvés, à ces mots (verset 21) : le monde n’ayant pu connaître la sagesse
de Dieu, etc. 1. Sur le premier de ces points, il cite
d’abord une autorité qui prédit ce qu’il veut établir ; il fait voir ensuite
comment cette prophétie a été accomplie, à ces mots (verset 20) : Où est
le sage ? A) A l’égard de la prophétie, il faut
remarquer que ce qui est bon en soi ne peut paraître dépourvu de sens qu’à
celui qui manque lui-même de sagesse : telle est la raison pour laquelle la
parole de la croix, source de salut pour ceux qui croient, paraît à
quelques-uns une folie : c’est qu’eux-mêmes sont privés de sagesse. Voilà
pourquoi S. Paul dit (verset 19) : C’est pourquoi il est écrit : Je
détruirai la sa gesse des sages et je rejetterai la science des savants.
Or ce passage peut avoir été tiré de deux endroits de l’Ecriture ; car il est
dit dans le prophète Abdias (verset 8) : "Je perdrai les sages de
l’Idumée, et la prudence de la montagne d’Esaü." Mais il se
trouve d’une manière plus expresse dans le prophète Isaïe (XXIX, 14) : "La
sagesse des sages périra, et l’intelligence des docteurs s’obscurcira". Mais
la sagesse et la prudence diffèrent entre elles, car la sagesse est la
connaissance des choses divines, et ainsi elle appartient à la contemplation ;
(Job, XXVIII, 28) : "Craindre Dieu, c’est la sagesse." La
prudence, à proprement parler, est la connaissance des choses humaines ;
(Prov., X, 23) : "La sagesse, c’est pour l’homme la prudence", à
savoir parce qu’on donne le nom de prudence à la science des choses humaines.
C’est pourquoi le Philosophe (Morale,
livre VI) dit que la prudence est la droite raison dans les choses à faire.
La prudence appartient donc à la raison. Or observez que les hommes, quelque
mauvais qu’ils puissent être, ne sont pas privés totalement des dons de Dieu,
et que les dons de Dieu ne sont pas réprouvés en eux ; mais ce qui est en eux
réprouvé et perdu, c’est ce qui provient de leur malice. Voilà pourquoi il
n’est pas dit simplement : Je perdrai la sagesse, car toute sagesse
vient de Dieu, ainsi qu’il est dit dans (Isaïe, XXIX, 14 sv), mais Je
détruirai la sagesse des sages, c’est-à-dire celle que les sages de ce monde
ont inventée pour eux contre la vraie sagesse de Dieu, parce que (Jacques
III, 15) : "Ce n’est pas une sagesse qui vient d’en haut, mais une
sagesse terrestre, animale, diabolique." De même le Prophète ne dit
pas : je rejetterai la science, parce que la sagesse de Dieu
enseigne la science véritable, mais la science des savants, c’est-à-dire
celle que ceux qui se regardent comme savants dans les choses du siècle
appellent science, laquelle les attache aux biens de ce monde ; ou encore
parce que (Rom., VIII, 6) : "L’amour des choses de la chair, c’est la
mort." C’est ainsi que, par leur manque de sagesse, ils estiment
impossible qu’un Dieu se fasse homme et qu’il puisse mourir selon l’humaine
nature ; et, par défaut de science, ils regardent comme hors de toute
convenance que l’Homme se soit soumis au supplice de la croix en méprisant
l’ignominie, comme le dit (Hébr., XII, 2). B) En disant (verset 20) : Où est
le sage ?, l’Apôtre fait voir que la prophétie sur la réprobation de la
sagesse et de la prudence humaine a été accomplie. Et d’abord il énonce, sous
la forme d’une interrogation, la proposition intermédiaire ; en second lieu
il déduit la conclusion, à ces mots (verset 20) : Dieu n’a-t-il pas
convaincu de folie la sa gesse de ce monde, etc. ? a) Il dit donc d’abord : Où est le
sage ? comme s’il disait : ou ne le trouve pas dans l’assemblée des
fidèles qui sont sauvés. Et par sage il entend celui qui approfondit les
causes secrètes de la nature ; (Isaïe XIX, 11) : "Comment
direz-vous à Pharaon : Je suis le fils des sages ?" Ces paroles se
rapportent aux Gentils, qui s’appliquaient à cette sagesse du monde. Où
est le docteur ? c’est-à-dire le docteur de la Loi : ceci se rapporte aux
Juifs comme s’il disait : il n’est pas dans l’assemblée des fidèles ; (Jean
VII, 48) : "Quelqu’un des princes des prêtres et des pharisiens a
t-il cru en lui ?" – Où est le savant de ce siècle ? c’est-à-dire
celui qui, par sa science, cherche ce qui convient à la vie humaine dans les
choses de ce siècle ; comme s’il disait : il ne se rencontre point parmi les
fidèles ; paroles qui se rapportent aux uns et aux autres, soit Juifs soit
Gentils ; (Baruch, III, 23) : "Les enfants d’Agar, qui
recherchent une prudence de la terre." L’Apôtre paraît tirer cette
interrogation de ce qu’on lit au prophète Isaïe (XXXI, 18) : "Où est
le lettré ? pour lequel il met : le sage - "où est celui qui pèse
les paroles de la Loi ?" pour lequel il met : le docteur -
"Où est le maître des petits enfants ?" pour lequel il dit : le
savant du siècle, parce que les petits sont instruits d’ordinaire des
règles de la vie morale. b) Quand il
ajoute (verset 20) : Dieu n’a-t-il pas convaincu de folie, etc.? il
déduit la conclusion sous forme d’interrogation ; comme s’il disait : dès
lors que ceux qui sont regardés comme les sages du monde se sont écartés des
voies du salut, est-ce que Dieu n’a pas convaincu de folie la sagesse de
ce monde ?, comprenez : n’a-t-il pas démontré qu’elle était
insensée, quand ceux qui étaient les premiers dans cette sagesse se sont montrés
tellement dépourvus de sens qu’ils n’ont pas pris la voie du salut ? (Jér.,
X, 14, et LI, 17) : "La science de tous les savants les rend
insensés" et (Isaïe XLVII, 10) : "Votre sagesse et votre
science vous ont séduite." On peut encore entendre autrement ce qui
précède, comme si l’Apôtre disait : je détruirai la sagesse des sages et
je rejetterai la science des savants, c’est-à-dire je la choisirai dans
mes premiers prédicateurs selon cette parole des Proverbes (XXX, 1) : "Vision
qu’a révélée par la parole un homme qui a Dieu avec lui" et à la
suite (verset 2) : "Je suis de moi-même le plus insensé des hommes,
et la sagesse des hommes n’est pas avec moi." – Où est le sage ?
comme s’il disait : on ne le trouve point parmi les prédicateurs de la foi ;
(Matth. XI, 25) : "Vous avez caché ces choses aux sages et aux
prudents, et vous les avez révélées aux petits." - Est-ce que Dieu n’a
pas convaincu de folie, c’est-à-dire n’a pas démontré comme insensé, la
sagesse de ce monde ? en faisant ce qui paraissait à ces sages
impossible, à savoir qu’on prêchât qu’un homme mort était ressuscité, et
d’autres vérités semblables. |
Deinde cum dicit nam quia
in Dei sapientia, etc., assignat rationem quare per praedicationis
stultitiam salventur fideles. Et hoc est quod dictum est, quod verbum crucis
pereuntibus quidem stultitia est, virtus vero salvationis credentibus; nam
placuit Deo per stultitiam praedicationis, id est per praedicationem,
quam humana sapientia stultam reputat, salvos facere credentes; et hoc
ideo, quia mundus, id est mundani, non cognoverunt Deum per sapientiam ex
rebus mundi acceptam, et hoc in Dei sapientia. Divina enim sapientia faciens
mundum, sua iudicia in rebus mundi instruit, secundum illud Eccli. I, 10 — effudit
illam super omnia opera sua; ita quod ipsae creaturae, per sapientiam Dei
factae, se habent ad Dei sapientiam, cuius iudicia gerunt, sicut verba
hominis ad sapientiam eius quam significant. Et sicut discipulus pervenit
ad cognoscendum magistri sapientiam per verba quae ab ipso audit, ita homo
poterat ad cognoscendum Dei sapientiam per creaturas ab ipso factas
inspiciendo pervenire, secundum illud Rom. c. I, 20 — invisibilia Dei per
ea quae facta sunt, intellecta conspiciuntur. Sed homo propter sui cordis
vanitatem a rectitudine divinae cognitionis deviavit. Unde dicitur Io. I, 10
— in mundo erat, et mundus per ipsum factus est, et mundus eum non
cognovit. Et ideo Deus per quaedam alia ad sui cognitionem salutiferam
fideles adduxit, quae in ipsis rationibus creaturarum non inveniuntur, propter
quod a mundanis hominibus, qui solas humanarum rerum considerant rationes,
reputantur stulta. Et huiusmodi sunt fidei documenta. Et est simile, sicut si
aliquis magister considerans sensum suum ab auditoribus non accipi, per verba
quae protulit, studet aliis verbis uti, per quae possit manifestare quae
habet in corde. |
2. (verset 21) : En
effet, le monde, avec sa propre sagesse, etc. , S. Paul assigne ici la
raison pour laquelle les fidèles sont sauvés par la folie de la prédication.
C’est d’ailleurs ce qu’il a dit déjà (verset 18), que La prédication de la
croix est une folie pour ceux qui se perdent; et, pour ceux qui croient, la
force qui les sauve. Car il a plu à Dieu de se servir de la folie de la
prédication, c’est-à-dire de la prédication que la sagesse humaine
regarde comme une folie, pour sauver ceux qui croient, et cela pour
cette raison que le monde, en d’autres termes les partisans du monde, n’ont
pas connu Dieu par la sagesse puisée dans les choses du monde, c’est-à-dire
dans la sagesse de Dieu. Car cette sagesse, en créant le monde, a fait
briller ses jugements dans les choses du monde (Ecclésiastique I, 10) : "Il
a répandu sa sagesse sur toutes ses oeuvres", en sorte que les
créatures mêmes, faites par la sagesse de Dieu, sont, par rapport à cette
sagesse dont elles expriment les jugements, comme les paroles de l’homme
relativement à la sagesse de l’homme qu’elles manifestent. Et de même que le
disciple parvient à connaître la sagesse de son maître par les paroles qu’il
entend de celui-ci, ainsi l’homme pouvait parvenir à connaître la sagesse de
Dieu en considérant les créatures qu’il avait produites, selon cette parole
(Rom., I, 20) : "Les perfections invisibles de Dieu sont devenues
visibles à l’intelligence depuis la création du monde." Mais, par
suite de la vanité de son coeur, l’homme s’est écarté de la rectitude de la
connaissance divine ; c’est de là qu’il est dit (Jean I, 10) : "Il
était dans le monde, et le monde a été fait par Lui, et le monde ne l’a pas
connu." Voilà pourquoi Dieu a amené les fidèles à la salutaire
connaissance de Lui-même par d’autres moyens qui ne se trouvent pas dans des
raisonnements tirés des créatures, et qui, pour ce motif, sont regardés comme
dénués de sagesse par les hommes du siècle, qui ne considèrent que les
raisons des choses humaines. Tels sont les enseignements de la foi. Il en est
de ceci comme d’un maître qui, considérant que les paroles qu’il profère ne
peuvent faire recevoir sa pensée par ses auditeurs, s’applique à en employer
d’autres, afin de pouvoir manifester ce qu’il a dans le coeur. |
Deinde cum dicit quoniam
et Iudaei, etc., manifestat probationem praemissorum, et primo quantum ad
id, quod dixerat : verbum crucis pereuntibus stultitia est. Secundo
quantum ad id quod dixerat : his qui salvi fiunt, virtus Dei est ipsis
autem vocatis, et cetera. |
III. L’Apôtre, en
ajoutant (verset 22) : Car les Juifs, etc., développe la preuve de ce
qu’il a avancé : et d’abord quant à ceci : La prédication de la croix est,
pour ceux qui périssent, une folie ; ensuite quant à ce qu’il a dit
encore : pour ceux qui se sauvent, c’est la force de Dieu pour ceux qui
sont appelés, etc. |
Circa primum duo facit.
Primo ponit pereuntium differens studium et intentionem; secundo ex hoc
rationem assignat eius quod dixerat, ibi nos autem praedicamus Christum.
Pereuntium autem, id est
infidelium, quidam erant Iudaei, quidam gentiles. Dicit ergo : dictum est
quod verbum crucis pereuntibus est stultitia, et hoc ideo quoniam Iudaei
signa petunt. Erant enim Iudaei consueti divinitus instrui, secundum
illud Deut. c. VIII, 5 — erudivit eum et docuit. Quae quidem doctrina
cum esset a Deo per multa mirabilia manifestata, secundum illud Ps. LXXVII, 12
— fecit mirabilia in terra Aegypti, et ideo ab afferentibus quamcumque
doctrinam signa quaerebant, secundum illud Matth. c. XII, 38 — magister,
volumus a te signum aliquod videre. Et in Ps. LXXIII, 9 dicitur : signa
nostra non vidimus. Sed Graeci sapientiam quaerunt, utpote in
studio sapientiae exercitati, sapientiam dico quae per rationes rerum
mundanarum accipitur, de qua dicitur Ier. IX, 23 — non glorietur sapiens
in sapientia. Per Graecos autem omnes gentiles dat intelligere qui a
Graecis mundanam sapientiam acceperunt. Quaerebant igitur sapientiam,
volentes omnem doctrinam eis propositam secundum regulam humanae sapientiae
iudicare. |
1° Sur la première de ces
propositions, il expose d’abord la diversité de sentiment et d’intention de
ceux qui périssent ; il en tire ensuite la raison de ce qu’il avait dit, à
ces mots (verset 23) : Pour nous, nous prêchons Jésus-Christ. 1. Or de ceux qui périssent,
c’est-à-dire de ceux qui ne croient pas, les uns étaient Juifs, les autres
Gentils. Il dit donc : Il a été dit que la prédication de la croix est, pour
ceux qui périssent, une folie, et ce pour la raison que Les Juifs
demandent des miracles. Car les Juifs étaient ordinairement instruits par
Dieu lui-même ; (Deut., VIII, 5) : "Il l’a élevé, il l’a
instruit." Comme Dieu avait lui-même appuyé cet enseignement par un
grand nombre de prodiges (Psaume LXXVII, 12) : "Il a fait éclater ses
prodiges en Egypte," ainsi, à quiconque venait leur apporter quelque
enseignement, ils demandaient des prodiges (Matth., X, 38) : "Maître,
nous voulons voir de vous quelque prodige" ; et (Psaume LXXIII,
9) : "Nous ne voyons plus de miracles." Mais Les Grecs
cherchent la sagesse, parce qu’ils étaient habiles dans cette étude ; je
dis "la sagesse" acquise par les raisonnements des choses
terrestres. De là (Jér., IX, 23) : "Que le sage ne se glorifie point
dans sa sagesse." Par les Grecs, l’Apôtre donne à entendre tous les
Gentils, qui ont reçu des Grecs la sagesse du siècle. Ils cherchaient donc la
sagesse, exigeant que toute doctrine qui leur était proposée fût jugée par
eux selon la règle de la sagesse humaine. |
Deinde concludit quare
verbum crucis sit eis stultitia, dicens nos autem praedicamus Christum
crucifixum, secundum illud infra cap. XI, 26 — mortem domini
annuntiabitis donec veniat. Iudaeis scandalum, quia scilicet desiderabant
virtutem miracula facientem et videbant infirmitatem crucem patientem; nam,
ut dicitur I1 Cor. ultimo : crucifixus est ex infirmitate. Gentibus autem
stultitiam, quia contra rationem humanae sapientiae videtur quod Deus
moriatur et quod homo iustus et sapiens se voluntarie turpissimae morti exponat. |
2. L’Apôtre conclut
ensuite et dit pourquoi la prédication de la foi est pour eux une folie
(verset 23) : Pour nous, nous prêchons Jésus-Christ crucifié, selon ce
qui sera dit plus loin (XI, 26) : Vous annoncerez la mort du Seigneur
jusqu’à ce qu’il vienne. - Ce qui est pour les Juifs un scandale, à
savoir parce qu’ils désiraient une puissance qui fît des miracles, et qu’ils
ne voyaient qu’une faiblesse chargée de la croix ; car (I1 Cor., XIII, 4) : "Il
a été crucifié selon la faiblesse de la chair." C’est pour les
Gentils une folie, parce qu’il paraît contradictoire aux raisonnements de
l’humaine sagesse qu’un Dieu meure et qu’un homme juste et sage s’expose
volontaire ment à une mort pleine d’ignominie. |
Deinde, cum dicit ipsis
autem vocatis, manifestat quod dixerat : his autem qui salvi fiunt,
virtus Dei est. Et primo manifestat hoc; secundo rationem assignat; ibi quia
quod stultum, et cetera. Dicit ergo primo : dictum est quod praedicamus
Christum crucifixum, Iudaeis scandalum et gentibus stultitiam, sed
praedicamus Christum Dei virtutem et Dei sapientiam ipsis vocatis Iudaeis
et Graecis, id est his qui ex Iudaeis et gentibus ad fidem Christi vocati
sunt, qui in cruce Christi recognoscunt Dei virtutem, per quam et Daemones
superantur et peccata remittuntur et homines salvantur. Ps. XX, 14 — exaltare,
domine, in virtute tua. Et hoc dicit contra scandalum Iudaeorum, qui de
infirmitate Christi scandalizabantur et recognoscunt in cruce Dei sapientiam,
inquantum per crucem convenientissimo modo humanum genus liberat. Sap. IX, 19
— per sapientiam sanati sunt quicumque placuerunt tibi a principio.
Dicitur autem Dei virtus et Dei sapientia per quamdam appropriationem. Virtus
quidem, inquantum per eum pater omnia operatur, Io. I, 3 — omnia per ipsum
facta sunt, sapientia vero, inquantum ipsum verbum, quod est filius,
nihil est aliud quam sapientia genita vel concepta. Eccli. c. XXIV, 5 — ego
ex ore altissimi prodii primogenita ante omnem creaturam. Non autem sic
est intelligendum, quod Deus pater sit fortis et sapiens virtute aut
sapientia genita, quia, ut Augustinus probat VI de Trinitate, sequeretur,
quod pater haberet esse a filio, quia hoc est Deo esse, quod fortem et
sapientem esse. |
2° (verset 24) : Mais pour ceux qui
sont appelés, S. Paul développe ce qui précède : Pour ceux qui se
sauvent, il est la force de Dieu. Et d’abord il explique cette parole ;
il en assigne ensuite la raison, à ces mots (verset 25) : Car ce qui
paraît en Dieu une folie, etc. 1. Il dit donc : Il a été dit que nous prêchons
Jésus-Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les Gentils ;
mais nous prêchons Jésus-Christ la force de Dieu et la sagesse de Dieu,
pour ceux qui sont appelés soit d’entre les Juifs, soit d’entre les Grecs,
c’est-à-dire pour ceux qui, parmi les uns ou parmi les autres, ont été
appelés à la foi de Jésus-Christ, et qui dans sa croix reconnaissent la force
de Dieu, par laquelle les démons sont vaincus, les péchés remis et les hommes
sauvés ; (Psaume XX, 14) : "Élève-toi, Seigneur, par ta
puissance." Ces paroles s’appliquent au scandale des Juifs, qui se
scandalisaient de la faiblesse de Jésus-Christ, et reconnaissent aussi dans
la croix la sagesse de Dieu, en tant que par la croix il délivre le genre
humain de la manière la plus convenable ; (Sag., IX, 19) : "C’est
par la sagesse qu’ont été guéris ceux qui vous ont été agréables dès le
commencement." On dit, avec une certaine justesse de termes, "la
force de Dieu et la sagesse de Dieu" : la force d’abord, en tant que le
Père opère par elle toutes choses ; (Jean I, 3) : "Toutes choses
ont été faites par Lui" ; la sagesse, en tant que le Verbe
lui-même, qui est le Fils, n’est autre que la sagesse engendrée ou conçue ;
(Ecclésiastique XXIV, 5) : "Je suis sortie de la bouche du Très-Haut ;
je suis née avant toute créature." Il ne faut pas entendre pourtant
que Dieu le Père soit fort et sage par la force ou la sagesse engendrée,
parce que, ainsi que le prouve S. Augustin (livre VI de la Trinité),
il s’ensuivrait que le Père tiendrait l’être de son Fils ; car, pour Dieu,
être et avoir la force et la sagesse ne sont qu’une seule et même chose. |
Deinde cum dicit quia
quod stultum est Dei, assignat rationem eius quod dixerat, dicens quomodo
id, quod est infirmum et stultum possit esse virtus vel sapientia Dei, quia quod
stultum est Dei sapientius est hominibus, quasi dicat : iam aliquod
divinum videtur esse stultum, non quia deficiat a sapientia, sed quia
superexcedit sapientiam humanam. Homines enim quidam consueverunt stultum
reputare quod eorum sensum excedit. Eccli. III, 25 — plurima super sensum
hominis ostensa sunt tibi. Et quod infirmum est Dei, fortius est hominibus,
quia scilicet non dicitur aliquid infirmum in Deo per defectum virtutis, sed
per excessum humanae virtutis, sicut etiam dicitur invisibilis, inquantum
excedit sensum humanum. Sap. XII, 17 — virtutem ostendis tu qui non
crederis esse in virtute consummatus. Quamvis hoc possit referri ad
incarnationis mysterium : quia id quod reputatur stultum et infirmum in Deo
ex parte naturae assumptae, transcendit omnem sapientiam et virtutem. Ex. XV,
11 — quis similis tui in fortibus, domine? |
2. Enfin, en disant
(verset 25) : Car ce qui paraît en Dieu une folie, l’Apôtre développe
la raison de ce qu’il avait dit, et explique comment ce qui est faiblesse et
folie peut être la force ou la sagesse de Dieu : C’est que ce qui paraît
en Dieu une folie est plus sage que les hommes ; comme s’il disait :
nous avons vu que ce qui est divin paraît folie, non par défaut de sagesse,
mais parce qu’il dépasse la sagesse humaine En effet, les hommes regardent
d'ordinaire comme dépourvu de sens ce qui excède leur compréhension ;
(Ecclésiastique III, 25) : "Un grand nombre de merveilles qui
surpassent l’esprit de l’homme sont devant vos yeux." De même ce
qui est faiblesse en Dieu est plus fort que les hommes ; car l’on ne dit
pas que quelque chose est faible en Dieu par manque de force, mais parce
qu’il dépasse la force de l’homme ; c’est ainsi qu’on l’appelle invisible en
tant qu’il ne peut être atteint par les sens ; (Sag., XII, 17) : "Vous
montrez votre puissance lorsqu’on ne vous croit pas la plénitude de la
force," bien qu’on puisse rapporter ceci au mystère de
l’Incarnation, parce que tout ce qui, en Dieu, est considéré comme faiblesse
et folie du côté de la nature qu’il a prise sur lui, excède toute sagesse et
toute puissance ; (Exode, XV, 11) : "Seigneur, qui est semblable
à vous parmi les forts ?" |
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Lectio 4 |
Leçon 4 : 1 Corinthiens I, 26-31 — Dieu choisi les faibles pour prêcher son Evangile |
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SOMMAIRE : Qu’il ne faut pas prêcher l’Evangile avec la sagesse du monde, car ce n’est pas sur elle que se sont appuyés les premiers prédicateurs, qui n’ont employé que la sagesse de Dieu connue par Jésus-Christ. |
[26]
videte enim vocationem vestram fratres quia non multi sapientes secundum
carnem non multi potentes non multi nobiles [27] sed
quae stulta sunt mundi elegit Deus ut confundat sapientes et infirma mundi
elegit Deus ut confundat fortia [28] et
ignobilia mundi et contemptibilia elegit Deus et quae non sunt ut ea quae
sunt destrueret [29] ut
non glorietur omnis caro in conspectu eius [30] ex
ipso autem vos estis in Christo Iesu qui factus est sapientia nobis a Deo et
iustitia et sanctificatio et redemptio [31] ut quemadmodum scriptum est qui gloriatur in
Domino glorietur |
26. En effet,
considérez, mes frères, qui sont ceux d’entre vous qui ont été appelés : il y
en a peu de sages selon la chair, peu de puissants et peu de nobles. 27. Mais
Dieu a choisi les moins sages selon le monde pour confondre les sages; il a
choisi les faibles selon le monde pour confondre les puissants; 28. Et il a
choisi les plus vils et les plus méprisables selon le monde, et ce qui
n’était rien, pour détruire ce qui est, 29. Afin
que nul homme ne se glorifie devant lui. 30. C’est
par cette voie que vous êtes établis dans le Christ Jésus, qui nous a été
donné de Dieu pour être nôtre sagesse, notre justice, notre sanctification et
notre rédemption 31. Afin
que, selon qu'il est écrit, celui qui se glorifie, se glorifie dans le
Seigneur. |
[86237] Super 1 Cor., cap. |
S. Paul a
démontré que la méthode d’enseignement qui s’appuie sur la sagesse de la
parole ne convient pas à la doctrine chrétienne en raison de sa matière, qui
est la croix même de Jésus-Christ ; il fait voir ici que ce même mode
d’enseignement ne convient pas davantage à cette doctrine du côté de ceux qui
enseignent, suivant cette parole des Proverbes (XXVI, 7) : "Les
paroles sages sont une dérision dans la bouche d’un insensé" ; et
(Ecclésiastique XX, 22) : "Une parole sage sera réprouvée dans la bouche
de l’insensé." Les premiers prédicateurs de la foi n’étant donc
point sages d’une sagesse selon la chair, il n’était pas convenable à eux
d’enseigner avec la sagesse de la parole. L’Apôtre fait donc ici deux choses :
I° il montre comment
les premiers docteurs de la foi ne furent pas sages d’une sagesse charnelle,
et comment ils manquaient de compétence dans les affaires humaines ; II° il montre comment
ce défaut a été suppléé en eux par Jésus-Christ, à ces mots (verset 30) : C’est
ainsi que vous avez été établis en Jésus-Christ. |
Circa primum tria facit.
Primo excludit a fidei primis doctoribus excellentiam saecularem; secundo
astruit eorum subiectionem quantum ad saeculum, ibi sed quae stulta sunt
mundi; tertio rationem assignat, ibi ut non glorietur. |
I° Sur le premier de ces points, I. il écarte des premiers prédicateurs de la foi la
grandeur selon le siècle ; II. il fait
ressortir leur abaissement par rapport au siècle, à ces mots (verset 27) : Mais
[Dieu a choisi] les moins sages selon le monde ; III. il en assigne la
raison, à ces autres (verset 29) : afin que nul ne se glorifie. |
Dicit ergo primo : dictum
est quod stultum est Dei, sapientius est hominibus, et hoc considerare
potestis in ipsa vestra conversione. Videte enim, id est diligenter
considerate, vocationem vestram, quomodo scilicet vocati estis : non
enim per vos ipsos accessistis, sed ab eo vocati estis. Rom. VIII, v. 30 — quos
praedestinavit, hos et vocavit. I Petr. II, 9 — de tenebris vos
vocavit in admirabile lumen suum. Inducit autem eos ut considerent modum
suae vocationis, quantum ad eos per quos vocati sunt, sicut Is. LI, 2 dicitur
: attendite ad Abraham patrem vestrum, et ad Saram quae genuit vos. A quibus vocationis
ministris primo excludit sapientiam, cum dicit quia non multi, eorum
per quos vocati estis, sapientes secundum carnem, id est in carnali
sapientia et terrena. Iac. III, 15 — non est ista sapientia desursum
descendens, sed terrena, animalis, diabolica. Baruch III, 23 — filii
Agar exquisierunt sapientiam, quae de terra est. Dicit non multi,
quia aliqui pauci erant etiam in sapientia mundana instructi, sicut ipse, et
ut Barnabas, vel Moyses in veteri testamento, de quo dicitur Act. VII, 22,
quod eruditus erat Moyses in omni sapientia Aegyptiorum. Secundo excludit saecularem
potentiam, cum dicit non multi potentes, scilicet secundum saeculum.
Unde et Io. VII, 48 dicitur : numquid aliquis ex principibus credidit in
eum? Et Bar. III, 16 dicitur : ubi sunt principes gentium? Exterminati
sunt, et ad Inferos descenderunt. Tertio excludit excellentiam
generis, cum dicit non multi nobiles. Et aliqui inter eos nobiles
fuerunt, sicut ipse Paulus, qui in civitate Romana se natum dicit, Act. XXII,
25, et Rom. ult. de quibusdam dicit qui sunt nobiles in apostolis. |
I. Il dit donc : Il a
été avancé que ce qui est en Dieu folie est plus sage que les hommes,
et vous pouvez le reconnaître dans votre propre conversion. (verset 26) : En
effet voyez, c’est-à-dire considérez avec attention, votre vocation, en
d’autres termes comment vous avez été appelés ; car vous n'êtes pas venus de
vous-mêmes, c’est lui qui vous a appelés ; (Rom., VIII, 30) : "Ceux
qu’il a prédestinés, il les a appelés" ; et encore (I Pierre,
II, 9) : "Il vous a appelés des ténèbres à son admirable
lumière." L’Apôtre les engage à considérer le mode de leur vocation,
d’abord quant à ceux par lesquels ils ont été appelés ; (Isaïe, LI, 2) :
"Jetez les yeux sur Abraham et Sara, les auteurs de votre race."
De ces premiers ministres de leur vocation, il écarte : 1° la sagesse, en disant (verset 26) :
[Vous trouverez parmi ceux par lesquels vous avez été appelés peu
de sages selon la chair, c’est-à-dire d’une sagesse charnelle et
terrestre ; (Jacques III, 15) : "Ce n’est pas là la sagesse qui
vient d’en haut, mais une sagesse terrestre, animale, diabolique" ;
et (Baruch, III, 23) : "Les enfants d’Agar, qui recherchent une
sagesse de la terre." Il dit : peu de sages, parce qu’il y en
avait cependant quelques-uns qui n’étaient pas étrangers à la sagesse du
monde, comme Paul lui-même et Barnabé, et, dans l’Ancien Testament, Moïse,
qui (Act., VII, 22) : "fut instruit dans toute la science des
Egyptiens." 2° Il en écarte la puissance du siècle
: peu de puissants, à savoir selon le siècle ; de là aussi en S. Jean
(VII, 48) : "Quelqu’un des princes des prêtres a-t-il cru en lui ?"
et (Baruch, III, 16) : "Où sont les princes des nations ?" (verset
19) : "Ils ont été exterminés, ils sont descendus aux enfers." 3° Enfin il en écarte l’excellence de
la race (verset 26) : et peu d’illustres. Toutefois il y en eut parmi
eux quelques-uns, comme Paul lui-même qui, au ch. XXII, 25 des Actes, se dit né
citoyen romain, et qui, au ch. XVI, 7, de l’épître aux Romains, dit de
quelques-uns : "Qu’ils sont d’une naissance illustre." |
Deinde, cum dicit sed
quae stulta sunt, etc., ponit e converso eorum abiectionem quantum ad
mundum, et primo defectum contrarium sapientiae, cum dicit quae stulta
sunt mundi, id est, eos qui secundum mundum stulti videbantur, elegit
Deus ad praedicationis officium, scilicet piscatores illiteratos,
secundum illud Act. IV, 13 — comperto quod homines essent sine litteris et
idiotae, admirabantur. Is. XXXIII, 18 — ubi est litteratus, ubi verba
legis ponderans? Et hoc ut confundat sapientes, id est eos qui de
sapientia mundi confidunt, dum ipsi non cognoverunt quae sunt simplicibus
revelata. Matth. XI, 25 — abscondisti haec a sapientibus et prudentibus,
et revelasti ea parvulis. Is. XIX, 12 — ubi sunt nunc sapientes tui?
Annuntient tibi. Secundo ponit defectum
contrarium potentiae, dicens et infirma mundi, id est homines
impotentes secundum mundum, puta rusticos et plebeios, elegit Deus ad
praedicationis officium. In cuius figura dicitur III Reg. XX, 14 — ego
tradens eos in manu tua per pedissequos principum provinciarum; et Prov.
IX, 3 dicitur quod sapientia misit ancillas ut vocarent ad arcem. In
utrisque autem primorum praedicatorum infirmitas designatur. Et hoc ideo ut
confundat fortia, id est potentes huius mundi. Is. II, 17 — incurvabitur
omnis sublimitas hominum, et humiliabitur altitudo virorum. Tertio ponit defectum
contrarium nobilitati, in quo possunt tria considerari. Primo quidem claritas
generis, quam ipsum nomen nobilitatis designat. Et contra hoc dicit et
ignobilia mundi, id est qui secundum mundum sunt ignobiles. Infra IV, 10
— vos nobiles, nos autem ignobiles. Secundo, circa nobilitatem
considerantur honor et reverentia quae talibus exhibentur, et contra hoc
dicit et contemptibilia, id est homines contemptibiles in hoc mundo
elegit Deus ad praedicationis officium, secundum illud Ps. LXXVIII, 4 — facti
sumus opprobrium vicinis nostris, et his qui in circuitu nostro sunt. Tertio, in nobilitate
consideratur magna opinio quam homines de eis habent. Et contra hoc dicit et
ea quae non sunt, id est quae non videntur esse in saeculo, elegit Deus
ad praedicationis officium. Iob XXX, 2 — quorum virtus manuum erat mihi
pro nihilo, et vita ipsa putabantur indigni. Et hoc ideo ut destrueret
ea quae sunt, id est eos qui in hoc mundo aliquid esse videntur. Is.
XXIII, v. 9 — dominus exercituum cogitavit hoc, ut detraheret superbiam
omnis gloriae, et ad ignominiam deduceret universos inclytos terrae. |
II. (verset 27) : Mais
Dieu a choisi les moins sages, etc. L’Apôtre met ici en opposition leur
abjection par rapport au monde : 1° et d’abord le défaut contraire à la
sagesse : les moins sages selon le inonde, en d’autres termes ceux qui
selon le monde paraissaient insensés, Dieu les a choisis pour l’office
de prédicateurs, c’est-à-dire des pêcheurs illettrés ; (Act., IV,
13) : "Sachant qu’ils étaient des hommes sans lettres et ignorants,
les Juifs s’en étonnaient" ; (Isaïe XXXIII, 18) : "Où
est le lettré ? où est celui qui fait son étude de la Loi ?" - et
cela afin de confondre les sages, c’est-à-dire ceux qui mettaient leur
confiance dans la sagesse du monde, tandis qu’ils n’ont pas connu eux-mêmes
ce qui fut révélé aux simples ; (Matth., XI, 25) : "Vous avez
caché ces choses aux sages et aux prudents, et vous les avez révélées aux
petits" ; (Isaïe XIX, 12) : "Où sont maintenant
vos sages ? qu’ils vous disent l’avenir !" 2° Paul marque ce qui leur manque du
côté de la puissance, en disant : et les faibles selon le monde, c’est-à-dire
des hommes sans puissance selon le monde, par exemple de la campagne et de
basse extraction, Dieu les a choisis pour l’office de prédicateur ; ce
qui était figuré par ce qu’on lit au III° livre des Rois (XX, 14) : "Je
vous livrerai cette multitude entre les mains par les valets des princes des
provinces" ; et (Prov., IX, 3) : La sagesse "a envoyé
ses serviteurs, elle a appelé du lieu le plus élevé de la ville." On
voit dans ces deux passages la faiblesse des premiers prédicateurs. C’était pour
confondre les forts, c’est-à-dire les puissants de ce monde ;
(Isaïe, II, 17) : "Toute grandeur humaine sera humiliée, tout orgueil
sera abattu." 3° Enfin l’Apôtre indique ce qui leur
manque du côté de la noblesse. L’on peut considérer dans la noblesse trois
aspects : 1. l’illustration de la famille
désignée par le nom même de noblesse ; sur ce point, il dit (verset 28) : Il
a choisi les plus vils, c’est-à-dire ceux qui sont vils selon le monde ;
(ci-après, IV, 10) : Vous êtes honorés, nous sommes méprisés. 2. L’honneur et le
respect qu’on rend à ceux qui sont nobles ; sur ce point il dit (verset 28) :
et les plus méprisables, c’est-à-dire Dieu a choisi pour le travail de
la prédication des hommes méprisables selon le monde ; (Psaume LXXVIII, 4)
: "Nous sommes devenus un sujet d’opprobre à nos voisins et pour ceux
qui sont autour de nous." 3. Enfin la haute opinion que les gens
ont de la noblesse ; de cette opinion il dit : et ce qui n’était rien,
c’est-à-dire qui n’était pas aperçu dans le monde, Dieu l’a choisi pour le
ministère de la parole ; (Job, XXX, 2) : "Ceux dont la force et
le travail des mains était pour nous moins que rien et qui étaient regardés
comme indignes de vivre" ; et cela afin de détruire ce qui
est, c’est-à-dire ceux qui dans le monde paraissaient être quelque chose ;
(Isaïe, XXIII, 9) : "Le Seigneur des armées a résolu de renverser
toute la gloire des superbes, et de faire tomber dans l’ignominie tous ceux
qui paraissaient dans le monde avec éclat." |
Deinde assignat causam
dictorum dicens : ideo non elegit in saeculo excellentes sed abiectos, ut
non glorietur omnis caro, etc., id est ut nullus pro quacumque carnis
excellentia glorietur per comparationem ad dominum. Ier. IX, 23 — non
glorietur sapiens in sapientia sua, et non glorietur fortis in fortitudine
sua et non glorietur dives in divitiis suis. Ex hoc enim quod Deus mundum
suae fidei subiecit, non per sublimes in mundo, sive in saeculo, sed per
abiectos, non potest gloriari homo quod per aliquam carnalem excellentiam
salvatus sit mundus. Videretur autem non esse a Deo excellentia mundana, si
Deus ea non uteretur ad suum obsequium. Et ideo in principio quidem paucos,
postremo vero plures saeculariter excellentes Deus elegit ad praedicationis
officium. Unde in Glossa dicitur, quod nisi fideliter praecederet
piscator, non humiliter sequeretur orator. Et etiam ad gloriam Dei
pertinet, dum per abiectos sublimes in saeculo ad se trahit. |
III. L’Apôtre assigne
ensuite la cause de ce qu’il vient de dire, en ajoutant : S’il n’a pas choisi
dans le monde ceux qui y étaient distingués, mais ceux qui étaient méprisés,
c’est (verset 29) : afin que nul homme ne se glorifie, etc., c’est-à-dire
afin que nul, pour quelque excellence selon la chair, ne se glorifie en se
comparant avec le Seigneur ; (Jér., IX, 23) : "Que le sage ne se
glorifie point de sa sagesse, et que le fort ne se glorifie point de sa
force, et que le riche ne se glorifie point dans ses richesses." Car
de ce que Dieu a soumis le monde à sa foi, non par ceux qui étaient élevés
dans le monde ou dans le siècle, mais par ceux qui étaient méprisés, il
s’ensuit que l’homme ne peut se glorifier, comme si le monde avait été sauvé
par quelque excellence selon la chair. Cependant l’excellence du monde ne
paraîtrait pas venir de Dieu si Dieu lui-même ne s’en servait pas pour se
faire rendre hommage. Voilà pourquoi, dans les commencements, Dieu a choisi
d’abord quelques hommes et ensuite un grand nombre, parmi ceux qui étaient
distingués selon le siècle, pour prêcher la foi. Aussi la Glose dit-elle : Si
le pêcheur ne précédait avec fidélité, l’orateur ne suivrait pas avec
humilité ; et il appartient aussi à la gloire de Dieu d’attirer à Lui,
par ceux qui sont méprisés, ceux qui sont élevés dans le siècle. |
Deinde cum dicit ex ipso
autem vos estis, ne praedicatores fidei tamquam non excellentes, sed
abiecti in saeculo contemnerentur, ostendit quomodo Deus praedictum defectum
in eis supplet. |
II° Quand S. Paul dit (verset 30) : C’est par là que vous êtes établis
en Jésus-Christ, il montre comment Dieu, pour
empêcher que les prédicateurs de la foi ne soient méprisés comme gens abjects
et sans distinction dans le siècle, a suppléé en eux ce qui leur manquait. |
Et circa hoc tria facit.
Primo ostendit cui sit attribuenda salus mundi, quae praedicatorum ministerio
facta est, dicens : dictum est quod vocati estis non per excellentes sed per
abiectos in saeculo, ex quo patet quod vestra conversio non est homini
attribuenda sed Deo. Et hoc est quod dicit ex ipso autem, id est ex
virtute Dei, vocati estis in Christo Iesu, id est ei iuncti et
incorporati per gratiam. Eph. II, v. 10 — ipsius enim factura sumus,
creati in Christo Iesu in operibus bonis. |
I. A cet effet, il
fait voir d’abord à qui il faut attribuer le salut du monde, qui a été
produit par le ministère des prédicateurs. Il a été établi, dit-il, que vous
avez été appelés non par ceux qui étaient distingués dans le siècle, mais par
ceux qui y étaient méprisés ; il est donc évident que votre conversion n’est
pas l’oeuvre de l’homme, mais l’oeuvre de Dieu. C’est ce que dit l’Apôtre
(verset 30) : C’est donc par Lui, c’est-à-dire par la force de Dieu, que
vous avez été établis en Notre Seigneur Jésus-Christ, c’est-à-dire que
vous êtes unis à Lui et ne faites plus qu’un corps avec Lui par la grâce ;
(Ephés., II, 10) : "Nous sommes son ouvrage, créés en Jésus-Christpour
accomplir de bonnes oeuvres." |
Deinde ostendit quomodo Deus
praedictos defectus in praedicatoribus suis supplet per Christum. Et primo
quantum ad defectum sapientiae, cum dicit qui, scilicet Christus, factus
est nobis praedicantibus fidem, et, per nos, omnibus fidelibus, sapientia,
quia ei inhaerendo, qui est Dei sapientia, et participando ipsum per gratiam,
sapientes facti sumus. Et hoc a Deo, qui nobis Christum dedit et nos ad ipsum
traxit, secundum illud Io. VI, 44 — nemo potest venire ad me, nisi pater,
qui me misit, traxerit eum. Deut. c. IV, 6 — haec est vestra sapientia
et intellectus coram populis. Secundo quantum ad defectum
potentiae, dicit et iustitia, quae propter sui fortitudinem thoraci
comparatur Sap. V, 19 — induet pro thorace iustitiam. Dicitur autem
Christus nobis factus iustitia, inquantum per eius fidem iustificamur,
secundum illud Rom. III, v. 22 — iustitia autem Dei per fidem Christi Iesu.
Tertio quantum ad defectum
nobilitatis subdit et sanctificatio, et redemptio. Sanctificamur enim
per Christum, inquantum per eum Deo coniungimur, in quo consistit vera
nobilitas, secundum illud I Reg. II, 30 — quicumque honorificaverit me,
glorificabo eum, qui autem contemnunt me, erunt ignobiles. Unde dicitur
Hebr. ult. : Iesus ut sanctificaret per suum sanguinem populum, extra
portam passus est. Factus est autem nobis redemptio, inquantum per
ipsum redempti sumus de servitute peccati, in quo vere ignobilitas consistit.
Unde in Ps. XXX, 6 dicitur : redemisti me, Deus veritatis. |
II. Ensuite il fait
voir que Dieu supplée par Jésus-Christ ce qui manque aux prédicateurs de la
foi : 1° et d’abord le manque de sagesse, lequel,
à savoir Jésus-Christ (verset 30), est devenu pour nous qui prêchons
la foi, et par nous pour tous les fidèles, la sagesse, parce
qu’en nous unissant à Lui, qui est la sagesse de Dieu, et en participant à
Lui par la grâce, nous sommes devenus sages, et cela grâce à Dieu qui nous a
donné Jésus-Christ et nous a attirés à Lui ; (Jean VI, 44) : "Nul
ne peut venir à moi si le Père qui m’a envoyé ne l’attire" ; et
(Deut., IV, 6) : "Telles seront votre sagesse et votre intelligence
devant les peuples." 2° Le manque de puissance (verset 30) :
et notre justice, qui, à cause de sa force, est comparée à la cuirasse ;
(Sag., V, 19) : "Il prendra la justice pour cuirasse." Or il
est dit que Jésus-Christ nous a été donné comme notre justice, parce que
c’est en sa foi que nous sommes justifiés ; (Rom., III, 22) : "la
justice de Dieu par la foi en Jésus-Christ." 3° Enfin le manque de noblesse (verset
30) : notre sanctification et notre rédemption. Nous sommes, en effet,
sanctifiés par Jésus-Christ, en tant que par lui nous sommes unis à Dieu, et
c’est en quoi consiste la véritable noblesse, suivant cette parole du 1er
livre des Rois (II, 30) : "Je glorifierai celui qui m’aura glorifié,
et ceux qui me méprisent seront couverts d’ignominie." De là cette
parole (Hébr., XIII, 12) : "C’est pourquoi Jésus, afin de sanctifier
le peuple par son propre sang, a souffert sa passion hors de la ville."
Il est de venu notre rédemption, en tant que par Lui nous avons été rachetés
de la servitude du péché qui constitue la véritable bassesse. C’est de là
encore qu’il est dit (Psaume XXX, 6) : "Vous m’avez racheté, Dieu de
vérité !" |
Tertio assignat dictorum causam, cum dicit ut
quemadmodum scriptum est, Ier. IX, 23 s., qui autem gloriatur, in
domino glorietur; ubi nostra littera habet : in hoc glorietur scire et
nosse me. Dicit enim : si salus hominis non provenit ex aliqua
excellentia humana, sed ex sola virtute divina, non debetur homini gloria,
sed Deo, secundum illud Ps. CXIII, 1 — non nobis, domine, non nobis, sed
nomini tuo da gloriam. Eccli. ult. : danti mihi sapientiam, dabo
gloriam. |
III. Enfin S. Paul donne
la raison de ce qui précède (verset 31) : afin que, selon qu’il est écrit
(Jér., IX, 24) : "celui qui se glorifie ne se glorifie que dans le
Seigneur." Notre Vulgate porte en cet en droit (verset 24) : "[Que
celui qui se glorifie], se glorifie de me connaître et de savoir que je suis
le Seigneur." Si, dit l’Apôtre, le salut de l’homme ne procède point
de quelque excellence humaine, mais uniquement de la force de Dieu, la gloire
n’est pas due à l’homme, mais à Dieu, selon cette parole (Psaume CXIII, 1) : "Faites
éclater votre gloire, non pas pour nous, Seigneur, mais pour votre nom" ;
et (Ecclésiastique LI, 3) : "A celui qui me donne la sagesse je
rendrai la gloire". |
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Caput 2 |
CHAPITRE II — SAGESSE DE DIEU, FOLIE POUR LE MONDE |
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Lectio 1 |
Leçon 1 : 1 Corinthiens II, 1-7 — Prêcher la mystérieuse Sagesse de Dieu |
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SOMMAIRE : Que l’Apôtre n’a pas été envoyé pour prêcher l’Evangile avec les recherches et la sagesse de la parole humaine, bien qu’il sache annoncer la sagesse aux parfaits ; parmi eux il n’a voulu savoir autre chose que Jésus-Christ. |
[1] et ego cum venissem ad vos fratres veni non per
sublimitatem sermonis aut sapientiae adnuntians vobis testimonium Christi [2] non enim iudicavi scire me aliquid inter vos nisi Iesum
Christum et hunc crucifixum [3] et ego in infirmitate et timore et tremore multo fui apud
vos [4] et sermo meus et praedicatio mea non in persuasibilibus
sapientiae verbis sed in ostensione Spiritus et virtutis [5] ut fides vestra non sit in sapientia hominum sed in
virtute Dei [6] sapientiam autem loquimur inter perfectos sapientiam vero
non huius saeculi neque principum huius saeculi qui destruuntur [7] sed
loquimur Dei sapientiam in mysterio quae abscondita est quam praedestinavit
Deus ante saecula in gloriam nostram |
1. Pour
moi, mes frères, lorsque je suis venu vers vous pour vous annoncer l'Evangile
du Christ, je ne suis point venu avec les discours élevés de l'éloquence et
de la sagesse ; 2. Car j’ai
fait profession de ne savoir autre chose parmi vous que le Christ, et le
Christ crucifié. 3. Et tant
que j’étais parmi vous, j’y ai toujours été dans un état de faiblesse, de
crainte et de tremblement ; 4. Et je
n'ai point employé en vous parlant et en vous prêchant les discours
persuasifs de la sagesse humaine, mais les effets sensibles de l’Esprit et de
la vertu, 5. Afin que
votre foi ne repose point sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de
Dieu. 6. Nous
prêchons néanmoins la sagesse parmi les parfaits, non la sagesse de ce monde
ni des princes de ce monde qui se détruisent ; 7. Mais
nous prêchons la sagesse de Dieu, sagesse mystérieuse et cachée, qu'il avait
prédestinée avant tous les siècles pour notre gloire. |
[86238] Super 1 Cor., cap. 2 l. 1 Postquam apostolus ostendit
quis sit conveniens modus doctrinae Christianae, hic ostendit se illum modum
observasse. Et circa hoc tria facit : primo ostendit se non fuisse usum apud
eos aliqua excellentia saeculari; secundo ostendit apud quos excellentia
spirituali utatur, ibi sapientiam autem loquimur inter perfectos,
etc., tertio rationem assignat, ibi quae etiam loquimur, et cetera. Circa primum tria facit. Primo dicit quod non
ostendit apud eos excellentiam saecularis sapientiae; secundo quod non
praetendit excellentiam potentiae saecularis, ibi et ego in infirmitate;
tertio non praetendit excellentiam eloquentiae, ibi et sermo meus. Circa primum duo facit. Primo proponit quod
intendit; secundo rationem assignat, ibi non enim iudicavi. Dicit ergo primo : quia dictum est quod Christus
misit me evangelizare non in sapientia verbi, et quod non sunt multi
sapientes, et ego, fratres, quamvis sapientiam saecularem habeam,
secundum illud I1 Cor. XI, 6 — et si imperitus sermone, sed non scientia,
cum venissem ad vos, convertendos ad Christum, ut habetur Act. XVIII, 1, veni
annuntians vobis testimonium Christi, secundum illud Act. IV, 33 — virtute
magna reddebant apostoli testimonium resurrectionis domini nostri Iesu
Christi, et hoc non in sublimitate sermonis aut sapientiae.
Attenditur autem sublimitas sapientiae in consideratione aliquorum sublimium
et elevatorum supra rationem et sensum hominum. Eccli. XXIV, 7 — ego in
altissimis habitavi. Sublimitas autem sermonis potest referri vel ad
verba significantia sapientiae conceptiones, secundum illud Eccle. ult. : verba
sapientium quasi stimuli, et quasi clavi in altum defixi, vel ad modum
ratiocinandi per aliquas subtiles vias. Nam in Graeco habetur logos, quod et
verbum et rationem significat, ut Hieronymus dicit. Hoc autem dicit
apostolus, quia fidem Christi per huiusmodi sublimitates sermonis aut
sapientiae confirmare nolebat. I Reg. II, 3 — nolite multiplicare sublimia.
Deinde huius rationem assignat, dicens non
enim iudicavi me scire aliquid, nisi Christum Iesum. Non enim ad hoc opus erat
ut sapientiam ostentaret sed ut demonstraret virtutem, secundum illud I1 Cor.
IV, 5 — non enim praedicamus nosmetipsos, sed Iesum Christum. Et ideo
solum utebatur his quae ad demonstrandam virtutem Christi pertinebant,
existimans se ac si nihil sciret quam Iesum Christum. Ier. IX, 24 — in hoc
glorietur qui gloriatur, scire et nosse me. In Christo autem Iesu, ut
dicitur Col. II, 3, sunt omnes thesauri sapientiae et scientiae Dei absconditi,
et quantum ad plenitudinem deitatis et quantum ad plenitudinem sapientiae et
gratiae, et etiam quantum ad profundas incarnationis rationes, quae tamen
apostolus eis non annuntiavit sed solum ea quae erant manifestiora et inferiora
in Christo Iesu. Et ideo subdit et hunc crucifixum, quasi dicat : sic
vobis me exhibui ac si nihil aliud scirem quam crucem Christi. Unde Gal. ult.
dicit : mihi absit gloriari, nisi in cruce domini nostri Iesu Christi.
Quia igitur per sapientiam verbi evacuatur crux Christi, ut dictum est ideo
ipse apostolus non venerat in sublimitate sermonis aut sapientiae. Deinde cum dicit et ego in infirmitate,
etc., ostendit quod non praetenderit apud eos potentiam, sed potius
contrarium et foris et intus. Unde quantum ad id quod foris est dicit et
ego fui apud vos in infirmitate, id est tribulationes apud vos patiens. Gal. IV, 13 — scitis
quia per infirmitatem carnis evangelizavi vobis iampridem. Ps. XV, 4 — multiplicatae
sunt infirmitates eorum. Quantum vero ad id quod intus est, dicit et
timore, scilicet de Deinde cum dicit et sermo meus, ostendit
quod non praetenderit apud eos excellentiam eloquentiae : et circa hoc tria
facit. Primo excludit indebitum modum praedicandi, dicens et sermo meus,
quo scilicet privatim et singulariter aliquos instruebam, Eph. IV, v. 29 — omnis
sermo malus ex ore vestro non procedat, sed si quis bonus est ad
aedificationem fidei; et praedicatio mea, qua scilicet publice docebam, non
fuit in verbis persuasibilibus humanae sapientiae, id est per rhetoricam,
quae componit ad persuadendum. Ut scilicet supra dixit quod non fuit
intentionis quod sua praedicatio niteretur philosophicis rationibus, ita nunc
dicit non fuisse suae intentionis niti rhetoricis persuasionibus. Is. c.
XXXIII, 19 — populum impudentem non videbis, populum alti sermonis, ita ut
non possis intelligere disertitudinem linguae eius, in quo nulla est
sapientia. Secundo ostendit debitum modum quo usus fuit in
praedicando, dicens : sermo meus fuit in ostensione spiritus et virtutis,
quod quidem potest intelligi dupliciter. Uno modo quantum ad hoc
quod credentibus praedicationi eius dabatur spiritus sanctus, secundum illud
Act. X, 44 —
adhuc loquente Petro verba haec, cecidit spiritus sanctus super omnes qui
audiebant verbum. Similiter
etiam suam praedicationem confirmabat, faciendo virtutes, id est miracula,
secundum illud Marc. c. ultimo : sermonem confirmante sequentibus signis.
Unde Gal. III, 5 — qui tribuit vobis spiritum, et operatur in vobis.
Alio modo potest intelligi quantum ad hoc quod ipse per spiritum loquebatur,
quod sublimitas et affluentia doctrinae ostendit. II Reg. c. XXIII, 2 — spiritus
domini locutus est per me. Et I1 Cor. IV, 13 — habentes eumdem
spiritum fidei credimus, propter quod et loquimur. Confirmat etiam suam
praedicationem, ostendendo in sua conversatione multa opera virtuosa. I Thess. II, 10 — vos
enim testes estis, et Deus, quam sancte et iuste sine querela vobis qui
credidistis, affuimus. Tertio assignat rationem dictorum, dicens ut
fides vestra non sit in sapientia hominum, id est non innitatur
sapientiae humanae, quae plerumque decipit homines, secundum illud Is. XLVII,
10 — sapientia tua et scientia tua haec decepit te. Sed in virtute Dei,
ut scilicet virtuti divinae fides innitatur, et sic non possit deficere. Deinde cum dicit sapientiam loquimur,
etc., ostendit apud quos excellentia spiritualis sapientiae utatur. Et primo
proponit quod intendit; secundo manifestat propositum, ibi sapientiam vero.
Dicit ergo : apud vos solum Christum crucifixum
praedicavi, sapientiam autem, id est profundam doctrinam, loquimur
inter perfectos. Dicuntur autem aliqui
perfecti dupliciter : uno modo, secundum intellectum; alio modo secundum
voluntatem. Haec enim inter potentias animae sunt propria hominis, et ideo
secundum eas oportet hominis perfectionem considerari. Dicuntur autem
perfecti intellectu illi, quorum mens elevata est super omnia carnalia et
sensibilia, qui spiritualia et intelligibilia capere possunt, de quibus
dicitur Hebr. c. V, 14 — perfectorum est solidus cibus, eorum qui per consuetudinem
exercitatos habent sensus ad discretionem mali et boni. Perfecti autem secundum voluntatem sunt, quorum voluntas super omnia
temporalia elevata soli Deo inhaeret et eius praeceptis. Unde Matth. V, 48,
praepositis dilectionis mandatis, subditur : estote perfecti sicut et
pater vester caelestis perfectus est. Quia igitur doctrina
fidei ad hoc ordinatur, ut fides per dilectionem operetur, ut habetur Gal. V,
6, necesse est eum qui in doctrina fidei instruitur, non solum secundum
intellectum bene disponi ad capiendum et credendum sed etiam secundum
voluntatem et affectum bene disponi ad diligendum et operandum. Deinde cum dicit sapientiam vero, etc.,
exponit qualis sit sapientia de qua mentionem fecit. Et primo ponit
expositionem; secundo rationem expositionis confirmat, ibi quam nemo
principum, et cetera. Circa primum duo facit. Primo exponit qualis sit
ista sapientia per comparationem ad infideles; secundo, per comparationem ad
fideles, ibi sed loquimur Dei sapientiam, et cetera. Dicit ergo primo : dictum est quod sapientiam loquimur inter
perfectos. Sapientiam vero dico, non huius saeculi, id est de
rebus saecularibus, vel quae est per rationes humanas; neque eam principum
huius saeculi. Et sic separat eam a sapientia mundana, et quantum ad modum
et materiam inquirendi, et quantum ad auctores, qui sunt principes huius
saeculi; quod potest intelligi de triplici genere principum, secundum
triplicem sapientiam humanam. Primo possunt dici principes huius saeculi reges et potentes
saeculares, secundum illud Ps. II, 2 — principes convenerunt in unum
adversus dominum et adversus Christum eius. A quibus principibus venit
sapientia humanarum legum, per quas res huius mundi in vita humana
dispensantur. Secundo possunt dici principes Daemones. Io. XIV, 30 — venit
princeps mundi huius, et in me non habet quicquam, et cetera. Et ab his
principibus venit sapientia culturae Daemonum, scilicet necromantia, et
magicae artes, et huiusmodi. Tertio possunt intelligi principes huius saeculi
philosophi, qui quasi principes se exhibuerunt hominibus in docendo, de
quibus dicitur Is. XIX, v. 11 — stulti principes Thaneos, sapientes
consiliarii Pharaonis. Et ab his principibus processit tota humana
philosophia. Horum autem principum homines destruuntur per mortem et per amissionem
potestatis et auctoritatis : Daemones vero non per mortem, sed per amissionem
potestatis et auctoritatis, secundum illud Io. XII, 31 — nunc princeps
huius mundi eicietur foras; de hominibus autem dicitur Bar. III, 16 — ubi
sunt principes gentium? Et postea subdit : exterminati sunt et ad
Inferos descenderunt. Sicut ipsi non sunt stabiles, ita et eorum
sapientia non potest esse firma : et ideo non ei innitendum est. Deinde cum dicit sed loquimur, etc.,
exponit qualis sit sapientia per comparationem ad fideles. Et primo describit eam quantum ad materiam vel
auctoritatem, cum dicit sed loquimur Dei sapientiam, id est quae est
Deus et a Deo. Quamvis enim omnis sapientia a Deo sit, ut dicitur Eccli. I,
1, tamen speciali quodam modo haec sapientia, quae est de Deo, est etiam a
Deo per revelationem, secundum illud Sap. IX, 17 — sensum autem tuum quis
sciet, nisi tu dederis sapientiam et miseris spiritum tuum de altissimis?
Secundo ostendit qualitatem eius, dicens in
mysterio, quae abscondita est; haec enim sapientia abscondita est ab
hominibus, inquantum hominis intellectum excedit, secundum illud Eccli. III,
25 — plurima supra sensum hominis ostensa sunt tibi. Unde dicitur Iob
c. XXVIII, 21 — abscondita est ab oculis omnium viventium. Et quia
modus docendi et doctrinae debet esse conveniens, ideo dicitur quod loquitur
eam in mysterio, id est in aliquo occulto, vel verbo vel signo. Infra
XIV, 2 — spiritus loquitur mysteria. Tertio ostendit fructum huius sapientiae, dicens quam
Deus praedestinavit, id est praeparavit, in gloriam nostram, id
est praedicatorum fidei, quibus ex praedicatione tam altae sapientiae gloria
magna debetur, et apud Deum, et apud homines. Prov. III, 35 — gloriam
sapientes possidebunt. Et quod dicit in gloriam nostram,
exponendum est omnium fidelium, quorum gloria haec est ut in plena luce
cognoscant ea quae nunc in mysterio praedicantur, secundum illud Io. c. XVII,
3 — haec est vita aeterna ut cognoscant te solum Deum verum, et quem
misisti Iesum Christum. |
Saint Paul,
après avoir dit quel est le mode convenable à l’enseignement chrétien, fait
voir qu’il a lui-même suivi ce mode. I° Il établit qu’il ne s’est prévalu parmi eux d’aucun
avantage du siècle ; II° il montre
près de qui il se sert des avantages selon l’esprit, à ces mots (verset 6) : Nous
prêchons néanmoins la sagesse aux parfaits, etc. ; III° il en donne la
raison, à ces autres (verset 13) : et ces dons, nous les annoncerons, etc.
. I° Sur le premier de ces points l’Apôtre dit : I. qu’il ne fait pas
ostentation parmi eux des avantages de la sagesse mondaine ; II. qu’il ne se prévaut
pas de la puissance selon le siècle, à ces mots (verset 3) : Et j’ai été
au milieu de vous dans un état de faiblesse ; III. qu’il n’emploie pas l’avantage de l’éloquence, à ces
autres (verset 4) : Mes discours, etc." I. En ce qui regarde
la sagesse, 1° il énonce
ce qu’il veut établir ; 2° il le
prouve, à ces mots (verset 2) : Car je n’ai pas prétendu savoir. 1° Il reprend donc : J’ai dit que
Jésus-Christ m’a envoyé pour annoncer l’Evangile non avec la sagesse de la
parole, et qu’il y a peu de sages ainsi envoyés (verset 1) : Pour moi, mes
frères, bien que je possède la sagesse mondaine (I1 Cor., XI, 6) : "Et
si je suis inhabile par la parole, il n’en est pas de même pour la
science," – lorsque je suis venu vers vous pour vous convertir à
Jésus-Christ, ainsi qu’il est rapporté au ch. XVIII, 1, des Actes : "Je
suis venu vous annonçant le témoignage de Jésus-Christ," selon cette
parole tirée également des Actes (IV, 33) : "Les apôtres rendaient
témoignage avec une grande force à la résurrection de J.-C. N.-S."
et Je ne suis point venu avec l’éclat d’une éloquence et d’une sagesse
humaines. Or on reconnaît la sublimité de la sagesse dans les
développements de quelques vérités sublimes et élevées au-dessus de la raison
et des sens des hommes (Ecclésiastique XXIV, 7) : "J’ai habité dans
les lieux très hauts", mais la sublimité des discours peut
s’entendre ou des paroles qui expriment les conceptions de la sagesse
(Ecclésiastique XIX, 15) : "Les paroles des sages sont comme des
aiguillons et comme des clous fixés profondément", ou bien de la
méthode de raisonnement par quelques déductions subtiles, car il y a dans le terme
grec logos, ce qui indique et la parole et la raison, comme le
remarque Saint Jérôme. L’Apôtre parle ainsi parce qu’il ne voulait pas défendre
la foi de Jésus-Christ par ces sortes de sublimités de la sa gesse ou du
discours ; (I Rois, II, 3) : "Gardez-vous de multiplier les
paroles pleines d’orgueil." 2° Il donne la raison de ce qu’il
vient de dire, en ces termes (verset 2) : Car je n’ai pas prétendu parmi
vous savoir autre chose que Jésus-Christ. Pour cela, en effet, il n’était
pas besoin que l’Apôtre fît ostentation de sagesse, mais qu’il donnât des
preuves de puissance (I1 Cor., IV, 5) : "Car nous ne nous prêchons
pas nous-mêmes, mais nous prêchons Jésus-Christ." Voilà pourquoi il
n’employait que ce qui pouvait manifester la puissance de Jésus-Christ, se
regardant comme s’il ne savait rien d’autre que Jésus-Christ ; (Jér.,
IX, 24) : "Que celui qui se glorifie, se glorifie de me connaître et
de savoir que je suis le Seigneur." Or en Jésus-Christ (Colos., II,
3) : "Sont renfermés tous les trésors de la sagesse et de la science de
Dieu," et quant à la plénitude de la divinité, quant à la plénitude
de la sagesse et de la grâce, et même quant aux raisons profondes de
l’Incarnation, ce que pourtant ne leur annonçait pas l’Apôtre, qui s’en tint
à ce qui était plus manifeste et plus humble dans Notre Seigneur
Jésus-Christ. Aussi ajoute t-il : et Jésus crucifié, comme s’il disait
: je me suis présenté à vous comme ne sachant rien autre chose que la croix
de Jésus-Christ ; (Gal., VI, 14) : "Pour moi, à Dieu ne plaise
que je me glorifie en autre chose que dans la croix de Jésus-Christ Notre
Seigneur ! Ainsi donc, parce que la sagesse de la parole humaine
anéantissait la croix de Jésus-Christ, l’Apôtre, d’après ce qui précède, n’était
pas venu avec l’éclat de l’éloquence ou de la sagesse. II. En ajoutant (verset
3) : Et j’ai été au milieu de vous dans un état de faiblesse, saint
Paul fait voir qu’au milieu d’eux il ne s’est pas appuyé sur la puissance,
mais plutôt extérieurement et intérieurement sur tout ce qui lui est opposé. 1° Et d’abord pour l’extérieur (verset
3) : Et j’ai été au milieu de vous dans un état de faiblesse,
c’est-à-dire supportant parmi vous les tribulations (Gal., 1V, 13) : "Vous
savez que je vous ai autrefois prêché l’Evangile parmi les infirmités de la
chair" ; (Psaume XV, 4) : "Ils ont multiplié leurs
infirmités." 2° Quant à l’intérieur, il ajoute : et
de crainte, à savoir des maux qui étaient prêchés, et de tremblement,
c’est-à-dire en tant que la crainte intérieure réagit sur le corps ; (I1
Cor., VII, 5) : "Combats au dehors, frayeurs au dedans." III. (verset 4) : Mon
discours, l’Apôtre fait voir ici qu’il ne s’est pas prévalu de l’avantage
de l’éloquence. Sur ce point, il fait trois choses : 1° il réprouve ce mode, qui ne
convient pas à l’enseignement, en disant (verset 4) : Mon discours, à
savoir par lequel j’instruisais quelques personnes en particulier et
séparément ; (Ephés., IV, 29) : "Que nul mauvais discours ne
sorte de votre bouche, et qu’il n’en sorte que de bons et de propres à
nourrir la foi″ - et ma prédication, par laquelle j’enseignais.
publiquement, n’ont pas consisté dans les paroles persuasives de la
sagesse humaine, c’est-à-dire dans l’emploi de la rhétorique, qui se sert
d’artifices pour persuader, en sorte que, comme il a dit plus haut qu’il n’a
pas eu l’intention d’appuyer sa prédication sur les raisonnements philosophiques,
il dit maintenant qu’il n’a pas été dans son intention de s’appuyer sur les
moyens persuasifs de la rhétorique ; (Isaïe XXXIII, 19) : "Vous
ne verrez plus ce peuple orgueilleux, ce peuple obscur dans ses discours,
dont vous ne pourrez entendre le langage étudié, et qui n’a aucune
sagesse." 2° Il montre le mode légitime qu’il a
suivi en prêchant, en disant (verset 4) : Mes discours ont consisté dans
les preuves sensibles de l’es prit et de 3° Il donne la raison de ce qui
précède, en disant (verset 5) : afin que votre foi ne soit pas établie sur
la sagesse des hommes, c’est-à-dire ne s’appuie point sur la sagesse
humaine, qui, le plus souvent, trompe les hommes, selon cette parole d’Isaïe
(XLVII, 10) : "Votre sagesse et votre science, voilà ce qui vous a
séduites" - mais sur la puissance de Dieu, c’est-à-dire de façon que
votre foi repose sur la puissance divine, et qu’ainsi elle ne puisse
défaillir ; (Rom., I, 16) : "Je ne rougis point de l’Evangile,
parce qu’il est la vertu de Dieu pour sauver tous ceux qui croient." II° En disant (verset 6) : Nous prêchons maintenant la sagesse, etc., l’Apôtre
désigne ceux auprès desquels il se sert des avantages de la sagesse
spirituelle. I. Il énonce
ce qu’il veut établir; II. il
développe sa proposition, à ces mots (verset 6) : non la sagesse de ce
monde. I. Il dit donc : Je
n’ai prêché pour vous que Jésus crucifié ; mais la sagesse,
c’est-à-dire la doctrine profonde, nous la prêchons au milieu des
parfaits. On peut être appelé parfait dans deux sens différents : d’abord
quant à l’intelligence, ensuite quant à la volonté ; car, parmi les
puissances de l’âme, celles-ci sont propres à l’homme, et, par conséquent,
c’est d’après elles qu’on doit considérer dans l’homme la perfection. Or on
peut appeler parfaits quant à l’intelligence, ceux dont l’esprit est
élevé au-dessus des choses charnelles et sensibles, parce que ces hommes sont
susceptibles de comprendre les choses spirituelles et intellectuelles. De
ceux-ci il est dit (Hébr., V, 14) : "La nourriture solide est pour
les parfaits, pour ceux dont l’esprit, par un long exercice, s’est accoutumé
à discerner le bien et le mal." Ceux-là sont parfaits selon la
volonté, en qui cette faculté, élevée au-dessus de toutes les choses temporelles,
n’adhère qu’à Dieu et à ses préceptes. Aussi (Matthieu V, 48), après avoir
établi les préceptes de l’amour, le Sauveur ajoute t-il : "Soyez donc
parfaits comme votre Père céleste est parfait." L’enseignement de la
foi étant donc ordonné pour faire agir la foi par la charité, ainsi qu’il est
dit au ch. V, 6 de l’épître aux Galates, il est nécessaire que celui qu’on
instruit dans la doctrine de la foi soit non seulement disposé quant à
l’intelligence à recevoir la vérité et à croire, mais encore, quant à sa
volonté et à l’affection, à aimer et à bien agir. II. Lorsqu’il ajoute
(verset 7) : mais nous prêchons la sagesse de Dieu, etc… l’Apôtre
explique quelle est la sagesse dont il a parlé. Et d’abord il donne son
explication. Il en déduit ensuite la raison, à ces mots (verset 8) : qu’aucun
des princes de monde, etc… Il expose donc, dans son explication, quelle
est cette sagesse, par comparaison avec ceux qui n’ont pas la foi, et
en second lieu par comparaison avec les fidèles, à ces mots : Mais nous
prêchons la sagesse de Dieu, etc… 1° Il dit donc : Il a été dit que nous
prêchons la sagesse aux parfaits ; je dis la sagesse non pas de ce monde,
c’est-à-dire des choses du siècle, ou celle qui s’établit par des
raisonnements humains, ni celle des princes de ce monde,
séparant de cette manière la sagesse qu’il prêche de la sagesse du monde, et
quant au mode d’en rechercher l’objet et quant aux auteurs, qui sont les
princes de ce siècle ; ce qui peut être entendu de trois espèces de princes,
suivant les trois espèces de sagesse humaine. A) On peut donc en- tendre par princes de ce siècle les
rois et les puissants du siècle, selon cette parole du Psalmiste (II, 2) : "Les
princes se sont ligués contre le Seigneur et contre son Christ."
C’est de ces princes que procède la sagesse des lois humaines qui règlent les
choses de cette vie. B) En second lieu, les démons ;
(Jean XIV, 30) : "Le prince de ce monde est venu, et il n’y a en moi
rien qui lui appartienne, etc…" De ces princes vient la sagesse du
culte des démons, c’est-à-dire la nécromancie, la magie et autres pratiques
semblables. C) Enfin par princes du siècle on peut
entendre par princes de ce siècle les philosophes, qui se sont montrés aux
hommes comme les princes de l’enseignement, et dont il est dit (Isaïe, XIX,
11) : "Les princes de Tanis ont perdu le sens, ces sages conseillers
de Pharaon…" C’est de ces princes qu’est sortie toute la philosophie
humaine. Or, parmi ces princes, les humains tombent par la mort, par la perte
de la puissance et de l’autorité ; les démons, eux, ne périssent pas par la
mort, ils perdent l’autorité et la puissance, suivant cette parole (Jean XII,
31) : "Maintenant le prince de ce monde sera chassé" ;
et quant aux hommes (Baruch, III, 16) : "Où sont les princes des
nations ?" et peu après : "Ils ont été exterminés ; ils sont
descendus dans les enfers." De même donc qu’ils sont eux-mêmes sans stabilité,
leur sagesse ne peut être solide : voilà pourquoi il ne faut pas s’appuyer
sur elle. 2° L’Apôtre continue (verset 7) : Mais
nous prêchons, etc…, expliquant quelle est cette sagesse par rapport à
ceux qui croient. A) Et d’abord il la décrit quant à son
objet ou son autorité, en disant (verset 7) : Mais nous prêchons la
sagesse de Dieu, c’est-à-dire qui est Dieu et vient de Dieu. Car, bien
que toute sagesse vienne de Dieu comme le dit l’Ecclésiastique I, 1,
cependant cette sagesse, qui est de Dieu par une disposition particulière,
vient aussi de Lui par la révélation (Sag., IX, 17) : "Qui saura
votre pensée, Seigneur, si vous ne donnez la sagesse et si vous n’envoyez pas
votre Esprit d’en haut ?" B) Ensuite il en montre l’excellence
(verset 7) : mystérieuse et cachée. Car cette sagesse est cachée pour
les hommes, dont elle surpasse l’intelligence ; (Ecclésiastique III, 25)
: "Un grand nombre de merveilles qui surpassent l’esprit de l’homme
sont devant ses yeux." De là (Job, XXVIII, 21) : "Elle est cachée
aux yeux de tous les êtres vivants". Et, parce que le mode
d’enseignement et la doctrine doivent être en rapport, l’Apôtre ajoute
(verset 7) qu’il a prêché cette sagesse dans son mystère, c’est-à-dire
comme placée sous le voile qui la cache, parole ou signe ; (plus bas,
XIV, 2) : C’est par l’Esprit qu’il révèle les mystères. C) Enfin il en indique les fruits,
quand il dit (verset 7) : que Dieu, avant tous les siècles, avait
prédestinée, c’est-à-dire préparée, pour notre gloire, à savoir
celle des prédicateurs de la foi, à qui une grande gloire est due et devant
Dieu et devant les hommes, en raison de la prédication d’une si haute sagesse ;
(Prov., III, 35) : "Les sages posséderont la gloire en
héritage." Ce que dit l’Apôtre : pour notre gloire, peut s’appliquer
à tous les fidèles, dont la gloire consiste à connaître dans une complète
lumière ce qui est maintenant prêché dans le mystère, selon cette parole de saint
Jean (XVII, 3) : "Et c’est la vie éternelle de vous connaître, vous
le seul Dieu véritable, et Jésus-Christ que vous avez envoyé." |
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Lectio 2 |
Leçon 2 : 1 Corinthiens II, 8-12 — Sagesse cachée au monde |
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SOMMAIRE : Que Dieu a caché sa sagesse aux princes de ce siècle, et qu’il l’a révélée par son Esprit à ses apôtres. |
8. quam nemo
principum huius saeculi cognovit : si enim cognovissent, numquam Dominum
gloriae crucifixissent. 9. Sed
sicut scriptum est : « Quod oculus non vidit, nec auris audivit, nec in
cor hominis ascendit, quae praeparavit Deus iis, qui diligunt illum : 10. nobis
autem revelavit Deus per spiritum suum : Spiritus enim omnia scrutatur, etiam
profunda Dei. 11. Quis
enim hominum scit quae sunt hominis, nisi spiritus hominis, qui in ipso
est ? ita et quae Dei sunt, nemo cognovit, nisi Spiritus Dei. 12. Nos
autem non spiritum huius mundi accepimus, sed<Spiritum, qui ex Deo est, ut
sciamus quae a Deo donata sunt nobis. |
8. Que nul
des princes de ce monde n’a connue; car s’ils l’eussent connue, ils n’eussent
jamais crucifié le Seigneur de la gloire; 9. Et de
laquelle il est écrit que l’oeil n’a pas vu, l’oreille n’a pas entendu et le
coeur de l’homme n’a jamais conçu ce que Dieu a préparé pour ceux qui
l’aiment. 10. Mais
pour nous, Dieu nous l’a révélée par son Esprit, parce que l’Esprit pénètre
tout, jusqu’aux secrets les plus profonds de Dieu. 11. Car qui
des hommes connaît ce qui est dans l’homme, sinon l’esprit de l’homme qui est
en lui? Ainsi nul ne connaît ce qui est en Dieu que l’Esprit de Dieu. 12. Or nous
n’avons pas reçu l’esprit du monde, mais l’Esprit de Dieu, afin que nous
connaissions les dons que Dieu nous a faits. |
[86239] Super 1 Cor.,
cap. Dicit ergo primo : dictum est quod sapientia quam
loquimur non est principum huius saeculi, haec enim sapientia est, quam
nemo principum huius saeculi cognovit, quod verum est, de quibuscumque
principibus intelligatur. Saeculares enim principes hanc sapientiam non cognoverunt,
quia excedit rationem humani regiminis. Iob XII, 24 — qui immutat cor
principum populi terrae, et decipit eos, ut frustra incedant per invium.
Philosophi etiam eam non cognoverunt, quia excedit rationem humanam. Unde
dicitur Bar. c. III, 23 — exquisitores prudentiae et scientiae viam
sapientiae nescierunt. Daemones etiam eam non cognoscunt, quia excedit
omnem creatam sapientiam. Unde dicitur Iob XXVIII, 21 — volucres caeli
quoque latent. Perditio et mors dixerunt : auribus nostris audivimus famam eius.
Deinde cum dicit si enim cognovissent,
etc., probat quod dixerat, et primo quidem probat per signum quod non
cognoverunt principes Dei sapientiam, secundum quod est in se abscondita.
Secundo probat per auctoritatem, quod non cognoverunt eam, secundum quod
praeparata est in gloriam nostram, ibi sicut scriptum est. Dicit ergo primo : recte dico, quod principes
huius saeculi Dei sapientiam non cognoverunt, si enim cognovissent Dei
sapientiam, cognovissent utique Christum esse Deum, qui in hac sapientia continetur,
quo cognito, numquam crucifixissent Deum gloriae, id est, ipsum
Christum dominum dantem gloriam suis, secundum illud Ps. XXIII, v. 10 — dominus
virtutum ipse est rex gloriae; et Hebr. II, 10 — qui multos filios in
gloriam adduxerat. Cum enim creaturae rationali sit naturaliter
appetibilis gloria, non potest in voluntatem humanam cadere, quod auctorem
gloriae interimat. Quod autem principes crucifixerunt Iesum Christum, certum
est, si intelligatur de principibus qui potestatem habent inter homines.
Dicitur enim in Ps. II, 2 — astiterunt reges terrae, et principes
convenerunt in unum adversus dominum, et adversus Christum eius, quod
Act. IV, 27 exponitur de Herode et Pilato, et principibus Iudaeorum qui
consenserunt in mortem Christi. Sed etiam Daemones
operati sunt in mortem Christi, persuadendo, secundum illud Io. XIII, 2 — cum
Diabolus iam misisset in cor ut eum traderet, et cetera. Sed et
Pharisaei, et Scribae in lege periti, qui studium sapientiae dabant, operati
sunt ad mortem Christi instigando et approbando. Sed circa hoc duplex oritur dubitatio, quarum
prima est de hoc quod dicit Deum gloriae crucifixum. Non enim divinitas
Christi aliquid pati potuit, secundum quam dicitur Christus dominus gloriae. Sed dicendum quod Christus est una persona et
hypostasis in utraque natura consistens, divina scilicet et humana. Unde
potest utriusque naturae nomine designari, et quocumque nomine significetur,
potest praedicari de eo id quod est utriusque naturae, quia utrique non
supponitur nisi una hypostasis. Et per hunc modum possumus dicere quod homo
creavit stellas, et quod dominus gloriae est crucifixus, et tamen non creavit
stellas secundum quod homo, sed secundum quod Deus, nec est crucifixus
secundum quod est Deus, sed inquantum homo. Unde ex hoc verbo destruitur
error Nestorii, qui dixerat unam naturam esse in Christo, Dei et hominis,
quia secundum hoc nullo modo posset verificari quod dominus gloriae sit
crucifixus. Secunda dubitatio est de hoc quod videtur
supponere, quod principes Iudaeorum vel Daemones non cognoverunt Christum
esse Deum. Et quidem, quantum ad principes Iudaeorum, videtur hoc astrui per
hoc quod dicit Petrus, Act. III, 17 — scio quia per ignorantiam hoc
feceritis, sicut et principes vestri. Videtur autem esse contrarium quod
dicitur Matth. XXI, 38 — agricolae videntes filium, dixerunt intra se :
hic est haeres, venite, occidamus eum; quod exponens Chrysostomus dicit :
manifeste dominus probat his verbis Iudaeorum principes non per
ignorantiam, sed per invidiam Dei filium crucifixisse. Solvitur in Glossa
quod sciebant, principes Iudaeorum, eum esse qui promissus erat in
lege, non tamen mysterium eius quod filius Dei erat, neque sciebant
sacramentum incarnationis et redemptionis. Sed contra hoc esse videtur
quod Chrysostomus dicit quod cognoverunt eum esse filium Dei. Dicendum est ergo quod principes Iudaeorum pro
certo sciebant eum esse Christum promissum in lege, quod populus ignorabat.
Ipsum autem esse verum filium Dei non pro certo sciebant, sed aliqualiter
coniecturabant; sed haec coniecturalis cognitio obscurabatur in eis ex
invidia et ex cupiditate propriae gloriae, quam per excellentiam Christi
minui videbant. Similiter etiam videtur esse de Daemonibus dubitatio. Dicitur
enim Mc. I, 23 ss. et Lc. IV, 34, quod Daemonium clamavit, dicens : scio quod
sis sanctus Dei. Et ne hoc praesumptioni Daemonum ascribatur, qui se
iactabant scire quod nesciebant, eorum notitia quam habebant de Christo per
ipsos Evangelistas asseritur. In Marco quidem sic scribitur : non sinebat
ea loqui, scilicet Daemonia, quoniam sciebant eum Christum esse.
Et Lucas dicit : increpans non sinebat ea loqui quia sciebant eum esse
Christum. Et ad hoc respondetur in libro de quaestionibus
novi et veteris testamenti, quod Daemonia sciebant ipsum esse, qui per legem
fuit repromissus, quia omnia signa videbant in eo quae dixerunt prophetae,
mysterium autem divinitatis eius ignorabant. Sed contra hoc videtur esse quod
Athanasius dicit, quod Daemonia dicebant Christum esse sanctum Dei, quasi
singulariter sanctum : ipse enim naturaliter est sanctus cuius participatione
omnes alii sancti vocantur. Dicendum est autem quod, sicut Chrysostomus
dicit, non habebant adventus Dei firmam et certam notitiam, sed quasdam
coniecturas. Unde Augustinus dicit in IX de civitate Dei quod innotuit
Daemonibus, non per id quod est vita aeterna, sed per quaedam temporalia
sua virtute effecta. Deinde cum dicit sed sicut scriptum est,
probat per auctoritatem quod principes huius saeculi Dei sapientiam non
cognoverunt, quantum ad hoc quod praedestinata est in gloriam fidelium,
dicens : sed sicut scriptum est Is. LXIV, 4, ubi littera nostra habet :
oculus non vidit, Deus, absque te, quae praeparasti his qui diligunt te.
Ostenditur autem illa gloria visionis aperte ab hominibus ignorari dupliciter.
Primo quidem quod non subiacet humanis sensibus,
a quibus omnis humana cognitio initium sumit. Et ponit duos sensus. Primo
visionis quae deservit inventioni, cum dicit quod oculus non vidit,
Iob XXVIII, 7 — semitam eius ignoravit avis, nec intuitus est eam oculus
vulturis. Et hoc ideo, quia non est aliquid coloratum et visibile.
Secundo ponit sensum auditus, qui deservit disciplinae, dicens nec auris
audivit, scilicet ipsam gloriam, quia non est sonus aut vox sensibilis.
Io. V, v. 37 — neque speciem eius vidistis, neque vocem eius audistis.
Deinde excludit notitiam eius intellectualem, cum
dicit neque in cor hominis ascendit. Quod quidem potest intelligi :
uno modo ut ascendere in cor hominis dicatur quidquid quocumque modo
cognoscitur ab homine, secundum illud Ier. LI, v. 50 — Ierusalem ascendat
super cor vestrum : et sic oporteat, quod cor hominis accipiatur pro
corde hominis carnalis, secundum illud quod dicitur infra III, 3 — cum
sint inter vos zelus et contentio, nonne carnales estis, et secundum hominem
ambulatis? Est ergo sensus quod illa gloria non solum sensu non
percipitur, sed nec corde hominis carnalis, secundum illud Io. XIV, 17 — quem
mundus non potest accipere, quia non videt eum, nec scit eum. Alio modo potest exponi secundum quod proprie
dicitur in cor hominis ascendere id quod ab inferiori pervenit ad hominis
intellectum, puta a sensibilibus, de quibus prius fecerat mentionem. Res enim
sunt in intellectu secundum modum eius; res igitur inferiores sunt in
intellectu altiori modo quam in seipsis. Et ideo quando ab intellectu
capiuntur, quodammodo in cor ascendunt. Unde dicitur Is. LXV, 17
— non erunt in memoria priora, nec ascendent super cor. Illa vero quae
sunt in intellectu superiora, altiori modo sunt in seipsis quam in intellectu.
Et ideo quando
ab intellectu capiuntur, quodammodo descendunt. Iac. I, v. 17 — omne donum
perfectum desursum est descendens a patre luminum. Quia igitur illius gloriae notitia non accipitur
a sensibilibus, sed ex revelatione divina, ideo signanter dicit nec in cor
hominis ascendit, sed descendit, id scilicet quod praeparavit Deus,
id est, praedestinavit, diligentibus se, quia essentiale praemium
aeternae gloriae charitati debetur, secundum illud Io. c. XIV, 21 — si
quis diligit me diligetur a patre meo, et ego diligam eum et manifestabo ei
meipsum, in quo perfectio aeternae gloriae consistit; et Iob XXXVI, 33 — annuntiat
de ea, id est de luce gloriae, amico suo quod possessio eius sit.
Caeterae autem virtutes accipiunt efficaciam merendi vitam aeternam, inquantum
informantur charitate. Deinde cum dicit nobis autem, etc., probat
praedictam expositionem de sapientia divina per comparationem ad fideles. Et
primo proponit quod intendit; secundo probat propositum, ibi spiritus enim.
Dicit ergo primo : dictum est quod sapientiam Dei
nemo principum huius saeculi cognovit, nobis autem Deus revelavit per
spiritum suum, quem scilicet nobis misit, secundum illud Io. XIV, 26 — Paracletus
autem spiritus sanctus, quem mittet pater in nomine meo, ille vos docebit omnia,
Iob c. XXXII, 8 — inspiratio omnipotentis dat intelligentiam. Quia
enim spiritus sanctus est spiritus veritatis, utpote a filio procedens, qui
est veritas patris, his quibus mittitur inspirat veritatem, sicut et filius a
patre missus notificat patrem, secundum illud Matth. XI, 27 — nemo novit
patrem nisi filius, et cui voluerit filius revelare. Deinde cum dicit spiritus enim, probat
quod dixerat, scilicet quod per spiritum sanctum sit sapientia fidelibus
revelata. Et primo ostendit quod spiritus sanctus ad hoc sit efficax; secundo
probat quod hoc in discipulis Christi fecerat, ibi nos autem. Circa primum duo facit. Primo proponit quod
intendit; secundo manifestat propositum, ibi quis enim scit hominum,
et cetera. Dicit ergo primo : dictum est quod per spiritum
sanctum revelavit nobis Deus suam sapientiam, et hoc fieri potuit : spiritus
enim sanctus omnia scrutatur. Quod non est sic intelligendum,
quasi inquirendo quomodo fiant, sed quia perfecte et etiam intima quarumlibet
rerum novit, sicut homo quod aliquando diligenter scrutatur. Unde dicitur
Sap. VII, 22 s. quod spiritus intelligentiae sanctus est, omnia
prospiciens, et qui capiat omnes spiritus intelligibiles, mundos, subtiles,
et non solum res creatas, sed etiam profunda Dei perfecte cognoscit. Dicuntur
autem profunda ea quae in ipso latent, et non ea quae de ipso per creaturas
cognoscuntur, quae quasi superficie tenus videntur esse, secundum illud Sap.
XIII, 5 — a magnitudine speciei et creaturae cognoscibiliter poterit
creator eorum videri. Deinde, cum dicit quis enim scit hominum,
probat quod dixerat de spiritu Dei per similitudinem humani spiritus, dicens quis
enim scit hominum ea quae sunt hominis, id est, ea quae latent in corde, nisi
spiritus hominis, qui in eo est, id est, intellectus? Et ideo quae
interius latent, videri non possunt. Signanter autem dicit quis hominum, ne ab
horum cognitione etiam Deus videatur excludi; dicitur enim Ier. XVII, 9 — pravum
est cor hominis, et quis cognoscet illud? Ego Deus probans corda et scrutans
renes, quia scilicet secretorum cordis solus Deus est cognitor. Manifesta autem est ratio quare homo ea quae in
corde alterius latent scire non potest, quia cognitio hominis a sensu
accipitur, et ideo ea quae sunt in corde alterius, homo cognoscere non
potest, nisi quatenus per signa sensibilia manifestantur, secundum illud I
Reg. XVI, 7 — homo videt quae foris patent, Deus autem intuetur cor.
Sed nec Angelus bonus, nec malus ea quae in corde hominis latent scire
potest, nisi inquantum per aliquos effectus manifestantur, cuius ratio accipi
potest ex ipso verbo apostoli, qui dicit ea ratione spiritum hominis
cognoscere quae in corde hominis latent quia in ipso homine est; Angelus
autem, neque bonus neque malus, illabitur menti humanae, ut in ipso corde
hominis sit et intrinsecus operetur, sed hoc solius Dei proprium est. Unde
solus Deus est conscius secretorum cordis hominis, secundum illud Iob XVI, 20
— ecce in caelo testis meus, et in excelsis conscius meus. Secundo similitudinem adaptat ad spiritum Dei,
dicens ita et quae Dei sunt, id est, quae in ipso Deo latent, nemo
cognoscit, nisi spiritus Dei, secundum illud Iob c. XXXVI, 26 — ecce
Deus magnus vincens scientiam nostram. Sed sicut ea quae sunt in corde unius hominis
alteri manifestantur per sensibilia signa, ita ea quae sunt Dei possunt esse
nota homini per sensibiles effectus, secundum illud Sap. XIII, 5 — a
magnitudine speciei et creaturae, et cetera. Sed spiritus sanctus, qui
est in ipso Deo, utpote patri et filio consubstantialis, secreta divinitatis per
seipsum videt, secundum illud Sap. VII, 22 — est enim in illa,
scilicet Dei sapientia, et spiritus intelligentiae sanctus, omnem
habens virtutem, omnia prospiciens. Deinde, cum dicit nos autem, etc.,
ostendit quomodo cognitio spiritus sancti percipiatur, dicens : licet nullus
hominum per se possit scire quae sunt Dei, nos autem, spiritu sancto
scilicet repleti, non accepimus spiritum huius mundi, sed spiritum qui a
Deo est. Nomine autem spiritus vis quaedam vitalis et
cognitiva et motiva intelligitur. Spiritus ergo huius mundi potest dici
sapientia huius mundi, et amor mundi, quo impellitur homo ad agendum ea quae
mundi sunt; hunc autem spiritum sancti apostoli non receperunt, mundum
abiicientes et contemnentes, sed receperunt spiritum sanctum, quo corda eorum
illuminata sunt et inflammata ad amorem Dei, secundum illud Io. XIV, 26 — Paracletus
autem spiritus sanctus, quem mittet pater in nomine meo, etc., et Num.
XIV, 24 — servum meum Caleb, qui plenus est alio spiritu, et secutus est
me, introducam in terram hanc. Spiritus autem huius mundi errare facit,
secundum illud Is. XIX, 3 — dirumpetur spiritus Aegypti in visceribus
eius, et consilium eius praecipitabo. Ex divino autem spiritu eius
consecuti sumus, ut sciamus quae a Deo data sunt nobis, ut sciamus de
rebus divinis quantum unicuique Deus donavit : quia, sicut dicitur Eph. IV,
7, unicuique data est gratia secundum mensuram donationis Christi. Vel potest intelligi spiritum Dei donatum
sanctis, ut dona spiritualia cognoscant, quae, non habentes eumdem spiritum
ignorant, secundum illud Apoc. II, 17 — vincenti dabo manna absconditum,
quod nemo scit, nisi qui accipit. Ex hoc autem accipi potest, quod sicut nemo
novit patrem nisi filius, et cui voluerit filius revelare, ut dicitur
Matth. XI, 27 — ita nemo novit quae sunt Dei patris et filii, nisi spiritus
sanctus et qui ipsum acceperunt : et hoc ideo, quia sicut filius
consubstantialis est patri, ita spiritus sanctus patri et filio. |
Après avoir
expliqué en quoi consiste la sagesse qu’il prêche parmi les parfaits,
l’Apôtre donne la raison de son explication. I° Il l’avait exposée par rapport à ceux qui n’ont pas la
foi ; et II° par
rapport à ceux qui l’ont, à ces mots (verset 10) : Mais Dieu nous l’a
révélée par son Esprit. I° Sur le premier de ces points, I. il énonce ce qu’il veut prouver ; II. il donne sa preuve,
à ces mots (verset 8) : Car s’ils l’avaient connue. I. Il dit donc d’abord
: Il a été établi que la sagesse que nous prêchons n’est pas celle des
princes de ce siècle, car c’est la sagesse qu’aucun de ces princes n’a
connue, et ceci est vrai de quelque prince qu’on l’entende ; car les
princes du siècle n’ont pas connu cette sagesse, puisqu’elle dépasse la
portée du gouvernement humain ; (Job XII, 24) : "Il change le
coeur des princes de la terre ; il les égare, et ils s’avancent inutilement
dans un désert sans voies″. Les philosophes ne l’ont pas connue
davantage, puisqu’elle surpasse la raison humaine ; c’est pour cela qu’il est
dit (Baruch III, 23) : "Les inventeurs de la prudence et de
l’intelligence n’ont pas connu la voie de la sagesse″. Les démons,
enfin, ne la connaissent pas davantage, puisqu’elle est au-dessus de toute
sagesse créée ; car c’est d’elle qu’il est dit (Job, XXVIII 21) : "Elle
est inconnue aux oiseaux du ciel. L’enfer et la perdition ont dit : nous en
avons ouï parler." II. Lorsqu’il dit
(verset 8) : Car s’ils l’avaient connue,etc…, l’Apôtre prouve ce qu’il
avait dit. 1° Il donne
une marque que les princes n’ont pas connu la sagesse, en tant qu’elle est
cachée en soi ; 2° il prouve
par une autorité qu’ils ne l’ont pas connue, en tant qu’elle est prédestinée
pour notre gloire, à ces mots (verset 9) : et dont il est écrit. 1° Il dit donc d’abord : J’avance avec
raison que les princes de ce monde n’ont pas connu la sagesse de Dieu, car s’ils
l’avaient connue, ils eussent reconnu que Jésus-Christ est Dieu, Lui qui
est contenu dans cette sagesse, et, l’ayant connu, ils n’auraient jamais
crucifié le Seigneur de la gloire, c’est-à-dire Jésus-Christ lui-même
Notre Seigneur, qui donne la gloire aux siens, suivant cette parole du
Psalmiste (XXIII, 10) : "Le Seigneur tout-puissant est lui-même le
roi de gloire" et (Hébr., II, 10) : "Il voulait conduire à
la gloire la multitude de ses enfants." En effet, la gloire étant
l’objet naturel du désir de la créature raisonnable, il ne peut tomber sous
la volonté humaine de faire périr l’Auteur de la gloire. Or que les princes
aient crucifié Jésus-Christ, cela est certain si on l’entend des princes qui
ont puissance parmi les hommes, car il est dit chez le Psalmiste (II, 2) : "Les
rois de la terre se sont levés et les princes se sont ligués contre le
Seigneur et contre son Christ," paroles que le livre des Actes (IV,
27) applique à Hérode, à Pilate et aux princes des Juifs, qui, d’un commun
accord, firent mourir Jésus-Christ. Les démons eux-mêmes concoururent à cette
mort par inspiration (Jean XIII, 2) : "Satan ayant déjà mis dans le
coeur de Judas le dessein de le livrer, etc." Mais les Pharisiens et
les Scribes, qui étaient instruits dans Il faut
répondre que Jésus-Christ est une personne ou hypostase, subsistant en deux
natures, à savoir : la nature divine et la nature humaine. On peut donc le
désigner sous le nom de l’une et de l’autre de ces natures, et, sous quelque
nom qu’on l’ait désigné, lui attribuer ce qui est de l’une ou de l’autre,
parce que l’une et l’autre ne subsistent que dans la même hypostase. Dans ce
sens, nous pouvons dire que l’homme a créé les étoiles, et que le Seigneur de
la gloire a été crucifié. Cependant il n’a pas créé les étoiles en tant
qu’homme, mais en tant que Dieu ; de même il n’a pas été crucifié en tant que
Dieu, mais en tant qu’homme. Cette expression de saint Paul détruit donc
l’erreur de Nestorius, qui prétendait qu’il n’y avait qu’une seule nature
dans le Christ, de Dieu et de l’homme ; car, selon cette affirmation de Nestorius,
ce serait s’exprimer contrairement à la vérité de dire que le Seigneur de la
gloire a été crucifié. La seconde difficulté vient de ce que saint Paul
paraît supposer que les princes des Juifs ou les démons n’ont pas su que
Jésus-Christ est Dieu. Et d’abord, quant aux princes des Juifs, on peut
s’appuyer sur ce que dit saint Pierre (Actes, III, 17) : "Je sais que
vous l’avez fait par ignorance, comme vos chefs″. Or ceci semble
contredit par ce qu’on lit dans saint Matthieu (XXI, 38) : "Les
vignerons, voyant le Fils, dirent entre eux : Celui-ci est l’héritier; venez,
tuons-le." Et Jean Chrysostome, expliquant ce passage, dit : « Manifestement,
le Sauveur, par ces paroles, prouve que les princes des Juifs ont crucifié le
Fils de Dieu non par ignorance, mais par envie. » On répond dans On répond à
ceci (dans le livre des Questions du Nouveau et de l'Ancien Testament)
que les démons savaient que Jésus était celui qui avait été promis dans 2° Lorsque saint Paul ajoute (verset
9) : Et comme il est écrit, il prouve par voie d’autorité que les
princes de ce monde n’ont pas connu la sagesse de Dieu, en tant qu’elle est
prédestinée pour la gloire des fidèles, en disant : Et comme il est écrit ;
(Isaïe, LXIV, 4), où notre Vulgate porte (verset 4) : "Aucun oeil n’a
vu, excepté vous, Seigneur, ce que vous avez préparé à ceux qui vous
aiment." Or il est facile de reconnaître que cette gloire de la
vision est ignorée de l’homme, et cela de deux manières : 1. d’abord évidemment parce qu’elle
n’est pas soumise aux sens de l’homme, où toute connaissance humaine prend sa
source. L’Apôtre désigne deux de ces sens : A) celui de la vue qui sert à l’imagination (verset 9) : L’oeil
n’a pas vu ; (Job, XXVIII, 7) : "Aucun oiseau n’a
connu ses sentiers ; l’oeil du vautour ne les a pas aperçus" ;
et cela pour la raison que ce n’est pas quelque chose de coloré ni de
visible. B) Le sens de
l’ouïe qui sert à la science (verset 9) : L’oreille n’a pas entendu,
c’est-à-dire la gloire elle-même, parce qu’elle n’est ni un son ni une voix
sensible ; (Jean V, 37) : "Jamais vous n’avez entendu sa voix ni
vu l’éclat de sa beauté." 2. Il exclut ensuite la
connaissance pure de cette gloire, en disant (verset 9) : Et il n’est pas
monté jusqu’au coeur de l’homme.Or ceci peut s’entendre A) d’abord, en prenant « s’élever
dans le coeur de l’homme » pour tout ce que l’homme connaît, de quelque
manière que ce puisse être ; (Jér LI, 50) : "Que Jérusalem
domine dans votre cœur !" Dans ce sens, il faudra entendre par « le
coeur de l’homme », le coeur selon la chair ; (plus loin, III, 3) :
Puisqu’il y a pas parmi vous des jalousies et des contestations, n’est-il
pas visible que vous êtes charnels et que vous vous conduisez selon l’homme ?
Il faut donc entendre que cette gloire non seulement n’est pas perçue par
les sens, mais pas même par le coeur de l’homme charnel, selon cette parole
de saint Jean (XIV, 17) : "[L’esprit de vérité] que le monde ne peut
comprendre, parce qu’il ne le voit pas et qu’il ne le conçoit pas." B) On peut expliquer autrement ce
passage : on dit avec justesse que ce qui de la partie inférieure parvient à
l'intellect, par exemple élever des choses sensibles dont l’Apôtre vient de
parler, que cela donc monte dans le coeur de l’homme, car les choses sont
dans l’intelligence, suivant sa façon d’être, et par conséquent les choses
inférieures le sont d’une manière plus élevée qu’elles ne sont en elles-mêmes
; en sorte que, quand l’intellect les saisit, dans un certain sens elles
montent dans le coeur. De là cette parole (Isaïe, LXV, 17) : "Le
passé ne sera plus dans ma mémoire et ne s’élèvera plus dans mon coeur."
Mais, au contraire, les choses supérieures conçues par l’intellect sont en
elles-mêmes d’une manière plus élevée qu’elles ne sont dans l’intellect ;
quand donc elles sont saisies par l’intellect, dans un certain sens elles
descendent ; (Jacques I, 17) : "Tout don parfait vient d’en haut
et descend du Père des lumières." Ainsi donc, la connaissance de
cette gloire ne venant pas des choses sensibles, mais de la révélation
divine, l’Apôtre dit expressément : et il n’est pas monté jusqu’au coeur
de l’homme, mais il est descendu, à savoir ce que Dieu a
préparé, c’est-à-dire a prédestiné, à ceux qui l’aiment,
parce que la récompense de la gloire éternelle, dans ce qu’elle a
d’essentiel, est due à la charité ; (Jean XIV, 21) : "Celui qui
m’aime sera aimé de mon Père, et je l’aimerai aussi, et je me manifesterai à lui."
C’est en cette manifestation que consiste la plénitude de la gloire éternelle ;
(Job, XXXVI, 33) : "Il annonce d’elle," c’est-à-dire de la
lumière de la gloire, "à son ami, qu’elle est son partage" ;
quant aux autres vertus, elles acquièrent leur efficacité pour mériter cette
vie éternelle, en tant qu’elles sont vivifiées par la charité. II° En disant (verset 10) : Mais pour nous, etc., il prouve
l’explication qu’il a donnée de la sagesse divine, par rapport à ceux qui ont
la foi. I. Il énonce
ce qu’il veut établir ; II. il prouve
sa proposition, à ces mots (verset 10) : Car cet Esprit. I. Il dit donc d’abord
: Il a été établi qu’aucun des princes de ce monde n’a connu la sagesse de
Dieu ; mais, pour nous, Dieu nous l’a révélée par son Esprit, qu’il nous
a envoyé, selon cette parole de saint Jean (XIV, 26) : "Mais le
Consolateur, l’Esprit Saint, que mon Père vous enverra en mon nom, vous
enseignera toutes choses" ; (Job, XXXII, 8) : "L’inspiration
du Très-Haut donne la sagesse". Car l’Esprit Saint étant l’Esprit de
vérité, comme procédant du Fils qui est la vérité du Père, il inspire la
vérité à ceux auxquels il est envoyé, comme aussi le Fils envoyé par le Père
fait connaître le Père, suivant cette parole de saint Matthieu (XI, 27) : "Nul
ne connaît le Père, si n’est le Fils, et celui auquel le Fils a voulu le
révéler." II. Quand il ajoute
(verset 10) : car cet Esprit, l’Apôtre prouve ce qu’il a avancé, à
savoir que la sagesse est révélée aux fidèles par l’Esprit Saint. 1° il montre que l°Esprit Saint est
pour cela efficace ; 2° il prouve
qu’il l’a opéré dans les disciples de Jésus-Christ, à ces mots (verset 12) : Or
nous n’avons. 1° Sur le premier de ces points, il
énonce d’abord sa proposition ; ensuite il la développe, à ces mots (verset
12) : Qui d’entre les hommes, connaît, etc. ? 1. Il dit donc d’abord : Il a été
avancé que Dieu, par son Esprit Saint, nous a révélé sa sagesse. La chose a
été possible ; car (verset 10) : cet Esprit pénètre tout ; ce que
toutefois il ne faut pas entendre en ce sens que Dieu recherche comment les
choses arrivent, mais qu’il connaît chaque chose, quelle qu’elle soit,
parfaitement et dans son essence, comme l’homme connaît lorsqu’il approfondit
avec soin. C’est ainsi qu’on lit au livre de la Sagesse (VII, 22 et 23) : "L’Esprit
d’intelligence est saint ; il voit tout, il renferme en soi tous les esprits,
les intelligents, les purs et les plus subtils" ; il
connaît parfaitement non seulement les choses créées, mais encore les
profondeurs de Dieu L’expression « profondeur » indique ce qui
est caché en Dieu, et non pas ce que nous font connaître de lui les
créatures, qui semblent comme nous en retracer les premiers traits, selon
cette parole du livre de la Sagesse (XIII, 5) : "La grandeur et la
beauté de ses créatures ont pu faire connaître et rendre visible leur
Créateur." 2. En disant (verset
11) : Qui d’entre les hommes connaît ? saint Paul prouve, par une
similitude tirée de l’esprit humain, ce qu’il vient de dire de l’Esprit de
Dieu, et dit : Qui d’entre les hommes connaît ce qui est dans l’homme ?,
c’est-à-dire ce qui est caché dans son coeur, sinon l’esprit de
l’homme qui est en lui ?, c’est-à-dire son intelligence. Les choses donc
qui sont cachées à l’intérieur ne peuvent pas être entrevues. A) Cependant l’Apôtre dit en termes
exprès : "Qui d’entre les hommes ?" pour que Dieu lui-même
ne paraisse point exclu de cette connaissance des hommes ; car il est dit
(Jér., XVII, 9) : "Le coeur de l’homme est corrompu, et qui peut le
connaître? Moi, le Seigneur, qui sonde les coeurs et qui éprouve les reins !"
Et en effet, Dieu seul connaît les secrets du coeur. Or il y a une raison
évidente pour laquelle l’homme ne peut connaître ce qui est intérieurement
caché dans le coeur d’un autre : c’est que la connaissance arrive à l’homme par
les sens ; il ne peut par conséquent connaître ce qui est dans le coeur d’un
autre qu’autant que des signes sensibles le lui manifestent, selon cette
parole (I Rois, XVI, 7) : "L’homme voit ce qui paraît à l’extérieur,
mais Dieu regarde le coeur." L’ange même, bon ou mauvais, ne peut
savoir ce qui est caché dans le coeur, à moins qu’on ne le lui manifeste par
quelques effets. La raison s’en trouve dans les paroles mêmes de l’Apôtre,
qui dit que, si l’esprit de l’homme peut connaître ce qui est caché dans son
propre coeur, c’est qu’il est, cet esprit, dans l’homme même. Mais un
ange, bon ou mauvais, ne peut s’insinuer dans l'esprit de l’homme jusqu’à
pénétrer dans son coeur et y opérer intérieurement, ce qui n’appartient qu’à
Dieu seul. Dieu seul donc est initié aux secrets du coeur de l’homme, selon
cette parole de Job (XVI, 20) : "Car j’ai dans le ciel un témoin, et
celui qui connaît mon coeur habite au plus haut des cieux." B) En second lieu, saint Paul adapte
cette similitude à l’Esprit de Dieu, en disant (verset 14) : De même donc,
personne ne connaît ce qui est de Dieu, c’est-à-dire ce qui est caché en
Dieu lui-même, sinon l’Esprit de Dieu, selon cette parole de Job
(XXXVI, 26) : "En vérité, Dieu est grand; il surpasse toute notre
science." Mais de même que ce qui est dans le coeur d’un homme peut
être manifesté à un autre par des signes sensibles, ainsi ce qui est de Dieu
peut être connu de l’homme par des effets sensibles (Sag., XIII, 5) : "La
grandeur et la beauté des créatures, etc." Mais l’Esprit Saint, qui
est en Dieu, comme consubstantiel au Père et au Fils, voit par lui-même les
secrets de la Divinité, selon cette parole de la Sagesse (VII, 22) : "Car
il y a en elle," c’est-à-dire dans la sagesse de Dieu, "un
Esprit d’intelligence" qui est saint, qui peut tout, qui voit tout. 2° Enfin, lorsqu’il dit (verset 12) : Or
nous etc., saint Paul fait voir comment on reçoit la connaissance de
l’Esprit Saint, en disant : bien que nul homme ne puisse par lui-même savoir
ce qui est de Dieu, nous, cependant, par l’Esprit Saint,
c’est-à-dire remplis de cet Esprit, nous n’avons pas reçu l’esprit du
monde, mais l’Esprit de Dieu." Sous ce terme d’esprit, on comprend
une certaine force vitale, intelligente, motrice. L’esprit du monde peut donc
être appelé la sagesse de ce monde, l’amour du monde, qui porte l’homme à
faire ce qui est du monde ; or les saints apôtres n’ont pas reçu cet esprit,
eux qui ont méprisé et foulé aux pieds le monde, mais ils ont reçu l’Esprit
Saint, qui a éclairé et enflammé leurs coeurs en les portant à aimer Dieu,
selon cette parole de saint Jean (XIV, 26) : "Le Consolateur,
l’Esprit Saint que mon Père enverra en mon nom, etc." ; et (Nombres,
XIV, 24) : "Mon serviteur Caleb, qui, plein d’un autre Esprit, m’a
toujours suivi, je l’introduirai dans cette terre". L’esprit du
monde, au contraire, ne sait qu’égarer, suivant cette parole d’Isaïe (XIX, 3)
: "L’esprit de l’Egypte s’évanouira en elle, et je renverserai toute
sa prudence." Or c’est de l’Esprit de Dieu que (verset 12) nous
avons obtenu de connaître les dons que Dieu nous a faits, en sorte que
nous savons des choses divines, autant qu’il a été donné à chacun de nous ;
car (Ephés., IV, 7) : "La grâce a été donnée à chacun de nous selon
la mesure du don du Christ." On peut entendre encore que l’Esprit de
Dieu est donné aux saints afin qu’ils discernent les dons spirituels, que ne
connaissent pas ceux qui n’ont pas reçu le même Esprit ; (Apoc., II, 47)
: "Je donnerai au vainqueur la manne cachée que personne ne connaît,
sinon celui qui la reçoit." L’on peut par là reconnaître que, comme "personne
ne connaît le Père, si ce n’est le Fils et celui à qui le Fil l’a voulu
révéler" (Matthieu XI, 27), ainsi personne ne connaît ce qui est du
Père et du Fils, si ce n’est l’Esprit Saint et ceux qui l’ont reçu, parce
que, de même que le Fils est consubstantiel au Père, ainsi l’Esprit Saint est
consubstantiel aux deux autres personnes. |
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Lectio 3 |
Leçon 3 : 1 Corinthiens II, 13-16 — Une sagesse spirituelle et non animale |
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SOMMAIRE : L’Apôtre prêche la sagesse de Dieu parmi les parfaits, parce que l’homme animal ne discerne pas ce qui est de l’Esprit de Dieu. |
[13] quae et loquimur non in doctis humanae sapientiae verbis
sed in doctrina Spiritus spiritalibus spiritalia conparantes [14] animalis autem homo non percipit ea quae sunt Spiritus Dei
stultitia est enim illi et non potest intellegere quia spiritaliter
examinatur [15] spiritalis autem iudicat omnia et ipse a nemine iudicatur [16] quis
enim cognovit sensum Domini qui instruat eum nos autem sensum Christi habemus |
13. Et nous
les annonçons non avec les doctes discours de la sagesse humaine, mais avec
ceux que l’Esprit enseigne, traitant spirituellement les choses spirituelles. 14. Or
l’homme animal ne connaît pas les choses qui sont de l’Esprit de Dieu. Elles
lui paraissent une folie, et il ne les peut comprendre, parce que c’est par
une lumière spirituelle qu’on en doit juger. 15. Mais
l’homme spirituel juge de et n’est jugé par personne. 16. Car qui
connaît l’esprit du Seigneur, et qui peut l’instruire? Mais pour nous, nous
avons l’esprit du Christ. |
[86240] Super 1 Cor., cap. 2 l. 3 Dixerat supra apostolus sapientiam loquimur
inter perfectos. Postquam ergo manifestavit qualis sit haec sapientia,
quia mundanis hominibus incognita, cognita autem sanctis, hic manifestat qua
ratione hanc sapientiam sancti inter perfectos loquuntur. Et primo proponit quod
intendit; secundo assignat rationem, ibi animalis autem homo, et
cetera. Circa primum, primo proponit revelatorum
manifestationem, dicens : dictum est quod spiritum Dei accepimus, ut sciamus
quae a Deo donata sunt nobis, quae scilicet nobis per spiritum
revelata sunt, loquimur. Sunt enim eis revelata ad utilitatem. Unde et
Act. II, 4 — repleti sunt omnes spiritu sancto, et coeperunt loqui. Secundo tangit modum enarrandi, excludens modum
inconvenientem, dicens non in doctis humanae sapientiae verbis, id
est, non nitimur ad probandam nostram doctrinam per verba composita ex humana
sapientia, sive quantum ad ornatum verborum, sive quantum ad subtilitatem
rationum. Is. XXXIII, v. 19 — populum alti sermonis non videbis.
Astruit enim modum convenientem, cum dicit sed in doctrina spiritus,
id est, prout spiritus sanctus nos loquentes interius docet, et auditorum
corda ad capiendum illustrat. Io. XVI, 13 — cum venerit ille spiritus
veritatis, docebit vos omnem veritatem. Tertio determinat auditores, dicens spiritualibus
spiritualia comparantes, quasi dicat : recta comparatione spiritualia
documenta tradimus spiritualibus viris, quibus sunt convenientia. II Tim. II,
2 — haec commenda fidelibus viris, qui idonei erunt et alios docere. Eosdem autem hic nominat spirituales, quos supra
perfectos, quia per spiritum sanctum homines perficiuntur in virtute,
secundum illud Ps. XXXII, 6 — spiritu oris eius omnis virtus eorum. Deinde, cum dicit animalis, etc., assignat rationem dictorum,
et primo ostendit quare spiritualia non sunt tradenda animalibus hominibus;
secundo quare sunt tradenda spiritualibus, ibi spiritualis, et cetera.
Circa primum duo facit. Primo ponit rationem; secundo manifestat eam,
ibi stultitia enim, et cetera. Ratio ergo talis est : nulli sunt
tradenda documenta quae capere non potest, sed homines animales non possunt
capere spiritualia documenta; ergo non sunt eis tradenda. Hoc est ergo quod dicit animalis
homo, et cetera. Et ideo recta ratione non possunt tradi eis. Ubi primo considerandum est quis homo dicatur
animalis. Est ergo considerandum quod anima est forma corporis. Unde propriae
animae intelliguntur illae vires quae sunt actus corporalium organorum,
scilicet vires sensitivae. Dicuntur ergo homines animales qui huiusmodi vires
sequuntur, inter quas est vis apprehensiva, et appetitiva, et ideo potest
dici homo dupliciter animalis. Uno modo quantum ad vim apprehensivam, et hic
dicitur animalis sensu, qui, sicut dicitur in Glossa, de Deo iuxta corporum
phantasiam vel legis litteram, vel rationem philosophicam iudicat, quae
secundum vires sensitivas accipiuntur. Alio modo dicitur quis animalis
quantum ad vim appetitivam, qui scilicet afficitur solum ad ea quae sunt
secundum appetitum sensitivum, et talis dicitur animalis vita, qui, sicut
dicitur in Glossa, sequitur dissolutam lasciviam animae suae, quam intra
naturalis ordinis metas spiritus rector non continet. Unde dicitur in
canonica Iudae v. 19 — hi sunt qui segregant semetipsos, animales spiritum
non habentes. Secundo autem videndum quare tales non possunt
percipere ea quae sunt spiritus Dei : quod quidem manifestum est, et
quantum ad animalem sensum, et quantum ad animalem vitam. Ea enim de quibus
spiritus sanctus illustrat mentem, sunt supra sensum et rationem humanam,
secundum illud Eccli. III, 25 — plura supra sensum hominis ostensa sunt
tibi, et ideo ab eo capi non possunt, qui soli cognitioni sensitivae
innititur. Spiritus etiam sanctus accendit affectum ad diligendum spiritualia
bona, sensibilibus bonis contemptis, et ideo ille qui est animalis vitae, non
potest capere huiusmodi spiritualia bona, quia philosophus dicit in IV Ethic.
quod qualis unusquisque est, talis finis videtur ei. Prov. XVIII, 2 — non
recipit stultus verba prudentiae, nisi ei dixeris quae versantur in corde
eius. Eccli. XXII, 9 — cum dormiente loquitur, qui narrat sapientiam
stulto. Deinde, cum dicit stultitia enim, etc.,
manifestat quod dixerat per signum; cum enim aliquis aliqua sapienter dicta
reprobat quasi stulta, signum est quod ea non capiat. Quia igitur animalis
homo ea quae sunt spiritus Dei reputat stulta, ex hoc manifestatur quod ea
non capit. Et hoc est quod dicit stultitia enim est illi, scilicet
animali. Iudicat enim esse stulta quae secundum spiritum Dei aguntur. Eccle.
X, 3 — in via stultus ambulans, cum ipse sit insipiens, omnes stultos
aestimat. Quod autem homini animali quae secundum spiritum sunt videantur
stulta, non procedit ex rectitudine sensus : sicut sapientes aliqua iudicant
esse stulta quae stultis videntur sapientia propter defectum intellectus;
quia homo sensui deditus non potest intelligere ea quae supra sensum sunt, et
homo carnalibus affectus non intelligit esse bonum, nisi quod est delectabile
secundum carnem. Et hoc est quod sequitur et non potest intelligere,
Ps. LXXXI, 5 — nescierunt neque intellexerunt, in tenebris ambulant.
Quare autem non possit intelligere, ostendit subdens quia spiritualiter
examinatur, id est, spiritualium examinatio fit spiritualiter. Numquam
enim inferior potest examinare et iudicare ea quae sunt superioris, sicut
sensus non potest examinare ea quae sunt intellectus. Et similiter, neque
sensus, neque ratio humana potest iudicare ea quae sunt spiritus Dei. Et ita
relinquitur quod huiusmodi solo spiritu sancto examinantur, secundum illud
Ps. XVII, 31 — eloquia domini igne examinata, probata scilicet a
spiritu sancto. Quia ergo animalis homo caret spiritu sancto, non potest
spiritualia examinare, et per consequens nec ea intelligere. Deinde, cum dicit spiritualis autem iudicat
omnia, etc., assignat rationem quare spiritualibus spiritualia tradantur,
et primo ponit rationem; secundo manifestat causam, ibi quis enim novit.
Assignat autem talem rationem : illi tradenda
sunt spiritualia qui potest iudicare, secundum illud Iob XII, 11 — auris
verba diiudicat; sed spiritualis est huiusmodi, ergo ei spiritualia sunt
tradenda. Et hoc est quod dicit spiritualis autem diiudicat omnia, et ipse
a nemine iudicatur. Ubi primo videndum est quis homo dicatur
spiritualis. Est autem notandum quod spiritus nominare consuevimus
substantias incorporeas; quia igitur aliqua pars animae est quae non est
alicuius organi corporei actus, scilicet pars intellectiva comprehendens
intellectum et voluntatem, huiusmodi pars animae spiritus hominis dicitur,
quae tamen a spiritu Dei et illuminatur secundum intellectum, et inflammatur
secundum affectum et voluntatem. Dupliciter
ergo dicitur homo spiritualis. Uno modo ex parte intellectus, spiritu Dei
illustrante. Et
secundum hoc in Glossa dicitur quod homo spiritualis est, qui, spiritui Dei
subiectus, certissime ac fideliter spiritualia cognoscit. Alio modo ex parte
voluntatis, spiritu Dei inflammante : et hoc modo dicitur in Glossa quod
spiritualis vita est, qua spiritum Dei habens rectorem animam regit, id est
animales vires. Gal. ult. : vos qui spirituales estis, instruite huiusmodi,
et cetera. Secundo considerandum est quare spiritualis
diiudicat omnia, et ipse a nemine iudicatur. Ubi notandum est quod in omnibus
ille qui recte se habet, rectum iudicium habet circa singula. Ille autem qui
in se rectitudinis defectum patitur, deficit etiam in iudicando : vigilans
enim recte iudicat et se vigilare et alium dormire; sed dormiens non habet
rectum iudicium de se, nec de vigilante. Unde non sunt res tales quales
videntur dormienti, sed quales videntur vigilanti. Et eadem ratio est de sano
et infirmo circa iudicium saporum, et de debili et forti circa iudicium
ponderum, et virtuoso et vitioso circa agibilia. Unde et philosophus dicit in
V Ethicorum quod virtuosus est regula et mensura omnium humanorum, quia
scilicet in rebus humanis talia sunt singularia, qualia virtuosus iudicat ea
esse. Et secundum hunc modum apostolus hic dicit quod spiritualis iudicat
omnia, quia scilicet homo habens intellectum illustratum et affectum
ordinatum per spiritum sanctum, de singulis quae pertinent ad salutem, rectum
iudicium habet. Ille autem qui non est spiritualis habet etiam intellectum
obscuratum et affectum inordinatum circa spiritualia bona, et ideo ab homine
non spirituali, spiritualis homo iudicari non potest, sicut nec vigilans a
dormiente. Quantum ergo ad primum horum dicitur Sap. III, 8 quod iudicabunt
iusti nationes. Quantum ad secundum dicitur infra IV, 3 — mihi pro
minimo est, ut a vobis iudicer, aut ab humano die. Deinde cum dicit quis enim novit, etc.,
manifestat rationem inductam. Et primo inducit auctoritatem; secundo adaptat
ad propositum, ibi nos autem, et cetera. Est autem considerandum quod ad hoc quod aliquis
possit de aliquo homine iudicare, duo requiruntur. Primo ut iudicans
cognoscat ea quae sunt iudicati, quia, ut dicitur I Ethic. : unusquisque
bene iudicat quae cognoscit, et horum est optimus iudex. Ex quo patet
quod sensum, id est sapientiam Dei omnia iudicantem, nullus possit
diiudicare. Ideo dicit quis enim novit sensum domini? Quasi dicat :
nullus : quia sapientia Dei excedit omnem cupiditatem hominis. Eccli. I, 3 — sapientiam
Dei praecedentem omnia quis investigavit? Sap. IX, 17 — sensum autem
tuum quis scire poterit, nisi tu dederis sapientiam? Secundo requiritur quod iudicans sit superior
iudicato. Unde dominus habet iudicium de servo, magister de discipulo. Ex quo etiam patet quod
nullus potest sensum Dei iudicare. Propter quod sequitur aut quis
instruxit eum? Quasi dicat : nullus. Non enim habet scientiam ab aliquo
acceptam, sed potius fontem omnis scientiae. Iob XXVI, 3 — cui dedisti
consilium? Forsitan ei qui non habet sapientiam? Videntur autem verba
haec assumpta ex eo quod dicitur Is. XL, 13 — quis adiuvit spiritum
domini, aut quis consiliarius eius fuit et ostendit illi? Cum quo iniit
consilium et instruxit eum? Deinde adaptat quod dixerat ad propositum, dicens
nos autem, scilicet spirituales viri, sensum Christi habemus, idest,
recipimus in nobis sapientiam Christi ad iudicandum. Eccli. XVII, 6 — creavit
illis scientiam spiritus, sensu adimplevit corda illorum. Lc. ult.
dicitur quod aperuit illis sensum, ut intelligerent Scripturas, et ita, quia
sensus Christi diiudicari non potest, conveniens est quod spiritualis, qui
sensum Christi habet, a nemine iudicetur. |
Saint Paul
vient de dire : Nous prêchons la sagesse aux parfaits ; après avoir
expliqué quelle est cette sagesse, inconnue aux mondains, mais connue des
saints, il expose maintenant les principes d’après lesquels les saints
prêchent cette sagesse aux parfaits. I° Il énonce ce qu’il veut établir ; II° il en assigne
ensuite la raison, à ces mots (verset 14) : Or l’homme animal, etc. I° Sur le premier de ces points, I. il rappelle d’abord la manifestation des choses
révélées, en disant : Il a été établi que nous avons reçu l’Esprit de Dieu
afin de connaître les dons que Dieu nous a faits, c’est-à-dire : Ce
qui a été révélé par l’Esprit Saint, voilà ce que nous prêchons ;
car cette révélation leur a été faite afin qu’elle soit utile. De là (Actes,
II, 4) : "Ils furent tous remplis de l’Esprit Saint, et ils
commencèrent à parler." II. Il indique le mode
de transmission, en excluant d’abord celui qui n’est pas convenable (verset
13) : et nous l’annonçons non avec les discours éloquents de la sagesse
humaine, c’est-à-dire nous ne nous appuyons pas, pour prouver notre
doctrine, sur des paroles disposées d’après les règles de la sagesse humaine
et pour la beauté de l’élocution et pour la subtilité des raisonnements ;
(Isaïe, XXXIII, 19) : "Vous ne verrez pas un peuple au langage
obscur." Ensuite il détermine le mode qui est convenable (verset 13)
: mais avec les discours qu’enseigne l’Esprit," c’est-à-dire
selon que l’Esprit Saint nous instruit intérieurement, nous qui parlons, et
selon qu’il éclaire les coeurs des auditeurs afin qu’ils comprennent ;
(Jean XVI, 13) : "Lorsque l’Esprit de vérité sera venu, il vous
enseignera toute vérité." III. Enfin il indique
les auditeurs (verset 13) : exprimant les choses spirituelles à ceux qui
sont spirituels ; comme s’il disait : par une juste compensation
nous donnons l’enseignement spirituel à ceux qui sont spirituels, auxquels
cet enseignement convient ; (II Tim., II, 2) : "Donnez le dépôt à
des hommes fidèles qui soient eux-mêmes capables d’en instruire les
autres." Or l’Apôtre appelle ici spirituels ceux que plus haut il a
appelés parfaits, parce que l’Esprit Saint perfectionne les hommes dans la
vertu ; (Psaume XXXII, 6) : "C’est le souffle de sa bouche qui a
produit toute leur vertu." II° En disant (verset 14) : Or l’homme animal, etc., saint Paul
donne la raison de ce qu’il avance. I. Il montre pourquoi les choses
spirituelles ne doivent pas être communiquées à ceux qui sont charnels ; II. pourquoi on doit
les enseigner à ceux qui sont spirituels, à ces mots (verset 15) : Mais
l’homme spirituel, etc. I. Sur la première
proposition, 1° il fait un
raisonnement ; 2° il le
développe, à ces mots (verset 14) : Elles lui paraissent une folie,etc ... 1° Voici quel est le raisonnement de saint
Paul : On ne doit donner à personne un enseignement qu’il ne puisse
comprendre ; or ceux qui sont charnels ne peuvent pas s’élever aux
enseignements spirituels donc on ne doit pas les leur donner. C’est ce qu’il
dit (verset 14) : L’homme animal ne perçoit pas les choses de Dieu, etc. ;
par conséquent il y a une juste raison qui ne permet pas de les leur donner. A) Il faut ici savoir d’abord ce que
l’on entend par l’homme animal. Remarquons que l’âme est la forme du corps ;
on entend donc par forces propres de l’âme les actes des organes corporels,
c’est-à-dire les forces sensibles. Ainsi l’on donne le nom d’homme animal à
celui qui est conduit par ces sortes de forces, parmi lesquelles se trouvent
les forces appréhensive et appétitive ; voilà pourquoi l’homme peut être
animal de deux manières : a) d’abord
quant à la force appréhensive, et, sous ce rapport, on l’appelle animal par
les sens ; car, comme le dit la Glose, l’homme juge de Dieu selon les
apparences du corps, la lettre de la loi, ou enfin la raison philosophique,
toutes connaissances qui viennent des forces sensibles. b) On peut ensuite appeler l’homme
animal quant à la force appétitive, à savoir lorsqu’il ne se porte qu’à ce
qui dépend de l’appétit sensible ; alors l’homme tel est appelé animal en
raison de sa vie, parce que, comme le dit encore la Glose, il suit les
tendances dissolues de son âme, que l’esprit qui doit la régir ne maintient
plus dans les bornes de l’ordre naturel. C’est de là que saint Jude dit
(verset 19) : "Ce sont ces hommes qui se séparent eux-mêmes, hommes
sensuels, et qui n’ont pas l’Esprit." B) En second lieu, il faut examiner
pourquoi ils sont ainsi, ceux qui ne peuvent percevoir les choses qui sont
de l’Esprit de Dieu. On le voit facilement et quant au sens animal et
quant à la vie animale ; car ces vérités dont l’Esprit Saint éclaire
l’intelligence sont au-dessus du sens et de la raison de l’homme selon cette
parole (Ecclésiastique III, 25) : "Beaucoup de merveilles qui dépassent
l’esprit de l’homme sont mises devant vos yeux" ; par
conséquent elles ne peuvent être comprises par celui qui ne s’appuie que sur
la connaissance sensible. De plus, l'Esprit Saint enflamme la volonté pour
lui faire aimer les biens spirituels en méprisant les biens sensibles ; par
conséquent ceux dont la vie est animale ne peut goûter ces sortes de biens.
Car, comme dit Aristote (IV° livre de la Morale), tel on est, telle on voit sa fin ; (Prov.
XVIII, 2) : "L’insensé ne reçoit pas les paroles de la prudence, si
vous ne lui parlez selon ce qu’il a dans le coeur" ; et
(Ecclésiastique XXII, 9) : "C’est s’entretenir avec un homme qui dort
que de parler de la sagesse à un insensé." 2° Quand l’Apôtre ajoute (verset 14) :
Elles lui paraissent une folie, il développe ce qu’il a dit d’abord au
moyen d’un exemple. Car, lorsqu’on repousse comme une folie les choses sages
que l’on entend, c’est le signe qu’on ne les comprend pas. Donc, l’homme
animal considérant comme une folie ce qui est de l’Esprit de Dieu, il est
évident qu’il ne le comprend pas. Et voilà pourquoi saint Paul dit (verset
14) : Elles lui paraissent une folie, - à lui, c’est-à-dire à l’homme
animal ; car il juge comme une folie ce qui est de l’Esprit de Dieu ;
(Ecclésiastique X, 3) : "L’insensé qui marche dans sa voie, étant
lui-même insensé, croit que tous les autres sont comme lui."
Cependant, quand l’homme animal regarde comme une folie ce qui est selon
l’Esprit, cela ne procède point de la rectitude de ses sens, de la même façon
les sages regardent certaines choses comme une folie qui aux yeux des
insensés paraissent une sagesse à cause de l’imperfection de leur
intelligence, parce que l’homme livré au sens ne peut pas comprendre ce qui
est au-dessus des sens, et l’homme livré aux choses de la chair n’estime bon
que ce qui est délectable selon la chair ; aussi saint Paul ajoute-t-il
(verset 14) : et il ne peut les comprendre ; (Psaume LXXXI, 5) : "Ils
n’ont pas compris, ils n’ont pas su, ils marchent dans les ténèbres."
L’Apôtre montre pourquoi ils ne peuvent comprendre, en ajoutant (verset 14) :
car c’est par l’Esprit qu’on juge, c’est-à-dire l’examen des choses
spirituelles se fait par l'esprit. Jamais, en effet, l’inférieur ne peut
examiner et juger ce qui est d’un ordre supérieur, comme les sens ne peuvent
juger ce qui est de l’intellect ; de même, ni les sens ni le raisonnement
humain ne peuvent juger ce qui est de l’Esprit de Dieu. Il s’ensuit donc
qu’on n’estime ces choses que par l’Esprit Saint, suivant cette parole du
Psalmiste (XVII, 31) : "Les paroles du Seigneur sont éprouvées au
feu," c’est-à-dire par l’Esprit Saint. L’homme animal, n’ayant pas
l’Esprit Saint, ne peut donc juger des choses spirituelles, ni par conséquent
les comprendre. II. Quand saint Paul
ajoute (verset 15) : Mais l’homme spirituel juge de tout, il donne la
raison pour laquelle les choses spirituelles sont livrées à ceux qui sont
spirituels. 1° Il fait un
raisonnement ; 2° il en
développe le principe, à ces mots (verset 16) : Car qui connaît, etc.? 1° Voici son raisonnement : on doit
donner les choses spirituelles à celui qui peut en juger, selon ce mot de Job
(XII, 11) : "L’oreille juge des paroles." Or tel est l’homme
spirituel : donc on peut lui donner les choses spirituelles. C’est ce que dit
saint Paul (verset 15) : L’homme spirituel juge de tout et n’est jugé par
personne. 1. Il faut donc voir d’abord quel est
l’homme qu’on peut appeler spirituel. Remarquons que nous appelons
ordinairement esprits les substances incorporelles : ainsi, une partie de
l’âme n’étant l’acte d’aucun organe corporel, à savoir la partie
intellectuelle qui comprend l’intelligence et la volonté, on nomme cette
partie de l’âme l’esprit de l’homme, bien que ce soit l’Esprit de Dieu qui
éclaire l’intelligence et excite l’affection et la volonté de l’âme. On peut
donc dire que l’homme est spirituel de deux manières : A) d’abord par son intelligence en
tant que l’Esprit de Dieu l’éclaire. C’est dans ce sens qu’on lit dans la
Glose : Celui-là est spirituel qui, soumis à l’Esprit de Dieu, connaît avec
certitude entière et exactitude les choses spirituelles. B) ensuite par sa volonté en tant que
l’Esprit de Dieu lui communique l’ardeur ; dans ce sens on dit aussi dans la
Glose que la vie est spirituelle quand, ayant l’Esprit de Dieu pour guide, la
volonté régit l’âme, je veux dire ses forces vives ; (Gal., VI, 1) : "Vous
autres qui êtes spirituels, relevez votre frère avec douceur, etc. " 2. Il faut, en second
lieu, chercher pourquoi l’homme spirituel juge de tout et n’est jugé par
personne. Remarquons d’abord que celui qui se maintient dans la rectitude en
toutes choses porte aussi sur chaque chose un jugement droit ; mais celui qui
laisse défaillir en lui la rectitude est incertain dans son jugement. En
effet, celui qui veille juge avec vérité et qu’il veille et qu’un autre dort ;
mais celui qui dort n’a le jugement droit ni sur lui-même ni sur celui qui
veille. Ainsi les objets ne sont pas tels qu’ils paraissent à celui qui dort,
mais à celui qui veille. L’on peut raisonner de même de celui qui est sain et
de celui qui est infirme, relativement à l’appréciation des saveurs ; de
celui qui est faible et de celui qui est fort, pour l’appréciation de la
pesanteur ; de celui qui est vertueux et de celui qui est plein de vices,
quant aux devoirs à accomplir. C’est ce qui fait dire à Aristote (Morale, livre V) que celui qui
est vertueux est la règle et la mesure de toutes les choses humaines, parce
que, dans les choses humaines, chacune d’elles en particulier est telle que
l’homme vertueux la juge. C’est aussi dans ce sens que l’Apôtre dit ici
(verset 15) que Celui qui est spirituel juge de tout ; en
d’autres termes, celui dont le Saint Esprit éclaire l’intelligence et
détermine la volonté porte un jugement droit sur chacune des choses qui
appartiennent au salut. Mais celui qui n’est pas spirituel a l’intelligence
obscurcie et la volonté affaiblie à l’égard des biens spirituels ; aussi
l’homme spirituel ne peut être jugé par celui qui ne l’est pas, pas plus que
celui qui veille ne peut être jugé par celui qui dort. Du premier, la Sagesse
(III, 8) dit que "Les justes jugeront les nations" ; quant
au second, l’Apôtre dit (ci dessous, IV, 3) : Quant à moi, je me mets fort
peu en peine d’être jugé par vous ou devant les tribunaux des hommes. 2° En ajoutant (verset 16) : Car
qui connaît ? saint Paul développe son intention ; et d’abord il cite une
autorité ; ensuite il l’applique à sa proposition, à ces mots (verset 16) : Mais
nous, etc. A) Il faut remarquer que pour juger
quelqu’un, deux conditions sont nécessaires : a) premièrement que celui qui juge connaisse ce qui
appartient à l’objet du jugement, car (Morale, livre I) chacun juge bien de ce qu’il connaît ;
sur cela il est très bon juge. Il suit de là que personne ne peut juger
l’esprit, c’est-à-dire la sagesse de Dieu qui juge tout. Aussi saint Paul
dit-il (verset 16) : Car qui connaît la sagesse de Dieu ? comme s’il
répondait : personne. En effet, la sagesse de Dieu excède tout désir de
l’homme ; (Ecclésiastique I, 3) : "Qui a pénétré la sagesse de
Dieu, cette sagesse qui précède toutes choses ?", et (Sag., IX, 17) :
"Qui pourra connaître votre pensée, ô mon Dieu, si vous ne donnez
vous la sagesse ?" b) En second
lieu, il faut que celui qui juge soit supérieur à celui qui est jugé : c’est
pourquoi le maître peut juger son serviteur et le précepteur son disciple.
Ici encore il est évident que personne ne peut juger l’Esprit de Dieu ; aussi
l’Apôtre dit-il (verset 16) : Ou qui peut l’instruire ?, comme s’il
répondait : personne ; car la science de Dieu, il ne l’a reçue de personne,
et bien plutôt il est la source de toute science ; (Job, XXV 3) : "à
qui donnez-vous conseil ? sans doute à celui qui n’a pas assez de sagesse ?"
Ces paroles de saint Paul paraissent tirées d’Isaïe (XL, 13) : "Qui a
aidé l’Esprit du Seigneur ? qui lui a donné conseil ? qui lui a appris ce
qu’il devait faire ? qui a-t-il consulté ? qui l’a instruit?" B) L’Apôtre applique ce qu’il vient de
dire à sa proposition, en ajoutant (verset 16) : Mais nous, à savoir
qui sommes des hommes spirituels, nous avons reçu en nous la sagesse du
Christ pour juger ; (Ecclésiastique XVII, 6) : "Il a créé en
eux la science de l’Esprit ; il a rempli leur coeur de sagesse" ;
en (Luc, XXIV, 32) il est dit que le Sauveur ressuscité ouvrit l’esprit aux
disciples d’Emmaüs, afin qu’ils entendissent les Ecritures. Ainsi, l’Esprit
de Jésus-Christ ne pouvant être jugé, conséquemment l’homme spirituel, qui a
cet Esprit, ne peut être jugé par qui que ce soit. |
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Caput 3 |
CHAPITRE III — RECOMPENSE ET CHÂTIMENT |
Lectio 1 |
Leçon 1 : 1 Corinthiens III, 1-8 — Le jugement de la chair |
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SOMMAIRE : L’Apôtre attaque les jugements que les Corinthiens portaient sur les ministres de Jésus-Christ, jugements qui sont de venus la source de leurs divisions. Il qualifie les Corinthiens de charnels et d’imparfaits. |
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[1] et ego fratres non potui vobis loqui quasi spiritalibus
sed quasi carnalibus tamquam parvulis in Christo [2] lac vobis potum dedi non escam nondum enim poteratis sed
ne nunc quidem potestis adhuc enim estis carnales [3] cum enim sit inter vos zelus et contentio nonne carnales
estis et secundum hominem ambulatis [4] cum enim quis dicit ego quidem sum Pauli alius autem ego
Apollo nonne homines estis quid igitur est Apollo quid vero Paulus [5] ministri eius cui credidistis et unicuique sicut Dominus
dedit [6] ego plantavi Apollo rigavit sed Deus incrementum
dedit [7] itaque neque qui plantat est aliquid neque qui rigat sed
qui incrementum dat Deus [8] qui
plantat autem et qui rigat unum sunt unusquisque autem propriam mercedem accipiet
secundum suum laborem |
1. Ainsi,
mes frères, je n’ai pu vous parler comme à des hommes spi rituels, mais comme
à des personnes charnelles, comme à des petits enfants dans le Christ. 2. Je ne
vous ai nourris, que de lait et non de viandes solides, parce que vous n’en
étiez pas alors capables; et à présent même vous ne l’êtes pas encore, parce
que vous êtes encore charnels; 3. Car,
puisqu’il y a parmi vous des jalousies et des disputes, n’est-il pas visible
que vous êtes charnels et que vous vous conduisez selon l’homme? 4. En
effet, puisque l’un dit : je suis à Paul, et l’autre : je suis d'Apollon,
n’êtes-vous pas encore charnels? Qu’est donc Paul et qu’est Apollon? 5. Ce sont
des ministres de Celui en qui vous avez cru, et chacun selon le don qu’il a
reçu du Seigneur. 6. C’est
moi qui ai planté, c’est Apollon qui a arrosé; mais c’est Dieu qui a donné
l’accroissement. 7. Ainsi
celui qui plante n’est rien, ni celui qui arrose; mais tout vient de Dieu,
qui donne l’accroissement. 8. Et celui
qui plante et celui qui arrose ne sont qu’une même chose. |
[86241] Super 1 Cor., cap. Circa primum duo facit. Primo ponit detrimentum
quod hactenus passi erant propter eorum defectum; secundo ostendit quod adhuc
idem patiuntur, ibi sed nec nunc quidem. Circa primum tria facit.
Primo ponit detrimentum quod hactenus passi erant propter eorum defectum.
Dixerat enim supra quod apostoli quidem spiritualia documenta spiritualibus
tradebant, quae animales homines percipere non poterant : quod eis adaptat,
dicens et ego, fratres, qui scilicet inter alios apostolos
spiritualibus spiritualia loquor, non potui, scilicet convenienter, vobis
loqui quasi spiritualibus, ut scilicet traderem vobis spiritualia
documenta, sed quasi carnalibus, scilicet locutus sum vobis. Eosdem
enim carnales dicit quos supra animales, quibus oportet tradi ea quae sunt
infirmitati eorum accommoda. Is. XXVIII, 9 — quem docebit scientiam, et
quem intelligere faciet auditum? Ablactatos a lacte, avulsos ab uberibus,
id est, carnali conversatione et sensu. Secundo adhibet similitudinem, dicens tamquam
parvulis in Christo, id est, parum adhuc introductis in perfectam
doctrinam fidei, quae spiritualibus debetur. Hebr. c. V, 13 — omnis qui
lactis est particeps, expers est sermonis iustitiae; parvulus enim est :
perfectorum autem est solidus cibus. Tertio rationem assignat, ne credatur ex invidia
eis spiritualem doctrinam subtraxisse, contra quod dicitur Sap. VII, 13 — quam
sine fictione didici, et sine invidia communico. Unde subditur nondum
enim poteratis, quasi dicat : non subtraxi vobis escam propter meam
invidiam, sed propter vestram impotentiam, quia verba spiritualia nondum
bene poteratis capere, secundum illud Io. XVI, v. 12 — adhuc multa habeo vobis dicere,
sed non potestis portare modo. Deinde, cum dicit sed nec nunc quidem potestis, ostendit quod
adhuc idem detrimentum patiuntur. Et primo quidem ponit impotentiam cui adhuc
subiacebant, dicens sed nec nunc quidem potestis, quasi dicat : quod a
principio perfectam doctrinam capere non poteratis, non mirum fuit, quia hoc
nescire vestrae novitati competebat, secundum illud I Petr. c. II, 2 — sicut
modo geniti infantes lac concupiscite. Sed hoc videtur esse culpabile,
quod post tantum tempus in quo proficere debuistis, eamdem impotentiam
retinetis, secundum illud Hebr. V, 12 — cum deberetis magistri esse
propter tempus, rursus indigetis doceri, quae sunt elementa sermonum Dei.
Secundo assignat praedictae impotentiae rationem,
dicens adhuc enim carnales estis, scilicet vita et sensu. Et ideo ea
quae sunt spiritus capere non potestis, sed sapitis ea quae sunt carnis,
secundum illud Rom. VIII, 5 — qui secundum carnem sunt, quae carnis sunt
sapiunt. Tertio ponit rationem probationis inductae,
dicens cum enim inter vos sit zelus et contentio, nonne carnales estis, et
secundum hominem ambulatis? Ubi considerandum est quod recte coniungit zelum
et contentionem, quia zelus, id est invidia, est contentionis materia.
Invidus enim tristatur de bono alterius, quod ille nititur promovere, et ex
hoc sequitur contentio. Unde Iac. III, 16 — ubi zelus et contentio, ibi
inconstantia et omne opus pravum. Et similiter e converso charitas, per
quam quis diligit bonum alterius, est materia pacis. Secundo considerandum est quod zelus et contentio
non habent locum nisi in carnalibus hominibus, quia ipsi circa bona
corporalia afficiuntur, quae simul a pluribus integre possideri non possunt.
Et ideo, propter hoc quod aliquis aliquod bonum corporale possidet, alius
impeditur a plena possessione illius, et ex hoc sequitur invidia, et per
consequens contentio. Sed spiritualia bona, quibus spirituales afficiuntur,
simul a pluribus possideri possunt, et ideo bonum unius non est alterius
impedimentum, et propter hoc in talibus nec invidia, nec contentio locum
habet. Unde Sap. VII, 13 — sine invidia communico. Tertio considerandum est quare homines carnales
dicit secundum hominem ambulare, cum tamen homo ex spiritu et carne
componatur, quia naturae humanae consonum est, ut spiritus cognitionem a
sensibus carnis accipiat. Unde consequenter affectus rationis humanae secundum
ea quae sunt carnis movetur, nisi spiritus hominis per spiritum Dei supra
hominem elevetur. Unde dicitur Eccli. XXXIV, 6 — sicut parturientis, cor
tuum phantasias patitur, nisi ab altissimo fuerit emissa visitatio. Est
ergo sensus secundum hominem, id est, secundum naturam humanam sibi a
Dei spiritu derelictam, sicut et in Ps. IV, 3 dicitur : filii hominum,
usquequo gravi corde, ut quid diligitis vanitatem et quaeritis mendacium?
Quarto manifestat probationem inductam, dicens cum
enim quis, id est, aliquis vestrum, dicat : ego quidem sum Pauli,
quia a Paulo baptizatus et doctus, alius autem : ego Apollo (genitivi
casus), per quod denotatur in vobis esse zelus et contentio, nonne homines
estis, scilicet carnales et non spirituales, utpote zelum et contentionem
habentes pro rebus humanis? Qualis enim homo est, talibus rebus afficitur et
per affectum inhaeret, secundum illud Osee IX, 10 — facti sunt
abominabiles, sicut ea quae dilexerunt. Deinde, cum dicit quid igitur est Apollo?
Improbat eorum iudicium, quantum ad hoc quod plus ministris attribuebant quam
deberent. Et primo ostendit veritatem; secundo excludit errorem, ibi nemo
vos seducat; tertio infert conclusionem intentam, ibi itaque nemo
glorietur in hominibus. Circa primum duo facit. Primo ostendit
conditionem ministrorum; secundo agit de eorum mercede, ibi unusquisque
propriam mercedem. Circa primum tria facit. Primo ponit ministrorum
conditionem; secundo ponit similitudinem, ibi ego plantavi, Apollo rigavit;
tertio ostendit intentum, ibi itaque neque qui plantat. Circa conditionem autem ministrorum duo tangit.
Primo quod non sunt domini, sed ministri, dicens : vos de Paulo et Apollo
gloriamini, igitur quaero a vobis : quid est Apollo, et quid Paulus?
Id est, cuius dignitatis vel potestatis, ut digne de eis gloriari possitis?
Et respondet : ministri eius, scilicet Dei sunt. Quasi dicat : quod
agunt in Baptismo et in doctrina, non principaliter agunt sicut domini, sed
sicut ministri eius, secundum illud Is. LXI, 6 — ministri Dei, dicetur
vobis. Posset autem alicui videri magnum esse, ministrum
Dei esse, et gloriandum esse in hominibus de ministeriis Dei. Et vere esset,
si sine hominibus non pateret accessus ad Deum, sicut illi qui solent
gloriari de ministris regis, sine quibus non patet aditus ad regem. Sed hoc hic locum non
habet, quia fideles Christi per fidem habent accessum ad Deum, secundum illud
Rom. V, 2 — per quem accessum habemus ad Deum per fidem et gratiam
istam, in qua stamus, et gloriamur in spe gloriae filiorum Dei. Ideo
signanter addit cui credidistis, quasi dicat : per fidem iam estis
coniuncti Deo, non hominibus. Unde supra II, 5 dictum est : ut fides
vestra non sit in sapientia hominum, sed in virtute Dei. Et ideo primo de Deo est
vobis gaudendum, quam de hominibus. Contingit autem quod ministri hominum, vel
dominorum, vel artificum primo habeant a seipsis aliquam dignitatem, vel
virtutem, ex qua idonei ad ministerium fiunt, sed hoc non est de ministris
Dei. Et ideo, secundo, ostendit quod tota dignitas et virtus ministrorum est
a Deo, dicens et unicuique sicut Deus divisit, quasi dicat : in tantum
aliquis, et unusquisque nostrum habet de virtute ministrandi, inquantum ei
Deus dedit, unde nec sic nobis est gloriandum. I1 Cor. c. III, 5 s. : sufficientia nostra a
Deo, qui idoneos nos fecit ministros novi testamenti. Deinde, cum dicit ego plantavi, ponit similitudinem ministrorum
ex similitudine agricolarum, ubi duplex differentia operationum intelligitur.
Una, operationis unius ministri ad operationem alterius. Et quantum ad
hoc dicit ego plantavi, id est, in praedicatione ad modum plantantis
me habui, quia scilicet primo vobis praedicavi fidem, Is. LI, v. 16 — posui
verba mea in ore tuo, ut plantes caelos; Apollo rigavit, id est, ad modum
rigantis se habuit, qui aquam plantis exhibet ad hoc ut nutriantur et
crescant. Et similiter legitur Act. XVIII, 1 s. quod, cum Paulus multos
Corinthiorum convertisset, supervenit Apollo, qui multum contulit his qui
crediderunt, publice ostendens per Scripturam esse Iesum Christum. Eccli. c. XXIV,
42 dicitur : rigabo hortum meum plantationum. Secunda differentia est operationis ministrorum, qui exterius
operantur plantando et rigando, ad operationem Dei, qui interius operatur. Unde subdit sed Deus
incrementum dedit, interius scilicet operando. I1 Cor. IX, 10 — augebit
incrementa frugum iustitiae vestrae. Sic etiam in rebus corporalibus
plantantes et rigantes exterius operantur, sed Deus operatur interius per
operationem naturae ad incrementa plantarum. Deinde cum dicit itaque neque qui plantat,
neque qui rigat, etc., infert ex praemissis duas conclusiones, quarum
prima infertur secundum comparationem ministrorum ad Deum, dicens : ex quo
Paulus plantavit, et Apollo rigavit, non sunt nisi ministri Dei, et non
habent aliquid nisi a Deo, et non operantur nisi exterius, Deo interius
operante. Itaque neque qui plantat est aliquid, scilicet principaliter
et magnum de quo sit gloriandum, neque qui rigat, sed qui incrementum dat,
Deus. Ipse enim per se est aliquid principale et magnum, de quo est gloriandum.
Actio enim non attribuitur instrumento, cui comparatur minister, sed
principali agenti. Unde Is. XL, v. 17 dicitur : omnes gentes quasi non
sint, sic sunt coram eo. Secundam conclusionem infert pertinentem ad
comparationem ministrorum ad invicem, dicens qui plantat autem, et qui
rigat, cum sint ministri Dei, et nihil nisi a Deo habentes, et solum
exterius operantes, unum sunt, ex conditione naturae et ministerii
ratione : quare scilicet non potest unus alteri praeferri, nisi secundum
donum Dei, et ita quantum in seipsis est, unum sunt. Et quia, consequenter,
in intentione ministrandi Deo unum sunt per concordiam voluntatis, ideo
stultum est de his qui unum sunt, dissentire. Ps. CXXXII, 1 — ecce quam
bonum et quam iucundum habitare fratres in unum. Rom. XII, 5 — multi
unum corpus sumus in Christo. |
Saint Paul,
après avoir montré les contestations et les divisions des Corinthiens qui se disputaient
entre eux à propos des ministres de Jésus-Christ qui les avaient baptisés et
instruits, commence ici à improuver les jugements qu’ils portaient sur ces
ministres, jugements qui étaient devenus parmi eux la source de leurs
disputes. Sur ce sujet, il fait deux choses : pour commencer, il condamne
leurs jugements, d’abord en ce qu’ils attribuaient plus qu’ils ne devaient à
certains ministres dont ils se glorifiaient ; ensuite en ce qu’ils
méprisaient les autres ministres de Jésus-Christ (IV, 1), à ces mots : Que
les hommes nous regardent. Sur le premier de ces points, saint Paul
montre d’abord le préjudice que les Corinthiens subissent par suite des
contestations qui naissent de ces faux jugements ; il condamne ensuite ces
faux jugements eux-mêmes, à ces mots (verset 4) : Qu’est-ce donc qu’Apollos
? I° Sur le préjudice qui résulte de ces disputes, I. il expose celui
qu’ils ont déjà éprouvé par leur faute ; II. il montre qu’ils l’éprouvent encore, à ces mots (verset
2) : à présent même vous ne pouvez encore. I. Il expose d’abord
le préjudice qu’ils ont subi par leur faute, 1° Il avait dit plus haut que les apôtres donnaient à
ceux qui étaient spirituels des enseignements spirituels que les hommes
charnels ne pouvaient comprendre ; il applique ces paroles aux Corinthiens,
en disant (verset 1) : Et moi, mes frères, c’est-à-dire moi qui, parmi
les autres apôtres, prêche des choses spirituelles à ceux qui sont
spirituels, je n’ai pu, à savoir convenablement, vous parler comme
à des personnes spirituelles, c’est-à-dire vous donner des enseignements
spirituels ; c’est comme à des personnes encore charnelles que je vous
ai parlé. Il appelle ainsi du nom de charnels ceux dont tout à l’heure il
disait : « l’homme animal » et à qui il ne faut donner que ce qui
est proportionné à leur faiblesse ; (Isaïe, XXVIII, 9) : "A qui le
Seigneur enseignera t-il sa loi ? et à qui donnera t-il l’intelligence de sa
parole ? A ceux qui sont déjà sevrés, à ceux qui ont quitté déjà le sein de
leurs mères," c’est-à-dire à ceux dont la vie et les sens ne sont
plus selon la chair. 2° Ensuite il
emploie une similitude, en disant (verset 1) : comme à des petits enfants
en Jésus-Christ, c’est-à-dire peu avancés encore dans la doctrine
parfaite de la foi qu’on doit aux spirituels ; (Hébr., V, 13) : "Quiconque
en est encore au lait est incapable d’entendre la doctrine de la justice, car
il est encore enfant ; or la nourriture solide n’est que pour les
parfaits." 3° Enfin il donne la raison de sa position,
pour qu’on ne croie point que c’est par jalousie qu’il leur a soustrait la
doctrine spirituelle, contrairement à ce qu’on lit au livre de la Sagesse (VII,
13) : "J’ai appris la sagesse sans déguisement, et je la communique
sans envie." Il ajoute donc (verset 2) : à présent même vous ne
le pouvez pas encore", comme s’il disait : je ne vous ai point privé
de nourriture par un sentiment de jalousie qui me serait personnel, mais à
cause de votre incapacité, parce que ces enseignements spirituels (verset 2) :
vous ne pouvez bien les recevoir encore, selon cette parole de saint
Jean (XVI, 12) : "J‘ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais
vous ne pouvez les porter présentement." II. En disant (verset
2) : "même à présent vous ne le pouvez pas encore," saint
Paul montre que le même préjudice dure encore. 1° Il fait sentir l’état d’incapacité
auquel ils étaient encore réduits, en disant (verset 2) : A présent même vous
ne pouvez pas ; comme s’il disait : que dans les commencements
vous n’ayez pu porter une doctrine parfaite, il n’y a rien d’étonnant, car
c’était la suite de votre entrée toute récente dans la foi ; (I Pierre,
II, 2) : "Comme des enfants nouvellement nés, désirez ardemment le
lait." Mais ce qui paraît répréhensible, c’est qu’après un temps si
long, pendant lequel vous avez dû faire des progrès, vous ayez conservé la
même incapacité ; (Hébreux V, 12) : "Vous qui devriez être
maîtres depuis le temps qu’on vous parle, vous avez encore besoin qu’on vous
apprenne les premiers éléments de la parole de Dieu." 2° Il donne la raison de cette
incapacité, en disant (verset 2) : parce que vous êtes encore charnels,
à savoir par la vie et par les sens ; et par suite vous ne pouvez
comprendre ce qui est de l’Esprit, tandis que vous n’avez de goût que pour ce
qui est de la chair ; (Rom., VIII, 5) : "Ceux qui vivent selon
la chair recherchent les choses de la chair." 3° Enfin il donne la raison de sa
preuve induite, en disant (verset 3) : En effet, puisqu’il y a parmi vous
des jalousies et des contestations, n’êtes-vous pas charnels encore, et ne
vous conduisez-vous pas selon l’homme ? A) Il faut remarquer que l’Apôtre
réunit avec raison la jalousie et la contestation, parce que le faux zèle,
c’est-à-dire la jalousie, est la source de la contestation ; car celui qui
est envieux s’attriste du bien auquel son frère s’efforce de parvenir : de là
la contestation ; (Jacques III, 16) : "Là où il y a jalousie et
contestation, là aussi est le trouble et toute espèce de mal." De la
même façon, la charité, au contraire, qui fait aimer le bien du prochain, est
la source de la paix. B) Il faut ensuite remarquer que la
jalousie et la contestation ne se rencontrent que dans des hommes charnels,
parce que ceux qui sont tels affectionnent eux-mêmes les biens du corps, que
plusieurs ensemble ne peuvent posséder complètement et simultanément. Ainsi,
quand l’un possède un bien corporel, un autre ne peut posséder complètement
ce même bien : de là naît la jalousie, et par conséquent la contestation.
Mais les biens spirituels, qui sont l’objet de l’affection des bons, peuvent
être possédés en même temps par plusieurs, et par suite le bien de l’un n’est
pas un obstacle à la possession de l’autre : pour cette raison, chez les bons
l’on ne rencontre ni la jalousie ni la contestation. Aussi lit-on au livre de
la Sagesse (VII, 13) : "Je communique la sagesse sans envie." C) Il faut voir, en troisième lieu,
pourquoi saint Paul dit que les hommes charnels se conduisent selon l’homme,
quoique cependant l’homme soit composé d’esprit et de chair. C’est qu’il est
conforme à la nature humaine que l’esprit reçoive la connaissance au moyen
des sens corporels ; donc l’affection de la nature humaine se détermine par
ce qui est selon la chair, à moins que l’esprit de l’homme ne soit élevé par
l’Esprit de Dieu au-dessus de l’homme. De là cette parole (Ecclésiastique
XXXIV, 6) : "Votre coeur est agité par des fantômes, comme celui de
la femme qui enfante, à moins que le Très-Haut ne vous visite."
Voici donc le sens de ce mot : selon l’homme, c’est-à-dire selon la
nature humaine abandonnée à elle-même par l’Esprit de Dieu, comme il est dit
(Psaume IV, 3) : "Enfants des hommes, jusques à quand aurez-vous le
coeur appesanti ? pourquoi aimez-vous la vanité et cherchez-vous le mensonge ?" 4° Enfin saint Paul développe sa
preuve induite en disant (verset 4) : Et puisque l’un dit,
c’est-à-dire l’un d’entre vous dit : « je suis à Paul »,
parce que j’ai été baptisé et instruit par Paul ; et l’autre : « je
suis à Apollos » (au génitif), ce qui fait voir qu’il y a parmi vous
des jalousies et des contestations, n’est-il pas visible que vous vous
conduisez selon l’homme, c’est-à-dire que vous êtes charnels et non
spirituels, puisque vous avez sur les choses humaines des jalousies et des
disputes ? Car l’homme est tel qu’est l’objet de ses affections ; et c’est
par ces affections qu’il s’attache, suivant cette parole d’Osée (IX, 40) : "Ils
sont devenus abominables, comme tout ce qu’ils ont aimé." II° Lorsque saint
Paul ajoute (verset 4) : "Qu’est-ce donc qu’Apollos ?" il improuve
leurs jugements en tant qu’ils attribuaient aux ministres plus qu’ils
n’auraient dû. Et d’abord il rétablit la vérité ; ensuite il repousse
l’erreur, à ces mots (verset 18) : Que personne ne se séduise soi-même ;
enfin il déduit la conclusion proposée, à ces autres (verset 24) : Que
personne donc ne se glorifie dans les hommes. Or, premier point,
il montre d’abord la condition des ministres ; ensuite il traite de leur
récompense, à ces mots (verset 8) : Chacun recevra son salaire. A
l’égard de la condition des ministres, I. il dit ce qu’elle est ; II. il emploie une comparaison, à ces mots (verset 6) : C’est
moi qui ai planté ; c’est Apollos qui a arrosé ; III. il déduit sa
conclusion, à ces autres (verset 17) : Or celui qui plante. I. Sur la condition
des ministres, il montre deux choses : 1° qu’ils ne sont pas maîtres, mais
ministres, en disant : Vous vous glorifiez de Paul et d’Apollos ; (verset 4) :
Mais qu’est-ce donc, je vous le demande, qu’Apollos, et qu’est-ce
que Paul ? c’est-à-dire quelle est leur dignité, quelle est leur
puissance pour que vous puissiez justement vous glorifier en eux ? Et il
répond (verset 5) : Ils sont ses ministres, c’est-à-dire les ministres
de Dieu ; comme s’il disait : ce qu’ils font dans le baptême, ce qu’ils font
quand ils enseignent, ils ne le font pas principalement comme maîtres, mais
comme les ministres de Dieu, suivant cette parole d’Isaïe (LXI, 6) : "Mais
vous, vous serez appelés les ministres de Dieu." On pourrait
regarder, il est vrai, comme quelque chose de grand d’être ministre de Dieu,
et se glorifier devant les hommes d’exercer un tel ministère ; et cela ne
manquerait pas de vérité si l’on n’avait accès à Dieu que par les hommes,
comme il en est de ceux qu’on voit d’ordinaire se glorifier d’être les
ministres d’un roi, sans lesquels on ne peut arriver jusqu’au roi. Mais ici
il n’en va pas de la sorte, car les fidèles de Jésus-Christ ont accès auprès
de Dieu par la foi, suivant cette parole (Rom., V, 2) : "Jésus-Christ
qui nous a donné accès à Dieu par la foi et par la grâce, dans
laquelle nous demeurons fermes, et nous nous glorifions dans l’espérance de
la gloire des enfants de Dieu." Aussi saint Paul ajoute expressément
(verset 3) : en qui vous avez cru, comme s’il disait : par la foi vous
êtes déjà unis à Dieu, et non aux hommes. C'est ainsi qu’on lit au chapitre
précédent (verset 5) : afin que votre foi ne soit pas établie sur la
sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu. Donc il faut d’abord
vous glorifier de Dieu, et non des hommes. Or il peut arriver que ceux qui
sont au service des hommes, des grands, ou de ceux qui exercent les arts,
aient d’eux-mêmes d’abord quelque dignité ou vertu qui les rende aptes à ce
service ; mais il n’en est pas ainsi à l’égard des ministres de Dieu : voilà
pourquoi saint Paul, en second lieu, montre que toute la dignité et la
puissance des ministres vient de Dieu, en disant (verset 5) : et chacun
selon le don qu’il a reçu de Dieu, comme s’il disait : tout ministre, et
chacun de nous, n’a, pour exercer le ministère, d’autre puissance que celle
que Dieu lui a donnée. Ainsi donc nous n’avons pas de quoi nous glorifier en
ce point ; (I1 Cor., III, 5) : "Toute notre capacité vient de
Dieu, et c’est lui qui nous a rendus aptes à devenir les ministres de
l’alliance nouvelle." 2° Lorsqu’il dit (verset 6) : C’est
moi qui ai planté..., l’Apôtre compare les ministres de l’Evangile aux
ouvriers des champs, et montre une double différence entre le travail des uns
et le travail des autres. A) La première différence entre le
travail d’un ministre et le travail d’un autre, il l’indique (verset 6) : C’est
moi qui ai planté, c’est-à-dire dans la prédication je me suis conduis à
la manière de celui qui plante ; car c’est moi qui le premier vous ai prêché
la foi ; (Isaïe, LI, 16) : "J’ai mis ma parole dans votre
bouche, afin que vous établissiez (plantiez) les cieux" - mais Apollos a
arrosé, c’est-à-dire a travaillé à la manière de celui qui arrose et qui
verse aux plantes l’eau qui les nourrit et les fait croître. On lit, en
effet, au ch. XVIII, 1 ss des Actes, que, Paul ayant converti un grand nombre
de Corinthiens, Apollos survint, ce qui fut d’une grande utilité à ceux qui
avaient reçu la foi, en montrant publiquement par les Ecritures que Jésus
était le Christ ; (Ecclésiastique XXIV, 42) : "J’arroserai le
jardin de mes plantations." B) La seconde différence est dans le
travail même des ministres de Dieu, travail tout extérieur, alors qu’ils
plantent et qu’ils arrosent, tandis que l’opération de Dieu qui agit est
intérieure ; ce qui fait dire à saint Paul (verset 6) : mais c’est Dieu
qui a donné l’accroissement, à savoir par son opération intérieure ;
(I1 Cor., IX, 10) : "Dieu fera croître de plus en plus les fruits de
votre justice." C’est ainsi que, dans les choses corporelles, ceux
qui plantent et ceux qui arrosent agissent extérieurement ; mais Dieu agit
intérieurement par l’opération de la nature pour donner l’accroissement aux
plantes. 3° En ajoutant (verset 7) : Or
celui qui plante n’est rien, pas plus que celui qui arrose, saint Paul
déduit de ces prémices deux conséquences, dont la première vient par
comparaison des ministres à Dieu. A) Du moment que Paul qui a planté et
Apollos qui a arrosé ne sont que les ministres de Dieu, du moment qu’ils
n’ont rien qui ne vienne de Dieu, et n’opèrent qu’extérieurement, tandis que
Dieu agit intérieurement, Celui qui plante n’est donc rien,
c’est-à-dire rien de principal ni de grand dont on puisse se glorifier, pas
plus que celui qui arrose, mais c’est Dieu qui donne l’accroissement.
Lui seul donc, par lui-même, est quelque chose de grand, de principal dont il
faut se glorifier ; car l’action ne s’attribue point à l’instrument auquel
correspond le ministre, mais à l’agent principal. C’est de là qu’on lit au
prophète Isaïe (XI, 17) : "Tous les peuples sont devant ses yeux,
comme s’ils n’étaient pas." B) Saint Paul déduit en suite la
seconde conséquence, qui se rapporte à la comparaison du travail des
ministres entre eux (verset 8) : et celui qui plante et celui qui arrose,
étant les ministres de Dieu, n’ayant rien qui ne vienne de lui, et ne
travaillant qu’à l’extérieur, ne sont qu’un par la condition de leur
nature et à raison de leur ministère ; on ne peut donc préférer l’un à
l’autre, si ce n’est en raison du don de Dieu, et, considérés en eux-mêmes,
ils ne sont qu’un. Et, comme c’est une conséquence que dans l'intention
d’exercer leur ministère devant Dieu ils soient un par l’accord de la volonté,
c’est donc une folie d’élever des discussions à l’égard de ceux qui ne sont
qu’un ; (Psaume CXXXII, 1) : "Qu’il est bon, qu’il est doux que
les frères habitent ensemble !" et (Rom., XII, 5) : "Quoique
nous soyons plusieurs, nous ne sommes tous qu’un seul corps en
Jésus-Christ." |
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Lectio 2 |
Leçon 2 : 1 Corinthiens III, 8-15 — Le purgatoire du péché |
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SOMMAIRE : L’Apôtre affirme que les ministres, soit bons, soit mauvais, ont leur récompense toute préparée, comme étant les ministres de Dieu. Il montre, par une comparaison tirée de celui qui construit, la diversité de cette récompense. |
[8] qui plantat autem et qui rigat unum sunt unusquisque autem
propriam mercedem accipiet secundum suum laborem [9] Dei enim sumus adiutores Dei agricultura estis Dei
aedificatio estis [10] secundum gratiam Dei quae data est mihi ut sapiens
architectus fundamentum posui alius autem superaedificat unusquisque autem
videat quomodo superaedificet [11] fundamentum enim aliud nemo potest ponere praeter id quod
positum est qui est Christus Iesus [12] si quis autem superaedificat supra fundamentum hoc aurum
argentum lapides pretiosos ligna faenum stipulam [13] uniuscuiusque opus manifestum erit dies enim declarabit
quia in igne revelabitur et uniuscuiusque opus quale sit ignis probabit [14] si cuius opus manserit quod superaedificavit mercedem
accipiet [15] si
cuius opus arserit detrimentum patietur ipse autem salvus erit sic tamen
quasi per ignem |
8. …Mais
chacun recevra sa récompense particulière selon son travail. 9. Car nous
sommes les coopérateurs de Dieu; et vous, vous êtes le champ que Dieu cultive
et l’édifice que Dieu bâtit. 10. Selon
la grâce que Dieu m’a donnée, j’ai posé le fondement, comme fait un sage
architecte; un autre bâtit dessus. Mais que chacun prenne garde comment il bâtit
sur ce fondement; 11. Car
personne ne peut poser d’autre fondement que celui qui est posé, lequel est
le Christ Jésus. 12. Que si
l’on élève sur ce fondement un édifice d’or, d’argent, de pierres précieuses,
de bois, de foin, de paille, 13.
L’ouvrage de chacun paraîtra; et le jour du Seigneur fera voir quel il est,
parce qu'il sera découvert par le feu, et que le feu mettra à l’épreuve
l’ouvrage de chacun; 14. Que si
l’ouvrage que quelqu’un a bâti sur le fond demeure, il en recevra la
récompense; 15. Si
l’ouvrage de quelqu’un est brûlé, il en souffrira la perte; il ne laissera
pas néanmoins d’être sauvé, mais comme en passant par le feu. |
[86242] Super 1 Cor., cap. Pro qua mercede laborantes mercenarii laudantur,
secundum illud Lc. XV, 17 — quanti mercenarii in domo patris mei abundant
panibus? Alioquin si pro alia mercede in opere Dei aliquis laboret,
laudandus non est, secundum illud Io. X, 12 — mercenarius autem, cuius non
sunt oves propriae, videt lupum venientem, et fugit. Haec autem merces et
communis est omnibus, et propria singulorum : communis quidem, quia idem est
quod omnes videbunt, et quo omnes fruentur, scilicet Deus, secundum illud Iob
XXII, 26 — super omnipotentem deliciis afflues, et levabis ad Deum faciem
tuam; Is. XXVIII, 5 — in illa die erit dominus exercituum corona
gloriae et sertum exultationis populo suo. Et ideo Matth. c. XX, 9 s.
omnibus laborantibus in vinea datur unus denarius. Propria vero merces erit
singulorum : quia unus alio clarius videbit, et plenius fruetur secundum
determinatam sibi mensuram. Unde et Dan. XII, 3 illi qui docti sunt, comparantur
splendori firmamenti, qui ad iustitiam erudiunt plurimos quasi stellae. Hinc
est quod Io. XIV, 2 dicitur : in domo patris mei mansiones multae sunt,
propter quod etiam hic dicitur unusquisque propriam mercedem accipiet.
Ostendit autem secundum quid attendatur mensura
propriae mercedis, cum subdit secundum suum laborem. Unde et in Ps.
CXXVII, 2 dicitur : labores manuum tuarum, quia manducabis, beatus es et
bene tibi erit. Non tamen propter hoc designatur aequalitas secundum
quantitatem laboris ad mercedem, quia, ut dicitur I1 Cor. IV, 17 — quod in
praesenti est momentaneum et leve tribulationis nostrae, supra modum in
sublimitate aeternum gloriae pondus operabitur in nobis. Sed aequalitatem
designat proportionis, ut scilicet ubi est potior labor, ibi sit potior
merces. Potest autem intelligi labor esse potior tripliciter. Primo quidem
secundum formam charitatis, cui respondet merces essentialis praemii,
scilicet fruitionis et visionis divinae. Unde dicitur Io. XIV, 21 — qui
diligit me, diligetur a patre meo, et ego diligam eum, et manifestabo ei
meipsum. Unde qui ex maiori charitate laborat, licet minorem laborem
patiatur, plus de praemio essentiali accipiet. Secundo ex specie operis; sicut enim in rebus
humanis ille magis praemiatur qui in digniori opere laborat, sicut
architector quam artifex manualis, licet minus laboret corporaliter : ita
etiam in rebus divinis ille qui in nobiliori opere occupatur, maius praemium
accipiet quantum ad aliquam praerogativam praemii accidentalis, licet forte
minus corporaliter laboret. Unde aureola datur doctoribus, virginibus et
martyribus. Tertio ex quantitate laboris, quod quidem
contingit dupliciter. Nam quandoque maior labor maiorem mercedem meretur,
praecipue quantum ad remissionem poenae, puta quod diutius ieiunat vel
longius peregrinatur, et etiam quantum ad gaudium quod percipiet de maiori
labore. Unde
Sap. X, 17 dicitur : reddidit, Deus scilicet, iustis mercedem
laborum suorum. Quandoque vero est maior labor ex defectu voluntatis. In
his enim quae propria voluntate facimus, minorem laborem sentimus. Et talis
magnitudo laboris non augebit, sed minuet mercedem. Unde dicitur Is. XL, 31 — assument
pennas ut aquilae, current et non laborabunt, volabunt et non deficient;
et ibi praemittitur : deficient pueri et laborabunt. Deinde, cum dicit Dei enim sumus, assignat
rationem eius quod dixerat. Et primo ponit rationem; secundo adhibet
similitudinem, ibi Dei agricultura estis. Dicit ergo primo : recte quilibet nostrum mercedem accipiet, Dei
enim sumus adiutores, scilicet secundum nostros labores. Contra quod
videtur esse quod dicitur Iob c. XXVI, 2 — cuius adiutor es, numquid
imbecillis? Et Is. XL, 13 — quis adiuvit spiritum domini? Dicendum est autem, quod
dupliciter aliquis alium adiuvat. Uno modo augendo eius virtutem, et sic
nullus potest esse Dei adiutor. Unde et post praemissa verba Iob subditur : et
sustentas brachium eius qui non est fortis. Alio modo obsequendo
operationi alterius, sicut si minister dicatur domini adiutor, in quantum
exequitur opus eius aut ministerium artificis, et hoc modo ministri Dei sunt
eius adiutores, secundum illud I1 Cor. VI, 1 — adiuvantes autem exhortamur.
Sicut ergo ministri hominum exequentes eorum opera, mercedem ab eis accipiunt
secundum suum laborem, ita et minister Dei. Secundo adhibet similitudinem simplicis operis,
scilicet agriculturae et aedificationis. Populus quidem fidelis ager est a
Deo cultus, in quantum per operationem divinam fructum boni operis Deo
acceptum producit, secundum illud Rom. VII, 4 — sitis alterius qui ex
mortuis resurrexit, ut fructificetis Deo, et Io. XV, 1 dicitur : pater
meus agricola est. Et hoc est quod primo dicitur Dei agricultura estis,
id est, quasi ager a Deo cultus, et fructum ferens eius opere, et populus
fidelis est quasi domus a Deo aedificata, inquantum scilicet Deus in eis
habitat, secundum illud Eph. II, 22 — et vos coaedificamini in habitaculum
Dei. Et ideo secundo dicitur Dei aedificatio estis, id est
aedificium a Deo constructum, secundum illud Ps. CXXVI, 1 — nisi dominus aedificaverit
domum, et cetera. Sic igitur ministri Dei sunt adiutores, inquantum
laborant in agricultura et aedificatione fidelis populi. Deinde, cum dicit secundum gratiam Dei,
etc., agit de diversitate mercedis, et quia merces distinguitur secundum distinctionem
laboris, ut dictum est, ideo primo agit de diversitate laboris; secundo de
diversitate mercedis, ibi si quis superaedificat. Circa primum duo facit. Primo ponit distinctionem
laborum; secundo subiungit admonitionem, ibi unusquisque autem videat,
et cetera. Circa primum duo facit. Primo, relicta
similitudine agriculturae quam supra prosecutus fuerat, sub similitudine
aedificationis suum proprium laborem describit, dicens secundum gratiam
Dei quae data est mihi, ut sapiens architectus fundamentum posui. Ubi
considerandum est quod architectus dicitur principalis artifex, et maxime
aedificii, ad quem pertinet comprehendere summam dispositionem totius operis,
quae perficitur per operationem manualium artificum. Et ideo dicitur sapiens
in aedificio, quia simpliciter sapiens est qui summam causam cognoscit,
scilicet Deum, et alios secundum Deum ordinat. Ita sapiens in aedificio
dicitur qui principalem causam aedificii, scilicet finem, considerat, et
ordinat inferioribus artificibus quid sit propter finem agendum. Manifestum est autem quod
tota structura aedificii ex fundamento dependet, et ideo ad sapientem
architectum pertinet idoneum fundamentum collocare. Ipse autem Paulus
fundamentum spiritualis aedificii collocavit Corinthiis, unde supra dixit : ego
plantavi. Sicut enim se habet fundamentum in aedificio, sic plantatio in
plantis. Per utrumque enim significatur spiritualiter prima praedicatio
fidei. Unde et ipse dicit Rom. XV, 20 — sic autem praedicavi Evangelium,
non ubi nominatus est Christus, ne super alienum fundamentum aedificarem,
et ideo se comparat sapienti architecto. Hoc autem non suae virtuti
attribuit, sed gratiae Dei. Et hoc est quod dicit secundum gratiam Dei
quae data est mihi, qui scilicet me aptum et idoneum ad hoc ministerium
fecit. Infra XV, 10 — abundantius
omnibus laboravi, non autem ego, sed gratia Dei mecum. Secundo describit laborem aliorum, dicens alius autem, id est,
quicumque inter vos laborat, superaedificat, fundamento a me posito.
Quod quidem potest ad duo referri. Uno quidem modo inquantum aliquis
superaedificat fidei in seipso fundatae profectum charitatis et bonorum
operum. I Petr. II, 5 — et ipsi tamquam lapides vivi superaedificamini.
Alio modo ad doctrinam, per quam quis fundatam fidem in aliis perfectius
manifestat. Unde Ier. I, 10 dicitur : ut aedifices et plantes. Et
secundum hoc idem significat haec superaedificatio, quod supra rigatio. Deinde, cum dicit unusquisque autem, etc., subiungit
monitionem, dicens : dictum est quod ad alios pertinet superaedificare, unusquisque
autem videat, id est, diligenter attendat, quomodo superaedificet,
id est, qualem doctrinam fidei fundatam in aliis superaddat, vel qualia opera
fidei in se fundatae habeat. Prov. IV, 25 — oculi tui videant recta, et palpebrae tuae
praecedant gressus tuos. Secundo respondet tacite quaestioni, quare
scilicet admoneat alios de superaedificatione et non de fundatione, vel
potius assignat rationem quare dixerit quod ad alios pertinet
superaedificare, dicens fundamentum aliud nemo potest ponere, praeter id
quod positum est, scilicet a me, quod est Iesus Christus, qui
habitat in cordibus vestris per fidem, ut dicitur Eph. III, 17. Et de fundamento
dicitur Is. XXVIII, 16 — ecce ego mittam in fundamentis Sion lapidem
angularem, probatum, pretiosum, id est, in fundamento fundatum. Sed contra videtur esse quod dicitur Apoc. XXI, 14
— murus civitatis habens fundamenta duodecim, et in ipsis duodecim nomina
apostolorum. Non
ergo solus Christus est fundamentum. Dicendum est autem, quod duplex est
fundamentum. Unum quidem quod per se habet soliditatem, sicut rupes aliqua
supra quam aedificium construitur, et huic fundamento Christus comparatur.
Ipse enim est petra de qua dicitur Matth. VII, 25 — fundata enim erat
supra firmam petram. Aliud est fundamentum, quod habet soliditatem non ex
se, sed ex alio solido subiecto, sicut lapides qui primo supponuntur petrae
solidae. Et hoc modo dicuntur apostoli esse fundamentum Ecclesiae, quia ipsi
primo superaedificati sunt Christo per fidem et charitatem. Unde dicitur Eph.
II, 20 — superaedificati supra fundamentum apostolorum. Deinde cum dicit si quis superaedificat,
etc., agit de mercedis differentia quantum ad hoc, quod quidam eam accipiunt
sine detrimento, quidam cum detrimento. Et circa hoc tria facit. Primo docet
quod diversitas operationum manifestatur ex retributione; secundo ostendit
quando manifestatur, ibi dies enim domini; tertio ostendit quomodo
manifestatur, ibi si cuius opus, et cetera. Circa primum considerandum est quod apostolus
intendens ostendere diversitatem superae-dificationis, sex ponit, videlicet
tria contra tria. Ex una quidem parte aurum, argentum, et lapides pretiosos;
et ex alia parte lignum, foenum et stipulam, quorum tria, scilicet aurum,
argentum, et lapides pretiosi habent quamdam inclytam claritatem simul et
inconsumptibilitatem et pretiositatem. Alia vero tria obscura sunt, et facile
ab igne consumuntur, et vilia sunt. Unde per aurum, argentum et lapides pretiosos
intelligitur aliquid praeclarum et stabile; per lignum vero, foenum et stipulam
aliquid materiale et transitorium. Dictum est autem supra quod superaedificatio
potest intelligi, et quantum ad opera quae unusquisque superaedificat fidei
fundamento, et quantum ad doctrinam quam aliquis doctor vel praedicator
superaedificat in fundamento fidei ab apostolis fundatae. Unde ista
diversitas quam hic apostolus tangit, ad utramque superaedificationem referri
potest. Quidam ergo referentes haec ad superaedificationem operum, dixerunt
quod per aurum, et argentum, et lapides pretiosos intelliguntur bona, quae
quis fidei superaddit. Sed per lignum, foenum, et stipulam debent intelligi
peccata mortalia quae quis facit post fidem susceptam. Sed ista expositio penitus stare non potest.
Primo quidem quia peccata mortalia sunt opera mortua, secundum illud Hebr.
IX, 14 — mundabit conscientias nostras ab operibus mortuis. In hoc
autem aedificio nihil aedificatur nisi vivum, secundum illud I Petr. II, v. 5
— et ipsi tamquam lapides vivi superaedificamini. Unde qui cum fide
habet peccata mortalia, non superaedificat, sed magis destruit vel violat,
contra quem dicitur infra : si quis templum Dei violaverit, disperdet
illum Deus. Secundo, quia peccata mortalia magis comparantur ferro, vel
plumbo, vel lapidi, tum propter gravitatem, tum quia etiam non renovantur per
ignem, sed semper in eo manent in quo sunt : peccata vero venialia
comparantur ligno, foeno et stipulae, tum propter levitatem, tum etiam quia
ab eis aliquis de facili expurgatur per ignem. Tertio, quia secundum hanc
expositionem videtur sequi, quod ille qui moritur in peccato mortali, dummodo
fidem retineat, finaliter salutem consequatur, licet primo aliquas poenas
sustineat. Sic enim sequitur : si cuius opus arserit, detrimentum
patietur, ipse autem salvus erit, sic tamen quasi per ignem. Quod quidem
contrariatur manifeste sententiae apostoli qua dicitur infra VI, 9 s. : neque
fornicarii, neque idolis servientes, etc. regnum Dei possidebunt;
et Gal. V, 21 —
qui talia agunt, regnum Dei non possidebunt. Non est autem alicui
salus nisi in regno Dei. Nam qui ab eo excluduntur, mittuntur in ignem aeternum, ut dicitur
Matth. XXV, 41. Quarto quia fides non potest dici fundamentum, nisi quia per
eam Christus habitat in nobis, cum supra dictum sit quod fundamentum est ipse
Christus Iesus. Non
enim habitat Christus in nobis per fidem informem, alioquin habitaret in
Daemonibus, de quibus scriptum est Iac. II, 19 — et Daemones credunt et
contremiscunt. Unde quod dicitur Eph. III, 17, habitare Christum per
fidem in cordibus nostris, oportet intelligi de fide per charitatem formata,
cum scriptum sit I Io. IV, 16 — qui manet in charitate in Deo manet, et
Deus in eo. Haec est fides quae per dilectionem operatur, ut dicitur
infra XIII, 4 — charitas non agit perperam. Unde manifestum est quod
illi qui operantur peccata mortalia, non habent fidem formatam, et ita non
habent fundamentum. Oportet ergo intelligere quod tam ille qui superaedificat
fundamento aurum, argentum, lapides pretiosos, quam etiam ille qui
superaedificat lignum, foenum, stipulam, vitet peccata mortalia. Ad horum ergo distinctionem intelligendum est,
quod actus humani ex obiectis speciem habent. Duplex est autem obiectum
humani actus, scilicet res spiritualis et res corporalis, quae quidem obiecta
differunt tripliciter. Primo quidem quantum ad hoc quod res spirituales sunt
perpetuae, res autem corporales sunt transitoriae. Unde I1 Cor. IV, 18 — quae
videntur, temporalia sunt; quae autem non videntur, aeterna. Secundo, quantum ad hoc
quod res spirituales in seipsis claritatem habent, secundum illud Sap. VI, 13 — clara est et
quae numquam marcescit sapientia. Res corporales obscuritatem habent ex
materia. Unde dicitur Sap. II, 5 — umbrae transitus est tempus nostrum.
Tertio, quantum ad hoc quod res spirituales sunt pretiosiores et nobiliores
rebus corporalibus; unde Prov. III, 15 dicitur de sapientia : pretiosior
est cunctis opibus; et Sap. VII, 9 — omne aurum in comparationem
illius, arena est exigua, et tamquam lutum aestimabitur argentum in conspectu
illius. Et ideo opera quibus homo innititur rebus
spiritualibus et divinis comparantur auro, argento et lapidi pretioso, quae
sunt solida, clara et pretiosa. Ita tamen quod per aurum designentur ea
quibus homo tendit in ipsum Deum per contemplationem et amorem; unde dicitur
Cant. V, 11 — caput eius aurum optimum. Caput enim Christi est Deus,
ut dicitur 1 Cor. XI, 3. De quo auro dicitur Apoc. III, 18 — suadeo tibi
emere a me aurum ignitum, id est sapientiam cum charitate. Per argentum
significantur actus, quibus homo adhaeret spiritualibus credendis, et
amandis, et contemplandis; unde in Glossa refertur argentum ad dilectionem
proximi, propter quod et in Psalmo LXVII, 14 pennae columbae describuntur
deargentatae, cuius superior pars, id est, posteriora describuntur esse in
pallore auri. Sed per lapides pretiosos designantur opera diversarum
virtutum, quibus anima humana ornatur; unde dicitur Eccli. L, 10 — quasi
vas auri solidum ornatum omni lapide pretioso. Vel etiam mandata legis
Dei, secundum illud Ps. CXVIII, 127 — dilexi mandata tua super aurum et
topazion. Opera vero humana quibus homo intendit rebus
corporalibus procurandis, comparantur stipulae, quae vilia sunt, namque
fulgent et facile comburuntur; habent tamen quosdam gradus, prout quaedam
sunt aliis stabiliora, quaedam vero facilius consumptibilia; nam ipsi homines
inter creaturas carnales et digniores sunt, et per successionem conservantur.
Unde comparantur lignis, secundum illud Iudic. IX, 8 — ierunt ligna
sylvarum ut eligerent super se regem. Caro autem hominis
facilius corrumpitur per infirmitatem et mortem; unde comparatur foeno,
secundum illud Is. XL, 6 — omnis caro foenum. Ea vero quae pertinent
ad gloriam huius mundi facillime transeunt, unde stipulae comparantur; unde
in Ps. LXXXII,
14 sequitur : pone illos ut rotam et ut stipulam ante faciem venti.
Sic ergo superaedificare aurum, et argentum et lapides pretiosos, est
superaedificare fidei fundamento ea quae pertinent ad contemplationem
sapientiae divinorum, et amorem Dei, et devotionem sanctorum, et obsequium
proximorum, et ad exercitium virtutum. Superaedificare vero
lignum, foenum et stipulam, est superaddere fidei fundamento ea quae
pertinent ad dispositionem humanarum rerum, et ad curam carnis, et ad
exteriorem gloriam. Sciendum tamen quod
contingit aliquem hominem id intendere tripliciter. Uno modo ita quod in his
finem constituat; et cum hoc sit peccatum mortale, per hoc homo non
superaedificat sed, everso fundamento, aliud fundamentum collocat. Potest autem et haec diversitas referri ad
superaedificationem doctrinae. Nam illi qui fidei ab apostolis fundatae per
suam doctrinam superaedificant solidam veritatem et claram, sive manifestam,
et ad ornamentum Ecclesiae pertinentem, superaedificant aurum, argentum,
lapides pretiosos. Unde Prov. X, 20 — argentum electum labia iusti.
Illi vero qui fidei ab apostolis fundatae superaddunt in doctrina sua aliqua
inutilia, et quae non sunt manifesta, nec veritatis ratione firmantur, sed
sunt vana et inania, superaedificant lignum, foenum, stipulam. Unde dicitur
Ier. XXIII, 28 — qui habet somnium, narret somnium, et qui habet sermonem
meum, loquatur sermonem meum vere. Quid paleis ad triticum? Qui vero
falsitatem doceret, non superaedificaret, sed magis subverteret fundamentum.
Dicit ergo si quis superaedificat, vel operando, vel docendo, super
fundamentum hoc, id est, super fidem formatam in corde, vel super fidem
fundatam ab apostolis et praedicatam, aurum, argentum aut lapides
pretiosos, id est spiritualia opera vel praeclaram doctrinam, vel
lignum, foenum, stipulam, id est corporalia opera, vel frivolam
doctrinam, uniuscuiusque opus manifestum erit, scilicet in divino
iudicio, quale sit. Non enim latet per humanam ignorantiam. Nam quidam
videntur superaedificare aurum, argentum, lapidem pretiosum, qui tamen
superaedificant lignum, foenum, stipulam, in rebus spiritualibus corporalia
meditantes, puta lucrum vel favorem humanum; quidam vero videntur
superaedificare lignum, foenum, stipulam, qui tamen aedificant aurum,
argentum et lapidem pretiosum, quia in administratione temporalium nihil nisi
spiritualia cogitant. Unde et Sophon. I, 12 dicitur : scrutabor Ierusalem
in lucernis, et Lc. XII, v. 2 — nihil opertum quod non reveletur. Deinde, cum dicit dies enim domini,
ostendit quando haec manifestatur. Et primo ponit tempus manifestationis, cum
dicit dies enim domini declarabit. Circa quod sciendum est quod tunc
dicitur esse tempus et dies alicuius rei, quando est in optimo statu et
maximo sui posse. Unde Eccle. III, 1 dicitur : omnia tempus habent.
Quando ergo homo suam voluntatem implet, etiam contra Deum, tunc est dies
hominis. Unde dicitur Ier. XVII, 16 — diem hominis non desideravi, tu scis.
Dies vero domini dicitur quando voluntas domini completur de hominibus, qui
per eius iustitiam vel praemiabuntur vel damnabuntur, secundum illud Ps.
LXXIV, 3 — cum accepero tempus, ego iustitias iudicabo. Unde secundum
triplex Dei iudicium tripliciter potest intelligi dies domini. Erit nempe
quoddam iudicium generale omnium, secundum illud Matth. XII, v. 41 — viri
Ninivitae surgent in iudicio. Et secundum hoc dies domini dicitur
novissimus dies iudicii, de quo II Thess. II, 2 — non terreamini quasi
instet dies domini. Et secundum hoc intelligitur dies domini
declarabit, quia in die iudicii manifestabitur differentia humanorum
meritorum. Rom. II, 16 — in die quando iudicabit dominus occulta hominum.
Aliud autem est particulare iudicium quod fit de unoquoque in morte ipsius,
de quo habetur Lc. XVI, 23 — mortuus est dives, et sepultus est in
Inferno, mortuus est autem mendicus, et portatus est ab Angelis in sinum
Abrahae. Et secundum hoc dies domini potest intelligi dies mortis,
secundum illud I Thess. V, 2 — dies domini sicut fur in nocte veniet.
Sic ergo dies domini declarabit, quia in morte uniuscuiusque eius
merita patent. Unde dicitur Prov. XI, 7 — mortuo homine impio, nulla erit
ultra spes; et eiusdem XIV, v. 32 — sperat autem iustus in morte sua.
Tertium autem est iudicium in hac vita, inquantum Deus per tribulationes
huius vitae interdum homines probat. Unde dicitur infra XI, 32 — cum
iudicamur, a domino corripimur, ut non cum hoc mundo damnemur. Et
secundum hoc dicitur dies domini, dies temporalis tribulationis, de quo
dicitur Sophon. I, 14 — vox diei domini amara, tribulabitur ibi fortis.
Dies ergo domini declarabit, quia in tempore tribulationis
affectus hominis probatur. Eccli. XXVII, 6 — vasa figuli probat fornax, et
homines iustos tentatio tribulationis. Secundo ostendit per quod fiet ista declaratio,
quia per ignem, unde sequitur quia in igne revelabitur, scilicet dies
domini. Nam dies iudicii revelabitur in igne, qui praecedet faciem iudicis,
exurens faciem mundi, et involvens reprobos, et iustos purgans : de quo
dicitur in Ps. XCVI, 3 — ignis ante ipsum praecedet, et inflammabit in
circuitu inimicos eius. Dies autem domini, qui est dies mortis,
revelabitur in igne Purgatorii, per quem purgabitur si quid in elementis
invenietur purgandum, de quo potest intelligi quod dicitur Iob XXIII, 10 — probabit
me quasi aurum quod per ignem transit. Dies vero qui est dies
tribulationis divino iudicio permissae, revelabitur in igne tribulationis, de
quo dicitur Eccli. II, 5 — in igne probatur aurum et argentum, homines
vero acceptabiles in camino tribulationis. Tertio ponit effectum manifestationis, cum subdit
et uniuscuiusque opus quale sit, ignis probabit, quia scilicet per
quemlibet ignium praedictorum probantur merita hominis vel demerita : unde in
Ps. XVI, 3 dicitur : igne me examinasti, et non est inventa in me
iniquitas. In his tribus quae hic apostolus ponit, primum est conclusio
duorum sequentium. Si enim dies domini revelatur in igne, et ignis probat
quale sit uniuscuiusque opus, consequens est quod dies domini declaret
differentiam operum humanorum. Deinde cum dicit si cuius opus, ostendit
modum praedictae manifestationis. Et primo quantum ad bona opera, cum dicit si
cuius, id est, alicuius opus, quod ipse superaedificavit, manserit,
scilicet in igne, ille, scilicet qui superaedificavit, mercedem accipiet.
Ier. XXXI, 16 — est merces operi tuo. Et Is. XL, 10 — ecce merces
eius cum eo. Dicitur autem aliquod opus in igne permanere illaesum
dupliciter. Uno modo ex parte ipsius operantis, quia scilicet ille qui hoc
facit opus, scilicet bonae doctrinae, vel quodcumque bonorum operum, propter
huiusmodi opus non punitur, inquantum scilicet nec torquebitur igne
Purgatorii, nec igne qui praecedit faciem iudicis, nec etiam aestuat igne
tribulationis. Qui enim non immoderate temporalia dilexit, consequens est
quod non nimis doleat de eorum amissione. Dolor enim causatur ex amore rei
quae amittitur. Unde superfluus amor superfluum generat dolorem. Alio modo potest intelligi ex parte ipsius operis
: quolibet enim praedictorum iudiciorum superveniente homini, permanet et
opus bonae doctrinae, vel quodcumque aliud bonum opus. Nam igne tribulationis
superveniente, non cessat homo neque a vera doctrina, neque a bono opere
virtutis; utrumque autem horum permanet homini quantum ad meritum et in igne
Purgatorii et in igne qui praecedit faciem iudicis. Secundo ostendit diem quantum ad mala opera,
dicens si cuius, id est, alicuius, opus arserit, scilicet per
aliquem ignium praedictorum, detrimentum patietur, scilicet qui hoc
operatus est, non tamen usque ad damnationem. Unde subdit : ipse autem
salvus erit, scilicet salute aeterna, secundum illud Is. XLV, 17 — salvatus
est Israel in domino salute aeterna. Sic tamen quasi per ignem, quem scilicet prius
sustinuit, vel in hac vita, vel in fine huius vitae, vel in fine mundi. Unde dicitur in Ps. LXV, 12
— transivimus per ignem et aquam, et eduxisti nos in refrigerium. Et
Is. XLIII, 2 s. : cum transieris per ignem, non combureris, et flamma non
comburet te, quia ego dominus Deus salvator tuus. Dicitur autem opus
alicuius ardere dupliciter. Uno modo ex parte operantis, inquantum scilicet
aliquis affligitur igne tribulationis propter immoderatum affectum quo
superflue terrena diligit, et punitur igne Purgatorii, vel igne qui praecedet
faciem iudicis propter peccata venialia, quae circa curam temporalium
commisit, sive etiam per frivola et vana quae docuit. Alio modo ardet opus in
igne ex parte ipsius operis, quia scilicet tribulatione superveniente, homo
non potest vacare nec doctrinae vanae, nec terrenis operibus, secundum illud
Ps. CXLV, 4 — in illa die peribunt omnes cogitationes eorum. Nec etiam
igne Purgatorii vel praecedente faciem iudicis remanebit ei aliquid
praedictorum vel ad remedium vel ad meritum. Et similiter dupliciter patitur
detrimentum, vel inquantum ipse punitur, vel inquantum perdit id quod fecit,
et quantum ad hoc dicitur Eccli. XIV, 20 s. : omne opus corruptibile in
fine deficiet, et qui operatur illud ibit cum illo, et omne opus electum in
fine iustificabitur, et qui operatur illud honorificabitur in illo.
Quorum primum pertinet ad eum qui superaedificat lignum, foenum et stipulam,
quod est opus in igne ardens; secundum autem pertinet ad eum qui
superaedificat aurum, argentum et lapides pretiosos, quod est opus manens in
igne absque detrimento. |
L’Apôtre,
ayant établi la condition des ministres, traite ici de leur récompense. Et
d’abord il dit quelle est la récompense des bons ; il traite ensuite de la
punition des mauvais, à ces mots (verset 16) : Ne savez-vous pas que vous
êtes le temple de Dieu ? etc. Aux bons ministres, I° il promet une récompense spéciale ;
II° Il en assigne la
raison, à ces mots (verset 9) : Car nous sommes les coopérateurs de Dieu ;
III° il traite
de la diversité des récompenses, à ces autres (verset 10) : selon la grâce
de Dieu. I° Il dit donc : Il a été établi que celui qui plante et celui qui arrose
ne sont rien ; toutefois ce n’est pas inutilement
que l’un plante et que l’autre arrose (verset 8) : Chacun recevra son
salaire selon son travail. I. En effet, bien que
ce soit Dieu qui donne lui-même l’accroissement et que Lui seul opère
intérieurement, cependant il donne leur salaire à ceux qui travaillent
extérieurement, selon cette parole de Jérémie (XXXI, 16) : "Que votre
voix cesse ses gémissements plaintifs, et que vos yeux cessent leurs larmes,
car il est une récompense pour vos oeuvres." Et cette récompense,
c’est Dieu Lui-même (Gen., XV, 1) : "Je suis votre protecteur et
votre récompense infiniment grande". Les mercenaires qui travaillent
pour cette récompense méritent des éloges ; (Luc, XV, 17) : "Combien
de mercenaires, dans la maison de mon père, ont du pain en abondance !"
mais si, dans l’oeuvre de Dieu, on travaille pour une autre récompense, on ne
mérite plus d'être loué, selon cette parole de saint Jean (X, 12) : "Le
mercenaire, à qui n’appartiennent pas les brebis, voit venir le loup, et
s’enfuit." Or cette récompense est tout à la fois commune à tous et
spéciale à chacun : elle est commune, car c’est le même objet que tous
verront, dont tous jouiront, à savoir Dieu (Job, XXII, 26) : "Alors
vous trouverez vos délices dans le Tout-Puissant, et vous tournerez vers Lui
vos regards" ; et (Isaïe, XXVIII, 5) : "Le Dieu des
armées sera en ce jour, pour son peuple, une couronne de gloire et une
guirlande de joie." Voilà pourquoi, en saint Matthieu (XX, 9), à
tous ceux qui travaillent dans la vigne on donne un denier. Toutefois la
récompense sera spéciale à chacun, parce que, à raison de la mesure accordée
à chacun, l’un jouira plus que l’autre de la claire vue et possédera la
gloire avec plus de délices. C’est pourquoi le prophète Daniel (XII, 3)
compare ceux qui sont doctes à la splendeur des cieux, et dit de ceux qui
enseignent la justice à plusieurs qu’ils seront comme des étoiles. C’est
encore ce qu’on lit en saint Jean (XIV, 2) : "Il y a plusieurs
demeures dans la maison de mon Père." Et saint Paul, pour cette même
raison, dit ici (verset 8) : "Chacun recevra le salaire qui lui est
dû." II. Il montre ensuite
sur quelle proportion sera mesurée la récompense spéciale, en disant (verset
8) : selon son travail. On lit la même chose au ps. CXXVII, 2 — "Parce
que vous mangez les fruits de vos travaux, vous serez heureux et comblés de
biens." Cependant, pour cette raison, on ne désigne pas l’égalité
entre la quantité du travail et la récompense, parce que, comme dit l’Apôtre
(I1 Cor., IV, 17), "La durée si courte et si légère des afflictions de
cette vie produit en nous le poids éternel d’une souveraine et incomparable
gloire" ; mais seulement l’égalité propor-tionnelle,
c’est-à-dire que là où il y aura eu plus de travail, là il y aura aussi plus
de récompense. Or une plus grande quantité de travail se conçoit sous trois
rapports : A) d’abord selon la forme qu’il reçoit
de la charité, à laquelle correspond ce qu'il y a d’essentiel dans sa
récompense, c’est-à-dire la jouissance et la vision divine. C’est pourquoi
(Jean XIV, 21) : "Celui qui m’aime sera aimé de mon Père; je
l’aimerai aussi, et je me manifesterai à lui." Celui qui travaille
avec une plus grande charité recevra donc davantage de la récompense
essentielle, quand bien même il aurait moins travaillé. B) Selon la nature des oeuvres. De même,
en effet, que, dans les choses humaines, on récompense davantage celui dont
le travail est d’un ordre plus élevé, l’architecte par exemple, relativement
au manoeuvre, bien que corporellement le premier ait moins de peine que le
second, ainsi, dans les choses divines, celui qui est occupé à une fonction
plus excellente recevra un salaire plus grand, en raison de quelque
prérogative de la récompense accidentelle, bien que peut-être son travail corporel
soit moindre. C’est ainsi qu’une auréole est donnée aux Docteurs, aux Vierges
et aux Martyrs. C) Enfin selon la quantité du travail,
ce qui arrive de deux manières ; car quelquefois un plus grand travail mérite
une plus grande récompense, principalement quant à la rémission de la peine,
par exemple pour un jeûne plus long, un pèlerinage à une plus grande
distance, et même pour la joie que l’on goûte à raison d’un travail plus
pénible. C’est pourquoi on lit (Sag., X, 17) : "Dieu a rendu aux
justes, le prix de leurs travaux." Quelquefois aussi le
travail est plus grand, à cause de la faiblesse de la volonté, car, dans ce
que nous faisons par notre volonté propre, nous sentons moins le travail ;
mais la grandeur du travail ainsi entendue n’augmente pas, elle diminue au
contraire la récompense. De là cette parole (Isaïe, XL, 31) : "Ils
prendront des ailes et s’élèveront comme l’aigle ; ils courront sans se
lasser ; ils marcheront sans se fatiguer" ; et au verset
précédent : "L’enfant se brise et succombe au travail." II° Quand saint Paul dit (verset 9) : Car nous sommes les coopérateurs
de Dieu, il donne la raison de ce qu’il vient de dire. Et
d’abord il expose cette raison ; ensuite il emploie une comparaison, à ces
mots (verset 9) : Vous êtes le champ que Dieu cultive. I. Il dit donc : C’est
avec justice que chacun de nous recevra son salaire, car nous sommes les
coopérateurs de Dieu, à savoir par notre travail. On objecte ces paroles
tirées de Job (XXVI, 2) : "Qui prétendez-vous aider ? celui qui est
faible ?" et celles-ci d’Isaïe (XL, 13) : "Qui a aidé l’Esprit
du Seigneur ?" Il faut
répondre que l’on peut aider quelqu’un de deux manières : d’abord en
augmentant sa force ; dans ce sens, nul ne peut aider Dieu. Aussi, après les
paroles précitées de Job, on lit : "Soutenez-vous le bras de celui
qui n’est pas assez fort ?" Ensuite en secondant le travail d’un
autre, comme quand on dit que le serviteur est le coopérateur du maître, en tant
qu’il exécute son oeuvre ou concourt à l’exercice de son art. C’est dans ce
dernier sens que les ministres de Dieu sont ses coopérateurs, suivant cette
parole (I1 Cor., VI, 1) : "Etant donc les coopérateurs de Dieu, nous
vous exhortons." De même donc que les serviteurs des hommes, en
exécutant leurs oeuvres, reçoivent d’eux un salaire proportionné à leur
travail, ainsi en est-il des ministres de Dieu. II. En second lieu,
l’Apôtre emploie une comparaison tirée d’un travail ordinaire, à savoir
l’agriculture et la construction des maisons. Le peuple fidèle est vraiment
un champ cultivé par Dieu, en tant que par l’opération divine il produit,
pour être agréable au Seigneur, les fruits des bonnes oeuvres, selon cette
parole (Rom., VII, 4) : "afin que vous soyez à un autre qui est
ressuscité d’entre les morts, et que vous produisiez des fruits pour
Dieu." On lit encore (Jean XV, 1) : "Mon Père est le
vigneron." C’est ce que saint Paul a dit d’abord (verset 9) : Vous
êtes le champ que Dieu cultive, c’est-à-dire vous êtes comme un champ
cultivé par Dieu et portant des fruits par son action. Le peuple fidèle est
comme une maison bâtie par Dieu, c’est-à-dire en tant que Dieu habite en eux,
selon cette parole (Ephés., II, 22) : "Vous entrez dans la
construction de cet édifice, en devenant la maison de Dieu." Voilà
pourquoi saint Paul ajoute (verset 9) : Vous êtes la maison de Dieu,
c’est-à-dire l’édifice construit par Lui, selon la parole du Psalmiste (CXXVI,
1) : "Si Dieu ne bâtit pas lui-même la maison, etc." Ainsi
donc les ministres de l’Eglise sont les coopérateurs de Dieu, en tant qu’ils
travaillent à la culture et à l’édifice du peuple fidèle. III° Quand saint Paul dit (verset 10) : selon la grâce que Dieu m’a
donnée, etc., il traite de la
diversité de la récompense. Et comme comme la récompense est diverse, suivant
la diversité du travail, ainsi qu’il a été dit, il traite d’abord de la diversité
du travail, et ensuite de la diversité de la récompense, à ces mots (verset
12) : Si l’on élève sur ce fondement. I. A l’égard de la
première, 1° il établit
cette diversité ; 2° il donne
un avertissement, à ces mots (verset 10) : Que chacun prenne garde, etc. 1° Sur le premier de ces points,
laissant de côté la comparaison avec la culture qu’il avait d’abord employée,
1. il décrit sous celle de la
construction d’un édifice son propre travail, en disant : selon la grâce
qui m’a été donnée par Dieu, j’ai posé le fondement comme un sage architecte.
Il faut remarquer ici que l’ouvrier principal, surtout quand il s’agit d’un
édifice, reçoit le nom d’architecte ; c’est à lui qu’il appartient de saisir
dans son ensemble la disposition générale de l’ouvrage tout entier qu’auront
à exécuter les manoeuvres. On l’appelle sage relativement à la construction,
parce que celui qui est sage dans le sens absolu est celui qui connaît la
cause suprême, c'est-à-dire Dieu, et dirige les autres vers Dieu. Celui-là
donc doit être appelé sage en construction qui considère la cause principale
de l’édifice, c’est-à-dire sa fin, et fixe aux ouvriers du second ordre ce
qu’ils ont à faire pour l’atteindre. Or il est évident que toute la structure
d’un édifice dépend du fondement ; aussi un architecte sage doit-il l’établir
convenablement. Saint Paul a posé lui-même, pour les Corinthiens, le
fondement de l’édifice spirituel (verset 7) : C’est moi qui ai planté.
Car le fondement est à l’édifice ce qu’est à la plante sa plantation, et l’un
et l’autre, dans le sens spirituel, marquent la première prédication de la
foi. Aussi saint Paul dit-il lui-même aux Romains (XV, 20) : "J’ai
prêché l’Evangile dans les lieux où le nom de Jésus-Christ n’était pas connu,
pour ne pas bâtir sur le fondement d’autrui." C’est la raison pour
laquelle il se compare à un sage architecte. Ce qu’il a fait, il ne
l’attribue point à son mérite propre, mais à la grâce de Dieu ; voilà
pourquoi il dit (verset 10) : selon la grâce que Dieu m'a donnée, car
c’est Lui qui m’a donné l’aptitude et les dispositions pour ce ministère
(ci-après, XV, 10) : J’ai travaillé plus que les autres, non pas moi
néanmoins, mais la grâce de Dieu avec moi. 2. Il décrit le
travail des autres, en disant (verset 10) : un autre, c’est-à-dire tous
ceux qui travaillent parmi vous, bâtit dessus, à savoir dessus ce
fondement posé par moi. On peut expliquer ce passage de deux manières :
d’abord en ce sens que le fidèle bâtit sur la foi établie en lui de la
charité et des bonnes œuvres ; (I Pierre, II, 5) : "Et
vous-mêmes, entrez dans la structure de l’édifice comme des pierres
vivantes." On peut ensuite l’appliquer à la doctrine, par laquelle
on développe plus complètement, dans les autres, la foi déjà établie ;
(Jér., I, 10) : "pour édifier et pour planter" ; dans
ce sens, « édifier sur quelque chose » a la même signification que
celle donnée plus haut au mot « arroser ». 2° Quand saint Paul ajoute (verset 10)
: mais que chacun prenne garde, etc., il donne un avertissement, en
disant : Il a été dit qu’il appartient aux autres d’édifier sur le fondement ;
mais que chacun prenne garde, c’est-à-dire examine avec attention
comment il bâtit sur ce fondement, c’est-à-dire quelle doctrine appuyée
sur la foi il établit dans les autres, ou quelles sont les oeuvres qu’il a
établies sur la foi ; (Prov., IV, 25) : "Que vos yeux regardent
droit devant vous et que vos paupières précèdent vos pas." Il répond
ensuite tacitement à cette question, à savoir pourquoi il avertit les autres
de construire sur le fondement, et non de le poser ; ou plutôt il donne la
raison pour laquelle il a dit qu’il appartenait aux autres de construire
ainsi, en disant (verset 14) : Car personne ne peut poser un autre
fondement que celui qui a été posé, à savoir par moi, "et ce
fondement est Jésus-Christ, qui habite dans vos coeurs par la foi,
comme dit l’Apôtre (Ephés., III, 17). Isaïe dit de ce fondement (XXVIII, 16) :
"J’établirai pour fondement, dans Sion, une pierre solide, choisie,
précieuse," c’est-à-dire posée dans la fondation. On pose en
objection ces paroles qu’on lit dans l’Apocalypse (XXI, 14) : "La
muraille de la ville avait douze fondements, et sur eux les douze noms des
apôtres de l’Agneau." Jésus-Christ n’est donc pas le fondement
unique. Il faut répondre qu’il y a deux sortes de fondements : d’abord celui
qui a en soi la solidité, comme un rocher sur lequel est construit un édifice
; c’est à ce fondement que Jésus-Christ est comparé, car il est la pierre
dont il est dit en saint Matthieu (VII, 25) : "La maison était fondée
sur la pierre solide." Il est une autre sorte de fondement qui tire
sa solidité non de lui-même, mais d’une autre base solide, comme les pierres
superposées sur la pierre fondamentale. C’est en ce sens que les apôtres sont
appelés les fondements de l’Eglise, parce que, les premiers, ils ont été
élevés sur Jésus-Christ par la foi et la charité. Tel est le sens de ce
passage (Ephés., II, 20) : "Vous êtes comme un édifice bâti sur le
fondement des apôtres." II. Quand saint Paul
dit (verset 12) : Si l’on élève sur ce fondement, etc., il traite de
la différence de la récompense, à ce point de vue que les uns la reçoivent
sans passer par l’épreuve, tandis que les autres l’ont subie.1° Il enseigne que la diversité du
travail se reconnaît à sa rétribution ; 2° il montre quand elle se reconnaît, à ces mots (verset
13) : car le jour du Seigneur ; 3° comment elle se manifeste, à ces autres (verset 14) : Celui
qui aura bâti, etc. 1° Sur le premier de ces points, il
faut remarquer que saint Paul, voulant montrer la diversité de l’ouvrage posé
sur le fondement, met trois termes en opposition avec trois autres termes :
d’un côté, l’or, l’argent, les pierres précieuses ; de l’autre, le bois, le
foin, la paille. Les trois premières, à savoir l’or, l’argent et les pierres
précieuses, non seulement portent avec elles un éclat naturel, mais sont en
même temps incombustibles et précieuses, tandis que les trois dernières n’ont
aucun éclat, sont facilement consumées par le feu et n’ont aucun prix. 1. Par l’or, l’argent, les pierres précieuses,
on entend donc quelque chose d’éclatant et de stable ; par le bois, le foin
et la paille on comprend quelque chose de matériel et de peu de durée. Or il
a été dit plus haut que par « construire dessus » on peut entendre
et les oeuvres que chacun doit élever sur le fondement de sa foi, et
l’enseignement que tout docteur ou prédicateur vient établir sur le fondement
de la foi posé par l’Apôtre. La diversité dont parle ici saint Paul peut donc
se rapporter à l’une ou à l’autre de ces constructions subséquentes. Quelques
auteurs, l’appliquant à l’édification des oeuvres, ont dit que par l’or,
l’argent, les pierres précieuses, on entend les bonnes oeuvres que l’on
ajoute à la foi ; et que par le bois, le foin et la paille on doit comprendre
les péchés mortels que l’on commet après avoir reçu la foi. Mais cette
explication ne peut se soutenir, d’abord parce que les péchés mortels sont
des oeuvres mortes, suivant cette parole de l’épître aux Hébreux (IX, 14) : "[Le
sang de Jésus-Christ] justifiera nos consciences des oeuvres mortes."
Mais dans cet édifice on n’élève rien qui ne soit vivant, suivant cette
parole de saint Pierre (I ép., II, 5) : "Et vous-mêmes, soyez établis
sur lui comme des pierres vivantes." Celui qui, avec la foi,
a des péchés mortels ne bâtit donc pas sur elle ; il détruit plutôt ou il
profane. C’est contre lui qu’on lit, dans ce chapitre même (verset 17) : Si
quelqu’un profane le temple de Dieu, Dieu le perdra. De plus, on compare,
avec plus de justesse, les péchés mortels au fer, au plomb et à la pierre,
soit à raison de leur poids, soit parce qu’ils ne sont pas renouvelés par le
feu, mais demeurent toujours dans celui en qui ils sont. On compare, au
contraire, les péchés véniels au bois, au foin, à la paille, soit à cause de
leur peu de gravité, soit parce qu’on peut facilement s’en purifier par le
feu. Enfin il semblerait suivre de cette explication que celui qui meurt en
état de péché mortel, pourvu qu’il conserve la foi, obtient finalement le
salut éternel, bien qu’il supporte d’abord quelques peines ; car on lit à la
suite (verset 15) : Si l’ouvrage de quelqu’un est consumé par le feu, il
en portera la peine ; toutefois il sera sauvé, mais comme par le
feu, ce qui est formellement opposé à la pensée de l’Apôtre, qui dit au
chapitre VI, 9 — Ni les fornicateurs, ni les idolâtres..., ne seront
héritiers du royaume de Dieu ; et dans l'épître aux Galates (V, 21) :
"Ceux qui commettent ces crimes ne posséderont pas le royaume de
Dieu." Or personne n’obtient le salut, sinon dans ce royaume ; car
ceux qui en sont exclus sont précipités dans le feu éternel (Matt, XXV, 41). En
dernier lieu, la foi ne peut être appelée du nom de fondement qu’autant que
Jésus-Christ, par elle, habite dans nos coeurs, puisqu’il a été dit plus haut
que ce fondement c’est Jésus-Christ lui-même. Car Jésus-Christ n’habite en
nous que par la foi formée ; autrement il habiterait parmi les démons, dont
il est écrit (Jacques II, 19) : "Les démons croient aussi, et ils
tremblent." Quand donc il est dit (Ephés., III, 17) que Jésus-Christ
habite dans nos coeurs par la foi, cela doit s’entendre de la foi formée par
la charité, puisqu’il est écrit (1 Jean IV, 16) : "Quiconque demeure
dans la charité demeure en Dieu, et Pieu demeure en lui." C’est
cette foi qui opère par la charité, comme il sera dit (XIII, 4) : La
charité n’est pas téméraire et précipitée. Il est donc évident que ceux
qui commettent des péchés mortels n’ont pas une foi formée, et qu’ainsi en
eux rien n’est solidement établi. Il faut donc comprendre que autant celui
qui édifie sur la pierre fondamentale l’or, l’argent et les pierres
précieuses, que celui qui y place le bois, le foin et la paille, doivent
éviter les péchés mortels[1]. Pour
comprendre cette distinction, il faut se souvenir que les actes humains se
spécifient d’après leurs objets. Or les objets des actes humains peuvent être
de deux sortes, spirituels ou corporels, et les objets diffèrent entre eux
sous trois rapports : premièrement, en ce que les choses spirituelles sont
perpétuelles ; les choses corporelles, transitoires. C’est de là qu’il est
dit (I1 Cor., IV, 18) : "Les choses visibles sont passagères, mais
les invisibles sont éternelles." Secondement, en ce que les choses
spirituelles ont en elles-mêmes de l’éclat, selon cette parole du livre de la
Sagesse (VI, 13) : "La sagesse est pleine de lumière, et sa beauté ne
se flétrit pas." Les choses corporelles, au contraire, sont obscures
par leur nature même ; c’est de là qu’il est dit (Sag., II, 5) : "Notre
vie est le passage d’une ombre." Troisièmement, enfin, en ce que les
choses spirituelles sont plus nobles et plus précieuses que les choses
corporelles, ce qui a fait dire de la sagesse (Prov., III, 15) : "Sa
possession vaut mieux que tous les trésors" ; et (Sag., VII, 9)
: "L’or, comparé à la sagesse, est un peu de sable, et l’argent,
devant elle, n’est que de la boue." 2. C’est aussi la
raison pour laquelle les oeuvres par lesquelles l’homme s’appuie sur les
choses spirituelles et divines sont comparées à l’or, à l’argent et aux
pierres précieuses, qui sont solides, éclatantes et de valeur, en sorte
toutefois que par l’or on désigne celles au moyen desquelles l’homme s’élève
vers Dieu lui-même par la contemplation et par l’amour ; (Cant., V, 11) :
"Sa tête brille comme l’or pur." En effet, la tête de Jésus-Christ,
c’est la Divinité ; (1 Cor., XI, 3). C’est de cet or que parle
l’Apocalypse (III, 18) : "Je vous conseille d’acheter de moi de l’or
purifié," c’est-à-dire la sagesse jointe à la charité. L’argent
indique les actes par lesquels l’homme s’applique aux choses spirituelles
afin de croire, aimer et contempler ces choses ; c’est pourquoi la Glose
applique l’argent à l’amour du prochain ; c’est également pour cette raison
qu’au ps. LXVII, 14, les ailes de la colombe sont dépeintes comme « argentées »
et, dans leur partie supérieure, c’est-à-dire le dos, comme ayant « la
couleur de l’or ». Par les pierres précieuses on désigne les oeuvres des
vertus diverses dont l’âme humaine est ornée ; de là ces paroles
(Ecclésiastique L, 10) : "Comme un vase d’or massif, orné de toutes
sortes de pierres précieuses." On peut encore y voir les
commandements de la loi de Dieu, selon cette parole du Psalmiste (CXVIII,
127) : "J'aime vos commandements plus que l’or et que la
topaze." Mais les oeuvres humaines, par lesquelles l’homme
s’applique à se procurer les choses corporelles, sont comparées à la paille,
parce qu’elles sont de vil prix, et que, malgré leur éclat, elles sont
toutefois facilement consumées. Il y a pourtant entre elles certaines
différences de degré, car quelques-unes ont plus de consistance que d’autres,
et d’autres sont plus facilement combustibles. Les hommes eux-mêmes, parmi
les créatures corporelles, sont plus dignes et se perpétuent par succession.
C'est pourquoi on les compare au bois, suivant ce passage du livre des Juges
(IX, 8) : "Les arbres des forêts allèrent se choisir un roi."
Mais le corps de l’homme se corrompt plus facilement par la maladie et par la
mort ; aussi est-il comparé au foin, suivant cette parole d’Isaïe (XL, 6) : "Toute
chair n’est que de l’herbe." Quant à ce qui touche à la gloire de ce
monde, cela passe avec rapidité ; aussi la compare-t-on à la paille. C’est
ainsi qu’on lit au Psalmiste (LXXXII, 14) : "Qu’ils soient devant
vous, Seigneur, comme une roue qui ne s’arrête pas et comme la paille
qu’emporte le souffle des vents." Donc édifier l’or, l’argent, les
pierres précieuses, c’est édifier sur le fondement de la foi ce qui
appartient à la contemplation de la sagesse dans les choses divines, l’amour
de Dieu, la dévotion pour les saints, le soulagement du prochain et
l’exercice des vertus ; édifier le bois, le foin et la paille, c’est poser
sur le fondement de la foi ce qui concerne la disposition des choses
humaines, les soins de la chair et la gloire extérieure. 3. Remarquons toutefois que l’on peut
avoir en vue ces choses humaines de trois manières. D’abord on peut y placer
sa fin, et, comme il y a en ceci péché mortel, agir ainsi, pour l’homme, ce
n’est pas édifier, mais renverser le fondement et en établir un autre ; car
la fin est, dans les choses désirables, le fondement de ce que l’on recherche
pour la fin. Ensuite on peut se proposer d’user des choses humaines en les
dirigeant totalement vers la gloire de Dieu ; et parce que les oeuvres se
spécifient par la fin qu’on leur assigne, ce ne sera plus édifier le bois, le
foin et la paille, mais l’or, l’argent et les pierres précieuses. En
troisième lieu, on peut, sans y mettre sa fin, ni vouloir, à cause d’elle,
agir contre Dieu, se préoccuper pourtant de ces biens temporels plus qu’on ne
devrait, en sorte qu’on en soit retardé dans le service des choses de Dieu,
ce en quoi il y a péché véniel : c’est là véritablement édifier le bois, le
foin et la paille, non pas qu’à proprement parler on en forme un édifice,
mais parce que les oeuvres qui tiennent à la sollicitude des choses
temporelles portent en elles-mêmes des défectuosités vénielles, par
l’affection trop vive qu’on a pour elles, affection qu’on compare, selon
qu’elle est plus ou moins intense, au bois, au foin et à la paille. On peut
apprécier cette affection de deux manières : selon la consistance des choses
spirituelles, ainsi qu’il a été dit plus haut, et ensuite selon la vivacité
de l’affection. Toutefois il ne faut pas perdre de vue que ceux qui
s’appliquent aux choses spirituelles ne peuvent pas se dégager complètement
du soin des choses temporelles, pas plus que ceux qui se donnent à
l’affection des choses temporelles, en conservant la charité, ne peuvent
rester absolument en dehors des choses spirituelles ; mais on les distingue
par l’application qu’ils y apportent. Car les uns dirigent l’application de
leur vie vers les choses spirituelles, et ne s’occupent des choses
temporelles qu’autant que l’exige la nécessité de la vie corporelle ; les
autres tournent cette même application vers les choses temporelles, en se
servant cependant des choses spirituelles pour la direction de leur vie. Les
premiers donc édifient l’or, l’argent, les pierres précieuses ; les seconds,
le bois, le foin et la paille. On voit par là que ceux qui édifient
l’or, l’argent, les pierres précieuses, ne sont pas exempts de quelques
péchés véniels ; mais ces péchés sont peu nombreux, parce que ces personnes
s’occupent peu du soin des choses temporelles. Quant à ceux qui édifient le
bois, le foin, la paille, ils ont quelque chose de stable, de précieux,
d’éclatant, mais à un degré inférieur, en ce sens qu’ils sont déterminés par
les biens spirituels. 4. On peut encore entendre cette
diversité, de l’édifice qui s’élève par l’enseignement ; car ceux qui, sur la
foi fondée par les apôtres, édifient par leur doctrine la vérité solide,
éclatante ou manifeste, telle enfin qu’elle puisse concourir à la beauté de
l'Eglise, édifient l’or, l’argent, les pierres précieuses ; (Prov., X,
20) : "Les paroles du juste sont un argent éprouvé." Mais
ceux qui, sur cette même foi, ajoutent à leur enseignement des choses
inutiles, obscures, sans liaison avec la vérité, vaines et futiles, édifient
le bois, le foin et la paille ; (Jér., XXIII, 28) : "Que le
prophète qui a un songe raconte son songe, et que celui qui a ma parole
publie fidèlement ma parole; car qu’y a-t-il de commun entre la paille et le
froment ?" Quant à celui qui enseignerait l’erreur, il n’édifierait
pas sur le fondement, il le détruirait plutôt. L’Apôtre dit donc : Si on
édifie ou par les oeuvres ou par la doctrine sur ce fondement,
c’est-à-dire sur la foi formée dans le coeur ou sur la foi fondée et prêchée
par les apôtres, l’or, l’argent et les pierres précieuses, en d’autres
termes les oeuvres spirituelles ou la doctrine éclatante, ou le bois, le
foin et la paille, c’est-à-dire les oeuvres de la vie du corps ou une
doctrine sans consistance (verset 13), l’oeuvre de chacun sera manifestée
au jugement de Dieu, telle qu’elle est. Cela n’est pas évident, à
cause de l’ignorance de l’homme. En effet, s’il en est qui paraissent édifier
l’or, l’argent et les pierres précieuses, qui ce pendant n’édifient que le
bois, le foin et la paille, parce que, dans les choses spirituelles, ils
n’envisagent que les besoins du corps, par exemple le profit ou la faveur des
hommes, d’autres, au contraire, paraissent édifier le bois, le foin et la
paille, qui, cependant, édifient l’or, l’argent et les pierres précieuses,
parce qu’en traitant les choses temporelles ils n’ont dans la pensée que les
choses spirituelles. Aussi (Soph., I, 12) : "Je scruterai Jérusalem
la lampe à la main" ; et (Luc, XII, 2) : "Il n’y a rien
de caché qui ne soit révélé." 2° Lorsque l’Apôtre dit (verset 13) : Car
le jour du Seigneur, il indique quand cela sera manifesté. A) Et d’abord il désigne le temps où
elle se fera, lorsqu’il dit : Le jour du Seigneur le fera connaître.
Sur ce point il faut observer que l’on dit d’une chose que son temps et son
jour sont arrivés quand elle est dans l’état le meilleur, et, relativement à
elle-même, le plus parfait qu’elle puisse atteindre. C’est pour cela qu’on
lit dans l’Ecclésiaste (III, 1) : "Tout a son temps." Quand
donc l’homme accomplit sa propre volonté, même contre Dieu, c’est alors le
jour de l’homme ; Jérémie (XVII, 16) dit dans ce sens : "Je n’ai
point désiré le jour de l’homme, vous le savez." Mais on appelle
jour du Seigneur le temps où la volonté du Seigneur s’accomplira à l’égard
des hommes, qui seront alors, selon les règles de la justice de Dieu,
récompensés ou punis, suivant cette parole du Psalmiste (LXXIV, 3) : "Quand
le temps sera venu, je jugerai les justices." Donc, comme il y a un
triple jugement de Dieu, on peut distinguer un triple jour du Seigneur. a) En effet, il y aura un jugement
général pour tous (Matthieu XII, 41) : "Les hommes de Ninive
s’élèveront au jour du jugement" ; dans ce sens, le jour du
Seigneur est le dernier jour du jugement, dont saint Paul dit (II Thess., II,
2) : "Ne vous laissez pas effrayer, comme si le jour du Seigneur
était près d’arriver." Ainsi entendues, ces paroles : Le jour du
Seigneur le fera connaître, s’expliquent de cette manière : au jour du
jugement sera manifestée la différence des mérites humains ; (Rom., II,
16) : "En ce jour où Dieu jugera ce qui est caché dans le coeur des
hommes." b) Il y a un
autre jugement particulier qui a lieu pour chacun au moment de la mort. Luc
dit de ce jugement (XVI, 23) : "Le riche mourut, et il fut enseveli
dans les enfers ; le pauvre mourut aussi, et il fut porté par les anges dans
le sein d’Abraham." Dans ce sens, on peut entendre par « jour
du Seigneur » le jour de la mort, selon cette parole de la première
épître aux Thessaloniciens (V, 2) : "Le jour du Seigneur viendra
comme un voleur au milieu de la nuit." Ainsi donc, Le jour du Seigneur
le fera connaître, parce que c’est à la mort que sont manifestés les
mérites de chacun. C’est de là qu’il est dit (Prov., XI, 7) : "la
mort du méchant, il ne restera plus d’espérance" ; et au même
livre (XIV, 32) : "Mais le juste espère même dans la mort." c) Enfin il y a pendant la vie un
troisième jugement : il a lieu quand Dieu éprouve parfois les hommes par les
tribulations de la vie. C’est ainsi qu’on lit (ci-après, XI, 32) : Lorsque
nous sommes jugés, c’est le Seigneur qui nous reprend, afin que nous ne
soyons pas condamnés avec le monde. Dans ce sens, on appelle jour du
Seigneur le jour éphémère de la tribulation, dont il est dit (Soph., I, 14) :
"Voix amère du jour du Seigneur, tribulation pour les forts." –
Le jour du Seigneur le fera donc connaître, parce que le coeur de
l’homme est éprouvé dans le temps de la tribulation ; (Ecclésiastique
XXVII, 6) : "La fournaise éprouve les vases du potier, et la
tribulation les hommes justes." B) En second lieu, saint Paul fait
connaître par quel moyen se fera la manifestation : ce sera par le feu ;
aussi ajoute-t-il (verset 13) : et il sera révélé par le feu, à savoir
le jour du Seigneur. Car le jour du Seigneur sera révélé par le feu qui
précédera la face du juge, dévorera la face du monde, en enveloppant les
méchants et en purifiant les justes. C’est de ce feu dont parle le Psalmiste
(XCVI, 3) : "Le feu le précédera et dévorera autour de lui ses
ennemis." Le jour du Seigneur, qui est le jour de la mort, sera
révélé dans le feu du purgatoire, par lequel seront purifiées les âmes, s’il
se trouve en elles quelque chose à purifier. A ce feu on peut appliquer ce
que dit Job (XXIII, 10) : "Il m’éprouvera comme l’or qui passe par le
feu." Quant au jour qui est le jour de la tribulation permise par le
jugement divin, il sera révélé dans le feu de la tribulation. De ce feu il
est dit (Ecclésiastique II, 5) : "L’or et l’argent s’éprouvent par la
flamme, mais les hommes que Dieu veut recevoir au nombre des siens sont
éprouvés dans le creuset de la tribulation." C) Il exprime l’effet de cette
manifestation lorsqu’il ajoute (verset 13) : Et le feu éprouvera l’ouvrage
de chacun, à savoir parce que chacun de ces feux dont j’ai parlé éprouvent
les mérites et les démérites des hommes ; (Psaume XVI, 3) : "Vous
m’avez fait passer par le feu, et l’iniquité ne s’est pas trouvée en
moi." De ces trois points qu’a développés saint Paul, le premier est
la conclusion des deux qui le suivent ; car si le jour du Seigneur est révélé
par le feu, et si le feu montre quel est l’ouvrage de chacun, il s’ensuit que
le jour du Seigneur fera connaître la différence des oeuvres des hommes. 3° En disant (verset 14) : Celui
qui aura bâti, l’Apôtre explique le mode de cette manifestation. 1. Et d’abord, quant aux bonnes
oeuvres, lorsqu’il dit (verset 14) : Si l’ouvrage, c’est-à-dire
l’oeuvre édifiée sur la foi, de quelqu’un, à savoir d’un fidèle, subsiste
dans le feu, il, c’est-à-dire celui qui aura bâti, en sera
récompensé ; (Jér., XXXI, 16) : "Il est une récompense à vos
oeuvres" ; et (Isaïe XL, 10) : "Il porte avec lui ses
récompenses." Or on peut dire d’un ouvrage qu’il est demeuré sans
atteinte dans le feu de deux façons différentes. A) D’abord que celui qui accomplit l’oeuvre, soit
enseignement de la bonne doctrine, soit toute autre œuvre bonne, ne sera pas
tourmenté, en raison de son œuvre, par les feux du purgatoire, ni par celui
qui précède la face du juge, ni par le feu de la tribulation ; car si l’on
n’a pas aimé les biens du temps au-delà de la mesure, c’est une conséquence
que l’on ne s’afflige pas démesurément de leur perte, la douleur ayant pour
cause l’amour de l’objet qu’on a perdu. Aussi l’excès de l’amour
engendre-t-il l’excès de la douleur. B) En second lieu, on peut considérer
la chose du côté de l’ouvrage même ; car, quelque soit celui des trois
jugements cités plus hauts qui survienne pour l’homme, il laisse subsister
l’oeuvre de la bonne doctrine ou quelque autre œuvre que ce soit. Lorsque le
feu de la tribulation arrive, l’homme ne s’écarte pas pour cela de la
doctrine véritable, ni des bonnes oeuvres qu’inspire la vertu ; mais il
retient le mérite de l’une et des autres, et dans le feu du purgatoire et
dans le feu qui précède la face du juge. 2. En second lieu, saint
Paul montre le jour de la manifestation quant aux oeuvres mauvaises, en
disant (verset 15) : Si l’ouvrage de quelqu’un, par l’un des feux dont
il a été parlé, vient à être confirmé, il, c’est-à-dire celui qui l’a
fait, en portera la peine, mais pas jusqu’à la damnation. Aussi saint
Paul ajoute-t-il (verset 15) : "Lui, pourtant, sera sauvé,"
c’est-à-dire obtiendra le salut éternel, suivant la parole d’Isaïe (XLV, 17) :
"Israël a reçu du Seigneur son salut éternel" - toutefois comme
par le feu, à savoir qu’il a d’abord souffert, soit dans cette vie, soit
à la fin de cette vie, soit à la fin du monde. C’est en ce sens que le
Psalmiste dit (LXV, 12) : "Nous avons passé par le feu et l’eau, et
vous nous avez conduits au lieu de rafraîchissement" ; et
(Isaïe XLIII, 2) : "Lorsque vous marcherez dans le feu, vous n’en
serez pas brûlés, et la flamme ne vous consummera pas, parce que je suis le
Seigneur votre Dieu, votre sauveur." Or un ouvrage peut être atteint
par le feu de deux manières : a) d’abord
par la faute de celui qui l’a fait, à savoir en ce qu’il peut endurer le feu de
la tribulation pour l’affection déréglée avec laquelle il a aimé démesurément
les choses terrestres, et subir le feu du purgatoire ou celui qui précédera
la face du juge, à cause des péchés véniels qu’il a commis en recherchant des
choses temporelles, ou même pour les choses vaines et frivoles qu’il aura
enseignées. b) Ensuite
l’ouvrage peut subir l’atteinte du feu par son propre défaut, à savoir quand,
survenant la tribulation, on ne peut vaquer ni à une doctrine vaine ni aux
préoccupations terrestres, selon cette parole du Psalmiste (CXLV, 4) : "En
ce jour-là périront toutes leurs pensées" ; ou encore parce que
soit le feu du purgatoire, soit celui qui monte devant le juge ne lui
laisseront, comme mérite ou comme remède, aucune des oeuvres précitées. Conséquemment
il a à subir une double peine, et en tant qu’il est lui-même puni et en tant
qu’il perd ce qu’il a fait. Quant à ceci, il est dit (Ecclésiastique XIV, 20)
: "Toute oeuvre corruptible disparaîtra à la fin, et celui qui l’a
faite s’en ira avec elle ; et toute oeuvre sainte sera reconnue à la fin, et
celui qui l’a faite sera honoré par elle." La première partie du
texte concerne celui qui édifie le bois, le foin et la paille,
c’est-à-dire l’oeuvre qui brûle dans le feu ; la seconde partie se rapporte à
celui qui bâtit l’or, l’argent et les pierres précieuses, c’est-à-dire
l’oeuvre qui subsiste dans le feu sans éprouver aucune altération. |
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Lectio 3 |
Leçon 3 : 1 Corinthiens III, 16-23 — Le châtiment des mauvais ministres |
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SOMMAIRE : L’Apôtre explique quel sera le châtiment des ministres indignes et dont le travail a été mauvais. Il ne faut pas se glorifier dans les ministres de Jésus-Christ, puisque tous les fidèles sont en union avec Lui. |
[16] nescitis quia templum Dei estis et Spiritus Dei habitat in
vobis [17] si quis autem templum Dei violaverit disperdet illum Deus
templum enim Dei sanctum est quod estis vos [18] nemo se seducat si quis videtur inter vos sapiens esse in
hoc saeculo stultus fiat ut sit sapiens [19] sapientia enim huius mundi stultitia est apud Deum
scriptum est enim conprehendam sapientes in astutia eorum [20] et iterum Dominus novit cogitationes sapientium quoniam
vanae sunt [21] itaque nemo glorietur in hominibus omnia enim vestra sunt [22] sive Paulus sive Apollo sive Cephas sive mundus sive vita
sive mors sive praesentia sive futura omnia enim vestra sunt [23] vos
autem Christi Christus autem Dei |
16. Ne
savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite
en vous? 17. Si
quelqu'un donc profane le temple de Dieu, Dieu le perdra; car le temple de
Dieu est saint, et c’est vous qui êtes ce temple. 18. Que nul
ne se trompe soi-même si quelqu’un d'entre vous pense être sage selon le
monde, qu’il devienne fou pour être sage; 19. Car la
sagesse de ce monde est une folie devant Dieu, selon qu’il est écrit : Je
surprendrai les sages dans leurs propres artifices 20. Et
ailleurs : "Le Seigneur pénètre les pensées des sages, et il en connaît
la vanité." 21. Que
personne donc ne mette sa gloire dans les hommes; 22. Car
toutes choses sont de vous, soit Paul, soit Apollon, soit Céphas, soit le
monde, soit la vie, soit la mort, soit les choses présentes, soit les choses
futures, tout est à vous; 23. Et
vous, vous êtes au Christ, et le Christ est d Dieu. |
[86243] Super 1 Cor., cap. Dicit ergo primo : dictum
est quod ille qui superaedificat, mercedem salutis accipiet, vel sine
detrimento vel cum detrimento; sed ut possitis agnoscere, quae sit poena male
in vobis laborantium, oportet vos vestram dignitatem agnoscere; quam primo
ponit, dicens : an vos nescitis quia, vos fideles Christi, estis
templum Dei? Eph. c. II, 21 s. : in quo omnis aedificatio constructa
crescit in templum sanctum in domino, in quo et vos coaedificamini in
habitaculum Dei. Secundo probat quod fideles sint templum Dei. Est
enim de ratione templi quod sit habitaculum Dei, secundum illud Ps. X, 5 — Deus in templo
sancto suo. Unde
omne illud in quo Deus habitat, potest dici templum. Habitat autem Deus
principaliter in seipso, quia ipse solus se comprehendit. Unde et ipse Deus
templum Dei dicitur Apoc. XXI, 22 — dominus Deus omnipotens templum illius
est. Habitat etiam Deus in domo sacrata per spiritualem cultum, qui in ea
sibi exhibetur; et ideo domus sacrata dicitur templum, secundum illud Ps. V, 8 — adorabo ad
templum sanctum tuum, et cetera. Habitat etiam Deus in hominibus per
fidem, quae per dilectionem operatur, secundum illud Eph. III, 17 — habitare
Christum per fidem in cordibus vestris. Unde et ad probandum quod
fideles sint templum Dei, subiungit quod inhabitantur a Deo, cum dicit et
spiritus Dei habitat in vobis. Et Rom. VIII, 11 dictum est : spiritus, qui
suscitavit Iesum Christum habitabit in vobis. Ez. XXXVI, 27 — spiritum
meum ponam in medio vestri. Ex quo patet quod spiritus sanctus est Deus,
per cuius inhabitationem fideles dicuntur templum Dei. Sola enim inhabitatio
Dei templum Dei facit, ut dictum est. Est autem considerandum quod Deus est
in omnibus creaturis, in quibus est per essentiam, potentiam et praesentiam,
implens omnia bonitatibus suis, secundum illud Ier. XXIII, 24 — caelum et
terram ego impleo. Sed spiritualiter dicitur Deus inhabitare tamquam in
familiari domo in sanctis, quorum mens capax est Dei per cognitionem et
amorem, etiam si ipsi in actu non cognoscant et diligant, dummodo habeant per
gratiam habitum fidei et charitatis, sicut patet de pueris baptizatis. Et
cognitio sine dilectione non sufficit ad inhabitationem Dei, secundum illud I
Io. IV, 16 — qui manet in charitate, in Deo manet, et Deus in eo. Inde
est quod multi cognoscunt Deum, vel per naturalem cognitionem, vel per fidem
informem, quos tamen non inhabitat spiritus Dei. Deinde cum dicit si quis autem templum,
etc., subiungit poenam male operantium secundum convenientiam praedictorum,
dicens si quis autem, et cetera. Violatur autem templum Dei
dupliciter. Uno modo per falsam doctrinam, quae non
superaedificatur fundamento, sed magis subruit fundamentum et destruit
aedificium. Unde dicitur Ez. XIII, 19 de falsis prophetis : violabant me
ac populum meum propter pugillum hordei et fragmentum panis. Alio modo violat aliquis templum Dei per peccatum
mortale, per quod aliquis vel seipsum corrumpit vel alium, opere vel exemplo.
Unde dicitur Malac. II, 11 — contaminavit Iudas sanctificationem domini
quam dilexit. Sic autem dignum est, ut disperdatur ille a Deo per
damnationem aeternam qui violat spirituale templum Dei, vel qualitercumque
polluit. Unde dicitur Malac. II, 12 — disperdet dominus virum qui fecerit
hoc, magistrum et discipulum. Et in Ps. XI, 4 — disperdet dominus
universa labia dolosa, et cetera. Deinde cum dicit templum Dei, etc.,
assignat rationem eius quod dixerat de sanctitate templi. Qui enim aliquam
rem sacram violat, sacrilegium committit, unde dignum est ut disperdatur. Templum
enim Dei sanctum est quod estis vos, sicut supra dictum est, et in Ps.
LXIV, 5 dicitur : sanctum est templum tuum, mirabile in aequitate; et
alibi domum tuam, domine, decet sanctitudo. Et quidem in materiali
templo est quaedam sacramentalis sanctitas, prout templum divino cultui
dedicatur, sed in fidelibus Christi est sanctitas gratiae, quam consecuti
sunt per Baptismum, secundum illud infra VI, 11 — abluti estis,
sanctificati estis. Deinde cum dicit nemo vos seducat,
excludit errorem contrarium. Et primo monet fideles ut sibi caveant a
seductione errorum; secundo docet modum cavendi, ibi si quis inter vos;
tertio assignat rationem, ibi sapientia enim huius mundi, et cetera. Circa primum sciendum quod quidam dixerunt quod
Deus neque punit, neque remunerat hominum facta; ex quorum persona dicitur
Sophon. I, 12 — qui dicunt in cordibus suis : non faciet bene dominus, et
non faciet male. Et Thren. III, 37 s. : quis est iste qui dixit, ut
fieret, domino non iubente? Ex ore altissimi non egredietur bonum neque malum.
Ad hunc ergo errorem excludendum dicit nemo vos seducat, asserens
scilicet quod ille qui templum Dei violat, non disperdatur a Deo, sicut Eph.
V, 6 dicitur : nemo vos seducat inanibus verbis, propter hoc enim venit
ira Dei in filios diffidentiae. Deinde cum dicit si quis inter vos, etc.,
docet modum cavendi huiusmodi seductionem. Ubi sciendum est quod quidam
dixerunt Deum non punire peccata hominum, innitentes rationibus humanae
sapientiae, puta quod Deus non cognoscat singularia, quae fiunt hic, ex
quorum persona dicitur Iob XXII, v. 14 — circa cardines caeli perambulat,
nec nostra considerat. Ad hoc ergo vitandum dicit si quis inter vos
videtur esse sapiens in hoc saeculo, id est, sapientia saeculari, quae in
eo quod contrariatur veritati fidei, non est sapientia, licet videatur esse, stultus
fiat, abiiciendo istam sapientiam apparentem, ut sit sapiens,
scilicet secundum sapientiam divinam, quae est vera sapientia. Et hoc etiam
observandum est non solum in his in quibus saecularis sapientia contrariatur
veritati fidei, sed etiam in omnibus in quibus contrariatur honestati morum.
Unde Prov. XXX, 1 dicitur : Deo secum morante confortatus est, et
cetera. Deinde cum dicit sapientia huius mundi,
etc., assignat rationem eius quod dixerat. Et primo ponit rationem. Videbatur
enim ineptam monitionem fecisse, ut aliquis fieret stultus, et vere inepta
esset si stultitia illa, de qua loquebatur, esset per abnegationem verae
sapientiae, sed non est ita. Sapientia enim huius mundi stultitia est apud
Deum. Dicitur autem sapientia huius mundi, quae principaliter mundo
innititur. Nam illa, quae per res huius mundi ad Deum attingit, non est
sapientia mundi, sed sapientia Dei, secundum illud Rom. I, 19 s. : Deus
enim illis revelavit. Invisibilia enim ipsius a creatura mundi per ea quae
facta sunt, intellecta conspiciuntur. Sapientia ergo mundi, quae sic
rebus intendit, ut ad divinam veritatem non pertingat, stultitia est apud
Deum, id est, stultitia reputatur secundum divinum iudicium. Is. XIX, 11
— stulti principes Thaneos, sapientes consiliarii Pharaonis dederunt
consilium insipiens. Secundo probat quod dixerat per duas
auctoritates, quarum prima scribitur Iob V, 13. Unde dicit scriptum est :
comprehendam sapientes in astutia eorum. Comprehendit autem sapientes
dominus in astutia eorum, quia per hoc ipsum quod astute cogitant contra
Deum, impedit Deus eorum conatum, et implet suum propositum; sicut per
malitiam fratrum Ioseph volentium impedire eius principatum, impletum est per
divinam ordinationem, quod Ioseph in Aegypto venditus principaretur. Unde et
ante praemissa verba dicit Iob : qui dissipat cogitationes eorum,
scilicet malignorum, ne possint implere manus eorum, quod coeperant;
quia, ut dicitur Prov. XXI, 30, non est sapientia, non est scientia, non
est consilium contra dominum. Secunda auctoritas sumitur ex Ps., unde dicit et
iterum scriptum est : dominus novit cogitationes sapientium, id est,
secundum sapientiam mundi, quoniam vanae sunt; quia scilicet non
pertingunt ad finem cognitionis humanae, quae est cognitio veritatis divinae.
Unde dicitur Sap. XIII, v. 1 — vani sunt homines, in quibus non subest
sapientia Dei. Deinde cum dicit itaque nemo glorietur in
hominibus, infert conclusionem principaliter intentam, scilicet quod non
debeant gloriari de ministris Dei. Et primo concludit propositum ex
praedictis dicens itaque, ex quo ministri nihil sunt, sed laborant pro
mercede, nemo glorietur in hominibus; sicut et in Ps. CXLV, 2 s.
dicitur : nolite confidere in principibus, neque in filiis hominum, in
quibus non est salus. Et Ier. XVII, 5 — maledictus vir qui confidit in
homine, et cetera. Secundo rationem assignat ex dignitate fidelium
Christi, assignans ordinem fidelium in rebus. Et primo ponit ordinem rerum ad fideles Christi,
dicens omnia vestra sunt, quasi dicat : sicut homo non gloriatur de
rebus sibi subiectis, ita et vos gloriari non debetis de rebus huius mundi,
quae omnia sunt vobis data a Deo, secundum illud Ps. VIII, 8 — omnia
subiecisti sub pedibus eius. Exponit autem, quae omnia, inter quae
primo ponit ministros Christi, qui sunt divinitus ordinati ad ministerium
fidelium, secundum illud I1 Cor. IV, 5 — nos autem servos vestros per
Iesum. Et hoc est, quod dicit sive Paulus, qui plantavit, sive
Apollo, qui rigavit, sive Cephas, id est, Petrus, qui est universalis
pastor ovium Christi, ut dicitur Io. ult. Post haec ponit res exteriores, cum dicit sive
mundus, qui est continentia omnium creaturarum, qui quidem est fidelium
Christi, eo quod homo per res huius mundi iuvatur, vel quantum ad
necessitatem corporalem, vel quantum ad cognitionem Dei, secundum illud Sap.
XIII, 5 — a magnitudine speciei et creaturae, et cetera. Consequenter ponit ea quae pertinent ad ipsam
hominis dispositionem, dicens sive vita, sive mors, quia scilicet
fidelibus Christi et vita est utilis in qua merentur, et mors per quam ad
praemia perveniunt, secundum illud Rom. XIV, 8 — sive vivimus, sive
morimur, et cetera. Et Phil. I, 21 — mihi vivere Christus est, et mori
lucrum. Ad
haec autem duo reducuntur omnia bona vel mala huius mundi, quia per bona
conservatur vita, per mala pervenitur ad mortem. Ultimo ponit quae
pertinent ad statum hominis praesentem vel futurum, dicens sive praesentia,
id est, res huius vitae, quibus iuvamur ad merendum; sive futura, quae
nobis reservantur ad praemium. Non enim habemus hic civitatem permanentem,
sed futuram inquirimus, ut dicitur Hebr. ult. Omnia, inquit, vestra sunt,
id est, vestrae utilitati deservientia, secundum illud Rom. VIII, 28 — diligentibus
Deum omnia cooperantur in bonum. Sic ergo primus ordo est rerum Christi ad
fideles; secundus vero fidelium Christi ad Christum, quos ponit subdens vos
autem Christi estis, quia scilicet sua morte vos redemit. Rom. XIV, 8 — sive
vivimus, sive morimur, domini sumus. Tertius ordo est Christi, secundum
quod homo ad Deum; ideo addit Christus autem, secundum quod homo, Dei
est. Unde eum
Deum et dominum in Ps. VII, 2 nominat, dicens : domine Deus meus, in te
speravi, ut nomine Dei tota Trinitas intelligatur. Quia ergo nullus debet gloriari de eo quod infra
ipsum est, sed de eo quod est supra ipsum, ideo non debent fideles Christi
gloriari de ministris, sed magis ministri de ipsis. I1 Cor. VII, 4 — multa mihi fiducia est apud
vos, multa mihi gloriatio pro vobis. Sed fideles Christi debent gloriari
de Christo, secundum illud Gal. ult. : mihi absit gloriari, nisi in cruce
domini nostri Iesu Christi, sicut Christus de patre, secundum illud Sap. II, 16 — gloriatur se
patrem habere Deum. |
Après avoir
établi quelle sera la récompense des bons ouvriers, l’Apôtre traite ici du
châtiment de ceux qui travaillent mal ou qui détruisent. D’abord il dit quel
est le châtiment ; ensuite il réfute l’erreur opposée, à ces mots (verset 18)
: Que personne ne vous trompe. I° Il fait voir d’abord le châtiment de ceux qui travaillent mal et qui détruisent, en
continuant sa comparaison de l’édifice spirituel. Sur ce point, il fait trois
choses : I. il rappelle
l’excellence de l’édifice spirituel ; II. il dé- termine le châtiment de ceux qui détruisent, à
ces mots (verset 17) : Si quelqu’un ; III. il en donne la raison, à ces autres (verset 17) : Car
le temple de Dieu, etc. I. Il dit donc
premièrement : Il a été établi que celui qui bâtit [sur la foi] recevra en
récompense le salut, avec ou sans épreuve ; mais, pour que vous puissiez reconnaître
quel est le châtiment de ceux qui parmi vous travaillent mal, il vous faut
connaître votre dignité. 1° L’apôtre l’exprime en disant
(verset 16) : Ne savez-vous pas que vous, fidèles de Jésus-Christ, vous
êtes le temple de Dieu ?; (Ephés., II, 21) : "C’est en Lui (J.-C.)
que tout l’édifice construit s’élève jusqu’à devenir un temple consacré au
Seigneur; et c’est par Lui que vous faites partie de la construction de cet
édifice, devenant la maison de Dieu" 2° Il prouve que les fidèles sont le
temple de Dieu. En effet, c’est la condition essentielle d’un temple d’être
l’habitation de Dieu, selon cette parole (Psaume X, 5) : "Le Seigneur
est dans son saint temple." Aussi tout lieu dans lequel Dieu habite
peut être appelé du nom de temple. Or Dieu habite principalement en Lui-même,
parce que Lui seul peut se comprendre ; Dieu est donc Lui-même appelé le
temple de Dieu dans l’Apocalypse (XXI, 22) : "Le Dieu tout-puissant
en est le temple." Dieu habite aussi dans tout édifice consacré par
le culte spirituel qu’on y rend à sa grandeur ; c’est pourquoi tout édifice
consacré est appelé du nom de temple, suivant cette parole (Psaume V, 8) : "Je
vous adorerai dans votre saint temple, etc. " Dieu habite aussi dans
les hommes par la foi, qui opère par la charité, selon cette parole
aux Ephésiens (III, 17) : "Que le Christ habite dans vos coeurs par
la foi.". Aussi, pour prouver que les fidèles sont le temple de
Dieu, l’Apôtre ajoute qu’ils sont habités par Dieu (verset 16) : et
l’Esprit de Dieu habite en vous ; (Rom., VIII, 11) : " L’Esprit
de celui qui a ressuscité Jésus-Christ habite en vous" ; (Ezéchiel
XXXVI, 27) : "Je mettrai mon Esprit au milieu de vous." Il
est donc évident par là que l’Esprit-Saint est Dieu, et que c’est à cause de
son habitation dans les fidèles qu’on les appelle le temple de Dieu ; car seule
l’habitation de Dieu fait le temple de Dieu, comme il a été dit. Or il faut
remarquer que Dieu est dans toutes les créatures et qu’il y réside par son
essence, par sa puissance et par sa présence, remplissant tout de ses bontés,
suivant cette parole de Jérémie (XXIII, 24) : "Je remplis le ciel et
la terre". Mais on dit que Dieu habite spirituellement, comme en sa
maison propre, dans les saints dont l’âme est capable de le recevoir par la
connaissance et par l’amour, bien qu’eux-mêmes ne le connaissent pas d’une
connaissance et d’un amour en acte, pourvu qu’ils aient par la grâce la foi
et la charité habituelles, comme on le voit dans les enfants qui ont reçu le
baptême. Toutefois la connaissance sans l’amour ne suffit pas pour que Dieu
habite dans une âme, suivant cette parole de saint Jean (I Jean, IV, 16) : "Quiconque
demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui." De là
il suit que beaucoup connaissent Dieu ou d’une connaissance naturelle, ou par
la foi informe, en qui cependant l’Esprit de Dieu n’habite pas. II. Lorsqu’il ajoute
(verset 17) : Or, si quelqu’un profane le temple de Dieu, etc., saint
Paul énonce le châtiment de ceux qui travaillent mal, en tant qu’il est
applicable aux prédicateurs, en disant Si quelqu’un, etc. Or on
profane le temple de Dieu de deux manières : 1° par la fausseté de la doctrine qui
n’est pas édifiée sur le fondement, mais qui bien plutôt le détruit et
renverse l’édifice. C’est en ce sens qu’Ezéchiel (XIII, 19) parle des faux
prophètes : "Ils me faisaient violence devant mon peuple pour un peu
d’orge et un morceau de pain." 2° On le profane par le péché mortel,
qui souille l’homme lui-même, ou perd le prochain par des actes ou des
[mauvais] exemples. De là cette parole (Malachie, II, 11) : "Judas a
souillé l’alliance que le Seigneur a aimée." Aussi est-il juste que
celui-là soit précipité par Dieu dans la damnation éternelle, qui profane le
temple spirituel de Dieu ou le souille de quelque manière que ce soit. De là
encore cette parole du même prophète (II, 12) : "Le Seigneur perdra
celui qui sera coupable de ces crimes, qu’il soit maître ou disciple" ;
(Ps. XI, 4) : "Le Seigneur confondra toute bouche qui trompe, etc." III. En disant (verset 17)
: Car le temple de Dieu est saint, l’Apôtre donne la raison de ce
qu’il avait dit sur la sainteté du temple ; car celui qui profane quelque
objet sacré commet un sacrilège et devient digne de la perdition : Car le
temple de Dieu est saint, et c’est vous qui êtes ce temple, ainsi qu’il
vient d’être dit ; (Psaume LXIV, 5) : "Votre temple est saint ;
il est admirable par votre équité" ; et ailleurs (Psaume XCII,
5) : "La sainteté est l’ornement de votre maison." En effet,
dans le temple matériel réside une sorte de sainteté sacramentelle, en tant
que le temple est dédié au culte divin ; mais dans les fidèles de
Jésus-Christ réside la sainteté de la grâce qu’ils ont acquise par le baptême
(ci-après, VI, 11) : Vous avez été lavés, vous avez été sanctifiés. II° Quand il dit (verset 18) : Que personne ne vous séduise, l’Apôtre
réfute l’erreur opposée. I. Il engage
les fidèles à se garder de la séduction de l’erreur ; II. il enseigne la
manière de s’en garder, à ces mots (verset 18) : S’il y a quelqu’un parmi
vous" ; III. il en donne
des raisons, à. ces autres (verset 19) : par la sagesse de ce monde, etc. I. Sur le premier de
ces points, il faut se souvenir que quelques hérétiques ont avancé que Dieu
ne punit ni ne récompense les actions des hommes ; c’est d’eux que parle
Sophonie (I, 12) : "Ils disent dans leur cœur : Dieu ne nous fera ni
bien ni mal" ; et (Lament., III, 37) : "Qui a
osé dire qu’une chose soit sans que le Seigneur l’ait ordonnée ? Les maux et
les biens ne sortent-ils pas de la bouche du Très-Haut ? " Donc,
pour détruire cette erreur, il dit : Que personne ne vous séduise, à
savoir en avançant que celui qui profane le temple de Dieu, Dieu ne le perdra
pas ; (Ephés., V, 6) : "Que personne ne vous séduise par de
vains discours, car c’est ce qui attire la colère de Dieu sur les enfants de
rébellion." II. En disant (verset
18) : S’il y a quelqu’un parmi vous, etc., il enseigne la manière de
se garder de cette sorte de séduction. Il faut savoir que quelques hérétiques
avaient avancé que Dieu ne punissait pas les péchés des hommes ; ils
appuyaient leur erreur sur des raisons tirées de la sagesse humaine, par
exemple que Dieu ne connaît pas dans le détail ce qui se passe ici-bas. Job
(XXII, 14) fait parler ainsi ces hérétiques : "Il se promène d’un
pôle à l’autre dans les cieux, et il ne considère point ce qui se passe parmi
nous". Donc, pour éviter cette erreur, l’Apôtre dit (verset 18) : S’il
y a quelqu’un parmi vous qui paraisse sage dans ce siècle, à savoir de la
sagesse selon le siècle, qui en ce qu’elle a d’opposé à la foi n’est pas de
la sagesse, bien qu’elle le paraisse, qu’il devienne insensé, en
rejetant cette fausse sagesse, pour être sage selon la sagesse divine,
qui est la vraie sagesse. Ceci s’applique non seulement à ce qui, dans la
sagesse du siècle, est opposé à la vérité de la foi, mais encore à tout ce
qui est contraire à l’honnêteté des moeurs. De là ce mot des Proverbes (XXX,
1) : "Il fut fortifié par la présence de Dieu, etc. " III. La sagesse de ce
monde, etc., saint Paul donne la raison de ce qu’il avait avancé. 1° Il énonce cette raison. On pouvait,
en effet, regarder comme dénué de sens l’avertissement donné plus haut de se
faire insensé, et véritablement c’eût été folie si cette folie dont il
parlait avait consisté à nier la vraie sagesse ; mais il n’en est pas ainsi :
car la sagesse de ce monde est folie devant Dieu. Or la sagesse de ce
monde, c’est celle qui s’appuie principalement sur le monde ; car la sagesse
qui, des choses de ce monde, s’élève à Dieu n’est pas la sagesse de ce monde,
mais la sagesse de Dieu, selon cette parole (Rom., V, 19) : "Dieu le
leur a révélé, car les perfections invisibles de Dieu depuis la création du
monde sont devenues visibles par ce qui a été fait." La sagesse du
monde, qui s’attache aux choses d’ici-bas, sans s’élever à la vérité divine,
est donc folie devant Dieu, en d’autres termes est réputée folie par
le jugement divin (Isaïe XIX, 13) : "Les princes de Tanis sont
devenus insensés ; les sages conseillers de Pharaon ont donné un conseil
plein de folie." 2° L’Apôtre prouve ce qu’il vient de
dire par deux autorités, dont : A) la première est tirée de Job (V, 13).
Il dit donc (verset 19) : Selon qu’il est écrit : Je surprendrai les sages
dans leurs propres artifices. Or Dieu surprend ainsi les sages dans leurs
artifices, parce que, par les ruses mêmes qu’ils machinent contre lui, il empêche
leurs efforts et accomplit ses desseins. C’est ainsi que, par la malice de
ses frères, qui voulaient empêcher l’élévation de Joseph au pouvoir souverain,
fut réalisée, avec le concours de la providence divine, l’accession de
Joseph, qui avait été vendu, au souverain pouvoir en Egypte. Aussi, avant les
paroles citées plus haut, Job dit-il (verset 12) : "Il dissipe leurs
conseils," à savoir ceux des méchants, "en faisant que leurs
mains ne peuvent accomplir ce qu’ils ont commencé" ; car,
dit le livre des Proverbes (XXI, 30) : "Il n’y a pas de sagesse, il
n’y a pas de connaissance, il n’y a pas de conseil contre le Seigneur." B) Le second passage est tiré du
psaume XCIII, 11 ; l’Apôtre dit (verset 20) : Et ailleurs : Le Seigneur
connaît les pensées des sages, selon la sagesse du monde et il en
connaît la vanité, à savoir parce que ni l’une ni l’autre
n’atteignent la fin de la connaissance humaine, qui est la connaissance de la
vérité divine ; (Sagesse XIII, 1) : "Ils sont vains tous les
hommes en qui n’est pas la sagesse de Dieu." III° Quand l’Apôtre dit (verset 21) : Que personne donc ne se glorifie
dans les hommes, il tire la conclusion principale qu’il avait
particulièrement en vue, à savoir qu’ils ne doivent pas se glorifier des
ministres de Dieu. I. Et d’abord
il conclut sa proposition, d’après ce qui précède, en disant : Donc,
puisque les ministres ne sont rien, mais travaillent pour leur salaire, que
personne ne se glorifie dans les hommes, ainsi qu’il est dit au psaume
CXLV, 2 — "Ne vous confiez pas aux princes ni aux fils de l’homme, en
qui le salut n’est pas" et (Jér., XVII, 5) : "Maudit l’homme
qui se confie dans l’homme, etc. !" II. Ensuite il assigne
la raison de sa conclusion. Elle repose sur la dignité des fidèles de
Jésus-Christ, dont il détermine le rang dans l’universalité des choses. 1° Il expose l’ordre des choses créées
relativement aux fidèles de Jésus-Christ, en disant (verset 22) : Car tout
est à vous, comme s’il disait : de même que l’homme ne se glorifie point
des choses qui lui sont soumises, ainsi ne devez-vous pas vous glorifier des
choses de ce monde, qui, toutes, vous ont été données par Dieu, selon cette
parole du psaume VIII, 8 — "Vous avez tout mis à ses pieds." Saint
Paul explique quelles sont ces choses, en mettant au premier rang les
ministres de Jésus-Christ, qui sont divinement ordonnés pour exercer le
ministère à l’égard des fidèles, selon cette parole (I1 Cor., IV, 5) : "Nous
nous regardons comme vos serviteurs pour Jésus." C’est pour cela
qu’il dit (verset 22) : Soit Paul qui a planté, soit Apollos, qui
a arrosé, soit Céphas, c’est-à-dire Pierre, qui est le pasteur
universel des brebis de Jésus-Christ, comme il est dit au dernier chapitre de
saint Jean. 2° Il désigne
les choses extérieures lorsqu’il dit (verset 22) : soit le monde, qui
renferme toutes les créatures et qui appartient aux fidèles de Jésus-Christ,
parce que l’homme peut être aidé par les choses de ce monde pour des
nécessités corporelles, ou peut s’en servir pour arriver à la connaissance de
Dieu ; (Sag., XIII, 5) : "Par la grandeur, par la beauté de la
créature, etc." 3° L’Apôtre place ensuite ce qui
appartient à la condition même de l’homme, en disant (verset 22) : soit la
vie, soit la mort, pour les fidèles de Jésus-Christ la vie peut être
utile pour acquérir des mérites, et la mort peut l’être pour arriver à la
récompense ; (Rom., XIV, 8) : "Soit donc que nous vivions, soit
que nous mourrions, etc." ; et (Philip., I, 21) : "Pour
moi, vivre c’est le Christ, et la mort m’est un gain." Or à ces deux
points on peut ramener tous les biens et tous les maux de ce monde, parce que
les biens conservent la vie, et les maux nous font arriver à la mort. 4° Enfin saint Paul indique ce qui
appartient à l’état présent ou futur de l’homme, en disant (verset 22) : soit
les choses présentes, c’est-à-dire les choses de cette vie qui peuvent
nous aider à acquérir des mérites ; soit les choses futures qui nous
sont réservées comme récompense. Car nous n’avons pas ici une cité
permanente, mais nous en cherchons une où nous habiterons un jour, comme le
dit (Hébr., XIII, 14). Tout est à vous, dit l’Apôtre, c’est-à-dire
servent à votre utilité, selon cette parole (Rom., VIII, 28) : "Tout
contribue au bien de ceux qui aiment Dieu." Le premier ordre
des choses est donc de Jésus-Christ aux fidèles, le second des fidèles à
Jésus-Christ même ; c’est ce que l’Apôtre dit ensuite (verset 23) : Mais
vous, vous êtes au Christ, à savoir parce que c’est par lui que vous avez
été rachetés ; (Rom., XIV, 8) : "Soit donc que nous vivions,
soit que nous mourrions, nous sommes toujours au Seigneur." Le
troisième rapport est de Jésus-Christ, en tant qu’homme, à Dieu (verset 23) :
et le Christ est à Dieu. C’est en ce sens que le Prophète l’appelle
Dieu et Seigneur au psaume VII, 2 — "Seigneur, mon Dieu, j’ai espéré
en vous" ; et par « Dieu » il faut entendre la
Trinité tout entière. Ainsi donc, personne ne devant se glorifier de ce qui
est au-dessous de lui, mais de ce qui est au dessus, les fidèles de
Jésus-Christ ne doivent pas se glorifier dans les ministres, mais au
contraire les ministres doivent se glorifier dans les fidèles ; (I1 Cor.,
VII, 4) : "Je vous parle avec une grande confiance ; j’ai grand sujet
de me glorifier de vous." Quant aux fidèles, ils doivent se
glorifier en Jésus-Christ, selon cette parole (Gal., VI, 14) : "A
Dieu ne plaise que je me glorifie en autre chose qu’en la croix de Notre
Seigneur Jésus-Christ !" comme Jésus-Christ se glorifie en son Père,
suivant cette parole du livre de la Sagesse (II, 16) : "Il se
glorifie d’avoir Dieu pour père." |
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Caput 4 |
CHAPITRE IV — LE PÉCHÉ DES CORINTHIENS |
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Lectio 1 |
Leçon 1 : 1 Corinthiens IV, 1-5 — Dieu seul peut juger les coeurs |
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SOMMAIRE : L’Apôtre reprend la témérité des Corinthiens, qui jugeaient témérairement les ministres de Jésus-Christ. Le seul juge, c’est Dieu, qui scrute les coeurs et éclaire les ténèbres. |
[1] sic nos existimet homo ut ministros Christi et
dispensatores mysteriorum Dei [2] hic iam quaeritur inter dispensatores ut fidelis quis
inveniatur [3] mihi autem pro minimo est ut a vobis iudicer aut ab humano
die sed neque me ipsum iudico [4] nihil enim mihi conscius sum sed non in hoc iustificatus
sum qui autem iudicat me Dominus est [5] itaque
nolite ante tempus iudicare quoadusque veniat Dominus qui et inluminabit
abscondita tenebrarum et manifestabit consilia cordium et tunc laus erit
unicuique a Deo |
1. Que les
hommes nous considèrent comme les ministres du Christ et les dispensateurs
des mystères de Dieu. 2. Or ce
qu'on cherche dans les dispensateurs, c'est qu'ils soient trouvés fidèles. 3. Pour
moi, je me mets fort en peine d'être jugé par vous ou par quelque homme que
ce soit ; je n'ose pas même me juger moi-même ; 4. Car
encore que ma conscience ne me reproche rien, je ne suis pas justifié pour
cela ; mais c'est le Seigneur qui est mon juge. 5. C'est
pourquoi ne jugez pas avant le temps, jusqu'à ce que le Seigneur vienne, qui
produira à la lumière ce qui est caché dans les ténèbres et découvrira les
plus secrètes pensées des coeurs, et alors chacun recevra de Dieu la louange
qui lui sera due. |
[86244] Super 1 Cor., cap. 4 l. 1 Superius redarguit apostolus
Corinthios de hoc, quod de quibusdam ministris gloriabantur, hic autem arguit
eos quod alios ministros contemnebant. Et circa hoc duo facit. Primo arguit
eorum culpam; secundo instat ad eorum correctionem, ibi non ut confundam
vos. Circa primum duo facit. Primo arguit eorum temeritatem, qua male de
ministris iudicabant; secundo arguit eorum elationem, qua Christi ministros
contemnebant, ibi hoc autem, fratres. Circa primum duo facit. Primo
ostendit, quid sit de ministris Christi firmiter sentiendum; secundo quod non
sit de eis temere iudicandum, ibi hic iam quaeritur inter dispensatores.
Dicit ergo primo : dixi quod nullus vestrum debet
gloriari de hominibus, tamen quilibet vestrum debet cognoscere auctoritatem
officii nostri, ad quod pertinet quod sumus mediatores inter Christum cui
servimus, ad quos pertinet quod dicit sic nos existimet homo ut ministros
Christi, Is. LXI, v. 6 — sacerdotes Dei vocabimini ministri Dei
nostri, dicetur vobis, et inter membra eius, quae sunt fideles Ecclesiae,
quibus dona Christi dispensant, ad quos pertinet quod subditur et
dispensatores mysteriorum Dei, id est, secretorum eius, quae quidem sunt
spiritualia eius documenta, secundum illud infra XIV, 2 — spiritus est,
qui loquitur mysteria; vel etiam ecclesiastica sacramenta, in quibus
divina virtus secretius operatur salutem. Unde et in forma
consecrationis Eucharistiae dicitur : mysterium fidei. Pertinet ergo
ad officium praelatorum Ecclesiae, quod in gubernatione subditorum soli
Christo servire desiderent, cuius amore oves eius pascunt, secundum illud Io.
ult. : si diligis me, pasce oves meas. Pertinet etiam ad eos, ut
divina populo dispensent, secundum illud infra IX, 17 — dispensatio mihi
credita est, et secundum hoc sunt mediatores inter Christum et populum,
secundum illud Deut. V, 5 — ego
sequester fui, et medius illo tempore inter Deum et vos. Haec autem
aestimatio de praelatis Ecclesiae necessaria est ad salutem fidelium; nisi
enim eos recognoscerent ministros Christi, non eis obedirent, tamquam
Christo, secundum illud Gal. IV, 14 — sicut Angelum Dei excepistis me,
sicut Iesum Christum. Rursum, si eos non cognoscerent dispensatores,
recusarent ab eis dona recipere, contra illud quod idem apostolus dicit I1 Cor.
II, 10 — quod donavi, si quid donavi, propter vos in persona Christi
donavi. Deinde cum dicit hic iam quaeritur inter
dispensatores, ostendit circa ministros Christi, temere iudicari non
debere. Et circa hoc tria facit. Primo, ponit quoddam per quod iudicare
satagunt de fidelitate ministrorum; secundo, ostendit de hoc iudicio se non
curare, sed Deo reservare, ibi mihi autem pro minimo est; tertio,
concludit prohibitionem temerarii iudicii, ibi itaque nolite. Circa primum considerandum est, quod ministrorum
et dispensatorum Christi, quidam sunt fideles, quidam infideles. Infideles
dispensatores sunt, qui in dispensandis divinis ministeriis non intendunt
utilitatem populi, et honorem Christi, et utilitatem membrorum eius, secundum
illud Lc. XVI, v. 11 — in iniquo mammona fideles non fuistis. Fideles
autem, qui in omnibus intendunt honorem Dei, et utilitatem membrorum eius,
secundum illud Lc. XII, 42 — quis, putas, est fidelis servus et prudens,
quem constituit dominus super familiam suam? Qui autem sunt fideles
divino iudicio manifestabuntur in futuro. Sed Corinthii temere volebant
discutere, qui dispensatores essent fideles vel infideles. Et hoc est quod
dicit hic, hoc est, inter vos, iam, id est, praesenti tempore, quaeritur,
id est, discutitur, ut quis, id est aliquis, inter dispensatores
fidelis inveniatur. Iudicabant enim plures esse infideles, vix aliquem
virum putantes esse fidelem, secundum illud Prov. XX, 6 — multi viri
misericordes vocantur, virum autem fidelem quis inveniet? Deinde cum dicit mihi autem pro minimo est,
ostendit se hoc iudicium reputare nihil, et circa hoc tria facit. Primo
ponit, quod non curat circa hoc ab aliis iudicari, dicens mihi autem,
qui sum minimus inter dispensatores, pro minimo est, id est, minima
bona reputo, ut a vobis iudicer, scilicet esse fidelis, vel infidelis.
Et ne putarent ab apostolo haec dici in eorum contemptum, ac si eorum
iudicium despiceret, quasi vilium personarum, subiungit aut ab humano
intellectu, qui est dies hominis, secundum illud Io. XI, 9 — qui ambulat
in die, non offendit, quia lucem huius mundi videt. Vel ad litteram aut
ab humano die, id est, ab intellectu in hoc tempore iudicantibus, quasi
dicat : vestrum, vel quorumcumque hominum iudicium parum curo. Ier. XVII, 16
— diem hominis non desideravi, tu scis. Est autem sciendum, quod de
iudicio hominum dupliciter debet curari. Uno modo, quantum ad alios, qui ex eorum bono,
vel aedificantur, vel scandalizantur, et sic sancti non pro minimo, sed pro
magno habent ab hominibus iudicari, cum dominus dicat Matth. V, 16 — videant
opera vestra bona, et glorificent patrem vestrum, qui in caelis est. Alio
modo quantum ad seipsos, et sic non curant multum, quia nec gloriam humanam
concupiscunt, secundum illud I Thess. II, 6 — neque gloriam ab hominibus
quaerentes, neque aliquid a vobis, neque ab aliis. Neque opprobrium
hominis timent, secundum illud Is. LI, 7 — nolite timere opprobrium
hominum, et blasphemias eorum ne timeatis. Unde apostolus signanter dicit
mihi autem, etc., id est, quantum ad me pertinet, non autem id pro
nullo est, sed pro minimo, quia bona temporalia, inter quae bona fama
computatur, non sunt nulla bona, sed minima, ut Augustinus dicit in libro de
libero arbitrio. Unde et Sap. VII, 9 — omne aurum in comparatione illius
arena est exigua. Secundo ostendit, quod neque seipsum iudicare
praesumit, dicens sed neque meipsum iudico. Videtur autem hoc esse
contra id quod infra XI, 31 dicitur : si nosmetipsos diiudicaremus, non
utique iudicaremur. Debet ergo quilibet iudicare seipsum. Sed sciendum
est, quod iudicio discussionis, de quo apostolus hic loquitur, quilibet debet
iudicare seipsum, secundum illud Ps. LXXVI, 7 — exercitabar et scopebam
spiritum meum, et similiter iudicio condemnationis et reprehensionis in
manifestis malis, secundum illud Iob XIII, 15 — arguam coram eo vias meas;
sed iudicio absolutionis non debet aliquis praesumere se iudicare ut
innocentem; unde dicitur Iob IX, 20 — si iustificare me voluero, os meum
condemnabit me; si innocentem considero, pravum me comprobabit. Cuius
rationem assignat, dicens nihil mihi conscius sum, id est, non habeo
alicuius peccati mortalis conscientiam, secundum illud Iob XXVII, 6 — neque
reprehendit me cor meum in omni vita mea. Sed non in hoc iustificatus sum,
id est, non sufficit ad hoc, quod me iustum pronunciem, quia possunt aliqua
peccata in me latere, quae ignoro, secundum illud Ps. : delicta quis
intelligit? Et Iob c. IX, 21 dicitur : et si simplex fuero, hoc ipsum
ignorabit anima mea. Tertio concludit cui hoc iudicium reservetur,
dicens qui autem iudicat me dominus est, id est, ad solum Deum
pertinet iudicare utrum sim fidelis minister an non; hoc enim pertinet ad
intentionem cordis, quam solus Deus ponderare potest, secundum illud Prov.
XVI, 2 — spirituum ponderator est dominus. Et Ier. XVII, 9 — pravum
est cor hominis et inscrutabile, quis cognoscet illud? Ego dominus probans
renes et scrutans corda. Deinde cum dicit itaque nolite, etc.,
concludit prohibitionem temerarii iudicii, et circa hoc tria facit. Primo
prohibet praevenire divinum iudicium, dicens : itaque exemplo meo qui neque
meipsum iudico, neque ab aliis iudicari curo, sed iudicium meum Deo reservo, nolite
ante tempus iudicare, quia, ut dicitur Eccle. c. VIII, 6, omni negotio
tempus est et opportunitas. Quoadusque veniat dominus, scilicet ad
iudicandum, secundum illud Is. III, v. 14 — dominus ad iudicium veniet cum
senatoribus populi sui. Unde et dominus dixit Matth. VII, 1 — nolite
iudicare. Sed hoc intelligendum est de occultis; de manifestis autem
iudicare commissum est a Deo hominibus, secundum illud Deut. I, 16 — audite
illos, et quod iustum est iudicate. Sunt enim aliqua manifesta non solum
per evidentiam facti, sicut notoria, sed et propter confessionem, aut testium
probationem. Occulta vero Deus suo reservat iudicio. Sunt autem occulta
nobis, quae latent in corde, vel etiam in abscondito fiunt, et de his dicitur
in Ps. IV, 5 — quae dicitis in cordibus vestris, et in cubilibus vestris
compungimini. Unde homo quidem de his est temerarius iudex, sicut iudex
delegatus, qui excedit formam mandati iudicii de causa non sibi commissa. Est
ergo temerarium iudicium, quando aliquis de dubiis iudicat. Perversum autem,
quando falsum iudicium profert. Et quamvis non sit iudicandum circa personas,
puta ut aliquis iudicet malum hominem, qui bonus est, tamen multo gravius
est, ut iudicium pervertatur de rebus ipsis, puta si quis diceret
virginitatem esse malam, et fornicationem bonam. Contra quod dicitur Is. V, 20
— vae qui dicitis bonum malum, et malum bonum. Secundo describit perfectionem futuri divini
iudicii, dicens qui, scilicet dominus ad iudicandum veniens, illuminabit
abscondita tenebrarum, id est faciet esse lucida et manifesta ea quae
occulte in tenebris facta sunt. Et manifestabit consilia cordium, id
est omnia cordis occulta, secundum illud Iob XII, 22 — qui revelat occulta
de tenebris, et producit in lucem umbram mortis. Et Sophon. I, 12 — scrutabor
Ierusalem in lucernis. Quod quidem est intelligendum tam de bonis, quam
de malis, quae non sunt per poenitentiam tecta, secundum illud Ps. XXXI, v. 1
— beati quorum remissae sunt iniquitates, et quorum tecta sunt peccata.
Tertio ponit fructum, quem boni reportabunt de
divino iudicio, dicens et tunc laus erit unicuique, scilicet bonorum a
Deo. Quae quidem laus vera erit, quia Deus nec decipi, nec decipere
potest. Rom. II, 29 — cuius laus non ex hominibus, sed ex Deo est. I1
Cor. X, 18 — non enim qui seipsum commendat ille probatus est, sed quem
Deus commendat. |
Dans ce qui
précède, l’Apôtre a repris les Corinthiens de ce qu’ils se glorifiaient de
certains ministres ; ici il les reprend de ce qu’ils méprisaient les autres
ministres. A cet effet, d’abord il les reprend de leur faute ; ensuite il
insiste pour leur correction, à ces mots (verset 14) : Ce n’est pas pour
vous donner de la confusion. Sur le premier de ces points, il les
reprend, en premier lieu, de la témérité avec laquelle ils jugeaient mal des
ministres ; en second lieu, de l’orgueil dont ils faisaient preuve en
méprisant les ministres de Jésus-Christ, à ces mots (verset 6) : Au reste,
mes frères, [j’ai personnifié] ces choses en moi. Sur leur témérité, il
montre : I° ce qu’il
faut croire fermement des ministres de Jésus-Christ ; II° en quoi il ne faut
pas juger d’eux témérairement, à ces mots (verset 2) : Or on demande d’un
fidèle dispensateur. I° Il dit donc d’abord : J’ai établi que nul d’entre vous ne doit se
glorifier dans les hommes ; cependant chacun de vous doit reconnaître
l’autorité de notre ministère, qui nous constitue médiateurs entre
Jésus-Christ, que nous servons (verset 1) : Que les hommes nous regardent
comme les ministres de Jésus-Christ ; (Isaïe, LXI, 6) : "Mais
vous, vous serez appelés les prêtres du Seigneur, les ministres de notre
Dieu" ; et ses membres, qui sont les fidèles de l’Eglise,
auxquels les ministres dispensent les dons de Jésus-Christ (verset 1), et
Paul ajoute : Et comme les dispensateurs des mystères de Dieu,
c’est-à-dire de ses secrets, qui sont ses enseignements spirituels, selon ce
qui est dit au chapitre XIV, 2 — C’est l’Esprit qui annonce les mystères,
ou encore les sacrements de l’Eglise, dans lesquels la puissance divine opère
secrètement le salut. C’est pourquoi la forme de la consécration de
l’Eucharistie porte : mystère de foi. Il est donc du devoir des
pasteurs de l’Eglise de ne chercher dans le gouvernement de leurs sujets que
le service de Jésus-Christ seul, pour l’amour duquel ils paissent ses brebis,
selon cette parole de saint Jean (XXI, 17) : "Si vous m’aimez,
paissez mes brebis." Il leur appartient aussi de dispenser au peuple
les choses divines (ci-après, IX, 17) : Je dispense ce qui m’a été
confié ; et, sous ce rapport, ils sont médiateurs entre Jésus-Christ
et son peuple, selon cette parole du Deutéronome (V, 5) : "En ce
temps-là, j’ai été l’arbitre et le médiateur entre le Seigneur et vous."
Or il est nécessaire au salut des fidèles qu’ils aient cette estime des chefs
de l’Eglise ; car s’ils ne les regardaient pas comme les ministres de
Jésus-Christ, ils ne leur obéiraient pas comme à Jésus-Christ, ainsi qu’il
est dit dans l’épître aux Galates (IV, 14) : "Vous m’avez reçu comme
un ange de Dieu, comme un autre Jésus-Christ." De plus, s’ils ne les
regardaient pas comme des dispensateurs, ils refuseraient de recevoir leurs
dons ; l’Apôtre ne pourrait pas dire (I1 Cor., II, 10) : "Ce que j’ai
donné, si j’ai donné quelque chose, je l’ai donné à cause de vous, au nom de
Jésus-Christ." II° Lorsqu’il dit (verset 2) : Or ce qu’on demande des dispensateurs...,
saint Paul fait voir qu’il ne faut pas juger témérairement les ministres
de Jésus-Christ. A ce sujet, I. il indique
un point sur lequel ils se mêlent de juger la fidélité des ministres ; II. il montre qu’il se
met peu en peine de ce jugement, mais qu’il le réserve à Dieu, à ces mots
(verset 3) : Et moi, je me mets peu en peine d’être jugé par vous ;
III. il conclut en
défendant le jugement téméraire (verset 5) : Ne jugez donc point. I. Sur le premier de
ces points, il faut remarquer que parmi les ministres et les dispensateurs de
Jésus-Christ, il en est qui sont fidèles et d’autres infidèles. Les
dispensateurs infidèles sont ceux qui, dans la dispensation des divins
ministères, ne se visent pas à l’utilité du peuple chrétien, l’honneur de
Jésus-Christ et l’avantage de ses membres, selon cette parole (Luc, XVI, 11) :
"Si donc vous n’avez pas été fidèles dans les richesses
injustes,…" Les dispensateurs fidèles sont ceux qui en toutes choses
se proposent l’honneur de Dieu et l’avantage de ses membres, suivant cette
autre parole de Luc (XII, 42) : "Quel est, à votre avis, l’économe
fidèle et prudent que le maître établira sur sa famille ?" Or les
dispensateurs fidèles seront manifestés quand se fera, dans l’avenir, le
jugement de Dieu. Mais les Corinthiens voulaient discuter témérairement si
tel dispensateur était fidèle ou infidèle ; c’est ce que reprend saint Paul
(verset 2) : Ici, c’est-à-dire parmi vous, déjà, à savoir dans
le temps présent, on cherche, en d’autres termes on discute, si tel,
c’est-à-dire si tel ministre, est trouvé fidèle parmi les dispensateurs.
En effet, les Corinthiens jugeaient que le plus grand nombre étaient
infidèles, et pensaient qu’à peine l’on en trouvait un qui fût fidèle ;
(Prov., XX, 6) : "Beaucoup sont appelés miséricordieux, mais qui
trouvera un homme fidèle ?" II. En ajoutant (verset
3) : Et moi je me mets peu en peine, l’Apôtre montre qu’il regarde ce
jugement comme de peu d’importance. 1° Il manifeste qu’il s’inquiète peu
d’être en ce point jugé par les autres : Mais quant à moi, qui suis le
moindre parmi les dispensateurs, c’est très peu, c’est-à-dire je
regarde comme un avantage fort léger, d’être jugé par vous, en
d’autres termes d’être regardé comme fidèle ou infidèle. Et pour que les
Corinthiens ne s’imaginent pas que l’Apôtre parlait ainsi par mépris pour
eux, et dédaignait leur jugement comme porté par des gens sans valeur, il
ajoute : ou par un jugement humain, parole qui indique le jour de
l’homme (Jean XI, 9) : "Si quelqu’un marche dans le jour, il ne se
heurte point, parce qu’il voit la lumière de ce monde." Autrement,
d’après la lettre, ou par le jour de l’homme, c’est-à-dire par le
jugement de ceux qui jugent en ce temps ; comme s’il disait : de votre
jugement ou du jugement de qui que ce soit, je m’en occupe peu ; (Jér.,
XVII, 16) : "Je n’ai point désiré le jour de l’homme, vous le
savez." Or il faut savoir qu’on doit s’inquiéter du jugement des
hommes de deux manières : A) d’abord par rapport aux autres, qui
se défient du bien ou se scandalisent. A ce point de vue, les saints
n’accordent pas peu de valeur, mais une très grande au contraire au jugement
des hommes ; car le Seigneur a dit (Matthieu V, 16) : "Qu’ils voient
vos bonnes oeuvres et qu’ils glorifient votre Père, qui est dans les
cieux." B) ensuite par rapport à eux-mêmes. A
cet égard, ils s’en inquiètent fort peu, parce qu’ils ne désirent pas la
gloire humaine, selon cette parole "I Thess., II, 6) : "Nous
n’avons pas non plus recherché la gloire des hommes, soit de vous, soit des
autres," pas plus qu’ils ne redoutent l’opprobre des hommes, selon
cette parole d’Isaïe (LI, 7) : "Ne craignez pas l’opprobre et ne
redoutez pas les blasphèmes des hommes." C’est pour cette raison que
l’Apôtre dit expressément : Quant à moi, c’est-à-dire en ce qui me
concerne, je ne regarde pas comme rien, mais comme de peu de conséquence,
d’être jugé, parce que les biens temporels, parmi lesquels on compte la bonne
réputation, ne sont pas des biens méprisables, mais seulement d’une légère
valeur, comme saint Augustin le dit (liv. du Libre Arbitre, liv. I, ch. X). C’est de là que le
Sage a dit (Sag., VII, 9) : "L’or, comparé à la sagesse, est un peu
de sable." 2° Paul montre en second lieu qu’il
n’a pas la présomption de se juger lui-même en disant : Je ne me juge pas
non plus moi-même. Or cette parole semble contredire ce que nous lirons
plus loin (XI, 31) : Si nous nous examinions nous-mêmes, nous ne serions
pas jugés ; chacun doit donc se juger lui-même. Il faut comprendre
que le jugement de discussion dont l’Apôtre parle en cet endroit, chacun doit
se l’appliquer à soi-même, selon ce passage du Psalmiste (LXXVI, 7) : "Je
m’entretenais avec moi-même, et mon esprit était agité" ; de
même pour le jugement de condamnation et de réprimande, quand le mal est
manifeste, selon cette parole de Job (XIII, 15) : "J’exposerai mes
voies en sa présence." Mais¸ pour le jugement d’absolution, personne
ne doit avoir la présomption de se juger pour s’innocenter ; (Job., IX,
20) : "Si j’entreprends de me justifier, ma bouche me condamnera, et
si je me regarde comme innocent, elle me prouvera que je suis coupable."
Saint Paul en donne la raison en disant (verset 4) : car quoique ma
conscience ne me reproche rien, c’est-à-dire quoique je n’aie conscience
d’aucun péché mortel, selon cette parole de Job (XXVII, 6) : "Mon
coeur ne me reproche rien dans toute ma vie" - mais je ne suis pas pour
cela justifié, c’est-à-dire cela ne suffit pas pour que je me donne comme
juste, parce qu’il peut y avoir en moi quelques péchés cachés dont je n’aie point
connaissance, suivant cette parole du Psalmiste (XVIII, 13) : "Qui
connaît ses fautes ?" et (Job, IX, 21) : "Quand même je
serais juste, mon âme l’ignorera." 3° L’Apôtre conclut en disant à qui ce
jugement est réservé (verset 4) : Mais c’est le Seigneur qui est mon juge,
c’est-à-dire à Dieu seul il appartient de juger si je suis ou non un ministre
fidèle, car pour cela il faut juger l’intention du coeur, et Dieu seul peut
le faire, suivant cette parole des Proverbes (XVI, 2) : "Dieu seul
pèse les esprits" ; (Jér., XVII, 9) : "Le coeur de
l’homme est trompeur ; il est impénétrable ; qui le connaîtra ? Moi, le
Seigneur, qui sonde les coeurs et qui éprouve les reins." III. En disant (verset
5) : Ne jugez donc point avant le temps, saint Paul déduit en conclusion
l’interdiction du jugement téméraire. A cet effet 1° il défend de prévenir le jugement
de Dieu : ainsi donc, à mon exemple, puisque je ne me juge point moi-même, et
puisque je me mets peu en peine d’être jugé par les autres, laissant à Dieu
le soin de me juger (verset 5), ne jugez pas avant le temps, car
(Ecclésiastique VIII, 6) : "Chaque chose a son temps et son moment
favorable" ; (verset 5) : jusqu’à ce que le Seigneur
vienne, à savoir pour juger, selon cette parole d’Isaïe (III, 14) : "Le
Seigneur entrera en jugement avec les anciens de son peuple." Le
Seigneur a dit en ce sens (Matthieu VII, 1) : "Ne jugez pas." Toutefois
ces dernières paroles doivent s’entendre des fautes secrètes, car, quant à
celles qui sont manifestes, Dieu a donné aux hommes le pouvoir d’en juger,
suivant ce qu’on lit au Deutéronome (I, 16) : "Ecoutez-les, et jugez
selon la justice." En effet, il y a des actions qui sont manifestes
non seulement d’évidence du fait, par exemple les actes notoires, mais encore
par l’aveu ou par la preuve de témoins. Quant aux choses cachées, Dieu les
réserve à son jugement. Or, pour nous, les choses sont cachées quand elles
sont dans le secret du coeur, ou même quand elles s’accomplissent sans
témoins ; c’est de ces actions secrètes que le Psalmiste dit (XV, 5) : "Repassez
en silence, pendant votre repos, les pensées de votre coeur." Car,
de ces choses, l’homme serait un juge téméraire, comme un juge délégué qui
excéderait la portée de son mandat en prononçant sur une cause qui ne lui est
pas soumise. Le jugement est donc téméraire quand on juge ce qui est douteux
; il est pervers quand il énonce une chose fausse, et quoi qu’on n’ait pas le
droit de juger les personnes : dire par exemple qu’un tel est mauvais quand
il est bon ; toutefois le jugement est beaucoup plus grave quand il est porté
sans rectitude sur les choses elles-mêmes, par exemple si l’on venait à
affirmer que la virginité est mauvaise et que la fornication est bonne. C’est
contre un pareil jugement qu’il est dit au prophète Isaïe (V, 20) : "Malheur
à vous qui appelez mal le bien, et bien le mal !" 2° L’Apôtre décrit la perfection du
jugement que Dieu prononcera dans l’avenir, en disant (verset 5) : Qui,
c’est-à-dire le Seigneur, venant pour juger, éclairera ce qui est caché
dans les ténèbres, en d’autres termes rendra apparentes et manifestes les
actions qui auront été faites dans le secret et dans les ténèbres, et
découvrira les plus secrètes pensées des coeurs, c’est-à-dire tout ce
qu’il y a de caché dans les coeurs, selon cette parole de Job (XXX, 22) : "Il
découvre les profondeurs des ténèbres et amène à la lumière les ombres de la
mort" ; et (Soph., I, 12) : "Je visiterai Jérusalem la
lampe à la main" ; ce qu’il faut appliquer autant aux bonnes
oeuvres qu’aux mauvaises actions qui n’auraient pas été couvertes par la
pénitence, suivant cette parole du Psalmiste (XXXI, 1) : "Heureux
ceux dont les iniquités ont été pardonnées et dont les péchés ont été
couverts!" 3° Saint Paul expose les fruits que
les justes recueilleront du jugement divin, lorsqu’il dit (verset 5) : Et
alors chacun, à savoir des justes, recevra de Dieu la louange qui lui
sera due ; et cette louange sera véritable, parce que Dieu ne
saurait ni tromper ni être trompé ; (Rom., II, 29) : "Il tire sa
gloire non des hommes, mais de Dieu" ; et (I1 Cor., X, 18) : "Celui
qui se rend témoignage à lui-même n’est pas véritablement bon, mais celui à
qui Dieu rend témoignage." |
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Lectio 2 |
Leçon 2 : 1 Corinthiens IV, 6-13 — Se garder de l'orgueil |
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SOMMAIRE : L’Apôtre emploie l’ironie pour reprendre les Corinthiens de l’orgueil qui les portait à mépriser les ministres de Jésus-Christ. |
[6] haec autem
fratres transfiguravi in me et Apollo propter vos ut in nobis discatis ne
supra quam scriptum est unus adversus alterum infletur pro alio [7] quis enim te discernit quid autem habes quod non accepisti
si autem accepisti quid gloriaris quasi non acceperis [8] iam saturati estis iam divites facti estis sine nobis
regnastis et utinam regnaretis ut et nos vobiscum regnaremus [9] puto enim Deus nos apostolos novissimos ostendit tamquam
morti destinatos quia spectaculum facti sumus mundo et angelis et hominibus [10] nos stulti propter Christum vos autem prudentes in Christo
nos infirmi vos autem fortes vos nobiles nos autem ignobiles [11] usque in hanc horam et esurimus et sitimus et nudi sumus
et colaphis caedimur et instabiles sumus [12] et laboramus operantes manibus nostris maledicimur et
benedicimus persecutionem patimur et sustinemus [13]
blasphemamur et obsecramus tamquam purgamenta huius mundi facti sumus omnium
peripsima usque adhuc |
6. Au
reste, mes frères, j’ai proposé ces choses en ma personne et en celle
d’Apollos à cause de vous, afin que vous appreniez par notre exemple à
n’avoir pas de vous d’autres sentiments que ceux que je viens de marquer,
prenant garde à ne pas vous enfler d’orgueil les uns contre les autres pour
autrui. 7. Car qui
est-ce qui vous discerne ? Qu'avez-vous que vous n’ayez reçu ? Que si vous
l’avez reçu, pourquoi vous en glorifiez-vous comme si vous ne l’aviez pas
reçu ? 8. Vous
êtes déjà rassasiés, vous êtes déjà riches ; vous régnez sans nous, et plût à
Dieu que vous régnassiez, afin que nous régnassions aussi avec vous ! 9. Car il
semble que Dieu nous traite, nous autres apôtres, comme les derniers des
hommes, comme ceux qui sont condamnés à la mort, nous faisant servir de
spectacle au monde, aux anges et aux hommes. 10. Nous
sommes fous pour l’amour du Christ, mais vous autres vous êtes sages dans le
Christ ; nous sommes faibles, et vous êtes forts ; vous êtes honorés, et nous
sommes méprisés. 11. Jusqu’à
cette heure, nous souffrons la faim et la soif, la nudité et les mauvais
traitements ; nous n’avons pas de demeure stable ; 12. Nous
travaillons avec beaucoup de peine de nos propres mains ; on nous maudit, et
nous bénissons ; on nous persécute, et nous le souffrons ; 13. On nous
dit des injures, et nous répondons par des prières ; nous sommes jusqu'à
présent regardés comme les ordures du monde, comme des balayures qui sont
rejetées de tous. |
[86245] Super 1 Cor., cap. Deinde cum dicit quis enim te discernit?
Assignat rationem quare unus non debeat contra alium inflari. Et primo ponit
rationem, dicens quis enim te discernit? Quod potest intelligi
dupliciter : uno modo sic : quis enim te discernit a massa perditorum? Tu
teipsum discernere non potes : unde non habes in te unde contra alium
superbias. Et de hac discretione dicitur in Ps. XLII, 1 — iudica me, Deus,
et discerne causam meam de gente non sancta. Alio modo potest intelligi quis te discernit,
scilicet superiorem faciens proximo tuo? Hoc quod tu facere non
potes, unde contra eum superbire non debes. Et de hac discretione dicitur
Eccli. XXXIII, 11 — in multitudine disciplinae domini separavit eos, et
immutavit vias illorum. Sed inter homines, inquantum sunt fideles
Christi, non est discretio, quia, ut dicitur Rom. XII, 5, multi unum
corpus sumus in Christo. Et dicit Petrus : nihil discernit inter nos
et illos, fide purificans corda eorum. Secundo excludit quamdam rationem. Posset enim
aliquis discerni a bonis vel a malis, melior eis existens, propter bona quae
habet, puta fidem, sapientiam, et huiusmodi. Sed hoc excludit apostolus, dicens
quid autem habes, quod non accepisti? Quasi dicat : nihil. Omnia enim bona sunt a Deo,
secundum illud Ps. CIII, 28
— aperiente te manum tuam, omnia implebuntur bonitate; et Par. XXIX, 14
— tua sunt omnia, et quae de manu tua accepimus, dedimus tibi. Et ex
hoc concludit propositum, dicens si autem accepisti, quid gloriaris, quasi
non acceperis? Ille igitur gloriatur quasi non accipiens, qui de seipso
gloriatur, et non de Deo, sicut de quibusdam dicitur in Ps. XLVIII, v. 7 — qui
confidunt in virtute sua, et in multitudine divitiarum suarum gloriantur.
Et ad hoc pertinet prima species superbiae, qua scilicet aliquis superbiendo,
quod habet, dicit a seipso habere, iuxta illud Ps. XI, 5 — labia nostra a
nobis sunt, quis noster dominus est? Ille autem gloriatur quasi
accipiens, qui omnia Deo adscribens, gloriatur de ipso, sicut supra dictum
est : qui gloriatur, in domino glorietur. Sic autem gloriari non est
superbire, sed humiliari sub Deo, cui homo dat gloriam, secundum illud Eccli.
ult. : danti mihi sapientiam, dabo gloriam. Deinde, cum dicit iam saturati estis,
irridet eorum superbiam, qui apostolos Christi contemnebant. Et primo in generali, secundo in speciali, ibi nos
stulti sumus, et cetera. Circa primum duo facit. Primo irridet in eis quod de se nimis
praesumebant; secundo deridet in eis, quod apostolos contemnebant, ibi puto
enim quod Deus, et cetera. Circa primum duo facit. Primo irridet eos de
praesumptione, qua sibi attribuebant quod non habebant; secundo irridet eos
de hoc, quod sibi singulariter attribuebant, quod singulariter non habebant,
ibi sine nobis regnatis. Attribuebant autem sibi abundantiam bonorum,
quorum quaedam sunt interiora; et quantum ad hoc dicit iam saturati estis,
id est, vobis videtur quod saturati estis, id est, abundanter refecti
spirituali dulcedine, de qua dicitur in Ps. XVI, 15 — satiabor dum
manifestabitur gloria tua. Poterat autem eis secundum veritatem dici,
quod iam saturati estis, non plenitudine, sed fastidio, secundum illud Prov.
XXVII, 7 — anima satiata calcabit favum. Quaedam vero sunt bona
exteriora, et quantum ad hoc dicit iam divites facti estis, sicut
vobis videtur, scilicet divitiis spiritualibus, de quibus dicitur Is. c.
XXXIII, 6 — divitiae salutis sapientia et scientia. Simile est, quod dicitur
Apoc. III, v. 17 — dicis, quia dives sum, et locuples valde, et nullius
egeo. Sed contra hoc videtur illud quod supra dixit in principio, dicens
quia in omnibus divites facti estis in illo, in omni verbo, et in omni
scientia, et cetera. Sed dicendum est, quod supra dixit quantum ad bonos,
qui inter eos erant; hic autem dicit quantum ad praesumptuosos, qui
superbiebant de eo quod non habebant. Potest et aliter distingui satietas et
divitiae, ut saturitas referatur ad usum gratiae, quo quis spiritualibus
fruitur; divitiae autem ad ipsos habitus gratiarum. Secundo cum dicit sine nobis regnatis,
irridet eos, quod sibi singulariter attribuebant quod non habebant. Unde
dicit sine nobis regnatis, id est, ita vobis videtur, quod regnum ad
vos pertineat, non ad nos. Sic enim erant decepti a pseudo-apostolis, ut
crederent se solos habere fidei veritatem, quae in regno Dei consistit,
apostolum autem et sequaces eius errare. Contra quos dicitur Is. V, 8 — numquid
habitabitis vos soli in medio terrae? Et ne videatur apostolus ex invidia
hoc dicere, subiungit utinam regnetis. Optat enim ut veram fidem
habeant, secundum illud Act. XXVI, 29 — opto omnes qui audiunt, tales
fieri, qualis et ego sum, exceptis vinculis his. Et ut eis exempla
humilitatis praebeat, subiungit ut et nos regnemus vobiscum, quasi
dicat : si aliquam excellentiam habetis, non dedignamur vos sequi, sicut vos
dedignamini sequi nos, contra illud quod dicitur Gal. IV, v. 18 — quod
bonum est, aemulamini in bono semper. Et est advertendum, quod apostolus hic quatuor
species superbiae tangit, quarum prima est, quando aliquis reputat se non
habere a Deo quod habet, quam tangit dicens quid gloriaris quasi non
acceperis? Et hoc etiam potest reduci ad secundam speciem qua aliquis
existimat propriis meritis accepisse. Tertia species est, qua quis iactat se
habere quod non habet, et quantum ad hoc dicit iam saturati estis, iam
divites facti estis. Quarta species, quando aliquis, despectis caeteris,
singulariter vult videri, et quantum ad hoc pertinet quod dicit sine nobis
regnatis. Deinde, cum dicit puto quod Deus, etc.,
irridet eos de hoc quod apostolos Christi contemnebant, et primo irrisorie
ponit contemptum; secundo causam contemptus, ibi quia spectaculum facti
sumus. Dicit ergo primo : prius dixi, quod sine nobis regnatis, puto
enim, id est, vos putare videmini, quod Deus nos apostolos ostendit
novissimos, cum tamen infra c. XII, 28 dicatur, quod Deus in Ecclesia
posuit primum apostolos. Sic enim impletur quod dicitur Matth. XX, 16 — erunt
primi novissimi, et novissimi primi. Et ponit exemplum : tamquam morti
destinatos. Illi enim, qui sunt condemnati ad mortem, novissimi habentur
inter homines, utpote quos indignum sit vivere, et tales apostoli reputantur
a mundanis hominibus, secundum illud Ps. XLIII, 22 — aestimati sumus sicut
oves occisionis. Deinde, cum dicit quia spectaculum,
assignat causam contemptus. Circa quod considerandum est, quod quando aliqui
sunt condemnati ad mortem, convocantur homines ad eorum occisionem, quasi ad
spectaculum, et hoc maxime fiebat circa eos, qui damnabantur ad bestias. Quia
apostoli erant quasi morti destinati, subiungit quia spectaculum facti
sumus mundo, quasi totus mundus concurrat ad spectandum nostram
occisionem, secundum illud Ps. XLIII, v. 14 — posuisti nos opprobrium vicinis
nostris. Exponit autem quid nomine mundi intelligat, cum subdit et
Angelis, et hominibus, scilicet bonis et malis. Concurrebant enim ad
eorum spectaculum boni Angeli ad confortandum, mali autem ad impugnandum;
boni homines ad compatiendum, et exemplum patientiae sumendum, mali homines
ad persequendum, et irridendum. Deinde cum dicit nos stulti, etc., irridet eos in speciali,
quod apostolos contemnebant. Et circa hoc duo facit. Primo ponit contemptum;
secundo causam contemptus, ibi usque in hanc horam, et cetera. Circa primum irridet eorum contemptum quantum ad hoc, quod sibi
excellentiam, apostolis defectum attribuebant. Et primo quantum ad
perfectionem intellectus. Et quantum ad hoc dicit nos stulti sumus propter
Christum, id est stulti reputamur, quia crucem Christi praedicamus, supra
I, 18 — verbum crucis pereuntibus stultitia est, et etiam quia propter
Christum opprobria et contentiones sustinemus, secundum illud Sap. V, 4 — nos
insensati vitam illorum aestimabamus insaniam. Item, ut legitur Act. c.
XXVI, 24, Festus dixit Paulo : insanis, Paule, multae te litterae ad
insaniam adducunt. Vos, secundum vestram reputationem, estis prudentes
in Christo, quia scilicet nec crucem eius publice confiteri audetis, nec
persecutionem pro eo sustinetis. Prov. XXVI, 16 — sapientior sibi videtur
piger septem viris sequentibus sententias. Secundo quantum ad potestatem actionis, cum dicit nos infirmi,
reputamur scilicet in exterioribus, propter afflictiones quas sustinemus. I1
Cor. XII, 9 — libenter gloriabor in infirmitatibus meis. Vos autem,
scilicet secundum vestram reputationem, estis fortes, scilicet in
rebus corporalibus, quia secure vivitis sine tribulatione. Is. V, 22 — vae qui
potentes estis ad bibendum vinum, et viri fortes ad miscendam ebrietatem. Vos
nobiles, scilicet estis, secundum vestram aestimationem, id est, honore
digni, qui exterius contumelias non patimini. Is. XIX, 11 — filius
sapientium, ego filius regum antiquorum. Nos autem ignobiles sumus,
secundum vestram et aliorum reputationem, quia contemptibiles habemur. Supra
I, 27 — quae contemptibilia sunt mundi et ignobilia elegit Deus. Et
tamen secundum rei veritatem est e converso. Soli enim contemptibiles illi
sunt, qui Deum contemnunt, secundum illud I Reg. c. II, 30 — qui autem
contemnunt me, erunt ignobiles. Deinde, cum dicit usque in hanc horam,
etc., assignat causam contemptus. Et primo ponit pro causa defectum bonorum
temporalium; secundo mala quae in eis intelligebantur, ibi maledicimur et
benedicimus; tertio concludit intentum, ibi tamquam purgamenta. Circa primum duo facit.
Primo ponit defectum quem patiebantur in rebus necessariis. Unde quantum ad
ea, quae pertinent ad victum, dicit usque in hanc horam, id est,
continue a conversione nostra usque in praesens tempus, esurimus et sitimus.
I1 Cor. XI, 27 — in fame et siti. Quantum vero ad vestitum, subdit et
nudi sumus, id est, propter vestimentorum inopiam, quia etiam interdum
expoliabantur. Iob XXIV, 7 — nudos dimittunt homines vestimenta tollentes,
quibus non est operimentum in frigore. Sed contra est quod
dicitur in Ps. XXXVI, v. 25 — non vidi iustum derelictum, nec semen eius
quaerens panem. Sed dicendum est, quod ita patiebantur apostoli, quod non
derelinquebantur, quia divina providentia moderabatur in eis et abundantiam
et inopiam, quantum eis expediebat ad virtutis exercitium. Unde et apostolus Phil. IV,
11 ss. : ubique et in omnibus institutus sum, et saturari, et esurire, et
abundare, et penuriam pati; omnia possum in eo, qui me confortat. Secundo ponit defectum eorum, quae pertinent ad
bene esse humanae vitae, quorum primum est reverentia ab hominibus exhibita,
contra quod dicit et colaphis caedimur, quod quidem fit magis ad
opprobrium, quam ad poenam. Unde de Christo legimus Matth. XXVI, 67 quod expuerunt
in faciem suam, et colaphis eum caeciderunt. Secundo requiritur quies in
loco, contra quod dicitur et instabiles sumus, tum quia expellebantur
a persecutoribus de loco in locum, secundum illud Matth. X, 23 — si vos
persecuti fuerint in una civitate, fugite in aliam, tum etiam quia pro
executione sui officii discurrebant ubique, secundum illud Io. c. XV, 16 — posui
vos ut eatis. Tertio requiritur ministrantium auxilium, contra quod
dicitur et laboramus operantes manibus nostris, tum quia aliquando
nullus dabat eis unde possent sustentari; tum etiam, quia labore manuum
suarum victum acquirebant vel ad vitandum fidelium gravamen, vel ad
repellendum pseudo-apostolos, qui propter quaestum praedicabant, ut habetur I1
Cor. XII, 16 ss.; tum etiam, ut darent otiosis laborandi exemplum, ut habetur
II Thess. III, 9. Unde dicit Paulus Act. XX, v. 34 — ad ea quae mihi opus
erant, et his qui mecum sunt, ministraverunt manus istae. Deinde, cum dicit maledicimur, etc., ponit
mala quae apostoli patiebantur. Et primo in verbis, cum dicit maledicimur,
id est, male de nobis dicunt homines, vel ad detrahendum, vel ad contumelias
inferendum, vel etiam mala imprecando. Ier. XV, v. 10 — omnes
maledicunt mihi. Et benedicimus, id est, reddimus bonum pro malo,
secundum illud I Petr. III, 9 — non reddentes maledictum pro maledicto,
sed e contrario benedicentes. Secundo in factis, et
quantum ad hoc dicit persecutionem patimur, non solum quantum ad hoc,
quod fugamur de loco ad locum, quod proprie persecutio dicitur, sed quantum
ad hoc quod multipliciter tribulamur, secundum illud Ps. CXVIII, 157 — multi qui
persequuntur me, et tribulant me. Et sustinemus, in Christo scilicet
omnia patienter. Eccli. I, 29 — usque ad tempus sustinebit patiens. Tertio tangit causam utriusque, cum dicit blasphemamur,
id est, blasphemia imponuntur nobis, dum dicimur magi vel malefici, et
reputamur Dei inimici, secundum illud Io. c. XVI, 2 — venit hora, ut omnis
qui interficit vos, arbitretur obsequium se praestare Deo; et Rom. III, 8
— sicut blasphemamur, et sicut aiunt quidam nos dicere, faciamus mala, ut
veniant bona. Tamen, obsecramus Deum pro his qui nos persequuntur
et blasphemant, secundum illud Matth. V, 44 — orate pro persequentibus et
calumniantibus vos. Deinde cum dicit tamquam purgamenta, etc.,
concludit ex omnibus praemissis eorum contemptum, dicens : et propter omnia
praedicta facti sumus tamquam purgamenta huius mundi, id est, reputati
sumus et a Iudaeis et a gentilibus, ut per nos mundus inquinetur : et propter
nostram occisionem mundus purgetur, et tamquam simus peripsema omnium.
Dicitur peripsema quodcumque
purgamentum, puta vel pomi, vel ferri, vel cuiuscumque alterius rei. Et hoc, usque adhuc,
quia scilicet continue hoc patimur. Sed quandoque deficiet, secundum illud
Sap. V, 3, ubi ex ore impiorum dicitur : hi sunt, quos aliquando habuimus
in derisum, et in similitudinem improperii. Et postea subditur : quomodo
ergo computati sunt inter filios Dei? |
Saint Paul,
après avoir critiqué dans les Corinthiens la témérité avec laquelle ils
jugeaient les ministres de Jésus-Christ, attaque ici l’orgueil avec lequel
ils les méprisaient I° il énonce
ce qu’il veut établir ; II° il en
donne la raison, à ces mots (verset 7) : Qui est-ce qui met de la
différence entre vous ? III° il les
raille avec ironie de leur mépris, à ces autres (verset 8) : Vous voilà
rassasiés. I° Sur l’énoncé de sa proposition,
remarquons que l’Apôtre, dans ce qui précède, voulant réprimer les rivalités
des Corinthiens à propos des ministres de Jésus-Christ, avait cité les noms
de fidèles ministres du Christ (ci-dessus, I, 12) : Chacun de vous dit :
moi, je suis à Paul, et moi à Apollos, et moi à Céphas ; et (III, 22) : soit
Paul, soit Apollos, soit Céphas. Toutefois les Corinthiens ne se
glorifiaient pas dans les fidèles ministres de Jésus-Christ, et ce n’était
pas à cause d’eux qu’ils avaient des discussions, mais à cause des faux
apôtres, que saint Paul n’a pas voulu nommer pour ne pas paraître s’élever
contre eux par un sentiment de haine ou de jalousie ; à la place de leurs
noms il avait mis son propre nom et celui d’autres bons prédicateurs. C’est
ce qu’il dit (verset 6) : Au reste, mes frères, ces choses, à savoir
que j’ai dites sur les ministres à l’égard desquels vous vous glorifiez et
pour lesquels vous avez des rivalités, je les ai personnifiées,
c’est-à-dire, en parlant au figuré, je les ai transportées, à moi et à
Apollos. Car il est dit au livre des Proverbes (I, 6) : "Il
pénétrera les paraboles et leurs secrets, les discours des sages et leurs
mystères." Et cela pour vous, c’est-à-dire pour votre
avantage ; (I1 Cor., IV, 15) : "Car toutes choses sont pour
vous", (verset 6) : afin que vous appreniez par nous que nul
d’entre vous ne doit se laisser enfler d’orgueil, contre un de ses
frères, pour un autre, c’est-à-dire pour quelque ministre de
Jésus-Christ que ce soit, plus qu’il n’est écrit, en d’autres termes
au delà de la règle qui vous a été tracée ; (Sag., IV, 19) : "Ils
tomberont devant lui confus et muets". II° Lorsqu’il dit (verset 7) : Car qui vous discerne ? l’Apôtre
donne la raison pour laquelle on ne doit pas s’enfler d’orgueil l’un contre
l’autre. I. Il énonce cette
raison en disant (verset 7) : Car qui vous discerne ?, ce qui peut
s’entendre de deux manières : d’abord, qui vous discerne de la masse de ceux
qui se perdent ? Vous ne pouvez vous discerner vous-mêmes : vous n’avez donc
point en vous de quoi vous enorgueillir contre un autre. De ce premier
discernement il est dit (Ps. XLII, 1) : "Mon Dieu, jugez-moi, et
faites le discernement de ma cause d’avec la nation qui n’est pas
sainte." On peut encore donner à ces paroles qui vous
discerne ? ce sens : qui vous rend supérieur à votre prochain ? ce
que vous ne pouvez faire vous-mêmes. Vous ne devez donc pas vous enorgueillir
contre lui. De ce second discernement il est dit (Ecclésiastique XXXIII, 11) :
"Dans l’étendue de sa sagesse, le Seigneur a établi de la différence
entre les hommes, et il a diversifié leurs voies." Mais entre les
hommes, en tant qu’ils sont fidèles de Jésus-Christ, il n’y a pas de
différence ; car (Rom., XII, 5) : "Quoique nous soyons plusieurs,
nous ne sommes qu’un seul corps en Jésus-Christ" ; et Pierre
affirme (Act., XV, 9) : "Dieu n’a pas fait de différence entre eux et
nous, ayant purifié leurs coeurs par la foi." II. Saint Paul réfute
une sorte d’argumentation ; car on aurait pu se distinguer parmi les bons et
les méchants en étant meilleur qu’eux, par des actes louables, à savoir la
foi, la sagesse ou quelques qualités semblables. L’Apôtre répond à cette
allégation en disant (verset 7) : Qu’avez-vous que vous n’ayez reçu ?
comme s’il répondait : rien absolument. Car tous les biens viennent de Dieu,
selon cette parole du ps. CIII, 28 — "Vous ouvrez votre main, et tout
est rempli des effets de votre bonté" ; et (I Chroniques XXIX,
14) : "Tout est à vous, nous ne vous avons donné que ce que nous
avons reçu de votre main." De ce principe l’Apôtre déduit la
conclusion de sa proposition, en disant (verset 7) : Que si vous l’avez
reçu, pourquoi vous glorifier comme si vous ne l’aviez pas reçu ?
Celui-là donc se glorifie comme n’ayant pas reçu, qui se glorifie de lui-même
et non de Dieu, comme ceux dont il est dit (Psaume XLVIII, 7) : "Ils
se confient dans leur force et se glorifient dans l’abondance de leurs
richesses." C’est à cette disposition que se rapporte la première
espèce d’orgueil, qui fait que, s’élevant, on s’attribue ce que l’on a, selon
ce passage du Psalmiste (XI, 5) : "Nos lèvres sont à nous ; qui est
notre maître ?" Mais celui-là se glorifie comme ayant reçu, qui
attribuant tout à Dieu, se glorifie en Lui, comme il est dit (ci-dessus, I,
31) : Que celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur. Se
glorifier ainsi, ce n’est pas s’enorgueillir, c’est s’humilier devant Dieu,
auquel l’homme rend gloire, selon cette parole (Ecclésiastique LI, 23) : "Celui
qui me donne la sagesse je rendrai la gloire." III° Lorsque saint Paul ajoute (verset 8) : Vous voilà rassasiés, il raille
l’orgueil de ceux qui méprisaient les apôtres de Jésus-Christ. Il le fait
d’abord en général, ensuite en particulier, à ces mots (verset 10) : Nous
sommes insensés, etc." I. Sur le premier
point, 1° il se
raille d’eux parce qu’ils présumaient d'eux-mêmes ; 2° parce qu’ils méprisaient les
apôtres de Jésus-Christ, à ces mots (verset 9) : Il semble que Dieu, etc. 1° Sur leur présomption, d’abord il
les raille de la présomption avec laquelle ils s’attribuaient ce qui n’était
pas à eux ; ensuite de ce qu’en particulier ils s’attribuaient ce qui ne leur
appartenait pas, à ces mots (verset 8) : Vous régnez sans nous. 1. Or ils s’attribuaient l’abondance
des biens dont ils regorgeaient. A) Parmi ces
biens, quelques-uns sont intérieurs ; l’Apôtre y fait allusion en disant : Vous
voilà rassasiés, c’est-à-dire il vous semble que vous êtes rassasiés, en
d’autres termes abondamment nourris de la douceur spirituelle, dont il est
dit (Psaume XVI, 15) : "Pour moi, Seigneur, je serai rassasié quand
apparaîtra votre gloire." Or on pouvait leur dire avec vérité : vous
êtes déjà rassasiés non par la plénitude, mais par le dégoût, selon cette
parole des Proverbes (XXVII, 7) : "L’homme rassasié dédaigne le rayon
de miel." B) D’autres
biens sont extérieurs ; saint Paul y fait allusion en disant (verset 8) : Vous
voilà devenus riches, à ce qu’il vous semble, à savoir des dons
spirituels dont parle Isaïe (XXXIII, 6) : "La sagesse et la science
sont les richesses du salut." On lit quelque chose d’analogue dans
l’Apocalypse (III, 17) : "Vous dites : je suis riche et opulent, et
je n’ai besoin de rien." Cependant
ceci paraît contredit, par ce que l’Apôtre a dit ci-dessus (I, 4 et 5) : Je
rends grâces à Dieu de toutes les richesses dont vous avez été comblés en Lui
(Jésus-Christ) par sa parole et par sa science, etc. Il faut
répondre que ces paroles se rapportent aux Corinthiens fervents ; mais ce que
l’Apôtre dit ici s’adresse aux présomptueux, qui s’enorgueil-lissaient de ce
qu’ils n’avaient pas. On peut encore distinguer la satiété et les richesses,
et rapporter la première à l’usage de la grâce, qui fait jouir des dons
spirituels, et les richesses à l’habitude même des grâces. 2. Quand il dit : Vous
régnez sans nous, saint Paul raille les Corinthiens de ce que
spécialement ils s’attribuaient ce qu’ils n’avaient pas. Vous régnez sans
nous, c’est-à-dire vous vous imaginez que le royaume vous concerne et non
pas nous. Car, trompés par les faux apôtres, ils croyaient posséder seuls la
vérité de la foi, qui consiste dans le royaume de Dieu, et se persuadaient
que l’Apôtre et ses disciples étaient dans l’erreur. C’est contre ceux-là
qu’il est écrit (Isaïe V, 8) : "Voulez-vous habiter seuls au milieu
de la terre ?" Et pour que l’Apôtre ne paraisse point parler ainsi
par jalousie, il ajoute (verset 8) : Que Dieu veuille que vous régniez !
En effet, il désire qu’ils aient la vraie foi, selon cette parole des
Actes (XXVI, 29) : "Je désire que tous ceux qui m’écoutent soient
tels que je suis, à l’exception de ces chaînes." Et pour leur donner
l’exemple de l’humilité, il ajoute (verset 8) : afin que nous régnions
aussi avec vous, comme s’il disait : s’il y a en vous quelque chose
d’excellent, nous ne dédaignons pas de vous suivre, ce que vous ne faites pas
à notre égard, malgré cette parole (Gal., XV, 18) : "Prenez pour
modèles les bons dans tout ce qui est bien." Il faut
remarquer que saint Paul indique ici quatre degrés d’orgueil. a) Le premier est de s’imaginer qu’on
ne tient pas de Dieu ce que l’on a reçu de lui, ce qu’il exprime en disant : Pourquoi
vous glorifier comme ne l’ayant pas reçu ? b) A ce degré d’orgueil peut se
rapporter le second, qui consiste à croire qu’on a reçu, en vertu de ses
propres mérites, [les dons de Dieu]. c) Le troisième degré consiste à se vanter de ce que l’on
n’a pas ; l’Apôtre indique cette espèce d’orgueil en disant : Vous voilà
rassasiés, vous voilà devenus riches. d) Le quatrième fait que, méprisant les autres, on vise à
se distinguer. A ce degré se rapporte ce qui suit : Vous régnez sans nous.
2° Lorsqu’il dit (verset 9) : Car
il semble que Dieu nous traite, etc., saint Paul raille les Corinthiens
de ce qu’ils méprisaient les apôtres de Jésus-Christ. D’abord il expose
ironiquement leur mépris ; ensuite il en dit la cause, à ces mots (verset 9) :
Parce que nous sommes un spec-tacle.1. Il dit donc : Je viens de dire que vous régnez sans
nous, car il me semble, c’est-à-dire vous paraissez penser que Dieu nous
traite, nous autres apôtres, comme les derniers des hommes, bien que
plus loin, au ch. XII, 28, il soit dit que Dieu a établi dans son Église
premièrement les apôtres. C’est en effet l’accomplissement de cette
parole de saint Matthieu (XX, 16) : "Les derniers seront les
premiers, et les premiers seront les derniers." La preuve en est que
(verset 9) : Il nous traite comme des criminels condamnés à mort. Ceux
qu’on condamne à mort sont regardés comme les derniers des hommes, comme des
gens indignes de vivre. C’est ainsi que les hommes du monde regardent les
apôtres, selon cet parole du Psalmiste (XLIII, 22) : "Nous sommes
traités comme des brebis destinées à la boucherie." 2. En ajoutant (verset
9) : parce que nous sommes un spectacle, il indique la cause de leur
mépris. Observons ici que, quand des criminels sont condamnés à mort, on
convoque le peuple à leur supplice comme à un spectacle, et cela se
pratiquait surtout pour les criminels qu’on devait livrer aux bêtes. Les
apôtres étant donc comme destinés à mort, saint Paul ajoute : parce que
nous sommes un spectacle au monde, comme si le monde entier faisait
concours pour se repaître du spectacle de notre mort, selon cette parole du
Psalmiste (XLIII, 14) : "Vous nous avez rendus un objet de mépris
pour ceux qui nous environnaient." Le saint auteur explique ce qu’il
entend par « le monde », en disant (verset 9) : et aux anges et
aux hommes, c’est-à-dire aux bons et aux méchants. En effet, au spectacle
de leur mort accouraient les bons anges pour les encourager, les mauvais pour
les attaquer, et, parmi les hommes, les bons venaient compatir et prendre
modèle sur leur patience, les méchants pour les persécuter et se moquer
d’eux. II. Quand il ajoute
(verset 10) : Nous sommes insensés, etc., saint Paul raille les
Corinthiens en particulier de ce qu’ils méprisaient les apôtres de
Jésus-Christ. 1° Il expose
ce mépris ; 2° il en
donne la raison, à ces mots (verset 14) : jusqu’à cette heure, etc. 1° Il les raille donc de leur mépris
en ce qu’ils s’attribuaient à eux-mêmes l’excellence, et aux apôtres un
manque d’intelligence. A) Et d’abord, quant à la perfection
de leur intelligence, il dit : Nous sommes insensés à cause de
Jésus-Christ, c’est-à-dire on nous regarde comme des insensés parce que
nous prêchons la croix de Jésus-Christ (ci-dessus, I, 18) : La prédication
de la croix est une folie pour ceux qui périssent, et aussi parce que,
pour Jésus-Christ, nous supportons les opprobres et les contestations, selon
cette parole du livre de la Sagesse (V, 4) : "Insensés que nous
étions, nous estimions leur vie une folie !" C’est ainsi encore
qu’on lit aux Actes (XXVI, 24) : "Festus dit à Paul : « Paul
vous êtes insensé ! Votre grande culture vous a fait perdre l’esprit. »"
Vous, d’après votre jugement, vous êtes sages en Jésus-Christ,
à savoir parce que vous n’osez rendre publiquement témoignage à sa croix et
ne supportez pour lui aucune persécution ; (Prov., XXVI, 16) : "Le
paresseux s’estime plus sage que sept hommes qui parlent toujours avec
prudence." B) Quant au pouvoir (verset 10) : Nous
sommes faibles, à savoir dans ce qui est extérieur, à cause des
afflictions que nous supportons ; (I1 Cor., XII, 5) : "Je ne
veux me glorifier que dans mes infirmités" ; - mais vous,
c’est-à-dire selon votre appréciation, vous êtes forts, à savoir dans
ce qui tient au corps, parce que vous vivez avec sécurité et sans tribulation
(Is., V, 22) : "Malheur à vous qui mettez votre gloire à boire du vin
et votre force à remplir des coupes enivrantes !" - vous êtes honorés,
c’est-à-dire selon la bonne opinion que vous avez de vous-mêmes, vous êtes
dignes d’honneur, vous qui extérieurement ne recevez pas d’outrages ;
(Isaïe XIX, 11) : "Je suis le fils des sages, le fils des anciens
rois." – Quant à nous, nous sommes méprisés, d’après votre
jugement et celui des autres, parce qu’on nous regarde comme méprisables ;
(ci-dessus, I, 27) : Dieu a choisi ce qu’il y a de plus vil et de plus
méprisable selon le monde. Et cependant, selon la vérité des choses,
c’est tout l’opposé ; car ceux-là seuls sont méprisables qui méprisent Dieu ;
(1 Rois, II, 30) : "Ceux qui me méprisent seront couverts
d’ignominie." 2° Lorsqu’il dit (verset 14) : jusqu’à
cette heure, etc., l’Apôtre donne la raison de leur mépris. En premier
lieu, il indique la pauvreté des biens temporels ; en second lieu, les
tribulations par lesquelles on les voyait passer, à ces mots (verset 12) : On
nous maudit, et nous bénissons" ; en troisième lieu, il déduit
la conclusion qu’il se proposait, à ces autres (verset 13) : comme les
balayures du monde. 1. À l’égard des biens temporels, il
expose : A) d’abord comment ils souffraient de
pénurie dans les choses nécessaires. Il dit donc : quant à ce qui tient à la
nourriture, jusqu’à cette heure, c’est-à-dire sans interruption depuis
notre conversion jusqu’au moment présent, nous avons eu faim et soif ;
(1 Cor., XI, 27) : "dans la faim et dans la soif." Quant aux
vêtements, il ajoute (verset 14) : et nous sommes nus, à savoir nous
manquons de vêtements, car quelquefois ils en étaient dépouillés ; (Job,
XXIV, 7) : "Ils ren-voient nus et dépouillés les hommes, ne leur
laissant pas même de quoi se couvrir pendant le froid." On objecte
ce qu’on lit au psaume XXXVI, 25 — "Je n’ai pas vu le juste
abandonné, ni ses enfants mendier leur pain." Il faut
répondre que les apôtres souffraient ainsi, et pourtant qu’ils n’étaient pas
abandonnés ; car la divine providence proportionnait à leur égard l’abondance
et la pauvreté, autant qu’il leur était nécessaire pour l’exercice de la
vertu. L’Apôtre dit en ce sens aux Philippiens (IV, 11) : "Ayant tout
éprouvé, je suis fait à tout : au bon traitement et à la faim, à l’abondance
et à l'indigence, car je puis tout en Celui qui me rend fort." B) En second lieu, saint Paul indique leurs
manques en ce qui tient au bien-être de la vie. a) Le premier besoin, sous ce rapport, c’est le respect
des hommes. A cet égard il dit (verset 11) : "Nous recevons des
soufflets," ce qui se fait plutôt comme affront que comme peine,
ainsi qu’on le rapporte de Jésus-Christ (Mat XXVI, 67) : "Alors on
lui cracha au visage,et on lui donna des soufflets", b) La nature demande ensuite de
pouvoir reposer quelque part. A cet égard, l’Apôtre ajoute (verset 14) : et
nous n’avons pas de demeure stable, soit parce qu’ils étaient poursuivis
de ville en ville par les persécuteurs, suivant cette parole de saint
Matthieu (X, 23) : "Lorsqu’ils vous poursuivront dans une ville,
fuyez dans une autre" ; soit encore parce que, pour
l’exécution de leur ministère, ils allaient de tous côtés, suivant cette
parole de saint Jean (XV, 46) : "Je vous ai établis afin que vous
alliez." c) Enfin
l’ouvrier demande assistance. A ce point de vue, l’Apôtre dit : et nous
travaillons très péniblement de nos mains, soit parce que quelquefois
personne ne leur donnait de quoi se sustenter, soit encore parce que c’était
au moyen du travail de leurs mains qu’ils se procuraient le nécessaire pour
éviter d’être à charge aux fidèles, ou pour confondre les faux apôtres qui
prêchaient par appât du gain, comme il est dit dans la 2° aux Corinthiens
(XII, 16), soit enfin pour donner à ceux qui étaient oisifs l’exemple du
travail (II Thess., III, 9). C’est ainsi que l’Apôtre dit (Actes, XX, 34) : "Vous
savez vous-mêmes que mes mains ont pourvu, et pour moi et pour ceux qui
étaient avec moi, à tout ce qui nous était nécessaire." 2. Lorsqu’il ajoute
(verset 12) : On nous maudit, saint Paul énumère les maux que
supportaient les apôtres. A) Et d’abord les paroles outrageantes
: On nous maudit, c’est-à-dire on dit du mal de nous, ou pour attaquer
notre réputation, ou pour nous outrager, ou même pour nous charger
d’imprécations ; (Jér., XV, 10), : "Tous me maudissent;" -
et nous bénissons, c’est-à-dire nous rendons le bien pour le mal, selon
cette parole de Pierre (I ép., III, 9) : "Ne rendez pas le mal pour
le mal, mais au contraire bénissez ceux qui vous maudissent." B) Quant aux actes, il dit : Nous
souffrons persécution, non seulement parce qu’on nous chasse d’un lieu à
un autre, ce qui est proprement la persécution, mais parce que nous passons
par des tribulations multipliées ; (Ps, CXVIII, 157) : "Il en
est beaucoup qui me persécutent et qui m’accablent de tribulations" ;
– et nous souffrons en Jésus-Christ, c’est-à-dire nous supportons tout
avec patience ; (Ecclésiastique I, 29) : "L’homme patient
attendra le temps marqué." C) Saint Paul indique la cause de l’un
et de l’autre, lorsqu’il dit (verset 13) : On nous blasphème,
c’est-à-dire on nous impute des blasphèmes, en disant que nous usons de magie
ou de maléfice, en nous regardant comme ennemis de Dieu ; (Jean XVI, 2) :
"L’heure vient où quiconque vous fera mourir croira être agréable à
Dieu" ; et (Rom., III, 8) : "Comme on nous l’impute en
nous calomniant, alors qu’on nous fait dire : faisons le mal pourvu qu’il en
arrive du bien". Cependant nous prions Dieu pour ceux qui
nous persécutent et qui nous calomnient, selon la parole du Sauveur
(Matthieu V, 44) : "Priez pour ceux qui vous persécutent et qui vous
calomnient." 3. En disant (verset 13) : Nous
sommes devenus comme le rebut, etc., saint Paul montre par tout ce qui
précède le mépris que le monde prodigue aux apôtres. Il affirme qu’à cause de
tout ce qui précède, nous sommes devenus comme le rebut de tous, c’est-à-dire
des Juifs et des Gentils, qui estiment que nous souillons la terre, qu’il
faut purifier le monde par notre mort et nous repousser comme les balayures
de l’univers. On appelle balayures toutes sortes d’immondices, de légumes, de
métaux ou de quoi que ce soit. Et cela jusqu’à cette heure,
c’est-à-dire nous souffrons tous ces maux sans interruption. Mais un jour ils
auront une fin, selon cette parole du livre de la Sagesse (V, 3), où l’on met
ces paroles dans la bouche des impies "Les voilà donc ceux que nous
avons méprisés et que nous outragions !" et à la suite : "Les
voilà comptés parmi les enfants de Dieu !" |
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Lectio 3 |
Leçon 3 : 1 Corinthiens IV, 14-21 — Exhortation à la conversion |
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SOMMAIRE : L’Apôtre avertit sévèrement les Corinthiens, et, en termes pleins d’humilité, il les engage à suivre son exemple ; enfin il menace d’en venir au châtiment. |
[14] non ut confundam vos haec scribo sed ut filios meos
carissimos moneo [15] nam si decem milia pedagogorum habeatis in Christo
sed non multos patres nam in Christo Iesu per evangelium ego vos genui [16] rogo ergo vos imitatores mei estote [17] ideo misi ad vos Timotheum qui est filius meus carissimus
et fidelis in Domino qui vos commonefaciat vias meas quae sunt in Christo
sicut ubique in omni ecclesia doceo [18] tamquam non venturus sim ad vos sic inflati sunt quidam [19] veniam autem cito ad vos si Dominus voluerit et cognoscam
non sermonem eorum qui inflati sunt sed virtutem [20] non enim in sermone est regnum Dei sed in virtute [21] quid
vultis in virga veniam ad vos an in caritate et spiritu mansuetudinis |
14. Je ne
vous écris pas ceci pour vous causer de la honte, mais je vous avertis de
votre devoir comme mes très chers enfants ; 15. Car,
quand vous auriez dix mille maîtres dans le Christ, vous n’avez pas néanmoins
plusieurs pères, puisque c’est moi qui vous ai engendrés dans le Christ
Jésus. 16. Soyez
donc mes imitateurs, je vous en conjure, comme je le suis moi-même du Christ. 17. C'est
pour cette raison que je vous ai envoyé Timothée, qui est mon fils très cher
et très fidèle dans le Seigneur, afin qu'il vous fasse ressouvenir de la
manière dont je vis moi-même dans le Christ Jésus, selon ce que j'enseigne
partout dans toutes les Eglises. 18. il y en
a parmi vous qui s'enflent de présomption, comme si je ne devais plus aller
vous voir. 19. J'irai
néanmoins vous voir dans peu de temps, s'il plaît au Seigneur, et alors je
reconnaîtrai non quelles sont les paroles, mais quelle est la vertu de ceux
qui sont enflés de vanité ; 20. Car le
royaume de Dieu ne consiste pas dans les paroles, mais dans la vertu. 21. Que
voulez-vous aimez-vous mieux que faille vous voir la verge de la main, ou
avec charité et dans un esprit de douceur ? |
[86246] Super 1 Cor., cap. 4 l. 3 Postquam, apostolus
reprehendit Corinthios de hoc quod apostolos temere iudicabant, et
praesumptuose contemnebant, hic instat ad eorum correctionem, et primo
admonitionis verbo; secundo, exemplo, ibi rogo ergo vos, fratres,
etc.; tertio, correctionis flagello, ibi tamquam non venturus sim, et
cetera. Circa primum tria facit. Primo ponit admonitionis modum, dicens haec,
scilicet quae in serie epistolae hucusque vobis dixi, scribo non ut
confundam vos, scilicet mala confusione, quae in desperationem mittit,
quamvis velim vos confundi confusione, quae peccatum vitat, secundum illud
Eccli. IV, 25 — est confusio adducens peccatum, et est confusio adducens
gratiam et gloriam. Sed
praedicta moneo vos, ut filios. Eccle. VII, 25 — filii tibi sunt?
Erudi illos, et cura illos a pueritia eorum. Secundo ostendit debitum admonendi modum, dicens nam si decem
millia paedagogorum habeatis in Christo, sed non multos patres. Ubi considerandum est quod
pater est qui primo generat : paedagogus autem est qui iam natum nutrit et
erudit. Gal.
III, 24 — lex paedagogus noster fuit in Christo. Dicit ergo apostolus
se patrem eorum in Christo, quia eis primo Evangelium praedicavit. Unde,
assignans rationem eius quod dixerat, subdit nam in Christo Iesu per
Evangelium vos genui. Est autem generatio processus ad vitam, homo autem
vivit in Christo per fidem. Gal.
II, 20 — quod autem nunc vivo in carne, in fide vivo filii Dei. Fides autem, ut dicitur Rom.
X, 17, est ex auditu, auditus autem per verbum. Unde verbum Dei est semen,
quo apostolus eos genuit in Christo. Unde Iac. I, 18 — voluntarie nos
genuit verbo veritatis. Alios autem dicit paedagogos, quia postquam fidem
receperant, eos adiuvarunt : ut intelligatur esse eadem comparatio, quantum
ad praedicationem Evangelii, paedagogi ad patrem, quae supra III, 6 ss.
posita est, rigatoris ad plantatorem, et superaedificatoris ad fundatorem. Deinde, cum dicit rogo ergo vos, fratres,
instat ad corrigendum eos suo exemplo. Et primo hortatur eos ad imitandum suum exemplum,
dicens : ergo ex quo estis filii, cum bonorum filiorum sit imitari patres, rogo
vos, imitatores mei estote, scilicet ut non temere iudicetis, sicut nec
ego, quia neque meipsum iudicare praesumo, et de vobis humilia sentiatis, et
de aliis maiora. Unde non sine causa tali modo loquendi usus est : nos
infirmi, vos fortes. II Thess. c. III, 9 — ut formam nosmetipsos
daremus vobis ad imitandum. Advertendum est autem quod eosdem, quos supra
filios nominavit, nunc nominat fratres. Dixerat autem suos filios in Christo,
quia eos non sibi, sed Christo genuerat, et quia ipse genitus erat a Christo,
ex consequenti eos habebat ut fratres et filios. Intantum ergo debebant eum
imitari ut patrem, inquantum et ipse Christum imitabatur, qui est omnium
principalis pater. Et per hoc subtrahitur subditis occasio de adhaerendo
malis exemplis praelatorum. Unde in hoc subditi solum praelatos imitari
debent, in quo ipsi Christum imitantur, qui est infallibilis regula
veritatis; unde seipsum apostolis in exemplum posuit. Io. XIII, 15 — exemplum
dedi vobis, ut quemadmodum ego feci, et cetera. Quod quidem exemplum
Paulus sequebatur, secundum illud Iob XXIII, 11 — vestigia eius secutus
est pes meus, viam eius custodivi, et non declinavi ab ea. Secundo removet excusationem ignorantiae, dicens ideo
misi ad vos Timotheum, qui est filius meus charissimus et fidelis in domino,
secundum illud Phil. II, v. 20, de Timotheo loquens : neminem habeo ita
unanimem, qui sincera affectione pro vobis sollicitus sit. Qui vos
commonefaciat vias meas, id est, qui vos doceat meos processus, id est,
omnia opera, et moneat vos ad ea sequendum, secundum illud Ier. c. VI, 16 — interrogate
de semitis antiquis, quae sit via bona, et ambulate in ea. Quae quidem
viae sunt in Christo, et ideo non debetis dedignari eas sequi,
secundum illud Ps. XXIV, 4 — vias tuas, domine, demonstra mihi. Et non
videatur vobis hoc onerosum, quia hoc communiter omnibus impono. Unde subdit sicut
ubique in Ecclesia doceo. Col. I, 5 s. : audistis veritatis
Evangelium, quod pervenit ad vos, sicut et in universo mundo. Vel hoc quod dicit vias
meas, referendum est ad opera, quod vero dicit sicut et ubique, ad
documenta. Ad hoc enim missus erat Timotheus, ut induceret eos ad imitanda
opera, et tenenda apostoli documenta. Deinde, cum dicit tamquam non venturus sim ad
vos, comminatur eis correctionis flagellum. Et primo ostendit eos esse
dignos correctionis flagello, dicens tamquam non venturus sim ad vos,
inflati sunt quidam, scilicet vestrum, quasi non timentes per me de sua
superbia convinci, et tamen digni sunt flagellis : nam humiles solis verbis
corriguntur, superbi flagellis indigent, secundum illud Iob c. XL, 7 — respice
cunctos superbos, et confunde eos. Secundo praenuntiat eis
suum adventum quo veniet ad iudicandum, ubi primo praenuntiat adventum,
dicens veniam autem cito ad vos. Et quia dicitur Prov. XVI,
v. 9 — cor hominis disponit viam suam, sed domini est dirigere gressus
eius, ideo subdit si dominus voluerit. Iac. IV, 15 — si dominus
voluerit, et si vixerimus, faciemus hoc aut illud. Secundo praenuntiat eis suam iudiciariam
cognitionem, cum dicit et cognoscam, scilicet ordine iudiciario, secundum
illud Iob c. XXIX, 16 — causam, quam nesciebam, diligentissime
investigabam. Non sermonem eorum, qui inflati sunt, sed virtutem, quasi
dicat : non propter haec ex mea examinatione approbabuntur, qui abundant in
verbis, sed si abundarent in virtute; quia, ut dicitur Prov. XIV, 23, ubi
verba sunt plurima, ibi frequenter egestas. Tertio rationem assignat, dicens non enim in
sermone est regnum Dei, sed in virtute, id est, non ideo aliqui pertinent
ad regnum Dei, qui abundant in sermone, secundum illud Matth. VII, 21 — non
omnis qui dicit mihi : domine, domine, intrabit in regnum caelorum, sed qui
facit voluntatem patris mei. Ultimo comminatur eis correctionem, reservans tamen correctionem
arbitrio eorum, dicens quid vultis? In virga, scilicet disciplinae, veniam
ad vos, scilicet castigandos, an in charitate, id est, ostensione
amoris, et in spiritu mansuetudinis ut scilicet nihil durius vobiscum
agam? Hoc enim pendet ex vobis; nam si vos in via stultitiae permanetis,
oportet me ad vos cum virga venire, secundum illud Prov. XXII, 15 — stultitia
colligata est in corde pueri, et virga disciplinae fugabit eam. Si vero
vos correxeritis, ostendam vobis charitatem et mansuetudinem, Gal. ult. : vos
qui spirituales estis, instruite huiusmodi in spiritu lenitatis. Hoc
autem non dicit quin si in virga veniens, non cum charitate veniret, cum
scriptum sit Prov. c. XIII, 24 — qui parcit virgae, odit filium suum : qui
autem diligit illum, instanter erudit, sed quia ille qui castigatur
virga, non sentit interdum dulcedinem charitatis, sicut illi quos blande
consolatur. |
Après avoir
repris les Corinthiens de leurs jugements téméraires à l’égard des apôtres et
de la présomption avec laquelle ils les méprisaient, saint Paul s’occupe de
les corriger : I° par une
parole d’avertissement ; II° par son
exemple, à ces mots (v. 16) : Soyez mes imitateurs, je vous en conjure, etc.
; III° en leur
infligeant la correction, à ces autres (verset 18) : comme si je ne devais
plus aller vous voir, etc. I° Sur le premier de ces points, I. il indique la manière dont il va les
avertir (verset 14) : Ceci, c’est-à-dire ce que je vous ai dit dans toute
la suite de cette lettre, je l’écris non pour vous confondre, à savoir
de cette mauvaise confusion qui jette dans le désespoir, bien que je veuille que
vous soyez couverts de cette confusion qui évite le péché, selon cette parole
(Ecclésiastique IV, 25) : "Il y a une confusion qui fait tomber dans
le péché, et il y a une confusion qui produit la grâce et la gloire" ;
mais je vous ai avertis comme mes enfants, (Ecclésiastique VII,
25) : "Avez-vous des fils, instruisez-les et accoutumez-les au joug
dès leur enfance." II°. Il montre la manière légitime de l’avertissement, en
disant (verset 15) : Car lors même que vous auriez dix mille maîtres en
Jésus Christ, vous n’avez pas néanmoins plusieurs pères. Remarquez ici
que le père est celui qui a, le premier, engendré, et le maître celui qui
nourrit et qui élève l’enfant venu à la vie ; (Gal., III, 24) : "La
Loi a été pour nous un maître qui nous a conduits à Jésus." L’Apôtre
se dit donc le père des Corinthiens en Jésus-Christ, parce que le premier il
leur a annoncé l’Evangile. Aussi, donnant la raison de ce qu’il vient de
dire, il ajoute (verset 15) : car c’est moi qui vous ai engendrés en
Jésus-Christ par l’Evangile. Or la génération, c’est le progrès vers la
vie ; mais l’homme vit en Jésus-Christ par la foi ; (Gal., II, 20) : "En
ce que maintenant je vis dans ce corps mortel, je vis en la foi du Fils de
Dieu." D’ailleurs la foi, ainsi qu’il est dit (Rom., X, 17), vient
de ce que l’on a entendu, et l’on entend par l’intermédiaire de la Parole.
La Parole de Dieu est donc la semence par laquelle l’Apôtre les a fait
naître à Jésus-Christ, ce qui fait dire à saint Jacques (I, 18) : "C’est
volontairement qu’il nous a engendrés par la parole de vérité." Que
si saint Paul appelle les autres maîtres, c’est qu’après que les Corinthiens
eurent reçu le don de la foi, des prédicateurs leur étaient venus en aide. Il
veut faire comprendre qu’il existe, quant à la prédication de l'Evangile,
entre le maître et le père, le même rapport qu’il a fait ressortir
(ci-dessus, III, 6 sv.) entre celui qui arrose et celui qui plante, entre
celui qui continue à édifier et celui qui pose le fondement. III°. Lorsque l’Apôtre dit (verset 16) : Soyez donc mes imitateurs, je
vous en conjure, mes frères, il insiste sur leur correction en se
proposant pour exemple. I. Il les exhorte à
suivre cet exemple en disant : dès lors que vous êtes mes enfants, puisque
tout enfant bien né imite son père, soyez mes imitateurs, je vous en
conjure, c’est-à-dire ne jugez pas témérairement, comme moi-même je ne
juge personne ; car je n’ai pas même la présomption de me juger moi-même ;
ayez de vous-mêmes des sentiments d’humilité, et des autres de hautes idées.
On voit par là que ce n’est pas sans motif qu’il s’est servi de ces
expressions : "Nous sommes faibles, vous êtes forts" ;
(II Thess., III, 9) : "Nous avons voulu vous donner en nous un
exemple à imiter." Or il faut observer que ceux que tout à l’heure
il appelait ses enfants, il les nomme maintenant ses frères. Il les avait
appelés ses enfants en Jésus-Christ, parce qu’il les avait engendrés pour
Jésus-Christ et non pour lui-même ; mais parce que lui-même avait aussi été
engendré par Jésus-Christ, il les regardait, en conséquence, et comme ses
frères et comme ses enfants. Ils devaient donc l’imiter d’autant mieux comme
leur père, qu’il imitait lui-même aussi davantage Jésus-Christ, le premier
père de tous. En parlant ainsi, il saisit l’occasion d’avertir les inférieurs
de ne pas suivre les mauvais exemples de ceux qui sont au-dessus d’eux. De là
concluons que les inférieurs sont tenus d’imiter les supérieurs, mais seulement
en tant que ceux-ci imitent eux-mêmes Jésus-Christ, qui, étant la règle
infaillible de la vérité, s’est proposé lui-même en exemple aux apôtres ;
(Jean XIII, 15) : "Je vous ai donné l’exemple, afin que vous fassiez
vous-mêmes comme j’ai fait." Cet exemple, saint Paul le suivait,
selon cette parole de Job (XXIII, 11) : "Mes pieds ont suivi ses
traces ; j’ai gardé ses voies, et je ne m’en suis pas détourné." II. En second lieu, l’Apôtre prévient l’excuse de
l’ignorance, en disant (verset 17) : C’est pour cela que je vous ai envoyé
Timothée, qui est mon très cher fils, et un fidèle ministre du Seigneur, selon
cette parole du même saint Paul aux Philippiens (II, 20), où il dit en
parlant du même Timothée : "Je n’ai personne en si parfaite unité de
sentiment avec moi, et qui se montre plus sincèrement occupé de vous par une
affection sincère." - Il vous fera connaître mes voies,
c’est-à-dire la manière dont je me conduis moi-même, en d’autres termes,
toutes mes oeuvres, et vous avertira de les imiter ; (Jér., VI, 16) : "Considérez
les anciens sentiers pour connaître la bonne voie, et marchez-y ensuite."
Or ces voies sont en Jésus-Christ ; voilà pourquoi vous ne
devez pas négliger de les suivre ; (Psaume XXIV, 4) : "Seigneur,
montrez-moi vos voies." Et que cela ne vous paraisse point pénible,
parce que je l’impose communément à tous ; et il ajoute (verset 17) : comme
je l’enseigne dans toutes les Eglises ; (Colos., I, 5) : "Vous
avez connaissance de l’Evangile de vérité, qui vous est parvenu comme par
toute la terre." Ou encore ce mot de saint Paul : mes voies,
doit se rapporter aux œuvres ; et ce qu’il ajoute comme je l’enseigne
partout, à la doctrine ; car Timothée était envoyé pour les engager à
imiter les oeuvres et à garder les enseignements de l’Apôtre. III° En ajoutant (verset 18) : comme si je ne devais plus venir chez vous,
saint Paul menace les Corinthiens de la verge de la correction. I. Il leur montre
qu’ils la méritent, en disant (verset 18) : Quelques-uns, à savoir
d’entre vous, se sont enflés d’orgueil, comme si je ne devais pas
retourner vous voir, comme s’ils ne craignaient pas d’être convaincus par
moi de cet orgueil, et toutefois ils sont dignes des verges ; en effet
les humbles, des paroles suffisent à les corriger, les orgueilleux ont besoin
des verges, suivant cette parole (Job, XL, 7) : "Jetez les yeux sur
les orgueilleux, et confondez les." II. L’Apôtre leur annonce
son arrivée, et dit qu’il viendra pour les juger.1° Il annonce son retour en disant (verset 19) : Cependant
j’irai bientôt vers vous. Et parce qu’il est dit (Prov., XVI, 9) : "Le
coeur de l’homme dispose sa voie, mais c’est le Seigneur qui affermit ses
pas," il ajoute (verset 19) : s’il plaît au Seigneur ;
(Jacques IV, 15) : "S’il plaît au Seigneur, et si nous vivons, nous
ferons telle ou telle chose." 2° Il les prévient qu’en qualité de
juge il informera sur tout (verset 19) : et je connaîtrai, à savoir
selon la forme judiciaire (Job, XXIX, 16) : "Je m’instruisais avec un
soin extrême de la cause que je ne connaissais pas." - non pas le
langage de ceux qui sont enflés d’orgueil, mais quelle est leur vertu ;
comme s’il disait : n’attendez pas pour cela que, par suite de mon examen,
j’approuve ceux qui abondent en paroles ; mon approbation sera pour ceux qui
abonderont en vertus, parce que, comme il est dit (Prov., XIV, 23) : "Là
où l’on parle beaucoup, l’indigence se trouve souvent." III. Saint Paul donne la
raison de cette conduite, en disant (verset 20) : Car le royaume de Dieu
ne consiste pas dans les paroles, mais dans les oeuvres, c’est-à-dire si
quelques-uns n’appar-tiennent pas au royaume de Dieu, c’est parce que leur
richesse n’est qu’en paroles ; (Matthieu VII, 21) : "Tous ceux
qui me disent : Seigneur ! Seigneur ! n’entreront pas pour cela dans le
royaume des cieux, mais celui qui fait la volonté de mon Père." IV. Enfin il les menace de la correction, la laissant
cependant à leur propre arbitre, lorsqu’il dit (verset 21) : Que
voulez-vous ? que je vienne à vous, à savoir pour vous corriger,
la verge à la main, c’est-à-dire avec la discipline, ou avec la
charité, pour vous témoigner mon affection, et dans un esprit de
douceur ? c’est-à-dire que je n’aie plus désormais à employer la sévérité
avec vous ; car cela dépend de vous seul. Si, en effet, vous persistez dans
la voie des insensés, il faut que je vienne à vous avec la verge (Prov.,
XXII, 15) : "La sottise s’est liée au coeur de l’enfant, et la verge
de la discipline l’en chassera." Mais si vous vous corrigez, je vous
manifesterai ma charité et ma douceur ; (Gal., v 1) : "Vous
autres, qui êtes spirituels, relevez vos frères dans un esprit de
douceur." Toutefois il ne dit pas que, venant avec la verge, il ne
viendra pas avec charité, car il est dit (Prov., XIII, 24) : "Epargner
la verge, c’est haïr son fils; celui qui l’aime veille à le corriger."
Mais celui qui est corrigé avec la verge ne sent pas à ce moment la douceur
de la charité, comme ceux qu’elle console avec tendresse. |
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Caput 5 |
CHAPITRE V — JUGEMENT D'UN SCANDALE (INCESTE) |
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Lectio 1 |
Leçon 1 : 1 Corinthiens V, 1-5 — Excommunication d'un fornicateur |
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SOMMAIRE : L’Apôtre condamne la fornication ; il excommunie le coupable pour mortifier sa chair, sans oublier pourtant ce qui peut sauver son âme. |
[1] omnino auditur inter vos fornicatio et talis fornicatio
qualis nec inter gentes ita ut uxorem patris aliquis habeat[2] et vos
inflati estis et non magis luctum habuistis ut tollatur de medio vestrum qui
hoc opus fecit [3] ego quidem absens corpore praesens autem spiritu iam
iudicavi ut praesens eum qui sic operatus est [4] in nomine Domini nostri Iesu Christi congregatis vobis et
meo spiritu cum virtute Domini Iesu [5] tradere
huiusmodi Satanae in interitum carnis ut spiritus salvus sit in die Domini
Iesu |
1. C’est un
bruit constant qu’il y a de l’impureté parmi vous, et une telle impureté,
qu’on n'entend point dire qu’il s'en commette de semblable parmi les païens,
jusque-là qu’un d’entre vous abuse de la femme de son père. 2. Et vous
êtes enflés d’orgueil, et vous n’avez pas au contraire été dans les pleurs
pour faire retrancher du milieu de vous celui qui a commis cette action. 3. Pour
moi, étant absent de corps, mais présent en esprit, j’ai déjà prononcé, comme
si j’avais été là, mon jugement envers celui qui s’est comporté ainsi : 4. Que vous
et mon esprit étant assemblés au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ, celui
qui est coupable de ces crimes soit, par la puissance de notre Seigneur
Jésus, 5. Livré à
Satan, pour mortifier sa chair, afin que son âme soit sauvée au jour de Notre
Seigneur Jésus-Christ. |
[86247] Super 1 Cor.,
cap. Circa primum, primo ponit tria, quae pertinent ad
culpae gravitatem. Primo namque ostendit peccatum esse notorium, dicens : non
sine causa quaesivi, an velitis quod in virga veniam ad vos. Est enim in
vobis aliquid dignum virga disciplinae, quia fornicatio auditur inter vos
omnino, secundum publicam formam; contra quod dicitur Eph. V, 3 — fornicatio
autem nec nominetur in vobis; Is. III, 9 — peccatum suum quasi Sodoma
praedicaverunt, nec absconderunt. Secundo aggravat peccatum ex comparatione, cum
dicit et talis fornicatio, qualis nec inter gentes licita reputatur
vel invenitur. Apud
gentiles enim simplex fornicatio non reputabatur peccatum. Unde apostoli Act.
XV, 20, ad hunc errorem excludendum, gentilibus ad fidem conversis
imposuerant, quod abstineant se a fornicatione. Erat tamen quaedam fornicationis species, quae et
apud gentiles illicita habebatur. Et ideo dicit ita ut uxorem patris
aliquis habeat, sicut dicitur Gen. XLIX, 4 — effusus es sicut aqua,
non crescas, quia ascendisti cubile patris tui, et maculasti stratum eius.
Hoc autem erat horribile etiam apud gentiles, utpote contrarium naturali
rationi existens. Per naturalem enim reverentiam filii ad parentes secundum
omnem statum et legem pater et mater a matrimonio excluditur. Ut sic etiam
possit intelligi, quod habetur Gen. II, 24 — propter hoc relinquet homo
patrem et matrem, scilicet in contractu matrimonii, et adhaerebit
uxori suae. Sicut autem ibi subditur : vir et mulier erunt duo in
carne una. Et ideo uxor patris repellitur a matrimonio : sicut persona
patris vel matris, secundum illud Lev. XVIII, 8 — turpitudinem uxoris
patris tui ne discooperias, turpitudo enim patris tui est. Deinde, cum dicit vos inflati estis, ponit
culpam eorum qui hoc peccatum tolerabant. Et primo reprehendit eorum
tolerantiam; secundo supplet quod illi negligebant ibi ego quidem, et
cetera. Circa primum notat in eis
tria vitia. Primo
superbiam, cum dicit et vos inflati estis, scilicet vento superbiae,
reputantes vos innocentes ex comparatione peccatoris, sicut, Lc. XVIII, 11,
Pharisaeus dicebat : non sum sicut caeteri hominum, velut etiam hic
publicanus. Sap. IV, 19 — disrumpam illos inflatos sine voce. Secundo tangit eorum iniustitiam, cum dicit et
non magis luctum habuistis, scilicet patiendo causam peccatoris, sicut
Ier. IX, 1 dicitur : quis dabit capiti meo aquam, et oculis meis fontem
lacrymarum, ut plorem die ac nocte interfectos filiae populi mei? Vera enim
iustitia, ut dicit Gregorius, compassionem habet, non dedignationem.
Tertio tangit eorum iudicii negligentiam ut
tollatur de medio vestrum qui hoc opus fecit. Talis enim compassio viri
iusti ad peccatorem vulnerat et liberat, secundum illud Prov. XXIII, 14 — tu
virga percutis eum, et animam eius de Inferno liberabis. Per hoc etiam alii
corriguntur, secundum illud Prov. c. XIX, 25 — pestilente flagellato,
stultus sapientior erit. Unde Eccle. VIII, 11 — quia non
profertur cito contra malos sententia, absque ullo timore filii hominum
perpetrant mala. Debet autem ad correctionem aliorum interdum peccator
separari, ubi de contagione timetur, secundum illud Prov. XXII, 10 — eiice
derisorem, et exibit cum eo iurgium, cessabuntque causae et contumeliae. Deinde, cum dicit ego quidem absens corpore, etc., supplet
eorum negligentiam, sententiam proferens contra peccatorem. Et circa hoc tria
facit. Primo ponit auctoritatem iudicantis; secundo modum iudicandi, ibi congregatis
vobis, etc.; tertio sententiam iudicis, ibi tradere huiusmodi, et
cetera. Circa primum duo facit. Primo ponit auctoritatem ministri, scilicet
sui ipsius. Videbatur autem contra iudiciarium ordinem, ut condemnaret
absentem, secundum illud Act. XXV, 16 — non est consuetudo Romanis
condemnare aliquem, priusquam is qui accusatur, praesentes habeat accusatores;
sed hoc apostolus excusat, dicens ego quidem absens corpore, praesens
autem spiritu, id est, affectu et sollicitudine mentis, secundum illud
Col. II, 5 — et si corpore absens sum, sed spiritu vobiscum sum, gaudens
et videns ordinem vestrum. Vel praesens spiritu, quia per spiritum
cognoscebat ea quae apud ipsos agebantur, ac si praesens esset, sicut et
Eliseus dixit IV Reg. V, 26 — nonne cor meum in praesenti erat, quando
reversus est homo de cursu suo? Et quia sum spiritu praesens, iam
iudicavi, id est, sententiam condemnationis ordinavi in eum, qui sic
operatus est. Secundo ponit auctoritatem principalis domini, dicens in nomine
domini nostri Iesu Christi, id est, vice et auctoritate, seu cum virtute
et invocatione nominis eius, secundum illud Col. III, 17 — omne quodcumque
facitis verbo aut opere, in nomine domini nostri Iesu Christi facite. Deinde, cum dicit congregatis vobis in unum, ostendit modum
iudicandi, ubi tria tangit : primo fidelium congregationem, cum dicit congregatis
vobis. Ea enim, quae gravia sunt, multorum concordi deliberatione
punienda sunt. Unde et
antiquitus iudices sedebant in portis, ubi populus congregabatur, secundum
illud Deut. XVI, 18 — iudices constitues in omnibus portis tuis. Unde
dicitur in Ps. CX, 1 — in consilio iustorum et congregatione magna opera
domini. Et Matth. XVIII,
20 — ubi sunt duo vel tres congregati in nomine meo, ibi sum in medio.
Secundo adhibet suum assensum, cum dicit et meo spiritu, id
est, mea voluntate et auctoritate, secundum illud quod dixerat : praesens
autem spiritu. Tertio adhibet auctoritatem principalis domini, scilicet Christi,
dicens cum virtute domini nostri Iesu Christi, ex qua iudicium
Ecclesiae habet robur firmitatis, secundum illud Matth. XVIII, 18 — quodcumque
ligaveris super terram, erit ligatum et in caelis. Deinde, cum dicit tradere huiusmodi, etc., ponit condemnationis
sententiam, circa quam tria ponit. Primo poenam, cum dicit tradere
huiusmodi Satanae supple : iudicavi. Quod potest dupliciter intelligi.
Primo quod, sicut dicitur Matth. X, 8, dominus dedit apostolis potestatem
spirituum immundorum, ut eiicerent eos, et per eamdem potestatem poterant
imperare spiritibus immundis, ut vexarent corporaliter quos hac poena
iudicabant dignos. Mandavit ergo apostolus Corinthiis in eius auctoritate
tradere praedictum fornicarium Satanae corporaliter vexandum. Unde ponit, secundo, huius sententiae effectum, cum dicit in
interitum carnis, id est, ad vexationem carnis et afflictionem in qua
peccavit, secundum illud Sap. XI, 17 — per quae peccat quis, per haec et
torquetur. Tertio ponit fructum, cum dicit ut spiritus salvus sit in die
domini nostri Iesu Christi, id est, ut salutem consequatur in die mortis,
vel in die iudicii, sicut supra tertio expositum est et sic impletur quod ibi
subditur : ipse autem salvus erit, sic tamen quasi per ignem, poenae
scilicet temporalis. Non enim apostolus Satanae tradidit peccatorem, ut eius
potestati perpetuo subiaceret, sed ut carnis vexatione ad poenitentiam
convertatur, secundum illud Is. XXVIII, 19 — sola vexatio intellectum dat
auditui. Est autem haec sententia apostoli, quam dominus servavit Iob II,
6, ubi Satanae dixit : ecce in manu tua est, scilicet caro eius, verumtamen
animam illius serva, scilicet illaesam. Alio modo intelligi potest quod dicitur tradere huiusmodi Satanae,
scilicet per excommunicationis sententiam, per quam aliquis separatur a
communione fidelium, et a participatione sacramentorum, et privatur Ecclesiae
suffragiis, quibus homo munitur contra impugnationem Satanae, propter quod de
Ecclesia dicitur Cant. IV, 9 — terribilis ut castrorum acies ordinata,
scilicet Daemonibus. Quod autem subditur in interitum carnis,
intelligitur, ut scilicet ab Ecclesia separatus, et tentationibus Satanae
expositus liberius ruat in peccatum, secundum illud Apoc. ult. : qui in
sordibus est, sordescat adhuc. Vocat autem peccata mortalia carnis interitum,
quia, ut dicitur Gal. ult., qui seminat in carne, de carne et metet
corruptionem. Subdit autem ut spiritus salvus sit, ut scilicet
peccatorum turpitudinem cognoscens confundatur et poeniteat, et sic sanetur,
secundum illud Ier. XXXI, 19 — confusus sum et erubui, quoniam sustinui
opprobrium adolescentiae meae. Potest etiam intelligi, ut spiritus eius,
scilicet Ecclesiae, id est spiritus sanctus Ecclesiae salvus sit fidelibus in
diem iudicii, ne scilicet perdant eum per contagium peccatoris, quia, ut
dicitur Sap. I, 5. Spiritus sanctus disciplinae effugiet fictum, et
cetera. |
Saint Paul,
après avoir traité ce qui concerne le sacrement du Baptême, aborde ici
l’explication de ce qui se rapporte au sacrement de Mariage. Et d’abord il
condamne le péché qui est opposé au mariage, à savoir la fornication ;
ensuite il traite du mariage lui-même, au chap. VII, 4, à ces mots : Sur
ce que vous m’avez écrit, etc. Sur le premier de ces points, premièrement
il expose la faute ; secondement, il la reprend, à ces mots (verset 6) : Il
ne convient pas de vous glorifier. A l’égard de la faute, I° il expose la faute particulière
d’un fornicateur ; II° celle de
ceux qui toléraient le péché du fornicateur, à ces mots (verset 2) : Et vous
êtes encore enflés d’orgueil, etc. I° A l’égard du fornicateur, il donne trois raisons qui font
ressortir la gravité de son crime. I. Il montre qu’il est
public. Ce n’est pas sans raison, dit-il, que j’ai demandé si vous vouliez
que je vienne à vous la verge à la main, car au milieu de vous il existe un
désordre qui est digne de cette verge de la discipline, puisqu’on entend dire
que la fornication se commet parmi vous. Le crime est public aux yeux
de tous, alors qu’on lit (Ephés., V, 3) : "Qu’on n’entende
parmi vous pas même parler de fornication" ; et (Isaïe III, 9) :
"Ils n’ont pas caché leurs crimes ; comme Sodome, ils les ont
publiés." II. L’Apôtre en fait
ressortir la grandeur par un terme de comparaison (verset 1) : et une
fornication telle, que parmi les Gentils on n’en rencontre et l’on ne
cherche pas à en excuser de semblable. Car chez les païens la
fornication simple n’était pas regardée comme un crime ; aussi les apôtres
(Act., XV, 20), pour détruire cette erreur, avaient imposé aux païens convertis
à la foi de s’abstenir de fornication. III. Il y avait
cependant une espèce de fornication qui, même parmi les païens, était
regardée comme illicite ; voilà pourquoi saint Paul dit (verset 1) : jusque
là que l’un d’entre vous abuse de la femme de son propre père. ; (Gen.,
XLIX, 4) : "Vous vous êtes répandu comme l’eau ; vous ne croîtrez
pas, parce que vous êtes monté sur le lit de votre père et que vous avez
souillé sa couche." Or ce crime était horrible, même chez les païens,
comme étant contraire à la loi naturelle. En effet, le respect naturel qu’un
enfant doit à ses parents, dans n’importe quel État et sous quelle loi, lui
interdit le mariage avec son père et sa mère, en sorte qu’on peut entendre
dans ce sens ce qu’on lit dans la Genèse (II, 24) : "C’est pourquoi
l’homme laissera son père et sa mère," à savoir quand il s’agira de
contracter mariage, et "il s’attachera à sa femme"; et comme
on lit à la suite : "L’homme et la femme seront deux dans une seule
chair," pour cette raison il y a avec l’épouse du père interdiction
de mariage, comme avec le père et la mère, suivant cette parole du Lévitique
(XVIII, 8) : "Vous ne découvrirez pas la nudité de la femme de votre
père, carc’est la nudité de votre père." II° Lorsque
l’Apôtre dit (verset 2) : et néanmoins vous êtes enflés d’orgueil, il expose
la faute de ceux qui toléraient un péché semblable. I. Il reprend leur
tolérance ; II. Il supplée
à leur négligence, à ces mots (verset 3) : Quant à moi, etc. I. Dans leur tolérance
il reprend trois défauts.1° L’orgueil
(verset 2) : et néanmoins vous êtes enflés, à savoir du vent de
l’orgueil, vous regardant comme innocents, par comparaison avec le pécheur,
semblables aux Pharisiens dont parle Luc (XVIII, 11) : "Je ne suis
pas comme le reste des hommes, ni même comme ce publicain" ;
et (Sag., IV, 19) : "Ceux qui s’enflent, je les précipiterai sans
voix." 2° Il fait sentir leur injustice, en
disant (verset 2) : et vous n’avez pas été, au contraire, dans les pleurs,
en d’autres termes, vous ne souffrez pas à cause du pécheur, comme il est dit
au prophète Jérémie (IX, 1) : "Qui donnera de l’eau à ma tête et à
mes yeux une source de larmes, pour que nuit et jour je pleure les morts de
la fille de mon peuple ?" Car, dit saint Grégoire, la justice
véritable compatit, elle ne méprise pas. 3° Il montre leur négligence à juger
(verset 2) : pour faire retrancher du milieu de vous celui qui a commis
une action si honteuse. Car une semblable compassion de la part du juste
blesse mais délivre le pécheur, suivant cette parole des Proverbes (XXIII,
14) : "Vous le frapperez de la verge, et vous délivrerez son âme de
l’enfer." Par cette conduite d’autres personnes se corrigent
également, suivant cette autre parole des Proverbes (XIX, 25) : "Frappez
l’homme corrompu, l’insensé deviendra plus sage. De là encore
(Ecclésiastique VIII, 11) : "Parce que la sentence contre le méchant
n’est pas portée aussitôt, les enfants des hommes font le mal sans
crainte." Or le pécheur, pour que les autres se corrigent, doit être
retranché quand on craint la contagion, selon cette parole encore des
Proverbes (XXII, 10) : "Chassez le railleur, et s’en iront avec lui
les disputes, les outrages, et les injures cesseront." II. Quand il ajoute
(verset 3) : Quant à moi, absent de corps, saint Paul supplée à la
négligence des Corinthiens, en prononçant la sentence contre le pécheur. A
cet effet, 1° il exprime
l’autorité du juge ; 2° le mode de
la sentence, à ces mots (verset 4) : Dans votre assemblée, etc. ; 3° la sentence même portée par le
juge, à ces autres (verset 5) : livrer le coupable, etc. 1° Sur l’autorité du juge, il énonce A) d’abord l’autorité du ministre, c’est-à-dire
sa propre autorité. Il paraissait contraire à. l’ordre suivi dans les
jugements de condamner un absent, suivant ce qu’on lit aux Actes (XXV, 16) : "Ce
n’est pas la coutume des Romains de condamner un homme avant qu’il ait devant
lui ses accusateurs." Mais l’Apôtre répond en disant (verset 3) : Quant
à moi, absent de corps, mais présent en esprit, c’est-à-dire par
l’affection et la sollicitude de l’esprit, selon (Colos., II, 5) : "Quoique
je sois absent de corps, je suis néanmoins avec vous en esprit, voyant avec
joie l’ordre qui règne parmi vous" ; ou encore présent
d’esprit, parce que par l’esprit il connaissait ce qui se passait parmi
eux comme s’il eût été présent, ainsi que disait Elisée (IV Rois, V, 26) : "Mon
esprit n’était-il pas présent, lorsque cet homme est descendu de son char
pour aller au devant de vous ?" Et parce que je suis présent en
esprit, j’ai déjà jugé, c’est-à-dire porté la sentence de condamnation
contre celui qui s’est conduit ainsi. B) Il exprime ensuite l’autorité du
premier Maître, en disant (verset 4) : Au nom de Notre Seigneur Jésus
Christ, c’est-à-dire à sa place, par son autorité, ou avec la puissance
et l’invocation de son nom, selon cette parole aux Colossiens (III, 17) : "Quelque
chose que vous fassiez, dans la parole ou dans les oeuvres, faites tout au
nom de Notre Seigneur Jésus-Christ." 2° Par ces paroles (verset 4) : Dans
votre assemblée, il indique le mode de jugement, et il y mentionne : A) d’abord l’assemblée des fidèles,
lorsqu’il dit (verset 4) : Vous tous donc étant assemblés, car la
majorité des fidèles doit, après délibération, punir les désordres graves.
Dans l’antiquité, les juges siégeaient à cet effet sous les portiques, où le
peuple s’assemblait (Deut., XVI, 18) : "Vous établirez des juges à
toutes les portes de la ville", ce qui fait dire au Psalmiste
(CX, 1) : "Je louerai les grandes œuvres du Seigneur dans la société
des justes et dans l’assemblée du peuple" ; et en saint
Matthieu (XVIII, 20) : "Par tout où seront deux on trois personnes
assemblées en mon nom, je serai au milieu d’elles." B) Ensuite il donne son assentiment
quand il dit : et mon esprit, c’est-à-dire par ma volonté et mon
autorité, ainsi qu’il avait dit déjà (verset 3) : mais présent d’esprit. C) il s’appuie sur l’autorité du
premier Maître, c’est-à-dire de Jésus-Christ, en disant (verset 4) : par
la puissance Notre Seigneur Jésus-Christ, de qui le jugement de l’Eglise
reçoit la force et la solidité, selon ce qui est dit en saint Matthieu
(XVIII, 18) : "Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans les
cieux." 3° En ajoutant (verset 5) : de
livrer le coupable, etc., saint Paul porte la sentence de condamnation,
dans laquelle il comprend : A) premièrement, la peine, lorsqu’il
dit (verset 5) : de livrer à Satan, suppléez « j’ai jugé ».
Ces paroles peuvent s’entendre ainsi : les apôtres, ayant reçu du Sauveur
(Matthieu X, 8) la puissance sur les esprits immondes afin de les chasser,
pouvaient aussi, en vertu de la même puissance, commander à ces esprits de
tourmenter corporellement ceux qui étaient jugés dignes d’un tel châtiment. Saint
Paul ordonna donc aux Corinthiens de livrer, par son autorité, le fornicateur
dont il est question à Satan pour en être tourmenté corporellement. B) Secondement, il énonce l’effet de
cette sentence, lorsqu’il dit (verset 5) : pour mortifier sa chair,
c’est-à-dire pour affliger et tourmenter cette chair dans laquelle il a
péché, suivant ce qui est dit (Sag., XI, 17) : "Chacun est tourmenté
par où il a péché." C) Il fait apercevoir le résultat de
ce châtiment, en disant (verset 5) : afin que son âme soit sauvée au jour
de Notre Seigneur Jésus-Christ, c’est-à-dire pour que ce pécheur obtienne
son salut au jour de la mort ou au jour du jugement, comme il a été expliqué
au chapitre troisième, et qu’ainsi s’accomplisse ce qu’on lit au même endroit
(verset 15) Il ne laissera pas néanmoins d’être sauvé, mais comme par le
feu, à savoir de la peine temporelle car l’Apôtre n’a pas livré le
pécheur à Satan pour qu’il soit toujours soumis à sa puissance, mais pour
qu’en étant châtié dans sa chair, il fasse pénitence, selon cette parole
d’Isaïe (XXVIII, 49) : "L’affliction seule vous donnera l’intelligence
de ce qui vous a été dit." Cette sentence de saint Paul présente
donc une analogie avec la parole du Seigneur à Satan (Job, II, 6) : "Va
! il est en ta main," à savoir sa chair ; "mais ne touche
pas à sa vie !" c’est-à-dire qu’elle soit à l’abri de toute
atteinte. On peut encore entendre cette expression de livrer à Satan celui
qui est ainsi coupable, de la sentence d’excommunication, qui
retranche de la communion des fidèles et de la participation aux sacrements
et prive des suffrages de l’Eglise, par lesquels l’homme est protégé contre
les attaques de Satan. C’est pour cette raison qu’il est dit de l’Eglise
(Cant., VII, 9) : "Elle est terrible," à savoir aux démons, "comme
une armée rangée en bataille." Par ces paroles : pour affliger sa
chair, on entend que, séparé de l'Eglise et exposé aux tentations de
Satan, le pécheur se précipite avec moins de retenue dans le mal, suivant
cette parole de l’Apocalypse (XX, 11) : "Que celui qui est souillé se
souille encore." Or l’Apôtre appelle les péchés mortels " l’affliction
de la chair," parce que (Gal., VI, 8) : "Celui qui sème dans
la chair ne recueillera de la chair que corruption." Et il ajoute : pour
que l’âme soit sauvée, c’est-à-dire afin que, connaissant la honte de son
péché, le coupable soit couvert de confusion et se repente, et que de cette
manière il soit guéri, suivant cette parole de Jérémie (XXXI, 19) : "J’ai
été couvert de confusion, et j’ai rougi, parce que l’opprobre de ma jeunesse
est tombé sur moi." On peut encore entendre ces derniers mots de cette
manière : afin que son Esprit, c’est-à-dire celui de l’Eglise, ou
l’Esprit Saint, qui réside dans l’Eglise, soit conservé aux fidèles pour le
jour du jugement ; en d’autres termes, pour que les fidèles ne le perdent pas
par la contagion du péché, car (Sag., I, 5) : "L’Esprit Saint fuit
tout déguisement." |
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Lectio 2 |
Leçon 2 : 1 Corinthiens V, 6-8 — Les complices de l'incestueux |
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SOMMAIRE : L’Apôtre explique la grandeur de la faute de ceux qui dissimulaient le crime de l’incestueux, et ordonne de se séparer de lui. |
[6] non bona
gloriatio vestra nescitis quia modicum fermentum totam massam corrumpit [7] expurgate
vetus fermentum ut sitis nova consparsio sicut estis azymi etenim pascha
nostrum immolatus est Christus [8] itaque
epulemur non in fermento veteri neque in fermento malitiae et nequitiae sed
in azymis sinceritatis et veritatis |
6. Vous
n'avez donc point sujet de vous glorifier ! ne savez-vous donc pas qu’un
peu de levain aigrit toute la pâte ? 7.
Purifiez-vous du vieux levain, afin que vous soyez une pâte nouvelle, comme
vous êtes vraiment des pains sans levain ; car notre Agneau pascal, le
Christ, a été immolé. 8. C’est
pourquoi mangeons la Pâque, non avec le vieux levain, ni avec le levain de la
malice et de la corruption, mais avec les pains sans levain de la sincérité
et de la vérité. |
[86248] Super 1 Cor., cap. Circa primum duo facit.
Primo reprehendit culpam praeteritam quantum ad suam radicem. Dixerat enim supra quod ex
inflatione sequitur in eis incompassio, et ex incompassione correctionis
negligentia. Arguit ergo primo Corinthiorum elationem, dicens non est bona
gloriatio vestra, qua scilicet defectibus aliorum gloriamini, quasi vos
sitis innocentes. Debet enim unusquisque in domino gloriari de bonis sibi
divinitus datis, non de aliis, secundum illud Gal. VI, 4 — opus autem suum
unusquisque probet, et sic in semetipso gloriam habebit, et non in alio.
Praecipue autem malum est de malis aliorum gloriari. Dicitur enim in Ps. LI, 3
— quid gloriaris in malitia? Secundo assignat rationem eius quod dixerat,
dicens an nescitis quod modicum fermentum totam massam corrumpit?
Quasi dicat : hoc ignorare non potestis. Est autem sciendum quod in fermento
duo possunt considerari. Primo sapor quem tribuit pani, et secundum hoc per
fermentum significatur sapientia Dei, per quam omnia quae sunt hominis sapida
redduntur, et secundum hoc dicitur Matth. XIII, 33 — simile est regnum
caelorum fermento, quod acceptum mulier abscondit in farinae satis tribus,
donec fermentatum est totum. Secundo, in fermento potest considerari
corruptio, et secundum hoc per fermentum potest intelligi uno modo peccatum,
quia scilicet per unum hominis peccatum omnia opera eius corrupta redduntur,
puta per peccatum simulationis, quod comparatur fermento. Lc. XII, 1 — attendite
a fermento Pharisaeorum, quod est hypocrisis. Alio modo per fermentum
potest intelligi homo peccator, et ad hoc inducitur haec similitudo. Sicut
enim per modicum fermentum tota massa pastae corrumpitur, ita per unum
peccatorem tota societas inquinatur. Unde Eccli. XI, 34 — ab una scintilla
augetur ignis, et ab uno doloso augetur sanguis. Et hoc quidem contingit,
dum per peccatum unius alii provocantur aliqualiter ad peccandum. Vel etiam
dum peccanti consentiunt, saltem non corrigendo, dum possunt corrigere,
secundum illud Rom. I, 32 — digni sunt morte, non solum qui faciunt ea,
sed etiam qui consentiunt facientibus. Et ideo Corinthiis non erat
gloriandum de peccato unius, sed magis cavendum, ne peccato unius omnes
inquinarentur ex eius consortio, secundum illud Cant. II, 2 — sicut lilium
inter spinas, sic amica mea inter filias, ubi dicit Glossa : non fuit
bonus, qui malos tolerare non potuit. Deinde, cum dicit expurgate vetus fermentum,
ostendit quid de caetero sit faciendum. Et primo ponit documentum; secundo
rationem assignat, ibi Pascha nostrum, et cetera. Dicit ergo primo quia modicum fermentum totam
massam corrumpit, ideo expurgate vetus fermentum, id est,
expurgate vos, abiiciendo a vobis vetus fermentum, id est fornicarium, qui
peccando rediit in vetustatem corruptionis antiquae, secundum illud Baruch
III, 11 — inveterasti in terra aliena, coinquinatus es cum mortuis.
Quod quidem dicit, quia per separationem unius peccatoris tota societas
expurgatur. Unde et, egresso Iuda, dominus dixit Io. XIII, 31 — nunc
clarificatus est filius hominis. Potest etiam per vetus fermentum
intelligi antiquus error, secundum illud Is. XXVI, 3 — vetus error abiit,
vel etiam corruptio originalis peccati, secundum illud Rom. VI, 6 — vetus
homo noster simul crucifixus est, vel etiam quodcumque peccatum actuale,
secundum illud Col. III, 9 — expoliantes vos veterem hominem cum actibus
suis : horum enim admonitione homo expurgatur. Ponit autem consequenter
purgationis effectum, dicens ut sitis nova conspersio. Dicitur autem
conspersio commixtio aquae et farinae novae, antequam admisceatur fermentum.
Remoto ergo fermento a fidelibus, id est peccatore, vel peccato, remanent
sicut nova conspersio, id est, in puritate suae novitatis, secundum illud Ps.
CII, 5 — renovabitur ut aquilae iuventus tua; Eph. IV, v. 23 — renovamini
spiritu mentis vestrae. Deinde ponit modum debitum expurgationis cum
dicit sicut estis azymi, id est, sine fermento peccati. Dicitur enim
ab a, quod est sine, et zyma, quod est fermentum. Unde dominus Matth. XVI, 6
dicit discipulis cavete a fermento Pharisaeorum et Sadducaeorum. Deinde, cum dicit etenim Pascha nostrum,
assignat rationem eius quod dixerat, scilicet quare fideles debent esse
azymi, quae quidem ratio sumitur ex mysterio passionis Christi. Unde primo
proponit ipsum mysterium; secundo concludit propositum, ibi itaque
epulemur, et cetera. Circa primum considerandum est quod inter caetera
sacramenta legalia celeberrimum erat agnus paschalis, qui, ut praecipitur Ex.
XII, 1 ss., immolabatur ab universa multitudine filiorum Israel in memoriam
illius beneficii, quo Angelus percutiens primogenita Aegypti pertransivit
domos Iudaeorum, quorum fores linitae essent sanguine agni. Unde nomen
Paschae sumitur, secundum quod ibi dicitur est enim phase, id est,
transitus domini, et ultimo virtute huius beneficii transivit populus
mare rubrum, ut dicitur Ex. XIV, 15 ss. Ille enim agnus figura fuit Christi
innocentis, de quo dicitur Io. I, 29 — ecce agnus Dei. Sicut ergo ille
agnus figuralis immolabatur a filiis Israel, ut populus Dei liberaretur ab
Angelo percutiente, et ut transirent mare rubrum, liberati de servitute
Aegypti, ita Christus est occisus a filiis Israel, per cuius sanguinem
populus Dei liberatur a Diaboli impugnatione et servitute peccati per Baptismum
quasi per mare rubrum. Ille autem agnus figuralis Pascha Iudaeorum dicebatur,
quia in signum transitus immolabatur. Unde dicitur Matth. XXVI, 17 — ubi
vis paremus tibi comedere Pascha? Id est, agnum paschalem. Dicit ergo
apostolus : ideo debetis esse azymi, etenim, id est, quia, sicut
figurale Pascha veteris populi est agnus immolatus, ita Pascha nostrum,
id est, novi populi, est Christus immolatus, cuius etiam immolationi
convenit nomen Paschae, tum significatione linguae Hebreae, quod significat
transitum, Ex. XII, 11 — est enim phase, id est, transitus, tum
significatione linguae Graecae, prout nomen Paschae significat passionem.
Christus enim per passionem, qua fuit immolatus, transivit ex hoc mundo ad
patrem, ut dicitur Io. XIII, 1. Deinde, cum dicit itaque epulemur,
concludit propositum. Ad cuius evidentiam considerandum est, quod, sicut
legitur Ex. XII, 8, agnus paschalis post immolationem manducabatur cum azymis
panibus. Sicut ergo agnus figuralis fuit figura nostri Paschae immolati, ita
figuralis observantia paschalis debet conformari observantiae novi Paschae.
Ergo quia Christus immolatus est Pascha nostrum, itaque epulemur,
scilicet manducantes Christum, non solum sacramentaliter, secundum illud Io.
VI, v. 54 — nisi manducaveritis carnem filii hominis, et biberitis eius
sanguinem, non habebitis vitam in vobis, sed spiritualiter fruendo
sapientia eius, secundum illud Eccli. XXIV, v. 29 — qui edunt me, adhuc
esurient, et qui bibunt me, adhuc sitient, et sic cum gaudio spirituali,
secundum illud Ps. XLI, 5 — in voce exultationis et confessionis, sonus
epulantis. Deinde determinat modum epulandi secundum
conformitatem veritatis ad figuram, dicens non in fermento veteri, neque
in fermento malitiae, et nequitiae. Mandabatur enim Ex. XII, 15, quod
omne fermentum non inveniretur in domibus manducantium agnum paschalem.
Fermentum autem habet et vetustatem et corruptionem. Unde per remotionem
fermenti, primo quidem potest intelligi amotio observantiae praeceptorum
veteris legis, quae per passionem Christi est mortificata, secundum illud
Lev. c. XXVI, 10 — vetera, novis supervenientibus, proiicietis.
Secundo, per remotionem fermenti potest intelligi remotio corruptionis
peccati, sicut supra dictum est, quod modicum fermentum totam corrumpit
massam. Et quantum ad hoc subdit neque in fermento malitiae et
nequitiae, ut malitia referatur ad perversitatem operis, secundum illud
Iac. I,
v. 21 — abiicientes omnem immunditiam et abundantiam malitiae. Per
nequitiam vero intelligitur fraudulenta machinatio. Prov. XXVI, v. 25 — quando
sumpserit vocem suam, non credideris ei, quoniam septem nequitiae sunt in
corde eius. Vel
secundum Glossam cum dicit non in fermento veteri, removet vetustatem
peccati in communi. Quod autem subdit neque in fermento malitiae et nequitiae,
explicat peccatum per partes; ut malitia dicatur peccatum quod committitur in
seipsum, nequitia peccatum quod committitur in alium. Excluso ergo modo
indebito epulandi, determinat modum convenientem, subdens sed in azymis
sinceritatis et veritatis, id est, sinceritate et veritate, quae
significantur per azyma. Ponitur autem sinceritas contra corruptionem peccati, quod
significavit, cum dixit non in fermento malitiae et nequitiae. Nam
sincerum dicitur quod est sine corruptione. Unde I1 Cor. II, 17 dicitur : non
sumus sicut plurimi adulterantes verbum Dei, sed ex sinceritate in Christo
loquimur. Veritas vero ponitur contra figuras veteris legis, sicut Io. I,
v. 17 dicitur veritas et gratia per Iesum Christum facta est, quia
scilicet verum Pascha cum veritate et non cum figuris celebrare debemus. Unde secundum Glossam per
sinceritatem intelligitur innocentia a vitiis, seu novitas vitae : per
veritatem autem iustitia bonorum operum, vel rectitudo, quae fraudem
excludit. |
Saint Paul
vient de parler de deux fautes, celle du chrétien coupable de fornication et
celle des Corinthiens qui toléraient son crime ; il blâme maintenant l’une et
l’autre : d’abord la faute de ceux qui toléraient le crime de fornication,
ensuite celle du fornicateur lui-même, à ces mots (VI, 13) : Mais le corps
n’est pas pour la fornication, etc. Sur la première de ces fautes,
l’Apôtre reprend dans les Corinthiens : premièrement, la négligence à juger ;
secondement, quelques défauts particuliers dans les jugements (VI, 1), à ces
mots : Comment se trouve-t-il ? etc. Dans la négligence des
Corinthiens, il reprend d’abord ceux qui n’avaient pas séparé du milieu d’eux
le fornicateur ; il repousse ensuite la fausse interprétation qu’ils avaient
donnée à ses paroles, à ces mots (verset 9) : Je vous ai écrit dans une
lettre, etc. Et sur le premier de ces points : I° il blâme ce qu’ils avaient fait ; II° il montre ce qu’il
faut faire, à ces mots (verset 7) : Purifiez-vous donc du vieux levain,
etc… I° Quant à ce que les Corinthiens avaient fait, I. il blâme leur faute
passée, dans son principe même. Il avait, en effet, dit plus haut que de
l’orgueil naissait en eux l’insensibilité, et de l’insensibilité la
négligence de la correction. Il attaque donc l’orgueil des Corinthiens, en
disant (verset 6) : Il ne vous convient pas de vous glorifier, à
savoir de cette gloire que vous tirez des défauts des autres, comme si vous
étiez innocents ; car chacun doit se glorifier des dons qu’il a reçus de Dieu
dans le Seigneur, et non dans les autres ; (Gal., VI, 4) : "Que
chacun examine bien ses propres actions, et alors il se glorifiera en
lui-même et non dans un autre." Mais ce qui est surtout
répréhensible, c’est de se glorifier du mal que font les autres, car il est
écrit (Psaume LI, 3) : "Pourquoi vous glorifiez-vous dans la malice
?" II. Saint Paul donne la
raison de ce qu’il vient d’avancer, en disant (verset 6) : Ne savez-vous
pas qu’un peu de levain aigrit toute la pâte ? comme s’il disait : vous
ne pouvez l’ignorer. Il faut considérer deux choses dans le levain : d’abord
la saveur qu’il communique au pain ; selon ce sens, on entend par levain la
sagesse de Dieu, qui donne de la saveur à tout ce qui concerne l’homme. C’est
ainsi qu’il est dit (Matth., XIII, 33) : "Le royaume des cieux est
semblable au levain qu’une femme prend et qu’elle mêle dans trois mesures de
farine, jusqu’à ce que la pâte soit toute levée." On peut encore
voir dans la fermentation la corruption : dans ce sens, par levain, on peut
entendre d’abord le péché, parce que toutes les oeuvres de l’homme sont, par
un seul péché, réduites un état de corruption : exemple, le péché
d’hypocrisie, que Jésus-Christ compare au levain (Luc, XII, 4) : "Gardez-vous
du levain des Pharisiens, qui est l’hypocrisie," Ensuite, on peut
entendre par levain le pécheur lui-même, et voici pourquoi on emploie cette
comparaison : c’est que de même qu’un peu de levain suffit à aigrir toute la
pâte, ainsi ne faut-il qu’un seul pécheur pour souiller toute une société. De
là ce mot (Ecclésiastique XI, 34) : "Une seule étincelle allume
l’incendie, et un seul trompeur multiplie les meurtres." C’est ce
qui arrive quand le péché d’un seul provoque les autres à pécher de quelque
manière ; ou encore lors qu’on donne son assentiment au pécheur, du moins en
ne le corrigeant pas quand on le peut faire ; (Rom., I, 32) : "Ceux-là
méritent la mort non seulement qui font de pareilles actions, mais encore
ceux qui les approuvent." Voilà pourquoi les Corinthiens ne devaient
pas se glorifier du péché d’un seul, mais plutôt prendre garde que le péché
d’un seul ne souillât tous les autres de son contact, selon cette parole du
Cantique (II, 2) : "Comme le lis au milieu des épines, telle est ma
bien-aimée entre ses compagnes." La Glose dit également sur ce
verset : Celui-là n’est pas bon qui peut tolérer les méchants. II° Quand saint
Paul ajoute (verset 7) : Purifiez-vous donc du vieux levain, il indique
ce qu’il ne faut pas manquer de faire. I. II donne une règle de conduite ; II. il en assigne la
raison, à ces mots (verset 7) : Car Jésus, notre Agneau pascal, etc. I. II dit donc d’abord
: Puisqu’un peu de levain aigrit toute la pâte, purifiez-vous donc
du vieux levain, c’est-à-dire purifiez-vous en rejetant loin de vous le
vieux levain, en d’autres termes le fornicateur, qui, par son péché, est
retourné à la vieillesse de l’ancienne corruption, selon cette parole de
Baruch (III, 11) : "Pourquoi avez-vous vieilli dans la terre
étrangère ? pourquoi vous êtes-vous souillé avec les morts ?"
L’Apôtre s’exprime ainsi parce que, par la séparation d’un seul pécheur,
toute la société est purifiée. C’est ainsi qu’après le départ de Judas, le Seigneur
dit (Jean XIII, 31) : "Maintenant le Fils de l’homme est
glorifié." On peut encore entendre par vieux levain l’ancienne
erreur, selon cette parole d’Isaïe (XXVI, 3) : "L’antique erreur a
disparu", ou la corruption du péché originel, suivant ce mot (Rom.,
VI, 6) : "Notre vieil homme a été crucifié avec Jésus-Christ" ;
ou enfin tout péché actuel, selon cette parole aux Colossiens (III, 9) : "Dépouillez-vous
du vieil homme et de ses oeuvres." En effet, l’homme est purifié par
l’éloignement de ces diverses corruptions. L’Apôtre expose ensuite l’effet de
cette purification en disant (verset 7) : afin que vous soyez comme une
pâte toute nouvelle. On appelle pâte le mélange de l’eau et de la
nouvelle farine avant qu’on y mêle le levain. Donc en éloignant des fidèles
le levain, c’est-à-dire le pécheur ou le péché, les fidèles deviennent comme
une pâte nouvelle, à savoir par la pureté de leur renouvellement, selon cette
parole (Psaume CII, 5) : "Il renouvellera votre jeunesse comme celle
de l’aigle" ; et (Ephés., IV, 23) : "Renouvelez-vous
dans l’intérieur de votre âme." Enfin il explique le mode de ce
renouvellement lorsqu’il dit (verset 7) : comme étant vous-mêmes des pains
azymes, c’est-à-dire sans levain du péché ; car cette expression "pain
azyme" se forme en grec de « a », sans et « zyma »,
levain ; c’est de là que le Seigneur dit à ses disciples (Matth., XVI,
6) : "Gardez-vous du levain des Pharisiens et des Sadducéens." II. En ajoutant (verset
7) : Car notre pâque, saint Paul donne la raison de ce qu’il vient de
dire, à savoir pourquoi les fidèles doivent être des pains azymes. Il tire ce
motif de la passion de Jésus-Christ. Il propose donc d’abord le mystère même,
et ensuite il déduit en conclusion sa proposition, à ces mots (verset 8) : C’est
pourquoi célébrons la Pâque, etc. 1° Sur le mystère, il faut remarquer
que parmi les symboles de la Loi, le plus célèbre était l’Agneau pascal, qui,
d’après les prescriptions de l’Exode (XII, 1 à 20), était immolé par toute la
multitude des enfants d’Israël en mémoire du bienfait reçu quand l’ange,
frappant les premiers-nés de l’Egypte, épargna les maisons des Hébreux dont
les portes avaient reçu l’aspersion du sang de l’agneau. De là le nom de « pâque »,
comme il est dit dans cet endroit [Exode XII, 11] : "Car c’est la
pâque, c’est-à-dire le passage du Seigneur" ; et, en dernier
lieu, c’est par suite de ce même bienfait que le peuple traversa la mer
Rouge, comme il est rapporté au chapitre XIV, 15 sv. de l’Exode. Cet agneau,
en effet, fut la figure du Christ innocent, dont il est dit (Jean I, 29) : "Voici
l’Agneau de Dieu." De même donc que cet agneau figuratif était
immolé par les enfants d’Israël afin que le peuple de Dieu fût préservé de
l’ange qui frappait et passât la mer Rouge, libre enfin de la servitude des
Egyptiens, ainsi Jésus-Christ a été mis à mort par ces mêmes enfants
d’Israël, afin que le peuple de Dieu fût délivré des attaques du démon par
son sang, et de la servitude du péché par le baptême, qui est comme le
passage d’une autre mer Rouge. Or cet agneau figuratif était appelé la Pâque
des Juifs parce qu’il était immolé en témoignage du pas- sage ;
(Matthieu XXVI, 17) : "Où voulez-vous que nous préparions la Pâque ?"
c’est-à-dire l’agneau pascal. L’Apôtre dit donc : Voici pourquoi vous devez
être des pains azymes. Car, c’est-à-dire parce que, de même que la
pâque figurative de l’ancien peuple est un agneau immolé, ainsi la nôtre,
c’est-à-dire la Pâque du peuple nouveau, est Jésus-Christ immolé.
A cette immolation convient le nom de Pâque, soit quant à la signification de
la langue hébraïque, puisqu’il veut dire passage (Exode, XII, 11) : "Car
c’est le Phase," c’est-à-dire "le passage," soit
quant à celle de la langue grecque, selon laquelle le nom de pâque signifie
passion. Jésus-Christ, en effet, par sa Passion, dans laquelle il fut mis à
mort, passa de ce monde à son Père (Jean XIII, 1). 2° Quand saint Paul ajoute (verset 8) :
"C’est pourquoi célébrons la Pâque," il conclut par sa
proposition. A) Pour rendre ceci plus clair, il
faut remarquer que, ainsi qu’on le lit dans (Exode, XII, 8), l’agneau pascal,
après son immolation, était mangé avec des pains azymes ; de même donc que
l’agneau figuratif était la figure de notre Agneau pascal immolé, ainsi
l’observance figurative de la pâque doit présenter la forme de la Pâque
nouvelle. Donc, puisque Jésus-Christ, notre Agneau pascal, a été immolé
(verset 8) : Célébrons la Pâque, à savoir en nourrissant nos âmes de
Jésus-Christ, non seulement sacramentellement, suivant ce qui est dit en saint
Jean (VI, 54) : "Si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme et ne
buvez son sang, vous n’aurez pas la vie en vous", mais
spirituellement, en participant à sa sagesse, comme il est dit en
l’Ecclésiastique (XXIV, 29) : "Ceux qui me mangent auront encore
faim, et ceux qui me boivent auront encore soif" ; et avec une
joie toute spirituelle, suivant cette parole du Psalmiste (XLI, 5) : "au
milieu des chants d’allégresse et des cris de joie, tels que ceux des
convives d’un grand festin." B) Ensuite l’Apôtre détermine le mode
de cette manducation par la conformité de la vérité à la figure, en disant
(verset 8) : non avec le vieux levain, ni avec le levain de la malice et
de l’iniquité, car c’était une des prescriptions de l’Exode (XII, 15),
qu’on ne trouvât aucun levain dans la maison de ceux qui mangeaient l’agneau
pascal. Or dans le levain, on trouve vieillesse et corruption ; par
l’éloignement du levain, on peut donc entendre : a) d’abord la suppression de l’observance des préceptes
de l’ancienne Loi, qui a perdu toute sa force par la mort de Jésus-Christ,
selon cette parole du Lévitique (XXVI, 40) : "Vous rejetterez les
anciens fruits lorsque les nouveaux arriveront." b) Ensuite on peut y voir
l’éloignement de la corruption du péché, dans le sens expliqué plus haut qu’un
peu de levain aigrit toute la pâte. Quant à ceci, l’Apôtre ajoute (verset
8) : ni avec le levain de la malice et de l’iniquité, en sorte que la
malice se rapporte à la perversité des oeuvres, selon cette parole de saint
Jacques (I, 21) : "C’est pourquoi renonçant à toute impureté et à
tous les genres de malice," et l’iniquité, aux machinations
frauduleuses ; (Prov., XXVI, 25) : "Quand il vous ferait
entendre une voix flatteuse, ne croyez pas en lui, car il y a au fond
de son coeur sept replis d’iniquité" ; ou encore, comme l’entend le
Glose, quand l’Apôtre dit : non avec le vieux levain, il exclut la vie
ancienne du péché en général ; et lorsqu’il ajoute : ni avec le levain de
la malice et de l’iniquité, il désigne le péché par parties, en sorte
qu’il appelle malice le péché qui se commet contre soi-même, et iniquité
celui qu’on commet contre les autres. Ainsi donc, ayant rejeté ce qu’il y a
de répréhensible dans la manducation, l’Apôtre détermine la manière
convenable de la faire, en ajoutant (verset 8) : mais avec les azymes de
la sincérité et de la vérité, c’est-à-dire dans la sincérité et la
vérité, qui sont marquées par le pain azyme. Or la sincérité est opposée à la
corruption du péché, et saint Paul l’a donné à entendre quand il a dit : ni
avec le levain de la malice et de l’iniquité ; car on appelle
sincère ce qui est sans corruption ; (I1 Cor., I, 17) : "Nous ne
sommes pas comme plusieurs qui corrompent la parole de Dieu, mais nous
parlons avec sincérité dans l’esprit de Jésus-Christ." Quant à la
vérité, elle est indiquée par opposition aux figures de la Loi ancienne,
ainsi qu’il est dit (Jean I, 17) : "La grâce et la vérité sont venues
par Jésus-Christ," à savoir parce que nous devons célébrer la
véritable Pâque avec vérité et non en figure. Aussi selon la Glose, on entend
par sincérité l’innocence qui exclut les vices, ou la vie nouvelle, et par
vérité, la justice des oeuvres, ou la droiture qui exclut toute dissimulation. |
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Lectio 3 |
Leçon 3 : 1 Corinthiens V, 9-13 — Fuir les pervers? |
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SOMMAIRE : L’Apôtre explique le sens d’une parole de sa lettre qui avait été mal interprétée ; il indique qui sont ceux dont il faut éviter la société. |
[9] scripsi vobis in epistula ne commisceamini fornicariis [10] non utique fornicariis huius mundi aut avaris aut
rapacibus aut idolis servientibus alioquin debueratis de hoc mundo exisse [11] nunc autem scripsi vobis non commisceri si is qui frater
nominatur est fornicator aut avarus aut idolis serviens aut maledicus aut
ebriosus aut rapax cum eiusmodi nec cibum sumere [12] quid enim mihi de his qui foris sunt iudicare nonne de his
qui intus sunt vos iudicatis [13] nam eos
qui foris sunt Deus iudicabit auferte malum ex vobis ipsis |
9. Je vous
ai écrit dans une lettre : N’ayez pas de commerce avec les fornicateurs ; 10. Ce que
je n’entends pas des fornicateurs de ce monde, non plus que des avares, des
ravisseurs, ou des idolâtres ; autrement il faudrait que vous sortiez de ce
monde. 11. Mais quand
je vous ai écrit de n’avoir pas de commerce avec ces sortes de personnes,
j’ai entendu que si celui qui est du nombre de vos frères est fornicateur, ou
avare, ou idolâtre, ou médisant, ou ivrogne, ou ravisseur, vous ne mangiez
pas même avec lui. 12. Car
pourquoi entreprendrai-je de juger ceux qui sont dehors ? N’est-ce pas de
ceux qui sont dans l'Eglise que vous avez droit de juger ? 13. Dieu
jugera ceux qui sont dehors ; mais pour vous, retranchez le méchant du milieu
de vous. |
[86249] Super 1 Cor., cap. 5 l. 3 Induxerat supra apostolus
Corinthios ad hoc, quod a seipsis peccatorem separarent, quod quidem
praetermiserant propter falsum intellectum cuiusdam verbi, quod continebatur
in epistola quadam, quam eis prius miserat. Et ideo pravum sensum, quem ex
verbis conceperant, nunc excludit. Unde circa hoc tria facit. Primo resumit
verbum prioris epistolae; secundo excludit falsum intellectum, ibi : non
utique fornicariis; tertio exponit verum intellectum, ibi : nunc autem
scripsi vobis. Dicit ergo primo : dixi vobis in epistola
quadam alia, quae in canone non habetur, ne commisceamini fornicariis,
id est, non habeatis cum eis societatem, vel communionem, secundum illud
Prov. I, 15
— fili mi, ne ambules cum eis, prohibe pedem tuum a semitis eorum;
Eccli. IX, 6 —
non des fornicariis animam tuam in ullo. Deinde, cum dicit non utique fornicariis,
excludit falsum intellectum praedicti verbi. Et primo proponit quod intendit;
secundo concludit propositum, ibi alioquin debueratis, et cetera.
Circa primum considerandum est, quod in praedicto verbo apostoli dupliciter
falsum intellectum conceperant Corinthii. Primo quantum ad hoc, quod
intelligebant illud esse dictum de fornicariis infidelibus. Sed illud
excludit apostolus, dicens non utique intendo dicere quod non
commisceamini fornicariis huius mundi. Vocat autem infideles nomine
mundi, secundum quod dicitur Io. I, 10 — mundus eum non cognovit;
supra c. I, 21 — non cognovit mundus per sapientiam Deum. Secundo conceperant falsum intellectum quantum ad
hoc, quod putabant prohibuisse apostolum solum de fornicariis, non autem de
aliis peccatoribus. Et ideo ad hoc excludendum subdit aut avaris, qui
scilicet iniuste detinent aliena. Eph. V, 5 — avaritia, quae est idolorum
servitus, non habet haereditatem in regno Christi et Dei. Aut rapacibus,
qui scilicet violenter diripiunt aliena. Infra eodem : neque rapaces
regnum Dei possidebunt. Aut idolis servientibus, contra quos dicitur Sap.
XIV, 27 — nefandorum enim idolorum cultura omnis malitiae causa est,
initium et finis. Et est sensus : non solum vobis prohibui societatem
fornicatorum, sed etiam omnium aliorum peccatorum. Et est advertendum, quod
per fornicationem quis peccat contra seipsum, per avaritiam autem et
rapacitatem contra proximum, per idolorum autem culturam contra Deum; et in
his, quae ponit, omne peccati genus intelligitur. Deinde cum dicit alioquin, etc., assignat
rationem propositi, dicens alioquin, si scilicet sit intelligendum
verbum praedictum de fornicariis huius mundi, debueratis de hoc mundo
exisse, quia scilicet totus mundus talibus plenus est. Unde non possetis tales fornicarios vitare, nisi
de hoc mundo exeundo. Dicitur enim I Io. V, 19 — totus mundus in maligno
positus est. Vel aliter : debueratis de hoc mundo exisse, quasi dicat : a
tempore conversionis vestrae debueratis ab infidelibus mundi separari. Unde non oportet vos super
hoc moneri; dicitur enim Io. XV, 19
— ego elegi vos de mundo. Vel aliter : debueratis de hoc mundo exisse,
scilicet per mortem. Melius
est enim hominibus mori, quam peccatoribus in peccatis consentire. Unde
dicitur infra IX, 15 — melius est enim mihi mori, quam ut gloriam meam
quis evacuet. Deinde, cum dicit nunc autem scripsi vobis,
exponit eis verum intellectum et primo proponit quod intendit; secundo
rationem assignat, ibi : quid enim mihi est?; Tertio infert
conclusionem intentam, ibi auferte malum, et cetera. Dicit ergo primo : nunc autem sic expono,
quod olim scripsi vobis : non commisceamini, scilicet fornicariis et
aliis peccatoribus. Si is qui, inter vos, frater nominatur, eo
modo quo dominus dicit, Matth. c. XXIII, 8 — omnes vos fratres estis.
Non tamen dicit : si is qui frater est, sed : si is, qui frater nominatur,
quia per peccatum mortale aliquis a charitate recedit, quae est spiritualis
fraternitatis causa. Unde Hebr. ult. dicitur charitas fraternitatis maneat
in vobis. Nominatur ergo frater propter fidei veritatem, non autem est
vere frater, propter charitatis defectum, qui est ex peccato. Unde subditur aut
fornicator, aut avarus, aut idolis serviens, aut maledicus, aut rapax, aut
ebriosus, cum huiusmodi nec cibum sumere, scilicet debetis, secundum
illud Io. II Canon. : si quis venit ad vos, et hanc doctrinam non affert,
nolite eum recipere in domo vestra, nec ave dixeritis ei; quasi dicat :
per hoc quod dixi non debere vos misceri peccatoribus, intellexi de fidelibus
qui nominantur fratres, et sunt inter vos. Non autem per hoc intelligendum
est, sicut dicit Augustinus in libro contra Parmenianum, et habetur in Glossa
hic, quod aliquis extraordinario iudicio debeat a communione aliorum
separari, quia frequenter posset errare, sed potius hoc debet fieri secundum
ordinem Ecclesiae, quando aliquis a communione repellitur, ut convictus, vel
sponte confessus. Et ideo signanter dicit si is qui nominatur, ut eam
nominationem intelligamus, quae fit per sententiam Ecclesiae ordine
iudiciario contra aliquem prolatam. Illi autem qui sic a communione
pelluntur, sunt vitandi quantum ad mensam, sicut hic dicitur, et quantum ad
salutationem, ut dicitur in praedicta auctoritate Ioannis, et ulterius
quantum ad sacram communionem. Unde in versu dicitur : os, orare, vale,
communio, mensa negatur, scilicet excommunicato. Sed notandum quod
apostolus supra non numeravit nisi peccata mortalia, in signum, quod pro solo
peccato mortali debet aliquis excommunicari. Et de aliis quidem quae ponit
manifestum est; sed de ebrietate potest esse dubium, quae non semper videtur
esse peccatum mortale. Dicit enim Augustinus in sermone de Purgatorio, quod
ebrietas, nisi sit frequens, non est peccatum mortale. Quod credo ideo esse,
quia ebrietas ex suo genere est peccatum mortale. Quod enim aliquis propter
delectationem vini velit perdere usum rationis, exponens se periculo multa
alia peccata perpetrandi, videtur esse contrarius charitati. Contingit tamen
per accidens ebrietatem non esse peccatum mortale propter ignorantiam vini
fortitudinis, vel debilitatis proprii capitis, quae tamen excusatio tollitur
per frequentem experientiam : et ideo apostolus signanter non dicit ebrius
sed ebriosus. Addit autem duo peccata his quae supra posuerat,
scilicet ebriosum et maledicum. Refertur autem ebrietas ad genus peccati quod
committitur contra seipsum, sub quo continetur non solum luxuria, sed etiam
gula; maledicus autem refertur ad genus peccati quod committitur contra
proximum, cui nocet aliquis non solum facto, sed etiam verbo, mala
imprecando, vel male diffamando : quod pertinet ad detractionem, vel mala in
faciem dicendo : quod pertinet ad contumeliam, et hoc totum pertinet ad
rationem maledici, ut supra dictum est. Deinde, cum dicit quid enim mihi est,
etc., assignat rationem eius quod dixerat. Et circa hoc tria facit. Primo
assignat rationem, dicens : dixi hoc esse intelligendum de fratribus, et non
de infidelibus. Quid enim mihi est, id est, quid ad me pertinet, iudicare,
id est, sententiam condemnationis ferre, de his qui foris sunt? Id
est, de infidelibus, qui sunt omnino extra Ecclesiam? Praelati enim
Ecclesiarum accipiunt spiritualem potestatem super eos tantum, qui se fidei
subdiderunt, secundum illud I1 Cor. X, 6 — in promptu habentes ulcisci omnem inobedientiam, cum impleta
fuerit vestra obedientia. Indirecte tamen praelati Ecclesiarum habent
potestatem super eos qui foris sunt, inquantum propter eorum culpam prohibent
fideles, ne illis communicent. Secundo adhibet similitudinem, dicens nonne de
his qui intus sunt vos iudicatis? Quasi dicat : eadem auctoritate vos
iudicatis, qua et ego. Unde nec vos non iudicatis nisi de vestris, ita et
ego. Dicitur Eccli. X, 1 — iudex sapiens iudicabit populum suum. Tertio respondet tacitae dubitationi. Posset enim
videri, quod infideles essent meliores, qui propter peccata praedicta non
condemnantur; sed hoc excludit, dicens : ideo nihil mihi de his qui foris
sunt iudicare, nam eos qui foris sunt, id est, infideles, iudicabit
Deus, scilicet iudicio condemnationis, non examinationis; quia, ut
Gregorius dicit in moralibus, infideles damnabuntur sine iudicio discussionis
et examinationis. Et quantum ad hoc dicitur Io. III, 18 — qui non credit,
iam iudicatus est, id est, manifestam in se habet causam condemnationis,
et hoc gravius reservatur Dei iudicio, secundum illud Hebr. X, 31 — horrendum
est incidere in manus Dei viventis. Deinde, cum dicit auferte malum, etc.,
infert conclusionem principaliter intentam, dicens : ex quo hoc quod dixi non
commisceamini fornicariis, intelligendum est de fidelibus, non de his qui
foris sunt. Ergo auferte malum, scilicet hominem, ex vobis ipsis,
id est, de vestra societate eiicite, secundum illud Deut. XIII, 5 — auferes
malum de medio tui. Est ergo considerandum ex praemissis apostoli verbis,
quod non prohibemur communicare infidelibus, qui numquam fidem receperunt
propter eorum poenam. Est tamen hoc cavendum aliquibus, scilicet infirmis,
propter eorum cautelam, ne seducantur. Illi vero qui sunt firmi in fide,
possunt eis licite communicare, et dare operam conversioni eorum, ut dicitur
infra X, 27 — si quis infidelium vocat vos ad caenam et vultis ire, omne
quod appositum fuerit manducate. Infidelibus autem qui aliquando fideles
fuerunt, vel sacramentum fidei receperunt, sicut haereticis et apostatantibus
a fide, subtrahitur omnino communio fidelium, et hoc in eorum poenam, sicut
et caeteris peccatoribus qui adhuc subduntur potestati Ecclesiae. |
Saint Paul,
dans ce qui précède, a exhorté les Corinthiens à retrancher du milieu d’eux
le pécheur, ce qu’ils avaient négligé de faire, par une fausse interprétation
d’une parole contenue dans une lettre que l’Apôtre leur avait adressée
auparavant. Il détruit donc maintenant le sens erroné qu’ils avaient tiré de
ses paroles. A cet effet, I° il répète
ce qu’il avait dit dans cette lettre précédente ; II° il en écarte le sens faux, à ces mots (verset 10) : Ce
que je n’entends pas des fornicateurs de ce monde ; III° il expose le
véritable sens, à ces autres (verset 11) : Quand je vous ai écrit. I° Il dit donc d’abord (verset 9) : Je vous ai dit dans une
autre lettre, qui n’est pas
comprise dans le canon des Ecritures, "Ne vous mêlez pas aux
fornicateurs," c’est-à-dire n’ayez avec eux ni commerce, ni
communion, selon cette parole des Proverbes (I, 15) : "Mon fils, ne
marchez pas avec eux, détournez vos pas de leurs sentiers" ;
(Ecclésiastique IX, 6) : "Ne livrez votre âme en aucune manière à
ceux qui commettent la fornication." II° Lorsqu’il ajoute (verset 10) : Ce que je n’entends pas des
fornicateurs de ce monde, il repousse le sens
faux donné à cette parole citée. I. Il expose
ce qu’il veut établir ; II. il conclut
sa proposition à ces mots (verset 10) : Autrement il vous faudrait, etc. I. Sur le sens de sa
lettre, il faut remarquer que, d’après les expressions que l’Apôtre vient de
citer, les Corinthiens avaient commis une double erreur. 1° D’abord ils entendaient que
l’Apôtre avait parlé des fornicateurs infidèles. Saint Paul repousse donc
d’abord cette interprétation, en disant : non pas cependant que j’aie
voulu dire qu’il ne faut pas que vous ayez de commerce avec les
fornicateurs de ce monde. Or il appelle les infidèles de ce monde, selon
ce qui est dit en saint Jean (I, 10) : "Et le monde ne l’a pas
connu" ; et (ci-dessus, I, 21) : Le monde avec sa propre
sagesse n’a pas connu Dieu. 2° Ils s’étaient trompés en pensant
que l’Apôtre avait porté cette défense seulement à l’égard des fornicateurs
et non des autres pécheurs. Pour écarter cette seconde erreur, saint Paul
ajoute (verset 10) : non plus que les avares, c’est-à-dire ceux qui
retiennent injustement le bien d’autrui ; (Ephés., V, 5) : "L’avarice,
qui est la servitude des idoles, n’aura pas de part dans l’héritage de
Jésus-Christ et de Dieu" ; - ou les ravisseurs,
c’est-à-dire ceux qui enlèvent avec violence ce qui ne leur appartient pas ;
(ci-après VI, 10) : Les ravisseurs ne posséderont pas le royaume de Dieu,
- ou ceux qui servent les idoles, contre lesquels s’élève (Sag., XIV, 27)
: "Car le culte des abominables idoles est la cause, le principe et
la fin de tous les maux." Voici donc le sens de saint Paul : non
seulement je vous ai défendu le commerce avec les fornicateurs, mais encore
avec tous les autres pécheurs. Remarquons que, par la fornication, on pèche
contre soi-même, par l’avarice et la rapacité contre le prochain, et par le
culte des idoles contre Dieu. Cette énumération que fait l’Apôtre comprend
toutes les espèces de péché. II. Lorsque saint Paul
dit (verset 10) : autrement, etc., il donne la raison de sa
proposition. (verset 10) : autrement, c’est-à-dire s’il faut appliquer
la parole précitée aux fornicateurs de ce monde, il vous faudrait sortir
du monde. En effet, ce monde est plein de tels pécheurs, en sorte que, sans
en sortir, vous ne pourriez éviter ces fornicateurs ; car il est dit (I
Jean., V, 19) : "Tout le monde est sous l’empire de l’esprit
malin" ; ou autrement : Il vous faudrait sortir du monde, comme
s’il disait : depuis l’époque de votre conversion, vous devriez être séparés
des infidèles du monde. Il n’est donc pas nécessaire de vous donner cet
avertissement, car il est dit (Jean XV, 19) : "Je vous ai choisis du
milieu du monde" ; ou encore : Il vous faudrait sortir du
monde, c’est-à-dire par la mort ; car il vaut mieux pour les hommes mourir
que de donner son assentiment au péché du pécheur. C’est de là qu’il est dit
(ci-après, IX, 15) : J’aimerais mieux mourir que de souffrir que quelqu’un
me fît perdre cette gloire qui m’appartient. III° Lorsqu’il ajoute (verset 11) : Quand je vous ai écrit, l’Apôtre
expose aux Corinthiens le véritable sens de sa lettre. I. Il dit ce qu’il
veut établir ; II. il en donne
la raison, à ces mots (verset 12) : En effet, pourquoi voudrais-je juger ?
III. Il déduit la
conclusion proposée, à ces autres (verset 13) : Mais retranchez le méchant,
etc. I. Il dit donc d’abord
: Mais maintenant, voici comment j’explique ce que je vous ai
autrefois écrit "de n’avoir pas de commerce," à savoir avec
les fornicateurs et les autres pécheurs, "que si celui qui parmi
vous porte le nom de frère," ainsi que Notre Seigneur disait en saint
Matthieu (XXIII, 8) : "Vous êtes tous frères." Toutefois
l’Apôtre ne dit pas « si celui qui est votre frère », mais « si
celui qui est appelé votre frère » ; car par le péché mortel on
s’éloigne de la charité, qui est le principe de la fraternité spirituelle.
C’est de là qu’il est dit (Hébr., XIII, 1) : "Conservez toujours la
charité entre vos frères." On porte donc le nom de frère à cause de
la vérité de la foi ; mais on n’est pas véritablement frère si le péché a
détruit la charité. Aussi saint Paul ajoute (verset 11) : Et s’il est
fornicateur, ou avare, ou idolâtre, ou médisant, ou adonné à l’ivrognerie, ou
ravisseur du bien d’autrui, ne mangez même pas avec lui, c’est-à-dire
vous devez vous abstenir de manger avec lui, selon cette parole de saint Jean
(II ép., 10) : "Si quelqu’un vient chez vous et n’y porte pas cette
doctrine, ne le recevez pas même dans votre maison et ne le saluez pas" ;
comme s’il disait : En vous écrivant de n’avoir aucun commerce avec les
pécheurs, j’ai voulu vous parler de ceux d’entre les fidèles qui portent le
nom de frères et qui vivent parmi vous ; il ne faut pas entendre, comme saint
Augustin le remarque dans son livre contre Parnénion (liv. III, ch. 8), et comme la Glose le dit
sur ce passage, qu’un pécheur doive être séparé par un jugement
extraordinaire de la communion des fidèles, sur ce motif qu’il peut donner
souvent dans l’erreur ; mais plutôt cette séparation doit se faire, selon
l’ordre de l’Eglise, quand celui qu’il s’agit de séparer de la communion est
convaincu ou s’avoue coupable. Voilà pourquoi saint Paul dit expressément : celui
qui porte le nom de frère, afin de nous faire comprendre qu’il s’agit de
la dénonciation faite par la sentence de l’Eglise et d’après les formes qu’on
suit dans les jugements des accusés. Or on doit éviter ceux qui sont ainsi
retranchés de la communion, quant au fait de manger à la table commune, comme
il est dit ici, et quant à la salutation, comme il est prescrit dans le
passage précité de Jean, et enfin quant à la sainte communion. De là ce verset
: On refuse à l’excommunié le baiser fraternel, la prière, la
salutation, la communion, la table commune. Remarquons que saint Paul n’a
désigné que des péchés mortels, afin de montrer qu’on ne doit excommunier
quelqu’un que pour le seul péché mortel. Cela est évident pour les autres
fautes qu’il a énumérées. Quant à l’ivrognerie, il peut y avoir une difficulté,
car il ne semble pas qu’elle soit toujours un péché mortel. En effet, saint
Augustin dit, dans le Sermon sur
le Purgatoire, que l’ivrognerie, à moins d’être fréquente, n’est
pas péché mortel. La raison, à mon avis, c’est que l’ivrognerie est bien de
soi péché mortel, car lorsque par la délectation que produit le vin on veut
perdre l’usage de la raison, on s’expose au péril de commettre beaucoup
d’autres péchés, ce qui est contre la charité. Cependant il arrive par
accident que l’ivresse ne soit pas péché mortel, soit parce qu’on ne connaît
pas la puissance du vin, par exemple à cause de la faiblesse de l’entendement,
excuse que l’en ne peut toutefois alléguer après une expérience réitérée.
Voilà pourquoi l’Apôtre dit à dessein, non l’homme « ivre », mais adonné
à l’ivrognerie. Il ajoute deux péchés à ceux qu’il avait nommés déjà, à
savoir l’ivrognerie et la médisance. Or l’ivrognerie se rapporte à ce genre
de péchés que l’on commet contre soi-même, classe de péchés qui renferme non
seulement la luxure, mais encore la gourmandise. Quant à la médisance, elle
se rapporte à cette autre espèce de péchés qui se commettent contre le
prochain, à qui on peut nuire non seulement de fait, mais encore en parole,
en souhaitant du mal, ou en diffamant avec mauvaise intention, ce qui
appartient à la détraction, ou en disant du mal en face, ce qui appartient à
la contumélie, c'est-à-dire au fait de dire du mal de quelqu’un en face[2]. Tous ces péchés portent
le caractère de la médisance, comme il a été expliqué plus haut. II. En disant (verset
12) : En effet, pourquoi voudrais-je juger ? saint Paul assigne la
raison de ce qu’il avait dit. 1° Il énonce
cette raison en ces termes : J’ai dit que ceci doit être entendu de ceux qui
portent le nom de frères, et non des infidèles. En effet, pourquoi
voudrais-je, c’est-à-dire en quoi m’appartient-il de juger, en
d’autres termes, de porter une sentence de condamnation sur ceux qui sont
dehors ? à savoir les infidèles, qui sont entièrement hors de l'Eglise.
Car les chefs des Eglises reçoivent la puissance spirituelle sur ceux-là
seulement qui se sont soumis à la foi, selon cette parole de la 2° épître aux Corinthiens (X, 6) : "Ayant
en main le pouvoir de châtier toute désobéissance, après que vous aurez
satisfait vous-mêmes à ce que demande de vous l’obéissance." Cependant
les chefs des Eglises ont indirectement puissance sur ceux qui sont dehors,
en tant qu’ils défendent aux fidèles de communiquer avec eux, à cause de leur
faute. 2° L’Apôtre
emploie une comparaison, en disant (verset 12) : Ne sont-ce pas ceux qui
sont dans l’Eglise que vous avez droit de juger ? comme s’il disait :
l’autorité avec laquelle vous jugez est la même que la mienne ; si donc vous
ne jugez vous-mêmes que les vôtres, ainsi en est-il de moi, car il est dit
(Ecclésiastique X, 1) : "Le juge sage jugera son peuple." 3° Il répond tacitement à une
difficulté. Il pourrait sembler que les infidèles seraient dans une condition
meilleure, eux qui ne seraient pas condamnés pour les péchés dont il a été
parlé. Mais saint Paul repousse cette interprétation en disant : Je ne
m’arroge donc point de juger ceux qui sont dehors ; car ceux qui sont
tels, c’est-à-dire les infidèles, Dieu les jugera, à savoir d’un
jugement de condamnation et non de délibération, parce que, comme dit saint
Grégoire dans ses Morales,
les infidèles seront condamnés sans jugement de discussion et d’examen. C’est
pour cela qu’il est dit (Jean III, 18) : "Celui qui ne croit pas est
déjà jugé," c’est-à-dire il a en lui une cause manifeste de
condamnation. Et cela, en raison de sa gravité, est réservé au jugement de
Dieu, selon cette parole (Hébr., X, 31) : "Il est terrible de tomber
entre les mains du Dieu vivant." III. Lorsqu’enfin il
ajoute (verset 13) : Mais retranchez le méchant, saint Paul déduit la
conclusion qu’il avait principalement en vue, en disant : dès lors que ce que
j’ai dit : ne vous mêlez pas aux fornicateurs, doit être entendu des
fidèles et non de ceux qui sont hors l’Eglise (verset 13) : retranchez
donc le méchant, c’est-à-dire le pécheur du milieu de vous ; en
d’autres termes, rejetez-le de votre société, selon cette parole du
Deutéronome (XIII, 5) : "Vous ôterez le mal du milieu de vous."
Il faut donc conclure des paroles de saint Paul qu’il ne nous est pas
interdit de communiquer avec les infidèles qui n’ont pas encore, pour leur châtiment,
reçu la foi ; cependant quelques personnes faibles doivent s’en garder pour
leur propre sûreté, de peur que ces personnes faibles ne se laissent séduire.
Quant à ceux qui sont fermes dans la foi, ils peuvent licitement communiquer
avec eux et s’occuper de leur conversion, comme il est dit plus loin (X, 27) :
Si un infidèle vous invite à manger chez lui, et que vous vouliez répondre
à cette invitation, mangez de tout ce qui sera servi. Pour les infidèles
qui ont été autrefois fidèles, ou qui ont reçu le sacrement de la foi, tels
que les hérétiques et les apostats, on leur interdit entièrement la communion
des fidèles, et cela comme châtiment, ainsi qu’on le fait à l’égard des
autres pécheurs, qui sont encore sous la puissance de l’Eglise. |
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Caput 6 |
CHAPITRE VI — LES PROCÈS ENTRE CHRÉTIENS |
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Lectio 1 |
Leçon 1 : 1 Corinthiens VI, 1-6 — Les tribunaux dans l'Eglise |
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SOMMAIRE : L’Apôtre reproche aux Corinthiens de s’être soumis à la juridiction des païens et d’avoir délaissé les tribunaux des fidèles, tandis que les fidèles jugeront les anges eux-mêmes. |
[1] audet aliquis vestrum habens negotium adversus alterum
iudicari apud iniquos et non apud sanctos [2] an nescitis quoniam sancti de mundo iudicabunt et si in
vobis iudicabitur mundus indigni estis qui de minimis iudicetis [3] nescitis quoniam angelos iudicabimus quanto magis
saecularia [4] saecularia igitur iudicia si habueritis contemptibiles qui
sunt in ecclesia illos constituite ad iudicandum [5] ad verecundiam vestram dico sic non est inter vos sapiens
quisquam qui possit iudicare inter fratrem suum [6] sed
frater cum fratre iudicio contendit et hoc apud infideles |
1. Comment
se trouve-t-il quelqu’un parmi vous qui, ayant un différend avec son frère,
ose l'appeler en jugement devant les méchants et non pas devant les saints ? 2. Ne
savez-vous pas que les saints doivent un jour juger le monde ? Que si vous
devez juger le monde, êtes-vous indignes de juger des moindres choses ? 3. Ne
savez-vous pas que nous serons les juges des anges mêmes ? Combien plus le
devons-nous être de ce qui ne regarde que la vie présente ! 4. Si donc
vous avez des différends touchant les choses de cette vie, prenez pour juges
les moindres personnes de l'Eglise. 5. Je vous
le dis pour vous faire confusion. Est-il possible qu'il ne se trouve pas
parmi vous un seul homme sage qui puisse être juge entre ses frères ? 6. Mais on
voit un frère plaider contre son frère, et cela devant des infidèles ! |
[86250] Super 1 Cor., cap. Dicit ergo primo : ita negligitis in iudicando
vestros, sed tamen praesumptuosi estis subire infidelium iudicia, et hoc est
quod dicit audet, id est, praesumit, aliquis vestrum habens
negotium, scilicet saeculare, adversus alium, iudicari apud iniquos,
id est, subire iudicium infidelium, et non apud sanctos, id est, apud
fideles, qui sunt sacramentis fidei sanctificati. Hoc enim est inordinatum
multipliciter. Primo quidem, quia per hoc derogatur auctoritati fidelium;
secundo, quia derogatur dignitati fidelium quantum ad hoc quod infidelium
iudicia subeunt; tertio quia per hoc datur occasio infidelibus iudicibus
contemnendi fideles, quos dissentire vident; quarto, quia per hoc datur
occasio infidelibus iudicibus calumniandi et opprimendi fideles, quos odio
habent propter fidem et ritus diversitatem. Et ideo dicitur Deut. I, v. 15 s.
: tuli de tribubus vestris viros sapientes et nobiles, praecepique eis,
dicens : audite illos, et quod iustum est iudicate. Et eod. XVII, 15 — non
poteris alterius gentis facere regem, qui non sit frater tuus. Sed videtur esse contra id quod dicitur I Petr.
II, 13 — subditi estote omni humanae creaturae propter Deum, sive regi
tamquam praecellenti, sive ducibus tamquam ab eo missis : pertinet enim
ad auctoritatem principis iudicare de subditis. Est ergo contra ius divinum
prohibere quod eius iudicio non stetur, si sit infidelis. Sed dicendum quod
apostolus non prohibet, quin fideles, sub infidelibus principibus constituti,
eorum iudicio compareant, si vocentur, hoc enim esset contra subiectionem,
quae debetur principibus; sed prohibet quod fideles non eligant voluntarie
infidelium iudicium. Deinde cum dicit an nescitis, etc.,
assignat rationem contra id, quod illi faciebant, sumptam ex hoc, quod
derogabant auctoritati sanctorum. Et primo quantum ad auctoritatem quam
habent super res mundanas; secundo quantum ad auctoritatem quam habent ad res
supermundanas, id est, super Angelos, ibi an nescitis, quoniam Angelos
iudicabimus? Dicit ergo primo : inordinatum est iudicium apud
infideles, quia fideles habent auctoritatem iudicandi, an nescitis, quia
sancti de hoc mundo iudicabunt, id est, de hominibus mundanis huius
mundi? Quod quidem impletur tripliciter. Primo quidem secundum comparationem,
scilicet secundum quod non solum boni iudicabunt malos, et sancti mundanos;
sed etiam secundum quod boni iudicabuntur a melioribus, et mali iudicabunt
peiores, secundum illud Matth. c. XII, 41 — viri Ninivitae surgent in
iudicio cum generatione ista, et condemnabunt eam. Secundo iudicabunt approbando sententiam iudicis,
scilicet Christi, et hoc erit proprie iustorum, secundum illud Ps. : laetabitur
iustus cum viderit vindictam. Unde Sap. III, 8 dicitur : iudicabunt
sancti nationes. Tertio modo per sententiae prolationem. Et hoc
erit apostolorum et similium, qui contemptis rebus mundi, solis spiritualibus
inhaeserunt. Spiritualis enim iudicat omnia, ut dictum est supra II, 15. Unde
et Matth. c. XIX, 28 dicitur : vos qui secuti estis me, sedebitis super
sedes, iudicantes duodecim tribus Israel. Et in Ps. CXLIX, 6 s.
dicitur : gladii ancipites in manibus eorum, ad faciendam vindictam in
nationibus. Intelligitur autem ista prolatio sententiae non vocalis, sed
spiritualis, inquantum per superiores sanctos inferiores vel etiam peccatores
spirituali quadam illuminatione illuminabuntur, quales poenae, et qualia
praemia eis debeantur : sicut etiam nunc homines illuminantur ab Angelis, vel
etiam inferiores Angeli a superioribus. Secundo ex hoc, quod dictum est, argumentatur ad
propositum, dicens et si in vobis, id est, per vos, iudicabitur
mundus, id est, mundani homines, numquid indigni estis, qui iudicetis
de minimis, scilicet de negotiis saecularibus, Lc. XVI, 10 — qui in
modico iniquus est, et in maiori iniquus erit. Deinde cum dicit nescitis, etc.,
argumentatur ad idem ex auctoritate sanctorum super Angelos. Et primo ponit
eam, dicens an nescitis, quoniam nos, scilicet fideles Christi, iudicabimus
Angelos? Quod quidem potest intelligi de malis Angelis, qui
condemnabuntur a sanctis, quorum virtute sunt victi. Unde dominus, Lc. X, 19,
dicit : ecce dedi vobis potestatem calcandi super serpentes, et super
omnem virtutem inimici. Et in Ps. XC, 13 — super aspidem et basiliscum
ambulabis. Potest etiam hoc intelligi de bonis Angelis, quorum plurimi in
comparatione quadam invenientur Paulo et similibus sibi inferiores. Unde
signanter non dicit : iudicabitis, sed iudicabimus. Quamvis etiam dici
possit, quod ex consequenti, si sancti iudicabunt homines bonos et malos,
erit iudicium de bonis Angelis, quorum accidentale praemium augetur ex
praemio sanctorum per Angelos illuminatorum, et etiam de malis Angelis,
quorum poena augetur ex poena hominum per eos seductorum. Secundo argumentatur ad propositum, dicens quanto
magis saecularia, scilicet iudicia, idonei erimus iudicare : qui enim est
idoneus ad maiora, multo magis est idoneus ad minora. Unde et dominus, cui
commiserat quinque talenta, postmodum commisit unum, ut habetur Matth. XXV, 28. Deinde cum dicit saecularia igitur iudicia, adhibet remedium
contra culpam eorum. Et primo ponit remedium; secundo exponit, ibi ad
verecundiam vestram dico. Dicit ergo primo : ergo ex quo sancti de hoc mundo iudicabunt, si
habueritis inter vos saecularia iudicia, quae tamen habere non debetis, illos
qui sunt contemptibiles in Ecclesia constituite ad iudicandum, potius
scilicet quam iudicemini apud infideles. Unde et in Ps. CXL, 5 dicitur : corripiet
me iustus in misericordia, et increpabit me, oleum autem peccatoris non
impinguet caput meum. Et Eccle. IX, 4 dicitur : melius est canis vivus leone mortuo. Deinde cum dicit ad verecundiam vestram dico, exponit quo sensu
praedicta dixit. Posset
enim aliquis credere, quod ad litteram essent eligendi contemptibiliores ad
iudicandum; sed hoc excludit, dicens ad verecundiam vestram dico. Quasi dicat : non hoc dixi
ut ita fiat, sed ut vos faciam verecundari, illa scilicet confusione, quae
adducit gratiam et gloriam, ut dicitur Eccli. IV, 25. Contemptibiles enim in
Ecclesia essent eligendi ad iudicandum, si non invenirentur inter vos
sapientes, quod esset vobis verecundum. Unde subdit sic non est inter vos
sapiens quisquam, qui possit iudicare inter fratrem et fratrem, sed frater
cum fratre in iudicio contendit, et hoc apud infideles? Potius autem quam
hoc faceretis, deberetis constituere contemptibiles, qui sunt in Ecclesia, ad
iudicandum et supplendum defectum sapientum, qui tamen non est apud vos,
secundum illud quod supra primo, dixerat : divites facti estis in illo, in
omni verbo et in omni scientia. Vel aliter ab illo loco saecularia,
et cetera. Dixerat enim, quod sancti idonei sunt ad iudicandum saecularia, et
ideo vult ostendere per quos iudicia saecularia debeant exerceri, scilicet
per contemptibiles qui sunt in Ecclesia. Vocat autem contemptibiles illos,
qui sunt sapientes in rebus mundanis, per comparationem ad illos, qui sunt
sapientes in rebus divinis, quibus est reverentia exhibenda, qui in rebus
temporalibus non occupantur, ut solis spiritualibus vacent. Et hoc est quod subditur ad
verecundiam vestram dico; secundum aliam litteram : ad reverentiam
vestram. Unde et
apostoli dixerunt Act. c. VI, 2 — non est aequum relinquere nos verbum
Dei, et ministrare mensis. Postmodum autem redit ad id quod supra
reprehenderat, scilicet quod Corinthii sub infidelibus iudicibus litigabant,
dicens sic non est inter vos sapiens quisquam, scilicet in rebus
temporalibus, quem supra contemptibilem dixit. Unde alia non mutantur a prima
expositione, quae tamen videtur esse magis litteralis. |
Saint Paul
avait, dans le chapitre précédent, repris les Corinthiens de leur négligence
à juger ; il reprend en eux ici quelques autres manquements relativement aux
jugements. Et d’abord, quant aux juges devant lesquels ils contestaient,
ensuite quant aux jugements eux-mêmes, à ces mots (verset 7) : Vous êtes
déjà tout à fait répréhensibles. Sur le premier de ces points : I° il les accuse de renverser l’ordre ;
II° il donne la raison
de sa réprimande, à ces mots (verset 2) : Ne savez-vous pas ?, etc. ;
III° il indique
le remède, à ces autres (verset 4) : des procès sur les affaires de ce
monde. I° Il dit donc
: C’est ainsi que vous négligez de juger vos frères, et cependant vous vous
soumettez sans crainte aux jugements des infidèles. C’est ce qui lui fait
dire (verset 1) : il ose, c’est-à-dire il présume celui d’entre
vous qui a un différend, à savoir pour des intérêts du siècle, contre
un autre, l’appeler en jugement devant les méchants, c’est-à-dire
au tribunal des infidèles, et non pas devant les saints, en d’autres
termes devant les fidèles, qui sont sanctifiés par les sacrements de la foi.
C’est là un désordre à différents points de vue : d’abord, parce que c’est
déroger à l’autorité des fidèles ; ensuite, parce que c’est déroger à leur
dignité de leur faire subir le jugement des infidèles ; en troisième lieu,
parce que c’est donner occasion aux juges infidèles de mépriser les fidèles
de Jésus-Christ en les voyant se disputer ; enfin parce que c’est aussi
donner occasion aux juges infidèles de calomnier et d’opprimer les fidèles,
qu’ils ont en haine à cause de la foi et de la diversité des cultes. Voilà
pourquoi il est dit (Deut., I, 15) : "J’ai pris dans vos tribus des
hommes sages et nobles, et je les ai mis à votre tête, en disant : Ecoutez
ceux-ci, et jugez selon la justice" ; et au même livre
(XVII, 15) : "Vous ne pourrez recevoir d’une autre nation un roi qui
ne soit votre frère." Mais ceci
parait contredit par ce qu’on lit (I Pierre, II, 13) : "Soyez soumis,
pour l’amour de Dieu,à toute institution humaine, soit au prince comme au
souverain, soit aux officiers envoyés par lui" car il appartient à
l’autorité du prince de juger ses sujets. C’est donc aller contre le droit
divin que d’interdire l’appel au juge parce qu’il est infidèle. Il faut
répondre que l’Apôtre ne défend pas aux fidèles soumis à des princes
infidèles de comparaître à leur tribunal, s’ils y sont appelés ; car ce
serait manquer à la soumission due au prince ; mais il défend que les fidèles
choisissent volontairement pour juges des infidèles. II° Lorsqu’il dit (verset 2) : Ne savez-vous pas, etc.? saint Paul
oppose à la conduite des Corinthiens une raison tirée de ce qu’ils
dérogeaient à l’autorité des saints : I. quant à l’autorité qu’ils ont sur les choses de ce
monde ; II. quant à celle qu’ils ont sur les choses surnaturelles, c’est-à-dire sur
les anges, à ces mots (verset 3) : Ne savez-vous pas que nous serons juges
des anges ? I. Il dit donc : C’est
un désordre que le jugement par les infidèles, car les fidèles ont l’autorité
nécessaire pour juger (verset 2) : Ne savez-vous pas que les saints
doivent un jour juger ce monde ? c’est-à-dire les mondains qui
l’habitent. Ceci s’accomplit de trois manières : 1° par comparaison, en tant que non
seulement les bons jugeront les méchants, et les saints les hommes du monde,
mais encore en tant que les meilleurs jugeront les bons, et les méchants ceux
qui sont pires, selon cette parole (Matth, XII, 4) : "Les hommes de
Ninive se lèveront au jour du jugement contre cette génération, et la
condamneront." 2° Les fidèles jugeront en approuvant
la sentence du juge, c’est-à-dire de Jésus-Christ. Ce sera particulièrement
l’office des justes, selon cette parole du Psalmiste (LVII, 11) : "Le
juste se réjouira au jour de la vengeance." C’est ainsi qu’on lit
encore (Sag., III, 8) : "Les saints jugeront les nations." 3° En portant la sentence. Ce sera la
gloire des apôtres et de ceux qui, de la même façon que les apôtres, ont
méprisé ce que donne le monde pour n’attacher leurs coeurs qu’aux biens
spirituels ; (ci-dessus, II, 15) : Car celui qui est spirituel juge de
tout. Voilà pourquoi on lit encore (Matth., XIX, 28) : "Vous qui
m’avez suivi, vous serez assis sur des trônes, jugeant les douze tribus
d’Israël" ; et (Psaume CXLIX, 6) : "Ils ont des glaives
à deux tranchants pour exercer la vengeance sur les nations."
Toutefois, il faut se figurer que cette sentence n’est pas proférée de vive
voix, mais spirituellement, en tant que les saints d’une sainteté supérieure
refléteront sur les saints d’une sainteté inférieure, et même sur les
pécheurs, une sorte de lumière dans laquelle ces derniers verront quelles
peines ou quelles récompenses ils méritent : de même que, pendant cette vie,
les hommes sont éclairés par les anges, et les anges inférieurs par des anges
d’une hiérarchie supérieure. En second lieu, l’Apôtre, de ce qui précède,
argumente pour établir sa proposition, en disant (verset 2) : Et si en
vous, c’est-à-dire par vous, le monde, ou les mondains, est jugé,
êtes-vous indignes de juger ce qui est moindre ? c’est-à-dire les choses
du siècle ; (Luc, XVI, 10) : "Celui qui est injuste dans les
petites choses l’est aussi dans les grandes." II. En ajoutant (verset
3) : Ne savez-vous pas, etc.? saint Paul argumente de la même manière
de l’autorité des saints sur les anges. 1° Il rappelle cette autorité, en
disant (verset 3) : Ne savez-vous pas que nous, c’est-à-dire les
fidèles de Jésus-Christ, nous serons juges des anges ? Ces paroles
peuvent s’entendre des mauvais anges, qui seront condamnés par les saints,
dont la vertu les a vaincus. C’est pourquoi le Seigneur a dit (Luc, X, 19) : "Voilà
que je vous ai donné puissance de marcher sur les serpents et sur toute la
force de l’ennemi." et (Psaume XC, 13) : "Vous marcherez sur
l’aspic et le basilic." On peut également l’entendre des bons anges,
dont plusieurs, en quelques points, seront reconnus comme inférieurs à saint
Paul et à ceux qui lui ressemblent. Aussi l’Apôtre dit-il à dessein, non pas « vous
jugerez », mais nous jugerons, bien qu’on puisse dire
aussi que si les saints jugeront les hommes bons ou méchants, les bons anges
seront aussi jugés, parce que leur récompense accidentelle recevra un accrois-sement
en rapport avec la récompense des saints qu’ils auront éclairés ; de même
pour les mauvais anges, dont le châtiment recevra une augmentation en rapport
avec le châtiment des hommes qu’ils auront séduits. 2° L’Apôtre argumente ensuite en
faveur de sa proposition, en disant (verset 3) : combien plus serons-nous
juges des choses du siècle ! c’est-à-dire de ses jugements. Car celui
qui est apte aux grandes choses l’est bien davantage pour ce qui est moindre ;
aussi est-il rapporté (Matthieu XXV, 28) que le Maître, après la reddition
des comptes, confia le talent du serviteur pauvre à celui qui en avait déjà
reçu cinq. III° Lorsque
l’Apôtre dit (verset 4) : Si donc vous
avez des procès sur les affaires du siècle, il indique
le remède de la faute des Corinthiens. I. II indique ce remède; II. il l'explique, à ces mots (verset 5) : Je le dis à
votre confusion. I. Il dit donc :
Puisque les saints jugeront le monde, si vous avez entre vous des procès pour
les choses du monde, procès que vous ne devriez même pas avoir, plutôt que
d’être jugés devant les infidèles, choisissez pour juges ceux qui tiennent le
dernier rang dans l’Eglise. C’est pour cela qu’il est écrit (Psaume
CXL, 5) : "Que le juste, dans sa miséricorde, me reprenne et me
corrige ; mais que l’huile du pécheur ne soit pas répandue sur ma tête" ;
et (Ecclésiastique IX, 4) : "Mieux vaut un chien vivant qu’un lion
mort![3]". II. En ajoutant (verset
5) : Je le dis à votre confusion, l’Apôtre explique dans quel sens il
vient de parler. On aurait pu croire, en effet, qu’à la lettre on devait
choisir ceux qui étaient au dernier rang pour les constituer juges ; mais saint
Paul repousse cette interprétation, en disant (verset 5) : Je le dis à
votre confusion, comme s’il disait : Je n’ai point parlé de cette manière
pour que vous agissiez ainsi, mais pour vous faire rougir, c’est-à-dire pour
vous inspirer cette confusion qui produit la grâce et la gloire (Ecclésiastique
IV, 25) ; car il faudrait choisir pour juges, dans l’Eglise, ceux qui sont au
dernier rang, si l’on ne pouvait trouver parmi vous des sages, ce qui serait
pour vous un sujet de confusion. Il ajoute donc (V, 5) : Est il possible
qu’il ne se trouve pas parmi vous un seul homme sage qui puisse juger entre
le frère et le frère ? Mais on voit un frère plaider contre son frère, et
cela devant des infidèles ! Or, plutôt que d’agir ainsi, vous auriez dû
choisir même les plus méprisables de l’Eglise pour juger et suppléer les
sages qui vous manquent ; mais vous n’en êtes pas réduits là, d’après ce qui
précède (ci-dessus, I, 5) : Vous avez été comblés de richesses en Jésus-Christ
par sa parole et par sa science. On peut encore donner un autre sens, à
partir de ces mots (verset 4) : [Si donc vous avez des procès] sur les
affaires de ce monde, etc., car l’Apôtre avait dit que les saints
devaient être capables de juger des choses du monde, et pour cette raison il
veut faire voir par qui doivent être portés les jugements sur les affaires du
monde, à savoir par ceux qui tiennent le dernier rang dans l’Eglise. Or il
qualifie ainsi ceux qui sont sages dans les affaires du monde, en les
comparant à ceux qui sont sages dans les choses divines, et auxquels on doit
donner cette marque de respect, de ne pas les occuper des choses temporelles,
afin qu’ils ne vaquent qu’aux choses spirituelles. C’est pour cela qu’il
ajoute (verset 5) : Je le dis à votre confusion, ou, selon une autre
version, pour le respect que je vous porte. C’est pour une raison
analogue que les apôtres disent (Act., VI, 2) : "Il n’est pas juste
que nous abandonnions la parole de Dieu pour le service des tables."
Enfin il revient à ce qu’il avait repris plus haut, à sa- voir que les
Corinthiens plaidaient devant des juges infidèles, en disant : Ainsi on ne
trouve pas parmi vous un seul homme sage, à savoir dans les choses de ce
monde : c’est celui qu’il appelait tout à l’heure le moindre. Le reste ne
diffère point de la première explication, qui paraît toutefois plus conforme
à la lettre. |
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Lectio 2 |
Leçon 2 : 1 Corinthiens VI, 7-13 — Ne pas se déchirer en procès |
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SOMMAIRE : L’Apôtre réprimande les Corinthiens de ce qu’ils ont des procès entre eux ; il les exhorte à souffrir plutôt l’injure, et conclut que tout ce qui est permis n’est pas toujours avantageux. |
[7] iam quidem omnino delictum est in vobis quod iudicia
habetis inter vos quare non magis iniuriam accipitis quare non magis fraudem
patimini [8] sed vos iniuriam facitis et fraudatis et hoc fratribus [9] an nescitis quia iniqui regnum Dei non possidebunt nolite
errare neque fornicarii neque idolis servientes neque adulteri [10] neque molles neque masculorum concubitores neque fures
neque avari neque ebriosi neque maledici neque rapaces regnum Dei possidebunt [11] et haec quidam fuistis sed abluti estis sed sanctificati
estis sed iustificati estis in nomine Domini nostri Iesu Christi et in
Spiritu Dei nostri [12] omnia mihi licent sed non omnia expediunt omnia mihi
licent sed ego sub nullius redigar potestate [13] esca
ventri et venter escis Deus autem et hunc et haec destruet corpus autem non
fornicationi sed Domino et Dominus corpori |
7. C’est
déjà certainement un péché parmi vous que d’avoir des procès les uns contre
les autres. Pourquoi ne souffrez-vous pas plutôt les injustices ? Pourquoi ne
souffrez-vous pas plutôt qu’on vous trompe ? 8. Mais
c’est vous-mêmes qui faites le tort, c’est vous qui trompez, et cela à
l’égard de vos propres frères ! 9. Ne
savez-vous pas que les injustes ne seront pas héritiers du royaume de Dieu ?
Ne vous y trompez pas, ni les fornicateurs, ni les idolâtres, ni les
adultères, 10. Ni les
impudiques, ni les abominables, ni les voleurs, ni les avares, ni les
ivrognes, ni les médisants, ni les ravisseurs ne seront héritiers du royaume
de Dieu. 11. Voilà
ce que vous avez été ; mais vous avez été lavés, mais vous avez été
sanctifiés, mais vous avez été justifiés au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ
et dans l’Esprit de notre Dieu. 12. Tout
m’est permis, mais tout n’est pas avantageux; tout m’est permis, mais je ne
me rendrai l’esclave de quoi que ce soit. 13. La
nourriture est pour l’estomac, et l’estomac pour la nourriture ; mais un jour
Dieu détruira l’un et l’autre... |
[86251] Super 1 Cor.,
cap. Circa primum duo facit : primo ponit
reprehensionem; secundo removet excusationem, ibi quare non magis, et
cetera. Dicit ergo primo : dictum est, quod frater cum fratre in iudicio
contendit, quod non solum malum est quod apud infideles contenditis, sed iam
quidem, post conversionem vestram, omnino delictum est in vobis,
id est, ad delictum vobis reputatur, quod iudicia habetis inter vos,
inter quos scilicet debet esse pax : quia, ut dicitur II Tim. II, 24, servum
domini non oportet litigare, sed mansuetum esse ad omnes. Apparet autem ex hoc, ut dicit hic Glossa
Augustini, quod peccatum est iudicium habere contra aliquem, sed hoc
videtur esse falsum : quia si peccatum est iudicium habere, videtur sequi
quod etiam peccatum sit iudices constituere, cum hoc sit occasionem dare
iudicium habentibus, cum tamen dicatur Deut. I, 16 — audite illos, et quod
iustum est iudicate, et postea subditur, quia Dei iudicium est. Solvitur enim in Glossa
quod infirmis permittitur in iudicio sua repetere, non autem perfectis :
quibus licet sua repetere, sed non in iudicio. Est autem sciendum hic, quod
aliquid est perfectis illicitum, aliquid autem omnibus. Perfecti quidem
proprium non habent, secundum illud Matth. XIX, 21 — si vis perfectus
esse, vade et vende omnia quae habes, et da pauperibus, et veni, sequere me;
et ideo non licet eis in iudicio repetere quasi propria, cum eis non liceat
habere proprium, licet tamen eis in iudicio repetere ea quae sunt communia.
Non enim hoc faciendo peccant, sed magis merentur. Est enim opus charitatis
defendere vel recuperare res pauperum, secundum illud Ps. LXXXI, 4 — eripite
pauperem, et egenum de manu peccatoris liberate. Sed iudicium adversus
aliquem est illicitum omnibus quantum ad tria. Primo quidem quantum ad causam ex qua aliquis
iudicium habet, puta ex cupiditate et avaritia. Unde, Lc. XII, 13, cum quidam
de turba domino dixisset : dic fratri meo ut dividat mecum haereditatem,
dominus dixit : quis me constituit iudicem ad dividendum inter vos?
Postea subdit : videte et cavete ab omni avaritia. Secundo quantum ad modum iudicii, quia scilicet
cum contentione et detrimento pacis iudicium prosequuntur; ut enim dicitur
Iac. c. III, 16, ubi zelus et contentio, ibi inconstantia et omne opus
pravum. Et hoc videtur apostolus in eis reprehendere, ut patet ex hoc
quod supra dixit : frater cum fratre in iudicio contendit. Tertio ex perversitate iudicii, puta cum aliquis iniuste et
fraudulenter in iudicio procedit, secundum illud Is. X, 2 — ut opprimerent
pauperem, et vim facerent causae humilium populi mei. Et hoc etiam apostolus in
eis reprehendit, ut patet per id quod subdit : sed vos iniuriam facitis.
Quarto propter scandalum quod sequitur. Unde et
dominus mandat, Matth. V, 40 — qui vult tecum in iudicio contendere, et
tunicam tuam tollere, dimitte ei et pallium. Ex charitate vero, sua in
iudicio repetere licitum est. Unde Gregorius dicit in moralibus : cum
curam rerum nobis necessitas imponit, quidam dum ea repetunt, solummodo sunt
tolerandi : quidam vero servata charitate sunt prohibendi, scilicet ne
rapientes non sua, semetipsos perdant. Deinde cum dicit quare non magis, etc.,
tollit excusationem. Possent enim dicere : necessitas nos inducit ad iudicia
habenda, ut scilicet resistamus iniuriis et fraudibus aliorum; sed hoc
excludit, subdens, quantum ad primum, quare non magis iniuriam,
scilicet manifestam, accipitis, scilicet patienter sustinendo,
secundum illud quod dominus dicit, Matth. V, 39 — si quis te percusserit
in maxillam, praebe ei et alteram. Quantum vero ad secundum subdit quare
non magis fraudem patimini, id est, dolosam seductionem, secundum illud
Matth. V, 41 — si quis te angariaverit mille passus, vade cum illo et alia
duo. Sed, sicut Augustinus dicit in libro de sermone domini in monte,
haec praecepta domini non sunt semper observanda in executione operis, sed
semper sunt habenda in praeparatione animi, ut scilicet simus parati hoc
facere vel sustinere potius, quam aliquid agere contra charitatem fraternam. Deinde cum dicit sed vos, etc.,
reprehendit in eis id quod est omnino illicitum. Et primo arguit in eis
manifestam iniustitiam, cum dicit sed vos iniuriam facitis, scilicet
manifeste loquendo contra iustitiam aliorum, vel in iudicio, vel extra
iudicium. Eccli. IX, 17 — non placeat tibi iniuria iniustorum. Secundo dolosam deceptionem, cum subdit et
fraudatis, Prov. XII, 5 — consilia impiorum fraudulenta. Tertio aggravat utrumque, cum subdit et hoc
fratribus, id est, fidelibus, ad quos debemus bonum maxime operari,
secundum illud Gal. ult. : dum tempus habemus, operemur bonum ad omnes;
maxime autem ad domesticos fidei. Et ideo contra quosdam dicitur Ier. IX,
4 — omnis frater supplantans, supplantabit, et omnis amicus fraudulenter
incedet. Deinde, cum dicit an nescitis, etc.,
manifestat quod dixerat. Et primo, quantum ad id quod est omnino illicitum;
secundo, quantum ad id quod est licitum, sed non expediens, ibi omnia mihi
licent. Circa primum duo facit.
Primo movet quaestionem; secundo determinat eam, ibi nolite errare, et
cetera. Dicit ergo primo : dixi quod vos iniuriam facitis, et defraudatis,
quod est iniquitatem committere, sed an nescitis quod iniqui regnum Dei
non possidebunt? Quasi
dicat : videmini haec nescire, dum ab iniquitate non receditis, cum tamen in
Ps. VI, 9 et Matth. VII, 23 dicatur : discedite a me, omnes qui operamini
iniquitatem. Deinde, cum dicit nolite errare, etc.,
determinat veritatem. Et primo ostendit periculum quod imminet iniquis;
secundo ostendit quomodo ipsi hoc periculum evaserunt, ut timeant iterum in
ipsum incidere, ibi et hoc quidem aliquando fuistis, et cetera. Dicit ergo primo : nolite errare, quod
signanter dicit, quia circa impunitatem peccatorum aliqui multipliciter
errabant, secundum illud Sap. II, 21 — et cogitaverunt, et erraverunt.
Quidam enim philosophi erraverunt credentes Deum non habere curam rerum
humanarum, secundum illud Soph. I, 12 — non faciet dominus bene, et non
faciet dominus male. Quidam vero credentes solam fidem sufficientem
esse ad salutem, secundum illud Io. XI, 26 — qui credit in me, non
morietur in aeternum. Quidam
vero credentes per sola Christi sacramenta salvari, propter id quod dicitur
Mc. ult. : qui crediderit et baptizatus fuerit, salvus erit, et Io. c.
VI, 55 — qui manducat meam carnem, et bibit meum sanguinem, habet vitam
aeternam. Quidam vero propter sola
opera misericordiae se impune peccare arbitrantur, propter illud quod dicitur
Lc. XI, 41 — date eleemosynam, et ecce omnia munda sunt vobis. Nec
intelligunt quod haec omnia sine charitate non prosunt, secundum illud quod
dicitur infra XIII, 2 s. : si habuero omnem fidem, et distribuero in cibos
pauperum omnes facultates meas, charitatem autem non habuero, nihil mihi
prodest. Et ideo subdit quod peccata contraria charitati a regno Dei
excludunt, in quod sola charitas introducit, dicens neque fornicarii,
neque idolis servientes, neque adulteri (de quibus dicitur Hebr. ult. : fornicatores
et adulteros iudicabit Deus), neque molles, id est, mares muliebria
patientes, neque masculorum concubitores, quantum ad agentes in illo
vitio, de quibus dicitur Gen. XIII, 13 — homines Sodomitae pessimi erant
et peccatores coram domino nimis, neque avari, neque fures (de quibus
dicitur Zach. V, 3 — omnis
fur, sicut scriptum est, iudicabitur), neque ebriosi, neque maledici, neque
rapaces regnum Dei possidebunt. Dicitur enim Is. XXXV, 8 — via sancta
vocabitur, non transibit per eam pollutus. Et Apoc. XXI, 27 — non
intrabit in illam aliquid coinquinatum, faciens abominationem. Et est advertendum quod hic enumerat eadem vitia
quae in praecedenti capitulo posuerat. Addit autem quaedam in
genere luxuriae, scilicet adulterium et vitium contra naturam, in genere
autem iniustitiae, furtum. Deinde, cum dicit et haec quidem, etc., ostendit quomodo
praedictum periculum evaserunt. Et primo commemorat statum praeteritum,
dicens et quidem aliquando fuistis, scilicet fornicarii et idolis
servientes, etc., et ideo specialiter haec vitia commemorat, quia in eis
abundaverunt, secundum illud Eph. V, 8 — eratis enim aliquando tenebrae,
nunc autem lux in domino. Secundo ostendit quomodo ab his intus fuerunt
liberati, dicens sed abluti estis, scilicet virtute sanguinis Christi
in Baptismo, secundum illud Apoc. I, 5 — lavit nos a peccatis nostris in
sanguine suo. Sed sanctificati estis virtute sanguinis Christi per
gratiam consecrati, secundum illud Hebr. ult. : Iesus ut sanctificaret per
suum sanguinem populum, extra portam passus est. Sed iustificati estis,
ad statum iustitiae et virtutis, secundum illud Rom. VIII, 30 — quos
vocavit, hos et iustificavit. Subditur autem horum
beneficiorum causa. Et
primo ex parte humanitatis, Christi, cum dicit in nomine domini nostri
Iesu Christi, id est, in fide et invocatione nominis Christi, secundum
illud Act. IV, 12 — non est aliud nomen datum sub caelo hominibus, in quo
oporteat nos salvos fieri. Secundo ex parte divinitatis, cum subdit et
in spiritu Dei nostri, secundum illud Ez. XXXVII, v. 5 — ecce ego
mittam in vos spiritum, et vivetis. Quia igitur tam potenti virtute
liberati estis, ad eadem redire non debetis. Deinde, cum dicit omnia mihi licent, etc.,
manifestat id quod dixerat de prohibitione iudicii, ostendens quo sensu id
reprehenderit, quia scilicet non reprehendit illud quasi omnino illicitum,
sed quasi non expediens et nocivum. Et circa hoc duo facit. Primo proponit quod
intendit; secundo rationem assignat, ibi esca ventri, et cetera. Circa primum duo facit. Primo proponit quod
reprehenderat esse licitum, sed non expediens, dicens omnia mihi licent.
Dicuntur autem illa licita quae homo facere non prohibetur; est autem duplex
prohibitio, una coactionis, alia praecepti, et secundum hoc quidam
intellexerunt illa licere a quibus non prohibetur aliqua necessitate cogente;
et ideo, quia arbitrium hominis naturaliter liberum est a coactione,
intellexerunt apostolum eo sensu dicere : omnia mihi licent, quia
scilicet libero arbitrio hominis subiacent, sive sint bona, sive sint mala,
secundum illud Eccli. XV, 18 — ante hominem bonum et malum, vita et mors,
quodcumque voluerit, dabitur ei. Sed hic modus loquendi alienus est a
Scriptura sacra, in qua dicitur non licere ea quae divina lege prohibentur,
secundum illud Matth. XIV, 4 — non licet tibi habere uxorem fratris tui.
Et ideo quod hic apostolus dicit omnia mihi licent, non potest
absolute intelligi, sed ut sit accomoda distributio sub hoc sensu : omnia
mihi licent, quae scilicet divina lege non prohibentur. Et potest hoc ad tria referri, primo quidem ad id
quod dixerat de iudiciis, quia scilicet unicuique licet omnia sua iudicio
repetere, cum non sit lege divina prohibitum. Alio modo potest referri ad id
quod infra VIII, 8 dicturus est de indifferenti usu ciborum, ut sit sensus :
licitum est mihi omnes cibos comedere, secundum illud Tit. I, v. 15 — omnia
munda mundis. Tertio potest referri ad id quod dicturus est infra IX, 4
ss., de sumptibus accipiendis, ut sit sensus : omnia mihi licent,
scilicet accipere ad necessitatem vitae, sicut coapostolis meis. Subdit autem
sed non omnia expediunt. Dicitur autem illud expedire, quod est sine
impedimento finem consequendi. Contingit autem quod aliquid non totaliter
excludit finem, sed impedimentum aliquod affert, sicut matrimonium non
excludit hominem a regno Dei, impedimentum tamen affert, quia scilicet, ut
infra VII, 34 dicit quae sub viro est mulier, cogitat quomodo placeat viro.
Unde, Matth. XIX, 10, discipuli dicunt : si ita est causa hominis cum
uxore sua, non expedit nubere. Sic ergo fornicari nec licet, nec expedit,
quia totaliter excludit finem, qui est vita aeterna; matrimonium autem est
licitum, sed non expediens. Secundum igitur hunc modum, sua in iudicio
repetere, indifferenter omnibus cibis uti, sumptus accipere ab his quibus
praedicatur, est quidem licitum, quia non est contra iustitiam, nec aliqua
prohibetur lege; non tamen est expediens, vel quia impeditur pax ad proximum,
vel infirmis scandalum aliquod generatur, vel aliqua maledicendi occasio
praebetur; unde Eccli. XXXVII, 31 — non omnia omnibus expediunt. Alio
modo potest intelligi non absolute, sed sub conditione, ut sit sensus : dixi
quod neque fornicarii, etc., regnum Dei possidebunt, et ideo
non licent, quia finem excludunt; sed si omnia licerent mihi, non omnia
expediunt, quia per ea praestatur impedimentum vitae humanae. Unde in
persona impiorum dicitur Sap. V, 7 — lassati sumus in via iniquitatis et
perditionis, et ambulavimus vias difficiles. Secundo ostendit esse nocivum id quod supra
reprehendit, dicens omnia mihi licent, ut supra expositum est, sed
tamen ego sub nullius redigar potestate, scilicet hominis. Ille enim
qui utitur eo quod non expedit, sive licitum, sive illicitum, quodammodo
redigitur sub potestate rei alicuius, vel hominis. Rei quidem, quia qui nimis
rem aliquam amat, quodammodo servus illius rei efficitur, secundum illud Rom.
ult. : huiusmodi non Christo domino serviunt, sed suo ventri. Hominis
autem, quia dum aliquis facit quod non expedit, quodammodo subiicitur iudicio
aliorum, et specialiter ille qui sua in iudicio repetit, subiicitur potestati
iudicis. Infra X, 29 — ut quid enim libertas mea iudicatur ab aliena
conscientia? Deinde, cum dicit esca ventri, etc.,
assignat rationem eius quod dixerat. Et primo quare omnia licent, dicens esca
ventri, scilicet debetur, ut scilicet in ventre decocta in nutrimentum
totius corporis cedat. Et venter escis, scilicet recipiendis et
decoquendis deservit. Quia igitur ex Dei ordinatione venter est sollicitus ad
escas recipiendas, et escae ad hoc deputatae sunt, quod in ventre ponantur,
secundum illud Gen. I, v. 29 s. : ecce dedi vobis omnem escam et cunctis
animantibus, ut habeant ad vescendum, non est illicitum quod homo res
suas repetat, vel praedicator stipendia accipiat propter necessitatem
escarum, vel ut etiam homo omnibus escis utatur. Secundo ibi Deus autem, etc., assignat
rationem quare omnia non expediunt. Non enim expedit, quod homo patiatur
aliquod detrimentum in eo quod numquam corrumpitur, scilicet in regno
caelesti, propter id quod corrumpitur; et hoc accidit de esca et de ventre.
Cessabit enim post hanc vitam escarum usus et ventris, quia corpora
resurgentium conservabuntur absque cibo, Deo id faciente. Et hoc est quod
dicit Deus autem destruet, id est, cessare faciet, hunc,
scilicet ventrem, non quidem quantum ad essentiam, sed quantum ad effectum,
quem nunc habet; et has, scilicet escas, quantum pertinent ad usum
hominis, quia in resurrectione homines erunt sicut Angeli in caelo, ut
dicitur Matth. XXII, 30. |
Après avoir
repris les Corinthiens de ce qu’ils avaient des procès devant les juges infidèles,
saint Paul les réprimande ici à l’occasion des jugements mêmes. A cet effet, I° Il expose en quoi ils manquaient
par rapport à ces jugements ; II° il
développe ce reproche, à ces mots (verset 9) : Ne savez-vous pas, etc.? I° A l’égard des jugements, il reprend : I. ce qui est licite,
mais non avantageux dans ces jugements ; II. ce qui est entièrement illicite, à ces mots (verset 8) :
Mais c’est vous, etc. I. Sur le premier de
ces points : 1° Il expose
le blâme ; 2° Il
prévient l’excuse, à ces mots (verset 7) : Pourquoi ne souffrez-vous pas
plutôt, etc.? 1° Il dit donc : On m’a dit que le
frère a un procès avec le frère, ce qui est mal, non seulement en ce que vous
entrez en contestation devant les infidèles, mais, de plus, en ce que vous le
faites après votre conversion. D’abord vous êtes déjà répréhensibles,
c’est-à-dire un sujet de reproche qu’on peut vous faire est d’avoir des
procès entre vous, tandis que la paix devrait régner parmi vous, car (II
Tim., II, 24) : "Il ne faut pas que le serviteur du Seigneur intente
des procès, mais il doit être modéré à l’égard de tous." On conclut
de ce passage, comme le remarque saint Augustin (De Serm. Dom, in monte), suivant la Glose, qu’il y a
péché à avoir un procès avec quelqu’un. Mais cela ne paraît pas conforme
à. la vérité ; car si c’est un péché de recourir à un tribunal, on peut dire
qu’il y a également péché à constituer des juges, puisque c’est donner
occasion d’y recourir. On lit cependant au Deutéronome (I, 16) : "Ecoutez-les,
et jugez suivant la justice" ; et à la suite (verset 17) : "Parce
que, c’est le jugement du Seigneur." En effets on répond dans la
Glose qu’il est permis aux faibles de réclamer en justice ce qui leur
appartient, mais non aux parfaits, qui peuvent réclamer, mais non dans un
procès. Or il faut remarquer ici que certaines choses sont illicites
seulement pour les parfaits, d’autres illicites pour tous. C’est que les
parfaits n’ont rien en propre, suivant cette parole du Sauveur (Matthieu XIX,
21) : "Si vous voulez être parfait, allez, vendez tout ce que vous
possédez, et donnez-le aux pauvres, puis venez et suivez-moi." Voilà
pourquoi il n’est pas permis aux parfaits de rien redemander en justice,
comme leur appartenant en propre, puisqu’il ne leur est pas permis de
posséder, à ce titre, quoique ce soit. Il leur est permis de réclamer devant
les tribunaux ce qui appartient à leur communauté ; car, en agissant ainsi,
non seulement ils ne pèchent pas, mais ils font une oeuvre méritoire. C’est,
en effet, une oeuvre de charité de défendre ou de recouvrer le bien des
pauvres, selon cette parole du Psalmiste (LXXXI, 4) : "Arrachez le
pauvre et l’indigent de la main du pécheur." Mais attaquer un frère
en justice est un acte illicite pour tous dans l’une de ces trois
circonstances. A) Par rapport à la cause pour la
quelle intervient le jugement, si, par exemple, c’est par cupidité ou
avarice. De là ce passage de Luc (XII, 13) : Quelqu’un de la foule a dit au
Seigneur : " Maître, dites à mon frère de partager avec moi notre
héritage, le Seigneur répondit (verset 14) : "Qui m’a établi juge
ou arbitre entre vous ?" Puis il ajoute (verset 15) : "Voyez,
et gardez-vous de toute avarice." B) Par rapport au mode de jugement,
c’est-à-dire quand on poursuit le procès avec contention et au détriment de
la paix ; car (Jacques III, 16) : "Où il y a jalousie et contention,
là aussi est le trouble et toute espèce de mal." C’est ce que saint
Paul paraît avoir en vue en réprimandant les Corinthiens, comme on le voit
par ces mots (verset 6) : On voit un frère plaider contre son frère ! C) Par rapport à l’injustice du
procès, à savoir quand on procède par fraude et tromperie, selon cette parole
d’Isaïe (X, 2) : "pour opprimer les pauvres dans le jugement, et pour
faire violence à l’innocence des plus faibles de mon peuple." Saint
Paul reprend aussi ce défaut dans les Corinthiens, ainsi qu’on le voit par ce
qu’il ajoute (verset 8) : mais c’est vous qui faites le tort. D) Enfin par rapport au scandale qui
en résulte. Aussi le Seigneur a t-il donné ce commandement (Matthieu V, 40) :
"celui qui veut disputer en jugement avec vous et vous enlever votre
tunique, abandonnez encore votre manteau." Mais d’après la règle de
la charité, il est permis de réclamer son bien en justice. Aussi saint Grégoire
dit-il dans ses Morales :
Lorsque la nécessité nous impose de prendre soin de ce que nous possédons,
il en est dont les réclamations peuvent être simplement tolérées, d’autres
qu’on doit, par charité, empêcher d’agir, de peur qu’en enlevant ce qui ne
leur appartient pas, ils ne se perdent eux-mêmes. 2° Lorsqu’il dit (verset 7) : Pourquoi
ne souffrez-vous pas plutôt qu’on vous fasse tort ?, saint Paul détruit
une excuse. En effet, les Corinthiens auraient pu dire : C’est la nécessité
qui nous a forcés de recourir aux tribunaux, afin de repousser les injustices
et les fraudes des autres. L’Apôtre prévient donc cette excuse, en ajoutant
quant aux injustices (verset 7) : Pourquoi ne souffrez-vous pas plutôt
qu’on vous fasse tort ?, à savoir manifestement, en le supportant avec
patience, suivant la recommandation du Seigneur (Matthieu V, 39) : "Si
quelqu’un vous a frappé sur la joue, présentez-lui l’autre" ; et
quant aux fraudes (verset 7) : Pourquoi ne pas supporter plutôt quelque
perte ? c’est-à-dire les manoeuvres frauduleuses, selon cette autre
parole (Matthieu V, 41) : "Si quelqu’un vous contraint de faire avec
lui mille pas, suivez-le, et faites-en encore deux mille." Mais,
comme saint Augustin le remarque dans l’explication du Sermon sur la
montagne, ces préceptes du Seigneur n’obligent pas toujours dans la pratique,
mais ils doivent se trouver toujours dans la disposition de l’âme ; en d’autres
termes, nous devons toujours être prêts à supporter l’injustice plutôt que de
manquer en quoi que ce soit à la charité fraternelle. II. Quand l’Apôtre dit
ensuite (verset 8) : Mais c’est vous qui faites le tort, il reprend
dans les Corinthiens ce qui est absolument illicite. 1° Il blâme en eux une injustice
manifeste, lorsqu’il dit (verset 8) : Mais c’est vous qui faites le tort,
à savoir en vous élevant ouvertement contre le droit des autres, soit devant
les tribunaux, soit en dehors du tribunal ; (Ecclésiastique IX, 17) : "Ne
prenez pas plaisir à la violence des injustes." 2° Les manoeuvres trompeuses,
lorsqu’il dit (verset 8) : et qui causez la perte ; (Prov., XII,
5) : "Les conseils des méchants sont pleins de fraude." 3° Il fait sentir la gravité de cette
faute, en ajoutant (verset 8) : et cela à l’égard de vos propres frères,
c’est-à-dire des fidèles, envers lesquels nous devons surtout faire le bien,
selon cette parole (Gal., VI, 10) : "Pendant que nous en avons le
temps, faisons du bien à tous, principalement aux serviteurs de la foi."
Voilà pourquoi Jérémie (IX, 4) fait ce reproche à quelques-uns : "Le
frère ne pense qu’à perdre son frère, et l’ami use de tromperie envers son
ami." II° Lorsqu’il ajoute (verset 9) : Ne savez-vous pas, etc.? saint Paul
explique ce qu’il vient de dire : I. quant à ce
qui est entièrement illicite ; II. quant à ce
qui est licite mais n’est pas expédient, à ces mots (verset 12) : Tout
m’est permis" I. Sur le premier de
ces points, il pose d’abord la question ; ensuite il la définit, à ces mots
(verset 9) : Ne vous y trompez pas. 1° Il dit donc : J’ai dit que c’est
vous qui faites tort et qui causez la perte, ce qui est se rendre coupable
d’injustice. Or ne savez-vous pas que les injustes ne seront pas héritiers
du royaume de Dieu ?, comme s’il disait : vous paraissez ne pas le savoir
quand vous ne vous séparez pas de l’iniquité ; bien que cependant au
Psalmiste (VI, 8), et saint Matthieu (VII, 23), il soit dit : "Retirez-vous
de moi, vous tous qui commettez l’iniquité !" 2° Lorsqu’il ajoute (verset 9) : Ne
vous y trompez pas, il définit la vérité. Et d’abord il expose le danger
dont sont menacés les injustes ; ensuite il rappelle comment les Corinthiens
ont échappé à ce péril, afin qu’ils craignent de s’y exposer dans la suite, à
ces mots (verset 11) : C’est ce que quelques-uns d’entre vous ont été
autrefois, etc. A) Il dit donc d’abord : Ne vous y
trompez pas, et il parle ainsi à dessein, parce que plusieurs avaient, au
sujet de l’impunité des pécheurs, des idées erronées sous plusieurs rapports,
selon cette parole du livre de la Sagesse (II, 21) : "Ils ont eu ces
pensées, et ils se sont égarés." Quelques philosophes, en effet, se
sont trompés en pensant que la Divinité ne prenait aucun soin des choses
humaines, suivant cette parole de Sophonie (I, 12) : "Le Seigneur ne
nous fera ni bien ni mal." D’autres ont cru que la foi seule suffit
pour le salut, d’après ce qui est dit en saint Jean (XI, 26) : "Quiconque
croit en moi ne mourra jamais." D’autres se sont imaginé qu’on est sauvé
par les seuls sacrements de Jésus-Christ, d’après cette autre parole (Marc,
XVI, 10) : "Celui qui croira et qui sera baptisé sera sauvé" ;
et (Jean VI, 55) : "Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a
la vie éternelle." D’autres enfin estiment que pourvu qu’on pratique
seulement les oeuvres de miséricorde, on peut pécher impunément, parce qu’il
est dit (Luc, XI, 41) : "Donnez l’aumône, et tout sera pur en
vous", ne comprenant pas que tout cela, sans la charité, ne sert à
rien, selon ce que dit l’Apôtre (ci-après, XIII, 2) : Quand j’aurais toute
la foi possible, et quand j’aurais distribué toutes mes richesses pour
nourrir les pauvres, si je n’ai point la charité, tout cela ne me sert de
rien." Voilà pourquoi saint Paul ajoute que les péchés contraires à
la charité excluent du royaume de Dieu, où l’on n’est introduit que par la
charité (verset 9) : Ni les fornicateurs, ni les idolâtres, ni les
adultères," dont il est dit (Hébr., XIII, 4) : "Dieu
condamnera les fornicateurs et les adultères" - ni ceux qui mènent une
vie molle, c’est-à-dire les hommes qui se traitent comme font les femmes,
ni les efféminés, entendant par là ceux qui se rendent coupables du
vice dont parle la Genèse (XIII, 13) : "Les habitants de Sodome
étaient devant Dieu perdus de vices et profondément corrompus" -"ni
les avares, ni les voleurs, dont il est dit (Zach., V, 3) : "Tout
voleur sera jugé ainsi qu’il est écrit."- (verset 10) : ni les
ivrognes, ni les médisants, ni les ravisseurs du bien d’autrui ne seront
héritiers du royaume de Dieu" ; car il est dit (Isaïe, XXXV, 8)
: "Là sera une voie, la voie sainte ; il n’y passera rien de souillé"
et (Apoc., XXI, 27) : "Il n’y entrera rien de souillé ni aucun de
ceux qui commettent l’abomination." Il faut remarquer que saint Paul
énumère ici les mêmes vices qu’il avait indiqués dans le chapitre précédent ;
seulement il en ajoute quelques-uns, à savoir ceux qui appartiennent à la
luxure : l’adultère et le péché contre nature, et ceux qui appartiennent à
l’injustice, le vol. B) Lorsqu’il dit
(verset 14) : C’est ce que quelques-uns d’entre vous [ont été autrefois],
l’Apôtre montre comment les Corinthiens ont évité le danger qu’il vient
d’exposer. a) Et d’abord
il rappelle leur premier état, en disant (verset 11) : Et autrefois
quelques-uns de vous ont été ainsi, à savoir fornicateurs et adorateurs
des idoles, etc. L’Apôtre fait spécialement mention de ces vices, parce
qu’ils avaient été très nombreux parmi les Corinthiens, selon ce qu’il a dit
(Ephés., V, 8) : "Vous étiez autrefois ténèbres, maintenant vous êtes
lumière en Notre Seigneur." b) Il montre comment ils ont été intérieurement délivrés
de ces vices, en disant (verset 11) : mais vous avez été lavés, à
savoir par la vertu du sang de Jésus-Christ dans le baptême, selon cette
parole de l’Apocalypse (I, 5) : "Il nous a lavés de nos péchés dans
son sang." - Mais vous avez été sanctifiés par la vertu du sang du
Christ et consacrés par sa grâce, comme il est dit (Hébr., X, 12) : "Jésus,
afin de sanctifier le peuple par son propre sang, a souffert hors de la
ville." - mais vous avez été justifiés, en passant à l’état de vertu
et de justice, selon cette parole (Rom., VIII, 30) : "Ceux qu’il a
appelés, il les a justifiés." L’Apôtre désigne la cause de ces
bienfaits : d’abord l’humanité de Jésus-Christ (verset 11) : au nom
de Notre Seigneur Jésus-Christ, c’est-à-dire par la foi et par
l’invocation du nom de Jésus-Christ, selon ce qui est dit au livre des Actes
(IV, V, 12) : "Nul autre nom sous le ciel n’a été donné aux hommes
par lequel nous devions être sauvés." Ensuite la Divinité
(verset 14) : et par l’Esprit de notre Dieu, selon cette parole
d’Ezéchiel (XXXVII, 5) : "J’enverrai en vous mon Esprit, et vous
vivrez." Puisque donc vous avez été délivrés par une vertu si
puissante, vous ne devez pas retourner aux mêmes prévarications. II. En ajoutant (verset
12) : Tout m’est permis, etc. saint Paul développe ce qu’il avait dit
de la défense de juger, et montre dans quel sens il a parlé, à savoir qu’il
n’a pas blâmé la liberté de juger comme étant absolument illicite, mais parce
que ce n’est pas un acte expédient et nuisible. 1° Il propose ce qu’il veut établir ; 2° il en donne la raison, à ces mots
(verset 13) : Les aliments sont pour l’estomac, etc. 1° Sur le premier point, il énonce A) d’abord ce qu’il
avait repris comme licite, mais non expédient, en disant (verset 12) : Tout
m’est permis. On appelle licite ce qu’il n’est pas interdit de faire. Or
il y a deux sortes d’interdiction : l’une de coaction, l’autre de précepte.
D’après cette distinction, quelques auteurs ont regardé comme licite tout ce
que n’empêche point de faire quelque nécessité de coaction ; et pour cette
raison que le libre arbitre de l’homme est naturellement libre de coaction,
ils ont compris que le sens de cette parole Tout m’est permis, était
que tout est soumis au libre arbitre de l’homme, soit le bien, soit le mal,
suivant ce verset de l’Ecclésiastique (XV, 18) : "Devant l’homme sont
la vie et la mort, le bien et le mal ; ce qui lui plaira lui sera
donné." Mais cette manière de parler est étrangère à la Sainte
Ecriture, qui dit : Tout ce que défend la loi divine n’est pas permis,
suivant cette parole de saint Matthieu (XIV, 4) : "Il ne vous est pas
permis d’avoir la femme de votre frère," Ce que l’Apôtre dit ici : Tout
m’est permis, ne peut donc être entendu dans le sens absolu, et pour que
la division soit convenable, il faut que cette parole : Tout m’est permis,
soit entendue dans ce sens : quand cela n’est pas interdit par la loi divine.
On peut interpréter ce mot a) d’abord, en
rapport avec ce que l’apôtre a dit des jugements, en ce sens qu’il est licite
à chacun de redemander en justice tout ce qui lui appartient, puisque cela
n’est pas défendu par la loi divine. b) En second lieu, on peut le rapporter à ce que saint
Paul dira plus loin (VIII, 8) de la liberté d’user indifféremment des
aliments ; le sens serait : Il m’est permis d’user de toutes sortes
d’aliments, suivant ce qu’il écrit à Tite (I, 15) : "Tout est pur
pour ceux qui sont purs." c) Enfin on peut le rapporter encore à ce que le même
Apôtre dira au chapitre IX, 4, de la nourriture à recevoir ; le sens est : Tout
m’est permis, à savoir je puis recevoir ce qui est nécessaire à la vie,
comme cela est permis à mes collègues dans l’apostolat. Il ajoute (verset 12)
: mais tout n’est pas expédient. On appelle expédient ce qui ne met
pas obstacle au but qu’on veut atteindre. Or il arrive qu’une chose, sans
être totalement contraire à la fin, soit à son égard comme un empêchement.
C’est ainsi que le mariage n’exclut pas l’homme du royaume de Dieu, quoique
pourtant il soit pour lui un empêchement, parce que, ainsi qu’il sera dit
plus loin (VII, 34) : La femme qui est mariée s’occupe de plaire à son
mari. C’est de là qu’en saint Matthieu (XIX, 10) les disciples disent : "Si
telle est la condition de l’homme avec sa femme, il n’est pas expédient de se
marier." Ainsi il n’est ni licite ni expédient de se livrer à la
fornication, parce qu’elle est complètement opposée à la fin de l’homme, qui
est la vie éternelle ; mais le mariage est licite, bien qu’il ne soit pas
expédient. D’après cette explication, il est licite de réclamer en justice
tout ce qui vous appartient, d’user indifféremment de toutes sortes
d’aliments, de recevoir sa subsistance de ceux par qui l’on a reçu
l’Evangile, parce qu’il n’y a rien en cela de contraire à la justice, ni de
défendu par la loi ; et cependant tout cela n’est pas expédient, ou parce que
la paix avec le prochain en est troublée, ou parce qu’il en résulte quelque
scandale pour les faibles, ou parce qu’on donne par là occasion à quelques
médisances ; aussi est-il dit (Ecclésiastique XXXVII, 31) : "Tout
n’est pas avantageux à tous" ; on peut encore entendre ces
paroles non dans un sens absolu, mais conditionnellement, en sorte que tel
soit le sens : j’ai dit que ni les fornicateurs, ni..., ne seront
héritiers du royaume de Dieu, et, par conséquent, ces crimes ne sont pas
permis, parce qu’ils sont un empêchement à notre fin ; mais quand tout me
serait permis, tout n’est pas expédient, parce qu’il y a dans ces
désordres des empêchements à la vie humaine. Voilà pourquoi la Sagesse (V, 7)
fait parler ainsi les impies : "Nous nous sommes lassés dans la voie
d’iniquité et de perdition, et nous avons marché par des chemins
difficiles." B) L’Apôtre montre que ce qu’il a
repris plus haut est nuisible, en disant (verset 12) : Tout m’est permis, comme
on l’a exposé ci-dessus, mais je ne me rendrai esclave de rien,
c’est-à-dire d’aucun homme. Car celui qui use de ce qui n’est pas expédient,
que ce soit licite ou non, se met, dans un certain sens, sous la dépendance
d’une chose ou d’un homme. D’une chose, parce que celui qui aime une
chose avec excès en devient en quelque sorte l’esclave ; (Rom., XV, 18) :
"Ils ne servent pas Jésus-Christ Notre Seigneur, ils sont esclaves de
leurs sens." De l’homme, parce que celui qui fait ce qui
n’est pas expédient se soumet, d’une certaine manière, au jugement des autres
; et, en particulier, celui qui réclame en justice ce qui lui appartient est
dépendant de la puissance du juge ; (ci-dessous, X, 29) : Pourquoi
ferais-je dépendre ma liberté du jugement des autres ? 2° Lorsque saint Paul ajoute (verset
13) : Les aliments sont pour l’estomac, etc. il donne la raison de ce
qu’il a dit plus haut. A) D’abord pourquoi tout lui est
permis : Les aliments sont pour l’estomac, c’est-à-dire ils lui sont
dus, afin que, transformés dans l’estomac, ils servent à l’alimentation de
tout le corps ; (verset 13) : et l’estomac est pour les aliments,
c’est-à-dire il sert à les recevoir et à les digérer. Si donc, d’après
l’ordre établi de Dieu, l’estomac est destiné à recevoir les aliments, et si
les aliments sont disposés pour être digérés par l’estomac, suivant cette
parole de la Genèse (I, 29) : "Je vous ai donné toutes les
plantes..., à vous et à tous les animaux de la terre, afin qu’ils aient de
quoi se nourrir," il n’est pas illicite à l’homme de réclamer ce qui
est à lui, au prédicateur de recevoir un salaire pour les nécessités de la
vie, et à tous de faire usage de toutes sortes d’aliments. B) A ces mots (verset
13) : Et un jour Dieu, etc., saint Paul donne la raison pour laquelle
tout n’est pas expédient. Il n’est pas expédient, en effet, que l’homme
souffre quelque dommage dans ce qui ne se corrompt jamais, c’est-à-dire dans
la possession du royaume des cieux, pour ce qui se corrompt ; ce qui
arrive à l’égard des aliments et de l’estomac ; car, après cette vie, l’usage
des aliments et les fonctions de l’estomac finiront, parce que les corps des
ressuscités se conserveront sans aliments, Dieu le voulant ainsi. C’est ce
que dit saint Paul : Mais Dieu détruira, c’est-à-dire fera cesser celui-ci,
c’est-à-dire l’estomac, non, à la vérité, quant à l’essence, mais quant à sa
fonction présente, et ceux-ci, c’est-à-dire les aliments, en tant
qu’ils sont destinés à l’usage de l’homme ; "car dans la
résurrection," dit saint Matthieu (XXII, 30), "les hommes
seront comme les anges dans le ciel." |
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Lectio 3 |
Leçon 3 : 1 Corinthiens VI, 13-20 — Le corps : temple de l'Esprit |
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SOMMAIRE : L’Apôtre condamne de nouveau le fornicateur. Il montre l’excellence du corps, qui est appelé le temple du Saint Esprit, et attaque vivement le péché de fornication. |
[13]…corpus autem non fornicationi sed Domino et Dominus corpori [14] Deus vero et Dominum suscitavit et nos suscitabit per
virtutem suam [15] nescitis quoniam corpora vestra membra Christi sunt
tollens ergo membra Christi faciam membra meretricis absit [16] an nescitis quoniam qui adheret meretrici unum corpus
efficitur erunt enim inquit duo in carne una [17] qui autem adheret Domino unus spiritus est [18] fugite fornicationem omne peccatum quodcumque fecerit homo
extra corpus est qui autem fornicatur in corpus suum peccat [19] an nescitis quoniam membra vestra templum est Spiritus
Sancti qui in vobis est quem habetis a Deo et non estis vestri [20] empti
enim estis pretio magno glorificate et portate Deum in corpore vestro |
13... Le
corps, au contraire, n’est pas pour la fornication, mais pour le Seigneur, et
le Seigneur est pour le corps. 14. Car,
comme Dieu a ressuscité le Seigneur, il nous ressuscitera de même par sa
puissance. 15. Ne
savez-vous pas que vos corps sont les membres du Christ ? Arracherai-je donc
au Christ ses propres membres pour en faire les membres d’une prostituée ? A
Dieu ne plaise ! 16. Ne
savez-vous pas que celui qui se joint à une prostituée devient un même corps
avec elle ? Car ils seront, dit l'Ecriture, deux dans une seule chair. 17. Mais
celui qui demeure attaché au Seigneur est un même esprit avec lui. 18. Fuyez
la fornication quelque péché que l’homme commette, il est hors du corps, mais
celui qui commet la fornication pèche contre son propre corps. 19. Ne
savez-vous pas que, votre corps est le temple de l’Esprit Saint, qui réside
en vous, qui vous a été donné par Dieu, et que vous n’êtes plus à vous-mêmes ? 20. Car
vous avez été achetés à un grand prix. Glorifiez donc et portez Dieu dans
votre corps. |
[86252] Super 1 Cor., cap. Circa primum duo facit. Primo ponit divinam
ordinationem; secundo ordinationis finem, ibi Deus enim, et cetera.
Circa primum considerandum est quod aliqui argumentum suae lasciviae sumunt
ex ordinatione Dei. Qui enim fornicantur, utuntur suo corpore ad usum
a Deo institutum. Sed hoc
excludit, dicens quod esca est ordinata ad ventrem, et venter ad escas, corpus
autem hominis non fornicationi, id est, non est ordinatum ad
fornicandum, sed domino, id est, ad hoc est ordinatum, ut sit domini
nostri Iesu Christi, et dominus corpori, id est, dominus Iesus
Christus ad hoc datus est hominibus, ut humana corpora suae gloriae
conformet, secundum illud Phil. III, 21 — reformabit corpus humilitatis
nostrae, configuratum corpori claritatis suae. Sed contra hoc videtur esse quod sicut venter
ordinatus est a Deo ad usum ciborum; ita quaedam membra humani corporis sunt
ordinata a Deo ad usum generationis, quibus fornicatio exercetur. Sed
attendenda est differentia quantum ad duo. Primo quidem quod apostolus supra
locutus est de uno corporis membro, scilicet de ventre, hic autem loquitur de
toto corpore, quod sicut non est ordinatum ad fornicandum, ita nec ad escas
sumendum; sed potius usus escarum est propter corpus, corpus autem propter
animam, a qua percipit vitam secundum eius conditionem. Et quia omnia
ordinantur in Deum sicut in finem, ideo corpus debet esse subiectum domino et
ei dedicatum. Et quia supra locutus est de usu escarum in communi absque
inordinatione, fornicatio autem est usus inordinatus ex membro fornicatoris.
Unde nec ipsa membra sunt propter fornicationem, sed propter usum
generationis ordinata ratione, cui omnia membra corporis deservire debent,
sicut etiam venter non propter crapulam et ebrietatem, sed propter
convenientem usum ciborum. Deinde, cum dicit Deus vero, etc., ponit
finem ordinationis praedictae. Et primo ponit quid Deus circa dominum
fecerit, dicens Deus vero et dominum, scilicet dominum Iesum Christum,
suscitavit a mortuis, a quo ipse Christus petit in Ps. XL, v. 11 — tu
autem, domine, miserere mei, et resuscita me. Deus autem est et pater, et
filius, et spiritus sanctus, unde et ipse Christus, qui est filius Dei, se suscitavit,
et sua virtute resurrexit, secundum illud Ps. III, 6 — ego dormivi, et
soporatus sum, et exsurrexi, quia dominus suscepit me; et I1 Cor. ult. : si
crucifixus est ex infirmitate, sed vivit ex virtute Dei. Secundo ponit quid circa nos facturus sit, dicens
quod nos suscitabit Deus per virtutem suam, per quam scilicet Christum
suscitavit, secundum illud Rom. VIII, 11 — qui suscitavit Iesum Christum a
mortuis, vivificabit et mortalia corpora vestra. Et est advertendum, quod
supra de escis et ventre loquens, quae pertinent ad usum animalis vitae,
dixit eas a Deo destruendas; nunc autem loquens de corpore et domino, facit
mentionem de resurrectione, quia scilicet animali vita cessante natura
corporis in melius reformabitur. Unde patet quod non est utendum corpore ad
fornicationem, quae impedit futuram incorruptionem, secundum illud Gal. ult. :
qui seminat in carne, de carne et metet corruptionem. Deinde, cum dicit nescitis, etc., ponit
secundam rationem, quae sumitur ex affinitate humani corporis ad Christum,
quae talis est : membra hominis fornicantis sunt membra meretricis; sed
membra hominis sunt membra Christi; ergo per fornicationem fiunt membra
Christi membra meretricis, quod est inconveniens. Circa quod quatuor facit.
Primo ponit maiorem, dicens an nescitis quoniam corpora vestra sunt membra
Christi? Quasi dicat : hoc non debetis nescire, quia quicumque estis
regenerati in Christo, membra Christi estis effecti, secundum illud infra
XII, 27 — vos estis corpus Christi, et membra de membro. Et hoc non
solum quantum ad animas quae ab eo iustificantur, sed etiam quantum ad
corpora quae ab eo resuscitabuntur, ut dictum est. Secundo ponit conclusionem, dicens tollens
ergo membra Christi, id est, iuste subtrahens servitio Christi, cui
debent deputari (secundum illud Rom. VI, 13 — exhibeatis membra vestra, arma iustitiae, Deo), faciam,
scilicet eadem, membra meretricis esse fornicando? Absit : hoc
enim est horrendum sacrilegium. Unde dicitur Mal. II, v. 11 — contaminavit
Iudas sanctificationem domini quam dilexit, et habuit filiam Dei alieni. Tertio ponit minorem, dicens an nescitis quia qui adhaeret
meretrici, scilicet fornicando, unum corpus efficitur? Scilicet
per immundam commixtionem. Et ad hoc probandum, inducit auctoritatem Genesis,
dicens : inquit, enim Scriptura, scilicet Gen. II, 24 — erunt duo,
scilicet vir et mulier, in carne una, id est, per mixtionem carnalem
una caro efficiuntur, et sic membra unius fiunt membra alterius. Sunt enim
haec verba Adae de viro et uxore loquentis, quae apostolus hic etiam ad
fornicationem refert, quia secundum speciem naturae non differunt utriusque
actus. Est autem intelligendum, quod, sicut dicit philosophus in libro de
generatione animalium, in masculo est principium activum generationis, in
foemina est passivum. Et sicut in planta, cuius vita principaliter ordinatur
ad generationem, semper est unum corpus, in quo utrumque principium unitur;
ita in animalibus quae ordinantur ad altiores actus vitae, non semper est
unum corpus habens haec duo principia, sed ex duobus fit unum in actu
generationis. Quod
quidem non est tantum viri, quia, sicut infra cap. VII, 4 dicitur, vir non
habet potestatem sui corporis, sed mulier. Quarto probat minorem, dicens qui autem
adhaeret domino, etc., scilicet per fidem et charitatem, est unus
spiritus cum illo, quia scilicet unitur ei unitate spirituali, non
corporali. Unde et Rom. VIII, 9 dicitur : si quis spiritum Christi non
habet, hic non est eius; et Io. XVII, 21 s. : ut sint unum in nobis,
sicut nos unum sumus, scilicet per connexionem spiritus : et quia corpus
deservit spiritui, consequens est ut etiam corpora nostra, membra eius sint,
cui per spiritum unimur, non quidem carnali coniunctione, sed spirituali.
Potest autem ex praemissis duabus rationibus una ratio conflari, ut scilicet
quia corpus nostrum non est deputatum fornicationi, sed domino, hoc scilicet
modo quod membra nostra sunt membra Christi, ut postmodum exponit, non
faciamus ea membra meretricis fornicando. Deinde, cum dicit fugite fornicationem,
etc., ponit tertiam rationem, quae sumitur ex corporis inquinatione. Primo
ponit conclusionem intentam, dicens fugite fornicationem. Ubi notandum
quod caetera vitia vincuntur resistendo, quia quanto magis homo particularia
considerat et tractat, tanto minus in eis invenit unde delectetur, sed magis
anxietur : sed vitium fornicationis non vincitur resistendo, quia quanto
magis ibi homo cogitat particulare, magis incenditur; sed vincitur fugiendo,
id est, totaliter vitando cogitationes immundas, et quaslibet occasiones, ut
dicitur Zach. II, 6 — fugite de terra Aquilonis, dicit dominus. Secundo assignat rationem, dicens omne
peccatum aliud quodcumque fecerit homo, et cetera. Ad cuius
evidentiam sciendum quod quaedam peccata non consummantur in carnali
delectatione, sed in sola spirituali, ideo spiritualia vitia dicuntur, sicut
superbia, avaritia, acedia; fornicatio autem completur maxime in carnali
delectatione, et secundum hoc posset intelligi quod hic dicitur omne
peccatum quodcumque fecerit homo, extra corpus est, quia scilicet
completur praeter sui corporis delectationem. Qui autem fornicatur, in
corpus suum peccat, quia scilicet eius peccatum in carne consummatur. Sed
huic expositioni contrarium videtur esse, quod etiam peccatum gulae
consummatur in delectatione corporis. Ad quod posset dici quod
peccatum gulae sub luxuria continetur, inquantum ad ipsam ordinatur, secundum
illud Eph. V, 18 — nolite inebriari vino, in quo est luxuria. Sed
melius potest dici, quod apostolus non dicit qui fornicatur corpore
suo peccat, quod congrueret primae expositioni; sed peccat in corpus suum,
id est, contra corpus suum, corrumpendo et inquinando illud praeter usum
rationis. Unde et
Apoc. III, 4 — habes pauca nomina in Sardis, qui non inquinaverunt
vestimenta sua, id est, corpus; et Apoc. XIX, 4 — hi sunt qui cum
mulieribus non sunt coinquinati. Vel aliter secundum Augustinum, hic in
Glossa, qui fornicatur, in corpus suum peccat, quia anima eius totaliter
carni in illo actu subiicitur, ita quod non possit aliud ibi cogitare. Unde
in Ps. XXXI, 9 dicitur : nolite fieri sicut equus et mulus, quibus non est
intellectus. Vel aliter : in corpus suum peccat, id est, contra uxorem
suam, quae dicitur corpus viri, contra quam non ita directe sunt alia
peccata, sicut viri fornicatio. Unde et I Thess. c. IV, 4 dicitur : ut
sciat unusquisque vestrum possidere vas suum in sanctificatione, id est,
uxorem suam. Vel secundum Augustinum potest intelligi de fornicatione
spirituali, per quam anima adhaeret per amorem mundo, et recedit a Deo,
secundum illud Ps. LXXII, 27 — perdes omnes qui fornicantur abs te.
Est ergo sensus qui fornicatur, recedens a Deo propter amorem mundi, in
corpus suum peccat, id est, per corporalem concupiscentiam. Omne autem
aliud peccatum, puta quod homo committit ex oblivione, vel ex ignorantia, seu
negligentia, est extra corpus, id est, corporalem concupiscentiam. Deinde, cum dicit an nescitis, etc., ponit
quartam rationem, quae sumitur ex dignitate gratiae, quae quidem ex duobus
consurgit, scilicet ex gratia spiritus sancti, et ex redemptione sanguinis
Christi. Circa hoc igitur tria facit. Primo proponit
dignitatem corporis nostri, quam habet ex gratia spiritus sancti, dicens an
nescitis, quasi dicat, ignorare non debetis, quoniam membra vestra,
scilicet corporalia, templum sunt spiritus sancti? Sicut supra III, 16
dictum est : nescitis quia templum Dei estis. Et huius rationem
assignat subdens qui in vobis est. Dicitur autem templum, domus Dei;
quia igitur spiritus sanctus Deus est, conveniens est, quod in quocumque est
spiritus sanctus, templum Dei dicatur. Est autem spiritus sanctus
principaliter quidem in cordibus hominum, in quibus charitas Dei diffunditur
per spiritum sanctum, ut dicitur Rom. V, 5. Sed secundario etiam est in
membris corporalibus, inquantum exequuntur opera charitatis. Unde in Ps.
LXXXIII, 3 dicitur : cor meum et caro mea exultaverunt in Deum vivum.
Et ne hanc dignitatem sibi ascriberent, subdit quem habetis a Deo, non
ex vobis. Unde Ioel. II, 28 — effundam de spiritu meo super omnem carnem;
et Act. V, 23 — spiritum suum dedit obedientibus sibi. Secundo ponit dignitatem, quam habent corpora
nostra ex redemptione sanguinis Christi, dicens et non estis vestri
sed Iesu Christi, secundum illud Rom. XIV, 8 — sive vivimus, sive morimur,
domini sumus; I1 Cor. V, 15 — qui vivit, iam non sibi vivat.
Rationem huius assignat, dicens empti estis pretio magno, et ideo
servi estis eius, qui vos redemit de servitute peccati. Unde infra VII, 22
dicitur : qui liber vocatus est, servus est Christi; pretio enim empti
estis; et in Ps. XXX, 6 — redemisti me, domine Deus veritatis. Dicitur autem pretium redemptionis magnum, quia
non est corruptibile, sed aeternam habens virtutem, cum sit sanguis ipsius
Dei aeterni. Unde I Petr. I, 18 s. : redempti estis de vana vestra conversatione,
non corruptibilibus auro vel argento, sed sanguine agni immaculati et
incontaminati, Iesu Christi. Tertio infert
conclusionem intentam, dicens glorificate ergo et portate Deum in corpore
vestro. Quia enim membra vestra sunt templum Dei, in corpore vestro nihil
debet apparere, nisi quod ad gloriam Dei pertinet, et hoc est glorificare
Deum in corpore vestro, quia in Ps. XXVIII, 9 dicitur : in templo eius omnes
dicent gloriam. Ex. ult. dicitur : operuit nubes tabernaculum
testimonii, et gloria domini implevit illud. Quia vero non estis vestri,
sed estis servi Dei, debet corpus vestrum portare Deum, sicut equus vel aliud
animal portat dominum suum. Unde in Ps. LXXII, 23 dicitur : ut iumentum factus sum apud te.
Portat autem corpus nostrum dominum, inquantum divino ministerio deputatur.
Sic ergo homo debet vitare, ne in corpus suum peccet fornicando, quod est
contra gloriam Dei, et contra ministerium quod corpus nostrum debet Deo. |
Dans ce qui
précède, saint Paul a réprimandé les Corinthiens sur trois différents
manquements touchant les jugements. Il revient maintenant à sa réprimande
touchant le péché du fornicateur, dont il avait parlé au chapitre V, 1, péché
que les Corinthiens avaient négligé de réprimer par leur jugement. Il
condamne le péché de fornication par quatre raisons : I° L’ordre
établi par Dieu ; II° l’union
avec Jésus-Christ, à ces mots (verset 15) : Ne savez-vous pas que vos
corps, etc.? ; III° la
souillure qui en résulte pour le corps, à ces autres (verset 18) : Fuyez
la fornication ; IV° enfin, la
dignité de la grâce, à ceux-ci (verset 19) : Ne savez-vous pas, etc.? I° L’Apôtre expose : I. quel est l’ordre établi par Dieu ; II. quelle est la fin
de cet ordre, à ces mots (verset 14) : Car comme Dieu, etc. I. Sur le premier de
ces points, il faut remarquer qu’il en est qui essayent de justifier leur
impudicité en alléguant la disposition même de Dieu. Car, disent-ils, ceux
qui se livrent à la fornication se servent de leur corps pour l’usage que
Dieu même a établi. Mais saint Paul repousse cette doctrine en disant que, si
les aliments sont pour l’estomac, et l’estomac pour les aliments (verset 13),
le corps de l’homme n’est pas pour la fornication,
c’est-à-dire, d’après son institution, il n’est pas ordonné pour ce crime, mais
pour le Seigneur, c’est-à-dire est destiné à appartenir à Notre Seigneur
Jésus-Christ, et le Seigneur pour le corps, en d’autres termes, Notre
Seigneur Jésus-Christ a été donné aux hommes pour rendre leurs corps
conformes à sa gloire, selon cette parole de l’épître aux Philippiens (III,
21) : "Il transformera notre corps misérable en le rendant conforme à
son corps glorieux." On objecte
que, de même que l’estomac est destiné par Dieu à. l’usage des aliments,
quelques membres du corps humain sont destinés à l’usage de la génération, et
que ce sont ces membres qui accomplissent la fornication. Mais il faut
remarquer deux points de dissemblance : d’abord l’Apôtre n’a parlé à cet
endroit que d’un des organes du corps, à savoir de l’estomac, tandis qu’ici
il parle du corps tout entier, qui n’est pas plus destiné à la fornication
qu’il n’est fait pour recevoir des aliments, attendu que l’usage des aliments
est plutôt pour le corps, mais que le corps est pour l’âme, qui lui transmet
la vie, selon sa condition ; et parce que toutes choses se rapportent à Dieu
comme à leur fin, le corps doit être soumis au Seigneur et lui être consacré.
De plus, l’Apôtre, dans ce qui précède, a parlé de l’usage, exercé sans
excès, des aliments en général, tandis que la fornication est, de la part du
fornicateur, l’usage déréglé d’une partie du corps. D’où il suit que les
membres mêmes dont il s’agit ne sont pas destinés à la fornication, mais à
l’usage de la génération, selon l’ordre général auquel doivent concourir tous
les membres du corps, de même que l’estomac n’est pas destiné à la débauche
et à l’ivrognerie, mais à l’usage légitime des aliments. II. En ajoutant (verset
14) : Car comme Dieu, etc., saint Paul explique la fin de la
disposition divine. 1° Il
rappelle ce que Dieu a fait pour Notre Seigneur, en disant : Car comme
Dieu a ressuscité le Seigneur, c’est-à-dire a ressuscité d’entre les
morts Notre Seigneur Jésus-Christ, comme il le lui demande lui-même au
Psalmiste (XL, 11) : "Vous donc, Seigneur, ayez pitié de moi et
ressuscitez-moi." Or Dieu est Père, et Fils, et Saint Esprit.
Jésus-Christ, qui est Fils de Dieu, s’est donc ressuscité lui-même, et
ressuscité par sa propre puissance, selon cette parole du Psalmiste (III, 6) :
"Je me suis endormi, et je me suis laissé aller au sommeil, et je me
suis levé, parce que le Seigneur est mon appui" ; et encore (I1
Cor., XIII, 4) : "Quoiqu’il ait été crucifié selon la faiblesse de la
chair, il est néanmoins vivant par la puissance de Dieu." 2° L’Apôtre expose ce que Dieu fera à
notre égard, en disant (verset 14) : Il nous ressuscitera de même par sa
puissance, c’est-à-dire par la puissance avec laquelle il a ressuscité
Jésus-Christ, suivant cette parole de l’épître aux Romains (VIII, 14) : "Celui
qui a ressuscité Jésus-Christ d’entre les morts rendra aussi la vie à vos
corps mortels." Il faut remarquer que, parlant plus haut de
l’estomac et des aliments, qui ont rapport à l’âme animale, saint Paul a dit
que Dieu les détruira ; maintenant, parlant et du corps et du Seigneur, il
fait mention de la résurrection. La raison en est que la vie animale cessant,
la nature du corps sera transformée en mieux. Il est donc évident par là
qu’il ne faut pas user du corps pour la fornication, qui est un obstacle à la
future incorruptibilité, selon cette parole (Gal., VI, 8) : "Celui
qui sème dans sa chair ne recueillera de la chair que la corruption." II° En continuant (verset 15) : Ne savez-vous pas, etc. ? l’Apôtre
donne la seconde raison tirée de l’union du corps humain avec Jésus-Christ.
Voici son raisonnement : Les membres de l’homme qui se livre à la fornication
sont les membres de la prostitution ; or les membres de l’homme sont les
membres de Jésus-Christ ; donc, par la fornication, les membres de la
prostitution deviennent les membres de Jésus Christ, ce qui est le
renversement de l’ordre. De ce raisonnement, I. il pose la majeure,
en disant (verset 15) : Ne savez-vous pas que vos corps sont les membres
de Jésus-Christ ?, comme s’il disait : Vous ne devez pas l’ignorer,
puisque vous tous, qui avez été régénérés en Jésus-Christ, vous êtes devenus
ses membres, selon ce qui est dit ci-après (XII, 27) : Vous êtes le corps
de Jésus-Christ et les membres les uns des autres ; et vous êtes
tels non seulement quant à vos âmes, qui sont justifiées par Lui, mais encore
quant à vos corps, qui seront aussi ressuscités par Lui, ainsi qu’il a été
dit. II. Il tire la
conclusion, en disant (verset 15) : Enlevant donc à Jésus-Christ ses
propres membres, c’est-à-dire les retirant injustement[4] de son service,
puisqu’ils doivent lui être soumis, suivant cette parole (Rom., VI, 13) : "Offrez
vos membres à Dieu pour servir d’instruments de justice." - J’en ferais,
à savoir de ces membres, les membres d’une prostituée, en me livrant à
la fornication ! À Dieu ne plaise ! car c’est là un horrible
sacrilège. C’est ainsi qu’on lit (Malachie, II, 11) : "Juda a souillé
le peuple du Seigneur qui lui était cher, et il s’est uni à la fille d’un
dieu étranger." III. Saint Paul pose la
mineure, en disant (verset 16) : Ne savez-vous pas que celui qui se joint
à une prostituée, à savoir par la fornication, devient un même corps
avec elle, c’est-à-dire par ce commerce criminel. Et pour preuve, il cite
un passage de la Genèse ; en disant : Car l’Ecriture "dit"
(Gen., II, 24) : "Ils seront deux," c’est-à-dire l’homme et
sa femme, "dans une même chair" ; à savoir par l’union
charnelle, ils deviennent une seule chair et ainsi les membres de l’un
deviennent les membres de l’autre. Ces paroles, en effet, sont celles qu’Adam
prononça en parlant de l’homme et de la femme ; l’Apôtre les applique ici à
la fornication, parce que, de leur nature, ces actes ne diffèrent pas. Il
faut observer que, comme le dit Aristote (Livre de la Génération des
animaux), dans le mâle le principe de la génération est actif, tandis
qu’il est passif dans la femme. De même que dans la plante, dont la vie est
ordonnée principalement à la génération, il n’y a jamais qu’un seul corps,
dans lequel les deux principes sont unis, ainsi, dans les animaux, destinés à
des actes de la vie plus élevés, il n’y a pas continuellement un seul corps
possédant les deux principes, mais des deux il ne s’en fait qu’un par l’acte
de la génération, qui n’est pas seulement l’acte de l’homme, puisque
(ci-après, VII, 4) : Le corps du mari n’est pas à lui, mais à sa femme. IV. Il prouve la
mineure, en disant (verset 17) : Mais celui qui demeure attaché au
Seigneur, etc., à savoir par la foi et par la charité, est un même
esprit avec lui, parce qu’il lui est uni d’une union spirituelle et non
corporelle. C’est ainsi qu’il est dit (Rom., V, 9) : "Celui qui n’a
pas l’Esprit de Jésus-Christ n’est pas à Lui" ; et (Jean XVII,
21) : "Afin qu’ils soient un avec nous, comme nous sommes un, vous et
moi," à savoir par l’union de l’esprit ; et comme le corps est sous
la dépendance de l’esprit, il s’ensuit que nos corps sont aussi les membres
de celui à qui nous sommes unis par l’esprit, non, à la vérité, par une union
corporelle, mais spirituelle. Or des deux raisonnements ci-dessus développés,
on peut déduire cette raison, que puisque notre corps n’est pas destiné à la
fornication, mais au Seigneur, à ce point que nos membres sont les membres de
Jésus-Christ, comme il a été expliqué, nous ne devons pas en faire par la
fornication les membres d’une prostituée. III° Quand saint Paul ajoute (verset 18) : Fuyez la fornication, etc., il donne la
troisième raison, tirée de la souillure du corps. I. Il pose la
conclusion cherchée, en disant (verset 18) : Fuyez la fornication. Il
faut remarquer ici qu’on triomphe des autres vices en résistant, parce que
plus l’homme les considère et les apprécie en particulier, moins il trouve en
eux de délectation, et plus au contraire il y trouve d’angoisses. Mais on ne
triomphe pas de la fornication en résistant, parce que plus l’homme y
réfléchit en particulier, plus il s’enflamme : le moyen de vaincre, c’est la
fuite ; il faut éviter absolument les pensées impures et toutes les
occasions, suivant ce mot du prophète Zacharie (II, 6) : "Ah ! fuyez
de la terre de l’aquilon, dit le Seigneur." II. L’Apôtre en donne
la raison, en disant (verset 18) : Tout autre péché commis par
l’homme, etc. Pour rendre ceci évident, il ne faut pas oublier que
certains péchés ne se consomment pas par la délectation charnelle, mais bien
dans la seule délectation spirituelle, par exemple l’avarice, l’orgueil, la
tiédeur ; aussi leur donne-t-on le nom de vices spirituels. Mais la
fornication s’accomplit principalement par la délectation charnelle, en sorte
que l’on pourrait entendre dans ce sens ce qui est dit ici : Tout autre péché
commis par l’homme est hors du corps, c’est-à-dire se complète en dehors
de la délectation de son corps, tandis que celui qui commet la fornication
pèche contre son propre corps, à savoir parce que son péché se consomme
dans sa chair. Cependant on objecte contre cette explication que le péché de
gourmandise se consomme aussi par la délectation corporelle. On pourrait
répondre que le péché de gourmandise fait partie de la luxure, en tant qu’il
y tend, suivant cette parole de l’épître aux Ephésiens (V, 18) : "Ne
vous laissez pas aller à l’excès du vin, d’où naît la luxure."
Toutefois on répond de manière plus correcte en disant que l’Apôtre ne dit
pas : Celui qui se livre à la fornication pèche par son corps, ce qui
reviendrait à la première explication, mais pèche contre son corps,
c’est-à-dire en le corrompant et en le souillant malgré les avertissements de
la raison. C’est de là qu’il est dit (Apoc., III, 4) : "Vous avez à
Sardes un petit nombre d’hommes qui n’ont pas souillé leurs vêtements,"
c’est-à-dire leur corps ; et au même livre (XIX, 4) : "Ceux-ci ne se
sont pas souillés avec les femmes" ; ou bien encore, selon saint
Augustin, cité par la Glose : "Celui qui se livre à la fornication pèche
contre son corps, parce que, dans cet acte, son âme est totalement esclave du
corps, en sorte qu’elle ne peut en même temps s’élever à d’autres objets."
C’est pourquoi il est dit au Psalmiste (XXXI, 9) : "Ne devenez pas
semblables au cheval et au mulet ; animaux sans intelligence." Ou
autrement : il pèche contre son corps, c’est-à-dire contre son épouse, qu’on
appelle le corps du mari ; aucun autre péché n’agit aussi directement
contre elle que la fornication. Aussi lit-on (1 Thess., IV, 4) : "Que
chacun de vous sache posséder dans la sanctification le vase de son corps,"
c’est-à-dire son épouse. Enfin, encore selon saint Augustin (liv. des Rétractations, I, 19),
on peut appliquer ces paroles à la fornication spirituelle, par laquelle
l’âme donne son amour au monde et se retire de Dieu, selon cette parole du
Psalmiste (LXXII, 27) : "Vous perdrez tous ceux qui vous abandonnent
pour prostituer leur amour." Le sens est donc : Celui qui se
livre à la fornication, en se retirant de Dieu pour donner son amour au
monde, pèche contre son corps, c’est-à-dire par convoitise charnelle.
Or tout autre péché, celui, par exemple, que l’homme commet par oubli, par
ignorance, par négligence, est hors de son corps, c’est-à-dire de la
convoitise corporelle. IV° Quand l’Apôtre dit (verset 19) : Ne savez-vous pas, etc.? il donne
la quatrième raison, tirée de la dignité de la grâce, qui se forme de deux
choses réunies : la grâce de l’Esprit Saint et la rédemption du sang de
Jésus-Christ. I. Il rappelle la
dignité que notre corps reçoit de de la grâce de l’Esprit Saint, en disant
(verset 19) : Ne savez-vous pas, comme s’il disait : vous ne devez pas
ignorer que vos membres, à savoir corporels, sont le temple du
Saint Esprit, ainsi qu’il a été dit précédemment (III, 16) : Ne
savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu ? Il en assigne la raison,
en disant (verset 19) : qui habite en vous. On appelle temple la
maison de Dieu ; puisque donc l’Esprit Saint est Dieu, il est convenable que
de tout endroit où réside le Saint Esprit, on dise : c’est le temple de Dieu.
Or l’Esprit Saint réside principalement dans nos coeurs, où la charité de
Dieu est répandue par le Saint Esprit, ainsi qu’il est dit (Rom., V, 5). Mais
il réside aussi d’une façon secondaire dans les membres corporels, en tant
qu’ils accomplissent les oeuvres de charité ; aussi est-il dit au Psalmiste
(LXXXIII, 3) : "Mon coeur et ma chair ont tressailli pour le Dieu
vivant." Et de peur que les Corinthiens ne s’attribuent cette
dignité, l’Apôtre ajoute (verset 19) : que vous avez reçu de Dieu,"
et non de vous-mêmes ; (Joël II, 28) : "Je répandrai mon Esprit
sur toute chair" ; et (Actes, V, 23) : "L’Esprit Saint
que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent." II. Il expose la
dignité que nos corps reçoivent par la rédemption du sang de Jésus-Christ en
disant (verset 19) : et qu’ainsi vous n’êtes plus à vous-mêmes, mais à
Jésus-Christ, selon cette parole (Rom., XIV, 8) : "Soit donc que nous
vivions, soit que nous mourions, nous sommes toujours au Seigneur" ;
et (I1 Cor., V, 15) : "Que ceux qui vivent ne vivent plus pour
eux-mêmes." Il en assigne la raison, en disant (verset 20) : Car
vous avez été rachetés à un grand prix ; voilà pourquoi vous tes les
serviteurs de Celui qui vous a rachetés de la servitude du péché. C’est de là
qu’il est dit plus loin (VII, 22) : Celui qui est appelé étant libre devient
esclave de Jésus-Christ" ; car (ci-après, VII, 23) : Vous
avez été rachetés à un grand prix ; et (Psaume XXX, 6) : "Vous
m’avez racheté, Seigneur, Dieu de vérité." Or le prix le la
rédemption est appelé grand parce qu’il n’est pas sujet à la corruption, et
renferme une éternelle vertu, puisqu’il est le sang même du Dieu éternel ;
(I Pierre, I, 18) : "Sachant que ce n’est pas par des objets
corruptibles, tels que l’or et l’argent, que vous avez été rachetés de votre
vie pleine de vanité, mais par le précieux sang de Jésus-Christ, sang de
l’Agneau pur et immaculé." III. Saint Paul déduit
la conclusion proposée, à ces mots (verset 20) : Glorifiez donc Dieu dans
vos corps, car si vos membres sont le temple de Dieu, il ne doit rien
paraître dans votre corps que ce qui appartient à la gloire de Dieu : c’est
là glorifier Dieu dans votre corps, parce qu’il est dit (Psaume XXVIII, 9) : "Tous,
dans son temple, publieront sa gloire" ; et (Exode, XL, 32) : "Une
nuée couvrit le tabernacle du témoignage, et la gloire du Seigneur remplit la
tente." Que si vous n’êtes plus à vous-mêmes, mais les serviteurs de
Dieu, notre corps doit porter Dieu, comme le cheval ou tout autre animal
porte son maître. C’est pourquoi il est dit au Psalmiste (LXXII, 23) : "Je
suis devenu devant vous comme une bête de somme." Or notre corps
porte le Seigneur, en tant qu’il est dévoué au service de Dieu. Ainsi donc
l’homme doit éviter de pécher contre son corps par la fornication, ce qui est
contraire à la gloire de Dieu et au service que notre corps est tenu de Lui
rendre. |
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Caput 7 |
CHAPITRE VII — MARIAGE ET VIRGINITÉ [par Pierre de Tarentaise] |
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Lectio 1 |
Leçon 1 : 1 Corinthiens VII, 1-9 — Faut-il se marier ? |
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SOMMAIRE : L’Apôtre traite du mariage, qui est permis à cause de la fornication. Il donne le conseil de marier ceux qui, ne pouvant se garder dans la continence, tombent dans la fornication. |
[1] de quibus autem scripsistis bonum est homini mulierem non
tangere [2] propter fornicationes autem unusquisque suam uxorem habeat
et unaquaeque suum virum habeat [3] uxori vir debitum redda similiter autem et uxor viro [4] mulier sui corporis potestatem non habet sed vir similiter
autem et vir sui corporis potestatem non habet sed mulier [5] nolite fraudare invicem nisi forte ex consensu ad tempus
ut vacetis orationi et iterum revertimini in id ipsum ne temptet vos Satanas
propter incontinentiam vestram [6] hoc autem dico secundum indulgentiam non secundum
imperium [7] volo autem omnes homines esse sicut me ipsum sed
unusquisque proprium habet donum ex Deo alius quidem sic alius vero sic [8] dico autem non nuptis et viduis bonum est illis si sic
maneant sicut et ego [9] quod si
non se continent nubant melius est enim nubere quam uri |
1. Pour ce
qui regarde les choses dont vous m'avez écrit, il est avantageux à l'homme de
ne toucher aucune femme. 2
Néanmoins, pour éviter la fornication, que chaque homme vive avec sa femme,
et chaque femme avec son mari. 3. Que le
mari rende à sa femme ce qu'il lui doit, et la femme ce qu'il doit à son
mari. 4. Le corps
de la femme n'est pas en sa puissance, mais en celle du mari ; de même le
corps du mari n'est pas en sa puissance, mais en celle de la femme. 5. Ne vous
refusez pas l'un à l'autre ce devoir, si ce n'est d’un consentement mutuel,
pour un temps, afin que vous vaquiez à l'oraison ; et ensuite vivez ensemble
comme auparavant, de peur que le démon ne prenne occasion de votre
incontinence pour vous tenter. 6. Or je
vous dis ceci par condescendance, et non par commandement ; 7. Car je
voudrais que vous fussiez tous comme moi ; mais chacun a son don particulier,
selon qu'il le reçoit de lieu, l’un d’une manière et l'autre d’une autre. 8. Quant
aux personnes qui ne sont pas mariées, ou qui sont veuves, je leur déclare
qu'il leur est bon de demeurer en cet état, comme j'y demeure moi-même. 9. Que
s'ils sont trop faibles pour garder la continence, qu'ils se marient ; car il
vaut mieux se marier que de brûler. |
[86253] Super 1 Cor., cap. Circa primum duo facit. Primo manifestat quid
circa hoc sit per se bonum; secundo, quid necessarium, ibi propter
fornicationem autem, et cetera. Circa primum considerandum quod in
detestationem fornicationis, contra quam locutus iam fuerat, aliqui non
habentes zelum Dei secundum scientiam, intantum procedebant, quod etiam
matrimonium condemnabant, secundum illud I Tim. IV, 2 s. : in hypocrisi
loquentium mendacium, prohibentium nubere. Et quia hoc durum Corinthiis videbatur fidelibus,
super hoc apostolo scripserunt, eius sententiam requirentes, et ideo
apostolus eis respondet : ita reprehendi ea quae facitis. De quibus autem
scripsistis mihi, respondeo, quantum ad matrimonium, bonum est homini
mulierem non tangere. Circa quod notandum quod mulier data est viro ad
adiutorium generationis : et in hoc differt vis generativa a nutritiva, quia
vis nutritiva deservit homini ad conservationem individui; unde bonum est
homini nutrimento uti, quia per hoc eius vita conservatur; generativa autem
non deservit homini ad conservationem individui, sed ad conservationem
speciei. Unde non potest dici quod bonum est homini, ad suum
individuum, mulierem tangere, primo quidem quantum ad animam, quia, ut
Augustinus dicit in Soliloquiis, nihil sic deiicit animam ab arce virtutis
suae, sicut contactus ille corporum, sine quo uxor haberi non potest; et
ideo Ex. XIX, 15 dicitur populo accepturo legem Dei : estote parati in
diem tertium, et ne appropinquetis uxoribus vestris. I Reg. XXI, 4 dixit Abimelech ad
David : si mundi sunt pueri, maxime a mulieribus, manducent panem sanctum.
Secundo
quantum ad corpus, quod vir subiicit per matrimonium potestati uxoris, se ex
libero servum constituens. Servitus autem haec prae omnibus aliis est amara.
Unde et Eccle. VII, 27 dicitur : inveni amariorem morte mulierem.
Tertio quantum ad res exteriores, quarum occupatione necesse est hominem
implicari, qui habet uxorem et filios nutriendos, cum tamen dicatur II Tim.
II, 4 — nemo militans Deo implicat se negotiis saecularibus, ut ei placeat
cui se probavit. Deinde cum dicit propter fornicationem,
etc., ostendit quid circa hoc sit necessarium. Primo quantum ad contractum
matrimonii; secundo quantum ad actum matrimonii iam contracti, ibi uxori
vir debitum, et cetera. Circa primum
considerandum est, quod actus generativae virtutis ordinatur ad
conservationem speciei per generationem filiorum, et quia mulier data est
viro in adiutorium generationis, prima necessitas tangendi mulierem est
propter procreationem filiorum. Unde Gen. I, 27 s. dicitur : masculum et foeminam creavit eos, et
benedixit eis Deus, et ait : crescite et multiplicamini, et replete terram.
Sed haec necessitas fuit circa institutionem humani generis, quamdiu oportuit
multiplicari populum Dei per successionem carnis. Sed apostolus, considerans
humanum genus iam multiplicatum et populum Dei iam esse augmentatum, non
propagatione carnis, sed generatione quae est ex aqua et spiritu sancto, ut
dicitur Io. III, 5, praetermisit hanc necessitatem, qua scilicet primitus
institutum fuerat matrimonium in officium naturae, et proponit secundam
necessitatem secundum quam institutum est in remedium culpae. Quia enim
carnalis concupiscentia adhuc post Baptismum in fidelibus remanet, licet non
dominetur, instigat homines maxime ad actus venereos propter vehementiam
delectationis. Et quia maioris virtutis est totaliter hanc concupiscentiam
superare, quam possit hominibus convenire, secundum illud Matth. XIX, v. 11 —
non omnes capiunt verbum hoc, necessarium est quod in parte
concupiscentiae cedatur, et in parte superetur; quod quidem fit dum actus
generationis ratione ordinatur, et non totaliter homo concupiscentia ducitur,
sed magis concupiscentia subditur rationi. Habet autem hoc ratio naturalis,
quod homo utatur generationis actu, secundum quod convenit generationi et
educationi filiorum. Hoc autem in brutis animalibus invenitur, quod in
quibuscumque speciebus animalium sola foemina non sufficit ad educationem
prolis, masculus simul nutrit prolem cum foemina; et ad hoc exigitur, quod
masculus cognoscat propriam prolem. Et ideo in omnibus talibus animalibus, ut
patet in columbis, turturibus et huiusmodi, naturaliter indita est
sollicitudo de educatione prolis. Et propter hoc in huiusmodi non sunt vagi
et indifferentes concubitus, ex quibus sequeretur incertitudo prolis; sed
masculus determinatus determinatae foeminae coniungitur, non indifferenter
quaelibet cuilibet, sicut accidit in canibus et aliis huiusmodi animalibus,
in quibus sola foemina nutrit prolem. Maxime autem in specie humana masculus
requiritur ad prolis educationem, quae non solum attenditur secundum corporis
nutrimentum, sed magis secundum nutrimentum animae, secundum illud Hebr. XII,
9 — patres quidem carnis nostrae habuimus eruditores et reverebamur eos;
et ideo ratio naturalis dictat quod in specie humana non sint vagi et incerti
concubitus, quales sunt concubitus fornicarii, sed sint determinati viri ad
determinatam foeminam, quae quidem determinatio fit per legem matrimonii. Sic
igitur triplex bonum habet matrimonium, primum quidem quod est in officium
naturae, prout scilicet ordinatur ad generationem et educationem prolis, et
hoc bonum est bonum prolis. Secundum bonum habet prout est in remedium
concupiscentiae, quae scilicet coarctatur ad determinatam personam, et hoc
bonum dicitur fides, quam scilicet vir servat uxori suae, non accedens ad
aliam, et similiter uxor viro. Tertium bonum habet, prout in fide contrahitur
Christi, quod quidem bonum dicitur sacramentum, inquantum significat
coniunctionem Christi et Ecclesiae, secundum illud Eph. V, 32 — sacramentum
hoc magnum est, ego autem dico in Christo, et Ecclesia. Hoc est ergo quod
dicit : dictum est quod bonum est homini mulierem non tangere, sed
quia ad hoc bonum non sunt omnes homines idonei, unusquisque vir, propter
fornicationem, scilicet vitandam, suam uxorem habeat, id est, sibi
determinatam, ut tollantur vagi et incerti concubitus, quod pertinet ad
fornicationem. Unde et Prov. V, 18 — laetare cum muliere adolescentiae
tuae, et postea subditur : quare seduceris, fili mi, ab aliena? Deinde cum dicit uxori vir debitum reddat,
etc., agit de usu matrimonii contracti. Et primo agit de debito reddendo;
secundo de debiti intermissione, ibi nolite fraudare, et cetera. Circa primum duo facit. Primo proponit quod
intendit, dicens : dictum est quod vir habeat uxorem, et uxor virum; habendi
autem haec est ratio, ut vir reddat debitum uxori, scilicet de suo
corpore per carnalem commixtionem, similiter autem et uxor viro, quia
quantum ad hoc ad paria iudicantur. Unde mulier non est formata de pedibus
viri tamquam ancilla, nec de capite tamquam domina, sed de latere tamquam
socia, ut legitur Gen. II, 21. Unde et mutuo debent sibi debitum reddere, secundum illud Rom. XIII, 7
— reddite omnibus debita. Secundo assignat debiti rationem, dicens mulier
non habet potestatem sui corporis, scilicet ad actum generationis, ut
scilicet possit proprio arbitrio vel continere, scilicet vel alteri se
tradere; sed vir, scilicet habet potestatem sui corporis, quantum
scilicet ad usum carnalis copulae, et ideo uxor debet viro proprii corporis
officium offerre. Similiter
autem et vir sui corporis potestatem non habet, sed mulier, et cetera. Unde et ipse
debet sui corporis officium offerre uxori, legitimo impedimento cessante.
Unde et Gen. c. II, 24 dicitur : adhaerebit uxori suae, et erunt duo in
carne una. Deinde cum dicit nolite fraudare invicem,
etc., agit de intermissione debiti reddendi. Et primo ostendit qualiter intermitti debeat
actus coniugalis. Circa quod docet unum esse cavendum, ne scilicet hoc per
fraudem fiat, dicens nolite fraudare invicem, ut scilicet velit vir
continere, invita uxore, aut etiam e converso. Quod apostolus fraudem
nominat, quia unus subtrahit alteri quod ei debetur, quod ad fraudem
pertinet, non minus in actu matrimonii, quam in aliis rebus. Unde et Prov. c.
XII, 27 dicitur : non inveniet fraudulentus lucrum, quia scilicet
ille, qui tali fraude continentiam Deo offert, non lucratur meritum vitae
aeternae. Sicut enim dicit Augustinus non vult Deus tale lucrum tali damno
compensari, ut dum unus coniugum continet, altero invito, ille incidat in
damnabiles corruptelas. Tria autem docet observanda in tali intermissione :
quorum primum est ut fiat ex communi consensu. Unde dicit nisi forte ex
consensu. Unde dicitur Eccli. XXV, 1 s. : in tribus beneplacitum est
spiritui meo, quae sunt probata coram Deo et hominibus : concordia fratrum, et
amor proximorum, vir et mulier bene sibi consentientes. Secundum est, ut
sit ad certum tempus. Unde subdit nisi forte ad tempus, secundum illud
Eccle. c. III, 5 — tempus amplexandi, et tempus longe fieri ab amplexibus.
Tertium est, ut hoc fiat propter debitum finem, scilicet causa spiritualium
actuum, ad quos continentia reddit magis aptos. Unde subdit ut vacetis
orationi, secundum illud Ioel. II, 14 — sacrificium et libamen domino
Deo nostro, et postea subdit : egrediatur sponsus de cubili suo, et
sponsa de thalamo suo. Secundo agit de reiteratione coniugalis actus; et
primo ponit documentum, dicens iterum revertimini in idipsum, ut
scilicet vobis invicem debitum reddatis, finito tempore orationis. Unde et
III Reg. VIII, 66 dicitur, quod celebratis dedicationis solemniis, profecti
sunt in tabernacula sua laetantes. Secundo assignat rationem documenti. Non enim hoc dicit, quasi
sit necessarium ad salutem, sed ad periculum vitandum. Unde subdit ne tentet vos
Satanas, id est, ne sua tentatione vos prosternat; sicut etiam dicitur I
Thess. III, 5 — ne forte vos tentaverit is qui tentat, et inanis sit labor
noster. Tentatio autem Satanae non est fortibus timenda, de quibus
dicitur I Io. II, 14 — scribo vobis, iuvenes, quoniam fortes estis, et
verbum Dei manet in vobis, et vicistis malignum. Est autem timenda
debilibus, unde subdit propter incontinentiam vestram, id est, propter
pronitatem ad incontinentiam, ex quo contingit, quod Diabolus hominem
tentando prosternit, et provocatur ad tentandum, secundum illud I Petr. ult. :
circuit quaerens quem devoret. Deinde cum dicit hoc autem dico, etc.,
manifestat quo sensu praedicta sunt accipienda, et primo facit quod dictum
est; secundo, rationem assignat, ibi volo autem, etc.; tertio, exponit
quod dixerat, ibi dico autem, et cetera. Dicit ergo primo : dixi, quod unusquisque suam
uxorem habeat, et unaquaeque mulier virum suum, et iterum quod post
continentiam determinati temporis, iterum revertamini in idipsum. Hoc
autem dico secundum indulgentiam, id est, parcens infirmitati vestrae, non
secundum imperium, quasi scilicet vobis necessarium ad salutem. Subditis
enim sunt quaedam eorum infirmitati indulgenda, et non ad bona imperio
cogendi. Unde contra quosdam praelatos dicitur Ez. XXXIV, 4 s. : cum
austeritate imperabatis eis, et cum potentia, et dispersi sunt greges mei.
Sed videtur apostolus inconvenienter loqui;
indulgentia enim non est nisi de peccato. Per hoc ergo quod apostolus,
secundum indulgentiam se dicit matrimonium concessisse, videtur exprimere
quod matrimonium sit peccatum. Sed ad hoc potest responderi dupliciter. Uno
modo ut indulgentia sumatur hic pro permissione. Est autem duplex permissio :
una quidem de minus malo, sicut dicitur Matth. c. XIX, 8, quod Moyses
permisit Iudaeis dare libellum repudii propter duritiam cordis eorum,
scilicet ad vitandum uxoricidium, ad quod erant proni. Talis enim permissio non
fit in novo testamento propter sui perfectionem, secundum illud Hebr. VI, 1 —
ad perfectum feramur. Alia autem est permissio de minus bono, cum scilicet homo praecepto
non cogitur ad maius bonum; et hoc modo apostolus hic indulget, id est,
permittit matrimonium, quod est minus bonum quam virginitas, quae non
praecipitur, quae est maius bonum. Alio modo potest accipi indulgentia prout
respicit culpam, secundum illud Is. XXVI, 15 — indulsisti, domine,
indulsisti genti. Et secundum hoc indulgentia refertur ad actum
coniugalem secundum quod habet annexam culpam venialem, tamen propter bona
matrimonii sine quibus esset mortalis. Unde considerandum est quod actus coniugalis
quandoque quidem est meritorius, et absque omni culpa mortali vel veniali,
puta cum ordinatur ad bonum prolis procreandae et educandae ad cultum Dei :
sic enim est actus religionis; vel cum fit causa reddendi debitum : sic enim
est actus iustitiae. Omnis autem actus virtutis est meritorius, si sit cum
charitate. Quandoque vero est cum culpa veniali, scilicet cum quis ad actum
matrimonialem ex concupiscentia excitatur, quae tamen infra limites
matrimonii sistit, ut scilicet cum sola uxore sit contentus. Quandoque vero
est culpa mortalis, puta cum concupiscentia fertur extra limites matrimonii,
scilicet cum aliquis accedit ad uxorem, aeque libenter vel libentius ad aliam
accessurus. Primo ergo modo actus matrimonii non requirit indulgentiam;
secundo modo habet indulgentiam inquantum aliquis consentiens concupiscentiae
in uxorem, non fit reus peccati mortalis; tertio modo omnino indulgentiam non
habet. Deinde cum dicit volo autem etc., assignat
rationem eius quod dixerat, et primo quare non loquatur secundum imperium;
secundo quare loquatur secundum indulgentiam, ibi sed unusquisque, et
cetera. Circa primum considerandum est quod nullus sapiens praecipit illud
cuius contrarium magis vult fieri. Ideo apostolus non praecipit quod homines
matrimonium contrahant, vel matrimonio contracto utantur, quia magis vult
quod homines contineant. Et hoc est quod dicit volo autem omnes,
homines, esse sicut meipsum, ut scilicet contineant, sicut ego
contineo. Et similiter dicit Act. XXVI, 29 — opto apud Deum omnes qui
audiunt, fieri tales qualis ego sum. Sed contra hoc videtur esse, quia si omnes
homines continerent, sicut apostolus continebat, cessasset generatio, et sic
non fuisset impletus numerus electorum, quod erat contra dispositionem
divinam. Dicunt quidam quod apostolo revelatum erat, quod si omnes homines
salvarentur in continentia viventes, sicut ipse vivebat, sufficiebat ad
implendum numerum electorum. Sed hoc nulla auctoritate fulcitur; et ideo
potest dici, quod apostolus volebat omnes esse continentes, quia scilicet
volebat hoc de singulis, non tamen volebat quod omnes simul continerent. Vel
potest dici, et melius, quod volebat omnes homines esse continentes voluntate
antecedente, sicut ipse dicit I Tim. II, 4, quod Deus vult omnes homines
salvos fieri, non autem voluntate consequente, qua Deus vult quosdam
salvare, scilicet praedestinatos, et quosdam damnare, scilicet reprobatos,
secundum illud Mal. I, 2 s. : Iacob dilexi, Esau autem odio habui. Est
autem voluntas antecedens de eo, quod absolute consideratum est melius, sicut
omnes homines esse salvos, vel continentes : voluntas autem consequens est de
eo, quod est melius, consideratis circumstantiis personarum et negotiorum, et
secundum hoc Deus vult quosdam damnare, et apostolus quosdam matrimonio
iungi. Deinde cum dicit sed unusquisque, assignat
rationem quare secundum indulgentiam matrimonium permiserit, quia scilicet
non quilibet tantae virtutis donum accepit a Deo, ut scilicet possit
totaliter continere, sicut et dominus dixit Matth. XIX, 11 — non omnes
capiunt verbum hoc, sed qui capere potest, capiat. Et hoc est quod dicit :
vellem quidem omnes esse continentes, sed unusquisque proprium, id
est, secundum certam mensuram, habet donum ex Deo, alius quidem sic,
puta ut in virginitate Deo serviat, alius vero sic, id est, ut Deo
serviat in matrimonio, secundum illud Matth. XXV, v. 15 — uni dedit quinque talenta, alii
vero duo, alii vero unum, unicuique secundum propriam virtutem. Et Sap. VIII, 21 — scivi
quoniam aliter non possum esse continens, nisi Deus det, et hoc ipsum erat
sapientiae scire cuius esset hoc donum. Deinde cum dicit dico autem, etc., exponit
quod obscure dixerat. Et primo quantum ad hoc quod dixerat : volo omnes
homines esse sicut meipsum, quia scilicet hoc est absolute melius. Unde
dicit dico autem, scilicet exponendo, non nuptis, id est,
virginibus, et viduis : bonum est illis si sic permanserint, scilicet
continentes, sicut ego, secundum illud Sap. c. IV, 1 — quam pulchra
est casta generatio cum claritate. Secundo quantum ad hoc quod dixerat : sed
unusquisque, etc., quasi dicat : quia non quilibet hoc donum accepit a
Deo ut contineat. Unde dicit quod si non continent, id est, si donum
continendi non acceperunt, nubant, id est, matrimonio iungantur,
secundum illud I Tim. V, 14 — volo iuvenes nubere. Et assignat
rationem, subdens melius est enim nubere, quam uri, id est,
concupiscentia superari. Concupiscentia enim est calor quidam noxius; qui
ergo concupiscentia impugnatur, calescit quidem, sed non uritur, nisi humorem
gratiae perdat a concupiscentia superatus. Unde Iob XXXI, 12 dicitur : ignis
est usque ad consummationem devorans, et universa eradicans germina. Est autem hic attendendum quod apostolus utitur
abusiva comparatione; nam nubere bonum est, licet minus, uri autem est malum.
Melius est ergo, id est magis tolerandum, quod homo minus bonum habeat, quam
quod incurrat incontinentiae malum; et hoc est quod supra dixit propter
fornicationem, scilicet vitandam, unusquisque suam uxorem habeat,
etc., et postmodum : ne tentet vos Satanas propter incontinentiam vestram. |
Après avoir
repris et le fornicateur et ceux qui le soutenaient, saint Paul aborde le
sujet du mariage. Il règle d’abord ce qui concerne les époux et ceux qui sont
engagés dans le mariage ; ensuite ce qui regarde les vierges, à ces mots
(verset 25) : Quant aux vierges, etc. ; enfin ce qui a rapport
aux veuves, à ces autres (verset 39) : La femme est liée à son mari, etc.
A l’égard du mariage, I° il
instruit ceux qui n’y sont pas encore engagés, à savoir s’ils doivent le
contracter ; II° il
explique ce qu’il a dit, à ces mots (verset 6) : Au reste, ce que je vous
dis, etc. I° Sur le premier de ces points, I. il explique ce qui est bon en soi ; II. ce qui est
nécessaire, à ces mots (verset 2) : Or, pour éviter la fornication, etc. I. Sur ce qui est bien
quant au mariage, il faut remarquer que, par horreur de la fornication,
contre laquelle l’Apôtre s’était déjà élevé, quelques-uns, qui n’avaient pas
le zèle de Dieu selon la science, allaient si loin qu’ils condamnaient même
le mariage ; (I Tim., IV, 2) : Imposteurs pleins d’hypocrisie qui
interdisent le mariage." Comme cette
doctrine paraissait dure aux fidèles, ils écrivirent, à ce sujet, à saint
Paul, demandant quel était son sentiment à cet égard ; c’est pourquoi
l’Apôtre leur répond : J’ai condamné ce que vous faites ; mais (verset 1) : sur
ce que vous m’avez écrit, je réponds, quant au mariage, qu’il est bon
pour l’homme de ne s’approcher d’aucune femme. Observez sur ceci que la
femme a été donnée à l’homme comme une aide pour la génération, et qu’il y a
entre la force générative et la force nutritive cette différence que celle-ci
sert à l’homme pour la conservation de l’individu. Il est donc bon pour
l’homme d’user de nourriture, parce qu’en la prenant il conserve la vie ;
mais la force générative ne sert pas à l’homme, pour la conservation de
l’individu, mais pour la conservation de l’espèce. On ne peut donc pas dire qu’il
est bon pour l’homme en tant qu’individu, de s’approcher de la femme :
d’abord, par rapport à l’âme, parce que, comme saint Augustin le dit (Soliloques, liv. I, ch. 4) :
"Rien ne fait descendre l’âme des hauteurs de la vertu comme ce contact
des corps, sans lequel on ne saurait avoir une épouse." Voilà
pourquoi, au livre de l’Exode (XIX, 15), il est dit au peuple qui devait
recevoir la loi de Dieu : "Soyez prêts pour le troisième jour, et ne
vous approchez pas de vos femmes" ; et (I Rois, XXI, 4) :
Abimélech dit à David : "Vos gens sont-ils purs, particulièrement à
l’égard des femmes, afin de manger ces pains consacrés ?" Ensuite,
par rapport au corps, car l’homme, par le mariage, se soumet à la
puissance de sa femme, se constituant esclave, de libre qu’il était. Or cette
servitude, entre toutes les autres, est pleine d’amertume ; (Ecclésiastique
VII, 27) : "J’ai trouvé la femme plus amère que la mort."
Enfin quant aux choses extérieures, dont les préoccupations viennent
nécessairement embar-rasser l’homme qui a une femme et des enfants à nourrir.
Aussi est-il dit (II Tim., II, 4) : "Quiconque est au service de Dieu
évite l’embarras des affaires du siècle pour plaire à Celui auquel il s’est
donné." II. Quand l’Apôtre
ajoute (verset ) : Or, pour éviter la fornication,etc., il détermine
ce qui est nécessaire en ce point : 1° quant au contrat de mariage ; 2° quant à l’acte du mariage déjà
contracté, à ces mots (verset 3) : Que le mari rende à sa femme ce qu’il
lui doit, etc. 1° Sur la première question, il faut
observer que l’acte de la puissance générative est destiné à la conservation
de l’espèce, par la génération des enfants, et que la femme a été donnée à
l’homme comme une aide à cette fin. Donc le premier motif de s’approcher
d’une femme est la procréation des enfants. C’est pourquoi il est dit au
livre de la Genèse (I, 27) : "Dieu les créa mâle et femelle, il les
bénit, et leur dit : Croissez et multipliez-vous, et remplissez la
terre." Mais cette nécessité n’exista que pour l’établissement du
genre humain, et aussi longtemps que le peuple de Dieu dut se multiplier par
la succession charnelle. L’Apôtre donc, considérant le genre humain déjà
multiplié et le peuple de Dieu augmenté, non plus par la propagation selon la
chair, mais par la régénération qui se fait par l’eau et par l’Esprit Saint,
ainsi qu’il est dit en saint Jean (III, 5), laisse de côté cette nécessité
qui avait fait instituer primitivement le mariage comme devoir de la nature,
et passe à la seconde nécessité à laquelle Dieu voulait pourvoir en
l’instituant, c’est-à-dire le remède du péché. Car la concupiscence charnelle
demeure encore dans les fidèles après le baptême, bien qu’elle ne domine pas ;
elle porte l’homme, avec une force particulière, aux relations sexuelles par
l’ardeur du désir ; et comme il faut, pour triompher complètement de cette
concupiscence, plus de force que n’en comporte la nature de l’homme, selon ce
mot (Matthieu XIX, 11) : tous n’entendent pas cette parole, il est
nécessaire que l’homme cède en partie à la concupiscence, et qu’il en
triomphe en partie ; ce qui a lieu quand l’acte de la génération est réglé
par la raison, et quand l’homme n’est pas entièrement entraîné par la
concupiscence mais est capable de soumettre celle-ci à la raison. Or la
raison naturelle dispose que l’homme accomplisse l’acte de la génération dans
la mesure qui convient à la procréation et à l’éducation des enfants. On
remarque, dans quelques espèces d’animaux sauvages, que la femelle seule ne
suffit pas à élever les petits, et que le mâle les nourrit en même temps
qu’elle ; donc il est nécessaire que le mâle distingue les petits qui sont à
lui. Voilà pourquoi aux animaux de ce genre, par exemple aux tourterelles,
aux pigeons et autres semblables, la nature a donné une sollicitude
instinctive pour élever leurs petits ; aussi ne s’apparient-ils pas
indifféremment et sans choix, attitude qui conduirait à ne pas reconnaître
leurs petits : tel mâle s’accouple à telle femelle, et pas indifféremment tel
à telle, comme le pratique l’espèce canine et autres semblables, chez
lesquelles la femelle seule nourrit les petits. Or c’est surtout dans
l’espèce humaine que le mâle est nécessaire à l’éducation de la famille, car
cette éducation exige qu’on ne s’occupe pas seulement de nourrir le corps,
mais qu’on pourvoie à l’âme, selon cette parole (Hébr., XII, 9) : "Nous
avons eu du respect pour les pères de notre corps, qui nous ont élevés."
Consé-quemment la raison naturelle exige que, dans l’espèce humaine, le
rapprochement des sexes ne soit pas libre et laissé à l’incertitude, comme
cela arrive par la fornication, mais que tel homme soit réservé à telle
femme, ce qui se fait par la loi du mariage. Ainsi considéré, le mariage
présente donc un triple avantage le premier en tant que devoir de la nature,
c’est-à-dire en tant qu’il est destiné à la procréation et à l’éducation des
enfants : cet avantage est pour les enfants. Le second en tant qu’il est
comme le remède de la concupiscence, qui est restreinte à une seule personne
déterminée : cet avantage, c’est la fidélité que le mari garde à sa femme en
n’approchant pas d’une autre, et réciproquement la fidélité de la femme à son
mari. Le troisième, enfin, en tant qu’il est contracté dans la foi de
Jésus-Christ, et c’est le sacrement, ainsi appelé parce qu’il représente
l’union de Jésus-Christ et de son Eglise (Ephésiens V, 32) : "Ce
sacrement est grand, je veux dire par rapport à Jésus-Christ et à
l’Eglise." C’est là ce que dit l’Apôtre. Il a été dit : "il
est bon pour l’homme de n’approcher d’aucune femme" ; mais comme
tous ne sont pas capables de choisir ce bon parti, que chacun d’eux, pour
éviter la fornication, ait son épouse, c’est-à-dire déterminée pour lui,
afin qu’il n’y ait jamais de confusion et d’inconstance dans les
rapprochements, ce qui a lieu dans la fornication. De là cette parole (Prov.,
V, 18) : "Vivez avec joie avec l’épouse que vous avez prise dans
votre jeunesse" et à la suite : "Pourquoi, mon fils, vous
laissez-vous séduire par la femme étrangère?" 2° Quand l’Apôtre dit (verset 3) : Que
le mari rende à la femme ce qu’il lui doit, etc., il traite de l’usage du
mariage déjà contracté, et d’abord du devoir à rendre, ensuite de son
intermission, à ces mots (verset 5) : Ne vous refusez pas l’un à l’autre, etc.
1. Sur la première question, A) il énonce ce qu’il veut établir, en
ces termes : Il a été dit que chaque homme ait son épouse, et chaque femme
son mari ; la conduite à suivre en vivant ainsi, c’est que (verset 3) : Le
mari rende à sa femme ce qu’il lui doit, c’est-à-dire le droit sur son
corps par l’union charnelle, et qu’il en soit de même de la femme
pour son mari, parce qu’en ce point ils sont regardés comme ayant un
droit égal. Voilà pourquoi la femme n’a pas été formée des pieds de l’homme,
comme une suivante, ni de sa tête, comme une maîtresse, mais de son côté,
comme une compagne, ainsi qu’il est rapporté au chapitre II, 21 de la Genèse.
Ils sont donc tenus réciproquement de se rendre le devoir, comme il est dit
dans l’épître aux Romains (XIII, 7) : "Rendez à chacun ce qui lui est
dû." B) Il donne la raison du devoir, en
disant (verset 4) : La femme n’a pas puissance sur son propre corps,
c’est-à-dire quant à l’acte de la génération, de telle sorte qu’elle puisse,
à son gré, ou s’abstenir ou se livrer à un autre, mais son mari ;
c’est-à-dire celui-ci a puissance sur le corps de sa femme, à savoir
quant à l’union conjugale. Voilà pourquoi la femme doit donner à son mari la
liberté légitime sur son propre corps.- (verset 4) : De même le mari n’a
pas puissance sur son propre corps, mais sa femme, etc. ; il doit donc
lui-même, tout empêchement légitime cessant, laisser à sa femme la liberté
sur son propre corps. C’est ce que veut dire ce mot de la Genèse (II, 24) : "Il
s’attachera à sa femme, et ils seront deux dans une même chair." 2. Lorsqu’il ajoute
(verset 5) : Ne vous dérobez pas l’un à l’autre, saint Paul traite de
l’intermission du devoir conjugal. A) D’abord il dit comment peut avoir
lieu cette intermission. Il enseigne donc, sur ce point, qu’il faut prendre
garde à une chose, c’est que pela ne se fasse par fraude : Ne vous dérobez
pas l’un à l’autre, de telle sorte que le mari veuille demeurer dans la
continence contre le gré de sa femme, et réciproquement. C’est ce que saint
Paul appelle « se dérober » parce que l’un refuse à l’autre ce qui
lui est dû, ce qui constitue la fraude, aussi bien dans le devoir conjugal
que pour toute autre obligation. Aussi est-il dit au livre des Proverbes
(XII, 27) : "Le trompeur ne jouira pas du gain qu’il cherche", parce
que celui qui, au moyen d’une semblable fraude, offre à Dieu la continence, n’acquiert
pas de mérite pour la vie éternelle. Car, comme dit saint Augustin, Dieu ne
veut pas qu’un tel gain soit compensé par un tel dommage, que, tandis que
l’un des époux se tient dans la continence contre la volonté de l’autre,
celui-ci tombe dans une condamnable corruption. L’Apôtre enseigne donc que,
dans cette intermission, il y a trois règles à observer : a) la première, c’est qu’elle se fasse
d’un commun accord (verset 5) : si ce n’est du consentement de l’un et de
l’autre. C’est de là qu’il est dit (Ecclésiastique XXV, I) : "Mon
Esprit se complaît dans trois choses, car elles sont belles devant le
Seigneur et devant les hommes : la concorde des frères, l’amitié entre les
proches, et un mari et une femme qui s’accordent bien ensemble." b) La seconde, c’est que ce soit pour
un temps déterminé ; c’est pourquoi il dit (verset 5) : pour un temps, suivant
cette autre parole du livre de l’Ecclésiaste (III, 5) : "Il y a un
temps pour embrasser, et un temps pour s’éloigner des embrassements." c) La troisième, c’est que
l’intermission ait lieu pour une fin légitime, à savoir pour accomplir des
devoirs spirituels auxquels la continence donne plus d’aptitude. C’est
pourquoi l’Apôtre ajoute (verset 5) : afin de vaquer à la prière, suivant
cette parole du prophète Joël (II, 14) : "[Peut-être pourrez-vous encore
présenter] vos sacrifices et vos offrandes au Seigneur votre Dieu" ;
et le Prophète ajoute (verset 16) : "Que l’époux sorte de sa
couche, et l’épouse de son lit nuptial." B) L’Apôtre traite de la reprise du
devoir conjugal. a) Et d’abord
il prescrit une règle, en disant (verset 5) : et ensuite vivez en semble
comme auparavant, en sorte que vous vous rendiez l’un à l’autre le devoir
quand le temps de la prière sera passé. C’est ainsi qu’au III° livre des Rois
(VIII, 66) il est dit, qu’après avoir célébré la dédicace solennelle du
Temple,"les enfants d’Israël retournèrent dans leurs demeures avec
allégresse". b) Il indique
la raison de la règle qu’il a posée ; il ne la prescrit pas comme une chose
nécessaire au salut, mais pour éviter le danger ; aussi ajoute-t-il (verset
5) : de peur que Satan ne vienne à vous tenter ; c’est-à-dire ne
vous abatte par la tentation, comme il est dit aussi dans la I° épître aux
Thessaloniciens (III, 5) : "de peur que le tentateur ne vous ait
tentés, et que notre travail ne devienne inutile." Or la tentation
de Satan n’est pas à redouter pour les forts, dont il est dit (I Jean II, 14)
: "Je vous écris, jeunes gens, parce que vous êtes forts, parce que
la parole de Dieu demeure en vous, et que vous avez vaincu le malin
esprit." Mais la tentation est à craindre pour les faibles ; aussi
l’Apôtre ajoute-t-il (verset 5) : à cause de votre incontinence,
c’est-à-dire à cause de votre penchant à l’incontinence qui donne occasion à
Satan de tenter les hommes et le provoque à les tenter, suivant cette parole
(I Pierre, V, 8) : "Il tourne autour de nous, cherchant qui
dévorer." II° Quand il ajoute (verset 6) : Au reste, ce que je vous dis, etc.,
saint Paul explique dans quel sens il faut entendre ce qu’il vient de dire. I. II fait ce que nous
disons ; II. il en donne
la raison, à ces mots (verset 7) : car je voudrais, etc. ; III. il explique ce
qu’il a dit, à ces autres (verset 8) : Or je dis, etc. I. Il dit donc : J’ai
dit que chaque homme vive avec sa femme et chaque femme avec son mari ; et,
de plus, qu’après avoir gardé la continence pendant un temps déterminé, vous
viviez ensemble comme auparavant. Or je parle ainsi par condescendance,
c’est-à-dire par compassion pour votre faiblesse, et je n’en fais point un
commandement, à savoir comme d’une chose nécessaire à votre salut. Il
faut, en effet, accorder quelque chose à la faiblesse des inférieurs, et ne
pas les contraindre au bien en donnant des ordres. Aussi est-il dit au
prophète Ezéchiel (XXXIV, 4) contre certains pasteurs : "Vous leur
commandiez avec dureté et avec rigueur, et mes brebis ont été dispersées." Cependant
le langage de l’Apôtre ne présente-t-il pas quelque contradiction ? Il n’y a
indulgence que lorsqu’il y a péché ; si donc saint Paul dit qu’il accorde le
mariage par indulgence, il donne à entendre, semble-t-il, que le mariage est
un péché. On peut répondre de deux manières. D’abord, l’on peut prendre ici
condescendance pour permission ; or il y a deux sortes de permission : l’une
d’un moindre mal, comme il est dit en saint Matthieu (XIX, 8), que "Moïse
a permis aux Juifs de donner le libelle de répudiation à cause de la dureté
de leurs cœurs," c’est-à-dire pour prévenir le meurtre de l’épouse,
qu’ils étaient portés à commettre. Mais cette permission n’est plus donnée
dans le Nouveau Testament, à cause de sa perfection, selon cette parole
(Hébr., VI, 4) : "Elevons-nous à ce qu’il y a de plus parfait."
La seconde espèce de permission est d’un moindre bien, c’est-à-dire
dans les circonstances où l’homme n’est pas obligé par un précepte à un bien
plus parfait. C’est dans ce sens que l’Apôtre use ici d’indulgence,
c’est-à-dire permet le mariage, qui est un moindre bien que la virginité,
celle-ci, qui est un bien plus grand, n’étant pas de précepte. On peut encore
envisager l’indulgence en tant qu’elle se rapporte à une faute, selon cette
parole d’Isaïe (XXVI, 15) : "Vous avez été indulgent, Seigneur,
indulgent pour votre peuple !" Dans ce sens, l’indulgence s’applique
au devoir conjugal, en tant qu’il porte avec lui une faute vénielle, en
raison des biens attachés au mariage, sans lesquels elle serait mortelle. De
là observons que l’acte conjugal est quelquefois méritoire et sans aucune
faute mortelle ou vénielle, par exemple quand on le rapporte au bien de la
procréation des enfants et de leur éducation pour le culte de Dieu, car quand
il est tel, il devient acte religieux ; ou encore lorsqu’il s’accomplit pour
rendre le devoir, car il est alors acte de justice. Or tout acte de vertu est
méritoire dès lors qu’il est accompli avec charité. Mais quelquefois il
renferme une faute vénielle, à savoir lorsqu’on y est provoqué par la
concupiscence, contenue pourtant dans les limites du mariage, de telle sorte
que l’époux se contente de l’épouse. Enfin, la faute est quelquefois
mortelle, lorsque la concupiscence fait franchir les limites du mariage, à
savoir lorsqu’on rend hommage à son épouse avec une volonté portée également
ou davantage vers une autre que l’épouse. L’acte du mariage, dans la première
de ces dispositions, ne demande donc pas d’indulgence; dans la seconde, il la
réclame, en tant qu’on cède à la concupiscence en s’approchant de l’épouse,
tout en restant en deçà du péché mortel ; dans la troisième, il ne saurait y
avoir lieu à l’indulgence. II. En disant (verset
7) : car je voudrais, etc., l’Apôtre donne la raison de ce qu’il vient
de dire : 1° Il explique pourquoi il ne fait pas un
commandement ; 2° pour quoi
il usé de condescendance, à ces mots (verset 7) : mais chacun a son don
particulier, etc. 1° Sur la première de ces explications,
il faut remarquer que tout homme sage ne commande pas ce dont il préfère le
contraire. L’Apôtre ne fait donc pas un commandement de contracter mariage ou
d’en user, parce qu’il préférerait que l’on vive dans la continence. C’est ce
qu’il dit (verset 7) : Car je voudrais que vous fussiez tous dans l’état
où je suis moi-même, c’est-à-dire qu’ils vivent dans la continence, comme
il y vit lui-même ; (Actes, XXVI, 29) : "Plût à Dieu que tous
ceux qui m’écoutent devinssent tels que je suis !" On objecte
que si tous les hommes vivaient dans la continence, comme y vivait l’Apôtre,
la génération cesserait, et qu’ainsi le nombre des élus ne serait pas
complet, ce qui serait contraire aux décrets divins. Quelques auteurs
répondent qu’il avait été révélé à saint Paul que si tous les hommes étaient
sauvés en vivant dans la continence, comme il y vivait lui-même, cela serait
suffisant pour remplir le nombre des élus. Mais cette réponse ne repose sur aucune
autorité valable, et par conséquent on peut dire que l’Apôtre désirait que
tous vécussent dans la continence, en ce sens qu’il le voulait pour chacun,
sans cependant vouloir que tous vécussent ainsi en même temps. Ou bien on
peut dire encore, et mieux, qu’il voulait d’une volonté antécédente que tous
les hommes vécussent dans la continence, comme il dit lui-même (I Tim., II,
4) que "Dieu veut que tous les hommes soient sauvés," et non
d’une volonté conséquente, selon laquelle Dieu veut sauver les uns,
c’est-à-dire les prédestinés, et condamner les autres, c’est-à-dire les
réprouvés, suivant cette parole de Malachie (I, 2-3) : "J’ai aimé
Jacob, mais j’ai haï Esaü." En effet, la volonté antécédente a pour
objet ce qui, considéré d’une manière absolue, est mieux, par exemple que
tous les hommes soient sauvés ou vivent, dans la continence ; la volonté
conséquente, a pour objet ce qui est mieux, eu égard aux circonstances de
personnes, d’affaires, etc. C’est de cette volonté que Dieu veut que
certaines personnes soient condamnées, et l’Apôtre que certains fidèles entrent
dans l’état du mariage. 2° Lorsqu’il dit (verset 7) : Mais
chacun a son don particulier, saint Paul donne la raison pour laquelle,
usant de condescendance, il a permis le mariage : c’est que tous n’ont pas
reçu de Dieu le don d’une si haute vertu, à savoir de pouvoir vivre dans une
continence absolue, ainsi que l’a dit le Seigneur (Matthieu XIX, 11) : "Tous
n’entendent pas cette parole ; mais que celui à qui cela a été donné le
comprenne." C’est dans ce sens que saint Paul dit (verset 7) : Je
voudrais que tous vécussent dans la continence, - mais chacun a son don
particulier, c’est-à-dire dans une certaine mesure, selon qu’il le
reçoit de Dieu, l’un d’une manière, par exemple pour qu’il serve Dieu
dans l’état de virginité, l’autre d’une autre manière, à savoir pour
qu’il serve Dieu dans l’état du mariage, selon cette parole de saint Matthieu
(XXV, 15) : "Il donna à l’un cinq talents, à l’autre deux, un seul à
un troisième, selon ce que chacun pouvait" ; et (Sagesse VIII,
21) : "J’ai connu que je ne pouvais garder la continence si Dieu ne
me la donnait, et c’était même déjà sagesse de savoir de qui venait ce
don." III. En ajoutant (verset
8) : Or je dis, etc., l’Apôtre explique ce qu’il avait dit en termes
obscurs. 1° Je
voudrais que tous vous fussiez dans l’état où je suis, à savoir parce
que, dans un sens absolu, cet état est meilleur. C’est ce qui lui fait dire :
Or je dis, en expliquant ma pensée, aux personnes qui ne sont pas
mariées, c’est-à-dire aux vierges, ou qui sont veuves, qu’il leur est
bon de demeurer dans cet état, c’est-à-dire dans la continence, comme
moi-même j’y demeure, selon cette parole du livre de la Sagesse (IV, 1) :
"Combien est belle la race chaste avec l’éclat de la vertu !"
2° Il explique ce mot (verset 8) : Chacun
a son don particulier, etc. comme s’il disait : c’est que tous n’ont pas
reçu de Dieu ce don de vivre dans la continence. C’est pourquoi il dit
(verset 9) : Que si elles ne peuvent garder la continence, c'est-à-dire
si elles ne peuvent accepter ce don de la continence, qu’elles se marient,
c’est-à-dire qu’elles se mettent sous le joug du mariage, selon cette parole
(1 Tim., V, 14) : "J’aime mieux que les jeunes se marient."
Il en donne la saison, en ajoutant (verset 9) : Car il vaut mieux se
marier que de brûler, c’est-à-dire que d’être vaincu par la
concupiscence. En effet, la concupiscence est une sorte de chaleur nuisible ;
celui donc qui est travaillé par la concupiscence éprouve de la chaleur, mais
il n’est pas brûlé, à moins que, cédant à cette concupiscence, il ne perde
l’eau rafraîchissante de la grâce. De là ce mot (Job, XXXI, 12) : "C’est
un feu qui dévore jusqu’à la racine, et qui consume jusqu’aux derniers
rejetons." Toutefois il faut observer que l’Apôtre se sert d’une
comparaison abusive ; car se marier est un bien, quoique dans un degré
inférieur, mais brûler est un mal. Il est donc meilleur, c’est-à-dire
il est plus tolérable que l'homme obtienne un bien moindre que de tomber dans
le mal de l’incontinence. Aussi Paul a-t-il dit plus haut (verset 2) : à
cause de la fornication, c’est-à-dire pour l’éviter, que chacun vive
avec sa femme, etc. ; et il ajoute aussitôt (verset 5) : de peur
que votre incontinence ne donne lieu à Satan de vous tenter. |
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Lectio 2 |
Leçon 2 : 1 Corinthiens VII, 10-14 — L'indissolubilité du mariage |
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SOMMAIRE : Qu’il ne faut pas dissoudre le mariage, que les époux professent le même culte ou appartiennent à des cultes différents. |
[10] his autem qui matrimonio iuncti sunt praecipio non ego sed
Dominus uxorem a viro non discedere [11] quod si discesserit manere innuptam aut viro suo
reconciliari et vir uxorem ne dimittat [12] nam ceteris ego dico non Dominus si quis frater uxorem
habet infidelem et haec consentit habitare cum illo non dimittat illam [13] et si qua mulier habet virum infidelem e hic consentit
habitare cum illa non dimittat virum [14]
sanctificatus est enim vir infidelis in muliere fideli et sanctificata est
mulier infidelis per virum fidelem alioquin filii vestri inmundi essent nunc
autem sancti sunt |
10. Quant à
ceux qui sont déjà mariés, ce n’est pas moi, mais le Seigneur qui leur fait
ce commandement : Que la femme ne se sépare point d’avec son mari. 11. Que si
elle s’en sépare, qu'elle demeure sans se marier, ou qu’elle se réconcilie
avec son mari, et que le mari, de même, ne quitte point sa femme. 12. Pour ce
qui est des autres, ce n'est pas le Seigneur, mais moi qui leur dis : Si un
fidèle a une femme infidèle, et qu’elle consente à demeurer avec lui, qu’il
ne se sépare point d’avec elle. 13. Et si
une femme fidèle a un mari infidèle, et qu’il consente à demeurer avec elle,
qu’elle ne se sépare point de lui. 14. Car le
mari infidèle est sanctifié par la femme fidèle, et la femme infidèle est
sanctifiée par le mari fidèle, autrement vos enfants seraient impurs, au lieu
que maintenant ils sont saints. |
[86254] Super 1 Cor., cap. 7 l. 2 Supra apostolus
posuit documenta de contractu matrimonii, hic instruit eos qui iam
matrimonium contraxerunt de matrimonio non dissolvendo : et primo docet eos
qui sunt in matrimonio iuncti, ut in matrimonio maneant; secundo ponit utilem
doctrinam quantum ad omnes status vel conditiones hominum, ibi unumquemque
sicut vocavit Deus, et cetera. Circa primum duo facit : primo agit de
indissolubilitate matrimonii quantum ad eos qui sunt unius cultus; secundo
quantum ad eos qui sunt in dispari cultu, ibi nam caeteris ego dico,
et cetera. Circa primum duo facit : primo ponit praeceptum de
indissolubilitate matrimonii; secundo docet quid sit servandum quando
matrimonium quodammodo separatur, ibi quod si discesserit, et cetera.
Dicit ergo primo : dixi non nuptis, id est, virginibus et viduis, quod melius
est eis si sic permanserint, his autem qui matrimonio sunt iuncti non
patet eadem conditio : his enim praecipio non ego, scilicet indicta
mihi auctoritate, sed dominus, hoc praecepit |
L’Apôtre,
après avoir donné son enseignement sur le contrat même du mariage, traite ici
de l’indissolubilité du mariage entre ceux qui l’ont contracté. D’abord il
enseigne que ceux qui sont unis en mariage doivent y demeurer ; ensuite il
donne un enseignement utile à tous les états ou conditions humaines, à ces
mots (verset 17) : Que chacun se conduise selon l’état dans lequel le
Seigneur l’a appelé, etc. Sur la première de ces questions, l’Apôtre
traite : I° de
l'indissolubilité du mariage entre ceux qui professent le même culte ; II° entre ceux qui
professent un culte différent, à ces mots (verset 12) : Quant aux autres,
c’est moi qui leur dis, etc. I° Sur la première partie de cette
question, I. il pose le
précepte de l’indissolubilité du mariage ; II. il enseigne ce qu’il y a à faire quand le mariage est
dissous pour quelque raison, en disant (verset 11) : Si la femme s’en
sépare, etc. I. Il dit donc : J’ai
dit (verset 8) aux personnes qui ne sont pas mariées, c’est-à-dire aux
vierges et aux veuves, qu’il est meilleur pour elles de demeurer dans la
continence ; (verset 10) : Mais pour ceux qui sont dans le mariage, il
ne leur est pas loisible de se conduire ainsi ; car à ceux-là (verset 10) : Ce
n’est pas moi, c’est-à-dire en vertu de l’autorité qui m’a été donnée, mais
le Seigneur qui leur fait ce commandement |
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A partir d'ici, et jusqu'à la fin du ch. 10, commentaire remplacé par celui de Frère Pierre de Tarentaise op |
[90324] Petrus de Tarantasia, In I Cor., cap. 7
l. 2 Dicens Matth.
XIX, 6 : quos Deus coniunxit, homo non separet. Praecipio, inquam, uxorem
a viro non discedere, et subintelligendum est, excepta causa
fornicationis, quam Christus excepit, et hic tacetur, quia notissima est.
Hanc solam excepit dominus, caeteras omnes molestias iubet pro fide coniugii
fortiter sustineri. Matth. XIX, 9 : quicumque dimiserit uxorem suam et
aliam duxerit, excepta causa fornicationis, moechatur. Hoc autem quod
dicitur hic, secundum Glossam Augustini, intelligitur de coniunctis
matrimonialiter, quorum uterque fidelis est. Quod si discesserit,
scilicet propter causam fornicationis, praecipio, inquam, manere
innuptam, vivente marito, quia si solvitur matrimonium quoad thorum, non
tamen quoad vinculum, aut viro suo reconciliari, scilicet si vir non
continet. Et similiter vir uxorem non dimittat, nisi ob causam
fornicationis. Similis forma in viro et in muliere servatur.
Unde supplendum est quod de uxore praemisit, scilicet quod si omnino
dimiserit, non ducat aliam, vel reconcilietur uxori. Sed contrarium videtur dicere Ambrosius super
hunc locum. Unde dicit : ideo non subdit de viro sicut de muliere, quia
licet viro aliam ducere, quia inferior non omnino hac lege utitur qua et
superior. Sed Magister dicit a falsariis esse appositum, et ideo nullatenus
est tenendum. Notandum est hic quod septem sunt casus in quibus vir non
potest ob causam fornicationis uxorem dimittere. Primus casus quando ipsemet
eam prostituit; secundus quando ipse cum alia fornicatus fuerit; tertius
quando ipse ei occasionem fornicandi dedit, ut quia non vult reddere debitum;
quartus quando ipsa credens probabiliter virum mortuum, alteri nupsit;
quintus quando violenter ab aliquo oppressa fuit; sextus quando sub specie
viri sui ab altero cognita fuit; septimus quando fuit a viro post adulterium
manifeste deprehensum, nihilominus retenta. Deinde cum dicit nam caeteris dico,
etc., agit de inseparabilitate matrimonii personarum disparis cultus, cum
alter est fidelis, alter non. Ubi primo dicit quod fidelis non dimittat
infidelem volentem sine contumelia creatoris cohabitare; secundo quod si non
vult, fidelis non tenetur eum sequi, sed potest alteri nubere, ibi quod si
infidelis discedit, etc.; tertio quod nisi infidelis prior recedat,
fidelis debet patienter commanere, ibi unde enim mulier, et cetera. In
prima, primo ponit admonitionem; secundo admonitionis rationem, ibi sanctificatus
est enim, et cetera. In prima, primo loquitur generaliter tam viris
quam foeminis; secundo specialiter viris, ibi si quis frater, etc.;
tertio specialiter foeminis, ibi et si qua mulier, et cetera. Dicit ergo nam caeteris, id est, ubi non
uterque fidelis est, sed alter fidelis, alter infidelis, dico ego,
consulendo non praecipiendo, non dominus dixit hoc proprio ore. Ac si
dicat : et hoc dico ex Deo, licet ipse non dicat hoc ore proprio. Dico,
inquam, hoc : si quis frater, fidelis, conversus scilicet ad fidem in
coniugio. Intelligitur enim hoc de his qui in infidelitate contraxerunt, non
de his qui in dispari cultu; tunc enim nullum esset matrimonium, sed essent
separandi, sicut fecit Esdras Esdrae X, 11. Si quis, inquam, habet
talem uxorem infidelem, et haec consentit habitare cum illo, sine
contumelia scilicet creatoris, non dimittat illam; consilium est, non
praeceptum, ut qui contrarium agit, non sit transgressor, secundum Glossam.
Deinde cum dicit et si qua mulier, hic loquitur specialiter foeminis,
ubi primo supponit fidem in aliquo, cum dicit et si qua mulier;
secundo infidelitatem in altero, cum addit virum infidelem; tertio
infidelis voluntatem cohabitandi, ibi et hic consentit; quarto
consulit fideli commanere illi, ibi non dimittat. Dicit ergo : et similiter si qua mulier
fidelis habet virum infidelem, et consentit habitare cum illa sine
contumelia creatoris; nam si nollet cohabitare sine contumelia nominis
Christi, debet fidelis eum dimittere, quia contumelia creatoris solvit
matrimonium, secundum Glossam, et potest fidelis contrahere. Si, inquam,
ita est, non dimittat virum : consilium est, non praeceptum; licet
enim infidelem fideli dimittere, sed tunc non expediebat. Deinde cum dicit sanctificatus
est vir, posita admonitione, hic ponit admonitionis rationem, ubi allegat
exemplum; secundo periculum, ibi alioquin, etc.; tertio fructum, ibi nunc
autem sancti, et cetera. In prima primo exemplificat de viro infideli,
secundo de muliere, ibi : et sanctificata est mulier, et cetera. Dicit
ergo, sanctificatus est, quasi dicat : fidelis infidelem volentem
cohabitare non dimittat; hoc ideo dico, sanctificatus est enim, et
cetera. Hoc dupliciter legitur. Primo modo sic : sanctificatus est enim
vir infidelis, aliquando, per mulierem fidelem; id est, aliquando
contingit quod unus per alium convertitur ad fidem, et sic sanctificatur; et
hoc iam forte contigerat, sicut Sisinnius per Theodoram Romae tempore
Clementis conversus est. Et similiter sanctificata est mulier infidelis
per virum fidelem, scilicet per ipsius admonitionem et doctrinam. Alio
modo legitur sic : ita fidelis infidelem non dimittat, sanctificatus est
enim vir, etc., id est, nullam immunditiam contrahit fidelis ex
cohabitatione vel ex commixtione cum infideli, sed servat veram pudicitiam,
secundum Augustinum. Deinde cum dicit alioquin filii, etc.,
hoc legitur dupliciter : uno modo de filiis nascituris; alio modo de iam
natis. Primo modo sic : alioquin, scilicet si disceditis, et vos aliis
copulatis, filii vestri, qui de hac copula nascerentur, immundi
essent, scilicet spurii, quia non de legitimo matrimonio. Nunc autem,
si permanetis, sancti sunt, id est, mundi, quia de legitimis coniugiis
nati. Secundo modo legitur sic : alioquin, scilicet si disceditis, filii
vestri, iam nati, immundi essent, id est, in infidelitate
remanerent, sequentes scilicet maiorem partem quae tunc erat infidelium; nunc
autem, si permanetis, sancti sunt, id est, Christiani fiunt. |
Lorsqu’il a
dit (Matthieu XIX, 6) : "Que l’homme ne sépare point ce que Dieu a
uni" je leur dis donc (verset 10) : Que la femme ne se sépare
point de son mari. Il faut sous-entendre « excepté pour cause de
fornication », comme le Christ l’a excepté lui-même : l’Apôtre ne le
rappelle point, parce que cette exception est très connue ; c’est le seul cas
que le Sauveur ait excepté. Quant à toutes les autres incommodités, il
ordonne de les supporter avec courage en vertu de la fidélité conjugale ;
(Matthieu XIX, 9) : "Quiconque renvoie sa femme, si ce n’est pour
cause de fornication, et en épouse une autre, est adultère" ; ce qui est dit ici, suivant la
Glose de saint Augustin [(des
Mariages adult., à Poll., liv. II, ch. VIII)], doit s’entendre de
ceux qui sont unis par le mariage, et sont tous deux croyants. II. Que si la femme
s’en sépare, c’est-à-dire pour cause de fornication, j’ordonne,
dis-je, qu’elle demeure sans se marier, tant que vivra son mari, parce
que si le mariage est dissous quant à la cohabitation, il ne l’est pas quant
au lien ; (verset 14) : ou qu’elle se réconcilie avec son mari, à
savoir s’il ne vit pas dans la continence ; et (verset 14) : Que de même
le mari ne quitte point sa femme, si ce n’est pour ce même motif de
fornication. L’Apôtre emploie la même formule pour le mari et pour la femme.
Il faut donc sous-entendre ce qu’il vient de dire de celle-ci, c’est-à-dire
que s’il s’en est séparé lui-même entièrement, qu’il demeure sans se
marier, ou qu’il se réconcilie avec sa femme. Saint
Ambroise paraît enseigner le contraire, en expliquant ce passage. Il dit : L’Apôtre ne s’exprime point pour le mari
de la même manière que pour la femme, parce qu’il est permis au mari de
prendre une autre femme, l’inférieur ne pouvant pas entièrement se prévaloir
de ce qui est permis au supérieur. Mais le Maître des sentences prétend
que cet endroit a été falsifié, et par conséquent qu’il ne faut faire aucun
cas de cette contradiction. Il faut remarquer qu’il y a sept circonstances
dans lesquelles le mari ne peut se séparer de sa femme pour cause de
fornication 1° Quand il
l’a lui-même prostituée ; 2° quand
lui-même s’est livré à la fornication avec une autre ; 3° quand il lui a lui-même donné
occasion de se livrer à la fornication, par exemple en ne voulant pas rendre
le devoir conjugal ; 4° quand elle
a cru avec probabilité que son mari était mort lorsqu’elle s’est mariée à un
autre ; 5° quand elle
a subi la fornication par violence ; 6° quand elle s’est unie à un autre qui s’est fait passer
pour son mari ; 7° quand,
après la manifestation certaine de l’adultère, elle a été néanmoins retenue
par son mari. II° Lorsque l’Apôtre ajoute (verset 12) : Quant aux autres, ce n’est pas
le Seigneur, etc., il traite de l’indissolubilité du
mariage entre les personnes de culte différent, quand l’un des époux est
fidèle, l’autre infidèle. Il enseigne, premièrement, que le fidèle ne doit
pas renvoyer la femme infidèle quand celle-ci consent à demeurer avec lui,
sans outrage pour le Créateur ; secondement, que la femme fidèle n’est pas
tenue, contre sa volonté, à suivre le mari infidèle, mais qu’elle peut se
marier à un autre à ces mots (verset 15) : Que si l’infidèle se retire, etc. ; troisièmement, que si le mari
infidèle se retire le premier, la femme fidèle doit attendre avec patience, à
ces mots (verset 16) : Car que savez-vous, femme, etc.? Dans la
première de ces questions, saint Paul avertit d’abord ; ensuite il donne la
raison de son avertissement, à ces mots (verset 14) : Car le mari infidèle
est sanctifié, etc. I. Il s’adresse donc,
dans cet avertissement, d’une manière générale tant aux maris qu’aux femmes ;
en second lieu, d’une manière spéciale aux maris, à ces mots (verset 12) : Si
un mari fidèle, etc. ;
enfin spécialement aux femmes, à ces mots (verset 13) : Et si une femme
fidèle, etc. 1° Il dit donc : Quant aux autres, c’est-à-dire là
où l’un et l’autre époux n’est pas un fidèle, mais l’un fidèle et l’autre
infidèle, je dis, en donnant un conseil, et non en édictant un
commandement, car ce n’est pas le Seigneur qui l’a dit de sa propre bouche, comme s’il disait : je le dis
comme venant de Dieu, bien qu’il ne l’ait pas dit lui-même. 2° Je dis, je le répète (verset
12) : Si un mari fidèle, c’est-à-dire converti à la foi pendant son
mariage ; car il faut entendre ceci de ceux qui ont contracté mariage étant
encore infidèles, et non de ceux qui l’auraient contracté étant de culte
différent. Dans ce dernier cas, en effet, le mariage serait nul, et les époux
devraient être séparés, ainsi que fit Esdras (IV° liv., X, 11). Si, dis-je, celui qui est tel a une femme infidèle, et (verset 12) :
qu’elle consente à demeurer avec lui, sans outrage pour le Créateur, qu’il
ne la renvoie point. C’est un conseil, ce n’est pas un précepte ; en
sorte que celui qui fait le contraire ne transgresse rien, dit la Glose. 3° Lorsqu’il dit (verset 13) : Et
si une femme fidèle, il s’adresse spécialement aux femmes, et suppose : a) la foi dans l’un des conjoints, en
disant : Et si une femme fidèle ;
b) l’infidélité dans
l’autre, puisqu’il ajoute : un mari qui soit infidèle ; c) la volonté de la partie infidèle de cohabiter, à ces
mots : et qu’il consente à demeurer avec elle ; d) il conseille à la partie fidèle de demeurer avec le
mari infidèle, en disant : qu’elle ne la quitte point. Il dit donc (verset 13) : Qu’il en soit de même si une femme
fidèle a un mari infidèle, et qu’il consente à demeurer avec elle,
sans outrage au Créateur. En effet, s’il ne voulait pas demeurer ainsi sans
insulter au nom chrétien, la partie fidèle doit le quitter, parce que l’outrage au Créateur dissout le mariage,
suivant la Glose. Le fidèle peut contracter de nouveau. S’il en est ainsi, ne pas se séparer de son mari, c’est
un conseil et non un précepte, car il est permis à la partie fidèle de
quitter la partie infidèle, mais alors ce n’était pas expédient. II. Lorsque l’Apôtre
ajoute (verset 14) : Car le mari infidèle est sanctifié, après avoir
donné l’avertissement, 1° il en
assigne la raison en citant un exemple ; 2° en indiquant un danger, à ces mots (verset 14) : Autrement,
etc.; 3° un avantage, à ces autres (verset
14) : Mais maintenant ils sont saints, etc. 1° Il donne donc d’abord l’exemple
d’un mari infidèle, puis d’une femme infidèle, à ces mots (verset 14) : Et
la femme infidèle a été sanctifiée, etc. A) Il dit : Le mari a été sanctifié,
comme s’il disait : si je dis que le fidèle ne se sépare point de l’infidèle
qui veut demeurer avec lui, c’est que le mari infidèle a été sanctifié, etc.
Or ceci s’entend de deux manières. D’abord ainsi : Le mari infidèle a
été quelquefois sanctifié par la femme fidèle, c’est-à-dire il
arrive quelquefois que l’un des époux est converti par l’autre à la foi, et
qu’il est ainsi sanctifié. Peut-être avait-on déjà vu de ces conversions,
comme l’on vit à Rome, au temps de saint Clément, Sisinnius converti par
Théodora, sa femme. B) De même (verset 15) : La femme
infidèle a été sanctifiée par le mari fidèle, c’est-à-dire par sa
doctrine et ses exhortations. On peut encore lire ainsi la phrase : Que le fidèle ne se sépare pas de
l’infidèle, car le mari infidèle a été sanctifié, etc.,
c’est-à-dire le fidèle ne contracte aucune souillure par la cohabitation ou
le devoir conjugal avec l’infidèle, mais il conserve la véritable pureté,
comme le remarque saint Augustin. 2° (verset 14) : Autrement vos
enfants, etc. Deux
interprétations possibles : On peut entendre ces paroles des enfants
qui devaient naître et de ceux qui étaient nés déjà. A) Dans le premier sens, Autrement,
c’est-à-dire si vous vous séparez et si vous vous unissez à d’autres, vos
enfants qui viendront à naître de cette union seraient impurs,
c’est-à-dire adultérins, comme n’étant pas nés en mariage légitime. Maintenant, au contraire, si vous
demeurez, ils sont saints, c’est-à-dire purs, parce qu’ils sont nés en
légitime mariage. B) Dans le second sens, Autrement,
c’est-à-dire si vous vous séparez, vos enfants déjà nés, seraient
impurs, c’est-à-dire ils resteraient dans l’infidélité, comprenez : en
suivant la majeure partie des gens, qui alors étaient infidèles. 3° Mais maintenant, si vous
restez, ils sont saints, c’est-à-dire ils deviennent chrétiens. |
Deinde cum dicit sanctificatus est vir
infidelis per mulierem fidelem. Thema in festo beatae Caeciliae quae
convertit virum suum ad fidem. Inter omnia quae regunt hominem in via salutis
praecipuum est sequi societatem sanctorum. Hoc ostendit Psalmista verbo, cum
dicit : cum sancto sanctus eris, etc.; hoc ostendit Caecilia facto,
secundum quod hic dicitur : sanctificatus est vir, etc.; in quibus
verbis tria commendant ipsam, scilicet natura, gratia et doctrina. Natura
humana quae notatur in muliere : gratia, quae notatur in viri
sanctificatione, ut sibi sit nobilis per naturam, Deo humilis per fidem,
proximo utilis per doctrinam. Doctrina enim redditur commendabilior
consideranti actum, obiectum, et oppositum. Actus est sanctificare, obiectum
est vir, oppositum est infidelitas. Infidelitas est culpa tenacior :
virilitas sexus robustior : sanctificare actus difficilior. Et tamen cum
esset mulier, per doctrinam suam convertit incredulum, emollivit robustum,
mundavit immundum, et sic sanctificavit infidelem virum. Multae vero sunt
proprietates mulieris commendabiles, quae huic conveniunt, ut sint tres
proprietates quoad actum cordis, tres quoad actum oris, et tres quoad actum
operis. Tres primae sunt : sapientia ex parte rationalis, Prov. XIV, 1 : sapiens
mulier aedificat sibi domum, munditia ex parte concupiscibilis, Eccli.
XL, 19 : aedificatio civitatis confirmabit nomen, et super eam mulier
immaculata computabitur, constantia ex parte irascibilis, Ruth III, 11 : scit
omnis populus te esse mulierem virtutis, etc.; tres secundae sunt :
modestia contra multiloquium, Eccli. XXVI, 18 : mulier sensata et tacita
non est immutatio animae eruditae : veritas contra mendacium, Iudith
VIII, 28 : omnia quae locuta es vera sunt, discretio contra
stultiloquium, I Reg. XXV, 3 : erat mulier prudentissima et speciosissima;
Iudith c. XI, 19 : non est talis mulier super terram in aspectu, et in
pulchritudine et in sensu verborum. Tres ultimae sunt : sanctimonia in
facto, Iudith VIII, 29 : ora pro populo, quia mulier sancta es,
verecundia in signo, Eccli. XXVI, v. 19 : gratia super gratiam mulier
sancta et pudorata, gratia in conversando, Prov. XI, 16 : mulier
gratiosa inveniet gloriam. Propter eminentiam horum dicitur de beata
virgine Maria : benedicta tu in mulieribus. |
(verset 4)[5] : Le mari infidèle
est sanctifié par la femme fidèle :
voilà un thème pour le panégyrique de sainte Cécile, qui convertit son mari à
la foi. Parmi les motifs qui peuvent pousser les hommes dans la voie du
salut, un des principaux est de partager la société des saints. Le Psalmiste
le donne à entendre lorsqu’il dit (XVII, 26) : "Vous serez saint avec
celui qui est saint, etc." Sainte Cécile nous montre l’accomplissement
de cette parole : Le mari infidèle est sanctifié, etc. Or, dans ces
paroles, nous trouvons trois points dignes d’éloges : la nature, la grâce et
la doctrine. La nature humaine est désignée dans la femme ; la grâce se
montre dans la sanctification du mari, en sorte que Cécile est noble à ses
propres yeux par nature, humble aux yeux de Dieu par la foi, utile au
prochain par la doctrine ; car la doctrine devient plus estimable à celui qui
en considère l’acte, l’objet et ce qui lui fait obstacle : l’acte, c’est la
sanctification ; l’objet, c’est l’homme ; l’obstacle, c’est l’infidélité.
Mais l’infidélité est une des fautes les plus tenaces, le sexe de l’homme le
plus robuste, la sanctification un acte des plus difficiles. Néanmoins, bien
qu’elle ne fût qu’une femme, sainte Cécile a converti, par sa doctrine, l’incrédule,
adouci la dureté, purifié l’impiété, et sanctifié ainsi son mari. On
reconnaît en elle plusieurs des qualités qui sont recommandables dans la
femme : elle en présente trois quant à l’acte du coeur, trois quant à l’acte
des lèvres, et trois quant à. l’acte des oeuvres. Les trois premières sont la
sagesse, quant à son principe rationnel (Prov., XIV, 4) : "La femme
sage édifie une maison" ;
la pureté, du côté de l’appétit concupiscible (Ecclésiastique XL, 19) : "La
fondation d’une ville assure la durée d’un nom, mais au-dessus de ces biens
est une femme sans tache" ; la constance, du côté de l’appétit irascible (Ruth, III, 11)
: "Tout le peuple qui habite entre les portes de la ville, sait que
vous êtes une femme pleine de vertu, etc. " Les trois secondes sont :
la modestie, opposée au bavardage intempestif (Ecclésiastique XXVI, 18) : "La
femme sensée est silencieuse, et rien n’est comparable à la femme
prudente" ; la
vérité, opposée au mensonge (Judith, VIII, 28) : "Tout ce que vous
avez dit est la vérité" ;
la discrétion, opposée à la sottise (I Rois, XXV, 3) : "Cette femme
(Abigaïl) était très prudente et très belle" ; et (Judith, XI, 19) : "Il
n’y a pas sur la terre une femme semblable à celle-ci pour son regard, sa
beauté et la sagesse de ses paroles." Les trois dernières sont : la
sainteté dans la conduite (Judith, VIII, 29) : "Priez pour le peuple,
parce que vous êtes une femme sainte" ; la modestie dans l’extérieur (Ecclésiastique XXVI, 19) : "La
femme sage et pudique est un don qui surpasse tous les dons ; la grâce dans la conversation (Prov.,
XI, 16) : "La femme gracieuse sera élevée en gloire."
C’est parce qu’elle a eu ces qualités à un degré suréminent qu’il est dit de
la Vierge Marie : "Vous êtes bénie entre toutes les femmes." |
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Leçon 3 : 1 Corinthiens VII, 15-20 — Le cas des mariage mixtes |
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SOMMAIRE : Que la partie fidèle n’est pas tenue à suivre la partie infidèle, si celle-ci veut se séparer d’elle ; que si celle-ci veut rester, que la partie fidèle ne dédaigne pas de cohabiter, car ils peuvent se sauver l’un l’autre. |
[15] quod si infidelis discedit discedat non est enim servituti
subiectus frater aut soror in eiusmodi in pace autem vocavit nos Deus [16] unde enim scis mulier si virum salvum facies aut unde scis
vir si mulierem salvam facies [17] nisi unicuique sicut divisit Dominus unumquemque sicut
vocavit Deus ita ambulet et sic in omnibus ecclesiis doceo [18] circumcisus aliquis vocatus est non adducat praeputium in
praeputio aliquis vocatus est non circumcidatur [19] circumcisio nihil est et praeputium nihil est sed
observatio mandatorum Dei [20]
unusquisque in qua vocatione vocatus est in ea permaneat |
15. Que si
le mari infidèle se sépare de sa femme fidèle, qu’elle le laisse aller, parce
qu’un frère ou une soeur ne sont plus asservis en cette rencontre; mais Dieu
nous a appelés pour vivre en paix; 16. Car que
savez-vous, ô femme, si vous ne sauverez pas votre mari? et que savez-vous, ô
mari, si vous ne sauverez pas votre femme ? 17. Mais
que chacun se conduise selon le don particulier qu’il a reçu du Seigneur, et
selon l’état dans lequel Dieu l’a appelé : et e est ce que j’or donne dans
toutes les Eglises. 18. Un
homme est-il appelé étant circoncis, qu’il n’affecte point de paraître
incirconcis; est-il appelé n’étant pas circoncis, qu’il ne se fasse point
circoncire. 19. Ce
n’est rien d’être circoncis, et ce n’est rien d’être incirconcis, mais le
tout est d’observer les commandements de Dieu. 20. Que
chacun demeure dans l’état où il était quand Dieu l’a appelé. |
[90325] Petrus de Tarantasia, In I Cor.,
cap. 7 l. 3 Superius ostendit quod fidelis non debet
dimittere infidelem cohabitare volentem, hic autem dicit quod si non vult
cohabitare, non tenetur fidelis eum sequi, sed potest alteri nubere; ubi
primo ponitur ipsa concessio; secundo concessionis ratio duplex : prima est
libertas, ibi non est enim servituti, etc.; secunda est pacis
tranquillitas, ibi in pace autem, et cetera. Dicit ergo : quod si infidelis, vel mulier,
discedit, a fideli, odio fidei, discedat, et potest fidelis qui
dimittitur contrahere; primum enim matrimonium dissolubile erat, quia numquam
fuit ratum. Non enim servituti, scilicet coniugali, subiectus est
frater aut soror, fidelis, id est, non cogitur sequi infidelem odio fidei
discedentem, sicut dicit Glossa Io. VIII, 36 : si filius vos liberaverit,
vere liberi eritis. In pace autem, quasi dicat : ideo discedat fidelis,
quia in pace vocavit nos Deus, id est, ideo non debemus litigare cum
eo qui odio fidei discedit. Vel sic, quamvis ita sit quod fidelis non est
subiectus servituti, nihilominus tamen non debet occasionem discordiae et
dissidii praebere, sed pacem servare. In pace autem vocavit nos Deus.
Non est enim Deus dissensionis, sed pacis, infra XIV, 33. Deinde cum dicit unde enim scis, mulier,
etc., hic dicit quod si infidelis non discedat, fidelis debet patienter
commanere. Ad quod allegat primo spem alienae conversionis; secundo
permanentiam in statu propriae vocationis, ibi unumquemque sicut vocavit
Deus, etc.; tertio exemplum in ritu conversationis, ibi circumcisus
aliquis, etc.; quarto exemplum in statu conditionis, ibi servus
vocatus es, et cetera. In prima, primo innuit quod mulier fidelis
commanendo, virum ad fidem potest convertere; secundo quod similiter vir
fidelis mulierem infidelem potest salvare, ibi aut unde scis hoc, vir,
etc.; tertio quod ideo debent patienter commanere, ibi nisi unicuique,
et cetera. Dicit ergo unde enim scis, quasi dicat :
vere debet manere fidelis cum infideli, quia unde scis, id est, scire
potes, o tu mulier fidelis, si virum infidelem salvum facies? Eum scilicet commonendo et convertendo ad fidem; quasi dicat, hoc
potest contingere. Ambrosius : hoc ideo dicit, quia forsan potest credere qui
horret nomen Christi. Aut unde scis, id est, scire potes, o tu vir
fidelis, si mulierem infidelem salvam facies, eam ad fidem
convertendo? Quia hoc sperare debes. Nisi unicuique, hoc dupliciter
legitur; uno modo sic : unde scis hoc, nisi ita habeas te, supple ad
tuum comparem, sicut dominus divisit unicuique? Scilicet
viro praeesse, et mulieri subesse. Secundo modo sic : unde scis hoc, nisi,
supple, patienter expectes fieri, sicut divisit dominus unicuique? Id
est, ordinavit de unoquoque quando credat et quando salvetur. Ergo tu debes
expectare et commanere. Rom. XII, 3 : unicuique sicut divisit dominus.
Deinde cum dicit unumquemque sicut vocavit,
etc., hic ostendit quod fidelis debet manere cum infideli coniuge, allegans
permanentiam in statu propriae vocationis. Primo
ergo allegat divinam vocationem; secundo suam auctoritatem, ibi sicut in
omnibus Ecclesiis, et cetera. Dicit ergo, unumquemque,
quasi dicat : et quomodo scis hoc, o vir et mulier, nisi quilibet ambulet
perseveranter ita sicut Deus vocavit unumquemque, id est, in eo statu
in quo Deus vocavit unumquemque, non autem quomodo sint. Quasi dicat : et hoc ita praedico in Ecclesia vestra, sicut in
omnibus Ecclesiis. Turpis enim est pars quae suo toto non
convenit. Est ergo sua ratio talis : unusquisque debet manere in eo statu in
quem Deus vocavit; ergo si vocavit aliquos in coniugium, debent manere in
ipso. Haymo : si habeas uxorem, maneas cum ea, et si non habeas, ducere
non concupiscas. Deinde cum dicit circumcisus aliquis, etc., hic
ponit exemplum : ubi primo ponit ipsum exemplum; secundo exempli rationem,
ibi circumcisio enim nihil est; tertio regulam generalem, ibi unusquisque
in qua vocatione. Ponit autem exemplum in ritu vivendi, primo
Iudaeorum, secundo gentilium, ibi in praeputio aliquis vocatus est, et
cetera. Dicit ergo circumcisus, etc., quasi dicat : unusquisque
ambulet in eo statu in quo vocatus est; verbi gratia circumcisus quis
vocatus est, id est in ritu Iudaico? Non adducat, id est, non
cogatur adducere, praeputium, id est, ritum gentilium. In praeputio,
id est, in ritu gentili, quis vocatus est? Non circumcidatur, id est
non cogatur ad ritus Iudaicos. Augustinus : servat ubique apostolus
construere Ecclesias, sive Iudaeorum, sive gentilium; numquam enim aufert
consuetudinem, quae servata non impedit salutem; ergo si coniugium non
impediat, debent vocati in coniugio commanere. Deinde cum dicit circumcisio enim nihil est,
hic subdit rationem exempli, quae talis est : ritus non impediens salutem,
non debet mutari propter vocationem ad fidem, sed ritus tam Iudaicus quam
gentilis est huiusmodi, ergo et cetera. A simili ergo arguit in matrimonio.
Primo ergo tangit quod est ad salutem indifferens; secundo quod est
necessarium et expediens, ibi sed observatio mandatorum, et cetera. Dicit igitur circumcisio nihil est, id est
nihil prodest, et praeputium nihil est, id est nihil prodest vel
obest; quasi dicat : talis vel talis ritus vivendi nihil proficit ad salutem.
Gal. ult. : in Christo Iesu nec circumcisio
aliquid valet, nec praeputium, sed nova creatura. Ambr. : ad salutem
nec prodest nec obest Iudaicus aut gentilis ritus. Sed observatio mandatorum
Dei, aliquid prodest. Sap. VI, 19 : custoditio legum, consummatio est
incorruptionis. Deinde cum dicit unusquisque in qua vocatione,
etc., hic concludit regulam generalem, dicens unusquisque, etc., quasi
dicat : ita gentilis non inducatur ad circumcisionem, nec econverso; sed
potius unusquisque in qua conditione vocatus est, in ea, scilicet
conditione vocationi non repugnante, in ea permaneat, et in qua, non a
qua. In Glossa Augustini : hoc enim ad eas
consuetudines vitae retulit, quae nihil obsunt fidei bonisque moribus; sicut
enim coniux, sic et latro ad fidem vocatur. Sed
ille in coniugio manet, non a coniugio revocatur. Iste vero a latrocinio
revocatur, et in latrocinio non manet. Non enim necesse est ut coniuges
desinant esse coniuges propter Christi fidem, sicut necesse est ut latrones
desinant esse latrones. Hic quaeritur super illud uxorem a viro non
discedere, quare solam causam fornicationis dominus excipit, caeteras
vero omnes molestias iubet fortiter sustineri. Contra
Lev. XIII, 26 praecipit lex leprosum extra castra eiicere; ergo pro lepra
debet uxor a viro discedere. Respondeo : licet possit ob lepram discedere a
cohabitatione, non tamen a thoro, quin aliquando teneatur reddere debitum,
prope eam manendo. Item aut viro suo reconciliari. Contra,
Deut. XXIV, 4 dicitur, quod semel repudiata non potest amplius reconciliari. Respondeo : illud habebat locum in repudio legali, istud vero in
divortio evangelico. Lex enim erat severitatis, sed Evangelium
pietatis. Item super illud : vir uxorem non dimittat, Glossa notabilis
: non subdit de viro sicut de muliere, quia licet viro aliam ducere.
Contra Augustinus dicit quod similis forma debet servari in viro et muliere. Respondeo : illud primum in libris Ambrosii a falsariis creditur
additum. Vel dicendum quod illud Ambrosii intelligitur in repudio, hoc autem
in divortio; nam in repudio legali licebat viro contrahere, non uxori, quia
licebat antiquitus uni viro habere plures uxores, non econverso, quia per
repudium illud solvebatur matrimonium, non autem per divortium. Item nam caeteris ego dico, non dominus.
Contra Matth. IX : qui vos audit, me audit. Respondeo. Non
dominus dicit ore proprio, sed inspirando. Item super illud si quis frater
habet uxorem, Glossa : coniux fidelis licite potest dimittere
infidelem. Contra, Catholica non potest dimittere haereticum. Glossa
loquitur de infideli qui caret sacramento fidei, non solum habitu. Item
ibidem Glossa : non est reputandum matrimonium quod extra decretum Dei
factum est. Contra : ergo matrimonium contractum causa voluptatis non est
matrimonium. Respondeo. Extra decretum Dei matrimonium contrahi dicitur,
quando contrahitur inter personas lege prohibitas. Item si qua mulier
habet virum infidelem, et cetera. Contra : ergo Iudaea conversa non debet
dimittere virum Iudaeum, cohabitare volentem. Respondeo. Secus est hodie quam
tempore primitivae Ecclesiae, quia tunc erat spes conversionis, nunc autem
potius est spes subversionis propter obstinationem infidelium. Item super
illud quod si infidelis, discedat, Glossa : recte dimittitur mulier
si dicat viro. Non ero mulier tua, nisi de latrocinio divitias mihi augeas.
Contra Matth. XIX, 9 excipitur sola causa fornicationis. Respondeo. Tunc
debet dimitti, ne scandalum, ad tempus exortum, sit in perpetuum. Item super
illud non est enim servituti subiectus, Glossa : contumelia
creatoris solvit ius matrimonii in eo qui relinquitur. Contra :
matrimonium semper est inter duos; ergo in utroque solvitur vel in nullo.
Respondeo. Matrimonium solvitur in utroque, sed impedimentum ex matrimonio
resultans, manet in discedente solum. Item circumcisio nihil est.
Contra circumcisio quidem prodest, si legem observes. Respondeo. Ante
Christum proderat, sed post non prodest. Item super illud unusquisque in
qua vocatione, Glossa : ad salutem nihil prodest vel obest Iudaicus
vel gentilis ritus. Contra, Gal. V, 2 : si circumcidimini, Christus
vobis nihil prodest. Responsio. Glossa loquitur de ritu conversandi inter
homines, non de ritu Deum colendi. |
Paul a
montré dans ce qui précède que le fidèle ne doit pas se séparer de l’infidèle
qui consent à demeurer avec lui. Il enseigne ici que si l’infidèle ne veut
pas demeurer avec lui, le fidèle n’est pas tenu de le suivre, mais qu’il peut
contracter un nouveau mariage. Il dit donc d’abord ce qu’il accorde, ensuite
pourquoi il le fait. Il en donne deux raisons, dont la première est la
liberté, à ces mots (verset 15) : Car dans de telles circonstances, un
frère ou une soeur n’a plus d’engagement ; la seconde est la tranquillité de la paix, à ces autres
(verset 15) : Mais Dieu nous a appelés à vivre en paix, etc. I° Il dit donc (verset 15) : Que si
l’infidèle, ou la femme, se sépare du fidèle, par haine de la foi, qu’on le laisse
aller, et le fidèle ainsi délaissé peut contracter un nouveau mariage,
parce que le premier, n’ayant jamais été confirmé, peut être dissous. En
effet, un frère ou une soeur fidèle
ne saurait subir une telle servitude, à savoir celle du mariage ;
en d’autres termes, ils ne sont pas tenus de suivre l’infidèle qui se sépare
en haine de la foi, comme dit la Glose (Jean VIII, 36) : "Si le Fils
vous affranchit, vous serez véritablement libres." (verset 15) : Mais c’est à vivre en
paix, comme s’il disait : que le fidèle se sépare, parce que c’est
à vivre en paix que Dieu nous a appelés, c’est-à-dire : nous ne devons
pas disputer avec celui qui s’est séparé en haine de la foi. Ou autrement,
bien qu’il en soit ainsi que le fidèle ne soit pas soumis à cette servitude,
néanmoins il ne doit pas donner occasion de discorde et de désunion, mais
garder la paix ; car c’est à vivre en paix que Dieu nous a appelés, puisqu’il
n’est pas (ci-après, XIV, 33) le Dieu de la discorde, mais le Dieu de la
paix. II° Lorsqu’il dit (verset 16) : Car que savez-vous, ô femme ?, saint Paul enseigne que si l’infidèle ne se sépare pas, le
fidèle doit demeurer avec patience, et pour le prouver il allègue : I. l’espoir de la
conversion de l’autre partie, II. la
persévérance dans la vocation particulière, à ces mots (verset 17) : Que
chacun demeure dans l’état où Dieu l’a appelé, etc. ; III. un exemple pris d’un
rite de la vie quotidienne, à ces mots (verset 18) : Un homme circoncis a-t-il été appelé, etc. ; IV. un
exemple pris d’une condition particulière, à ces mots (verset 21) : Avez-vous
été appelé étant esclave, etc. I. A l’égard du
premier de ces motifs, saint Paul insinue : 1° que la femme fidèle, en restant avec lui, peut
convertir son mari à la foi ; 2° que le
mari fidèle peut également sauver la femme infidèle, à ces mots (verset 16) :
Et vous, mari, que savez-vous, etc.? ; 3° que, par
conséquent, ils doivent demeurer ensemble avec patience, à ces autres (verset
17) : "Que chacun donc se conduise, etc. 1° Il dit donc : Car d’où savez-vous,
comme s’il disait : véritablement le fidèle doit demeurer avec
l’infidèle, car d’où savez-vous, ô femme, c’est-à-dire d’où pouvez-vous
savoir, ô femme fidèle, si vous ne sauverez pas votre mari infidèle ?, à savoir en
l’avertissant et en le convertissant à la foi ; comme s’il disait : cela peut
arriver. Aussi saint Ambroise dit sur ce passage : L’Apôtre parle ainsi,
parce que celui-là peut croire qu'il a en horreur le nom de Jésus-Christ. 2° Et vous, d’où savez-vous, c’est-à-dire
d’où pouvez-vous savoir, ô homme
fidèle, si vous ne sauverez pas votre femme infidèle ?
en la convertissant à. la foi ; car vous devez l’espérer. 3° A moins que chacun ne se
conduise… Ceci peut s’entendre de deux manières. D’abord ainsi : d’où savez-vous cela, si vous ne vous
conduisez, suppléez, à l’égard de votre conjoint, comme Dieu
vous a appelés ? à savoir l’homme pour commander, la femme pour obéir. Ou
autrement : D’où le savez-vous, à
moins que, suppléez, vous n’attendiez avec patience jusqu’à ce
qu’il arrive, selon que Dieu l’a destiné pour chacun, en d’autres
termes a réglé pour chacun quand il viendra à la foi et quand il sera sauvé ?
Vous devez donc attendre et demeurer ; (Rom., XII, 3) : "selon
la mesure de la foi que Dieu a départie à chacun de vous." II. Lorsque l’Apôtre
dit (verset 17) : et que chacun se
tienne dans l’état dans lequel le Seigneur l’a appelé, il montre que le
fidèle doit demeurer avec l’époux infidèle, en alléguant la persévérance dans
la vocation particulière à chacun. Premièrement donc, il rappelle la vocation
divine ; secondement sa propre autorité, à ces mots (verset 17) : C’est ce
que j’enseigne dans toutes les Eglises, etc. Il dit donc : et
que chacun, en d’autres termes, et comment savez-vous cela, ô
mari, ô femme, à moins que chacun
ne se conduise avec persévérance comme Dieu l’a appelé, c’est-à-dire
selon l’état dans lequel Dieu a appelé chacun, et non pas comme ils se
trouvent ? comme s’il disait : sur
cette question, c’est ce que j’enseigne dans votre Eglise comme
dans toutes les autres ; car
c’est une honte pour la partie de ne pas s’accorder avec le tout. Tel est
donc le raisonnement de l’Apôtre : Chacun doit demeurer dans l’état auquel
Dieu l’a appelé ; donc, si Dieu en a appelé quelques-uns au mariage, ils
doivent demeurer dans le mariage. (Haymon) : "Si vous avez une
épouse, demeurez avec elle ; si vous n’en avez pas, ne désirez pas en
prendre." III. Lorsqu’il ajoute
(verset 18) : Un homme circoncis a-t-il été appelé, etc., saint Paul
propose un exemple. 1° Il cite
l’exemple même ; 2° il en
assigne la raison, à ces mots (verset 19) : Ce n’est rien d’être circoncis
; 3° il en déduit une règle générale, à
ces autres (verset 20) : Que chacun demeure dans la vocation où il était. 1° Il donne pour exemple la manière de
se conduire A) des Juifs,
B) puis des Gentils,
à ces mots (verset 18) : Un autre est-il appelé n’étant pas circoncis, etc.
A) Il dit donc (verset 18) : Un
homme a-t-il été appelé étant circoncis ; comme s’il disait : que chacun marche dans l’état
auquel il a été appelé ; par exemple, un homme circoncis, c’est-à-dire
encore sous le rite judaïque, a-t-il été appelé à la foi, qu’il n’affecte
pas, c’est-à-dire qu’il ne soit pas forcé d’affecter de paraître
incirconcis, en d’autres termes de suivre la manière de vivre des Gentils. B) : Est-il appelé n’étant pas
circoncis, c’est-à-dire vivant comme les Gentils, qu’il ne soit pas
circoncis, en d’autres termes qu’il ne soit pas forcé d’adopter les
usages judaïques. (Augustin, des Mariages adultérins, liv. XI) :
"L’Apôtre se réserve de fonder des Eglises soit chez les Juifs, soit
chez les Gentils" ; nulle
part il ne détruit une coutume quand son maintien n’empêche pas le salut. Si
donc le mariage n’y met pas obstacle, ceux qui sont appelés à la foi, étant
mariés, doivent demeurer mariés. 2° quand saint Paul dit ensuite (verset
19) : Ce n’est rien d’être circoncis, il donne ici la raison de l’exemple cité ; c’est celle-ci :
un usage qui n’est pas un obstacle au salut ne doit pas être changé à cause
de la vocation à la foi ; or les usages soit des Juifs, soit des Gentils, sont
bien de cette sorte ; donc, etc. Il argumente de la même façon à l’égard du mariage. Il indique d’abord ce
qui est indifférent relativement au salut ; ensuite ce qui est nécessaire et
expédient, à ces mots (verset 19) : Mais l’essentiel est d’observer les
commandements, etc. A) Il dit donc d’abord : Ce n’est
rien d’être circoncis, c’est-à-dire cela ne sert de rien, et ce n’est rien d’être incirconcis,
c’est-à-dire cela n’est ni utile ni inutile, comme s’il disait : telle ou
telle manière de vivre n’importe pas au salut ; (Gal., VI, 45) : "En
Jésus-Christ, ni la circoncision, ni l’incirconcision ne servent de rien,
mais la nouvelle créature." (Ambroise, [sur ce passage]) : "Il
ne sert ni ne nuit au salut de vivre en Juif ou d’être Gentil" ; mais B) l’accomplissement des
commandements, voilà ce qui sert ; (Sag., VI, 19) : "La
garde des lois, c’est la consommation de la sainteté." 3° Lorsqu’il poursuit (verset 20) : Que
chacun demeure dans la vocation, etc., saint Paul déduit une règle
générale : Que chacun, etc…, comme s’il disait : qu’ainsi donc le
Gentil ne soit pas forcé de se faire circoncire, et réciproquement ; mais
plutôt que chacun, si l’état dans lequel il a été appelé n’est pas opposé à
sa vocation, y demeure. - Dans
lequel, dit la Glose, et non
de laquelle. (Augustin, ép. 119)
: "En effet,
l’Apôtre applique ce qu’il dit ici aux habitudes de la vie qui n’ont aucune
opposition avec la foi et les bonnes moeurs. Le voleur comme l’époux sont
appelés à la foi ; mais l’un demeure dans l’état du mariage, et on ne le
contraint pas d’en sortir ; l’autre doit cesser ses brigandages, et ne peut
les continuer ; car il n’est pas nécessaire que les époux cessent d’être
tels, à cause de la foi de Jésus-Christ, comme il est nécessaire que les
voleurs cessent d’être voleurs". La question
se pose ici sur ces paroles : L’épouse ne doit pas quitter l’époux ; pourquoi le Sauveur a-t-il
excepté la seule cause de la fornication, tandis qu’il ordonnait de supporter
avec courage toutes les autres incommodités du mariage ? On objecte ce
passage du Lévitique (XIII, 26) où la loi ordonne que le lépreux soit jeté
hors du camp ; donc la lèpre peut être, pour la femme, un motif de se séparer
de son mari. - Voici la réponse : Bien que la lèpre puisse être un motif de
se séparer quant à la cohabitation, cependant elle ne légitime point la
séparation quant au lit, en sorte que les époux sont encore tenus d’accomplir
le devoir conjugal, s’ils demeurent ensemble. Sur cette autre parole : ou
se réconcilier avec son mari, on objecte ce passage du Deutéronome
(XXIV, 4) : une fois donné l’écrit
de répudiation, la femme ne peut plus se réconcilier avec son mari.
Voici la réponse : Ceci avait lieu lorsque la répudiation était autorisée par
la Loi; mais ce que l’Apôtre prescrit doit s’observer en cas de séparation,
selon l’Evangile ; car le caractère de la Loi était la sévérité, celui de
l’Evangile est la douceur. Sur cette parole : que le mari ne se sépare
point de sa femme, une Glose, qui n’est pas sans autorité, dit qu’il n’en est pas du mari comme de la femme,
parce qu’il est permis au mari de contracter un second mariage. Saint
Augustin, au contraire (des Mariages adultérins, liv. 11, ch.
VII), dit que la même règle doit être observée à l’égard du mari et de la
femme Je réponds que le passage objecté en premier lieu et tiré de saint
Ambroise est regardé comme ayant été interposé par fraude ; ou bien on doit
entendre ce passage de saint Ambroise de la répudiation, et notre texte du
divorce. Car dans la répudiation permise par la Loi, le mari pouvait
contracter un nouveau mariage, ce que la femme ne pouvait pas, parce que,
dans ces temps reculés, il était permis à un seul homme d’avoir plusieurs
femmes, et non réciproquement, la répudiation alors faisant que le mariage
était dissous, ce que ne fait pas le divorce. Sur ces paroles : Quant aux
autres, je leur dis, et non pas le Seigneur, on objecte ce passage
(Matthieu IX, 16) : "Qui vous écoute, m’écoute." Je réponds
que le Sauveur n’a pas dit de sa propre bouche ces paroles, mais les a
inspirées. Sur cet autre passage : Si un mari fidèle a une femme infidèle,
la Glose dit : « le conjoint fidèle peut licitement se séparer de
l’infidèle ». On dit cependant que le conjoint catholique ne peut se
séparer de l’hérétique. La Glose parle de l’infidèle qui n’a pas reçu le
sacrement de la foi, et non de celui qui en a perdu le don habituel. Au même
endroit, la Glose dit encore : « On ne doit pas reconnaître comme valide
le mariage contracté contre l’ordre de Dieu ». On objecte : donc le
mariage qui a pour motif la volupté n’est pas un vrai mariage. Je réponds que
l’on appelle contracté contre l’ordre de Dieu, le mariage entre personnes qui
en sont empêchées par la Loi. Sur cet autre passage : Si une femme fidèle a
un mari infidèle, etc. on dit : donc la femme qui se convertit du
judaïsme ne peut se séparer de son époux resté Juif, s’il veut demeurer avec
elle. Je réponds qu’il en est autrement aujourd’hui qu’au temps de la
primitive Eglise, parce qu’il y avait alors espoir de conversion, au lieu que
maintenant il y a plutôt crainte de perversion, à cause de l’obstination des
infidèles. Sur cet autre passage : Que si l’infidèle se sépare, qu’on le
laisse aller, la Glose dit : « Il y a raison légitime de se séparer
de la femme qui dit à son mari : Je ne suis pas votre femme si, au moyen du
vol, vous ne me procurez des richesses ». On objecte (Matthieu, XIX, 9) que
le seul motif de fornication est excepté."
Je réponds qu’on doit se séparer, quand on craint que le scandale donné
pendant un temps ne devienne perpétuel. Sur celui-ci : Notre frère n’est
pas soumis à cette servitude, la Glose dit : « L’injure au Créateur
dissout le lien du mariage dans celui dont on se sépare ». On objecte :
le mariage se contracte toujours entre deux ; donc il est dissous pour tous
les deux, ou bien il ne l’est ni pour l’un ni pour l’autre. Je réponds que le
mariage est dissous pour l’un et pour l’autre ; mais l’empêchement résultant
du mariage n’existe que dans celui qui se sépare. Sur ce verset : Ce n’est
rien d’être circoncis, on objecte : La circoncision sert, si on observe
la Loi. Je réponds qu’avant Jésus-Christ elle servait, et qu’elle ne sert
plus depuis Jésus-Christ. Sur cet autre passage : Que chacun demeure dans
l’état où il était quand il a été appelé, la Glose dit : « Il n’est
ni utile ni contraire au salut de vivre à la manière des Juifs ou des Gentils ».
On objecte (Gal., V, 2) : "Si vous vous faites circoncire,
Jésus-Christ ne vous servira de rien." - Je réponds : La Glose parle
de la manière de vivre parmi les hommes, et non de la manière d’honorer Dieu. |
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Lectio 4 |
Leçon 4 : 1 Corinthiens VII, 21-24 — Rester dans son état de vie |
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SOMMAIRE : Saint Paul exhorte à demeurer dans l’état où l’on était quand on a été appelé à la foi, fût cet état la servitude, la plus dure des conditions où l’homme puisse se trouver. |
[21] servus vocatus es non sit tibi curae sed et si potes liber
fieri magis utere [22] qui enim in Domino vocatus est servus libertus est Domini
similiter qui liber vocatus est servus est Christi [23] pretio empti estis nolite fieri servi hominum [24]
unusquisque in quo vocatus est fratres in hoc maneat apud Deum |
21.
Avez-vous été appelé étant esclave, ne portez pas cet état avec peine ; mais
si vous pouvez devenir libre, profitez-en plutôt. 22. Car
celui qui, étant esclave, est appelé au service du Seigneur de vient
affranchi du Seigneur ; et de même, celui qui est appelé étant libre, devient
l'esclave du Christ. 23. Vous
avez été achetés à prix ne vous rendez pas esclaves des hommes. 24. Que
chacun, mes frères, demeure dans l'état où il était lorsqu’il a été appelé,
et qu’il s’y tienne devant Dieu. |
[90326] Petrus de Tarantasia, In I Cor.,
cap. 7 l. 4 Superius ostendit quod si infidelis coniux non
discedat, fidelis debet patienter commanere. Primo
ad hoc allegando spem conversionis infidelis; secundo permanentiam in statu
propriae vocationis; tertio exemplum in ritu conversationis, hic; quarto
allegat exemplum in statu conditionis. Ubi primo ipsum exemplum
ponit; secundo rationem exempli subdit, ibi qui enim in domino, etc.;
tertio ex hoc regulam generalem concludit, ibi unusquisque ergo, et
cetera. In prima primo proponit in aliquo statum servilem; secundo supponit
libertatis possibilitatem, ibi sed et si potes, etc.; tertio horum
praeeminentiam ad salutem, ibi magis utere. Dicit ergo servus,
etc., quasi dicat : unusquisque in qua vocatione vocatus est, in ea
permaneat, verbi gratia, servus vocatus es? Ad fidem scilicet Christi,
non sit tibi curae, ut scilicet velis servitutem effugere. Unde
Onesimum servum Philemonis, qui ad eum confugerat, cum precibus remittit ad
dominum, ut patet in epistola ad Philemonem; sed, potius, si potes
fieri liber, maneas in servitute, quia causa est humilitatis. Et sicut
ait Ambrosius : quanto quis despectior est in hoc saeculo propter dominum,
tanto magis exaltabitur in futuro. Gregorius : quanto quis Deo
pretiosior est, tanto propter eum utilior. Boetius
: cum omnis fortuna timenda sit, magis tamen prospera quam adversa. Deinde cum dicit qui enim in domino vocatus
est, etc., hic subdit rationem exempli. Et primo ponit rationem exempli
ex parte servorum; secundo ex parte liberorum, ibi similiter qui liber est,
et cetera. Et est ratio talis in generali : servitus et libertas sunt in
domino ad salutem, sed solum debemus esse solliciti de pertinentibus ad
salutem, ergo pro indifferenti debet esse nobis servitus et libertas. Dicit ergo qui enim in domino, quasi dicat
: et vere non debes curare, enim, pro quia, qui in domino, id
est in fide domini, vocatus est servus, servitute corporali, libertus
est domini; quia scilicet a domino manumissus liber est libertate
spirituali. Est autem libertus a servitute liberatus, et talis a servitute
peccati a domino est liberatus; ideo domini libertus. Io. VIII, 36 : si
filius vos liberaverit, vere liberi eritis. Deinde cum dicit similiter qui liber vocatus
est, etc., hic ponit rationem ex parte liberorum. Ubi primo tangit in
liberis cum servis pro Christo debitam servitutem; secundo servitutis
rationem, ibi pretio empti; tertio servitutis obligationem, ibi nolite,
et cetera. Dicit ergo : similiter et qui liber vocatus est, libertate
corporali, servus est Christi, servitute spirituali, Rom. I, 1 : Paulus
servus Christi Iesu, etc., quia sive servus, sive liber, omnes tamen
servi. Et hoc iustum est, quia pretio empti estis. Hoc dicitur, quia
pretio inaestimabili sanguine Christi. I Petr. I, 18 : non corruptibilibus
auro vel argento redempti estis de vestra vana conversatione, et cetera.
Et quia tanto pretio empti estis, nolite fieri servi hominum,
postponendo servitium Dei et vos humanis superstitionibus occupando, hoc enim
faciebant isti. Supra I, 12 : ego sum Pauli, ego autem Apollo. Unusquisque ergo, et
circumcisus et praeputiatus, servus et liber, in quo, statu, vocatus
est frater, id est fidelis, in hoc permaneat apud Deum, scilicet
observando divina mandata. Qui enim perseveraverit
usque in finem, hic salvus erit, Matth. XXIV,
v. 13. Ergo si coniugatus vocatus est ad fidem, maneat coniugatus, servando
fidem. |
L’Apôtre a
montré plus haut que si l’époux(se) infidèle ne se sépare point, le(a) fidèle
doit demeurer avec lui en toute patience ; il appuyait son enseignement
d’abord sur l’espérance de conversion de la partie infidèle, et sur la
persévérance dans l’état auquel on a été appelé. Il cite ici, en troisième
lieu, un exemple qu’il prend dans la manière de vivre, et, quatrièmement, un
second tiré d’une condition particulière. I° Il cite l’exemple même ; II° il en donne la raison, à ces mots (verset 22) : Car
celui qui a été appelé, étant esclave, au service du Seigneur, etc. ; III° Il en déduit une règle générale, à ces autres (verset
24) : Que chacun donc demeure, etc. I° En traitant la première question, saint Paul I. suppose
quelqu’un dans l’état de servitude ; II. il suppose la liberté d’en sortir, à ces mots (verset
21) : Quand même vous pourriez, etc. ; III. l’avantage
de ces divers états pour le salut, à ces autres (verset 21) : Faites-en un
bon usage. I. Il dit donc (verset 21) : Vous
étiez esclave, etc., comme s’il disait : que chacun donc demeure dans
l’état où il était quand Dieu l’a appelé ; par exemple, vous étiez esclave
lorsque vous avez été appelé à la foi, à savoir de Jésus-Christ, ne
vous en inquiétez pas, c’est-à-dire de manière à vouloir échapper à la
servitude. C’est ainsi que Onésime, esclave de Philémon, s’étant réfugié
auprès de saint Paul, l'Apôtre le renvoya à son maître, avec prière de le
reprendre, comme on le voit dans l’épître qu’il écrivit à Philémon. II. Mais plutôt
(verset 21) : quand même vous pourriez devenir libre, demeurez dans la
servitude, parce que c’est un motif d’humilité. Et, comme dit saint Ambroise,
plus on est abject dans ce siècle, à cause du Seigneur, plus on sera exalté dans
le siècle futur. (Grégoire) : « Ceux qui sont plus précieux devant Dieu
sont ceux qui se rendent plus vils à cause de lui. » Et (Boèce) : « Si toujours l’on doit craindre la fortune,
c’est plus encore la bonne que la mauvaise. » II° Lorsqu’il dit (verset 22) : Car celui qui, étant esclave, a été,
appelé au service du Seigneur, saint Paul donne
la raison de l’exemple en le prenant I. du côté des esclaves ; II. du côté des hommes libres, à ces mots (verset 22) : De
même, celui qui est appelé étant libre, etc. Voici son raisonnement en
général : La servitude et la liberté, si l’on est au Seigneur, peuvent
concourir au salut ; or nous ne devons nous inquiéter que de ce qui intéresse
le salut ; donc nous devons être indifférents à l’égard de la liberté et de
la servitude. I. Il dit donc (verset
22) : Car celui qui est appelé au service du Seigneur, comme s’il
disait véritablement : vous ne devez
pas vous en mettre en peine, car, c’est-à-dire puisque celui
qui a été appelé au service, en d’autres termes, à la foi du Seigneur,
étant esclave, d’une servitude corporelle, devient affranchi du
Seigneur, c’est-à-dire puisque, affranchi par le Seigneur, il est libre
d’une liberté spirituelle, car l’affranchi est délivré de la servitude ; or,
celui qui est engagé au service du Seigneur est délivré de la servitude du
péché par le Seigneur ; donc il est affranchi du Seigneur ; (Jean VIII,
36) : "Si le Fils vous affranchit, vous serez vraiment libres." II. Lorsqu’il ajoute
(verset 22) : De même celui qui est appelé étant libre, etc., l’Apôtre
donne la même raison, en la prenant du côté des hommes libres. Et d’abord il
considère en eux la soumission qu’ils doivent, non moins que les esclaves, à
Jésus-Christ ; ensuite il donne la raison de cette soumission, à ces mots
(verset 26) : Vous avez été achetés d’un grand prix ; enfin il indique l’obligation de cette
soumission à ces autres (verset 23) : Ne vous rendez pas esclaves, etc. Il
dit donc : De même, celui qui a été appelé étant libre, de la liberté
corporelle, est esclave de Jésus-Christ, d’une soumission spirituelle ;
(Rom., I, 1) : "Paul, serviteur de Jésus-Christ, etc.,"
parce que, soit esclaves, soit libres, tous sont néanmoins serviteurs. Et
c’est justice, car vous avez été achetés d’un grand prix. L’Apôtre
s’exprime ainsi parce que notre rachat s’est fait par le sang de
Jésus-Christ, qui est d’un prix inestimable ; (I Pierre, I, 18) : "Ce
n’est pas par des objets corruptibles, comme l’or et l’argent, que vous avez
été rachetés de votre vie pleine de vanité, etc. Si donc vous avez été
achetés d’un prix si grand, ne vous rendez pas esclaves des hommes, en
mettant de côté le service de Dieu et en vous occupant des superstitions
humaines," car c’est ce que faisaient les Corinthiens ;
(ci-dessus, I, 12) : Moi je suis à Paul, et moi à Apollos. III° Que chacun donc, circoncis et
incirconcis, libre ou esclave, dans quelque état qu’il ait été appelé pour être notre frère, c’est-à-dire
fidèle, y demeure devant Dieu, c’est-à-dire en observant les divins
commandements ; car (Matthieu XXIV, 13) : "Celui qui aura persévéré
jusqu’à la fin sera sauvé." Donc si celui qui est marié a été appelé
à la foi, qu’il reste dans le mariage en gardant la foi. |
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Lectio 5 |
Leçon 5 : 1 Corinthiens VII, 25-28
— Le conseil évangélique de virginité
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SOMMAIRE :
Discourant sur la virginité, saint Paul la loue et la conseille, sans définir
qu’elle soit de précepte, comme est l’obligation de demeurer dans l’état du
mariage. |
[25] de virginibus autem praeceptum Domini non habeo
consilium autem do tamquam misericordiam consecutus a Domino ut sim fidelis [26] existimo ergo hoc bonum esse propter instantem
necessitatem quoniam bonum est homini sic esse [27] alligatus es uxori noli quaerere solutionem solutus
es ab uxore noli quaerere uxorem [28] si
autem acceperis uxorem non peccasti et si nupserit virgo non peccavit
tribulationem tamen carnis habebunt huiusmodi ego autem vobis parco |
25. Quant
aux vierges, je n'ai pas reçu de commandement du Seigneur, mais voici le
conseil que je donne comme étant fidèle ministre du Seigneur, par la miséricorde
que j’en ai reçue. 26. Je
crois donc qu’il est avantageux, à cause des nécessités pressantes de cette
vie, qu’il est, dis-je, avantageux à l’homme de ne pas se marier. 27.
Etes-vous lié à une femme ? ne cherchez pas à vous délier. N'êtes vous point
lié à une femme ? ne cherchez pas de femme. 28. Si
néanmoins vous prenez femme, vous ne péchez pas ; et si une fille se marie,
elle ne pèche pas ; mais ces personnes souffriront les tribulations de la
chair. Or je voudrais vous épargner. |
[90327] Petrus de Tarantasia, In I Cor.,
cap. 7 l. 5 A principio huius cap. egit de matrimonio, hic
incipit pars secunda, in qua agit de virginitate. Ubi primo agit de
virginibus; secundo de virginum custodibus, ibi si quis autem turpem se
videri existimat, et cetera. In prima, primo ponit virginibus permanendi
in virginitate consilium; secundo nubentibus dat bene vivendi modum, ibi hoc
itaque dico, fratres, et cetera. Tertio ostendit quod magis expedit
servare continentiae propositum, ibi volo autem vos sine sollicitudine esse,
et cetera. In prima parte virginitatem consulit et laudat; secundo
matrimonium iam contractum concedit et approbat, ibi alligatus es uxori,
etc.; tertio matrimonium contrahendum defendit, et a peccato excusat, ibi si
autem acceperis uxorem, et cetera. In prima dicit duo de virginitate. Primo quod non
est servanda ex praecepto; secundo quod est servanda ex consilio, ibi consilium
autem do. Ubi ponit duplicem rationem quare istud consilium est
servandum. Prima est consiliarii auctoritas; secunda rei consultae dignitas,
ibi existimo enim hoc bonum. Dicit ergo de virginibus, etc.,
quasi dicat : de coniugatis non separandis praeceptum Dei est, de
virginibus autem praeceptum domini non habeo; ut scilicet contineant, vel
ut nubant. Quod enim de hoc dixit dominus, Matth. XIX, 12, dixit consulendo :
qui potest, inquit, capere, capiat. Virginitas autem, secundum
Augustinum res est non praecepta, suaderi potest, imperari non potest.
Consilium autem do, scilicet de continendo, consilium mihi a spiritu
sancto inspiratum. Tob. IV, 19 : consilium semper a sapiente perquire.
Consilium, inquam, do, et hoc tamquam consecutus a domino misericordiam,
id est, apostolatum mihi misericorditer concessum. Consecutus,
inquam, ad hoc ut sim fidelis, in dispensatione mihi credita. Unde
credendum est mihi in consiliis. Lc. c. XII, 42 : quis putas est fidelis
servus? Haymo : quia ei mandatum fuit ut esset fidelis consiliator,
non debuit consilium indigentibus abscondere. Et est argumentum quod est
acquiescendum consilio praelati. Deinde cum dicit existimo ergo, etc., hic
tangitur dignitas eius quod consulitur. Et haec duplex : una quia expediens
bonum; secunda, quia honestum, ibi quoniam bonum est, et cetera. Dicit
ergo existimo, etc., quasi dicat : quia fidelis consiliarius sum, existimo
ergo hoc bonum esse, scilicet manere in virginitate, et hoc propter
instantem necessitatem, coniugium scilicet vitandum, quia multae
necessitates instant. Unde dicuntur esse in mola, Lc. XVII, 31. Unde
vulgariter dicitur quod matrimonium habet magnum os. Existimo, inquam,
et vere, quia bonum est homini sic esse, scilicet in virginitate.
Bonum scilicet honestum propter puritatem, delectabile propter libertatem,
utile propter mercedem, quia ei debetur aureola et fructus centesimus, Lc.
VIII. Augustinus in Glossa : supergreditur virginitas conditionem humanae
naturae, per quam homines Angelis assimilantur. Maior tamen victoria virginum
quam Angelorum. Angeli enim sine carne vivunt, virgines autem in carne
triumphant. Deinde cum dicit alligatus es uxori, etc.,
hic matrimonium contractum concedit et approbat. Ubi primo dicit quod
coniugatus non debet quaerere divortium; secundo consulit quod solutus non
quaerat coniugium, ibi solutus es ab uxore, et cetera. Dicit ergo alligatus,
etc.; quasi dicat : licet continere sit bonum, tamen alligatus es uxori?
Noli quaerere solutionem, maxime si bona est. Eccli. VII, 21 : noli
discedere a muliere sensata. Et dicit alligatus, quasi duplici
vinculo ligatus, scilicet consensu per matrimonium initiatum, et copula
carnali per matrimonium consummatum. Si enim tantum uno vinculo, scilicet
solo consensu ligatus esset, posset quaerere solutionem, scilicet intrando
religionem. Solutus es ab uxore? Noli quaerere uxorem, si potes
continere, quia, sicut dicunt apostoli Matth. XIX, 10, si ita est causa
hominis cum uxore, non expedit nubere. Deinde cum dicit si autem acceperis, etc.,
hic excusat matrimonium contrahendum a peccato. Ubi primo ostendit quod
matrimonium potest contrahi sine peccato; secundo quod levius est esse sine
coniugio, ibi tribulationem tamen, et cetera. In prima, primo proponit
veritatem de non virgine; secundo de virgine, ibi et si nupserit, et
cetera. Dicit ergo : si autem solutus es, noli quaerere uxorem. Si autem
acceperis uxorem, scilicet bono fine, non ad expletionem libidinis, non
peccasti. Hic autem est argumentum evidens contra haereticos qui
contemnunt matrimonium, de quibus I Tim. IV, 3 : prohibentes nubere. Et
similiter si nupserit virgo, non virgo Deo dicata, quia, secundum
Hieronymum, voventibus virginitatem non solum nubere, sed etiam velle
nubere peccatum est, non peccavit, scilicet nubendo, alioquin peccasset
beata virgo, cum desponsata esset Ioseph. Tribulationem tamen carnis habebunt huiusmodi,
scilicet coniugati, id est, afflictionem pro rebus necessariis procurandis et
sibi et filiis suis et aliis. Unde levius est esse sine coniugio. Ego
autem vobis parco, quasi dicat : consulo evitare coniugium, quod tamen
concedo, parcendo infirmitati vestrae. Vel
sic : ego autem vobis parco, in hoc quod consulo cavere tribulationes
carnis. Notandum est hic quod sancta virginitas magnum bonum est propter
multa. Primo, quia carnis munditiam servat, Apoc. c. XIV, 4 : hi sunt qui
cum mulieribus non sunt coinquinati, virgines enim sunt : sicut bonum est
sal quia conservat carnem a corruptione. Secundo,
quia animam decorat et ornat. Unde frequenter in Scriptura iungitur virgo
pulchra, Sap. IV, 1 : o quam pulchra est casta generatio cum claritate;
Cant. IV, 7 : tota pulchra es, amica mea. Tertio, quia Angelis caeli
assimilatur, sicut hic dicit Glossa, et Matth. XXII, 30 : in resurrectione
neque nubent, neque nubentur, sed erunt sicut Angeli Dei. Hieronymus
: in carne praeter carnem vivere, et cetera. Quarto, quia Christo desponsat,
II Cor. c. XI, 2 : despondi enim vos uni viro virginem castam exhibere
Christo. Quinto, quia iungit et approximat Deo, Ps. XLIV, 15 : adducentur
regi virgines post eam; Ier. III, 4 : dux virginitatis meae tu es.
Sexto, quia caeteris statibus praeponderat, Eccli. XXVI, 20 : non est
digna ponderatio animae continentis; infra : qui matrimonio iungit
virginem bene facit, qui non iungit melius facit. Septimo, quia odorem
bonae famae spirat. Lucae dicitur : et nomen virginis Maria; Cant. II, 2 : sicut lilium inter spinas, sic amica mea inter filias
Ierusalem. Octavo, quia ad nuptias aeternas invitat, Matth. XXV, 10 : quae
paratae erant intraverunt cum eo ad nuptias. Sed,
heu, quia ad conservandum difficilis, ideo Eccli. XLII, 9 : filia patris
abscondita est, et cetera. Et hoc quia Diabolus
suggerit contrarium. Corruptio inclinat ad actum, pulchritudo allicit ad
consensum. |
Au
commencement de ce chapitre, l’Apôtre a traité du mariage ; ici commence la
seconde partie, dans laquelle il traite de la virginité. Et d’abord il parle
des vierges ; ensuite de ceux qui sont préposés à leur garde, à ces mots
(verset 36) : Si quelqu’un croit qu’il est honteux pour lui, etc. Sur la
première de ces questions, premièrement il donne aux vierges le conseil de
demeurer dans la virginité ; secondement, il donne à ceux qui se marient la
règle d’une vie exemplaire, à ces mots (verset 29) : Voici donc, mes
frères, ce que j’ai à vous dire, etc. ; troisièmement, il montre qu’il vaut mieux garder le
bon propos de la continence à ces mots (verset 32) : Or je veux que vous soyez sans inquiétude, etc… I° Dans la première partie de cette
question, il loue et conseille la virginité ; II° dans la seconde, il accorde et approuve le mariage
contracté, à ces mots (verset 21) : Êtes-vous lié à une femme ?, etc. ; III° dans la troisième,
il défend le fait de contracter mariage, et affirme qu’il n’y a pas de péché,
à ces autres (verset 28) : Au reste, si vous épousez une femme, etc. I° Il dit donc sur la virginité, d’abord que la
garder n’est pas un précepte, ensuite que c’est un conseil, à ces mots (verset
25) : Voici le conseil que je donne. Il expose deux raisons pour
lesquelles ce conseil doit être suivi : I. l’autorité de celui qui conseille ; II. la dignité de la
virginité qui est conseillée, à ces mots (verset 26) : Je crois donc que
cet état est avantageux. I. Il dit donc (verset
25) : Quant aux vierges, etc., comme s’il disait : à l’égard de ceux
qui sont mariés, Dieu commande de ne pas se séparer ; mais quant aux
vierges, je n’ai point du Seigneur un commandement semblable, à savoir
qui les oblige à garder la continence ou à entrer dans le mariage ; car ce
que dit le Sauveur à ce sujet (Matthieu XIX, 12) : "Que celui qui
peut entendre entende," l’est sous forme de conseil. Or la
virginité, dit saint Augustin, n’est
pas un état commandé : elle peut être conseillée, elle ne peut être imposée.-
Mais voici le conseil que je donne, à savoir de garder la continence,
conseil qui m’est inspiré par l’Esprit Saint ; (Tobie, IV, 19) : "Demandez
toujours conseil à un homme sage." Ce conseil, dis-je, je le donne comme
ayant reçu lu Seigneur miséricorde, c’est-à-dire l’apostolat qui m’a été
miséricordieusement confié. Ayant
obtenu, dis-je, d’être fidèle dans le ministère qui m’a été remis, je dois donc être cru
dans les conseils que je donne ; (Luc, XII, 42) : "Quel est, à votre
avis, l’économe fidèle ?" (Haymon) : "Parce qu’il lui
a été donné d’être conseiller fidèle, il
ne doit pas priver de ses conseils ceux qui en avaient besoin." Voilà pourquoi il faut
acquiescer aux conseils des supérieurs. II. Lorsqu’il ajoute
(verset 26) : Je crois donc, etc., il fait ressortir la dignité de
l’état qui est l’objet de ce conseil, et cela de deux manières : 1° parce que ce bien est opportun ; 2° parce qu’il est convenable, à ces
mots (verset 26) : Je pense donc qu’il est bon, etc. 1° Il dit donc : Je crois donc, etc.,
comme s’il disait : puisque je suis un conseiller fidèle, je crois donc
que cet état est avantageux, à savoir de demeurer dans la virginité, et
que à cause des nécessités pressantes de la vie, on doit éviter le
mariage, parce qu’en s’y engageant, on est pressé par un grand nombre de soucis
; ce qui fait dire que ceux qui sont dans cet état sont sous la meule ;
(Luc, XVII, 31) ; de là encore le proverbe : le mariage donne des os à
ronger. 2° Je
pense, dis-je et c’est la vérité, qu’il est avantageux à l’homme de
demeurer dans cet état, c’est-à-dire dans la virginité, et que cet état
est bienséant, à cause de la pureté ; doux, à cause de la liberté ;
profitable, à cause de la récompense, car il donne droit à une auréole et au
centuple (Luc, VIII, 8). Saint Augustin, cité dans la Glose, dit : « La
virginité surpasse la condition de l’humaine nature ; par elle les hommes
deviennent semblables aux anges. Toutefois la victoire est plus grande dans
les hommes que dans les anges, car les anges vivent sans la chair, et les
vierges triomphent dans la chair. » II° Lorsqu’il dit (verset 27) : Etes-vous lié à une femme ? etc., saint Paul
concède et approuve le mariage contracté. Il dit donc d’abord que celui qui
est marié ne doit pas chercher à divorcer ; ensuite il conseille à celui qui
est libre de ne chercher point le mariage, à ces mots (verset 27) : N’avez-vous
point de femme, etc. I. Il dit donc (verset
27) : Etes-vous lié à une femme ?, comme s’il disait : bien qu’il soit
avantageux de vivre dans la continence, cependant êtes-vous lié à une
femme ? ne cherchez pas à vous
délier, surtout si cette épouse est bonne ; (Ecclésiastique VII, 21)
: "Ne vous éloignez pas de la femme sensée." Il dit lié,
comme tenu par un double lien, c’est-à-dire par le consentement donné quand
se forme le mariage, et par l’union charnelle quand le mariage se consomme.
Car si l’on n’était tenu que par un seul lien, par exemple le consentement
seul, on pourrait chercher à se séparer, à savoir en entrant en religion. II. N’avez-vous point
de femme ?, ne cherchez pas à vous marier, si toutefois vous
pouvez vivre dans la continence ; car, ainsi que le disent les apôtres
(Matth., XIX, 10) : "Si telle est la condition d’un homme à l’égard
de sa femme, il n’est pas avantageux de se marier." III° En disant (verset 28) : Si néanmoins vous épousez une femme, etc., l’Apôtre
excuse de tout péché le mariage à contracter. Et d’abord il montre que le
mariage peut être contracté sans péché ; ensuite qu’une condition plus douce
est de ne pas se marier, à ces mots (verset 28) : Mais ces personnes
souffriront tribulation, etc. Dans la première question, il expose la
vérité à l’égard I. de la
personne qui n’est plus dans l’état de virginité ; II. de celle qui est
vierge, à ces mots (verset 28) : Et si une fille se marie, etc. I. Il dit donc : Si
vous êtes libre, ne cherchez pas à vous marier (verset 28) : Si néanmoins
vous épousez une femme, à savoir pour une fin légitime, et non pour
satisfaire la passion, vous n’avez pas commis de faute. Ici se trouve
un argument péremptoire contre les hérétiques qui condamnent le mariage ;
(I Tim., IV, 3) : "Ils interdisent le mariage." De même
(verset 28) : Si une fille se marie, non pas une vierge consacrée à
Dieu, parce que, suivant saint Jérôme, « à
ceux qui ont fait voeu de virginité, c’est péché non seulement de se marier,
mais encore de vouloir le faire » ; elle n’a pas péché non plus en entrant dans le mariage,
autrement la Bienheureuse Vierge eût péché lorsqu’elle épousa saint Joseph. II. Cependant ceux qui
sont dans cet état, c’est-à-dire ceux qui entrent dans l’état
du mariage, souffriront la tribulation
de la chair, c’est-à-dire l’affliction, pour se procurer à eux-mêmes, à
leurs enfants et aux autres les choses nécessaires à la vie, en sorte qu’il
est moins pesant de demeurer sans se marier. Néanmoins je vous excuse,
comme s’il disait : je vous conseille d’éviter le mariage, mais pourtant je
vous l’accorde, par égard pour votre faiblesse. Ou encore : Mais moi je
vous épargne, en ce sens que je vous conseille d’éviter ces tribulations
la chair. Il faut noter ici que la sainte virginité est un grand bien, à
raison de ses nombreux avantages.- 1° Elle conserve la chair dans la
pureté ; (Apoc., XIV, 4) : "Ceux-ci ne se sont pas souillés avec
les femmes, parce qu’ils sont vierges" ; c’est ainsi que le sel est bon, parce qu’il préserve la
chair de la corruption. 2° Elle orne
et embellit l’âme ; aussi trouve-t-on souvent dans l’Ecriture la beauté
jointe à la virginité ; (Sag., IV, 1) : "Combien est belle la
race chaste, quand elle possède l’éclat de la vertu !" et (Cant.,
IV, 7) : "Que vous êtes belle, ô ma bien-aimée!" 3° Elle rend
semblable aux anges du ciel, comme la Glose le dit sur ce passage, et
(Matthieu XXII, 30) : "Au jour de la résurrection, les hommes
n’auront pas de femmes, ni les femmes de maris, mais ils seront comme les
anges de Dieu." (Jérôme) : « C’est vivre dans la chair, malgré la chair, etc. » 4° Elle
épouse Jésus-Christ (II1 Cor., XI, 2) : "Je vous ai fiancés à cet
unique époux, Jésus-Christ, pour vous présenter à lui comme une vierge sans
tache." 5° Elle
rapproche de Dieu et unit à lui (Psaume XLIV, 15) : "Des vierges
seront amenées au roi après elle." (Jér., III, 4) : "Vous
êtes celui qui m’avez conduit lorsque j’étais vierge." 6° Elle
l’emporte sur tous les autres états ; (Ecclésiastique XXVI, 20) : "Tous
les trésors ne peuvent être le prix d’une âme chaste" ; et (ci-après, VII, 38) : Celui
qui marie sa fille fait bien ; mais celui qui ne la marie point fait mieux
encore. 7° Elle
exhale l’odeur d’une bonne réputation (Luc, I, 27) : "Et le nom de la
vierge était Marie." (Cant., II, 2) : "Comme le lis au
milieu des épines, ainsi s'élève ma bien-aimée au-dessus de ses
compagnes." 8° Elle donne
entrée aux noces éternelles (Matthieu XXV, 10) : "Celles qui étaient
prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces." Mais, hélas!
qu’elle est difficile à conserver ! (Ecclésiastique XLII, 9) : "La
fille est à son père un sujet secret, etc." car le démon suggère le
vice opposé. La corruption incline à l’acte, et la beauté porte à consentir. |
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Lectio 6 |
Leçon 6 : 1 Corinthiens VII, 29-31 — Les rapport conjugaux |
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SOMMAIRE : L’Apôtre traite des rapports entre le mari et l’épouse ; il enseigne comment il faut préparer l’âme à la prospérité et à l’adversité. |
[29] hoc
itaque dico fratres tempus breve est reliquum est ut qui habent uxores
tamquam non habentes sint [30] et
qui flent tamquam non flentes et qui gaudent tamquam non gaudentes et qui
emunt tamquam non possidentes [31] et
qui utuntur hoc mundo tamquam non utantur praeterit enim figura huius mundi |
29. Voici
donc, mes frères, ce que je vous dis. Le temps est court, et ainsi, que ceux
mêmes qui ont des femmes soient comme n'en ayant pas ; 30. Et ceux
qui pleurent, comme ne pleurant pas ; ceux qui se réjouissent, comme ne se
réjouissant pas ; ceux qui achètent, comme ne possédant pas ; 31. Enfin
ceux qui usent de ce monde, comme en usant pas ; car la figure de ce monde
passe. |
[90328] Petrus de Tarantasia, In I Cor.,
cap. 7 l. 6 Haec est secunda pars, ubi nubentibus sive nuptis
ostendit bene vivendi modum, docens primo qualiter utantur uxoribus; secundo
qualiter fortunae casibus sive eventibus, ibi et qui flent, etc.;
tertio qualiter mundi rebus sive possessionibus, ibi et qui emunt,
etc.; quarto subdit rationem in his admonitionibus, ibi praeterit enim
figura. In prima implicat tria, scilicet auctoritatem
consiliarii, hoc itaque dico, etc.; necessitatem consulendi tempus
breve est, etc.; formam consilii reliquum est, et cetera. Dicit
ergo hoc itaque, quasi dicat : quia non est peccatum nubere, hoc
itaque dico, fratres, si coniugii tempus breve est, quo scilicet
non generatione carnali propagandus est populus Dei, sed regeneratione
spirituali colligendus, secundum Glossam; et quia tempus breve est, reliquum
est, id est hoc solum restat agendum, ut qui habent uxores, sint
tamquam non habentes, studendo servitio Dei, non autem operi carnali,
debitum scilicet exigendo. Unde dicitur sint tamquam non habentes, non
dicit : tamquam non habenti, sicut erant antiqui patres; propter quod dicit
Augustinus quod caelibatus Ioannis non praefertur coniugio Abrahae;
sed hodie faciunt e converso, quia qui non habent sunt tamquam habentes. Est
autem notandum quod tamquam non habens uxorem est qui vel uxori debitum
reddit nec exigit, vel propter infirmitatem uxorem ducit, dolens quod sine ea
esse nequit, vel pari affectu continentiam custodit, vel causa generandae
prolis ad cultum Dei uxorem propriam cognoscit. Et qui flent, pro casibus coniugii
vel pro aliqua tristitia saeculi, sint tamquam non flentes, consolati
scilicet spe appropinquantis boni futuri. Prov. XII, 21 : non contristabit
iustum quidquid ei acciderit. Et qui gaudent, pro aliqua prosperitate
saeculi, tamquam non gaudentes, sed tamquam in timore existentes
imminentis mali periculi. Eccli. XI, v. 27 : in
die bonorum ne immemor sis malorum. Deinde, cum dicit et qui emunt, hic
ostendit qualiter utantur mundi rebus sive possessionibus. Et primo qualiter
uti debeant acquirendis; secundo qualiter acquisitis, ibi et qui utuntur,
et cetera. Dicit ergo qui emunt, tamquam non possidentes, id est, post
haec terrena non sedentes, scilicet supple, non apponendo cor rebus
perituris. Ps. LXI, 11 : divitiae si affluant, nolite cor apponere.
Ez. VII, 12 : qui emit, non laetetur : et qui vendit, non lugeat. Et,
ut universaliter colligam, qui utuntur hoc mundo, id est, rebus
mundanis; non dico fruuntur ut mali qui de eis malum faciunt finem, qui
dicunt, Sap. II, 6 : fruamur bonis quae sunt, id est, praesentibus;
sed qui utuntur eis ad finem debitum referendo, sint tamquam non utantur,
id est, non adhaereant eis nimia delectatione. I Tim. VI, 8 : habentes
alimenta et quibus tegamur, his contenti simus. Praeter actum ergo coniugalem ponit quatuor
differentias actuum circa sollicitudinem mundanorum, scilicet flere, gaudere,
emere, uti. Duo primi pertinent ad affectum, duo alii ad effectum. Ex humana
vero sollicitudine generatur duplex effectus, scilicet emendi respectu
habendorum, et utendi respectu habitorum; et secundum hoc ponit apostolus
consilium temperantiae in his quatuor actibus. Deinde, cum dicit praeterit
enim figura, etc., hic subdit rationem praedictarum admonitionum, quae
talis est : transitoria sunt reputanda quasi non sint, sed talia sunt mundana
peritura, ergo quasi non sint sunt reputanda. Et hoc est quod dicit,
quod ideo mundana quasi non sint aestimanda sunt, quia praeterit figura,
id est, exterior pulchritudo, vel quod est ibi fragile conveniens statui
fragilitatis. Transibunt enim qualitates mortales, et remanebunt immortales.
Ideo transibit mundus et concupiscentia eius. Omnia notanda : quia figura,
non substantia mundi, non Paradisi, praeterit, non sistit. Hic
quaeritur super illud : si potest fieri liber, Glossa : quanto quis
propter Deum despectior est in hoc saeculo, tanto magis exaltabitur in futuro.
Contra, ergo magis exaltabitur bonus subditus, quam bonus praelatus.
Respondeo. Glossa intelligenda est caeteris paribus. Item super illud : unusquisque,
in quo vocatus est. Glossa : contra, ergo qui vocatus est in statu
saeculari, non debet intrare religionem. Respondeo. Apostolus loquitur de
statibus promoventibus ad salutem, non de impedientibus. Item, super illud : existimo
hoc bonum esse, Glossa : maior est victoria virginum, quam Angelorum.
Contra, ergo maior corona; ergo homines erunt maiores Angelis, non solum
aequales. Respondeo. Maior extensive, id est, multiplicative, quia habent
aureolam non solum auream. Item super illud : bonum est homini sic esse,
Glossa : in virginitate. Contra Gen. I, 28 : crescite et
multiplicamini; virginitas autem contraria est huic praecepto. Respondeo.
Illud praeceptum non est perpetuum, sed datum usque ad tempus sufficientis
multiplicationis humani generis. Item super illud : qui habent uxores,
Glossa : beatiora coniugia iudicanda sunt quae prole concepta, pari
consensu continentiam servare potuerunt. Contra, unumquodque tanto
beatius est, quanto magis convenit fini suo : finis autem coniugii est
generatio prolis. Respondeo. Expone : coniugia, id est, coniuges. Vel
dicendum est quod ille non est ultimus finis coniugii, sed adimpletio numeri
electorum, qui citius impleretur, si omnes continerent. Item super illud : praeterit figura huius mundi, Glossa : in
iudicio mundanorum ignium flagratione huius mundi peribit non substantia, sed
figura. Contra II Petr. III, 10 : per quem caeli magno
impetu transient. Respondeo. Ille transitus et illa solutio accidentalis
est, non substantialis, id est, secundum qualitatem, non secundum
substantiam. |
Voici la
seconde partie, où l’Apôtre donne, soit à ceux qui se marient, soit à ceux
qui sont déjà mariés, la règle de bien vivre. Il enseigne comment ils doivent
agir : 1° à l’égard
de leurs épouses ; II° dans les
cas ou événements fortuits, à ces mots (verset 30) : et ceux qui pleurent, etc. ; III° dans les affaires ou biens du siècle, à ces autres
(verset 30) : et ceux qui achètent, etc. ; IV° enfin il donne la raison de ces différents
avertissements (verset 31) : Car la figure de ce monde passe. I° Dans la première question, l’Apôtre comprend 1° l’autorité de celui qui conseille (verset
29 : voici ce que je vous dis) ; 2° la nécessité de prendre conseil, à
ces mots (verset 29) : Le temps est court ; 3° la forme
même de ce conseil, à ces autres (verset 29) : Il faut donc, etc. Il
dit : Voici donc, comme s’il disait : puisque ce n’est pas un péché
d’entrer dans l’état du mariage, voici donc, mes frères, ce que je vous
dis, si, quant au mariage, le temps est court, c’est-à-dire le
temps pendant lequel le peuple de Dieu doit être, non pas propagé par la
génération selon la chair, mais rassemblé par la régénération selon l’esprit,
comme dit la Glose ; et parce que le temps est court, il n’y a plus,
c’est-à-dire voici ce qui reste à faire (verset 29) : Que ceux qui ont des
femmes soient comme s’ils n’en avaient pas, en s’appliquant au service de Dieu, et non en exigeant le devoir de
la chair ; ce lui fait dire soient comme s’ils n’en avaient pas.
Il ne dit pas : « comme celui qui n’en a pas », tels qu’étaient les
anciens patriarches. Aussi saint Augustin dit-il (Du bien du Mariage,
liv. XXI) que « le célibat de Jean
n’est pas préféré au mariage d’Abraham » tandis qu’aujourd’hui c’est
le contraire qui arrive. Ceux qui n’en ont pas vivent comme s’ils en avaient.
Or il faut remarquer qu’avoir une épouse, comme si l’on n’en avait pas, c’est
rendre à sa femme le devoir sans l’exiger, ou prendre femme à cause de sa
faiblesse propre, en gémissant de ce qu’on ne peut s’en passer, ou garder
avec une égale affection la continence, ou ne s’approcher de sa propre épouse
que pour la procréation des enfants qui honoreront Dieu. II° et que ceux qui pleurent, à cause des
épreuves du mariage, ou en raison de quelque misère du siècle, soient
comme s’ils ne pleuraient pas, c’est-à-dire consolés par l’espérance des
biens futurs qui approchent ; (Prov., XII, 21) : "Quoi qu’il
arrive au juste, il ne s’attristera pas."- Et que ceux qui se
réjouissent, pour quelques prospérités du siècle, soient comme s’ils
ne se réjouissaient pas, mais qu’ils vivent dans une sorte de crainte des
dangers ou des malheurs qui les menacent ; (Ecclésiastique XI, 27) : "A
jour de bonheur, ne perdez pas le souvenir du malheur." III° Lorsqu’il dit (verset 30) : Que ceux qui achètent, saint Paul fait voir comment on doit user des choses ou des
biens de ce monde. Et d’abord comment il faut user de ce que l’on possédera,
ensuite de ce que l’on possède, à ces mots (verset 31) : et que ceux qui usent des
choses de ce monde, etc. Il dit donc (verset 30) : Que ceux qui
achètent soient comme s’ils ne possédaient pas, c’est-à-dire qu’ils ne
viennent pas à s’asseoir auprès de ces biens de la terre, suppléez, en
laissant s’attacher leur coeur à ces biens périssables ; (Psaume LXI,
11) : "Si vous avez beaucoup de richesses, gardez-vous d’y attacher
votre coeur" ; (Ezéch
VII, 12) : "Que celui qui achète ne se réjouisse pas, et que celui
qui vend ne s’afflige pas." Et pour tout comprendre dans une maxime
générale (verset 31) : Que ceux qui usent de ce monde, c’est-à-dire
des biens du monde ; je ne dis pas ceux qui en jouissent comme les
méchants, lesquels en abusent pour une fin mauvaise et disent (Sag., II, 6) :
"Hâtons-nous de jouir des biens qui sont," c’est-à-dire
présents ; mais qui s’en servent en les rapportant à la fin légitime, soient
comme s’ils n’en usaient pas, à savoir qu’ils ne s’y attachent pas par
une affection excessive ; (I Tim., VI, 8) : "Ayant de quoi nous
nourrir et de quoi nous couvrir, nous devons être contents." En
dehors du devoir conjugal, l’Apôtre distingue donc ici, par rapport aux
sollicitudes des mondains, quatre actes différents, savoir : pleurer, se
réjouir, acheter, user. Les deux premiers appartiennent à l’affection, les
autres aux actes. Or la sollicitude humaine donne lieu à un double effet, à
savoir : acheter, par rapport à ce qu’on veut avoir, et user par rapport à ce
qu’on a déjà. C’est d’après cette distinction que l’Apôtre trace une
recom-mandation de tempérance relativement à ces actes. IV° Enfin dans ces paroles (verset 31) : Car la figure de ce monde
passe, etc..,. saint Paul donne
la raison des avertissements qui précèdent. La voici : Ce qui passe doit être
regardé comme s’il n’était pas ; or tels sont les biens périssables de ce
monde ; on doit donc les regarder comme n’existant pas. C’est ce qui fait
dire à saint Paul que tout ce qui tient au monde doit être regardé comme
n’existant pas, parce que la figure de
ce monde passe, c’est-à-dire leur éclat extérieur, ou ce qu’ils
renferment de fragile, d’après leur condition de fragilité ; car les qualités
périssables passeront, les immortelles resteront ; le monde passera donc,
ainsi que ses convoitises. Tout est à noter ici : c’est la figure et non la substance du monde ; du monde, et non
celle du Paradis, qui passe, qui ne
s’arrête pas.On élève une difficulté sur ceci : si l’on peut arriver à cet
état de liberté. La Glose dit : « Plus on est méprisé pour Dieu dans le siècle présent, plus on
est exalté dans le siècle futur ». Objection : Donc l’inférieur,
s’il est homme de bien, sera exalté au-dessus du supérieur, homme de bien
lui-même. Je réponds que la Glose doit être entendue, toutes choses égales par
ailleurs. Même chose sur cet autre passage : Chacun doit demeurer dans
l’état où il était quand il a été appelé. Objection : donc celui qui a
été appelé à vivre dans le siècle ne doit pas entrer en religion. Je réponds
que l’Apôtre parle des états, en tant qu’ils peuvent servir au salut, et non
de ceux qui seraient un obstacle. Sur ce mot : Je pense qu’il est
avantageux, la Glose dit : « La
victoire des vierges est supérieure à celle des anges ». Objection :
donc leur couronne est plus glorieuse ; donc les hommes ne seront pas
seulement égaux aux anges, ils seront plus grands qu’eux. Je réponds : Plus
grand, si on l’entend de l’extension ou de la multiplication, car ils n’auront
pas seulement l’auréole d’or. Sur ce passage : Il est avantageux de
demeurer ainsi, « dans la virginité », dit la Glose. Objection
(Gen., I, 28) : "Croissez et multipliez-vous" ; or la virginité est contraire à
ce précepte. Je réponds que ce précepte n’est pas perpétuel, mais donné pour
un temps suffisant à la multiplication du genre humain. Sur ce passage : Ceux
qui ont des épouses, la Glose dit : « On
doit estimer les plus heureux les mariages où, après avoir eu des enfants, on
a pu, d’un commun accord, garder la continence ». Objection : On est
d’autant plus heureux qu’on est en rapport plus direct avec sa fin ; or la
fin du mariage, c’est la procréation des enfants. Réponse : Entendez par les
mariages les époux, ou dites que la
fin qu’on indique n’est pas la fin dernière du mariage, mais le complément du
nombre des élus, qui serait plus promptement rempli si tous gardaient la
continence. Enfin sur ce mot : La figure de ce monde passe, la Glose
dit : « Au jugement, l’embrasement
des feux du monde fera périr non la substance, mais la figure de ce monde ».
Objection (II Pierre, III, 10) : "Au jour du Seigneur, au bruit d’une
effroyable tempête, les cieux passeront." - Je réponds : ce passage
et cet embrasement sont accidentels, non substantiels, c’est-à-dire
atteignent les accidents et non la substance. |
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Lectio 7 |
Leçon 7 : 1 Corinthiens VII, 32-35 — La supériorité de la continence volontaire |
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SOMMAIRE : L’Apôtre démontre qu’entre tous les états, celui de la continence est préférable, parce qu’il est plus tranquille, plus saint et plus utile. |
[32] volo autem vos sine sollicitudine esse qui sine uxore est
sollicitus est quae Domini sunt quomodo placeat Deo [33] qui autem cum uxore est sollicitus est quae sunt mundi
quomodo placeat uxori et divisus est [34] et mulier innupta et virgo cogitat quae Domini sunt ut sit
sancta et corpore et spiritu quae autem nupta est cogitat quae sunt mundi
quomodo placeat viro [35] porro hoc ad utilitatem vestram dico non ut laqueum
vobis iniciam sed ad id quod honestum est et quod facultatem praebeat sine
inpedimento Dominum observandi |
32. Pour
moi, je désire vous voir dégagés des sollicitudes. Celui qui n’est pas marié
s’occupe du soin des choses du Seigneur et de ce qu’il doit faire plaire à
Dieu. 33. Mais
celui qui est marié s’occupe du soin des choses du monde et de ce qu’il doit
faire pour plaire à sa femme ; et ainsi il se trouve partagé. 34. De
même, une femme qui n’est pas mariée et une vierge s’occupent du soin des
choses du Seigneur, afin d’être sainte de corps et d’esprit ; mais celle qui
est mariée s’occupe du soin des choses du monde et de ce qu’elle doit faire
pour plaire à son mari. 35. Or je
vous dis ceci pour votre avantage, non pour vous tendre un piége, mais pour
vous porter à ce qui est plus parfait et qui vous donne un moyen plus facile
de prier Dieu sans empêchement. |
[90329] Petrus de Tarantasia, In I Cor.,
cap. 7 l. 7 Superius dedit primo virginibus consilium
continendi, secundo nubentibus documentum bene vivendi, hic tertio ostendit
quod magis expedit tempus continendi. Et hoc ostendit, primo ratione maioris
tranquillitatis; secundo ratione maioris sanctitatis, ibi et mulier
innupta, etc.; tertio ratione maioris utilitatis, ibi porro hoc ad
utilitatem vestram, et cetera. Prima ratio talis est : tranquillitas in amore
solius Dei praeferenda est sollicitudini mundanorum; sed continentes habent
tranquillitatem, coniugati sollicitudinem mundi : ergo status continentium
praeferendus est statui coniugatorum. Primo ergo dehortatur sollicitudinem
mundi; secundo subdit quod continentes non sunt solliciti nisi in his quae
sunt Dei, ibi quoniam qui sine uxore, etc.; tertio ostendit quod
coniugatos oportet esse sollicitos in his quae sunt mundi, ibi qui autem
cum uxore, et cetera. Dicit ergo volo autem, quasi dicat : si
nubitis, praedicta facere consulo; sed magis volo vos esse sine
sollicitudine rei uxoriae. Phil. IV, 6 : nihil solliciti sitis.
Nota quod dehortatur nos Scriptura a sollicitudine triplici : scilicet circa
mulierem, ut hic volo vos sine sollicitudine esse, circa ventrem,
Matth. VI, 25 : ne solliciti sitis animae vestrae, etc., circa bursam,
Prov. XI, 7 : expectatio sollicitorum peribit. Et recte hoc volo, quia qui sine uxore est,
sollicitus est quae domini sunt, ut complaceat ei. Non enim habet excusationem
illorum qui dicunt Lc. XIV, 20 : uxorem duxi, et non possum venire.
Sollicitus, inquam, scilicet quomodo placeat Deo, interiori
scilicet pulchritudine sua. Felix cuius votum est uxorem fugere, cuius
sollicitudo est domino servire, cuius intentio est Deo placere. Deinde, cum dicit qui autem cum uxore est,
etc., hic ostendit quomodo coniugatos oportet esse sollicitos in his quae
sunt mundi, ubi implicantur quatuor gravia. Primo vinculum coniugale, ibi qui
cum uxore est, studium mundiale, ibi sollicitus est, subiectio
uxoris, ibi quomodo placeat, operis divisio, ibi et divisus est.
Dicit ergo qui autem cum uxore est, scilicet in matrimonio, sollicitus
est quae sunt mundi, id est, de regimine familiae et huiusmodi. Unde
Iacob, acceptis uxoribus, ait Gen. XXX, 30 : iustum est ut aliquando
provideam domui meae, id est, sollicitus sim quomodo placeam uxori. Et
hoc fine potest se licite ornare. Nam, secundum Glossam, magna amaritudo
in domo est uxor tristis. Et talis divisus est non natura, sed
actu, scilicet divisione officii, non intentionis principalis; unde Glossa partim
servit Deo, partim mundo. Deinde, cum dicit et mulier innupta, etc.,
hic ponitur secunda ratio probans quod magis expedit servare propositum
continentiae quam nubere, ratione maioris sanctitatis. Et est ratio sua talis
: continens studet sanctitati et divinitati et amori Dei, nupta vero mundo :
ergo illa praeferenda est isti. Primo ergo tangit studium innuptae, quia
cogitat totaliter placere Deo; secundo studium nuptae, quia cogitat partim placere
mundo, ibi quae autem nupta est. In prima implicat tria, scilicet continentium
statum, cogitatum et fructum; statum honestum, quia innupta et virgo;
cogitatum rectum, quia cogitat quae domini sunt; multiplicatum
fructum, quia ut sit sancta, et cetera. Dicit ergo : et similiter mulier
innupta, id est vidua, et virgo cogitat, id est, maiorem habet
facultatem cogitandi, quae domini sunt, id est, spiritualia et
aeterna. Cogitat, inquam, ut sit sancta, magis quam nupta. Multae enim
nuptae sunt sanctae. Augustinus, de bono coniugali : ampliorem non
nuptarum et in corpore et in spiritu sanctificationem intelligi voluit, non
tamen nuptas omnino sanctificatione privavit. Sancta, inquam, corpore,
id est, corporalibus actionibus, et spiritu, id est, spiritualibus
actionibus. Vel sancta corpore, contra vitia carnalia, et spiritu,
contra spiritualia. Deinde, cum dicit quae autem nupta est,
hic tangit sollicitudinem nuptarum, ubi implicat tria. Primo coniugium;
secundo sollicitudinem, ibi cogitat quae, etc.; tertio coniugii
studium, ibi quo modo placeat, et cetera. Dicit ergo : quae autem
nupta est cogitat quae mundi sunt, scilicet de cura filiorum, de regimine
domus, et huiusmodi. Unde parentes monuerunt Saram honorare socrum, diligere
maritum, gubernare domum, etc., Tob. X, 30. Cogitat, inquam, quomodo
placeat viro, unde hoc fine ornantes se non peccant : verumtamen magis
debent studere ei placere ornatu morum quam vestimentorum. I Tim. II, 9 : mulieres
in habitu ornato ornantes se, non in tortis crinibus, auro, et cetera. Deinde, cum dicit porro hoc ad
utilitatem, etc., hic allegat tertiam rationem, scilicet maiorem
utilitatem. Et est ratio talis : illud quod est utilius,
magis expedit; sed continere est utilius quam nubere, ergo magis expedit
eligere continentiam quam nuptias. Primo ergo ostendit quod utile est
continere; secundo quod honestum est, ibi sed id quod est honestum,
etc.; tertio quod facile, ibi et quod facultatem, et cetera. Dicit
ergo porro, etc., quasi dicat : consulo non nubere, porro hoc ad
utilitatem vestram, maiorem scilicet, dico, ut expeditius Deo
serviatis, quia sic mortificatur caro quae est inimica spiritus. Augustinus
de verbis domini : sicut inimicus occisus non facit tibi iniuriam, sic
caro mortificata non turbat animam. Dico, inquam, non ut laqueum,
fornicationis scilicet, incontinentibus vobis iniiciam, aliquid
difficile super hoc faciendo; imo potius laqueus poneretur, si consuleret
nubere, quia de muliere dicitur Eccle. VII, 27, quod laqueus venatorum est,
sed potius intendens inducere omnes ad id quod honestum est, scilicet
ad sanctitatem corporis et animae : non quia coniugalis status non sit
honestus, sed quia minus honestus. Augustinus, de bono viduali : non
matrimonium turpe esse monstravit, sed quod honestius erat generalis honesti
nomine commendavit, et monens ad illud quod facultatem praebeat alicui
observandi se in domino, id est, ad servitium domini, et hoc sine
impedimento quod est in coniugio. II Cor. XI, 2 : despondi vos uni viro
virginem castam exhibere Christo. Vere eligendus est status continentiae,
ubi maius commodum, quia hoc ad utilitatem, ubi minus periculum, quia non
ut laqueum, maior honestas, quia id quod honestum, liberior
facultas serviendi Deo, quia facultatem praebet, et cetera. Notandum est hic quod multiplex sollicitudo est
bona. Prima praelationis, sicut nauta sollicitus est de regimine navis, pater
de filiis. Rom. XII, v. 8 : qui praeest in sollicitudine. Secunda
praedicationis, sicut paedagogus sollicitus est de puero, doctor de
discipulis. I Thess. II, 2 : fiduciam habuimus loqui ad vos verbum Dei in
multa sollicitudine. Tertia dilectionis, sicut amicus verus sollicitus
est de conservatione amoris. Eph. IV, 3 : solliciti servare unitatem
spiritus in vinculo pacis, et cetera. Quarta compassionis, sicut vir
misericors sollicitus est de egenis et afflictis. II Tim. I, v. 17 : cum
venisset Romam, sollicite me quaesivit et invenit. Quinta devotionis,
sicut servus sollicitus est de placendo domino, religiosus Deo. Mich. VI, 8 :
indicabo tibi, o homo, quid sit bonum, et post : sollicite ambulare
cum Deo tuo. Sexta circumspectionis, sicut speculator est de castro
custodiendo. Deut. IV, 15 : custodite animas vestras sollicite. Corpus
enim cum organis, anima cum potentiis quoddam castrum est. Septima actionis,
sicut agricola sollicitus est de opere perficiendo. Lc. X, 41 : Martha,
Martha, sollicita es. II Tim. II, 15 : sollicite cura teipsum
probabilem exhibere Deo. Octava provisionis, sicut dispensator de domo,
mercator de computo, pauper de pane quaerendo. Rom. XII, 11 : sollicitudine
non pigri. |
Saint Paul,
dans ce qui précède, a donné d’abord aux vierges le conseil de vivre dans la
continence ; à ceux qui entrent dans l’état du mariage, la règle de bien
vivre ; il montre ici, en troisième lieu, que le temps le plus méritoire est
celui où l’on garde la continence. Il le prouve en argumentant qu’on y
rencontre : I° une plus
grande paix ; II° une plus
grande sainteté, à ces mots (verset 34) : Ainsi une femme qui n’est pas
mariée, etc. ; III° une plus grande
utilité, à ces autres (verset 35) : Or je vous dis ceci pour votre plus
grand avantage, etc. I° Voici son premier raisonnement : la
paix dans l’amour de Dieu seul est préférable à l’inquiétude des mondains ;
or ceux qui vivent dans la continence ont la paix, tandis que ceux qui sont
dans le mariage ont la sollicitude des choses du monde : l’état de ceux qui
vivent dans la continence est donc préférable à l’état de ceux qui vivent
dans le mariage. I. Il détourne
de la sollicitude du monde ; II. il fait
voir que ceux qui vivent dans la continence n’ont de sollicitude que pour les
choses de Dieu, à ces mots (verset 32) : Car celui qui n’est pas marié, etc.
; III. il montre que ceux
qui vivent dans le mariage sont forcés de s’occuper des choses du monde, à
ces autres (verset 33) : Mais celui qui est marié, etc. I. Il dit donc (verset
32) : Or je désire, comme s’il disait : si vous entrez dans le
mariage, je vous conseille de faire ce que j’ai prescrit ; mais j’aime mieux que vous soyez sans
inquiétude pour ce qui touche aux femmes ; (Philip., IV, 6) : "Ne
vous inquiétez de rien." Remarquez que l’Ecriture nous détourne
d’une triple inquiétude, à savoir : de celle qui vient des femmes, comme dans
ces paroles : Je désire que vous soyez sans inquiétude ; de celle qui tient à la
nourriture ; (Matthieu VI, 25) : "Ne vous inquiétez pas pour
votre âme de ce que vous mangerez ;
de celle qui vient de l’argent ; (Prov., X, 7) : "L’attente
des cupides périra." II. C’est avec raison
que je désire qu’il en soit ainsi, parce que (verset 32) : Celui qui n’est
pas marié s’occupe des choses du Seigneur, afin de lui plaire. Car il n’a pas l’excuse de ceux qui disent
(Luc, XIV, 20) : "J’ai épousé une femme, et je ne puis y aller."
- Il s’occupe, dis-je, de savoir comment il plaira à Dieu, c’est-à-dire
par la beauté intérieure de son âme. Heureux
celui dont le désir est d’aviter de se marier, dont la sollicitude est de
servir Dieu, dont l’intention est de lui plaire ! III. En disant (verset
33) : Mais celui qui est marié, l’Apôtre montre comment c’est une
nécessité à ceux qui vivent dans le mariage de s’occuper des choses qui
tiennent au monde. Là se trouvent quatre obstacles pleins de périls : 1° le lien conjugal, à ces mots
(verset 33) : Celui qui est marié ; 2° le soin des choses du monde, à ces
autres (verset 33) : Il s’occupe du soin des choses du monde ; 3° la dépendance de l’épouse, à
ceux-ci (verset 33) : et de plaire à sa femme ; le partage des oeuvres, à ces
autres (verset 33) : et il est partagé. Il dit donc
(verset 33) : Celui qui est avec une épouse, c’est-à-dire dans le
mariage, s’occupe du soin des choses de ce monde, à savoir du
gouvernement de sa famille et d’autres soins semblables. Aussi Jacob, après
avoir épousé Lia et Rachel, dit (Gen., XXX, 30) : "Il est bien juste
que je pourvoie maintenant à ma maison," en d’autres termes que je
m’occupe de plaire à mon épouse. A cette fin, le mari peut licitement orner
sa personne ; car, d’après la Glose, « c’est
une grande amertume dans la maison qu’une femme triste » ; et celui
qui est ainsi préoccupé est divisé non par nature, mais quant aux actes,
c’est-à-dire par la diversité des devoirs, quoique avec la même intention
principale. Aussi la Glose dit-elle : « Il
sert Dieu en partie, et en partie le monde ». II° Quand l’Apôtre ajoute (verset 34) : Aussi une femme qui n’est pas
mariée, etc., il apporte la seconde raison, qui prouve
qu’il est plus profitable de garder le bon propos de la continence que de
contracter mariage : c’est qu’on y trouve une plus grande sainteté. Voici son
raisonnement : la femme qui vit dans la continence s’occupe de la sainteté,
de la divinité, de l’amour de Dieu ; celle qui est mariée s’occupe du monde :
le premier état est donc préférable au second. L’Apôtre rappelle : I. l’occupation de la
femme, qui, n’étant pas mariée, pense entièrement à plaire à Dieu ; II. l’occupation de
celle qui, étant mariée, pense en partie à plaire au monde, à ces mots
(verset 34) : mais celle qui est mariée. I. Le premier point
comprend trois choses : 1° l’état de
continence ; 2° la pensée ;
3° le mérite de ceux
qui vivent dans la continence. L’état
est saint, puisqu’il s’agit d’une femme non mariée ou d’une vierge ; la
pensée est droite, puisqu’elle s’occupe des choses de Dieu ; le mérite
est abondant, puisque c’est pour être sainte, etc. Saint Paul dit donc : et de même (verset 34)
: Une femme qui n’est pas mariée, c’est-à-dire la veuve et la vierge pense, c’est-à-dire a une plus grande liberté de penser, ce
qui est de Dieu, en d’autres termes aux choses spirituelles et
éternelles. Elle pense ainsi, dis-je, afin d’être sainte, plus que
celle qui est mariée ; car beaucoup de celles qui sont mariées sont saintes.
Saint Augustin (du Bien du Mariage,
liv. II) : "L’Apôtre a voulu faire entendre que les personnes non
mariées se sanctifiaient davantage, et pour le corps et pour l’âme ;
cependant il n’exclut pas totalement de la sainteté celles qui sont mariées."
Afin, dis-je, d’être sainte de corps, dans les oeuvres
corporelles, et d’esprit, dans les actes spirituels ; ou sainte de
corps, contre les vices de la chair, et d’esprit, contre les vices
spirituels. II. En disant (verset
34) : mais celle qui est mariée, saint Paul montre la sollicitude
des femmes mariées. Il y comprend trois choses : 1° le mariage même ; 2° ses sollicitudes, à ces mots (verset 34) : Elle
pense aux choses de ce monde ;
3° ses désirs, à ces
autres (verset 34) : et de plaire à son mari, etc… Il dit donc (verset 34) : mais
celle qui est mariée pense à ce qui est du monde, c’est-à-dire
veille au soin de ses enfants, au gouvernement de sa maison et à de
semblables préoccupations. C’est pour cette raison que les parents de Sara
(Tobie, X, 13) l’avertirent d’honorer
son beau-père, d’aimer son mari, de gouverner sa famille, etc. - Elle
pense, dis-je, à plaire à son mari, et en se parant à cette
fin, elles ne pèchent pas. Cependant elles doivent s’appliquer à leur plaire
bien plus par la sainteté des moeurs que par l’éclat des vêtements ; (I
Tim., II, 9) : "Que les femmes se parent avec modestie, non avec des
cheveux frisés, ni avec des ornements d’or, etc." III° Quand il ajoute (verset 35) : Or je vous dis ceci pour votre
avantage, etc., l’Apôtre donne la troisième raison,
à savoir une utilité plus grande. Voici son raisonnement : ce qui est le plus
utile est aussi le plus expédient ; or vivre dans la continence est plus
utile que d’entrer dans le mariage ; il est donc plus expédient de choisir le
premier état que le second. Il fait voir d’abord qu’il est utile de vivre
dans la continence ; ensuite que cet état est saint, à ces mots (verset 35) :
mais
pour vous porter à ce qui est plus saint, etc. ; enfin qu’il est facile, à ces
autres (verset 25) : et qui vous donne un moyen plus facile, etc.
Il dit donc : Or, etc., comme s’il disait : si je vous
conseille de ne pas entrer dans le mariage, c’est pour votre plus grand
avantage, c’est-à-dire je le dis afin que vous serviez Dieu avec plus de
liberté, parce qu’ainsi vous mortifiez la chair, qui fait la guerre à
l’esprit. Saint Augustin (de la Parole
du Seigneur) : "De même que l’ennemi mort ne cause plus de
dommage, ainsi la chair mortifiée
ne jette plus de trouble dans l’âme". Je parle ainsi, je le répète, non pour vous tendre un
piége, celui de la fornication,
à vous qui ne pratiquez pas la continence, en exagérant la difficulté
sur ce point ; car ce serait au contraire un piége que de vous conseiller
d’entrer dans le mariage, puisqu’il est dit de la femme (Ecclésiastique VII,
27) que "son coeur est le
filet des chasseurs," mais plutôt dans l’intention de vous
conduire tous à ce qui est saint,
c’est-à-dire à la sanctification du corps et de l’âme ; non pas toutefois que
l’état du mariage ne soit pas saint, mais parce qu’il l’est moins. Augustin, (du Bien de la viduité) : "L’Apôtre
a montré qu’il n’y avait dans le mariage rien de déshonnête ; mais il a relevé d’une manière générale,
par ce mot « sainteté », l’état le plus honnête, indiquant,
à cette occasion, ce qui peut donner moyen, à qui en a la volonté, de se
maintenir devant Dieu," c’est-à-dire dans ce qui a rapport à son service,
et cela sans trouver les obstacles qu’on rencontre dans le mariage ; (II
Cor., XI, 2) : "Je vous ai fiancé à un époux unique, Jésus-Christ,
pour vous offrir à Lui comme une vierge pure." L’état de la
continence est donc véritablement préférable, car les avantages y sont plus
grands, puisque saint Paul le conseille
comme plus utile ; le péril moindre, puisque l’Apôtre ne le conseille point pour tendre un piége; la
sainteté plus étendue, puisqu’il est
donné comme plus saint ; la faculté de servir Dieu plus libre, puis qu’il offre la voie la plus facile, etc. Remarquez
ici qu’il y a plus d’une sollicitude louable : 1° celle de l’autorité, comme le
nautonier est plein de sollicitude pour le gouvernement de son navire, le
père pour ses enfants ; (Rom., XII, 8) : "Que celui qui commande
soit plein de vigilance" ;
2° celle de la prédication, comme le
maître est plein de sollicitude à l’égard de l’enfant, le docteur à l’égard
du disciple ; (I Thess., II, 2) : "Nous avons eu le courage de
vous annoncer la parole de Dieu au milieu de beaucoup de sollicitudes" ; 3° celle de la charité, comme l’ami
véritable l’éprouve pour l’objet de son affection ; (Ephés., IV, 3) : "Plein
de sollicitude pour conserver l’unité d’un même esprit dans le lien de la
paix, etc." ; 4° celle de la
compassion, comme l’homme miséricordieux la ressent pour les pauvres et pour
les affligés ; (II Tim., I, 17) : "Lorsqu’il est venu
(Onésiphore) à Rome, il m’a cherché avec sollicitude, et m’a trouvé" ; 5° celle du
dévouement, comme le serviteur est plein de sollicitude afin de plaire à son
maître, l’homme religieux afin de plaire à Dieu ; (Michée, VI, 8) : "O
homme, je vous montrerai ce qui est bien" et à la suite : "Marcher
avec sollicitude en la présence de Dieu" ; 6° celle de la
circonspection, comme celle de la sentinelle pour la garde du camp ;
(Deut., IV, 15) : "Gardez donc vos âmes avec sollicitude;"
car le corps avec ses organes, l’âme avec ses puissances forment une espèce
de camp ; 7° celle de
l’action, comme celle du laboureur pour terminer son ouvrage ; (Luc, X,
41) : "Marthe, Marthe, vous vous inquiétez" et (II Tim., II,
15) : "Appliquez-vous avec sollicitude à paraître devant Dieu comme
un ministre digne de son approbation" ; 8° celle de
la prévoyance, comme celle de l’économe pour sa maison, du négociant pour son
commerce, du pauvre pour chercher son pain ; (Rom., XII, 11) : "Que
la sollicitude écarte de vous la paresse." |
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Lectio 8 |
Leçon 8 : 1 Corinthiens VII, 36-40 — La liberté du choix de son état de vie |
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SOMMAIRE : L’Apôtre enseigne que la vierge peut licitement, suivant sa volonté, garder la virginité ou entrer dans le mariage. Il met cependant le premier état au-dessus du second, et exhorte la femme qui n’est plus liée à un mari à demeurer en cet état. |
[36] si quis autem turpem se videri existimat super virgine sua
quod sit superadulta et ita oportet fieri quod vult faciat non peccat nubat [37] nam qui statuit in corde suo firmus non habens
necessitatem potestatem autem habet suae voluntatis et hoc iudicavit in corde
suo servare virginem suam bene facit [38] igitur et qui matrimonio iungit virginem suam bene facit
et qui non iungit melius facit [39] mulier alligata est quanto tempore vir eius vivit quod si
dormierit vir eius liberata est cui vult nubat tantum in Domino [40] beatior
autem erit si sic permanserit secundum meum consilium puto autem quod et ego
Spiritum Dei habeo |
36. Si
quelqu'un donc croit que ce lui soit un déshonneur que sa fille passe la
fleur de son âge, et qui juge la devoir marier, qu'il fasse ce qu'il voudra ;
il ne péchera pas si elle se marie. 37. Mais
celui qui, n'étant engagé par aucune nécessité, et qui, se trouvant dans un
plein pouvoir de faire ce qu'il voudra, prend une ferme résolution dans son
coeur et juge en lui-même qu’il doit conserver sa fille vierge, fait une
bonne oeuvre. 38. Ainsi
celui qui marie sa fille fait bien ; celui qui ne la marie point fait encore
mieux. 39. La
femme est liée à la loi tant que son mari est vivant ; mais si son mari
meurt, elle est libre. Qu'elle se marie à qui elle voudra, pourvu que ce soit
selon le Seigneur. 40. Mais
elle sera plus heureuse si elle demeure veuve, comme je le lui conseille ; et
je crois que j'ai aussi l’Esprit de Dieu. |
[90330] Petrus de Tarantasia, In I Cor.,
cap. 7 l. 8 Superius egit de virginibus hic agit de virginum
custodibus, ostendens primo quod licet eis virgines suas coniugio copulare;
secundo quod non similiter nuptis licet, nisi post mortem viri, contrahere,
ibi mulier alligata est, et cetera. In prima, primo ostendit quod custos
potest dare virginem suam in coniugio; secundo quod non peccat hoc faciendo,
ibi nec peccat, si nubat, etc.; tertio quod etiam bene facit servando,
ibi nam qui statuit, etc.; quarto quod licet utrumque sit bonum, tamen
hoc est melius illo, ibi igitur et qui matrimonio, et cetera. In prima, primo supponit in virgine aetatem
nubilem; secundo voluntatem nubendi, ibi et ita oportuit fieri, etc.;
tertio dat nubendi licentiam, ibi quod vult faciat, et cetera. Dicit
ergo si quis autem, etc., quasi dicat : esse sine coniugio, honestius
est et expeditus, sed tamen si quis turpem se videri existimat apud
iudicium hominum super virgine sua, timens ne corrumpatur, eo quod
sit superadulta, id est, ultra pubertatem et iam in nubilibus annis, et
ita oportet fieri ut nubat, quia non vult continere, quod vult,
virgo, faciat, custos. Eccli. VII, 27 : trade filiam tuam, et
grande opus fecisti, et homini sensato da illam. Nec peccat custos, si nubat virgo :
hoc ideo dicit, secundum Glossam, ne, etsi virgo non peccet, custos videatur
peccare. Augustinus, de bono viduitatis : quae se non continet, nubat;
quae non coepit, deliberet; quae egressa est, perseveret; nulla adversario
detur occasio, sed falsa retrahatur oblatio. Deinde, cum dicit nam qui statuit, etc.,
hic ostendit quod custos virginis bene facit eam in statu virginali servando,
ubi implicatur quadruplex conditio ad hoc expediens. Prima quod custos firmus
sit in proposito eam virginem custodiendi; secunda quod non timeat de casu
virginali, ibi non habens necessitatem, etc., tertia quod cognoscat in
virgine propositum continendi, ibi potestatem autem habens, etc.,
quarta quod hoc faciat ex deliberatione, ibi et hoc iudicavit. Dicit ergo nam qui statuit, etc., quasi
dicat : ideo autem dico quod non peccat qui tradit virginem, nam de alio, qui
servat eam, patet quod bene faciat. Nam qui statuit in corde servare
virginem suam, firmus in proposito suo, non curans sobolem, vel aliud
huiusmodi, non habens necessitatem tradendi eam, cum virgo velit
continere, potestatem autem habens, secundum alumnae continentiam, voluntatis
suae perficiendae. Et hoc iudicavit in corde suo, id est, ex
iudicio rationis, non ex levitate mentis discernit esse bonum. I Tim. V, 21 :
sine praeiudicio nihil facias. Iudicavit, inquam, servare virginem
suam. Ambrosius, super hunc locum : non ingerens ei fomitem nuptiarum.
Eccli. c. VII, 26 : filiae tibi sunt? Serva corpus illarum. Qui facit,
inquam, sic bene facit. Deinde, cum dicit igitur et qui matrimonio,
etc., hic ostendit quod licet utrumque sit bonum, tamen virginitas est melior
matrimonio. Ubi primo approbat statum coniugalem : secundo praeponit statum
virginalem, ibi qui non iungit, et cetera. Dicit ergo igitur et qui,
etc., quasi dicat : quia oportet fieri ut diximus, igitur et qui
matrimonio iungit virginem, bene facit, quia licitum est quod facit; et
qui non iungit, cum virgo acquiescat continere, melius facit.
Glossa : melius facit qui apud Deum meritum suum collocat, et a
sollicitudine liberat eam. Melius est enim quod licet et expedit, quam quod
licet et non expedit. Hic enim bene utitur
malo, ibi vero bene utitur bono. Bene utitur quis bono, continentiam dedicans
Deo; male utitur quis bono, continentiam dedicans idolo. Male utitur quis
malo, concupiscentiam relaxans adulterio; bene utitur malo, concupiscentiam
restringens connubio. Bonum est pudicitia coniugalis, sed melius
est continentia virginalis vel vidualis, secundum Glossam. Deinde cum dicit mulier alligata est legi,
etc., hic ostendit quod non similiter coniugata, nisi viro mortuo, potest contrahere.
Ubi primo ostendit quod coniugata non potest nubere, viro vivente; secundo
quod, viro mortuo, potest alii nubere, ibi quod si dormierit, etc.;
tertio quod melius est illi continere, ibi beatior autem erit, etc.;
quarto quod debet consilio eius credere, ibi puto autem quod et ego,
et cetera. Dicit ergo mulier alligata est, etc.;
quasi dicat : qui non iungit virginem suam, melius facit. Et vere melius,
quia mulier alligata est, et cetera. Vel sic : virgo quocumque tempore
potest nubere, sed uxorata non, quia mulier alligata est legi, ita ut non
possit nubere alteri quanto tempore vir eius vivit. Rom. VII, 2 : quae
autem sub viro est mulier, vivente viro est alligata legi viri. Deinde, cum dicit quod si dormierit, somno
mortis. De qua dormitione Io. c. XI, 11 : Lazarus amicus noster dormit.
Vir eius, et cetera. Augustinus : non dicit primus, secundus, vel
tertius, vel quartus, vel quousque licet. Nec nobis diffiniendum est quod non
diffinit apostolus. Unde nec ullas nuptias debeo damnare, nec eis verecundiam
numerositatis afferre. Si dormierit, inquam, liberata est a lege viri,
unde permittitur ei nubere. Hic patet quod resurgenti non tenetur copulari. Sed
cui vult nubat. Invitae enim nuptiae solent habere malos proventus; ideo
dicitur Gen. XXIV, 57 : vocemus puellam, et quaeramus voluntatem eius.
Nubat, inquam, tantum in domino, id est, viro suae religionis; nam in
dispari cultu prohibitum est in lege matrimonium. Deut. VII, 3. Per hanc
licentiam apostoli revocatae sunt omnes poenae et infamiae, quae secundum
leges infligebantur olim mulieri secundo nubenti infra tempus luctus,
scilicet intra annum. Ergo in nuptiis exigitur personarum legitimitas, unde
dicitur liberata est, consensus libertas, unde addit cui vult nubat,
cultus paritas, unde subdit tantum in domino. Deinde, cum dicit beatior autem erit,
etc., hic ostendit quod melius est illi continere quam nubere, dicens :
quamvis liceat ei nubere, tamen beatior erit, si sic permanserit,
scilicet innupta. Et hoc est consilium meum super eodem datum : habebit enim
fructum sexagesimum qui debetur viduis, Matth. XIII. Augustinus : satis
ostendit beatam esse post mortem viri, et secundo nubentem, sed beatior est
non nubens. Deinde, cum dicit puto autem quod et ego,
etc., hic ultimo ostendit quod debent consilio eius credere, quia, inspirante
spiritu sancto, hoc consulit. Et hoc est quod dicit puto autem, etc.,
quasi dicat : faciendum est secundum consilium meum, quia puto quod et ego,
sicut caeteri apostoli, spiritum Dei habeam. Rom. VIII, 23 : sed et
nosipsi primitias spiritus habentes, et cetera. Hoc ergo consilium debet
impleri et propter fructum sequentem, quia beatior erit, et propter
consulentis auctoritatem, quia secundum consilium meum, et propter
spiritum Dei inspirantem, quia puto, et cetera. Hic quaeritur super
illo verbo volo vos sine sollicitudine esse. Contra Rom. XII, 11 : sollicitudine
non pigri. Responsio. Ibi loquitur de sollicitudine spirituali, hic de
temporali. Item super illo divisus est. Contra Osee X, 2 : divisum
est cor eorum, nunc interibunt. Responsio. Ibi loquitur de divisione
intentionis principalis, hic de divisione actionis. Item
Glossa ibid. : partim servit Deo, partim mundo. Contra Matth. VI,
24 : nemo potest duobus dominis servire. Responsio. Verum est ita quod
aequaliter serviat utrique in eo quod duo, id est contrarii, sunt. Item super
illud : mulier innupta cogitat quae domini sunt, Glossa : non
cogitat ne damnetur a Deo. Contra : damnari potest, ut patet in parabola
de fatuis virginibus. Responsio. Non cogitat hoc solum, sed cum hoc etiam ne
offendat sponsum. Item super illud : ut sit sancta corpore et spiritu,
Glossa : non potest fieri ut non sit sanctum corpus quo utitur
sanctificator spiritus. Contra : spiritus sanctus usus est lingua Caiphae
non sancta, Io. XI, 49 s. Responsio. Utebatur ea ut spiritus, non ut
sanctificator. Item : sed ad id quod honestum est.
Contra : ergo matrimonium turpe. Responsio. Secundum Glossam positivum
posuit pro comparativo. Item super illud : qui non iungit, melius
facit, Glossa : hic, scilicet in coniugio, bene utitur homo
malo. Contra : cuius usus bonus est, ipsum quoque bonum
est. Responsio. Illud intelligitur de usu rei per se, scilicet ad quem
ordinata est, non per accidens, scilicet ad quem ex prudentia utentis
ordinatur. Item Glossa ibid. : melius est bene uti
bono, quam bene uti malo. Contra : hoc difficilius illo. Responsio.
Loquitur hic de malo vitii, non supplicii. Item super illo verbo in Glossa, duae
permissae. Contra : ergo duae nuptiae non sunt a Deo. Responsio. Non ex
eo quod duae, nisi ex consequenti. Item si dormierit vir; quid
dicendum est, si resuscitatur? Responsio. Requiritur
consensus novus ad hoc quod sit matrimonium. Item super illud puto quod
spiritum Dei habeam. Contra, Rom. VIII, 38 : certus sum quod
neque mors, neque vita, et cetera. Responsio. Secundum Glossam non dicit
hoc dubitando, sed quasi increpando. |
Saint Paul,
après avoir traité de ce qui concerne les vierges, s’adresse ici à ceux qui
sont préposés à leur garde, en montrant : I° qu’il leur est permis de les donner en mariage ; II° que celles qui
sont mariées n’ont plus la liberté, avant la mort de leur mari, de contracter
mariage, à ces mots (verset 39) : La femme est liée à la loi du mariage, etc.
I° Sur la première question, l’Apôtre montre : I. que le gardien
d’une vierge peut la donner en mariage ; II. qu’il ne pèche point en se conduisant ainsi, à ces mots
(verset 36) : Il ne pèche pas si elle se marie ; III. qu’il fait
bien aussi en la conservant, à ces autres (verset 37) : Celui qui prend
une ferme résolution, etc. ;
IV. que si l’un et
l’autre parti sont bons, néanmoins le dernier est préférable au premier, à
ceux-ci (verset 38) : et ainsi, celui qui marie sa fille, etc. I. Dans la première
partie de cette question, saint Paul suppose dans la fille : 1° l’âge nubile ; 2° la volonté de se marier, à ces mots
(verset 36) : Et qu’il y ait nécessité
de le faire, etc. ; 3° il permet
de le faire, à ces autres (verset 36) : Qu’il agisse selon sa volonté, etc.
Il dit donc Que si quelqu’un, etc., comme s’il disait : il est plus
saint et plus utile de ne pas entrer dans l’état du mariage ; cependant
(verset 36) : si quelqu’un pense que ce lui soit un déshonneur, au
jugement des hommes, de ne pas marier sa fille, pour laquelle il
craint le danger de la corruption, parce qu’elle
est en âge de se marier, en d’autres termes parce qu’elle a atteint l’âge
de puberté et qu’elle est nubile, et qu’il regarde comme une nécessité de le faire, parce qu’elle
ne veut pas vivre dans la continence, ce que veut la jeune fille, que son gardien le fasse ;
(Ecclésiastique VII, 27) : "Mariez votre fille, c’est une grande
affaire, et donnez-la à un homme sensé." II. Le gardien ne
pèche point si la jeune fille
se marie. Ce que dit l’Apôtre, d’après la Glose, pour qu’on ne croit pas que le gardien pèche, bien
que la fille ne pèche point. Saint Augustin (Du bien de la Viduité,
VIII) : « Que celle qui ne garde
pas la continence se marie; que celle qui n’a pas commencé délibère ; que
celle qui est engagée persévère ; qu’on ne donne aucune occasion à l’ennemi,
mais qu’on retire une offrande sans sincérité. » III. Lorsqu’il dit
(verset 37) : Mais celui qui, sans nécessité, etc., il montre que le
gardien d’une vierge fait bien en la conservant dans l’état de virginité, et
il pose quatre conditions qui montrent ce qui, dans cette circonstance, est
expédient : 1° que le
gardien soit ferme dans la résolution de la conserver vierge ; 2° qu’il ne craigne pas de chute pour
elle, à ces mots (verset 37) : Qu’il n’y ait aucune nécessité, etc. ; 3° qu’il reconnaisse en elle le bon propos de vivre dans
la continence, à ces mots (verset 31) : Qu’il y ait une ferme résolution
dans le cœur ; 4° que cela se fasse après mûre
délibération, à ces autres (verset 31) : et qu’il juge en lui-même. Il
dit donc (verset 37) : Mais celui qui, sans nécessité, etc., comme
s’il disait : je vous dis donc que celui-là ne pèche point qui donne sa fille
en mariage ; car pour celui qui la conserve, il est évident qu’il fait bien. En
effet, celui qui s’est proposé de garder sa fille, et qui en a pris la ferme résolution, ne
s’occupant ni des enfants, ni de quoi que ce soit de semblable, n’ayant
d’ailleurs aucune nécessité de la donner, puisqu’elle veut vivre dans la
continence, et se trouvant aussi avoir la puissance d’accomplir sa
résolution, par l’expérience qu’il a de la jeune fille, en a jugé
ainsi dans son coeur, c’est-à-dire qui, par un jugement de la raison et
non par légèreté d’esprit, comprend que ce parti est bon ; (I Tim., V,
21) : "Faites ce que je recommande sans préjugé," s’il a jugé,
dis-je, de conserver sa fille. Saint Ambroise (sur ce passage) : ne
lui suggérant pas cette ardeur qui porte aux noces ; (Ecclésiastique VII, 26) : "Avez-vous
des filles, conservez la pureté de leur corps", celui, dis-je, qui
agit ainsi fait bien. IV. En ajoutant
(verset 38) : et ainsi celui qui marie sa fille, etc., saint Paul fait
voir que, bien que l’un et l’autre parti soit bon, la virginité cependant est
préférable au mariage. Il approuve donc dans ces paroles : 1° l’état conjugal ; 2° il lui préfère l’état de virginité,
à ces mots (verset 38) : Celui qui ne la marie pas, etc. Il dit donc
: et ainsi celui qui, etc.,
comme s’il disait : puisqu’il faut agir ainsi que je vous l’ai dit, celui
donc qui marie sa fille fait bien, parce que ce qu’il fait est permis, et
celui qui ne la marie point, lorsque la jeune fille consent à vivre dans
la continence, fait mieux encore. « Celui-là fait mieux, dit la
Glose, qui place dans les mains de Dieu son mérite et délivre sa fille des
sollicitudes. En effet, ce qui est et licite et expédient est préférable à ce
qui est licite mais n’est pas expédient ; car, dans le premier cas, on met à
profit le mal pour en tirer du bien ; dans le second, on profite seulement du
bien. On met à profit le bien de la continence en la consacrant à Dieu ; on
se sert mal du bien en consacrant la continence à une idole. On profite du
mal en affaiblissant la concupiscence par le mariage ; on abuse encore du mal
en cherchant à y remédier par l’adultère. La pudeur conjugale est un bien ;
mais, suivant la Glose, la continence, soit de la veuve, soit de la vierge,
est encore un bien plus grand. » II° Lorsqu’il dit (verset 39) : La femme est liée à la loi, etc., l’Apôtre
fait voir que la femme mariée ne jouit pas de la même liberté, et qu’elle ne
peut contracter un nouveau mariage avant la mort de son mari. Il montre I. que la femme mariée
ne peut se marier de nouveau du vivant de son mari ; II. qu’elle peut en
épouser un autre si son mari vient à mourir, à ces mots (verset 39) : Que
si celui-ci dort, etc. ; III. qu’il est
préférable pour elle de vivre dans la continence, à ces autres (verset 10) : mais
elle sera plus heureuse ;
IV. qu’elle doit
ajouter foi au conseil donné ici, à ceux-ci (verset 10) : Je pense que
c’est aussi l’Esprit de Dieu, etc. I. Il dit donc (verset
39) : La femme est liée, etc., comme s’il disait : celui qui ne marie
point sa fille fait mieux ; c’est véritablement mieux (verset 39) parce que la
femme est liée à la loi, etc.
Ou bien encore, la vierge peut en tout temps entrer dans l’état du mariage,
mais non pas la femme qui est mariée, parce que la femme est liée à la loi, en sorte qu’elle ne peut se marier à un
autre tant que son mari est vivant ; (Rom., VII, 2) : "La
femme qui est sous puissance de mari est liée par la loi du mariage tant que
son mari est vivant." II. Lorsqu’il ajoute
(verset 39) : mais si son mari vient à dormir, du sommeil de la mort, de
ce sommeil dont il est dit (Jean XI, 11) : "Lazare, notre ami,
dort." – Si ce mari, etc… Saint Augustin (Du Bien de la
viduité, IV et XII) : "L’Apôtre ne dit pas le premier, le
second, le troisième, le quatrième, ou celui que vous voudrez ; car nous n’avons pas à définir ce que saint
Paul n’a pas défini. Nous ne devons donc point condamner les noces quelles qu’elles
soient, ni imposer une sorte de flétrissure à leur réitération". Si donc ce mari dort (verset 39), dis-je,
elle est libre, et dès lors il lui
est permis de se marier. Il est évident par là qu’elle n’est pas tenue de
s’unir à lui de nouveau s’il venait à ressusciter, mais (verset 39) : Qu’elle se marie à qui elle voudra ;
car les mariages sans liberté ont d’ordinaire de mauvais résultats. C’est
pourquoi il est dit dans la Genèse (XXIV, 57) : "Appelons la jeune
fille, et demandons lui quelle est sa volonté." - Qu’elle se marie, dis-je (verset
39), pourvu que ce soit selon le Seigneur, c’est-à-dire à un homme qui
professe la même religion ; car là où il y a disparité de culte, le mariage
est interdit par la loi (Deut., VII, 3). Par cette permission de l’Apôtre,
sont révoquées toutes les peines et les flétrissures qui étaient infligées
autrefois, en vertu des lois, à la femme qui se mariait une seconde fois,
c’est-à-dire après le temps de son deuil, c'est-à-dire après un an. On exige
donc pour le mariage la légitimité des personnes, ce qui fait dire à l’Apôtre
: Elle est libre ; la
liberté du consentement, car l’Apôtre ajoute : Qu’elle se marie à qui elle
voudra ; et le même
culte, car il est dit encore : pourvu que ce soit selon le Seigneur. III. Quand l’Apôtre
continue (verset 40) : Mais elle sera plus heureuse, etc., il montre
qu’il est plus avantageux pour elle de vivre dans la continence que de se
marier, en disant (verset 10) que, bien qu’il lui soit permis de se marier, cependant
elle sera plus heureuse si elle demeure dans l’état où elle est, c’est-à-dire
sans se remarier. Et cela est mon conseil donné sur la même question ; car
elle aura le soixantième qui est dû aux veuves ; (Matthieu XIII, 8). "L’Apôtre montre clairement, dit saint
Augustin (Du Bien de la viduité,
IV), qu’une femme peut être heureuse
après la mort de son mari, même en se mariant une seconde fois ; mais
celle-là est plus heureuse qui ne se remarie pas". IV. Lorsqu’enfin
l’Apôtre dit (verset 10) : Et je pense que c’est l’Esprit de Dieu, etc.,
il montre qu’on doit ajouter foi à son conseil, parce que c’est sous
l’inspiration de l’Esprit Saint qu’il le donne. C’est aussi pourquoi il dit :
Or je pense, etc., comme s’il disait : il faut vous conduire d’après
mon conseil, car je pense que moi aussi, comme les autres apôtres, j’ai
reçu l’Esprit de Dieu ;
(Rom., VIII, 23) : "Nous aussi nous possédons les prémices de
l’Esprit, etc." Ce conseil est donc bon à suivre, à cause du fruit
qui en reviendra, car elle sera plus heureuse, et à cause de
l’autorité de celui qui le donne, parce que c’est son conseil, et que
c’est l’Esprit de Dieu qui l’inspire ; car, dit-il, je pense, etc. Difficultés.
Sur ces paroles : Je veux que vous soyez sans sollicitudes. Objection
(Rom., XII, 11) : "Que la sollicitude vous garde de toute
paresse." - Réponse : L’Apôtre parle alors de la sollicitude
spirituelle, ici des sollicitudes temporelles. Sur ces autres : Il est
partagé. Objection : (Osée, X, 2) : "Leur coeur est partagé, ils
périront." Réponse : Le Prophète parle du partage de l’intention
principale, l’Apôtre du partage des oeuvres. La Glose, au même endroit : « Il
sera à Dieu en partie, en partie au monde. » Objection (Matt., VI, 24) :
"Personne ne peut servir deux maîtres." Réponse : Il est
vrai qu’il sert également l’un et l’autre, mais dans le sens qu’ils sont
deux, c’est-à-dire opposés. Sur ce passage : "La femme qui n’est pas
mariée s’occupe des choses de Dieu," la Glose dit : « Elle se garde d’autres pensées,
pour n’être pas condamnée par Dieu. » Objection : Elle peut être
condamnée, comme on le voit dans la parabole des vierges folles. Réponse : Ce
n’est pas sa seule pensée ; elle pense encore à ne pas offenser son époux. Sur
cet autre passage : Afin d’être sainte et de corps et d’esprit, la Glose
dit : « Il est impossible que le
corps dont se sert l’Esprit sanctificateur ne soit pas saint. »
Objection : L’Esprit de Dieu s’est servi de la langue de Caïphe, qui n’était
pas sainte (Jean, XI, 49). Réponse : Il s’en servait comme Esprit, mais non
comme sanctificateur. Sur cet autre : pour vous porter à ce qui est bien.
Objection : Donc le mariage n’est pas honnête. Réponse : La Glose dit que « l’Apôtre s’est servi du positif au
lieu du comparatif ». Sur celui-ci : Celui qui ne marie pas sa
fille fait mieux, la Glose dit : Dans le mariage, « l’homme met à profit le mal. » Objection : Ce dont
l’usage est bon est bon également. Réponse : Il faut l’entendre de l’usage
d’une chose en soi, c’est-à-dire de l’usage auquel elle est destinée, et non
de l’usage par accident, c’est-à-dire auquel elle est destinée par la
prudence de celui qui s’en sert. La Glose au même endroit : « Il est meilleur de mettre à profit
le bien, que se servir bien du mal ». Objection : Le second est plus
difficile que le premier. Réponse : On parle ici du mal du vice, et non pas
du mal de peine. Sur cette parole de la Glose : « Les deux sont permis ». Objection : Donc les secondes
noces ne viennent pas de Dieu. Réponse : Non en tant qu’elles sont deux, mais
successives. Sur ces mots : Si son mari dort, que faut-il dire, s’il
vient à ressusciter ? Réponse : Le consentement nouveau est requis pour qu’il
y ait mariage. Sur cette parole : Je pense que j’ai l’Esprit de Dieu.
Objection (Rom., VIII, 38) : "Je suis certain que ni la mort, ni la vie,
etc." Réponse : D’après la Glose, l’Apôtre parle ainsi, non en
exprimant un doute, mais pour faire une sorte de reproche. |
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Caput 8 |
CHAPITRE VIII — LES IDOLOTYTES [par Pierre de Tarentaise] |
Lectio 1 |
Leçon 1 : 1 Corinthiens VIII, 1-8 — Les viandes immolées aux idoles |
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SOMMAIRE : L’Apôtre définit la véritable doctrine par rapport aux viandes offertes aux idoles, et dit que plusieurs, dans cette question, ont la science sans la vérité. II affirme que les aliments ne nous rendent en aucune manière recommandables devant Dieu. |
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[1] de his autem quae idolis sacrificantur scimus quia omnes
scientiam habemus scientia inflat caritas vero aedificat [2] si quis se existimat scire aliquid nondum cognovit
quemadmodum oporteat eum scire [3] si quis autem diligit Deum hic cognitus est ab eo [4] de escis autem quae idolis immolantur scimus quia nihil
est idolum in mundo et quod nullus Deus nisi unus [5] nam et si sunt qui dicantur dii sive in caelo sive in
terra siquidem sunt dii multi et domini multi [6] nobis tamen unus Deus Pater ex quo omnia et nos in illum
et unus Dominus Iesus Christus per quem omnia et nos per ipsum [7] sed non in omnibus est scientia quidam autem conscientia
usque nunc idoli quasi idolothytum manducant et conscientia ipsorum cum sit infirma
polluitur [8] esca
autem nos non commendat Deo neque si non manducaverimus deficiemus neque si
manducaverimus abundabimus |
1. Quant
aux viandes qui ont été immolées aux idoles, nous n’ignorons pas que nous
avons tous, sur ce sujet, assez de science ; mais la science enfle et la
charité édifie. 2. Que si
quelqu'un se persuade savoir quelque chose, il ne sait pas même encore de
quelle manière il doit savoir. 3. Mais si
quelqu’un aime Dieu, il est connu de Lui. 4. Quant à
ce qui est de manger des viandes immolées aux idoles, nous savons que les
idoles ne sont rien dans le monde, et qu'il n'y a nul autre Dieu que le seul
Dieu. 5. Car
encore qu’il y en ait qui soient appelés dieux, soit dans le ciel, soit sur
la terre, et qu'ainsi il y ait plusieurs dieux et plusieurs seigneurs, 6. il n'y a
néanmoins pour nous qu'un seul Dieu, qui est le Père, duquel toutes choses
tirent leur être, et qui nous a faits pour Lui ; et il n'y a qu'un seul
Seigneur, qui est Jésus-Christ, par qui toutes choses ont été faites, comme
c'est aussi par Lui que nous sommes. 7. Mais
tous n'ont pas cette science ; car il y en a qui, croyant que l'idole est
quelque chose, mangent des viandes qui lui ont été offertes ; et ainsi leur
conscience, qui est faible, en est souillée. 8. Le
manger n’est pas ce qui nous rend agréables à Dieu. Si nous mangeons, nous
n'aurons rien davantage, ni rien de moins si nous ne mangeons pas. |
[90331] Petrus de
Tarantasia, In I Cor., cap. 8 l. 1 Excluso
errore circa correctionem criminum, cap. V et VI; item circa
virginitatem et matrimonium, cap. VII, hic excludit errorem circa esum et
abstinentiam ciborum, cap. isto, IX et X, loquens de his quae idolis
immolabantur, a quibus, quamvis in se licitis, abstinere monet, primo
allegando eis scandalum infirmorum, cap. isto; secundo exemplum sui, qui
propter alios abstinet a receptione sumptuum licitorum, cap. IX; tertio exemplum poenae Iudaeorum post tanta beneficia Dei in
deserto prostratorum, cap. X. Ergo propter scandalum proximi, exemplo
apostoli, non propter timorem supplicii debemus abstinere a cibis aliquando
licitis. In primo ostendit quod in se licita est comestio idolothitorum;
secundo monet nihilominus abstinere propter scandalum fratrum infirmorum, ibi
videte ne forte, et cetera. In prima, primo proponit quod maiores eorum
habent scientiam de idolothitis; secundo ostendit qualem scientiam habent de
eis, ibi de escis autem quae idolis immolantur, etc.; tertio quod
quidam infirmi hac scientia carent, ibi sed non in omnibus est scientia,
etc.; quarto quod alii coram eis idolothita edere non debent, ibi esca
autem nos non commendat Deo. In prima, primo dicit, quod de idolothitis
scientiam habent; secundo quod eam sine charitate inutiliter habent, ibi scientia
autem inflat, etc.; tertio ostendit a quibus habeatur haec scientia
insufficienter, ibi si quis autem existimat; quarto a quibus
sufficienter, ibi si quis autem diligit, et cetera. Dicit ergo de his autem, etc., quasi dicat
: de praedictis quaesivistis a me, scilicet de pertinentibus ad matrimonium :
de aliis autem, ut de immolatis idolo, non fuit necesse quaerere; quia omnes
scitis super hoc veritatem. Et hoc est quod dicit de his autem quae idolis
sacrificantur, an liceat edere vel non, scimus ego et vos, quod liceat ea
comedere secundum illud ad Tit. I, 15 : omnia munda mundis. Scimus quia
omnes scientiam habemus, ego scilicet et vos perfecti inter alios, id
est, scientiam de creatore et creaturis; et ideo minus excusabiles si male
facimus. Deinde cum dicit scientia autem inflat,
etc., hic ostendit quomodo sine charitate scientiam inutiliter habent, quasi
dicat : habetis quidem scientiam, sed non valet vobis, quia inde superbitis
contra ignaros; scientia autem si sola est, inflat. Eccle. I, 18 : in
multa sapientia, multa est indignatio. Act. c. XXVI, 24 : multae
litterae te faciunt insanire. Haec enim fuit plaga Aegyptiorum, id est,
sapientium huius mundi, vesicae turgentes, Ex. IX, 9. Charitas vero
aedificat infirmos, quae quod eis obesse potest, dimittit, quia non
quaerit quae sua sunt. Unde addenda est scientiae charitas. Augustinus : addite
ergo scientiae charitatem, et utilis erit scientia. Per se quidem est
inutilis, ex charitate vero utilis. Philosophus : scire aut nihil, aut
parum prodest ad virtutem. Deinde cum dicit si quis autem existimat,
etc., hic ostendit a quibus haec scientia habetur insufficienter, quia ab
illis, qui ea utuntur in nocumentum proximi. Et est sua ratio talis :
quicumque habet scientiam et non modum utendi ea, habet scientiam
insufficienter; sed qui habet scientiam sine charitate est huiusmodi : ergo
qui habet scientiam sine charitate, habet insufficienter scientiam. Primo
ergo supponit scientiam sine charitate; secundo ostendit insufficientiam
talis scientiae, ibi nondum cognovit, etc.; tertio rationem
insufficientiae, ibi quemadmodum oporteat, et cetera. Dicit ergo si
quis autem, etc., quasi dicat : habetis scientiam, sed non sufficientem,
quia si quis vestrum existimat se scire, habens scientiam sine
charitate, aliquid scit, scilicet quod liceat comedere idolothita. Nondum
tamen cognovit, quia non se cognoscere facto ostendit, quomodo
oporteat eum scire, id est, qualiter debeat uti scientia, quia in
aedificationem, non in nocumentum aliorum. Scire autem contingit dupliciter,
scilicet habere scientiam et uti scientia : sicut videre, habere visum, et
uti visu. Glossa Bernardi : hic non approbat apostolus multa scientem, si
modum sciendi nescierit. Modus enim sciendi est, ut scias quo ordine, quo
studio, quo fine scire quaeque oporteat : quo ordine, ut id prius quod
maturius ad salutem; quo studio, ut id ardentius quod efficacius est ad
amorem; quo fine, ut non ad inanem gloriam vel curiositatem velle aliquid,
sed ad aedificationem tui et proximi. Sunt namque qui scire volunt eo fine
tantum, ut sciant, et curiositas est; quidam ut sciantur, et vanitas est;
quidam ut scientiam vendant, et turpis quaestus est; quidam ut aedificentur,
et prudentia est; quidam ut aedificent, et charitas est. Deinde cum dicit si quis autem diligit,
etc., hic ostendit a quibus haec scientia habetur sufficienter, quia ab illis
qui utuntur ea ex charitate. Primo ergo supponit scientiam cum charitate;
secundo ostendit sufficientiam talis scientiae, ibi hic cognitus est.
Dicit ergo si quis, etc., quasi dicat : ille perfecte non scit qui
nescit quemadmodum oporteat eum scire. Si quis autem diligit Deum, et
ita cum scientia habet charitatem, hic cognitus, id est approbatus, est
ab eo. Novit enim dominus qui sunt eius, II Tim. c. II, 19. Unde talis vere scit Deo approbante, quia bene utitur scientia propter
charitatem annexam. Notandum est hic, quod ad hoc quod aliquis sciat
quemadmodum oporteat scire, novem sunt necessaria. Primo
humiliter sine inflatione. Phil. IV, v. 12 : scio humiliari. Ps. CXXX,
2 : si non humiliter sentiebam. Secundo sobrie sine praesumptione.
Supra c. II, 2 : non iudicavi me scire. Rom. XII, v. 3 : non plus
sapere quam oportet. Tertio certitudinaliter sine haesitatione. II Tim.
I, 12 : scio cui credidi, et certus sum. Quarto veraciter et sine
errore. II Tim. III, v. 7 : semper discentes, et numquam ad scientiam
veritatis pervenientes. Quinto simpliciter sine deceptione. I Tim. c. VI,
20 : oppositiones falsi nominis scientiae. Sexto salubriter cum
charitate et dilectione. Infra XIII, 2 : si habuero omnem scientiam,
charitatem autem non habuero. Septimo utiliter cum proximorum
aedificatione. Infra XII, 8 : alii datur sermo scientiae in eodem spiritu.
Octavo liberaliter cum gratuita communicatione. Sap. VI, 24 : ponam in
lucem sapientiam eius. Nono efficaciter cum bona operatione. Iac. IV, 17
: scienti enim bonum, et non facienti, peccatum est illi. Primum,
scilicet humilitas scientiae, arguit sapientes superbos, sobrietas curiosos,
certitudo dubiosos, veritas haereticos, simplicitas advocatos, salubritas
magnos, utilitas iniquos, liberalitas avaros, efficacia otiosos. Deinde cum dicit de escis autem quae idolis,
etc., hic ostendit qualem scientiam habent de idolothitis, ostendens primo
quod sciunt idolum nihil esse; secundo quod sciunt omnia a Deo esse, ibi nam
etsi sunt qui dicantur dii. In prima, primo dicit idolum nihil esse;
secundo iuxta hoc ad declarationem ostendit Deum non nisi unum esse, ibi et
quod nullus Deus, et cetera. Dicit ergo de escis autem, etc., quasi
dicat : praedictis modis non valet scientia, sed tamen, de escis quae
immolantur idolis, scimus, scientia vera scilicet, quod in se sunt
licitae, nec propter idolum sunt immundae; et hoc quia idolum nihil est in
mundo. Hoc tripliciter exponitur. Primo modo sic : idolum nihil est in
mundo, id est, inter creaturas mundi quantum ad formam idoli; licet enim materia
idoli sit aliquid, scilicet aurum, vel argentum, vel huiusmodi, tamen nil est
forma, scilicet quae creditur ibi esse ab idololatris, qui credunt idolum
esse Deum. Is. XLI, 24 : ecce vos estis ex nihilo, et opus vestrum ex eo
quod non est. Secundo modo sic : idolum nihil est, scilicet persona
subsistens ex simulacro et spiritu praesidente. Ex istis enim duobus nihil
fit, sicut ab idololatris putatur. Ier. X, 14 : confusus est omnis artifex
in sculptili, quia falsum est quod conflavit, et non est spiritus in eo. Tertio modo sic : idolum nihil est in mundo, id est, nullius rei quae
sit in mundo habens similitudinem. Est enim differentia inter idolum et
simulacrum, quia simulacrum dicitur quod fit ad similitudinem rei alicuius
naturalis : idolum autem ad nullius rei est similitudinem, ut si corpori
humano addatur caput equinum. Is. XL, 18 : cui similem fecistis Deum,
et cetera. Et scimus etiam quod nullus Deus nisi unus. Deut. VI, 4 : audi
Israel, dominus Deus tuus, Deus unus est. Deinde cum dicit nam etsi sunt qui, etc.,
hic ostendit quod sciunt omnia a Deo esse, non a diis nuncupativis vel
adoptivis, ut sunt idola, vel sancti, sed ab uno summo. Primo ergo dicit,
quomodo potest intelligi deorum pluralitas, scilicet per adoptionem vel
nuncupationem; secundo quomodo est divinitatis unitas, scilicet per
essentiam, ibi nobis tantum unus Deus, et cetera. Ubi primo tangit
unitatem in patre; secundo in filio, ibi et unus dominus, et cetera.
In prima tangit tria, scilicet essentiam, quia unus Deus; personam, quia
pater; potentiam, ex quo omnia; clementiam, quia et nos in illo; similiter
ista tangit in filio. Dicit ergo nam etsi sunt, etc., quasi dicat : et
vere non est nisi unus Deus, nam etsi sunt qui dicantur dii, vere
participatione divinitatis, ut sancti, Ps. LXXXI, 6 : ego dixi, dii estis,
sive in caelo, ut sancti comprehensores, sive in terra, ut sancti
viatores; siquidem sunt dii multi vere participatione divinitatis, ut
sancti et iusti domini apostoli et praelati, nobis tamen, et cetera.
Alio modo legitur sic nam etsi sunt qui dicuntur dii a gentibus,
scilicet falsa nuncupatione, sive in caelo, ut sol et luna, sive in
terra, ut Mercurius et Diana. Siquidem sunt dii multi, sola
scilicet nuncupatione secundum gentiles. Ps. XCV, 5 : dii gentium
Daemonia. Et domini multi, qui aliis praesunt, nobis tamen tantum unus
est Deus essentialiter, scilicet pater, ex quo omnia secundum
naturam et per paternam auctoritatem, Rom. c. XI, 36 : ex quo omnia, et
nos in illo per gratiam. Act. XVII, 28 : in ipso vivimus, movemur et
sumus. Et unus cum patre Deus dominus Iesus Christus. Io. X, 30 : ego et pater unum sumus. Per quem omnia, scilicet
facta sunt secundum naturam, Io. I, 3 : omnia per ipsum facta sunt. Et nos
per illum, scilicet sumus in Deo per gratiam. Ergo unus est altissimus creator omnium
omnipotens. Ex his elicitur talis ratio : non est nisi unus
Deus qui fecit omnia, sed multa sunt idola, ergo non sunt Deus qui fecit
omnia, nec creduntur aliquid, ergo nihil. Sed non in omnibus est scientia.
Habito quod maiores illorum habent scientiam de idolothitis, hic ostendit
quod minores hac scientia carent. Ubi primo ostendit quod in quibusdam defuit
praedicta de idolothitis scientia; secundo quod propter hoc, esu scilicet
idolothitorum, polluitur eorum conscientia. Ubi primo tangit pollutae
conscientiae rationem; secundo ipsam pollutionem, ibi et conscientia
ipsorum, et cetera. Dicit ergo sed non in omnibus, etc., quasi
dicat : hoc scimus nos, scilicet quod idolum nihil est, sed non in omnibus,
ut in infirmis, est scientia haec. Et vere non est in omnibus : quidam
tamen, et cetera. Vel sic : nos scimus quod idolum nihil est in mundo,
quidam enim cum conscientia idoli, quia scilicet putant idolum aliquid
divinum esse, usque nunc, id est, post conversionem, sicut ante manducant
idolothitum, id est, de sanctificatis idolis, et hoc non quasi cibum
simpliciter, sed quasi idolothitum, scilicet ad reverentiam idoli, et conscientia
illorum, cum sit infirma, polluitur, per illos scilicet qui habent rectam
scientiam, sed non cum charitate, per quos in hunc errorem infirmi
inducuntur. Deut. XXVII, 19 : maledictus qui errare
facit caecum in itinere. Hic innuit quod non cibus, sed conscientia
polluitur per peccatum, comedendo ad exemplum malorum. Deinde cum dicit esca autem non commendat,
etc.; hic, quarto, ostendit quod coram eis idolothita comedere non debent.
Ubi primo ostendit quod huiusmodi comestio nihil prodest apud Deum; secundo
probat quod non praestat aliquod bonum augmentum, ibi neque enim si non
manducaveritis. Dicit ergo esca autem, etc., quasi dicat :
illis nocet vestra comestio, vobis autem non prodest. Esca enim nos non
commendat Deo, sed recta fides in edendo. Nam nec Esau esu lenticulae
iustificatus est, nec Elias esu carnium pollutus est. Rom. XIV, 17 : non
est regnum Dei esca et potus. Hebr. ult. : bonum est gratia stabilire
cor, non escis. Deinde cum dicit neque enim si non
manducaverimus, etc., hic probat quod proposuit, et est sua ratio talis :
non comedere idolothitum non diminuit bonum, comedere non auget, ergo talis
esca sumpta vel non sumpta nihil prodest apud Deum. Et hoc est quod dicit neque
enim si non manducaverimus, deficiemus, id est, minus ab eo habebimus, neque
si manducaverimus, abundabimus in virtutibus, quia esca ventri, non menti
proficit, et ita cum non sit de veritate vitae, iustitiae et doctrinae,
dimittenda est propter scandalum. |
Après avoir
réfuté, dans les chapitres V et VI, les doctrines erronées sur la correction
de ceux qui font mal, sur la virginité et le mariage au chapitre VII, il
attaque celles qui avaient pour objet l’usage et l’abstinence des viandes,
dans les chapitres VIII, IX et X. Parlant de celles qui étaient immolées aux
idoles, il avertit qu’il faut s’en abstenir, bien qu’en soi on puisse en user
licitement. Et d’abord, il allègue aux Corinthiens le scandale des faibles
(chap. VIII) ; ensuite, son propre exemple, lui qui, pour ne pas scandaliser
les autres, s’abstient de recevoir un salaire légitime (ch. IX) ; enfin,
l’exemple du châtiment des Juifs, punis par Dieu dans le désert, après avoir
reçu de lui tant de bienfaits (ch. X). Donc, pour ne pas scandaliser le
prochain, nous devons, à l’exemple de l’Apôtre et non par crainte du
châtiment, nous abstenir quelquefois d’user d’aliments permis. Sur la première
question, il montre premièrement, que l’usage des viandes offertes aux idoles
est licite en soi ; secondement, il avertit néanmoins de s’en abstenir à
cause du risque de scandaliser les frères faibles, à ces mots (verset 9) : Prenez
garde que peut-être, etc. Dans la première partie, I° il expose que les premiers d’entre
eux savent ce qu’il faut penser des viandes offertes aux idoles ; II° il montre quelle
est leur connaissance à ce sujet, à ces mots (verset 4) : Quant aux
viandes offertes aux idoles, etc. ; III° que
quelques-uns, qui sont faibles, n’ont pas cette science, à ces autres (verset
7) : mais la science n’est pas en tous, etc. ; IV° qu’en présence de
ces derniers, les autres frères ne doivent pas manger de ces viandes, à
ceux-ci (verset 8) : Ce n’est pas ce qu’on mange qui nous rend agréables à
Dieu. I° Dans le premier de ces articles, il dit I. qu’ils savent ce
qu’il faut savoir des viandes offertes aux idoles ; II. que cette science leur
est inutile s’ils n’ont la charité, à ces mots (verset 4) : mais
la science enfle, etc. ;
III. il montre
quels sont ceux en qui cette science est insuffisante, à ces autres (verset
2) : Si quelqu’un se flatte, etc. ; IV. quels sont
ceux en qui elle est suffisante, à ceux-ci (verset 3) : Si quelqu’un aime
Dieu, etc. I. Il dit donc (verset
1) : Quant aux viandes, etc., comme s’il disait : vous m’avez
interrogé sur les matières sur lesquelles je viens de répondre, c’est-à-dire
sur ce qui concerne le mariage ; quant aux autres questions, par exemple à l’égard
des viandes offertes aux idoles, il n’a pas été nécessaire de vous en
enquérir, parce que tous vous savez la vérité sur ce point. C’est ce qu’il
dit (verset 4) : Quant aux viandes offertes aux idoles, est-il permis, oui ou non, d’en user ? Nous
savons, vous et moi, qu’il est permis d’en user, suivant cette parole (Tite,
I, 15) : "Tout est pur pour ceux qui sont purs." – Nous le
savons, parce que tous nous avons la connaissance, à savoir vous et moi,
vous qui, parmi les frères, êtes parfaits, nous avons la science du Créateur
et des créatures ; nous sommes donc moins excusables si nous faisons mal. II. Lorsqu’il ajoute
(verset 4) : mais la science enfle, etc., saint Paul fait voir comment, sans la charité, ils possèdent
inutilement cette science ; comme s’il disait : vous avez la science, il est
vrai ; mais elle ne vous sert pas. En effet, vous prenez de là occasion de
vous enorgueillir contre ceux qui ne savent pas, car la science, si elle est seule, ne sert qu’à enfler ; (Ecclésiastique I, 18) : "La
grande sagesse est accompagnée d’une grande indignation" et (Actes,
XXVI, 24) : "Votre grand savoir vous a fait perdre le sens." Telle
fut, en effet, la plaie des Egyptiens, c’est-à-dire des sages de ce monde, "des
tumeurs gonflées" ;
(Exode, IX, 9) : "Mais la charité édifie" les
faibles, en négligeant ce qui peut leur nuire, car elle ne cherche pas ce qui
lui est propre. Il faut donc joindre à la science la charité. Saint Augustin
(Ep. 119) : "Joignez donc
à la science la charité, et la science devient utile." En soi donc,
elle est inutile ; elle devient utile par la charité. Savoir, dit Aristote,
ne sert de rien, ou sert peu pour la vertu. III. Quand il dit
(verset 2) : Si quelqu’un se flatte, etc., l’Apôtre fait voir quels
sont ceux qui possèdent cette science d’une manière insuffisante, en ce sens
qu’ils s’en servent au détriment du prochain. Voici son raisonnement :
quiconque a la science et n’a pas la manière de s’en servir ne possède cette
science que d’une manière insuffisante ; or tel est celui qui a la science
sans avoir la charité ; celui donc qui a la science sans avoir la charité n’a
la science que d’une manière insuffisante. L’Apôtre suppose donc : 1° la science sans la charité ; 2° Il montre l’insuffisance de cette
science, à ces mots (verset 2) : Il ne sait pas même, etc…; 3° il indique la raison de cette insuffisance, à ces
autres (verset 2) : de quelle manière il faut savoir, etc. Il
dit donc (verset 2) : "Que si quelqu’un, etc., comme s’il disait :
vous avez la science, mais en vous elle
n’est pas suffisante, car si quelqu’un parmi vous se flatte de savoir
quelque chose, et qu’il n’ait que la science sans la charité, il
sait quelque chose,
c’est-à-dire il sait qu’il est permis de manger des viandes offertes aux
idoles ; cependant il ne sait pas encore, parce que, par sa conduite,
il montre qu’il ne sait pas de quelle manière il faut savoir, en
d’autres termes comment il doit user de sa science ; car on doit en user pour
édifier les autres, et non pour leur nuire. Or, savoir comprend deux choses,
à savoir : posséder la science et faire usage de la science, comme voir
suppose qu’on a la vue et qu’on s’en sert. Glose de saint Bernard : L’Apôtre,
dans ce passage, n’approuve pas celui qui sait beaucoup, s’il n’a pas la
manière de savoir ; car la manière de savoir, c’est savoir dans quel ordre,
dans quel esprit, dans quelle fin il faut savoir chaque chose. Dans quel
ordre, c’est savoir, en premier lieu, ce qui importe davantage au salut ;
dans quel esprit, c’est chercher avec plus d’ardeur ce qui est plus efficace
pour enflammer notre amour ; dans quelle fin, c’est de ne rien vouloir de ce
qui porte à la vaine gloire ou satisfait la curiosité, mais ce qui procure
notre édification ou celle du prochain. Car il en est qui veulent savoir,
sans autre fin que de savoir, et c’est curiosité ; d’autres pour se faire
connaître eux-mêmes, et c’est vanité ; quelques uns pour vendre la science,
et c’est un honteux trafic ; d’autres enfin pour être édifiés, et c’est
prudence, ou pour édifier le prochain, et c’est charité. IV. Quand l’Apôtre
ajoute (verset 3) : Si quelqu’un aime Dieu, etc., il fait connaître
quels sont ceux qui possèdent cette science d’une manière suffisante, à
savoir ceux qui s’en servent d’après la charité : 1° Saint Paul suppose la science avec la charité ; 2° il montre que cette science suffit,
à ces mots (verset 3) : Celui-là est connu de Dieu. Il dit donc que si
quelqu’un, etc. comme s’il disait : celui-là ne sait pas parfaitement,
qui ne sait pas de quelle manière il faut savoir. Or si quelqu’un aime Dieu, et qu’ainsi la science s’unisse en lui à
la charité, il est connu, c’est-à-dire il est approuvé de Dieu ; (II Tim., II, 19) : "Le
Seigneur connaît ceux qui sont à Lui." Celui donc qui est tel
connaît avec certitude, par l’approbation de Dieu, qu’il fait un bon usage de
sa science, par cela même qu’elle est accompagnée de la charité. Observez ici
que pour savoir comme il faut savoir, il y a neuf conditions : 1° l’humilité
sans orgueil ; (Philip., IV, 12) : "Je sais vivre humblement ; (Psaume CXXX, 2) : "Si je
n’avais pas des sentiments humbles" ; 2° la retenue
sans présomption (ci-dessus, II, 2) : Car je n’ai point fait profession de
savoir ; (Rom., XII, 3) :
"Il faut être sage avec sobriété" ; 3° la
certitude sans hésitation (II Tim., I, 12) : "Je sais à qui je me
suis confié, et je suis persuadé ;
4° la
véracité sans erreur (II Tim., III, 7) : "qui apprennent toujours
sans parvenir jamais à connaître la vérité" ; 5° la
simplicité sans déception (I Tim., VI, 20) : "Fuyez les objections
d’une fausse science" ; 6° la
droiture avec la charité et l’amour du prochain (ci-après, XIII, 2) : Quand
j’aurais une parfaite science de toutes choses, si je n’ai pas la charité, je
ne suis rien ; 7° l’utilité
avec l’édification du prochain (ci-après, XII, 8) : L’autre reçoit du même
Esprit le don de parler avec science ; 8° la
libéralité avec une communication gratuite (Sag., VI, 24) : "Je mettrai en lumière sa science" ; 9°
l’efficacité avec les bonnes oeuvres (Jacq., IV, 17) : "Celui qui
sait le bien qu’il doit faire, et qui ne le fait pas, est coupable de péché. La première, c’est-à-dire
l’humilité dans la connaissance, condamne les sages orgueilleux, la retenue
leur curiosité, la certitude leur hésitation, la vérité les hérésies, la
simplicité ceux qui aiment parler, la droiture l’affectation, l’utilité la
perversité, la libéralité l’avarice, l’efficacité la paresse. II° En ajoutant (verset 4) : A l’égard des viandes immolées, etc., l’Apôtre
fait voir quelle est leur science sous ce rapport, en leur montrant I. qu’ils savent bien
que l’idole n’est rien ; II. qu’ils
savent que tout vient de Dieu, à ces mots (verset 5) : S’il est des êtres
qu’on appelle dieux. I. Sur la première
partie, saint Paul dit d’abord que l’idole n’est rien. Ceci posé, pour
l’établir il montre que Dieu ne peut être autrement qu’unique, à ces mots
(verset 4) : et qu’il n’y a qu’un seul Dieu, etc. 1° Il dit donc : A l’égard des
viandes, etc., comme s’il disait : d’après ces règles, votre science
n’est rien, et cependant, à l’égard des viandes immolées aux idoles, nous savons, d’une science véritable,
qu’en elles-mêmes ces viandes sont permises, et qu’elles ne sont pas immondes
à cause des idoles : la raison, c’est qu’une idole n’est rien dans le
monde. Or ceci peut s’entendre de trois manières d’abord ainsi : L’idole n’est rien dans le monde,
c’est-à-dire parmi les créatures du monde, quant à la forme de l’idole ; car
bien que la matière de l’idole soit quelque chose, c’est-à-dire de l’or, de
l’argent, ou quelque autre métal, cependant ce n’est rien dans sa forme,
c’est-à-dire quant à ce que les idolâtres croient y voir, en s’imaginant que
l’idole est Dieu ; (Isaïe, XLI, 24) : "Vous venez du néant, et
vous avez reçu l’être de ce qui n’est pas." Secondement, l’idole n’est rien, c’est-à-dire
quant à la personne subsistant par le simulacre et l’esprit qui y réside ;
car de ces deux choses, il ne résulte rien de ce que pensent les idolâtres ;
(Jér., X, 14) : "L’ouvrier est confondu dans sa sculpture ; ce qu’il
a fabriqué n’est que mensonge ; la vie n’y réside pas."
Troisièmement on peut entendre : L’idole
n’est rien dans le monde, c’est-à-dire elle n’a de ressemblance
avec quoi que ce soit existant dans le monde ; car il y a cette différence
entre l’idole et le simulacre, que celui-ci est ainsi appelé parce qu’il est
fait à la similitude de quelque objet naturel ; mais l’idole ne porte aucune
ressemblance : c’est comme si à un corps humain on donnait une tête de cheval ;
(Isaïe, XL, 48) : "A qui avez-vous fait ressembler votre dieu, etc. ?" 2° Et nous savons aussi qu’il n’y a d’autre Dieu que le Dieu
unique ; (Deut., VI,
4) : "Ecoutez, ô Israël notre Dieu est le seul et unique
Seigneur." II. Lorsqu’il ajoute
(verset 5) : Car s’il est des êtres appelés, etc., saint Paul fait
voir que les Corinthiens savent que tout procède de Dieu et non de ceux qui
n’en ont que le titre, ou qui sont tels par adoption, comme sont les idoles
et les saints, mais d’un Dieu suprême. Il explique donc d’abord comment on
peut entendre la pluralité des dieux, c’est-à-dire par l’adoption ou en les
appelant tels ; ensuite, ce qui constitue l’unité de la divinité,
c’est-à-dire l’essence, à. ces mots (verset 6) : Néanmoins il n’y a pour
nous qu’un seul Dieu, etc. Dans la première de ces questions, il indique
d’abord l’unité dans le Père, puis dans le Fils, à ces mots : et
un seul Seigneur, etc. Dans la première de ces subdivisions, il
montre l’essence parce qu’il n’y
a qu’un seul Dieu ; la personne : Il est Père ; la puissance : Tout procède de Lui ; la clémence : Nous aussi nous sommes en Lui. Il
indique les mêmes points dans le Fils. Il dit donc (verset 5) : Car s’il
est des êtres, etc., comme s’il disait : véritablement il n’y a qu’un
seul Dieu, car s’il est des êtres appelés de ce nom, avec vérité, par
participation de la Divinité, comme les saints ; (Psaume LXXXI, 6) : "Je
l’ai dit, vous êtes des dieux, soit dans le ciel, comme les saints qui
possèdent Dieu, soit sur la terre, comme les saints qui marchent vers la possession de Dieu. Si, en effet, il est un grand nombre de
dieux qui participent véritablement à la Divinité, comme les saints et
les justes du Seigneur, les apôtres et les supérieurs, pour nous,
néanmoins, etc. On peut dire encore : S’il est des êtres appelés dieux
par les nations d’après une fausse dénomination, soit dans le ciel, comme
le soleil, la lune, soit sur la terre, comme Mercure et Diane, et
qu’ainsi il y ait plusieurs dieux, à savoir de nom seulement, comme cela
se pratique chez les Gentils ; (Psaume XCV, 5) : "Tous les dieux
des nations sont des démons." - Et plusieurs seigneurs, préposés les uns aux autres,
néanmoins, pour nous il n’y a qu’un seul Dieu quant à l’essence, à savoir le Père, de qui tout
procède, et selon sa nature, et par son autorité paternelle ; (Rom.,
XI, 36) : "Tout procède de Lui, et nous sommes en Lui par la grâce" ; et
(Actes, XVII, 28) : "C’est en Lui que nous avons l’être, le mouvement
et la vie." Et Notre Seigneur
Jésus-Christ, seul Seigneur Dieu avec son Père ; (Jean X, 30)
: "Mon Père et moi nous sommes un" - (verset 6) : par qui
toutes choses, à savoir ont été faites suivant la nature ; (Jean I,
3) : "Toutes choses ont été faites par Lui."- (verset 6) : Et
nous par Lui, c’est-à-dire par Lui nous sommes en Dieu, en vertu de sa
grâce, etc. (Rom., I, 5) : "par lequel j’ai reçu la grâce."
Donc il n’y a qu’un seul Créateur, suprême et tout-puissant, de toutes
choses. De ce qui précède, on fait ce raisonnement : il n’y a qu’un seul Dieu
qui a fait toutes choses, et les idoles sont plusieurs ; donc elles ne sont
pas le Dieu qui a fait toutes choses. On ne les regarde pas comme étant
quelque chose, donc elles ne sont rien. III° (verset 7) : Mais la science n’est pas en tous. Après
avoir accordé que les premiers d’entre eux savent ce que sont les viandes immolées
aux idoles, l’Apôtre fait voir ici que les moins avancés ne le savent pas. Il
prouve donc d’abord que cette connaissance des viandes immolées aux idoles a
manqué dans quelques-uns ; ensuite, que, pour ce motif, l’usage des aliments,
c’est-à-dire de ces viandes immolées, souille leur conscience. Il indique
donc d’abord la raison qui fait que la conscience est souillée ; ensuite,
quelle est cette souillure, à ces mots (verset 7) : et leur conscience, etc. Il
dit donc : mais cette science n’est pas dans tous, etc., comme s’il
disait : nous savons cela, nous,
c’est-à-dire que l’idole n’est rien
; mais cette science n’est pas dans tous, par exemple dans les faibles
; il est bien véritable qu’elle n’est pas dans tous ; il en est cependant,
etc. Ou encore autrement : nous savons que l’idole n’est rien dans le
monde ; mais
(verset 7) : il en est qui, ayant conscience de l’idole, c’est-à-dire
croyant que l’idole est quelque chose de divin, maintenant même, c’est-à-dire
depuis leur conversion comme auparavant, mangent des viandes immolées aux
idoles, c’est-à-dire tirées des sacrifices qui leur sont offerts, et cela
non comme une simple nourriture, mais comme
offerte à l’idole, en d’autres termes par respect pour cette idole, et leur conscience, qui est encore faible, est souillée par ceux qui ont
la science droite mais sans la charité ; et par eux, les faibles sont ainsi
entraînés dans l’erreur ; (Deut., XXVII, 19) : "Maudit celui qui
fera errer l’aveugle dans le chemin" L’Apôtre insinue par là que ce
n’est pas la nourriture, mais la conscience qui est souillée par ce péché,
quand on mange à l’exemple des méchants. IV° En ajoutant (verset 8) : Ce qu’on mange n’est pas ce qui rend
agréable, etc., saint Paul fait
voir que l’on ne doit pas manger, devant ces chrétiens faibles, des viandes
immolées aux idoles. Il établit donc, d’abord, que la nourriture prise ainsi
n’est d’aucune utilité devant Dieu ; ensuite, il prouve qu’elle ne procure
aucun avantage, à ces mots (verset 8) : et si vous ne mangez pas. I. Il dit donc (verset
8) : Ce n’est pas ce qu’on mange, etc. ; comme s’il disait : ce que vous mangez ainsi leur est
nuisible et ne vous est pas utile ; car ce n’est pas ce qu’on mange qui
rend agréable à Dieu, mais la droiture de la foi en mangeant ; car Esaü
ne fut pas justifié en faisant usage du plat de lentilles, et Élie ne fut pas
souillé par l’usage des viandes ; (Rom., XIV, 17) : "Le royaume
de Dieu ne consiste pas dans le manger et dans le boire" ; et (Hébr., XIII, 9) : "Il
est bon d’affermir son coeur par la grâce et non par l’usage des
viandes." II. Enfin quand il dit
(verset 8) : Car si nous mangeons, etc.., il prouve ce qu’il a avancé ;
et voici son raisonnement : ne pas manger de ce qui est offert aux idoles ne
diminue pas le bien ; en manger ne l’augmente point : donc, prendre ou ne pas
prendre cette nourriture ne sert de rien devant Dieu. Tel est le sens qu’il
donne à ces paroles (verset 8) : Nous ne serons pas moindres si nous ne
mangeons pas, c’est-à-dire Dieu ne nous regardera pas moins bien ; nous
ne serons pas plus devant Lui, en vertu, si nous mangeons, parce
que les aliments profitent à l’estomac et non à. l’âme ; et ainsi cette
nourriture n’intéressant la vérité ni de la vie, ni de la justice, ni de la
doctrine, il faut y renoncer à cause du scandale. |
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|
Lectio 2 |
Leçon 2 : 1 Corinthiens VIII, 9-13 — Mais ne pas scandaliser les faibles |
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SOMMAIRE : L’Apôtre exhorte les Corinthiens à ne pas faire de leur liberté un piége pour les faibles, affirmant qu’il vaut mieux s’abstenir de viande à toujours, que de scandaliser son frère en en usant. |
[9] videte
autem ne forte haec licentia vestra offendiculum fiat infirmibus [10] si enim
quis viderit eum qui habet scientiam in idolio recumbentem nonne conscientia
eius cum sit infirma aedificabitur ad manducandum idolothyta [11] et peribit infirmus in tua scientia frater propter quem
Christus mortuus est [12] sic autem peccantes in fratres et percutientes
conscientiam eorum infirmam in Christo peccatis [13]
quapropter si esca scandalizat fratrem meum non manducabo carnem in aeternum
ne fratrem meum scandalizem |
9. Mais
prenez garde que cette liberté que vous avez ne soit pour les faibles une
occasion de chute. 10. Car si
l’un d'eux voit un de ceux qui sont plus instruits assis à table dans un lieu
consacré aux idoles, ne sera-t-il pas porté, lui dont la conscience est
faible, à manger aussi de ces viandes sacrifiées aux idoles ? 11. Et
ainsi, par votre science, vous perdrez votre frère encore faible, pour qui le
Christ est mort. 12. Or,
péchant de la sorte contre vos frères, et blessant leur conscience, qui est
faible, vous péchez contre le Christ. 13. C’est
pourquoi, si ce que je mange scandalise mon frère, je ne mangerai plutôt
jamais de chair, pour ne pas scandaliser mon frère. |
[90332] Petrus de Tarantasia, In I Cor.,
cap. 8 l. 2 Haec est secunda pars huius capituli; superius
enim ostendit quod in se licita est comestio idolothitorum, hic monet
abstinere ab ea propter scandalum infirmorum. Ubi primo monet ne offendant
fratres sua comestione; secundo quod potest offendere, ibi si enim quis
viderit, etc.; tertio ostendit malum quod inde potest accidere, ibi et
peribit infirmus, etc.; quarto praebet se in exemplum abstinentium, ibi quapropter
si esca scandalizat, et cetera. Dicit ergo : videte, quia quantum ad nos
nihil prodest vel obest esca ipsa, sed tamen videte ne forte haec licentia
vestra, qua scitis licere vobis comedere de idolothitis, offendiculum
fiat infirmis in fide, qui nondum sciunt idolum nihil esse. Lev. XIX, 14
: coram caeco non pones offendiculum. Deinde cum dicit si quis
viderit, etc., hic ostendit quomodo possunt offendere, quia comedendo
idolothitum coram infirmis : ubi implicantur quatuor concurrentia ad
scandalum. Primo maiorum scientia; secundo comestio idolothiti publica, ibi in
idolio recumbentem, tertio occasio scandali accepti, ibi nonne
conscientia eius? Dicit ergo si enim quis, etc.; quasi dicat
: et vere potest esse offendiculum, si enim quis infirmus viderit eum qui
habet scientiam, recumbentem in idolio, id est, in praesentia idoli, nonne
conscientia eius cum sit infirma, per te, aedificabitur, id est,
per factum tuum, ad manducandum idolothita, id est, sacrificata in
reverentiam idoli? Quasi dicat : sic videns enim quis fratrem peritum in
idolio sacrificata comedere, incipit ipse edere non illa conscientia qua
ille, scilicet peritiae causa, sed id putat esse numen in cuius reverentia
hoc fiat. Deinde cum dicit et peribit infirmus, hic
ostendit malum quod inde potest accidere, et hoc duplex : primo scandalum
proximi; secundo offensam proximi, ibi sic autem peccantes, et cetera.
In prima implicantur tria, peccantis conditio, quia infirmus; peccandi
occasio, quia in tua conscientia; peccati exaggeratio, quia propter quem
Christus mortuus est. Dicit ergo : et ita peribit infirmus, in fide
idest, in tua scientia, frater, id est, occasione accepta a tua
scientia, quia te sapientem videt comedere, putans quod sub idoli veneratione
comedas, propter quem salvandum Christus mortuus est, et ita
graviter peccas. Rom. XIV, 15 : noli cibo perdere illum pro quo mortuus
est Christus. Sic autem peccantes in fratres, peccato scandali, et
percutientes conscientiam eorum infirmam, gladio mali exempli, Amos IX, 1
: percute cardinem, id est conscientiam, et commovebuntur
superliminaria, id est, intellectus et affectus; in Christo peccatis,
cuius membra sunt. Non ait in Christum, secundum Glossam, quia in
Christum peccare, est Christum negare, id est, peccare in fide. In Christo
peccare est in his quae Christi sunt peccare, scilicet in moribus; sicut ille
qui in lege est, dicitur in lege peccare : qui autem in lege non est, dicitur
peccare in legem. Deinde cum dicit quapropter si esca, etc.,
hic ultimo proponit se in exemplum abstinentiae, ubi primo implicat
scandalum; secundo ex hoc explicat abstinentiae propositum, ibi non
manducabo, etc.; tertio praevenit dubium, ibi ne fratrem meum, et
cetera. Dicit ergo : quapropter, ne scilicet peccem in Christum, si
esca scandalizat fratrem meum, non manducabo carnem aliquam, non solum
idolothita, in aeternum : si ergo propter scandalum fratrum
abstinendum est quasi a necessariis vitae, multo magis a superfluis. Et hoc,
non ideo quod esca in se mala sit, sed ne scandalizem fratrem meum. Nam
qui scandalizaverit unum de pusillis istis, expedit ei ut suspendatur in
collo eius mola asinaria, etc., Matth. XVIII, 6. Rom. XIV, v. 20 : omnia
munda mundis, sed malum est homini qui per offendiculum manducat. Hic quaeritur super illud scientia inflat,
Glossa : scientia per se inutilis est. Contra, scientia per se bona
est, ergo et utilis. Responsio. Inutilis est ad salutem,
utilis tamen ad multa alia. Item charitas aedificat. Contra : sicut
scientia inflat, non per causam, sed per occasionem, sic et charitas. Responsio.
Non est simile, quia scientia habenti se manifestat, sed non sic charitas,
quia nemo certus est de charitate. Item super illud idolum nihil est,
Glossa : naturam Deus formavit, sed stultitia hominum formam dedit.
Contra : omne esse est a Deo, ergo omnis forma. Responsio. Glossa loquitur de
forma putativa in natura, non de vera. Item
ibidem Glossa : forma hominis in idolo non est facta per verbum.
Contra Io. I, 3 : omnia per ipsum facta sunt. Responsio : quamvis
forma hominis in illo sit facta per verbum, non tamen in idolo, id est, ad
colendum. Item ibidem Glossa : idolum nihil est, quia nullius rei quae sit
in mundo similitudinem habet. Contra : non potest
artifex cogitare vel formare nisi qualia vidit. Responsio. Non habet
similitudinem in toto, sed in partibus. Item super illud nullus Deus nisi
unus, Glossa : hoc dicit ne putetur esse Deus in idolo. Contra :
Deus, licet sit unus, tamen est ubique. Responsio. In idolo est per
potentiam, non per praesentiam vel unionem, ut putabant gentiles. Item ibidem
Glossa : pars Trinitatis non potest esse quicumque unus in tribus.
Contra : cuiuslibet numeri pars est unitas. Responsio. Trinitas non est
numerus simpliciter, sed numerus personarum. Item super illud et si sunt
qui dicuntur dii, Glossa : participatione divinitatis. Contra :
divinitas est imparticipabilis. Responsio. Participatio haec per causam est,
non per essentiam. Item ibid. Glossa quaeritur utrum Angeli vocandi sint dii.
Responsio. Quamvis participent divinitatem, tamen, secundum Glossam, non sunt
dicendi dii propter periculum adorationis. Item super illud nobis tamen
unus pater, Glossa : Trinitas est nobis unus pater, non tamen ille qui
tertia in Trinitate persona alius. Contra : idem et diversum dividunt
ens. Respondeo, quod quamvis idem et diversum dividant ens creatum, non tamen
increatum, quia ibi est identitas in essentia cum diversitate in personis.
Item non in omnibus est scientia. Contra, supra eodem : omnes
scientiam habemus. Responsio. Illud non intelligitur universaliter, sed de
maioribus. Item super illud esca non commendat nos Deo, dicit Glossa sumpta
vel non sumpta. Contra : ergo abstinentia nihil meretur. Responsio. Non
virtus escae, sed virtus abstinentiae prodest. Item si esca scandalizat,
et cetera. Contra : ergo pro scandalo fratris a pane et vino abstinendum est
in perpetuum. Responsio : non est simile de necessariis et superfluis; vel
loquitur hic de scandalo activo, non passivo. Vel perfectionis est hoc, non
necessitatis. Notandum est hic super illud : unus Deus, quod Deus
potest accipi multipliciter, scilicet falsa nuncupatione, et sic idola
dicuntur dii. Ps. XCV, 5 : omnes dii gentium Daemonia, Ier. X, 11 : dii
qui caelum et terram non fecerunt, pereant de terra. Vera adoptione, et
sic sancti dicuntur dii. Ps. LXXXI, 6 : ego dixi : dii estis, et filii
excelsi omnes, vos autem sicut, et cetera. Mundana praelatione, et sic praelati
dicuntur dii. Ex. XXII, 28 : diis non detrahes. Io. c. X, 35 : si
illos dixit deos, ad quos, et cetera. Essentiae proprietate, et sic
Trinitas dicitur Deus. Deut. VI, 4 : audi, Israel, dominus Deus tuus unus
est. Item notandum quod Christus unus sine pari
multipliciter dicitur. Primo unus Deus propter naturam divinitatis; unde sic
nullus est Deus nisi unus. Secundo unus creator
propter infinitatem potestatis. Eccli. I, 8 : unus est altissimus creator
omnium. Tertio unus homo propter singularem eminentiam sanctitatis. Ps.
XIII, 1 : non est qui faciat bonum, et cetera. Io. XI, 50 : expedit
ut unus moriatur homo. Quarto unus dominus propter gubernationem
praelationis. Eph. IV, 5 : unus dominus, una fides, et cetera. Et hoc
modo unus dominus Iesus Christus. Quinto unus magister propter infusionem
cognitionis. Matth. XXIII, 10 : non vocemini magistri, quia magister
vester unus est Christus. Sexto unus pater propter productionem
universitatis. Matth. XXIII, 9 : unus est enim pater vester qui in caelis
est. Septimo unus pastor propter generalem refectionem
populi fidelis. Io. X, 16 : fiet unum ovile et unus pastor. Octavo una
hostia propter singulare pretium nostrae redemptionis. Hebr. X, 14 : una
enim oblatione consummavit in aeternum sanctificatos. |
Voici la
seconde partie de ce chapitre. L’Apôtre, dans ce qui précède, a établi que
l’usage des viandes immolées aux idoles est licite en soi ; ici il avertit de
s’en abstenir, pour ne pas scandaliser les faibles. I° Il avertit de ne pas scandaliser
les frères en en faisant usage ; II° il indique
ce qui peut scandaliser, à ces mots (verset 10) : Car si quelqu’un voit, etc.
; III° il fait voir le
mal qui peut en résulter, à ces autres (verset 11) : et votre frère encore faible
périra ; IV° Il se propose en
exemple à ceux qui s’abstiennent, à ceux-ci (verset 15) : C’est pourquoi,
si ce que je mange scandalise, etc. I° Il dit donc : Remarquez que, quant à nous, les aliments en eux-mêmes ne
servent ni ne nuisent ; cependant prenez garde que cette
liberté, à savoir de manger des viandes immolées aux idoles, ne soit
une occasion de chute pour ceux de vos frères qui sont faibles dans la
foi, et qui ne savent pas encore que l’idole n’est rien (Lévit., XIX, 14) : Ne
placez pas de piége devant l’aveugle. II° A ces paroles (verset 10) : Car si quelqu’un voit, etc., saint Paul montre comment ils peuvent devenir une pierre
d’achoppement en mangeant devant les faibles des viandes offertes aux idoles.
Il énumère trois circonstances qui peuvent concourir au scandale : 1° la science des aînés dans la foi ; 2° l’usage public de la viande immolée
aux idoles, à ces mots (verset 10) : Assis à une table devant les viandes
offertes aux idoles ; 3° l’occasion du scandale reçu, à ces
autres (verset 10) : Ne sera-t-il pas porté, lui dont la conscience est
faible, etc. ? Il dit donc (verset 10) : Car si quelqu’un voit, etc.,
comme s’il disait : véritablement, il peut y avoir occasion de chute, car
si quelqu’un, faible dans la foi,
voit celui qui a la connaissance assis à une table devant l’idole,
c’est-à-dire en présence de cette idole, lui dont la conscience est
faible, ne sera-t-il pas provoqué par vous, c’est-à-dire par votre
action, à manger aussi de ces viandes offertes ? en d’autres termes
sacrifiées en signe de vénération pour l’idole ; comme s’il disait : car
voyant ainsi son frère, qui a la connaissance de ce qui concerne les idoles,
manger de ces viandes sacrifiées, il commencera lui-même à en manger, non
avec la même conscience que le premier, c’est-à-dire non d’après sa compétence,
mais en pensant qu’il y a dans cette idole une divinité, et que c’est par
respect pour elle qu’on agit de la sorte. III° A ces autres paroles (verset 11) : Ainsi votre connaissance sera
cause de la perte de ce frère, saint Paul fait
ressortir le mal qui peut résulter de cette conduite. Il est de deux sortes :
d’abord le scandale du prochain, ensuite l’offense du prochain, à ces mots
(verset 12) : Ainsi péchant de la sorte contre vos frères, etc. Dans
le scandale sont renfermés : 1° la
condition de celui qui pèche parce qu’il est faible ; 2° l’occasion de la faute parce que votre conscience est
en cause ; 3° la gravité du péché parce que c’est
votre frère pour lequel le Christ est mort. Il dit donc (verset 11) : Et
ainsi périra votre frère, qui est encore faible dans la foi, à
savoir à cause de votre connaissance, en d’autres termes à l’occasion
de votre connaissance, parce qu’il voit que vous qui êtes sage, vous mangez
de ces viandes, il pense que vous agissez ainsi par vénération pour l’idole, lui
que Jésus-Christ est venu sauver
par sa mort, et ainsi vous péchez gravement ; (Rom., XIV, 15)
: "Ne perdez pas à cause de votre nourriture celui pour qui Jésus-Christ
est mort". - (verset 12) : C’est ainsi que péchant contre
vos frères, en les scandalisant, et que, blessant leur conscience
faible par le glaive du mauvais exemple (Amos, IX, 1) : "Frappez
le haut de la porte," c’est-à-dire la conscience, "et les
colonnes seront ébranlées," à savoir l’intelligence et la volonté ; vous
péchez à l’égard de Jésus-Christ, dont ils sont les membres. Il ne dit
pas contre Jésus-Christ, remarque la Glose, parce que pécher contre
Jésus-Christ, c’est nier Jésus-Christ, c’est-à-dire pécher contre la foi.
Pécher à l’égard de Jésus-Christ, c’est pécher sur ce qui appartient à
Jésus-Christ, c’est-à-dire sur ce qui concerne les moeurs, comme on dit de
celui qui est sous la Loi : il pèche sur ce qui appartient à la Loi ; mais de
celui qui n’est pas soumis à la Loi, on dit qu’il pèche contre la Loi. IV° Enfin lorsque l’Apôtre dit (verset 13) : C’est pourquoi, si ce que
je mange, etc., il se propose, sur ce point, pour exemple de
l’abstinence ; et d’abord, il rappelle le scandale ; ensuite, il s’en sert
pour expliquer sa résolution de s’abstenir, à ces mots (verset 13) : Je ne
mangerai jamais ; il
prévient une difficulté, à ces autres (verset 13) : pour ne pas scandaliser mon
frère, etc. Il dit donc (verset 13) : C’est pourquoi,
c’est-à-dire dans la crainte de pécher à l’égard de Jésus-Christ, si ce
que je mange scandalise mon frère, jamais je ne mangerai, je ne dis pas de
viande offerte aux idoles, mais quelle qu’elle soit. Si donc, à
cause du scandale qui peut en résulter pour mon frère, il faut s’abstenir, en
quelque sorte, de ce qui est nécessaire à la vie, à combien plus forte raison
de ses superfluités. Et cela, non parce que la nourriture est mauvaise en
soi, mais pour ne pas scandaliser mon frère, car (Matthieu XVIII, 6) :
"Il vaudrait mieux pour celui qui scandalise l’un de ces petits qu’on
lui suspendît au cou une meule de moulin, etc." ; (Rom., XIV, 20) : "Tout
est pur pour ceux qui sont purs ;
mais celui-là fait mal qui mange de ces viandes en donnant aux autres
occasions de scandale". Difficultés
sur ce chapitre. Sur cette parole : La science enfle, la science par elle-même
est inutile, dit la Glose. Objection : La science par elle-même est bonne,
donc elle est utile. Réponse : Inutile pour le salut, utile pour beaucoup
d’autres fins. Sur celle-ci : La charité édifie. Objection : De même
que la science enfle, non comme cause, mais comme occasion, ainsi en est-il
de la charité. Réponse : Il n’y a pas de similitude, parce que la science se
manifeste à celui qui la possède ; mais il n’en est pas ainsi de la charité,
puisque personne ne peut être certain de la posséder. L’idole
n’est rien. La Glose dit : « Dieu
a créé la nature ; la folie des hommes a donné la forme. » Objection
: Tout ce qui existe procède de Dieu, donc toute forme vient de Dieu. Réponse
: La Glose parle de la forme supposée, relativement à la nature, et non de la
véritable. Au même endroit, la Glose dit : « La forme de l’homme dans l’idole n’a pas été faite par le
Verbe ». Objection (Jean I, 3) : "Toutes choses ont été
faites par Lui." Réponse : Bien que, dans l’idole, la forme de
l’homme ait été faite par le Verbe, elle n’a pas été faite en tant qu’idole,
c’est-à-dire pour être honorée. Au même endroit encore : « L’idole n’est rien,
parce qu’elle ne porte la ressemblance de quoi que ce soit qui existe dans le
monde ». Objection : L’ouvrier ne peut penser ni former que
ce qu’il a vu. Réponse : Il n’y a pas de ressemblance dans l’ensemble ; la
ressem-blance existe quant aux parties. Sur cette parole : Il n’y a qu’un
seul Dieu, la Glose dit : « pour
qu’on ne s’imagine pas qu’il y ait un Dieu dans l’idole ». Objection
: Dieu, bien qu’il soit unique, est cependant partout. Réponse : Il est dans
l’idole par sa puissance, non par sa présence ou par union, comme le
pensaient les Gentils. Au même endroit, la Glose dit : « Il n’y a rien de divisible dans la Trinité; il faut que Dieu
unique soit dans les trois ». Objection : Tout nombre a pour partie
l’unité. Réponse : La Trinité n’est pas simplement nombre, mais le nombre des
personnes. Sur ce même passage : S’il est des êtres qui soient appelés
dieux, la Glose dit : « par
communication de la divinité ». Objection : La divinité est
incommunicable. Réponse : Cette communication se fait en tant que cause, et
non en tant qu’essence. Encore sur ce passage, la Glose demande si l’on peut
donner aux anges le nom de dieux. Réponse : Bien que les anges reçoivent
communication de la divinité, toutefois, selon la Glose, on ne peut les
appeler dieux, pour prévenir le danger de leur accorder l’adoration. Sur le
même passage : Cependant pour nous il
n’y a qu’un seul Père, la Glose dit : « La
Trinité est pour nous un seul Père ; mais celui qui est la troisième personne
de la Trinité n’est pas un autre Père ». Objection : On divise
l’être ; il est le même et divers. Réponse : Bien que l’identité et la
diversité divisent l’être créé, il n’en est pas de même à l’égard de l’Être
incréé, parce qu’en lui il y a identité d’essence et distinction de
personnes. Sur cette parole : La science n’est pas dans tous.
Objection : Il est dit au même chapitre : Tous nous avons la science. Réponse : Cela ne s’entend
pas dans le sens universel, mais des premiers d’entre les Corinthiens. Sur
celle-ci : Ce qu’on mange n’est pas ce qui rend agréable à Dieu, la
Glose dit : « qu’on prenne la
nourriture ou qu’on ne la prenne pas ». Objection : Donc
l’abstinence est sans mérite. Réponse : Ce n’est pas la vertu de la
nourriture qui est méritoire, mais la vertu de l’abstinence. Sur cette autre :
Si ce que je mange scandalise, etc. Objection : Donc, pour ne pas
scandaliser son frère, il faut n’user jamais de pain ni de vin. Réponse : Il
n’y a pas de similitude entre ce qui est nécessaire et ce qui est superflu ;
ou bien l’Apôtre parle ici du scandale actif et non passif ; ou encore ce
qu’il dit est un conseil de perfection, et non un précepte de nécessité. Sur
cette expression : Un Dieu unique, il faut remarquer que l’on peut se
servir du mot Dieu de plusieurs manières, à savoir en l’appliquant à tort.
C’est dans ce sens que les idoles reçoivent le nom de dieux ; (Psaume
XCV, 5) : "Tous les dieux des nations sont des démons" ; et (Jér., X, 11) : "Que
les dieux qui n’ont fait ni le ciel ni la terre disparaissent de la
terre." Pour exprimer une adoption véritable, c’est dans ce sens que
les saints sont appelés dieux ; (Psaume LXXXI, 6) : "Je l’ai dit
: vous êtes des dieux, et vous êtes tous les fils du Très-Haut, mais vous
mourrez comme, etc." A cause de la dignité dont on est revêtu dans
le siècle, c’est ainsi que les supérieurs sont appelés des dieux ;
(Exode, XXII, 28) : "Vous ne parlerez pas mal des dieux" et
(Jean X, 35) : "Si votre loi leur donne le nom de dieux, etc."
Par la propriété de l’essence ; c’est ainsi que la Trinité est appelée Dieu ;
(Deut., VI, 4) : "Ecoutez, ô Israël, le Seigneur votre Dieu est le
seul Seigneur." Il faut
également remarquer que Jésus-Christ est appelé unique et sans égal, de
plusieurs manières : 1° Dieu
unique, à cause de la nature divine ; en ce sens, il n’y a de Dieu qu’un Dieu
unique. 2° Créateur unique, à cause de sa
puissance infinie ; (Ecclésiastique I, 8) : "Le Très-Haut, le
Créateur de toutes choses est unique". 3° Homme
unique, à cause de l’éminence singulière de sa sainteté ; (Psaume XIII,
1) : "Il n’en est pas un seul qui fasse le bien, etc." et
(Jean XI, 50) : "Il est bon qu’un seul homme meure." 4° Seigneur
unique, à cause du gouvernement dont il est le chef (Ephés., IV, 5) : "Il
n’y a qu’un seul Seigneur, une foi, etc. " et ainsi un seul Seigneur
Jésus-Christ. 5° Maître
unique, à cause de la connaissance infuse ; (Matthieu XXIII, 10) : "Ne
cherchez pas à être appelés maîtres ;
votre maître, c’est Jésus-Christ". 6° Seul père,
qui produit toutes choses ; (Matthieu XXIII, 9) : "Vous n’avez
qu’un seul Père, qui est dans les cieux." 7° Pasteur
unique, pour nourrir généralement tout le troupeau fidèle ; (Jean X, 16)
: "Il n’y aura plus qu’un troupeau et qu’un pasteur." 8° Hostie
unique, à cause du prix sans égal de notre rédemption ; (Hébr., X, 14) :
"Par une seule oblation, il a rendu parfaits pour toujours ceux qu’il
a sanctifiés." |
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Caput 9 |
CHAPITRE IX — LA SUBSISTANCE MATERIELLE DES APÔTRES [par Pierre de Tarentaise] |
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Lectio 1 |
Leçon 1 : 1 Corinthiens IX, 1-10 — Un salaire matériel pour Paul ? |
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SOMMAIRE : L’Apôtre prouve qu’il lui est licite de recevoir de quoi subvenir aux nécessités de la vie, et qu’il ne l’a fait en aucune circonstance, bien qu’il soit apôtre et qu’il en ait le libre droit. |
[1] non sum liber non sum apostolus nonne Iesum Dominum
nostrum vidi non opus meum vos estis in Domino [2] si aliis non sum apostolus sed tamen vobis sum nam
signaculum apostolatus mei vos estis in Domino [3] mea defensio apud eos qui me interrogant haec est [4] numquid non habemus potestatem manducandi et bibendi [5] numquid non habemus potestatem sororem mulierem
circumducendi sicut et ceteri apostoli et fratres Domini et Cephas [6] aut solus ego et Barnabas non habemus potestatem hoc
operandi [7] quis militat suis stipendiis umquam quis plantat vineam et
fructum eius non edit quis pascit gregem et de lacte gregis non manducat [8] numquid secundum hominem haec dico an et lex haec non
dicit [9] scriptum est enim in lege Mosi non alligabis os bovi
trituranti numquid de bubus cura est Deo [10] an
propter nos utique dicit nam propter nos scripta sunt quoniam debet in spe
qui arat arare et qui triturat in spe fructus percipiendi |
1. Ne
suis-je pas libre ? ne suis-je pas apôtre ? n’ai-je pas vu Jésus-Christ Notre
Seigneur ? N’êtes-vous pas vous-mêmes mon ouvrage dans le Seigneur ? 2. Et quand
je ne serais pas apôtre à l’égard des autres, je le suis au moins à votre
égard ; car vous êtes le sceau de mon apostolat dans le Seigneur. 3. Voici ma
défense contre ceux qui m’interrogent sur ma mission. 4.
N’avons-nous pas le pouvoir de manger et de boire ? 5.
N’avons-nous pas le pouvoir de mener partout avec nous une femme soeur, comme
font les autres apôtres, et les frères du Seigneur, et Céphas ? 6.
Serons-nous donc seuls, Barnabé et moi, qui n’aurions pas le pouvoir d’en
user de la sorte ? 7. Qui
est-ce qui va jamais à la guerre à ses dépens ? Qui est-ce qui plante une
vigne et n’en mange point du fruit, ou qui est celui qui mène paître un
troupeau et ne mange point du lait ? 8. Ce que
je dis ici n’est-il que selon l’homme, et la Loi ne le dit-elle pas elle-même
? 9. Car il
est écrit dans la loi de Moïse : "Vous ne tiendrez pas liée la bouche du
boeuf qui foule les grains." Dieu se met-il en peine de ce qui regarde
les bœufs ? 10. Et
n'est-ce pas plutôt pour nous qu'il a fait cette ordonnance ? Oui, sans
doute, c’est pour nous que cela a été écrit. En effet, celui qui laboure doit
labourer avec espérance de recueillir, et celui qui bat le grain doit espérer
d’en avoir part. |
[90333] Petrus de Tarantasia, In I Cor.,
cap. 9 l. 1 Superius monuit cavere ab edendo idolothita coram
infirmis, propter scandalum fratrum infirmorum, hic proponit se in exemplum,
quia propter alios abstinet se a sibi licitis, scilicet ab acceptione
sumptuum, ubi primo proponit multipliciter, quia licitum est sumptus
accipere; secundo quod nihilominus non vult accipere, ibi ego autem nullo
horum usus sum, et cetera. In prima parte, quod licitum sit sumptus
accipere, probat tripliciter. Primo per auctoritatem; secundo per rationem,
ibi si nos vobis spiritualia seminavimus, etc.; tertio per exemplorum
similitudinem, ibi nescitis quod hi qui, et cetera. In prima, primo
probat per auctoritatem apostolicae dignitatis; secundo per auctoritatem
humanae consuetudinis, ibi quis militat suis stipendiis, etc.; tertio
per auctoritatem divinae legis, ibi numquid secundum hominem, et
cetera. In prima primo probat quod sit apostolus generaliter;
secundo quod sit apostolus eorum specialiter, ibi et si aliis non sum
apostolus; tertio quod potest accipere sumptus licite, ibi numquid non
habemus, et cetera. In prima, primo quaerit an habeat libertatem
accipiendi sumptus; secundo an sit apostolus, ibi non sum apostolus,
etc.; tertio probat duplici ratione quod sit liber, et apostolus, ibi nonne
dominum Iesum Christum, et cetera. Dicit ergo non sum liber? etc., quasi
dicat : abstinete ab hoc licito, scilicet ab esu idolothitorum, quia ego
etiam abstineo a stipendiis, cum tamen habeam libertatem accipiendi. Numquid
enim non sum apostolus? Immo vere sum apostolus. Gal. II, 8 : qui
operatus est Petro in apostolatum circumcisionis, operatus est et mihi inter
gentes. Est ergo ratio sua talis : omnis apostolus ratione sui
apostolatus habet libertatem accipiendi sumptus; sed ego sum apostolus :
utrumque probat postea; ergo, et cetera. Deinde cum dicit nonne dominum
Iesum Christum, etc., hic probat duplici ratione quod sit apostolus,
primo per causam, secundo per effectum, ibi nonne opus meum, et
cetera. Prima ratio sumitur ex parte Christi mittentis; secunda ex parte
Corinthiorum quibus mittitur. Prima ratio talis est : ego vidi dominum qui me
misit ad praedicandum, ergo sum apostolus. Et hoc est quod dicit nonne,
etc.; quasi dicat : vere sum apostolus, nonne dominum Iesum Christum vidi?
Hoc dicit propter pseudoapostolos, qui dicebant ipsum non esse apostolum,
quia non fuerat in societate domini sicut caeteri apostoli. Ipse autem vidit eum iam immortalem, secundum Glossam, vel in via,
Act. III, 9, vel in templo, Act. XXII, 19. Unde, Act. IX, 27, Barnabas
apprehensum illum duxit ad apostolos, et narravit quomodo in via vidisset
dominum. Infra, XV, 8 : novissime omnium tamquam
abortivo visus est et mihi. Nonne opus meum, et cetera. Ecce secunda
ratio talis : vos estis conversi ad fidem per me missum ad hoc; ergo sum
apostolus; nonne opus meum vos estis, o Corinthii? Sicut templum architecti, supra III, 10 : ut sapiens architectus
fundamentum posui. Item ut filius opus genitoris, supra IV, 15 : in
Christo Iesu per Evangelium vos genui. Opus, inquam, meum, et hoc in
domino, id est, domino cooperante. Vel in domino, id est ad gloriam
domini, quasi dicat : sic estis. Deinde cum dicit et si aliis apostolus,
etc., hic probat quod est apostolus eorum specialiter. Ubi primo proponit
quod est apostolus eorum specialiter; secundo probat hoc per effectum, ibi nam
sigillum apostolatus, etc.; tertio ostendit quod per effectum illum
defendit se esse apostolum, ibi mea defensio ad eos, et cetera. Dicit
ergo et si, etc., quasi dicat : vere opus meum estis, quia et si
aliis, scilicet Iudaeis quorum legem evacuo, non sum, id est non videor
esse, apostolus, sed tamen vobis sum, qui per me conversi estis
specialiter. Rom. XI, 13 : quamdiu gentium sum apostolus, ministerium meum
honorificabo. Et vere vobis sum apostolus, nam vos estis sigillum
apostolatus mei, id est forma et sigillum, quia apostolatus meus
impressus est in vobis, sicut forma sigilli in cera. Glossa
: in vobis apparet quod sum apostolus dum habetis per me quod etiam per
alios apostolos. I Cor. IX, 2 : signa apostolatus mei facta sunt super
vos. Vos estis, inquam, in domino,
id est domino principali auctore. Et vere ita est, quia mea defensio ad
eos qui me interrogant, utrum scilicet sim apostolus, scilicet hoc estis
vos; per vos enim ostendo me esse apostolum. Deinde cum dicit numquid non habemus,
etc., hic ostendit quod potest accipere sumptus licenter. Ubi primo quaerit
an habeat hanc potestatem generaliter; secundo quantum ad personas
determinatas specialiter, ibi numquid non habemus potestatem, etc.;
tertio an ipse et Barnabas sint hac potestate privati singulariter, ibi an
ego solus, et cetera. Dicit ergo numquid, etc., quasi dicat : nam
cum sim apostolus, numquid non habemus, ego et mei, potestatem
manducandi et bibendi nostra, id est, vivendi stipendiis nostris?
Augustinus : permisit dominus, non iussit apostolis accipere necessaria a
subditis. Numquid non habemus potestatem mulierem sororem, scilicet fide,
circumducendi nobiscum, propter sumptus ministrandos? Ambrosius in
Glossa : mulieres desiderio doctrinae dominicae et virtutum cupidae,
apostolos sequebantur, et ministrabant eis sumptus, et servitia. Et
similiter Christum secutae sunt, Lc. VIII, 2 s. et XXIII, v. 27, sicut caeteri
apostoli, ut habetur Act. VI, 1, et sicut fratres, id est,
cognati, domini, qui maiores sunt. Gal. II, 9 : Iacobus et Ioannes,
qui videbantur columnae esse, etc., et Cephas, qui maximus est
inter apostolos, unde Cephas interpretatur caput. Ambrosius : non hos reprehendit apostolus, sed
eorum more sibi probat licere; idcirco autem, ut ait Augustinus; dominus
mulieres ministraturas sequi voluit, ostendens quid debetur a plebibus
Evangelistis. Vel ideo etiam ne viderentur alienae a salute. Aut numquid
ego solus et Barnabas (isti enim fuerunt coniuncti ad praedicandum
gentibus, Act. XIII, 2 : segregate mihi Barnabam et
Paulum in opus ad quod assumpsi eos), non habemus, secundum opinionem
vestram, potestatem hoc operandi? Scilicet mulieres
circumducendi, et sumptus accipiendi, quasi dicat : imo habemus sicut alii,
sed omnes alii licite accipiunt, ergo et nobis licet. Deinde cum dicit quis militat suis stipendiis,
etc., hic secundo probat quod licet accipere sumptus per auctoritatem humanae
consuetudinis : et primo in statu militis; secundo agricolae, ibi : quis
plantat vineam, etc.; tertio pastoris, ibi : quis pascit gregem,
et cetera. Militi comparatur praelatus propter subsidium, agricolae propter
verbum, pastori propter exemplum. Debet enim subditos defendere suffragio,
plantare verbo, pascere exemplo. Primum respicit extra
Ecclesiam existentes, secundum Ecclesiam intrantes, tertium in Ecclesia
commorantes. Dicit ergo, quis militat, quasi dicat :
utique habemus potestatem accipiendi sumptus, et merito quis militat suis
stipendiis? Quasi dicat : unquam nullus, dabantur enim militibus
stipendia de republica. Unde Ioannes dicit : contenti estote stipendiis
vestris. Sic praedicatores et praelati accipere possunt sumptus a
subditis. I Tim. I, 18 : ut milites in illis militiam bonam. Quis enim
plantat vineam, et de fructu eius non edit? Vinea domini est Ecclesia.
Is. V, 7 : vinea domini Sabaoth, domus Israel est. Apostoli enim
fuerunt plantatores huius vineae. Supra XIV, 6 : ego plantavi, Apollo
rigavit. Quis etiam pascit gregem, et de lacte eius non manducat? Quasi
dicat : nullus. Grex domini sunt fideles Ecclesiae. Ez. XXIV, v. 31 : vos
greges pascuae meae. Huius gregis pastores sunt praelati et
praedicatores. Unde primo praelato dictum est : pasce oves meas, Io.
XXI, 17. Tales possunt pasci de lacte gregis, quia possunt accipere sumptus a
subditis. Si ergo defendimus, plantamus et pascimus more boni militis, boni
agricolae, boni pastoris, licet nobis sumptus accipere. Sed quia hodie multi
sunt qui stipendia accipiunt, et non militant, edunt fructum vineae, et non
plantant, lac comedunt, et gregem non pascunt. Ez. XXXIV, 3 : lac
comedebatis, gregem autem meum non pascebatis. Notandum super illud nonne dominum Iesum vidi?
Quod multiplicem domini legimus visionem. Unam corporalem, quae praeteriit,
de qua Bar. IV, 38 : post haec in terris visus est, et cum hominibus
conversatus est. Secundam spiritualem, quae praesens est. Ps. XLV, 11 : vacate
et videte, quoniam ego sum Deus, et cetera. Tertiam aeternalem, quae
futura est, de qua Io. XVII, 24 : volo ut ubi ego sum, et illi sint mecum,
ut videant claritatem meam. Iob XIX, 26 : in carne mea videbo Deum.
Quartam momentaneam, quae etiam futura est, de qua Lc. XXI, 27 : tunc videbunt filium hominis venientem in nube cum
potestate magna. Prima fuit in mundo, secunda in animo, tertia in caelo
erit, quarta erit in iudicio. Prima visio dat exemplum vivendi; secunda
adiutorium proficiendi; tertia desiderium perveniendi; quarta odium peccandi.
Prima dat exemplum vivendi tripliciter, quia visus est pauper et pannosus, ut
refrenetur cupiditas divitiarum. Ps. LXVIII, 30 : ego sum pauper et dolens,
etc., et, v. 33 : videant pauperes, et laetentur. Sic viderunt
pastores, Lc. II, 16. Vilis et abiectus, ut refrenetur ambitio honorum. Is.
LIII, 2 : vidimus eum, et non erat aspectus, et desideravimus eum virum
despectum. Ideo dicitur Matth. XI, 29 : discite a me, quia mitis et
humilis sum. Afflictus et passus, ut refrenetur concupiscentia
voluptatum. Thren. I, v. 12 : o vos omnes, qui transitis per viam, videte,
et cetera. Secunda visio dat adiutorium proficiendi tripliciter, quia dat
robur poenitentibus, culpas et poenas ostendendo, sicut sol atomos. Dan. V, 5
: vidit Balthassar manum scribentis. Iob XLII, 5 : nunc oculus meus
videte, et cetera. Spem certantibus, mercedem manifestando, sicut dominus
operanti. Act. VII, v. 55 : ecce video caelos, et cetera. Laetitiam
contemplantibus, praegustationes offerendo, sicut tabernarius modicum vini.
Ps. XXXIII, v. 9 : gustate et videte, quoniam suavis est dominus. Gen.
XXXII, 30 : vidi dominum facie ad faciem, sicut Paulus hic. Tertia
visio aeternalis dat desiderium perveniendi propter tria, videlicet propter
veram iucunditatem. Is. ult. : videbitis, et gaudebit cor vestrum,
quia dulce lumen et delectabile, et cetera. Hoc significatum est Io. XX, 20 :
gavisi sunt discipuli, viso domino. Propter iucunditatis
multiplicitatem, sive pluralitatem. Is. LX, 5 : tunc videbis et afflues,
etc.; quippe quia videbimus eum sicuti est, et ipse erit omnia in omnibus.
Erit enim rationi plenitudo lucis, voluntati multitudo pacis, memoriae
continuatio aeternitatis. Propter puritatis aeternitatem. Apoc. ult. : servi
eius servient illi, et videbunt faciem eius, et regnabunt in saecula
saeculorum. Ps. : adimplebis me laetitia, et cetera. Quarta visio dat odium sive terrorem peccandi
propter tria, videlicet propter furtum propalandum coram iudice vidente. Mal.
III, v. 2 : ecce veniet, et quis stabit ad videndum eum? Ipse enim quasi
ignis conflans, et cetera. Propter malefactorum severam ultionem. Latro
enim videns socium suum suspendi, plus timet furari. Ier.
VII, 12 : ite ad locum meum in Sylo, et videte quod fecerim ibi. Sylo
interpretatur avulsa. Apoc. I, 13 : vidi similem filio hominis, et
infra v. 16 : ex ore eius, quasi gladius ex utraque parte acutus exibat,
et cetera. Propter visam bonorum praemiationem; videns enim clericus alium
praebendari, quia bonus, cavet a malo. Ps. CVI, 42 : videbunt iusti, et
laetabuntur, et omnis iniquitas oppilabit os suum. Deinde cum dicit numquid secundum hominem,
etc., hic probat tertio, quod licet sumptus accipere per auctoritatem divinae
legis. Ubi primo proponit, quod lex haec dicit; secundo verbum legis ponit,
ibi scriptum est enim, etc.; tertio qualiter intelligendum sit,
ostendit ibi numquid de bobus cura est, et cetera. Dicit ergo numquid,
etc., quasi dicat : probavi ratione humanae consuetudinis, quod licet nobis
sumptus accipere; sed numquid secundum hominem, id est, secundum
humanam consuetudinem vel similitudinem tantum, dico hoc? An non lex
Moysi divinitus promulgata hoc dicit? Quasi dicat : immo dicit. Scriptum
est enim in lege Moysi, Deut. XXV, 4, et habetur idem I Tim. c. V, 18 : non
alligabis os bovi trituranti, ut possit vivere de labore suo, id est, non
prohibebis praedicatorem vivere de Evangelio. Triturare enim est separare
granum a paleis, quod facit praedicator abstrahendo animas a terrenis,
discernendo virtutes a vitiis, separando utilia a vanis. Ier. XV, 19 : si
separaveris pretiosum a vili, quasi os meum eris. Deinde cum dicit numquid
de bobus, etc., hic ostendit qualiter dicta auctoritas intelligenda sit.
Et primo, quod intelligenda sit litteraliter de bobus; secundo quod non
tantum litteraliter de bobus, sed spiritualiter de praedicatoribus, ibi an
propter nos, etc.; tertio replicat, quod licet accipere sumptus, ibi nam
propter nos utique scripta, et cetera. Dicit ergo numquid, etc.;
quasi dicat : haec auctoritas de bobus spiritualibus, id est praedicatoribus,
intelligitur. Numquid enim de bobus materialibus cura est Deo,
ut de eis lege praecipiat? An propter nos hoc utique dicit? Quasi
dicat : hoc utique propter nos dicit. Nam propter nos scripta sunt haec
et similia. Rom. XV, 4 : quaecumque scripta sunt, ad nostram doctrinam
scripta sunt. Propter nos, inquam; idcirco, quoniam praedicator,
qui corda aperit ad fidem, debet arare in spe stipendiorum
temporalium, non tamen propter spem hanc. Debet enim primum quaerere regnum
Dei. Et qui triturat, id est bonos a malis, quasi grana a paleis,
discernit praedicando, scilicet ad mores, debet hoc facere in spe fructus
percipiendi. II Tim. II, 6 : laborantem agricolam oportet primum de
fructibus percipere. Eccli. VI, v. 19 : is qui arat et qui seminat
accedit ad illam, et sustinet bonos fructus illius. |
Dans ce qui
précède, saintPaul a averti de se garder de manger devant les faibles dans la
foi des viandes immolées aux idoles, de peur de les scandaliser. Il se
propose ici en exemple, parce que, à cause de ses frères, il s’abstient de ce
qui lui est permis, c’est-à-dire de recevoir une rétribution. Et d’abord, il
établit par plusieurs raisons qu’il est licite de recevoir cette rétribution ;
ensuite, que, néanmoins, il n’a pas voulu la recevoir, à ces mots (verset 15)
: Pour moi, je n’ai voulu user d’aucun de ces droits, etc. Sur la
première question, il prouve de trois manières qu’il est permis de recevoir
une rétribution : premièrement, par voie d’autorité ; secondement, par voie
de raisonnement, à ces mots (verset 11) : si donc nous avons semé parmi vous des
biens spirituels ;
troisièmement, par la similitude des exemples, à ces autres (verset 13) : Ne
savez-vous pas que les ministres, etc.? Dans la première partie, il
décline sa preuve : I° de
l’autorité de la dignité apostolique ; II° de l’autorité de la coutume parmi les hommes, à ces
mots (verset 7) : Qui est-ce qui fait la guerre à ses frais ? III° de l’autorité de
la loi divine, à ces autres : Ce que je dis ici est-il selon l’homme, etc.
? I° Dans cette première subdivision, il prouve I. en général qu’il
est apôtre ; II. qu’il est
spécialement leur apôtre, à ces mots (verset 2) : Et si je ne suis point
apôtre pour d’autres, etc. ;
III. qu’il peut
licitement recevoir sa subsistance, à ces autres (verset 4) : N’avons-nous
pas droit, etc.? I. A l’égard de son
titre d’apôtre, saint Paul examine d’abord s’il est libre de recevoir sa
subsistance ; ensuite, s’il est apôtre, à ces mots (verset 4) : Ne suis-je
pas apôtre ? enfin, il prouve, par un double raisonnement, qu’il est
libre et qu’il est apôtre, à ces autres (verset 4) : N’ai-je pas vu N. S.
Jésus-Christ, etc. ? 1° Il dit donc (verset 1) : Ne
suis-je pas libre, etc.? comme s’il disait : Abstenez-vous de ce qui est permis, c’est-à-dire de l’usage des
viandes offertes aux idoles, car moi-même je m’abstiens de tout salaire, bien
que j’aie cependant la liberté d’en recevoir. 2° En effet (verset 1) : Ne suis-je pas apôtre ?
Certainement je suis véritablement apôtre ; (Gal., II, 6) : "Celui
qui, par sa puissance, a établi Pierre l’apôtre des circoncis, m’a également
établi apôtre des nations." Voici donc son raisonnement : Tout
apôtre, à raison même de son apostolat, a la liberté de recevoir son salaire ;
or je suis apôtre. Il prouve ensuite chaque proposition : donc, etc. 3° A ces mots (verset 4) : N’ai-je
pas vu Notre Seigneur Jésus-Christ, etc.? il prouve, par un double
raisonnement, qu’il est apôtre, par la cause et par l’effet, à ces mots
(verset 1) : N’êtes-vous pas mon ouvrage, etc.? Le premier
raisonnement est pris du côté de Jésus-Christ, qui l’envoie ; le second du
côté des Corinthiens, vers lesquels il est envoyé. A) Voici le premier : moi, j’ai vu le
Seigneur, qui m’a envoyé pour prêcher l’Évangile, donc je suis apôtre.
C’est ce qui lui fait dire : N’ai-je point vu, etc.? comme s’il disait
: je suis véritablement apôtre ; n'ai-je pas vu Notre Seigneur
Jésus-Christ ? Il parle ainsi à cause des faux apôtres, qui prétendaient
qu’il n’était pas apôtre, parce qu’il n’avait pas vécu dans la compagnie du
Sauveur, comme les autres apôtres. Mais Paul l’a vu déjà immortel ou, suivant
la Glose, sur le chemin de Damas (Actes, III, 9), ou dans le temple
(Actes, XXII, 19). Aussi (Actes, IX, 27) : "Barnabé l’ayant pris avec
lui, le conduisit aux apôtres, et leur raconta comment il avait vu le
Seigneur sur le chemin" ;
(ci-après, XV, 8) : Enfin, après tous les autres, il s’est fait
voir à moi, qui ne suis qu’un avorton. B) : N’êtes-vous pas mon ouvrage, etc.
? Voici le second raisonnement : Vous avez été convertis par moi à la foi,
et j’ai été envoyé à cette fin ; donc je suis apôtre : N’êtes-vous pas mon
ouvrage ? ô Corinthiens, ainsi qu’un temple est l’ouvrage de
l’architecte (ci-dessus, III, 10) : J’ai posé le fondement, comme un sage
architecte." Ainsi encore que le fils est l’oeuvre du père
(ci-dessus, IV, 15) : C’est moi qui vous ai engendrés en Jésus-Christ par
l’Évangile. Vous êtes, dis-je, mon ouvrage, et cela ddans le
Seigneur, c’est-à-dire par la coopération du Seigneur ; ou encore : dans le Seigneur..., c’est-à-dire
pour la gloire du Seigneur, comme s’il disait : c’est à cette fin que vous
êtes tels. II. Lorsqu’il ajoute
(verset 2) : Et si je ne suis pas l’apôtre des autres, etc., il prouve
qu’il est spécialement leur apôtre. Et d’abord il énonce cette proposition
qu’il est spécialement leur apôtre ; ensuite, il le prouve par les résultats,
à ces mots (verset 2) : car vous êtes le sceau de mon apostolat, etc.
; enfin, il montre
que, par ces résultats, il peut prouver qu’il est leur apôtre, à ces autres
(verset 3) : Voici ma défense à ceux, etc. Il dit donc : Et si, etc.,
comme s’il disait : vous êtes véritablement mon ouvrage, car lors même que
pour les autres, c’est-à-dire pour les Juifs, dont j’anéantis la Loi, je
ne le suis point, c’est-à-dire je ne parais pas être leur apôtre, cependant
je suis le vôtre, vous qui avez été spécialement convertis par moi ;
(Rom., XI, 13) : "Tant que je serai l’apôtre des Gentils, j’honorerai
mon ministère." Et véritablement je suis votre apôtre, car
vous êtes le sceau de mon apostolat, c’est-à-dire la forme et le
sceau, parce que mon apostolat est imprimé sur vous, comme la forme du sceau
est empreinte sur la cire. La Glose ajoute : « Il est clair pour vous que je suis votre apôtre, tant que vous
recevez de moi ce que vous avez reçu des autres apôtres. » (I Cor., IX,
2) : "Les signes de mon apostolat ont paru parmi vous." – Vous
êtes, dis-je, dans le Seigneur, c’est-à-dire le Seigneur qui est
principalement l’auteur de votre conversion ; il en est vraiment ainsi, et
c’est ma défense à l’égard de ceux qui m’interrogent, pour savoir si je
suis votre apôtre, et c’est vous qui l’êtres, en d’autres termes, c’est par
vous-mêmes que je montre que je suis apôtre. III. Lorsqu’il dit
(verset 4) : N’avons-nous pas, etc.? il montre qu’il lui est permis de
recevoir sa subsistance. Et d’abord, il examine en général s’il a ce pouvoir ;
ensuite, s’il l’a en particulier, quant à certaines personnes, à ces mots
(verset 5) : N’avons-nous pas le pouvoir, etc.?; enfin si Barnabé et lui sont en particulier privés de ce
pouvoir, à ces autres (verset 6) : N’y aurait-il donc que moi, etc.?
Il dit donc (verset 4) : N’avons-nous pas, etc.? comme s’il disait :
puisque je suis votre apôtre, n’avons-nous pas, ceux qui
m’accompagnent et moi, le droit de manger et de boire ce qui nous
appartient, c’est-à-dire de vivre de ce que nous gagnons ? (Augustin) : « Le Seigneur a permis, il n’a
pas fait un ordre aux apôtres de recevoir le nécessaire de ceux qui leur sont
soumis. » ;
(verset 5) : N’avons-nous pas le pouvoir de mener avec nous une femme,
notre soeur, à savoir par la foi, pour nous préparer notre nécessaire ?
(Ambroise, dans la Glose) : « Quelques femmes, par le désir d’entendre
la doctrine de Jésus-Christ et le zèle pour la perfection, suivaient les
apôtres, leur préparaient le nécessaire, et les servaient."
D’autres avaient de même suivi le Sauveur ; (Luc. VIII, 2, et XXIII, 27)
: "comme font les autres apôtres," ainsi qu’il est rapporté
aux Actes (VI, 1) : "et comme les frères," c’est-à-dire les
parents du Seigneur, qui sont les
premiers en dignité ; (Gal., II, 9) : "Jacques et Jean, qu’on
regardait comme les colonnes de l’Eglise, etc." et "Céphas,"
qui est le premier d’entre les apôtres, ce qui fait qu’on considère Céphas comme
étant la tête. (Ambroise) : « Saint Paul ne critique pas ceux qu’il
nomme, mais il prouve, par la manière dont ils en usaient, que la même
liberté lui est acquise ». Or le Sauveur, comme le remarque saint Augustin, « a voulu
que des femmes le suivent pour le servir, afin de montrer ce que les peuples
devaient à ceux qui leur prêchaient l’Evangile » ; ou bien
encore, pour qu’elles ne paraissent pas exclues du salut. Est-ce que
Barnabé et moi seul, car ces deux apôtres furent associés pour
prêcher l’Evangile aux Gentils (Actes, XIII, 2) : "Séparez-moi
Barnabé et Saul pour l’oeuvre à laquelle je les ai appelés"- nous
n’aurions pas, d’après votre opinion, le pouvoir d’agir de la même manière,
c’est-à-dire de mener avec nous des femmes, et de recevoir notre subsistance ;
comme s’il disait : assurément nous avons ce droit, comme tous les autres. Or
tous les autres reçoivent licitement ces services ; donc, au même titre, cela
nous est permis. II° A ces paroles (verset 7) : Qui est-ce qui fait la guerre à ses frais
?, etc. saint Paul
prouve, par l’autorité de la coutume des hommes, qu’il est permis de recevoir
une rétribution : I. dans l’état
militaire, II. dans l’agriculture,
à ces mots (verset 7) : Qui est-ce qui plante une vigne, etc..? III. et dans le métier
de pasteur, à ces autres (verset 7) : Ou qui est-ce qui fait paître un
troupeau, etc.? L’Apôtre compare le chef de l’Eglise à un soldat, à cause
du secours qu’il procure ; à un agriculteur, à cause de la parole ; à un
pasteur, à cause de l’exemple ; car le chef d’une Eglise doit défendre ses
subordonnés par son soutien, planter par l’enseignement, nourrir par
l’exemple. Le premier devoir a pour objet ceux qui sont hors de l’Eglise ; le
second, ceux qui entrent dans l’Eglise ; le troisième, ceux qui vivent dans
l’Eglise. I. Saint Paul dit donc
(verset 7) : Qui est-ce qui fait la guerre ? comme s’il disait : nous
avons certainement les uns et les autres le droit de recevoir notre
rétribution ; et c’est avec raison, car (verset 7) Qui est-ce qui fait la
guerre à ses frais ?, comme s’il disait : personne. En effet, on donnait
aux soldats leur solde, prise sur le trésor public ; aussi saint
Jean-Baptiste dit aux soldats (Luc, III, 14) : "Contentez-vous de
votre solde." De même, les prédicateurs et les pasteurs peuvent
recevoir des fidèles ce qui leur est nécessaire ; (I Tim., I, 18) : "Acquittez-vous
de tous les devoirs de la milice sainte." II. (verset 7) : Qui
est-ce qui plante une vigne, et ne mange pas de ses fruits ? La vigne du
Seigneur, c’est l’Eglise ; (Isaïe, V, 7) : "La vigne du Dieu des
armées, c’est la maison d’Israël" Les Apôtres ont été les planteurs de
cette vigne ; (ci-dessus, XIV, 6) : C’est moi qui ai planté, c’est
Apollos qui a arrosé. III. (verset 7) Qui
est-ce qui fait paître un troupeau et ne mange pas de son lait, comme
s’il répondait : personne. Le troupeau du Seigneur, ce sont les fidèles de
l’Eglise ; (Ezéch., XXIV, 31) : "Vous êtes les brebis de mon
troupeau." Les pasteurs de ce troupeau sont les chefs des Eglises et
les prédicateurs ; aussi a-t-il été dit au premier de tous (Jean XXI, 17) : "Paissez
mes brebis." Or les chefs des Eglises peuvent se nourrir du lait du
troupeau, car ils ont droit de recevoir des inférieurs leur nécessaire. Si
donc nous défendons, si nous plantons, si nous faisons paître, ainsi que font
un bon soldat, un bon agriculteur, un bon pasteur, il nous est permis de recevoir
une rétribution. Mais parce qu’aujourd’hui il en est beaucoup qui reçoivent
une solde et ne combattent pas, qui mangent le fruit de la vigne et ne
plantent pas, qui se nourrissent du lait et ne font pas paître le troupeau,
il est dit (Ezéch., XXXIV, 3) : "Vous mangiez le lait, et vous ne
faisiez pas paître mon troupeau." Sur ces
paroles : Est-ce que je n’ai pas vu le Seigneur Jésus-Christ ? il faut
remarquer que les livres saints nous présentent plusieurs visions du
Seigneur. Une corporelle, qui est passée déjà, et dont le prophète Baruch
disait (IV, 38) : "Après cela, il a été vu sur la terre, et il a
conversé parmi les hommes." Une seconde, spirituelle, qui est
présente ; (Psaume XLV, 11) : "Soyez dans le repos, et
considérez que je suis votre Dieu, etc." Une troisième, éternelle,
qui est à venir, dont il est dit (Jean XVII, 24) : "Mon Père, je
désire que là où je suis soient aussi ceux que vous m’avez donnés,"
afin qu’ils puissent contempler ma gloire ; et, au livre de Job (XIX, 26) : "Je
verrai mon Dieu dans ma chair." Enfin une quatrième, qui n’est que
momentanée et qui est aussi à venir (Luc, XXI, 27) : "Alors ils
verront le Fils de l’homme venir sur une nuée avec une grande
puissance." La première a eu lieu dans le monde ; la seconde se fait
dans l’âme ; la troisième se fera dans les cieux ; la quatrième au jugement.
La première vision donne le modèle de vie ; la seconde, le secours pour progresser
; la troisième, le désir d’arriver ; la quatrième, la haine du péché. La
première présente le modèle de bien vivre de trois manières : Jésus-Christ
s’y montre pauvre et couvert de langes, pour que soit réfréné le désir des
richesses ; (Psaume LXVIII, 30) : "Je suis pauvre et dans la
douleur, etc. ; et
(ibid., 33) : "Que les pauvres voient, et qu’ils se
réjouissent." Ainsi l’ont vu les bergers (Luc II, 16). Vil et
abject, pour mettre un frein à l’ambition des honneurs ; (Isaïe, LIII,
2) : "Nous l’avons vu, et il était méconnaissable, et nous l’avons désiré, l’homme méprisé".
Voilà pourquoi il est dit (Matth., XI, 29) : "Apprenez de moi que je
suis doux et humble de coeur". Affligé et dans la souffrance, pour
mettre un frein aux convoitises de la volupté ; (Lamentations, I, 12) : "Vous
tous, qui passez par le chemin, regardez, etc." La seconde vision donne
aussi, de trois manières, des secours pour avancer : elle inspire la force à
ceux qui se repentent, en leur mettant sous les yeux leurs fautes et leurs
châtiments, ainsi que le soleil fait paraître les atomes ; (Dan., V, 5) :
"Balthazar vit comme la main d’un homme qui écrivait" et
(Job, XLII, 5) : "Maintenant je vous vois de mes propres yeux, etc."
Elle montre en récompense à ceux qui combattent une espérance certaine, comme
fit le Sauveur à son serviteur pendant le combat ; (Actes, VII, 55) : "Je
vois les cieux ouverts, etc." Elle offre à ceux qui contemplent
comme un avant-goût de la joie, ainsi que le tavernier fait goûter un peu de
vin ; (Psaume XXXIII, 9) : "Goûtez et voyez combien le Seigneur
est doux" et (Gen., XXXII, 30) : "J’ai vu le Seigneur face à
face," comme Paul le dit ici de lui-même. La troisième vision, qui
est éternelle, excite le désir d’avancer, en offrant trois avantages, à
savoir : une joie véritable ;
(Isaïe, LXVI, 14) : "Vous verrez, et votre coeur se réjouira" ; car cette joie sera une lumière
douce et pleine de délices, etc. ; ce qui est marqué en saint Jean (XX, 20) :
"Les disciples furent remplis de joie à la vue du Seigneur."
L’abondance ou l’étendue de cette joie ;
(Isaïe LX, 5) : "Alors vous verrez et vous serez dans l’abondance, etc."
La raison en est qu’alors nous le verrons tel qu’il est, et qu’il sera
lui-même tout en tous ; car il sera pour l’intelligence la plénitude de la
lumière, pour la volonté l’abondance de la paix, pour la mémoire la
succession de l’éternité. La perpétuité
de la sainteté ; (Apoc., XXII, 3) : "Ses serviteurs le
serviront, ils verront sa face, et ils régneront dans les siècles des
siècles" ; (Ps.,
XV, 10) : "Vous me comblerez de joie, etc." La quatrième
vision, enfin, donne la haine ou la crainte du péché, pour trois motifs : la
prévarication sera manifestée devant le juge qui la voit ; (Malachie,
III, 2) : "Le voici qui vient, et
qui pourra soutenir son regard, car il sera comme un feu qui dévore, etc."
La sévère punition des prévaricateurs, car le malfaiteur qui voit supplicier
son compagnon de crimes craint davantage de mal faire ; (Jér., VII, 12) :
"Allez en Silo, au lieu qui m’était consacré, et considérez ce que je
lui ai fait." Silo
s’interprète arraché ; (Apoc., I, 13) : "Je vis quelqu’un
qui ressemblait au Fils de l’homme...," et plus loin : "De
sa bouche sortait une épée à deux tranchants, etc." La vue de la
récompense des bons : ainsi le ministre des autels, voyant un autre ministre
récompensé parce qu’il est bon, s’abstient lui-même du péché ; (Ps.,
CVI, 42) : "Les justes verront, et ils seront dans la joie, mais
l’iniquité gardera le silence." III° (verset 8) : Est-ce que ce que je dis ici est selon l’homme, etc.? Saint Paul
prouve, par l’autorité de la loi divine, qu’il est permis de recevoir une
rétribution. I. Il expose ce que
dit cette loi ; II. il cite les paroles
de la loi (verset 10) : Oui, sans doute, c’est pour nous, etc.. III. il dit comment il faut les comprendre : Est-ce que Dieu se met en
peine des bœufs, etc.? Il dit donc (verset 9) : Est-ce que Dieun,
etc.?comme s’il disait : j’ai
prouvé en raisonnant à partir des conduites humaines, qu’il nous est permis
de recevoir une gratification ; mais est-ce selon l’homme,
c'est-à-dire selon les conduites humaines ou en vertu d’une si grande
similitude que je dis cela ?La loi de Moïse, promulguée par Dieu
dit-elle cela ? Comme s’il disait : bien sûr qu’elle le dit. Il
est écrit en effet dans la loi de Moïse ; (Deut.XXV, 4) et (I Tm V,
18) : "Tu ne muselleras pas le bœuf qui foule le grain »,
pour qu’il puisse subsister grâce à son travail, en d’autres termes : tu
n’empêcheras le prédicateur de vivre de l’Évangile. En effet, fouler, c’est
séparer le grain de la paille, ce que fait le prédicateur en détournant les
âmes des terreurs, en séparant les vertus des vices, ce qui est utile de ce
qui est vain ; (Jér., XV, 19) : "Si tu sépares ce qui est
précieux de ce qui est vil, tu seras comme ma bouche." Ensuite quand
saint Paul dit : Est-ce que Dieu se met en peine des bœufs, etc., il
montre comment doit être comprise l’autorité qu’il a citée : tout d’abord
qu’elle doit être comprise littéralement à propos des bœufs, deuxièmement
qu’elle ne doit pas seulement l’être littéralement à propos des bœufs, mais
spirituellement à propos des prédicateurs, à ces mots (verset 10) : N’est-ce
pas à cause de nous, etc. ; troisièmement, il rappelle qu’il est
licite de recevoir une gratification : N’est-ce pas à cause de nous qu’il
parle ainsi, etc. ? Il dit donc : Est-ce, etc. ?comme
s’il disait : ce passage doit s’entendre des boeufs spirituels,
c’est-à-dire des prédicateurs de la vérité, car est-ce que Dieu se met en peine des boeufs matériels, au point
qu’il fasse pour eux cette prescription dans la Loi ?-(verset 10) : N’est-ce
pas plutôt pour nous-mêmes qu’il dit cela ? comme s’il disait : c’est
pour nous qu’il a porté cette défense, car c’est pour nous que ce précepte
et d’autres semblables ont été écrits ; (Rom., XV, 4) : "Tout ce qui est écrit a été
écrit pour notre instruction." - C’est pour nous, je le répète,"
et voilà pourquoi celui qui prêche et ouvre ainsi les coeurs à la foi (verset
10) : doit labourer dans l’espérance d’une rétribution temporelle,
mais non point cependant en vue de cette espérance, car il doit chercher d’abord
le royaume de Dieu ; et celui qui foule le grain, c’est-à-dire
discerne, par la prédication, les bons d’avec les méchants, comme on sépare
le grain de la paille, doit le faire pour régler les moeurs, avec l’espérance d’en avoir sa part ;
(II Tim., II, 6) : "Il faut que le laboureur travaille avant de
recueillir la moisson" et (Ecclésiastique VI, 19) : "Celui
qui laboure et qui sème s’en approche, et attend en paix ses excellents
fruits." |
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Lectio 2 |
Leçon 2 : 1 Corinthiens IX, 11-14 — Il est permis de vivre de l'Evangile |
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SOMMAIRE. Par une comparaison avec ceux qui servent au temple et à l’autel, l’Apôtre établit qu’il lui est licite de recevoir ce qui est nécessaire à la vie, puisqu’il est permis à qui prêche l’Evangile de vivre de l’Evangile. |
[11] si nos vobis spiritalia seminavimus magnum est si nos
carnalia vestra metamus [12] si alii potestatis vestrae participes sunt non potius nos
sed non usi sumus hac potestate sed omnia sustinemus ne quod offendiculum
demus evangelio Christi [13] nescitis quoniam qui in sacrario operantur quae de
sacrario sunt edunt qui altario deserviunt cum altario participantur [14] ita et
Dominus ordinavit his qui evangelium adnuntiant de evangelio vivere |
11. Si nous
avons semé parmi vous les biens spirituels, est-ce une grande chose que nous
recueillions un peu de vos biens temporels ? 12. Si
d’autres usent de ce pouvoir à votre égard, pourquoi n’en pourrons-nous pas
user plutôt qu’eux ? Mais nous n’avons pas usé de ce pouvoir, et nous
souffrons, au contraire, toutes sortes d’incommodités, pour n’apporter aucun
obstacle à l'Evangile du Christ. 13. Ne
savez-vous pas que les ministres du temple mangent de ce qui est offert dans
le temple, et que ceux qui servent à l’autel ont part aux oblations de
l'autel ? 14. Ainsi
le Seigneur a aussi ordonné à ceux qui annoncent l'Evangile de vivre de
l'Evangile. |
[90334] Petrus de
Tarantasia, In I Cor., cap. 9 l. 2 Superius
probavit per auctoritatem, quod licet accipere sumptus, hic probat idem per
rationem. Et primo probat hoc ex eorum obligatione; secundo
ex pseudo-apostolorum accipientium ab eis comparatione, ibi si alii
potestatis vestrae, etc.; tertio dicit, quod nihilominus noluit uti hac
potestate, ibi sed non usi sumus, et cetera. Prima ratio talis est : maius est dare
spiritualia quam accipere temporalia; ergo si apostolus dat spiritualia,
licet ei accipere temporalia. Primo ergo explicat beneficium impensum;
secundo explicat stipendium exhibendum, ibi magnum est si nos, et
cetera. Dicit ergo si nos, etc., quasi dicat : vere habemus potestatem
accipiendi sumptus a vobis; si enim nos seminavimus vobis spiritualia,
fidem scilicet et sacramenta spiritum alentia, a spiritu sancto ministrata, magnum
est si nos metamus, ad sustentationem nostram, carnalia? Id est,
ad carnis sustentationem concessa. Quasi dicat : non est magnum. Rom. XV, 27
: si spiritualium eorum participes facti sunt gentiles, debent in
carnalibus ministrare. Deinde cum dicit si autem alii, et cetera.
Ecce secunda ratio ad idem talis : veri apostoli licentius participant bona
subditorum, quam pseudo, sed pseudo-apostoli participant, ergo multo plus
veri apostoli participare debent. Primo ergo ponit antecedens; secundo
consequens, ibi quare non potius nos, et cetera. Dicit ergo si
autem alii, scilicet pseudo, quos non exprimit ex nomine, ne
confundantur, vocat eos alios quasi a consortio alienos Ecclesiae. Omnes enim
Catholici unum sunt. Io. XVII, 11 : ut sint unum, et cetera. Si,
inquam, alii potestatis vestrae participes sunt, id est, tam potenter
utuntur bonis vestris, quare non potius nos apostoli, qui causa
salutis vestrae laboramus? Eccli. XII, 5 : da bono, et ne receperis
peccatorem. Deinde cum dicit sed non usi sumus, hic ostendit, quod
noluit uti hac potestate. Ubi dicit primo se sumptus non accepisse; secundo
dicit se nihilominus indiguisse, ibi sed omnia sustinemus, etc.;
tertio rationem utriusque assignat, ibi ne quod offendiculum, et
cetera. Dicit ergo sed non, etc., quasi dicat : ecce patet quod licet
nobis sumptus accipere, sed tamen usi non sumus hac potestate.
Supra VI, 12 : omnia mihi licent, sed non omnia expediunt. Non sumus,
inquam, usi, non quia non indigeamus; sed omnia sustinemus,
quia et si penuriam patiamur, tamen patienter sustinemus. II Cor. XI, 9 : cum
essem apud vos et egerem, nulli onerosus fui. Et hoc feci ideo, ne
quod offendiculum demus Evangelio Christi. Hoc autem posset accidere, vel quia
pseudo-apostolis daret exemplum accipiendi; vel quia Corinthii avari erant et
scandalizarentur si ab eis acciperet, vel forte putarent se emisse licentiam
peccandi et diminueretur in apostolo auctoritas arguendi, et his modis daret
offendiculum Evangelio Christi. Prov. XV, 19 : via iustorum absque
offendiculo. Deinde cum dicit nescitis quoniam qui in
sacrario, et cetera. Probavit quod licet
sumptus accipere, primo per auctoritatem, secundo per rationem; tertio idem
probat hic per exemplorum multitudinem. Ubi primo inducit
similitudinem eorum qui templa reparant : secundo, eorum qui templo
ministrant, ibi et qui altari deserviunt, etc.; tertio adaptat
similitudinem his, qui praedicant, ibi et dominus ordinavit his, et
cetera. Quasi dicat : et vere licet mihi sumptus accipere : nescitis
quoniam qui in sacrario, id est, templo Iudaeorum vel gentilium, operantur,
ut artifices, quae de sacrario sunt, edunt? Sustentabantur enim
artifices de denariis qui in gazophylacio templi offerebantur, ut patet
tempore Ioas IV Reg. XII, 4 ss. Et qui altari templi Ierosolymitani,
vel etiam ipsi templo, ut sacerdotes, deserviunt, id est, devote
serviunt : una enim de duodecim abusionibus est irreverentia coram altari; cum
altari participant? Quia partem habent de his, quae offeruntur in altari,
ut patet per totum Leviticum, et maxime VI et VII cap., et sicut fit hic. Ita
et dominus ordinavit, id est rationabiliter disposuit, his qui
Evangelium annuntiant, de Evangelio vivere. Hoc ordinavit, dicens Matth.
X, 10 et Lc. X, v. 7 : dignus est enim operarius mercede sua. Notandum est hic, quod apostolus nominibus
multorum officiorum, praedicatorem hic designat, quia vocat eum primo militem
propter officium, Ecclesiam contra adversarios defendendo. II
Cor. X, 4 : arma militiae nostrae, et cetera. II Tim. II, 3 : labora
sicut bonus miles Christi. Secundo vinitorem, propter officium palmites
superfluos, id est malos, resecandi. Os. II, v. 15 : dabo ei vinitores
eius ex eodem loco. Sed heu Cant. I, 5
dicitur vineam meam non custodivi. Tertio pastorem, propter officium
subditos bono exemplo pascendi. I Petr. V, 2 : pascite qui in vobis est
gregem. Sed heu, quia hodie impletur illud Zach. XI, 17 : o pastor et
idolum derelinquens gregem, et cetera. Quarto
bovem, propter officium maturitatis in omnibus procedendi. Prov. XIV, 4 : ubi
non sunt boves, praesepe vacuum est. Iob I, v. 14 : boves
arabant, et asinae pascebantur iuxta eos, et cetera. Quinto aratorem, propter officium corda ad fidem et poenitentiam
aperiendi. Os. X, v. 11 : arabit Iudas, confringet sibi
sulcos Iacob, et cetera. Sexto trituratorem, propter officium malos a
bonis discernendi. Is. XLI, 15 : ego posui te quasi plaustrum triturans
novum, habens rostra ferrantia, et triturabis montes, et cetera. Septimo
seminatorem, propter officium frequenter et utiliter praedicandi. Lc. VIII, 5
: exiit qui seminat seminare semen suum. Ps. CXXV, 6 : euntes ibant,
et cetera. Octavo templi architectum, propter officium Ecclesiam construendi
et reparandi. Supra III, 10 : ut sapiens architectus fundamentum posui,
et cetera. Nono altaris ministrum, propter officium Deo devotum impendendi.
Supra IV, 1 : sic nos existimet homo, et cetera. Quaeritur hic super illud non sum liber, Glossa
: ipse enim apostolica dignitate potestatem habens non operari manibus,
sed de Evangelio vivere. Contra : ergo qui praedicant, non habentes
apostolicam dignitatem, non possunt sine opere manuum de Evangelio vivere.
Responsio. Glossa loquitur de potestate qua potest invitos ad hoc cogere, non
de spontanea, qua potest a voluntarie dantibus petere et accipere. Item ex
dicta Glossa videtur quod praelati non teneantur manibus operari. Contra Gen.
III, 19 : in sudore vultus tui vesceris pane tuo. Ipsi non sunt
exempti ab hac maledictione; ergo, et caetera. Responsio. Tenentur ad laborem
spiritualem, non corporalem, tamen bene facerent si occuparent se in honestis
antequam vacarent. Item super illud : nonne opus meum? Glossa : perfectum.
Contra : ipsi erant imperfecti. Responsio. Opus perfectum dicebantur, quia
eis apostolus praedicaverat, vel quia eos perfecte docuerat quantum in se
erat. Item super illud : numquid non habemus
potestatem manducandi? Contra Matth. X, 8 : gratis
accepistis, gratis date. Responsio. Gratis, id est, sine pretio, sed non
sine stipendio. Item super illud : quis pascit gregem, Glossa : ex
Evangelio viventes, panem gratuitum manducabant. Contra, subditi
tenebantur dare. Responsio. Gratuitas erat ex parte recipientium, quia
humiliter, non potestative recipiebant, licet debitus ex parte dantium. Item
: numquid de bobus cura est Deo? Quasi dicat : non. Contra Sap. c. VI,
8 : cura est illi de omnibus. Respondeo. Ibi loquitur de cura
generali, scilicet providentiae; hic de speciali, scilicet disciplinae. Item debet
in spe qui arat arare. Contra : spes non est de visibilibus, sed
aeternis. Responsio. Spes accipitur aequivoce. Item in spe fructus
percipiendi. Contra : non debet poni lucerna praedicationis sub
modio rei temporalis. Respondeo. Praedicare
in spe rei temporalis, non est ponere lucernam sub modio, sed praedicare
propter spem. Item si nos vobis seminaverimus spiritualia,
et cetera. Contra Gal. VI, 6 : quae seminaverit homo, haec et metet;
ergo qui seminat spiritualia, debet metere spiritualia, non carnalia, et
cetera. Respondeo. Ibi loquitur de messione mercedis, hic de messione
stipendii. |
Après avoir
prouvé plus haut, par voie d’autorité, qu’il est licite de recevoir une
rétribution, l’Apôtre établit une nouvelle preuve par voie de raisonnement. I° à raison des obligations
particulières aux prédicateurs ; II° par la
comparaison avec les faux apôtres, qui recevaient des Corinthiens un salaire
(verset 12) : Si d’autres usent de ce pouvoir à votre regard, etc. ; III° il dit que, néanmoins, il n’a pas voulu user de ce
droit (verset 12) : Cependant nous n’en avons pas usé, etc. I° Voici son premier raisonnement : C’est quelque chose de plus grand
de donner les biens spirituels que de recevoir les biens temporels ; donc si
l’Apôtre donne les biens spirituels, il lui est permis de recevoir les biens
temporels. Saint Paul explique I. quels biens
ont été donnés ; II. quelle est
la rétribution à recevoir (verset 11) : Est-ce une grande chose que nous, etc.
I. Il dit donc
: Si nous, etc. ; en
d’autres termes, nous avons véritablement le droit de recevoir de vous une
rétribution, car si nous avons semé
parmi vous des biens spirituels, c’est-à-dire la foi et les sacrements,
oeuvre de l’Esprit Saint, pour nourrir vos âmes, II. est-ce une grande chose qu’à notre tour nous
recueillions, pour notre subsistance, quelque peu de
vos biens selon la chair ? c’est-à-dire accordés pour la subsistance de
la chair ; comme s’il répondait : ce n’est pas grand-chose ; (Rom., XV,
27) : "Si les Gentils ont participé aux richesses spirituelles des
Juifs, ils doivent à leur tour leur faire part de leurs biens
temporels." II° (verset 12) : Si d’autres usent de ce pouvoir, etc., voici le
second raisonnement, qui établit le même principe : Les véritables apôtres
ont plus de droit que les faux apôtres à participer aux biens de ceux qui
leur sont soumis ; or les derniers y participent ; donc les apôtres
véritables peuvent le faire à un titre bien plus légitime. Il pose donc : I. l’antécédent, II. le conséquent
(verset 12) : Pourquoi n’en userions-nous pas bien plutôt qu’eux, etc.? I. Il dit donc Si
les autres, c’est-à-dire les faux apôtres ; il ne les désigne pas
par leur nom, pour ne pas les remplir de confusion, il les appelle les
autres, comme étrangers à la famille de l’Eglise, car tous les
catholiques ne font qu’un ; (Jean XVII, 11) : "Afin qu’ils
soient un, etc."- Si, dis-je,
d’autres usent de ce pouvoir à votre égard, c’est-à-dire disposent
avec tant de liberté de vos biens, II. pourquoi nous, apôtres, qui
travaillons pour votre salut, n’en userions-nous pas plutôt ?; (Ecclésiastique XII, 5) : "Donnez
à celui qui est bon, et n’assistez pas le pécheur." En ajoutant
(verset 12) : Cependant nous n’en avons pas usé, saint Paul rappelle
qu’il n’a pas voulu faire usage de ce droit. Il dit qu’il n’a pas accepté de
rétribution ; que néanmoins il en a eu besoin (verset 12) : et
nous souffrons tout, etc. Il donne la raison de l’un et de l’autre
(verset 12) : pour n’apporter aucun obstacle, etc. Il dit donc (verset
12) : Cependant nous n’avons pas usé, etc. ; en d’autres termes, il est évident qu’il nous est permis de
recevoir une rétribution ; cependant nous
n’avons pas usé de ce droit ; (ci-dessus, VI, 12) : Tout m’est
permis, mais tout n’est pas expédient. - Nous n’en avons pas, dis-je, usé,
non pas que nous n’en ayons eu aucun besoin, mais nous souffrons tout ; car bien que nous supportions des
privations, nous les supportons cependant avec patience ; (I1 Cor., XI,
9) : "Lorsque je demeurais parmi vous, et que j’étais dans la nécessité,
je n’ai été à charge à personne". J’ai agi ainsi (verset 12) pour
n’apporter aucun obstacle à l’Evangile de Jésus Christ. Or ceci pouvait
arriver, ou parce qu’il aurait donné lui-même aux faux apôtres l’exemple de
recevoir [des fidèles un salaire], ou parce que les Corinthiens, qui étaient
avares, se seraient scandalisés de ce qu’il eût reçu d’eux quelque chose ; ou
peut-être encore auraient-ils pu penser qu’ils avaient acheté la liberté de
pécher, et par là aurait été diminuée pour l’Apôtre l’autorité nécessaire à
la correction, ce qui eût été de toute façon un obstacle à l’Evangile de
Jésus-Christ ; (Prov., XV, 19) : "La voie du juste est sans
obstacle." III° (verset 13) : Ne savez-vous pas que les ministres du temple, etc.? Saint Paul
a prouvé qu’il est licite de recevoir une rétribution, d’abord par voie
d’autorité, ensuite par voie de raisonnement ; il le prouve, en troisième
lieu, par plusieurs exemples. I. Il tire une
similitude de ceux qui réparent le temple ; II. de ceux qui servent dans le temple (verset 13) : et
ceux qui servent à l’autel, etc. ; III. il adapte
la similitude à ceux qui prêchent l'Evangile (verset 14) : Ainsi le
Seigneur ordonne que ceux, etc. I. Saint Paul semble
dire : assurément il m’est permis de recevoir une rétribution, car (verset
13) : ne savez-vous pas que les ministres du temple, c’est-à-dire
que ceux qui sont employés dans le
temple des Juifs ou dans ceux des païens, comme ouvriers, mangent de ce
qui est offert dans le temple ? Les ouvriers, en effet, étaient
entretenus avec l’argent offert au trésor du temple, comme on le voit
pratiqué au temps de Joas (IV° Rois, XII, 4ss). II. Et ceux qui à
l’autel du temple de Jérusalem, ou dans le temple même, servent,
à savoir avec dévotion, car l’un des douze abus, c’est le manque de respect
près de l’autel, ont part à l’autel,
parce qu’ils ont une partie de ce qui est offert sur l’autel, ainsi qu’on le
voit dans le Lévitique, et surtout aux VI° et VII° chapitres. III. Et ce qui s’y
pratiquait, le Seigneur l’a réglé de la même manière, c’est-à-dire a
disposé avec raison que ceux qui prêchent l'Evangile vivraient de
l’Evangile. Il l’a ordonné quand il a dit (Matth., X, 10, et Luc, X, 7) :
"L’ouvrier mérite son salaire." Il faut
remarquer ici que l’Apôtre désigne le prédicateur par les noms de divers
offices. Il l’appelle : 1° soldat, parce qu’il défend l’Eglise
contre ses ennemis ; (II Cor., X, 4) : "Les armes de notre
milice, etc. ; et (II
Tim., II, 3) : "Travaillez comme un bon soldat de Jésus-Christ." 2° vigneron, de l’office qu’il exerce
à l’égard des sarments inutiles, c’est-à-dire en retranchant les méchants ;
(Osée, II, 15) : "Je lui donnerai des vignerons du même lieu."
Mais, hélas ! Il est dit (Cant., I, 5) : "Je n’ai pas gardé ma vigne !" 3° pasteur,
parce qu’il nourrit par le bon exemple ceux qui lui sont soumis ; (I
Pierre, V, 2) : "Faites paître le troupeau qui vous est confié".
Hélas ! encore, on voit s’accomplir aujourd’hui ce qui est dit au prophète
Zacharie (XI, 47) : "pasteur, ô idole, vous délaissez le troupeau, etc." 4° boeuf, en
raison de la maturité avec laquelle il doit procéder en tout ; (Prov.,
XIV, 4) : "Partout où ne sont pas des boeufs, la grange est
vide" ; et
(Job, I, 14) : "Vos boeufs labouraient, et les ânesses paissaient
près d’eux, etc." 5° laboureur,
parce qu’il ouvre les coeurs à. la foi et à la pénitence ; (Osée, X, 11)
: "Juda labourera et Jacob brisera les sillons, etc." 6° batteur de
gerbes, parce qu’il doit discerner les bons d’avec les méchants ;
(Isaïe, XLI, 15) : "Je vous ai établi comme un de ces chariots neuf
armés de pointes et de dents de fer, pour fouler le blé ; vous briserez les
montagnes, etc." 7° semeur,
parce qu’il doit prêcher fréquemment et utilement ; (Luc, VIII, 5) : "Un
homme sortit pour semer son grain" et (Psaume CXXV, 6) : "Ceux qui ont semé, etc." 8° architecte
du temple, parce qu’il doit construire et réparer l’Eglise ; (ci-dessus,
III, 10) : Comme un sage architecte, j’ai posé le fondement. 9° ministre
de l’autel, parce qu’il doit accomplir avec dévotion son ministère devant
Dieu ; (ci-dessus, IV, 1) : Que les hommes nous regardent comme les
ministres de Dieu, etc. Difficultés : Sur ce passage : Ne suis-je pas libre, etc.? la
Glose dit : « A raison de la
dignité apostolique, il avait le droit de ne pas travailler des mains, mais
de vivre de l’Evangile ». Objection : Donc ceux qui prêchent et qui
n’ont pas la dignité apostolique ne peuvent pas, sans le travail des mains,
vivre de l’Evangile. Réponse : La Glose parle du droit en vertu duquel il
peut forcer ceux qui résisteront, et non de celui par lequel il peut demander
et recevoir de ceux qui donnent spontanément. De cette même Glose on peut
conclure que les supérieurs ne sont pas tenus de travailler des mains.
Objection (Gen., III, 19) : "Vous mangerez votre pain à la sueur de
votre visage" ; or
les supérieurs ne sont pas exemptés de cette malédiction; donc, etc. -
Réponse : Ils sont tenus au travail spirituel, et non au travail corporel ;
cependant ils feraient bien s’ils s’occupaient d’un travail honnête avant de
se laisser aller au repos. Sur cet autre passage : Est-ce que vous n’êtes
pas mon ouvrage ? la Glose dit : « Son
ouvrage parfait ». Objection : ils étaient imparfaits. Réponse : On
les appelait « son ouvrage parfait », parce que l’Apôtre leur avait
annoncé l’Evangile, ou parce qu’il les avait instruits parfaitement autant
qu’il était en lui. Sur ces autres : Est-ce que nous n’avons pas le droit
d’être nourris ? Objection (Matthieu X, 8) : "Vous avez reçu
gratuitement, donnez gratuitement." Réponse : Gratuitement, c’est-à-dire sans se
vendre, mais non sans rétribution. Sur celui-ci : Qui est-ce qui fait
paître un troupeau ?, la Glose dit : « Vivant
de l’Evangile, ils mangeaient leur pain gratuitement ». Objection :
Les fidèles étaient tenus de le leur donner. Réponse : Il était gratuit,
quant à ceux qui le reçoivent, parce qu’il était reçu avec humilité, et non à
raison de leur droit, bien que ce fût une dette pour ceux qui le donnaient. Sur
ces paroles : Est-ce que Dieu s’occupe des bœufs ? saint Paul semble
répondre : non. Objection (Sag., VI, 8) : "Il a soin de tous."
Réponse : Là il s’agit du soin
général, c’est-à-dire de la Providence; ici d’un soin spécial et de la
discipline. Sur celles-ci : Celui qui laboure doit le faire dans l’espérance.
Objection : L’espérance a pour objet non les choses visibles, mais les
choses éternelles. Réponse : Cette expression est prise dans un sens
équivoque. Sur ces autres : Dans l’espérance d’avoir part aux fruits. Objection
: On ne doit pas mettre le flambeau
de la prédication sous le boisseau
de l’avantage temporel. Réponse : Prêcher avec l’espérance d’un avantage
temporel, ce n’est pas mettre la lampe sous le boisseau, mais prêcher à cause
de l’espérance. De même, Si nous avons semé parmi vous les biens
spirituels, etc. Objection (Gal., VI, 8) : "Ce que l’on aura
semé, on le moissonnera" ;
donc celui qui sème les biens spirituels doit recueillir les biens
spirituels et non les temporels, etc. Réponse : Dans le premier texte, il
s’agit de recueillir la récompense ; dans celui-ci, de recueillir la
rétribution. |
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Lectio 3 |
Leçon 3 : 1 Corinthiens IX, 15-18 — Pourquoi, en ce qui le concerne, Paul n'a rien demandé ? |
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SOMMAIRE : L’Apôtre établit que s’il n’a voulu recevoir aucune rétribution, c’est pour ne pas diminuer sa gloire, qui reste intacte du moment qu’il ne reçoit rien. |
[15] ego autem
nullo horum usus sum non scripsi autem haec ut ita fiant in me bonum est enim
mihi magis mori quam ut gloriam meam quis evacuet [16] nam si evangelizavero non est mihi gloria necessitas enim
mihi incumbit vae enim mihi est si non evangelizavero [17] si enim volens hoc ago mercedem habeo si autem invitus
dispensatio mihi credita est [18] quae est ergo merces mea ut evangelium praedicans
sine sumptu ponam evangelium ut non abutar potestate mea in evangelio |
15. Mais
pour moi, je n’ai usé d’aucun de ces droits. Et encore maintenant, je ne vous
écris point ceci afin qu’on en use ainsi envers moi, puisque j’aimerais mieux
mourir que de souffrir que quelqu’un me fit perdre cette gloire. 16. Car si
je prêche l'Evangile ce ne m’est pas un sujet de gloire, puisque j’y suis
obligé nécessairement, et malheur à moi si je ne prêche pas l’Evangile ! 17. Que si
je le prêche de bon coeur, j’en aurai la récompense ; mais si je ne le fais
qu’à regret, je dispense seulement ce qui m’a été confié. 18. Quelle
est donc ma récompense ? C’est qu’en prêchant l'Evangile, je prêche
gratuitement, sans abuser du pouvoir que j’ai dans l'Evangile. |
[90335] Petrus de Tarantasia, In I Cor.,
cap. 9 l. 3 Superius multipliciter probavit, quod sibi licet
accipere sumptus, hic ostendit, quod nihilominus non vult accipere, sed
abstinere tribus rationibus. Primo propter intentionem praemii; secundo
propter dilectionem Evangelii, ibi nam cum liber essem ex omnibus,
etc.; tertio propter expeditionem cursus sui, ibi nescitis quod hi, qui in
stadio currunt. In prima, primo dicit quare non vult accipere,
scilicet ne gloria sua evacuetur; secundo ostendit, quod accipiendo
evacuaretur, ibi nam si evangelizavero, non est mihi gloria, etc.;
tertio quod non accipiendo conservabitur, ibi quae est ergo merces mea,
et cetera. In prima, primo ostendit quod potestate accipiendi uti noluit;
secundo quod uti non intendit, ibi non autem scripsi hoc, ut, et
cetera. Dicit ergo ego autem, etc., quasi dicat :
tot modis constat, quod licet mihi sumptus accipere, sed tamen ego nulla
horum auctoritate, ratione, exemplo, ad accipiendum usus sum. Ipse enim vel ab aliis Ecclesiis accipiebat, ut II Cor. XI,
8 : alias Ecclesias spoliavi, etc., vel manibus operabatur, Act. XX,
v. 34. Non autem, etc., quasi dicat : non
sum usus, sed nec uti volo. Non enim scripsi haec, scilicet quod licet
mihi accipere, ut ita fiat in me, sicut scripsi, id est, ut ego
accipiam, quia non quaero datum, sed fructum. Deinde cum dicit bonum est
enim mihi, etc., hic ostendit quare hoc fecit, scilicet ne gloria sua
evacuetur. Ubi primo multiplicat afflictionem corporalem; secundo supponit ei
gloriae diminutionem, ibi quam ut gloriam, et cetera. Dicit ergo bonum
est, etc., quasi diceret : non accipiam, nam si acciperem, gloriam meam
evacuarem, quod nullatenus facerem. Bonum est enim mihi mori, non
solum sumptuum egestate affligi, magis quam ut gloriam meam, quam
habeo de gratuita sinceritate praedicationis, de praemio supererogationis,
abstinendo a licitis, quis evacuet, ab aliquo importune accipiendo,
vel propter sumptus evangelicos. Multi tamen moderni doctores gloriam istam
evacuant, vel propter intentionem sumptuum, vel propter favorem humanum,
dicente Iob XII, 19 : ducit sacerdotes inglorios et optimates supplantat.
Notandum est hic, quod gloria amittitur
septempliciter propter septem vitia. Nam gloria gulosorum evacuatur. Unde hic
dicitur : bonum est enim mihi magis, et cetera. Gloria luxuriosorum
maculatur. Eccli. c. XLVII, 21 s. : inclinasti faemora tua mulieribus,
dedisti maculam in gloria tua. Gloria superborum captivatur. I Mach. c.
II, 9 : vasa gloriae eius captiva ducta sunt. Gloria iracundorum
intermittitur. Ps. XII, v. 5 : si reddidi retribuentibus mihi mala, etc.,
et post : persequatur inimicus animam meam, etc., et post : et
gloriam meam in pulverem deducat. Gloria invidorum excluditur. Rom. III,
27 : ubi est gloriatio tua? Gloria avarorum annihilatur. Ps. : ne
timueris dum dives factus erit homo, et cetera. Gloria accidiosorum
culpatur. I Mach. IX, v. 10 : moriamur in virtute propter fratres nostros,
et non inferamus crimen gloriae nostrae. Eccli. XXXIII,
44 : praecellens esto in operibus tuis, et ne dederis maculam in gloria
tua. Ergo per gulam evacuatur gloria sobrietatis : per luxuriam maculatur
gloria castitatis : per superbiam captivatur gloria humilitatis : per
iracundiam intermittitur gloria mansuetudinis : per invidiam excluditur
gloria charitatis : per avaritiam annihilatur gloria liberalitatis : per
accidiam culpatur gloria strenuitatis. De istis dicitur Osee IV, 7 : gloriam
eorum in ignominiam commutabo. De primo exemplum in Esau, Gen. XXV, v.
29, in Holoferne, Iudith XIII, 1; de secundo in Salomone, III Reg. II, 13; de
tertio in Lucifero, Is. XIV, 12; de quarto in Achitophel, II Reg. XVI, 20; de
quinto in Cain, Gen. IV, v. 3; de sexto in Giezi, IV Reg. V,
20; de septimo in exploratoribus, Num. XIII et XIV. Nam et si
evangelizavero, et cetera. Hic ostendit quod accipiendo sumptus
evacuaretur gloria eius, quia non supererogaret. Et est sua ratio talis :
gloria quae est praemium supererogationis, non debetur operibus necessitatis,
ad quae tenemur ex praecepto; sed evangelizare tenebatur ex praecepto, ergo
ex hoc non habebat gloriam supererogationis, sed potius ex hoc, quod non
accipiebat sumptus. Primo ergo tangit gloriae evacuationem; secundo
evacuationis rationem, ibi necessitas enim mihi est, etc.; tertio
rationis declarationem, ibi vae enim mihi est, etc.; quarto recte
evangelizantium mercedem, ibi si volens hoc ago, et cetera. Dicit ergo nam si evangelizavero, etc.,
quasi diceret : vere evacuaretur gloria mea, nam si evangelizavero,
ita quod sumptus accipiam, non est mihi gloria, id est,
supererogationis praemium; necessitas enim mihi incumbit, Act. XXII,
21 : vade, quoniam ad nationes longe mittam te. Et vere necessitas vae
enim mihi est, id est poena transgressionis in me manet, si non
evangelizavero, Is. VI, 5 : vae mihi, quia tacui. Aliter legitur
secundum Glossam. Et hoc dupliciter. Primo modo sic nam si, etc., quasi
dicat : utique evacuaretur gloria mea caelestis, scilicet si ideo
praedicarem, ut sumptus acciperem. Nam si evangelizavero tantum, ita
quod non ex dilectione Dei et proximi hoc faciam, nec libera voluntate, non
est mihi gloria apud Deum; necessitas enim praecepti, quod non audeo
omittere, mihi incumbit; unde si solo timore servili praedico, vae
enim, id est, aeterna damnatio, mihi est si non evangelizavero,
sicut mihi iniunctum est. Si autem volens, et cetera. Quasi dicat : si
necessitate hoc facio, non est mihi gloria, si autem volens hoc ago,
id est, si voluntatem adiungo necessitati, mercedem aeternam habeo;
ideo Ps. LIII, 8 dicit : voluntarie sacrificabo tibi, et confitebor,
et cetera. Si autem invitus, id est, solo praecepto coactus
evangelizo, dispensatio mihi credita est, sicut servo, ut scilicet
dispensem ad aliorum utilitatem, non meam; quasi dicat, aliis proficio, non
mihi. Intelligit enim hoc de dispensatione servili, non filiali; secundum
Glossam Augustini, nemo invitus bene facit, etsi bonum est, quod facit.
Infra XIII, 3 : si charitatem non habuero, factus sum velut aes sonans,
et cetera. Secundo modo legitur sic : nam si
evangelizavero pro sumptibus accipiendis, non est mihi gloria de
supererogatione in praedicando. Peto enim contra me (Matth. X, 8 : gratis
accepistis, gratis date); necessitas enim vitae sustentandae mihi
incumbit; quia pro necessitate vitae praedico. Vae enim mihi est,
id est, famis cruciatio, si non evangelizavero. Si autem volens, id
est, si non pro victus necessitate, sed pro charitate, hoc ago, mercedem
aeternam habeo : si autem invitus, id est, pro necessitate coactus, dispensatio
mihi credita est sicut servo, et cetera. Deinde cum dicit quae est ergo merces mea,
etc., hic ostendit, quod non capiendo sumptus, gloria eius conservatur. Ubi
primo quaerit, secundo solvit, ibi ut Evangelium praedicans, et
cetera. Dicit ergo quae est merces mea, id est, quid faciendo mercedem
accipiam? Quia hoc est meritum mercedis, ut
scilicet ego praedicans Evangelium sine sumptu, ponam, id est
stabiliam, Evangelium, Is. XXVIII, 25 : ponet triticum per ordinem,
et cetera. Hoc autem faciebat, secundum Glossam, ne Evangelium venale
putaretur. Sine sumptu, inquam, et hoc ut non abutar potestate mea,
id est, mihi commissa in Evangelio praedicando, quod esset si acciperem
indistincte, quia perderem auctoritatem libere arguendi : quia, Eccli. XX,
31, xenia et dona excaecant oculos iudicum, et quasi mutus in ore avertet
correptionem. Ecclesiastica ergo utilitas implicatur in hac solutione,
scilicet confirmatio boni, quia ut Evangelium praedicans, et
declinatio mali, quia ne abutar potestate. Et notandum, quod quatuor tetigit differentias
eorum, qui tenentur praedicare. Quidam enim tenentur, sed non evangelizant,
hi merentur poenam. Quidam tenentur et evangelizant, sed coacti, hi non
merentur mercedem, sed vitant poenam. Quidam tenentur et evangelizant
voluntarie, sed accipiunt sumptus, et hi merentur mercedem, et vitant poenam,
sed non habent supererogationis gloriam. Quidam tenentur et evangelizant voluntarie,
nec accipiunt sumptus, et hi mercedem merentur, et vitant poenam, et habent
supererogationis gloriam. Primum statum tangit, ibi vae mihi est,
etc.; secundum ibi nam si invitus, etc.; tertium, ibi si autem
volens, etc.; quartum, ibi quae est ergo merces, et cetera. |
Saint Paul
vient de prouver de plusieurs manières qu’il lui est permis de recevoir sa
subsistance ; il montre maintenant, que néanmoins il n’a pas voulu la
recevoir, et qu’il s’en est abstenu pour trois raisons : premièrement, dans
l’intention d’obtenir sa récompense ; secondement, par amour pour l’Evangile
(verset 19) : C’est pour cela qu’étant libre à l’égard de tous, etc. ; troisièmement, pour que sa
course fût plus libre (verset 24) : Ne savez-vous pas que quand on court
dans la lice ? Sur la
première de ces raisons, I° il dit
pourquoi il n’a voulu rien recevoir, à savoir pour que sa gloire demeurât
intacte ; II° il montre qu’en
recevant quelque chose, elle eût été flétrie (verset 16) : Or si je prêche
l'Evangile la gloire n’est pas à moi, etc. ; III° qu’en ne
recevant rien, il la conservera (verset 18) : Quelle est donc ma
récompense, etc. ? I° Sur la première de ces propositions, il fait voir I. qu’il n’a pas voulu
user du droit de recevoir ; II. qu’il n’a
pas l’intention d’en user (verset 15) : Et encore maintenant, je ne vous
écris point ceci, etc.. I. Il dit donc (verset
15) : Mais moi, etc., en d’autres termes, il est constant, par tant de
preuves, qu’il m’est permis de recevoir une rétribution ; et cependant je n’ai fait usage d’aucun de ces motifs,
ni de l’autorité, ni du raisonnement, ni des exemples pour exiger ;
car l’Apôtre ou recevait des autres Eglises, ainsi qu’il le dit (II Cor., XI,
8) : "J’ai dépouillé d’autres Eglises, etc.", ou travaillait
des mains (Actes, XX, 34). II. (verset 15) : je
ne vous écris point ceci, etc., comme s’il disait : Je n’ai point usé de mes droits, et
je n’en veux point user, car je ne vous ai point écrit ceci, à savoir
qu’il m’est permis de recevoir une rétribution, afin qu’on en use ainsi
avec moi, comme je l’ai écrit, c’est-à-dire afin de la recevoir, parce
que je ne recherche point les dons, mais les fruits. A ces mots (verset 15) :
"J’aimerais mieux mourir, etc., saint Paul montre que s’il a agi ainsi, c’est pour ne pas
perdre sa gloire. D’abord, il montre le dernier terme de l’affection
corporelle, ensuite il y oppose l’amoindrissement de sa gloire (verset 15) : que
de perdre cette gloire, etc. Il dit donc : J’aimerais mieux, etc.,
en d’autres termes, je ne recevrai rien ; car si, je recevais, je flétrirais
ma gloire, ce que, pour rien au monde, je ne voudrais faire. En effet, j’aimerais mieux, je ne dis
pas seulement être affligé par la privation de ce qui m’est nécessaire, mais mourir,
que de voir ma gloire, celle que je tire de la gratuité absolue de ma
prédication, à qui revient la récompense de surérogation, attendu que je
m’abstiens de ce que j’ai le droit d’exiger, flétrie par un autre, en recevant à contre-temps de quelqu’un,
même la rétribution évangélique. Grand nombre pourtant de docteurs de notre
temps flétrissent cette gloire, soit en recherchant un salaire, soit par le
désir des faveurs humaines, quoiqu’il soit écrit au livre de Job (XII, 19) : "Il
fait que les pontifes sont privés de leur gloire, et que les grands tombent à
terre." Remarquez
que la gloire se flétrit de sept manières, à cause de sept vices. La gloire
de ceux qui pensent à leur ventre est perdue ; ce qui fait dire ici à saint
Paul : J’aimerais mieux mourir, etc. La gloire des voluptueux est
souillée ; (Ecclésiastique XLVII, 21) : "Vous vous êtes livrés
aux femmes, vous avez souillé votre gloire." La gloire des superbes
est en esclavage (I Macch., II, 9) : "Les vases de sa gloire ont été
emportés dans la terre étrangère." La gloire des colériques est
suspendue ; (Psaume XII, 5) : "Si j’ai rendu le mal à ceux qui
m’en avaient fait, etc." ;
et plus loin (verset 6) : "Que
l’ennemi poursuive mon âme, etc.", et "qu’il réduise ma gloire en poussière." La gloire de
l’envieux est rejetée ; (Rom., III, 27) : "Où est donc le sujet
de votre gloire ?" La gloire de l’avare est anéantie ; (Psaume
XLXIII, 17) : "Ne craignez pas en voyant un homme devenu riche, etc."
La gloire des lâches est sans valeur ; (I Macch., IX, 10) : "Mourons
courageusement pour nos frères, et ne souillons pas notre gloire par aucune
tache", et (Ecclésiastique XXXIII, 44) : "Dans toutes vos
oeuvres, soyez le maître, et n’imprimez pas de tache à votre gloire."
Donc, la gourmandise détruit la gloire de la sobriété ; la luxure souille la
gloire de la chasteté ; l’orgueil enchaîne la gloire de l’humilité ; la
colère met obstacle à la gloire de la douceur ; l’envie chasse la gloire de
la charité ; l’avarice fait disparaître la gloire de la libéralité ; la
paresse atteint la gloire de l’activité. C’est de ceux-là qu’il est dit au
prophète Osée (IV, 17) : "Je changerai leur gloire en
ignominie." Nous avons l’exemple du premier de ces vices dans Esaü
(Gen., XXV, 29), dans Holopherne (Judith XIII, 1) ; du second, dans Salomon
(III Rois, II, 1 à 13) ; du troisième, dans Lucifer (Isaïe, XIV, 12) ; du
quatrième, dans Achitophel (II Rois, XVI, 20) ; du cinquième, dans Caïn
(Gen., IV, 3) ; du sixième, dans Giézi (IV Rois, V, 20) ; du septième, dans
les espions (Nomb., XIII, 31, et XIV, 29). II° A ces paroles (verset 16) : Or si je prêche l'Evangile, etc., saint Paul montre qu’en acceptant une rétribution, sa gloire
serait anéantie, parce qu’il n’y aurait plus pour lui d’oeuvre de
surérogation. Voici quel en est son raisonnement : La gloire, qui est la récompense
de l’oeuvre de surérogation, n’est pas due aux oeuvres de nécessité,
auxquelles nous sommes tenus en vertu d’un précepte ; or l’Apôtre était tenu,
en vertu d’un précepte, de prêcher l’Evangile ; donc il n’avait pas, par la
prédication, la gloire de l’oeuvre de surérogation ; mais il l’obtenait de ce
qu’il ne recevait pas de rétribution. Il traite donc : I. de la perte de sa
gloire ; II. de la
raison de cette perte (verset 16) : Car c’est pour moi une obligation, etc.
; III. il explique cette
raison (verset 16) : Et malheur à moi si, etc.! IV. il dit quelle est
la juste récompense de ceux qui prêchent l’Evangile (verset 17) : Si je
fais cette oeuvre de bon cœur, etc. I. Il dit donc : Or
si je prêche, etc., comme s’il disait : assurément ma gloire serait
détruite ; car si je prêche l'Evangile pour recevoir un salaire, la
gloire n’en est pas à moi, c’est-à-dire il n’y a plus pour moi de
récompense de surérogation. II. (verset 16) : Car
c’est pour moi une obligation de le faire ; (Actes, XXII, 21) : "Allez, car je vous enverrai au loin vers
les Gentils." III. Et il y a
véritablement nécessité, car malheur à moi ! c’est-à-dire
la peine de la transgression m’attend si
je ne prêche pas l’Evangile ; (Isaïe, VI, 5) : "Malheur à
moi, à cause de mon silence !" On explique autrement suivant la
Glose, et cela de deux manières. D’abord ainsi : Or si je ne prêche, etc.,
en d’autres termes : assurément ma gloire, c’est-à-dire ma gloire
dans les cieux, serait détruite,
si je prêchais pour recevoir ma subsistance. En effet, si je prêche seulement, c’est-à-dire de telle
sorte que je ne le fasse point par amour de Dieu et du prochain, et sans
libre volonté de ma part, la gloire
n'en est pas à moi devant Dieu ; car
la nécessité du précepte que je n’ose point omettre pèse sur
moi, en sorte que si c’est par la seule crainte servile que je prêche, c’est
malheur ; en d’autres
termes, la damnation éternelle m’est
réservée si je ne prêche pas l’Evangile, comme l’ordre m’en a été donné. IV. (verset 17) : Mais
si je fais cette oeuvre de bon coeur, etc., comme s’il disait : que le
fais par nécessité, ce ne m’est pas un sujet de gloire ; mais si je fais cette oeuvre de bon coeur, c’est-à-dire si à ce
qui est nécessité j’apporte le concours de ma volonté, j’obtiens la récompense éternelle. Voilà pourquoi il est dit
(Psaume LIII, 8) : "Je vous offrirai de ma pleine volonté un
sacrifice, et je louerai votre nom, etc." - Mais si c’est à regret,
c’est-à-dire uniquement contraint par le précepte, que je prêche l'Evangile, je
ne fais plus que dispenser ce qui m’est confié comme un serviteur, en sorte que je le dispense pour
l’utilité des autres, et non pour la mienne propre ; en d’autres termes : je
suis utile aux autres, mais non à moi-même ; car saint Augustin (Ad fratres Eronos), selon la Glose,
entend ces paroles du dispensateur qui agit en mercenaire et non en fils. « Personne ne fait le bien malgré
soi, quand même ce qu’il ferait serait bien » ; (ci-après, XII 3)
: Si je n’ai pas la charité, je suis comme un airain sonnant, etc.
Secondement, on peut entendre : Car si je prêche l’Evangile pour
recevoir un salaire, je n’ai point droit à la gloire de l’oeuvre de
surérogation par ma prédication ; car ce que je réclame se retourne alors
contre moi ; (Matth., X, 8) : "Vous avez reçu gratuitement,
donnez gratuitement" - car la nécessité de sustenter ma vie pèse
sur moi, puisque je prêche pour les nécessités de la vie. Et c’est
malheur à moi, c’est-à-dire je suis exposé au tourment de la faim si
je ne prêche pas. - Mais si c’est de bon coeur, c’est-à-dire si j’agis
ainsi non pour les nécessités de la vie, mais par charité, j’obtiens la
récompense éternelle ;
si, au contraire, c’est à regret,
c’est-à-dire contraint par la nécessité, je n’ai plus que le mérite d’un serviteur, etc. III° A ces paroles (verset 18) : Quelle est donc ma récompense, etc.?" saint Paul
fait voir qu’en ne recevant aucune rétribution, il conserve sa gloire. I. Il pose une
question ; II. il la
résout (verset 18) : c’est de prêcher l’Evangile, etc.
I. Il dit donc : Quelle
est donc ma récompense ?, c’est-à-dire qu’ai-je à faire pour mériter ma
récompense ? II. C’est que le mérite de ma récompense consiste en
ceci, à savoir qu’en
prêchant l’Evangile gratuitement, je l’établisse, c’est-à-dire je
l’affermisse ; (Isaïe, XXVIII, 25) : "Il placera le froment à
son rang, etc." Or il agissait ainsi, selon la Glose, afin qu’on ne
regardât pas l'Evangile comme vénal ; que je le prêche, dis-je, gratuitement,
et qu’ainsi je n’abuse point
de mon droit, c’est-à-dire du pouvoir que j’ai reçu pour prêcher
l’Evangile, ce qui arriverait si j’acceptais quelque chose sans discernement,
parce que je perdrais ainsi le pouvoir de répondre en toute liberté ; en
effet, (Ecclésiastique XX, 31) : "Les présents et les dons aveuglent les
yeux des juges, et ils sont dans leur bouche comme un mors qui les empêche de
parler." L’utilité du ministère ecclésiastique est donc manifestée
par cette solution. On y voit, en effet, la confirmation du bien, puisqu’il
est établi pour la prédication de
l’Evangile, et l’éloignement du mal, puisque c’est pour ne pas abuser
du pouvoir que donne cette prédication. Il faut observer que l’Apôtre
indique ici une quadruple différence dans ceux qui sont tenus de prêcher. Les
uns y sont obligés, et en ne prêchant pas méritent punition ; les autres y
sont tenus et prêchent, mais malgré eux : ils évitent le châtiment, mais ne
méritent pas de récompense ; les troisièmes y sont tenus, et prêchent de bon cœur
; mais recevant un salaire, ils méritent une récompense et évitent le
châtiment, toutefois, ils n’obtiennent pas la gloire réservée aux oeuvres de
surérogation. Enfin les quatrièmes y sont tenus, prêchent de bon coeur, et ne
recevant pas de rétribution, ils reçoivent une récompense et évitent le
châtiment, et, de plus, obtiennent la gloire de l’oeuvre de surérogation. Saint
Paul indique les premiers, à ces mots : Malheur à moi, etc. ! ; les seconds, à ces autres : Car
si c’est malgré moi, etc. ;
les troisièmes, à ceux-ci : Mais si c’est de bon cœur ; enfin les quatrièmes, en disant :
Quelle est ma récompense, etc. ? |
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Lectio 4 |
Leçon 4 : 1 Corinthiens IX, 19-23 — Paul a tout fait pour l'Evangile |
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SOMMAIRE : L’Apôtre dit qu’il a estimé à si haut prix l’Evangile, qu’il n’a voulu, à son occasion, rien recevoir, même pour sa subsistance, et que pour l’établir il s’est fait le serviteur de tous. |
[19] nam cum liber essem ex omnibus omnium me servum feci ut
plures lucri facerem [20] et factus sum Iudaeis tamquam Iudaeus ut Iudaeos lucrarer [21] his qui sub lege sunt quasi sub lege essem cum ipse non
essem sub lege ut eos qui sub lege erant lucri facerem his qui sine lege
erant tamquam sine lege essem cum sine lege Dei non essem sed in lege essem
Christi ut lucri facerem eos qui sine lege erant [22] factus sum infirmis infirmus ut infirmos lucri facerem
omnibus omnia factus sum ut omnes facerem salvos [23] omnia
autem facio propter evangelium ut particeps eius efficiar |
19. Car
étant libre à l’égard de tous, je me suis rendu serviteur de tous, pour
gagner à Dieu plus de personnes. 20. Et j'ai
vécu avec les Juifs comme Juif, pour gagner les Juifs ; 21. Avec
ceux qui sont sous la Loi, comme si j'eusse encore été sous la Loi (quoique
je n'y fusse plus assujetti), pour gagner ceux qui sont sous la Loi ; avec
ceux qui n'ont pas de loi, comme si je n'eusse point eu moi-même (quoique
j'en eusse une à l’égard de Dieu, ayant celle du Christ), pour gagner ceux
qui étaient sans loi. 22. Je me
suis rendu faible avec les faibles, pour gagner les faibles. Je me suis fait
tout à tous pour les sauver tous. 23. Or je
fais tout pour l’Evangile, afin d’en être participant. |
[90336] Petrus de Tarantasia, In I Cor.,
cap. 9 l. 4 Superius ostendit, quod non vult sumptus
accipere, et hoc propter intentionem praemii, hic ostendit, quod idem fecit
propter amorem Evangelii. Ubi primo dicit, quod omnium se servum fecit;
secundo quod omnibus se contemperare studuit, ibi et factus sum Iudaeis,
etc.; tertio subdit causam quare hoc fecit, ibi omnia autem facio propter
Evangelium, et cetera. In prima implicat
triplicem conditionem commendabilem in servitio : quae sunt generalitas,
liberalitas, utilitas. Servit ergo gratis sive liberaliter, ibi cum
essem liber, etc., generaliter, ibi omnium me, etc., utiliter, ibi
ut plures lucrifacerem, et cetera. Dicit ergo nam cum essem,
etc., quasi dicat : sine sumptu ponam Evangelium, nam et maius feci, scilicet
quod cum liber essem ex omnibus, etc., id est, nullius meritis
obnoxius, omnium me servum feci, omnibus me contemperando per
vilitatem, et quasi debitorem constituendo, II Cor. IV, 5 : nos autem
servos vestros per Iesum. Et hoc ut plures lucrifacerem, id est,
lucrum meae praedicationis et servitutis facerem. Quaerebat enim non res, sed
animas. II Cor. XII, v. 14 : non quaero vestra, sed vos. Si enim
commendabile est servire in temporalibus propter lucrum temporale, quanto
plus in spiritualibus propter lucrum spirituale? Deinde, cum dicit et factus sum Iudaeis,
etc., hic ostendit, quod omnibus se contemperare studuit. Et primo dicit quod
contemperavit se nondum conversis; secundo quod etiam iam conversis, ibi factus
sum infirmis, etc.; tertio quod generaliter universis, ibi omnibus
omnia factus sum, etc. in prima primo dicit, quod contemperavit se
Iudaeis; secundo quod Samaritanis, ibi et his qui sub lege, etc.; tertio
quod gentilibus, ibi his qui sine lege erant, et cetera. In prima, primo tangit contemperationem; secundo contemperationis
rationem, ibi ut Iudaeos, et cetera. Dicit ergo : et factus sum
Iudaeis tamquam Iudaeus, scilicet aliqua legalia servando, sicut in
discretione ciborum, in circumcisione Timothei Act. XVI, 3, in purificatione
legali Act. XXI, 24. Potest autem hoc intelligi dupliciter. Uno modo,
secundum Hieronymum, factus sum Iudaeis tamquam Iudaeus, per
simulationis dispensationem. Simulabat enim se servare legalia aliqua,
quae tamen non servabat. Alio modo, secundum Augustinum, factus sum
Iudaeus, et cetera. Vere enim condescendebat eis in observatione
aliquorum legalium propter piam compassionem; et hoc fecit, ut Iudaeos
lucraretur Christo, id est, eos ad fidem Christi converteret. Deinde, cum
dicit et his qui sub lege sunt, etc., hic dicit quod contemperabat se
Samaritanis. Ubi notantur tria de ipso. Primo eius sagacitas in hoc quod se
contemperabat; secundo eius libertas in hoc quod sub lege non erat; tertio
eius utilitas in hoc quod lucrifaciebat. Dicit ergo : sum etiam his qui
sub lege Moysi sunt, id est Samaritanis, qui non sunt Iudaei sed
Assyrii, qui fuerunt adducti ad inhabitandum terram Israel, IV Reg. XVII, v.
24 ss. Isti etiam erant sub lege Moysi, quia tantum quinque libros Moysi
recipiebant. His ergo factus sum quasi sub lege essem, approbando
scilicet legem, et ex ea docendo Christum, cum tamen ipse sub lege non
essem, secundum litteralem observantiam, vel serviliter, quia iusto
non est lex posita, I Tim. I, 9. Et hoc ideo feci ut eos, qui sub lege
erant, scilicet ipsos Samaritanos, lucrifacerem, eos ad fidem
Christi convertendo. Deinde, cum dicit his qui sine lege erant, etc.,
hic dicit quod contemperavit se gentilibus. Ubi primo tangit suam
conformitatem; secundo suae fidei veritatem, ibi cum tamen sine lege,
etc.; tertio suae intentionis rectitudinem, ibi ut lucrifacerem, et
cetera. Et hoc est : et factus sum his qui sine lege erant, id est
gentibus, Rom. II, 14 : cum enim gentes, quae legem non habent, tamquam
sine lege essem, id est, assentiendo rationibus eorum, et bonis
positionibus philosophorum, ut patet Act. XVII; cum tamen sine lege non
essem. Rom. VII, 25 : mente servio legi Dei. Sed in lege essem,
non Iudaica, sed Christi, qui est Deus, non autem Moyses. De qua Gal.
VI, 2 : alter alterius onera portate, et sic adimplebitis, et cetera.
Et hoc ideo feci ut lucrifacerem eos qui sine lege erant, gentiles ad
fidem convertendo. O felix zelator. Gregorius : nullum tale sacrificium
quale zelus animarum. Deinde, cum dicit factus sum infirmis, etc.,
hic ostendit quod se contemperavit iam conversis. Ubi primo ponit modum
bonum, secundo finem debitum, ibi ut infirmos. Dicit ergo factus
sum etiam infirmis, in fide, infirmus, a licitis abstinendo. II
Cor. c. XI, 29 : quis infirmatur, et ego non infirmor? Sic facit bonus
medicus, qui comedit cibum infirmi, ut eum provocet ad comedendum, et sic
sanet. Et hoc feci ut infirmos lucrifacerem, eos in fide roborando. Et
breviter omnibus omnia factus sum, quasi essem omnium sectarum. Ideo
dicitur infra X, 33 : sicut et ego per omnia omnibus placeo. Et hoc ut
omnes facerem salvos. In vestimento poderis quod habebat Aaron, totus
orbis terrarum erat descriptus, Sap. c. XVIII, 24. Et, IV Reg. IV, 34,
Eliseus contraxit se ad modum pueri, et sic suscitavit illum. Et quia,
secundum Boetium, omnis alteritas discors, similitudo vero appetenda est;
ideo viri spirituales, salva vitae et religionis suae observantia, omnibus se
debent conformare. Deinde, cum dicit omnia facio propter
Evangelium, superius ostendit quod omnibus se contemperare studuit; hic
subdit rationem quare hoc facit, et hanc duplicem : unam ex parte Evangelii,
scilicet ut cursum liberum habeat; aliam ex parte sui, scilicet ut promissum
praemium obtineat, ibi ut particeps, et cetera. Et hoc est quod dicit omnia
autem facio propter Evangelium, sine impedimento praedicandum, ut
particeps eius, id est, promissionum, quae in eo continentur, efficiar.
Matth. V, 19 : qui fecerit et docuerit, hic magnus vocabitur in regno
caelorum. |
L’Apôtre,
après avoir établi plus haut qu’il ne veut pas recevoir de rétribution dans
l’intention d’obtenir sa récompense, montre ici qu’il l’a fait aussi par
amour pour l’Evangile. Il dit donc : I° qu’il s’est fait le serviteur de tous ; II° qu’il s’est
appliqué à s’accommoder à tous (verset 20) : J’ai vécu avec les Juifs, etc.; III° il indique le motif pour lequel il a agi ainsi (verset
23) : Je fais toutes ces choses pour l’Evangile, etc. I° Dans le premier de ces points, il énonce trois conditions qui
recommandent un ministère : l’universalité, la libéralité et
l’utilité. Il sert donc I. gratuitement
ou avec générosité (verset 19) : C’est pour cela qu’étant libre ; II. universellement (verset 19) : Je me suis rendu le
serviteur de tous ; III. utilement (verset
19) : afin d’en gagner un plus grand nombre, etc. Il dit donc
(verset 19) : C’est pour cela qu’étant libre, etc. ; en d’autres termes, je prêcherai
gratuitement l’Evangile, car j’ai fait plus encore, c’est-à-dire étant
libre à l’égard de tous, c’est-à-dire n’étant engagé à qui que ce
soit par des services, je me suis fait le serviteur de tous,
m’accommodant à tous et me constituant comme leur débiteur pour leur utilité [le latin
« vilitatem » (qualité de ce qui est sans valeur, mépris) me paraît
incompréhensible dans ce contexte ; « utilitatem » serait plus
correct] (II Cor., IV, 5) : "Nous nous regardons comme vos serviteurs pour
Jésus-Christ," et cela pour en gagner un plus grand nombre,
c’est-à-dire pour assurer les fruits de ma prédication et de mon dévouement ;
car l’Apôtre cherchait non les biens, mais les âmes ; (II Cor., XII, 14)
: "Je ne cherche point ce qui est à vous, mais vous-mêmes."
S’il est louable de servir dans les choses temporelles, et pour un profit
temporel, combien l’est-il davantage de servir dans les choses spirituelles,
et pour un profit spirituel ? II° Lorsqu’il ajoute (verset 20) : J’ai vécu avec les Juifs, etc., l’Apôtre
fait voir qu’il s’est appliqué à s’accommoder à tous. Il dit qu’il l’a fait I. de ceux qui
n’étaient pas encore convertis ; II. à l’égard
de qui étaient convertis (verset 22) : Je me suis rendu faible avec les
faibles, etc. ; III. qu’il l’a fait
généralement pour tous (verset 22) : Enfin je me suis fait tout à tous, etc.
I. Dans la première
partie, il dit qu’il s’est accommodé : 1° aux Juifs, 2° aux
Samaritains (verset 21) : avec ceux qui n’étaient pas sous la Loi ; 3° aux Gentils (verset 21) : avec ceux qui n’avaient pas
de loi, etc. 1° A l’égard des Juifs, il rappelle d’abord
sa condescendance ; ensuite, la raison de cette condescendance, à ces mots
(verset 20) : afin de gagner les Juifs, etc. Il dit donc : J’ai vécu
avec les Juifs comme un Juif, c’est-à-dire en gardant quelques
observances légales, par exemple le discernement des aliments, la
circoncision de Timothée (Actes, XVI, 3), la purification légale (Actes, XXI,
24). Or on peut entendre ceci de deux manières : d’abord, avec Jérôme (lettre
à saint Augustin, XI) : J’ai vécu avec les Juifs comme Juif,
par une sorte de dissimulation dans la conduite ; car il feignait de garder
les prescriptions de la Loi, sans cependant les observer ; ensuite, avec saint
Augustin (lettre XIX, 1) : J’ai
vécu comme Juif ;
car il condescendait véritablement à leur état, en gardant quelques
prescriptions légales, par une charitable compassion. Il se conduisait ainsi
afin de gagner les Juifs à Jésus-Christ, c’est-à-dire pour les convertir à la
foi de Jésus-Christ. 2° A ces
paroles (verset 21) : "Avec ceux qui étaient sous la Loi, etc.,
il dit qu’il usait de condescendance pour les Samaritains. Il faut remarquer
dans sa conduite trois choses : d’abord sa sagacité, en ce qu’il
s’accommodait à eux ; ensuite sa liberté, en ce qu’il n’était plus sous la
Loi ; enfin le résultat, en ce qu’il les gagnait. Il dit donc : Avec ceux-là encore qui sont sous la loi
de Moïse, c’est-à-dire pour les Samaritains, qui ne sont pas Juifs, mais des
Assyriens amenés dans la terre d’Israël ; (IV Rois, XVII, 24ss), et
toutefois soumis à la loi de Moïse, dont ils recevaient seulement cinq
Livres. Pour ceux-là, dis-je,
j’ai vécu comme si j’eusse été sous la Loi, c’est-à-dire en approuvant
la Loi, et en tirant d’elle de quoi enseigner Jésus-Christ, quoique je n’y
fusse pas assujetti quant à l’observance servile ou selon la lettre,
car la Loi n’est pas faite pour le juste (I Tim., I, 9) ; et j’ai
agi ainsi pour gagner ceux qui sont
sous la Loi, c'est-à-dire les Samaritains, pour les convertir à la foi en
Jésus-Christ . Ensuite, quand il dit : avec
ceux qui étaient sans la Loi, etc. , il affirme qu’il s’est mis à la
portée des Gentils. D’abord il explique comment il s’est mis à leur
portée ; ensuite la vérité de sa foi : avec ceux qui sont sans la Loi, etc. ; troisièmement, la
rectitude de ses intentions : pour les
gagner, etc. Et : avec ceux qui
étaient sans la Loi comme si j’étais sans la Loi, c'est-à-dire avec les
Gentils ; (Rm II, 14 :
"Quand des Gentils qui n’ont pas
la Loi accomplissent les préceptes de la Loi", à savoir en marquant
leur accord aux raisons des Apôtres et aux bonnes idées des philosophes,
comme il apparaît dans (Act., XVII) ; alors que pourtant j’étais sans la Loi ; (Rm VII, 25) : "je
sers à la fois la loi de Dieu" ; mais je serais sous la loi, non pas la loi juive, mais la loi du Christ, qui est Dieu, alors
que Moïse ne l’est pas. A ce sujet (Gal.VI,2) : "Portez les fardeaux les uns des autres, et ainsi vous
accomplirez, etc. " Tout cela, je l’ai fait pourgagner [au Christ] ceux qui n’étaient pas sous la Loi, pour
convertir les Gentils à la foi. O quel heureux zèle ! Saint grégoire : ‘Il n’y a pas de sacrifice si grand que le
zèle pour les âmes’. Quand saint
Paul dit ensuite : Je me suis fait
faible, etc., il montre qu’il a usé de condescendance envers ceux qui
étaient déjà convertis, en deux points : d’abord il explique sa bonne
méthode, ensuite la fin qu’il se propose : avec les faibles. Il dit donc : Avec ceux qui étaient faibles dans la foi, je me suis fait faible, en m’abstenant de ce qui est permis ;
(II Cor., XI, 29) : "Qui est faible, sans que je sois faible avec lui
?" Ainsi le pratique un bon médecin, qui goûte aux aliments du
malade, pour l’exciter à manger, et par là le guérir. Et je l’ai fait (verset
22) afin de gagner les faibles, en les affermissant dans la foi. III. En un mot, Je me
suis fait tout à tous, comme si j’étais de toutes les opinions. Voilà
pourquoi il est dit (ci-après, X, 33) : Comme je m’efforce moi-même de
plaire à tous en toutes choses ;
et cela (verset 22) afin de les sauver tous ; (Sag., XVIII, 24) : Sur la robe sacerdotale que portait Aaron,
tout l’univers était représenté ; et (IV Rois, IV, 34) Elisée, s’étant
rapetissé à la taille de l’entant, le ressuscita. Et parce que, suivant
Boèce, « toute innovation produit
la discorde, et qu’il faut au contraire chercher l’assimilation »,
les hommes spirituels, en sauvegardant ce que demandent et leur vie et leur
religion, doivent s’accommoder à tous. III° (verset 23) : Je fais toutes ces choses pour l'Evangile. L’Apôtre,
après avoir, dans ce qui précède, établi qu’il a fait ses efforts pour
s’accommoder à tous, donne deux raisons de cette attitude : la première,
prise du côté de l’Evangile, à savoir afin que sa course soit libre ;
l’autre, prise de lui-même, à savoir pour obtenir la récompense promise, à
ces mots (verset 23) : afin d’y avoir part, etc. C’est
ce qui lui fait dire : Je fais toutes ces choses pour l’Evangile, qui
doit être prêché sans qu’on y mette d’obstacle, afin d’y avoir part, à
savoir aux promesses qu’il renferme ; (Matthieu V, 19) : "Celui
qui fera cela et enseignera sera grand dans le royaume des cieux." |
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Lectio 5 |
Leçon 5 : 1 Corinthiens IX, 24-27 — La liberté dans l'apostolat |
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SOMMAIRE : Qu’il faut courir avec liberté dans la carrière, et combattre avec plus de liberté encore à l’heure de la lutte. Voilà pourquoi l’Apôtre s’est abstenu de réclamer son nécessaire, s’appliquant en même temps à réduire son corps en servitude. |
[24] nescitis quod hii qui in stadio currunt omnes quidem
currunt sed unus accipit bravium sic currite ut conprehendatis [25] omnis autem qui in agone contendit ab omnibus se abstinet
et illi quidem ut corruptibilem coronam accipiant nos autem incorruptam [26] ego igitur sic curro non quasi in incertum sic pugno non
quasi aerem verberans [27] sed
castigo corpus meum et in servitutem redigo ne forte cum aliis praedicaverim
ipse reprobus efficiar |
24. Ne
savez-vous pas que quand on court dans la carrière, tous courent, mais un
seul remporte le prix ? Courez donc de telle sorte que vous le remportiez. 25. Or tous
les athlètes gardent en toutes choses une exacte tempérance, et cependant ce
n'est que pour gagner une couronne corruptible, au lieu que nous en attendons
une incorruptible. 26. Pour
moi, je cours, mais non comme au hasard ; je combats et je ne donne pas des
coups en l’air ; 27. Mais je
traite rudement mon corps, et je le réduis en servitude, de peur qu'ayant
prêché aux autres, je ne sois réprouvé moi-même. |
[90337] Petrus de Tarantasia, In I Cor.,
cap. 9 l. 5 Superius ostendit quod proposuit a sumptibus
abstinere, primo propter intentionem praemii, secundo propter amorem
Evangelii, hic, tertio, propter expeditionem cursus et agonis sui. Primo
quidem ostendit quod oportet in stadio expedite currere; secundo quod
similiter oportet in agone expedite certare, ibi omnis enim qui in agone,
etc.; tertio quod ipse facit utrumque, ibi ego igitur sic curro, et
cetera. In prima, primo ponit exemplum expedite currentium; secundo monet eos
ad similiter currendum, ibi sic currite, et cetera. In prima, primo tangit currendi exercitium; secundo
convenientiam currentium, ibi omnes quidem currunt, etc.; tertio
differentiam pervenientium, ibi sed unus accipit bravium, et cetera. In primo notatur conditio viatorum; in secundo multitudo vocatorum; in
tertio paucitas electorum. Matth. XX, 16 : multi sunt vocati, pauci vero
electi. Conditionem vero viatorum describit a tribus. A certitudine, cum
quaerit nescitis; a brevitate, cum addit in stadio; a labore,
cum subdit currunt. Dicit ergo nescitis. Quod
tripliciter continuatur. Primo modo sic quasi dicat : recte abstineo a
sumptibus sumendis, ut particeps efficiar. Nam si non abstinerem a contrariis
Evangelio, non essem eius particeps. Nescitis enim quod hi, et
cetera. Vel sic : nescitis quod hoc facio, ut particeps Evangelii
efficiar? Et utique possum esse particeps. Nam non sic est de Evangelii
praemio, vel de cursus bravio; quia hic unus accipit bravium, ibi vero omnes
accipere possunt. Tertio modo sic : nescitis, quasi diceret : ideo
autem sic curro, quia licet multi currentes sint, pauci tamen sunt pervenientes.
Nescitis enim quod hi qui in stadio currunt, omnes quidem currunt, in
labore pares sunt, sed unus tantum accipit bravium, id est, praemium
cursus? Stadium enim est spatium in quo pedites currunt, quod Hercules
dicitur statuisse. Perficiunt autem stadium 125 passus. Et dicitur stadium a
stando, quia Hercules tot passus currebat et postea stabat et respirabat; in
fine huius spatii ponebatur aliquid quod erat praemium cursus, ut equus et
pannus purpureus, et hoc dicitur bravium. Et licet in hoc stadio omnes
currerent, unus tamen solus accipiebat bravium, scilicet qui citius
perveniebat. Sic in cursu spirituali unus tantum, scilicet perseverans,
accipit bravium. Quia qui perseveraverit usque in finem, hic salvus erit. Deinde, cum dicit sic currite, etc., monet
eos ad currendum. Ubi implicat tria : actum strenuum currite, modum
debitum sic, finem optimum ut comprehendatis. Dicit ergo sic,
etc., quasi diceret : quia unus accipit bravium, sic currite, per viam
veritatis perseverantes, ut comprehendatis bravium vitae aeternae.
Hebr. XII, 1 : per patientiam curramus ad propositum nobis certamen. Deinde, cum dicit omnis autem qui in agone,
etc., ostendit quod in agone oportet expedite certare. Ubi primo tangit
agonizantium pugnam; secundo pugnandi formam firmam, ibi ab omnibus se
abstinet, etc.; tertio sic pugnantium mercedem debitam, ibi et illi
quidem ut corruptibilem, et cetera. Primum est necessitatis, scilicet
pugnare; secundum virtutis, scilicet abstinere; tertium felicitatis, scilicet
coronam accipere. Dicit ergo omnis qui in agone, etc., quasi
diceret : vere sic agendum est, quod patet exemplo : quia omnis qui in
agone contendit, ab omnibus impedientibus se abstinet. Unde et
nudi agonizabant in palaestra. Attende, ut Augustinus ait, quod de rebus
non laudandis multae trahuntur similitudines. Deinde, cum dicit et illi quidem ut
corruptibilem, etc., tangit pugnantium mercedem, et primo pugnantium
materialiter; secundo pugnantium spiritualiter, ibi nos autem incorruptam,
et cetera. Dicit ergo et illi quidem abstinent, ut corruptibilem
coronam accipiant, quod modicum est. Nos autem abstinere debemus,
ut accipiamus incorruptam, scilicet coronam vitae, de qua Iac. I, 12 :
beatus vir qui suffert tentationem, quoniam cum probatus fuerit, et
cetera. Deinde, cum dicit ego igitur sic curro,
etc., ponit exemplum utriusque, scilicet currendi et pugnandi. Ubi primo
tangit cursum suum in profectu boni; secundo pugnam suam in victoria mali,
ibi sic pugno, etc.; tertio rationem utriusque facti, ibi sed
castigo, et cetera. Dicit ergo ego igitur etc., quasi dicat : quia
talis corona servatur, igitur ego sic curro, bonum operando, non
quasi in incertum, id est, ut sim incertus de praemio. In incertum enim
currit qui talia facit, ut de quibusdam sperare, ex aliis vero possit desperare.
Omnia instruunt ad bonum : et persona apostolica, quae notatur ibi ego,
et forma implicita, quae notatur ibi sic, et actio strenua, quae
notatur ibi curro, et merces sperata, quae notatur ibi non quasi in
incertum. Phil. II, 16 : non in vacuum cucurri, nec in vacuum
laboravi. Sic pugno contra hostes, decertando contra malum, non quasi
aerem verberans, id est, non verbis tantum, sed factis. Non enim in sermone est regnum Dei, sed in virtute, supra IV, 20. Vel non quasi aerem verberans, id
est, non inaniter me fatigando, adversarium non laedendo. Sic erit perfectus homo, si sic se habeat, ut sit intentus in
confessione, Is. XXXVIII, 15 : recogitabo tibi omnes annos meos in
amaritudine animae meae, devotus in oratione, Matth. VI,
9 : sic ergo orabitis : pater noster, qui es in caelis, etc., efficax
in praedicatione, Iac. II, 12 : sic loquimini, et sic facite. Haec
tria pertinent ad actum oris recti, ita tamen quod confessio dirigitur Deo et
proximo, oratio soli Deo, praedicatio soli proximo. Fortis in pugnando. Unde sic
pugno, et cetera. Apoc. III, 5 : qui vicerit, sic vestietur veste alba.
Patiens in sustinendo. Iudith VIII, 23 : sic Isaac, sic Iacob, sic Moyses,
et omnes qui placuerunt Deo, per multas tribulationes transierunt fideles.
Cautus in servando. Ios. c. II, 16 : ad montana conscendite, ne forte
occurrant vobis revertentes, et cetera. Et sic ibitis viam vestram.
Primum propter malum culpae, scilicet pugna;
secundum contra malum poenae, scilicet patientia; tertium contra malum
tentationis, scilicet cautela. Benignus in condonando. Matth. XVIII, 14 : sic
non est voluntas ante patrem, et cetera. Inutilem se reputando. Lc. XVII,
10 : sic et vos cum feceritis omnia quae praecepta, et cetera.
Sollicitus, se discutiendo. Infra XI, 28 : probet autem se homo, et sic de
pane illo edat, et cetera. Primum reprobat malitiam proximi; secundum probat
bonitatem Dei; tertium dubietatem status proprii. Humilis in obsequendo.
Matth. III, 15 : sic decet nos implere omnem iustitiam. Agilis in
proficiendo. Unde hic v. 24 : sic currite, id est, proficite in bono, ut
comprehendatis. Constans in perseverando. Unde hic v. 24 : sic currite.
Phil. IV, 1 : sic state in domino, charissimi.
Famosus in conversando. Supra IV, 1 : sic nos existimet homo,
et cetera. Primum respicit incipientes; secundum proficientes; tertium
perseverantes; quartum perfectos. Deinde, cum dicit sed castigo corpus meum,
etc., tangit rationem praedictorum utriusque. Ubi primo tangit austeritatem
vitae; secundo commendationem doctrinae, ibi ne forte, etc.; tertio rationem
concordiae utriusque, ibi ipse reprobus, et cetera. Ergo implet facto,
quod docet verbo, ne se damnet ore proprio. Et hoc est quod dicit sed
castigo corpus meum, per declinationem mali, motus carnis illicitos
reprimendo. Castigo ergo, non occido, corpus meum, non tantum
alienum. Rom. XII, 1 : exhibeatis corpora vestra
hostiam viventem, sanctam, Deo placentem, rationabile obsequium vestrum. Et
in servitutem redigo per operationem boni, corpus scilicet spiritui
servire cogendo et sensualitatem rationi subiiciendo, sicut de beato Martino
legitur : carnem spiritui servire cogebat. Et
hoc facio, ne forte, cum aliis praedicaverim, et cetera. Augustinus : suo
timore nos terruit apostolus; quid enim faciet agnus, ubi aries timet et
tremit? Ipse reprobus, id est, a Deo reprobatus, efficiar, quod
turpe esset. Rom. II, 21 : qui praedicas non furandum, furaris. De
huiusmodi posset vere dici illud Iob IV, 3 : ecce docuisti plurimos,
etc. : nunc autem venit super te plaga, et defecisti. Hic quaeritur, ibi melius est mihi mori,
et cetera. Contra : gloria non evacuatur nisi per peccatum; ergo accipere
esset ei peccatum, non ergo licitum. Respondeo. Gloria essentialis per hoc
non evacuaretur, sed gloria accidentalis est de hoc opere supererogationis.
Item si evangelizavero, non est mihi gloria. Contra : evangelizanti et
sumptus accipienti debetur et aurea et aureola. Sed Glossa exponit : quando
evangelizatur ex necessitate timoris, vel ex cupiditate mercedis temporalis.
Item super illud dispensatio mihi credita est, Glossa : non debemus
evangelizare, ut manducemus. Contra : ergo praedicatores quaestuarii
peccant mortaliter, quia faciunt quod non debent. Respondeo. Si propter
quaestum principaliter faciunt, peccant : sed si propter fructum spiritualem
inde provenientem, bene faciunt, item ibidem Glossa : propter regnum Dei
debemus operari omnia non solum, sed cum regno Dei mercedem temporalem
meditari. Contra : ergo qui vadunt ad Ecclesiam pro
distributionibus, peccant. Respondeo. Verum est, si solum vel
principaliter propter hoc vadant. Item super hoc ut non abutar potestate,
Glossa : quod esset, si acciperet, quod probavit supra eodem quod ei licet
accipere. Respondeo. Intelligendum est si acciperetur indiscrete et
inordinate et immoderate. Item omnium servum me feci. Contra supra
VII, 23 : nolite servi effici hominum. Respondeo. Hic loquitur de
servitute charitatis, scilicet in bono, ibi de servitute iniquitatis,
scilicet in malo. Item factus sum Iudaeis Iudaeus, Glossa : in
cibis accipiendis, vel non accipiendis. Contra Glossa : iniuste ergo
reprehendit Petrum de discretione ciborum, Gal. II, 11. Immo bene, quia
Petrus discernebat cum scandalo gentium, scilicet in locis gentilium, Paulus
autem non. Item ibidem Glossa : propter scandalum Iudaeorum circumcidit
Timotheum, Act. XVI, 3. Contra : veritas doctrinae vitae et iustitiae non
debet dimitti propter scandalum. Respondeo. Usque ad divulgationem Evangelii
non erat de veritate doctrinae sive vitae, ne homines circumciderentur, sed
ne spem ponerent in circumcisione. Item ut omnes facerem salvos.
Contra, sciebat non omnes salvandos. Respondeo. Volebat omnes in particulari,
id est, quemlibet per se, non omnes simul. Item super illud omnes quidem
currunt, Glossa : in spirituali agone, quotquot quidem currunt, si
spiritualiter currunt, accipiunt; et qui prior venerit, expectat, ut
coronetur cum posteriori. Contra, unusquisque in morte coronatur.
Respondeo. Hoc intelligitur de gloria corporis, non animae. Item super illud ne
forte cum praedicaverim, Glossa : suo timore nos terret apostolus.
Contra, I Io. IV, 18 : perfecta charitas foras mittit timorem. Verum est timorem poenae, sed non timorem separationis sive offensae. |
Après avoir
ainsi établi qu’il s’est proposé de ne recevoir aucune rétribution, d’abord
dans l’intention d’obtenir sa récompense, en suite par amour pour l’Evangile,
saint Paul ajoute en troisième lieu qu’il l’a fait pour être plus libre et
dans sa course et dans son combat. Il montre I° qu’il faut courir sans embarras dans la carrière ; II° qu’il faut aussi
être tel dans le combat (verset 25) : Tous les athlètes qui veulent
lutter, etc. ; III° que lui-même
pratique l’un et l’autre (verset 26) : Pour moi, je cours, etc… I° Sur la première question, l’Apôtre
propose I. l’exemple
de ceux qui se débarrassent de tout obstacle pour courir ; II. il excite les
fidèles à courir de la même manière (verset 24) : Courez donc de telle
sorte, etc. I. Or, sur l’exemple
proposé, il rappelle : 1° l’exercice
de la course ; 2° le point
commun à ceux qui courent (verset 24) : Tous courent, il est vrai, etc. ; 3° la différence entre ceux qui
arrivent (verset 24) : mais un seul remporte le prix, etc. Le
premier de ces états désigne ceux qui sont en marche ; le second, la
multitude de ceux qui sont appelés ; le troisième, le petit nombre des élus ;
(Matth., XX, 16) : "Beaucoup sont appelés, mais peu sont élus." L’Apôtre
dépeint la condition de ceux qui sont en marche, d’abord par la certitude,
lorsqu’il demande : Ne savez-vous pas ?; ensuite par la brièveté de la course, quand il ajoute
: dans le stade ;
enfin, par le travail, quand il dit : Ceux qui courent. Il dit donc : Ne
savez-vous pas ?, ce qu’on peut expliquer de trois manières : d’abord,
comme s’il disait : je m’abstiens avec raison de toute rétribution pour avoir
part à la récompense, car si je ne m’abstenais de ce qui est contraire à
l'Evangile, je ne l’obtiendrais pas. En effet, ne savez-vous pas que ceux
qui, etc. ? Ou encore : Ne savez-vous pas que j’agis ainsi pour avoir part à l’Evangile ? assurément
je peux y avoir part, car il n’en est pas de ses récompenses comme de la
course dans la lice : dans la lice, un seul remporte le prix; mais dans la
pratique de l’Evangile, tous peuvent trouver la récompense promise. Enfin : Ne
savez-vous pas, comme s’il disait : si je cours ainsi, c’est qu’il y en a
beaucoup qui courent, peu cependant qui parviennent. En effet, ne savez-vous pas que, quand
on court dans la lice, tous partent il est vrai, ils sont égaux
dans le travail, cependant un seul
remporte le prix ? à savoir celui de la course. Le stade est l’espace
dans lequel on fait la course à pied ; on fait remonter à Hercule cette
institution. Le stade comprenait cent vingt-cinq pas ; on l’appelle stade, du
verbe latin « stare », se tenir debout,
parce qu’Hercule courait ce nombre de pas, puis s’arrêtait et se reposait. A
l’extrémité du stade, on plaçait l’objet qui était la récompense de la
course, par exemple un cheval ou un étendard de pourpre : c’était ce qu’on
appelle ici le prix de la victoire. Or, bien que dans le stade tous
courussent, un seul cependant
recevait ce prix, à savoir celui qui arrivait le premier ; de même,
dans la course spirituelle, un seul aussi, à savoir celui qui persévère,
emporte le prix, car celui qui sera sauvé, c’est celui qui aura persévéré jusqu’à la fin. II. Par ces paroles
qu’il ajoute (verset 24) : Courez donc de telle sorte, etc., saint
Paul exhorte les fidèles à courir. Il leur demande : 1° un acte courageux : Courez donc ; 2° la méthode convenable : de telle sorte ; 3° la fin désirable : que vous remportiez le prix. Il
dit donc : Courez donc, etc., comme s’il disait : puisqu’un seul
remporte le prix, courez donc de
telle sorte, par votre persévérance dans la voie de la vérité, que
vous obteniez le prix de la vie éternelle ; (Hébr., XII, 1) : "Courons,
par la patience, dans la carrière qui nous est ouverte." II° A ces mots (verset 25) : Tous les athlètes qui concourent, etc., l’Apôtre montre que,
pour combattre, il faut se dégager de tout ce qui embarrasse. Il rappelle I. la lutte des
combattants; II. la manière
la plus assurée de combattre (verset 25) : vivent dans la tempérance, etc.
; III. la récompense
légitime des combattants (verset 25) : cependant c’est pour gagner une couronne
corruptible, etc. Le premier état est une nécessité, à savoir
combattre ; le second, un acte de courage, à savoir s’abstenir ;.le
troisième, un bonheur, à savoir recevoir la couronne. I. Il dit donc (verset
25) : Tous les athlètes, etc., en d’autres termes, véritablement il
faut agir de cette manière ; car tous les athlètes qui entrent dans la
lice s’abstiennent de tout, c’est-à-dire de ce qui pourrait les arrêter
dans leur course : c’est ainsi que, dans la palestre, ils combattaient nus.
Remarquez, comme le dit saint Augustin, que « l’on tire souvent des comparaisons de choses qui ne sont pas
en tout louables. » II. A ces autres
paroles (verset 25) : Et il s’agit pour eux de gagner une couronne
corruptible, saint Paul indique la récompense des vainqueurs : 1° de ceux qui combattent
matériellement ; 2° de ceux
qui combattent spirituellement (verset 25) : au lieu que nous en
attendons une incorruptible, etc. III. Il dit
donc : Et eux s’abstiennent ainsi pour
gagner une couronne corruptible, ce qui est peu, mais nous, nous devons
nous abstenir, pour en
recevoir une incorruptible, à savoir la couronne de vie, dont saint
Jacques dit (I, 12) : "Heureux celui qui souffre patiemment la
tentation, parce que, lorsque sa vertu aura et éprouvée, etc." III° Lorsque l’Apôtre ajoute (verset 26) : Pour moi, je cours, etc., il donne un
exemple de l’un et de l’autre, c’est-à-dire de la course et du combat. Il
rappelle I. comment il
a couru dans la carrière du bien ; II. comment il a combattu pour obtenir la victoire sur le
mal (verset 26) : Je combats, etc. ; III. la raison
de l’un et de l’autre (verset 27) : mais je châtie mon corps, etc. I. Il dit donc (verset
26) : Pour moi donc, etc.;
en d’autres termes, puisqu’une telle couronne est promise, moi donc je
cours, en opérant le bien, et je ne cours pas au hasard, c’est-à-dire
comme si j’étais incertain de la récompense. C’est courir au hasard que de
faire des actions dont, pour quelques-unes on peut espérer une récompense et
désespérer pour les autres. Tout, ici, instruit pour le bien : et la personne
de l’Apôtre, qui est marquée par cette parole : et moi ; et la recommandation
générale, qui est désignée par celle-ci : de telle sorte ; et l’action courageuse,
exprimée par ce mot : je cours ; et la récompense espérée, qui est indiquée par
ceux-ci : et je ne cours pas au hasard ; (Philip., II, 16) : "Je n’ai ni couru ni
travaillé en vain." II. Je combats contre
l’ennemi, en attaquant le mal, non comme frappant l’air, c’est-à-dire
non en paroles seulement, mais en actions ; car (ci-dessus, IV, 20) : Le
royaume de Dieu ne consiste pas dans les paroles, mais dans la vertu ; ou encore, non comme en
frappant l’air, c’est-à-dire en me fatiguant inutilement, sans faire de
mal à l’ennemi. Ainsi donc l’homme sera parfait, s’il se conduit de telle
sorte qu’il soit : 1° attentif dans la confession ; (Isaïe, XXXVIII, 15) : "Je repasserai devant vous
toutes mes années dans l’amertume de mon âme." 2° fervent dans la prière ; (Matthieu VI, 9) : "Vous prierez
donc ainsi : Notre Père qui êtes aux cieux, etc." 3° plein de
force dans la prédication ; (Jacques II, 12) : "Réglez donc vos
paroles et vos actions. Ces trois dispositions appartiennent aux actes de
la confession légitime, en sorte toutefois que la confession s’applique à.
Dieu et au prochain, la prière à Dieu seul, et la prédication au prochain seul. 4° courageux dans le combat (ci-dessus, IX, 26) : Je combats donc, etc. ; (Apoc., III, 5) : "Celui
qui vaincra sera ainsi vêtu de blanc." 5° patient dans l’épreuve ; (Judith, VIII, 23) : "Ainsi Isaac,
ainsi Jacob, ainsi Moïse, et tous ceux qui plurent au Seigneur, sont restés
fidèles au milieu de nombreuses tribulations." 6° vigilant dans ses précautions ; (Josué, II, 16) : "Allez vers
les montagnes, de peur que ceux qui reviendront ne vous rencontrent, etc., et
après, vous reprendrez votre chemin." La première recommandation, le
combat, s’attaque au mal de la faute; la seconde, la patience, contre le mal
de la peine ; la troisième, la prudence, contre le mal de la tentation. 7° bienveillant
pour pardonner ; (Matthieu XVIII, 14) : "Ainsi ce n’est pas la
volonté de votre Père qui est dans les cieux, etc." 8° inutile à
ses propres yeux ; (Luc, XVII, 10) : "Quand vous aurez fait tout
ce qui vous est commandé, etc." 9° plein de
sollicitude pour se connaître soi-même : (ci-après, XI, 28) : Que l’homme
donc s’éprouve soi-même, et qu’ainsi il mange de ce pain, etc. Le premier
de ces sentiments réprouve la malice du prochain ; le second loue la bonté de
Dieu ; le troisième prévient ses doutes sur son état particulier. 10° humble à
prévenir les autres ; (Matthieu III, 15) : "Ainsi faut-il que
nous accomplissions toute justice." 11° actif à
faire des progrès dans la vertu, comme il est dit ici (verset 24) : Courez
donc de telle sorte, etc., c’est-à-dire avancez dans le bien de
manière à obtenir la récompense. 12° constant à
persévérer ; (Philip., IV, 1) : "Maintenez-vous fermes dans le
Seigneur, mes bien-aimés." 13° édifiant
dans toute la vie ; (ci-dessus, IV, 1) : Que les hommes nous
regardent comme, etc. Le premier devoir regarde ceux qui commencent ; le
second, ceux qui progressent ; le troisième, ceux qui persévèrent ; le
quatrième, les parfaits. III. Lorsqu’il dit
ensuite (verset 27) : Mais je châtie mon corps, etc., saint Paul donne
la raison de ce qu’il vient de dire sur l’une et l’autre de ces dispositions.
Et d’abord, il rappelle l’austérité de sa vie ; ensuite, la grandeur de la
doctrine qu’il prêche (verset 27) : de peur que, etc. ; enfin, le motif pour lequel il se
croit obligé à faire concorder l’une et l’autre (verset 27) : je ne vienne
à être moi-même réprouvé. Il accomplit donc en actions ce qu’il prêche en
paroles, pour n’être point condamné par sa propre bouche. Voilà pourquoi il
dit (verset 27) : Mais je châtie rudement mon corps, en me détournant
du mal et en réprimant les mouvements désordonnés de la chair. Je châtie, je
ne détruis pas mon corps, et
non point seulement celui des autres ; (Rom., XII, 1) : "Offrez
vos corps comme une hostie vivante, sainte et agréable à Dieu ; que votre
culte soit raisonnable." - et je le réduis en servitude, par la
pratique du bien, en le forçant d’obéir à l’esprit, et en soumettant la
sensualité à la raison, ainsi qu’on le raconte de saint Martin : « Il
forçait la chair à obéir à l’esprit ». Et j’agis ainsi de peur qu’après avoir prêché l’Évangile aux autres, etc. ; (Augustin, Les paroles de l'Apôtre) : « L’Apôtre nous effraye par sa frayeur; car que deviendra l’agneau si le bélier s’épouvante et se montre
saisi de terreur ? A être réprouvé », c’est-à-dire à être rejeté par
Dieu, ce qui me couvrirait de honte ; (Rom., II, 21) : "Vous qui
prêchez qu’on ne doit pas dérober, vous dérobez." A ces prédicateurs
réprouvés on pourrait dire comme Job (IV, 3) : "N’est-ce pas vous qui
en avez instruit plusieurs, etc.?" Cependant la plaie de Dieu vient aujourd’hui sur vous, et vous perdez
courage. Difficultés : Sur ces paroles : J’aimerais mieux mourir, etc. Objection
: la gloire ne se perd. que par le péché. Recevoir, pour saint Paul, eût donc
été un péché : ce n’est donc pas permis. Réponse : En recevant, la gloire
essentielle ne serait pas détruite, mais seulement la gloire accidentelle
attachée à cet acte de surérogation. Sur ces
autres : Si je prêche l’Évangile, la gloire n’en est pas à moi.
Objection : celui qui prêche et qui reçoit une rétribution a droit à la
couronne et à l’auréole. La Glose explique ces paroles de celui qui prêche par crainte ou par le désir d’une récompense
temporelle. Sur celles-ci : Je n’ai que le mérite d’un serviteur,
la Glose dit : « Nous ne devons
pas prêcher l’Évangile pour vivre ». Objection : donc les
prédicateurs qui vivent de quêtes pèchent mortellement, puisqu’ils font ce
qu’on ne doit pas faire. Réponse : S’ils le font principalement pour le
profit, ils pèchent ; mais s’ils le font pour le fruit spirituel qui en provient,
ils font une bonne action. La Glose, au même endroit, dit : « Pour le royaume de Dieu nous devons
faire tout ; mais avec le royaume de Dieu, nous devons de plus avoir en vue
la récompense temporelle ». Objection : donc ceux qui assistent à
l’église pour les distributions pèchent. Réponse : Cela est vrai s’ils y
assistent seulement ou principalement pour la distribution. Sur cette parole :
pour
que je n’abuse pas de mon droit, la Glose dit : Ce qui aurait lieu
s’il recevait une rétribution, puisqu’il a prouvé, dans ce chapitre, qu’il
lui était permis de recevoir. Réponse : Ceci doit s’entendre s’il recevait
sans discernement, sans règle et sans mesure. Sur cette autre : Je me suis
fait le serviteur de tous. Objection (ci-dessus, VII, 25) : Ne vous
rendez pas esclaves des hommes. Réponse : Il s’agit ici de la servitude
de la charité, c'est-à-dire dans le bien, et, dans l’objection, de la
servitude de l’iniquité, c’est-à-dire dans le mal. Sur celle-ci : Avec les
Juifs, j’ai vécu en Juif, la Glose dit : « en usant ou n’usant pas des viandes immolées ».
Objection : Saint Paul a donc repris
injustement saint Pierre, parce qu’il discernait les viandes ;
(Gal., II, 11). Réponse : Il l’a repris avec raison, parce que saint Pierre
faisait ce discernement au scandale des Gentils, c’est-à-dire dans les lieux
où les Gentils habitaient, ce que saint Paul ne faisait pas. La Glose, au
même endroit, dit : « à cause du
scandale des Juifs, il a circoncis Timothée » (Actes, XVI, 3).
Objection : on ne doit pas abandonner la vérité de la doctrine de la vie et
de la justice pour éviter le scandale. Réponse : Jusqu’à la promulgation de
l’Évangile, il n’appartenait pas à la vérité de la doctrine ou de la vie de
ne pas circoncire, mais de ne pas placer son espérance dans la circoncision. Sur
cette parole : afin de les sauver tous. Objection : il savait que tous ne
seraient pas sauvés. Réponse : Il voulait le salut de tous en particulier et
de chacun, mais non pas de tous simultanément. Sur cette autre : Tous courent,
la Glose dit : « Dans l’arène
spirituelle, tous ceux qui courent, s’ils courent spirituellement, obtiennent
le prix ; et celui qui arrive le premier attend le dernier pour recevoir sa
couronne ». Objection : chacun est couronné au moment de la mort.
Réponse : Ceci s’entend de la gloire du corps, et non de celle de l’âme. Enfin,
sur cette parole : de peur qu’après avoir prêché les autres,
la Glose dit : « L’Apôtre nous
épouvante par sa frayeur ». Objection (1 Jean IV, 18) : "L’amour
parfait chasse la crainte." Réponse : Cela est vrai de la crainte du
châtiment, mais non de la crainte de la séparation ou de l’offense. |
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Caput 10 |
CHAPITRE X — LE SENS DES ÉPREUVES [par Pierre de Tarentaise] |
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Lectio 1 |
Leçon 1 : 1 Corinthiens X, 1-5 — L'exemple des anciens hébreux et de leur idolâtrie |
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SOMMAIRE : L’Apôtre se sert de l’exemple des Juifs, qui ont adoré les idoles dans le désert, pour établir qu’il faut s’abstenir de tout ce qui a rapport à ces idoles, parce que tout ce qui est arrivé à nos pères est la figure de tout ce qui nous arrive. |
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[1] nolo enim vos ignorare fratres quoniam patres nostri omnes
sub nube fuerunt et omnes mare transierunt [2] et omnes in Mose baptizati sunt in nube et in mari [3] et omnes eandem escam spiritalem manducaverunt [4] et omnes eundem potum spiritalem biberunt bibebant autem
de spiritali consequenti eos petra petra autem erat Christus [5] sed non in pluribus eorum beneplacitum est Deo nam
prostrati sunt in deserto |
1. Je ne
veux pas que vous ignoriez, mes frères, que nos pères ont tous été sous la
nuée ; qu'ils ont tous passé la mer ; 2. Qu’ils
ont tous été baptisés sous la conduite de Moïse, dans la nuée et dans la mer ; 3. Qu’ils
ont tous mangé d’une même viande spirituelle, 4. Et
qu’ils ont tous bu d’un même breuvage spirituel (car ils buvaient de l’eau de
la pierre spirituelle qui les suivait, et le Christ était cette pierre). 5. Mais il
y en eut peu d’un si grand nombre qui furent agréables à Dieu, car ils
périrent dans le désert. |
[90338] Petrus de Tarantasia, In I Cor.,
cap. 10 l. 1 Superius monuit abstinere ab idolothitis, primo
propter vitandum scandalum fratrum infirmorum, cap. VIII, secundo propter
exemplum suum, qui abstinet propter alios ab acceptione sumptuum, c. IX, hic,
tertio, monet ad idem ex consideratione poenae Iudaeorum in deserto idola
venerantium, ubi, exemplo poenae istorum, primo monet abstinere a
perpetratione peccatorum similium; secundo specialiter a comestione idolis
immolatorum, ibi propter quod, charissimi, fugite ab idolorum cultura,
et cetera. In prima, primo ostendit quod antiquitus Iudaeis contigit; secundo
propter quod, quia non propter se tantum, sed propter nos corrigendos ita
evenit haec autem in figura facta sunt nostri, etc.; tertio, ut
exemplo eorum caveant, concludit, ibi itaque qui se existimat stare,
et cetera. Ergo poena timenda, causa memoranda, cautela adhibenda. In prima,
primo ponit beneficia gratiae eis impensa existentibus in Aegypto; secundo
praestita in deserto, ibi et omnes eamdem escam, etc.; tertio flagella
propter ingratitudinem inflicta, ibi sed non in pluribus, et cetera. In prima tangit tria beneficia. Primum, in
protectione nubis; secundum, in transitu maris rubri, ibi et omnes mare
transierunt, etc.; tertium, in purgatione Baptismatis, ibi et omnes in
Moyse, et cetera. Dicit ergo nolo vos, etc., quasi dicat : sic
agendum est, sicuti monui. Non enim sufficiunt sacramenta Ecclesiae suscepta
vobis postea peccantibus, sicut nec Iudaeis Dei beneficia, quin postea
punirentur. Nolo enim vos ignorare, et cetera. Hoc dupliciter legitur.
Uno modo de bonis et malis communiter; alio modo de malis specialiter. Primo
modo sic : nolo vos ignorare, fratres, quoniam patres nostri,
institutores fidei nostrae, omnes, tam boni quam mali, sub nube
protegente fuerunt. Ex. XIII, 21 : dominus praecedebat eos ad ostendendum
viam per diem in columna nubis, et cetera. Vel sub nube, id est,
sub figura et umbra. Hebr. X, 1 : umbram habens lex futurorum, et
cetera. Et omnes mare rubrum, submersis hostibus, transierunt,
non de una ripa ad ripam oppositam, sed ad eamdem, unde transierunt quemdam
sinum maris. Et omnes in Moyse, id est, in ducatu Moysi, baptizati
sunt in nube et in mari, id est, per visa signa illa purgati ab
ignorantia; vel a vitiis per fidem, scilicet submersis Aegyptiis. Ex. XIV, 31
: timuit populus dominum, et crediderunt domino et servo suo Moysi.
Vel baptizati sunt, id est, signum Baptismi receperunt. Nam Baptismus
constat ex aqua et spiritu. Io. III, 5 : nisi quis renatus fuerit ex aqua
et spiritu. Nubes autem symbolum erat spiritus, mare vero aquae, ut dicit
Damascenus. Deinde, cum dicit et omnes eamdem escam
spiritualem, etc., post beneficia exhibita Israel de Aegypto exeunti, hic
tangit beneficia exhibita in deserto. Et primo beneficium mannae; secundo
beneficium aquae, ibi et omnes eumdem potum, etc.; tertio potus
originem mirabilem, ibi bibebant autem, etc.; quarto, originis
significationem, ibi petra autem, et cetera. Dicit ergo et omnes
eamdem escam spiritualem manducaverunt, manna scilicet de caelo. Vocat
autem eam spiritualem, cum esset corporalis, quia miraculose fuit data; de
hoc habetur Sap. XVI, 20 : panem de caelo praestitisti eis. Et omnes
eumdem potum spiritualem, scilicet aquam de petra. Num. c. XX, 8 : loquimini
ad petram, et ipsa dabit vobis aquam. Percussit petram, et fluxerunt aquae.
Bibebant autem de petra spirituali, quae dicitur spiritualis propter
effectum miraculosum, propter futuri signum. Petra consequente eos.
Dupliciter intelligitur consequente, id est, satisfaciente voluntati
eorum. Ps. LXXVII, 29 : desiderium eorum attulit eis.
Aquae enim ubique sequebantur eos. Is. XLVIII, 21 : aquam
de petra produxit eis, et cetera. Vel consequente eos, id est
veritatem sequentem significante. Petra
autem erat Christus, non per substantiam,
sed per significationem. Matth. XXI, 42 hic est lapis quem
reprobaverunt, et cetera. Alio modo legitur de bonis breviter sic nolo
vos ignorare, fratres, quoniam patres nostri, institutores fidei nostrae,
omnes boni spiritualiter. Unde dicit : patres nostri, non illorum, sub
nube fuerunt, sicut prius, et omnes eamdem escam manducaverunt
spiritualem, id est, corpus Christi in signo spiritualiter intellecto. Unde eamdem escam spiritalem manducaverunt, idem scilicet quod nos,
sed aliam escam corporalem quam nos; et hoc quantum ad maiores in Christum
credentes. Manducabant Christum spiritualiter, secundum
illud : crede, et manducasti. Et omnes eumdem potum biberunt, scilicet
Christi sanguinem, in signo. Sic loquitur de signo et potu spirituali per
fidem, non de corporali. Bibebant autem de spirituali, etc., sicut
prius. Appetendus cibus et potus, quia sufficiens; unde dicit omnes
manducaverunt, indeficiens, quia eumdem; utilis, quia potus et cibus
spiritualis : quod notatur in ipso nomine spiritualis, et cetera. Deinde, cum dicit sed non in pluribus,
etc., post beneficia tangit flagella. Et primo offensam, secundo poenam, ibi nam
prostrati sunt. Dicit ergo sed non in pluribus, etc., quasi dicat
: his omnibus beneficiis usi sunt Iudaei, sed non in pluribus eorum
beneplacitum est Deo : in illis scilicet qui Deum offenderunt, sed tantum
in duobus, scilicet Caleph et Iosue, quibus solis concessum est terram
promissionis obtinere, Num. XIV, 24. Mal. I, 10 : non est mihi voluntas in
vobis. |
Dans ce qui
précède, saint Paul a averti de s’abstenir des viandes immolées aux idoles : d’abord,
pour éviter le scandale des frères faibles encore dans la foi (ch. VIII) ;
ensuite, pour imiter l’exemple de l’Apôtre qui, à cause des autres,
s’abstenait de percevoir un salaire (ch. IX) ; ici, en troisième lieu, il
donne le même avertissement, fondé sur la considération du châtiment des
Juifs qui, dans le désert, avaient adoré les idoles. Par l’exemple de ce
châtiment, il avertit : premièrement, de ne pas se rendre coupables de
semblables péchés ; secondement, de s’abstenir spécialement de manger des
viandes immolées aux idoles, à ces mots (verset 14) : C’est pourquoi, mes
très chers frères, fuyez l’idolâtrie, etc. Dans la première question, il
rappelle d’abord ce qui est arrivé autrefois aux Juifs ; il dit ensuite que
cela est arrivé non pas pour eux seuls, mais pour servir à notre correction
(verset 6) : Or toutes ces choses ont été des figures de ce qui nous
concerne, etc. ; enfin,
que les fidèles, en considérant cet exemple, doivent prendre garde (verset
12) : Que celui qui croit être ferme, etc. On doit donc craindre le
châtiment, se souvenir du péché qui l’a mérité, veiller continuellement. Sur
le châtiment des Juifs, l’Apôtre rappelle : I° les bienfaits qu’ils ont gratuitement reçus pendant
leur séjour en Egypte ; II° ceux
qu’ils ont reçus pendant qu’ils étaient dans le désert (verset 4) : et
tous ils ont mangé la même viande, etc. ; III° les fléaux
dont ils ont été punis, à cause de leur ingratitude (verset 5) : Cependant
la plupart d’entre eux ne furent pas agréables, etc. I° Parmi les bienfaits reçus, saint Paul en signale trois : la
protection de la nuée, le passage de la mer Rouge (verset 4) : Tous ils
ont passé la mer Rouge ;
le baptême qui les a purifiés (verset 2) : Tous, sous la conduite de
Moïse, etc. Il dit donc (verset 1) : Car je ne veux pas que vous, etc.
; en d’autres
termes, vous devez vous conduire comme je vous l’ai dit ; car les sacrements
de l'Eglise que vous avez reçus ne vous suffisent pas plus, si vous retombez
encore dans le péché, que les bienfaits de Dieu n’ont empêché les Juifs
d’être peu après punis : car je ne veux pas que vous ignoriez, etc. Ces
paroles peuvent s’entendre de deux manières : d’abord des bons et des
méchants en général, ensuite des méchants spécialement. Voici le premier sens
: Je ne veux pas que vous ignoriez que nos pères, ceux qui nous ont
transmis la foi, tous, bons et méchants ont été sous la nuée,
qui les protégeait ; (Exode XIII, 21) : "Or le Seigneur les
précédait durant le jour en une colonne de nuée, pour leur montrer leur voie,
etc. ; ou encore, ont
été sous la nuée, c’est-à-dire sous les figures et les ombres ;
(Hébr., X, 1) : "La Loi n’ayant que l’ombre des biens à venir, etc."
Et pendant que leurs ennemis étaient submergés, tous, ils ont passé la mer
Rouge, non en
traversant d’une rive à l’autre rive opposée, mais le long de la même rive,
et comme à travers une sorte de golfe. Et tous en Moïse, c’est-à-dire
sous la conduite de Moïse, ont été baptisés dans la nuée et dans la mer,
c’est-à-dire ont été, en voyant ces prodiges, purifiés de leur ignorance ou
de leurs vices par 1a foi, à savoir après l’engloutissement des Egyptiens ;
(Exode, XIV, 31) : "Le peuple craignit le Seigneur, il crut au
Seigneur et à Moïse, son serviteur" ; ou encore, ont été baptisés, c’est-à-dire ont reçu la
figure du baptême, car le baptême se forme de l’eau et de l’Esprit ;
(Jean III, 5) : "Si quelqu’un ne renaît de l’eau et de l’Esprit
Saint." Or la nuée était le symbole de l’Esprit, la mer le symbole
de l’eau, comme l’explique saint Jean Damascène. II° Lorsque l’Apôtre dit (verset 3) : Tous ils ont mangé la même viande
spirituelle, etc., saint Paul, après avoir
rapporté les bienfaits reçus par les Israélites à la sortie de l’Egypte,
rappelle ceux qui leur ont été accordés dans le désert, et d’abord celui de
la manne, ensuite celui de l’eau du rocher (verset 4) : Ils ont bu le même
breuvage, etc. ; en
troisième lieu, l’origine admirable de cette eau (verset 4) : Ils buvaient,
etc. ; enfin, le sens de
cette origine (verset 4) : et cette pierre était, etc.. Il
dit donc (verset 3) : Et tous ils ont mangé la même viande spirituelle,
à savoir la manne descendue du ciel. Il l’appelle spirituelle, bien
qu’elle fût corporelle, parce qu’elle avait été miraculeusement donnée ; car
c’est d’elle qu’il est dit (Sag., XVI, 20) : "Vous avez donné à votre
peuple le pain des anges." - Et tous ont bu d’un même breuvage
spirituel, à savoir de l’eau sortie du rocher ; (Nomb., XX, 8) : "Parlez
à la pierre, et elle vous donnera de l’eau" ; et (Psaume LXXVII, 20) : "Il
a frappé la pierre, et les eaux en ont coulé." (verset 4) : Car
ils buvaient de l’eau de la pierre spirituelle, ainsi appelée à cause de
son effet merveilleux, et en signe des événements futurs. (verset 4) : De la pierre, dis-je, qui les
suivait. Ces paroles peuvent s’entendre de deux manières : qui
les suivait, c’est-à-dire qui obéissait à leur volonté ;
(Psaume LXVII, 29) : "Dieu leur a accordé ce qu’ils désiraient."
Les eaux, en effet, les suivaient partout. (Isaïe XLVIII, 21) : "Le
Seigneur fit sortir pour eux l’eau de la pierre, etc." ; ou encore, qui les suivait,
c’est-à-dire marquait la vérité qui devait suivre. Or (verset 4) : cette
pierre était Jésus-Christ, non
quant à sa substance, mais dans sa signification ; (Matth., XXI,
42) : "C’est la pierre que ceux qui bâtissaient avaient rejetée, etc."
On peut encore entendre ce passage des bons. Voici le sens en peu de mots : Je
ne veux pas que vous ignoriez, mes
frères, que nos pères, ceux qui
nous ont transmis la foi, tous bons, au sens spirituel ; aussi
dit-il nos pères, et non pas leurs pères, ont tous été sous la
nuée, comme il a été expliqué, et tous ont mangé la même viande
spirituelle, c’est-à-dire le corps de Jésus-Christ dans ce symbole pris
au sens spirituel. Ils ont donc
mangé la même viande spirituelle, c’est-à-dire celle que nous
mangeons nous-mêmes, mais une nourriture corporelle autre que la nôtre ; et
ceci est vrai de ceux qui croyaient au Christ, car ils mangeaient
Jésus-Christ spirituellement, selon cette parole : "Ayez la foi, et vous avez mangé" [(Augustin)]. Et
tous ont bu du même breuvage, c’est-à-dire du sang du Christ, dans le
signe qui le figurait. L’Apôtre parle donc du signe et du breuvage spirituel
par la foi, et non du breuvage corporel (verset 4) : Ils buvaient de l’eau
de la pierre mystérieuse, etc. comme il a été expliqué plus haut. L’on
doit désirer et cette viande et ce breuvage, car ils suffisent ; c’est
ce qui fait dire à saint Paul : Tous ont mangé l’un et l’autre ; ils
ne manquent jamais, puisque c’est le même ; ils sont utiles enfin, puisque
c’est une viande et un breuvage spirituels, caractère désigné par
l’expression même de spirituel, etc. III° Lorsqu’il ajoute (verset 5) : Cependant la plupart d’entre eux, etc.
saint Paul,
après les bienfaits reçus, rappelle les châtiments. Et d’abord l’offense,
ensuite le châtiment, à ces mots (verset 5) : car ils périrent dans le
désert. Il dit donc : Mais la plupart d’entre eux, etc.,
comme s’il disait : les Juifs ont profité de tous ces bienfaits, et cependant
la plupart d’entre eux ne furent pas agréables à Dieu, à savoir, ceux qui
l’offensèrent ; mais deux seulement trouvèrent grâce, Caleb et Josué, à qui
seuls il fut donné d’entrer dans la terre promise (Nomb., XIV, 24) ; (Malachie,
I, 10) : "Mon affection n’est pas en vous, dit le Seigneur." |
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Lectio 2 |
Leçon 2 : 1 Corinthiens X, 6-11 — Tout leur est arrivé pour notre instruction |
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SOMMAIRE : L’Apôtre établit que tout a été écrit pour notre instruction. Il faut donc prendre garde de commettre les mêmes fautes, si l’on ne veut pas être puni des mêmes châtiments. |
[6] haec autem in figura facta sunt nostri ut non simus
concupiscentes malorum sicut et illi concupierunt [7] neque idolorum cultores efficiamini sicut quidam ex ipsis
quemadmodum scriptum est sedit populus manducare et bibere et surrexerunt
ludere [8] neque fornicemur sicut quidam ex ipsis fornicati sunt et
ceciderunt una die viginti tria milia [9] neque temptemus Christum sicut quidam eorum temptaverunt
et a serpentibus perierunt [10] neque murmuraveritis sicut quidam eorum murmuraverunt et
perierunt ab exterminatore [11] haec autem omnia in figura contingebant illis
scripta sunt autem ad correptionem nostram in quos fines saeculorum
devenerunt |
6. Or
toutes ces choses ont été des figures de ce qui nous regarde, afin que nous
ne nous abandonnions pas aux mauvais désirs, comme ils s'y abandonnèrent. 7. Et que
vous ne deveniez pas idolâtres, comme quelques-uns d'eux dont il est écrit :
Le peuple s'assit pour manger et pour boire, et ils se levèrent pour se divertir. 8. Ne
commettons pas de fornication, comme quelques-uns d'entre eux commirent ce
crime, pour lequel vingt-trois mille furent frappés de mort en un seul jour. 9. Ne
tentons pas le Christ, comme le tentèrent quelques-uns d’entre eux, qui
furent tués par les serpents. 10. Ne
murmurez pas, comme murmurèrent quelques-uns d'entre eux, qui furent frappés
de mort par l'Ange exterminateur. 11. Or
toutes ces choses qui leur arrivaient étaient des figures ; et elles ont été
écrites pour nous servir d'instruction, à nous autres, qui nous trouvons à la
fin des temps. |
[90339] Petrus de Tarantasia, In I Cor.,
cap. 10 l. 2 Superius ostendit quid antiquis Iudaeis contigit;
hic ostendit quod non propter se tantum, sed propter nos corrigendos ita
evenit. Ubi primo ostendit quod propter nos corrigendos a peccato praedicta
facta sunt; secundo quod propter hoc etiam scripta sunt, ibi haec autem
omnia in figura, et cetera. In prima ostendit quod ideo facta sunt, ut
cohibeamur a peccato, et primo a peccato cordis; secundo a peccato operis,
ibi neque idololatrae efficiamini, etc.; tertio a peccato oris, ibi neque
murmuraveritis sicut quidam, et cetera. In prima, primo deterret per poenam; secundo ex
hoc dehortatur culpam, ibi ut non simus concupiscentes, etc.; tertio
malos reducit ad memoriam, ibi sicut et illi concupierunt, et cetera. Dicit ergo haec autem in figura facta sunt nostri, non ficta,
sed vere facta. In figura, inquam, ideo scilicet nos
considerantes illorum supplicia, non simus concupiscentes malorum, sicut
et illi concupierunt, de quibus Ps. CV, 14 : concupierunt
concupiscentiam in deserto. Num. XI, 4 dicitur quod vulgus promiscuum
flagravit desiderio carnium. Et notandum quod sicut in bonis longe melius est
quod figuratur quam ipsa figura, ut regnum caelorum quam terra promissionis,
ita in malis longe peius est quod figuratur, quam figura significans.
Secundum autem Augustinum, illa supplicia quae sustinuerunt, figura Gehennae
fuerunt, quae omni poena maior est. Haec autem pertinent ad sapientes inter
Corinthios, qui desiderio carnes comedebant in idolio, et scandalizabant
infirmos. Unde similes erant Iudaeis carnes desiderantibus in deserto, unde
digni erant etiam simili poena. Deinde, cum dicit neque idololatrae, etc.,
dehortatur peccatum operis, ubi tangit tria peccata. Primo idololatriae;
secundo fornicationis, ibi neque fornicemur, etc.; tertio divinae
tentationis, ibi neque tentemus, et cetera. In prima, primo dissuadet idololatriae vitium;
secundo deterret per exemplum, ibi sicut quidam ex ipsis, etc.; tertio
explicat exemplum implicitum, ibi quemadmodum scriptum est, et cetera.
Dicit ergo neque idololatrae efficiamini idolothitis vescendo in
venerationem idoli, vel scandalum infirmorum, sicut quidam illorum,
supple idololatrae, fuerunt, Ex. XXXII, v. 4 et Ps. CV, 19 : et fecerunt
vitulum in Horeb, et adoraverunt sculptile, quemadmodum scriptum est. Ex.
XXXII, 6 : sedit populus, id est, quidam de populo, manducare et
bibere coram idolo, quibus similes sunt qui comedunt idolothita, idola
venerando, et surrexerunt ludere, id est, ludos facere, sicut choreas
et huiusmodi, in venerationem idoli. Vel surrexerunt ludere, id est,
idolum adorare, quod est simile ludo puerorum, qui faciunt imagines luteas. Deinde, cum dicit neque fornicemur, etc.,
tangit peccatum fornicationis, ubi primo dissuadet tale peccatum; secundo
deterret per exemplum culpae, ibi sicut quidam, etc.; tertio poenae,
ibi et ceciderunt una die. Dicit ergo neque fornicemur, ut
quidam ex vobis, supra V, 1 : omnino auditur fornicatio inter vos, sicut
quidam ex ipsis fornicati sunt, cum Madianitis scilicet, Num. XXV, v. 1
ss., et ideo ceciderunt una die viginti tria, immo viginti quatuor
millia, sed maior numerus non excludit minorem, unde non dicitur hic cum
praecisione, vel forte vitium scriptorum est. Deinde, cum dicit neque tentemus Christum,
etc., tangit peccatum divinae tentationis, quod dissuadet, primo, verbo,
secundo, exemplo, ibi sicut quidam, etc., tertio, supplicio, ibi et
a serpentibus, et cetera. Dicit ergo neque tentemus Christum,
diffidendo de eius potentia, sicut illi qui in vobis desperant de
resurrectione, sicut quidam eorum tentaverunt Deum vel Christum in
Moyse, dicentes : numquid poterit parare mensam in deserto? Et ideo a
serpentibus perierunt, donec scilicet serpens aeneus erectus est, ad
cuius aspectum sanabantur. De hoc habetur Num. XXI, 8 s., et Deut. VI, 16 : non
tentabis dominum Deum tuum. Deinde, cum dicit neque murmuraveritis,
etc., post peccatum cordis et operis dehortatur peccatum oris. Ubi primo
dissuadet murmurationis vitium; secundo adducit quosdam in exemplum, et primo
culpae, ibi sicut quidam, etc.; secundo poenae, ibi et perierunt a
serpentibus. Dicit ergo neque murmuraveritis contra me, vel
minores contra maiores. Sap. I, 11 : custodite vos a murmuratione. Sicut
quidam eorum murmuraverunt contra Moysen. Num. c. XVI, 41 : murmuravit
omnis congregatio filiorum Israel contra Moysen, et ideo perierunt ab
exterminatore, ab Angelo scilicet, qui extra terminos terrae eos
percussit. Bar. c. III, 19 : exterminati sunt, et ad Inferos descenderunt.
Notandum super illud : in Moyse baptizati sunt, quod Damascenus in
libro, IV cap. de Baptismo distinguit novem genera Baptismatum, accipiendo
Baptismata large. Primum est aqua diluvii, de quo habetur Gen. VI, 11 ss.;
secundum mare rubrum, de quo Ex. XIV, 15; tertium aqua expiationis, de qua
Num. XIX, 20 s.; quartum Baptismus Ioannis, de quo Matthaei III, 6; quintum
Baptismus de quo Christus baptizatus fuit, Lc. III, 21; sextum Baptismus
spiritus sancti super discipulos, Act. I, 5 : vos autem baptizabimini
spiritu sancto; septimum Baptismus poenitentiae et contritionis, de quo
Eccli. XXIV, 30 : qui baptizatur a mortuo, etc.; octavum Baptismus
sanguinis, de quo Lc. XII, 50 : Baptismo habeo baptizari, et quomodo
coarctor, usque dum perficiatur; nonum Baptismus aquae et spiritus, de
quo Io. III, 5 : nisi quis renatus fuerit ex aqua et spiritu sancto.
Matth. ult. : baptizantes eos in nomine patris et filii et spiritus sancti.
Deinde cum dicit haec autem omnia in figura, etc., habito quod propter
nos praedicta facta sunt, hic ostendit, quod propter nos etiam scripta sunt.
Et primo quod in significatione, secundo quod in correctione, ibi scripta
sunt autem, et cetera. Dicit ergo : haec autem, etc.; quasi dicat
: ista contigerunt illis, et hoc non tantum propter sua peccata, non autem
pro se, sed omnia in figura, nostri scilicet, contingebant illis
: erat enim tunc tempus figurarum. Deinde cum dicit scripta sunt autem ad
correptionem, tangit quod scripta sunt ad correctionem nostram. Ubi
implicantur tria incitantia ad correctionem nostram. Primo antiquorum
exempla, quae notantur in Scripturis; secundo exemplorum causa, quae est
correctio nostra; tertio, aetas novissima, quae est finis saeculorum. Dicit
ergo scripta sunt autem ad correptionem nostram, quia quaecumque
scripta sunt, ad nostram doctrinam scripta sunt, Rom. XV,
4. Nos, dico, in quos fines saeculorum devenerunt, id est, sexta
aetas, quae est ultima aetas laborantium. I Io. II, 18 : filioli mei,
novissima hora est. Quia ergo in ultima saeculi aetate sumus, tot
exemplis priorum corrigi debemus. Vel in quos fines saeculorum devenerunt,
id est, in quibus per fidem et amorem Christi finita est saecularitas, quia
Phil. III, 20 dicitur : conversatio nostra in caelis est. Unde
temporalia non promittuntur tempore gratiae, sicut tempore legis. Unde nec in
pactum deducuntur, sed adiiciuntur. Matth. VI, 33 : primum quaerite regnum
Dei, et cetera. Sed antiquitus erant in pactum. Is. I, 19 : si
volueritis, et audieritis, et cetera. Ecce ergo exempla certa, quia scripta
sunt; utilia, quia ad correctionem nostram; durabilia, quia in
quos fines, et cetera. |
L’Apôtre,
après avoir rappelé ce qui est arrivé à l’ancien peuple juif, prouve ici
qu’il en a été ainsi non pas à cause d’eux seulement, mais pour nous
corriger. I° Il fait voir
que tout ce qui a été rapporté a eu lieu pour nous corriger du péché ; II° que cela a aussi
été écrit pour nous, à ces mots (verset 6) : Or toutes ces choses ont été
des figures, etc. I° Dans la première de ces propositions, saint Paul établit que ces
événements ont eu lieu pour nous éloigner du péché, I. du péché qui se
commet dans le cœur ; II. du péché
qui se commet par les oeuvres (verset 7) : Ne devenez pas non plus
idolâtres ; III. du péché de la bouche
(verset 10) : Ne murmurez pas comme murmurèrent quelques-uns d’entre eux, etc.
I. Dans la première
subdivision, il détourne du péché, 1° en montrant le châtiment ; 2° il en prend occasion de détourner de la faute (verset
6) : afin que nous ne nous livrions pas aux mauvais désirs ; 3° il rappelle le souvenir de ce qui s’est passé dans le
châtiment des méchants (verset 6) : comme ils s’y livrèrent, etc. Il
dit donc (verset 6) : Or toutes ces choses ont été en figure ce qui nous
regarde ; et ce ne sont
pas des suppositions, mais des faits véritables. En figure, dis-je, c’est-à-dire afin que, considérant
leur châtiment, nous ne nous livrions pas nous-mêmes aux mauvais désirs,
comme ils s’y abandonnèrent. De ceux qui sont tels, il est dit (Psaume
CV, 14) : "Ils furent pris de convoitise dans le désert" ; et en (Nomb., XI, 4) il
est dit qu’une du peuple brûla du
désir de manger de la viande. Il faut remarquer que, comme pour
les bons, tout ce qui est figuré est de plus grande valeur que la figure, par
exemple le royaume des cieux relativement à la terre promise, ainsi pour les
méchants, ce qui est figuré est beaucoup plus terrible que la figure qui
l’exprime. Or, selon saint Augustin, les châtiments qui frappaient les Juifs
étaient la figure des tourments de l’enfer, la plus grande de toutes les peines.
Ces vérités donc s’appliquent aux sages d’entre les Corinthiens, lesquels
usaient, au moins dans leurs désirs, des viandes immolées aux idoles, et
scandalisaient les faibles, imitant ainsi les Juifs, qui, dans le désert,
désiraient des viandes ; ils s’exposaient donc par là au même châtiment. II. A ces paroles
(verset 7) : Ne devenez pas non plus idolâtres, etc., l’Apôtre
détourne des péchés commis en actes, en indiquant trois espèces de péchés : 1° l’idolâtrie, 2° la fornication (verset 8) : et
ne commettons pas de fornication, etc. ; 3° la
tentation de Dieu (verset 9) : et ne tentons pas Jésus-Christ, etc. 1° Dans la première proposition, il
détourne d’abord du péché d’idolâtrie ; ensuite, il inspire de la frayeur par
un exemple (verset 8) : "comme le
firent quelques-uns d’entre eux, etc." ; enfin il explique ce qui
est contenu dans l’exemple qu’il cite (verset 8) : dont il est écrit, etc. Il
dit donc (verset 7) : Ne devenez pas non plus idolâtres, en usant des
viandes immolées aux idoles, par vénération pour l’idole, ou au scandale des
faibles, comme quelques-uns d’entre
eux, suppléez devinrent idolâtres ; (Exode, XXXII, 4); et (Psaume
CV, 19) : "Et ils se firent un veau d’or près d’Horeb, et ils adorèrent cette sculpture, comme il est écrit" ; (Exode, XXXII, 6) : "Le
peuple," c’est-à-dire une partie du peuple, "s’assit pour manger et pour boire" devant
l’idole. C’est à ceux-là que deviennent semblables ceux qui mangent des
viandes immolées aux idoles, en vénérant ces idoles. "et tous se levèrent
pour danser," c’est-à-dire pour établir des jeux, des danses par
exemple, ou d’autres amusements semblables, en l’honneur de l’idole. Ou
encore Ils se levèrent pour jouer, c’est-à-dire pour adorer l’idole,
ce qui ressemble aux jeux des enfants, qui se font des figures de terre. 2° En ajoutant (verset 8) : Ne
commettons pas de fornication, saint
Paul indique ce péché. Et d’abord, il détourne de le commettre ; ensuite, il
effraye par l’exemple de la faute (verset 8) : comme le firent quelques-uns,
etc. ; enfin,
par l’exemple du châtiment (verset 8) : et, en un seul jour, vingt-trois mille
périrent. Il dit donc : Et ne commettons pas de fornication, comme le font quelques-uns d’entre vous
(ci-dessus, V, 1) : On entend dire qu’on se livre chez vous à la fornication,
et comme quelques-uns d’entre eux y sont tombés, à savoir avec les
Madianites (Nomb., XXV, 1). Et pour ce crime périrent en un seul jour
vingt-trois mille, bien plus, vingt-quatre mille hommes. Le plus grand
nombre n’excluant pas le plus petit, le chiffre n’est pas ici exprimé avec
précision, ou peut-être est-ce la faute d’un copiste. 3° A ces mots (verset 9) : et
ne tentons pas le Christ, l’Apôtre passe à la tentation de Dieu.
Il en détourne d’abord par un avertissement, ensuite par un exemple (verset
9) : comme le tentèrent quelques-uns, etc. ; enfin par le châtiment (verset 9)
: et quelques-uns furent tués par les serpents, etc. Il dit
donc (verset 9) : et ne tentons pas le Christ, en
nous défiant de sa puissance, comme font ceux qui, parmi vous, désespèrent de
la résurrection, ainsi que quelques uns
d’entre eux tentèrent Dieu ou son Christ, dans la personne de Moïse,
lorsqu’ils disaient : « Est-ce
qu’il pourra nous nourrir dans le désert ? » et qui, pour ce crime, furent tués par des serpents,
jusqu’à ce que le serpent d’airain ayant été exposé, ils trouvent leur
guérison en le regardant. On lit ce fait au chapitre XXI, 8 du livre des
Nombres et (Deut., VI, 16) : "Vous ne tenterez pas le Seigneur votre
Dieu." III. Lorsque l’Apôtre
dit (verset 10) : et ne murmurez pas, etc., après
le péché de coeur et d’action, il détourne du péché de parole : 1° des murmures ; 2° il cite quelques uns en exemple, d’abord de la faute
(verset 10) : comme murmurèrent quelques-uns, etc., ensuite du châtiment
(verset 10) : et ils furent frappés de mort par des serpents. Il dit donc
: Ne murmurez pas contre moi ; ou encore, les plus jeunes contre les
anciens ; (Sag. I, 11) : "Gardez-vous du murmure." Comme murmurèrent quelques-uns contre
Moïse ; (Nomb., XVI, 41) : "Toute la multitude des enfants
d’Israël murmura contre Moïse" - et qui, pour ce murmures furent frappés
de mort par l’exterminateur, c’est-à-dire par l’Ange qui les fit périr
sur les frontières de la terre promise ; (Baruch, III, 19) : "Ils
ont été exterminés ; ils sont descendus dans les enfers." Remarquez
sur ce passage : Tous, sous la conduite de Moïse, ont été baptisés,
que saint Jean Damascène (liv. IV, du Baptême) distingue neuf
sortes de baptême, en prenant ce mot dans une large acception : 1° l’eau du
déluge (Gen., VI, 11ss) ; 2° la mer
Rouge (Exode, XIV, 15) ; 3° l’eau
d’expiation (Nomb., XIX, 20ss) ; 4° le baptême
de Jean-Baptiste (Matthieu III, 6); 5° le baptême
que reçut Jésus-Christ (Luc III, 21) ; 6° le baptême
du Saint Esprit, conféré aux apôtres (Actes, I, 5) : "Vous serez
baptisés dans le Saint Esprit" ; 7° le baptême
de pénitence et de contrition ; (Ecclésiastique XXIV, 30) : "Si
celui qui se lave, après avoir touché un mort, etc. " 8° le baptême
de sang (Luc, XII, 50) : "Je dois être baptisé d’un baptême, et
combien suis-je pressé qu’il soit accompli?" 9° le baptême
de l’eau et de l’Esprit (Jean III, 5) : "Celui qui ne renaît pas de
l’eau et de l’Esprit Saint" ; et (Matthieu XXVIII, 19) : "Baptisez-les au nom du
Père, et du Fils, et du Saint Esprit." II° Lorsque saint Paul dit (verset 11) : Or toutes ces choses qui leur
arrivaient, etc., après avoir établi que tout ce qu’il
a rapporté a eu lieu à cause de nous, il montre que ces choses ont aussi été
écrites pour nous : I. quant à
leur signification ; II. quant à
notre correction (verset 11) : et elles ont été écrites, etc. I. Il dit donc (verset
11) : "Or toutes ces choses, etc. ; en d’autres, termes, elles leur sont arrivées non seulement
à cause de leurs péchés, non seulement à cause d’eux-mêmes, mais encore parce
que toutes étaient des figures et
n’arrivaient pas pour eux seuls, car c’était alors le temps des figures. II. En ajoutant (verset
11) : et elles ont été écrites pour nous instruire, il indique
qu’elles ont été écrites pour servir pour notre amendement. L’Apôtre comprend
ici trois choses qui peuvent nous porter à nous corriger : 1° les exemples de ceux qui nous ont
précédé, les quels sont marqués dans les Ecritures 2° le motif de ces exemples, qui est
notre amendement ; 3° le dernier terme, qui est la fin
des siècles. Il dit donc (verset 11) : et elles ont été écrites pour nous
instruire, parce que (Rom., XV, 4) : "Tout ce qui a été
écrit l’a été pour notre instruction." Pour nous, dis-je, qui
nous trouvons à la fin des temps, c’est-à-dire au sixième âge, qui est le
dernier âge de ceux qui combattent ; (I Jean II, 18) : "Mes
petits enfants, c’est ici la dernière heure." Si donc nous sommes au
dernier âge du monde, tant d’exemples des âges qui précèdent doivent nous
corriger. Ou encore : nous qui sommes à la fin des temps,
c’est-à-dire en qui ce qui appartient au monde a trouvé sa fin par la foi et
l’amour de Jésus-Christ, car (Philip., III, 20) : "Nous, nous vivons
déjà dans le ciel." C’est pour cette raison que sous le règne de la
grâce, on ne nous promet pas, comme au temps de la Loi, des prospérités
temporelles. Voilà pourquoi encore ces avantages n’entrent pas dans
l’alliance, mais viennent par surcroît ; (Matthieu VI, 33) : "Cherchez
donc premièrement le royaume de Dieu, etc." Mais dans les premiers
temps, ils faisaient partie de l’alliance ; (Isaïe I, 19) : "Si
vous voulez et si vous écoutez, etc." Ces exemples sont certains,
puisqu’ils sont écrits ;
utiles, puisqu’ils sont destinés à notre amendement ; durables, puisqu’ils sont pour
nous qui sommes au dernier âge, etc. |
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Lectio 3 |
Leçon 3 : 1 Corinthiens X, 12-13 — Les avantages de la tentation |
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SOMMAIRE : Qu’il faut prendre garde de tomber, et que le moyen c’est de ne pas se laisser surprendre par la tentation. L’Apôtre promet, de la part de Dieu, un secours assuré. |
[12] itaque qui se existimat stare videat ne cadat [13]
temptatio vos non adprehendat nisi humana fidelis autem Deus qui non patietur
vos temptari super id quod potestis sed faciet cum temptatione etiam
proventum ut possitis sustinere |
12. Que
celui donc qui croit être ferme prenne garde à ne pas tomber. 13. Ne vous
laissez pas surprendre par la tentation, sinon humaine. Dieu est fidèle, et
il ne permettra pas que vous soyez tentés au delà de vos forces ; mais il
vous fera tirer avantage de la tentation même, afin que vous puissiez
persévérer. |
[90340] Petrus de Tarantasia, In I Cor.,
cap. 10 l. 3 Habita primo Iudaeorum punitione, secundo
punitionis ratione, hic tertio concludit, quod exemplo eorum debent a malo
cavere; ubi primo monet, ut caveant casum; secundo cavendi docet modum, ibi vos
non apprehendat, etc.; tertio promittit firmum adiutorium, ibi fidelis
autem Deus est, et cetera. In primo implicat quatuor sollicitantia
sapientem, scilicet multitudinem cadentium, cum dicit itaque,
incertitudinem stantium, cum subdit qui se existimat stare, etc.,
necessitatem cautelae, cum addit videat, facilitatem ruinae, cum dicit
ne cadat. Dicit ergo itaque, etc., quasi dicat : illi et si
beneficiis Dei usi sunt, nihilominus propter peccata perierunt. Itaque
ex eorum consideratione, qui existimat, aliqua coniecturatione, se
stare, id est quod sit in gratia et charitate, videat, diligenti
attentione, ne cadat, peccando, vel alios faciendo peccare. Is. XIV,
12 : quomodo cecidisti, Lucifer? Ps. XC, 7 : cadent a latere tuo
mille, et cetera. Ideo Eph. V, 15 : videte quomodo caute ambuletis.
Deinde cum dicit tentatio vos non apprehendat,
etc., docet modum cavendi causam, scilicet cavendo tentationem. Ubi primo
docet aliquam tentationem fugiendam; secundo aliquam sustinendam, ibi nisi
humana. Primo notificat, quia pulsat ut introeat : unde dicitur tentatio;
secundo quia impugnat, ut praevaleat; unde subditur non vos apprehendat.
Dicit ergo tentatio, etc., quasi diceret : ne cadatis, tentatio,
scilicet peccati, non vos apprehendat, trahendo in consensum peccati, nisi
humana. Hoc dupliciter exponitur. Uno modo de tentatione interiori mala,
et tunc est permissio; quasi dicat : nulla peccati dilectio vos apprehendat,
nisi forte de malis, sine qua vita humana non ducitur. Non enim est homo, qui
semper faciat bonum et non peccet, III Reg. VIII, 46 et II Paralip. VI, 36.
Alio modo exponitur de tentatione exterioris boni. Et tunc est exhortatio,
sic : tentatio vos non apprehendat, nisi humana, scilicet tribulationum
praesentium propter Christum tolerantia. Augustinus : propter Christum
pati humana tentatio est. Tob. XII, v. 13 : quia acceptus eras Deo,
necesse fuit, ut tentatio probaret te. Deinde cum dicit fidelis Deus, ostendit
paratum adiutorium in tentatione. Ubi commendat Deum adiutorem, quia dat
nobis resistendi potentiam, quod notatur ibi sed faciet cum tentatione,
etc.; perseverantiam, quod notatur ibi ut possitis sustinere, vere
fidelis Deus, qui dat potentiam, ne vincamur, gratiam ut mereamur,
constantiam ut vincamus. Dicit ergo fidelis etc., quasi diceret : vos
ad hoc hortor et moneo, quod potestis : fidelis dominus in omnibus verbis
suis, qui non patietur vos tentari supra id, quod potestis : quod utique
posset Diabolus, si permitteretur, quia non est potestas super terram,
quae ei comparetur, Iob XLI, 24. Et
Is. XL, 29 : dat lasso virtutem. Ideo Iac. I, 2 : omne gaudium
existimate, fratres, cum in varias tentationes incideritis. Augustinus
: qui dat Diabolo tentandi licentiam, ipse dat tentatis misericordiam.
Proventum, inquam, ita ut possitis sustinere, ne deficiatis in
lucta, sed vincatis : quod fit per humilitatem, ut dicit Augustinus. Illi
enim non crepant in fornace, qui non habent ventum superbiae. Notandum est
super illud qui se existimat stare, etc., quod ad casum impellunt nos
primo debilitas virium, sicut cadunt pueri, decrepiti, infirmi, Is. XL, 30 : in infirmitate cadent, quod contingit per tepiditatem
bene operandi et instabilitatem. Secundo onus peccatorum sicut cadunt asini
sub onere nimio, Ps. XXXV, 13 : ceciderunt qui operantur iniquitatem,
quod contingit per negligentiam poenitendi : quia peccatum, quod per
poenitentiam, et cetera. Tertio multitudo trahentium, sicut arbor vel domus
multis trahentibus deorsum cadit, supra : neque fornicemur, etc., quod
contingit per impulsum hostium. Quarto lubricitas viarum, sicut incauti
cadunt in lubrico, Eccli. XXVIII, 30 : attende ne forte labaris in lingua,
et cadas, et in conspectu, etc., quod contingit per incautam custodiam
sensuum. Quinto varietas offendiculorum, sicut avis capta in medio laqueorum,
Prov. XIX, 8 : hi in curribus, et cetera. Prov. XXIV, 16 : septies
in die cadit iustus, quod contingit per corruptionem creaturarum. Sexto
ignorantia agendorum, sicut caeci cadunt de facili, Matth. XV, 14 : si
caecus caeco ducatum praestet, etc., quod contingit per negligentiam
addiscendi necessaria. Septimo exempla cadentium, sicut Angeli ad exemplum
Luciferi, Ps. XC, 7 : cadent a latere tuo mille, et
cetera. Prov. XXV, 26 : fons turbatus pede et vena corrupta iustus cadens
coram impio, quod contingit per imitationem malorum. Octavo ponderositas
corporum, corpus enim quod corrumpitur aggravat animam, sicut lapis in collo
natantis, Iob XIV, 18 : mons cadens defluit, quod contingit per carnis
fomentum superfluum. |
Après avoir
rappelé la punition des Juifs et, en second lieu, les motifs de cette
punition, saint Paul conclut que leur exemple doit porter les fidèles à se
garder du mal. I° Il les
avertit de prendre garder de tomber ; II° il leur
enseigne la manière de ne pas tomber (verset 13) : Qu’il ne vous arrive
que, etc.; III° il promet un
secours assuré (verset 13) : Or Dieu est fidèle, etc. I° Dans le premier de ces points, il comprend quatre
motifs qui déterminent un esprit sage : 1° la multitude de ceux qui tombent (verset 11) : Que
celui donc ; 2° l’incertitude de ceux qui sont
debout (verset 11) : Qui croit être ferme ; 3° la
nécessité de la vigilance (verset 11) : prenne
garde ; 4° la
facilité de la chute (verset 11) : de tomber. Il dit donc : Que
celui donc, etc., comme s’il disait : les Juifs, bien que comblés de
bienfaits de Dieu, périrent cependant à cause de leurs prévarications. Ainsi
donc, par la considération de leur châtiment, que celui qui croit,
d’après ses conjectures, être ferme, c’est-à-dire être dans la grâce
et dans la charité, prenne garde, avec une attention sérieuse, de
tomber lui-même soit en péchant, soit en faisant pécher les autres ;
(Isaïe XIV, 12) : "Comment es-tu tombé du ciel, Lucifer ?"
et (Psaume XC, 7) : "Mille tombèrent à votre gauche, etc."
Voilà pourquoi il est dit (Ephés., V, 15) : "Ayez soin, mes frères,
de vous conduire avec une grande circonspection." II° À ces paroles (verset 13) : Qu’il ne vous arrive que des tentations
humaines, etc., saint Paul apprend à éviter la cause de
la chute, en se gardant de la tentation. Il établit donc : 1° qu’il y a une tentation à fuir ; 2° une tentation à supporter (verset
13) : qui tienne à l’humanité. D’abord, il fait connaître que la
tentation frappe pour entrer ; c’est pourquoi il dit : que la tentation ; ensuite, qu’elle attaque afin de vaincre;
c’est pourquoi il ajoute : ne vous atteigne pas. Il dit
donc : Que la tentation, etc. ;
en d’autres termes, pour que vous ne tombiez pas, que la tentation, c’est-à-dire
la tentation du péché, ne vous atteigne pas, en vous entraînant à
consentir à ce péché, à moins qu’elle ne tienne à l’humanité" ; paroles qu’on peut expliquer de
deux manières : premièrement, de la mauvaise tentation intérieure, et alors
c’est l’indulgence ; comme s’il disait : que nulle délectation du péché ne
vous surprenne, si ce n’est peut-être celle de ce mal sans lequel ne peut se
passer la vie humaine, car (III Rois, VIII, 46) et (II Chroniques VI, 36) il n’y a pas d’homme qui fasse toujours le
bien et ne pèche point. Secondement, on l’explique de la tentation du
bien extérieur, et alors c’est une exhortation pour que la tentation ne vous
atteigne pas, si ce n’est la tentation humaine, c’est-à-dire la nécessité de
supporter les tribulations présentes pour Jésus-Christ ; (Augustin, Questions
de l'Ancien et du Nouveau Testament, 99) : « Souffrir pour
Jésus-Christ, c’est la
tentation humaine » ; (Tobie, XII, 13) : "Parce que
vous étiez agréable à Dieu, il a été nécessaire que la tentation vous
éprouvât." III° Lorsque l’Apôtre dit (verset 13) : Or Dieu est fidèle, il montre
que le secours est préparé dans la tentation même ; et d’abord, il exalte
Dieu, notre appui, parce qu’il nous donne le pouvoir de résister, ce qui est
marqué par ces paroles (verset 13) : Il vous fera profiter de la tentation,
etc. ; et la
persévérance, marquée dans celles-ci (verset 13) : afin que vous puissiez
persévérer. Oui, Dieu est fidèle, car il donne la puissance pour que nous
ne soyons pas vaincus, la grâce pour que nous méritions, la constance pour
que nous soyons victorieux. Saint Paul dit donc : Or Dieu est fidèle, etc.,
en d’autres termes, je vous avertis et vous exhorte à accomplir des
choses qui sont en votre pouvoir ; car Dieu est fidèle dans toutes ses paroles, et il ne permettra pas que vous soyez
tentés au delà de vos forces, ce que pourrait certainement le
démon, si Dieu lui en laissait la liberté. En effet, il n’est pas de puissance sur la terre qui puisse être comparée à la
sienne (Job, XLI, 24) et (Isaïe, XL, 29) : "C’est lui qui
soutient ceux qui sont las". C’est de là qu’il est dit (Jacq., I, 2)
: "Considérez, mes frères, comme une extrême joie les diverses
afflictions qui vous arrivent" ; (Augustin, sur le psaume 61) : "Celui qui donne au démon le pouvoir de tenter
donne à ceux qui sont tentés sa miséricorde." – Il vous fera,
dis-je, profiter de la tentation,
pour que vous puissiez persévérer et que vous ne veniez pas à défaillir
dans la route, mais que vous soyez victorieux, ce qui s’obtient par l’humilité,
dit saint Augustin ; car ceux-là ne brûlent pas dans la fournaise, sur
qui n’a pas prise le vent de l’orgueil. Il faut remarquer sur ce passage : Que
celui qui se croit ferme, etc.., que nous sommes poussés à tomber : 1° par la faiblesse de nos forces, ainsi tombent les enfants, les
vieillards, les infirmes ; (Isaïe, XL, 30) : "La vigueur
de la jeunesse a ses affaiblissements" ; c’est ce qui arrive par l’inconstance et la tiédeur dans le
bien. 2° par le
poids de nos péchés, comme tombe les mulets sous un fardeau trop pesant ;
(Psaume XXXV, 13) : "Là sont tombés ceux qui commettent
l’iniquité", ce qui arrive par la négligence à se repentir, parce
que le péché, qui n’est pas réparé par la pénitence, etc. 3° par la
multitude des séductions, comme un arbre ou une maison cèdent sous l’effort
d’un grand nombre de bras qui les tirent ; (ci-dessus) : Ne
commettons pas de fornication, etc. ; ceci arrive par l’impulsion de nos ennemis. 4° par le
mauvais état des chemins, comme tombent dans les endroits glissants ceux qui
sont inattentifs ; (Ecclésiastique XXVIII, 30) : "Soyez attentif
à ne pas pécher par la langue, de peur que vous ne tombiez en présence, etc." ; c’est ce qui arrive par le manque
de vigilance sur les sens. 5° par la multiplicité des pierres
d’achoppement, comme l’oiseau est arrêté au milieu des filets ; (Prov.
XIX, 8) : "Les uns se confient dans la multitude de leurs chars, etc."
et (Prov., XXIV, 16) : "Le juste tombera sept fois par jour" ; c’est ce qui arrive par la
corruption des créatures. 6° par l’ignorance de ce qu’il faut
faire, comme les aveugles se laissent choir aux premiers pas ; (Matth.,
XV, 14) : "Si un aveugle conduit un aveugle, ils tombent, etc." ; ce qui arrive par la négligence à
apprendre ce qui est nécessaire. 7° par l’exemple de
ceux qui tombent, comme les anges à l’exemple de Lucifer ; (Psaume XC,
7) : "Mille tomberont à votre gauche, etc." et (Prov., XXV,
26) : "Le juste qui tombe devant le méchant est comme une fontaine
qu’on a troublée avec le pied" ; ce qui arrive par l’imitation du mal. 8° par la
pesanteur du corps, car le corps qui se corrompt appesantit l’âme, comme la
pierre au cou de celui qui nage ; (Job, XIV, 18) : "La montagne
en s’écroulant se détruit" ;
ce qui arrive par les soins superflus de la chair. |
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Lectio 4 |
Leçon 4 : 1 Corinthiens X, 14-17 — Un seul pain |
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SOMMAIRE : L’Apôtre se sert de la sainte communion de l’autel, pour détourner de l’usage des viandes immolées aux idoles ; et des châtiments infligés aux premiers prévaricateurs, pour détourner du culte des idoles. |
[14] propter quod carissimi mihi fugite ab idolorum cultura [15] ut prudentibus loquor vos iudicate quod dico [16] calicem benedictionis cui benedicimus nonne communicatio
sanguinis Christi est et panis quem frangimus nonne participatio corporis
Domini est [17] quoniam
unus panis unum corpus multi sumus omnes quidem de uno pane participamur |
14. C’est
pourquoi, mes très chers frères, fuyez l’idolatrie ! 15. Je vous
parle comme à des personnes sages ; jugez vous-mêmes de ce que je vous dis. 16.
N'est-il pas vrai que le calice de bénédiction que nous bénissons est la
communion du sang du Christ, et que le pain que nous rompons est la communion
du corps du Seigneur ? 17. Car
quoiqu’en grand nombre nous ne sommes qu’un seul pain et un seul corps, nous
tous qui participons à un même pain. |
[90341] Petrus de Tarantasia, In I Cor.,
cap. 10 l. 4 Superius ex consideratione Iudaeorum poenae
monuit abstinere a perpetratione peccatorum similium, hic specialiter monet
cavere a comestione idolis immolatorum. Ubi primo ponit commonitionem cavendi
ab idolothitis; secundo subdit causam commonitionis, ibi quid ergo dico,
etc.; tertio docet modum cavendi a dictis, ibi omne quod in macello venit,
manducate, et cetera. In prima cavere ab idolothitorum comestione monet,
primo ex timore poenae consimilis; secundo ex communione sancti altaris, ibi ut
prudentibus loquor, etc.; tertio ex similitudine sacrificii legalis, ibi videte
Israel secundum carnem, et cetera. In prima, ut eius obediant dictis,
primo arguit inferendo, cum dicit propter quod; secundo allicit
blandiendo, cum subdit charissimi mei; tertio instruit exhortando, cum
addit fugite, et cetera. Dicit ergo propter quod, etc., quasi
diceret : quia sacramenta sola non salvant, et qui cadit punitur, et auxilium
Dei non deest, propter quod, charissimi mei, fugite ab idolorum cultura,
id est, ab omni idoli veneratione. Glossa : ideo hos apostolus hortatur
fugere ab idololatriae superstitione, vel ne sapientes comedant idolothita
cum offendiculo infirmorum quibus idololatrare viderentur; vel ne ipsi
infirmi idololatrae sint, edendo in idoli veneratione. Fugite ergo ab idolorum cultura, vel
putativa, quo ad esum sapientium; vel vera quo ad esum infirmorum. Deinde cum dicit ut prudentibus loquor,
etc., monet cavere ab idolothitorum comestione ex communione sacramenti
altaris. Ubi primo quod dicturus est supponit eorum iudicio; secundo ostendit
quid est illud, scilicet quod per communionem Eucharistiae efficimur unum cum
Christo, ibi calix benedictionis, etc.; tertio probat, quod ita est,
quod omnes sumus unum in corpore eius mystico, ibi quoniam unus panis,
et cetera. Dicit ergo ut prudentibus, etc.; quasi
dicat : ut fugiatis loquor vobis ut prudentibus. Vel sic loquor
vobis altum quid, scilicet quod sequitur ut prudentibus. Vel sic :
loquor infirmis, scilicet qui sunt inter vos, ut supra locutus sum
prudentibus. Et ideo, vos ipsi, maiores, iudicate quod dico Iob
XXXI, 13 : si contempsi subire iudicium cum servo meo. Iudicate,
inquam, hoc quod sequitur calix benedictionis, id est, potus calicis,
per quem participantes benedicuntur, Lc. XXII, 20 : similiter et calicem
postquam caenavit, dicens : hic calix, et cetera. Cui benedicimus,
id est, quod nos fideles exaltamus credendo et gratias agendo; vel cui
benedicimus, id est, quem nos sacerdotes consecramus; nonne
communicatio sanguinis Christi est? Faciens nos unum cum ipso, secundum
illud Augustini : nec tu me mutabis in te, sicut cibum carnis tuae, sed tu
mutaberis in me. Est ergo sua ratio talis : sicut participans calicem
domini fit unum cum eo, sic participans calicem Daemoniorum fit unum cum eis;
sed Daemonum unitas est maxime fugienda, ergo et participatio idolothitorum
in eorum veneratione. Et ideo fugite ab idolorum cultura. Et panis quem
frangimus, id est, sumptio panis fracti in altari, nonne participatio
corporis domini est? Faciens nos unum cum Christo : quia sub specie panis
sumitur corpus Christi. Deinde cum dicit quoniam unus panis, etc.,
ostendit, quod omnes sumus unum in corpore eius mystico. Ubi proponit primo
unitatem, secundo subdit unitatis rationem, ibi omnes qui de uno, et
cetera. In primo tangit duplicem unitatem : primam incorporationis, qua in
Christum transformamur, cum dicit unus panis, et cetera. Aliam vitae
et sensus, quam a Christo capite accipimus, cum addit et unum corpus,
et cetera. Dicit ergo quoniam unus, etc., quasi dicat : per hoc patet,
quod unum sumus cum Christo, quoniam unus panis, unione fidei, spei et
charitatis, et unum corpus multi sumus, per subministrationem operum
charitatis. Corpus scilicet illius capitis, qui est Christus. Multi,
dico, scilicet omnes, qui de uno pane, id est corporis Christi, et
de uno calice, id est sanguine, participamus, digna
participatione, scilicet spirituali, non tantum sacramentali. Augustinus : accipite,
quia unus panis et unum corpus Ecclesia Christi dicitur, pro eo quod sicut
unus panis ex multis granis, et unum corpus ex multis membris componitur, sic
Ecclesia Christi ex multis fidelibus charitate copulatis connectitur. De
ista unitate infra cap. XII dicitur. Hic quaeritur super illo omnes in Moyse
baptizati. Glossa : per visa illa legalia purgati. Contra, legalia
non iustificabant. Respondeo. Iustificabant dispositive a remotis, non
causative, quia per modum signi, non causae. Item super illud petra autem
erat Christus, Glossa : non petra dedit aquas, sed Christus.
Contra Num. XX, 8 : loquimini ad petram, et ipsa dabit vobis aquas.
Respondeo. Petra dabat originaliter, non effective. Item super illud omnes
eamdem escam, Glossa : si quis manducaverit ex hoc pane, non morietur
in aeternum, scilicet qui manducat corde, non qui premit ore. Contra :
ergo non oportet sacramentaliter manducare. Respondeo. Non qui premit ore,
solum scilicet. Item super illud eumdem potum spiritualem, Glossa : idem
est effectus in illis sacramentis, sed non tantum quantum in nostris.
Contra, sacramenta vetera non efficiebant quod figurabant. Respondeo. Idem est effectus, sed aliter : nam illorum per modum signi
: nostrorum per modum causae. Item super illud haec autem in figura facta sunt,
Glossa : omnes poenae minores sunt Gehenna. Contra,
carentia visionis Dei maior est, quam Gehenna, secundum Chrysostomum.
Respondeo. Loquitur de poenis temporalibus. Item super illud qui stat,
videat ne cadat, Glossa : non quod sit aliquis sine casu. Contra,
multi sunt sine mortali. Respondeo. Duplex est casus, unus a domino per
mortale, alter in domino per veniale. Item super illud fidelis Deus,
Glossa : qui dat tentandi Diabolo licentiam, dat tentatis misericordiam.
Contra, quod fit de licentia, licite fit. Ergo licet Diabolo tentare. Respondeo. Licentia accipitur hic pro permissione, non pro
concessione. Item vos ipsi iudicate. Contra, non est inferiorum
iudicare de factis superiorum. Respondeo. Non debent iudicare iudicio
superordinationis, sed licet iudicio discretionis. Item super illud benedicimus,
Glossa : nos sacerdotes. Contra : quod minus est a maiori benedicitur.
Respondeo. In |
Après avoir
conclu, de l’exemple du peuple juif, que les Corinthiens aient à s’abstenir
de commettre de semblables prévarications, saint Paul les avertit ici tout
spécialement de s’abstenir des viandes immolées aux idoles. En premier lieu,
il exprime cette recommandation ; en second lieu, il en donne le motif
(verset 19) : Qu’ai-je donc prétendu, etc.?; en troisième lieu, il enseigne la manière d’observer ce qu’il
a recommandé (verset 25) : Mangez de toutes les viandes que l’on vend, etc.
Sur la première partie, il avertit de s’abstenir des viandes immolées, I° par crainte d’une semblable
punition ; II° à cause de
la communion au saint autel (verset 15) : je
vous parle comme à des hommes sages,
etc. ; III° par une
comparaison avec le sacrifice légal (verset 18) : Voyez les Israélites
selon la chair, etc.." I° Pour que les fidèles obtempèrent à ses avis, 1° il argumente par induction (verset
14) : C’est pourquoi ; 2° il insinue par des paroles
bienveillantes (verset 14) : Mes très chers frères ; 3° il instruit en exhortant (verset 14) : Fuyez
l’idolâtrie. Il dit donc (verset 14) : C’est pourquoi, etc. ; comme s’il disait : puisque les
sacrements seuls ne sauvent pas, que celui qui tombe est puni, et que le
secours de Dieu ne manque jamais, (verset 14) : C’est pourquoi, mes très
chers frères, fuyez l’idolâtrie, c’est-à-dire toute marque de respect
donnée aux idoles. « L’Apôtre, dit
la Glose, avertit les fidèles de fuir
toute superstition entachée d’idolâtrie ; il détourne les sages de manger des
viandes immolées aux idoles, en scandalisant leurs frères faibles dans la
foi, aux yeux desquels ils paraîtraient honorer les idoles ; ou afin que ces
frères faibles ne se laissent pas aller eux-mêmes à l’idolâtrie, en faisant
usage de ces viandes, comme pour honorer l’idole » ; (verset
14) : Fuyez donc le culte des idoles, soit supposé, quant à l’usage de ces viandes par les sages, soit
réel, quant à cet usage par les faibles. II° Lorsqu’il dit (verset 15) : Je vous parle comme à des hommes sages, etc., saint Paul avertit de ne pas faire usage
de ces viandes pour le motif de la communion au saint autel. I. Il soumet à leur
jugement ce qu’il va dire ; II. il
l’énonce, à savoir que, par la communion à la sainte Eucharistie, nous
devenons un avec Jésus-Christ (verset 16) : N’est-il pas vrai que la coupe
de bénédiction, etc. ? III. il prouve
qu’il en est ainsi, et que tous, tant que nous sommes, nous ne faisons qu’un
dans son corps mystique (verset 17) : car nous ne sommes tous qu’un seul pain, etc. I. Il dit donc : [Pour
que vous fuyiez l’idolâtrie], je vous parle comme à des hommes sages, etc.
; ou encore : je
vous parle, en vous proposant les hautes vérités qui vont suivre,
comme à des sages ; ou bien : je vous parle, à savoir à ceux
d’entre vous qui sont faibles, comme
j’ai parlé plus haut aux sages. Par conséquent, Vous-mêmes, qui
êtes les premiers, jugez de ce
que je dis ; (Job, XXXI, 13) : "Si j’ai dédaigné d’entrer en
jugement avec mon serviteur" - jugez vous-mêmes, dis-je, ce qui
suit. II. (verset 16) : la
coupe de bénédiction, c’est-à-dire ce qu’on boit dans le calice,
ce qui est une bénédiction pour ceux qui y participent ; (Luc, XXII, 20)
: "Il prit de même la coupe, après
qu’il eut soupé, disant : ‘C’est ici le calice, etc.’" (verset
16) : cette coupe, que nous bénissons, c'est-à-dire que nous,
fidèles, nous exaltons par la foi et l’action de grâces ; ou encore : que
nous bénissons, c’est-à-dire que nous, prêtres, nous consacrons, (verset
16) : n’est-elle pas la communion au sang de Jésus-Christ ? communion
qui fait que nous ne sommes qu’un avec lui, selon cette parole de saint
Augustin : « Vous ne me changerez
pas en vous, comme la nourriture de votre chair, mais vous serez changé en
moi ». Voici le raisonnement de saint Paul : De même que celui qui
participe au calice du Seigneur ne fait qu’un avec lui, ainsi celui qui
participe au calice des démons ne fait qu’un avec eux ; or il faut particulièrement
fuir l’union avec les démons : donc il faut fuir la participation aux viandes
immolées aux idoles en signe de vénération pour elles ; par conséquent : Fuyez le culte des idoles. (verset
16) : et le pain que nous rompons, c’est-à-dire la manducation du
pain rompu à l’autel, n’est-ce pas la communion au corps de Notre Seigneur
?, communion qui nous fait un avec Jésus-Christ, puisque sous l’espèce du
pain on reçoit le corps de Jésus-Christ. III. En disant (verset
17) : Car nous ne sommes tous qu’un seul pain, etc., saint Paul prouve
que tous, tant que nous sommes, nous ne sommes qu’un dans son corps mystique.
1° Il exprime cette
unité ; 2° il en
donne la raison (verset 17) : Nous tous qui participons à un même pain, etc.
A l’égard de l’unité, il en indique deux sortes : celle d’incorporation,
par laquelle nous sommes transformés en Jésus-Christ (verset 17) : car
nous ne sommes tous qu’un seul pain, etc. ; celle de vie et de sentiment, que
nous recevons de Jésus-Christ notre chef (verset 17) : et un seul corps, etc. Il dit donc : car nous ne sommes tous
qu’un, etc. ; en
d’autres termes, il est manifeste que nous ne faisons qu’un avec
Jésus-Christ, en ce que nous sommes un
seul pain par l’union de la foi, de l’espérance et de la charité, et que,
quoique plusieurs, nous ne
formons qu’un seul corps par l’accomplissement des oeuvres de charité. Un
corps, à savoir dont le chef est Jésus-Christ ; plusieurs, dis-je,
c’est-à-dire tous, nous qui participons à un même pain, à savoir au
corps de Jésus-Christ, et à un même calice, c’est-à-dire à son sang, par
une participation digne, c’est-à-dire spirituelle, et non pas seulement
sacramentelle. (Augustin, Traité,
XXV) : « Comprenez que l’Eglise de Jésus-Christ est appelée un même pain et un
seul corps parce que, de même que le pain unique se compose d’un grand nombre
de grains, et un corps unique de plusieurs membres, ainsi l'Eglise de
Jésus-Christ est formée d’un grand nombre de fidèles, unis par la charité ».
L’Apôtre traite de cette unité au chapitre XII, 7, de cette épître. Difficultés : Sur ce
passage : Tous, sous la conduite de Moïse, ont été baptisés, la Glose
dit : « A la vue de tous ces
prodiges faits pour la Loi, ils ont été purifiés ». Objection : Ce
qui tenait à la Loi ne conférait pas la justification. Réponse : Ce qui
appartenait à la Loi justifiait par forme de disposition et d’une manière
éloignée, et non en tant que cause, parce que les observances légales étaient
données comme signe et non comme cause. Sur cet
autre : La pierre était Jésus-Christ, la Glose dit : « Ce n’est pas la pierre qui a donné
l’eau, c’est le Christ ». Objection (Nomb., XX, 8) : "Parlez
à la pierre, et elle vous donnera de l’eau". Réponse : La pierre
donnait l’eau parce qu’elle en était à l’origine ; l’effet ne dépendait pas
d’elle. Sur cette parole : Tous ils ont mangé la même viande spirituelle,
la Glose dit : « Si quelqu’un mange de ce pain, il ne
mourra jamais, c’est-à-dire
celui qui le mange de coeur, non celui qui le broie sous la dent ».
Objection : Donc il ne faut pas le manger sacramentellement. Réponse : Non
celui qui le mange matériellement seulement. Sur cette autre : et
le même breuvage spirituel, la Glose dit : « Les sacrements de ce peuple produisent le même effet, mais
moins grand que ne le produisent nos sacrements ». Objection : Les
sacrements anciens ne produisaient pas ce qu’ils figuraient. Réponse : C’est
le même effet, mais produit diversement ; car leurs sacrements le
produisaient comme signes, et les nôtres le produisent comme causes. Sur ces
paroles : Toutes les choses ont été des figures, la Glose dit : « Tous les châtiments sont moindres
que l’enfer ». Objection : La privation de la vision de Dieu est
plus grande que la peine de l’enfer, selon saint Jean Chrysostome. Réponse :
La Glose parle des châtiments temporels. Sur ce passage : Que celui qui se
croit ferme prenne garde de tomber, la Glose dit : « Ce n’est pas qu’on puisse vivre sans faire quelque chute ».
Objection : Plusieurs n’ont aucun péché mortel. Réponse : Il y a deux sortes
de chute, l’une qui sépare du Seigneur par le péché mortel, l’autre qui
laisse uni au Seigneur par le péché véniel. Sur celui ci : Dieu est
fidèle, la Glose dit : « Celui
qui donne au démon la faculté de tenter donne sa miséricorde à. ceux qui
doivent être tentés ». Objection : Ce qui se fait par faculté se
fait licitement. Donc il est permis au Diable de tenter. Réponse : Le terme
faculté est pris ici dans le sens de permission, et non pour concession. Sur
cette parole : Jugez vous-mêmes. Objection : Ce n’est pas aux
inférieurs de juger ce que font les supérieurs. Réponse : Ils ne doivent pas
juger d’un jugement de supériorité; ils peuvent le faire d’un jugement
d’appréciation. Sur cette parole : que nous bénissons, la Glose dit
: « nous, prêtres ».
Objection : Ce qui est moindre est béni par ce qui est plus élevé. Réponse :
Dans le sacrement de l’autel, la bénédiction du prêtre tombe sur le terme « a quo », c’est-à-dire sur le
pain, et non sur le terme « ad
quem », c’est-à-dire sur le corps de Jésus-Christ. Sur cette
parole : Le pain que nous rompons, etc. Objection : A ce moment il n’y
a déjà plus de pain. Réponse : On met la chose signifiée au lieu du signe, le
pain pour l’espèce du pain. Sur cette autre : N’est-ce pas la
participation, etc.. ? la Glose dit : « Il
est reçu par parties dans le sacrement, il est tout entier et sans division
dans les cieux ». Objection : Jésus-Christ, dans le sacrement, ne
peut être reçu par parties. Réponse : On le reçoit par parties du sacrement,
et non pas par parties de lui-même. La Glose dit sur ce même passage : « Dans ce sacrement, il nous a donné
son corps et son sang, c’est-à-dire il nous a faits nous-mêmes ».
Objection : Il ne nous a pas faits le corps véritable de Jésus-Christ.
Réponse : Il s’agit de ce qui est signifié : la relation est donc simple. |
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Lectio 5 |
Leçon 5 : 1 Corinthiens X, 18-24 — Attention à l'idolâtrie |
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SOMMAIRE : L’Apôtre, par une similitude prise des sacrifices légaux, détourne de l’usage des viandes immolées aux idoles, et donne, pour motif de ce qu’il ordonne, la crainte qu’ils ne deviennent les associés du démon et qu’ils ne soient exclus de l’union avec Dieu. |
[18] videte Israhel secundum carnem nonne qui edunt hostias
participes sunt altaris [19] quid ergo dico quod idolis immolatum sit aliquid aut quod
idolum sit aliquid [20] sed quae immolant gentes daemoniis immolant et non Deo
nolo autem vos socios fieri daemoniorum non potestis calicem Domini bibere et
calicem daemoniorum [21] non potestis mensae Domini participes esse et mensae
daemoniorum [22] an aemulamur Dominum numquid fortiores illo sumus omnia
licent sed non omnia expediunt [23] omnia licent sed non omnia aedificant [24] nemo
quod suum est quaerat sed quod alterius |
18.
Considérez les Israélites selon la chair ceux qui mangent de la victime
immolée ne prennent-ils pas part à l’autel ? 19. Est-ce
donc que je veuille dire que ce qui a été immolé aux idoles ait quelque
vertu, ou que l’idole soit quelque chose ? 20. Mais je
dis que ce que les païens immolent, ils immolent aux démons et non pas à
Dieu. Or je désire que vous n’ayez aucune société avec les démons. Vous ne
pouvez pas boire le calice du Seigneur et le calice des démons. 21. Vous ne
pouvez pas participer à la table du Seigneur et à la table des démons. 22. Est-ce
que nous voulons irriter Dieu et le piquer de jalousie ? Sommes-nous plus
forts que Lui ? Tout m'est permis, mais tout n'est pas avantageux. 23. Tout
m'est permis, mais tout n'est pas édifiant. 24. Que
personne ne cherche sa satisfaction, mais le bien des autres. |
[90342] Petrus de Tarantasia, In I Cor.,
cap. 10 l. 5 Superius monuit abstinere a comestione
idolothitorum, primo ex timore poenae consimilis, secundo ex communione
altaris; hic tertio monet ad idem ex similitudine sacrificii legalis. Ubi
primo excitat attentionem; secundo ostendit propositum, ibi nonne qui
edunt hostias. Dicit ergo videte. Hoc dupliciter legitur.
Uno modo de sacrificiis Iudaeorum, alio modo de ritu gentilium. Primo modo
hoc, quod dico Israel, est accusativi casus, alio modo vocativi. Primo
modo sic, quasi dicat : multi unum corpus sumus, qui de uno pane, et de uno
calice participamus. Et hoc patet per hanc similitudinem videte Israel
secundum carnem, supple ambulantem, id est carnalibus sacrificiis
deservientem. Hoc dicit ad differentiam Israel secundum spiritum. De utroque
Rom. II, 28 : non enim qui in manifesto Iudaeus, et cetera. Nonne
qui edunt hostias, legales, participes sunt altaris, legalis?
Sicut qui edunt carnem Christi et sanguinem, participes sunt corporis eius.
Secundo modo legitur sic : videte, o Israel, o vos qui estis Israel,
spiritualis videntis, scilicet Deum; videte, inquam, ea quae sunt secundum
carnem, id est, in idololatriae ritu carnali. Nonne qui edunt hostias,
idolis scilicet immolatas, participes sunt altaris, Daemonum et
idolorum? Quasi dicat : sic. Est ergo sua ratio talis : qui edunt hostias
oblatas altari, participes sunt altaris. A simili qui edunt hostias immolatas
idolis, participes sunt idolorum sive Daemoniorum. Deinde cum dicit quid ergo dico, etc.,
superius posuit monitionem cavendi ab idolothitorum comestione, hic ponit
causam admonitionis. Ponit autem quatuor causas quare debent ab idolothitis
abstinere : primo propter vitandam Daemonis societatem, secundo propter
vitandam sacrae communionis exclusionem, ibi quia non potestis calicem domini
bibere, etc., tertio propter vitandam Dei indignationem, ibi an
aemulamur dominum, etc., quarto propter fratrum laesionem, ibi omnia
mihi licent, et cetera. In prima, primo ostendit per hoc, quod non dicit
hoc, eo quod alicuius virtutis reputet idolum, vel idolothitum; secundo, quod
potius ideo, quia Daemonibus est immolatum, ibi sed quae immolant,
etc.; tertio, quod non vult eos esse socios Daemonum, ibi nolo autem vos
socios, et cetera. Dicit ergo : quid
ergo? Quasi dicat : moneo cavere ab idolothitis. Quid ergo dico? Id est,
quid dicere videor hoc monendo? Numquid hoc, supple quod illud, quod
idolis est immolatum, sit aliquid, vel alicuius virtutis, ut noceat, aut
quod idolum sit aliquid veneratione dignum? Quasi
dicat : non. Ps. CXXXIV, 17 : neque enim est spiritus in ore ipsorum. Sed
hoc potius dico quod quae immolant gentes, idolo, Daemoni immolant,
et non Deo. Ps. XCV, 5 : omnes dii gentium Daemonia. Deut. XXXII,
17 : immolaverunt Daemonibus, et non Deo. Deinde cum dicit nolo
autem vos fieri, etc., ostendit, quod non vult eos fieri socios Daemonum,
quod fieret si communicarent mensae idolorum. Et hoc est, quod dicit nolo
autem vos, qui fideles estis, socios fieri Daemonum, edendo
scilicet de his, quae idolis immolantur. II
Cor. VI, 14 s. : quae societas lucis ad tenebras, aut quae conventio
Christi ad Belial? Deinde cum dicit non potestis calicem, et
cetera. Ecce secunda ratio quare abstinendum est ab idolothitis, quae est
talis : omne quod excludit a communione corporis et sanguinis Christi,
vitandum est : comestio idolothitorum est huiusmodi; ergo vitanda est. Primo
ergo ostendit, quod huiusmodi comestio excludit a communione sanguinis
Christi; secundo, quod et a communione corporis Christi, ibi non potestis
mensae domini participes, et cetera. Dicit ergo non potestis,
etc., quasi dicat : nolo vos fieri socios Daemoniorum. Hoc autem ideo
dicit quia non potestis calicem domini bibere, potu spirituali, non
sacramentali tantum, Ps. CXV, 13 : calicem salutaris accipiam, et calicem
Daemoniorum, simul : et hoc quoad sacramentum sanguinis. Non potestis
mensae domini participes esse, quoad sacramentum corporis, et mensae
Daemoniorum. Matth. VI, 24 : nemo potest duobus dominis servire.
Ecce ergo calix fructuosus, quia ad bibendum spiritualiter pretiosus, quia
domini specialiter purus et mundus, quia non datur immundis utiliter.
Similiter potest dici de mensa. Deinde cum dicit an aemulamur dominum,
etc., ecce tertia ratio, talis : omne illud quod provocat iram Dei, vitandum
est; comestio idolothitorum est huiusmodi, ergo vitanda est. Primo ergo
ostendit, quod Deus provocatur ex tali comestione; secundo, quod stultum est
eum provocare, ibi numquid fortiores illo, et cetera. Dicit ergo an aemulamur, id est, ad iram provocare volumus dominum,
comedendo idolothita? Vel sic an aemulamur dominum, id est, invidemus
ei, ut quasi in contemptum eius hoc faciamus? Deut. XXXII, v. 16 : provocaverunt
eum in diis. Numquid, quasi dicat : non
debemus eum provocare. Numquid illo fortiores sumus? Quasi dicat :
non. Iob IX, 19 : si fortitudo quaeritur, robustissimus est. Fatuum
est enim provocare fortiorem se. Notandum super illud nolo autem vos
socios fieri, quod est societas bona et mala, et utraque quadruplex. Est
ergo societas bona, prima personarum divinarum, de qua I Io. I, 3 : ut
societatem habeamus cum Deo, et societas nostra sit cum patre et cum filio
eius Iesu Christo. Et hoc exigit summa iucunditas, quia nullius rei sine
socio iucunda est possessio. Secunda Angelorum sanctorum, de qua Tob. V, 27 :
credo enim, quod Angelus Dei bonus comitetur ei, et hoc exigit hominis
dignitas. Hieronymus : magna est dignitas animarum, et cetera. Tertia virorum
iustorum, de qua Gal. c. II, 9 : Iacobus et Ioannes dextras dederunt mihi
et Barnabae societatis, et hoc exigit nostra utilitas. Eccle. IV, 9 : melius
est duos, et cetera. Quarta beatorum, de qua Apoc. I, 9 : ego Ioannes
socius vester et frater in tribulatione et regno, et hoc exigit communis
felicitas; quia si socii sumus passionis, erimus et consolationis, II Cor. I,
7. Societas mala similiter quadruplex : prima a
parte malorum, de qua Is. I, 23 : principes tui infideles socii furum.
Haec est societas Herodis et Pilati in crucifixione Christi. Secunda
hypocritarum, de qua Iob XXX, 29 : frater fui draconum et socius
struthionum, quae alas habere videtur et volare non potest. Haec est
societas vulpis et lupi. Tertia Daemonum, de qua Iob XVIII, 15 : habitent
in tabernacula eius socii eius, qui non est. Haec societas catti et
muris, carnificis et bovis. Quarta damnatorum, de qua II Cor. c. VI, 14 : quae
societas lucis ad tenebras? Haec est societas incarceratorum in igne. Deinde cum dicit omnia mihi licent, etc.,
ponitur quarta ratio talis : omne illud quod laedit proximorum salutem
vitandum est; sed comestio idolothitorum est huiusmodi, ergo vitanda. Primo ostendit,
quod talis comestio comedenti non proficit; secundo, quod alterum laedit, ibi
omnia mihi licent, et cetera. Dicit ergo omnia mihi, etc.,
quasi dicat : si illos peccare dicam, qui comedunt idolothita, non tamen dico
cibos in se illicitos, quia omnia quae ad escam pertinent, mihi
licent. Vel : et si omnia mihi licent, sed non omnia expediunt, id
est, adiuvant me in cursu meo. Simile supra VI, 12. Omnia mihi licent,
id est, et si omnia mihi licerent sed non omnia aedificant proximos,
sed ea, quae charitatis sunt, supra VIII, 1 : scientia inflat, charitas
aedificat. Et quia non omnia aedificant, nemo quod suum est quaerat
tantum, charitas enim non quae sua sunt quaerit, infra XIII, 5, sed
quod alterius, id est, quod alteri proficit. Sed heu. Phil. II, 21 dicitur
: omnes quae sunt sua quaerunt. Audiendus est ergo apostolus, qui et
docet verum, et monet bonum. Docet verum duplex, scilicet expedientiae sibi,
quia omnia licent, sed non expediunt, et aedificationis aliis, quia omnia
licent, sed non omnia aedificant. Monet bonum duplex, scilicet
expedientiae sibi nemo quod suum est quaerat, et aedificationis aliis sed
quod alterius. |
L’Apôtre,
dans ce qui précède, a averti de s’abstenir des viandes immolées aux idoles,
d’abord par la crainte d’un châtiment semblable à celui des Juifs, ensuite à
cause de la communion à l’autel sacré. Il répète ici, en troisième lieu, sa
recommandation, en l’appuyant d’une comparaison tirée des sacrifices de la
Loi. I° Il
provoque l’attention ; II° il énonce
sa proposition (verset 18) : Ceux d’entre eux qui mangent de la chair des
victimes. I° Il dit donc (verset 18) : Voyez. Ces paroles
peuvent s’entendre de deux manières : d’abord des sacrifices des Juifs,
ensuite du culte de la Gentilité. Dans le premier sens, ce mot "Israël"
est à l’accusatif ; dans le second, il est au vocatif. 1° On l’entend ainsi : tous ensemble
nous ne faisons qu’un corps, nous qui participons à un seul pain et à un seul
calice ; et cela est manifeste par cette similitude : Voyez Israël selon
la chair, suppléez « marchant », c’est-à-dire engagé dans les
sacrifices selon la chair. L’Apôtre s’exprime ainsi pour faire ressortir la
différence d’avec Israël selon l’esprit. Il est dit des deux (Rom., II, 28) :
"Le Juif n’est pas celui qui l’est au dehors, etc." II° (verset 18) : Ceux d’entre ce peuple qui mangent de la chair des
victimes, c’est-à-dire selon la Loi, ne prennent-ils pas ainsi part à
l’autel légal ? comme ceux qui reçoivent la chair et le sang de
Jésus-Christ participent à son corps. Dans le second sens, on entend ainsi : Voyez,
ô Israël ! ô vous qui faites
partie de l’Israël spirituel et voyant, à savoir Dieu, voyez, je le répète, ce qui est selon la chair, c’est-à-dire dans le culte charnel de l’idolâtrie.
Est-ce que ceux qui mangent des
victimes immolées, à savoir aux idoles, ne participent pas à l’autel des
démons et des idoles ?,
semble dire l’Apôtre et de sous-entendre : il en est ainsi. Voici donc son
raisonnement : Celui qui mange des victimes offertes à l’autel participe à
l’autel ; par analogie, ceux qui mangent des victimes immolées aux, idoles
participent aux idoles ou aux démons. Lorsque l’Apôtre ajoute (verset 19) : Qu’ai-je
donc dit, etc. ? après avoir fait plus haut la recommandation de se
garder de manger des chairs immolées aux idoles, il donne la raison de sa
recommandation. Or ces motifs sont au nombre de quatre : I. éviter le scandale
de la société avec le démon ; II. éviter le
scandale de l’exclusion de la sainte communion (verset 20) : Vous ne
pouvez pas boire la coupe du Seigneur, etc. ; III. échapper à
l’indignation de Dieu (verset 22) : Est-ce que nous voulons irriter Dieu, etc.
?; IV. ne pas blesser nos
frères (verset 23) : Tout m’est permis, etc. I. Sur le premier
motif, saint Paul prouve : 1° qu’il n’a
pas parlé comme il vient de le faire parce qu’il reconnaîtrait quelque vertu
dans l’idole ou dans ce qui lui est offert ; 2° qu’il s’est exprimé ainsi parce qu’il s’agit de
victimes immolées aux démons (verset 20) : mais je dis que ce que les
païens immolent, etc. ;
3° il ne veut pas que
les fidèles entrent en société avec les démons (verset 20) : Je désire que
vous n’ayez aucune société, etc. Il dit donc (verset 19) : Qu’ai-je
donc ?, en d’autres termes, j’avertis de se garder des viandes immolées
aux idoles ; que veux-je donc dire ?
ou que parais-je dire en faisant cette recommandation ? est-ce ceci :
suppléez : que ce qui est immolé
aux idoles ait quelque vertu pour nuire, ou que l’idole soit
quelque chose digne de vénération ? comme s’il répondait : non ;
(Psaume CXXXIV, 17) : "Dans leur bouche, il n’y a pas l’Esprit de vie".
Mais ce que je dis, c’est plutôt
que ce qu’immolent les païens à
l’idole, ils l’immolent aux démons, et
non pas à Dieu ; (Psaume XCV, 5) : "Tous les dieux des
nations sont des démons" et (Deut., XXXII, 17) : "Ils ont
sacrifié aux démons et non pas à Dieu." A ces paroles (verset 20) : Or
je désire que vous n’ayez, etc., saint Paul montre qu’il ne veut pas
qu’ils entrent en société avec les démons, ce qui arriverait s’ils prenaient
part à la table des idoles. C’est ce qu’il dit (verset 20) : Or je désire
que vous, qui êtes fidèles, vous n’ayez aucune société avec les
démons, à savoir en mangeant de ce qui est immolé aux idoles ; (II
Cor., VI, 14 sv) : "Quelle union peut exister entre la lumière et les
ténèbres ? quel accord entre Jésus-Christ et Bélial ?" II. Lorsque l’Apôtre
dit (verset 20) : Vous ne pouvez pas boire la coupe, etc., il fait un
second raisonnement pour engager les fidèles à s’abstenir des viandes
immolées aux idoles. Voici ce raisonnement : Il faut éviter tout-ce qui fait
exclure de la communion du corps et du sang de Jésus-Christ : or tel est
l’usage des viandes offertes aux idoles ; donc il faut l’éviter. Saint Paul
fait donc voir que l’usage de ces viandes exclut : 1° de la communion du sang de
Jésus-Christ ; 2° de la communion de son corps
(verset 21) : Vous ne pouvez pas participer à la table du Seigneur, etc…
Il dit donc (verset 20) : Vous ne pouvez pas, etc. ; en d’autres termes, je désire que vous n’ayez aucune société
avec les démons ; et la raison qui me fait parler ainsi, c’est que
(verset 20) : Vous ne pouvez pas boire la coupe du Seigneur, selon
l’esprit et non pas seulement sacramentellement ; (Psaume CXV, 13) : "Je
prendrai le calice du salut," - et la coupe des démons en même
temps. Voilà pour le sacrement du sang. (verset 21) : Vous ne pouvez pas
participer à la table du Seigneur, quant au sacrement du corps, et à
la table des démons ;
(Matthieu VI, 24) : "Nul ne peut servir deux maîtres." Voilà
donc ce calice plein de bénédictions, car il nous est offert pour que nous le
buvions ; il est précieux à cause de ses fruits spirituels, parce que c’est
le calice du Seigneur ; pur et sans tache, parce qu’il ne profite pas à celui
qui n’est pas pur. On peut en dire autant de la table du Seigneur. III. A ces paroles
(verset 22) : Est-ce que nous voulons irriter Dieu, etc. ? l’Apôtre
fait un troisième raisonnement : Tout ce qui provoque la colère de Dieu doit
être évité : or tel est l’usage des viandes immolées aux idoles ; il faut
donc éviter ces viandes. Saint Paul affirme d’abord que ceux qui agissent
ainsi provoquent Dieu ; ensuite, que c’est folie de le provoquer de cette
manière ; (verset 22) : Sommes-nous plus forts que Lui, etc. ? Il
dit donc (verset 22) : Voulons-nous donc irriter, c’est-à-dire
voulons-nous provoquer la colère du
Seigneur, en usant des viandes immolées aux idoles ? ou bien : Voulons-nous
irriter Dieu, c’est-à-dire nous laisserons-nous aller à la jalousie
contre Lui, en sorte que nous agissions de cette façon par une sorte de
mépris à son égard ? (Deut., XXXII, 16) : "Ils l’ont provoqué par des
dieux étrangers" - (verset 22) : Est-ce que, en d’autres
termes, nous ne devons pas le provoquer ; est-ce que nous sommes plus
forts que Lui ? comme s’il répondait : nullement. (Job, IX, 19) : "Si
l’on fait appel à la force, il est
le plus fort". C’est folie, en effet, de provoquer plus fort que
soi. Remarquez sur ce passage : Je désire que vous n’ayez pas de société, qu’il
y a société bonne et mauvaise, et que chacune d’elles est de quatre sortes.
La société bonne est : 1° celle des personnes divines, dont saint
Jean dit (I ép., I, 3) : "afin que vous entriez avec nous dans la
même société que Dieu, et que notre société soit avec le Père, et avec son
Fils Jésus-Christ." La joie suprême exige qu’il en soit ainsi, parce
que toute possession, pour être agréable, doit être partagée ; 2° la société des saints anges, dont
il est dit (Tobie, V, 27) : "Je crois que le bon ange de Dieu
l’accompagne", cette société est exigée par la dignité humaine ;
saint Jérôme dit que la dignité
des âmes est grande, etc. 3° la société des justes, dont il est
dit (Gal., II, 9) : "Jacques, Céphas et Jean nous donnèrent la main,
à Barnabé et à moi, en signe de société" : notre propre utilité l’exige (Ecclésiastique IV, 9) : "Il
vaut mieux que deux soient ensemble que d’être seul, etc." 4° la société des bienheureux, dont il
est dit (Apoc., I, 9) : "Moi, Jean, votre frère, votre associé dans
la tribulation et dans le royaume" ; cette société est réclamée par la joie commune, car (II Cor.,
I, 7) si nous avons part à la
souffrance, nous aurons part aussi à la consolation. La société
mauvaise est aussi de quatre sortes : 1° celle des méchants, dont il est dit
(Isaïe, I, 23) : "Vos princes sont des infidèles ; ils sont les
compagnons des voleurs" ;
telle est la société d’Hérode et de Pilate pour faire crucifier Jésus-Christ ;
2° la société des hypocrites, dont il
est dit (Job, XXX, 29) :
"J’ai été le frère des dragons et le compagnon des oiseaux de nuit",
qui paraissent avoir des ailes et ne peuvent voler : c’est la
société du renard et du loup ; 3° la société des démons, dont il est
dit (Job, XVIII, 15) : "Ses compagnons habiteront dans sa maison
quand il ne sera plus" ;
c’est la société du chat et de la souris, du boucher et du bœuf ; 4° la société des damnés, dont il est
dit (II Cor., VI, 14) : "Quelle union entre la lumière et les
ténèbres ?" : c’est
la société des détenus dans la prison de feu. IV. Lorsqu’il dit
(verset 23) : Tout m’est permis, etc. l’Apôtre fait un quatrième
raisonnement : Tout ce qui porte atteinte au salut du prochain doit être
évité : or tel est l’usage des viandes immolées aux idoles ; on doit donc
l’éviter. Saint Paul fait voir : 1° que cet usage n’est d’aucune
utilité pour celui qui mange de ces viandes ; 2° qu’il est nuisible au prochain
(verset 23) : Tout m’est permis, etc. Il dit donc (verset 23) : Tout
m’est permis, etc., en d’autres termes, si je dis que ceux-là pèchent qui
mangent des viandes immolées, je ne prétends pas cependant que ces viandes
soient en elles-mêmes illicites, puisque, dans ce qui tient aux aliments, tout
m’est permis. Ou bien,
bien que tout me soit permis, tout
n’est pas expédient, c’est-à-dire ne m’aide pas dans ma course. On
lit de même (ci-dessus, VI, 12) : Tout m’est permis, et cependant, quand tout me serait
permis, tout ne concourt pas à édifier
le prochain, mais seulement ce qui procède de la charité (ci-dessus, VIII, 1)
: La science enfle, mais la charité édifie. Et parce que tout ne
concourt pas à l’édification, (verset 25) : que nul ne cherche ce qui
lui est propre, car (ci-après, XIII, 5) la charité ne cherche point ses propres intérêts, - mais ce qui
touche aux intérêts des autres, c’est-à-dire ce qui leur est
profitable. Mais, hélas ! on lit (Philip., II, 21) : "Tous cherchent
leurs propres intérêts." Il faut donc prêter l’oreille aux
avertissements de l’Apôtre, qui enseigne la vérité et porte vers le bien. Il
enseigne deux sortes de vérités, à savoir celle du profit spirituel pour
lui-même : Tout lui est permis, mais tout ne lui est pas expédient, et
celle de l’édification pour le prochain : Tout est permis, mais tout
n’édifie pas." Il porte vers le bien, qui est aussi de deux sortes,
à savoir ce qui lui est profitable (verset 24) : Que personne ne cherche
sa propre satisfaction, et ce qui édifie le prochain, mais cherche le
bien des autres. |
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Lectio 6 |
Leçon 6 : 1 Corinthiens X, 25-30 — Quand peut-on manger des viandes immoler aux idoles ? |
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SOMMAIRE : L’Apôtre enseigne dans quelles circonstances il est permis d’user des viandes immolées aux idoles, dans quelles autres il ne l’est pas. |
[25] omne quod in macello venit manducate nihil interrogantes
propter conscientiam [26] Domini est terra et plenitudo eius [27] si quis vocat vos infidelium et vultis ire omne quod vobis
adponitur manducate nihil interrogantes propter conscientiam [28] si quis autem dixerit hoc immolaticium est idolis nolite
manducare propter illum qui indicavit et propter conscientiam [29] conscientiam autem dico non tuam sed alterius ut quid enim
libertas mea iudicatur ab alia conscientia [30] si ego
cum gratia participo quid blasphemor pro eo quod gratias ago |
25. Mangez
de tout ce qui se vend de la boucherie, sans vous enquérir d’où il vient par
un scrupule de conscience. 26. Car la
terre et tout ce qu’elle contient est au Seigneur. 27. Si un
infidèle vous invite à manger chez lui, et que vous y vouliez aller, mangez
de tout ce qu'il vous servira, sans vous enquérir d’où il vient par un
scrupule de conscience. 28. Mais si
quelqu'un vous dit : Ceci a été immolé aux idoles, n’en mangez pas à cause de
celui qui vous a donné cet avis, et aussi de peur de blesser la conscience. 29. Non
votre conscience, mais celle d'autrui ; car pourquoi m'exposerai-je à faire condamner
par un autre cette liberté que j'ai de manger de tout ? 30. Si je
prends avec action de grâces ce que je mange, pourquoi donnerai-je sujet à un
autre de parler mal de moi pour une chose dont je rends grâces à Dieu ? |
[90343] Petrus de Tarantasia, In I Cor.,
cap. 10 l. 6 Superius monuit cavere ab idolothitis, et posuit
rationem quadruplicem suae monitionis : hic tertio docet modum cavendi a
praedictis, ostendendo quomodo liceat edere, et quomodo non. Primo ergo
ostendit an liceat edere; secundo quando non licet, si quis autem dixerit,
etc.; tertio quid in utrisque debent attendere, ibi sive ergo manducatis,
et cetera. In prima primo ponit duos casus in quibus licet idolothita
comedere. Primus, quando comedit per se; secundus, quando cum aliis, ibi si
quis autem infidelium, et cetera. Vel primus, quando nescit idolis
immolatum; secundus, quando non in proximi scandalum. In primo casu primo tangit comedendi licentiam,
secundo comedendi praestat cautelam, ibi nihil interrogantes, et
cetera. Dicit ergo omne quod in macello venit, id est venditur, etc.;
quasi dicat : quia licet edere, sed non expedit aliquando, ideo sic edite. Omne
quod in macello venit, id est, venditur, manducate, si vultis. Omnis
enim creatura Dei bona, et nihil reiiciendum, et cetera. I Tim. IV, 4.
Vos, dico, nihil interrogantes, scilicet an sit idolis immolatum, vel
non, et hoc propter conscientiam, astantis infirmi. Domini est
terra, et cetera. Quasi dicat : hoc secure potestis facere, quia domini
est terra, et plenitudo eius, id est, omnia quibus terra impletur. Ps.
XLIX, 10 : quoniam meae sunt omnes ferae. Ambrosius hoc in loco : non
potest esse immundum, quod domini est; sed omnes carnes sunt domini, ergo de
se mundae sunt et licitae. Deinde cum dicit si quis autem vocat,
etc., ostendit quando licet comedere idolothita cum aliis, quando, si dantur
in convivio, et ignoratur ab infirmis, quod sint idolis immolata. Ubi
implicantur quatuor expedientia cuilibet convivae, scilicet ne sit impudens,
se ingerendo, quod notatur ibi si quis vocat vos, quod non sit
offendens in respuendo, quod notatur ibi et vultis ire, quod non sit
onerosus in petendo, quod notatur ibi omne quod vobis apponitur, quod
non sit indiscretus in loquendo, ibi nihil interrogantes. Dicit ergo si
quis infidelium, id est, gentilium. Nam cum Iudaeis comedere prohibitum
est, XXVIII, qu. 1, c. Omnes, ubi sic dicitur : omnes deinceps,
sive clerici, sive laici, Iudaeorum convivia vitent, nec eos ad convivium
quisquam recipiat, quia cum Iudaei apud Christianos cibis communibus non
utantur, indignum atque sacrilegum est eorum cibos a Christianis sumi. Si
quis ergo infidelium, id est gentilium, vocat vos ad coenam, et vultis ire,
id est placet vobis invitatio, omne comestibile quod vobis
apponitur, manducate. Concessio est, non iussio. Lc. X, 8 : manducate
quae vobis apponuntur. Vos dico, nihil interrogantes, an sit
immolatum idolis, vel non. Et hoc propter conscientiam infirmorum. Deinde cum dicit si quis autem dixerit,
etc., ostendit quando non licet comedere. Ubi assignat triplicem causam quare
non licet comedere. Primo propter alterius conscientiam; secundo propter
damnationem propriam, ibi ut quid enim libertas mea, etc.; tertio
propter imperitorum blasphemiam, ibi si cum gratia participo, et
cetera. Prima ratio talis est : nihil faciendum est scienter, quod laedat
conscientiam eius qui facit, sed comestio idolothiti est huiusmodi; ergo
nihil tale est faciendum. Primo ergo proponit idolothiti cognitionem; secundo
dissuadet eius comestionem, ibi nolite manducare, etc.; tertio subdit
huius rationem, ibi propter illum qui indicavit. Dicit ergo si quis autem dixerit, etiam
non interrogatus, hoc est immolatum idolis, nolite manducare; et hoc propter
illum, qui indicavit, hoc esse immolatum idolis, ne scilicet credat te
manducare sub veneratione idoli, non quod cibus de se sit immundus. Rom. XIV,
14 : scio et confido in domino, quod nihil commune est per ipsum, nisi
illi, qui existimat aliquid commune esse. Sed etiam propter
conscientiam aliorum infirmorum. Conscientiam autem non tuam, quae
firma est, sed alterius, scilicet infirmi, II Cor. c. VI, 3 : nemini
dantes ullam offensionem. Deinde cum dicit ut quid enim libertas mea,
et cetera. Ecce iam secunda ratio, quae est talis : quod facit ad iudicium
damnationis propriae vitandum est : sed comestio idolothiti cum scandalo
proximi est huiusmodi; ergo talis comestio vitanda est. Et hoc est, quod
dicit ut quid, etc., quasi dicat : nolite manducare propter
conscientiam infirmi, ut quid enim libertas mea, id est, quod liberum
mihi est, iudicatur ab aliena conscientia? Id est, mihi fit damnabile
propter conscientiam alienam ratione scandali. Quasi dicat : si comedo cum
alterius scandalo, sic ago ut reddam me damnabilem. Matth. XVIII, 6 : qui
scandalizaverit unum de pusillis istis, expedit ei ut suspendatur mola
asinaria, et cetera. Ut quid ergo sic ago? Quasi dicat, male ago. Deinde cum dicit si ego cum gratia participo,
et cetera. Ecce ratio tertia talis : cavendus est casus in blasphemiam et
vituperium aliorum; sed comedendo idolothitum, cum scandalo comedo sic; ergo,
et cetera. Ubi primo tangit modum edendi debitum,
secundo nihilominus blasphemiam insipientium, ibi quid blasphemor. Dicit
ergo si ego cum gratia, id est cum gratiarum actione, participo,
id est, comedo. Sic enim semper sumendus est cibus, Io. VI, v. 11 : gratias
agens benedixit et fregit. Quid blasphemor? Ab imperitis dicentibus
idololatrare. Blasphemor, inquam, pro eo, quod gratias
ago, id est, quod gratias agendo participo. Rom.
XIV, 16 : non ergo blasphemetur bonum nomen vestrum. |
L’Apôtre a
recommandé plus haut de s’abstenir des viandes immolées aux idoles, et il a
donné quatre raisons de sa recommandation ; en troisième lieu, il enseigne
ici à se préserver des chutes signalées précédemment, en montrant quand il
est permis d’user de ces viandes et quand il ne l’est pas. Il examine I° si cet usage est licite ; II° quand il ne l’est
pas (verset 28) : Si quelqu’un vous dit, etc. ; III° ce à quoi
il faut faire attention dans l’une et l’autre circonstance (verset 31) : Soit
donc que vous mangiez, etc… I° Sur la première question, saint Paul considère d’abord deux cas dans
lesquels il est permis d’user des viandes offertes aux idoles : le premier,
quand on mange à part soi ; le second, quand on mange en compagnie d’autres
personnes (verset 27) : si un infidèle, etc…; ou bien le premier, quand on ne
sait pas que les viandes ont été immolées aux idoles ; le second, quand il
n’y a pas à craindre de scandale pour le prochain. I. Dans le premier
cas, l’Apôtre traite : 1° de la
faculté d’user de ces viandes ; 2° des
précautions à prendre lorsqu’on en use (verset 25) : sans vous informer de rien, etc.
Il dit donc : Mangez de tout ce qui est exposé au marché,
c’est-à-dire de tout ce qui est en vente ; en d’autres termes, puisqu’il est
permis de manger des viandes immolées, mais qu’il n’est pas toujours
expédient de le faire, voici la règle : De tout ce qui est exposé au
marché, à savoir en vente au marché, usez-en,
si vous le jugez à propos, car (I Tim., IV, 4) : "Tout ce que Dieu a
créé est bon, et l’on n’en doit rien rejeter, etc." – Usez-en, je le
répète, sans vous informer de rien, c’est-à-dire de la question de
savoir si ces viandes ont été immolées ou non aux idoles, et cela à cause de la conscience de votre frère,
faible encore, qui est présent. Car (verset 26) : La terre est au
Seigneur, etc. ; en
d’autres termes, vous pouvez le faire avec sécurité, car la terre est au Seigneur,
ainsi que tout ce qu’elle contient, c’est-à-dire tous les êtres
dont la terre est remplie ; (Psaume XLIX, 10) : "Tous les
animaux des forêts sont à moi." Saint Ambroise, sur ce passage, dit :
« Ce qui appartient au Seigneur ne
saurait être immonde ; or toute chair est à Lui : en soi donc elle est pure
et permise ». II. A ces paroles
(verset 27) : Si un infidèle vous invite, etc., l’Apôtre explique
quand il est permis de faire usage, en présence d’autres personnes, de
viandes immolées, à savoir quand elles sont servies dans un repas, sans que
les faibles sachent qu’elles ont été immolées aux idoles. Il fait ici quatre
recommandations utiles à quiconque est invité, à savoir : 1° il ne faut pas être hardi pour
s’imposer ; ce qui est marqué par ces paroles (verset 27) : Si un infidèle
vous invite. 2° il ne faut pas offenser en refusant
: et si vous voulez y aller. 3° il ne faut pas être exigeant en
réclamant : Mangez de tout ce qu'on servira. 4° il ne faut pas être indiscret en
parlant : sans vous informer de rien. Il dit donc : Si un
infidèle, c’est-à-dire quelqu’un d’entre les Gentils, car il est interdit
de manger avec les Juifs (28, qu1, c)
: Tous, à l’avenir, soit clercs, soit laïcs, éviteront de manger
avec les Juifs, et personne ne les recevra à sa table. La raison en est que les Juifs, ne
faisant pas usage des mêmes aliments que les chrétiens, c’est indignité et
scandale pour les chrétiens d’user des aliments des Juifs.- Si donc un infidèle, c’est-à-dire
un païen, vous invite à manger chez
lui, et que vous vouliez y aller, c’est-à-dire si l’invitation
vous est agréable, mangez de tout ce qui est mangeable ou de tout ce
qu’on vous servira. C’est une concession, ce n’est pas un ordre ;
(Luc, X, 8) : "Mangez de tout ce qu’on sert." Je vous le
répète, sans vous informer de rien, c’est-à-dire si les viandes ont
été ou n’ont pas été immolées aux idoles, et cela pour la conscience
des faibles. II° En ajoutant (verset 28) : Que si quelqu’un vous dit, etc., l’Apôtre
explique quand il n’est pas permis d’user de ces viandes. Il assigne trois
motifs à cette interdiction : 1° la
conscience d’autrui ; 2° la propre
condamnation du fidèle (verset 29) : Pourquoi ferais-je dépendre ma
liberté, etc… ? 3° les
blasphèmes des ignorants (verset 30) : "Si je prends avec action de
grâces, etc… I. Voici le premier
raisonnement : il ne faut rien faire sciemment de ce qui peut blesser la conscience
de celui qui agit ; or l’usage des viandes immolées peut produire cet effet ;
il ne faut donc pas se le permettre. Saint Paul suppose : 1° qu’on sait que les viandes ont été
immolées aux idoles ; 2° il dissuade d’en user (verset 28) :
N’en mangez pas, etc…;
3° il donne la raison de cette
recommandation (verset 28) : à cause de celui qui vous a donné cet avis,
etc." Il dit donc (verset 28) : Que si quelqu’un vous dit,
même sans que vous le lui demandiez : ‘Ceci a été immolé aux idoles’, n’en mangez
pas et cela à cause de celui qui a indiqué que ces viandes ont été immolées aux
idoles, c’est-à-dire de peur qu’il ne vienne à croire que vous
en mangez par respect pour l’idole, mais non pas parce que ces viandes sont
immondes par nature ; (Rom., XIV, 14) : "Je sais et je suis
persuadé, selon la doctrine du Seigneur, que rien n’est impur de soi-même, et
qu’une chose n’est impure qu’à l’égard de celui qui la croit telle" ; et de plus(verset 28) : pour
la conscience des autres frères qui sont encore faibles ; pour la conscience, non pas la
vôtre, qui est éclairée, mais celle d’un autre, c’est-à-dire de
celui qui est faible ; (II Cor., VI, 3) : "Ne donnez à qui que
ce soit aucune occasion de scandale." II. A ces paroles
(verset 29) : Pourquoi ferais-je dépendre ma liberté ?, etc…, saint
Paul fait un second raisonnement en ces termes : Il faut éviter tout ce qui
peut contribuer à notre propre damnation ; or le fait de faire usage des
viandes immolées aux idoles, en scandalisant le prochain, peut y contribuer :
il faut donc l’éviter. C’est ce que dit l’Apôtre : Pourquoi, etc.?, en
d’autres termes, gardez-vous d’user des viandes immolées, à cause de la
conscience de votre frère qui est faible, car pourquoi exposerais-je ma
liberté, c’est-à-dire ce qui est libre en moi, à être condamné par la
conscience d’un autre, c’est-à-dire à devenir pour moi un sujet de
condamnation, à cause de la conscience d’autrui, en raison du scandale ?
comme s’il disait : si j’use de ces viandes au scandale d’un de mes frères,
j’agis de manière à me rendre condamnable ; (Matthieu XVIII, 6) : "Celui
qui aura scandalisé l’un de ces petits, il vaudrait mieux qu’on lui eût
attaché au cou une meule de moulin, etc."- Pourquoi donc agir ainsi ? c’est-à-dire : j’agis mal. III. Lorsqu’il ajoute
(verset 30) : Si donc je prends avec action de grâces, etc…, voici son
raisonnement : Il faut éviter de provoquer le blâme et les blasphèmes des
autres ; or, en usant, avec scandale, des viandes immolées aux idoles, j’agis
de cette manière : donc, etc. Saint Paul montre donc ici : 1° comment on doit user de ces viandes
; 2° et
toutefois il indique les blasphèmes des insensés (verset 30) : Pour quoi
provoquerais-je le blasphème ? Il dit donc : Si donc je prends avec
reconnaissance, c’est-à-dire avec action de grâces ; en d’autres termes,
si je mange ainsi, car c’est de cette manière qu’il faut prendre toujours sa
nourriture ; (Jean VI, 11) : "Il prit les pains, rendit grâces,
et les distribua." - pourquoi deviendrais-je une occasion de blasphème, de la part des ignorants qui prétendent
que j’honore les idoles ? Pourquoi, dis-je, suis-je une
occasion de blasphème pour une chose
dont je rends grâces à Dieu, c’est-à-dire à laquelle je participe en
rendant grâces ? (Rom., XXV, 16) : "Que notre bien ne soit pas
blasphémé." |
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Lectio 7 |
Leçon 7 : 1 Corinthiens X, 31-33 — Tout faire pour la gloire de Dieu |
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SOMMAIRE : L’Apôtre recommande aux Corinthiens de tout faire pour la gloire, de Dieu et l’édification des fidèles de l'Eglise, soit Juifs, soit Gentils. |
[31] sive ergo
manducatis sive bibitis vel aliud quid facitis omnia in gloriam Dei facite [32] sine
offensione estote Iudaeis et gentilibus et ecclesiae Dei [33] sicut
et ego per omnia omnibus placeo non quaerens quod mihi utile est sed quod
multis ut salvi fiant |
31. Soit
que vous mangiez, soit que vous buviez, et quelque chose que vous fassiez,
faites tout pour la gloire de Dieu. 32. Ne
donnez occasion de scandale ni aux Juifs, ni aux Gentils, ni à l'Eglise de
Dieu ; 33. Comme
je tâche moi-même de plaire à tous en toutes choses, ne cherchant pas ce qui
m'est avantageux, mais ce qui est avantageux à plusieurs afin qu'ils soient
sauvés. |
[90344] Petrus de Tarantasia, In I Cor., cap. 10 l. 7 Habito quando licet de idolothitis comedere et
quando non, hic ostendit, quin in utroque debent intendere. Primo respectu
Dei, quia debent quaerere eius gloriam; secundo quid respectu proximi, quia
debent cavere eius offensam, ibi sine offensione estote, et cetera. In
prima, primo inducit actum multiplicem; secundo persuadet actuum intentionem
debitam, ibi omnia in gloria Dei, et cetera. Dicit ergo sive ergo,
etc., quasi dicat : quia haec mala contingunt, ergo sive manducatis, sive
bibitis, quae sunt opera necessitatis, vel aliud quid facitis, omnia
in gloriam Dei facite, et cum invocatione creatoris, ea intentione, ut
Deus laudetur et glorificetur. Matth. V, 16 : sic luceat lux vestra coram
hominibus, et cetera. Col. III, 17 : omne quodcumque facitis in verbo
aut opere, omnia in gloriam Dei facite. Augustinus in Ps. XXXIV, concione
II, in fine : haec si recte fiunt, laudes Dei sunt. Non ergo solum vox tua
sonet laudes Dei, sed etiam opera tua concordent cum voce tua. Cum enim Deus
laudatur de bono opere, Deum laudas, et cum blasphematur Deus de malo opere
tuo, Deum blasphemas. Deinde cum dicit sine
offensione estote, etc., monet ut caveant ab offensa aliorum, et
persuadet hoc primo, verbo, secundo, exemplo, ibi sicut et ego per omnia,
et cetera. Ubi ponit se in exemplum, primo pacificae conversationis; secundo
fructuosae operationis, ibi non quaerens quod mihi utile, etc.; tertio
rectae intentionis, ibi ut salvi fiant. Felix cuius conversatio
amabilis, operatio utilis, intentio salubris. Dicit ergo sine
offensione, etc., quasi dicat : ut omnia in gloriam Dei fiant, sine
offensione estote Iudaeis, qui non adorant idola, et ideo in tali
comestione scandalizantur, et gentibus, qui adorant idola, et ideo per
huiusmodi comestionem in errore confirmantur, et Ecclesiae Dei,
quantum ad infirmos in fide, qui inde offenduntur. Iudaei sunt sub lege, sed
non sunt sub fide; gentes nec sub lege, nec in fide; Ecclesia Dei et sub lege
et in fide. Rom. XII, 18 : si fieri potest, quod ex vobis est, cum omnibus
hominibus pacem habentes. Sicut et ego per
omnia omnibus placeo, tamquam
conversus sine scandalo. Ego, inquam, non quaerens quod mihi utile
est tantum, sed quod multis. Ecce optimus modus placendi omnibus,
si omnium utilitas, non privatum commodum procuretur. Charitas, inquam, non
quaerit quae sua sunt. Quod est utile, inquam, multis, et non hoc ad aliquod
commodum temporale, sed ad hoc ut salvi fiant. Phil. ult. : non
quaero datum, sed fructum. Notandum, quod multa sunt quae merito placere
faciunt hominibus. Primum prudentia in consiliis, sicut advocatus clienti,
dispensator principi placet. Gen. XLI, 37 : placuit Pharaoni consilium, et
omnibus servis eius. Eccli. XX, 29 : vir prudens placebit magnatis.
Secundum, munditia in factis, sicut coniux coniugi, instrumentum utenti
placet. I Reg. II, 26 : puer autem Samuel crescebat et proficiebat, placens
tam Deo, quam hominibus. Non sic filii Heli. Tertium, pietas in
suffragiis, sicut medicus infirmanti, baculus seni placet. Unde de sepultura
Abner dicitur II Reg. III, 36 : placuerunt eis omnia, quae fecit David,
et cetera. Quartum, sapientia in verbis, sicut lumen viatori, viror visui
placet. Ios. XXII, 33 : placuit sermo cunctis audientibus. Eccli. XX,
29 : sapiens in verbis producet seipsum, et homo prudens placebit magnatis.
Quintum, clementia in responsis, sicut sapor gustui, melodia auri placet. II
Par. X, 7 : si placueris populo huic, et lenieris eos verbis clementibus,
servient tibi omni tempore. Sextum, fortitudo in bellis, sicut pugil
conductori, miles principi placet. I Reg. XVIII, v. 22 : dixerunt servi
Saul ad David : ecce places regi, et omnes servi eius diligunt te.
Septimum, largitas in beneficiis, sicut pluvia terrae arenti, sicut fons
sitienti placet. I Mac. XIV, 4 de Simone : quaesivit bona gentis suae, et
placuit illis potestas eius. Hic quaeritur super
illud nolo vos esse socios Daemoniorum. Glossa : ad hoc genus
pertinent quae fiunt in quibusdam rebus suspendendis, vel alligandis.
Contra, ergo suspensio herbarum ad collum, vel chartularum, quae fieri solet,
ad idololatriam pertinet. Responsio. Aut herbae habent a natura vim naturalem
ad effectum illum, aut non. In primo casu non pertinet ad idololatriam, sed
in secundo. Similiter cedulae, aut continent solum verba sacra, et ex hoc
creduntur habere vim, aut non. In primo casu non pertinet ad idololatriam,
sed in secundo. Item super illud omnia mihi licent, Glossa : potestate
liberi arbitrii, et doctrina legis naturalis. Contra, secundum legem
naturalem multa sunt illicita. Respondeo. Hic loquitur de cibis specialiter.
Item ibidem Glossa : praecepto domini illa prohibentur. Respondeo.
Illa praecepta ad tempus fuerunt, et revocata sunt. Item nihil
interrogantes. Contra, Tob. II, 21 : videte ne forte furtivus sit.
Respondeo. Non est simile, quia cibum furtivum non est licitum in se
comedere, sed idolo immolatum licet edere, nisi propter scandalum alterius.
Item omnia in gloriam Dei facite. Contra : ergo nullus actus est
indifferens. Respondeo. Relatio haec in gloriam Dei intelligitur, vel in
actu, vel in aptitudine referendi, quae non est solum in bonis, sed etiam in
indifferentibus. Item domini est terra et plenitudo. Contra, eadem
ratio fuit sub lege. Ergo si omnia sunt modo munda, quia domini sunt, et tunc
fuerunt. Respondeo. Reputatione legis immunda dicta sunt, sed non sui natura.
Item sicut ego per omnia omnibus placeo. Contra Gal. I, 10 : si
hominibus placerem, Christi servus non essem. Item, quomodo placebat
persecutoribus suis. Respondeo ad primum : placere volebat hominibus propter
Deum, non propter se. Ad argumentum secundum intelligitur hoc, non de omnibus
generaliter, sed de ecclesiasticis viris, secundum Glossam. |
Après avoir
expliqué quand il est permis d’user des viandes offertes aux idoles, et quand
il ne l’est pas, saint Paul montre ici ce que l’on doit se proposer dans ces
deux circonstances, I° par
rapport à Dieu, dont les fidèles doivent chercher à procurer la gloire ; II° par rapport au
prochain, qu’ils doivent éviter de scandaliser (verset 32) : Ne donnez pas
occasion de scandale, etc. I° Dans la première question, l’Apôtre propose : 1° un acte multiple ; 2° il suggère l’intention qu’on doit
apporter légitimement à chacun de ces actes (verset 31) : Faites tout pour
la gloire de Dieu, etc. Il dit donc (verset 31) : Soit donc que, etc. ; en d’autres termes puisque ces
maux arrivent, soit donc que vous mangiez, soit que vous buviez, choses
qui sont de nécessité, ou quelqu’autre chose que vous fassiez, faites tout
pour la gloire de Dieu, et en invoquant votre Créateur, c’est-à-dire avec
l’intention que Dieu soit loué et glorifié ; (Matthieu V, 16) : "Que
votre lumière brille devant les hommes, etc." et (Colos., III, 17) :
"Quelque chose que vous fassiez, soit en parlant, soit en agissant,
faites tout en rendant grâces par Lui à Dieu." Et saint Augustin (Sur le psaume XXXIV, II, à la fin) : « Toutes ces choses, si elles sont faites avec rectitude, sont des
louanges de Dieu. Ainsi donc, que ce ne soit pas seulement votre voix
qui publie les louanges de Dieu, mais que vos oeuvres s’accordent aussi avec
votre voix, car lorsqu’on loue Dieu pour une bonne oeuvre que vous avez
faite, vous louez Dieu, et quand on blasphème contre Dieu à cause de votre
action mauvaise, c’est vous qui blasphémez ». II° Quand l’Apôtre ajoute (verset 32) : Ne donnez pas occasion de
scandale, etc., il recommande de prendre garde de
scandaliser ses frères. Il y engage : I. par la parole ; II. par l’exemple (verset 33) : comme je m’efforce moi-même de plaire en tout, etc. L’Apôtre se
donne donc ici en exemple, 1° d’une vie
toute de paix ; 2° d’oeuvres
pleines d’utilité (verset 33) : ne cherchant pas ce qui m’est avantageux, etc.
; 3° d’une intention droite (verset 33) :
pour
leur salut. Heureux celui dont la conversation est aimable,
l’oeuvre utile, l’intention salutaire. I. Saint Paul dit donc
(verset 32) : Ne donnez pas occasion de scandale, etc. ; en d’autres termes, pour que tout
se passe à la gloire de Dieu, ne donnez pas d’occasion de scandale ni aux
Juifs, qui n’adorent pas les idoles, et par conséquent se scandalisent de
l’usage de ces viandes ; ni aux Gentils, qui adorent les idoles et
qui, par conséquent, sont confirmés dans leur erreur par cet usage ; ni à
l’Eglise de Dieu, car ses enfants faibles dans la foi trouvent là une
pierre d’achoppement. Les Juifs sont sous la Loi, mais ne sont pas sous la
foi ; les Gentils ne sont ni sous la Loi ni en la foi ; l'Eglise de Dieu est
sous la Loi et dans la foi ; (Rom., XII, 18) : "Vivez en paix,
si cela se peut, et autant qu’il est en vous, avec tous les hommes." II. (verset 33) : comme
je m’efforce moi-même de plaire à tous en toutes choses, étant
converti sans scandale. Moi,
dis-je, qui ne cherche point ce qui
m’est particulièrement avantageux, mais ce qui l’est aux autres.
Tel est le meilleur moyen de plaire à tous, de procurer non pas son
avantage particulier, mais l’utilité de tous. La charité, dis-je, ne
cherche point ses propres intérêts. - Ce qui est avantageux aux
autres, je le répète, et non point pour quelque bien passager, mais pour procurer leur salut ;
(Philip., IV, 17) : "Je ne cherche pas vos dons, mais je désire le
fruit." Il faut
remarquer qu’il y a un grand nombre de moyens qui font plaire aux hommes, et à
bon droit : 1° la prudence dans le conseil, comme
l’avocat plaît à son client, le ministre au prince ; (Gen., XLI, 37) : "Ce
conseil plut à Pharaon et à tous ses ministres" et (Ecclésiastique
XX, 29) : "L’homme habile plaira aux grands." 2° La pureté dans les actions : c’est
ainsi que l’épouse plaît à l’époux, l’instrument à celui qui l’emploie ;
(I Rois, II, 26) : "L’enfant Samuel se fortifiait et il croissait,
plaisant à Dieu et aux hommes." Il n’en fut pas ainsi des enfants
d’Héli. 3° La bonté
dans l’assistance : ainsi le médecin plaît au malade, le bâton à la main des
vieillards. C’est de là qu’il est dit de la sépulture d’Abner (II Rois, III,
36) : "Tout ce que David avait fait plut au peuple, etc." 4° La sagesse
dans les discours : ainsi la lumière plaît au voyageur, la verdure à l’œil ;
(Josué, XXII, 33) : "Et ce discours plut à tous les auditeurs"
et (Ecclésiastique XX, 29) : "Le sage s’attire l’estime par ses
paroles, et l’homme prudent plaît aux grands." 5° La clémence
dans les réponses, comme la saveur plaît au goût, la mélodie à l’oreille ;
(II Chroniques X, 7) : "Si vous plaisez à ce peuple, et que vous
l’apaisiez par de douces paroles, ils s’attacheront pour toujours à votre
service." 6° La valeur
dans les combats, comme l’athlète plaît à celui qui dirige les jeux, le
soldat à son chef ; (I Rois, XVIII, 22) : "Les serviteurs de
Saül dirent à David : ‘Vous plaisez au roi, et tous les serviteurs du roi
vous aiment’." 7° La largesse
dans les bienfaits, comme la pluie plaît à la terre desséchée, la source à
celui qui est altéré ; (I Mach., XIV, 4) il est dit de Simon : "Il
ne chercha qu’à faire du bien à sa nation ; et sa puissance fut agréable aux
Juifs." Difficultés : Sur ce
passage : Je désire que vous n’ayez aucune société avec les démons, la
Glose dit : « A ceci se rapporte
la pratique de suspendre certains objets qu’on suspend ou qu’on attache... »
Objection : Donc suspendre certaines herbes ou certaines formules au cou, ce
qui est habituel, est de l’idolâtrie. Réponse : Ces herbes ont reçu de la
nature la vertu nécessaire pour produire l’effet voulu, ou elles ne l’ont pas
reçue : dans le premier cas, il n’y a pas d’idolâtrie, mais bien dans le
second. De même, ou les formules contiennent seulement les paroles sacrées,
et à raison de ces paroles on leur attribue une vertu, ou bien non. Dans le
premier cas, il n’y a pas d’idolâtrie, mais bien dans le second. Sur cet
autre : Tout m’est permis, la Glose dit : « Par la puissance du libre arbitre et la doctrine de la loi
naturelle ». Objection : Selon la loi naturelle, beaucoup de choses
sont illicites. Réponse : L’Apôtre parle ici spécialement des aliments. Sur
le même passage, la Glose dit : « Ces
choses sont défendues par le précepte du Seigneur ». Réponse : Ces
préceptes eurent leur temps et sont révoqués. Sur cette parole : sans
vous informer de rien. Objection (Tobie, II, 21) : "Prenez
garde que ce chevreau n’ait été dérobé." Réponse : Ce n’est pas la
même chose ; parce qu’il n’est pas permis en soi de faire usage d’un aliment
qui a été dérobé, tandis qu’il est permis de faire usage des viandes immolé
aux idoles, à moins qu’il n’y ait scandale pour le prochain. Sur cette autre
parole : Faites tout pour la gloire de Dieu. Objection : Donc il n’y a
pas d’acte indifférent. Réponse : Cette relation à la gloire de Dieu se
comprend ou quant à l’acte ou quant à l’aptitude à les rapporter, ce qui
existe non seulement dans les actes bons, mais, dans les indifférents. Sur
celle-ci : La terre est au Seigneur, ainsi que tout ce qu’elle contient. Objection
: La même raison valait sous la Loi : donc, si maintenant tout est pur de ce
qui est à Dieu, tout l’était déjà. Réponse. : L’imputation de la Loi a fait
appeler certaines choses immondes ; elles ne le sont pas par nature. Enfin
sur ce passage : comme je m’efforce moi-même de plaire à
tous en toutes choses. Objection (Gal., I, 10) : "Si je
voulais encore plaire aux hommes, je ne serais pas serviteur de
Jésus-Christ" et de plus, comment plaisait-il à ses ennemis ?
Réponse : Sur le premier texte, il voulait plaire aux hommes pour Dieu, et
non pour lui personnellement. Au second argument : ceci, selon la Glose,
s’entend non de tous les hommes en général, mais des ministres de Dieu. |
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Caput 11 |
CHAPITRE XI — LES ASSEMBLÉES ET L'EUCHARISTIE [par saint Thomas d’Aquin] |
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Ici reprend le commentaire de saint Thomas |
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Lectio 1 |
Leçon 1 : 1 Corinthiens XI, 1-3 — Imiter Paul |
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SOMMAIRE : L’Apôtre exhorte, en termes généraux, les fidèles à l’imiter, et, par quelques comparaisons, les prépare à l’Eucharistie. |
[1] imitatores mei estote sicut et ego Christi [2] laudo autem vos fratres quod omnia mei memores estis et
sicut tradidi vobis praecepta mea tenetis [3] volo
autem vos scire quod omnis viri caput Christus est caput autem mulieris vir
caput vero Christi Deus |
1. Soyez
mes imitateurs, comme je le suis moi-même du Christ. 2. Je vous
loue, mes frères, de ce que vous vous souvenez de moi en toutes choses, et de
ce que vous gardez les traditions et les règles que je vous ai données. 3. Mais je
désire que vous sachiez que le Christ est le chef de tout homme ; que l’homme
est le chef de la femme, et que Dieu est le chef du Christ. |
[87660] Super 1 Cor. [reportatio vulgata],
cap. Deinde, cum dicit laudo autem vos, fratres,
ostendit qualiter Corinthii se habebant ad admonitionem praedictam. Circa
quod considerandum est, quod subditi suos praelatos sequuntur dupliciter,
scilicet quantum ad facta et dicta. Quantum quidem ad facta, dum subditi
praelatorum exempla imitantur, unde dicitur Iac. V, 10 — exemplum
accipite, fratres mei, prophetarum, qui locuti sunt in nomine domini.
Quantum vero ad dicta, dum eorum praeceptis obediunt. Prov. IV, 4 — custodi
praecepta mea et vives. In his autem Corinthii deficiebant, et maxime
quantum ad maiorem multitudinem, et ideo apostolus, alloquens eos, dicit laudo
autem vos, fratres, quasi dicat : super hoc laudandos vos praebere
debetis, sed non facitis, quod per omnia memores estis, quasi ad
imitandum mea exempla. Non enim possumus illorum exempla imitari, quorum
memoriam non habemus. Unde dicitur Hebr. c. XIII, 7 — mementote
praepositorum vestrorum, quorum intuentes exitum conversationis, imitamini
fidem. Quantum vero ad dicta, subdit et sicut tradidi vobis, praecepta
mea tenetis, quasi dicat : eodem tenore observatis, quo ego tradidi; hoc
enim dicit, quia ab observantia praeceptorum eius recesserant. Io. XV, 20 — si
sermonem meum servaverunt, et vestrum servabunt. Sed videtur hic modus loquendi non esse
conveniens veritati sacrae Scripturae, quae nihil patitur falsitatis,
secundum illud Prov. VIII, 8 — iusti sunt omnes sermones mei, et non est
in eis pravum quid, neque perversum. Sed dicendum, quod ironica locutio est una de
locutionibus figurativis, in quibus veritas non attenditur secundum sensum
quem verba faciunt, sed secundum id quod loquens exprimere intendit per
simile, vel contrarium, vel quocumque alio modo. Et ideo in ironica
locutione veritas attenditur secundum contrarium eius quod verba sonant,
sicut in metaphorica, secundum simile. Deinde cum dicit volo autem vos scire, fratres,
etc., accedit ad propositum, instruens scilicet fideles de Eucharistiae
sacramento. Et circa hoc tria facit. Primo redarguit eorum errores circa
ritum huius sacramenti; secundo ostendit huius sacramenti dignitatem, ibi ego
enim accepi a domino, etc.; tertio docet convenientem ritum, ibi itaque,
fratres mei. Circa primum tria facit. Primo redarguit eorum errorem, quo
scilicet errabant in habitu, quia scilicet mulieres ad sacra mysteria
conveniebant capite non velato; secundo arguit errorem in conventu, quia
scilicet dum convenirent ad sacra mysteria contentionibus vacabant, ibi haec
autem praecipio non laudans, etc.; tertio quantum ad certum cibum, quia
scilicet pransi ad sacra mysteria sumenda accedebant, ibi : convenientibus
autem vobis, et cetera. Circa primum duo facit. Primo praemittit quoddam
documentum, ex quo sumitur ratio subsequentis monitionis; secundo ponit
monitionem, ibi omnis autem vir orans, et cetera. Circa primum ponit triplicem comparationem,
quarum prima est Dei ad hominem, dicens : dixi quod praecepta mea tenetis per
contrarium; sed ut appareat vos irrationabiliter agere, volo vos scire,
tamquam rem necessariam, secundum illud Is. c. V, 13 — captivus ductus est
populus meus, quia non habuit scientiam, quod omnis viri caput Christus est,
quod quidem dicitur secundum similitudinem capitis naturalis, in quo quatuor
considerantur. Primo quidem perfectio, quia cum caetera membra unum solum
sensum habeant, scilicet tactum, in capite vigent omnes sensus; et similiter
in aliis viris inveniuntur singulae gratiae, secundum illud quod dicitur
infra XII, 8 — alii datur per spiritum sermo sapientiae, alii sermo
scientiae, etc.; sed in homine Christo est plenitudo omnium gratiarum.
Non enim ad mensuram dat ei Deus spiritum, ut dicitur Io. III, 34. Secundo in
capite invenitur sublimitas, quia ut, scilicet in homine, est superius
omnibus membris, ita etiam Christus supereminet non solum omnibus hominibus,
sed et omnibus Angelis, secundum illud ad Ephesios I, 20 s. : constituens
illum ad dexteram suam in caelestibus, super omnem principatum et potestatem,
et infra : et ipsum dedit caput super omnem Ecclesiam. Tertio in
capite invenitur influentia, quia scilicet quodam modo influit caeteris
membris sensum et motum, ita a capite Christo in caetera membra Ecclesiae
motus et sensus spiritualis derivatur, secundum illud Col. II, v. 19 — non
tenens caput, ex quo totum corpus per nexum et coniunctiones subministratum
et constructum crescit in augmentum Dei. Quarto in capite invenitur
conformitas naturae ad caetera membra, et similiter in Christo ad alios
homines, secundum illud Phil. II, v. 7 — in similitudinem hominum factus
et habitu inventus, ut homo. Secundam comparationem ponit hominis ad hominem,
cum dicit caput autem mulieris vir. Quod etiam secundum praedicta
quatuor verificatur. Nam primo quidem vir est perfectior muliere, non solum
quantum ad corpus, quia, ut philosophus dicit in libro de generatione
animalium, foemina est masculus occasionatus, sed etiam quantum ad animae
vigorem, secundum illud Eccle. VII, 29 — virum ex mille reperi unum,
mulierem ex omnibus non inveni. Secundo, quia vir naturaliter supereminet
foeminae, secundum illud Eph. V, 22 s. : mulieres viris suis subiectae
sint sicut domino, quoniam vir caput est mulieris. Tertio, quia vir influit gubernando mulierem,
secundum illud Gen. III, 16 — sub viri potestate eris, et ipse dominabitur
tui. Quarto vir et foemina conformes sunt in natura,
secundum illud Gen. II, 18 — faciamus ei adiutorium simile sibi. Tertiam comparationem ponit Dei ad dominum, cum
dicit caput vero Christi, Deus. Est autem considerandum, quod hoc
nomen Christus significat personam praedictam ratione humanae naturae : et
sic hoc nomen Deus non supponit solum personam patris, sed totam Trinitatem,
a qua in humanitate Christi, sicut a perfectiori, omnia bona derivantur, et
cui humanitas Christi subiicitur. Alio modo potest intelligi, secundum quod
hoc nomen Christus supponit dictam personam ratione divinae naturae : et sic
hoc nomen Deus supponit solum personam patris, quae dicitur caput filii, non
quidem secundum maiorem perfectionem, vel secundum aliquam suppositionem, sed
solum originem et secundum conformitatem naturae, sicut in Ps. II, 7 dicitur :
dominus dixit ad me : filius meus es tu, ego hodie genui te. Possunt
tamen haec mystice accipi, prout in anima est quoddam spirituale coniugium.
Nam sensualitas foeminae comparatur, ratio vero viro, per quem sensualitas
regi debet. Unde et caput eius dicitur. Vel potius ratio inferior, quae
inhaeret temporalibus disponendis, mulieri comparatur; viro autem ratio
superior, quae vacat contemplationi aeternorum, quae caput inferioris dicitur
: quia secundum rationes aeternas sunt temporalia disponenda, secundum illud
Ex. XXV, 40 — inspice et fac secundum exemplar quod tibi in monte
monstratum est. Dicitur autem caput viri Christus, quia sola ratio
secundum superiorem sui partem Deo inhaeret. |
L’Apôtre,
dans ce qui précède, a éloigné des fidèles ce qui est opposé au sacrement de
l’Eucharistie, c’est-à-dire la participation à la table des idoles ; il les
instruit maintenant de ce sacrement même. I° Il leur
adresse une recommandation générale ; II° il arrive à ce qu’il se propose (verset 3) : Mais
je veux que vous sachiez, etc. I° Dans la première partie, I. il exprime sa
recommandation ; II. il fait
voir comment les Corinthiens se conduisaient par rapport au sujet même de la
recommandation (verset 2) : Or, je vous loue, mes frères, etc. I. A l’égard de sa recommandation, il faut remarquer que
tel est l’ordre naturel des choses, que ceux qui sont d’un rang inférieur
parmi les êtres imitent, selon leur pouvoir, ceux qui sont supérieurs. Ainsi
l’agent naturel lui-même s’assimile, en sa qualité d’agent supérieur, celui
qui reçoit son action. Or le principe primordial de toute la succession des
êtres, c’est le Fils de Dieu, selon ce passage de saint Jean (I, 3) : "Toutes
choses ont été faites par Lui." Il est donc lui-même l’exemplaire
primordial que toutes les créatures imitent, comme la véritable et parfaite
image du Père. Aussi est-il dit (Colos., I, 15) : "Il est l’image du
Dieu invisible, et né avant tout créature, car en Lui ont été créées toutes
choses." Cependant il est, d’une manière spéciale, l’exemplaire des
grâces spirituelles, qui éclairent les créatures spirituelles, suivant ce qui
est dit (Psaume CIX, 3) : "Au milieu des splendeurs des saints, je
vous ai engendré de mon sein avant l’étoile du matin," c’est-à-dire
parce qu’il a été engendré avant toute créature par une grâce lumineuse,
ayant en lui-même, d’une manière exemplaire, les splendeurs de tous les
saints. Or cet exemplaire divin était d’abord très éloigné de nous, selon
cette parole (Ecclésiastique II, 12) : "Qu’est-ce que l’homme pour
qu’il puisse suivre le Roi qui l’a créé ?" C’est pourquoi il a voulu
se faire homme, afin d’offrir aux hommes un modèle d’homme. C’est ce qui fait
dire à saint Augustin (Livre du
Combat chrétien) : "Quel penchant mauvais pourrait rester
dans celui qui aime à considérer, afin de les suivre, les paroles et les
actions de cet homme, en qui le Fils de Dieu s’est montré à nous, pour être
le modèle de notre vie ?" Et de même que l’exemplaire de sa divinité
est imité d’abord par les anges, et secondairement par les autres créatures,
comme l’a remarqué saint Denis (Divine
Hiérarchie, X), ainsi l’exemplaire de son humanité est proposé
principalement à l’imitation des pasteurs, comme aux premiers personnages de
l’Eglise. C’est de là que le Seigneur dit aux apôtres (Jean XIII, 15) : "Je
vous ai donné l’exemple, afin que ce que j’ai fait moi-même à votre égard,
vous le fassiez aussi." Secondaire- ment les pasteurs des Eglises,
formés par l’exemple de Jésus-Christ, sont eux-mêmes proposés comme modèle de
vie à ceux qui leur sont soumis, suivant cette parole (I Pierre, V, 3) : "Rendez-vous,
du fond du coeur, les modèles du troupeau" et (II Thess., III, 9) : "Nous
avons voulu nous donner nous-mêmes pour modèle, afin que vous nous
imitiez..." Voilà pourquoi l’Apôtre dit en termes exprès : Je vous
ai recommandé de ne donner aucune occasion de scandale à qui que ce soit, et
vous pourrez en arriver là si vous observez ce que je dis (verset 1) : Soyez
mes imitateurs, comme je le suis moi-même de Jésus-Christ, c’est-à-dire
comme je l’imite. En effet, il l’imitait d’abord dans la dévotion du coeur
(Gal., II, 20) : "Je vis, ou plutôt ce n’est plus moi qui vis, mais
c’est Jésus-Christ qui vit en moi" ; ensuite dans sa sollicitude
pour les inférieurs ; ce qui lui faisait dire aux Philippiens (II, 17) : "Quand
même je serais immolé après le sacrifice et l’offrande de votre foi, j’en
aurais de la joie, et je m’en réjouirais avec vous tous." C’est
ainsi que Jésus-Christ s’est lui-même offert pour nous, comme il est dit
(Ephés., V, 2) ; enfin, quant à l’épreuve des souffrances (I1 Cor., IV, 10) :
"Portant toujours dans notre corps la mort de Jésus" et
(Gal., VI, 17) : "Je porte imprimées sur mon corps les marques du
Seigneur Jésus." Remarquez qu’il ne dit pas seulement :
Soyez mes imitateurs, mais qu’il ajoute : comme moi-même je le suis de
Jésus-Christ, parce que les inférieurs ne doivent pas imiter leurs
supérieurs en tout, mais sur les points où les supérieurs imitent eux-mêmes Jésus-Christ,
qui est l’exemplaire perpétuel de la sainteté. II. A ces paroles
(verset 2) : Or je vous loue, mes frères, l’Apôtre expose comment les
Corinthiens se conduisaient par rapport à l’objet de sa recommandation. Il
faut observer sur ceci que les inférieurs peuvent suivre les supérieurs de
deux manières : quant aux actions et quant aux paroles. D’abord quant aux
actions, quand ils imitent l’exemple des supérieurs ; c’est de là qu’il est
dit (Jacq., V, 10) : "Prenez, mes frères, pour exemples de patience
les prophètes, qui ont parlé au nom du Seigneur." Quant aux paroles
ensuite, lorsqu’ils obéissent à leurs préceptes (Prov., IV, 4) : "Gardez
mes préceptes, et vous vivrez." Or les Corinthiens, dans leur
majorité, manquaient à cette double obligation. Voilà pourquoi l’Apôtre,
s’adressant à eux, leur dit : Or je vous loue, mes frères ; en
d’autres termes, vous devez vous montrer dignes d’éloges sur ces points, mais
vous ne le faites point ; vous souvenant de moi en toutes choses,
comme pour imiter mes exemples. Car nous ne pouvons imiter les exemples de
ceux dont nous ne gardons pas le souvenir ; de là ces paroles (Hébr., XIII,
7) : "Souvenez-vous de vos pasteurs, et, considérant quelle a été la
fin de leur vie, imitez leur foi." Quant aux paroles, l’Apôtre
ajoute (verset 2) : et de ce que vous gardez les règles que je vous ai
données, comme s’il disait : c’est avec une semblable fidélité que vous
gardez les règles que je vous ai données. Il parle ainsi parce qu’ils
s’étaient écartés de l’observance des préceptes qu’ils avaient reçus (Jean
XV, 20) : "S’ils ont gardé mes paroles, ils garderont aussi les
vôtres." Cependant
ne semble-t-il pas que cette manière de s’exprimer ne convient pas à la
vérité de la sainte Ecriture, qui n’admet pas la moindre ambiguïté, suivant
ce passage des Proverbes (VIII, 8) : "Tous mes discours sont justes;
ils n’ont rien de mauvais ni de corrompu." Il faut répondre que l’ironie est
une de ces locutions figurées où l’on ne cherche pas la vérité dans le sens
que présentent les mots, mais dans ce que celui qui parle veut exprimer par
similitude, par opposition ou de toute autre manière ; par conséquent, dans
cette figure, on comprend la vérité par le contraire de ce qu’expriment les
mots, comme dans la métaphore on la comprend par comparaison. II° Quand
l’Apôtre dit (verset 3) : Mais je veux que vous sachiez, frères, etc.,
il en vient à ce qu’il propose, à savoir qu’il instruit les fidèles du
sacrement de l’Eucharistie. A cet effet, d’abord il repousse leurs erreurs
sur le rite de ce sacrement ; ensuite il en montre la dignité (verset 23) : car
c’est du Seigneur même que j’ai appris, etc. ; enfin il enseigne le
rite légitime (verset 33) : C’est pourquoi, mes frères. Sur le premier
de ces points, premièrement, il réfute l’erreur des Corinthiens sur leur
tenue extérieure, à savoir que les femmes venaient à la célébration des
saints mystères sans avoir la tête voilée ; secondement, une autre erreur sur
leurs assemblées à savoir que, venant à ces mystères sacrés, ils se livraient
à leurs disputes (verset 17) : Quant à vos assemblées, je vous déclare que
je ne puis vous louer ; troisièmement, une dernière erreur sur la
manière de prendre leur nourriture, car ils ne venaient recevoir les saints
mystères qu’après avoir mangé (verset 20) : Lors donc que vous vous
assemblez comme vous faites, etc. A l’égard de la première erreur, I. il donne une règle,
de laquelle il déduit la raison de la recommandation qui va suivre ; II. il donne cet
avertissement (verset 4) : Tout homme qui prie, etc. I. Or, pour établir sa
règle, il fait une triple comparaison, dont la première est entre Dieu et
l’homme. Il dit donc : Je vous ai reproché de ne pas garder les règles que je
vous ai marquées, en vous donnant à entendre le contraire ; mais, pour qu’il
soit évident que vous agissez déraisonnablement, (verset 3) : je veux que
vous sachiez, comme une chose nécessaire, ainsi que dit Isaïe (V, 13) : "Mon
peuple a été emmené captif parce qu’il a été sans intelligence" - que
vous sachiez, dis-je, que Jésus-Christ est le chef de tout homme.
L’Apôtre s’exprime ainsi par similitude avec le chef naturel, et sur ce point
il faut considérer quatre choses : premièrement la perfection, car,
tandis que les autres membres n’ont qu’un seul sens, à savoir le toucher,
tous les autres sens ont leur exercice dans la tête ; pareillement, dans les
hommes on trouve des grâces particulières, ainsi qu’il sera dit (ci-après,
XII, 8) : L’un reçoit du Saint Esprit le don de parler avec sagesse ;
l’autre, le don de parler avec science, etc. Mais dans le Christ fait
homme réside la plénitude de toutes les grâces, Car Dieu ne lui donne pas
l’Esprit avec mesure, comme il est dit en saint Jean (III, 34). Deuxièmement,
dans le chef on trouve la dignité. En effet, de même que dans l’homme
la tête est au-dessus de tous les autres membres, ainsi Jésus-Christ est
au-dessus non seulement de tous les hommes, mais encore de tous les anges,
selon cette parole (Ephés., I, 20) : "Il l’a placé dans le ciel à sa
droite, au-dessus de toutes les Principautés et de toutes les Puissances ;
et à la suite (verset 22) : "Il l’a établi chef sur toute
l’Eglise." Troisièmement, dans le chef on trouve l’influence,
car de même qu’il communique aux autres membres le sentiment et le mouvement,
ainsi dérivent de Jésus-Christ notre chef, sur tous les autres membres de
l’Eglise, le sentiment et le mouvement spirituel, suivant cette parole
(Colos., II, 19) : "sans s’attacher au chef, dont tout le corps,
soutenu par ses liens et par ses jointures, s’entretient et s’accroît par
l’augmentation de vie que Dieu lui donne." Quatrièmement, dans le
chef on trouve la conformité de nature avec les autres membres ; ainsi
en est-il de Jésus-Christ avec les autres hommes, selon cette parole
(Philip., II, 7) : "Il s’est rendu semblable aux hommes, et il a été
reconnu pour homme." II. Saint Paul fait une
seconde comparaison de l’homme à l’homme, lorsqu’il dit (verset 3) que L’homme
est le chef de la femme, et les quatre rapports ci-dessus expliqués s’y
vérifient. Car 1° l’homme est plus parfait que la femme
non seulement quant au corps, parce que, comme le dit Aristote (Livre de la Génération des animaux
1), la femelle est un mâle imparfait ; mais encore quant à la vigueur de
l’âme, suivant cette parole (Ecclésiastique VII, 29) : "J’ai
rencontré un homme entre mille, je n’ai pas trouvé une femme entre
toutes." 2° L’homme a naturellement la
supériorité sur la femme, selon cette parole (Ephés., V, 22) : "Que
les femmes soient soumises à leurs maris comme au Seigneur, parce que le mari
est le chef de la femme." 3° L’homme, en la gouvernant, exerce
son influence sur la femme, ainsi qu’il est dit (Gen., III, 16) : "Vous
serez sous la puissance de votre mari, et il vous dominera." 4° Le mari et la femme sont en
conformité de nature, selon cette autre parole de la Genèse (II, 18) : "Faisons-lui
une aide qui soit semblable à lui." III. L’Apôtre fait une
troisième comparaison de Dieu à Jésus-Christ, à ces paroles (verset 3) : mais
Dieu est le chef de Jésus-Christ. Il faut remarquer que le nom de Christ
marque la personne déterminée sous le rapport de la nature humaine ; dans ce
sens, le nom Dieu ne suppose pas seulement la personne du Père, mais toute la
Trinité, de laquelle, comme de l’Être plus parfait, découlent tous les biens
dans l’humanité du Christ, et à laquelle cette humanité est soumise. On peut
l’entendre d’une autre manière, en tant que ce nom de Christ suppose cette
même personne du Christ sous le rapport de la nature divine ; dans ce sens,
le nom de Dieu ne suppose que la personne du Père, qui est appelé chef du
Fils, non à cause d’une plus grande perfection ou par quelqu’autre
supposition, mais seulement quant à l’origine et à cause de la conformité de
nature, comme il est dit (Psaume II, 7) : "Le Seigneur m’a dit : Vous
êtes mon Fils, je vous ai engendré aujourd’hui." Cependant on peut
encore expliquer ces paroles dans un sens mystique, en tant qu’il s’est fait
dans l’âme comme une sorte de mariage spirituel ; car la partie sensible est
comparée à la femme, la partie intellectuelle à l’homme, qui doit diriger la
sensibilité, ce qui le fait appeler le chef. Ou mieux encore, la raison
inférieure, qui s’applique à régler les choses du temps, est comparée à la
femme ; on compare à l’homme la raison supérieure, qui vaque à la
contemplation des choses de l’éternité et, pour ce motif, est appelée chef de
la partie inférieure, parce que c’est selon les raisons éternelles que
doivent être disposées les choses temporelles, d’après cette parole de
l’Exode (XXV, 40) : "Regardez et faites toutes choses selon le modèle
qui vous a été donné sur la montagne." Or le Christ est appelé le
chef de l’homme parce que la raison seule, dans sa partie supérieure, peut
s’élever à Dieu. |
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Lectio 2 |
Leçon 2 : 1 Corinthiens XI, 4-7 — Le voile des femmes – Règle pour les prophéties |
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SOMMAIRE : L’Apôtre explique comment l’homme et la femme doivent se tenir dans la prière publique. Il donne des règles pour les prophéties. |
[4] omnis vir orans aut prophetans velato capite deturpat
caput suum [5] omnis autem mulier orans aut prophetans non velato capite
deturpat caput suum unum est enim atque si decalvetur [6] nam si non velatur mulier et tondeatur si vero turpe est
mulieri tonderi aut decalvari velet caput suum [7] vir
quidem non debet velare caput quoniam imago et gloria est Dei mulier autem
gloria viri est |
4. Tout
homme qui prie ou qui prophétise, la tête couverte, déshonore sa tête. 5. Mais
toute femme qui prie ou qui prophétise, n’a pas la tête couverte, déshonore
sa tête, car c’est comme si elle était rasée. 6. Que si
une femme ne se voile pas la tête, elle devrait donc aussi avoir les cheveux
coupés. Mais, s'il est honteux à une femme d'avoir les cheveux coupés ou
d’être rasée, qu'elle se voile la tête. 7. Pour ce
qui est de l’homme, il ne doit pas se couvrir la tête, parce qu’il est
l’image et la gloire de Dieu, au lieu que la femme est la gloire de l’homme |
[87661]
Super 1 Cor. [reportatio vulgata], cap. Dicit ergo primo : dictum est quod caput mulieris est vir, omnis
autem vir orans aut prophetans velato capite, deturpat caput suum. Circa
quod considerandum est, quod quilibet homo iudici assistens, suam conditionem
vel dignitatem debet profiteri, et praecipue assistens Deo, qui est omnium
iudex; et ideo, qui Deo assistunt, ordinatissime et convenientissime se
gerere debent, secundum illud Eccle. IV, 17 — custodi pedem tuum
ingrediens domum Dei. Dupliciter autem homo Deo assistit. Uno modo humana
in Deum referens, quod quidem fit orando, secundum illud Eccli. XXXIX, v. 6
s. : in conspectu altissimi deprecabitur, aperiet os suum in oratione, et
pro delictis suis deprecabitur. Alio modo divina ad homines deferens,
quod quidem fit prophetando, secundum illud Ioel. II, 28 — effundam
spiritum meum super omnem carnem, et prophetabunt filii vestri. Unde
signanter apostolus dicit vir orans et prophetans. His enim duobus
modis vir Deo tamquam iudici, vel domino assistit. Dicitur autem prophetans dupliciter. Uno modo
inquantum homo aliis annuntiat, quae ei divinitus revelantur, secundum illud
Lc. I, v. 67 s. : Zacharias pater eius impletus est spiritu sancto, et
prophetavit, dicens : benedictus dominus Deus Israel, et cetera. Alio
modo dicitur homo prophetans, inquantum profert ea quae sunt aliis revelata;
unde illi qui in Ecclesia dicunt prophetias, vel alias sacras Scripturas
legunt, dicuntur prophetantes. Et sic accipitur infra XIV, 4 — qui
prophetat, Ecclesiam aedificat; et ita etiam hic accipitur. Pertinet
autem ad dignitatem viri (ut infra patebit) carere velamine capitis, et ideo
dicit quod omnis vir orans, aut prophetans velato capite, deturpat caput
suum, id est, rem inconvenientem sibi agit. Sicut enim in corpore
pulchritudo dicitur ex debita proportione membrorum in convenienti claritate
vel colore, ita in actibus humanis dicitur pulchritudo ex debita proportione
verborum vel factorum, in quibus lumen rationis resplendet. Unde et per
oppositum turpitudo intelligitur, quando contra rationem aliquid agitur, et
non observatur debita proportio in verbis et factis. Unde supra VII, 36
dictum est : si quis turpem se videri existimat, super virgine sua, quod
sit superadulta. Sed contra hoc obiicitur :
nam multi velato capite in Ecclesia orant absque omni turpitudine secretius
orare volentes. Dicendum est autem, quod duplex est oratio. Una privata, quam
scilicet quis Deo offert in propria persona; alia publica, quam quis offert
Deo in persona totius Ecclesiae, ut patet in orationibus, quae in Ecclesia
per sacerdotes dicuntur, et de talibus orationibus apostolus hic intelligit. Item obiicitur de hoc quod
dicit Glossa, quod prophetans dicitur Scripturas reserans, et secundum
hoc ille qui praedicat, prophetat. Episcopi autem praedicant capite tecto
mitra. Sed dicendum est, quod ille qui praedicat vel docet in scholis, ex
propria persona loquitur. Unde et apostolus, Deinde cum dicit omnis autem mulier, etc., ponit admonitionem quantum
ad mulieres, dicens omnis autem mulier orans, aut prophetans, ut
supra, non velato capite, quod repugnat propter conditionem eius, deturpat
caput suum, id est, rem inconvenientem facit circa sui capitis
detectionem. Sed contra hoc obiicitur, quia apostolus dicit I Tim. II, 12 — docere
in Ecclesia mulieres non permitto. Quomodo ergo competit mulieri, ut
oret, aut prophetet publica oratione, aut doctrina? Sed dicendum est, hoc
intelligendum esse de orationibus ac lectionibus, quas mulieres in suis collegiis
proferunt. Deinde cum dicit unum est enim, etc.,
probat admonitionem praedictam. Et primo inducit probationem, secundo
probationis iudicium auditoribus committit, ibi vos ipsi iudicate, et
cetera. Circa primum duo facit. Primo inducit probationem, secundo excludit
obiectionem, ibi verumtamen neque vir, et cetera. Circa primum ponit
triplicem probationem, quarum prima sumitur per comparationem ad humanam
naturam; secunda per comparationem ad Deum, ibi vir quidem non debet,
etc.; tertia per comparationem ad Angelos, cum dicit et propter Angelos.
Circa primum considerandum est, quod natura, quae
caeteris animalibus providit auxilia sufficientia vitae, hominibus praebuit
ea imperfecta, ut per rationem, arte, usu, manu sibi ea perficerent, sicut
tauris dedit cornua ad defensionem, homines autem arma defensionis sibi
praeparant manuali artificio rationis. Et inde est, quod ars imitatur
naturam, et perficit ea quae natura facere non potest. Sic igitur ad
tegumentum capitis natura homini dedit capillos. Sed quia hoc tegumentum
insufficiens est, per artem praeparat homo sibi aliud velamen. Eadem igitur
ratio est de velamine naturali capillorum, et de velamine artificiali.
Naturale autem est mulieri, quod comam nutriat. Habet enim ad hoc
dispositionem naturalem, et ulterius inclinatio quaedam inest mulieribus ad
comam nutriendam. In pluribus enim hoc accidit, quod mulieres magis student
ad nutriendam comam, quam viri. Videtur ergo conditioni mulierum conveniens
esse, quod magis utantur artificiali velamine capitis, quam viri. Circa hoc
ergo tria facit. Primo ponit convenientiam velaminis naturalis et
artificialis, dicens : dictum est mulier non velans caput, deturpat caput
suum, unum est enim, scilicet unius rationis, privari scilicet
velamine artificiali, ac si decalvetur, id est, ac si privetur
naturali velamine capillorum, quod in poenam quibusdam praedicitur Is. III,
17 — decalvabit dominus verticem filiarum Sion, et crinem earum nudabit.
Secundo ducit ad inconveniens, dicens nam et
si non velatur mulier, tondeatur, quasi dicat : si abiicit velamen
artificiale, abiiciat pari ratione etiam naturale, quod est inconveniens. Sed
contra hoc videtur esse, quod sanctimoniales tondentur. Ad quod dupliciter
potest responderi : primo quidem, quia ex hoc ipso quod votum viduitatis vel
virginitatis assumunt, Christo desponsante, promoventur in dignitatem
virilem, utpote liberatae a subiectione virorum, et immediate Christo
coniunctae. Secundo quia assumunt poenitentiae lamentum, religionem
intrantes. Est autem consuetudo viris, quod tempore luctus comam nutriant,
quasi hoc sit suae conditioni conveniens : mulieres autem e contrario tempore
luctus comam deponunt. Unde dicitur Ier. c. VII, 29 — capillum tuum tonde,
et proiice, et sume indirectum planctum. Tertio concludit propositum dicens si vero
turpe, id est indecens, est mulieri tonderi aut decalvari, id est,
privari naturali velamine, arte, vel natura, velet caput suum, utens
scilicet velamine artificiali. Deinde cum dicit vir quidem, etc., ponit
secundam probationem, quae accipitur per comparationem ad Deum. Et primo
inducit ad probationem, secundo probat quod supposuerat, ibi non enim est
vir, et cetera. Circa primum duo facit. Primo ponit rationem eius quod
est ex parte viri, secundo illud quod est ex parte mulieris, ibi mulier
autem, et cetera. Dicit ergo primo : dictum est quod turpe est mulieri
tonderi, sicut et non velari; viro autem non est turpe, cuius ratio est haec vir
quidem non debet velare caput suum, quia est imago et gloria Dei. Per hoc
autem quod dicit est imago Dei, excluditur quorumdam error, dicentium
quod homo solum est ad imaginem Dei, non autem est imago, cuius contrarium
hic apostolus dicit. Dicebant autem, quod solus filius est imago, secundum
illud Col. c. I, 15 — qui est imago invisibilis Dei. Est ergo
dicendum, quod homo imago Dei dicitur et ad imaginem. Est enim imago
imperfecta : filius autem dicitur imago, non ad imaginem, quia est imago
perfecta. Ad cuius evidentiam considerandum est, quod de ratione imaginis in
communi duo sunt. Primo
quidem similitudo, non in quibuscumque, sed vel in ipsa specie rei, sicut
homo filius assimilatur patri suo. Vel in aliquo quod sit signum speciei,
sicut figura in rebus corporalibus. Unde qui figuram equi describunt,
dicuntur imaginem eius depingere. Et hoc est, quod dicit Hilarius in libro de
synodis, quod imago est species indifferens. Secundo requiritur origo. Non
enim duorum hominum, qui sunt similes specie, unus imago alterius dicitur,
nisi ex eo oriatur, sicut filius a patre. Considerandum est etiam, quod gloria Dei
dupliciter dicitur. Uno modo qua Deus in se gloriosus est, et sic homo non
est gloria Dei, sed potius Deus est gloria hominis, secundum illud Ps. III, 4 — tu, domine, susceptor meus es et
gloria mea. Alio modo dicitur gloria Dei claritas eius ab eo derivata,
secundum illud Ex. ult. : gloria domini implevit illud. Et hoc modo
hic dicitur, quod vir est gloria Dei, inquantum claritas Dei immediate
super virum refulget, secundum illud Ps. IV, 7 — signatum est super nos
lumen vultus tui, domine. Deinde cum dicit mulier autem, etc., ponit id quod est ex parte
mulieris, dicens mulier autem est gloria viri, etc., quia claritas
mulieris derivatur a viro, secundum illud Gen. II, 23 — haec vocabitur
virago, quoniam de viro sumpta est. Sed contra hoc obiicitur, quia imago Dei attenditur in homine secundum
spiritum, in quo non est differentia maris et foeminae, ut dicitur Col. III,
11. Non
ergo magis debet dici, quod vir dicitur imago Dei, quam mulier. Dicendum est
autem, quod vir dicitur hic specialiter imago Dei secundum quaedam exteriora,
scilicet quia vir est principium totius sui generis, sicut Deus est
principium totius universi, et quia de latere Christi dormientis in cruce
fluxerunt sacramenta sanguinis et aquae, a quibus fabricata est Ecclesia.
Potest etiam quantum ad interiora dici, quod vir specialius dicitur imago Dei
secundum mentem, inquantum in eo ratio magis viget. Sed melius dicendum est
quod apostolus signanter loquitur. Nam de viro dixit, quod vir imago et
gloria Dei est : de muliere autem non dixit, quod esset imago et gloria viri,
sed solum quod est gloria viri, ut detur intelligi quod esse imaginem Dei,
commune est viro et mulieri : esse autem gloriam Dei immediate proprium est
viri. Restat autem considerandum, propter quid vir non
debeat velare caput, sed mulier. Quod quidem dupliciter accipi potest. Primo
quidem quia velamen, quod capiti superponitur, designat potestatem alterius
super caput existentis ordine naturae : et ideo vir sub Deo existens, non
debet velamen habere, super caput, ut ostendat se immediate Deo subesse,
mulier autem debet velamen habere, ut ostendat se praeter Deum alteri
naturaliter subesse. Unde cessat obiectio de servo et subdito : quia haec
subiectio non est naturalis. Secundo ad ostendendum, quod gloria Dei non est
occultanda, sed revelanda : gloria autem hominis est occultanda; unde in Ps.
CXIII, v. 9 s. dicitur : non nobis, domine, non nobis, sed nomini tuo da
gloriam. |
I° Après avoir établi la règle, saint
Paul fait une recommandation dont le motif est pris de cette règle même. A
cet effet, I. il donne un
avertissement pour ce qui concerne le mari ; II. pour ce qui concerne la femme (verset 5) : Mais
toute femme qui prie, etc. I. Il dit donc : Il a
été établi que l’homme est le chef de la femme (verset 4) : Or tout homme
qui prie ou qui prophétise, la tête voilée, déshonore sa tête. Il faut
ici observer que tout homme qui donne son concours à un juge est tenu de
manifester sa condition ou sa dignité ; à plus forte raison, celui qui donne son
concours à Dieu, juge de tout. Celui donc qui est au service de Dieu doit se
conduire dans la perfection et quant à l’ordre et quant à la convenance,
suivant cette parole (Ecclésiastique IV, 17) : "Veillez sur vos pas
en entrant dans la maison de Dieu." Or l’homme est au service de
Dieu de deux manières : d’abord en rapportant à Dieu les choses humaines, ce
qui se fait en priant, selon cette parole (Ecclésiastique XXXIX, 6) : "Il
priera en présence du Très-Haut ; il ouvrira sa bouche dans la prière et demandera
pardon pour ses prévarications." Ensuite en transmettant aux hommes
les choses divines, ce qui a lieu par la prophétie, suivant cette parole de
Joël (II, 28) : "Je répandrai mon Esprit sur toute chair, et vos fils
prophétiseront." Aussi l’Apôtre dit-il en termes exprès : Un
homme qui prie et prophétise, car c’est de ces deux manières que l’homme
donne son concours à Dieu comme juge et comme Seigneur. On peut prophétiser
de deux manières : 1° Quand on annonce aux autres les
choses dont on a eu révélation du ciel, selon ce qui est dit en Luc (I, 67) :
"Zacharie, le père de Jean-Baptiste, fut rempli du Saint Esprit, et
il prophétisa, disant : Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël, etc. " 2° On dit encore de quelqu’un qu’il
prophétise quand il manifeste ce qui est révélé à d’autres : de là on dit de
ceux qui, dans l’église, récitent des prophéties, ou lisent d’autres parties
de l’Ecriture, qu’ils prophétisent. C’est dans ce sens qu’il faut entendre ce
qui est dit (ci-après, XIV, 3) : Celui qui prophétise édifie l’Eglise.
Cette expression est prise ici dans ce sens. Or il est de la dignité de
l’homme, comme on le verra plus loin, de ne pas avoir la tête voilée, et
voilà pourquoi l’Apôtre dit (verset 4) : Tout homme qui prie ou qui
prophétise la tête voilée, déshonore sa tête, c’est-à-dire fait une chose
qui est pour lui inconvenante. En effet, de même que, dans le corps, la
beauté résulte de la proportion nécessaire entre les différents membres avec
la lumière et le coloris convenables, ainsi, dans les actes humains, la
beauté se manifeste par la juste proportion entre les paroles et les actions,
où doit resplendir la raison. De là résulte que, par opposition, on reconnaît
qu’un acte est honteux quand il est contraire à la raison ou quand manque la
proportion nécessaire entre les paroles et les actions. C’est aussi pour
cette raison que (ci-dessus, VII, 36) il a été dit : Si quelqu’un regarde
comme honteux pour lui que sa fille, étant en âge d’être mariée, etc. On objecte
que plusieurs, désirant prier d’une manière plus intime, prient dans l’église
la tête voilée, et cela sans aucun déshonneur. Il faut répondre qu’il y a
deux sortes de prière : l’une privée, qu’on offre à Dieu pour soi-même ;
l’autre publique, qu’on offre à Dieu au nom de toute l'Eglise, comme il se
pratique dans les oraisons qui sont prononcées dans l’église par les
ministres sacrés ; or c’est de ces dernières que parle ici saint Paul.
On objecte encore ce que dit la Glose, que celui-là est regardé comme
prophétisant qui ouvre le sens des Ecritures, et qu’ainsi celui qui
prêche prophétise. Or les évêques prêchent, la tête couverte de la mitre. Il
faut répondre que celui qui prêche ou qui enseigne dans les assemblées
particulières parle en son propre nom. C’est de là que saint Paul (Rom II, 16)
dit : « mon Evangile », à cause du soin qu’il mettait à
prêcher l’Evangile. Mais celui qui, dans l’Eglise, récite les saintes
Ecritures, par exemple en lisant une leçon, une épître ou l’Evangile, parle
au nom de toute l’Eglise. C’est de celui qui prophétise ainsi que parle ici
saint Paul. Reste l’objection tirée de ceux qui chantent au choeur des
psaumes, la tête couverte. Il faut répondre que les psaumes ne se chantent
pas au nom d’un seul fidèle qui se présenterait en particulier devant Dieu,
mais comme au nom de toute la multitude. II. A ces paroles
(verset 5) : mais toute femme qui prie ou qui prophétise, etc., l’Apôtre
continue sa recommandation en ce qui concerne les femmes, en disant (verset
5) : mais toute femme qui prie ou qui prophétise, comme il a été
expliqué, sans s’être voilé la tête, tenue choquante à cause de la
condition de la femme, déshonore sa tête, c’est-à-dire fait, en se
découvrant la tête, une chose inconvenante pour elle. On objecte ce que dit
l’apôtre saint Paul à Timothée (1 Tm., II, 12) : "Je ne permets point
aux femmes d’enseigner dans l’église" ; comment donc peut-il
convenir à une femme de prier ou prophétiser par un discours ou une prière
publique ? Il faut répondre qu’il s’agit des prières ou des lectures qui se
faisaient dans les assemblées particulières des femmes. II°
Lorsqu’il ajoute (verset 5) : car c’est comme si elle était rasée, etc. saint Paul justifie sa recommandation. Et d’abord il énonce
cette justification ; ensuite il laisse au jugement de ceux auxquels il s’adresse
l’appréciation de sa preuve (verset 13) : Jugez-en vous-mêmes, etc. Sur
le premier point, d’abord il énonce la preuve ; ensuite il renverse une
objection (verset 11) : Toutefois ni l’homme, etc. L’énoncé de sa
preuve s’appuie sur trois raisons : la première est tirée d’une comparaison
avec la nature humaine ; la seconde, d’une autre avec Dieu (verset 7) : L’homme
ne doit pas, etc. ; la troisième enfin, d’une comparaison
avec les anges (verset 10) : à cause des anges. I. Sur la première
raison, il faut remarquer que la nature, qui fournit aux autres animaux les
ressources nécessaires à la vie, ne les donne à l’homme que d’une manière
imparfaite, afin que, par le secours de la raison, il puisse les compléter
par l'art, l’expérience ou la force physique : ainsi elle a donné au taureau
des armes pour se défendre ; mais l’homme se forge des armes pour atteindre
ce but, au moyen du travail manuel dirigé par la raison. Il arrive aussi que
l’art vient en aide à la nature, et perfectionne ce qu'elle ne peut faire.
Ainsi la nature a donné à l’homme les cheveux pour se couvrir la tête ; mais
comme cette protection est insuffisante, il se prépare par l’art une autre
manière de se couvrir. La même raison existe donc et pour le voile naturel
des cheveux, et pour ce qui le complète artificiellement. Mais il est naturel
à la femme d’entretenir sa chevelure : elle a pour cela une disposition
naturelle et de plus une sorte d’inclination qui la porte à le faire. En
effet, on la voit fréquemment s’en occuper beaucoup plus que ne font les
hommes. Il semble donc bien plus convenable à sa condition que la femme se
serve d’un voile artificiel pour la tête que cela ne serait convenable aux
hommes. L’Apôtre, sur ce point, fait trois choses. 1° Il établit la convenance du voile
naturel et artificiel, en ces termes : Il a été dit (verset 5) que la femme
qui ne se voile point déshonore sa tête, car c’est la même chose,
c’est-à-dire il y a pour elle autant de déshonneur d’être privée du voile
artificiel, que d’avoir la tête rasée, en d’autres termes que d’être
privée du voile naturel de sa chevelure, ce qui quelquefois est donné pour un
châtiment ; (Isaïe, III, 17) : "Le Seigneur découvrira le front
des filles de Sion, et les dépouillera de leur chevelure." 2° L’Apôtre pousse à une conséquence
inadmissible, en disant (verset 6) : Si une femme ne se voile point,
qu’elle ait les cheveux coupés ; en d’autres termes, si elle rejette
le voile artificiel, qu’elle rejette aussi, par une raison semblable, le
voile naturel ; ce qui serait une inconvenance. Ceci parait contredit par la
pratique des religieuses qui déposent leur chevelure. On peut donner une
double réponse : d’abord, par cela même qu’elles font voeu de garder ou
l’état de viduité ou la virginité, en prenant Jésus-Christ pour époux, les
religieuses sont élevées à la dignité de l’homme, puisqu’elles sont dès lors
délivrées de la dépendance de l’homme et unies immédiatement à Jésus-Christ.
D’autre part, en entrant en religion, elles se revêtent de l’habit de
pénitence ; or c’est une coutume chez les hommes de laisser croître leurs
cheveux aux jours de deuil, comme quelque chose de convenable à leur
situation ; les femmes, au contraire, dans les temps d’affliction, se
dépouillent de leur chevelure. C’est ainsi qu’il est dit au prophète Jérémie
(VII, 29) : "Rasez vos cheveux et jetez-les ; faites entendre des
lamentations." 3° L’Apôtre déduit en conclusion ce
qu’il se propose, en disant (verset 6) : Mais, s’il est honteux pour une
femme d’avoir les cheveux coupés, ou d’être rasée, c’est-à-dire si
cela est indécent pour elle d’être privée du voile naturel par l’art ou par
la nature, qu’elle se voile la tête, c’est-à-dire qu’elle se serve
d’un voile artificiel. II. A ces paroles
(verset 7) : Pour l’homme, etc., il expose la seconde preuve, tirée
d’une comparaison avec Dieu. D’abord il fait une induction ; ensuite il
prouve ce qu’il avait supposé (verset 8) : Car l’homme, etc. Pour son
induction, il prend une raison 1° du côté de
l’homme ; 2° du côté de
la femme (verset 7) : Au lieu que la femme, etc. 1° Il dit donc d’abord : il a été dit
qu’il est honteux pour la femme d’avoir la tête rasée, comme il l’est aussi
de ne pas avoir la tête voilée ; mais pour l'homme, ce n’est pas honteux, et
en voici la raison (verset 7) : Pour l’homme, il ne doit pas se couvrir la
tête, parce qu’il est l’image et la gloire de Dieu. Par ce mot de saint
Paul : il est l’image de Dieu, se trouve rejetée l’erreur de quelques
auteurs qui prétendent que l’homme est seulement à l’image de Dieu et n’est
pas son image, contrairement à ce que dit l’Apôtre en termes formels. Ces
auteurs prétendaient que le Fils seul est l’image de Dieu, selon ce passage
(Colos., I, 15) : "qui est l’image du Dieu invisible." Il
faut donc dire que l’homme est appelé l’image de Dieu, et qu’il est aussi à
son image. En effet, il est l’image imparfaite de Dieu ; mais le Fils est son
image et non à son image, parce qu’il en est l’image parfaite. Pour admettre
l’évidence de cette distinction, il faut remarquer qu’il est de la nature de
l’image en général de porter deux caractères : premièrement la ressemblance,
non pas en tout, mais soit dans l’espèce même de la chose, comme le fils qui
est assimilé à son père, soit dans quelque rapport qui soit comme le signe de
l’espèce, par exemple la figure dans les objets corporels. C’est de là que
l’on dit de celui qui décrit la forme d’un cheval, qu’il en reproduit
l'image. C’est dans ce sens que saint Hilaire (livre des Synodes 1) dit que l’image est une figure
indifférente. Secondement il faut l’origine : car de deux hommes, qui
sont semblables quant à l’espèce, l’un ne peut être appelé l’image de l’autre
s’il ne descend de lui comme le fils du père. En effet, l’image prend son nom
de l’exemplaire ; de plus, il est de l’essence d’une image parfaite d’exiger
l’égalité. L’homme étant donc en rapport avec Dieu quant à la mémoire,
l’intelligence et la volonté de l’âme, facultés qui le constituent comme
nature intellectuelle, et ayant reçu ces facultés de Dieu, on dit qu’il est
son image ; mais, parce que l’égalité n’existe pas, il n’est à l’égard de
Dieu qu’une image imparfaite. Voilà pourquoi il est dit : "à l’image
de Dieu," suivant cette parole du livre de la Genèse (I, 26) : "Faisons
l’homme à notre image et à notre ressemblance" ; mais le Fils,
qui est l’égal du Père, est sa parfaite image et n’est pas à son image. Il
faut aussi remarquer que la gloire de Dieu peut être envisagée de deux
manières : d’abord en tant que Dieu est en lui-même plein de gloire ; dans ce
sens, l’homme n’est pas la gloire de Dieu, mais Dieu est plutôt la gloire de
l’homme, suivant ce passage (Psaume III, 4) : "Seigneur, vous êtes
mon protecteur et ma gloire." Ensuite on appelle gloire de Dieu la
clarté qui émane de Lui, suivant cette parole de l’Exode (XL, 32) : "La
gloire du Seigneur remplit la terre, et c’est dans ce sens qu’il est dit
ici que l’homme est la gloire de Dieu, en tant que les clartés divines
resplendissent immédiatement sur lui, suivant cette parole (Psaume IV, 7) : "La
lumière de votre visage est gravée sur nous, Seigneur." 2° Lorsqu’il ajoute (verset 7) : au
lieu que la femme..., saint Paul continue son induction par une raison
prise du côté de la femme : est la gloire de l’homme, etc. C’est que
son éclat dérive de l’homme, suivant cette parole de la Genèse (II, 23) : "Celle-ci
s’appellera d’un nom pris du nom de l’homme, parce qu’elle a été tirée de
l’homme." On objecte
contre ceci que l’on regarde l’homme comme l’image de Dieu par l’esprit, et
que, sous ce rapport, il n’y a pas de différence entre l’homme et la femme,
comme il est dit (Colos., III, 11) ; on ne doit donc pas plus dire de l’homme
qu’il est l’image de Dieu qu’on ne le doit dire de la femme. Il faut répondre
que l’homme est appelé ici spécialement l’image de Dieu, à raison de
certaines prérogatives extérieures, à savoir que l’homme est le principe de
toute son espèce, comme Dieu est le principe de tout l’univers, et c’est du
côté de Jésus-Christ, pendant son sommeil sur la croix, que sont sortis, avec
le sang et l’eau, les sacrements dont a été formée l’Eglise. On peut encore,
quant à ce qui est intérieur, dire que l’homme est plus spécialement l’image
de Dieu selon l’esprit, en ce qu’en lui la raison a plus de puissance. Mais
il vaut mieux reconnaître que l’Apôtre s’est exprimé d’une manière précise,
car il dit de l’homme qu’il est l’image et la gloire de Dieu ; mais
il n’a pas dit de la femme qu’elle fût l’image et la gloire de l’homme : il
dit seulement qu’elle est la gloire de l’homme, afin de donner à
entendre que c’est un honneur commun à l’homme et à la femme d’être l’image
de Dieu ; tandis qu’il appartient immédiatement à l’homme d’être la gloire de
Dieu. Il reste encore à expliquer pourquoi l’homme ne doit pas se voiler la
tête, tandis que la femme doit se voiler. On peut l’expliquer de deux
manières : d’abord en disant que le voile posé sur la tête désigne la
puissance d’un autre sur cette tête, dans l’ordre de la nature. Voilà
pourquoi l’homme, dépendant de Dieu, ne doit pas recevoir de voile sur la
tête, pour montrer qu’il est soumis immédiatement à Dieu. La femme, au
contraire, doit prendre le voile, pour montrer qu’indépendamment de Dieu elle
est soumise naturellement à un autre. Ainsi tombe l’objection d’esclave et de
sujet, parce que, dans ces cas, la sujétion n’est pas naturelle. Ensuite
saint Paul donne à entendre par là que la gloire de Dieu ne doit pas être
cachée mais manifestée, tandis que la gloire de l’homme doit être cachée.
C’est de là qu’il est dit (Psaume CXIII, 9) : "Ne nous donnez pas la
gloire, Seigneur, donnez-la à votre nom." |
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Lectio 3 |
Leçon 3 : 1 Corinthiens XI, 8-16 — La femme, gloire de l'homme |
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SOMMAIRE : La femme, étant la gloire de l’homme, doit avoir la tête couverte. |
[8] non enim vir ex muliere est sed mulier ex viro [9] etenim non est creatus vir propter mulierem sed mulier propter
virum [10] ideo debet mulier potestatem habere supra caput propter
angelos [11] verumtamen neque vir sine muliere neque mulier sine viro
in Domino [12] nam sicut mulier de viro ita et vir per mulierem omnia
autem ex Deo [13] vos ipsi iudicate decet mulierem non velatam orare Deum [14] nec ipsa natura docet vos quod vir quidem si comam nutriat
ignominia est illi [15] mulier vero si comam nutriat gloria est illi quoniam
capilli pro velamine ei dati sunt [16] si quis
autem videtur contentiosus esse nos talem consuetudinem non habemus neque
ecclesiae Dei |
8.... Car
l’homme n’a pas été tiré de la femme, mais la femme a été tirée de l’homme. 9. Et
l’homme n’a pas été créé pour la femme, mais la femme pour l’homme. 10. C’est
pourquoi la femme doit porter sur sa tête, à cause des anges, la marque de la
puissance. 11.
Toutefois ni l’homme n’est pas sans la femme, ni la femme sans l’homme dans
le Seigneur. 12. Car,
comme la femme a été tirée de l’homme, ainsi l’homme naît de la femme et l’un
et l’autre vient de Dieu. 13.
Jugez-en vous-mêmes : est-il décent à une femme de prier Dieu sans avoir un
voile sur la tête ? 14. La
nature même ne vous enseigne t-elle pas qu’il serait honteux à un homme de
laisser croître ses cheveux, 15. Et
qu’il est, au contraire, honorable à une femme de les laisser croître, parce
qu’ils lui ont été donnés comme un voile qui doit la couvrir ? 16. Que si
quelqu’un aime à contester, pour nous ce n’est pas là notre coutume, ni celle
de l'Eglise de Dieu. |
[87662] Super 1 Cor. [reportatio vulgata],
cap. Deinde cum dicit etenim, etc., assignat
rationem eius quod dixerat. Ad cuius evidentiam considerandus est talis ordo
perfecti et imperfecti, quod imperfectum in uno et eodem subiecto prius est
tempore, quam perfectum. Prius enim aliquis homo est puer, quam vir;
simpliciter tamen perfectum est prius imperfecto, tempore et natura. Nam puer
producitur ex viro. Haec igitur est ratio quare mulier producta est ex viro,
quia perfectior est muliere, quod ex hoc probat apostolus, quia finis est
perfectior eo quod est ad finem : vir autem est finis mulieris. Et hoc est
quod dicit etenim non est creatus vir propter mulierem, sed mulier propter
virum, in adiutorium scilicet generationis : sicut patiens est propter
agens, et materia propter formam. Unde dicitur Gen. II, 18 — non est bonum
hominem esse solum, faciamus ei adiutorium simile sibi. Deinde cum dicit ideo debet, etc., infert
conclusionem intentam, dicens ideo, scilicet quia vir est imago et
gloria Dei, mulier autem est gloria viri, mulier debet habere velamen
super caput suum, quando scilicet Deo assistit orando, vel prophetando,
ut per hoc ostendatur, quod non immediate subest Deo, sed subiicitur etiam
viro sub Deo; hoc enim significat velamen, quod capiti superponitur. Unde
alia littera habet, quod mulier debet habere potestatem super caput suum,
et idem est sensus : nam velamen est signum potestatis, secundum quod in Ps.
LXV, 12 dicitur : imposuisti homines super capita nostra. Deinde cum dicit et propter Angelos, etc.,
assignat tertiam rationem, quae sumitur ex parte Angelorum, dicens et
etiam mulier debet habere velamen super caput suum propter Angelos. Quod
quidem dupliciter intelligi potest. Uno modo de ipsis Angelis caelestibus,
qui conventus fidelium visitare creduntur, praecipue quando sacra mysteria
celebrantur. Et ideo tunc tam mulieres, quam viri ad reverentiam eorum
honeste et ordinate se debent habere, secundum illud Ps. CXXXVII, 1 — in
conspectu Angelorum psallam tibi. Alio modo potest intelligi, secundum
quod Angeli dicuntur sacerdotes, inquantum divina populo annuntiant, secundum
illud Mal. II, v. 7 — labia sacerdotis custodiunt scientiam, et legem
requirent ex ore eius, quia Angelus domini exercituum est. Debet ergo
mulier velamen habere semper in Ecclesia propter Angelos, id est, propter
sacerdotes, duplici ratione. Primo quidem propter eorum reverentiam, ad quam
pertinet quod mulieres coram eis honeste se habeant. Unde dicitur Eccli. VII,
33 — honora Deum ex tota anima tua, et sacerdotes illius. Secundo
propter eorum cautelam, ne scilicet ex conspectu mulierum non velatarum ad
concupiscentiam provocentur. Unde dicitur Eccli. c. IX, 5 — virginem ne
aspicias, ne forte scandalizeris in decore illius. Augustinus autem aliter exponit praedicta.
Ostendit enim quod tam mulier quam vir est ad imaginem Dei, per hoc quod
dicitur Eph. IV, 23 s. : renovamini spiritu mentis vestrae, et induite
novum hominem, qui renovatur in agnitione Dei secundum imaginem eius qui
creavit eum, ubi non est masculus et foemina. Et sic patet, quod imago
Dei attenditur in homine secundum spiritum, in quo non est differentia
masculi et foeminae; et ideo mulier est imago Dei sicut et vir. Expresse enim
dicitur Gen. I, 27, quod creavit Deus hominem ad imaginem suam, masculum
et foeminam creavit eos : et ideo Augustinus dicit hoc esse intelligendum
in spirituali coniugio, quod est in anima nostra, in qua (sicut supra dictum
est) sensualitas, vel etiam inferior ratio se habet per modum mulieris, ratio
autem superior per modum viri, in qua attenditur imago Dei. Et secundum hoc
mulier est ex viro et propter virum, quia administratio rerum temporalium,
vel sensibilium, cui intendit inferior ratio vel etiam sensualitas, debet
deduci ex contemplatione aeternorum, quae pertinent ad superiorem rationem,
et ad eam ordinari. Et ideo mulier dicitur habere velamen, vel potestatem
super caput suum, ad significandum quod circa temporalia dispensanda debet
homo cohibitionem quamdam et refraenationem habere, ne ultra modum homo
progrediatur in eis diligendis. Quae quidem cohibitio circa amorem Dei
adhiberi non debet, cum praeceptum sit Deut. VI, 5 — diliges dominum Deum
tuum ex toto corde tuo. Nam circa desiderium finis non apponitur mensura,
quam necesse est apponi circa ea quae sunt ad finem. Medicus enim sanitatem
inducit quanto perfectiorem potest, non tamen dat medicinam quanto maiorem
potest, sed secundum determinatam mensuram. Sic vir non debet habere velamen
super caput. Et hoc debet propter Angelos sanctos : quia, sicut in Glossa
dicitur grata est sanctis Angelis sacrata et pia significatio. Unde et
Augustinus dicit de Civit. Dei, quod Daemones alliciuntur quibusdam
sensibilibus rebus, non sicut animalia cibis, sed sicut spiritus signis. Deinde cum dicit verumtamen neque vir,
etc., excludit dubitationem quae posset ex dictis oriri. Quia enim dixerat,
quod vir est gloria Dei, mulier autem est gloria viri, posset aliquis
credere, vel quod mulier non esset ex Deo, vel quod non haberet potestatem in
gratia. Unde primo hoc excludit, dicens : licet mulier
sit gloria viri, qui est gloria Dei, verumtamen neque vir est in domino,
id est, a domino productus, sine muliere, neque mulier sine viro;
utrumque enim Deus fecit, secundum illud Gen. I, 27 — masculum et foeminam
creavit eos. Vel aliter : neque vir est sine muliere in domino, scilicet
in gratia domini nostri Iesu Christi, neque mulier sine viro, quia uterque
per gratiam Dei salvatur, secundum illud Gal. III, 27 — quicumque in
Christo baptizati estis, Christum induistis. Et postea subdit : non
est masculus, neque foemina, scilicet differens in gratia Christi. Secundo assignat rationem, dicens : nam sicut in
prima rerum institutione mulier est de viro formata, ita et in subsequentibus
generationibus, vir per mulierem productus est, secundum illud Iob XIV, 1 — homo
natus de muliere. Nam prima productio hominis fuit sine viro et muliere,
quando Deus formavit hominem de limo terrae, ut dicitur Gen. Secunda
autem fuit de viro sine muliere, quando formavit Evam de costa viri, ut
ibidem legitur. Tertia autem est ex viro et muliere, sicut Abel natus est ex
Adam et Eva, ut legitur Gen. IV, 2. Quarta autem est ex muliere sine viro, ut
Christus ex virgine, secundum illud Gal. IV, 4 — misit Deus filium suum
factum ex muliere. Tertio ostendit rationem esse convenientem,
dicens omnia autem ex Deo, quia scilicet et hoc ipsum, quod mulier
primo fuit ex viro, et hoc quod postmodum vir est ex muliere, est ex
operatione divina. Unde ad Deum pertinent tam vir, quam mulier. Unde dicitur
Rom. XL, 36 — ex ipso, et per ipsum, et in ipso sunt omnia. Deinde cum dicit vos ipsi iudicate, etc.,
committit iudicium eius quod dixerat auditoribus. Et circa hoc duo facit.
Primo committit iudicium rationalibus auditoribus; secundo comprimit
protervos auditores, ibi si quis autem videtur, et cetera. Circa primum quatuor facit. Primo committit
auditoribus iudicium eius quod dixerat, more eius qui confidit se
sufficienter probasse, dicens vos ipsi iudicate, et cetera. Pertinet
enim ad bonum auditorem iudicare de auditis. Unde dicitur Iob VI, 29 — loquentes
id quod iustum est iudicate. Et XII, 11 — nonne auris verba diiudicat?
Secundo proponit sub quaestione id de quo debet
esse iudicium, dicens decet mulierem non velatam orare Deum. Hoc
prohibetur I Petr. III, 3, ubi dicitur : quarum sit non exterius
capillatura. Tertio ostendit unde debeant sumere suum
iudicium, quia ab ipsa natura, et hoc est quod dicit nec ipsa natura docet
vos. Et vocat hic naturam ipsam inclinationem naturalem, quae est
mulieribus ad nutriendum comam, quae est naturale velamen, non autem viris.
Quae quidem inclinatio naturalis esse ostenditur, quia in pluribus invenitur.
Oportet autem ab ipsa natura doceri, quia est Dei opus : sicut in pictura
instruitur aliquis artificio pictoris. Et ideo contra quosdam dicitur Is.
XXIV, 5 — transgressi sunt leges, mutaverunt ius, dissipaverunt foedus
sempiternum, id est, ius naturale. Quarto autem a natura sumit rationem; et primo
ponit id quod est ex parte viri, dicens quod vir quidem, si comam nutriat,
more mulieris, ignominia est illi, id est, ad ignominiam ei reputatur
apud plures homines, quia per hoc videtur muliebris esse. Et ideo Ez. XLIV,
20 dicitur : sacerdotes comam non nutriant. Nec est instantia de
quibusdam, qui in veteri lege comam nutriebant, quia hoc erat signum, quod
tunc erat positum in lectione veteris testamenti, ut dicitur I1 Cor. III, 14.
Secundo ponit id quod est ex parte mulieris,
dicens mulier et si comam nutriat, gloria est illi, quia videtur ad
ornatum eius pertinere. Unde dicitur Cant. VII, 5 — comae capitis eius
sicut purpura regis. Et assignat consequenter rationem, cum dicit quoniam
capilli dati sunt ei, scilicet mulieri, pro velamine; et ideo
eadem ratio est de capillis nutriendis, et de velamine artificiali apponendo.
Cant. IV, 1 — capilli tui sicut grex caprarum, et cetera. Deinde cum dicit si quis autem videtur,
etc., comprimit protervos auditores, dicens si quis autem videtur
contentiosus esse, ut scilicet rationibus praedictis non acquiescat, sed
confidentia clamoris veritatem impugnet, quod pertinet ad contentionem, ut
Ambrosius dicit, contra id quod dicitur Iob c. VI, 29 — respondete, obsecro,
absque contentione; et Prov. XX, 3 — honor est ei, qui separat se a
contentionibus. Hoc sufficiat ad comprimendum talem, quod nos Iudaei in
Christum credentes talem consuetudinem non habemus, scilicet quod
mulieres orent non velato capite, neque etiam tota Ecclesia Dei per
gentes diffusa. Unde si nulla esset ratio, hoc solum deberet sufficere, ne
aliquis ageret contra communem Ecclesiae consuetudinem. Dicitur enim in Ps.
LXVII, 7 — qui habitare facit unius moris in domo. Unde Augustinus
dicit in epistola ad Casulanum quod omnibus, in quibus nihil certi
diffinit sacra Scriptura, mos populi Dei, atque instituta maiorum pro lege
habenda sunt. |
I° L’Apôtre, ayant avancé que la femme
est la gloire de l’homme, s’applique ici à le prouver. A cet effet, I. il énonce sa preuve
; II. il donne la
raison de ce qu’il a dit (verset 9) : Aussi l’homme n’a pas été créé, etc.;
III. il déduit la
conclusion qu’il a en vue (verset 10) : C’est pourquoi la femme doit, etc. I. Sur l’énoncé de la
preuve, il faut remarquer qu’ainsi qu’il a été dit plus haut, la femme est
appelée la gloire de l’homme par une certaine dérivation : aussi, afin de le
prouver, l’Apôtre ajoute (verset 8) : car, c’est-à-dire dans la
première condition des choses, l’homme n’est pas venu de la femme, en
d’autres termes n’a pas été tiré d’elle ; mais la femme a été tirée de
l’homme, car il est dit dans la Genèse (II, 22) : "Le Seigneur
Dieu, de la côte qu’il avait en levée à Adam, forma la femme." Mais
de l’homme il est dit (Gen., II, 7) : "Le Seigneur Dieu forma donc
l’homme du limon de la terre, etc." II. A ces paroles
(verset 9) : Aussi, etc., saint Paul donne la raison de ce qu’il avait
avancé. Pour bien comprendre ceci, il faut remarquer que le parfait et
l’imparfait sont relativement dans un ordre tel que, dans un seul et même
sujet, l’imparfait a la priorité de temps sur le parfait : ainsi on est
enfant avant d’être homme. Cependant, pris d’une manière absolue, le par-
fait, quant au temps et quant à la nature, précède l’imparfait, car l’enfant
procède de l’homme. La raison donc pour laquelle la femme a été tirée de
l’homme, c’est que celui-ci est plus parfait que la femme. Saint Paul le
prouve par ceci, que la fin est plus parfaite que ce qui se rapporte à la fin
même ; or l’homme est la fin par rapport à la femme ; et c’est dans ce sens
qu’il dit (verset 9) : Aussi l’homme n’a pas été créé pour la femme, mais
la femme l’a été pour l’homme, c’est-à-dire pour être son aide dans
l’oeuvre de la génération ; de même que l’être qui reçoit l’action est en vue
de l’agent, et la matière en vue de la forme. C’est de 1à qu’il est dit
(Gen., II, 48) : "Il n’est pas bon que l’homme soit seul :
faisons-lui une aide semblable à lui." III. Lorsque l’Apôtre
dit (verset 10) : C’est pourquoi la femme doit, etc., il donne la
conclusion voulue, en ces termes (verset 10) : c’est pourquoi, c’est-à-dire
puisque l’homme est l’image et la gloire de Dieu, et la femme la gloire de
l’homme, la femme doit avoir la tête voilée, à savoir quand elle
paraît devant Dieu pour prier ou prophétiser, afin de montrer par là qu’elle
n’est pas immédiatement soumise à Dieu, mais qu’elle est aussi soumise à
l’homme sous l’autorité de Dieu, car voilà ce que signifie le voile qui est
imposé sur la tête. Aussi une autre version dit (verset 10) : La femme
doit porter sur la tête la marque de la puissance ; le sens est le
même, car le voile est le signe de puissance à laquelle on est soumis,
suivant cette parole (Psaume LXV, 12) : "Vous avez mis des hommes sur
nos têtes." II° En ajoutant (verset 10) : à cause des anges, etc., l’Apôtre
donne une troisième raison prise du côté des anges. La femme doit aussi
avoir la tête voilée à cause des anges : l’on peut entendre ces mots de
deux manières : d’abord des anges du ciel, qui, croyons-nous, visitent les assemblées
des fidèles, surtout quand on célèbre les saints mystères. Les femmes donc,
aussi bien que les hommes, par respect pour les anges, doivent à ce moment se
tenir comme le demandent l’ordre et la bienséance, suivant cette parole
(Psaume CXXXVII, 1) : "Je célébrerai votre gloire en présence de vos
anges." On peut ensuite entendre par ces paroles que les anges, ce
sont les prêtres, auxquels on donne le nom d’anges parce qu’ils annoncent aux
peuples les choses de Dieu, selon ce passage du prophète Malachie (II, 7) : "Les
lèvres du prêtre garderont la science, et l’on recherchera la loi venant de
sa bouche, parce qu’il est l’ange du Seigneur des armées." La femme
doit donc, dans l’Eglise de Dieu, avoir toujours un voile sur la tête à cause
des anges, c’est-à-dire des prêtres, et cela pour deux raisons : 1° par respect pour eux, ce qui exige
qu’elles se tiennent devant eux avec bienséance. C’est pourquoi il est dit
(Ecclésiastique VII, 33) : "Honorez Dieu de toute votre âme, et
révérez les prêtres." 2° Pour leur sauvegarde, c’est-à-dire
de peur que la vue des femmes sans voile ne provoque en eux les atteintes de
la concupiscence. C’est de là qu’il est dit (Ecclésiastique IX, 5) : "N’arrêtez
pas vos regards sur une vierge, de peur que sa beauté ne vous devienne un
sujet de chute." Sait
Augustin explique autrement ce passage. Il fait voir que la femme ainsi que
l’homme sont créés à l’image de Dieu, parce qu’on lit au chapitre IV de
l’épître aux Ephésiens (verset 23) : "Renouvelez-vous dans
l’intérieur de votre âme, et revêtez-vous de l’homme nouveau, qui est
renouvelé dans la connaissance de Dieu, à l’image de Celui qui l’a
créé," où il n’y a aucune distinction d’homme ou de femme. Il faut
donc conclure que, dans l’homme, l’image de Dieu se considère selon l’esprit,
qui ne présente aucune différence entre l’homme et la femme, et par
conséquent la femme est, comme l’homme, l’image de Dieu. Car la Genèse dit
expressément (I, 27) : "Et Dieu créa l’homme à son image ; il les
créa mâle et femelle." C’est ce qui fait dire encore à saint
Augustin que l’on doit entendre ces paroles de saint Paul, de l’union
spirituelle qui existe dans notre âme, dans laquelle, ainsi qu’il a été dit
plus haut, la sensibilité, ou même la raison inférieure, semble représenter
la femme, la raison supérieure l’homme. Dans celle-ci serait l’image de Dieu,
et ce serait en ce sens que la femme aurait été tirée de l’homme et pour
l’homme, parce que le gouvernement des choses temporelles ou sensibles,
auquel s’applique la raison inférieure ou même la sensibilité, doit tirer sa
règle de la considération des choses éternelles, considération qui appartient
à la raison supérieure, et tendre vers elles. C’est de là qu’on dit que la
femme doit avoir sur la tête un voile, ou le signe de la puissance d’un autre,
pour marquer que, dans la disposition des choses temporelles, l’homme doit
garder une certaine retenue et une certaine réserve, pour ne pas se laisser
entraîner, à leur égard, à une affection excessive. Cette réserve ne doit pas
avoir lieu à l’égard de l’amour de Dieu, puisqu’il est commandé (Deut., VI,
5) : "Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre coeur" ;
car, dans ce qui est du désir de la fin, il ne saurait y avoir de mesure,
comme il est nécessaire d’en mettre à l’égard de ce qui se rapporte à la fin.
Le médecin, en effet, cherche à procurer une santé aussi parfaite qu’il le
peut ; cependant il ne donne pas le médicament aussi fort qu’il le pourrait,
mais d’après une mesure déterminée : c’est dans ce sens que l’homme ne doit
pas avoir la tête voilée. Il doit s’en abstenir à cause des saints anges,
parce que, comme dit la Glose : Les saints anges ont pour agréable toute
manifestation sainte et pieuse. C’est ce qui fait dire à saint Augustin
(liv. XXI, ch. VI, de la Cité de Dieu) que les démons sont
attirés par certaines choses sensibles, non comme les animaux le sont par la
nourriture, mais comme les esprits le sont par les signes. III° A ces paroles (verset 11) : Toutefois, ni l’homme, etc., saint Paul
répond à une difficulté qu’on pouvait élever sur ce qu’il venait de dire. En
effet, parce qu’il avait dit que l’homme est la gloire de Dieu et la femme la
gloire de l’homme, on aurait pu croire ou que la femme n’était pas l'oeuvre
de Dieu, ou que, sous la grâce, elle était privée de puissance. I. Il exclut donc
cette interprétation, en disant : Bien que la femme soit la gloire de
l’homme, qui est lui-même la gloire de Dieu, cependant ni l’homme n’est
pas sans la femme dans le Seigneur, c’est-à-dire en tant que produit par
Lui, ni la femme sans l’homme ; car le Seigneur a créé l’un et
l’autre, suivant cette parole (Gen., I, 27) : "Dieu les créa mâle et
femelle." Ou encore : Ni l’homme n’est sans la femme dans le
Seigneur, c’est-à-dire dans la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ,
ni la femme sans l’homme, car l’un et l’autre sont sauvés par la grâce
de Dieu, selon cette parole (Gal., III, 27) : "Vous tous qui avez été
baptisés en Jésus-Christ, vous vous êtes revêtus de Jésus-Christ."
L’Apôtre ajoute à la suite : Il n’y a plus d’homme ni de femme, c’est-à-dire
de distinction entre eux dans la grâce de Jésus-Christ. II. En second lieu, il
en donne la raison, en disant : Car, ainsi que dans la première institution
des choses (verset 12) la femme a été tirée de l’homme, de même, dans les
générations subséquentes, l’homme naît de la femme, suivant ce qui est
dit (Job, XIV, 1) : "L’homme né de la femme". La première
production de l’homme fut, en effet, sans l’homme et sans la femme, quand
Dieu créa l’homme du limon de la terre, comme il est rapporté (Gen.,
II, 7) ; la seconde fut de l’homme sans la femme, quand Dieu forma Eve de la
côte d’Adam, ainsi qu’il est rapporté au même lieu ; la troisième, de l’homme
et de la femme : ainsi Abel naquit d’Adam et d’Eve (Gen., IV, 2) ; la
quatrième a été de la femme sans l’homme, quand Jésus-Christ naquit d’une
vierge, suivant ce qui est dit (Gal., IV, 4) : "Dieu a envoyé son
Fils, né d’une femme." III. Il prouve que la
raison alléguée est correcte, lorsqu’il dit (verset 12) : "Et l’un et
l’autre viennent de Dieu", c'est-à-dire par le fait que la femme a
été d’abord tirée de l’homme, et dans la suite, si l’homme naît de la femme,
cela vient de l’opération divine. Ainsi donc l’homme comme la femme
appartiennent à Dieu. C’est de là qu’il est dit (Rom., XI, 36) : "Tout
est de Lui, tout est par Lui, tout est en Lui." IV° Lorsqu’il ajoute (verset 13) : Jugez-en vous-mêmes, etc., saint Paul
abandonne à ceux auxquels il s’adresse le jugement de ce qu’il avait dit. Sur
ce point, I. il s’en
remet aux jugements de ceux qui sont raisonnables ; II. il réprime ceux qui
ne le sont pas (verset 16) : Que si quelqu’un aime à contester, etc. I. Sur la première
partie, l’Apôtre : 1° abandonne à l’appréciation de ceux
auxquels il s’adresse ce qu’il a dit, à la manière de celui qui a la confiance
d’avoir donné assez de preuves : "Jugez vous-mêmes, etc. "
Il appartient, en effet, à l’auditeur dont la conscience est droite, de juger
ce qu’il entend. C’est de là qu’il est dit (Job, VI, 29) : "Dans vos
réponses, jugez des choses selon la justice" ; et (Job,
XII, 11) : "L’oreille ne juge-t-elle pas des paroles ?" 2° Il propose, sous forme de question,
ce sur quoi on doit porter le jugement, en disant (verset 13) : Convient-il
qu’une femme prie Dieu sans être voilée ? Cela est défendu dans la première
épître de saint Pierre (III, 3), où il est dit : "Que les femmes
rejettent loin d’elles le soin excessif de leur chevelure." 3° Il indique le motif d’où ils
doivent tirer leur jugement : à savoir de la nature même ; c’est pourquoi
saint Paul dit (verset 14) : La nature elle-même ne vous apprend-elle pas
? L’Apôtre appelle ici nature cette inclination naturelle des femmes pour
entretenir leur chevelure, qui est un voile naturel, inclination qu’on ne
trouve pas chez les hommes. On reconnaît que cette inclination est naturelle
parce qu’elle se trouve dans le plus grand nombre. Or il faut nous laisser
instruire par la nature elle-même, car elle est l’oeuvre de Dieu, comme dans
la peinture nous sommes instruits par l’habileté du peintre. Voilà pourquoi
il est dit de quelques-uns (Isaïe, XXIV, 5) : "Ils ont violé la Loi,
perverti la justice, détruit l’alliance éternelle," c’est-à-dire le
droit naturel. 4° Il tire donc sa preuve de la nature
même : A) et d’abord de l’homme, en disant
(verset 14) : Si l’homme orne avec recherche sa chevelure, à la façon
des femmes, c’est une chose honteuse pour lui, c’est-à-dire un grand
nombre d’hommes regardent ce soin excessif comme une ignominie pour lui,
parce qu’en cela il agit comme une femme. Aussi (Ezéch., XLIV, 20) : "Que
les prêtres ne laissent pas croître leurs cheveux.". On ne peut
objecter que quelques hommes, sous la Loi ancienne, laissaient croître leur
chevelure, car en cela il y avait une figure qui se rattachait alors à la
lecture de l’Ancien Testament (I1 Cor., III, 14). B) Ensuite du côté de la femme (verset
15) : Il est, au contraire, glorieux pour une femme de soigner sa
chevelure, parce qu’il semble que cela appartient à l’ornement de sa
personne. C’est de là qu’il est dit (Cant., VII, 5) : "Les cheveux de
votre tête sont beaux comme la pourpre des rois." L’Apôtre en donne
par conséquent la raison, lorsqu’il dit (verset 15) : parce que les
cheveux lui ont été donnés, à savoir à la femme, comme un voile.
Par conséquent la même raison vaut et pour que la femme garde sa chevelure et
pour qu’elle se serve d’un voile artificiel (Cant., IV, 1) : "Votre
chevelure est semblable à la toison des chevreaux, etc." II. A ces mots (verset
16) : Que si quelqu’un, etc., saint Paul réprime les esprits
indociles, en disant : Que si quelqu’un aime à contester, etc.,
c’est-à-dire s’il n’acquiesce pas aux raisons que nous avons données, mais
attaque la vérité avec des clameurs téméraires, ce qui est le caractère des
contestations, comme saint Ambroise l’a remarqué sur ce passage de Job (VI,
29) : "Répondez, je vous prie, sans contradiction" ; et
(Prov., XX, 3) : "C’est une gloire à l’homme de s’écarter des
contestations" ; qu’il suffise, pour réprimer celui qui agit
ainsi, de dire que nous, qui du judaïsme nous sommes convertis à la foi de
Jésus-Christ, nous n’avons pas cette habitude, à savoir de laisser les
femmes prier sans avoir la tête voilée ; ce n’est pas non plus celle de
l’Eglise de Dieu, répandue parmi les nations. A défaut donc d’autre
raison, celle-ci devrait suffire, et personne ne devrait agir contre la
commune coutume de l'Eglise, car (Psaume LXVII, 7) : "Il fait habiter
dans sa maison ceux qui sont unis de sentiments." C’est ce qui fait
dire à saint Augustin (Lettre à
Casulanus) : "Là où l’Eglise n’a rien défini, la coutume
du peuple de Dieu et les institutions de ceux qui nous ont précédés doivent
être regardées comme des lois." |
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Lectio 4 |
Leçon 4 : 1 Corinthiens XI, 17-22 — Les Agapes |
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SOMMAIRE : L’Apôtre n’approuve pas les assemblées des Corinthiens, parce que la concorde ne s’y trouve pas. Il reprend la manière dont ils s’approchent de la cène du Seigneur. |
[17] hoc autem praecipio non laudans quod non in melius
sed in deterius convenitis [18] primum quidem convenientibus vobis in ecclesia audio
scissuras esse et ex parte credo [19] nam oportet et hereses esse ut et qui probati sunt
manifesti fiant in vobis [20] convenientibus ergo vobis in unum iam non est dominicam
cenam manducare [21] unusquisque enim suam cenam praesumit ad manducandum et
alius quidem esurit alius autem ebrius est [22] numquid
domos non habetis ad manducandum et bibendum aut ecclesiam Dei contemnitis et
confunditis eos qui non habent quid dicam vobis laudo vos in hoc non laudo |
17. Voilà
donc ce que je vous commande. Je ne vous loue point non plus de ce que vos
assemblées, au lieu de vous être utiles, vous sont nuisibles ; 18. Car
premièrement, j’apprends que, lorsque vous vous assemblez dans l'église, il y
a des partialités parmi vous, et je le crois en partie ; 19. Car il
faut qu'il y ait des hérésies, afin qu'on découvre par là ceux d'entre vous
qui ont une vertu éprouvée. 20. Lors
donc que vous vous assemblez comme vous faites, ce n'est plus manger la cène
du Seigneur ; 21. Car
chacun se hâte de manger son souper en particulier, sans attendre les autres
; et ainsi les uns n'ont rien à manger, pendant que les autres le font avec
excès. 22.
N'avez-vous pas vos maisons pour y boire et pour y manger ? Ou méprisez-vous
l'Eglise de Dieu, et voulez-vous faire honte à ceux qui sont pauvres ? Que
vous dirai-je sur cela ? Vous en louerai-je ? Non, certes, je ne vous en loue
point. |
[87663] Super 1 Cor. [reportatio vulgata],
cap. Dicit ergo primo hoc
autem, quod dictum est supra quod mulieres velatae sint in Ecclesiis, praecipio,
ut sic tripliciter eos induceret ad huiusmodi observantiam. Primo quidem ratione,
secundo consuetudine, tertio praecepto : quod solum sine aliis necessitatem
induceret. Prov.
IV, 4 — custodi praecepta mea, et vives. Et Eccle. IV, v. 12 dicitur :
funiculus triplex difficile rumpitur. Non laudans, sed magis
vituperans, quod convenitis, in Ecclesiam, non in melius, sicut
deberet esse, sed in deterius, ex culpa vestra. Omnia enim animalia
gregalia, puta columbae, grues, oves, naturali instinctu in unum conveniunt,
ut sit eis corporaliter melius. Unde et homo cum sit animal gregale vel
sociale, ut philosophus probat, I Lib. Politic., secundum rationem agere
debet, ut multi in unum conveniant propter aliquod melius, sicut in rebus
saecularibus multi in unitatem civitatis conveniunt, ut sit eis melius
saeculariter, scilicet propter securitatem et sufficientiam vitae. Et ideo
fideles in unum convenire debent propter aliquod melius spirituale, secundum
illud Ps. ci, 23 — in conveniendo populos in unum, et reges ut serviant
domino. Et alibi : in consilio iustorum et congregatione, magna opera
domini. Sed isti in deterius conveniebant propter culpas quas
committebant dum convenirent. Is. I, 13 — iniqui sunt caetus vestri.
Eccli. XXI, 10 — stupa collecta synagoga peccantium. Deinde cum dicit primum
quidem, etc., ponit in speciali quomodo in deterius convenirent. Et primo ponit iudicium
culpae, dicens primum quidem, inter caetera scilicet quod in deterius
convenitis, convenientibus vobis in Ecclesia, audio scissuras esse inter
vos, scilicet per contentiones quas exercebant. Quod quidem Ecclesiae non
convenit, quae in unitate constituitur, secundum illud Eph. c. IV, 4 — unum
corpus et unus spiritus, sicut vocati estis in una spe vocationis vestrae.
Hoc autem praedicitur Is. XXII, 9 — scissuras civitatis David videbitis,
quia multiplicatae sunt. Dicit autem Glossa, quod dicendo, primum,
ostendit quod primum malum est dissensio, unde cetera oriuntur. Ubi enim est
dissensio, nihil rectum est. Sed contra videtur esse, quod dicitur Eccli.
c. X, 15 — initium omnis peccati superbia; et I Tim. ult. : radix
omnium malorum cupiditas. Dicendum est autem, quod hae auctoritates
loquuntur quantum ad peccata personalia singularium hominum, quorum primum
est superbia ex parte aversionis, et cupiditas ex parte conversionis. Sed
Glossa hic loquitur de peccatis multitudinis; inter quae primum est
dissensio, per quam solvitur rigor disciplinae. Unde dicitur Iac. III, 16 — ubi
est zelus et contentio, ibi inconstantia et omne opus pravum. Secundo ponit credulitatem auditorum, cum dicit et
ex parte credo, id est, quantum ad aliquos vestrum, qui erant ad
contentionem proni, secundum illud quod dixerat supra I cap., v. 11 ss. : contentiones
sunt inter vos. Hoc autem dico, quod unusquisque vestrum dicit : ego quidem
sum Pauli, ego Apollo, ego vero Cephae. Alii vero non erant contentiosi,
ex quorum persona ibi subditur ego autem Christi. Unde et Cant. c. II,
2 dicitur : sicut lilium inter spinas, sic amica mea inter filias, id
est, boni inter malos. Tertio assignat rationem suae credulitatis,
dicens nam oportet, non solum quascumque scissuras, sed etiam haereses
esse. Ubi duo consideranda sunt. Primo quid sit haeresis, secundo quomodo
oportet haereses esse. Circa primum sciendum, quod, sicut Hieronymus
dicit super epistolam ad Galatas, haeresis Graece ab electione dicitur : quia
scilicet eam sibi unusquisque eligat disciplinam, quam putat esse meliorem :
ex quo duo accipi possunt. Primo quidem quod de ratione haeresis est, quod
aliquis privatam disciplinam sequatur, quasi per electionem propriam : non
autem disciplinam publicam, quae divinitus traditur. Secundo quod huic
disciplinae aliquis pertinaciter inhaereat. Nam electio firmam importat
inhaesionem : et ideo haereticus dicitur, qui spernens disciplinam fidei,
quae divinitus traditur, pertinaciter proprium errorem sectatur. Pertinet
autem aliquid ad disciplinam fidei dupliciter. Uno modo directe, sicut
articuli fidei, qui per se credendi proponuntur. Unde error circa hos
secundum se facit haereticum, si pertinacia adsit. Non possunt autem a tali
errore propter simplicitatem aliquam excusari, praecipue quantum ad ea, de
quibus Ecclesia solemnizat, et quae communiter versantur in ore fidelium,
sicut mysterium Trinitatis, nativitatis Christi, et alia huiusmodi. Quaedam
vero indirecte pertinent ad fidei disciplinam, inquantum scilicet ipsa non
proponuntur, ut propter se credenda, sed ex negatione eorum sequitur aliquid
contrarium fidei : sicut si negetur Isaac fuisse filium Abrahae, sequitur
aliquid contrarium fidei, scilicet sacram Scripturam continere aliquid falsi.
Ex talibus autem non iudicatur aliquis haereticus, nisi adeo pertinaciter
perseveret, quod ab errore non recedat, etiam viso quid ex hoc sequatur. Sic
igitur pertinacia qua aliquis contemnit in his quae sunt fidei directe vel
indirecte subire iudicium Ecclesiae, facit hominem haereticum. Talis autem
pertinacia procedit ex radice superbiae, qua aliquis praefert sensum suum
toti Ecclesiae. Unde apostolus dicit I ad Tim. VI, 3 s. : si quis aliter
docet, et non acquiescit sanis sermonibus domini nostri Iesu Christi, et ei
quae secundum pietatem est doctrinae, superbus est, nihil sciens, sed languens
circa quaestiones et pugnas verborum. Secundo considerandum est, quomodo oporteat
haereses esse. Si enim opportunum est haereticos esse, videtur quod sint
commendabiles, et non sint extirpandi. Sed dicendum est quod dupliciter de
aliquo dicitur quod oportet illud esse. Uno modo ex intentione illius, qui
hoc agit, puta si dicamus quod oportet iudicia esse : quia scilicet iudices,
iudicia exercentes, intendunt iustitiam et pacem in rebus humanis
constituere. Alio
modo ex intentione Dei, qui etiam mala ordinat in bonum, sicut persecutionem
tyrannorum ordinavit in gloriam martyrum. Unde Augustinus dicit in
Enchiridion, quod Deus est adeo bonus, quod nullo modo permitteret fieri
aliquod malum, nisi esset adeo potens quod de quolibet malo posset elicere bonum.
Et secundum
hoc dicitur Matth. XVIII, 7 — necesse est, ut veniant scandala, verumtamen
vae homini illi per quem scandalum venit. Et secundum hoc hic dicit
apostolus, quod oportet haereses esse, ex eo quod Deus malitiam
haereticorum ordinavit in bonum fidelium. Et hoc dicit primo quidem ad
maiorem declarationem veritatis. Unde dicit Augustinus de Civit. Dei, Lib.
XVI in Glossa : ab adversario mota quaestio, discendi existit occasio :
multa quippe ad fidem Catholicam pertinentia, dum haereticorum callida
inquietudine excogitantur, ut adversus eos defendi possint, et considerantur
diligentius, et intelliguntur clarius, et praedicantur instantius. Unde
et Prov. XXVII, v. 17 — ferrum ferro acuitur, et homo exacuit faciem amici
sui. Secundo ad manifestandam
infirmitatem fidei in his qui recte credunt. Et hoc est quod hic subdit
apostolus ut et qui probati, id est, approbati sunt a Deo, manifesti
fiant in vobis, id est, inter vos. Sap. III, 6 — tamquam aurum in
fornace probavit illos. Deinde cum dicit convenientibus ergo vobis,
etc., redarguit eos de tertio delicto, quia scilicet peccabant in modo et
ordine sumendi corpus Christi. Et potest totum quod sequitur, dupliciter
exponi. Secundum autem primam expositionem redarguuntur de hoc quod corpus
Christi pransi accipiebant. Circa hoc ergo quatuor facit. Primo ponit
detrimentum quod incurrebant; secundo ponit culpam, ibi unusquisque enim,
etc.; tertio inquirit de causa culpae, ibi numquid domos, etc.; quarto
concludit eorum vituperationem, ibi quid dicam vobis, et cetera. Dicit ergo, primo, ita : convenientibus vobis,
scissurae sunt inter vos, ergo convenientibus vobis in unum, corpore,
non animo, iam ad hoc advenistis, quod non est, id est, non
licet vel non competit vobis, dominicam coenam manducare, id est
sumere Eucharistiae sacramentum, quod dominus in coena discipulis dedit. Hoc
enim sacramentum, ut Augustinus dicit super Ioannem, est sacramentum
unitatis et charitatis. Et ideo non competit dissentientibus. Cant. c. V,
1 — comedite, amici, et bibite, et inebriamini, charissimi. Vel melius
potest referri ad ea quae sequuntur, ut sit sensus : non solum convenientibus
vobis scissurae sunt inter vos, sed convenit vobis convenientibus iam,
id est in praesenti hoc determinatum habetis, quod non est, id est non
licet vobis, dominicam coenam manducare, ad quam pransi acceditis.
Quia enim dominus discipulis suis post coenam hoc sacramentum tradidit, ut
legitur Matth. XXVI,
26, volebant etiam Corinthii post communem coenam sumere corpus Christi. Sed
dominus hoc rationabiliter fecit propter tria. Primo quidem, quia ordine
congruo figura praecedit veritatem. Agnus autem paschalis erat figura, sive
umbra huius sacramenti. Et ideo post coenam agni paschalis, Christus hoc
sacramentum dedit. Dicitur enim Coloss. II, 17 de omnibus legalibus, quod sunt
umbra futurorum, corpus autem Christi. Secundo ut ex hoc Deinde, cum dicit unusquisque enim, etc.,
ponit culpam, et primo secundum quod peccabant in Deum; secundo prout
peccabant in proximum, ibi et alius quidem, et cetera. Dicit ergo primo : ideo dico quod non licet vobis
dominicam coenam manducare, quia unusquisque vestrum praesumit,
id est ante sumit, suam coenam, scilicet ciborum communium, ad
manducandum. Quilibet enim eorum portabat ad Ecclesiam fercula
praeparata, et comedebat quilibet seorsum antequam sumeret sacra mysteria. Os. IV, v. 18 — separatum est convivium eorum,
nunc interibunt. Eccli. XI, 19 dicitur in persona parci : inveni requiem mihi, et comedebam
de bonis meis solus. Deinde, cum dicit et alius quidem, etc.,
arguit culpam eorum, inquantum erat contra proximum. Divites enim laute
comedebant in Ecclesia, et bibebant usque ad ebrietatem, pauperibus autem
nihil dabant, ita quod remanebant esurientes. Et hoc est quod dicitur et
alius quidem esurit, scilicet pauper, qui non habebat unde sibi
praepararet, alter autem ebrius est, scilicet dives, qui superflue
comedebat et bibebat, contra id quod dicitur Nehem. c. VIII, 10 — comedite
pinguia, et bibite mulsum, et mittite partes eis, qui non praeparaverunt sibi.
Iob XXXI, 17 — si comedi buccellam meam solus, et non comedit pupillus ex
ea. Deinde, cum dicit numquid domos, etc., inquirit de causa huius
culpae. Et
primo excludit causam per quam poterant excusari. Non enim est licitum domum
Dei, quae est deputata sacris usibus, communibus usibus applicare. Unde et
dominus Io. II, 16 eiiciens ementes et vendentes de templo, dixit domus
mea domus orationis vocabitur, vos autem fecistis eam domum negotiationis.
Et Augustinus dicit in regula : in oratorio nemo aliquid faciat, nisi ad
quod factum est, unde et nomen accepit. Tamen propter necessitatem,
quando scilicet aliquis aliam domum non inveniret, licite posset Ecclesia uti
ad manducandum, vel ad alios huiusmodi licitos usus. Hanc ergo excusationem
excludit apostolus, dicens numquid non habetis domos, scilicet
proprias, ad manducandum et bibendum? Ut propter hoc excusemini, si in
Ecclesia convivia celebretis, quae debetis in propriis domibus facere. Unde
et Lc. V, 29 dicitur quod levi fecit Christo convivium magnum in domo sua. Secundo, cum dicit aut Ecclesiam Dei,
etc., asserit causam quae eos inexcusabiles reddit, quarum prima est
contemptus Ecclesiae Dei. Et hanc ponit dicens aut Ecclesiam Dei
contemnitis? Et ideo in Ecclesia praesumitis coenam vestram ad
manducandum. Et potest hic sumi Ecclesia tam pro congregatione fidelium, quam
pro domo sacra, quae non est contemnenda, secundum illud Ps. XCII, 5 — domum
tuam decet sanctitudo; et Ier. VII, 11 — numquid spelunca latronum
facta est domus ista, in qua invocatum est nomen meum in oculis vestris? Isti autem utrumque contemnebant, dum, praesente
conventu fidelium, in loco sacro convivia celebrabant. Secundo ponit contemptum proximorum in hoc quod
subditur et confunditis eos qui non habent. In hoc enim pauperes
erubescebant, quod ipsi esuriebant in conspectu totius multitudinis, aliis
laute comedentibus et bibentibus. Dicitur autem Prov. XVII, 5 — qui
despicit pauperem, exprobrat factori eius. Et Eccli. IV, 2 — animam
esurientem ne despexeris. Deinde, cum dicit quid dicam, etc.,
concludit eorum vituperationem, dicens : quid dicam vobis ex
consideratione praedictorum? Numquid laudo vos? Et respondet : et si
in aliis factis laudo vos, in hoc tamen facto non laudo. Et est
advertendum quod supra dum de habitu mulierum loqueretur, saltem ironice
laudavit eos, dicens : laudo vos quod per omnia mei, et cetera. Hic vero nec ironice vult eos laudare, quia in
gravioribus delictis nullo modo sunt peccatores palpandi. Unde et in Ps. IX,
3 dicitur : quoniam laudatur peccator in desideriis animae suae, et
iniquus benedicitur. Exacerbavit dominum peccator. Et Is. III, 12 — popule meus, qui beatum te
dicunt, ipsi te decipiunt. Secundum aliam vero expositionem arguuntur de
alia culpa. In primitiva enim Ecclesia fideles panem et vinum offerebant,
quae consecrabantur in sanguinem et corpus Christi, quibus iam consecratis,
divites, qui multa obtulerant, eadem sibi repetebant, et sic ipsi abundanter
sumebant, pauperibus nihil sumentibus, qui nihil obtulerant. De hac ergo
culpa apostolus eos hic reprehendit, dicens convenientibus enim vobis in
unum, iam non est, id est, non contigit inter vos, dominicam coenam
manducare. Coena enim domini est communis toti familiae; unusquisque
autem vestrum sumit eam, non quasi communem, sed quasi propriam, dum sibi
vult vindicare quod Deo obtulit; et hoc est quod subdit unusquisque
praesumit, id est, praesumptuose attentat, ad manducandum coenam,
scilicet domini, id est panem et vinum consecratum, quasi suam, id est, quasi
propriam vindicans, scilicet ea quae consecrata sunt domino in suos usus. Et
ita sequitur quod alius, scilicet pauper qui nihil obtulit, esurit,
nihil scilicet sumens de consecratis, alius autem, scilicet dives qui
multa obtulit, ebrius est; ad litteram, propter hoc quod nimium
sumpsit de vino consecrato quod scilicet quasi proprium repoposcit. Sed videtur
hoc esse impossibile, quod de vino consecrato aliquis inebrietur, vel etiam
nutriatur de pane, quoniam post consecrationem sub speciebus panis et vini
nihil remanet, nisi substantia corporis Christi et sanguinis, quae non
possunt converti in corpus hominis, ad hoc quod ex eis nutriatur, aut
inebrietur. Dicunt ergo quidam, quod hoc non fit per aliquam
conversionem, sed per solam immutationem sensuum hominis ab accidentibus
panis et vini, quae remanent post consecrationem. Consueverunt enim homines
ex solo ciborum odore confortari, et ex multo odore vini stupefieri et quasi
inebriari. Sed confortatio vel stupefactio, quae provenit ex sola immutatione
sensuum, parvo tempore durat, cum tamen post consecrationem panis aut vini,
si vinum in magna quantitate sumeretur aut panis, diu sustentaretur homo
propter panem aut stupefieret propter vinum. Et praeterea manifestum
est quod panis consecratus in aliam substantiam converti potest, ex hoc quod
per putrefactionem resolvitur in pulveres, aut per combustionem in cineres.
Unde nulla ratio est, quare negetur posse nutrire, cum ad nutriendum nihil
aliud requiratur, quam quod cibus convertatur in substantiam nutriti. Quidam ergo posuerunt, quod
panis aut vinum consecratum possunt converti in aliud, et sic nutrire, quia
remanet ibi substantia panis aut vini cum substantia corporis Christi et
sanguinis. Sed hoc repugnat verbis Scripturae. Non enim verum esset quod
dominus dicit Matth. c. XXVI, 26 — hoc est enim corpus meum, quia hoc
demonstratum, est panis, sed potius esset dicendum hic, id est, in hoc loco,
est corpus meum. Et praeterea corpus Christi non incipit esse in hoc
sacramento per loci mutationem, quia iam desineret esse in caelo. Unde
relinquitur quod ibi incipiat esse per conversionem alterius, scilicet panis,
in ipsum; unde non potest esse quod remaneat substantia panis. Et ideo alii
dixerunt quod remanet ibi forma substantialis panis, ad quam pertinet
operatio rei : et ideo nutrit, sicut et panis nutriret. Sed hoc non potest
esse, quia nutrire est converti in substantiam nutriti, quod non competit
nutrimento ratione formae, cuius est agere, sed magis ratione materiae, cuius
est pati. Unde si esset ibi forma substantialis, panis nutrire non posset.
Alii vero dixerunt quod aer circumstans convertitur vel in substantiam
nutriti, vel in quodcumque aliud huiusmodi; sed hoc non posset fieri absque
multa condensatione aeris, quae sensui latere non posset. Et ideo alii
dixerunt quod divina virtute ad hoc quod sacramentum non deprehendatur in
huiusmodi conversionibus, redit substantia panis et vini. Sed hoc videtur
esse impossibile, quia, cum substantia panis conversa sit in corpus Christi,
non videtur quod possit substantia panis redire, nisi e converso corpus
Christi converteretur in panem. Et praeterea si substantia panis redit, aut hoc
est manentibus accidentibus panis : et sic simul erit ibi substantia panis et
substantia corporis Christi, quod supra improbatum est; nam tamdiu est ibi
substantia corporis Christi, quamdiu species remanent. Aut redit speciebus
non manentibus, quod etiam est impossibile, quia sic esset substantia panis
absque propriis accidentibus, nisi forte intelligatur quod Deus in termino
conversionis causaret ibi quamdam materiam quae sit subiectum huius
conversionis. Sed melius est ut dicatur quod sicut virtute consecrationis
miraculose confertur speciebus panis et vini, ut subsistant sine subiecto ad
modum substantiae, ita etiam eis miraculose confertur ex consequenti quod
agant et patiantur quidquid agere aut pati posset substantia panis aut vini,
si adesset. Et hac ratione species illae panis et vini possunt nutrire et
inebriare, sicut si esset ibi substantia panis et vini. Caetera non mutantur
a prima expositione. |
L’Apôtre,
après avoir repris les Corinthiens de l’erreur dans laquelle ils étaient
tombés concernant leur tenue extérieure, attendu que les femmes assistaient
aux mystères sacrés sans avoir la tête voilée, attaque ensuite une autre
erreur de leur part, à savoir qu’ils se divisaient dans leurs réunions ; car,
se réunissant pour ces mêmes mystères, ils se laissaient aller à des
contestations. Il touche leurs défauts, I° d’une manière générale ; II° d’une manière spéciale (verset 18) : Premièrement,
j’entends dire, etc. Il dit donc
d’abord (verset 17) : Cette manière de se tenir, à savoir que les
femmes, dans l’église, restent voilées, je la prescris. Il les
détermine donc à observer ce qu’il vient de dire par trois motifs 1° la raison ; 2° la coutume ; 3° son ordre, qui, à lui seul,
abstraction faite des autres motifs, rendrait l’obéissance nécessaire.
(Prov., IV, 4) : "Gardez mes préceptes, et vous vivrez" ;
et (Ecclésiastique IV, 12) : "Un triple lien est rompu
difficilement." (verset 17) : Mais je ne vous loue
point, je vous blâme au contraire, de ce que vous vous
assemblez dans l’église de manière à ce que ces assemblées, loin de
vous amender, comme cela devrait être, vous sont nuisibles par
votre faute. Tous les animaux qui, par instinct naturel, se rassemblent, par
exemple les pigeons, les grues, les brebis, se réunissent pour trouver
quelque avantage corporel. L’homme donc, destiné par nature à la vie commune
ou sociale, comme Aristote le prouve (I liv., Politique), doit se conduire d’après la raison, de manière à
ce que, lorsque plusieurs se réunissent, ils le fassent pour quelque
avantage, tout comme, dans les affaires séculières, si plusieurs forment un
seul corps dans une cité, c’est afin de se procurer la sécurité et les
nécessités de la vie. Donc aussi, quand les fidèles s’assemblent, ce doit
être pour quelque avantage spirituel, suivant cette parole du psaume CI, 23 —
"lorsque les peuples et les rois se réunissent pour servir
conjointement le Seigneur" et encore (Psaume CX, 4) : "Dans
la société des justes, et dans l’assemblée de son peuple, les oeuvres du
Seigneur sont grandes." Or les Corinthiens ne tiraient de leurs
assemblées que du dommage, à cause des fautes qu’ils commettaient à
l’occasion même de ces assemblées ; (Isaïe, I, 13) : "Vos
assemblées sont iniques" et (Ecclésiastique XXI, 10) : "L’assemblée
des méchants est comme un amas de matières combustibles." II° Lorsque l’Apôtre ajoute (verset 18) : Premièrement j’entends dire,
etc., il explique en détail comment leurs
assemblées leur étaient devenues nuisibles. I. Et d’abord, il
porte son jugement sur leurs fautes en disant (verset 18) : Premièrement
donc, c’est-à-dire entre autres preuves que vos assemblées vous sont
nuisibles, j’entends dire que, quand vous vous assemblez dans l’église, il
y a des divisions entre vous, à savoir par les disputes auxquelles ils se
livraient. Or les divisions ne conviennent absolument pas dans l’Église,
laquelle consiste essentiellement dans l’unité, suivant cette parole (Ephés.,
IV, 4) : "Vous ne faites tous qu’un même corps et qu’un même esprit
comme vous avez été tous appelés à une même espérance". Toutefois
elles sont prophétisées par Isaïe (XXII, 9) : "Vous remarquerez le
grand nombre de brèches faites à la cité de David." La Glose observe
qu’en disant «Premièrement», l’Apôtre donne à entendre que le premier mal
de tous est la dissension, d’où découlent tous les autres, car là où est la
dissension, il n’y a plus rien de droit.Cependant on objecte ce qui est
dit (Ecclésiastique X, 15) : "Le principe de tout péché, c’est
l’orgueil" et (I Tim., VI, 10) : "La cupidité est la racine
de tous les maux." Il faut
répondre qu’il s’agit dans ces passages des péchés personnels de chaque homme
en particulier, péchés dont le premier, au point de vue de l’éloignement de
Dieu, est l’orgueil, et la cupidité au point du vue de l’attachement à la
créature. Mais la Glose, en cet endroit, parle des péchés de la masse, et,
parmi eux, la dissension vient en premier lieu, parce que par elle on rompt
le lien de la discipline. C’est pourquoi il est dit (Jacques III, 16) : "Là
où il y a jalousie et contention, là aussi est le trouble et toute espèce de
mal." II. Saint Paul indique
en second lieu sa disposition à croire, lorsqu’il dit (verset 18) : "Et
je le crois en partie," c’est-à-dire à propos de certains d’entre
vous, qui étaient portés à la contention, suivant ce qu’il avait dit
précédemment (ci-dessus, I, 11) : Il y a parmi vous des divisions. Or
je parle ainsi parce que chacun de vous dit : moi je à Apollos, et moi
à Paul, et moi à Céphas. Mais d’autres n’aimaient pas les contestations ;
c’est d’eux qu’il ajoute : Et moi je suis à Jésus-Christ. De 1à ce mot
du Cantique des cantiques (II, 2) : "Tel est le lys au milieu des
épines, telle ma bien-aimée s’élève au-dessus de ses compagnes" ;
comprenez : les bons parmi les méchants. III. Il assigne
le motif qui le détermine à croire ce qui lui a été dit, lorsqu’il ajoute (verset 19) : Car il faut qu’il y ait des
hérésies, et non pas seulement certaines dissensions. Il faut donc
examiner ici : 1° ce que c’est que
l’hérésie ; 2° comment il faut
qu’il y ait des hérésies. 1° Sur la première question il faut se
rappeler que, comme saint Jérôme l’a remarqué sur l’Epître aux Galates, le
mot grec qui correspond à hérésie veut dire choix, parce que chacun se
choisit la voie qu’il croit la meilleure. Or on peut remarquer sur ceci deux
choses. Premièrement, il est de l’essence de l’hérésie que chacun y suive sa
voie particulière et comme son propre choix, en délaissant la voie commune
divinement enseignée. Ensuite on s’opiniâtre avec ténacité à suivre cette
voie, car le choix suppose l’adhésion obstinée, et c’est la raison pour
laquelle on appelle hérétique celui qui, méprisant la doctrine de la foi qui
est divinement transmise, suit avec opiniâtreté son erreur. D’autre part, une
vérité peut appartenir à la foi de deux manières : d’abord directement, comme
les articles de foi, qui sont proposés à croire par eux-mêmes ; aussi
l’erreur sur ces points rend, en elle-même, hérétique dès qu’il y a
obstination. On ne peut, en effet, être excusé de cette sorte d’erreur, à
raison de simplicité d’esprit, particulièrement quant aux dogmes qui sont
proclamés solennellement par l’Eglise, et qui sont communément sur les lèvres
des fidèles, comme seraient le mystère de la Trinité, celui de la naissance
de Notre Seigneur, ou autres semblables. Mais d’autres vérités appartiennent
à la doctrine de la foi d’une manière indirecte, c’est-à-dire qu’elles ne
sont pas proposées comme devant être par elles-mêmes l’objet de la foi, mais
en tant que de leur négation s’ensuit quelque conséquence contraire à cette
foi ; ainsi, si l’on niait qu’Isaac fût le fils d’Abraham, il
s’ensuivrait quelque chose de contraire à la foi, à savoir que la sainte
Ecriture contient des choses qui sont fausses. De telles erreurs ne font pas
regarder quelqu’un comme hérétique, à moins qu’on n’y persévère avec tant
d’opiniâtreté, qu’on ne rejette pas son erreur, même quand on en a vu la
conséquence. Ainsi donc, c’est l’opiniâtreté avec laquelle on refuse, en ce
qui touche directement ou indirectement les choses de la foi, de se soumettre
au jugement de l'Eglise, qui fait l’homme hérétique. Or cette opiniâtreté
prend sa racine dans l’orgueil, qui fait que l’on préfère son sentiment
particulier au jugement de toute l’Eglise. De là ces paroles de saint Paul (I
Tim., VI, 3) : "Si quelqu’un enseigne autre chose et ne se rend point
aux salutaires instructions de Jésus-Christ Notre Seigneur et à la doctrine
selon la piété, c’est un orgueilleux qui ne sait rien, mais dont l’esprit
malade s’arrête à des questions et à des disputes de mots." 2° Il faut, en second lieu, considérer
comment il est nécessaire qu’il y ait des hérésies, car si c’est une chose
opportune qu’il y ait des hérétiques, iol semble bien qu’ils soient dignes de
louanges et qu’on ne doive point travailler à les extirper. Il faut répondre
qu’il y a deux manières de dire d’une chose qu’il faut qu’elle soit : d’abord
dans l’intention de celui qui agit ainsi ; par exemple, lorsque nous disons
qu’ il faut qu’il y ait des jugements, nous voulons dire que les juges qui
les prononcent ont l’intention de faire régner la justice et la paix dans les
choses humaines. D’une autre façon, dans l’intention de Dieu, qui dirige le
mal lui-même pour en tirer du bien, comme, de la persécution des tyrans, il a
fait sortir la gloire des martyrs. C’est en ce sens que saint Augustin, dans
son Enchiridion, dit que Dieu
est tellement bon, qu’il ne permettrait en aucune manière que le mal arrivât,
s’il n’était tellement puissant, qu’il pût faire sortir le bien de n’importe
quel mal. C’est encore dans ce sens qu’il est dit en saint Matthieu
(XVIII, 7) : "Il est nécessaire que les scandales arrivent ;
cependant malheur à cet homme par qui le scandale arrive !" Dans le
même sens encore, saint Paul dit ici qu’il faut qu’il y ait des hérétiques,
car Dieu dirige au bien des fidèles la malice des hérétiques. L’Apôtre
s’exprime ainsi, A) d’abord parce que de l’hérésie sort
une plus complète manifestation de la vérité. Aussi la Glose, citant un
passage de saint Augustin, La Cité
de Dieu, liv. XVI dit : La question soulevée par un adversaire
produit l’occasion de parler. C’est ainsi qu’un grand nombre de vérités
appartenant à la foi catholique, approfondies à cause de l’inquiétude
hypocrite des hérétiques et pour les défendre contre leurs attaques, sont
examinées avec plus de soin, comprises avec plus d’évidence, annoncées avec
plus de persistance. D’où (Prov., XXVII, 17) : "Le fer aiguise le
fer, et la vue d’un ami aiguillonne son ami." B) ensuite pour révéler la faiblesse
de la foi dans ceux qui croient avec rectitude ; c’est ce qui fait ajouter à
saint Paul (verset 19) : afin que ceux qui sont éprouvés, c’est-à-dire
sont approuvés de Dieu, soient manifestés en vous, c’est-à-dire parmi
vous ; (Sag., III, 6) : "Il les a éprouvés comme l’or dans la
fournaise." III° Lorsqu’il ajoute (verset 20) : Lors donc que vous vous assemblez,
etc., l’Apôtre reproche aux Corinthiens une
troisième faute, qu’ils commettaient relativement à l’ordre et à la manière
de recevoir le corps de Jésus-Christ. Tout ce qui suit peut être expliqué de
deux manières. Selon la première explication, l’Apôtre reprend les
Corinthiens de ce qu’ils reçoivent le corps de Jésus-Christ après avoir mangé
; et donc, sur ce point, il fait quatre choses : I. il expose
le tort qu’ils se faisaient ; II. il exprime leur faute (verset 21) : Chacun y mange, etc. ; III. il s’enquiert de
la cause de cette faute (verset 22) : N’avez-vous pas vos maisons, etc.?;
IV. il conclut en les
blâmant (verset 22) : Que vous dirai-je, etc. ? I. Il dit donc (verset
20) : Lorsque vous vous assemblez, il y a parmi vous des divisions. Lors
donc que vous vous réunissez, de corps et non d’esprit, vous le faites
de telle sorte que ce n’est plus, à savoir permis à vous ou plus
convenable de manger la Cène du Seigneur, c’est-à-dire de recevoir le
sacrement de l’Eucharistie, que le Seigneur a donné à ses disciples à la
Cène. Car ce sacrement, comme dit saint Augustin (Traité XXVI, sur saint Jean),
est le sacrement de l’unité et de la charité ; par conséquent, il
n’appartient pas à ceux qui sont dans la désunion ; (Cant., V, 1) : "Mes
amis, mangez et buvez ; enivrez-vous, mes bien-aimés." Ou mieux
encore, on peut rapporter ce passage à ce qui suit, en sorte que tel serait
le sens : lorsque vous vous rassemblez, non seulement il y a parmi vous
des divisions, mais vous trouvez même bon dans ces assemblées, en d’autres
termes vous voulez y faire, à ce moment même, ce qui n’est pas à faire,
ce qui ne vous est pas permis, à savoir manger la Cène du Seigneur,
dont vous vous approchez après avoir pris votre repas. Car, le Sauveur ayant
donné à ses disciples ce sacrement après la Cène, comme il est rapporté en
saint Matthieu (XXV 26), les Corinthiens prétendaient aussi recevoir le corps
de Jésus-Christ après le repas ordinaire. Mais le Seigneur avait agi ainsi
avec raison, pour trois motifs : d’abord parce que c’est l’ordre légitime que
la figure précède la vérité. L’agneau pascal était donc la figure ou l’ombre
de ce sacrement ; voilà pourquoi le Christ donne ce sacrement après la
manducation de l’agneau pascal ; car il est dit (Colos., II, 17) "[de
toutes les cérémonies de la Loi] qu’elles n’ont été que l’ombre des choses
qui devaient arriver, et que Jésus-Christ en est le corps." Ensuite
afin que de ce sacrement il passât de suite à sa passion, dont l’Eucharistie
est le mémorial. Voilà pourquoi il disait à ses disciples (Matthieu XXV, 46) :
"Levez-vous, partons d’ici," comprenez : à la passion.
Enfin, pour imprimer davantage dans les coeurs de ses disciples ce sacrement,
en le donnant au dernier moment de sa vie. Aussi, par respect pour un
sacrement aussi grand, l’Eglise a établi dans la suite qu’il ne serait reçu
que par des personnes à jeun, excepté les malades, qui, dans la nécessité, où
il n’y a pas de loi, peuvent, sans être à jeun, recevoir le corps de
Jésus-Christ. Comme l’eau ne rompt pas le jeûne, quelques-uns ont pensé
qu’après bu de l’eau on pouvait encore recevoir l’Eucharistie, pour cette
raison surtout que, d’après ce qu’ils prétendent, l’eau ne nourrit pas, pas
plus que tout autre élément simple. Mais, bien que l’eau, en soi, ne
nourrisse point, et que, pour cette raison, elle ne rompe point le jeûne dans
l’Église, ce qui fait que ceux qui en boivent passent encore pour jeûner,
toutefois, mêlée à d’autres éléments, elle nourrit, et par conséquent atteint
le jeûne naturel. Dans ce sens, on dit que ceux-là sont à jeun qui, le même
jour, n’ont rien pris, soit en aliments, soit en boisson ; et, parce que les
restes d’aliments qui demeurent dans la bouche s’absorbent en forme de
salive, ce n’est pas un obstacle à ce qu’on soit à jeun ; de même, il
n’y a pas rupture du jeûne si l’on n’a pas dormi de la nuit entière ou si la
digestion n’est pas complètement terminée, pourvu que dans ce même jour même
on n’ait absolument rien pris, soit nourriture, soit boisson. Il suit de là
que, d’après l’usage de l'Eglise, le commencement du jour partant du milieu
de la nuit, celui qui, après minuit, a pris quelque chose, si peu que ce
soit, en boisson ou en aliment, ne peut plus, dans ce même jour, recevoir l’Eucharistie. II. Quand l’Apôtre
ajoute (verset 21) : Car chacun, etc., il désigne leur faute, en tant
qu’ils péchaient : 1° contre
Dieu ; 2° contre le
prochain (verset 24) : Et les autres, etc. 1° Il dit donc : Si je dis qu’il ne vous
est pas permis de manger la cène du Seigneur, c'est que chacun de
vous prend d’abord, c’est-à-dire d’avance, son repas, à savoir
d’aliments communs, pour s’en nourrir. En effet, chacun portait à
l’église ses mets tout préparés, et mangeait à part avant de recevoir les
saints mystères ; (Osée, IV, 18) : "Ses festins sont séparés des
vôtres, ils périront" et (Ecclésiastique XI, 19) il est dit de
l’avare : "J’ai trouvé moyen de me mettre en repos, je mangerai
maintenant mon bien tout seul." 2° A ces paroles (verset 21) : Et
ainsi les uns, etc., il reprend leur faute, en tant qu’elle visait le
prochain ; car, les riches mangeaient splendidement dans
l’église, et buvaient jusqu’à l’ivresse, sans rien donner aux pauvres, en
sorte que ceux-ci éprouvaient le besoin de la faim. C’est ce que dit saint
Paul (verset 21) : et ainsi les uns n’ont rien à manger, à savoir les
pauvres, qui n’avaient pas de quoi se préparer de repas ; tandis que les
autres sont dans l’abondance, à savoir les riches, qui mangeaient et
buvaient avec excès, contrairement à ce qui est écrit (Néhémie, VIII, 10) : "Allez,
mangez des viandés grasses, buvez du vin mêlé de miel, et faites-en part à
ceux qui n’ont rien apprêté pour manger ; et (Job, XXXI, 17) : "si
j’ai mangé seul mon pain, et si l’orphelin n’en a pas pris sa part avec
moi." III. Lorsqu’il dit
(verset 22) : "N’avez-vous pas vos maisons, etc.? saint Paul
cherche la cause de leur faute. 1° Il
repousse le prétexte qu’ils pouvaient alléguer pour s’excuser, car il n’est
pas permis de faire servir aux usages ordinaires de la vie la maison de Dieu,
qui est réservée aux usages sacrés. Aussi le Seigneur lui-même (Jean II, 16),
chassant du temple les vendeurs et les acheteurs, dit : "Ma maison
sera appelée la maison de prière, et vous en avez fait une maison de
trafic." Et saint Augustin dit dans sa Règle : "Que dans le
lieu de la prière on ne fasse jamais que ce à quoi il est destiné et ce qui
lui a fait donner son nom." Toutefois, dans un cas de nécessité, si,
par exemple, on ne pouvait trouver d’autre maison, on pourrait se servir
licitement de l’église pour prendre son repas ou pour d’autres usages de
cette nature, mais convenables. Saint Paul prévient donc cette excuse, en
disant (verset 22) : N’avez-vous pas vos maisons, à savoir disposées, pour
y boire et pour y manger ? pourquoi vous excuser de prendre dans l’église
des repas que vous devriez prendre dans vos propres maisons ? C’est ainsi
qu’il est dit (Luc, V, 29) que Lévi donna au Sauveur un festin dans sa propre
maison. 2° En ajoutant (verset 22) : Ou
méprisez-vous l’Eglise de Dieu, etc. ? il indique la cause qui les rend
inexcusables. A) La
première, le mépris de l’Eglise de Dieu, ce qu’il exprime en disant : Ou
méprisez-vous l’Eglise de Dieu ? jusqu’à oser y prendre votre repas.
On peut ici entendre par Eglise non tant l’assemblée des fidèles, mais plutôt
l’édifice sacré, qui ne doit pas être un objet de mépris, suivant cette
parole du psaume XCII, 5 — "La sainteté doit être l’ornement de votre
maison" et (Jér., VII, 11) : "Ma maison où mon nom a été
invoqué, est-elle donc devenue pour vous une caverne de voleurs ?"
Or ils méprisaient l’une et l’autre quand, en présence des fidèles assemblés,
ils prenaient leurs repas dans le lieu saint. B) Il marque le mépris du prochain,
dans ces paroles qu’il ajoute (verset 22) : Et voulez-vous humilier ceux
qui sont pauvres ? En effet, il y avait pour les pauvres de quoi rougir
quand ils éprouvaient les besoins de la faim en présence de cette multitude,
pendant que les autres buvaient et mangeaient splendidement. Car il est dit
(Prov., XVII, 5) : "Celui qui méprise le pauvre fait injure à celui
qui l’a créé" et (Ecclésiastique IV, 2) : "Ne méprisez pas
celui qui a faim." IV° Lorsqu’il ajoute (verset 22) : Que vous dirai-je, etc.? il conclut
en les blâmant. Que vous dirai-je ? en considérant ce que je viens
d’exposer, Vous louerai-je ? il répond : Si sur d’autres points je
vous loue, dans cette conduite je ne saurais le faire. Il faut
remarquer que, dans ce qui précède, alors qu’il a parlé de la tenue
extérieure des femmes, saint Paul a loué les Corinthiens, au moins
ironiquement, quand il a dit : Or je vous loue de ce que vous vous
souvenez si bien de moi, etc. " ; mais ici il ne veut pas même
les louer d’une manière ironique, car dans les manquements graves on ne doit,
d’aucune façon, flatter le pécheur. C’est pourquoi il est dit (Psaume IX, 3) :
"Parce que le pécheur est loué dans les désirs de son âme, et que le
méchant est béni, ce pécheur a irrité le Seigneur" et (Isaïe, III,
12) : "Mon peuple, ceux qui vous disent heureux vous séduisent." Selon la
seconde explication, saint Paul reprocherait aux Corinthiens une autre faute.
Dans la primitive Eglise, les fidèles offraient le pain et le vin, qui
étaient changés par la consécration au corps et au sang de Jésus-Christ, et,
la consécration faite, les riches, qui avaient offert avec abondance,
redemandaient ce qu’ils avaient offert, recevant ainsi avec abondance, tandis
que les pauvres, n’ayant rien offert, ne recevaient rien. C’est donc de cette
faute que l’Apôtre les reprend ici, lorsqu'un leur dit : Quand vous vous
assemblez dans l’église, ce n’est plus, c’est-à-dire on ne voit plus
parmi vous, manger la Cène du Seigneur ; car cette Cène est commune à
toute la famille ; or chacun de vous y prend part non comme si elle était
commune, mais comme si elle lui était personnelle, puisque chacun revendique
pour lui-même ce qu’il a offert à Dieu. C’est ce que dit saint Paul (verset
21) : Chacun prend, c’est-à-dire ose présomptueusement venir manger,
la Cène, à savoir celle du Seigneur, en d’autres termes le pain et le vin
consacrés, comme la sienne, c’est-à-dire la revendique comme lui appartenant,
et comme étant destiné à son usage particulier ce qui a été consacré au
Seigneur. De cette conduite il arrive que les uns, c’est-à-dire les
pauvres, qui n’ont rien offert, n’ont rien à manger, c’est-à-dire ne
reçoivent rien de ce qui a été consacré, pendant que les autres,
c’est-à-dire les riches, qui ont offert avec abondance, prennent avec
excès, à la lettre, vu qu’ils prennent plus qu’il ne convient du vin
consacré, en le réclamant comme leur appartenant. Cependant il parait
impossible qu’il puisse y avoir excès dans l’usage du vin consacré, ou même
que l’on soit nourri par le pain, puisqu’après la consécration il ne reste,
sous les espèces du pain et du vin, que la substance du corps et du sang de
Jésus-Christ, lesquels ne peuvent être changés au corps de l’homme, de
manière à le nourrir ou à lui faire ressentir l’effet de l’ivresse. Quelques
auteurs disent que cet effet n’est pas produit par quelque transformation,
mais seulement par l’action, sur les sens de l’homme, des accidents du pain
et du vin, qui subsistent après la consécration ; car la seule odeur des mets
peut suffire pour fortifier, et l’odeur du vin, s’il est généreux, produira
l’étourdissement et comme une sorte d’ivresse. Mais la surexcitation des
forces, ou l’étourdissement qui résulte de l’effet produit sur les sens, ne
dure que peu de temps ; toutefois, après la consécration du pain et du vin,
si le pain ou le vin étaient pris en grande quantité, l’homme recevrait un
accroissement durable de forces par le pain, ou sentirait long temps l’effet
du vin. En outre, il est évident que le pain consacré peut être converti en
une autre substance, puisque par la putréfaction il se résout en poussière,
ou en cendres par la combustion. Il suit de là qu’il n’y a aucune raison de
nier qu’il soit apte à nourrir, puisque pour nourrir il suffit que l’aliment
se change en la substance de celui qui s’en nourrit. D’autres auteurs ont
donc dit que le pain et le vin consacrés peuvent être convertis en une autre
substance, et qu’ainsi ils peuvent nourrir, parce que la substance du pain et
du vin y demeure avec la substance du corps et du sang de Jésus-Christ. Mais
cette explication répugne aux paroles de la sainte Ecriture. En effet, s’il
en était ainsi, ce que Notre Seigneur a dit (Matthieu XXVI, 26) : "Ceci
est mon corps," ne serait plus conforme à la vérité, car ce qu’il
désigne est du pain ; mais il faudrait dire plutôt : ici, c’est-à-dire dans
ce lieu même, est mon corps. En outre, le corps de Jésus-Christ ne commence
pas à être dans le Sacrement par le changement de lieu, car alors il
cesserait d’être au ciel. Il reste donc à conclure qu’il commence à être
présent par le changement d’un autre élément, c’est-à-dire par la
transformation du pain en Lui-même ; ce qui signifie qu’il ne peut être vrai
que la substance du pain subsiste. Voilà pourquoi d’autres auteurs ont
prétendu que la forme substantielle du pain demeure encore dans
l’Eucharistie, et que à cette forme appartient l’effet produit, c’est-à-dire
la vertu de nourrir comme nourrirait le pain. Mais cela est également
impossible, car nourrir c’est être changé en la substance de celui qui est
nourri ; ce qui ne peut appartenir à l’aliment, à raison de sa forme, qui est
l’agent, mais plutôt à raison de la matière, qui de soi est passive. Si donc
la forme substantielle demeurait, le pain ne pourrait nourrir. On a dit que
l’air ambiant est changé soit en la substance de celui qui prend l’aliment,
ou en quelque autre chose semblable. Mais ce changement ne pourrait avoir
lieu sans une condensation considérable de l’air, laquelle ne pourrait
échapper aux sens. Voilà pourquoi, suivant d’autres auteurs, pour que le
Sacrement ne soit pas atteint dans ces divers changements, la puissance
divine fait revenir la substance du pain et du vin. Mais il y a encore là
impossibilité, parce que, la substance du pain étant convertie au corps de
Jésus-Christ, on ne conçoit pas que la substance du pain puisse se reproduire,
à moins que, par un autre changement, le corps de Jésus-Christ soit converti
en pain. En outre, si la substance du pain revient, ce retour a lieu tandis
que les accidents du pain subsistent : dans ce cas, la substance du pain et
la substance du corps de Jésus-Christ se trouveraient en même temps et au
même endroit, ce qui a été démontré impossible plus haut, car la substance du
corps de Jésus-Christ demeure dans le Sacrement tant que demeurent les
espèces. Ou bien ce retour s’opère quand les espèces ne demeurent déjà plus,
ce qui est encore impossible, parce qu’alors la substance du pain serait sans
ses accidents propres, à moins que peut-être on ne veuille entendre que Dieu,
au moment du changement, produit quelque matière qui devient le sujet de ce
changement. Mais il est mieux de dire que, de même que, par la vertu de la
consécration, Dieu donne miraculeusement aux espèces du pain et du vin la
vertu de subsister sans sujet qui leur serve comme de substance, ainsi il
leur donne conséquemment, et d’une manière également miraculeuse, la
propriété d’opérer ou de subir tout ce que pourrait opérer ou subir la
substance du pain, ou celle du vin, si elles étaient présentes. Telle est la
raison pour la quelle ces espèces du pain et du vin peuvent nourrir et opérer
les mêmes effets que si leur substance s’y trouvait encore. La suite du
discours s’explique comme ce qui précède. |
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Lectio 5 |
Leçon 5 : 1 Corinthiens XI, 23-24 — L'eucharistie |
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SOMMAIRE : L’Apôtre traite de la dignité du sacrement de l’Eucharistie et de son institution quant à la consécration du corps de Jésus-Christ. |
[23] ego enim accepi a Domino quod et tradidi vobis quoniam
Dominus Iesus in qua nocte tradebatur accepit panem [24] et
gratias agens fregit et dixit hoc est corpus meum pro vobis hoc facite in
meam commemorationem |
23. Car
c’est du Seigneur que j’ai appris ce que je vous ai aussi enseigné, qui est
que le Seigneur Jésus, la nuit même qu’il devait être livré, prit du pain, 24. Et,
ayant rendu grâces, le rompit, et dit : Prenez et mangez : ceci est mon
corps, qui sera livré pour vous. Faites ceci en mémoire de moi. |
[87664] Super 1 Cor. [reportatio vulgata],
cap. Secundo commendat auctoritatem doctrinae ex parte
ministri, qui est ipse Paulus, cum subdit quod et tradidi vobis. Is. XXI, 10 — quae audivi a domino exercituum
Deo Israel, annuntiavi vobis. Sap. VII, 13 — quam sine fictione didici, et sine invidia communico.
Deinde cum dicit quoniam dominus Iesus,
commendat dignitatem huius sacramenti, tradens institutionem ipsius. Et primo
ponit institutionem; secundo tempus institutionis, cum dicit in qua nocte
tradebatur, et cetera. Tertio modum instituendi, ibi accepit panem,
et cetera. Institutor autem sacramenti est ipse Christus. Unde dicit quoniam
dominus noster Iesus Christus, et cetera. Dictum est enim supra cum de
Baptismo ageretur, quod Christus in sacramentis habet excellentiae
potestatem, ad quam quatuor pertinent. Primo quidem quod virtus et meritum
eius operetur in sacramentis; secundo quod in nomine eius sanctificetur
sacramentum; tertio quod effectum sacramenti sine sacramento praebere potest;
quarto institutio novi sacramenti. Specialiter tamen congruebat ut hoc sacramentum
ipse in sua persona institueret, in quo corpus et sanguis eius communicatur. Unde et ipse dicit Io. VI, 52 — panis quem ego
dabo vobis, caro mea est pro mundi vita. Deinde cum dicit qua nocte tradebatur, describit tempus
institutionis huius sacramenti, quod quidem congruum fuit, primo quidem
quantum ad qualitatem temporis. Fuit enim in nocte. Per virtutem enim huius
sacramenti anima illuminatur. Unde I Reg. XIV, 27 dicitur quod Ionathas intinxit
virgam in favum mellis, et convertit manum suam ad os suum, et illuminati
sunt oculi eius; propter quod et in Ps. CXXXVIII, v. 11 dicitur :
nox illuminatio mea in deliciis meis. Secundo quantum ad
negotium quod in illo tempore gerebatur, quia scilicet quando tradebatur ad
passionem, per quam transivit ad patrem, hoc sacramentum, quod est memoriale
passionis, instituit. Unde dicitur Eccli. XXIX, 33 — transi, hospes, et orna mensam, et
quae in manu habes, ciba caeteros. Deinde cum dicit accepit panem, etc.,
ostendit modum institutionis. Et primo ponit ea quae fecit et dixit Christus
instituendo hoc sacramentum; secundo exponit, ibi quotiescumque enim,
et cetera. Circa primum duo facit. Primo agit de institutione sacramenti huius
quantum ad corpus Christi; secundo quantum ad eius sanguinem, ibi similiter
et calicem, et cetera. Circa primum ante expositionem litterae, oportet
primo considerare necessitatem institutionis huius sacramenti. Est autem
sciendum quod sacramenta instituta sunt propter necessitatem vitae
spiritualis. Et
quia corporalia sunt quaedam similitudines spiritualium, oportet sacramenta
proportionari eis quae sunt necessaria ad vitam corporalem. In qua primo
invenitur generatio, cui proportionatur Baptismus, per quem regeneratur
aliquis in vitam spiritualem. Secundo ad vitam corporalem requiritur
augmentum, per quod aliquis perducitur ad quantitatem et virtutem perfectam :
et huic proportionatur sacramentum confirmationis, in quo spiritus sanctus
datur ad robur. Tertio ad vitam corporalem requiritur alimentum, per quod
corpus hominis sustentatur, et similiter vita spiritualis per sacramentum
Eucharistiae reficitur, secundum illud Ps. XXII, 2 — in loco pascuae ibi
me collocavit, super aquam refectionis educavit me. Est autem notandum quod
generans non coniungitur genito secundum substantiam sed solum secundum
virtutem, sed cibus coniungitur nutrito secundum substantiam. Unde in His autem visis circa litterae expositionem,
primo considerandum est quid Christus fecerit; secundo quid dixerit, ibi et
dixit, et cetera. Tria autem facit. Primum quidem designatur, cum dicit accepit
panem, per quod duo significari possunt : primo quidem quod ipse
voluntarie passionem accepit, cuius hoc sacramentum est memoriale, secundum
illud Is. LIII, 7 — oblatus est, quia ipse voluit. Secundo potest
significari quod ipse accepit a patre potestatem perficiendi hoc sacramentum,
secundum illud Matth. c. XI, 27 — omnia tradita sunt mihi a patre meo.
Secundum tangit, cum dicit et gratias agens.
In quo datur nobis exemplum gratias agendi de omnibus quae nobis divinitus
dantur, secundum illud I Thess. ult. : in omnibus gratias agite. Tertium tangit, cum dicit
fregit. Is. LVIII, v. 7 — frange esurienti panem tuum. Sed
videtur hoc esse contrarium usui Ecclesiae, secundum quam prius consecratur
corpus Christi, et postea frangitur : hic autem dicitur quod prius fregit,
postea protulit verba consecrationis. Et ideo quidam dixerunt quod Christus consecravit
prius verbis aliis, et postea protulit verba quibus nos consecramus. Sed hoc
non potest esse, quia sacerdos, dum consecrat, non profert ista verba quasi
ex persona sua sed quasi ex persona Christi consecrantis. Unde manifestum est
quod eisdem verbis quibus nos consecramus, et Christus consecravit. Et ideo
dicendum est quod hoc quod hic dicitur et dixit, non est sumendum
consequenter, quasi Christus acceperit panem, et gratias agens fregerit, et
postea dixerit verba quae sequuntur, sed concomitanter, quod dum accepit per
se panem, gratias agens fregit et dixit. Et ideo cum Matth. XXVI, 26 dicatur
quod Iesus accepit panem, et benedixit, ac fregit, apostolus non
curavit hic de benedictione facere mentionem, intelligens nihil aliud esse
illam benedictionem, quam hoc quod dominus dixit hoc est corpus meum. Deinde cum dicit et dixit, ostendit quid
Christus dixerit instituendo hoc sacramentum. In verbis autem primo
quidem iniunxit sacramenti usum; secundo expressit sacramenti veritatem;
tertio docuit mysterium. Usum quidem sacramenti iniunxit, dicens accipite. Quasi diceret
: non ex potestate vel merito humano competit vobis usus huius sacramenti,
sed ex eminenti Dei beneficio. Sap. XVI, 20 — Angelorum esca nutrivisti
populum tuum, domine. Supra IV, 7 — quid habes quod non accepisti?
Et determinat speciem usus, cum dicit et manducate. Io. VI, 54 — nisi
manducaveritis carnem filii hominis. Iob XXXI, 31 — si non dixerunt
viri tabernaculi mei : quis det de carnibus eius, ut saturemur? Sciendum est tamen quod haec verba non sunt de
forma consecrationis. Est enim haec differentia inter haec et alia
sacramenta, quia alia sacramenta perficiuntur non quidem in consecratione
materiae, sed in usu materiae consecratae, sicut in ablutione aquae, aut in
unctione olei seu chrismatis. Et hoc ideo, quia in materiis aliorum
sacramentorum non est aliqua natura rationalis, quae sit gratiae
sanctificantis susceptiva; et ideo in forma aliorum sacramentorum fit mentio
de usu sacramenti, sicut cum dicitur : ego te baptizo, vel confirmo
te chrismate salutis, et cetera. Sed hoc sacramentum perficitur in ipsa
consecratione materiae, in qua continetur ipse Christus, qui est finis totius
gratiae sanctificantis. Et ideo verba quae pertinent ad usum sacramenti, non
sunt de substantia formae, sed solum illa quae continent veritatem et
continentiam sacramenti, quae consequenter ponit, subdens hoc est corpus
meum. Circa quae verba tria oportet considerare. Primo
quidem de re significata per haec verba, quod scilicet sit ibi corpus
Christi; secundo de veritate huius locutionis, tertio utrum haec sit conveniens
forma huius sacramenti. Circa primum considerandum est, quod quidam dixerunt
corpus Christi non esse in hoc sacramento secundum veritatem, sed solum sicut
in signo, sic exponentes quod hic dicitur hoc est corpus meum, id est,
hoc est signum et figura corporis mei, sicut et supra X, 4 dictum est : petra
autem erat Christus, id est, figura Christi. Sed hoc est haereticum, cum
expresse dominus dicat, Io. VI, 56 — caro mea vere est cibus, et sanguis
meus vere est potus. Unde alii dixerunt quod est ibi vere corpus Christi,
sed simul cum substantia panis, quod est impossibile, ut supra ostensum est.
Unde alii dixerunt quod est ibi solum corpus Christi, substantia panis non
remanente, quae annihilatur, vel in praeiacentem materiam resolvitur. Sed hoc
non potest esse, quia, sicut Augustinus dicit in libro LXXXIII quaest. : Deus
non est auctor tendendi in non esse. Secundo quia etiam per hanc
positionem tollitur hoc quod substantia panis convertatur in corpus Christi,
et sic cum corpus Christi non incipiat esse in hoc sacramento per
conversionem alterius in ipsum, relinquitur quod incipiat ibi esse per motum
localem, quod est impossibile, ut supra dictum est. Oportet igitur dicere,
quod Contingit igitur in hac conversione contrarium
eius quod accidit in conversionibus naturalibus, in quibus, manente subiecto,
fit transmutatio interdum circa accidentia. Hic autem, transmutata
substantia, manent accidentia sine subiecto, virtute divina, quae sicut causa
prima sustentat ea sine causa materiali, quae est substantia causata ad hoc
quod corpus Christi et sanguis sumatur in specie aliena rationibus
supradictis. Et quia ordine quodam accidentia referuntur ad substantiam, ideo
dimensiones sine subiecto remanent, et alia accidentia remanent in ipsis
dimensionibus, sicut in subiecto. Si autem sub illis dimensionibus nulla substantia
remaneat, nisi corpus Christi, dubium potest esse de fractionibus hostiae
consecratae, cum corpus Christi glorificatum sit, et per consequens
infrangibile. Unde non potest huic fractioni substare, sed nec etiam aliud
potest fingi quod subsistat, quia sacramentum veritatis non decet aliqua
fictio. Unde nihil sensu percipitur in hoc sacramento, quod non sit ibi
secundum veritatem. Sensibilia enim per se sunt qualitates, quae quidem
remanent, sicut prius fuerant in hoc sacramento, ut dictum est. Et ideo alii
dixerunt quod est quaedam ibi vero fractio sine subiecto, unde nihil ibi
frangitur. Sed nec hoc dici potest, quia cum fractio sit in genere passionis,
quae habet debilius esse quam qualitas, non potest esse in hoc sacramento
sine subiecto, sicut nec qualitas. Unde restat dicendum, quod fractio illa
fundatur sicut in subiecto in dimensionibus panis et vini remanentibus.
Corpus autem Christi non attingitur ab huiusmodi fractione, quia totum
remanet sub qualibet parte dimensionum divisarum. Quod quidem hoc modo
considerari potest. Nam corpus Christi est in hoc sacramento ex conversione
substantiae panis in ipsum. Non autem fit conversio ratione dimensionum. Nam
dimensiones panis remanent, sed solum ratione substantiae. Unde et corpus
Christi est ibi ratione suae substantiae, non autem ratione suarum
dimensionum, licet dimensiones eius sunt ibi ex consequenti, inquantum non
separantur a substantia ipsius. Quantum autem ad naturam substantiae
pertinet, tota est sub qualibet parte dimensionum. Unde sicut ante
consecrationem tota veritas substantiae et natura panis erat sub qualibet
parte dimensionum : ita post consecrationem totum corpus Christi est sub
qualibet parte panis divisi. Significat autem hostiae consecratae divisio,
primo quidem passionem Christi, per quam corpus eius fuit vulneribus fractum,
secundum illud Ps. XXI, 17 — foderunt manus meas et pedes meos.
Secundo distributionem donorum Christi ex ipso progredientium, secundum illud
infra XII, 4 — divisiones gratiarum sunt. Tertio diversas partes
Ecclesiae. Nam eorum qui sunt membra Christi, quidam adhuc in hoc mundo
peregrinantur; quidam vivunt in gloria cum Christo, et quantum ad animam et
quantum ad corpus; quidam autem expectant finalem resurrectionem in fine
mundi, et hoc significat divisio hostiae in tres partes. Secundo considerandum est de veritate huius
locutionis. Videtur enim haec locutio esse falsa hoc est corpus meum. Conversio enim panis in Tertio autem oportet considerare quomodo est haec
conveniens forma huius sacramenti. Nam hoc sacramentum, ut dictum est, non
consistit in usu materiae, sed in consecratione ipsius. Consecratio autem non
fit per hoc, quod materia consecrata solum suscipiat aliquam virtutem
spiritualem, sed per hoc quod transubstantiatur secundum esse in corpus
Christi; et ideo nullo alio verbo utendum fuit, nisi verbo substantivo, ut
dicatur hoc est corpus meum. Per hoc enim significatur id quod est
finis, quod significando efficitur. Deinde cum dicit quod pro vobis tradetur,
tangit mysterium huius sacramenti. Est enim sacramentum repraesentativum divinae passionis,
per quam corpus suum tradidit in mortem pro nobis, secundum illud Is. L, 6 — corpus
meum dedi percutientibus; et Eph. V, 2 — tradidit semetipsum pro nobis.
Et ut ostendat rationem frequentandi hoc mysterium, subiungitur hoc facite
in meam commemorationem, hoc recolendo scilicet tam magnum beneficium,
pro quo vobis me tradidi in morte. Unde et Thren. III, 19 dicitur : recordare
paupertatis meae, absinthii et fellis. Et in Ps. CX, 4 — memoriam
fecit mirabilium suorum misericors et miserator dominus, escam dedit
timentibus se. |
L’Apôtre,
après avoir repris les Corinthiens sur les désordres dont ils se rendaient
coupables en s’assemblant pour recevoir le sacrement de l’Eucharistie, traite
ici du sacrement lui-même : et d’abord de sa dignité ; ensuite il exhorte les
fidèles à le recevoir avec respect (verset 27) : Quiconque donc mangera ce
pain, etc. Sur la première question, 1° il relève l’autorité de la doctrine qu’il va
développer ; II° il expose
cette doctrine de la dignité du sacrement de l’Eucharistie (verset 23) : Que
le Seigneur Jésus, etc. I° Sur la première partie, I. Paul relève
l’autorité de la doctrine du côté de son auteur, qui est Jésus-Christ, en
disant : Je vous ai dit qu’en agissant ainsi ce n’est plus manger la Cène du
Seigneur, et j’ai appelé de ce nom le sacrement de l’Eucharistie (verset 23) :
Car c’est du Seigneur même que j’ai appris, c’est-à-dire de
Jésus-Christ, qui est l’auteur de cette doctrine, et non pas simplement d’un
homme ; (Gal., I, 1) : "Paul, établi apôtre non par des hommes,
ni par l’autorité d’aucun homme, mais par l’autorité de
Jésus-Christ" ; (Hébr., II, 3) : "La doctrine du salut,
qui, ayant été premièrement annoncée par le Seigneur même, etc." II. Il relève
l’autorité de cette doctrine du côté du ministre, qui est Paul lui-même,
lorsqu’il ajoute (verset 23) : ce que moi-même je vous ai enseigné ;
(Isaïe, XXI, 10) : "Ce que j’ai appris du Seigneur Dieu des armées,
je vous l’ai annoncé" et (Sag., VII, 13) : "J’ai appris la
sagesse sans déguisement, j’en fais part aux autres sans envie." II° Lorsqu’il dit (verset 23) : que le Seigneur Jésus, l’Apôtre
relève la dignité du sacrement de l’Eucharistie, en faisant connaître son
institution. I. Il expose
cette institution ; II. le temps où
elle eut lieu (verset 23) : La nuit même où il devait être livré ;
III. le mode de
l’institution même (verset 23) : Il prit du pain, etc. I. Or celui qui a
institué le Sacrement, c’est Jésus-Christ lui-même ; c’est pourquoi l’Apôtre
dit : que Notre Seigneur Jésus-Christ, etc. , car il a été dit plus
haut, lorsqu’il s’agissait du baptême, que Jésus-Christ a, dans les
sacrements, la puissance suprême, à la quelle appartiennent quatre
prérogatives : 1° la puissance et le mérite de
Jésus-Christ opèrent dans les sacrements ; 2° c’est en son nom que le sacrement
devient un rite sacré ; 3° il peut opérer sans le sacrement
l’effet même du sacrement ; 4° l’institution d’un nouveau
sacrement est son ouvrage. Cependant
il était particulièrement convenable qu’il instituât celui-ci lui-même et
dans sa propre personne, puisqu’on y participe à son corps et à son sang.
C’est pourquoi il dit lui-même (Jean VI, 52) : "Le pain que je vous
donnerai, c’est ma propre chair pour la vie du monde." II. Lorsqu’il ajoute
(verset 23) : La nuit même où il devait être livré, saint Paul désigne
le temps de l’institution. Ce moment fut bien choisi, 1° au point de vue de la nature du
temps, car ce fut pendant la nuit ; or l’âme est illuminée par la vertu de ce
sacrement. C’est ainsi qu’il est dit (I Rois, XIV, 27) : "Jonathas
trempa le bout de sa baguette dans un rayon de miel, et, en ayant ensuite
porté à sa bouche avec la main, ses yeux reprirent une nouvelle
vigueur" ; c’est pourquoi encore il est dit (Psaume CXXXVIII,
11) : "La nuit même devient toute lumineuse pour éclairer nos
jouissances." 2° Il fut convenable au point de vue
de l’oeuvre qui allait s’accomplir en ce moment, à savoir ce fut au moment où
il était livré à la passion, par laquelle il passa de ce monde à son Père,
que Jésus-Christ institua ce sacrement, qui est le mémorial de cette passion.
C’est pourquoi il est dit (Ecclésiastique XXIX, 33) : "Allez, hôte,
couvrez la table, et préparez à manger aux autres de ce que vous avez." III. A ces mots (verset
23) : Il prit du pain, etc…, l’Apôtre montre comment Jésus-Christ
institua ce sacrement. D’abord il expose ce qu’a fait et ce qu’a dit
Jésus-Christ en instituant ce sacrement ; en suite il l’explique (verset 26) :
car toutes les fois que, etc. Sur la première partie, premièrement
saint Paul traite de l’institution de ce sacrement quant au corps de
Jésus-Christ ; secondement quant à son sang (verset 25) : Il prit de même
la coupe, etc. Sur la
première partie, avant l’explication du sens littéral, il faut d’abord
considérer la nécessité de l’institution de ce sacrement. Remarquez que les
sacrements sont institués pour les nécessités de la vie spirituelle ; et,
parce que les choses corporelles sont comme des ressemblances des choses
spirituelles, il faut que les sacrements aient quelque proportion avec ce qui
est nécessaire pour la vie corporelle. Or on trouve d’abord pour celle-ci la
génération, à laquelle se rapporte le Baptême, par lequel on est régénéré
pour la vie spirituelle. En second lieu, il faut à la vie corporelle
l’accroissement pour parvenir au développement et à la force parfaite : à cet
accroissement se rapporte le sacrement de Confirmation, où l’on reçoit
l’Esprit Saint, qui fortifie l’âme. En troisième lieu, il faut à la vie
corporelle un aliment pour soutenir le corps de l’homme : de même, la vie spirituelle
est sustentée par le sacrement de l’Eucharistie, suivant cette parole (Psaume
XXII, 1) : "Il m’a établi dans un lieu abondant en pâturages, il m’a
élevé auprès d’une eau qui me nourrit." Observons
ici qu’entre celui qui engendre et celui qui est engendré l’union ne se fait
pas quant à la substance, mais seulement quant à la puissance ; mais
l’aliment s’incorpore, quant à la substance, dans celui qui le reçoit : voilà
pourquoi, dans le sacrement de Baptême, où Jésus-Christ régénère pour le
salut, ce n’est pas Jésus-Christ lui-même qui y réside selon sa substance,
mais seulement selon sa force. Au contraire, dans le sacrement de
l’Eucharistie, qui est un aliment spirituel, Jésus-Christ est présent selon
sa substance. S’il y est contenu sous une autre espèce, c’est pour trois
raisons : premièrement afin que les fidèles n’éprouvent pas de la répugnance,
lorsqu’ils recevraient ce sacrement, à manger dans son espèce même le corps
d’un homme et à boire son sang ; secondement, pour que ce ne soit pas un objet
de dérision pour les infidèles ; troisièmement, pour augmenter le mérite de
la foi, qui consiste à croire ce que l’on ne voit pas. De plus, ce sacrement
est donné sous deux espèces pour trois raisons : premièrement à cause de sa
perfection, parce qu’étant une réfection spirituelle, il doit y avoir une
nourriture et un breuvage spirituels, car la réfection corporelle n’est
parfaite qu’autant qu’elle renferme l’un et l’autre. C’est aussi pourquoi il
a été dit (ci-dessus, X, 3 et 4) : Tous ont mangé la même nourriture
spirituelle, et bu le même breuvage spirituel. Secondement à cause de sa
signification, car ce sacrement est le mémorial de la passion du Seigneur, en
laquelle le sang de Jésus-Christ fut séparé de son corps ; aussi, dans ce
sacrement, on offre le sang séparément du corps. Troisièmement pour l’effet
salutaire du sacrement. Il sert pour le salut du corps, et pour cette raison
on offre le corps ; il sert pour le salut de l’âme, et pour cette raison ou
offre le sang, car l’âme est dans le sang, comme il est dit (Gen., IX,
4 ss).On offre ce sacrement spécialement sous les espèces du pain et du vin :
premièrement, parce que c’est du pain et du vin dont les hommes se servent
plus communément pour leur nourriture. Voilà pourquoi l’on se sert, dans le sacrement
de l’Eucharistie, de ces éléments, ainsi que l’on emploie l’eau pour
l’ablution du Baptême, et l’huile pour faire les Onctions. Secondement, à
cause de la vertu de ce sacrement. En effet, le pain donne de la vigueur au
coeur de l’homme, et le vin de la joie. Troisièmement, parce que le pain, qui
se confectionne de plusieurs grains, et le vin, qui s’extrait de plusieurs
grappes, signifient l’unité de l’Eglise, qui se compose d’un grand nombre de
fidèles. Or l’Eucharistie, comme l’a dit saint Augustin (XXVI, sur
Saint Jean), est spécialement le sacrement de l’unité et de la
charité. Ceci posé,
pour l’explication du sens littéral il faut : 1° considérer ce que Jésus-Christ a fait ; 2° ce qu’il a dit (verset 24) : Et
il dit, etc. 1° Jésus-Christ fait trois choses : A) la première est désignée par ces
paroles (verset 23) : Il prit du pain. Cette action signifie : a) qu’il accepta lui-même
volontairement sa passion, dont ce sacrement est le mémorial, suivant cette
parole (Isaïe, LIII, 7) : "Il a été offert parce qu’il l’a
voulu" ; b) qu’il
reçut de son Père la puissance d’instituer ce sacrement, suivant cette parole
(Matth., XI, 27) : "Toutes choses m’ont été données par mon
Père." B) Saint Paul indique la seconde,
lorsqu’il ajoute (verset 24) : et rendant grâces. En ceci Jésus-Christ
nous a donné l’exemple de rendre grâces pour tous les bienfaits qui nous sont
divinement accordés, suivant ce passage (I Thess., V, 18) : "Rendez
grâces à Dieu en toutes choses." C) Il marque enfin la troisième, en
disant (verset 24) : il le rompit ; (Isaïe, LVIII, 7) : "Rompez
une portion de votre pain à celui qui a faim." Ceci paraît contraire
à l’usage de l’Eglise, qui consacre d’abord le corps de Jésus-Christ et
ensuite le rompt. Or il est dit ici que le Sauveur rompit d’abord le pain, et
qu’il proféra ensuite les paroles de la consécration. Aussi quelques auteurs
ont dit que Jésus-Christ consacra d’abord par d’autres paroles, et proféra
ensuite celles dont nous nous servons pour consacrer. Mais il n’a pu en être
ainsi, car le prêtre, en consacrant, ne prononce point les paroles de la
consécration comme les siennes propres, mais comme représentant Jésus-Christ
qui consacre. Il est par là même manifeste que les paroles par lesquelles
nous consacrons, sont les mêmes que celles par lesquelles Jésus-Christ
consacra. Il faut donc répondre que ce mot : et il dit, ne doit pas
être pris comme ayant été prononcé après coup, c’est-à-dire comme si
Jésus-Christ eût pris du pain et, ayant rendu grâces, l’eût rompu et eût
proféré ensuite les paroles qui suivent ; mais simultanément, en sorte que,
prenant lui-même du pain, il rendit grâces, rompit le pain et proféra les
paroles. Voilà pourquoi, bien qu’en saint Matthieu (XXVI, 26) il soit dit que
le Sauveur "prit du pain, le bénit et le rompit," l’Apôtre
ne s’est pas occupé de faire ici mention de cette bénédiction, parce qu’il a
compris que cette bénédiction n’était rien autre chose que ce que le Seigneur
a dit : Ceci est mon corps. 2° En ajoutant (verset 24) : et il
dit, l’Apôtre rappelle ce que Jésus-Christ a dit en instituant le
sacrement de l’Eucharistie. Dans ces paroles, 1. le Seigneur a prescrit l’usage du
sacrement ; 2. il en a exprimé la
vérité ; 3. il en a enseigné le mystère. Il a
prescrit l’usage de ce sacrement quand il a dit (verset 24) : Prenez,
en d’autres termes : ce n’est ni par la puissance ni en vertu du mérite de
l’homme que l’usage de ce sacrement vous est accordé, mais par un bienfait
insigne de Dieu ; (Sag., XVI, 20) : "Seigneur, vous avez donné à
votre peuple la nourriture des anges" ; (ci-dessus, IV, 7) : Qu’avez-vous
que vous n’ayez reçu ? Il détermine en même temps la nature de cet usage,
lorsqu’il dit (verset 24) : et mangez ; (Jean VI, 54) : "Si
vous ne mangez la chair du Fils de l’homme, etc." et (Job, XXXI, 31)
: "Si les gens de ma maison n’ont pas dit : qui nous donnera de sa
chair, afin que nous en soyons rassasiés ?" Il faut
observer toutefois que ces paroles ne sont pas essentielles à la forme de la
consécration, car entre ce sacrement et les autres il y a cette différence
que ceux-ci s’accomplissent non par la consécration de la matière, mais par
l’usage de la matière consacrée, par exemple soit par l’ablution de l’eau,
soit par l’onction de l’huile, soit du saint-chrême. La raison en est que,
dans la matière des autres sacrements, nulle nature raisonnable ne réside qui
soit susceptible de recevoir la grâce sanctifiante ; aussi, dans la
forme des autres sacrements, on fait mention de l’usage même du sacrement ;
c’est ainsi que l’on dit : Je te baptise, ou : Je te confirme par
le chrême du salut, etc. Mais le sacrement de l’Eucharistie s’accomplit
dans la consécration même de la matière, qui contient Jésus-Christ lui-même
qui est la fin de toute grâce sanctifiante. Voilà pourquoi les paroles qui
appartiennent à l’usage du sacrement ne sont pas de la substance de la forme,
mais seulement celles qui expriment la vérité du sacrement et ce qu’il
contient. C’est ce que saint Paul expose lorsqu’il ajoute (verset 24) : Ceci
est mon corps. 2. Sur ces paroles,
nous avons trois choses à considérer : A) ce qui est exprimé par ces paroles, à savoir que le
corps de Jésus-Christ s’y trouve ; B) la vérité de cette manière de parler ; C) si cette forme est convenable pour
ce sacrement. A) Sur le premier de ces points, il faut
observer qu’il a été dit par quelques auteurs que le corps de Jésus-Christ ne
se trouve point en vérité dans ce sacrement, mais seulement que ce sacrement
en est le signe. Ils font dire à ces paroles : "Ceci est mon
corps" ceci : c’est le signe et la figure de mon corps ; ainsi qu’il
a été dit ci-dessus (X, 4) : Or cette pierre était le Christ,
c’est-à-dire la figure du Christ. Mais cette interprétation est hérétique,
puisque le Sauveur dit expressément (Jean VI, 56) : "Ma chair est
vraiment une nourriture, et mon sang est vraiment un breuvage."
D’autres auteurs ont dit qu’il y a dans le Sacrement véritablement le corps
de Jésus-Christ, mais qu’il y est conjointement avec la substance du pain ;
ce qui est impossible, comme il a été dit plus haut. D’autres encore ont
prétendu qu’il y a seulement dans le Sacrement le corps de Jésus-Christ, la
substance du pain ne demeurant pas, soit parce qu’elle serait anéantie, soit
parce qu’elle serait absorbée par la matière qui reste ; mais cela ne peut
être, parce que, comme dit saint Augustin (livre des 83 Questions) : Dieu n’est pas l’auteur de ce qui
tend à n’être pas. D’ailleurs, cette supposition détruirait encore ceci que
la substance du pain est changée au corps de Jésus-Christ. Ainsi, le corps de
Jésus-Christ ne commençant pas à être dans le Sacrement par le changement
d’une autre substance en la sienne, il faut admettre qu’il commence à s’y
trouver par un changement de lieu, ce qui est impossible, comme il a été dit.
Il faut donc dire que le corps de Jésus-Christ est dans le Sacrement par le
changement du pain en Lui-même. Toutefois il faut remarquer que ce changement
diffère de tous ceux qu’on voit dans la nature, car l’action de la nature
présuppose la matière, et par conséquent son action ne peut aller au-delà
d’un changement partiel quant à la forme substantielle ou accidentelle :
aussi tout changement naturel s’appelle-t-il un changement de forme. Mais
Dieu, qui opère le changement dont nous parlons, est l’auteur de la matière
et de la forme ; par conséquent, la substance entière du pain, la matière ne
subsistant plus, peut être changée en la substance entière du corps de
Jésus-Christ. Et parce que la matière est le principe de l’individualisation
des êtres, ce tout individuel et déterminé, qui est une substance
particulière, est en entier changé en une autre substance particulière :
c’est de là que ce changement est appelé substantiel ou transsubstantiation.
Il arrive donc dans ce changement le contraire de ce qui a lieu dans les
changements naturels : dans ceux-ci le sujet demeure, et la transmutation se
fait parfois quant aux accidents ; mais dans l’Eucharistie la substance subit
la transmutation, et les accidents demeurent sans sujet, par un effet de la
puissance divine, qui, en tant que cause première, les soutient sans cause
matérielle. Elle devient substance à cette fin que le corps et le sang de
Jésus-Christ puissent être reçus sous deux espèces pour les raisons exposées
ci-dessus. Mais parce que, dans un certain ordre, les accidents se rapportent
à la substance, les dimensions, pour ce motif, demeurent sans sujet, et les
autres accidents demeurent dans les dimensions elles-mêmes qui leur servent
de sujet. Si cependant, sous ces dimensions, il ne se trouve aucune autre
substance que le corps du Christ, on peut élever une difficulté à l’occasion
de la fraction de l’hostie consacrée, attendu que le corps de Jésus-Christ
est glorifié, et par conséquent ne saurait être rompu. Il ne pourrait donc se
trouver sous cette fraction ; d’ailleurs, on ne peut supposer que
quelqu’autre sujet s’y trouve, parce que nulle fiction ne saurait être
compatible avec le Sacrement de vérité. Rien donc n’est perçu par les sens
dans ce sacrement qui n’y soit en vérité ; car ce qui est en soi sensible, ce
sont les qualités, qui demeurent dans ce sacrement telles qu’elles étaient
auparavant, ainsi qu’il a été dit. C’est ce qui a fait dire à d’autres
auteurs qu’il y a véritablement fraction, mais sans sujet, et qu’ainsi rien
n’est rompu dans le Sacrement. Mais cela n’est pas admissible, car, la
fraction supposant l’état passif, état inférieur à la qualité, elle ne peut
pas plus se trouver dans ce sacrement sans sujet, que la qualité. Il reste
donc à dire que la fraction porte sur les dimensions du pain et du vin, qui
demeurent là comme sujet, mais qu’elle n’atteint pas le corps de
Jésus-Christ, parce qu’il réside sous chaque partie des dimensions après la
division. On peut expliquer ainsi ce point : le corps de Jésus-Christ réside
dans le sacrement de l’Eucharistie par le changement de la substance du pain
en sa propre substance ; or ce change-ment ne se fait pas à raison des
dimensions, puis- qu’elles demeurent, mais seulement à raison de la substance
; donc le corps de Jésus-Christ y est présent, à raison de sa propre
substance, et non à raison de ses dimensions, bien que ces dimensions s’y
trouvent par voie de conséquence, en tant qu’elles ne sont pas séparées de la
substance de Jésus-Christ. Mais, pour ce qui est de la nature de la
substance, elle est tout entière sous chaque partie des dimensions. Ainsi, de
même qu’avant la consécration toute la vérité de la substance et la nature du
pain subsistent sous chaque partie des dimensions, ainsi, après la
consécration, tout le corps de Jésus-Christ est sous chaque partie du pain
divisé. La division de l’hostie consacrée marque : premièrement, la passion
de Jésus-Christ, dans laquelle son corps fut brisé par ses blessures, suivant
cette parole (Psaume XXI, 17) : "Ils ont percé mes mains et mes
pieds" ; deuxièmement, la distribution des dons de Jésus-Christ,
qui sortent de lui comme de leur source, suivant ce qui est dit (ci-après,
XII, 4) : Il y a diversité de grâces ; troisièmement, les
diverses parties de l’Eglise : car parmi ceux qui sont les membres de
Jésus-Christ, les uns sont encore en pèlerinage dans ce monde ; les autres
vivent déjà dans la gloire avec Jésus-Christ, et quant à l’âme et quant au
corps ; d’autres, enfin, attendent à la fin du monde la résurrection dernière
: c’est ce que signifie la division de l’hostie en trois parties. B) Il faut examiner la vérité de ce
qui précède, car cette façon de parler (verset 24) : Ceci est mon corps, ne
parait pas être vraie. En effet, le changement du pain au corps de
Jésus-Christ se fait au moment même où ces paroles sont proférées, car alors
se complète la signification de ces termes, la forme des sacrements opérant
suivant sa signification ; il s’ensuit donc qu’au commencement de cette
phrase, quand on dit que là n’est pas le corps Jésus-Christ, mais la seule
substance du pain désignée par ce pronom « ceci » qui est alors
démonstratif de la substance, ce pronom « ceci » signifie, dans ces
paroles Ceci est mon corps, que la substance du pain est mon corps :
ce qui est faux manifestement. Quelques auteurs disent que le prêtre prononce
ces paroles matériellement, et en forme de récit, au nom de Jésus-Christ, et
par conséquent, ce pronom, en tant qu’il est démonstratif, ne se rapporte pas
à. la matière présente : ce serait une manière de parler fausse, qui
favoriserait l’objection formulée plus haut. Mais cette explication ne peut
se soutenir. D’abord, si cette locution ne s’applique pas à la matière
présente, elle ne s’y rapportera en aucune façon : ce qui est faux. En effet,
saint Augustin dit (Traité sur Jean, LXXX) : "La
parole vient se joindre à l’élément, et le sacrement a lieu." Il
faut donc reconnaître que ces paroles sont prises dans leur sens formel, et
qu’il les faut rapporter à la matière présente. Or le prêtre les profère au
nom du Christ, de qui elles tiennent leur efficacité, afin de montrer
qu’elles ont encore maintenant la vertu qu’elles avaient alors que
Jésus-Christ les a prononcées. Car la puissance qui leur a été donnée ne
s’évanouit ni par la diversité des temps ni par la différence des ministres.
D’ailleurs, la même difficulté reste sur la première fois où Jésus a prononcé
ces paroles. Voilà pourquoi d’autres auteurs ont dit que ces mots : Ceci
est mon corps, signifient : ce pain désigne mon corps, en sorte que cette
expression « Ceci » désigne ce qui est indiqué au commencement de
la phrase. Mais cette explication n’est pas non plus admissible, car, les
sacrements effectuant réellement ce qu’ils figurent, ces paroles ne peuvent
produire que ce qu’elles signifient. De plus, il s’ensuivrait que ces paroles
n’opéreraient rien autre chose que de rendre le corps de Jésus-Christ présent
comme sous un signe, ce à quoi il a été répondu plus haut. On a dit encore
que cette expression : « Ceci » est une démonstration pour
l’intel-ligence, et exprime ce qui sera à la fin de la phrase, à savoir le
corps de Jésus-Christ. Mais cette explication ne parait pas non plus
convenable, car alors tel serait le sens : Mon corps est mon corps : ce qui
ne se réalise pas par ces paroles, attendu que cela était vrai avant les
paroles de la consécration. Il faut donc répondre autrement et dire que la
forme du sacrement est non seulement significative, mais encore effective,
car en signifiant elle opère. Or, dans toute opération active, il est
nécessaire de reconnaître quelque chose de commun et comme un principe. Ce
qui est commun dans le change- ment qui nous occupe, ce n’est pas une
substance, ce sont les accidents qui subsistaient auparavant et subsistent
après : voilà pourquoi, du côté du sujet, dans cette phrase, le nom n’est pas
exprimé, parce qu’il marque une espèce de substance déterminée, mais le
pronom seulement, qui marque la substance indéterminée et sans désignation
spécifique. Le sens est donc : Ceci, à savoir ce qui est contenu sous
ces accidents, est mon corps. C’est ce qui s’opère par les paroles de
la consécration ; car, avant la consécration, ce qui était contenu sous les
accidents n’était pas le corps de Jésus-Christ, mais il devient le corps de
Jésus-Christ par la consécration. C) Il faut examiner la convenance de
cette forme du sacrement. Ce sacrement consiste, comme il a été dit, non dans
l’usage de la matière, mais dans sa consécration. Or cette consécration ne
s’opère pas en ce sens que la matière consacrée reçoit seulement une vertu
spirituelle, mais en ce que la transsubstantiation de la matière se réalise,
quant à son être, au corps de Jésus-Christ, en sorte qu’il n’a pas été
possible de se servir d’aucun autre mot que de l’expression substantive pour
dire : Ceci est mon corps. En effet, on marque par là ce qui est la
fin, ce qui s’opère au même instant qu’en est donnée la signification. 3. A ces paroles (verset 24) : qui
sera livré pour vous, saint Paul exprime le mystère du sacrement de
l’Eucharistie. L’Eucharistie représente la passion du Fils de Dieu, dans
laquelle il a livré pour nous son corps à la mort, suivant cette parole
d’Isaïe (L, 6) : "J’ai abandonné mon corps à ceux qui me
frappaient" et (Ephés., V, 2) : "Il s’est livré pour
nous." Afin de montrer que l’on doit s’en approcher fréquemment, il
ajoute (verset 24) : Faites ceci en mémoire de moi, en rappelant la
mémoire, à savoir de ce bienfait si grand pour lequel, en votre faveur, je me
suis livré à la mort. Aussi lit-on dans les Lamentations (III, 19) : "Souviens-toi
de mon affliction, de l’absinthe et de l’amertume." et au Psaume CX,
4 — "Il a laissé un souvenir de ses merveilles, car le Seigneur est
miséricordieux et compatissant : il a donné une nourriture à ceux qui le
craignent." |
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Lectio 6 |
Leçon 6 : 1 Corinthiens XI, 25-26 — La consécration du calice |
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SOMMAIRE : L’Apôtre enseigne que la consécration du calice a été instituée dans la même Cène. |
[25] similiter
et calicem postquam cenavit dicens hic calix novum testamentum est in meo
sanguine hoc facite quotienscumque bibetis in meam commemorationem [26]
quotienscumque enim manducabitis panem hunc et calicem bibetis mortem Domini
adnuntiatis donec veniat |
25. Il prit
de même le calice après avoir soupé, en disant : "Ce calice est la
nouvelle alliance en mon sang. Faites ceci en mémoire de moi toutes les fois
que vous le boirez." 26. Car
toutes les fois que vous mangerez ce pain et que vous boirez ce calice, vous
annoncerez la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne. |
[87665] Super 1 Cor. [reportatio vulgata],
cap. 11 l. 6 Postquam
apostolus posuit institutionem huius sacramenti quantum ad consecrationem
corporis, hic ponit institutionem eius quantum ad sanguinis consecrationem.
Et primo ponit ordinem institutionis; secundo verba, cum dicit hic calix,
et cetera. Ordo autem attenditur quantum ad duo. Primo ad concomitantiam utriusque
speciei, cum dicit similiter et calicem. Utrumque enim est de
perfectione huius sacramenti, tum propter perfectionem refectionis, tum
propter repraesentationem passionis, tum propter efficientiam salutis animae
et corporis, ut supra dictum est. Sed si prius consecratur in hoc sacramento
corpus Christi, et postea sanguis, videtur sequi quod ante consecrationem
sanguinis, corpus Christi in hoc sacramento sit exsangue : quod quidam
inconveniens reputantes dixerunt, quod duae formae se expectant in efficiendo,
ita scilicet quod prima forma consecrationis corporis non consequitur suum
effectum, antequam perficiatur forma consecrationis sanguinis; sicut etiam
dictum est, quod verba quae proferuntur in consecratione corporis, non
consequuntur suum effectum usque ad finem prolationis verborum. Sed hoc non
est simile. Nam significatio verborum quibus consecratur corpus Christi, non
completur nisi in termino prolationis eorum. Et quia verba sacramentalia
significando efficiunt, ideo non possunt habere effectum ante terminum
prolationis. Tunc autem habent plenam significationem, etiam antequam
proferantur verba consecrationis sanguinis, et ideo necesse est quod etiam
tunc habeant suum effectum. Alioquin sacerdos peccaret statim, post verba
consecrationis, proponens hostiam non consecratam populo adorandam, nisi iam
esset corpus Christi, quia induceret populum ad idololatriam. Est ergo
dicendum, quod ante consecrationem sanguinis est in hoc sacramento corpus
Christi, non sine sanguine. Sciendum est enim quod in hoc sacramento
dupliciter aliquid est. Uno modo ex vi consecrationis, illud scilicet in quod
terminatur conversio panis et vini, sicut per formam consecrationis
significatur, et sic sub specie panis est corpus Christi. Alio modo est
aliquid in hoc sacramento ex reali concomitantia, sicut divinitas verbi est
in hoc sacramento propter indissolubilem unionem ipsius ad corpus Christi,
licet nullo modo substantia panis in divinitatem convertatur. Et similiter
est ibi anima, quae coniuncta est realiter ipsi corpori. Si vero in triduo
mortis Christi, fuisset corpus Christi ab aliquo apostolorum consecratum, non
fuisset ibi anima quae tunc realiter erat a corpore separata. Et idem
dicendum est de sanguine. Nam sub speciebus panis ex vi consecrationis est
corpus Christi, in quod substantia panis convertitur. Sanguis autem est ibi
ex reali concomitantia, quia tunc realiter sanguis Christi non est ab eius
corpore separatus. Et, eadem ratione, sub specie vini est sanguis Christi ex
vi consecrationis, corpus autem ex reali concomitantia, ita quod sub utraque
specie est totus Christus. Si vero tempore passionis quando sanguis Christi
erat ex corpore effusus, fuisset hoc sacramentum ab aliquo apostolorum
perfectum, sub panis specie fuisset solum corpus Christi exsangue, sub speciebus
autem vini fuisset solus sanguis Christi. Secundo, attenditur ordo per comparationem ad
cibos materiales, qui praecesserant, ubi subdit postquam coenavit,
quod videtur signanter addidisse. Nam Christus corpus suum tradidit inter
coenam. Unde Matth. XXVI, 26 dicitur, quod coenantibus illis accepit Iesus
panem, et cetera. Sed sanguinem dedit expresse post coenam. Unde et Lc.
XXII, 20 dicitur similiter et calicem postquam coenavit, dicens, et
cetera. Cuius ratio est, quia corpus Christi repraesentat
mysterium incarnationis, quae facta est adhuc legalibus observantiis statum
habentibus, inter quas praecipua erat coena agni paschalis. Sed sanguis
Christi in sacramento directe repraesentat passionem, per quam est effusus et
per quam sunt terminata omnia legalia. Unde Hebr. IX, 12 dicitur, quod per
proprium sanguinem introivit semel in sancta, aeterna redemptione inventa.
Deinde ponit verba, dicens hic calix, et
cetera. Et primo demonstrat veritatem huius sacramenti; secundo iniungit
usum, ibi hoc facite, et cetera. Quantum ergo ad primum, dicit hic
calix, et cetera. Quod quidem dupliciter sumi potest. Uno modo
metonymice, ut scilicet ponatur continens pro contento, quasi dicat :
contentum in hoc calice; quod convenientius ponitur in consecratione vini,
quod ratione suae humiditatis indiget aliis terminis contineri, quam in
consecratione panis, qui ratione suae siccitatis, propriis terminis
continetur. Alio modo potest accipi metaphorice, ut sit sensus : sicut calix
inebriat et perturbat, ita et passio. Unde Matth. XX, 22 dicit : potestis
bibere calicem, quem ego bibiturus sum? Et Matth. XXVI, 39 — transeat
a me calix iste. Est ergo sensus hic calix, id est, contentum in
hoc calice, vel haec mea passio, est novum testamentum in meo sanguine.
Unde considerandum est, quod testamentum
dupliciter sumitur in Scripturis. Uno modo communiter pro quolibet pacto,
quod quidem testibus confirmatur, et sic considerandum est, quod Deus
dupliciter pactum iniit cum humano genere. Uno modo promittendo bona temporalia et a malis
temporalibus liberando : et hoc vocatur vetus testamentum, vel pactum. Alio
modo promittendo bona spiritualia et a malis oppositis liberando : et hoc
vocatur testamentum novum. Unde dicitur Ier. XXXI, 31 — feriam domui
Israel et domui Iuda foedus novum, non secundum pactum quod pepigi cum
patribus vestris, ut educerem eos de terra Aegypti, sed hoc erit pactum :
dabo legem meam in visceribus eorum, et ero eis in Deum. Est autem
considerandum quod apud antiquos erat consuetudo ut alicuius victimae
sanguinem funderent ad confirmationem pacti. Unde Gen. XXXI, 54 legitur, quod
postquam inierunt enim foedus Laban et Iacob, immolatis victimis in monte,
vocavit fratres suos. Unde et Ex. XXIV, 8 legitur, quod Moyses sumptum sanguinem
respersit in populum, et ait : hic est sanguis foederis, quod pepigit dominus
vobiscum. Sicut ergo vetus testamentum seu pactum confirmatum est
sanguine figurali taurorum, ita novum testamentum seu pactum confirmatum est
in sanguine Christi, qui per passionem est effusus. Et in hoc calice
sacramentum taliter continetur. Alio modo testamentum accipitur magis stricte pro
dispositione haereditatis percipiendae, quam necesse est secundum leges certo
numero testium confirmare. Non autem testamentum sic acceptum confirmatur nisi
per mortem, quia, ut apostolus dicit Hebr. IX, 17, testamentum in mortuis
confirmatum est, alioquin nondum valet, dum vivit qui testatus est. Deus
autem primo quidem dispositionem fecerat de aeterna haereditate percipienda,
sed sub figura temporalium bonorum, quod pertinet ad vetus testamentum; sed
postmodum fecit novum testamentum, expresse promittens haereditatem aeternam,
quod quidem confirmatum est per sanguinem mortis Christi. Et ideo dominus de
hoc dicit hic calix novum testamentum est in meo sanguine; quasi dicat
: per id quod in calice continetur commemoratur novum testamentum per Christi
sanguinem confirmatum. Est autem advertendum quod eadem verba quae hic
apostolus ponit, habentur Lc. XXII, 20, nisi quod ibi additur : qui pro
vobis effundetur. Lucas enim discipulus fuit Pauli et eum in
conscriptione Evangelii est secutus. Sed Matth. XXVI, 28
dicitur hic est enim sanguis meus novi testamenti, qui pro multis
effundetur in remissionem peccatorum. Eadem verba ponuntur in Mc. XIV, v.
24. Dicunt ergo quidam, quod quaecumque formae horum verborum proferantur,
quae sunt scripta in canone sufficere ad consecrationem. Probabilius autem dici
videtur quod illis solis verbis perficitur consecratio, quibus Ecclesia
utitur ex traditione apostolorum structa. Evangelistae enim verba
domini recitare intenderunt quantum pertinet ad rationem historiae, non autem
secundum quod ordinantur ad consecrationem sacramentorum, quas in occulto
habebant in primitiva Ecclesia, propter infideles. Unde Dionysius dicit in
ultimo cap. ecclesiasticae hierarchiae : perfectivas invocationes non est
fas in Scripturis exponere, neque mysticum ipsarum ante factas in ipsis ex
Deo virtutes ex occulto in communi adducere. Sed circa ista verba quibus
Ecclesia utitur in consecratione sanguinis, quidam opinantur quod non omnia
sint de necessitate formae sed solum quod dicitur hic est calix sanguinis
mei, non autem residuum quod sequitur : novi et aeterni testamenti,
mysterium fidei, qui pro vobis et pro multis effundetur in remissionem
peccatorum. Sed hoc non videtur
convenienter dici. Secundo, virtus eius
consideratur per comparationem ad vitam iustitiae, quam facit per fidem,
secundum illud Rom. III, 24 — iustificati gratis per gratiam ipsius, per
redemptionem quae est in Christo Iesu, quem proposuit propitiationem per
fidem in sanguine ipsius. Et quantum ad hoc, dicit : mysterium, id
est occultum fidei, quia scilicet fides passionis Christi erat occulta in
omnibus sacrificiis veteris testamenti, sicut veritas in signo. Hoc autem
Ecclesia habet ex traditione apostolorum, cum in canone Scripturae non
inveniatur. Tertio, virtus eius
attenditur quantum ad vitam gloriae, in quam per passionem Christi
introducitur, secundum illud Hebr. X, 19 — habentes fiduciam in introitum
sanctorum in sanguine Christi. Et quantum ad hoc, dicit : novi et
aeterni testamenti. Aeterni siquidem, quia est dispositio de haereditate
aeterna. Deinde cum dicit hoc
facite, etc., iniungit usum huius sacramenti, dicens hoc facite,
quotiescumque sumitis, in meam commemorationem, scilicet in memoriam meae
passionis. Unde et Thr. III, 20 dicit propheta : memoria memor ero, et
tabescet in me anima mea. Et Is. LXIII, 7 — miserationum domini
recordabor. Est autem notandum quod in calice principaliter
quidem debet poni vinum, rationibus supradictis. Debet autem apponi et aqua.
Probabile enim est quod Christus in coena vinum mixtum discipulis dederit,
propter consuetudinem terrae illius, in qua, ut temperetur fortitudo vini, ab
omnibus vinum bibitur aqua mixtum. Unde et Prov. IX, 5 sapientia dicit : bibite
vinum quod miscui vobis. Nihilominus tamen aqua vino mixta significat
populum Christianum Christo per passionem coniunctum, secundum illud Apoc. c.
XVII, 15 — aquae, populi sunt et gentes. Et participatio sanguinis
Christi a fidelibus pertinet ad usum sacramenti, qui non est de necessitate
huius sacramenti. Sed potest vinum consecrari absque aqua, licet peccet qui
sic consecrat, non servans ritum Ecclesiae. Et ideo si sacerdos ante
consecrationem vini advertat quod aqua non fuerit apposita calici, debet
apponere. Si vero post consecrationem advertat, non debet apponere, sed debet
perficere sacramentum. Nihil enim post consecrationem est sanguini Christi
miscendum quia talis permixtio non posset esse sine qualicumque corruptione
vini consecrati, quod pertinet ad crimen sacrilegii. Dicunt autem quidam quod
cum de latere Christi pendentis in cruce fluxerit sanguis et aqua, ut legitur
Io. XIX, 34, sicut vinum convertitur in sanguinem, ita aqua in aquam. Sed hoc
non competit, quia in illa aqua figuratur ablutio quae est per Baptismum. Et
ideo alii dicunt quod, facta conversione vini in sanguinem, aqua remanet in
sua substantia, et circuntegitur accidentibus vini. Sed hoc non competit,
quia aqua admiscetur vino ante consecrationem, quando non differt ab alio
vino. Unde non seorsum manet, sed permiscetur. Et ideo dicendum est, quod
aqua convertitur in vinum et sic totum convertitur in sanguinem Christi.
Propter quod mos est modicum de aqua apponere et praecipue si sit vinum
debile, quod non potest nisi modicum aquae in seipsum convertere. Deinde cum dicit quotiescumque, etc.,
exponit verba domini quae dixerat : hoc facite in meam commemorationem,
dicens quotiescumque enim manducabitis panem hunc, et cetera. Et dicit
panem, propter species remanentes. Dicit autem hunc, propter
idem numero corpus significatum et contentum. Et calicem, scilicet
hunc, bibetis, mortem domini annuntiabitis, repraesentando scilicet
eam per hoc sacramentum. Et hoc, donec veniat, id est, usque ad
ultimum eius adventum, in quo datur intelligi, quod hic ritus Ecclesiae non
cessabit usque ad finem mundi, secundum illud Matth. ult. : ecce ego
vobiscum sum usque ad consummationem saeculi. Et Lc. XXI, 32 — non
praeteribit generatio haec, scilicet Ecclesiae, donec omnia fiant. |
Saint Paul,
après avoir rappelé l’institution du sacrement de l’Eucharistie quant à la
consécration du corps de Jésus-Christ, traite ici de cette institution quant
à la consécration du sang. Il expose I° l’ordre de cette institution ; II° les paroles
(verset 25) : Ce calice, etc. I° Or l’ordre peut être considéré à deux points de vue. I. Au point de vue de
la concomitance de l’une et l’autre espèce (verset 25) : Il prit de même
le calice. L’état parfait du sacrement exige l’un et l’autre, à la fois
pour la perfection de la réfection spirituelle, à la fois comme mémorial de
la passion, et pour opérer efficacement le salut de l’âme et du corps, comme
il a été dit plus haut. Mais, si dans ce sacrement on consacre d’abord le
corps de Jésus-Christ et ensuite le sang, il semble en découler qu’avant la
consécration du sang le corps de Jésus-Christ est privé de sang. Quelques
auteurs, regardant cette séparation comme inconvenante, ont dit que les deux
formes s’attendent réciproquement pour opérer, en sorte que la première, qui
est celle de la consécration du corps, n’obtient son effet qu’après que la
forme de la consécration du sang a été prononcée ; de même que,
avons-nous dit, les paroles prononcées pour la consécration du corps
n’obtiennent leur effet qu’après que toutes celles de la forme sacramentelle
ont été prononcées. Il n’y a pas parité. Car la signification des paroles par
lesquelles est consacré le corps de Jésus-Christ n’est complète qu’après
qu’elles ont été entièrement prononcées ; et, parce que les paroles
sacramentelles opèrent ce qu’elles signifient, elles ne peuvent obtenir leur
effet avant qu’elles ne soient entièrement prononcées. Mais alors elles ont
leur pleine signification, même avant que soient proférées les paroles de la
consécration du sang, et, par conséquent, il est nécessaire qu’elles aient
dès ce moment leur effet. S’il en était autrement, le prêtre pécherait quand,
aussitôt après les paroles de la consécration, il expose à l’adoration du
peuple une hostie, non consacrée, puisque le corps du Christ n’y serait pas
encore ; autrement le prêtre porterait le peuple à l’idolâtrie. Disons donc
qu’avant la consécration du sang, le corps de Jésus-Christ est dans le
Sacrement, et qu’il n’y est pas sans le sang. En effet, il ne faut pas
oublier que ce qui est contenu dans ce sacrement y est de deux manières :
d’abord par la vertu de la consécration, à savoir ce à quoi se termine le
changement du pain et du vin, comme le désigne la forme de la consécration.
C’est de cette manière que le corps de Jésus-Christ est sous l’espèce du pain.
D’autre part, il y a encore dans ce sacrement autre chose par une
concomitance réelle : ainsi la divinité du Verbe s’y trouve par suite de
l’union indissoluble entre le Verbe et le corps de Jésus-Christ, bien que la
substance du pain ne soit changée d’aucune manière en la divinité. De même
encore, l’âme de Jésus-Christ y est présente, parce qu’elle est réellement
unie à son corps. Néanmoins, si, pendant les trois jours qui suivirent la
mort de Jésus-Christ, son corps avait été consacré par un apôtre, l’âme n’y
aurait pas été présente, parce qu’alors elle était en réalité séparée du
corps. Il faut en dire autant du sang, car sous les espèces du pain, par la
vertu de la consécration, se trouve présent le corps de Jésus-Christ, auquel
est changée la substance du pain. Mais le sang s’y trouve aussi, par une
concomitance réelle, parce qu’à ce moment le sang n’est pas en réalité séparé
de son corps. Par la même raison, sous l’espèce du vin, en vertu de la
consécration, se trouve le sang de Jésus-Christ, et par une concomitance
réelle le corps, en sorte que sous chaque espèce se trouve Jésus-Christ tout
entier. Si, au temps de la passion, quand le sang de Jésus-Christ était
répandu hors de son corps, un apôtre eût consacré l’Eucharistie sous l’espèce
du pain, il n’y aurait eu que le corps de Jésus-Christ, sans son sang, et
sous l’espèce du vin il n’y aurait eu que son sang. II. En second lieu,
l’ordre peut être considéré par comparaison avec la nourriture matérielle que
Jésus et les apôtres avaient prise immédiatement auparavant (verset 25) : Après
qu’il eut soupé.. Paul paraît noter cette circonstance à dessein.
Jésus-Christ, en effet, donna son corps pendant la Cène ; saint Matthieu
(XXVI, 26) le dit : "Pendant qu’ils soupaient, Jésus prit du pain, etc."
Mais le Seigneur donna son sang certainement après le souper ; (Luc,
XXII, 20) : "Il prit de même le calice après qu’il eut soupé, disant,
etc." La raison
en est que le corps de Jésus-Christ représente le mystère de l’Incarnation,
qui fut opéré pendant que les observances légales étaient encore en vigueur ;
or, parmi les observances, la principale était le repas avec l’agneau pascal.
Mais le sang de Jésus-Christ, dans le Sacrement, représente directement la
passion dans laquelle il a été répandu, et par laquelle ont pris fin toutes
les observances légales. C’est de là que dans l’épître aux Hébreux (IX, 12)
il est dit que "C’est avec son propre sang qu’il est entré une fois
pour toutes dans le sanctuaire, ayant acquis une rédemption éternelle." II° L’Apôtre expose ensuite les paroles, en disant (verset 25) : Ce
calice, etc. I. Il démontre
la vérité de ce sacrement ; II. il en
prescrit l’usage (verset 25) : Faites ceci, etc. Quant à la première
partie, il dit donc (verset 25) : Ce calice, etc., paroles qu’on peut
entendre de deux manières : 1° par métonymie, c’est-à-dire en
mettant le contenant pour le contenu, comme si Jésus-Christ disait :
« ce qui est contenu dans ce calice ». Cette façon de parler est
plus correctement employée dans la consécration du vin, qui en raison de sa
nature humide a besoin d’être renfermé dans un corps étranger, tandis que le
pain, à raison de sa nature solide, peut se soutenir de lui-même. 2° On peut entendre ces paroles
métaphoriquement ; tel serait le sens : de même que la coupe produit
l’enivrement et le trouble, ainsi en est-il de la passion. C'est de là qu’il
est dit en saint Matthieu (XX, 22) : "Pouvez-vous boire le calice que
je boirai ?" et (Matthieu XXVI, 39) : "Que ce calice
s’éloigne de moi." Le sens est donc : Ce calice, c’est-à-dire
ce qui est contenu dans ce calice ; ou encore, cette passion que je vais
subir, est la nouvelle alliance en mon sang. Remarquez
que ce mot "Testament," dans la sainte Ecriture, s’entend de deux
manières : A) d’abord communément pour n’importe
quel pacte confirmé par des témoignages. A ce point de vue, il faut
considérer que Dieu a fait de deux manières un pacte avec le genre humain : a) d’abord en promettant des biens en
cette vie, et en délivrant des maux du temps : on appelle cette alliance
l’Ancien pacte ou Testament ; b) ensuite en
promettant des biens spirituels et en délivrant des maux opposés : cette
alliance s’appelle le Nouveau Testament. C’est de là qu’il est dit (Jér.,
XXXI, 31) : "J’établirai avec la maison d’Israël et la maison de Juda
une nouvelle alliance, non pas selon l’alliance que j’ai formée avec leurs
pères, pour les tirer de la terre d’Egypte. Voici quelle sera cette alliance :
je graverai ma loi jusque dans leurs entrailles, et je serai leur Dieu."
Il faut aussi considérer que c’était chez les peuples anciens une coutume de
répandre le sang de quelque victime pour confirmer les alliances ; aussi
lit-on (Gen., XXXI, 54) que, lorsque Laban et Jacob eurent fait alliance,"après
avoir immolé des victimes sur la montagne, Jacob appela ses frères."
C’est ainsi encore qu’il est rapporté (Exode, XXIV, 8) que "Moïse,
ayant pris du sang, le répandit sur le peuple et dit : Voici le sang de
l’alliance que le Seigneur a faite avec vous." De même donc que le
pacte ou l’Ancien Testament fut confirmé par le sang figuratif des taureaux,
ainsi le Testament ou le pacte Nouveau a été confirmé par le sang de
Jésus-Christ qui a été répandu dans sa passion. C’est ainsi que le Sacrement
est contenu dans ce calice. B) Le mot
"Testament" peut, en second lieu, se prendre, dans un sens plus
rigoureux, pour la disposition d’un héritage à recevoir, qu’il est
nécessaire, d’après la loi, de faire confirmer par un certain nombre de
témoins. Le testament, ainsi entendu, ne devient stable que par la mort, car,
comme dit l’Apôtre (Hébr., IX, 47) : "Le testament n’est effectif
qu’en cas de mort, et il n’a pas de force tant que le testateur est encore
vivant." Or Dieu, d’abord, avait fait une disposition de l’héritage
éternel à recevoir, mais sous la figure des biens temporels : c’est le
Testament Ancien ; mais dans la suite il fit un Nouveau Testament, promettant
expressément cet héritage éternel : ce testament fut confirmé par le sang et
la mort de Jésus-Christ. Et le Seigneur, pour l’exprimer, dit : Ce calice
est la nouvelle alliance en mon sang ; en d’autres termes : par ce
qui est contenu dans ce calice, il y a commémoration du Testament Nouveau,
confirmé par le sang de Jésus-Christ. Il faut remarquer que ces mêmes paroles
rappelées ici par l’Apôtre se trouvent en Luc (XXII, 20), qui ajoute
seulement : "qui sera répandu pour vous." Luc fut disciple
de saint Paul et l’a suivi pour la rédaction de son évangile. Mais en saint
Matthieu (XXVI, 28) il est dit : "Car ceci est mon sang, le sang de
la nouvelle alliance, qui sera répandu pour plusieurs, afin que leurs péchés
soient remis." On trouve aussi les mêmes paroles en saint Marc (XIV,
24). Quelques auteurs ont dit que, quelle que soit la forme de ces paroles
sacramentelles, dès lors qu’elles sont dans les Ecritures canoniques elles
suffisent pour la consécration. Mais il semble qu’on doive dire avec plus de
probabilité, que la consécration n’est opérée que par les seules paroles dont
l’Eglise se sert d’après la tradition qui nous vient des apôtres. Car les
évangélistes ont eu l’intention de rapporter les paroles du Seigneur en tant
que c’ était nécessaire pour l’histoire, et non en tant qu’elles ont rapport
à la consécration des sacrements, dont les formes étaient tenues secrètes
dans la primitive Eglise, à cause des infidèles. C’est pour cette raison que
saint Denis (dernier chapitre de la Divine Hiérarchie) dit : « Il
n’est pas permis d’exposer par écrit les invocations de la consécration, ni
de faire passer du secret à la publicité le mystère qu’elles renferment et
les prodiges que Dieu y opère. » Sur les paroles dont l’Eglise se
sert pour la consécration du sang, on a pensé que toutes ne sont pas
essentielles à la forme, mais seulement celles-ci : Ceci est le calice de
mon sang, et non ce qui suit : du nouveau et de l’éternel Testament,
mystère de foi, qui sera répandu pour vous et pour plusieurs en rémission des
péchés. Toutefois
cette opinion ne paraît pas admissible, car toutes les paroles qui viennent à
la suite déterminent en quelque sorte ce qui a été dit d’abord, et appartiennent
par conséquent au sens ou à la signification de la phrase. D’ailleurs, nous
avons dit souvent que les formes des sacrements opèrent ce qu’elles
signifient : donc toute la phrase appartient à la puissance effective de la
forme. La raison qu’on apporte en faveur du sentiment contraire, à savoir
que, dans la consécration du corps, il suffit de dire : Ceci est mon
corps, n’a aucune valeur. En effet, le sang, consacré à part, représente
spécialement la passion de Jésus-Christ, par laquelle le sang a été séparé du
corps ; donc, pour consacrer le sang, il faut exprimer la vertu de la passion
de Jésus-Christ, qui est l’objet qu’on a en vue, d’abord par rapport à
notre faute, que cette passion efface, suivant cette parole de l’Apocalypse
(I, 5) : "il nous a lavés de nos péchés en son sang." Quant
à cet effet, il dit : qui sera répandu pour vous et pour plusieurs en
rémission des péchés. En effet, ce sang a été versé pour la rémission des
péchés, non seulement pour plusieurs, mais pour tous (1 Jean II, 2) : "Il
est lui-même la victime de propitiation pour nos péchés, et non seulement
pour les nôtres, mais aussi pour ceux de tout le monde." Mais, comme
quelques personnes se rendent indignes de profiter d’un semblable effet,
c’est pour affirmer son efficacité qu’il est dit : répandu pour plusieurs,
en qui la passion de Jésus-Christ produit son effet. L’Apôtre dit cependant à
dessein, en termes exprès : pour vous et pour plusieurs, parce que ce
sacrement opère pour la rémission des péchés dans ceux qui le reçoivent, en
tant que sacrement, effet exprimé spécialement par ces mots : pour vous,
à savoir pour ceux auxquels le Seigneur avait dit auparavant : Recevez.
Il opère aussi, en tant que sacrifice, pour plusieurs qui ne le reçoivent
pas, mais pour qui il est offert, ce qui est exprimé par ces mots : et
pour plusieurs. Secondement, on considère dans ces paroles la
vertu de la passion de Jésus-Christ par rapport à la vie de justice qu’elle
produit par la foi ; (Rom., III, 24) : "Ils sont justifiés
gratuitement par sa grâce, par la rédemption qui vient de Jésus-Christ, que
Dieu a offert pour être la victime de propitiation par la foi en son
sang." On marque cet effet par ces mots : mystère,
c’est-à-dire chose cachée, de foi, car la foi de la passion de Jésus-Christ
était cachée dans tous les sacrifices de l’Ancien Testament, comme la vérité
sous le signe. Or ce mystère, l’Eglise l’a reçu de la tradition des apôtres,
puisqu’il n’est pas exprimé dans le canon des Ecritures. Troisièmement,
on considère cette vertu par rapport à la vie de la gloire, dans laquelle les
élus sont introduits par la passion de Jésus-Christ, suivant cette parole
(Hébr., X, 19) : "Ayant donc, par le sang de Jésus-Christ, la liberté
d’entrer dans le sanctuaire céleste avec une pleine confiance." On
indique cet effet par ces mots : du nouveau et éternel Testament ;
éternel, d’abord, car c’est la disposition de l’héritage éternel ; et
nouveau, à la différence de l’ancien Testament, qui promettait les biens
temporels. C’est pourquoi il est dit (Hébr., IX, 15) : "Par là il est
devenu le médiateur du Testament nouveau, afin que par la mort qu’il a
soufferte, ceux qui sont appelés reçoivent l’héritage de la promesse
éternelle." II. Quand l’Apôtre
ajoute (verset 25) : Faites ceci..., il prescrit l’usage de ce
sacrement, en disant : Faites ceci, toutes les fois que vous boirez ce
calice, en mémoire de moi, c’est-à-dire en mémoire de ma passion. Le
Prophète dit dans ce sens (Lament., III, 20) : "Je repasserai ces
choses dans ma mémoire, et mon âme se brisera en moi" et (Isaïe,
XLIII, 7) : "Je me souviendrai des miséricordes du Seigneur." Il faut
remarquer ici que, pour les raisons ci-dessus apportées, on doit mettre du
vin dans le calice, principalement en tout cas. On doit aussi y ajouter de
l’eau, car il est probable que Jésus-Christ, à la Cène, donna à ses apôtres
du vin trempé, suivant la coutume du pays, où, pour modérer la force du vin,
tout le monde boit le vin coupé d’eau. La Sagesse dit (Prov., IX, 5) : "Buvez
le vin que j’ai mélangé pour vous." Néanmoins, l’eau mêlée au vin
marque le peuple chrétien qui est uni à Jésus-Christ par sa passion, selon
cette parole (Apoc., XVII, 15) : "Les eaux sont les peuples et les
nations." Quant à la participation par les fidèles au sang de
Jésus-Christ, elle appartient à l’usage du sacrement, mais n’est pas de
nécessité pour ce sacrement. Cependant la consécration du vin sans eau est
valide, bien qu’il y ait faute de la part de celui qui consacre à ne pas
suivre le rite de l’Eglise. Voilà pourquoi, si le prêtre, avant la
consécration du vin, s’aperçoit qu’il n’a pas mêlé d’eau dans le calice, il
doit en mettre. Que s’il ne s’en aperçoit qu’après la consécration, il ne
doit pas en mettre, mais achever le sacrement ; car, après la consécration,
on ne doit rien mêler au sang de Jésus-Christ, attendu que cette admixtion ne
pourrait se faire sans quelque altération du vin consacré, ce qui serait un
sacrilège. Quelques auteurs prétendent que, comme il a coulé de l’eau et du
sang du côté de Jésus-Christ quand il était sur la croix, ainsi qu’il est
rapporté (Jean XIX, 34), l’eau est changée en eau, comme le vin est changé en
sang. Mais cette explication n’est pas admissible, car cette eau est la
figure de l’ablution du baptême. D’autres disent qu’après que le vin est
changé en sang, l’eau demeure dans sa propre substance et se trouve
enveloppée par les accidents du vin. Mais ce sentiment n’est pas non plus
admissible, car l’eau est mêlée au vin avant la consécration, à un moment où
ce vin trempé ne diffère point d’un autre vin ; l’eau ne reste donc point à
part, mais se mêle au vin. Il faut donc répondre que l’eau est changée en
vin, et que le tout est changé au sang de Jésus-Christ. De là est venue la
coutume de ne verser l’eau qu'en légère quantité, surtout si le vin est tellement
faible qu’il ne puisse changer en sa substance que très peu d’eau. III° Enfin, quand l’Apôtre dit (verset 26) : Car toutes les fois que,
etc. il explique les paroles du Seigneur, qui
avait dit : "Faites ceci en mémoire de moi." Il dit (verset
26) : Car toutes les fois que vous mangerez de ce pain, etc. ;
et par ces mots de ce pain, il indique que les espèces demeurent.
Il dit ce, parce que c’est numériquement le même corps qui est marqué
et contenu sous le signe ; et de ce calice, c’est-à-dire toutes les
fois que vous boirez de ce calice, vous annoncerez la mort du
Seigneur, à savoir en la représentant par ce sacrement, et cela jusqu’à
ce qu’il vienne, c’est-à-dire jusqu’à son dernier avènement ; parole qui
donne à entendre que ce rite de l’Eglise ne cessera pas jusqu’à la fin du
monde, suivant cette parole (Matthieu XXVIII, 20) : "Je suis avec
vous jusqu’à la consommation du siècle" ; et (Luc, XXI, 32) : "Cette
génération," c’est-à-dire l’Eglise, "ne passera pas que tout
cela n’arrive." |
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Lectio 7 |
Leçon 7 : 1 Corinthiens XI, 27-34 — Recevoir l'eucharistie avec respect |
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SOMMAIRE : L’Apôtre enseigne quels sentiments sont réservés à ceux qui participent au corps et au sang du Seigneur. Il prend de là occasion d’exhorter les fidèles à recevoir ce sacrement avec respect. |
[27] itaque quicumque manducaverit panem vel biberit calicem
Domini indigne reus erit corporis et sanguinis Domini [28] probet autem se ipsum homo et sic de pane illo edat et de
calice bibat [29] qui enim manducat et bibit indigne iudicium sibi manducat
et bibit non diiudicans corpus [30] ideo inter vos multi infirmes et inbecilles et dormiunt
multi [31] quod si nosmet ipsos diiudicaremus non utique iudicaremur [32] dum iudicamur autem a Domino corripimur ut non cum hoc
mundo damnemur [33] itaque fratres mei cum convenitis ad manducandum invicem
expectate [34] si quis
esurit domi manducet ut non in iudicium conveniatis cetera autem cum venero
disponam |
27. C’est
pourquoi quiconque mangera ce pain ou boira le calice du Seigneur indignement
sera coupable du corps et du sang du Seigneur. 28. Que
l’homme donc réprouve lui-même, et qu’il mange ainsi de ce pain, et qu'il
boive de ce calice ; 29. Car
quiconque en mange et en boit indignement mange et boit sa propre
condamnation, ne faisant pas le discernement du corps du Seigneur. 30. C'est
pour cette raison qu’il y a parmi vous beaucoup de malades et de
languissants, et que plusieurs s'endorment. 31. Que si
nous nous examinions nous-mêmes, nous ne serions pas ainsi jugés. 32. Mais
lorsque nous sommes jugés de la sorte, c’est le Seigneur qui nous châtie,
afin que nous ne soyons pas jugés avec le monde. 33. C'est
pourquoi, mes frères, lorsque vous vous assemblez pour ces repas,
attendez-vous les uns les autres. 34. Si
quelqu’un est pressé de manger, qu'il mange chez lui, afin que vous ne vous
assembliez pas à votre condamnation. Je réglerai les autres choses lorsque je
serai venu. |
[87666] Super 1 Cor.
[reportatio vulgata], cap. Secundo ex hoc quod aliquis non devota mente accedit ad Eucharistiam.
Quae quidem indevotio quandoque est veniale : puta cum aliquis, distracta
mente ad saecularia negotia, accedit ad hoc sacramentum habitualiter retinens
debitam reverentiam ad ipsum; et talis indevotio licet impediat fructum huius
sacramenti, qui est spiritualis refectio, non tamen facit reum corporis et
sanguinis domini, sicut hic apostolus loquitur. Quaedam vero indevotio est
peccatum mortale, quae scilicet est cum contemptu huius sacramenti, prout
dicitur Malach. I, 12 — vos polluistis nomen meum in eo quod dicitis :
mensa domini contaminata est, et quod supponitur contemptibile. Et de
tali indevotione loquitur Glossa. Tertio modo dicitur aliquis indignus ex eo quod
cum voluntate peccandi mortaliter, accedit ad Eucharistiam. Dicitur enim
Levit. XXI, 23 — non accedat ad altare qui maculam habet. Intelligitur
aliquis maculam peccati habere, quamdiu est in voluntate peccandi, quae tamen
tollitur per poenitentiam. Per contritionem quidem, quae tollit voluntatem
peccandi, cum proposito confitendi et satisfaciendi, quantum ad remissionem
culpae et poenae aeternae; per confessionem autem et satisfactionem quantum
ad totalem remissionem poenae et reconciliationem ad membra Ecclesiae. Et ideo in necessitate
quidem, puta quando aliquis copiam confessionis habere non potest, sufficit
contritio ad sumptionem huius sacramenti. Regulariter autem debet confessio
praecedere cum aliqua satisfactione. Unde in libro de Eccl. dogmatibus dicitur : communicaturus
satisfaciat lacrymis et orationibus, et confidens de domino mundus accedat ad
Eucharistiam intrepidus et securus. Sed hoc de illo dico quem capitalia
peccata et mortalia non gravant. Namque, quem mortalia crimina post Baptismum
commissa premunt, hortor prius publica poenitentia satisfacere, et ita
sacerdotis iudicio reconciliatum communioni sociari, si non vult ad
condemnationem Eucharistiam percipere. Sed videtur quod peccatores non
indigne accedant ad hoc sacramentum. Nam in hoc sacramento sumitur Christus,
qui est spiritualis medicus, qui de se dicit Matth. c. IX, 12 — non est
opus valentibus medicus, sed male habentibus. Sed dicendum quod hoc
sacramentum est spirituale nutrimentum, sicut Baptismus est spiritualis
nativitas. Nascitur autem aliquis ad hoc ut vivat, sed non nutritur nisi iam
vivus. Et ideo hoc sacramentum non competit peccatoribus, qui nondum vivunt
per gratiam : competit eis tamen Baptismus. Et, praeterea, Eucharistia est sacramentum
charitatis et ecclesiasticae unitatis, ut dicit Augustinus super Ioannem.
Cum igitur peccator careat charitate, et sit separatus merito ab Ecclesiae
unitate, si accedat ad hoc sacramentum, falsitatem committit, dum significat
se habere charitatem, quam non habet. Quia tamen peccator quandoque habet
fidem huius sacramenti, licitum est ei hoc sacramentum inspicere, quod omnino
infidelibus denegatur, ut Dionysius dicit III cap. ecclesiasticae
hierarchiae. Secundo considerandum est, quomodo ille qui
indigne sumit hoc sacramentum, sit reus corporis et sanguinis domini. Quod
quidem in Glossa tripliciter exponitur. Uno modo materialiter : incurrit enim
reatum ex peccato commisso circa corpus et sanguinem domini, prout in hoc
sacramento continetur, quod indigne sumit, et ex hoc eius culpa aggravatur.
Tanto est enim eius culpa gravior, quanto maior est contra quem peccatur. Hebr.
X, 29 — quanto magis putatis deteriora mereri supplicia eum, qui filium
Dei conculcaverit, et sanguinem testamenti pollutum duxerit? Secundo exponitur per similitudinem, ut sit
sensus reus erit corporis et sanguinis domini, et mortis domini poenas
dabit, hoc est, ac si Christum occiderit, punietur, secundum illud Hebr. VI,
6 — rursum crucifigentes sibimetipsis filium Dei, et ostentui habentes.
Sed secundum hoc videtur gravissimum esse
peccatum eorum qui indigne sumunt corpus Christi. Sed dicendum quod peccatum
aliquod habet gravitatem dupliciter. Uno modo ex ipsa specie peccati, quae
sumitur ex obiecto, et secundum hoc gravius est peccatum quod contra
divinitatem committitur, puta infidelitas, blasphemia vel aliquid huiusmodi,
quam quod committitur contra humanitatem Christi. Unde et ipse dominus Matth.
XII, 32 dicit, quod qui dixerit verbum contra filium hominis remittetur ei
: qui autem dixerit contra spiritum sanctum, non remittetur ei. Et
iterum, gravius est peccatum quod committitur contra humanitatem in propria
specie, quam sub specie sacramenti. Alio modo gravitas peccati attenditur ex
parte peccantis. Magis autem peccat qui ex odio aut invidia vel ex quacumque
malitia peccat, sicut peccaverunt illi qui Christum crucifixerunt, quam qui
peccat ex infirmitate, sicut interdum peccant illi qui indigne sumunt hoc
sacramentum. Non ergo per hoc intelligitur quod peccatum indigne sumentium
hoc sacramentum, comparetur peccato occidentium Christum secundum
aequalitatem sed secundum similitudinem speciei : quia utrumque est circa
eumdem Christum. Tertio modo exponitur reus erit corporis et
sanguinis domini, id est corpus et sanguis domini facient eum reum. Ita
enim bonum male sumptum nocet, sicut prodest malum quo quis bene utitur,
sicut stimulus Satanae Paulo. Per haec autem verba excluditur error quorumdam
dicentium, quod quam statim hoc sacramentum tangitur a labiis peccatoris,
desinit sub eo esse corpus Christi. Contra quod est quod apostolus dicit : quicumque
manducaverit panem hunc, vel biberit calicem domini indigne. Secundum
enim praedictam opinionem nullus indignus manducaret vel biberet.
Contrariatur autem praedicta opinio veritati huiusmodi sacramenti, secundum
quam tamdiu corpus et sanguis Christi manent in sacramento, quamdiu remanent
species, in quocumque loco existant. Deinde cum dicit probet autem, etc.,
adhibet remedium contra praedictum periculum. Et primo ponit remedium;
secundo assignat rationem, ibi qui enim manducat, etc.; tertio
rationem manifestat per signum, ibi ideo inter vos, et cetera. Dicit ergo primo : quia tantum reatum incurrit
qui indigne sumit hoc sacramentum, ideo necesse est ut primo homo seipsum
probet, id est, diligenter examinet suam conscientiam, ne sit in eo voluntas
peccandi mortaliter, vel aliquod peccatum praeteritum, de quo non
sufficienter poenituerit. Et sic, post diligentem examinationem
securus, de pane illo edat, et de calice bibat, quia digne sumentibus
non est venenum, sed medicina. Gal. ult. : opus autem suum probet
unusquisque. I1 Cor. XIII, 5 — si estis in fide Christi, vos probate.
Deinde cum dicit quicumque enim manducaverit,
etc., assignat rationem praedicti remedii, dicens : ideo probatio
praeexigitur, qui enim indigne manducat et bibit, iudicium, id est
condemnationem, sibi manducat et bibit, sicut dicitur Io. V, 29 — resurget
qui male egerunt in resurrectionem iudicii. Non diiudicans corpus domini,
id est ex eo quod non discernit corpus domini ab aliis, indifferenter ipsum
assumens, sicut alios cibos. Lev. XXII, 3 — omnis homo qui accesserit ad ea
quae consecrata sunt, in quo est immunditia, peribit coram domino. Sed contra videtur esse quod dicitur Io. VI, 58 —
qui manducat me, vivit propter me. Sed dicendum est, quod duplex est
modus manducandi hoc sacramentum, scilicet spiritualis et sacramentalis.
Quidam ergo manducant sacramentaliter et spiritualiter, qui scilicet ita
sumunt hoc sacramentum, quod etiam rem sacramenti participant, scilicet
charitatem, per quam est ecclesiastica unitas. Et de talibus intelligitur
verbum domini inductum : qui manducat me, vivit propter me. Quidam
vero manducant sacramentaliter tantum, qui scilicet ita hoc sacramentum
percipiunt, quod rem sacramenti, id est, charitatem non habent, et de talibus
intelligitur quod hic dicitur : qui manducat et bibit indigne, iudicium
sibi manducat et bibit. Est autem praeter duos modos quibus sumitur
sacramentum hoc, tertius modus sumendi, quo manducatur per accidens, dum
scilicet sumitur non ut sacramentum, quod quidem contingit tripliciter. Uno
modo sicut quando aliquis fidelis sumit hostiam consecratam, quam non credit
esse consecratam; talis enim habet habitum utendi hoc sacramento, sed non
utitur eo actu, ut sacramento. Alio modo sicut quando hostiam consecratam
sumit aliquis infidelis, qui nullam fidem habet huius sacramenti; talis enim
non habet habitum utendi hoc sacramento, sed solum potentiam. Tertio modo
sicut quando hostiam sacratam comedit mus vel quodlibet animal brutum, quod
etiam non habet potentiam utendi hoc sacramento. Ex hoc igitur quod
spiritualiter sumentes hoc sacramentum acquirunt vitam, alliciuntur quidam ad
hoc quod frequenter hoc sacramentum assumant. Ex hoc autem quod indigne
sumentes acquirunt sibi iudicium, plures deterrentur, ut rarius sumant : et
utrumque commendandum videtur. Legimus enim Lc. XIX, 6, quod Zachaeus recepit
Christum gaudens in domum suam, in quo eius charitas commendatur. Legitur
etiam eodem, VII, 6, quod centurio dixit Christo : non sum dignus ut
intres sub tectum meum. In quo commendatur honor et reverentia eius ad
Christum. Quia tamen amor praefertur timori, per se loquendo, commendabilius
esse videtur quod aliquis frequentius sumat, quam quod rarius. Quia tamen
quod est in se eligibilius, potest esse minus eligibile quantum ad hunc vel
illum : considerare quilibet in seipso debet, quem effectum in se habeat
frequens susceptio huius sacramenti. Nam si aliquis sentiat se proficere in
fervore dilectionis ad Christum et in fortitudine resistendi peccatis, quae
plurimum consequuntur homines, debet frequenter sumere. Si vero ex frequenti
sumptione sentiat aliquis in se minus reverentiam huius sacramenti, monendus
est ut rarius sumat. Unde et in libro de ecclesiasticis dogmatibus dicitur :
quotidie Eucharistiam sumere, nec laudo nec vitupero. Deinde cum dicit ideo inter vos, etc.,
manifestat praedictam rationem per signum. Et primo ponit signum; secundo
assignat causam illius signi, ibi quod si nosmetipsos, et cetera. Circa primum considerandum est, quod, sicut
Augustinus dicit in I de Civit. Dei,
cap. VIII — si omne peccatum nunc manifeste Deus plecteret poena, nihil
ultimo iudicio reservari putaretur. Rursus, si nullum peccatum nunc
puniret, nulla esse divina providentia crederetur. In signum ergo futuri
iudicii Deus etiam in hoc mundo pro peccato quosdam temporaliter punit, quod
maxime observatum videtur in principio legislationis, tam novae quam veteris.
Legimus enim Ex. c. XXXII, 28, propter peccatum vituli aurei adorati, multa
millia hominum perempta. Rursum legitur Act. V, 1-11, propter peccatum
mendacii et furti Ananiam et Saphiram interiisse. Unde et propter peccatum
huius sacramenti indigne sumpti, aliqui in primitiva Ecclesia puniebantur a
Deo infirmitate corporali vel etiam morte. Unde dicit ideo, scilicet
in signum futuri iudicii, inter vos, multi indigne sumentes corpus
Christi, sunt infirmi corporaliter. Ps. XV, v. 4 — multiplicatae
sunt infirmitates. Et imbecilles, id est longa invaletudine laborantes, et dormiunt multi,
scilicet morte corporali, secundum quod sumitur dormitio I ad Thess. IV, 12 —
nolumus vos ignorare de dormientibus. Deinde cum dicit quod si nosmetipsos,
etc., assignat duplicem rationem praedicti signi, quarum prima sumitur ex
parte nostri, secunda ex parte Dei, ibi cum iudicamur autem, et
cetera. Ex parte autem nostra causa divinae punitionis est a negligentia, quia
in nobis ipsis peccata commissa punire negligimus. Unde dicit quod si
nosmetipsos diiudicaremus, redarguendo et puniendo peccata nostra, non
utique iudicaremur, id est, non puniremur a domino neque postmodum in
futuro, neque etiam in praesenti. Sed contra est quod supra IV, 3 dictum est : sed neque meipsum
iudico, et Rom. XIV, 22 dicitur : beatus qui non iudicat semetipsum.
Sed dicendum est quod aliquis potest seipsum iudicare tripliciter : uno modo
discutiendo, et sic aliquis debet iudicare seipsum et quantum ad opera
praeterita et quantum ad futura, secundum illud Gal. ult. : opus suum
probet unusquisque. Alio modo sententialiter seipsum absolvendo, quasi
iudicando se innocentem quantum ad praeterita, et secundum hoc nullus debet
iudicare seipsum, ut scilicet se innocentem iudicet, secundum illud Iob IX,
20 — si iustificare me voluero, os meum condemnabit me. Si innocentem me
ostendero, pravum me comprobabit. Tertio modo reprehendendo, ut scilicet
faciat aliquid quod ipse iudicat esse malum. Et hoc modo intelligitur quod
inductum est : beatus est qui non iudicat semetipsum in eo quod probat.
Sed quantum ad ea quae iam fecit, debet quilibet se ipsum iudicare,
reprehendendo et puniendo pro maleficiis. Unde dicitur Iob XIII, 15 — vias
meas in conspectu eius arguam, et XXIII, 4 — ponam coram eo iudicium,
et os meum replebo increpationibus. Et de hoc iudicio Augustinus dicit in
libro de poenitentia, et inducitur hic in Glossa : versetur ante oculos
nostros imago futuri iudicii, et ascendat homo adversum se ante faciem suam,
atque constituto in corde iudicio adsit accusans cogitatio, et testis
conscientia, et carnifex cor. Inde quidem sanguis animi confitentis per
lacrymas profluat, postremo ab ipsa mente talis sententia proferatur, ut se
indignum homo iudicet participem corporis et sanguinis domini. Deinde cum dicit cum iudicamur autem,
etc., ponit causam quae est ex parte Dei, dicens cum iudicamur autem, a
domino, id est in hoc mundo punimur, corripimur, id est hoc fit ad
correctionem nostram, ut scilicet quilibet propter poenam quam sustinuit a
peccato recedat. Unde et Iob V, 17 dicitur : beatus vir qui corripitur a
domino. Et Prov. III, 12 — quem diligit dominus, corripit. Vel etiam dum per poenam
unius, alius peccare desistit, Prov. XIX, 25 — pestilente flagellato
stultus sapientior erit, et hoc ideo, ut non damnemur, aeterna
damnatione in futuro, cum hoc mundo, id est cum hominibus mundanis. Deinde cum dicit itaque, fratres mei,
etc., reducit eos ad debitam observantiam : et primo ponitur id quod nunc
ordinat, secundo ponitur promissio de ordinatione futura, ibi caetera
autem. Circa primum tria facit. Primo ponit ordinationem
suam, dicens itaque, fratres mei, etc., ne unusquisque coenam suam
praesumat ad manducandum, cum convenitis, scilicet in Ecclesia, ad
manducandum, scilicet corpus Christi, invicem expectate, ut
scilicet simul omnes sumatis. Unde Ex. XII, 6 dicitur : immolabit haedum
multitudo filiorum Israel. Secundo excludit excusationem, dicens si quis
autem esurit, etc., et non potest tantum expectare, domi manducet,
scilicet communes cibos, postmodum Eucharistiam non sumpturus. Eccli. XXXVI,
20 — omnem escam manducabit venter. Tertio rationem assignat, dicens ut
non conveniatis, scilicet ad sumendum corpus Christi, in iudicium,
id est in vestram condemnationem. Deinde ponitur promissio, cum dicit caetera,
scilicet quae non sunt tanti periculi, cum venero, praesentialiter, disponam,
qualiter scilicet ea conservare debeatis. Ex quo patet quod Ecclesia multa
habet ex dispositione apostolorum, quae in sacra Scriptura non continentur.
Eccli. X, 3 — civitates inhabitabuntur, id est Ecclesiae disponentur, per
sensum prudentium, scilicet apostolorum. |
Après avoir
relevé la dignité du sacrement de l’Eucharistie, saint Paul exhorte les fidèles
à le recevoir avec respect. I° il montre
le danger auquel s’exposent ceux qui le reçoivent mal ; II° il indique un
remède salutaire (verset 28) : Que l’homme donc s’éprouve lui-même, etc. I° Il dit donc d’abord (verset 27) : Ainsi donc, du moment
que ce pain sacramentel donné comme nourriture, est le corps de Jésus-Christ,
et que ce breuvage est le sang de Jésus-Christ (verset 27) : quiconque
mangera ce pain ou boira la coupe du Seigneur indignement sera coupable du
corps et du sang du Seigneur." I. Il faut, dans ces
paroles, remarquer comment on boit et on mange indignement. Suivant la Glose,
cela arrive de trois manières : 1° quant à la célébration même de ce
sacrement, à savoir quand on célèbre le sacrement eucharistique autrement que
Jésus-Christ ne l’a enseigné, par exemple si l’on y offrait d’autre pain que
celui de froment, ou une autre liqueur que le vin de la vigne. C’est pour
cette raison qu’au chapitre X, 1 du Lévitique, on rapporte que Nadab et Abiu,
fils d’Aaron, ayant offert devant le Seigneur "un feu étranger,
contrairement aux ordres reçus, un feu sorti de devant le Seigneur les
dévora." 2° Quand on s’approche de
l’Eucharistie sans dévotion. Cette absence de dévotion toutefois peut n’être
que vénielle, par exemple si quelqu’un y vient l’esprit préoccupé des choses
du siècle, mais conservant pourtant habituellement le respect dû à ce
sacrement. Et cette absence de dévotion, bien qu’elle empêche le fruit qu’on
retirerait de ce sacrement, à savoir la réfection spirituelle, ne rend pas
coupable du corps et du sang du Seigneur, comme le dit ici l’Apôtre. Mais il
est manque de dévotion qui est péché mortel : c’est celle qui est jointe au
mépris du sacrement ; (Malachie 1, 12) : "Et vous avez déshonoré
mon nom parce que vous dites : La table du Seigneur est souillée, et les
offrandes qu’on y dépose sont méprisables." La Glose parle de ce
manque de dévotion, péché mortel[6]. 3° Enfin on appelle indigne celui qui
s’approche de l’Eucharistie avec la volonté de pécher mortellement. En effet,
on lit au Lévitique (XXI, 23) : "Que celui qui a une tache ne
s’approche point de l’autel du Seigneur." Or on regarde comme ayant
la tache du péché, quiconque a la volonté de pécher, volonté que la pénitence
enlève, par la contrition d’abord, qui efface la volonté de pécher, si elle
est accompagnée du bon propos de se confesser et de satisfaire : car la
contrition remet la faute et la peine éternelle ; par la confession ensuite,
et par la satisfaction, qui procurent la rémission totale de la peine et la
réconciliation au corps de l’Eglise. Par conséquent, dans un cas de
nécessité, quand, par exemple, on n’a pas la possibilité de se confesser, la
contrition suffit pour la réception de ce sacrement ; mais régulièrement, la
confession accompagnée de quelque satisfaction doit précéder. Aussi (livre des Dogmes ecclésiastiques,
chap. I), il est dit : "Que celui qui doit communier satisfasse par
ses larmes et la prière, et, plein de confiance dans le Seigneur, après
s’être ainsi purifié, qu’il s’approche de la sainte Eucharistie sans crainte
ni frayeur. Toutefois je ne parle que de celui qui n’est pas chargé de fautes
capitales et mortelles ; car pour celui qui est souillé de fautes mortelles
commises depuis son baptême, je l’exhorte à satisfaire d’abord par la
pénitence publique, et à ne s’approcher de la communion qu’après s’être
réconcilié par le jugement du prêtre ; s’il ne veut recevoir l’Eucharistie
pour sa condamnation." Cependant il semble qu’on puisse dire que les
pécheurs ne s’approchent pas indignement de ce sacrement. Car on y reçoit
Jésus-Christ, qui est le médecin spirituel, comme il l’a dit en parlant de
lui-même (Matthieu IX, 12) : "Ce ne sont pas ceux qui se portent bien
qui ont besoin de médecin, mais les malades." Il faut répondre que
ce sacrement est un aliment spirituel, de même que le baptême est une
naissance spirituelle. Or on naît pour vivre, mais on ne reçoit pas de
nourriture si l’on n’est vivant. Voilà pourquoi ce sacrement ne peut convenir
aux pécheurs, qui ne vivent pas encore par la grâce, bien que le baptême leur
convienne. De plus, l’Eucharistie est le sacrement de la charité et de
l’unité de l’Eglise, comme saint Augustin le dit (Sur Jean, ch.
X). Du moment donc que le pécheur manque de la charité, et qu’il est, à juste
titre, séparé de l’unité de l’Eglise, s’il s’approche de ce sacrement, il
fait un acte qui manque de vérité, donnant à entendre qu’il a la charité,
tandis qu’il ne l’a pas. Cependant, parce que le pécheur conserve quelquefois
la foi de ce sacrement, il lui est permis de le voir, ce qui est absolument
refusé aux infidèles, comme saint Denis l’a dit (livre de la Divine
Hiérarchie, chap. III). II. Il faut ensuite
considérer comment celui qui reçoit indignement ce sacrement est coupable du
corps et du sang de Jésus-Christ. La Glose l’explique de trois manières : 1° il est coupable matériellement. En
effet, il devient coupable du péché commis à l’égard du corps et du sang de
Jésus-Christ, en tant que Notre Seigneur est contenu dans ce sacrement reçu
indignement, et ainsi la faute n’en est que plus grande, car elle l’est
d’autant plus que celui contre lequel on pèche est lui-même plus élevé ;
(Hébr., X, 29) : "Songez combien mérite de plus grands supplices
celui qui aura foulé aux pieds le Fils de Dieu et aura profané le sang de
l’alliance." 2° La Glose l’explique par similitude,
et donne ce sens : "Il sera coupable du corps et du sang du
Seigneur," et portera le châtiment de la mort du Seigneur,
c’est-à-dire il sera puni comme s’il avait mis à mort Jésus-Christ, selon
cette parole (Hébr., VI, 6) : "Ils crucifient de nouveau
Jésus-Christ, et l’exposent à l’ignominie." Selon cette
explication, le péché de ceux qui reçoivent indignement le corps de
Jésus-Christ ne parait-il pas le plus grave qui se puisse commettre ? Il faut
dire que le péché peut acquérir de la gravité de deux manières : d’abord, par
l’espèce même du péché, qui se caractérise du côté de son objet ; dans ce
sens, le péché commis contre la divinité, par exemple l’infidélité, le
blasphème ou quelque autre de ce genre, est plus grave que le péché commis
contre l’humanité de Jésus-Christ. Aussi le Seigneur dit-il lui-même
(Matthieu XII, 32) : "Quiconque parle contre le Fils de l’homme, il
lui sera remis ; mais si quelqu’un parle contre le Saint Esprit, il ne lui
sera pas remis. " De plus, le péché est plus grave quand il est
commis contre l’humanité de Jésus-Christ dans sa forme propre que dans la
forme sacramentelle. En second lieu, la gravité d’un péché se mesure du côté
du pécheur. Or celui-là qui pèche par haine, par jalousie ou par quelque
autre malignité, comme les gens qui crucifièrent Jésus-Christ, pèche plus
grièvement que celui qui succombe par faiblesse, comme il arrive quelquefois
pour ceux qui s’approchent indignement de ce sacrement. Il ne faut donc pas
comprendre, de ce qui précède, que le péché de ceux qui reçoivent indignement
l’Eucharistie soit semblable au crime de ceux qui ont mis à mort
Jésus-Christ, sous le rapport de l’égalité, mais sous le rapport de l’espèce,
car l’un et l’autre attaquent ce même Jésus-Christ. 3° On donne à ces paroles : "Il
sera coupable du corps et du sang de Jésus-Christ," ce sens : le
corps et le sang de Jésus-Christ font de lui un coupable. En effet, le bien,
quand on le prend mal, est nuisible, comme le mal, quand on en a fait bon
usage, est profitable, par exemple l’aiguillon de Satan pour saint Paul. Par
ces paroles donc, se trouve réfutée l’erreur de ceux qui disent qu’aussitôt
que ce sacrement est touché par les lèvres du pécheur, le corps de
Jésus-Christ cesse d’y être présent. L’apôtre les contredit en disant (verset
27) : Quiconque donc mangera ce pain ou boira ce calice du Seigneur
indignement. Car d’après le sentiment erroné que nous réfutons, aucun
pécheur indigne ne mangerait ni ne boirait. Cette opinion est opposée
à la vérité du sacrement, d’après laquelle le corps et le sang de
Jésus-Christ résident dans l’Eucharistie aussi longtemps que subsistent les
espèces, en quelque lieu qu’elles soient. II° Quand l’Apôtre ajoute (verset 28) : Que l’homme donc s’éprouve
lui-même, etc., il indique le
remède qui préviendra le danger dont il vient de parler. I. Il indique ce
remède ; II. il en donne
la raison (verset 29) : Car celui qui mange, etc. ; III. il explique cette
raison par une preuve (verset 30) : C’est pourquoi parmi vous, etc. I. Il dit donc :
Puisque celui qui reçoit indignement ce sacrement se rend coupable d’un si
grand crime, il est donc nécessaire d’abord (verset 28) que l’homme
s’éprouve lui-même, c’est-à-dire examine avec soin sa conscience, de peur
qu’il n’y ait en lui la volonté de pécher mortellement, ou quelque autre
péché ancien dont il ne se serait pas suffisamment repenti. Et alors,
après cet examen fait avec attention, désormais en sûreté, qu’il mange de
ce pain et boive de ce calice ; car pour ceux qui le reçoivent dignement
ce n’est plus un aliment dangereux, mais un remède ; (Gal., VI, 4) : "Que
chacun examine bien ses propres actions" ; et (I1 Cor., XIII,
5) : "Si vous êtes dans la foi au Christ, éprouvez-vous
vous-mêmes." II. Lorsqu’il dit
(verset 29) : Car celui qui mange et boit indignement, etc., saint
Paul assigne la raison du remède qu’il a indiqué, en disant : Si la
préparation est d’abord exigée, c’est que (verset 29) : celui qui mange et
qui boit indignement, mange et boit son propre jugement, c’est-à-dire sa
condamnation, dans le sens de ces paroles (Jean V, 29) : "Ceux qui
auront mal agi ressusciteront pour la résurrection du jugement" ;
(verset 29) : ne faisant pas le discernement du corps du Seigneur,
c’est-à-dire parce qu’il ne discerne pas des autres aliments le corps du
Seigneur, le prenant indifféremment, comme on prend un aliment
ordinaire ; (Lévit., XXII, 3) : "Tout homme de votre race qui,
étant devenu impur, s’approche des choses qui auront été consacrées, périra
devant le Seigneur." On objecte
ces paroles de saint Jean (VI, 58) : "Celui qui me mange vivra aussi
par moi." Il faut répondre qu’il y a deux manières de manger ce
sacrement, l’une spirituelle, l’autre sacramentelle. Quelques-uns donc
mangent ce sacrement tout à la fois sacramentellement et spirituellement; ce
sont ceux qui le reçoivent avec de telles dispositions, qu’ils participent
aussi à ce que contient ce sacrement, à savoir la charité qui constitue
l’unité de l’Eglise. C’est à ceux-là que s’applique la parole du Seigneur
citée plus haut : "Celui qui me mange vivra aussi par moi."
D’autres mangent l’Eucharistie mais seulement sacramentellement ; ce sont
ceux qui considèrent ce sacrement de telle sorte, lorsqu’ils le reçoivent,
qu’ils n’ont pas ce que contient ce sacrement, à savoir la charité. A ceux-là
on applique les paroles de Paul : Celui qui mange et qui boit indignement
mange son jugement et boit sa condamnation. Outre ces deux manières de
recevoir ce sacrement, il en est une troisième, qui consiste à le manger
accidentellement, à savoir lorsqu’on le reçoit, mais pas comme un sacrement,
ce qui peut arriver de trois manières. Premièrement, quand un fidèle reçoit
une hostie qu'il ne croit pas consacrée, bien qu’elle le soit, ce fidèle, en
effet, a l’habitude d’user du sacrement, n’en use pas « en acte »
comme d’un sacrement. Secondement, quand un infidèle qui ne croit pas à ce
sacrement, reçoit une hostie consacrée ; car cet infidèle n’a pas l’habitude
d’user de ce sacrement, et n’en a que la puissance. Troisièmement, quand une
souris ou un autre animal sauvage ronge une hostie consacrée, car cet animal
ne saurait avoir la puissance d’en user. Donc, puisque ceux qui reçoivent
spirituellement ce sacrement acquièrent la vie, il y a des fidèles qui
sentent le besoin de s’en approcher fréquemment. Egalement, de ce que ceux
qui le reçoivent indignement se préparent leur jugement, d’autres s’effrayent
et ne le prennent que rarement : l’une et l’autre conduite paraissent dignes
d’éloges. Car nous lisons en Luc (XIX, 6) que Zachée reçut chez lui le
Sauveur avec joie, et en cela sa charité est louée. Nous lisons aussi
dans le même évangéliste (VII, 6) que le Centurion dit au Seigneur :
"Je ne suis pas digne que vous entriez dans ma maison" et en
cela paraissent avec éclat l’honneur et le respect qu’il porte au Christ.
Mais parce que, à considérer la chose en soi, l’amour est préférable à la
crainte, il paraît meilleur de s’approcher plutôt plus fréquemment que plus
rarement de l’Eucharistie. Cependant, comme ce qui est préférable en soi peut
l’être moins relativement à tel ou tel, chacun doit examiner en soi-même
quels fruits il retire de la réception fréquente de ce sacrement. Si l’on
reconnaît que l’on fait des progrès dans la ferveur de la dévotion pour
Jésus-Christ, que l’on a plus de force pour résister aux péchés (qui
triomphent plus ordinairement des hommes), on doit s’approcher fréquemment.
Si, au contraire, à cause de sa réception fréquente, on éprouve moins de
respect jour ce sacrement, c’est un avertissement qu’on doit s’en approcher
plus rarement. C’est pourquoi l’auteur du livre des Dogmes ecclésiastiques dit : "De recevoir la sainte
Eucharistie tous les jours, je ne le loue ni je ne le blâme." III. A ces paroles
(verset 30) : C’est pourquoi il y en a beaucoup parmi vous, etc…,
l’Apôtre développe, par une preuve, la raison qu’il a donnée. 1° Il indique cette preuve ; 2° il en assigne la cause (verset 31) :
Que si nous nous jugions nous-mêmes, etc… 1° Sur le premier de ces points, il
faut remarquer que, comme le dit saint Augustin (Cité de Dieu, liv. 1, ch. VIII) : "Si tout péché
était manifestement puni de Dieu en ce monde, on croirait que rien n’est
réservé au dernier jugement. D’autre part, s’il ne punissait maintenant
aucun péché, on croirait que la divine Providence n’existe pas. Donc, en
signe du jugement à venir, Dieu, même en ce monde, châtie temporellement
quelques individus pour leur péché. Nous le voyons agir ainsi, surtout après
la promulgation de la Loi soit nouvelle, soit ancienne ; car nous lisons dans
l’Exode (XXXII, 28) que plusieurs milliers d’hommes furent mis à mort après
le crime de l’adoration du veau d’or. On lit aussi aux Actes (V, 1 à 11)
qu’Ananie et Saphire furent frappés de mort pour leur péché de mensonge et de
vol. C’est pour cette raison encore que le péché commis par l’indigne
réception de l’Eucharistie était puni de Dieu dans la personne de certains au
temps de la primitive Eglise, soit par une infirmité corporelle, soit même
par la mort. Aussi saint Paul dit-il (verset 30) : C’est pourquoi,
c’est-à-dire en preuve du jugement futur, il y en a parmi vous beaucoup
qui, ayant reçu indignement le corps de Jésus-Christ, sont châtiés par
des infirmités corporelles ; (Psaume XV, 4) : "Ils
ont multiplié leurs infirmités" – et sont faibles, c’est-à-dire
travaillés par une longue indisposition, et beaucoup sont endormis, à
savoir de la mort corporelle, dans le sens où l’on prend le mot sommeil (I
Thess., IV, 13) : "Nous ne voulons pas que vous soyez dans
l’ignorance pour ce qui regarde ceux qui dorment." 2° En ajoutant (verset 31) : Que si
nous nous jugions nous-mêmes, etc. saint Paul donne une double raison de
la preuve qu’il a indiquée : la première est prise de notre côté ; la
seconde, du côté de Dieu (verset 32) : mais lorsque nous sommes jugés, etc. A) Or, de notre côté, la cause du
châtiment divin est notre négligence, parce que nous négligeons de punir, sur
nos propres personnes, les péchés que nous avons commis. C’est de là que
saint Paul dit (verset 34) : que si nous nous jugions nous-mêmes, en
réprimant et en punissant nos péchés, nous ne serions pas jugés,
c’est-à-dire nous ne serions pas punis par Dieu, ni dans le temps à venir, ni
même dans le temps présent.On objecte ce passage expliqué plus haut (IV, 3) :
Je ne me juge pas moi-même ; et (Rom., XIV, 22) : "Heureux
celui que sa conscience ne condamne pas !" Il faut répondre qu’on
peut se juger soi-même de trois manières : d’abord par voie de discussion
: dans ce sens, on doit se juger soi- même et quant aux oeuvres accomplies,
et quant aux oeuvres à accomplir, selon cette parole (Gal., VI, 4) : "Que
chacun examine bien ses propres actions." Ensuite par voie de sentence,
en s’absolvant soi-même, comme si l’on se jugeait innocent quant au passé :
dans ce sens, personne ne doit se juger soi-même et se regarder innocent,
suivant cette parole (Job, IX, 20) : "Si j’entreprends de me
justifier, ma propre bouche me condamnera. Si je veux montrer que je suis
innocent, elle me convaincra d’être coupable." Enfin par voie de condamnation,
comme si l’on faisait une chose qu’on juge soi-même être mauvaise ; c’est
dans ce sens qu’on entend le passage cité : "Heureux celui que sa
conscience ne condamne pas en ce qu’il approuve !" Mais quant aux
oeuvres déjà faites, chacun doit se juger soi-même en se reprenant et en se
punissant pour ce qu’il a fait de mal. C’est dans ce sens qu’il est dit (Job
XIII, 15) : "J’exposerai mes voies en sa présence" ; et
(Job, XXIII, 4) : "Je proposerai ma cause devant lui, je remplirai ma
bouche de preuves." De ce jugement, saint Augustin dit (De la Pénitence), et la Glose
cite ici ce passage : Que l’image du jugement à venir soit devant nos yeux
; que l’homme s’élève devant ses propres yeux contre lui-même ; et, après
avoir établi ainsi un tribunal dans son propre coeur, que la pensée remplisse
la fonction d’accusateur, la conscience celle de témoin, et le coeur l’office
de bourreau ; ensuite que le sang de l’âme pénitente coule dans ses larmes,
et que l’homme enfin prononce lui-même la sentence, de sorte que l’homme se
regarde comme indigne de participer au corps et au sang du Seigneur. B) En ajoutant (verset 32) : Mais
lorsque nous sommes jugés, etc. , l'Apôtre indique la cause, en la
prenant du côté de Dieu. Il dit : Mais lorsque nous sommes jugés, c’est
par le Seigneur, à savoir que nous sommes punis dans ce monde, que
nous sommes repris, c'est-à-dire que Dieu nous reprend pour nous corriger
; en d’autres termes, afin que chacun, par suite de la peine qu’il ressent,
s’écarte du péché. De là ces paroles de Job (V, 17) : "Heureux
l’homme que Dieu corrige lui-même !" et (Prov., III, 12) : "Le
Seigneur châtie celui qu’il aime." Ou bien encore, le châtiment de
l’un empêche l’autre de pêcher : (Prov., XIX, 25) : "Quand l’homme
corrompu est châtié, l’insensé devient plus sage" ; et cela se
fait (verset 32) : afin que nous ne soyons pas condamnés, de la
condamnation éternelle par le jugement à venir, avec le monde,
c’est-à-dire avec les hommes qui aiment le monde. III° Enfin, lorsque l’Apôtre dit (verset 33) : C’est pourquoi, mes
frères, etc., il ramène les Corinthiens à la pratique
convenable de ce sacrement. I. Il indique
ce qu’il règle pour le moment même ; II. il promet de régler le reste plus tard (verset 34) : Je
réglerai le reste. I. Sur la première
partie, 1° il définit ce qu’il règle, en
disant (verset 33) : C’est pourquoi, mes frères, etc., pour que
personne ne se hâte de prendre son repas avant ses frères, lorsque vous
vous assemblez, à savoir dans l’église, pour manger le corps de
Jésus-Christ, attendez-vous les uns les autres, en sorte que
vous preniez tous votre repas en commun. C’est ainsi qu’il est dit (Exode
XII, 6) : "Toute la multitude des enfants d’Israël immolera un
chevreau." 2° Il répond à une excuse, en disant
(verset 34) : Que si quelqu’un a faim, et ne peut pas attendre aussi
longtemps, qu’il mange chez lui, à savoir des aliments ordinaires, et
qu’alors il ne reçoive pas l’Eucharistie ; (Ecclésiastique XXXVI, 20) : "L’estomac
reçoit toute espèce de nourriture." 3° Il en assigne la raison, en disant
(verset 34) : afin que vous ne vous assembliez pas, à savoir dans le
dessein de recevoir le corps de Jésus-Christ pour votre jugement,
c’est-à-dire pour votre condamnation. II. Il exprime sa
promesse, en disant (verset 34) : Quant au reste, c’est-à-dire quant à
ce qui n’expose pas à un danger aussi grand, lorsque je serai venu, en
d’autres termes présent parmi vous, je le réglerai, à savoir comment
vous devez observer toutes ces choses. On voit par là que l’Eglise tient des
apôtres un grand nombre de règlements qui ne sont pas renfermés dans l’Ecriture ;
(Ecclésiastique X, 3) : "Les cités se peupleront par le bon sens des
gens prudents," en d’autres termes, les églises seront réglées par
la sagesse des Apôtres. |
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Caput 12 |
CHAPITRE XII — TOUS LES DONS VIENNENT DU MÊME ESPRIT |
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Lectio 1 |
Leçon 1 : 1 Corinthiens XII, 1-6 — Plusieurs grâces, un seul Esprit |
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SOMMAIRE : L'Apôtre traite des grâces spirituelles, et dit que, bien qu’elles soient diverses, elles sont données par un seul et même Esprit Saint. |
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[1] de spiritalibus autem nolo vos ignorare fratres [2] scitis quoniam cum gentes essetis ad simulacra muta prout
ducebamini euntes [3] ideo notum vobis facio quod nemo in Spiritu Dei loquens
dicit anathema Iesu et nemo potest dicere Dominus Iesus nisi in Spiritu
Sancto [4] divisiones vero gratiarum sunt idem autem Spiritus [5] et divisiones ministrationum sunt idem autem Dominus [6] et
divisiones operationum sunt idem vero Deus qui operatur omnia in omnibus |
1. Pour ce
qui est des dons spirituels, je ne veux pas que vous soyez dans l’ignorance,
mes frères. 2. Vous
vous souvenez qu’étant païens, vous vous laissiez entraîner, selon qu’on vous
menait vers les idoles muettes. 3. Je vous
déclare donc que nul homme parlant par l’Esprit de Dieu ne dit : Anathème à
Jésus ! et que nul ne peut confesser que Jésus est le Seigneur, sinon par le
Saint Esprit. 4. Il y a,
à la vérité, diversité des dons spirituels, mais il n’y a qu’un même Esprit. 5. Il y a
diversité de ministères, mais il n'y a qu'un même Seigneur. 6. Et y a
diversité d’opérations, mais il n’y a qu'un même Dieu qui opère tout en tous. |
[87667] Super 1 Cor. [reportatio vulgata],
cap. Circa primum duo facit. Primo principaliter
exponit quid intendat, dicens : dixi quod caetera, quae pertinent ad usum
sacramentorum, cum venero disponam, sed quaedam statim vobis tradere
oportet. Et hoc est quod dicit de spiritualibus autem, id est de donis
gratiarum quae sunt a spiritu sancto, o fratres, nolo vos ignorare.
Est enim maximum genus ingratitudinis ignorare beneficia accepta, ut Seneca
dicit in libro de beneficiis; et ideo ut homo non sit Deo ingratus, non debet
spirituales gratias ignorare. Supra II, 12 — spiritum accepimus qui ex Deo
est, ut sciamus quae a Deo donata sunt nobis. Is. V, 13 — propterea
captivus ductus est populus meus, quia non habuit scientiam, scilicet
spiritualium. Secundo ibi scitis, quoniam cum gentes,
etc., prosequitur suam intentionem et primo ostendit spiritualium gratiarum
necessitatem; secundo ponit gratiarum distributionem, ibi divisiones vero,
et cetera. Necessitas autem alicuius rei maxime cognoscitur
ex defectu ipsius. Unde circa primum duo facit. Primo ponit defectum quem
patiebantur ante susceptam gratiam; secundo concludit gratiae necessitatem,
ibi ideo notum vobis, et cetera. Dicit ergo primo : scitis, quasi experti, quoniam
cum gentes essetis, id est gentiliter viventes, nondum suscepta gratia
per Baptismum. Gal. II, 15 — nos enim natura Iudaei, non ex gentibus
peccatores. Eph. c. IV, 17 — gentes ambulant in vanitate sensus sui.
Eratis euntes quasi prompta mente et assidua, secundum illud Ier. VIII, 6 — omnes
conversi sunt ad cursum suum, quasi equus impetu vadens in proelium;
Prov. I, v. 16 — pedes eorum ad malum currunt. Ad simulacra muta,
scilicet adoranda et colenda, secundum illud Ps. CXIII, 5 — os habent et
non loquuntur. Et
ponitur specialiter in eis defectus locutionis, quia locutio est proprius
effectus cognitionis; unde ostenditur non intelligere simulacra, et per
consequens nihil divinitatis habere si sunt muta. Et hoc prout ducebamini,
id est sine aliqua resistentia. Ducebantur autem vel allecti ex pulchritudine
simulacrorum, unde dicitur in epistola Ier. : videbitis in Babylonia deos
aureos et argenteos, videte ne metus vos capiat in ipsis; aut etiam ex
imperio alicuius principis, sicut legitur Dan. III, 1, quod
Nabuchodonosor cogebat homines adorare statuam auream. Et II Mac. VI, 7
dicitur de quibusdam quod ducebantur cum amara necessitate in die natalis
regis ad sacrificia. Vel etiam instinctu Daemonum, qui ad hoc praecipue
anhelant, ut divinus cultus eis exhibeatur, secundum illud Matth. IV, 9 — haec
omnia tibi dabo, si cadens adoraveris me. Ibant ergo ad idola colenda,
prout ducebantur, id est sine aliqua resistentia, sicut de iuvene etiam
vecorde dicitur Prov. VII, v. 22 — statim eam sequitur, quasi bos
ductus ad victimam. Per hoc ergo apparet, quod homo ante susceptam
gratiam prompte currit in peccatum sine resistentia. Specialiter autem facit
mentionem de peccato idololatriae propter tria. Primo quidem, quia hoc est
peccatum gravissimum introducere alium Deum, sicut gravissime peccaret contra
regem qui alium regem in regnum eius introduceret. Unde dicitur Iob c. XXXI, 26
— si vidi solem cum fulgeret, et lunam incedentem clare, et osculatus sum
manum meam, scilicet quasi cultor solis et lunae, quae est iniquitas
maxima et negatio contra Deum altissimum. Secundo, quia a peccato idololatriae omnia alia
peccata oriebantur, secundum illud Sap. XIV, 27 — nefandorum idolorum
cultura omnis malis causa est. Tertio, quia hoc peccatum apud gentiles
commune erat et non reputabatur, unde in Ps. XCV, 5 dicitur : omnes dii
gentium Daemonia. Est autem considerandum quod quidam dixerunt hominem in peccato
mortali existentem sine gratia quadam non posse a peccato, cui subiacet,
liberari, quia remissio peccatorum non fit nisi per gratiam, secundum illud
Rom. III, 24 — iustificati per gratiam eius; posse autem se
praeservare a peccato mortali, sine gratia, per liberum arbitrium. Sed haec
positio non videtur vera. Primo quidem, quia non potest aliquis se a peccato
mortali praeservare, nisi omnia legis praecepta servando, cum nullus
mortaliter peccet nisi transgrediendo aliquod legis praeceptum; et ita posset
aliquis observare omnia legis praecepta sine gratia, quod est haeresis
Pelagiana. Secundo quia charitatem, per quam Deus diligitur super omnia,
nullus potest habere sine gratia, secundum illud Rom. V, 5 — charitas Dei
diffusa est in cordibus nostris per spiritum sanctum qui datus est nobis.
Non potest autem esse quod homo omnia peccata declinet, nisi Deum super omnia
diligat : sicut illud magis contemnitur, quod minus diligitur. Poterit ergo
esse per aliquod tempus, quod ille qui caret gratia, a peccato abstinebit
quousque occurrat illud, propter quod Dei praeceptum contemnet, a quo ducitur
ad peccandum. Signanter autem apostolus dicit prout ducebamini. Deinde cum dicit ideo notum vobis facio, etc., concludit duos
effectus gratiae, quorum primus est quod facit abstinere a peccato; secundus
est quod facit operari bonum et hoc ponit ibi et nemo potest, et
cetera. Dicit ergo primo : ex quo quando sine gratia eratis, prompte ad
peccandum currebatis, ideo notum vobis facio, quod si gratiam
habuissetis hoc vobis non contigisset, nemo enim in spiritu Dei, etc.,
id est, per spiritum Dei, loquens, dicit : anathema Iesu, etc., id est
blasphemiam contra Iesum secundum illud I Io. IV, 3 — omnis spiritus
qui solvit Iesum, ex Deo non est. Notandum quod supra posuit gravissimum
peccatum, quod est blasphemia, quod per gratiam declinatur, ut de aliis
minoribus peccatis intelligatur. Potest autem per hoc quod dicitur anathema
Iesu, intelligi quodlibet peccatum mortale. Anathema enim separationem
significat. Dicitur ab ana, quod est sursum, et thesis, quod est positio,
quasi sursum positum, quia olim res, quae ab usu hominum separabantur, suspendebantur
in templis vel in locis publicis. Omne autem peccatum mortale separat a Iesu, secundum illud Is. LIX, 2
— iniquitates vestrae diviserunt inter vos, et Deum vestrum. Quicumque
ergo mortaliter peccat, dicit corde vel ore : anathema, id est, separationem
a Iesu. Nemo ergo in spiritu Dei loquens dicit : anathema Iesu, quia nullus
per spiritum Dei peccat mortaliter, quia, ut dicitur Sap. I, 5 — spiritus
sanctus disciplinae effugiet fictum. Sed secundum hoc videtur quod quicumque habet
spiritum sanctum, non possit peccare mortaliter; quia etiam dicitur I Io.
III, 9 — omnis qui natus est ex Deo peccatum non facit, quoniam semen
ipsius in eo manet. Sed dicendum est quod quantum est ex spiritu Dei,
homo non facit peccatum, sed magis a peccato retrahitur. Potest tamen
peccatum facere ex defectu voluntatis humanae, quae spiritui sancto resistit,
secundum illud Act. VII, 51 — vos autem semper spiritui sancto restitistis.
Non enim per spiritum sanctum inhabitantem tollitur facultas peccandi a
libero arbitrio totaliter in vita praesenti. Et ideo signanter apostolus non
dixit : nemo spiritum Dei habens, sed nemo in spiritu Dei loquens. Deinde cum dicit et nemo potest, etc.,
ponit secundum effectum gratiae, scilicet quod sine ea homo non potest bonum
operari. Dicit ergo et nemo potest dicere, quod Iesus est dominus, nisi
in spiritu sancto. Contra quod videtur esse,
quia per spiritum sanctum homo introducitur in regnum caelorum, secundum
illud Ps. CXLII, 10 — spiritus tuus bonus deducet me in terram rectam.
Dominus autem dicit Matth. VII, 21 — non omnis qui dicit : domine, domine,
intrabit in regnum caelorum. Non omnis ergo qui dicit : dominum Iesum, dicit hoc in spiritu sancto.
Dicendum est autem quod dicere aliquid in spiritu sancto, potest intelligi
dupliciter. Uno modo in spiritu sancto movente, sed non habito. Movet enim
spiritus sanctus corda aliquorum ad loquendum, quos non inhabitat sicut
legitur Io. XI, 49 ss., quod Caiphas hoc quod de utilitate mortis Christi
praedixerat, a semetipso non dixit, sed per spiritum prophetiae. Balaam etiam
multa vera praedixit motus a spiritu sancto, ut legitur Num. c. XXIII et
XXIV, licet eum non haberet. Secundum hoc ergo intelligendum est quod nullus
potest dicere quodcumque verum, nisi a spiritu sancto motus, qui est spiritus
veritatis, de quo dicitur Io. XVI, 13 — cum autem venerit ille spiritus
veritatis, docebit vos omnem veritatem. Unde et in Glossa Ambrosius, hoc
in loco dicit : omne verum a quocumque dicatur, a spiritu sancto est.
Et specialiter in illis quae sunt fidei, quae per specialem revelationem
spiritus sancti sunt habita, inter quae est quod Iesus sit omnium dominus,
unde Act. II, 36 dicitur : certissime sciat omnis domus Israel, quia Deus
fecit hunc dominum Iesum quem vos crucifixistis. Alio modo loquitur aliquis in spiritu sancto
movente et habito. Et secundum hoc etiam potest verificari quod hic dicitur,
ita tamen quod dicere accipiatur non solum ore, sed etiam corde et opere. Dicitur enim aliquid corde,
secundum illud Ps. XIII, 1 — dixit insipiens in corde suo : non est Deus.
Dicitur etiam aliquid opere, inquantum exteriori opere aliquis suum conceptum
manifestat. Nemo, ergo nisi habendo spiritum sanctum, potest dicere
Iesum dominum, ita scilicet quod non solum hoc ore confiteatur, sed etiam
corde revereatur ipsum ut dominum et opere obediat ipsi quasi domino. Sic igitur ex verbis praemissis tria circa
gratiam considerare possumus. Primo quod, sine ea, peccatum homo vitare non
potest, secundum illud Ps. XCIII, 17 — nisi quia dominus adiuvit me, paulo
minus in Inferno habitasset anima mea. Secundo quod per eam
vitatur peccatum, secundum illud I Io. III, 9 — qui natus est ex Deo, non peccat.
Tertio quod sine ea non potest homo bonum facere, secundum illud Io. XV, 5 — sine
me nihil potestis facere. Deinde cum dicit divisiones vero, etc.,
incipit distinguere gratis datas, et primo distinguit eas in generali;
secundo manifestat in speciali, ibi unicuique autem datur, et cetera. In his autem quae per
gratiam spiritus sancti conferuntur, tria oportet considerare. Primo quidem
facultatem hominum ad operandum, secundo auctoritatem, tertio executionem
utriusque. Facultas quidem habetur per donum gratiae, puta per prophetiam vel
potestatem faciendi miracula, aut per aliquid huiusmodi. Auctoritas autem
habetur per aliquod ministerium, puta per apostolatum vel aliquid huiusmodi.
Executio autem pertinet ad operationem. Primo ergo distinguit gratias,
secundo ministeria, tertio operationes. Quantum ergo ad primum
ostendit necessitatem gratiae, quae tamen non totaliter advenit omnibus, nisi
Christo, cui datus est spiritus non ad mensuram, ut dicitur Io. III, v. 34; sed quantum ad alios sunt divisiones
gratiarum, quia quidam abundant in una, quidam in alia. Sicut enim in corpore
naturali caput habet omnes sensus, non autem alia membra, ita in Ecclesia
solus Christus habet omnes gratias, quae in aliis membris dividuntur, quod
significatur Gen. II, 12, ubi dicitur quod fluvius, scilicet
gratiarum, egrediebatur ad irrigandum Paradisum, qui inde dividitur in
quatuor capita. Et
Matth. XXV, v. 15 dicitur et quod uni dedit quinque talenta, alii duo,
alii unum. Et quamvis dona gratiarum sint diversa, quae a diversis
habentur, non tamen procedunt a diversis auctoribus, sicut ponebant gentiles,
qui sapientiam attribuebant Minervae, locutionem Mercurio, et sic de aliis.
Ad quod excludendum subdit idem autem spiritus, scilicet sanctus, qui
est auctor omnium gratiarum. Eph. IV, 4 — unum corpus, et unus spiritus,
et, Sap. VII, 22 — est spiritus unus et multiplex : unus in
substantia, multiplex in gratiis. Deinde ponit distinctiones ministrationum, dicens
et divisiones ministrationum sunt, id est diversa ministeria et
officia requiruntur ad gubernationem Ecclesiae. Praelati enim Ecclesiae ministri dicuntur, supra
c. IV, 1 — sic nos existimet homo ut ministros Christi. Pertinet autem
ad decorem et perfectionem Ecclesiae, ut in ea diversa ministeria sint, quae
significantur per ordines ministrantium, quod mirabatur regina Saba in domo
Salomonis, ut legitur III Reg. X, 5. Omnes tamen uni domino serviunt. Unde subditur idem autem
dominus. Supra VIII, 6 — nobis unus dominus Iesus Christus, per quem
omnia. Deinde ponit
distinctionem operationum, dicens et divisiones operationum sunt,
quibus aliquis in seipso bonum operatur, sicut per ministrationes ad
proximum. Ps.
CIII, 23 — exibit homo ad opus suum, scilicet sibi proprium. Eccli.
XXXIII, 11 — immutavit, id est distinxit, vias, id est
operationes, eorum, quae tamen omnes procedunt ab uno principio. Unde
subdit idem vero Deus, qui operatur omnia, sicut prima causa creans
omnes operationes. Ne tamen aliae causae
videantur esse superfluae subdit in omnibus, quia in causis
secundariis prima causa operatur. Isa. XXVI, 12 — omnia opera nostra
operatus es in nobis. Et notandum quod apostolus valde congrue gratias
attribuit spiritui qui est amor, quia ex amore procedit quod aliquid gratis
detur ministerii a domino cui ministratur; operationes Deo sicut primae
causae moventi. Et
quod dicit spiritus, potest referri ad personam spiritus sancti; quod
dicit dominus, ad personam filii; quod dicit Deus, ad personam
patris. Vel
haec tria possunt attribui spiritui sancto, qui est dominus Deus. |
Saint Paul,
après avoir traité de ce qui regarde trois sacrements, à savoir : le Baptême,
le Mariage et l’Eucharistie, commence ici à déterminer ce qui appartient à
l’effet des sacrements. Or les sacrements ont un double effet : l’un signifié
et contenu, c’est-à-dire la grâce, qui est donnée aussitôt que le sacrement
est reçu l’autre, signifié et non contenu, c’est-à-dire la gloire de la
résurrection, qui est attendue quand viendra la fin. L’Apôtre traite donc
d’abord des dons de la grâce ; ensuite, de la gloire de la résurrection
(ci-dessous, XV, 1) : Je vous rappelle, mes frères, etc. Dans la
première partie, saint Paul, pre-mièrement, traite des grâces gratuitement
données ; secondement, il préfère à toutes ces grâces la charité,
c’est-à-dire la grâce qui nous rend agréables à Dieu (ci-dessous XIII, 1) : Quand
je parlerais toutes les langues des hommes, etc. ; troisièmement, il
compare entre elles les grâces données (ci-dessous, XIV, 1) : Recherchez
la charité, etc. A l’égard
des grâces gratuites, l’Apôtre fait deux choses : I° Il expose principalement ce qu’il veut établir, en disant : Je viens
de dire que je réglerai à mon arrivée d’autres points qui concernent
l’usage des sacrements ; toutefois, il est certains enseignements qu’il est
nécessaire de vous donner tout de suite ; c’est ce qu’il dit (verset 1) : par
rapport aux dons spirituels, c’est-à-dire aux dons des grâces qui
procèdent de l’Esprit Saint, mes frères, je ne veux pas que vous
ignoriez... Car c’est la pire de toutes les ingratitudes de ne pas
connaître les bienfaits reçus, comme le remarque Sénèque (Traité des Bienfaits). Voilà
pourquoi l’homme, pour ne pas être ingrat envers Dieun, ne doit pas ignorer
ce qui a rapport aux grâces spirituelles (ci-dessus, II, 12) : Nous avons
reçu l’Esprit qui vient de Dieu, afin de connaître les dons que Dieu nous a
faits ; et (Isaïe, V, 13) : "Mon peuple a été emmené captif,
parce qu’il n’a pas eu l’intelligence," à savoir des choses
spirituelles. II° A ces mots (verset 2) : Vous vous souvenez, lorsque vous étiez
païens, etc., saint Paul poursuit les développements qu’il se
propose. I. Il montre
la nécessité des grâces spirituelles ; II. il établit la distribution des grâces (verset 4) : Or
il y a diversité de dons spirituels, etc. I. Or la nécessité
d’une chose se reconnaît surtout lorsqu’on voit qu’elle manque. Sur ce
premier point, l’Apôtre 1° fait donc
ressortir le manquement de forces spirituelles que les Corinthiens
éprouvaient avant d’avoir reçu la grâce ; 2° il en conclut la nécessité de cette grâce (verset 3) :
Je vous déclare donc, etc. 1° Il dit donc (verset 2) : Vous
vous souvenez, pour l’avoir éprouvé, que, lorsque vous étiez païens,
en d’autres termes quand vous viviez à la manière des païens, avant d’avoir
reçu la grâce par le baptême (Gal., II, 45) : "Nous sommes, nous
autres, Juifs de naissance, et non des pécheurs issus des Gentils" ;
et (Ephés. IV, 17) : "Les Gentils s’avancent dans la vanité de leurs
pensées" - vous vous avanciez avec une sorte de promptitude et de
constance, selon cette parole de Jérémie (VIII, 6) : "Tous
reprennent leur course, comme le cheval qui se précipite au
combat" ; et (Prov., I, 16) : "Leurs pieds courent au
mal" - vers des idoles muettes, à savoir pour les honorer et les
adorer, suivant cette parole du Psalmiste (CXIII, 5) : "Elles ont une
bouche et ne parlent pas." L’Apôtre désigne particulièrement en
elles le défaut de la parole, car la parole est l’effet propre de la
connaissance. On voit donc par là que les idoles ne manifestent aucune
intelligence, et par conséquent qu’il n’y a en elles même pas l’ombre de la
divinité, attendu qu’elles sont muettes. Et vous vous avanciez ainsi en
vous laissant conduire, c’est-à-dire sans résistance aucune ; en effet,
les païens se laissaient entraîner, comme attirés par la beauté des idoles ;
c’est de là qu’il est dit dans l’épître de Jérémie (Baruch, VI, 3) : Vous
verrez à Babylone des dieux d’or et d’argent ; prenez garde que la crainte ne
vous laisse surprendre par eux ; ou bien encore, vous vous laissiez conduire
par les ordres d’un prince, comme dit le prophète Daniel (III, 1) : le roi
Nabuchodonosor forçait ses sujets à adorer une statue d’or ; et (II
Macch., VI, 7) : "Les Juifs étaient menés par une dure nécessité aux
sacrifices le jour de la naissance du roi" ; ou même par
l’inspiration des démons, qui s’efforcent surtout de se faire rendre les
honneurs divins, suivant ce qui est dit en saint Matthieu (IV, 9) : "Je
donnerai toutes ces choses si tu te prosternes et m’adores." Ils
avançaient donc pour honorer les idoles, ainsi qu’on les menait, c'est-à-dire
sans aucune résistance, comme ce jeune insensé dont parle le livre des
Proverbes (VII, 22) : "Il la suit aussitôt, comme le boeuf qu’on mène
à l’autel." On voit par là que l’homme, avant, de recevoir la grâce,
court avec promptitude vers le péché, sans faire aucune résistance. Or
l’Apôtre fait mention spécifiquement du péché d’idolâtrie pour trois raisons
; premièrement, parce que c'est une faute très grave d’introduire un autre
dieu, de même que ce serait une offense très grave envers un roi que d’en
établir un autre à sa place. C’est dans ce sens qu’il est dit au livre de Job
(XXXI, 26) : "Si à la vue du soleil dans sa splendeur, de la lune
dans son éclat, mon coeur a ressenti une joie secrète, si j’ai porté la main
à ma bouche," en signe d’adoration du soleil et de la lune, ce qui
est la plus grande iniquité et la négation de la majesté du Très-Haut.
Secondement, parce que c’est du péché d’idolâtrie que découlent tous les
autres péchés suivant cette parole (Sag., XIV, 27) : "Le, culte des
infâmes idoles est la cause de tous les maux." Troisièmement, parce
que ce péché était commun parmi les Gentils, et n’était pas regardé comme un
crime. C’est de là qu’il est dit (P. XCV, 5) : "Tous les dieux
des nations sont des démons." Il faut
remarquer ici que quelques auteurs ont prétendu que l’homme vivant dans le
péché mortel ne pouvait être délivré que par le secours de la grâce de ce
péché dont il est l'esclave, parce que la rémission du péché ne se fait que
par la grâce, suivant cette parole (Rom., III, 14) : "Gratuitement
justifiés par grâce" ; mais que grâce à son libre arbitre, il
pouvait sans la grâce se préserver du péché mortel. Mais cette opinion ne
semble pas vraie ; car on ne peut se préserver du péché mortel qu’en
observant tous les préceptes de la loi, alors que ce qui fait le péché
mortel, c'est la transgression de la loi ; l’on pourrait donc sans la grâce
observer toutes préceptes de la loi, ce qui est l’hérésie pélagienne.
D’ailleurs, sans la grâce, personne ne pourrait avoir la charité, par
laquelle on aime Dieu par-dessus toutes choses, suivant cette parole (Rom.,
V, 5) : "L’amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs par le Saint
Esprit qui nous a été donné." Or il ne se peut que l'homme évite
tout péché, à moins qu’il n’aime Dieu par-dessus toutes choses ; car on
méprise davantage ce qu’on aime moins. Il pourra donc se faire pendant
quelque temps, que celui qui n’a pas la grâce s’abstienne du péché, jusqu’à
ce qu’il rencontre l’objet qui le porte à mépriser le précepte divin, ce qui
l’entraînera au péché. Aussi l’Apôtre dit-il en termes exprès : comme vous
étiez menés. 2° Lorsqu’il dit (verset 3) : Je
vous déclare donc, etc., saint Paul déduit en conclusion les deux effets
de la grâce, dont le premier consiste à faire éviter le péché ; le second, à
faire pratiquer le bien, ce que l’Apôtre exprime, en disant (verset 3) : et
personne ne peut dire, etc. A) Il dit donc d’abord : Puisque,
pendant que vous étiez sans la grâce, vous couriez avec empressement vers le
péché, pour cette raison, (verset 3) : je vous déclare que si vous
aviez eu la grâce, cela ne vous serait pas arrivé, car nul homme parlant
par l’Esprit de Dieu, etc. , c’est-à-dire sous son inspiration, ne dit
: Anathème à Jésus !, etc., c’est-à-dire ne profère un blasphème contre
Jésus-Christ, suivant cette parole (1 Jean IV, 3) : "Tout esprit qui
ne confesse pas Jésus-Christ n’est pas de Dieu." Remarquez que
l’Apôtre cite un péché très grave, le blasphème, qu’on évite par la grâce,
afin de montrer qu’il en est de même des autres péchés moindres. On peut
encore, par ce qui est dit ici : "Anathème à Jésus !"
entendre tout péché mortel ; car anathème veut dire séparation, ce mot venant
du grec « ana », c'est-à-dire « au-dessus » et
« thesis », c'est-à-dire action de poser et signifie action de
poser dessus, comme on dirait : « placé dessus », parce que,
autrefois, ce qui était mis à part et soustrait à l’usage des hommes était
suspendu dans les temples ou dans les endroits publics. Or tout péché mortel
sépare de Jésus-Christ, suivant cette parole d’Isaïe (LIX, 2) : "Vos
iniquités ont fait une séparation entre vous et votre Dieu." Quiconque
donc pèche mortellement dit de coeur ou de bouche :
"Anathème !" c’est-à-dire séparation, "à Jésus,"
attendu que personne, sous l’inspiration de l’Esprit de Dieu, ne dit :
"Anathème à Jésus !", puisque personne ne commet un péché mortel
sous l’inspiration de l’Esprit Saint ; car, ainsi qu’il est dit (Sag., I, 5) :
"L’Esprit Saint, qui est le maître de la science, fuit le
déguisement." Cependant,
s’il en est ainsi, ne semble-t-il pas que quiconque a l’Esprit Saint ne peut
pécher mortellement ? car (I Jean III, 9) : "Quiconque est né de Dieu
ne commet pas de péché, parce que la semence de Dieu demeure en lui." Il faut
répondre qu’en tant qu’il est uni à l’Esprit de Dieu, l’homme ne commet pas
le péché, mais plutôt s’en éloigne. Toutefois, on peut commettre le péché,
par l’effet de l’imperfection de la volonté humaine, qui résiste à l’Esprit
Saint, selon cette parole des Actes (VII, 51) : "Vous résistez
toujours à l’Esprit Saint." En effet, l’Esprit Saint qui habite en
nous, n’enlève pas totalement au libre arbitre, dans la vie présente, la
faculté de pécher ; voilà pourquoi l’Apôtre a dit en termes exprès, non pas :
personne ayant l’Esprit de Dieu, mais : personne parlant dans l’Esprit de
Dieu. B) Quand l’Apôtre ajoute (verset 3) : et
personne ne peut dire, etc. , il exprime le second effet de la grâce, à
savoir que sans elle l’homme ne peut pratiquer le bien. Il dit donc (verset
3) : et personne ne peut dire que Jésus est le Seigneur, sinon par
le Saint Esprit. Objection : C’est par
le Saint Esprit que l’homme est introduit dans le royaume des cieux, suivant
cette parole du Psalmiste (CXLII, 10) : "Votre Esprit, qui est toute
bonté, me conduira dans une voie droite" ; et le Seigneur
lui-même dit (Matthieu VII, 21) : "Tous ceux qui disent : Seigneur,
Seigneur, n’entreront pas dans le royaume des cieux." Donc, tous
ceux qui disent que Jésus est le Seigneur ne le disent pas par le Saint
Esprit. Il faut répondre qu'on peut entendre de deux manières cette
expression « dire quelque chose par le Saint Esprit » : d'abord par
le Saint Esprit qui inspire, mais n'habite pas, car l’Esprit Saint meut
quelquefois certains coeurs et fait parler, bien, qu’il n’habite point dans
ces cœurs. C'est ainsi qu’on lit en saint Jean (XI, 49) que la prédiction de
Caïphe sur l’utilité de la mort de Jésus-Christ, il ne l’avait pas dite de
lui-même, mais par l’esprit de prophétie. Balaam également prédit beaucoup de
choses vraies par l’inspiration du Saint Esprit, ainsi qu’il est rapporté au
livre des Nombres (XXIII et XXIV), bien que cet Esprit ne fût pas en lui. Il
faut donc entendre, d’après cela, que personne ne peut dire une chose vraie,
si ce n’est par l'inspiration de l’Esprit Saint, qui est l’Esprit de vérité,
et dont il est dit (Jean XVI, 13) : "Quand l’Esprit de vérité sera venu,
il vous enseignera toute vérité." C’est pourquoi la Glose, citant
saint Ambroise, dit sur ce passage : "Tout ce, qu’il y a de vrai,
n’importe qui le dise, procède de l’Esprit Saint", principalement
les vérités de foi, celles qui ont été connues par révélation spéciale du
Saint Esprit, parmi lesquelles il faut placer la vérité que Jésus est le
Seigneur de toutes les créatures. Aussi lit-on (Actes, II, 36) : "Que
toute la maison d’Israël sache donc très certainement que Dieu a fait
Seigneur et Christ ce Jésus que vous avez crucifié." D’une autre
façon encore, on peut dire de quelqu’un qu’il parle, habité et mu par
l’Esprit Saint : on peut, d’après ce sens, vérifier ce que l’Apôtre dit ici,
prenant le mot « parler » non pas seulement pour le langage de lèvres,
mais aussi pour le coeur et les œuvres ; car il a un langage du cœur, suivant
cette parole (Ps. XIII, 1) : "L’insensé a dit dans son cœur : Il n’y
a pas de Dieu." Il y a aussi un langage des oeuvres, à savoir quand,
par une œuvre extérieure en manifeste sa pensée intérieure. Personne
donc, s’il n’a l’Esprit ne peut dire que Jésus est le Seigneur,"
en ce sens que non seulement il le confesse de bouche mais encore qu’il le
révère de coeur comme son Seigneur et qu’il lui obéisse en cette qualité par
ses œuvres. De ce qui précède, nous pouvons donc affirmer trois choses :
reconnaître, premièrement, que sans la grâce l’homme ne peut éviter le péché,
suivant cette parole (Psaume XCIII, 17) : "Si Dieu ne m’eût assisté,
il s’en serait de peu fallu que mon âme fût tombée dans l’enfer."
Secondement qu’avec la grâce on évite le péché, suivant cette autre parole (I
Jean, III, 9) : "Quiconque est né de Dieu ne commet pas de
péché." Troisièmement, que sans la grâce l’homme ne peut faire le
bien, suivant ce passage de saint Jean (XV, 5) : "Sans moi, vous ne
pouvez rien faire." II. Lorsque l’Apôtre
dit (verset 4) : Or il y a diversité, etc.," il commence à faire
la distinc-tion des grâces gratuitement données : d’abord d’une manière
générale, ensuite en particulier, à ces mots (verset 7) : Or les dons du
Saint Esprit sont départis à chacun. Or, sur les dons qui sont faits par
la grâce de l’Esprit Saint, il faut remarquer : premièrement le pouvoir de
l’homme pour opérer les œuvres ; secondement l’autorité ; troisièmement l’exercice
de l’un et de l’autre. Le don de la grâce confère le pouvoir, par exemple la
prophétie ou la puissance de faire des miracles, ou toute autre faveur de
cette nature ; on reçoit l’autorité en raison de quelque ministère, par
exemple l’apostolat, ou tout autre ; l’exercice appartient à l’oeuvre. Saint
Paul distingue donc : 1° les grâces
; 2° les
ministères ; 3° les
œuvres. 1° Quant aux grâces, l’Apôtre montre
la nécessité de la grâce, laquelle toutefois n’est pas donnée à tous dans
toute sa plénitude, à l’exception de Jésus-Christ, à qui Dieu ne donne pas
l’Esprit avec mesure, ainsi qu’il est dit (Jean III, 34) ; mais pour
les autres il y a diversité de grâces, attendu que ceux-ci ont plus
abondamment telle grâce, ceux-là telle autre. Car de même que dans le corps
naturel la tête réunit tous les sens, et qu’il n’en est pas ainsi des autres
membres, ainsi, dans l’Eglise, Jésus-Christ seul possède toutes les grâces,
qui sont réparties dans les autres membres, ce qui est marqué dans la Genèse
(II, 12), où il est dit "qu’un fleuve," c’est-à-dire le
fleuve des grâces, "sortait de la terre pour arroser le paradis, et
se divisait ensuite en quatre canaux." De plus, on lit en saint
Matthieu (XXV, 15) : "Le maître donna cinq talents à l’un, deux à
l’autre, et un à un troisième." Bien que les dons des grâces soient
divers et possédés par des personnes distinctes, cependant il ne procèdent
pas de divers auteurs, comme le supposaient les païens, qui attribuaient la
sagesse à Minerve, l’éloquence à Mercure, et ainsi des autres. Pour réfuter
cette erreur, l’Apôtre ajoute (verset 4) : mais il n’y a qu’un même
Esprit, c’est-à-dire l’Esprit Saint, qui est l’auteur de toutes les
grâces ; (Ephés., IV, 4) : "Vous n'êtes tous qu’un même corps,
comme il n’y a qu’un même Esprit" ; et (Sag., VII, 22) : "L’Esprit
est un, mais multiple," un dans sa substance, multiple dans ses
dons. 2° L’Apôtre établit ensuite la
diversité des ministères, lorsqu’il dit (verset 5) : et il y a diversité
de ministères, c’est-à-dire il est nécessaire, pour le gouvernement de
l’Eglise, qu’il y ait diversité de ministères et d’offices, car les pasteurs
sont appelés les ministres de l’Eglise (ci-dessus, IV, 4) : Que les hommes
nous regardent comme les ministres de Jésus-Christ. Or il convient à la
beauté et à la perfection de l’Eglise qu’il y ait en elle divers ministères,
qui sont marqués par les ordres des ministres ; ce qui, dans le palais de
Salomon, faisait l’admiration de la reine de Saba (III Rois, X, 5). Tous
cependant ne servent qu’un seul Seigneur ; c’est pourquoi l’Apôtre ajoute
(verset 5) : mais il n’y a qu’un seul Seigneur (ci-dessus, VIII, 6) : Il
n’y a pour nous qu’un seul Seigneur Jésus-Christ, par qui toutes choses ont
été faites. 3° Enfin l’Apôtre établit la diversité
d’opérations, lorsqu’il dit (verset 6) : Il y a aussi diversité
d’opérations, par lesquelles on pratique le bien en soi-même, comme on
l’opère à l’égard du prochain par les divers ministères ; (Psaume CIII,
23) : "L’homme sort pour aller faire son ouvrage," à savoir
celui qui lui est propre ; et (Ecclésiastique XXXIII, 11) : "Il a
changé," c’est-à-dire il a diversifié, "leurs voies",
ou leurs opérations, qui cependant procèdent d’un même principe. Ce
qui fait ajouter à saint Paul (verset 6) : mais il n’y a qu’un Dieu, qui
opère tout, à savoir comme la cause première et créatrice de toutes les
opérations. De peur toutefois que les autres causes ne paraissent superflues,
saint Paul dit (verset 6) : en tous, car la première cause opère dans
les causes secondaires ; (Isaïe, XXVI, 42) : "C’est vous qui
avez fait en nous toutes nos oeuvres." Il faut observer que saint
Paul attribue avec beaucoup de raison les grâces au Saint Esprit, qui est
amour, car c’est un effet le propre de l’amour de recevoir gratuitement
quelque ministère du Seigneur pour le servir ; et les opérations sont à Dieu
comme à sa première cause motrice. Ce qu’il dit : l’Esprit peut être
rapporté à la personne du Saint Esprit ; le Seigneur à la personne du
Fils ; Dieu à la personne du Père ; ou encore ces trois noms peuvent
s’appliquer au Saint Esprit, qui est Dieu et Seigneur. |
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Lectio 2 |
Leçon 2 : 1 Corinthiens XII, 7-11 — Plusieurs dons, un seul Esprit |
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SOMMAIRE : L’Apôtre énumérant les dons spirituels, enseigne positivement qu'un seul et même esprit opère en tous. |
[7] unicuique
autem datur manifestatio Spiritus ad utilitatem [8] alii
quidem per Spiritum datur sermo sapientiae alii autem sermo scientiae
secundum eundem Spiritum [9] alteri fides in eodem Spiritu alii gratia sanitatum
in uno Spiritu [10] alii operatio virtutum alii prophetatio alii
discretio spirituum alii genera linguarum alii interpretatio sermonum [11] haec
autem omnia operatur unus atque idem Spiritus dividens singulis prout vult |
7. Or les
dons de l’Esprit Saint, qui se font connaître au dehors, sont donnés à chacun
pour l'utilité. 8. L’un
reçoit du Saint Esprit le don de parler avec sagesse ; un autre reçoit, du
même Esprit le don de parler avec science ; 9. Un autre
le don de la foi par le même Esprit ; un autre la grâce les guérisons par le
même Esprit ; 10. Un
autre le don de faire des miracles ; un autre le don de prophétie ; un autre
le discernement des esprits ; un autre le don de parler les langues ; un
autre l'interprétation des langues. 11. Or
c'est un seul et même Esprit qui opère toutes ces choses, distribuant à
chacun ses dons selon qu'il lui plaît. |
[87668] Super 1 Cor. [reportatio vulgata],
cap. 12 l. 2 Posita
in generali distinctione gratiarum et ministrationum, et operationum, hic
manifestat ea quae dixerat in speciali. Et primo quantum ad divisionem
gratiarum; secundo quantum ad divisionem ministrationum, ibi et quosdam
quidem posuit Deus, et cetera. Circa primum duo facit. Primo ponit
distinctionem gratiarum in speciali; secundo adhibet similitudinem, ibi sicut
enim corpus, et cetera. Circa primum tria facit. Primo ponit conditionem
gratiarum gratis datarum; secundo ponit earum distinctionem, ibi alii
quidem datur, etc.; tertio describit earum actionem, ibi haec autem
omnia, et cetera. Dicit ergo primo : dictum est, quod sunt divisiones
gratiarum, unicuique autem datur : in quo designatur earum subiectum.
Sicut enim nullum membrum est in corpore quod non participet aliquo modo
sensum vel motum a capite, ita nullus est in Ecclesia qui non aliquid de
gratiis spiritus sancti participet, secundum illud Matth. XXV, v. 15 — dedit
unicuique secundum propriam virtutem et, Eph. IV, 7 — unicuique
nostrum data est gratia. Manifestatio spiritus, in quo designatur
officium gratiae gratis datae. Pertinet autem ad gratiam gratum facientem,
quod per eam spiritus sanctus inhabitet, quod quidem non pertinet ad gratiam
gratis datam, sed solum ut per eam spiritus sanctus manifestetur, sicut
interior motus cordis per vocem. Unde Io. III, 8 dicitur : vocem eius audis, et in Ps. XCVII, 2
dicitur : notum fecit dominus salutare suum. Manifestatur autem, per
huiusmodi gratias, spiritus sanctus dupliciter. Uno modo ut inhabitans
Ecclesiam et docens et sanctificans eam, puta cum aliquis peccator, quem non
inhabitat spiritus sanctus, faciat miracula ad ostendendum, quod fides
Ecclesiae quam ipse praedicat, sit vera. Unde dicitur Hebr. II, 4 — contestante
Deo signis et prodigiis, et variis spiritus sancti distributionibus. Alio
modo manifestatur per huiusmodi gratias spiritus sanctus, ut inhabitans eum
cui tales gratiae conceduntur. Unde dicitur Act. VI, 8, quod Stephanus plenus
gratia faciebat prodigia et signa multa, quem spiritu sancto plenum
elegerunt; sic autem non conceduntur huiusmodi gratiae nisi sanctis. Et ne
huiusmodi manifestatio vana videatur, subdit ad utilitatem, scilicet
communem. In quo designatur finis harum, et hoc vel dum probatur vera
doctrina Ecclesiae; et sic fideles confirmantur et infideles convertuntur;
vel dum sanctitas alicuius proponitur aliis in exemplum. Unde et infra XIV,
v. 12 — ad aedificationem Ecclesiae quaerite ut abundetis, et supra X,
33 — non quaerens quod mihi utile est, sed quod multis, ut salvi fiant.
Deinde cum dicit alii quidem, etc., ponit
distinctionem gratiarum, quae quidem, ut dictum est, dantur ad utilitatem
communem. Et ideo oportet earum distinctionem accipere secundum quod per unum
potest aliorum salus procurari. Quod quidem homo non potest facere interius
operando, hoc enim solius Dei est, sed solum exterius persuadendo. Ad quod quidem tria requiruntur. Primo quidem
facultas persuadendi; secundo facultas persuasionem confirmandi; tertio
persuasionem intelligibiliter proponendi. Ad facultatem autem persuadendi requiritur quod homo habeat peritiam
conclusionum et certitudinem principiorum, circa ea in quibus debemus
persuadere. Conclusiones autem in his quae pertinent ad salutem, quaedam sunt
principales, scilicet res divinae et ad hoc pertinet sapientia, quae est
cognitio divinarum rerum, ut Augustinus dicit, libro XIII de Trinitate. Et
quantum ad hoc dicitur alii quidem per spiritum datur, scilicet
sanctum, sermo sapientiae, ut possit persuadere ea quae ad cognitionem
divinorum pertinent. Lc. XXI, 15 — ego dabo vobis os et sapientiam, cui
non poterunt resistere et contradicere omnes adversarii vestri. Supra II,
6 — sapientiam loquimur inter perfectos. Secundariae conclusiones sunt
quae pertinent ad notitiam creaturarum, quarum cognitio dicitur scientia,
secundum Augustinum ibidem. Et quantum ad hoc subdit alii autem,
scilicet datur, sermo scientiae, secundum eumdem spiritum, ut scilicet
per creaturas ea quae sunt Dei, manifestare possit. Huic enim scientiae
attribuitur illud quo pia fides defenditur et roboratur, non autem quidquid
curiositatis in humanis scientiis invenitur, ut Augustinus ibidem dicit. Sap.
X, v. 10 — dedit illi scientiam sanctorum. Is. c. XXXIII, 6 — divitiae
salutis sapientia et scientia. Est tamen notandum quod sapientia et
scientia inter septem dona spiritus sancti computantur, sicut habetur Is. XI,
2. Unde apostolus signanter inter gratias gratis datas non ponit sapientiam
et scientiam, sed sermonem sapientiae et scientiae, quae pertinent ad hoc ut
homo aliis persuadere valeat per sermonem, ea quae sunt sapientiae et
scientiae. Principia autem doctrinae salutis sunt articuli fidei et ideo
quantum ad hoc subditur alteri, scilicet datur, fides in eodem
spiritu. Non autem hic accipitur pro fidei virtute, quia hoc commune est
omnibus membris Christi, secundum illud Hebr. XI, 6 — sine fide
impossibile est placere Deo. Sed accipitur pro sermone fidei, prout
scilicet homo potest recte proponere ea quae fidei sunt, vel pro certitudine
fidei quam aliquis habet excellenter, secundum illud Matth. XV, 28 — mulier,
magna est fides tua. Ea vero quae pertinent ad salutarem doctrinam non
possunt confirmari seu probari ratione, quia rationem humanam excedunt,
secundum illud Eccli. III, 25 — plurima supra sensum hominis ostensa sunt
tibi. Confirmantur seu probantur signo divino; unde et Moyses, mittendus
ad populum Israel, signum accepit a Deo, per quod confirmaret ea, quae ex
parte Dei dicebat, ut patet Ex. IV, 1-9, sicut et signo regio confirmatur
quod aliquid sit de mandato regis. Signum autem Dei sumitur uno quidem modo
ab eo quod solus Deus facere potest, sicut sunt miracula, quae apostolus hic
in duo distinguit. Nam primo dicit alii, scilicet datur, gratia
sanitatum, id est per quam alicuius possit sanare infirmitatem, in uno,
scilicet et eodem, spiritu. Ier. XVII, 14 — sana me, domine, et
sanabor. Ex his enim persuadetur aliquis, non solum propter magnitudinem
facti, sed etiam propter beneficium. Secundo autem dicit alii datur
operatio virtutum, ex quibus aliquis persuadetur solum propter
magnitudinem facti, puta cum mare dividitur, ut legitur Ex. XIV, 21, vel quod
sol et luna stetit in caelo, sicut legitur Ios. X, 13. Gal. III, 5 — quis
tribuit nobis spiritum, et operatur virtutes in nobis? Alio autem modo accipitur signum divinum ab eo
quod solus Deus cognoscere potest. Hoc autem est vel futurum contingens,
secundum illud Is. XLI, 23 — annuntiate quae ventura sunt, et sciemus quia
dii estis vos. Et quantum ad hoc dicit alii, scilicet datur, prophetia,
quae est divina revelatio inter eventus immobili veritate denuntians. Ioel.
c. II, 28 — effundam de spiritu meo super omnem carnem, et prophetabunt
filii vestri. Aliud autem est cognitio humani cordis, secundum illud Ier.
XVII, 9 s. : pravum est cor hominis et inscrutabile, quis cognoscet illud?
Ego dominus scrutans corda et probans renes. Et quantum ad hoc subdit alii
discretio spirituum, ut scilicet homo discernere possit, quo spiritu
aliquis moveatur ad loquendum vel operandum, puta utrum spiritu charitatis
vel spiritu invidiae. I
Io. IV, 1 — nolite credere omni spiritui, sed probate spiritus si ex Deo
sunt. Facultas autem persuasionem pronuntiandi consistit in hoc quod homo
possit loqui intelligibiliter aliis. Quod quidem impeditur dupliciter. Uno
modo per diversitatem idiomatum. Contra quod remedium adhibetur per hoc quod
dicit alii, scilicet datur, genera linguarum, ut scilicet
possit loqui diversis linguis, ut intelligatur ab omnibus, sicut de apostolis
legitur Act. II, 4, quod loquebantur variis linguis. Alio modo per
obscuritatem Scripturae inducendae. Contra quod remedium datur per id quod
subditur alii interpretatio sermonum, id est difficilium Scripturarum.
Dan. V, v. 16
— audivi de te quod possis obscura interpretari. Gen. XL, 8 — numquid
non Dei est interpretatio? Deinde cum dicit haec autem omnia, etc.,
determinat auctorem praedictarum gratiarum. Circa quod tres errores excludit.
Primo quidem gentilium attribuentium diversa dona diversis diis. Contra quod
dicit haec autem omnia operatur unus atque idem spiritus. Eph. IV, 4 —
unum corpus et unus spiritus. Secundo errorem eorum qui Deo
attribuebant solum universalem providentiam rerum, ponentes quod
distinctiones particularium fiunt solum per causas secundas. Contra quod
subditur dividens singulis prout vult. Eccli. c. XXXIII, 11 — in
multitudine disciplinae domini separavit eos. Tertio excludit errorem
eorum qui diversitatem gratiarum attribuebant vel fato, vel humano merito, et
non solum voluntati divinae, sicut Macedonii, qui dicebant spiritum sanctum
esse ministerium patris et filii. Et hoc excludit per hoc quod subdit prout
vult. Io. III, 8 — spiritus ubi vult spirat. |
Après avoir
établi d’une manière générale la diversité des grâces, des ministères et des
opérations, saint Paul explique en particulier ce qu’il vient de dire. Et
d’abord quant à la diversité des grâces, ensuite quant à la diversité des
ministères (verset 28) : Ainsi Dieu a établi dans son Eglise les uns etc.
Sur la diversité de grâces premièrement il établit cette diversité d'une
manière spéciale ; secondement, il emploie une comparaison (verset 12) : Et
comme notre corps etc. Sur cette première partie, 1° il détermine la condition des
grâces gratuitement données ; II° Il en
exprime la diversité (verset 8) : L'un reçoit, etc. ; III° l’action (verset
11) ; Or c’est un seul et même Esprit qui opère toutes ces choses. I° Il dit donc : Il a été avancé qu’il y a diversité de grâces (verset 7) : Car à
chacun ; il désigne ainsi leur sujet. De même, en effet, qu’il n’est
aucun membre dans le corps, qui ne reçoive, de quelque manière, de la tête le
sentiment ou le mouvement, ainsi il n’est personne dans l’Eglise qui ne
reçoive quelque chose des grâces du Saint Esprit, suivant cette parole de
saint Matthieu (XXV, 15) : "Il donna à chacun selon ses propres
forces" et (Ephés., IV, 7) : "La grâce a été donnée à chacun
de nous selon la mesure du don de Jésus-Christ." – A chacun donc sont
donnés les dons du Saint Esprit qui se manifestent au dehors. Par là sont
désignés les offices des grâces gratuitement données ; car c’est un effet de
la grâce qui rend agréable que l’Esprit Saint habite dans l’âme, tandis que
l’effet propre de la grâce gratuitement donnée n’est pas cette inhabitation
de l’Esprit dans l’âme, mais de servir à la manifestation du Saint Esprit,
comme les mouvements intérieurs du coeur se manifestent par la voix. C’est
pourquoi il est dit (Jean III, 8) : "[L’esprit souffle où il veut,
et] vous entendez sa voix" ; et (Ps., XCVII, 2) : "Le
Seigneur a fait connaître le salut qu’il nous réservait." Or le
Saint Esprit est manifesté de deux manières par ces grâces : d’abord comme
habitant dans l’Eglise, l’instruisant et la sanctifiant, par exemple quand un
homme pécheur, en qui cet Esprit n’habite pas, fait des miracles, pour
montrer que la foi qu’il prêche est véritable. C’est dans ce sens qu’il est
dit (Hébr., II, 4) : "Dieu même attestant leur témoignage par les
miracles et les prodiges et les différents dons du Saint Esprit." De
plus, ces grâces manifestent l’Esprit Saint, comme habitant dans celui à qui
elles sont accordées ; on dit dans (Actes, VI, 8) qu’Etienne, plein de
force, faisait des prodiges et des miracles sans nombre, quand il eut été
choisi comme un homme rempli de foi et du Saint Esprit. Les grâces de cette
nature ne sont accordées qu’aux saints. De peur que cette manifestation
extérieure ne soit regardée comme inutile, l’Apôtre ajoute : pour
l’utilité, comprenez de tous. Cette expression désigne la fin de ces
grâces, et cela soit qu’elles servent à prouver la vérité de la doctrine de
l’Eglise pour l’affermis-sement des fidèles et la conversion des infidèles,
soit qu’elles fassent ressortir la sainteté d’un de ses enfants, qu’elle
propose à l’imitation des autres. C’est pourquoi il est dit plus bas (XIV,
12) : Désirez d’être enrichis des dons spirituels, pour l’édification, de
l'Eglise ; et (ci-dessus, X, 33) : Je ne cherche point ce qui
m’est avantageux en particulier, mais ce qui est utile aux autres pour leur
salut." II° Lorsqu’il dit (verset 8) : L’un reçoit, etc., saint Paul
montre la diversité des grâces, qui, ainsi qu’il a été dit, sont données pour
l’utilité commune. Par conséquent, il faut entendre cette diversité en tant
qu’un seul homme peut procurer le salut des autres ; or l’homme ne peut
produire un tel effet en agissant intérieurement, ce qui n’appartient qu’à
Dieu seul, mais seulement en persuadant extérieurement. Et pour cela trois
choses sont nécessaires : I. la faculté
de persuader ; II. celle de
confirmer la persuasion ; III. celle enfin
de proposer avec intelligence les motifs de la persuasion. I. La faculté de
persuader exige la justesse des conclusions et la certitude des principes sur
les vérités dont on cherche à persuader. Or dans les choses qui tiennent au
salut, parmi les conclusions, il en est de principales, à savoir les choses
divines ; à ces conclusions se rapporte la sagesse, qui est la connaissance
des choses divines, comme dit saint Augustin (de la Trinité, liv. XIII). L’Apôtre la signale (verset 8) : à
l’un est donné par l’Esprit, c’est-à-dire l’Esprit Saint, le don de
parler avec sagesse, afin de pouvoir persuader ce qui fait l’objet de la
connaissance des choses divines ; (Luc, XXI, 15) : "Je vous
donnerai moi-même des paroles et une sagesse à laquelle tous vos ennemis ne
pourront résister, et qu’ils ne pourront contre dire" ; et
(ci-dessus, II, 6) : Nous prêchons la sagesse aux par faits. Les
conclusions secondaires sont celles qui ont pour objet la connaissance des
créatures : cette connaissance prend le nom de science, comme dit, au même
traité, saint Augustin. Quant à elles, l’Apôtre ajoute (verset 8) : à un
autre est donné, par le même Esprit, le don de parler avec science,
c’est-à-dire de pouvoir manifester par les créatures les choses de Dieu. Car
à cette science appartient ce qui peut défendre et fortifier la piété et la
foi, mais non ce que la curiosité peut rencontrer de flatteur dans les
sciences humaines, comme saint Augustin l’a encore remarqué au même
lieu ; (Sag., X, 10) : "La sagesse lui a donné la science des
choses saintes" ; et (Isaïe, XXXIII, 6) : "La sagesse
et la science seront les richesses du salut." Il faut toutefois
observer que la sagesse et la science sont comptées parmi les sept dons du
Saint Esprit, comme on le voit au prophète Isaïe (XI, 2). C’est donc à
dessein que l’Apôtre ne place point parmi les grâces gratuitement données la
sagesse et la science, mais le don de parler avec sagesse et avec science,
don qui a pour effet de pouvoir persuader aux autres par la parole ce qui est
l’objet de la sagesse et de la science. Les principes de la doctrine du salut
sont les articles de foi, et l’Apôtre les distingue, en disant (verset 9) : A
un autre est donné le don de la foi par le même Esprit." La
foi n’est pas prise ici dans le sens de vertu ; car, comme vertu, elle est
commune à tous les membres de Jésus-Christ, suivant cette parole (Hébr., XI,
6) : "Sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu." Mais
elle est prise pour le don de parler de la foi, c’est-à-dire le don de
proposer avec rectitude ce qui appartient à la foi, ou pour la certitude de
la foi à un degré plus éminent, suivant cette parole de saint Matthieu (XV,
28) : "Femme, votre foi est grande." II. Les vérités qui
appartiennent à la doctrine du salut ne peuvent être confirmées ou prouvées
par le raisonnement, parce qu’elles dépassent la portée de la raison humaine,
suivant cette parole (Ecclésiastique III, 25) : "Un grand nombre de
merveilles qui surpassent l’esprit de l’homme sont devant vos yeux." Ces
vérités sont confirmées ou démontrées par des signes divins. Ainsi, lorsque
Moïse dut être envoyé vers le peuple d’Israël, il reçut de Dieu un signe pour
confirmer ce qu’il dirait au nom du Seigneur (Exode, IV, I à 10). C’est ainsi
que l’on confirme par l’empreinte du sceau royal une chose qui doit se faire
par ordre du roi. Le signe divin, c’est d’abord ce que Dieu peut faire lui
seul : tels sont les miracles, que l’Apôtre distingue ici en deux catégories.
En effet, il dit premièrement (verset 9) : à un autre, le don des
guérisons, c’est-à-dire le don de guérir les infirmités de ceux qui
souffrent, dans un seul, à savoir et même Esprit ; (Jér.,
XVII, 14) : "Guérissez-moi, Seigneur, et je serai guéri à
jamais." Ceux qui voient ces guérisons miraculeuses sont persuadés
non seulement à cause de la grandeur du miracle, mais aussi à cause du
bienfait obtenu. L’Apôtre dit en second lieu (verset 10) : à un autre est
donné la puissance d’opérer des miracles, qui persuadent, mais seulement
en raison du fait miraculeux, par exemple la mer divisée (Exode, XIV, 21), ou
le soleil et la lune s’arrêtant dans les cieux (Josué, X, 13, et Gal., III,
5) : "Qui donc nous communique l’Esprit et fait des miracles parmi
nous ?" Le signe divin peut être pris encore pour ce que Dieu peut
seul connaître : c’est soit un futur contingent, suivant cette parole
d’Isaïe (XLI, 23) : "Racontez-nous l’avenir, et nous reconnaîtrons
que vous êtes des dieux." Quant à cette connaissance, saint Paul dit
(verset 10) : Un autre reçoit le don de prophétie, qui est la
révélation divine annonçant les événements d’après l’immuable vérité ;
(Joël, II, 28) : "Je répandrai mon esprit sur toute chair, et vos
fils prophétiseront." Soit ce qui se passe dans le coeur humain,
suivant cette parole de Jérémie (XVII, 9) : "Le coeur de l’homme est
trompeur et impénétrable ; qui le connaîtra ? Moi le Seigneur, qui sonde les
coeurs et qui éprouve les reins !" Quant à ce don, l’Apôtre ajoute
(verset 10) : un autre, le don du discernement des esprits,
c’est-à-dire le pouvoir de discerner sous l’impulsion de quel esprit on parle
ou on agit, si c’est, par exemple, l’esprit de charité ou l’esprit de
jalousie ; (I Jean IV, 1) : " Ne croyez pas à tout esprit, mais
éprouvez si les esprits sont de Dieu." III. La faculté de
proposer les motifs de persuasion consiste à pouvoir parler aux autres d’une
manière intelligible. On peut en être empêché de deux manières : d’abord par
la diversité des idiomes. Saint Paul en montre le remède en disant (verset
10) : à un autre, la diversité des langues, afin de posséder le don
de parler diverses langues, afin d’être entendu par tous, comme les
apôtres (Actes, II, 4) qui commencèrent à parler diverses langues. Ensuite
par l’obscurité des saintes Écritures, sur lesquelles on doit s’appuyer ; le
remède à cet empêchement est indiqué par ce que Paul ajoute ici (verset 10) :
Un autre, le don d’inter-prétation, à savoir des endroits difficiles
de l’Écriture ; (Dan., V, 16) : "J’ai appris que vous pouviez
interpréter les choses obscures" ; et (Gen., XL, 8) : "L’interprétation
ne vient-elle pas de Dieu ?" III° Enfin, quand saint Paul ajoute (verset 11) : Or toutes ces choses,
etc., il désigne l’auteur des grâces dont il
vient de parler. Sur ce point, il détruit trois erreurs : 1° celle des Gentils, qui attribuaient
les dons divers à différent dieux. L’Apôtre détruit cette erreur en disant
(verset 14) : C’est un seul et même Esprit qui opère toutes ces
choses ; (Ephés., IV, 4) : "Vous n’êtes qu’un même corps et
vous n’avez reçu qu’un seul Esprit." 2° L’erreur de ceux qui, dans
l’univers, n’attribuaient à Dieu qu’une providence générale, supposant que la
distinction des choses particulières se fait seulement par les causes
secondes. Contre cette erreur, saint Paul ajoute (verset 14) : Il
distribue à chacun ses dons ainsi qu’il lui plaît ; (Ecclésiastique
XXXIII, 11) : "Le Seigneur, dans l’étendue de sa sagesse, a établi
des différences entre les hommes." 3° Il détruit l’erreur de ceux qui
attribuaient la diversité des grâces ou au destin ou au mérite de l’homme, et
non pas exclusivement à la volonté divine, comme les Macédoniens, qui
prétendaient que le Saint Esprit était le ministre du Père et du Fils. Saint
Paul répond à cette erreur par ce qu’il ajoute (verset 11) : comme il le
veut ; (Jean, III, 8) : "L’Esprit souffle où il veut." |
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Lectio 3 |
Leçon 3 : 1 Corinthiens XII, 12-31 — Comme les divers organes d'un corps |
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SOMMAIRE : L’Apôtre, par une comparaison tirée des fonctions des membres dans le corps humain, établit la diversité des dons spirituels dans l'Eglise. |
[12] sicut enim corpus unum est et membra habet multa omnia
autem membra corporis cum sint multa unum corpus sunt ita et Christus [13] etenim in uno Spiritu omnes nos in unum corpus baptizati
sumus sive Iudaei sive gentiles sive servi sive liberi et omnes unum Spiritum
potati sumus [14] nam et corpus non est unum membrum sed multa [15] si dixerit pes quoniam non sum manus non sum de corpore
non ideo non est de corpore [16] et si dixerit auris quia non sum oculus non sum de corpore
non ideo non est de corpore [17] si totum corpus oculus ubi auditus si totum auditus ubi
odoratus [18] nunc autem posuit Deus membra unumquodque eorum in corpore
sicut voluit [19] quod si essent omnia unum membrum ubi corpus [20] nunc autem multa quidem membra unum autem corpus [21] non potest dicere oculus manui opera tua non indigeo aut
iterum caput pedibus non estis mihi necessarii [22] sed multo magis quae videntur membra corporis infirmiora
esse necessariora sunt [23] et quae putamus ignobiliora membra esse corporis his
honorem abundantiorem circumdamus et quae inhonesta sunt nostra abundantiorem
honestatem habent [24] honesta autem nostra nullius egent sed Deus temperavit
corpus ei cui deerat abundantiorem tribuendo honorem [25] ut non sit scisma in corpore sed id ipsum pro invicem
sollicita sint membra [26] et si quid patitur unum membrum conpatiuntur omnia membra
sive gloriatur unum membrum congaudent omnia membra [27] vos autem estis corpus Christi et membra de membro [28] et quosdam quidem posuit Deus in ecclesia primum apostolos
secundo prophetas tertio doctores deinde virtutes exin gratias curationum
opitulationes gubernationes genera linguarum [29] numquid omnes apostoli numquid omnes prophetae numquid
omnes doctores [30] numquid omnes virtutes numquid omnes gratiam habent
curationum numquid omnes linguis loquuntur numquid omnes interpretantur [31]
aemulamini autem charismata maiora et adhuc excellentiorem viam vobis
demonstro |
12. Car
comme notre corps, n’étant qu’un, est composé de plusieurs membres, et
qu’encore qu’il y ait plusieurs membres, ils ne sont tous néanmoins qu'un
même corps, il en est de même du Christ ; 13. Car
nous avons tous été baptisés dans le même Esprit, pour n’être tous ensemble
qu’un même corps, soit Juifs ou Gentils, soit esclaves ou libres, et nous
avons tous été abreuvés d’un même Esprit. 14. Aussi
le corps n’est pas un seul membre, mais plusieurs. 15. Si le
pied disait : Puisque je ne suis pas la main, je ne suis pas du corps, ne
serait-il pas pour cela du corps ? 16. Et si
l’oreille disait : Puisque je ne suis pas l’oeil, je ne suis pas du corps, ne
serait-elle pas pour cela du corps? 17. Si tout
le corps était oeil, où serait l’ouïe? et s’il était tout ouïe, où serait
l’odorat ? 18. Mais
Dieu a mis dans le corps plusieurs membres, et il les y a placés chacun comme
il lui a plu. 19. Que si
tous les membres n’étaient qu’un seul membre, où serait le corps ? 20. Mais il
y a plusieurs membres, et tous ne font qu’un seul corps. 21. Or
l’oeil ne peut pas dire à la main : Je n’ai pas besoin de votre secours; non
plus que la tête ne peut pas dire aux pieds. Vous ne m’êtes point
nécessaires. 22. Mais,
au contraire, les membres du corps qui paraissent les plus faibles sont les
plus nécessaires. 23. Les membres
mêmes du corps que nous regardons comme moins honorables, nous les
environnons de plus d’honneur ; et ceux qui sont moins honnêtes sont couverts
avec plus de soin ; 24. Car
pour les parties qui sont honnêtes, elles n’en ont pas besoin ; mais Dieu a
mis un tel ordre dans tout le corps, qu'on honore davantage ce qui est moins
honorable de soi-même, 25. Afin
qu'il n'y ait pas de division dans le corps, mais que tous les membres
conspirent mutuellement à s’entre aider les uns les autres. 26. Et si
l’un des membres souffre, tous les autres souffrent avec lui ; ou si l’un des
membres reçoit de l’honneur, tous les autres s'en réjouissent avec lui. 27. Or vous
êtes le corps du Christ, et membres d’un membre. 28. Ainsi
Dieu a établi dans son Eglise, premièrement, des apôtres, secondement des
prophètes, troisièmement des docteurs, ensuite ceux qui ont la vertu de faire
des miracles, puis ceux qui ont la grâce de guérir les maladies, ceux qui ont
le don d’assister les frères, ceux qui ont le don de gouverner, ceux qui ont
le don de parler diverses langues, ceux qui ont le don de les interpréter. 29. Tous
sont-ils apôtres ? tous sont-ils prophètes ? tous sont-ils docteurs ? 30. Tous
font-ils des miracles ? tous ont-ils la grâce de guérir les maladies ? tous
parlent-ils plusieurs langues ? tous ont-ils le don de les interpréter ? 31. Entre
ces dons, ayez plus d’empressement pour les meilleurs. Mais je vais vous
montrer encore une voie beaucoup plus excellente. |
[87669] Super 1 Cor. [reportatio vulgata],
cap. Proponit ergo primo apostolus quod unitas
corporis, membrorum multitudinem non excludit, dicens quod sicut corpus
unum est, et multa membra habet, unde et Rom. XII, v. 4 dicitur in uno
corpore multa membra habemus. Item proponit quod multitudo membrorum non tollit
corporis unitatem, unde subdit omnia autem membra corporis cum sint multa,
nihilominus unum corpus sunt, quod ex omnibus perficitur. Unde et Iob
X, 11 dicitur : pelle et carne vestisti me, ossibus et nervis compegisti
me. Deinde cum dicit ita et Christus, etc.,
ponitur adaptatio similitudinis. Et primo adaptat similitudinem, dicens ita
et Christus, scilicet est unus, secundum illud, supra c. VIII, 6 — unus
dominus noster Iesus, per quem omnia. Et tamen multa et diversa habet
membra, scilicet omnes fideles, secundum illud Rom. XII, 5 — multi unum
corpus sumus in Christo. Secundo ponitur ratio adaptationis, ubi ponitur
duplex ratio distinctionis. Una quidem ratio unitatis est spiritus sanctus,
secundum illud Eph. IV, 4 — unum corpus et unus spiritus. Sed
per virtutem spiritus sancti duplex beneficium consequimur. Primo quidem, quia per ipsum
regeneramur, secundum illud Io. c. III, 5 — nisi quis renatus fuerit ex
aqua et spiritu sancto. Unde dicit etenim in uno spiritu, scilicet
per virtutem unius spiritus sancti, omnes nos, qui sumus membra
Christi, sumus baptizati in unum corpus, id est in unitatem Ecclesiae,
quae est corpus Christi, secundum illud Eph. I, 22 — ipsum dedit caput
super omnem Ecclesiam, quae est corpus eius; et Gal. III, 27 — omnes
qui in Christo baptizati estis, Christum induistis. Secundo, per spiritum
sanctum reficimur ad salutem. Unde subdit et omnes potati sumus in uno
spiritu, id est per virtutem unius spiritus sancti. Potest autem hic
potus intelligi dupliciter. Uno modo de interno refrigerio quod spiritus
sanctus cordi humano praebet, extinguendo sitim carnalium desideriorum et
concupiscentiarum. Unde
Eccli. XV, 3 — aqua salutaris sapientiae potavit eum, et, Io. VII, 38,
flumina de ventre eius fluent aquae vivae. Alio modo potest intelligi
de potu sacramentali, qui per spiritum sacratur. Supra X, v. 4 — omnes
eumdem potum spiritualem biberunt. Interponitur autem duplex ratio
diversitatis. Una ex parte ritus, cum dicit sive Iudaei, sive gentiles,
etc., alia ex parte conditionis, cum dicit sive servi, sive liberi.
Nulla enim huiusmodi diversitas impedit unitatem corporis Christi. Unde Gal.
III, 28 dicitur : non est Iudaeus, neque Graecus; non est servus, neque
liber; unum enim estis in Christo Iesu. Deinde cum dicit nam et corpus, explicat
similitudinem in speciali. Et primo describit conditionem corporis naturalis
et membrorum ipsius. Secundo adaptat ad corpus mysticum Christi, ibi vos
autem estis, et cetera. Circa primum duo facit. Primo describit
integritatem corporis naturalis; secundo habitudinem membrorum ad invicem,
ibi non potest autem oculus dicere, et cetera. Circa primum tria facit. Primo proponit quod
intendit; secundo manifestat exemplificando, ibi si dixerit pes, etc.;
tertio probat ducendo ad inconveniens, ibi si totum corpus oculus, et
cetera. Dicit ergo primo : dictum est quod, omnes nos in unum corpus mysticum
baptizati sumus, quod repraesentat similitudo corporis naturalis. Nam corpus
naturale hominis non est unum membrum, sed multa. Quia scilicet eius
perfectio non salvatur in uno membro, sed integratur ex multis, quae necesse
habent deservire diversis potentiis et actibus animae. Unde et Rom. XII, 4
dicitur : sicut in uno corpore multa membra habemus, omnia autem membra
corporis non eumdem actum habent, ita multi unum corpus sumus in Christo.
Deinde cum dicit si dixerit pes, etc.,
manifestat quod dixerat exemplificando in membris quibusdam. Et primo in
membris deservientibus motui : et ponit duo membra : pedem, tamquam
ignobilius membrum, eo quod calcat terram et portat totius corporis pondus;
manum autem tamquam membrum nobilius, eo quod ipsa est organum organorum. Et
hoc est quod dicit si dixerit pes : non sum de corpore, quoniam non sum
manus, non ideo non est de corpore? Quasi dicat : perfectio
corporis non tota consistit in uno membro, quamvis nobiliori sed ad eius
perfectionem requiruntur etiam ignobiliora. Per membra autem deservientia
motui, designantur in Ecclesia homines dediti vitae activae, ita quod pedes
sunt subditi, de quibus dicitur Ez. I, 7 — pedes eorum pedes recti;
per manus autem figurantur praelati, per quos alii disponuntur, unde et Cant.
V, 14 dicitur : manus illius tornatiles aureae, plenae hyacinthis.
Sunt autem in Ecclesia necessariae non solum manus, id est praelati, sed
etiam pedes, id est subditi. Unde Prov. XIV, v. 28 dicitur : in multitudine populi dignitas
regis. Secundo exemplificat de membris servientibus
virtuti apprehensivae, et ponit oculum qui deservit visui et aurem quae
deservit auditui. Nam isti duo sensus praecipue deserviunt humanae sapientiae
: visus quidem quantum ad inventionem, eo quod plures rerum differentias
ostendit; auditus autem quantum ad disciplinam, quae fit per sermonem. Horum
tamen sensuum dignior est visus quam auditus, quia et spiritualior est et
plura demonstrat, ac per hoc oculus est dignior aure. Dicit ergo et si
dixerit auris, quae est ignobilius membrum, non sum de corpore, quia
non sum oculus, qui est membrum nobilius, non ideo non est de corpore?
et cetera. Per membra ergo deservientia virtuti apprehensivae, designantur in
Ecclesia illi qui student vitae contemplativae, inter quos sunt, sicut oculi,
doctores, qui per seipsos veritatem inspiciunt. Unde dicitur Cant. V, 12 — oculi
eius sicut columbae super rivos aquarum, quae resident iuxta fluenta
plenissima. Per aures autem significantur discipuli, qui a magistris
veritatem audiendo recipiunt. Unde et Matth. XIII, 43 dicitur : qui habet
aures audiendi, audiat. Sunt enim in Ecclesia necessarii non solum
doctores sed etiam discipuli. Unde et Iob XXIX, 11 dicitur : auris audiens beatificavit me. Deinde cum dicit si totum corpus, etc.,
probat ducendo ad inconveniens duplex, quorum primum est subtractio necessariorum
a corpore, secundum est remotio integritatis corporis, ibi quod si essent
omnia, et cetera. Circa primum duo facit. Primo ponit inconveniens quod
sequitur, dicens si totum corpus esset oculus, quod est membrum
nobilius, ubi esset auditus? Id est instrumentum audiendi,
quasi dicat : si in Ecclesia omnes essent magistri. Unde dicitur Iac. III, 1
— nolite plures magistri fieri, fratres mei. Et, iterum : si
totum corpus esset auditus, id est instrumentum audiendi, ubi
esset odoratus? et cetera. Per quem possunt in Ecclesia intelligi illi
qui, et si non sint capaces verborum sapientiae, percipiunt tamen quaedam
eius indicia a remotis, quasi odorem. Unde et Cant. I, 3 dicitur in odorem
unguentorum tuorum currimus. Secundo asserit contrariam veritatem, scilicet
quod nec auditus corpori debet deesse, dicens nunc autem Deus posuit,
id est ordinate disposuit, membra diversa. Nam et si membrorum
distinctio sit opus naturae, hoc tamen agit natura ut instrumentum divinae
providentiae. Et ideo primam causam dispositionis membrorum assignans, subdit
unumquodque eorum in corpore, quasi dicat : non sic posuit membra
diversa, ut unumquodque eorum secundum se separatim existeret, sed ut omnia
convenirent in uno corpore. Et sicut voluit; nam prima causa
institutionis rerum est voluntas divina, secundum illud Ps. CXIII, 3 — omnia
quaecumque voluit fecit. Sic autem et in Ecclesia disposuit diversa
officia, diversos status secundum suam voluntatem. Unde et Eph. I, 11 dicitur
: praedestinati secundum propositum eius qui operatur omnia secundum
consilium voluntatis suae. Deinde cum dicit quod si esset, etc.,
ducit ad aliud inconveniens, quod est defectus integritatis corporis. Unde
primo ponit hoc inconveniens, dicens quod si essent omnia unum membrum,
ubi esset corpus? Id est ubi esset integritas corporalis? Quasi dicat :
non esset. Ita si omnes in Ecclesia unius conditionis et gradus essent,
tolleretur perfectio et decor Ecclesiae, quae in Ps. XLIV, 10 describitur circumamicta
varietate. Secundo asserit veritatem contrariam, dicens nunc autem
multa quidem sunt membra, sed unum corpus quod ex omnibus integratur. Sic
Ecclesia ex diversis ordinibus constituitur. Unde et Cant. VI, 9 describitur :
terribilis ut castrorum acies ordinata. Deinde cum dicit non potest autem oculus,
etc., ponit comparationem membrorum ad invicem. Et primo quantum ad
necessitatem; secundo quantum ad cultum membris adhibitum, ibi et quae
putamus, etc.; tertio quantum ad mutuam sollicitudinem, ibi sed in
ipsum, et cetera. Circa primum duo facit. Primo proponit omnia
membra corporis esse necessaria, quamvis quaedam sint ignobilia; secundo
ponit necessitatis comparationem, ibi sed multo magis, et cetera.
Ostendit autem primo rationem necessitatis membrorum secundum duplicem
differentiam. Primo quidem secundum differentiam membrorum deservientium
motui, unde dicit non potest autem oculus, qui deservit cognitioni et
significat contemplativos, dicere manui, quae deservit motui et
significat activos opera tua non indigeo. Indigent enim contemplativi
per opera activorum sustentari. Unde et Lc. X, 39 s. dicitur quod cum Maria
secus pedes domini sederet, audiens verba eius, Martha satagebat circa
frequens ministerium. Secundo ostendit idem secundum differentiam
praelatorum, qui significantur per caput, et subditorum, qui significantur
per pedes; et hoc est quod subdit aut iterum caput, id est praelatus,
secundum illud I Reg. XV, 17 — caput in tribubus Israel factus es, non
potest dicere pedibus, id est subditis, non estis mihi necessarii,
quia, ut dicitur Prov. XIV, Deinde cum dicit sed multo magis, etc.,
comparat diversa membra ad invicem quoad necessitatem eorum, dicens quod
membra corporis quae videntur esse infirmiora, sunt magis necessaria, sicut
intestina. Ita etiam in Ecclesia sine officio aliquarum abiectarum
personarum, puta agricultorum et aliorum huiusmodi, praesens vita transiri
non posset; quae tamen posset duci sine aliquibus excellentioribus personis
contemplationi et sapientiae deputatis, quae Ecclesiae deserviunt ad hoc quod
sit ornatior et melius se habens. Ex hoc enim aliquid dicitur necessarium, quod est
utile ad finem. Illa vero quae sunt nobilissima, non se habent in ratione
utilium, sed sunt per seipsa appetenda ut fines. Et ideo dicitur Iob XXXI, 39
— si fructus terrae comedi absque pecunia, et animam agricolarum eius
afflixi. Deinde cum dicit et quae putamus, etc.,
comparat membra quantum ad exteriorem cultum. Et primo ponit diversitatem
quae diversis membris adhibetur; secundo causam diversitatis assignat, ibi Deus
temperavit, et cetera. Cultus autem exterior
membris adhibitus ad duo pertinet scilicet ad honorem, sicut ea quae
apponuntur ad ornatum, ut monilia et inaures; et ad honestatem, sicut quae
apponuntur ad tegumentum, ut brachae et alia huiusmodi. Quantum ergo ad
primum cultum, dicit primo et quae putamus esse ignobiliora membra
corporis, his circumdamus abundantiorem honorem, idest maiorem ornatum,
sicut auribus alicubi suspenduntur inaures, oculis autem nihil apponitur, et
pedibus apponuntur calceamenta depicta et gemmata, secundum illud Cant. VII,
1 — quam pulchri sunt gressus tui in calceamentis, filia principis.
Manus autem nudae habentur. Et, similiter in Ecclesia, imperfectioribus sunt
magis consolationes adhibendae, quibus perfectiores non egent. Unde dicitur
Is. XL, 11 — in brachio suo congregabit agnos, et in sinu suo levabit,
foetas ipse portabit, et, I Petr. III, 7 dicitur : viri quasi
infirmiori vasculo muliebri impartientes honorem. Secundo prosequitur
quantum ad cultum honestatis, dicens et quae inhonesta sunt, abundantiorem
honestatem habent, scilicet per studium humanum. Dicuntur autem membra
aliqua inhonesta in sanctis, non propter aliquam peccati turpitudinem, sed
propter inobedientiam membrorum genitalium subsecutam ex peccato originali.
Vel etiam quia sunt ignobili usui deputata, sicut omnia membra quae
deserviunt emissioni superfluitatum, quibus abundantior honestas adhibetur
dum studiosius teguntur, quo non indigent membra nobilibus usibus deputata.
Unde subdit honesta autem nostra nullius egent, scilicet exterioris
honestatis, unde nec faciei velamen apponitur. Et similiter in Ecclesia illi
qui sunt in aliquo culpabiles, sunt admonendi et custodiendi, secundum illud
Eccli. XLII,
11 — super filiam luxuriosam confirma custodiam. Et Gal. VI, 1 dicitur
: si praeoccupatus quis fuerit in aliquo delicto vos, qui spirituales
estis, huiusmodi instruite in spiritu lenitatis; illi autem qui sunt
absque culpa his non egent. Et est notandum quod triplicem defectum circa membra
notavit, scilicet inhonestatis, ignobilitatis et infirmitatis. Quorum primum in membris
Ecclesiae pertinet ad culpam; secundum ad conditionem servilem; tertium ad
statum imperfectionis. Deinde cum dicit et Deus temperavit, etc.,
ponit causam praedicti cultus, et primo assignat causam efficientem primam.
Licet enim homines taliter se habeant ad cultum membrorum, hoc tamen procedit
ex ordinatione divina, unde dicit sed Deus temperavit corpus,
abundantiorem honorem tribuendo ei membro cui deerat. Nam homines
hoc faciunt ex quodam divino instinctu, secundum illud Iob XXXIII, 16 — aperit
aures virorum et erudiens eos instruit disciplina. Secundo ponit causam finalem, dicens ut non
sit schisma in corpore. Quod quidem sequeretur, si defectui membrorum non
subveniretur. Hoc autem schisma quantum ad membra corporis mystici manifeste
vitatur, dum pax Ecclesiae custoditur per hoc, quod singulis ea quae sunt
necessaria attribuuntur. Unde et supra dictum est cap. I, v. 10 — idipsum
dicatis omnes, et non sint in vobis schismata. Sed quantum ad membra
corporis naturalis, schisma esset in corpore si debita proportio membrorum
tolleretur. Deinde cum dicit sed
in idipsum, etc., ponit comparationem membrorum ad invicem quantum ad
mutuam sollicitudinem. Et, primo, proponit eam,
dicens : non solum praedicta membra operantur ad invicem, sed etiam per se
invicem sunt sollicita in idipsum, id est in unitatem corporis conservandi.
Et hoc quidem manifeste in corpore naturali apparet. Secundo, specificat hanc sollicitudinem; et primo
in malis, in quibus magis est manifestum. Unde dicit et si quid,
scilicet mali, patitur unum membrum, compatiuntur omnia membra. Quod
quidem manifestum est in corpore naturali. Nam uno membro languente, totum
corpus quasi languescit, et ad locum languoris confluunt spiritus et humores
quasi ad subveniendum. Et similiter debet esse in fidelibus Christi, ut unus,
malo alterius compatiatur, secundum illud Iob XXX, 25 — flebam quondam
super eo qui afflictus erat, et anima mea compatiebatur. Secundo in bonis, unde subdit sive gloriatur,
id est, quocumque modo vigoratur, unum membrum, congaudent omnia membra.
Quod etiam manifestum est in corpore naturali, in quo vigor unius membri in
iuvamentum cedit aliis membris. Sic debet etiam esse in membris Ecclesiae, ut
unusquisque bonis alterius congaudeat. Phil. II, v. 17 — gaudeo et
congratulor omnibus vobis. Rom. XII, 15 — gaudere cum gaudentibus, et
flere cum flentibus. Deinde cum dicit vos autem estis, etc.,
adaptat similitudinem ad propositum. Et, primo, quantum ad corporis unitatem,
dicens vos autem, scilicet qui estis in unitate fidei congregati, estis
corpus Christi, secundum illud Eph. I, 22 s. : ipsum dedit
caput super omnem Ecclesiam, quae est corpus eius. Secundo quantum ad membrorum distinctionem, cum
subdit et estis membra de membro. Quod potest intelligi tripliciter.
Uno modo sic : estis membra dependentia de Christo membro, quod quidem
dicitur membrum secundum humanitatem secundum quam, praecipue, dicitur
Ecclesiae caput. Nam secundum divinitatem non habet rationem membri aut
partis, cum sit commune bonum totius universi. Alio modo sic : vos estis
membra dependentia de membro, inquantum per me Christo acquisiti estis,
secundum illud, supra IV, 15 — in Christo Iesu per Evangelium ego vos
genui. Tertio modo posset exponi ut designaretur distinctio et series
membrorum, ut sit sensus : vos estis membra de membro, id est ita
distinguimini et ordinamini ad invicem, sicut unum membrum ad aliud. Deinde cum dicit et quosdam quidem, etc.,
prosequitur de distinctione ministrationum. Circa quod tria facit. Primo
assignat ordinem ministrationum; secundo manifestat earum distinctionem, ibi numquid
apostoli omnes, etc.; tertio ordinat eorum affectionem circa diversas
administrationes et gratias, ibi aemulamini autem, et cetera. Circa primum duo facit. Primo ponit maiores seu
principales administrationes; secundo ministrationes secundarias, ibi opitulationes,
et cetera. Maiores autem ministri in Ecclesia sunt apostoli ad quorum
officium tria pertinent, quorum primum est auctoritas gubernandi fidelem
populum, quae proprie pertinet ad officium apostolatus; secundo facultas
docendi; tertio potestas miracula faciendi ad confirmationem doctrinae. Et de
his tribus habetur Lc. IX, 1 s., ubi dicitur : convocatis Iesus duodecim
apostolis, dedit illis virtutem et potestatem super omnia Daemonia, et ut
languores curarent, et misit illos praedicare regnum Dei. In omnibus
autem potestatibus seu virtutibus ordinatis, illud quod est principale
reservatur supremae potestati; alia vero etiam inferioribus communicantur.
Potestas autem faciendi miracula, ordinatur ad doctrinam sicut ad fidem, secundum
illud Marc. ult. : sermonem confirmante sequentibus signis. Doctrina autem ordinatur
ad gubernationem populi sicut ad finem, secundum illud Ier. III, 15 — dabo vobis
pastores secundum cor meum, et pascent vos in scientia et doctrina. Et
ideo primus gradus inter ecclesiastica ministeria est apostolorum, quibus
specialiter competit Ecclesiae regimen. Et propter hoc dicit et Deus
posuit, id est ordinate collocavit, in Ecclesia, quosdam, scilicet
in determinatis ministeriis, secundum illud Io. XV, 16 — posui vos, ut
eatis. Primum quidem apostolos, quorum regimini commisit Ecclesiam,
secundum illud Lc. XXII, v. 29 — ego dispono vobis, sicut disposuit mihi
pater meus regnum. Unde
et Apoc. XXI, v. 14 s. super duodecim fundamenta civitatis describuntur
duodecim apostolorum nomina. Propter quod et ipsi inter caeteros fideles primatum in spiritualibus
gratiis obtinuerunt, secundum illud Rom. VIII, 23 — nos ipsi primitias
spiritus habentes. Et quamvis ad apostolos praecipue pertineat doctrinae
officium, quibus dictum est Matth. ult. : euntes docete omnes gentes,
tamen alii in communionem huius officii assumuntur, quorum quidam per seipsos
revelationes a Deo accipiunt, qui dicuntur prophetae; quidam vero de his,
quae sunt aliis revelata, populum instruunt, qui dicuntur doctores, unde subdit secundo
prophetas, qui etiam in novo testamento fuerunt. Quod enim dicitur Matth. XI,
13 — lex et prophetae usque ad Ioannem, intelligitur de prophetis qui
futurum Christi adventum praenuntiaverunt. Tertio doctores, unde et Act.
XIII, 1 dicitur : erant in Ecclesia quae erat Antiochiae, prophetae et
doctores. Similiter etiam et gratia miraculorum fuit aliis communicata,
quae primitus a Christo data fuit apostolis, unde subdit deinde virtutes,
qui scilicet miracula faciunt circa ipsa elementa mundi. Gal. III, 5 — operatur
virtutes in nobis. Quantum autem ad miracula quae fiunt in corporibus
humanis, subdit exinde gratias curationum, secundum illud Lc. IX, 1 — ut
languores curarent. Deinde cum dicit opitulationes,
etc., ponit minores sive secundarias administrationes, quarum quaedam
ordinantur ad regimen Ecclesiae, quod ad apostolatus dignitatem pertinere
diximus; quaedam vero ad doctrinam. Ad regimen Ecclesiae pertinent in
generali quaedam opitulationes, id est illi qui opem ferunt maioribus
praelatis in universali regimine, sicut archidiaconi episcopis, secundum
illud Phil. IV, 3 — adiuva illas quae mecum laboraverunt in Evangelio cum
Clemente et caeteris adiutoribus meis. In speciali autem ponit
gubernationes, sicut sunt parochiales sacerdotes, quibus committitur
gubernatio aliquarum particularium plebium. Prov. XI, v. 14 — ubi non est
gubernator, corruet populus. Ad doctrinam autem
pertinet secundario, quod subdit linguarum genera, quantum ad illos
qui variis linguis loquuntur magnalia, ut dicitur Act. II, 4; nec scilicet
propter varietatem idiomatum evangelica doctrina impediretur. Quantum vero ad
amovendum impedimentum doctrinae, quod posset provenire ex obscuritate
sermonum, subdit interpretationes sermonum. Infra XIV, 13 — qui
loquitur lingua, oret ut interpretetur. Deinde cum dicit numquid omnes apostoli,
etc., manifestat distinctionem praedictarum ministrationum, dicens numquid
omnes in Ecclesia sunt apostoli? Quasi dicat : non. Numquid
omnes prophetae? et cetera. Ex quo patet diversitas harum
administrationum. Eccli. XXXIII, 11 — in multitudine disciplinae domini
separavit eos. Et XXXVII, v. 31 — non omnia omnibus expediunt. Deinde cum dicit aemulamini autem, etc.,
ordinat eorum affectum circa praedicta spiritualia dona, dicens : cum multa
sint dona spiritus sancti, ut dictum est, aemulamini, id est
desiderate, charismata meliora, id est gratias potiores, ut scilicet
magis desideretis ea quae sunt meliora, puta prophetiam quam donum linguarum,
ut infra c. XIII, 1 s. dicetur. I Thess. ult. : omnia probate, quod bonum
est tenete. Et ne in praemissis donis eorum affectus quiesceret, subdit et
adhuc excellentiorem viam vobis demonstro, scilicet charitatem, qua
directius in Deum itur. Ps. CXVIII, 32 — viam mandatorum tuorum cucurri. Is. c. XXX, 21
— haec est via, ambulate in ea. |
Après avoir
établi la distinction des grâces, l’Apôtre l’explique ici par une comparaison
tirée du corps naturel. I° Il énonce
cette similitude d’une manière générale ; II° il l’éclaircit en particulier par un exemple (verset
14) : Car le corps, etc. I° Sur la première partie, I. il exprime la similitude ; II. il l’adapte (verset 12) : Il en est de même de
Jésus-Christ, etc. I. Sur cette première
subdivision, il faut remarquer que, comme Aristote le dit (Métaphysique, liv. V), une chose
peut être une en soi de trois manières : d’abord par indivisibilité, comme
sont l’unité elle-même et le point : considérée ainsi, l’unité exclut
totalement la multiplicité non seulement actuelle, mais potentielle. En
outre, une chose peut être une par la continuité, comme sont la ligne et la
surface ; cette sorte d’unité exclut la multiplicité actuelle, mais non
la multiplicité potentielle. Enfin, une chose peut être une par l’intégrité,
qui n’exclut la multiplicité ni actuelle potentielle : c’est ainsi qu’une
maison est une, bien qu’elle soit construite avec plusieurs pierres et pièces
de bois. De même, le corps humain ou le corps de l’animal, quel qu’il soit,
est un, parce que sa perfection s’harmonise de ses divers membres, qui sont
comme les divers instruments de l’âme. Par la même raison, on dit que l’âme
est l’acte du corps organique, c’est-à-dire formé de divers organes. Saint
Paul établit donc : 1° que l’unité du corps n’exclut pas
la multiplicité des membres, en disant (verset 12) : et comme notre corps,
qui n’est qu’un, est composé de plusieurs membres. Il est dit dans le
même sens (Rom., XII, 4) : "Car comme dans un seul corps nous avons
plusieurs membres." 2° Il établit que la multiplicité des
membres ne détruit pas l’unité du corps ; ce qui lui fait ajouter (verset 12)
: Comme tous ces membres, bien que nombreux, ne sont tous néanmoins
qu’un seul corps, qui devient complet par tous les membres. C’est dans ce
sens qu’il est dit aussi, au livre de Job (X, 11) : "Vous m’avez
revêtu de peau et de chair ; vous m’avez affermi par des os et des
nerfs." II. A ces mots (verset
12) : Il en est de même de Jésus-Christ,etc., saint Paul fait
l’application de sa comparaison. 1° Il
l’adapte en disant : et il en est de même de Jésus-Christ,
c’est-à-dire il est un, suivant ce qui a été dit plus haut (VIII, 6) : Il
n’y a qu’un seul Seigneur Jésus-Christ, par qui toutes choses ont été faites.
Cependant il a des membres et multiples et divers, à savoir tous les fidèles,
selon cette parole (Rom., XII, 5) : "Quoique nous soyons plusieurs,
nous ne sommes qu’un corps en Jésus-Christ." 2° Il donne la raison de l’application
; il énonce une double raison de la distinction : la première raison de
l’unité est l’Esprit Saint, suivant cette parole (Ephés., IV, 4) : "Vous
n’êtes tous qu’un même corps, et vous n’avez qu’un même Esprit."
Mais par la vertu du Saint Esprit, nous obtenons un double bienfait : le
premier, d’être régénérés par lui, suivant cette parole (Jean, III, 5) : "Si
quelqu’un ne renaît de l’eau et de l’Esprit Saint,…" C’est ce qui
fait dire à saint Paul (verset 13) : car tous dans le même Esprit,
c’est-à-dire par la vertu du même Esprit, nous tous, qui sommes
membres de Jésus-Christ, nous avons été baptisés en un seul corps, à
savoir dans l’unité de l’Eglise, qui est le corps de Jésus-Christ, suivant ce
mot (Ephés., I, 22) : "Il l’a établi chef sur toute l’Eglise, qui est
son corps" ; et (Gal., III, 27) : "Vous tous qui avez
été baptisés en Jésus-Christ, vous avez été revêtus de Jésus-Christ."
Secondement, l’Esprit Saint rétablit nos forces pour le salut ; aussi
l’Apôtre ajoute-t-il (verset 13) : "Et tous nous avons reçu un
breuvage pour être un même Esprit," c’est-à-dire par la vertu d’un
seul Esprit Saint. Ce breuvage peut être expliqué de deux manières : d’abord
du rafraîchissement intérieur que l’Esprit Saint procure au coeur humain, en
éteignant la soif des désirs charnels et des convoitises. C’est dans ce sens
qu’il est dit (Ecclésiastique XV, 3) : "Elle l’abreuvera de l’eau de
la sagesse qui donne le salut" ; et (Jean vu, 38) : "Des
fleuves d’eau vive couleront de son sein." On peut encore l’entendre
du breuvage sacramentel qui est sanctifié par l’Esprit Saint (ci-dessus, X,
4) : Tous ils ont bu le même breuvage spirituel. Ensuite l’Apôtre
indique une double raison de la diversité : la première du côté du rite
(verset 13) : soit Juifs, soit Gentils, etc. ; la seconde du côté
de la condition : soit esclaves, soit libres ; car aucune de ces
diversités ne saurait empêcher l’unité du corps de Jésus-Christ. Aussi est-il
dit (Gal., III, 28) : "Il n’y a plus ni Juif ni Gentil, plus
d’esclave ni d’homme libre : vous n’êtes tous qu’un en Jésus-Christ." I° A ces mots (verset 14) : aussi le corps, l’Apôtre explique
la similitude en particulier. I. Il décrit
la condition du corps naturel et des membres qui le composent ; II. il en fait
l’application au corps mystique de Jésus-Christ (verset 2l) : Or vous
êtes, etc. I. Dans la première
partie : 1° il décrit
l’intégrité du corps naturel ; 2° les
relations des membres entre eux (verset 24) : Or l’oeil ne peut pas dire à
la main, etc… 1° Dans la première subdivision, 1. saint Paul
énonce sa proposition ; 2. il l’explique par un exemple
(verset 15) : Si le pied disait, etc. ; 3. il la
prouve en poussant à une conséquence absurde (verset 17) : Si tout le
corps était oeil, etc. 1. Il dit
donc : Il a été établi que nous avons été tous baptisés de manière à former
un seul corps mystique dont nous avons l’image dans le corps naturel (verset
14) : en effet, le corps de l’homme n’est pas un membre unique, mais il est
formé de plusieurs membres, c’est-à-dire sa perfection n’existe pas
dans un seul membre, mais elle se complète en plusieurs, qui doivent
nécessai-rement servir les puissances diverses, et concourir aux actes de
l’âme. C’est dans ce sens qu’il est dit (Rom., XII, 4) : "Comme dans
un seul corps, nous avons plusieurs membres, et que tous ces membres n’ont
pas la même fonction, ainsi, quoique nous soyons plusieurs, nous ne sommes
tous qu’un seul corps en Jésus-Christ." 2. En
ajoutant (verset 15) : Si le pied disait, etc…, l’Apôtre développe ce
qui précède au moyen de l’exemple de certains membres. A) Et d’abord ceux qui servent au
mouvement ; il en désigne deux : le pied comme le moins noble de tous,
attendu qu’il foule la terre et qu’il porte le poids de tout le corps, et la
main comme la plus noble, car elle est elle-même l’organe des organes (verset
15) : Si le pied disait : puisque je ne suis pas la main, je ne suis pas
du corps, est-ce que pour cela il ne ferait pas partie du corps ?; en
d’autres termes, la perfection du corps ne consiste pas tout entière dans un
seul membre, quand il serait le plus noble, mais ceux-là mêmes qui sont les
moins nobles sont nécessaires à cette perfection ; or par les membres qui
servent au mouvement, on désigne dans l’Eglise les membres qui s’adonnent à
la vie active. Les pieds figurent les inférieurs, dont il est dit (Ezéch., I,
7) : "Leurs pieds étaient droits" ; les mains
représentent les supérieurs, qui règlent les inférieurs ; de là cette parole
(Cant., V, 14) : "Ses mains sont faites au tour, parées d’or, ornées
d’hyacinthe." Mais dans l’Eglise, non seulement les mains,
c’est-à-dire les supérieurs, sont nécessaires ; mais les pieds, c’est-à-dire
les inférieurs, le sont également. De là encore (Prov., XIV, 28) : "La
multitude du peuple est la dignité du roi." B) L’Apôtre prend un exemple dans les
membres qui servent la puissance appréhensive, et il indique l’oeil qui sert
à voir, et l’oreille qui sert à entendre. Ces deux sens, en effet, sont
utiles principalement à la sagesse humaine : la vue à l’invention, car elle
fait apercevoir les différences nombreuses qui existent entre les objets ;
l’ouïe, car elle reçoit la science, qui se transmet par la parole. De ces
deux sens néanmoins, la vue l’emporte en dignité sur l’ouïe, parce qu’elle
participe davantage à la nature des esprits, et qu’elle s’étend à plus
d’objets, double raison qui fait que l’oeil est plus noble que l’oreille.
L’Apôtre dit donc (verset 16) : Et si l’oreille disait, elle qui est
un membre moins noble : puisque je ne suis pas l’œil, qui est un
membre plus noble, je ne suis pas du corps, est-ce que pour cela
elle ne serait pas du corps ?etc… Les membres du corps qui sont au
service de la puissance appréhensive, désignent, dans l’Eglise, ceux qui
s’appliquent à la vie contemplative : parmi ceux-ci, les docteurs, qui voient
par eux-mêmes la vérité, sont comme les yeux ; c’est dans ce sens qu’il est
dit (Cant., V, 12) : "Ses yeux sont doux comme les colombes qui
reposent sur le bord des plus grands courants d’eau." Les
oreilles désignent les disciples, qui reçoivent par l’ouïe la vérité de leurs
maîtres ; c’est pourquoi il est dit (Matthieu XIII, 43) : "Que celui
qui a des oreilles pour entendre entende." Or dans l’Eglise non
seulement des maîtres sont nécessaires, mais encore des disciples ; aussi
est-il dit au livre de Job (XXIX, 11) : "L’oreille qui m’écoutait me
proclamait bienheureux." 3. Lorsqu’il
ajoute (verset 17) : Si tout le corps était oeil, etc., saint Paul
continue sa preuve, en conduisant à deux conséquences absurdes : la première
est la soustraction des offices nécessaires au corps ; la seconde, la
destruction de son intégrité (verset 19) : Que si tous les membres, etc. A) Sur la première partie, a) il énonce la fausse conséquence qui
en découlerait, en disant (verset 17) : Si tout le corps était
oeil, membre plus noble, où serait l’ouïe ? : c’est-à-dire
l’organe pour entendre ; en d’autres termes si dans l'Eglise tous
étaient maîtres. C’est ainsi qu’il est dit (Jacques III, 1) : "Mes
frères, qu’on ne voie pas parmi vous plusieurs maîtres." Il continue
(verset 17) : Et s’il était tout ouïe, c’est-à-dire tout
instrument pour entendre, où serait l’odorat ?etc… Par
l’odorat, on peut entendre ceux qui, dans l'Eglise, n’étant pas capables de
recevoir les paroles de la sagesse, en recueillent toutefois de loin quelques
traces, comme on perçoit les odeurs. C’est de là qu’il est dit au livre des
Cantiques (I, 3) : "Nous courons sur vos pas, à l’odeur de vos
parfums." b) Il établit
la vérité contradictoire, à savoir que ni l’ouïe ni la vue ne doivent manquer
au corps, en disant (verset 18) : Mais Dieu a uni dans le corps plusieurs
membres, c’est-à-dire a disposé avec ordre dans le corps les divers
membres. Car si la distinction des membres est l’ouvrage de la nature, la
nature cependant agit en cela comme l’instrument de la Providence divine.
Voilà pourquoi, assignant la première cause de la disposition des membres,
l’Apôtre ajoute (verset 18) : et il les y a placés, comme s’il disait :
Dieu n’a pas placé les membres divers de telle sorte que chacun d’eux existât
en soi séparément, mais afin que tous s’assemblent en un corps unique ; et
cela comme il l’a voulu, car la première cause de l’institution des
créatures, c’est la volonté divine, suivant cette parole du Psalmiste (CXIII,
3) : "Tout ce qu’il a voulu, il l’a fait." De même aussi,
dans l’Eglise, Dieu a disposé les offices et les états divers suivant sa
volonté ; de là cette parole (Ep. I, 11) : "prédestinés selon le
décret de Celui qui fait toutes choses d’après le dessein et le conseil de sa
volonté." B) En disant (verset 19) : Que si
tous les membres, etc., saint Paul pousse à une autre fausse conséquence,
à savoir la destruction de l’unité du corps. a) Il énonce donc d’abord cette conséquence, en disant
(verset 19) : Que si tous les membres n’étaient qu’un seul membre, où
serait le corps ?, c’est-à-dire où serait l’intégrité du corps ? comme
s’il répondait : elle n’existerait plus ; de même si, dans l’Eglise, tous
étaient d’une même condition et d’un seul rang, ce serait détruire la
perfection et la beauté de cette Eglise que le Psalmiste dépeint (XLIV, 10) :
"comme revêtue d’ornements variés." b) L’Apôtre établit la vérité
contradictoire, en disant (verset 20) : mais il y a plusieurs membres, et
tous ne font qu’un seul corps, qui n’est complet que par l’union de tous.
C’est ainsi que l’Eglise est constituée de divers ordres, et c’est ce qui
fait dire (Cant., VI, 9), où elle est dépeinte : "Elle est terrible
comme une armée rangée en bataille". 2° A ces mots (verset 21) : Or l’oeil ne peut pas, etc.,
l’Apôtre établit la relation des membres entre eux. 1. Il montre
qu’elle est nécessaire ; 2. quels soins il faut prendre de
chacun de ces membres (verset 23) : Et les membres que nous regardons, etc. ;
3. leur sollicitude réciproque (verset 25) : "Mais
que tous les membres, etc. 1. Quant à la
nécessité, l’Apôtre établit : A) que tous
les membres du corps sont nécessaires, bien que quelques-uns soient moins
honorables ; B) il fait
une comparaison entre eux quant à leur nécessité (verset 22) : Mais, au
contraire, etc. A) Il donne donc d’abord la raison de
la nécessité des divers membres en faisant ressortir une double différence a) premièrement, la différence de ceux
qui servent au mouvement, ce qui lui fait dire (verset 21) : Or l’oeil,
qui sert à la connaissance et désigne les contemplatifs, ne peut pas dire
à la main, qui sert au mouvement et marque ceux qui ont embrassé la vie
active : Je n’ai pas besoin de votre service ; car les
contemplatifs ont besoin d’être soutenus par les oeuvres de ceux qui suivent
la vie active. C’est dans ce sens qu’il est dit (Luc, X, 39) que, pendant que
Marie, s’asseyant aux pieds du Seigneur, écoutait ses paroles, Marthe était
fort occupée à préparer ce qui était nécessaire. b) Secondement, l’Apôtre établit la même vérité par
rapport à la différence entre les supérieurs, représentés par la tête, et les
inférieurs, qui sont figurés par les pieds, ce qui lui fait ajouter (verset
21) : Ni ]a tête, c’est-à-dire le supérieur, suivant cette parole (1
Rois, XV, 17) : "Vous êtes devenu le chef des tribus d’1sraël" -
ne peut dire aux pieds, c’est-à-dire aux inférieurs : Vous ne m’êtes
pas nécessaires ; car, disent les Proverbes (XIV, 28) : "La
multitude du peuple fait la dignité du prince." B) Quand il dit (verset 22) : Mais,
au contraire, etc., saint Paul compare entre eux les membres divers,
quant à leur nécessité, en disant (verset 22) que les membres du corps qui
paraissent les plus faibles sont les plus nécessaires, par exemple les
intestins : de même aussi, dans l’Eglise sans l’office de certains membres
moins nobles, par exemple de ceux qui travaillent à la terre, ou d’autres
semblables, on ne pourrait suffire aux besoins de la vie présente ; toutefois
on pourrait vivre sans le secours de quelques personnes plus éminentes qui se
livrent à la contemplation et à la sagesse. Ces personnes néanmoins sont
utiles à l’Eglise, pour la faire paraître meilleure et plus ornée ; car la nécessité
d’une chose se déduit de son utilité par rapport à la fin. Or ce qui est le
plus noble n’est pas rangé au nombre des choses utiles, mais mérite d’être
recherché comme fin. C’est pourquoi il est dit (Job, XXXI, 39) : "Si
j’ai mangé les fruits de la terre sans donner d’argent, et si j’ai affligé le
coeur de ceux qui l’ont cultivée." 2. En ajoutant (verset
23) : et les membres que nous regardons comme, etc…, l’Apôtre les
compare entre eux au point de vue des soins qu’on leur donne extérieurement.
Et d’abord il établit la diversité de ces soins relativement aux divers
membres ; ensuite il assigne la cause de cette diversité (verset 24) : "Mais
Dieu a mis un tel ordre, etc. A) Les soins extérieurs rendus aux
membres se rapportent à deux points : à l’honneur, comme les ornements, par
exemple les colliers et les pendants d’oreilles ; et à la décence, comme les
vêtements, par exemple les habits de dessous et d’autres du même genre. a) Quant à la première espèce de
soins, l’Apôtre dit d’abord : Et parmi les membres du corps, ceux que nous
regardons comme les moins honorables, nous les environnons de plus grands
honneurs, c’est-à-dire d’ornements plus recherchés : c’est ainsi qu’on
suspend quelquefois des boucles aux oreilles, tandis qu’on n’ajoute aucun
ornement aux yeux ; ainsi encore on donne aux pieds des chaussures brodées et
enrichies de pierres précieuses, suivant cette parole (Cant., VII, 1) : "Que
vos pieds sont beaux dans votre riche chaussure, ô fille du roi !" -
tandis que nous ne nous couvrons pas les mains. De même, dans
l’Eglise, il faut donner aux plus imparfaits plus de consolation, dont les
parfaits n’ont aucunement besoin. C’est dans ce sens qu’il est dit (Isaïe,
XL, 11) : "Il rassemble ses agneaux et les presse dans ses bras ; il
les réchauffe dans son sein, et porte lui-même les brebis pleines ;
et (I Pierre, III, 7) : "Et vous, maris, traitez avec honneur vos
femmes, comme le sexe le plus faible." b) saint Paul passe aux soins que réclame la décence, en
disant (verset 23) : et les membres qui sont les moins honnêtes, nous les
couvrons avec plus d’honnêteté, à savoir par les soins de l’homme. Parmi
les saints, on dit de quelques membres qu’ils sont moins honorables, non à
cause d’une souillure du péché, mais à cause de la révolte des organes génitaux,
révolte qui est une suite du péché originel ; ou encore, parce qu’ils sont
destinés à un usage moins noble, comme tous ceux qui servent à l’émission des
superfluités, et que l’on traite avec plus de décence en les couvrant avec
plus de soin, ce que l’on ne fait pas pour les membres réservés à de plus
nobles usages. Aussi l’Apôtre ajoute-t-il (verset 24) : Tout ce qui est
décent en nous n’en a pas besoin, à savoir de cette décence extérieure :
c’est ainsi qu’on ne met pas un voile sur le visage. De même, dans l’Eglise,
ceux qui sont répréhensibles sur quelque point doivent être avertis et
surveillés, suivant cette parole (Ecclésiastique XLII, 11) : "Gardez
avec soin une fille voluptueuse" ; et (Gal., VI, 1) : "Si
quelqu’un est tombé par surprise en quelque péché, vous autres qui êtes
spirituels, ayez soin de le relever, dans un esprit de douceur."
Mais ceux à qui on n’a pas de faute à reprocher n’ont pas besoin de ces
ménagements. Remarquez que l’Apôtre a fait ressortir trois sortes de défauts
dans les membres, à savoir : le manque de décence, de noblesse et de force.
Le premier, dans les membres de l’Eglise, a le caractère de faute ; le second
indique la condition servile ; le troisième l’état d’imperfection. B) Quand il dit (verset 24) : Mais
Dieu a mis un tel ordre dans le corps, etc., saint Paul expose la cause
de ces soins dont il vient de parler. a) D’abord il indique la première cause réelle. En effet,
bien que nous nous conduisions ainsi à l’égard des soins donnés à nos
membres, il y a là cependant une disposition divine. C’est ce qui lui fait
dire (verset 24) : mais c’est Dieu qui a mis cet ordre dans le corps, en
faisant qu’on honore davantage ce qui est moins honorable. Car les hommes
agissent ainsi par une sorte de divin instinct, suivant cette parole de Job
(XXXIII, 16) : "Dieu ouvre les oreilles des hommes ; il les avertit
et les instruit de ce qu’ils doivent savoir." b) L’Apôtre indique la cause finale,
en disant (verset 25) : afin qu’il n’y ait pas de division dans le corps,
ce qui arriverait assurément si l’on ne subvenait pas au besoin des membres.
Or, pour ce qui est des membres du corps mystique, on évite manifestement ce
schisme quand on conserve la paix de l’Eglise et qu’on attribue à chacun en
particulier ce qui lui est nécessaire. C’est dans ce sens qu’il a été dit
plus haut (I, 10) : Ayez tous un même langage, et qu’il n’y ait pas de
schismes parmi vous. Parmi les membres du corps naturel il existerait un
schisme si la proportion nécessaire entre les membres venait à disparaître. 3. A ces mots
(verset 25) : Mais que tous les membres conspirent également, etc.,
l’Apôtre établit une comparaison entre les membres au point de vue de leur
mutuelle sollicitude. A) D’abord il énonce sa comparaison en
disant : non seulement les membres du corps travaillent l’un pour l’autre,
mais tous conspirent mutuellement à s’entraider les uns les autres, afin de
conserver l’unité du corps. Ceci paraît manifestement dans le corps naturel,
car chaque membre a une sorte d’inclination naturelle pour le soulagement des
autres membres. C’est ainsi que l’homme porte instinctivement la main en
avant pour défendre de tout choc les autres membres. De même, les fidèles qui
sont membres du corps mystique ont les uns pour les autres une sollicitude
réciproque, suivant cette parole (Ecclésiastique XVII, 12) : "Il a
ordonné à chacun d’eux de veiller sur son prochain" ; et (Gal.,
VI, 2) : "Portez les fardeaux les uns des autres." B) Saint Paul spécifie cette
sollicitude : a)
premièrement dans les maux, où elle paraît plus manifeste qu’ailleurs ; c’est
pourquoi il dit (verset 26) : Ainsi, dès qu’un membre souffre d’un mal
quelconque, tous les autres souffrent avec lui." On le voit avec
évidence dans le corps naturel : car, lorsqu’un membre languit, tout le corps
est en quelque sorte languissant ; tous les esprits et les humeurs accourent
au siége du mal, comme pour porter secours. Il en doit être de même parmi les
fidèles de Jésus-Christ, en sorte que les uns compatissent au mal des autres,
suivant cette parole de Job (XXX, 25) : "Je pleurais autrefois sur
celui qui était affligé, et mon âme était compatissante envers le
pauvre." b) En second
lieu, dans les biens (verset 26) : Et si un membre reçoit de l’honneur, c’est-à-dire
si sa vigueur augmente de quelque manière que ce soit, tous les autres
membres se réjouissent avec lui. Ceci est encore évident dans le corps
naturel, dans lequel la vigueur d’un membre vient en aide à tous les autres.
Ainsi doit-il être encore parmi les membres de l’Eglise : chacun doit se
réjouir du bien des autres ; (Philip., II, 17) : "J’ai de la
joie, et je me réjouis avec vous tous" ; et (Rom., XII, 15) : "Réjouissez-vous
avec ceux qui se réjouissent, et pleurez avec ceux qui pleurent." II. Lorsqu’il dit
(verset 27) : Or vous êtes, etc. , saint Paul adapte la similitude à
sa proposition. 1° Quant à l’unité du corps, en disant
(verset 27) : Or vous, à savoir qui êtes assemblés dans l’unité d’une
même foi, vous êtes le corps de Jésus-Christ, suivant cette parole
(Ephés., I, 22) : "Dieu l’a établi chef sur toute l'Eglise, qui est
son corps." 2° Quant à la distinction des membres,
il ajoute (verset 27) : et les membres les uns des autres ; ce
que l’on peut entendre de trois manières. D’abord ainsi : Vous êtes des
membres dépendant d’un autre membre, qui est Jésus-Christ, appelé membre en
raison de son humanité, selon laquelle principalement on le proclame tête de
l'Eglise, car, selon sa divinité, il ne saurait être considéré comme membre
ou comme partie, puisqu’il est le bien commun de tous. Ensuite dans ce sens :
Vous êtes des membres dépendant d’un autre membre, en tant que, par
mon ministère, vous avez été acquis à Jésus-Christ, suivant ce qui a été dit
plus haut (IV, 15) : C’est moi qui vous ai engendrés à Jésus-Christ par
l'Evangile. Enfin, on pourrait voir dans ces paroles la distinction et la
dépendance des membres ; le sens serait : Vous êtes membres les uns des
autres, c’est-à-dire vous êtes distingués et disposés de telle sorte
les uns à l’égard des autres, que vous êtes comme un membre par rapport à un
autre membre. III° En ajoutant (verset 28) : [Ainsi Dieu a établi dans son Eglise]
certains, etc., saint Paul passe à la distinction
des ministères. A cet effet, I. il assigne
l’ordre de ces ministères ; II. il en
explique la distinction (verset 29) : Tous sont-ils apôtres ?; III. il règle leurs
sentiments à l’égard des divers ministères et des différentes grâces (verset
30) : Entre ces dons, désirez, etc. I. Sur la première
partie, 1° il désigne
les ministères plus relevés ou principaux ; 2° les ministères secondaires (verset 28) : le don des
guérisons, etc. 1° Les ministres les plus élevés dans
l’Eglise sont les apôtres. A leur office se rattachent trois prérogatives :
la première est le pouvoir de gouverner le peuple fidèle, pouvoir qui est le
propre de la dignité apostolique ; la seconde, le pouvoir d’enseigner ;
et la troisième, le don de faire des miracles pour confirmer la doctrine. Luc
(IX, 1) fait mention de ces trois prérogatives quand il dit que "Jésus,
ayant assemblé ses douze disciples, leur donna vertu et puissance sur tous
les démons, avec le pouvoir de guérir toutes les maladies, et les envoya
prêcher le royaume de Dieu." Dans toutes les facultés et vertus bien
réglées, le principal est réservé à la puissance suprême, et le reste est communiqué
même aux pouvoirs secondaires. Or le pouvoir de faire des miracles se
rapporte à la doctrine non moins qu’à la foi, suivent cette parole (Marc,
XVI, 20) : "confirmant sa parole par les miracles dont elle était
accompagnée." La doctrine, à son tour, se rapporte au gouvernement
du peuple, qui en est la fin, suivant cette parole de Jérémie (III, 15) : "Je
vous donnerai des pasteurs selon mon coeur, et ils vous nourriront de science
et de sagesse." Voilà pourquoi le premier degré parmi les ministères
ecclésiastiques est celui des apôtres, auxquels est spécialement réservé le
gouvernement de l’Eglise. C’est ce qui fait dire à saint Paul (verset 28) : Ainsi
Dieu a établi, c’est-à-dire a placé à un rang distinct dans son
Eglise, quelques-uns, à savoir dans des ministères déterminés,
suivant cette parole de saint Jean (XV, 16) : "Je vous ai établis
afin que vous portiez des fruits." A) Premièrement les
apôtres, au pouvoir desquels il a confié l’Eglise, suivant
cette autre parole (Luc, XXII, 29) : "Et moi, je vous prépare le
royaume, comme mon Père me l’a préparé." C’est pourquoi aussi il est
dit (Apoc., XXI, 14) que la muraille de la ville avait douze fondements, et
sur eux les douze noms des apôtres de l’Agneau. Cette même raison explique
encore pourquoi les apôtres ont obtenu, parmi les autres fidèles, la primauté
dans les dons spirituels ; (Rom., VIII, 23) : "Nous-mêmes, qui
possédons les prémices de l’Esprit." Et bien que ce soit aux apôtres
qu’appartienne principalement le ministère de l’enseignement, eux à qui il a
été dit (Matthieu XXVIII, 19) : "Allez donc, enseignez toutes les
nations," d’autres cependant sont choisis pour participer à cet
office. Parmi ceux-ci, les uns reçoivent de Dieu, par eux-mêmes, des
révélations et sont appelés prophètes ; les autres instruisent le peuple de
ce qui a été révélé aux premiers, et prennent le nom de docteurs. B) C’est de là que l’Apôtre ajoute : en
second lieu, des prophètes, qui ont aussi existé sous le Nouveau
Testament. Car ce qui est dit en saint Matthieu (XI, 13) : "la Loi et
les prophètes jusqu’à Jean," s’entend des prophètes qui annoncèrent
le futur avènement de Jésus-Christ. C) troisièmement des docteurs ;
(Actes, XIII, 1) : "Il y avait dans l'Eglise d’Antioche des prophètes
et des docteurs." D) Le don des miracles, primitivement
communiqué aux apôtres par Jésus-Christ, fut aussi communiqué à d’autres.
L’Apôtre ajoute donc (verset 28) : ensuite le don de force,
c’est-à-dire ceux qui font des miracles sur les éléments mêmes du
monde ; (Gal., III, 5) : "celui qui fait des miracles parmi
vous." E) Quant aux
miracles qui s’opèrent sur le corps humain, il dit (verset 28) : et le don
de guérir les maladies, suivant ce mot (Luc, IX, 1) : "et le
pouvoir de guérir les maladies." 2° Lorsqu’il dit ensuite (verset 28) :
le don d’assister les affligés, saint Paul désigne les ministères
moindres ou secondaires. Les uns ont rapport au gouvernement de l'Eglise, que
nous avons dit appartenir à la dignité apostolique ; les autres à
l’enseignement. A) Au gouvernement de l’Eglise se
rapportent en général certaines "assistances," à savoir ceux qui
viennent en aide aux supérieurs majeurs dans le gouvernement général, par
exemple les archidiacres à l’égard des évêques, suivant cette parole
(Philip., IV, 3) : "Je vous prie de secourir celles qui ont travaillé
avec moi pour l’Evangile, avec Clément et les autres qui m’ont aidé."
Il désigne en particulier "la fonction de gouverner," comme par
exemple la fonction des prêtres des paroisses, auxquels est confié le
gouvernement particulier de quelque partie du peuple chrétien ; (Prov.,
XI, 14) : "Là où il n’y a pas de chef, le peuple meurt." B) A l’enseignement se rapporte
secondairement ce qu’il ajoute (verset 28) : le don de parler diverses
langues, pour ceux qui parlent en diverses langues des grandeurs de Dieu,
ainsi qu’il est rapporté aux Actes (II, 4), à savoir pour que la variété des
idiomes ne fasse point obstacle à la doctrine évangélique. Quant à surmonter
la difficulté qui pourrait provenir, pour l’enseigne-ment, de l’obscurité du
langage, l’Apôtre ajoute (verset 28) : le don de les interpréter
(ci-après, XIV, 13) : Que celui qui parle une langue inconnue demande le
don de l’interpréter. II. A ces paroles
(verset 29) : Tous sont-ils apôtres ?, etc. saint Paul montre la
distinction des ministères précités, en disant : Est-ce que dans
l’Eglise tous sont apôtres ?, comme s’il répondait : non. Tous
sont-ils prophètes, etc.? D’où l’on voit la diversité de ces
ministères ; (Ecclésiastique XXXIII, 11) : "Dans l’étendue de sa
sagesse, Dieu a établi des différences entre les hommes" ; et
(Ecclésiastique XXXVII, 31) : "Tout ne convient pas à tous." III. Enfin, lorsque
l’Apôtre dit (verset 30) : Entre ces dons, désirez, etc., il règle
leur affection à l’égard des dons spirituels dont il a parlé, en disant :
puisqu’il y a un grand nombre de dons spirituels, comme il a été expliqué, ayez
de l’empressement pour ceux d’entre eux qui sont les plus parfaits,
c’est-à-dire pour les dons les plus porteurs de grâces, en sorte que vous
désiriez davantage les meilleurs, par exemple le don de prophétie, plutôt que
celui des langues ; comme il sera dit ci-après (chap. XIII, 1, et 1 Thess.,
V, 21) : "Eprouvez tout ; attachez-vous à ce qui est bon."
Et, de peur que leur affection ne s’arrêtât à ces dons qu’il venait
d’exposer, il ajoute (verset 31) : mais je vous montrerai encore une voie
beaucoup plus excellente, à savoir la charité, par laquelle on s’élève
directement à Dieu ; (Psaume CXVIII, 32) : "J’ai couru dans la
voie de vos commandements" et (Isaïe, XXX, 21) : "C’est ici
la voie, marchez dans le chemin." |
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Caput 13 |
CHAPITRE XIII — LA CHARITÉ |
Lectio 1 |
Leçon 1 : 1 Corinthiens XIII, 1-3 — La plus grande : La charité |
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SOMMAIRE : L’Apôtre met au-dessus de tous les dons gratuits la charité, sans laquelle ces dons sont sans force et sans vertu. |
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[1] si linguis hominum loquar et angelorum caritatem autem non
habeam factus sum velut aes sonans aut cymbalum tinniens [2] et si habuero prophetiam et noverim mysteria omnia et
omnem scientiam et habuero omnem fidem ita ut montes transferam caritatem
autem non habuero nihil sum [3] et si
distribuero in cibos pauperum omnes facultates meas et si tradidero corpus
meum ut ardeam caritatem autem non habuero nihil mihi prodest |
1. Quand je
parlerais toutes les langues des hommes et le langage des anges, si je n’ai
point la charité je ne suis que comme un airain sonnant et une cymbale
retentissante ; 2. Et quand
j'aurais le don de prophétie, que je pénétrerais tous les mystères, et que
j’aurais une parfaite science de toutes choses, et quand j’aurais encore
toute la foi, jusqu’à transporter les montagnes, si je n'ai point la charité
je ne suis rien ; 3. Et quand
je distribuerais tout mon bien pour nourrir les pauvres, et que je livrerais
mon corps pour être brûlé, si je n'ai point la charité tout cela ne me
servirait de rien. |
[87670] Super 1 Cor. [reportatio vulgata],
cap. Erat autem apud Corinthios multum desiderabile
donum linguarum, ut infra c. XIV,1 patebit; et ideo, ab eo incipiens, dicit :
promisi me demonstraturum excellentiorem viam, et hoc primo patet in dono
linguarum, quia si linguis hominum, scilicet omnium, loquar, id
est, si habuero donum gratiae, per quod loqui possim linguis omnium hominum;
et ad maiorem abundantiam subdit et Angelorum : charitatem autem non
habeam, factus sum velut aes sonans aut cymbalum tinniens. Recta
comparatione utitur. Anima enim per charitatem vivit quae vivit Deo, qui est
animae vita, secundum illud Deut. XXX, 20 — ipse est vita tua. Unde et
I Io. III, 14 dicitur : translati sumus de morte ad vitam, quoniam
diligimus fratres; qui non diligit manet in morte. Recte ergo comparat
loquelam charitate carentem, sono rei mortuae, scilicet aeris aut cymbali,
qui licet clarum sonum reddat, non tamen est vivus sed mortuus. Ita etiam
locutio hominis charitate carentis, quantumcumque sit diserta, tamen habetur
pro mortua, quia non proficit ad meritum vitae aeternae. Est autem
differentia inter aes sonans et cymbalum tinniens, quia aes, cum sit planum,
ex percussione simplicem sonum emittit; cymbalum autem, cum sit concavum, ex
una percussione sonum multiplicat, quod pertinet ad tinnitum. Aeri ergo
comparantur qui veritatem simpliciter pronuntiant, cymbalo vero qui veritatem
multiplicant et pronuntiant, multas rationes et similitudines apponendo, et
conclusiones plurimas eliciendo, quae tamen omnia sine charitate habentur ut
mortua. Considerandum est autem quae linguae Angelorum
dicantur. Nam cum lingua sit membrum corporeum et ad eius usum pertineat
donum linguarum, quod interdum lingua dicitur, ut patebit infra XVI, neutrum
videtur Angelis competere qui membra non habent. Potest ergo dici quod per
Angelos intelliguntur homines Angelorum officium habentes, qui scilicet aliis
hominibus divina annuntiant, secundum illud Mal. II, 7 — labia sacerdotis
custodiunt scientiam, et legem requirunt ex ore eius, quia Angelus domini
exercituum est. Sub hoc ergo sensu dicitur si linguis hominum loquar
et Angelorum, id est non solum minorum sed etiam maiorum qui alios
docent. Potest etiam intelligi de ipsis incorporeis Angelis, prout in Ps.
CIII, 4 dicitur : qui facit Angelos suos spiritus. Et quamvis non
habeant linguam corpoream, per similitudinem tamen lingua in eis dici potest
vis, qua manifestant aliis quod habent in mente. Est autem sciendum quod in
cognitione mentis angelicae aliquid est, de quo superiores Angeli non
loquuntur inferioribus, neque e converso, scilicet ipsa divina essentia quam
omnes immediate vident, Deo se omnibus monstrante, secundum illud Ier. c.
XXXI, 34 — non docebit ultra vir proximum suum, et vir fratrem suum,
dicens : cognosce dominum. Omnes enim cognoscent me a minimo usque ad maximum
eorum. Aliquid autem est in cognitione mentis angelicae, de quo
superiores loquuntur inferioribus, sed non econverso. Et huiusmodi sunt
divinae providentiae mysteria, quorum plura cognoscunt in ipso Deo
superiores, qui clarius eum vident quam inferiores. Unde superiores de
huiusmodi inferiores instruunt vel illuminant, quod locutio potest dici.
Aliquid vero est in cognitione mentis angelicae, de quo superiores loquuntur
inferioribus et econverso; et huiusmodi sunt occulta cordium quae ex libero
arbitrio dependent, quae soli Deo patent, et his quorum sunt, secundum illud
supra II, 11 — quae sunt hominis, nemo novit nisi spiritus hominis qui in
ipso est. Quae
in notitiam alterius deveniunt, eo cuius sunt manifestante, sive sit
inferior, sive superior. Fit autem huiusmodi manifestatio dum inferior
Angelus superiori loquitur, non per illuminationem, sed per quemdam
significationis modum. Est enim in quolibet Angelo aliquid quod naturaliter
ab altero Angelo cognoscitur. Dum ergo id quod est naturaliter notum, proponitur ut signum eius quod
est ignotum, manifestatur occultum. Et talis manifestatio dicitur locutio ad
similitudinem hominum, qui occulta cordium manifestant aliis per voces
sensibiles, aut per quodcumque aliud corporale exterius apparens. Unde et ea,
quae sunt in Angelis naturaliter nota, inquantum assumuntur ad
manifestationem occultorum, dicuntur signa vel nutus. Potestas autem
manifestandi conceptum suum hoc modo metaphorice lingua nominatur. Deinde cum dicit et si habuero, etc.,
ostendit idem de his quae pertinent ad cognitionem. Est autem attendendum
quod supra proposuit quatuor dona gratuita ad cognitionem pertinentia,
scilicet sapientiam, scientiam, fidem et prophetiam. Incipit ergo hic a prophetia, dicens et si
habuero prophetiam, per quam divinitus occulta revelantur, secundum illud
II Petr. I, 21 —
non enim voluntate humana allata est aliquando prophetia, sed spiritu
sancto inspirati locuti sunt sancti Dei homines. Secundo, quantum ad
sapientiam, subdit et noverim omnia mysteria, id est occulta
divinitatis, quod pertinet ad sapientiam, secundum illud supra II, 7 — loquimur
Dei sapientiam in mysterio absconditam. Tertio, quantum ad scientiam,
dicit et omnem scientiam, sive humanitus acquisitam, sicut habuerunt
philosophi, sive divinitus infusam, sicut habuerunt eam apostoli. Sap. c. VII, 17 — dedit
mihi eorum quae sunt veram scientiam. Quarto, quantum ad fidem,
subdit et si habuero omnem fidem, ita ut montes transferam. Potest
autem exponi id quod dicit omnem fidem, id est omnium articulorum; sed
merito est ut exponatur omnem, id est perfectam fidem, propter illud
quod subditur ita ut montes transferam. Dicitur enim Matth. XVII, 19 —
si habueritis fidem sicut granum sinapis, dicetis monti huic : transi
hinc, et transibit. Et quamvis granum sinapis sit minimum quantitate, non
tamen intelligitur parva, sed perfecta fides grano sinapis comparari. Dicitur
enim Matth. XXI, v. 21 — si habueritis fidem, et non haesitaveritis, non
solum de ficulnea facietis, sed etiam si monti huic dixeritis : tolle et
iacta te in mare, fiet. Fides ergo quae non haesitat, grano sinapis
comparatur, quod quanto magis atteritur, tanto magis eius fortitudo sentitur.
Obiiciunt autem aliqui quod cum multi sancti
perfectam fidem habuerint, nullus legitur montes transtulisse; quod quidem
solvitur per id quod supra XII, 7 dictum est : unicuique datur
manifestatio spiritus ad utilitatem. Illo nempe modo, loco et tempore
miracula per gratiam spiritus sancti fiunt, quo Ecclesiae requiritur
utilitas. Fecerunt autem sancti multo maiora, quam translationem montium,
prout erat fidelibus utile, puta suscitando mortuos, dividendo mare et alia
huiusmodi opera faciendo. Et hoc etiam fecissent, si necessitas adfuisset.
Potest etiam hoc transferri ad expulsionem Daemonum de humanis corporibus,
qui montes dicuntur propter superbiam. Ier. XIII, 16 — antequam offendant
pedes vestri ad montes caliginosos, ecce ego ad te, mons pestifer, qui
corrumpis universam terram. Attribuitur autem operatio miraculorum fidei
non haesitanti, quia fides innititur omnipotentiae, per quam miracula fiunt. Si, inquam, habuero omnia praedicta ad
perfectionem intellectus pertinentia, charitatem autem non habuero,
per quam perficitur voluntas, nihil sum, scilicet secundum esse
gratiae, de quo dicitur Eph. II, 10 — ipsius sumus factura, creati in
Christo Iesu in operibus bonis. Unde et contra quemdam dicitur Ez. XXVII, 19 — nihil
factus es, et non eris in perpetuum. Quod quidem fit propter defectum
charitatis, per quam homo bene utitur intellectu perfecto. Sine charitate
autem eius usus bonus non est. Unde et supra c. VIII, 1 dicitur, quod scientia
inflat, charitas aedificat. Est autem notandum quod apostolus hic loquitur de
sapientia et scientia, secundum quod pertinent ad dona gratiae gratis datae,
quae sine charitate esse possunt. Nam secundum quod computantur inter septem
dona spiritus sancti, numquam sine charitate habentur. Unde et Sap. I, 4
dicitur : in malevolam animam non intrabit sapientia. Et Sap. X, 10
dicitur : dedit illi scientiam sanctorum. De prophetia autem et fide
manifestum est, quod sine charitate haberi possunt. Sed notandum est hic quod
fides firma, etiam sine charitate, miracula facit. Unde, Matth. VII, 22,
dicentibus : nonne in nomine tuo prophetavimus, et multas virtutes
fecimus? Dicitur : numquam novi vos. Spiritus enim sanctus
operatur virtutes etiam per malos, sicut et per eos loquitur veritatem. Deinde cum dicit et si distribuero, etc.,
ostendit idem in his quae pertinent ad opera, quae consistunt in hoc quod
homo faciat bona, secundum illud Gal. VI, v. 9 — bonum facientes, non
deficiamus; et in hoc quod patienter sustineat mala, secundum illud Ps.
XCI, 15 s. : bene patientes erunt, ut annuntient. Inter caetera vero bona opera magis commendantur
opera pietatis, secundum illud I Tim. IV, 8 — pietas ad omnia utilis est.
Circa quod opus quatuor conditiones designat. Quarum prima est, quod opus
pietatis non totum congregetur in unum, sed dividatur in plures, secundum
illud Ps. CXI, 9 — dispersit, dedit pauperibus. Et hoc designatur cum
dicitur si distribuero. Secundo ut opus pietatis fiat ad subveniendum
necessitati, non ad serviendum superfluitati, secundum illud Is. LVIII, 7 — frange
esurienti panem tuum, et hoc designatur, cum dicitur in cibos pauperum.
Tertio ut opus pietatis exhibeatur indigentibus, secundum illud Lc. XIV, 13 —
cum facis convivium, voca pauperes; et hoc designatur, cum dicitur pauperum.
Quarto ad
perfectionem pertinet, ut homo omnia bona sua in opera pietatis expendat,
secundum illud Matth. XIX, 21 — si vis perfectus esse, vade, vende omnia quae habes, et
da pauperibus; et hoc designatur, cum dicitur omnes facultates meas.
Inter mala vero quae quis sustinet patienter,
potissimum est martyrium. Unde dicitur Matth. V, 10 — beati qui
persecutionem patiuntur propter iustitiam. Quod etiam quadrupliciter
commendat. Primo quidem, quia laudabilius est quod, necessitate imminente,
puta propter defensionem fidei, seipsum offerat passioni, quam si deprehensus
patiatur. Et ideo dicit si tradidero. Sicut et de Christo dicitur Eph.
V, 2 — tradidit semetipsum pro nobis. Secundo quia gravior est
corporis humani iactura, quam rerum, de quo tamen quidam commendantur Hebr.
X, 34 — rapinam bonorum vestrorum cum gaudio sustinuistis. Et ideo
dicit corpus. Is. L, 6 — dedi corpus meum percutientibus.
Tertio laudabilius est quod aliquis exponat corpus suum supplicio, quam
corpus filii, vel cuiuscumque propinqui, de quo tamen commendatur quaedam
mulier II Mac. VII, 20 — supra modum videtur mirabilis et bonorum memoria
digna, quae pereuntes septem filios sub unius diei tempore conspiciens, bono
animo ferebat. Et ideo dicit meum. Iudicum V, v. 9 — qui
propria voluntate obtulistis vos discrimini pro domino. Quarto redditur
martyrium laudabilius ex acerbitate poenae, de quo subditur ita ut ardeam,
sicut Laurentius. Eccli. L, 9 — quasi ignis effulgens et thus ardens in
igne. Si, inquam, praedicta opera tam excellentia fecero, charitatem
autem non habuero, vel quia simul cum praedictis operibus adest voluntas
peccandi mortaliter, vel quia fiunt propter inanem gloriam, nihil mihi
prodest, scilicet quantum ad meritum vitae aeternae, quae solis
diligentibus Deum repromittitur, secundum illud Iob XXXVI, 33 — annuntiat
de ea amico suo quod possessio eius sit. Et notandum quod locutionem,
quae est vox animalis, si sit sine charitate, comparat non existenti, opera
autem quae fiunt propter fidem, si sint sine charitate, dicit esse
infructuosa. Sap. III, 11 — vacua est spes eorum, et labores sine fructu. |
Après avoir
marqué la distinction des grâces gratuitement données et des divers
ministères, par lesquels les membres de l’Eglise se distinguent les uns des
autres, l’Apôtre traite ici de la charité, qui accompagne inséparablement la
grâce qui rend agréable. Et parce qu’il avait promis de montrer aux
Corinthiens une voie encore plus excellente, il établit la prééminence de la
charité sur les autres dons gratuits. D’abord, quant à sa nécessité,
c’est-à-dire que sans la charité les autres dons gratuits sont insuffisants ;
ensuite, quant à son utilité, car par la charité on évite toute espèce de mal
et l’on pratique toute espèce de bien (verset 4) : La charité est
patiente, etc. ; enfin, quant à sa durée (verset 8) : La charité
ne finira jamais. Or l’Apôtre paraît réduire à trois tous les dons
gratuits, car il montre I° que le don
des langues, qui appartient à la parole, est de nulle valeur sans la charité
; II° que ce qui
appartient à la connaissance sans la charité ne vaut pas davantage (verset 2)
: Quand j’aurais le don de prophétie, etc. ; III° qu’il en est de
même pour ce qui tient aux oeuvres (verset 3) : et quand je distribuerais
toutes mes richesses pour secourir les pauvres, etc. I° On désirait surtout, chez les Corinthiens, le don des langues, comme on le
verra plus bas (XIV, 1). L’Apôtre commence donc par ce don et dit : J’ai
promis de vous montrer une voie encore plus excellente ; or je vois cela
d’abord dans le don des langues, car (verset 1) : Quand je parlerais les
langues des hommes, c’est-à-dire toutes les langues, en d’autres termes
quand j’aurais ce don gratuit qui me permettrait de parler toutes les langues
des hommes ; et pour étendre sa pensée, il ajoute : et des anges même, si
je n’ai point la charité je suis comme un airain sonnant et une cymbale
retentissante. Il se sert ici d’une comparaison parfaitement juste, car
l’âme vit par la charité quand elle vit pour Dieu, qui est la vie de l’âme,
suivant cette parole du Deutéronome (XXX, 20) : "Le Seigneur est votre
vie." C’est pourquoi il est dit (I Jean III, 14) : "nous
sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons nos frères. Celui
qui n’aime point, demeure dans la mort." L’Apôtre compare donc avec
justesse la parole qui est exempte de charité au son d’un métal sans vie, à
savoir de l’airain ou d’une cymbale, qui, bien que rendant des sons
éclatants, sont néanmoins non pas vivants, mais morts. De même aussi la
parole de celui qui n’a pas la charité, quelque diserte qu’elle puisse être,
n’en est pas moins regardée comme morte, parce qu’elle ne sert de rien pour
mériter la vie éternelle. Entre l’airain sonnant et la cymbale retentissante,
il y a cette différence que l’airain, ayant une surface plane, rend
simplement le son lorsqu’on le frappe, tandis que la cymbale, étant concave,
multiplie le son sous un seul coup qui la frappe, ce qui produit le
retentissement. Ceux-là donc qui énoncent simplement la vérité ressemblent à
l’airain ; on compare à la cymbale ceux qui multiplient la vérité et
l’expriment au moyen de développements oratoires, raisonnements, similitudes
et de conclusions logiques. Toutefois on les regarde comme dénués de vie
quand ils n’ont pas la charité. Il faut
aussi expliquer ce qu’on entend ici par les langues des anges. En effet, la
langue étant un membre corporel à l’usage duquel se rapporte le don des
langues, qu’on appelle quelquefois langue, comme on le verra ci-dessous (XVI,
1), ni l’un ni l’autre ne paraît convenir aux anges, qui n’ont pas de membres
corporels. On peut donc dire que par les anges il faut entendre les hommes
qui exercent les ministères des anges, c’est-à-dire ceux qui proclament aux
autres hommes les choses divines, suivant cette parole (Malachie, II, 7) : "Les
lèvres du prêtre garderont la science, et l’on recherchera la loi de sa
bouche, parce qu’il est l’ange du Seigneur des armées." Dans ce sens
donc l’Apôtre dit : Quand je parlerais la langue des hommes et celle des
anges, c’est-à-dire celle non seulement des inférieurs, mais encore celle
des supérieurs qui enseignent les autres. On peut encore l’entendre des anges
incorporels eux-mêmes, dans le sens où il est dit (Psaume CIII, 4) : "Il
fait des esprits ses anges", car, bien qu’ils n’aient pas de langue
corporelle, cependant, par similitude, on peut appeler du nom de langue cette
puissance qu’ils possèdent de manifester aux autres ce qu’ils ont dans la
pensée. Sur ceci il faut savoir qu’il y a dans la connaissance de l’âme
angélique quelque chose dont les anges supérieurs ne parlent pas aux anges
inférieurs, et réciproquement, à savoir la divine essence que tous
contemplent immédiatement, Dieu se montrant à tous, suivant cette parole
(Jér., XXXI, 3) : "Et nul n’instruira plus son prochain ni son frère,
disant : Connaissez le Seigneur ; car tous, depuis le plus petit jusqu’au
plus grand, me connaîtront, dit le Seigneur." Toutefois il y a
aussi, dans cette connaissance de l’âme angélique, des choses dont les anges
supérieurs parlent aux anges inférieurs, mais non pas réciproquement : tels
sont les mystères de la divine Providence, dont les anges supérieurs
connaissent un grand nombre en Dieu lui-même, parce qu’ils le voient dans une
lumière plus grande que les inférieurs. Les supérieurs instruisant donc ou
éclairant les inférieurs sur ces mystères, cette communication peut être
regardée comme leur langage. Il y a encore dans cette connaissance des
vérités dont les esprits supérieurs entretiennent les esprits inférieurs, et
réciproquement : telles sont les pensées secrètes des coeurs, qui dépendent
du libre arbitre et ne sont connues que de Dieu et de ceux à qui elles
appartiennent, suivant ce qui a été dit plus haut (II, 11) : Personne ne
connaît ce qui est dans l’homme, sinon l’esprit de l’homme, qui est en lui.
Or les pensées arrivent à la connaissance d’un autre par la manifestation
qu’en fait celui à qui il est donné de les connaître, soit inférieur, soit
supérieur. Cette manifestation a lieu quand un ange inférieur s’adresse à un
ange supérieur, non par illumination, mais par quelque moyen de signification
; car il y a dans chaque ange des choses qui sont naturellement connues d’un
autre ange. Ainsi donc, lorsque ce qui est connu naturellement devient le
signe de ce qui est inconnu, il y a manifestation de ce qui était secret, et
cette manifestation s’appelle langue, par similitude avec ce qui se pratique
parmi les hommes, qui manifestent aux autres ce qui est caché dans leur
coeur, au moyen de locutions sensibles ou par quelque autre signe corporel
extérieurement perceptible. C’est de là que chez les anges, ce qui est
naturellement connu, en tant qu’il est employé pour la manifestation de ce
qui est secret, prend le nom de signe ou de mouvement, et le pouvoir de
manifester de cette manière l’objet de la conception est métaphoriquement
appelé du nom de langue, II° Quand l’Apôtre dit (verset 2) : Quand j’aurais, etc., il continue
sa démonstration en abordant ce qui est dans l’ordre de la connaissance. Il
faut ici remarquer que l’Apôtre a indiqué plus haut quatre dons gratuits
appartenant à cet ordre, à savoir : la sagesse, la science, la foi et la
prophétie. Il commence donc ici par la prophétie, et dit (verset 2) : Quand
j’aurais le don de prophétie, par laquelle les choses cachées sont
divinement révélées, suivant cette parole (II Pierre, I, 21) : "Les
prophéties ne sont pas venues de la volonté des hommes, mais du mouvement du
Saint Esprit, par lequel les hommes inspirés de Dieu ont parlé".
Secondement, quant à la sagesse, il ajoute (verset 2) : quand je
pénétrerais tous les mystères, c’est-à-dire ce qui est caché dans la
Divinité, ce qui concerne la sagesse suivant ce qui a été dit plus haut (II,
7) : Nous prêchons la sagesse de Dieu cachée dans son mystère.
Troisièmement, quant à la science, il dit (verset 2) : et toute science
soit humainement acquise, comme celle des philosophes, soit divinement
infuse, comme celle des apôtres ; (Sag., VII, 17) : "Lui-même,
il m’a donné la vraie science de tout ce qui est." Quatrièmement,
quant à la foi, il ajoute (verset 2) : et quand j’aurais toute la foi
possible, jusqu’à transporter les montagnes. On peut entendre ce que dit
l’Apôtre toute la foi, par la croyance de tous les articles ; mais il
est mieux d’entendre toute la foi, par une foi parfaite, car l’Apôtre
ajoute : jusqu’à transporter les montagnes ; (Matthieu XVII, 19) :
"Si vous aviez de la foi comme un grain de sénevé, vous diriez à
cette montagne : Transporte-toi d’ici à là, et elle s’y transporterait."
Quoique le grain de sénevé soit le plus petit de tous les grains quant au
volume, on ne regarde point comme petite, mais comme parfaite, la foi que le
Seigneur compare au grain de sénevé ; car il est dit encore en saint Matthieu
(XXI, 21) : "Si vous avez de la foi et si vous n’hésitez pas, non
seulement vous ferez ce qui vient d’être fait à ce figuier, mais si vous
dites même à cette montagne : Lève-toi et jette-toi dans la mer, elle le
fera." On compare donc la foi qui n’hésite pas au grain de sénevé,
qui fait d’autant plus sentir sa force, qu’il est mieux broyé. On objecte que
plusieurs saints person-nages ont eu une foi parfaite, sans que pour cela on
en voie un seul qui ait transporté des montagnes. La réponse à cette
difficulté se trouve dans ce qui a été dit plus haut (XII, 7) : "Les
dons du Saint Esprit, qui se manifestent au dehors, sont donnés à chacun pour
l’utilité de tous." En effet, les miracles opérés par la grâce de
l’Esprit Saint se font au temps, au lieu et selon le mode exigé par l’utilité
de l’Eglise. Aussi les saints ont fait des miracles plus grands que le
déplacement des montagnes, selon qu’il était utile aux fidèles, par exemple en
ressuscitant les morts, en ouvrant les mers et en opérant d’autres prodiges
de ce genre. Quant à celui dont il est ici question, ils l’eussent opéré s’il
eût été nécessaire. On peut encore appliquer ce passage à l’expulsion des démons
du corps humain, puisque les démons sont appelés montagnes, à cause de leur
orgueil ; (Jér., XIII, 16) : "Avant que vos pieds heurtent
contre des montagnes couvertes de nuées" et (Jér., LI, 25) : "Je
viens à toi, montagne de perdition qui as corrompu toute la terre."
On attribue l’oeuvre des miracles à la foi qui n’hésite pas, parce que la foi
s’appuie sur la toute-puissance, qui opère les miracles[7]. Quand donc
j’aurais, dis-je, tout ce que nous avons exposé comme appartenant à la
perfection de l’intelligence, si je n’ai point la charité qui
perfectionne la volonté, je ne suis rien, à savoir selon l’être de la
grâce, dont il est dit (Ephés., II, 10) : "Nous sommes son ouvrage,
créés en Jésus-Christ pour les bonnes oeuvres." C’est dans ce sens
qu’il est dit encore contre quelqu’un (Ezéch., XXVIII, 19) : "Tu es
devenu comme un néant, et tu ne seras plus à jamais." C’est ce qui
arrive par le manque de charité, par laquelle l’homme fait un usage légitime
de son intelligence perfectionnée, car sans la charité cet usage manque de
rectitude. C’est pourquoi il est dit plus haut (VIII, 1) : La science
enfle et la charité édifie. Il faut
encore remarquer que l’Apôtre parle ici de la sagesse et de la science en
tant qu’elles appartiennent aux dons de la grâce gratuitement donnée, dons
qui peuvent exister sans la charité ; car, en tant qu’elles font partie des
sept dons du Saint Esprit, jamais elles ne peuvent être séparées de la
charité. Aussi est-il dit au livre de la Sagesse (I, 4) : "La sagesse
n’entrera pas dans l’âme perverse" ; et (même livre, X, 10) : "La
sagesse lui a donné la science des saints." Quant à la prophétie et
à la foi, il est manifeste qu’on peut les avoir sans la charité ; mais il
faut observer ici que la foi ferme fait des miracles, même sans la charité.
Aussi (Matthieu VII, 22), à ceux qui disent : "Seigneur, n’avons-nous
pas prophétisé et fait beaucoup de prodiges en votre nom ?" il est
répondu : "Je ne vous ai jamais connus." L’Esprit Saint, en
effet, opère des prodiges même par les méchants, ainsi que par eux il annonce
la vérité. III° (verset 3) : Et quand je distribuerais toutes mes richesses, saint Paul donne
ici sa preuve pour ce qui concerne les oeuvres qui consistent à faire le
bien, suivant cette parole (Gal., VI, 9) : "Ne nous lassons pas de
faire le bien" et à supporter patiemment le mal, suivant cette autre
parole (Psaume XCI, 15) : "Ils seront remplis de patience pour
annoncer." Or, parmi toutes les bonnes oeuvres, celles de la piété
sont particulièrement recommandées, suivant cette parole (I Tim., IV, 8) : "La
piété est utile à tout." A l’égard de ces oeuvres, l’Apôtre demande
quatre conditions : la première, c'est que l’œuvre de piété ne se concentre
pas sur un seul, mais qu’elle se multiplie à l’égard de plusieurs, suivant
cette parole du Psalmiste (CXI, 9) : "Il a répandu ses biens avec
libéralité sur les pauvres." L’Apôtre exprime cette condition en
disant (verset 3) : Quand je distribuerais. La seconde, c’est que
l’oeuvre ait pour but de subvenir à la nécessité, et non de servir au
superflu, suivant ce que dit le prophète Isaïe (LVIII, 7) : "Partagez
votre pain avec celui qui a faim." L’Apôtre exprime cette condition
quand il dit (verset 3) : pour nourrir les pauvres. La troisième est
que l’oeuvre soit faite en faveur de ceux qui sont dans le besoin, suivant
cette parole (Luc, XIV, 13) : "Lorsque vous donnerez un festin,
appelez-y les pauvres." L’Apôtre le marque en disant (verset 3) : les
pauvres. La quatrième condition est un conseil de perfection, à savoir
que l’homme distribue tous ses biens en oeuvres de miséricorde, suivant ce
mot de saint Matthieu (XIX, 21) : "Si vous voulez être parfait,
allez, vendez ce que vous possédez, et donnez-le aux pauvres."
L’Apôtre marque cette condition en disant (verset 3) : toutes mes
richesses. Quant aux maux qu’il faut supporter avec patience, le plus
grand de tous est le martyre ; c’est pourquoi il est dit (Matth., V, 10) : "Bienheureux
ceux qui souffrent persécution pour la justice!" L’Apôtre l’exalte
pour quatre raisons : premièrement, il est plus louable, à l’approche de la
nécessité, par exemple quand il s’agit de défendre la foi, de s’offrir de
soi-même à l’épreuve, que de la supporter après s’être laissé prendre. Voilà
pourquoi l’Apôtre dit (verset 3) : quand je livrerais mon corps. C’est
dans ce sens qu’il est dit de Jésus-Christ (Ephés., V, 2) : "Il s’est
livré lui-même pour nous." Secondement, le sacrifice du corps est
plus grand que le sacrifice des biens, pour lequel cependant plusieurs ont
reçu des éloges ; (Hébr., X, 34) : "Vous avez vu avec joie tous
vos biens enlevés." C’est pourquoi l’Apôtre dit mon corps ;
(Isaïe, L, 6) : "J’ai abandonné mon corps à ceux qui me
frappaient." Troisièmement, il est plus digne d’éloge d’exposer son
propre corps au supplice que celui de son fils ou de quelque proche, ce qui,
cependant, a fait louer une femme dans (II Macch., VII, 20) : "La
mère, au-dessus de toute admiration et digne de la mémoire des justes voyant
ses sept fils périr en un seul jour, souffrait avec constance." Voilà
pourquoi saint Paul dit : mon corps ; (Juges, V, 9) : "Vous
avez couru volontairement au péril pour le Seigneur." Quatrièmement,
le martyre devient plus glorieux par la gravité des souffrances ; aussi
l’Apôtre ajoute : pour être brûlé ; (Ecclésiastique L, 9) : "Comme
une flamme qui étincelle, et comme les parfums qui s’exhalent du feu". Quand
même, je le répète, j’aurais accompli toutes ces oeuvres excellentes, si
je n’ai point la charité, soit parce qu’en même temps que j’accomplis ces
oeuvres, j’ai en moi la volonté de pécher mortellement, soit parce que je les
fais pour un motif de vaine gloire, (verset 3) : tout cela ne me sert de
rien, quant au mérite de la vie éternelle, qui n’est promise qu’à ceux
qui aiment Dieu, suivant cette parole de Job (XXXVI, 33) : "Il
annonce à son ami que la lumière est son partage." Il faut noter que
saint Paul compare la parole, qui est la voix matérielle sans la charité, à
ce qui n’existe pas ; mais les oeuvres qui se font pour la fin, si elles sont
dépourvues de la charité, il dit qu’elles sont sans fruit ; (Sag., III,
11) : "Leur espérance est vaine, et leurs travaux sont sans
fruit." |
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Lectio 2 |
Leçon 2 : 1 Corinthiens XIII, 4-7 — La charité accomplit toutes les vertus |
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SOMMAIRE : L’Apôtre fait voir que toutes les oeuvres de la vertu sont accomplies par la charité. |
[4] caritas patiens est benigna est caritas non aemulatur non
agit perperam non inflatur [5] non est ambitiosa non quaerit quae sua sunt non inritatur
non cogitat malum [6] non gaudet super iniquitatem congaudet autem veritati [7] omnia
suffert omnia credit omnia sperat omnia sustinet |
4. La
charité est patiente ; elle est douce et bienfaisante. La charité n'est pas
envieuse, elle n'est pas téméraire et précipitée, elle ne s'enfle point
d'orgueil. 5. Elle
n’est pas ambitieuse, elle ne cherche point ses propres intérêts, elle ne
s'aigrit de rien, elle n'a pas de mauvais soupçons ; 6. Elle ne
se réjouit pas de l'injustice mais elle se réjouit de la vérité ; 7. Elle
tolère tout, elle croit tout, elle espère tout ; elle souffre tout. |
[87671] Super 1 Cor.
[reportatio vulgata], cap. Circa primum duo facit. Deinde cum dicit charitas non aemulatur,
etc., proponit in speciali virtutum opera, quae charitas efficit, et quia ad
virtutem duo pertinent, scilicet abstinere a malo et facere bonum, secundum
illud Ps. XXXIII, v. 15 — declina a malo, et fac bonum, et Is. c. I,
16 s. : quiescite agere perverse, discite benefacere. Primo ostendit
quomodo charitas facit omnia mala vitare; secundo quomodo facit omnia bona
efficere, ibi congaudet autem veritati, et cetera. Malum autem efficaciter non potest homo Deo
facere, sed solum sibi et proximo, secundum illud Iob XXXV, 6 — si
peccaveris, quid ei nocebis? Et postea subditur : homini qui similis
tui est, nocebit impietas tua. Primo ergo ostendit quomodo per charitatem
vitantur mala, quae sunt contra proximum; secundo quomodo vitantur mala,
quibus aliquis deordinatur in seipso, ibi non inflatur, et cetera. Malum autem quod est contra proximum, potest esse
in affectu et in effectu. In affectu autem praecipue est, cum per invidiam
quis dolet de bonis proximi, quod directe contrariatur charitati, ad quam
pertinet quod homo diligat proximum sicut seipsum, ut habetur Lev. XIX, 18.
Et ideo ad charitatem pertinet, ut sicut homo gaudet de bonis propriis, ita
gaudeat de bonis proximi. Ex quo sequitur quod charitas excludat invidiam. Et
hoc est quod dicit charitas non aemulatur, id est non invidet, quia
scilicet facit cavere invidiam. Unde et in Ps. XXXVI, 1 dicitur : noli
aemulari in malignantibus. Et Prov. c. XXIII, 17 — non aemuletur cor
tuum peccatores. Quantum ad effectum, subdit non agit perperam,
id est perverse contra aliquem. Nullus enim iniuste agit contra illum quem
diligit sicut seipsum. Is. I, 16 — quiescite agere perverse. Deinde cum dicit non inflatur etc.,
ostendit quomodo charitas facit vitare mala, quibus aliquis deordinatur in
seipso. Et primo quantum ad passiones, secundo quantum ad electionem, ibi non
cogitat malum. Ostendit ergo primo quod charitas repellit
inordinatam passionem, quantum ad tria. Primo quidem quantum ad superbiam,
quae est inordinatus appetitus propriae excellentiae. Tunc autem inordinate
suam excellentiam quis appetit, quando non sufficit ei contineri in eo gradu,
qui sibi est a Deo praestitus. Et ideo dicitur Eccli. X, 14 — initium
superbiae hominis, apostatare a Deo. Quod quidem fit, dum homo non vult
contineri sub regula ordinationis divinae. Et hoc repugnat charitati, qua
quis super omnia Deum diligit. Col. II, 18 s. : inflatus sensu carnis
suae, et non tenens caput, et cetera. Recte autem superbia inflationi
comparatur. Nam id quod inflatur, non habet solidam magnitudinem, sed
apparentem; ita superbi videntur quidem esse sibi magni, cum tamen vera
magnitudine careant, quae non potest esse absque ordine divino. Sap. IV, v.
19 — dirumpet illos inflatos sine voce. Est autem principalis
superbiae filia, ambitio, per quam aliquis quaerit praeesse; quam etiam
charitas excludit, quae potius proximis eligit ministrare, secundum illud
Gal. V, 13 — per charitatem spiritus servite invicem. Et ideo subdit non
est ambitiosa, id est, facit hominem ambitionem vitare. Eccli. VII, 4 — noli
quaerere ab homine ducatum, neque a rege cathedram honoris. Secundo, ostendit quomodo charitas excludit
inordinationem cupiditatis, cum dicit non quaerit quae sua sunt, ut
intelligatur cum praecisione, id est neglectis bonis aliorum. Nam qui diligit
alios sicut seipsum, bona aliorum quaerit sicut et sui ipsius. Unde et supra
X, 33 apostolus dixit non quaerens quod mihi utile est, sed quod multis,
ut salvi fiant. Contra quod de quibusdam dicitur Phil. II, 21 — omnes
quae sua sunt quaerunt, non quae Iesu Christi. Potest et aliter intelligi
non quaerit quae sua sunt, id est, non repetit ea quae sunt sibi
ablata, scilicet in iudicio cum scandalo : quia magis amat salutem proximi,
quam pecuniam, secundum illud Phil. ult. : non quaero datum, sed requiro
fructum abundantem in iustitia vestra. Quod tamen qualiter intelligendum
sit, supra VI dictum est. Tertio, ostendit quomodo charitas excludat
inordinationem irae, dicens non irritatur, id est non provocatur ad
iram. Est enim ira inordinatus appetitus vindictae. Ad charitatem autem
pertinet magis remittere offensas, quam supra modum aut inordinate vindicare,
secundum illud Col. III, v. 13 — donantes vobismetipsis, si quis adversus
aliquem habet querelam; Iac. I, 20 — ira viri iustitiam Dei non
operatur. Deinde cum dicit non cogitat, etc.,
ostendit quomodo per charitatem excluditur inordinatio electionis. Est autem
electio, ut dicitur in III Ethic. appetitus praeconsiliati. Tunc ergo homo
peccat ex electione et non ex passione, quando ex consilio rationis affectus
eius provocatur ad malum. Charitas ergo primo quidem excludit perversitatem
consilii. Et ideo dicit non cogitat malum, id est non permittit
excogitare quomodo aliquis perficiat malum. Mich. II, 1 — vae qui
cogitatis inutile, operamini malum in cubilibus vestris. Is. I, 16 — auferte
malum cogitationum vestrarum ab oculis meis. Vel charitas non cogitat
malum, quia non permittit hominem per varias suspiciones et temeraria
iudicia cogitare malum de proximo. Matth. IX, 4 — ut quid cogitatis mala
in cordibus vestris? Secundo, charitas excludit inordinatum affectum
malorum, cum dicit non gaudet super iniquitate. Ille enim qui ex
passione peccat, cum quodam remorsu et dolore peccatum committit; sed ille
qui peccat ex electione, gaudet ex hoc ipso quod peccatum committit, secundum
illud Prov. II, 14 — qui laetantur cum male fecerint, et exultant in rebus
pessimis. Hoc autem charitas impedit, inquantum est amor summi boni, cui
repugnat omne peccatum. Vel dicit quod charitas non gaudet super
iniquitate, scilicet a proximo commissa, quinimo de ea luget, inquantum
contrariatur proximorum saluti quam cupit. I1 Cor. XII, v. 21 — ne iterum
cum venero humiliet me Deus apud vos, et lugeam multos ex his, qui ante
peccaverunt. Deinde cum dicit congaudet autem, etc.,
ostendit quomodo charitas facit operari bonum. Et primo quantum ad proximum;
secundo quantum ad Deum, ibi omnia credit, et cetera. Quantum ad proximum autem, homo operatur bonum
dupliciter. Primo quidem gaudendo de bonis eius. Et quantum ad hoc dicit congaudet
autem veritati, scilicet proximi, vel vitae, vel doctrinae, vel
iustitiae, ex eo quod proximum diligit sicut seipsum. In III Io. v. 3 — gavisus
sum valde venientibus fratribus, et testimonium perhibentibus veritati tuae,
sicut in charitate ambulas. Secundo in hoc quod homo mala proximi sustinet
prout decet. Et quantum ad hoc dicit omnia suffert, id est absque
turbatione sustinet omnes defectus proximorum, vel quaecumque adversa. Rom.
XV, 1 — debemus nos firmiores imbecillitates infirmorum sustinere.
Gal. VI, 2 — alter alterius onera portate, et sic adimplebitis legem
Christi, scilicet charitatem. Deinde cum dicit omnia
credit, ostendit quomodo charitas faciat operari bonum in comparatione ad
Deum. Quod quidem fit praecipue per virtutes theologicas, quae habent Deum
pro obiecto. Sunt autem praeter charitatem duae virtutes theologicae, ut
infra dicitur, scilicet fides et spes. Quantum ergo ad fidem dicit omnia
credit, scilicet quae divinitus traduntur. Gen. XV, v. 6 — credidit
Abraham Deo, et reputatum est ei ad iustitiam. Credere vero omnia quae ab
homine dicuntur, est levitatis, secundum illud Eccli. XIX, 4 — qui cito
credit, |
Après avoir
établi que la charité est tellement nécessaire que sans elle aucun don
spirituel ne saurait suffire pour le salut, saint Paul fait voir ici qu’elle
est tellement utile et d’une si grande efficacité, qu’avec elle on accomplit
toutes les oeuvres de vertu. I° Il fait
comme deux considérations générales ; II° il énumère en particulier les oeuvres de vertu que la
charité accomplit (verset 4) : La charité n’est pas envieuse, etc. I° Sur la première partie, il fait deux choses ; car toute
vertu consiste à agir convenablement, soit qu’on ait à supporter le mal, soit
qu’on ait à faire le bien. Quant à la résistance au mal, l’Apôtre dit (verset
4) : La charité est patiente, c’est-à-dire elle fait supporter
patiemment le mal. En effet, lorsqu’on aime, on supporte facilement pour
l’être aimé ce qu’il y a de plus difficile. De même, celui qui aime Dieu
supporte patiemment pour lui toutes sortes d’épreuves. C’est dans ce sens
qu’il est dit (Cant., VIII, 7) : "Les grandes eaux n’ont pu éteindre
l’amour, les fleuves n’ont pu l'éteindre." et (Jacq., I, 4) : "La
patience produit une oeuvre parfaite." Quant à la pratique du bien,
il dit (verset 4) : La charité est bénigne ; car la bénignité tire son
nom de bonté et d’un mot latin qui veut dire feu, c’est-à-dire que, de même
que le feu fait dissoudre les objets en les liquéfiant, la charité fait qu’on
ne retient pas pour soi seul les biens que l’on possède, mais qu’on les
partage avec les autres ; (Prov., V, 16) : "Que les ruisseaux de
votre fontaine coulent dehors, et répandez vos eaux dans la rue."
C’est ce que fait la charité ; aussi lit-on (I Jean, III, 17) : "Celui
qui possède les biens de ce monde et qui, voyant son frère dans la détresse,
lui ferme son coeur et ses entrailles, comment aurait-il en soi l’amour de
Dieu ?", et encore (Ephés., IV, 32) : "Soyez bons et miséricordieux
les uns pour les autres", et (Sag., I, 6) : "L’Esprit de
sagesse est plein de bénignité." II° Lorsqu’il dit (verset 4) : La charité n’est pas envieuse, etc.,
saint Paul indique spécialement les oeuvres des vertus produites par la
charité. Comme le double effet de la vertu est de s’abstenir du mal et de
pratiquer le bien, suivant cette parole du Psalmiste (XXXIII, 15) : "Eloignez-vous
du mal et faites le bien" et (Isaïe, I, 16) : "Cessez de
faire le mal, et apprenez à faire le bien," I. l’Apôtre montre
comment la charité fait éviter tout mal ; II. comment elle fait pratiquer tout bien (verset 6) : Elle
se réjouit de la vérité, etc. I. L’homme ne peut
commettre efficacement aucun mal contre Dieu, mais seulement contre le
prochain et contre soi-même, suivant cette parole (Job, XXXV, 6) : "Si
vous péchez, en quoi nuirez-vous à Dieu ?" Le prophète ajoute (Job,
XXXV, 8) : "Votre impiété peut nuire à un homme semblable à
vous." L'Apôtre montre donc comment avec la charité on évite : 1° les maux qui sont contre le
prochain ; 2° ceux par
lesquels on sort de l’ordre en soi-même ; (verset 4) : La charité ne
s’enfle point, etc. 1° Le mal qui est contre le prochain
peut être en affection et en action. A) Il est principalement dans
l’affection lorsque, par un sentiment d’envie, on s’afflige du bien du
prochain, ce qui est directement opposé à la charité, qui a pour caractère
d’aimer son prochain comme soi-même (Lévit., XIX, 18). Il appartient
donc à la charité de se réjouir du bien du prochain, comme on se réjouit de
son bien propre ; il suit de là que la charité ne peut souffrir l’envie.
C’est aussi ce que dit saint Paul (verset 4) : La charité n’est pas
envieuse, c’est-à-dire elle ne porte pas envie, et la raison en est
qu’elle fait éviter l’envie. C’est aussi pour cela qu’il est dit (Psaume
XXXVI, 1) : "Ne soyez pas ému de la prospérité des méchants" et
(Prov., XXIII, 17) : "Que votre coeur ne porte point envie au
pécheur." B) Quant à l’action, il ajoute (verset
4) : La charité n’est pas téméraire, c’est-à-dire elle n’agit pas avec
perversité contre qui que ce soit ; car personne ne se conduit avec injustice
contre celui qu’il aime comme soi-même ; (Isaïe, I, 16) : "Cessez
de faire le mal." 2° En ajoutant (verset 4) : La
charité ne s’enfle point d’orgueil, l’Apôtre montre comment cette vertu
fait éviter les maux par lesquels on s’écarte de l’ordre en soi-même : A) quant aux passions ; B) quant au choix des actes (verset 5)
: Elle ne pense point le mal. A) Il montre premièrement que la
charité repousse la passion désordonnée, quant à trois points : a) quant à l’orgueil, qui est le désir
désordonné de sa propre excellence ; en effet, l’homme recherche sa propre
excellence d’une manière désordonnée, quand il n’est plus satisfait du rang
où Dieu l’a placé ; de là ce mot (Ecclésiastique X, 14) : "Le
commencement de l’orgueil de l’homme c’est de se séparer de Dieu,"
ce qui arrive lorsque l’homme ne veut pas se tenir sous la règle de l’ordre
divin. Or cette révolte est opposée à la charité, par laquelle on aime Dieu
par-dessus toutes choses ; (Colos., II, 18) : "tandis qu’il
s’enfle d’un vain orgueil par les pensées de la chair, sans s’attacher au
chef, etc." C’est avec justesse que l’on compare l’orgueil à
l’enflure, car ce qui est enflé n’a pas une grandeur solide, mais apparente.
Ainsi les orgueilleux paraissent grands à leurs propres yeux, et ce pendant
ils n’ont pas de grandeur véritable, car cette grandeur ne peut exister en
dehors de l’ordre divin ; (Sag., IV, 19) : "Tout enflés qu’ils
soient, le Seigneur les précipitera brisés et muets." La fille aînée
de l’orgueil, c’est l’ambition, par laquelle on cherche à être au-dessus des
autres, ce qu’exclut aussi la charité, qui préfère servir le prochain, selon
cette parole (Gal., V, 13) : "Servez-vous les uns les autres par une
charité toute spirituelle." Voilà pourquoi l’Apôtre ajoute (verset
5) : La charité n’est pas ambitieuse, c’est-à-dire fait éviter à
l’homme l’ambition ; (Ecclésiastique VII, 4) : "Ne deman-dez pas
au Seigneur la charge de conduire les autres, ni au prince une chaire
d’honneur." b) L’Apôtre
montre comment la charité s’oppose au désordre de la cupidité, lorsqu’il dit
(verset 5) : "Elle ne cherche point ses propres intérêts" ;
et, pour parler avec précision, en négligeant les intérêts des autres ; car
celui qui aime le prochain comme soi-même cherche les intérêts des autres
ainsi que ses propres intérêts. C’est ce qui a fait dire à saint Paul
(ci-dessus, X, 33) : Ne cher-chant pas ce qui m’est avantageux en
particulier, mais ce qui est utile aux autres pour leur salut, tandis
qu’il dit de quelques-uns (Philip., II, 21) : "Tous cherchent leurs
propres intérêts, et non ceux de Jésus-Christ." On peut encore
entendre : Elle ne cherche pas ce qui lui est propre, en ce sens
qu’elle ne réclame pas ce qui lui a été enlevé, à savoir devant la justice et
avec scandale, parce qu’elle préfère à l’argent le salut du prochain, suivant
cette autre parole (Philip., IV, 17) : "Ce n’est pas que je désire
vos dons, mais je désire les fruits abondants de votre justice,"
passage qu’il faut entendre comme il a été expliqué plus haut, au chapitre
sixième. c) Il montre
comment la charité réprime l’excès de la colère, en disant (verset 5) : Elle
ne s’irrite point, c’est-à-dire elle résiste aux provocations de la
colère ; car la colère est le désir immodéré de la vengeance. Or le propre de
la charité est de remettre les offenses, bien loin de les venger sans mesure
et sans règle, suivant cette parole (Colos., III, 13) : "Pardonnez-vous
les uns les autres ce que vous auriez à vous reprocher" ; et
encore (Jacques I, 20) : "La colère de l’homme n’opère point la
justice de Dieu." B) A ces mots (verset 5) : Elle ne
pense point le mal, etc. l’Apôtre montre comment la charité réprime tout
désordre dans le choix des actes. Cette élection, dit Aristote (Ethique,
III), c’est l’appétit de l’objet proposé. En effet, on pèche par l’élection,
et non par la passion, quand le conseil de la raison excite l’attachement au
mal. La charité repousse donc : a) d’abord
toute perversité dans le conseil. Voilà pourquoi l’Apôtre dit (verset 5) : Elle
ne pense pas le mal, c’est-à-dire elle ne permet pas de penser comment on
accomplira le mal ; (Michée, II, 1) : "Malheur à vous qui
méditez le mal et qui, sur vos lits, préparez l'iniquité !" et
(Isaïe, I, 16) : "Faites disparaître de devant mes yeux la malice de
vos pensées !" ou encore La charité ne pense pas le mal,
parce qu’elle ne souffre pas que sur mille conjectures, et par des jugements
téméraires, on pense du mal du prochain ; (Matthieu IX, 4) : "Pourquoi
pensez-vous le mal dans vos cœurs ?" b) La charité repousse l’affection déréglée pour le mal ;
voilà pourquoi l’Apôtre dit (verset 6) : Elle ne se réjouit pas de
l’injustice, car celui qui pèche par passion commet le péché avec quelque
remords et quelque douleur ; mais celui qui pèche après un choix délibéré se
réjouit du choix même du péché qu’il commet, suivant cette parole des
Proverbes (II, 14) : "Ils se réjouissent lorsqu’ils ont fait le mal,
et ils triomphent dans les choses les plus criminelles." Or la charité
réprime cet excès, en tant qu’elle est l’amour du souverain bien, auquel tout
péché répugne. Ou bien encore, l’Apôtre dit que la charité ne se réjouit
pas de l’iniquité, en parlant de l’iniquité que commet le prochain. La
charité la déplore parce que le péché est opposé au salut du prochain, objet
du désir de la charité ; (I1 Cor., XII, 21) : "qu’ainsi Dieu ne
m’humilie lorsque je serai retourné chez vous, et que je ne sois réduit à en
pleurer plusieurs qui ont déjà péché." II. A ces mots (verset
6) : mais elle se réjouit de la vérité, etc. l’Apôtre montre comment
la charité fait pratiquer le bien : 1° à l’égard du prochain ; 2° par rapport à Dieu (verset 7) : Elle croit tout, etc.
1° Pour ce qui est du prochain,
l’homme pratique le bien de deux manières : A) d’abord en se réjouissant de son
bien. Quant à cette disposition, l'Apôtre dit (verset 6) : Elle se réjouit
de la vérité, a savoir du prochain, ou dans sa vie, ou dans sa doctrine,
ou dans sa justice, parce que la charité aime le prochain comme
elle-même ; (3 Jean I, 3) : "J’ai éprouvé une grande joie à
l’arrivée de nos frères, parce qu’ils ont rendu témoignage a la verité qui
est en vous, et à la manière dont vous marchez suivant la charité." B) En supportant avec la patience
convenable les maux qui viennent du prochain. Quant à cette disposition,
l’Apôtre ajoute (verset 7) : Elle supporte tout, c’est-à-dire elle
supporte sans se troubler tous les défauts du prochain, ou toute espèce
d’adversités ; (Rom., XV, 1) : "Nous devons donc, nous qui sommes
plus forts, supporter les faiblesses des faibles" et (Gal., VI, 2) :
"Portez les fardeaux les uns des autres, et vous accomplirez ainsi la
loi de Jésus-Christ," c’est-à-dire la charité. 2° Enfin, quand il ajoute (verset 7) :
Elle croit tout, l’Apôtre montre comment la charité fait pratiquer le
bien par rapport à Dieu. C’est principalement par les vertus théologales, qui
ont Dieu pour objet. Or, outre la charité, il y a, comme il sera expliqué
plus loin, deux autres vertus théologales, la foi et l’espérance. Quant à la
première, l’Apôtre dit : La charité croit tout, c’est-à-dire tout ce
qui est divinement transmis ; (Gen., XV, 6) : "Abraham crut en
Dieu, et cela lui fut imputé à justice." Croire tout ce qui est dit
par les hommes c’est légèreté, suivant cette parole (Ecclésiastique XIX, 4) :
"Celui qui est trop crédule est léger de coeur." Quant à
l’espérance, il ajoute (verset 7) : Elle espère tout, à savoir ce qui
est promis de Dieu ; (Ecclésiastique II, 9) : "Vous qui craignez
le Seigneur, espérez en lui." Et pour que l’attente ne nuise point à
l’espérance, il dit : Elle souffre tout, c’est-à-dire elle attend avec
patience ce que Dieu a promis, bien qu’il tarde d’accomplir sa promesse,
suivant ce qui est dit (Habacuc, II, 3) : "S’il tarde à paraître, attendez-le"
et (Psaume XXVI, 14) : "Que votre coeur prenne une force nouvelle, et
soyez fermes dans l’attente du Seigneur." |
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Lectio 3 |
Leçon 3 : 1 Corinthiens XIII, 8-14 — La charité demeurera toujours |
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SOMMAIRE : L’Apôtre établit que la charité demeure au delà de tous les dons gratuits. Il le prouve par une comparaison de l’enfance avec l’âge de l’homme parfait. |
[8] caritas numquam excidit sive prophetiae evacuabuntur sive
linguae cessabunt sive scientia destruetur [9] ex parte enim cognoscimus et ex parte prophetamus [10] cum autem venerit quod perfectum est evacuabitur quod ex
parte est [11] cum
essem parvulus loquebar ut parvulus sapiebam ut parvulus cogitabam ut
parvulus quando factus sum vir evacuavi quae erant parvuli |
8. La
charité ne finira jamais. Les prophéties n'auront plus lieu, les langues
cesseront, et la science sera détruite ; 9. Car ce
que nous avons maintenant de science et de prophétie est très imparfait. 10. Mais
lorsque nous serons dans le parfait, tout ce qui est imparfait sera aboli. 11. Quand
j’étais enfant, je parlais en enfant, je jugeais en enfant, je raisonnais en
enfant ; mais, lorsque je suis devenu homme, je me suis défait de tout ce qui
tenait de l'enfant. |
[87672] Super 1 Cor. [reportatio vulgata],
cap. Secundo, praedicta sententia non est secundum
intentionem apostoli, quia non loquitur hic de cessatione donorum
spiritualium, per peccatum mortale, sed potius de cessatione donorum
spiritualium, quae pertinent ad hanc vitam per gloriam supervenientem. Unde
sensus apostoli est charitas numquam excidit, quia scilicet sicut est
in statu viae, ita permanebit in statu patriae et cum augmento, secundum
illud Is. XXXI, 9 — dixit dominus cuius ignis est in Sion, scilicet in
Ecclesia militante et caminus eius in Ierusalem, id est in pace
caelestis patriae. Deinde cum dicit sive prophetiae, etc.,
proponit cessationem aliorum donorum spiritualium, et specialiter eorum quae
praecipua videntur. Primo quantum ad prophetiam, dicit sive prophetiae
evacuabuntur, id est cessabunt, quia scilicet in futura gloria prophetia
locum non habebit, propter duo. Primo quidem quia prophetia respicit futurum,
status autem ille non expectabit aliquid in futurum, sed erit finale
complementum omnium eorum quae ante fuerant prophetata. Unde in Ps. XLVII, v.
9 dicitur : sicut audivimus, scilicet per prophetas, ita et vidimus,
praesentialiter, in civitate domini virtutum. Secundo quia prophetia est cum cognitione
figurali et aenigmatica, quae cessabit in patria. Unde dicitur Num. XII, 6 — si
quis fuerit inter vos propheta domini, per somnium aut in visione apparebo
ei, vel per somnium loquar ad illum. Et Osee XII, 10 — in
manibus prophetarum assimilatus sum. Secundo quantum ad donum
linguarum, dicit sive linguae cessabunt. Quod quidem non est
intelligendum quantum ad ipsa membra corporea, quae linguae dicuntur, ut
dicitur infra XV, 52 — mortui resurgent incorrupti, id est, absque
diminutione membrorum. Neque autem intelligendum est quantum ad usum linguae
corporeae. Est enim futura in patria laus vocalis, secundum illud Ps. CXLIX, 6 — exultationes
Dei in gutture eorum, ut Glossa ibidem exponit. Est ergo intelligendum
quantum ad donum linguarum, quo scilicet aliqui in primitiva Ecclesia linguis
variis loquebantur, ut dicitur Act. II, Tertio quantum ad
scientiam, subdit : sive scientia destruetur. Ex quo quidam accipere
voluerunt quod scientia acquisita totaliter perditur cum corpore. Ad cuius
veritatis inquisitionem considerare oportet, quod duplex est vis cognitiva,
scilicet vis sensitiva et vis intellectiva. Inter quas est differentia, quia
vis sensitiva est actus organi corporalis, et ideo necesse est quod desinat
corpore corrupto; vis autem intellectiva non est actus alicuius organi
corporei, ut probatur in III de anima, et ideo necesse est quod maneat
corpore corrupto. Si ergo aliquid scientiae acquisitae conservetur in parte
animae intellectivae, necesse est quod id permaneat post mortem. Quidam ergo
posuerunt quod species intelligibiles non conservantur in intellectu
possibili, nisi quamdiu intelligit. Conservantur autem species phantasmatum
in potentiis animae sensitivae, puta in memorativa et imaginativa; ita
scilicet quod semper intellectus possibilis quando de novo vult intelligere,
etiam quae prius intellexit, indiget abstrahere a phantasmatibus per lumen
intellectus agentis, et secundum hoc consequens est quod scientia hic
acquisita non remaneat post mortem. Sed haec positio est primo quidem contra
rationem. Manifestum est enim quod species intelligibiles in intellectu
possibili recipiuntur ad minus dum actu intelligit. Quod autem recipitur in
aliquo, est in eo per modum recipientis. Cum ergo substantia
intellectus possibilis sit immutabilis et fixa, consequens est, quod species
intelligibiles remaneant in eo immobiliter. Secundo est contra auctoritatem
Aristotelis in III de anima, qui dicit quod cum intellectus possibilis est
sciens unumquodque, tunc etiam est intelligens in potentia. Et sic patet quod
habet species intelligibiles per quas dicitur sciens, et tamen adhuc est in
potentia ad intelligendum in actu, et ita species intelligibiles sunt in intellectu
possibili, etiam quando non intelligit actu. Unde etiam, ibidem, philosophus
dicit, quod anima intellectiva est locus specierum, quia scilicet in ea
conservantur species intelligibiles. Indiget tamen in hac vita convertere se
ad phantasmata, ad hoc quod actu intelligat, non solum ut abstrahat species a
phantasmatibus, sed etiam ut species habitas phantasmatibus applicet : cuius
signum est quod laeso organo virtutis imaginativae, vel etiam memorativae,
non solum impeditur homo ab acquisitione novae scientiae, sed etiam ab usu
scientiae prius habitae. Sic ergo remanet scientia in anima post corporis
mortem, quantum ad species intelligibiles, non autem quantum ad inspectionem
phantasmatum, quibus anima separata non indigebit, habens esse et operationem
absque corporis communione. Et secundum hoc apostolus hic dicit, quod
scientia destruetur, scilicet secundum conversionem ad phantasmata. Unde et
Is. XXIX, v. 14 dicitur : peribit sapientia a sapientibus, et intellectus
prudentium eius abscondetur. Deinde cum dicit ex parte enim cognoscimus,
probat quod dixerat : et primo inducit probationem; secundo manifestat ea,
quae in probatione continentur, ibi cum essem parvulus, et cetera. Inducit ergo primo ad
probandum propositum talem rationem : adveniente perfecto cessat imperfectum;
sed dona alia praeter charitatem habent imperfectionem; ergo cessabunt
superveniente perfectione gloriae. Primo ergo proponit minorem propositionem quo ad imperfectionem
scientiae, cum dicit ex parte enim cognoscimus, id est imperfecte. Nam
pars habet rationem imperfecti. Et hoc praecipue verificatur quantum ad
cognitionem Dei, secundum illud Iob XXXVI, v. 26 — ecce Deus magnus
vincens scientiam nostram; et XXVI, 14 — ecce haec ex parte dicta sunt
viarum eius. Proponit
etiam imperfectionem prophetiae, cum subdit et ex parte id est
imperfecte, prophetamus. Est enim prophetia cognitio cum
imperfectione, ut dictum est. Tacet autem de dono linguarum, quod est
imperfectius his duobus, ut infra XIV, 2 patebit. Secundo ponit maiorem, dicens cum autem
venerit quod perfectum est, id est, perfectio gloriae, evacuabitur
quod ex parte est, id est, omnis imperfectio tolletur. De qua perfectione
dicitur I Petr. ult. : modicum passos ipse perficiet. Sed secundum hoc videtur, quod etiam charitas
evacuetur per futuram gloriam, quia ipsa est imperfecta in statu viae per
comparationem ad statum patriae. Dicendum
ergo, quod imperfectio dupliciter se habet ad id quod dicitur imperfectum. Quandoque enim est de
ratione eius, quandoque vero non, sed accidit ei; sicut imperfectio est de
ratione pueri, non autem de ratione hominis, et ideo, adveniente perfecta
aetate, cessat quidem pueritia : sed humanitas fit perfecta. Imperfectio est
ergo de ratione scientiae, prout hic de Deo habetur, inquantum scilicet
cognoscitur ex sensibilibus; et similiter de ratione prophetiae, inquantum
est cognitio figuralis et in futurum tendens. Non est autem de ratione
charitatis ad quam cognitum bonum diligere pertinet. Et ideo superveniente
perfectione gloriae, cessat prophetia et scientia; charitas autem non cessat,
sed magis perficitur, quia quanto perfectius cognoscetur Deus, tanto etiam
perfectius amabitur. Deinde cum dicit cum essem parvulus, etc.,
manifestat ea quae praemissa sunt. Et primo manifestat maiorem, scilicet quod
veniente perfecto cessat imperfectum; secundo manifestat minorem, scilicet
quod scientia, et prophetia sint imperfecta, ibi videmus nunc, et
cetera. Ostendit autem primum per similitudinem perfecti
et imperfecti, quod invenitur in aetate corporali. Unde et primo describit
imperfectum aetatis corporalis, dicens cum essem parvulus, scilicet
aetate, loquebar ut parvulus, id est prout congruit parvulo, scilicet
balbutiendo. Unde propter naturalem defectum locutionis, qui est in parvulis,
commendatur sapientia quod linguas infantium facit disertas, Sap. X,
v. 21; et ut parvulus loquitur, qui vana loquitur. Ps. XI, 3 — vana locuti
sunt unusquisque ad proximum suum. Quantum vero ad iudicium subdit sapiebam
ut parvulus, id est, approbabam vel reprobabam aliqua stulte, ut faciunt
parvuli, qui quandoque pretiosa contemnunt, et vilia appetunt, ut dicitur
Prov. I, 22 — usquequo, parvuli, diligitis infantiam, et stulti ea quae
sunt sibi noxia cupient? Sapiunt ergo ut parvuli, qui, spiritualibus
contemptis, terrenis inhaerent; de quibus dicitur Phil. III, v. 19 — gloria
in confusione eorum, qui terrena sapiunt. Quantum autem ad rationis
discursum, dicit cogitabam ut parvulus, id est aliqua vana. Unde et in
Ps. XCIII, 11 dicitur : dominus scit cogitationes hominum, quoniam vanae
sunt. Et videtur apostolus ordine praepostero haec tria
ponere. Nam locutio praeexigit iudicium sapientiae : iudicium vero
praesupponit cogitationes rationis. Et hoc satis congruit imperfectioni
puerili, in qua est locutio sine iudicio, et iudicium sine deliberatione.
Potest autem referri, quod dicit loquebar ut parvulus, ad donum
linguarum; cum dicit sapiebam ut parvulus, ad donum prophetiae; quod
autem subdit cogitabam ut parvulus, ad donum scientiae. Secundo ponit
id quod pertinet ad perfectionem aetatis, dicens quando autem factus sum
vir, id est quando perveni ad perfectam et virilem aetatem, evacuavi,
id est abieci, quae erant parvuli; quia, ut dicitur Is. LXV, 20, puer centum
annorum morietur, et peccator centum annorum maledictus erit. Et est
attendendum, quod apostolus hic comparat statum praesentem pueritiae propter
imperfectionem; statum autem futurae gloriae propter perfectionem, virili
aetati. |
Après avoir
établi que la charité l’emporte sur les autres dons de l’Esprit Saint en
nécessité et en fruit, saint Paul fait ressortir ici l’excellence de cette
vertu, par rapport aux autres dons, en raison de sa durée. A cet effet,
premièrement il montre la différence entre la charité et les dons du Saint
Esprit, sous le rapport de la durée ; secondement, il prouve sa proposition
(verset 9) : Car notre science est imparfaite, etc. ;
troisièmement, il déduit la conclusion proposée (verset 13) : Or [la foi,
l’espérance et la charité] demeurent maintenant. Sur la première
subdivision, I° il expose
la durée de la charité ; II° les
limites des autres dons (verset 8) : Les prophéties cesseront, etc. I° Il dit donc (verset 8) : La charité ne finira jamais. Quelques
auteurs, interprétant mal ces paroles, sont tombés dans l’erreur et ont dit
que la charité, une fois reçue, ne peut jamais être perdue. Il semble, en
effet, qu’à l’appui de cette erreur, on puisse citer ce qui est dit (I Jean
III, 9) : "Quiconque est né de Dieu ne commet pas de péché, parce que
la semence de Dieu demeure en lui." Mais, d’abord, cette
interprétation est fausse dans son principe, car on peut posséder d’abord la
charité, et ensuite déchoir de cet état par le péché, suivant cette parole de
l’Apocalypse (II, 4) : "vous êtes déchu de votre première charité ;
souvenez-vous donc d’où vous êtes tombés, et faites pénitence." La
raison de ceci est que la charité est reçue dans l’âme de l’homme suivant le
mode propre à celui-ci, c’est-à-dire de manière à ce qu’il puisse en user ou
n’en pas user ; or tant que l’homme en use, il ne peut pas pécher, parce que
l’usage de la charité est l’amour de Dieu par-dessus toutes choses ; par
conséquent, il n’y a plus rien qui puisse être pour l’homme matière à
offenser Dieu. C’est dans ce sens que l’on doit expliquer le passage cité de
saint Jean. De plus, la supposition en question n’est pas selon la pensée de
saint Paul, parce qu’il ne parle point ici de la cessation des dons
spirituels par le péché mortel, mais de la cessation des dons spirituels qui
appartiennent à cette vie, par la gloire subséquente. Le sens de l’Apôtre est
donc celui-ci : La charité ne finira jamais, parce que telle elle est
dans l’état de la voie, telle elle demeurera dans l’état de la patrie céleste
; mais alors elle sera plus complète, suivant cette parole d’Isaïe (XXXI, 9) :
"Voici ce que dit le Seigneur donc, le feu est en Sion,"
c’est-à-dire dans l'Eglise militante, "et la fournaise en
Jérusalem," c’est-à-dire dans la paix de la céleste patrie. II° Lorsqu'il ajoute (verset 8) : Les prophéties seront anéanties,
saint Paul rappelle la cessation des autres dons spirituels, et spécialement
de ceux qui paraissent tenir le premier rang. I. Quant à la
prophétie, il dit : Les prophéties seront anéanties, c’est-à-dire
cesseront. En effet, dans la gloire future, la prophétie n’aura plus sa
place, pour deux raisons : 1° parce que la prophétie concerne
l’avenir ; or après la vie de la gloire il n’y aura plus d’avenir, mais cette
vie sera le complément et la fin de tout ce qui avait été prophétisé
auparavant. C’est pourquoi il est dit (Psaume XLVII, 9) : "Ce que
nous avons entendu," c’est-à-dire par les prophètes, "nous
le voyons présentement de nos yeux dans la cité du Dieu des
vertus." 2° Parce que la prophétie est
accompagnée de la connaissance figurative et énigmatique, qui cessera dans la
patrie céleste. C’est dans ce sens qu’il est dit (Nomb, XII, 6) : "S’il
se trouve parmi vous un prophète du Seigneur, je lui apparaîtrai en songe ou
en vision, ou je lui parlerai en songe" ; et au prophète Osée
(XII, 10) : "Par eux j’ai été représenté sous différentes
figures." II. Du don des langues,
l’Apôtre dit (verset 8) : Les langues cesseront ; ce qu’il ne
faut pas entendre de l’organe même corporel qu’on appelle de ce nom,
puisqu’il est dit ci-après (XV, 52) : Les morts ressusciteront incorruptibles,
c’est-à-dire sans diminution des membres. Il ne faut pas non plus l’entendre
de l’usage de la langue du corps ; car, dans la patrie future, la voix
rendra son concert de louanges, suivant cette parole (Psaume CXLIX, 6) : "Les
louanges de Dieu seront dans leur bouche," comme la Glose l’explique
en cet endroit. Il faut donc entendre par ce don des langues, celui par
lequel, dans la primitive Eglise, quelques fidèles parlaient diverses langues
(Actes, II, 4) ; car, dans la gloire future, chacun entendra toutes les
langues ; il ne sera donc point nécessaire d’y parler diverses langues. Aussi
bien, même dans les commencements du genre humain, raconte la Genèse (XI, 1) :
"Sur la terre, il n’y avait qu’une langue et qu’une même manière de
parler" ; à plus forte raison dans le dernier état,
alors que se consommera l’unité. III. Quant à la science,
l’Apôtre ajoute (verset 8) : La science sera abolie. De cette parole
certains ont voulu conclure que la science acquise serait totalement perdue
avec le corps. Pour approfondir cette vérité, il faut considérer qu’il y a
deux facultés dans l’ordre de la connaissance, savoir la force sensitive et
la force intellectuelle ; toutefois, entre ces deux forces, il y a cette
différence que la première est l’acte d’un organe corporel, qui cesse donc
nécessairement par la corruption du corps ; mais la force intellectuelle
n’est pas l’acte d’un organe semblable, comme on le prouve (3e , de
Anima) ; par conséquent, cet acte demeure
nécessairement, même après que le corps est livré à la corruption. Si donc
quelque portion de la science acquise est conservée dans la partie
intellectuelle de l’âme, cette portion doit nécessairement demeurer après la
mort. On a donc dit que les formes intelligibles ne se conservent dans
l’intellect pur qu’en tant qu’il conçoit ; mais les formes sensibles se
conservent dans les puissances de l’âme en tant que sensible, par exemple
dans la mémoire et l’imagination, en sorte que le pur intellect, lorsqu’il
veut de nouveau concevoir, même ce qu’il a conçu d’abord, a toujours besoin
de faire abstraction des formes sensibles, par la lumière active de
l’intellect ; or, dans ce sens, il s’ensuivrait comme conséquence que la
science acquise ici-bas ne subsisterait plus après la mort. Mais cette
hypothèse est d’abord contraire à la raison ; car il est évident que les
formes intelligibles sont reçues dans l’intellect pur, au moins lorsqu'il
conçoit actuellement ; or ce qui est reçu en quelqu’un existe en lui
selon l’état de celui qui reçoit. La substance de l’intellect pur étant donc
fixe et immuable, il s’ensuit que les formes intelligibles y subsistent dans
un état d’immobilité. D'ailleurs cette hypothèse est contredite par
l’autorité d’Aristote, qui dit (liv.
III, de l'âme) : L’intellect pur, comprenant toutes choses, est
intelligent en tant que puissance. On voit donc qu’il possède les formes
intelligibles par lesquelles on l’appelle principe concevant ; et toutefois
il est en même temps à l’état de puissance pour concevoir actuellement, de
sorte que les formes intelligibles sont dans l’intellect pur, même quand il
ne conçoit pas actuellement. Aussi Aristote dit-il, au même endroit, que
l’âme intellectuelle est 1a demeure des formes, par cette raison que les
formes intelligibles y sont conservées. Néanmoins, pendant cette vie, l’âme
intellectuelle a besoin de se tourner vers les images pour concevoir
actuellement, non seulement pour tirer, par l’abstraction, les formes des
images, mais encore pour appliquer aux images les formes qu’elle possède. La
preuve, c’est que si l’organe de la faculté imaginative ou celui de la
mémoire est lésé, non seulement l’homme ne peut acquérir une science
nouvelle, mais il ne saurait même faire usage de la science précédemment
acquise. Donc, après la mort du corps, la science demeure dans l’âme, quant
aux formes intelligibles et non quant à la représentation des images ; donc
l’âme, après sa séparation d’avec le corps, n’aura pas besoin de ces images,
puis qu’elle aura son être et ses opérations en dehors de l’union avec le
corps. C’est dans ce sens que l’Apôtre dit ici (verset 8) que la science sera
abolie, à savoir dans ses rapports avec les images sensibles. C’est de
là qu’il est dit (Isaïe, XXIX, 14) : "La sagesse des sages périra, et
la prudence des prudents sera obscurcie." III° Quand
l’Apôtre dit (verset 9) : Car ce n’est que d’une manière imparfaite que
nous connaissons, il prouve ce qu’il vient de dire. I. Il expose sa preuve
; II. il
développe ce que cette preuve renferme (verset 11) : Quand j’étais enfant,
etc. I. Il fait pour établir
sa preuve le raisonnement : ce qui est parfait fait cesser ce qui est
imparfait ; or les autres dons spirituels, à l’exception de la charité, ont
quelque chose d’imparfait ; ils cesseront donc quand surviendra la perfection
de la gloire. 1° L’Apôtre
expose la mineure , quant à l’imperfection de la science, lorsqu’il dit
(verset 9) : Car ce n’est qu’en partie , c’est-à-dire d’une manière
imparfaite, que nous connaissons, c'est-à-dire imparfaitement. Car
« partie » implique un caractère d’imperfection. On le voit
particuliè-rement dans ce qui concerne la connaissance de Dieu, suivant cette
parole de Job (XXXVI, 26) : "En effet, Dieu est grand ; il passe
toute notre science" ; et Job (XXVI, 14) : "Ce que nous
venons de dire n’est qu’une partie de ses oeuvres." Il montre aussi
l’imperfection de la prophétie, lorsqu’il ajoute : Et si nous
prophé-tisons, ce n’est qu’en partie, c’est-à-dire impar-faitement, car
la prophétie, c’est la connaissance mêlée d’imperfection, comme il a été
expliqué. Mais l’Apôtre garde le silence sur le don des langues, qui est
moins parfait que les deux autres, comme on le verra plus bas (XIV, 1). 2° Il énonce la majeure en disant
(verset 10) : Mais lorsque sera venu ce qui est parfait, c’est-à-dire
la perfection de la gloire, tout ce qui est imparfait sera aboli ;
en d’autres termes, toute imperfection disparaîtra. C’est de cette perfection
qu’il est dit (I Pierre, V, 10) : "Il vous perfectionnera après que
vous aurez souffert un peu de temps." Cependant,
s’il en est ainsi, il semble que la charité elle-même sera détruite par la
gloire future, puisque cette charité est elle-même imparfaite dans l’état de
la voie, si on la compare à l’état où nous serons dans la patrie céleste. Il
faut répondre que l’imperfection peut exister sous deux rapports différents,
dans ce qu’on appelle imparfait ; quelquefois cette imperfection est de
l’essence même, quelquefois seulement accidentelle. C’est ainsi que
l’imperfection est un des caractères de l’enfance, et non pas de l’âge mûr ;
par conséquent, l’âge mûr arrivant, l’enfance cesse et l’humanité se
perfectionne. L’imperfection est donc de l’essence de la science, telle
qu’ici-bas nous pouvons l’avoir à l’égard de Dieu, c’est-à-dire en tant qu’il
est connu par les choses sensibles. Il en est de même de la prophétie, en
tant que connaissance figurative ayant pour objet l’avenir. Mais telle n’est
pas la charité, dont le caractère propre est d’aimer le bien connu : par
conséquent, quand surviendra la perfection de la gloire, la prophétie et la
science prendront fin, mais la charité ne finira pas, au contraire elle se
perfectionnera, car Dieu sera d’autant plus parfaitement aimé qu’il sera
mieux connu. II. Quand l’Apôtre
ajoute (verset 11) : Quand j’étais enfant, etc., il développe ce qu’il
vient d’énoncer : et d’abord la majeure, à savoir que, le stade de la
perfection survenant, l’imperfection cessera ; ensuite la mineure, à savoir
que la science et la prophétie sont imparfaites, d’où (verset 12) : Nous
ne voyons maintenant, etc. 1° Il explique la première proposition
par une comparaison entre le parfait et l’imparfait, tels qu’ils se trouvent
dans l'être corporel. Dès lors il décrit d’abord l’état d’imperfection de
l’être corporel, disant : Quand j’étais enfant, c’est-à-dire par
l’âge, je parlais en enfant, c’est-à-dire comme il convient à un
enfant, à savoir en balbutiant. C’est en raison de cette imperfection de la
parole qu’on remarque chez les enfants que nous voyons louer la sagesse
(Sag., X, 21) : "Elle a rendu éloquentes les langues des petits enfants."
Or c’est parler comme un enfant que de dire des choses vaines ; (Psaume
XI, 3) : "Chacun ne dit à son prochain que des choses vaines." Quant
au jugement, saint Paul ajoute (verset 11) : Je jugeais en enfant, c’est-à-dire
j’approuvais ou je rejetais certaines choses sans réflexion, ainsi que font
les enfants, qui quelquefois méprisent ce qui est précieux et recherchent ce
qui est de vil prix ; (Prov., I, 22) : "O enfants, jusques à
quand aimerez-vous l’enfance ? jusques à quand les insensés désireront-ils ce
qui leur est pernicieux ?" Ceux-là donc jugent en enfants qui,
n’ayant que du mépris pour les choses spirituelles, s’attachent à ce qui est
terrestre ; c’est d’eux qu’il est dit (Philip., III, 19) : "Ils
mettent leur gloire dans leur propre confusion, et ils n’ont de goût que pour
la terre." Quant au raisonnement, il dit (verset 11) : Je
raisonnais en enfant, à savoir sur de vaines pensées ; (Psaume
XCIII, 11) : "Le Seigneur connaît les pensées des hommes ; il sait
qu’elles sont vaines." Dans son énumération, saint Paul semble
intervertir l'ordre de ces trois concepts. Car la parole exige le jugement de
la sagesse, et le jugement présuppose les pensées de la raison. Or ceci
convient assez à l’imperfection des enfants, chez qui l’on trouve la parole sans
le jugement, et le jugement sans délibération. Ce que dit saint Paul : Je
parlais comme un enfant, peut se rapporter au don des langues ; je
jugeais en enfant, au don de prophétie, et ce qu’il ajoute : Je
raisonnais en enfant… au don de science. 2° Il exprime ce qui appartient à la perfection de l'âge,
en disant (verset 11) : Mais lorsque je suis devenu homme, c’est-à-dire
lorsque je suis parvenu à l’âge parfait et viril, je me suis dégagé, en
d’autres termes j'ai rejeté loin de moi tout ce qui tenait de
l’enfance ; car, dit le prophète Isaïe (LXV, 20) : "L’enfant
de cent ans mourra, et le pécheur de cent ans sera maudit." Il faut
remarquer que l’Apôtre compare ici l’état présent à l’enfance, à cause de son
imperfection, et l’état de la gloire future à l’âge viril, en raison de sa
perfection. |
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Lectio 4 |
Leçon 4 : 1 Corinthiens XIII, 12 à 13 — L'épanouissement dans la gloire |
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SOMMAIRE : L’Apôtre explique comment cessera ce qui est imparfait, surtout dans la connaissance de Dieu ; il conclut cependant que la charité ne finira jamais. |
[12] videmus
nunc per speculum in enigmate tunc autem facie ad faciem nunc cognosco ex
parte tunc autem cognoscam sicut et cognitus sum [13] nunc
autem manet fides spes caritas tria haec maior autem his est caritas |
12. Nous ne
voyons maintenant que comme en un miroir et en des énigmes, mais alors nous
verrons face à face. Je ne connais maintenant qu'imparfaitement mais alors je
connaîtrai, comme je suis moi-même connu. 13. Or ces
trois vertus, la foi, l'espérance et la charité, demeurent à présent ; mais
la charité est la plus excellente des trois. |
[87673] Super 1 Cor. [reportatio vulgata],
cap. Dicit ergo : dixi quod ex parte cognoscimus, quia
nunc videmus per speculum in aenigmate, sed tunc, scilicet in patria
videbimus facie ad faciem. Ubi primo considerandum est, quid sit videre per
speculum in aenigmate; secundo quid sit videre facie ad faciem. Sciendum est ergo, quod
sensibile aliquid potest tripliciter videri, scilicet aut per sui praesentiam
in re vidente, sicut ipsa lux, quae praesens est oculo; aut per praesentiam
suae similitudinis in sensu immediate derivatam ab ipsa re, sicut albedo quae
est in pariete videtur, non existente ipsa albedine praesentialiter in oculo,
sed eius similitudine, licet ipsa similitudo non videatur ab eo; aut per
praesentiam similitudinis non immediate derivatae ab ipsa re, sed derivatae a
similitudine rei in aliquid aliud, sicut cum videtur aliquis homo per
speculum. Non
enim similitudo hominis immediate est in oculo, sed similitudo hominis
resultantis in speculo. Per
hunc ergo modum loquendo de visione Dei, dico quod naturali cognitione solus
Deus videt seipsum : quia in Deo idem est sua essentia et suus intellectus.
Et ideo sua essentia est praesens suo intellectui. Sed secundo modo forte
Angeli naturali cognitione Deum vident, inquantum similitudo divinae
essentiae relucet immediate in eos. Tertio vero modo cognoscimus nos Deum in vita ista, inquantum
invisibilia Dei per creaturas cognoscimus, ut dicitur Rom. I, 20. Et ita tota
creatura est nobis sicut speculum quoddam : quia ex ordine, et bonitate, et
magnitudine, quae in rebus a Deo causata sunt, venimus in cognitionem
sapientiae, bonitatis et eminentiae divinae. Et haec cognitio dicitur visio
in speculo. Ulterius autem sciendum est, quod huiusmodi similitudo, quae est
similitudinis in alio relucentis, est duplex : quia aliquando est clara et
aperta, sicut illa quae est in speculo; aliquando obscura et occulta, et tunc
illa visio dicitur aenigmatica, sicut cum dico : me mater genuit, et eadem
gignitur ex me. Istud
est per simile occultum. Et dicitur de glacie, quae gignitur ex aqua
congelata, et aqua gignitur ex glacie resoluta. Sic ergo patet, quod
visio per similitudinem similitudinis est in speculo per simile occultum in
aenigmate, sed per simile clarum et apertum facit aliam speciem allegoricae
visionis. Inquantum ergo invisibilia Dei per creaturas cognoscimus, dicimur
videre per speculum. Inquantum vero illa invisibilia sunt nobis occulta, videmus
in aenigmate. Vel aliter, videmus nunc per speculum, id est per
rationem nostram, et tunc ly per, designat virtutem tantum. Quasi dicat videmus
per speculum, id est virtute animae nostrae. Circa secundum vero sciendum est, quod Deus,
secundum quod Deus, non habet faciem, et ideo hoc, quod dicit, facie ad
faciem, metaphorice dicitur. Cum enim videmus aliquid in speculo, non
videmus ipsam rem, sed similitudinem eius; sed quando videmus aliquid
secundum faciem, tunc videmus ipsam rem sicut est. Ideo nihil aliud vult
dicere apostolus, cum dicit : videbimus in patria facie ad faciem,
quam quod videbimus ipsam Dei essentiam. I Io. III, 2 — videbimus
eum sicuti est, et cetera. Sed contra est, quia Gen. XXXII, 30 dicitur : vidi
dominum facie ad faciem, et cetera. Sed constat, quod tunc non vidit
essentiam Dei; ergo videre facie ad faciem, non est videre essentiam Dei.
Responsio. Dicendum est quod illa visio fuit imaginaria; visio autem
imaginaria est quidam gradus altior, scilicet videre illud quod apparet : in
ipsa imagine in qua apparet et alius gradus infimus scilicet audire tantum
verba. Unde Iacob, ut insinuaret excellentiam visionis imaginariae sibi
ostensae, dicit vidi dominum facie ad faciem, id est vidi dominum
imaginarie apparentem in sua imagine et non per essentiam suam. Sic enim non
fuisset visio imaginaria. Sed tamen quidam dicunt, quod in patria ipsa
divina essentia videbitur per similitudinem creatam. Sed hoc est omnino
falsum et impossibile, quia numquam potest aliquid per essentiam cognosci per
similitudinem, quae non conveniat cum re illa in specie. Lapis enim non
potest cognosci secundum illud quod est, nisi per speciem lapidis, quae est
in anima. Nulla enim similitudo ducit in cognitionem essentiae alicuius rei,
si differat a re illa secundum speciem, et multo minus si differt secundum
genus. Non enim per speciem equi, vel albedinis potest cognosci essentia
hominis, et multo minus essentia Angeli. Multo ergo minus per aliquam speciem
creatam, quaecumque sit illa, potest videri divina essentia, cum ab essentia
divina plus distet quaecumque species creata in anima, quam species equi, vel
albedinis ab essentia Angeli. Unde ponere quod Deus videatur solum per
similitudinem, seu per quamdam refulgentiam claritatis suae, est ponere
divinam essentiam non videri. Et, praeterea, cum anima sit quaedam similitudo
Dei, visio illa non magis esset specularis et aenigmatica, quae est in via,
quam visio clara et aperta, quae repromittitur sanctis in gloria, et in qua
erit beatitudo nostra. Unde Augustinus dicit hic in Glossa, quod visio
Dei, quae est per similitudinem, pertinet ad visionem speculi et aenigmatis.
Sequeretur etiam quod beatitudo hominis ultima esset in alio, quam in ipso
Deo, quod est alienum a fide. Naturale etiam hominis desiderium, quod est perveniendi
ad primam rerum causam, et cognoscendi ipsam per seipsam, esset inane. Sequitur nunc cognosco
ex parte, et cetera. Hic, illud quod probavit in generali, probat in
speciali de cognitione sui ipsius, dicens nunc, id est in praesenti
vita, ego Paulus cognosco ex parte, id est obscure et imperfecte; tunc
autem, scilicet in patria, cognoscam sicut et cognitus sum, id est
: sicut Deus cognovit essentiam meam, ita Deum cognoscam per essentiam; ita
quod ly sicut, non importat hic aequalitatem cognitionis, sed similitudinem
tantum. Consequenter infert principalem conclusionem cum
dicit nunc autem manent, et cetera. Causa autem quare non facit
mentionem de omnibus donis, sed de istis tribus tantum est quia haec tria
coniungunt Deo, alia autem non coniungunt Deo, nisi mediantibus istis; alia
etiam dona sunt quaedam disponentia ad gignendum ista tria in cordibus
hominum. Unde et solum ista tria, scilicet fides, spes et charitas, dicuntur
virtutes theologicae, quia habent immediate Deum pro obiecto. Sed cum dona
sint ad perficiendum vel affectum vel intellectum, et charitas perficiat
affectum, fides intellectum : non videtur quod spes sit necessaria, sed
superflua. Ad hoc sciendum, quod amor est quaedam vis unitiva, et omnis amor
in unione quadam consistit. Unde et secundum diversas uniones, diversae
species amicitiae a philosopho distinguuntur. Nos autem habemus duplicem
coniunctionem cum Deo. Una est quantum ad bona naturae, quae hic participamus
ab ipso; alia quantum ad beatitudinem, inquantum nos hic sumus participes per
gratiam supernae felicitatis, secundum quod hic est possibile, speramus etiam
ad perfectam consecutionem illius aeternae beatitudinis pervenire et fieri
cives caelestis Ierusalem. Et secundum primam communicationem ad Deum, est
amicitia naturalis secundum quam unumquodque, secundum quod est, Deum ut
causam primam et summum bonum appetit et desiderat, ut finem suum. Secundum
vero communicationem secundam est amor charitatis, qua solum creatura
intellectualis Deum diligit. Quia vero nihil potest amari nisi sit cognitum,
ideo ad amorem charitatis exigitur primo cognitio Dei. Et quia hoc est supra
naturam, primo exigitur fides, quae est non apparentium. Secundo ne homo
deficiat, vel aberret, exigitur spes, per quam tendat in illum finem, sicut
ad se pertinentem. Et de his tribus dicitur Eccli. II, 8 — qui timetis
Deum, credite in illum, quantum ad fidem; qui timetis Deum, sperate in
illum, quantum ad spem; qui timetis Deum, diligite eum, quantum ad
charitatem. Ista ergo tria manent nunc,
sed charitas maior est omnibus, propter ea quae dicta sunt supra. |
L’Apôtre
traite ici de la vision, qui est la connaissance de Dieu. Tous les dons
passagers dont il est parlé ci-dessus, doivent donc être envisagés en tant
qu’ils concourent à la connaissance de Dieu. Sur ceci, l’Apôtre, I° prouve d’une manière générale ce
qu’il veut établir ; II° il le
prouve en particulier à l’égard de lui-même (verset 12) : Je ne le connais
maintenant qu’imparfaitement, etc… I° Il dit donc : J’ai établi que ce
n’est qu’en partie que nous connaissons, parce que maintenant (verset 12) : Nous
ne voyons Dieu que comme dans un miroir et en énigme, mais alors,
c’est-à-dire dans la patrie céleste, nous le verrons face à face. Il
faut examiner ici : I. ce que
c’est que voir Dieu comme dans un miroir et en énigme ; II. ce que c’est que
voir Dieu face à face. I. Remarquons qu’un
objet sensible peut être vu de trois manières : à savoir par sa présence
propre dans le sujet qui voit : ainsi se perçoit la lumière, qui est présente
à l’œil ; par la présence de son image dans l’organe, présence qui découle de
l’objet lui-même, comme la blancheur qui existe sur la muraille, sans que
cette blancheur existe et soit présente dans l’oeil, qui n’en reçoit que la
ressemblance, bien qu’il ne perçoive pas cette ressemblance ; par la présence
de la ressemblance, sans qu’elle émane immédia-tement de l’objet lui-même,
mais de la ressemblance même de cet objet dans ce qui le représente : c’est
ainsi qu’on voit un homme dans un miroir ; car la ressemblance de l’homme
n’est pas immédiatement dans l’oeil, mais cette ressemblance se reflète dans
le miroir. Appliquant cette manière de s’exprimer à la vision de Dieu, je dis
que Dieu seul se voit lui-même d’une connaissance naturelle, parce qu’en Dieu
son essence et son intellect ne font qu’une seule et même chose ; par
conséquent, son essence est présente à son intellect. Peut-être les anges
voient-ils Dieu, de connaissance naturelle, de la seconde manière,
c’est-à-dire en tant que la ressemblance de la divine essence se reflète
directement sur eux. Dans la vie présente, nous connaissons Dieu de la
troisième manière, en tant que ses perfections invisibles nous sont
manifestées par les créatures, comme il est dit dans l’épître aux Romains (I,
20). Ainsi donc toute créature est pour nous comme un miroir parce que de
l’ordre, de la beauté et de la grandeur que Dieu a fait éclater dans la
création nous remontons à la connaissance de la sagesse, de la bonté et de la
grandeur éminente de Dieu. C’est de cette connaissance que saint Paul dit :
Nous voyons comme dans un miroir. Il faut, de
plus, observer que cette ressemblance d'un objet représenté dans un autre
objet est de deux sortes : quelquefois elle est claire et manifeste, comme
celle qui existe dans un miroir ; quelquefois obscure et cachée. On dit en
parlant de cette vue qu’elle est énigmatique, comme quand nous disons : ma
mère m’a mis au monde, et ma mère naît de moi. Dans ce cas, la vérité est
sous le voile de la similitude : c’est ce qu’on dit de la glace, qui provient
de l’eau congelée ; l’eau à son tour provient de la glace fondue. On voit par
là que la connaissance, par la reproduction de la ressemblance, existe dans
le miroir par la ressemblance cachée sous une énigme, tandis que la
ressemblance claire et manifeste constitue une seconde espèce de la vision
allégorique. Quand donc nous connaissons les perfections invisibles de Dieu
par les créatures, on dit que nous voyons dans un miroir ; mais en tant que
ces perfections invisibles nous sont cachées, nous voyons en énigmes.
Autrement encore : Nous voyons maintenant comme dans un miroir, à
savoir au moyen de notre raison ; et alors cette expression "per"
désigne seulement la puissance, comme si l’Apôtre disait : nous voyons
comme dans un miroir, en d’autres termes par la puissance de notre âme. II. Sur cette
expression « voir face à face », il faut savoir que Dieu, en tant que
Dieu, n’a pas de face, et par conséquent ce que dit saint Paul : voir face
à face, se dit par métaphore ; car lorsque nous voyons un objet dans un
miroir, nous ne voyons pas l’objet lui-même, mais sa ressemblance, tandis que
voir un objet en face, c’est voir l’objet lui-même, tel qu’il est. L’Apôtre a
donc voulu seulement, par ces paroles : dans la patrie céleste, nous le
verrons face à face, donner à entendre que nous verrons alors l'essence
même de Dieu ; (I Jean III, 2) : "Nous le verrons tel qu’il est,
etc." On objecte
ces paroles de la Genèse (XXXII, 30) : "J’ai vu le Seigneur face à
face, etc." ; or il est constant que Jacob ne vit pas alors
l’essence de Dieu ; voir Dieu face à face, ce n’est donc pas voir l’essence
de Dieu. Il faut répondre que cette vision eut lieu dans l'imagination, or la
vision de cette nature est d’un degré plus élevé, puisque c’est voir ce qui
apparaît. Dans la ressemblance même sous laquelle l’objet apparaît, il y a un
autre degré moins élevé : c’est d’entendre seule ment les paroles. Jacob
donc, pour faire comprendre l’excellence de la vision qui lui était accordée
dans l’imagination, dit "J’ai vu le Seigneur face à face,"
c’est-à-dire j’ai vu, dans mon imagination, le Seigneur apparaissant dans son
image, et non dans son essence, car alors la vision n’eût pas été seulement
dans l’imagination. On dit encore que dans la patrie céleste même la divine
essence sera vue dans une ressemblance créée ; mais cette opinion est tout à
fait fausse et impossible, parce que nul objet ne peut être connu dans son
essence au moyen d’une ressemblance dont la notion ne soit pas en rapport
avec lui. Une pierre, par exemple, ne peut être connue selon ce qu’elle est
si ce n’est par la notion de la pierre, qui est dans l’âme. Nulle
ressemblance, en effet, ne peut conduire à la connaissance de l’essence d’un
objet si cette ressemblance en diffère quant à l’espèce, et beaucoup moins
encore si elle en diffère quant au genre. Ainsi on ne peut connaître par la
notion spécifique du cheval ou de la blancheur l’essence d’un homme, et à
plus forte raison celle d’un ange. On peut encore beaucoup moins, par la
notion spécifique, quelle qu’elle soit, d’un objet créé, voir la divine
essence, puisque cette espèce créée dans l’âme, quelle qu’elle puisse être,
est à une plus grande distance de l’essence divine que ne l’est l’espèce de
l’ange de celle d’un cheval on de l’espèce de la blancheur. Supposer donc qu’on
puisse voir Dieu seulement par une image ou par quelque reflet de ses
clartés, c’est supposer qu’on ne peut voir la divine essence. En outre, l’âme
étant comme une ressemblance de Dieu, la vision qui est accordée dans la vie
présente ne se ferait pas plus comme dans un miroir et en énigme, que la
vision claire et manifesté promise aux saints dans la gloire, laquelle fera
notre béatitude. Aussi saint Augustin dit-il dans la Glose, sur ce passage,
que la vision de Dieu par image appartient à la vision qui se fait comme dans
un miroir et par énigme (de la Trinité, liv. XV, ch. IX). Il
s’en suivrait aussi que la suprême béatitude de l’homme se trouverait dans un
autre objet que Dieu lui-même, ce qui est contraire à la foi. En effet, le
désir naturel de l’homme, qui consiste à s’élever à la cause première des
choses et à la connaître par elle-même, deviendrait sans réalité. II° L’Apôtre continue (verset l2) : Je ne le connais maintenant
qu’imparfaitement, etc. Ce qu’il a prouvé
d’une manière générale, il le prouve ici d’une manière spéciale, par sa
propre connaissance, en disant (verset 12) : Maintenant, c’est-à-dire
dans la vie présente, moi-même Paul, je ne connais qu’en partie, en
d’autres termes d’une manière obscure et imparfaite ; mais alors, à
savoir dans la patrie céleste, je le connaîtrai, comme je suis moi-même
connu de lui, c’est-à-dire : ainsi que Dieu connaît mon essence, je
connaîtrai aussi Dieu quant à son essence ; en sorte que cette expression
« comme » ne suppose pas l’égalité, mais l’analogie de
connaissance. III° Enfin saint Paul déduit sa conclusion principale lorsqu’il dit (verset
13) : Or [la foi, l’espérance et la charité] demeurent maintenant, etc.
Le motif pour lequel il ne fait pas mention de tous les dons, mais seulement
de ces trois, c’est qu’ils unissent à Dieu, ce que ne font pas les autres
dons, si ce n’est au moyen de ces premiers. Les autres dons encore sont en
quelque sorte des dispositions pour produire, dans les coeurs des hommes, ces
trois dons principaux. Pour cette raison ces trois dons seulement, savoir la
foi, l’espérance et la charité, sont appelés vertus théologiques, parce
qu’ils ont Dieu immédiatement pour objet. Cependant, les dons ayant pour fin
de perfectionner ou la partie affective ou la partie intellectuelle de l’âme,
et la charité produisant cette perfection pour la volonté, et la foi pour
l’intelligence, il semble que l’espérance ne soit pas nécessaire, mais
qu’elle est superflue. Pour expliquer ceci, il faut se rappeler que l’amour
est une force unitive, et que tout amour consiste dans quelque espèce
d’union. De là, et d’après ces unions diverses, le philosophe distingue
différentes espèces d’amitié. Or il y a entre nous et Dieu deux sortes
d’union : la première quant aux biens naturels, que nous recevons ici-bas de
ses mains ; la seconde, quant à la béatitude, en tant que nous participons
ici-bas par la grâce à la félicité éternelle, dans la mesure où cette
participation est possible, et par là nous espérons parvenir à la possession
de cette béatitude éternelle et devenir citoyens de la céleste Jérusalem.
Ainsi, en vertu de la première communication, il y a, à l’égard de Dieu, une
amitié naturelle en vertu de laquelle tout être cherche et désire
naturellement Dieu, tel qu’il est, comme cause première, bien suprême et
dernière fin. En vertu de la seconde communication, il y a amour de charité,
par lequel la créature intellectuelle seule aime Dieu. Mais, parce que nul
objet ne peut être aimé sans être connu, pour l’amour de charité on exige
d’abord la connaissance de Dieu ; et comme cette connaissance est au-dessus
des forces de la nature, on exige d’abord la foi, qui a pour objet ce que
nous ne voyons pas. Ensuite, pour que l’homme ne vienne pas à s’égarer à
défaillir, on exige l’espérance, par laquelle il puisse tendre à cette fin,
comme lui appartenant. De ces trois dons il est dit (Ecclésiastique II, 8),
quant à la foi : "Vous qui craignez le Seigneur, croyez en
lui" ; quant à l’espérance : "Vous qui craignez le
Seigneur, espérez en lui" ; quant à la charité : "Vous
qui craignez le Seigneur, aimez le." Ces trois dons demeurent donc
maintenant ; mais (verset 13) le plus grand des trois, d’après ce qui a été
dit, c’est la charité. |
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Caput 14 |
CHAPITRE XIV — HIÉRARCHIE DES CHARISMES |
Lectio 1 |
Leçon 1 : 1 Corinthiens XIV, 1-4 — La prophétie est supérieure au don des langues |
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SOMMAIRE : Le don de prophétie est préférable au don des langues. |
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[1] sectamini caritatem aemulamini spiritalia magis autem ut
prophetetis [2] qui enim loquitur lingua non hominibus loquitur sed Deo
nemo enim audit Spiritu autem loquitur mysteria [3] nam qui prophetat hominibus loquitur aedificationem et
exhortationem et consolationes [4] qui
loquitur lingua semet ipsum aedificat qui autem prophetat ecclesiam aedificat |
1.
Recherchez avec ardeur la charité ; désirez les dons spirituels, et surtout
de prophétiser ; 2. Car
celui qui parle une langue ne parle pas aux hommes, mais à Dieu, puisque
personne ne l'entend et qu'il parle en esprit des choses cachées. 3. Mais
celui qui prophétise parle aux hommes pour les édifier, les exhorter, les
consoler. 4. Celui
qui parle une langue s'édifie lui-même, au lieu que celui qui prophétise
édifie l’Eglise de Dieu. |
[87674] Super 1 Cor.
[reportatio vulgata], cap. Primo enim praemittit unum, per quod continuat se
ad sequentia, et hoc est quod dicit : dictum est, quod charitas omnia dona
excellit, si ergo ita est, sectamini, scilicet viribus, charitatem,
quae est dulce et salubre vinculum mentium. I Petr. IV, 8 — ante omnia
charitatem, et cetera. Col. III, 14 — super omnia autem charitatem
habete, et cetera. Secundo subdit illud per
quod continuat se ad sequentia. Et hoc est quod dicit aemulamini, et cetera. Quasi dicat :
licet charitas sit maior omnibus donis, tamen alia non sunt contemnenda. Sed aemulamini,
id est ferventer ametis, spiritualia dona spiritus sancti. I Petr. III,
13 — quid est, quod vobis noceat, et cetera. Licet autem aemulatio
quandoque sumatur pro ferventi dilectione, quandoque pro invidia, tamen non
est aequivocatio; imo unum procedit ab alio; zelari enim et aemulari designat
ferventem amorem alicuius rei. Contingit autem quod res amata ita diligatur
ferventer ab aliquo, quod non patitur sibi consortem, sed ipse vult eam solus
et singulariter. Et iste est zelus, qui secundum quosdam est amor intensus,
non patiens consortium in amato. Hoc tamen contingit in spiritualibus, … quae possunt perfectissime a multis participari,
sed solum in illis quae non possunt a multis participari. Unde in charitate
non est huiusmodi zelus non patiens consortium in amato, sed tantum in
corporalibus, in quibus provenit, quod si aliquis habet illud quod ipse
zelat, doleat : et ex hoc consurgit aemulatio, quae est invidia. Sicut si ego
amo dignitatem seu divitias, doleo quod aliquis habet eas, unde et ei
invideo. Et sic patet, quod ex zelo surgit invidia. Cum ergo dicitur aemulamini spiritualia,
non intelligitur de invidia, quia spiritualia possunt a multis haberi, sed
dicit, aemulamini, ut inducat ad ferventer amandum Deum. Et quia inter
spiritualia est gradus quidam, quia prophetia excedit donum linguarum, ideo
dicit magis autem, ut prophetetis, quasi dicat : inter spiritualia
magis aemulamini donum prophetiae. I Thess. V, v. 19 s. : spiritum nolite
extinguere, prophetias nolite spernere. Ad explanationem autem totius capitis praenotanda sunt tria, scilicet
quid sit prophetia, quot modis dicatur in Scriptura sancta prophetia et quid
sit loqui linguis. Circa primum sciendum est, quod propheta dicitur, quasi procul videns,
et secundum quosdam dicitur a for faris, sed melius dicitur a pharos, quod
est videre. Unde I Reg. c. IX, 9 dicitur, quod qui nunc dicitur propheta,
olim videns dicebatur. Unde visio eorum quae sunt procul, sive sint
futura contingentia, sive supra rationem nostram, dicitur prophetia. Est
igitur prophetia visio seu manifestatio futurorum contingentium, seu
intellectum humanum excedentium. Ad huiusmodi autem visionem quatuor requiruntur. Cum enim cognitio
nostra sit per corporalia et per phantasmata a sensibilibus accepta, primo
exigitur quod in imaginatione formentur similitudines corporales eorum quae
ostenduntur, ut Dionysius dicit quod impossibile est aliter lucere nobis
divinum radium, nisi varietate sacrorum velaminum circumvelatum. Secundum
quod exigitur est lumen intellectuale illuminans intellectum ad ea quae supra
naturalem cognitionem nostram ostenduntur cognoscenda. Nisi enim ad
similitudines sensibiles in imaginatione formatas intelligendas adsit lumen
intellectuale, ille cui similitudines huiusmodi ostenduntur, non dicitur
propheta, sed potius somniator. Sicut Pharao, qui licet viderit spicas et
vaccas, quae erant indicativa futurorum quorumdam, quia tamen non intellexit
quod vidit, non dicitur propheta, sed potius ille, scilicet Ioseph, qui
interpretatus est. Et
similiter est de Nabuchodonosor, qui vidit statuam, et non intellexit, unde
nec propheta dicitur, sed Daniel. Et propter hoc dicitur, Dan. X, 1 — intelligentia
opus est in visione. Tertium quod exigitur,
est audacia ad annuntiandum ea quae revelantur. Ad hoc enim Deus revelat,
ut aliis denuntientur. Ier. I, 9 — ecce dedi verba mea in ore. Quartum
est operatio miraculorum, quae sunt ad certitudinem prophetiae. Nisi enim
facerent aliqua, quae excedunt operationem naturae, non crederetur eis in
his, quae naturalem cognitionem transcendunt. Secundum ergo hos modos prophetiae, dicuntur
aliqui diversis modis prophetae. Aliquando enim aliquis dicitur propheta, qui
habet omnia ista quatuor, scilicet quod videt imaginarias visiones, et habet
intelligentiam de eis, et audacter annuntiat aliis, et operatur miracula, et
de hoc dicitur Num. XII, 6
— si quis fuerit inter vos propheta, et cetera. Aliquando autem
dicitur propheta ille, qui habet solas imaginarias visiones, sed tamen
improprie et valde remote. Aliquando etiam dicitur propheta, qui habet
intellectuale lumen ad explanandum etiam visiones imaginarias, sive sibi,
sive alteri factas, vel ad exponendum dicta prophetarum, vel Scripturas
apostolorum. Et sic dicitur propheta omnis qui discernit doctorum Scripturas,
quia eodem spiritu interpretatae sunt quo editae sunt. Et sic Salomon et
David possunt dici prophetae, inquantum habuerunt lumen intellectuale, ad
clare et subtiliter intuendum; nam visio David intellectualis tantum fuit.
Dicitur etiam propheta aliquis solum ex hoc quod prophetarum dicta denuntiat,
seu exponit, seu cantat in Ecclesia, et hoc modo dicitur I Reg. XIX, 24 quod
Saul erat inter prophetas, id est, inter canentes dicta prophetarum. Dicitur
etiam aliquis propheta ex miraculorum operatione, secundum illud Eccli. c.
XLVIII, 14, quod corpus Elisei mortuum prophetavit, id est, miraculum
fecit. Quod ergo dicit hic apostolus per totum caput de prophetis,
intelligendum est de secundo modo, scilicet quod ille dicitur prophetare, qui
per lumen intellectuale divinum, visiones sibi et aliis factas exponit. Et
secundum hoc planum erit, quod hic dicitur de prophetis. Circa secundum sciendum est, quod quia in
Ecclesia primitiva pauci erant quibus imminebat fidem Christi praedicare per
mundum, ideo dominus, ut commodius et pluribus verbum Dei annuntiarent, dedit
eis donum linguarum, quibus omnibus praedicarent. Non quod una lingua
loquentes ab omnibus intelligerentur, ut quidam dicunt, sed, ad litteram,
quod linguis diversarum gentium, imo omnium loquerentur. Unde dicit apostolus gratias ago Deo, quod
omnium vestrum lingua loquor. Et Act. II, 4 dicitur : loquebantur variis linguis, et cetera. Et hoc donum multi adepti
sunt a Deo in Ecclesia primitiva. Corinthii autem, quia curiosi erant, ideo
libentius volebant illud donum, quam donum prophetiae. Quod ergo dicitur hic
loqui lingua, vult apostolus intelligi lingua ignota, et non explanata, sicut
si lingua Theutonica loquatur quis alicui Gallico, et non exponat, hic
loquitur lingua. Vel
etiam si loquatur visiones tantum, et non exponat, loquitur lingua. Unde
omnis locutio non intellecta, nec explanata, quaecumque sit illa, est proprie
loqui lingua. His ergo visis ad
expositionem litterae accedamus, quae plana est. Circa hoc ergo duo facit.
Primo probat, quod donum prophetiae excellentius est dono linguarum; secundo
excludit quamdam obiectionem, ibi volo autem vos, et cetera. Quod
autem donum prophetiae excedat donum linguarum, probat duabus rationibus,
quarum prima sumitur ex comparatione Dei ad Ecclesiam; secunda ratio sumitur
ex comparatione hominum ad Ecclesiam. Prima autem ratio talis
est : illud per quod facit homo ea non solum quae sunt ad honorem Dei sed
etiam ad utilitatem proximorum est melius, quam illud quod fit tantum ad
honorem Dei; sed prophetia est non tantum ad honorem Dei sed etiam ad proximi
utilitatem, per donum vero linguarum solum illud fit quod est ad honorem Dei;
ergo, et cetera. Huius
autem rationis ponit medium, et primo quantum ad hoc quod dicit, quod qui
loquitur lingua, honorat tantum Deum. Et hoc est quod dicit qui loquitur
lingua, scilicet ignota, non loquitur hominibus, id est, ad
intellectum hominum, sed Deo, id est, ad honorem Dei tantum. Vel Deo,
quia ipse Deus solus intelligit. Sap. I, 10 — auris zeli Dei audit omnia,
et cetera. Et quod non loquatur homini, subdit nemo enim audit, id est
intelligit. Sic enim frequenter accipitur, non audire, pro non intelligere.
Matth. XIII, 9 — qui habet aures audiendi, audiat. Quare autem soli
Deo loquatur, subdit quod ipse Deus loquitur. Unde dicit spiritus autem
Dei loquitur mysteria, id est occulta. Matth. X, 20 — non enim vos
estis, qui loquimini, et cetera. Supra II, 11 — nemo novit quae sunt
spiritus Dei, et cetera. Secundo probat id quod dicit, quod prophetia est
ad honorem Dei et utilitatem proximorum. Unde dicit nam qui prophetat,
etc., id est explanat visiones seu Scripturas, loquitur hominibus, id
est ad intellectum hominum, et hoc ad aedificationem incipientium, et
ad exhortationem proficientium. I Thess. V, 14 — consolamini,
pusillanimes. Tit. II, 15 — loquere et exhortare, et ad consolationem
desolatorum. Vel
aedificatio pertinet ad spiritualem affectionem, quia ibi primo incipit
aedificium spirituale. Eph. II, 22 — in quo et vos coaedificamini, et cetera.
Exhortatio vero ad inductionem ad bonos actus, quia si affectus est bonus,
tunc actus est bonus. Tit. II, 15 — haec loquere et exhortare. Consolatio vero inducit
ad tolerantiam malorum. Rom. XV, 4 — quaecumque scripta sunt, ad nostram
doctrinam scripta sunt. Ad
haec enim tria inducunt praedicantes divinam Scripturam. Secunda ratio talis est : illud quod est utile
soli facienti est minus quam illud quod prodest etiam aliis; loqui autem
linguis est utile soli ei qui loquitur, prophetare vero aliis prodest;
igitur, et cetera. Huius
autem rationis ponit medium, et primo quantum ad primam partem medii, et hoc
est quod dicit qui loquitur lingua, semetipsum, et cetera. Ps.
XXXVIII, 4 — concaluit cor meum intra me, et cetera. Secundo quantum ad secundam partem, et hoc est
quod dicit qui autem prophetat, Ecclesiam, id est fideles, aedificat
instruendo. Eph. II, 20 — superaedificati supra fundamentum apostolorum et
prophetarum. |
Après avoir
établi l’excellence de la charité comparativement aux autres dons, l’Apôtre
compare ensuite les autres dons entre eux, montrant la prééminence de la
prophétie sur le don des langues. A cet effet, d’abord il prouve cette
prééminence ; ensuite il montre comment il faut faire usage du don des
langues et du don de prophétie (verset 26) : Que faut-il donc, mes frères
? etc. Sur le premier de ces points, il fait voir que le don de prophétie
est plus excellent que celui des langues, par des raisons prises du côté des
infidèles, ensuite du côté des fidèles (verset 6) : En effet, mes frères, etc.
La première partie se subdivise en deux. Premièrement, saint Paul montre
que le don de prophétie est plus excellent que le don des langues à l’usage
que l’on peut en faire dans les exhortations ou prédications ; secondement,
quant à celui qu’on en peut faire dans la prière, car l’usage de ce don
s’étend à ces deux choses (verset 3) : Mais celui qui prophétise parle aux
hommes, etc. Sur cette première subdivision, l’Apôtre fait deux choses : I° Il donne un avis qui lui sert de transition à ce qui suit. Il dit
donc : Il a été établi que la charité l’emporte sur tous les autres dons ; si
donc il en est ainsi, (verset 1) : Recherchez, à savoir de toutes vos
forces, la charité, qui est pour les âmes un lien doux et
salutaire ; (I Pierre, IV, 8) : "Avant toutes choses, [ayez les
uns pour les autres] une charité persévérante, etc." ; et
(Colos., III, 14) : "Surtout revêtez-vous de la charité, etc. " II° Il exprime ce qui lie son discours à ce qui suit (verset 1) : Désirez
les dons spirituels ; comme s’il disait : bien que la charité
soit plus excellente que tous les autres dons, ces dons cependant ne sont pas
à mépriser. Désirez donc, c’est-à-dire aimez avec ferveur, les dons
spirituels de l’Esprit Saint ; (I Pierre, III, 13) : "Qui
sera capable de vous nuire, etc. ?" car, malgré que l’émulation soit
prise quelquefois pour l’amour fervent, et quelquefois pour la jalousie,
cependant il n’y a pas ici d’équivoque ; bien plus, l’un procède de l’autre,
car la jalousie et l’émulation désignent également le désir violent d’un
objet. Or il arrive quelquefois qu’on désire et recherche avec tant de
passion l’objet aimé, qu’on ne peut souffrir de partage, et qu’on veut le
posséder seul et exclusivement ; c’est alors de la jalousie, qui est, selon
quelques-uns, l’amour porté à son degré extrême, et ne souffrant pas d’égal à
l’égard de l’objet aimé. Toutefois ceci n’a pas lieu dans les choses
spirituelles[8],
… qui peuvent être possédées très parfaitement par plusieurs, mais seulement dans
les biens, qui ne peuvent pas être possédés en commun. Donc, où est la
charité, il n’y a pas cette jalousie qui exclut tout partage de l’objet aimé
; elle n’existe qu’à l’égard des choses corporelles, pour lesquelles il
arrive que si un autre possède l’objet qui provoque la jalousie, on s’afflige
; de cette douleur naît l’émulation, qui est l’envie : comme par exemple, si
j’aime la dignité ou les richesses, je m’attriste quand un autre les possède,
et par suite je lui porte envie. On voit par là que de la jalousie naît
l’envie. Quand donc saint Paul dit : Désirez les dons spirituels, on
ne doit pas l’entendre de l’envie, parce que les biens spiri-tuels peuvent
être possédés par plusieurs ; mais il dit : Désirez, afin de porter à
aimer Dieu avec ferveur. Et parce que dans les dons spirituels on désigne
certains degrés, puisque la prophétie l’emporte sur le don des langues,
l’Apôtre dit (verset 4) : "Et surtout de prophétiser" ;
comme s’il disait : parmi les dons spirituels, désirez davantage celui de
prophétie ; (I Thess., V, 19-20) : "N’éteignez pas l’Esprit ; ne
méprisez pas les prophéties." Pour
l’explication de tout ce chapitre, il faut examiner : I. ce que c’est que la
prophétie ; II. dans
combien de sens on trouve dans l’Ecriture ce mot prophétie ; III. ce que l’on doit
entendre par parler les langues. I. Sur la première de
ces questions, il faut se souvenir que l’on dit « prophète » dans
le même sens que « voyant de loin ». Selon quelques auteurs, cette
expression vient du verbe for, faris, [qui signifie parler] ; mais on
la fait dériver plus justement de "faroj" qui signifie
« voir ». Ainsi (I Rois, IX, 9), il est dit que celui qui est
appelé maintenant prophète s’appelait autrefois le voyant. Donc la vision
des choses éloignées, qu’elles soient des futurs contingents ou des choses
au-dessus de notre raison, s’appelle prophétie. La prophétie est donc la
vision ou la manifestation des futurs contingents, ou des choses dépassant la
portée de l’intelligence humaine. Or pour cette vision quatre choses sont
nécessaires. 1° Notre
connaissance se formant par les objets corporels et par les images que nous
recevons des choses sensibles, il est d’abord nécessaire que les
représentations corporelles des objets qui frappent nos sens se forment dans
l’imagination. C’est ce qui fait dire à saint Denis qu’il est impossible que
le rayon divin luise à notre regard autrement que voilé par la variété des
images sacrées. 2° La seconde
condition requise est la lumière intellectuelle, illuminant l’intelligence
pour connaître ce qui nous est montré et qui dépasse la portée de notre
connaissance naturelle ; car si cette lumière n’est pas donnée afin de
percevoir les ressemblances sensibles formées dans l’imagination, celui à qui
sont montrées ces images ne peut être appelé prophète, c’est plutôt un
songeur, comme Pharaon. Ce prince, à la vérité, vit des épis et des vaches,
qui présageaient certains événements prochains ; mais, n’ayant pas compris ce
qu’il voyait, il n’est pas regardé comme prophète, titre réservé à ce Joseph donna
l’interprétation du songe royal. Il en est de même de Nabuchodonosor, qui vit
la statue et ne comprit pas ce qu’il voyait ; aussi n’est-il point appelé
prophète, tandis qu’on donne ce nom à Daniel. C’est pour cette raison qu’il
est dit (Dan., X, 1) : "Car on a besoin d’intelligence dans les
visions." 3° La troisième condition nécessaire,
c’est le courage pour annoncer ce qui est révélé, car, lorsque Dieu révèle,
c’est pour que la révélation soit communiquée à d’autres ; (Jér., I, 9) :
"Voilà que j’ai mis ma parole sur tes lèvres." Enfin la
quatrième condition est la puissance des miracles, qui donnent à la prophétie
la certitude. Si, en effet, les prophètes ne faisaient certaines oeuvres qui
excèdent la puissance naturelle, on ne croirait pas à leur parole, dans les
choses qui dépassent la connaissance naturelle. Donc, suivant ces modes
différents de prophétiser, on dit, en sens divers, qu’un tel est prophète et
on donne quelquefois ce nom à celui qui réunit ces quatre conditions,
c’est-à-dire qui a ces visions dans l’imagination, en possède l’intelligence,
les annonce avec courage et opère des miracles. De ce prophète il est dit
(Nomb., XII, 6) : "Si quelqu’un parmi vous est prophète du Seigneur, etc." ;
parfois on appelle prophète celui qui a seulement les visions dans
l’imagination, mais ce n’est que dans un sens impropre et très éloigné ;
on appelle encore prophète celui qui a reçu la lumière intellectuelle pour
expliquer les visions et les images qui ont été reçues par lui-même ou par
d’autres, ou encore pour exposer les paroles des prophètes et les écrits des
apôtres ; c’est dans ce sens qu’on appelle prophète quiconque a le
discernement des écrits des docteurs, parce que le même Esprit qui les a
inspirés en donne l’interprétation. Dans ce sens, David et Salomon peuvent
être appelés prophètes, en tant qu’ils ont reçu la lumière intellectuelle
pour voir avec clarté, et perspicacité, car en David la vision fut seulement
intellectuelle. On donne encore le nom de prophète à celui qui se borne à
annoncer, exposer ou chanter dans l’église les paroles des prophètes ; c’est
dans ce sens que (I Roi, XIX, 24) Saül était compté au nombre des prophètes,
c’est-à-dire parmi ceux qui chantaient les paroles des prophètes. On jouit
également de ce nom en raison de la puissance d’opérer des miracles, suivant
ce passage de l’Ecclésiastique (XLVIII, 14) : "Le corps d’Elisée,
après la mort même de ce prophète, prophétisa," c’est-à-dire fit un
miracle. Ce que saint Paul dit, dans tout ce chapitre, des prophètes, doit
s’entendre de la seconde manière de prophétiser, c’est-à-dire de celui qui
reçoit de Dieu une lumière intellectuelle afin d’expliquer soit ses propres
visions, soit celles des autres. Après ces explications, on comprendra
facilement ce que saint Paul dit ici des prophètes. II. Sur la seconde
question, il faut savoir que, dans l’Eglise primitive, il n’y avait que
quelques personnes qui aient reçu le ministère d’annoncer dans le monde la
foi de Jésus-Christ. Afin qu’ils remplissent plus facilement cette mission et
s’adressent à un plus grand nombre, le Seigneur leur donna le don des
langues, au moyen duquel ils pourraient prêcher à tous, non pas que, parlant
une seule langue, ils fussent entendus de tous, comme quelques-uns l’ont
avancé, mais, à la lettre, en sorte qu’ils pussent parler la langue non
seulement de diverses nations, mais de toutes. C’est ce qui fait dire à saint
Paul (verset 18) : Je rends grâces à Dieu de ce que je parle toutes les
langues que vous parlez ; et (Actes, II, 4) : "Ils
commencèrent à parler diverses langues, etc." Ce don fut accordé à
plusieurs dans la primitive Eglise. Or les Corinthiens, parce qu’ils étaient
curieux, préféraient, pour ce motif, ce don à celui de prophétie. Quand donc
saint Paul dit ici : « parler les langues », il veut qu’on entende
les langues inconnues et non interprétées : par exemple, si l’on faisait
usage, en parlant à un Français, de la langue allemande sans la lui
interpréter, ce serait parler la langue. C’est encore parler les langues que
d’exposer les visions sans en donner l’explication. Ainsi donc tout langage,
quel qu’il soit, quand il n’est ni compris ni expliqué, s’appelle proprement
parler les langues. III° Après ces explications préliminaires, arrivons au sens littéral, dont
l’exposition ne présente plus de difficulté. L’Apôtre prouve donc ici :
premièrement, que le don de prophétie est plus excellent que le don des
langues ; secondement, il réfute une sorte d’objection (verset 5) : Je
souhaite que vous ayez, etc. Que le don de prophétie l'emporte sur le don
des langues, saint Paul le prouve par deux raisons : I. la première se
déduit d’une comparaison entre Dieu et l’Eglise ; II. la seconde, d’une comparaison entre l’homme et cette
même Eglise. I. Voici le premier
raisonnement : Ce qui donne à l’homme le moyen non seulement de rendre
honneur à Dieu, mais encore de servir le prochain est plus excellent que ce
qui ne peut servir qu’à honorer Dieu ; or le don de prophétie sert à procurer
non seulement l’honneur de Dieu, mais aussi l’utilité du prochain, tandis que
le don des langues ne peut concourir qu’à la première de ces fins ; donc, etc.
1° L’Apôtre pose
ensuite le moyen terme de ce raisonnement : et d’abord quant à sa proposition
que celui qui parle les langues honore Dieu seulement (verset 2) : car
celui qui parle une langue, à savoir inconnue, ne parle pas aux
hommes, c’est-à-dire pour que les hommes en aient l’intelligence, mais
à Dieu, en d’autres termes pour l’honneur de Dieu seulement ; ou encore, à
Dieu, parce que Dieu seul en a l’intelligence ; (Sag., I, 10) : "L’oreille
du Dieu jaloux entend tout, etc. " Pour montrer que le possesseur de
ce don ne parle pas à l’homme, saint Paul ajoute (verset 2) : puisque
personne ne l’entend, c’est-à-dire ne comprend ; car on dit communément :
« ne pas entendre », pour « ne pas comprendre » ;
(Matthieu XIII, 9) : "Que celui qui a des oreilles pour entendre
entende". Pourquoi ne parle-t-il qu’à Dieu ? c’est que c’est Dieu
lui-même qui parle, ajoute Paul ; de là ce qui suit (verset 2) : C’est par
l’Esprit qu’il annonce les mystères, c’est-à-dire les choses
cachées ; (Matthieu X, 20) : "Ce n’est pas vous qui parlez, etc." ;
et (ci-dessus, II, 11) : Personne ne connaît ce qui est en Dieu, etc. 2° L’Apôtre prouve ce qu’il a dit, que
le don de prophétie peut contribuer à l’honneur de Dieu et à l’utilité du
prochain. Il dit donc (verset 3) : mais celui qui prophétise, etc. c’est-à-dire
explique les visions ou les Ecritures, parle aux hommes, en d’autres
termes à l’intelligence des hommes, et cela pour l’édification de ceux
qui commencent, et pour exhorter ceux qui sont en progrès ; (1
Thess., V, 14) : "Consolez les pusillanimes" ; et
(Tite, II, 15) : "Prêchez et exhortez," pour consoler
ceux qui sont dans la douleur. Ou encore, l’édification appartiendrait à
l’affection spirituelle, parce que c’est par là que se commence l’édifice
spirituel ; (Ephés., II, 22) : "Et vous-mêmes aussi, vous entrez
dans la structure de cet édifice, etc.". L’exhortation se
rapporterait à l’encouragement aux bonnes oeuvres, car si l’affection est
bonne, l’acte également est bon ; (Tite, II, 15) : "Prêchez ces
vérités et exhortez", car la consolation porte à supporter les
maux ; (Rom., XV, 4) : "Tout ce qui a été écrit l’a été pour
notre instruction." C’est à cette triple intention que les
prédicateurs emploient la divine Ecriture. II. Voici le second
raisonnement : Ce qui est utile seulement à celui qui agit est de moindre
prix que ce qui peut aussi être utile aux autres ; or parler les langues
n’est utile qu’à celui qui parle, mais prophétiser l’est encore à d’autres;
donc, etc. L’Apôtre exprime d’abord la proposition intermédiaire du
raisonnement : 1° quant à sa première partie, en
disant (verset 4) : Celui qui parle une langue s’édifie soi-même, etc. ;
(Psaume XXXVIII, 4) : "Mon coeur s’est échauffé au dedans de
moi", etc. 2° quant à la seconde partie (verset
4) : au lieu que celui qui prophétise édifie, c’est-à-dire instruit, l’Eglise,
en d’autres termes les fidèles ; (Ephés., II, 20) : "Vous
êtes comme un édifice bâti sur le fondement des apôtres et des
prophètes." |
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Lectio 2 |
Leçon 2 : 1 Corinthiens XIV, 5-12 — Le don de prophétie est … |
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SOMMAIRE :
L’Apôtre prouve par des exemples tirés soit des instruments de musique, soit
des habitudes humaines, que la prophétie est au-dessus du don des langues. |
[5] volo autem omnes vos loqui linguis magis autem prophetare
nam maior est qui prophetat quam qui loquitur linguis nisi si forte ut
interpretetur ut ecclesia aedificationem accipiat [6] nunc autem fratres si venero ad vos linguis loquens quid
vobis prodero nisi si vobis loquar aut in revelatione aut scientia aut
prophetia aut in doctrina [7] tamen quae sine anima sunt vocem dantia sive tibia sive
cithara nisi distinctionem sonituum dederint quomodo scietur quod canitur aut
quod citharizatur [8] etenim si incertam vocem det tuba quis parabit se ad
bellum [9] ita et vos per linguam nisi manifestum sermonem dederitis
quomodo scietur id quod dicitur eritis enim in aera loquentes [10] tam multa ut puta genera linguarum sunt in mundo et nihil
sine voce est [11] si ergo nesciero virtutem vocis ero ei cui loquor barbarus
et qui loquitur mihi barbarus [12] sic et
vos quoniam aemulatores estis spirituum ad aedificationem ecclesiae quaerite
ut abundetis |
5. Je
souhaite que vous ayez tous le don des langues, mais encore plus celui de
prophétiser, parce que celui qui prophétise est préférable à celui qui parle
une langue, si ce n’est qu’il interprète ce qu’il dit afin que l’Eglise en
soit édifiée. 6. Aussi,
mes frères, quand je viendrais vous parler en des langues inconnues, quelle
utilité vous apporterai-je, si ce n’est que je vous parle en vous instruisant
ou par la révélation, ou par la science, ou par la prophétie, ou par la
doctrine ? 7. Ne
voyons-nous pas aussi, dans les choses inanimées qui rendent des sons, comme le
hautbois et la harpe, que si elles ne forment des tons différents, on ne peut
distinguer ce que l’on joue sur le hautbois ou sur la harpe ? 8. Que si
la trompette ne rend qu’un son confus, qui se préparera au combat ? 9. De même,
si la langue que vous parlez n’est pas intelligible, comment pourra-t-on
savoir ce que vous dites ? vous ne parlerez qu’en l’air. 10. En
effet, il y a tant de diverses langues dans le monde, et parmi ces langues il
n’y en a aucune qui n’ait ses sons intelligibles. 11. Si donc
je n’entends pas ce que signifient les paroles, je serai barbare pour celui à
qui je parle, et celui qui me parie me sera barbare. 12. Ainsi,
puisque vous avez tant d’ardeur pour les dons spirituels, désirez d’en être
enrichis pour l’édification de l’Eglise. |
[87675] Super 1 Cor. [reportatio vulgata],
cap. Nunc autem, fratres, et cetera. Hic probat
donum prophetiae esse excellentius quam donum linguarum, per exempla, et hoc
tripliciter. Primo per exemplum a seipso sumptum; secundo per exemplum
sumptum a rebus inanimatis, ibi tamen quae sine anima, etc.; tertio
per exemplum sumptum ab hominibus diversimode loquentibus, ibi tam multa,
et cetera. Ex seipso autem argumentatur sic : constat ergo
quod ego non minus habeo donum linguarum quam vos; sed si loquerer vobis
solum linguis, et non interpretarer, nihil vobis prodessem. Ergo nec vos ab
invicem. Et hoc est quod dicit nunc autem, fratres, si venero ad vos
linguis loquens. Hoc dupliciter potest intelligi, scilicet vel linguis
ignotis, vel, ad litteram, quibuscumque signis non intellectis. Quid vobis
prodero, nisi loquar vobis aut in revelatione, et cetera. Ubi notandum
quod ista quatuor, scilicet aut in revelatione, etc., possunt
dupliciter distingui. Uno modo penes ea de quibus sunt. Et sic sciendum est,
quod illustratio mentis ad cognoscendum, est de quatuor, quia vel est de
divinis, et haec illustratio pertinet ad donum sapientiae. Divinorum enim, ut
supra dictum est II, 11 est revelatio, quia, quae sunt Dei, nemo novit,
et cetera. Et ideo dicit in revelatione, qua scilicet illuminatur mens
ad cognoscendum divina. Vel est de terrenis, et non de quibuscumque, sed de
illis tantum, quae sunt ad aedificationem fidei, et hoc pertinet ad donum
scientiae, et ideo dicit in scientia, non geometriae, nec astrologiae,
quia haec non pertinent ad aedificationem fidei, sed in scientia quae est
sanctorum. Sap. X, 10 — dedit illi scientiam sanctorum, et cetera. Vel
est de eventibus futurorum, et hoc pertinet ad donum prophetiae; et ideo
dicit aut in prophetia. Sap. VIII, 8 — signa et monstra scit
antequam fiant, et eventus temporum et saeculorum. Notandum autem quod
prophetia non accipitur hic communiter, scilicet secundum quod supra dictum
est, sed accipitur hic particulariter prout est manifestatio futurorum
tantum. Et secundum hoc diffinitur a Cassiodoro : prophetia est divina
inspiratio rerum futura immobili veritate denuntians. Eccli. XXIV, 46 — adhuc
doctrinam quasi prophetiam effundam, et cetera. Vel est de agendis
moralibus, et hoc pertinet ad doctrinam; et ideo dicit aut in doctrina.
Rom. XII, 7 — qui docet in doctrina. Prov. XIII, 15 — doctrina bona
dabit gratiam. Alio modo possunt haec distingui penes diversos modos acquirendi
cognitionem. Et sic
sciendum est quod omnis cognitio aut est a supernaturali principio, scilicet
Deo, aut naturali, scilicet lumine naturali intellectus nostri. Si autem a
supernaturali principio, scilicet lumine divino infuso, hoc potest esse
dupliciter, quia aut infunditur subito cognitio, et sic est revelatio; aut
infunditur successive, et sic est prophetia, quam non subito habuerunt
prophetae, sed successive et per partes, ut eorum prophetiae ostendunt. Si
vero cognitio acquiratur a naturali principio, hoc est aut per studium
proprium, et sic pertinet ad scientiam; aut traditur ab alio, et sic pertinet
ad doctrinam. Tamen quae sine anima, et cetera. Hic ostendit
idem per exempla sumpta ex rebus inanimatis, scilicet per instrumenta quae
videntur vocem habere. Et primo per instrumenta gaudii; secundo per
instrumenta pugnae, ibi etenim si incertam, et cetera. Dicit ergo : hoc non solum patet per ea quae
supra dicta sunt, sed etiam quantum ad ea, quae sine anima vocem dant, quod
loqui linguis non solum non prodest aliis. Et quae sine anima sunt vocem
dantia. Contra. Vox est sonus ab ore animalis prolatus, naturalibus
instrumentis formatus. Non ergo ea quae sunt sine anima dant vocem. Dicendum
est quod licet vox non sit nisi animalium, tamen potest dici per quamdam
similitudinem, scilicet secundum quod quaedam, sicuti instrumenta, habent
quamdam consonantiam et melodiam, et ideo de illis facit mentionem, scilicet
de cithara, quae dat vocem tactu, et tibia, quae flatu. Si ergo haec dant
vocem sine distinctione, quomodo scietur, et cetera. Cum enim homo per
instrumenta aliquid intendat exprimere, scilicet aliquos cantus, qui
ordinantur vel ad fletum, vel ad gaudium, Is. XXX, 29 — canticum erit vobis sicut vox
sanctificatae solemnitatis et laetitia cordis, sicut qui pergit cum tibia, ut
intret in montem domini, vel etiam ad lasciviam, non poterit diiudicari
ad quid canitur tibia, aut ad quid cithara, si sonus sit confusus et
indistinctus. Ita si
homo loquitur linguis, et non interpretatur, non poterit sciri quid velit
dicere. Etenim si incertam vocem dederit, et cetera. Hic ostendit idem
per exempla inanimatorum, scilicet per instrumenta ad pugnam ordinata. Et
sumitur haec similitudo ex Lib. Num. X, v. 1-10. Ibi enim legitur quod
dominus praecepit Moysi ut faceret duas tubas argenteas, quae essent ad
conveniendum populum, ad movendum castra et ad pugnandum. Et pro quolibet
istorum habebant certum modum tubandi, quia aliter dabant vocem quando
debebant convenire ad Concilium, aliter quando movebant castra, et aliter
quando pugnabant. Et ideo arguit apostolus quod sicut si tuba det incertam
vocem, id est indistinctam, nescitur utrum se debeant parare ad bellum;
et ita vos, si loquimini tantum linguis, nisi distinctum sermonem dicatis
interpretando, vel exponendo, non poterit quis scire quid loquamini. Per
tubam potest intelligi praedicator. Is. LVIII, 1 — quasi tuba exalta vocem
tuam, et cetera. Ratio autem quare non potest sciri quid loquamini est
quia eritis in aera loquentes, id est, inutiliter. Supra IX, 26 — sic
pugno non quasi aera verberans, et cetera. Tam multa, et cetera. Hic sumit
exemplum a diversis linguis loquentium. Et circa hoc tria facit. Primo
ostendit diversitatem linguarum; secundo inutilitatem loquentium sibi ad
invicem in linguis extraneis, ibi si ergo nesciero, etc.; tertio
concludit quod intendit ibi sic et vos quoniam aemulatores, et cetera.
Dicit ergo primo : multae et diversae linguae in
mundo sunt, et quilibet potest loqui quacumque vult; si tamen non loquatur
determinate, non intelligitur. Et hoc est quod dicit tam multa, et
cetera. Hoc potest dupliciter exponi, quia potest continuari cum
praecedentibus, ut dicatur : eritis in aera loquentes, et tam multa, ut
puta, etc., quasi dicat : ideo in aera, id est, inutiliter loquimini
omnibus linguis, quia loquimini sine intellectu, quae tamen proprias
significationes vocum ad hoc habent, ut intelligantur. Nihil enim sine voce
est. Vel potest sic punctuari : eritis in aera loquentes. Tam multa, ut puta, sunt genera linguarum, id est singulis linguis. Si ergo nesciero, et cetera. Hic ostendit horum inutilitatem. Et
hoc est quod dicit : si loquar omnibus linguis, sed si nesciero
virtutem vocis, id est significationem vocis, ero cui loquar barbarus.
Ier. V, 15 — adducam super te gentem de longinquo, gentem cuius ignoras
linguam. Nota quod barbari, secundum quosdam, dicuntur illi, quorum
idioma discordat omnino a Latino. Alii vero dicunt quod quilibet extraneus
est barbarus omni alii extraneo, quando scilicet non intelligitur ab eo. Sed
hoc non est verum, quia, secundum Isidorum, Barbaria est specialis natio. Col. III, v. 11 — in
Christo Iesu non est barbarus et Scytha, et cetera. Sed secundum quod
verius dicitur, barbari proprie dicuntur illi, qui in virtute corporis
vigent, in virtute rationis deficiunt et sunt quasi extra leges et sine
regimine iuris. Et huic videtur consonare Aristoteles in politicis suis.
Consequenter, cum dicit sicut, etc., concludit quod intendit, et hoc
potest dupliciter construi. Primo ut punctetur hoc modo, quasi dicat : sic
ego ero barbarus vobis, si loquar sine significatione et interpretatione,
sicut et vos eritis barbari ad invicem; et ideo quaerite, ut abundetis,
etc., et hoc quoniam estis aemulatores, et cetera. Vel, alio modo, ut
totum ponatur sub distinctione; quasi diceret : ne ergo sitis barbari, sic
scilicet sicut ego facio, quoniam estis aemulatores spirituum, id est,
donorum spiritus sancti, quaerite a Deo, ut abundetis. Prov.
XV, 5 — in abundanti iustitia virtus maxima est. Quae quidem iustitia
est aedificare alios. Matth. VII, 7 — petite, et dabitur vobis; quaerite
et invenietis; pulsate, et aperietur vobis. |
I° Saint Paul réfute ici une objection, ou plutôt une fausse
interprétation, que l’on pouvait donner à ce qui précède.
On aurait pu penser, en effet, que, l’Apôtre préférant le don de prophétie à
celui des langues, ce dernier avait peu de valeur. Pour prévenir cette
interprétation, il dit (verset 5) : Je souhaite que vous ayez, etc., I. montrant ce qu’il
veut insinuer ; II. et en
assignant la raison (verset 5) : Car celui qui prophétise est préférable, etc.
I. Saint Paul dit donc
: Bien que j’aie parlé comme je l’ai fait plus haut, cependant je ne veux pas
que vous méprisiez le don des langues, mais je souhaite que vous l’ayez
tous ; toutefois je désire davantage que vous ayez le don de
prophétie ; (Nomb., XI, 29) : "Plût à Dieu que tout le peuple
prophétisât !, etc. " II. Il en donne
aussitôt la raison lorsqu’il dit (verset 5) : Parce que celui qui
prophétise est préférable, etc., comme s’il disait : la raison qui me
porte à désirer davantage que vous ayez le don de prophétie, c’est que
celui-là est préférable, etc… Le motif de ceci est que quelques-uns
peuvent, en certaines circonstances, recevoir l’impulsion de l’Esprit Saint
pour énoncer quelque mystère qu’ils ne comprennent pas eux-mêmes : ils ont
donc le don des langues. Parfois, non seulement ils parlent les langues, mais
encore ils donnent l’interprétation de ce qu’ils disent ; c’est ce qui fait
ajouter à l’Apôtre (verset 5) : à moins que celui-ci n’interprète ce qu’il
dit. Le don des langues, joint à celui de leur interprétation, est, en effet,
préférable au don de prophétie, puisque, comme nous l’avons dit,
l’interprétation de tout ce qui est difficile est une des conditions de la
prophétie. Donc celui qui parle et interprète est prophète, il a le don des
langues, et il interprète pour édifier l’Eglise de Dieu. Voilà pourquoi
l’Apôtre dit (verset 5) : afin que l'Eglise, etc. ; (Rom., XIV,
19) : "Faisons les uns envers les autres tout ce qui peut
édifier" et (Rom., XV, 2) : "Que chacun s’efforce de plaire
à son prochain en ce qui est bon, afin de l’édifier." II° (verset 6) : Aussi bien, mes frères, etc., l’Apôtre prouve ici
par des exemples que le don de prophétie est préférable à celui des langues,
et cela de trois manières : I. par son
propre exemple ; II. par
l’exemple des choses inanimées (verset 7) : Les choses inanimées
elles-mêmes, etc. ; III. par
l’exemple des hommes qui parlent diversement (verset 10) : "En effet,
il y a tant, etc. I. Sur son propre
exemple, saint Paul argumente ainsi : Il est évident que je possède le don
des langues aussi bien que vous ; cependant, si je m’en tenais à vous parler
des langues inconnues sans vous en donner l’interprétation, je ne vous serais
d’aucune utilité ; vous n’êtes donc pas plus utiles les uns pour les autres.
C’est ce qui lui fait dire (verset 6) : En effet, mes frères, si je vais
chez vous parler les langues, ce qui peut être entendu de deux manières,
à savoir les langues inconnues, ou, à la lettre, des signes, quels qu’ils
soient, qu’on ne comprend point, de quelle utilité vous serai-je si je n’y
joins ou la révélation, etc. ? Remarquez ici que ces quatre choses ou
la révélation, etc…, peuvent être considérées de deux manières : d’abord
quant à leur objet ; et sous ce rapport il ne faut pas oublier que
l’illumination de l’âme pour connaître peut avoir un quadruple objet. En
effet, il y a illumination pour les choses divines, c’est le don de
sagesse ; car, ainsi qu’il a été dit (II, 11), les choses divines sont
connues par la révélation, parce que nul ne connaît ce qui est en Dieu, etc.
; aussi l’Apôtre dit : ou la révélation, parce qu’il faut que
l’âme soit éclairée pour connaître les choses divines. Il y a illumination
pour les choses terrestres, et non pas indifféremment pour toutes,
mais seulement pour celles qui peuvent servir à l’édification de la foi :
c’est le don de science ; aussi l’Apôtre dit : ou la science, non de
la géométrie ou de l’astrologie, parce que ces sciences n’appartiennent pas à
l’édification de la foi, mais la science des saints ; (Sag., X, 10) : "La
sagesse lui a donné la science des saints, etc." Il y a la lumière
concernant les événements futurs, c’est le don de prophétie ; voilà
pourquoi l’Apôtre dit ou la prophétie ; (Sag., VIII, 8) : "La
Sagesse connaît les signes et les prodiges avant qu’ils paraissent, et ce qui
doit arriver dans la succession des temps et des siècles." Observez
que le mot de prophétie n’est pas pris ici comme on le fait communément et
dans le sens de l’explication qui précède, mais dans un sens particulier et
seulement pour la manifestation des événements futurs. Elle est ainsi
entendue quand elle est définie par Cassiodore : La prophétie est
l’inspiration divine des choses annonçant l’avenir avec une inébranlable
vérité ; (Ecclésiastique XXIV, 46) : "Je répandrai
encore une doctrine comme celle des prophètes, etc." Il y a enfin la
lumière pour les actions morales à pratiquer : c’est la doctrine que
saint Paul indique ou la doctrine ; (Rom., XII, 7) : "Que
celui qui a reçu le don d’enseigner" et (Prov., XIII, 15) : "La
bonne doctrine attire la grâce" On peut, en
second lieu, faire cette distinction quant aux différents modes d’acquérir la
connaissance. Sous ce rapport, il faut se rappeler que toute connaissance
procède ou d’un principe surnaturel, c’est-à-dire de Dieu, ou d’un principe
naturel, c’est-à-dire de la lumière naturelle de notre intelligence. Quand
elle procède du principe surnaturel ou de l’infusion de la lumière divine,
elle peut s’acquérir de deux manières : ou par une connaissance soudaine,
c’est la révélation ; ou par une infusion graduelle, c’est la prophétie, que
les prophètes n’ont pas reçue instantanément, mais successivement et par
parties, comme leurs prophéties le démontrent. Que si la connaissance vient
d’un principe naturel, cela se fait ou par l’étude propre, et, considérée ainsi,
c’est la science ; ou elle est transmise par d’autres, et dans ce cas c’est
la doctrine. II. (verset 7) Ne
voyons-nous pas même dans les choses inanimées ? : l’Apôtre continue sa
preuve par des exemples tirés des choses inanimées, c’est-à-dire des instruments,
qui ont comme une sorte de voix, et d’abord des instruments de joie, ensuite
de ceux qu’on emploie dans les combats (verset 8) : Si la trompette ne
rend qu’un son confus, etc. 1° Il dit donc : Il est manifeste, non
seulement par ce qui précède, mais encore par les choses qui, sans avoir une
âme, font entendre une voix, que parler les langues seulement n’est pour les
autres d’aucune utilité. Les choses
inanimées qui font entendre une voix. On fait cette
objection : La voix est un son produit par la bouche d’un être vivant et
formé par les organes naturels ; les êtres inanimés ne peuvent donc faire
entendre une voix. Il faut répondre que, bien que la voix ne soit produite
que par les êtres animés, on peut cependant s’exprimer ainsi par comparaison,
c’est-à-dire en tant que certains corps, les instruments par exemple,
produisent quelque harmonie et quelque mélodie : voilà pourquoi Paul fait
mention de la harpe, par exemple, qui parle sous les doigts, et de la flûte,
qui résonne par le souffle. Si donc ces instruments rendent de sons sans
distinction de tons, comment distinguer, etc.? lorsque l’on voudra, au
moyen des instruments, exprimer quelque chose, c’est-à-dire des chants
destinés à provoquer soit les pleurs, soit la joie (Isaïe, XXX, 29) : "Vous
chanterez des cantiques comme en la nuit d’une fête solennelle ; votre coeur
sera dans la joie, comme aux jours où vous allez, au son des instruments, à
la montagne du Seigneur", soit même pour exciter au plaisir, on ne
pourra reconnaître pourquoi l’on fait résonner la flûte ou la harpe, si le
son est confus et inarticulé ; de même, si l’on parle les langues sans en
donner l’interprétation, on ne pourra savoir ce que l’on veut dire. 2° (verset 8) : Si la trompette ne
rend qu’un son confus, etc., l’Apôtre continue sa preuve par l’exemple
des choses inanimées, c’est-à-dire par les instruments qui servent dans les
combats. Cette comparaison est tirée du livre des Nombres (X, 1-10). On y
lit, en effet, que le Seigneur ordonna à Moïse de se faire deux trompettes d’argent,
afin de convoquer le peuple, annoncer la levée du camp et le combat ; or pour
chacune de ces fins il y avait une manière particulière de sonner, parce que
autres étaient les sons qu’elles rendaient quand il fallait rassembler pour
le conseil, lever le camp, ou marcher au combat. C’est de là que saint Paul
tire son argument : De même, dit-il, que si la trompette ne rend qu’un son
incertain, c’est-à-dire inarticulé, on ne sait pas si l’on doit se
disposer à combattre, (verset 9) : de même aussi, si vous ne faites que
parler les langues et que vous ne déterminiez pas le sens précis du discours,
par l’interprétation ou l’explication, on ne pourra savoir ce que vous voulez
dire. Par la trompette on peut entendre le prédicateur ; (Isaïe, LVIII,
1) : "Faites retentir votre voix comme les éclats de la trompette, etc."
La raison pour laquelle on ne pourra savoir ce que vous dites, c’est que vous
parlerez en l’air, c’est-à-dire inutilement (ci-dessus IX, 26) : Je
combats, et je ne donne pas des coups en l’air, etc. III. (verset 10) : En
effet, il y a tant, etc. : l’Apôtre tire un exemple de ceux qui parlent
diverses langues ; à cet effet : 1° il montre
la diversité des langues ; 2°
l’inutilité des efforts de ceux qui parleraient entre eux dans des langues
étrangères (verset 11) : Si donc j’ignore, etc. ; 3° il déduit la conclusion qu’il se
propose (verset 12) : Ainsi, puisque vous souhaitez avec tant d’ardeur, etc.
1° Il dit donc : Il y a dans le monde
des langues et nombreuses et diverses ; chacun peut parler comme il lui plaît
; si cependant il ne parle point d’une manière déterminée, il n’est pas
compris : c’est là ce que dit saint Paul (verset 10) : Il y a tant de
langues, etc. Ceci peut s’expliquer de deux manières : d’abord en le
rapprochant de ce qui précède, en sorte que l’on dise : Vous parlerez en
l’air, car il y a, vous le savez, tant, etc., comme s’il disait : la
raison pour laquelle vous parlerez en l’air, c’est-à-dire inutilement, toutes
les langues, c’est que vous parlerez sans intelligence ces langues, qui
néanmoins ont dans chacun de leurs termes des significations particulières
qui permettent qu’on les comprenne, car aucune n’est sans un sens propre. On
peut encore disposer ainsi la ponctuation : Vous parlerez en l'air. Tant
il y a, comme vous savez, de genres de langues, à savoir par les idiomes
particuliers. 2° (verset
11) : Si donc j’ignore, etc., l’Apôtre fait ressortir ici leur
inutilité. C’est ce qu’il dit : Quand je parlerais toutes les langues, si
je n’entends pas la force des mots, - c'est-à-dire leur signification, - je
serai barbare à celui à qui je parle. (Jér., V, 15) : "Voilà que
j’amènerai sur vous un peuple des pays éloignés, un peuple dont la langue
vous sera inconnue." Remarquez que, suivant quelques auteurs, on
donne le nom de barbares à ceux dont l’idiome n’a pas de rapport avec le
latin ; d’autres prétendent que tout étranger est barbare relativement à un
autre étranger, c’est-à-dire quand il n’en est pas compris. Mais cette
interprétation manque de vérité, parce que, d’après saint Isidore, la
Barbarie est une nation particulière ; (Colos., III, 11) : "En
Jésus-Christ il n’y a ni barbare ni Scythe, etc." Suivant une
interprétation plus vraie, les barbares, à proprement parler, sont ceux qui
sont puissants par la vigueur du corps, faibles quant à la force de la
raison, et vivent comme en dehors des lois et sans règle du droit. Aristote (Politique)
paraît être de ce sentiment. 3° Quand donc
saint Paul dit (verset 12) : Ainsi, puisque, etc., il déduit la
conclusion qu’il se proposait. La construction peut se faire de deux manières
: premièrement, en plaçant la virgule de façon à donner ce sens : Si donc je
suis pour vous comme un barbare, en vous parlant sans vous donner ni le sens
ni l’explication de ce que je dis, ainsi vous serez vous-mêmes barbares les
uns pour les autres ; (verset 12) : Cherchez donc à être remplis, etc. ,
et cela parce que (verset 12) : vous souhaitez ces dons avec tant
d’ardeur. Ou encore, en ne coupant la phrase par aucune virgule, comme
s’il disait : de peur donc d’être comme des barbares, agissez comme je le
fais, puisque vous souhaitez avec ardeur les choses spirituelles,
c’est-à-dire les dons de l'Esprit Saint ; demandez à Dieu d’en être
enrichis ; (Prov., XV, 5) : "La justice abondante
renferme une grande vertu" ; cette justice, c’est d’édifier
les autres ; (Matth., VII, 7) : "Demandez, et l’on vous donnera
; cherchez, et vous trouverez ; frappez, et il vous sera ouvert." |
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Lectio 3 |
Leçon 3 : 1 Corinthiens XIV, 13-17 — … au-dessus du don des langues |
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SOMMAIRE :
Que, dans la prière privée ou publique, le don de prophétie est au-dessus de
celui des langues. |
[13] et ideo qui loquitur lingua oret ut interpretetur [14] nam si orem lingua spiritus meus orat mens autem mea sine
fructu est [15] quid ergo est orabo spiritu orabo et mente psallam spiritu
psallam et mente [16] ceterum si benedixeris spiritu qui supplet locum idiotae
quomodo dicet amen super tuam benedictionem quoniam quid dicas nescit [17] nam tu quidem bene gratias agis
sed alter non aedificatur |
13. C’est
pourquoi, que celui qui parle une langue demande le don de l'interpréter, 14. Car si
je prie en une langue, mon esprit prie, mais mon intelligence est sans fruit. 15. Que
ferai-je donc ? Je prierai d'esprit mais je prierai aussi avec intelligence ;
je chanterai d'esprit des cantiques, mais je les chanterai aussi avec
intelligence. 16. Que si
vous ne louez Dieu que de l'esprit comment celui qui tient la place du peuple
répondra t-il Amen à la fin de votre action de grâce
puisqu'il n'entend pas ce que vous dites ? 17. Ce
n'est pas que votre action de grâce ne soit bonne, mais les autres n'en sont
pas édifiés. |
[87676] Super 1 Cor. [reportatio vulgata],
cap. Nam si orem, et cetera. Hic ostendit
quod in orando plus valet prophetia, quam donum linguarum, et hoc dupliciter.
Primo, ratione sumpta ex parte
ipsius orantis; secundo, ratione sumpta ex parte audientis, ibi caeterum,
si benedixeris, et cetera. Circa primum duo facit. Primo ponit rationem
ad propositum ostendendum; secundo removet obiectionem, ibi quid ergo,
et cetera. Circa primum sciendum est quod duplex est oratio. Una est privata,
quando scilicet quis orat in seipso et pro se; alia publica, quando quis orat
coram populo et pro aliis : et in utraque contingit uti et dono linguarum et
dono prophetiae. Et ideo vult ostendere quod in utraque plus valet donum
prophetiae, quam donum linguarum. Et primo in oratione privata, dicens, quod si sit aliquis idiota, qui
faciat orationem suam, dicens Psalmum, vel pater noster, et non intelligat ea
quae dicit, iste orat lingua, et non refert utrum oret verbis sibi a spiritu
sancto concessis, sive verbis aliorum; et si sit alius qui orat, et
intelligit quae dicit, hic quidem orat et prophetat. Constat quod plus
lucratur qui orat et intelligit, quam qui tantum lingua orat, qui scilicet
non intelligit quae dicit. Nam ille qui intelligit, reficitur et quantum ad
intellectum et quantum ad affectum; sed mens eius, qui non intelligit, est
sine fructu refectionis. Unde et cum melius sit refici quantum ad affectum et
intellectum, quam quantum ad affectum solum, constat quod in oratione plus
valet prophetiae donum quam solum donum linguarum. Et hoc est quod dicit :
dico quod oret, ut interpretetur, nam si orem lingua, id est orando
utor dono linguarum, ita quod proferam aliqua quae non intelligo; tunc spiritus
meus, id est spiritus sanctus mihi datus, orat, qui inclinat et
movet me ad orandum. Et nihilominus mereor in ipsa oratione, quia hoc ipsum,
quod moveor a spiritu sancto, est mihi meritum. Rom. VIII, 26 — nam quid
oremus, sicut oportet, nescimus, sed ipse spiritus sanctus postulare nos
facit. Vel spiritus meus, id est ratio mea, orat, id est
dictat mihi quod ego loquar ea quae ad bonum sunt, sive verbis propriis sive
aliorum sanctorum. Vel spiritus meus, id est virtus imaginativa, orat,
inquantum voces seu similitudines corporalium sunt tantum in imaginatione
absque hoc quod intelligantur ab intellectu; et ideo subdit : mens autem
mea, id est intellectus meus, sine fructu est, quia non
intelligit. Et ideo melius est in oratione prophetia seu interpretatio,
quam donum linguarum. Sed numquid quandocumque quis orat, et non intelligit
quae dicit, sit sine fructu orationis? Dicendum quod duplex est fructus
orationis. Unus fructus est meritum quod homini provenit; alius fructus est
spiritualis consolatio et devotio concepta ex oratione. Et quantum ad fructum
devotionis spiritualis privatur qui non attendit ad ea quae orat, seu non
intelligit; sed quantum ad fructum meriti, non est dicendum quod privetur :
quia sic multae orationes essent sine merito, cum vix unum pater noster
potest homo dicere, quin mens ad alia feratur. Et ideo dicendum est quod
quando orans aliquando divertit ab his quae dicit, seu quando quis in uno
opere meritorio non continue cogitat in quolibet actu, quod facit hoc propter
Deum, non perdit rationem meriti. Cuius ratio est, quia in omnibus actibus
meritoriis, qui ordinantur ad finem rectum, non requiritur quod intentio
agentis coniungatur fini, secundum quemlibet actum : sed vis prima, quae
movet intentionem, manet in toto opere, etiam si aliquando in aliquo
particulari divertat; et hic prima vis facit totum opus meritorium, nisi
interrumpatur per contrariam affectionem, quae divertat a fine praedicto ad
finem contrarium. Sed sciendum est quod triplex est attentio. Una
est ad verba quae homo dicit : et haec aliquando nocet, inquantum impedit
devotionem; alia est ad sensum verborum, et haec nocet, non tamen est multum
nociva; tertia est ad finem, et haec est melior et quasi necessaria. Tamen id
quod dicit apostolus mens est sine fructu, intelligitur de fructu
refectionis. Quid ergo est, et cetera. Quia posset aliquis dicere : ex
quo orare lingua est sine fructu mentis, sed tamen spiritus orat, numquid
ergo non est orandum spiritu? Ideo apostolus hoc removet dicens, quod utroque
modo orandum est, et spiritu et mente : quia homo debet servire Deo de
omnibus quae habet a Deo; sed a Deo habet spiritum et mentem, et ideo debet
de utroque orare. Eccli. XLVII, 10 — de omni corde suo laudabit dominum,
et cetera. Et ideo dicit orabo spiritu, orabo et mente : psallam spiritu,
et cetera. Et sic dicit orabo et psallam; quia oratio, vel est ad deprecandum
Deum et sic dicit orabo, vel laudandum et sic dicit psallam. De
istis duobus Iac. V, 13 — tristatur quis in vobis? Oret aequo animo, et
psallat. Ps. IX, v. 12 — psallite domino, et cetera. Orabo ergo
spiritu, id est imaginatione, et mente, id est voluntate. Caeterum si benedixeris, et cetera. Hic secundo
ostendit quod donum prophetiae plus valet quam donum linguarum, etiam in
oratione publica, quae est quando sacerdos publice orat, ubi aliquando dicit
quaedam quae non intelligit, aliquando aliqua quae intelligit. Et circa hoc
tria facit. Primo ponit rationem; secundo exponit eam, ibi quomodo dicit,
etc.; tertio probat quod supposuerat, ibi quoniam quid, et cetera. Dicit ergo : dixi quod donum prophetiae in
oratione privata plus valet, caeterum, pro sed, et in publica, quia si
benedixeris, id est si benedictionem dederis, spiritu, id est in
lingua quae non intelligatur, seu imaginatione, et motus a spiritu sancto, quis
supplet locum idiotae? Idiota proprie dicitur qui scit tantum linguam in
qua natus est; quasi diceret : quis dicet illud quod debet dicere ibi idiota?
Quod est, dicere : amen. Et ideo dicit quomodo dicet super tuam
benedictionem? Ubi Glossa exponit, id est : quomodo consentiet
benedictioni a te factae in persona Ecclesiae? Is. LXV, 16 — qui
benedictus est super terram, benedicetur in Deo, amen. Amen idem est quod fiat, vel
verum est; quasi dicat : si non intelligit quae dicis, quomodo conformabit se
dictis tuis? Potest quidem se conformare, etiam si non intelligat, sed in
generali tantum, non in speciali, quia non potest intelligere quid boni
dicas, nisi quod benedicas tantum. Sed quare non dantur benedictiones in
vulgari, ut intelligantur a populo, et conforment se magis eis? Dicendum est
quod hoc forte fuit in Ecclesia primitiva, sed postquam fideles instructi
sunt et sciunt quae audiunt in communi officio, fiunt benedictiones in
Latino. Consequenter probat, quare non potest dicere amen,
cum dicit nam tu quidem, id est : licet tu gratias agas bene
Deo, inquantum intelligis, sed alter, qui audit et non intelligit, non
aedificatur, inquantum non intelligit in speciali, etsi in generali
intelligat et aedificetur. Eph. IV, 29 — omnis sermo malus ex ore vestro
non procedat, sed si quis bonus est ad aedificationem fidei. Et ideo
melius est ut non solum lingua benedicat, sed etiam, ut interpretetur et
exponat, licet tu qui gratias agis, bene agas. |
Saint Paul,
après avoir montré, dans ce qui précède, la prééminence du don de prophétie
sur le don des langues, par des raisons prises du côté de l’exhortation, le
prouve maintenant par d’autres raisons prises du côté de la prière, car par
les langues nous faisons ces deux choses, nous prions et nous exhortons. A
cet effet, il prouve la prééminence du don de prophétie sur celui des
langues, d’abord par le raisonnement, ensuite par des exemples ; (verset
18) : Je loue mon Dieu, etc. Sur la première question, I° il expose la nécessité de la prière
; II° il fait
voir comment, dans la prière, le don de prophétie l’emporte sur celui des
langues (verset 14) : car si je prie dans une langue, etc. I° Il dit donc : J’ai dit que le don des langues sans le don de prophétie
n’est d’aucune utilité ; donc, puisque interpréter est un
acte du don de prophétie au-dessus du don des langues, (verset 13) : que
celui qui parle une langue, inconnue ou étrangère, ou énonce quelque
mystère caché, demande, à savoir à Dieu, de l’interpréter,
c’est-à-dire que la grâce de l’interpréter lui soit donnée ; (Colos.,
IV, 3) : "Priant pour nous, afin que Dieu nous ouvre une entrée
favorable pour prêcher." La Glose explique autrement ces mots :
« qu’il prie ». Prier peut s’entendre de deux manières,
savoir : supplier Dieu ou persuader ; comme si l’Apôtre disait : Que celui
qui parle une langue prie, c’est-à-dire persuade de telle sorte qu’il
donne l’interprétation. La Glose donne ce sens au mot prier dans tout le
chapitre ; mais ce n’est pas la pensée de l’Apôtre, qui l’en- tend de la
supplication faite à Dieu. II° (verset 14) : Car si je prie en, etc. , saint Paul
établit ici que, dans la prière, le don de prophétie l’emporte sur le don des
langues, et cela de deux manières : I. par une raison prise du côté de celui qui prie ; II. par une autre,
prise du côté de celui qui entend ; (verset 16) : Si vous ne louez
Dieu que du coeur, etc. I. Sur la première de
ces raisons, l’Apôtre fait d’abord un raisonnement pour établir sa
proposition ; ensuite il prévient une objection (verset 15) : Que ferai-je
donc ? 1° Sur la première de ce subdivisions,
il faut se rappeler qu’il y a deux sortes de prière : l’une privée, quand on
prie en particulier et pour soi ; l’autre publique, quand on prie en présence
du peuple et pour les autres. Or dans l’une et l’autre il peut arriver qu’on
se serve du don des langues et du don de prophétie. L’Apôtre veut donc
montrer que, dans l’une et l’autre prière, le don de prophétie est préférable
au don des langues. Et d’abord dans la prière privée, en disant que s’il y a
un ignorant qui fasse sa prière en récitant un psaume ou le Pater, et qu’il
ne comprenne pas ce qu’il dit, cet ignorant prie de langue, et peu importe
s’il prie avec les paroles qu’il a reçues du Saint Esprit ou avec les paroles
des autres. Mais si quelque autre prie et comprend ce qu’il dit, ce dernier
prie et prophétise. Il va de soi que celui qui prie et comprend profite plus
que celui qui prie seulement de langue, c’est-à-dire qui ne comprend point ce
qu’il dit ; car celui qui comprend reçoit de la force et quant à l’affection
et quant à l’intelligence ; mais l’esprit de celui qui ne comprend pas ne
retire aucun fruit qui puisse le fortifier. Donc, comme il est préférable de
recevoir la nourriture spirituelle quant à l’affection et quant à l’intelligence,
que quant à l’affection seulement, il demeure certain que dans la prière, le
don de prophétie est préférable au don des langues seul. C’est ce que dit
l’Apôtre : Qu’il prie afin de recevoir le don d’interpréter, car
(verset 14) si je prie de langue, c’est-à-dire si en priant je fais
usage du don des langues, en sorte que je profère des paroles que je ne
comprenne pas, alors mon coeur, c’est-à-dire l’Esprit Saint qui m’a
été donné, prie, en m’inclinant et en me portant à prier ; et
néanmoins, je ne suis pas sans mérite dans cette prière, parce que cette
disposition même que produit en moi le Saint Esprit est un mérite pour
moi ; (Rom., VIII, 26) : "Car nous ne savons pas ce que nous
devons demander dans la prière, mais l’Esprit lui-même demande pour
nous." – ou mon esprit, c’est-à-dire ma raison, prie,
c’est-à-dire me dicte comment j’exprimerai ce qui peut servir pour le bien
soit avec mes propres paroles, soit avec celles des autres. Ou encore : mon
esprit, c’est-à-dire mon imagination, prie, en tant que les noms
ou les images des choses corporelles sont seulement dans cette faculté, sans
que pour cela elles soient comprises par l’intelligence. C’est pourquoi
l’Apôtre ajoute (verset 14) : mais mon intelligence demeure sans fruit,
parce qu’elle ne comprend pas. Donc, dans la prière, la prophétie ou
l’interprétation est préférable au don des langues. Mais lorsqu’on prie et
que l’on ne comprend point ce que l’on dit, est-ce que l’on ne retire aucun
fruit de la prière ? Il faut répondre que le fruit de la prière est de deux
sortes : le premier est le mérite qui en provient pour celui qui prie ; le
second, la consolation spirituelle et la dévotion que l’on tire de la prière.
Quant au fruit de la dévotion spirituelle, celui-là en est privé qui n’a pas
l’esprit aux paroles de la prière ou qui ne comprend point ; mais quant au
fruit du mérite, on ne peut pas dire qu’il en soit privé, parce qu’alors un
grand nombre de prières demeureraient sans fruit, puisque c’est à peine si
l’homme peut dire un Pater sans que son esprit s’égare. Il faut donc dire que
lorsque, dans la prière, on laisse l’esprit s’écarter des paroles que l’on
profère, ou lorsque, dans une oeuvre susceptible d’être méritoire, on ne
pense pas sans interruption, pendant toute la durée d’un acte, qu’on
l’accomplit pour Dieu, on ne perd pas néanmoins la cause du mérite. La raison
en est que, dans tous les actes méritoires dirigés vers une fin légitime, il
n’est pas exigé que l’intention de celui qui agit soit unie à la fin pour
chaque acte en particulier, parce que la force première, qui détermine
l’intention, domine dans l’acte tout entier, bien que dans une de ses
circonstances particulières elle vienne à se détourner ; cette force rend
l’acte entier méritoire, à moins qu’elle ne soit interrompue par une
affection contraire, qui de la fin légitime détourne la volonté vers une
autre fin. Il faut aussi remarquer qu’il y a trois sortes d’attention : la
première s’applique aux paroles que l’on profère : cette attention est
nuisible quelquefois, en tant qu’elle est un obstacle à la dévotion ; la
seconde s’arrête au sens de ses paroles : elle est aussi nuisible, mais sans
l’être beaucoup ; la troisième s’attache à la fin : celle-ci est la meilleur
des trois ; elle est quasi indispensable. Cependant ce que saint Paul dit ici
: mon intelligence demeure sans fruit, doit être entendu de la
réfection spirituelle. 2° (verset
15) : Que ferai-je donc ? etc… On aurait pu objecter : puisque prier
de langue c’est prier sans fruit pour l’intelligence, et que cependant le
coeur prie, est-il vrai qu’il ne faut pas prier de coeur ? L’Apôtre réfute
cette objection, en disant qu’il faut prier de l’une et l’autre manière, et
d’esprit et de coeur. L’homme, en effet, doit consacrer au service de Dieu
tout ce qu’il a reçu de lui ; or il a de lui et le coeur et l’esprit ; il
doit donc prier avec l’un et l’autre ; (Ecclésiastique XLVII, 10) : "Il
a loué le Seigneur de tout son coeur, etc." Voilà pourquoi l’Apôtre
dit (verset 15) : Je prierai de coeur, mais je prierai aussi avec intelligence
; je chanterai de coeur des cantiques, etc. Il dit : Je prierai et je
chanterai, parce que la prière se fait ou pour supplier Dieu, je prierai,
ou pour publier ses louanges, je chanterai. De ces deux formes de la
prière, saint Jacques dit (V, 13) : "Quelqu’un de vous est-il dans la
tristesse, qu’il prie ; est-il dans le calme, qu’il chante" ;
et (Psaume I 12) : "Chantez à la gloire de Dieu, etc." - Je
prierai donc d’esprit, c’est-à-dire d’imagination, et de coeur,
c’est-à-dire de volonté. II. (verset 16) : Au
reste, si vous ne louez Dieu, etc. Saint Paul montre ici que le don de
prophétie est préférable au don des langues, même dans la prière publique,
qui a lieu quand le prêtre prie au milieu des fidèles, et prononce certaines
paroles, parmi lesquelles il en est qu’il comprend et d’autres qu’il ne
comprend pas. Sur ceci l’Apôtre, 1° fait un
raisonnement ; 2° il le
développe (verset 16) : Comment répondra-t-il, etc. ; 3° il donne la preuve de ce qu’il
avait supposé (verset 16) : Puisqu’il n’entend pas ce que, etc. 1° Il dit donc : J’ai établi que, dans
la prière privée, le don de prophétie est préférable ; au reste, pour
« mais », dans la prière publique, il en est de même, car (verset
16) si vous ne louez, c’est-à-dire si vous n’avez béni Dieu que du coeur,
c’est-à-dire d’une langue que vous ne comprenez pas, ou encore dans votre
imagination et par l’impulsion de l’Esprit Saint, comment celui qui tient
la place de l’homme simple ? On appelle ainsi celui qui ne connaît pas
d’autre langue que celle du pays où il est né, comme si saint Paul disait :
qui dira ce que doit dire à ce moment l’homme simple, c’est-à-dire : Amen
? 2° (verset I6) : Comment
répondra-t-il à la fin de votre action de grâces ?, ce que la Glose
explique ainsi : comment donnera-t-il son assentiment à la bénédiction que
vous avez faite au nom de l’Eglise ? (Isaïe, LXV, 16) : "Celui
qui sera béni en ce nom sur la terre sera béni de Dieu. Amen," – Amen
est la même chose que : qu’il en soit ainsi, ou : cela est vrai ; comme si
l’Apôtre disait : s’il ne comprend point ce que vous dites, comment
s’unira-t-il de sentiments à vos paroles ? On peut, il est vrai, s’unir
ainsi, alors même qu’on ne comprend pas, mais d’une manière générale
seulement, et non en particulier, parce qu’on ne peut alors entendre ce que
vous dites de bien, mais seulement que vous rendez grâces. Mais pourquoi les
prières d’actions de grâces ne se font-elles pas en langue vulgaire ? le
peuple les comprendrait et s’y associerait de sentiments. Il faut répondre
que ce fut peut-être l’usage dans la primitive Eglise ; mais, depuis que les
fidèles sont instruits et comprennent ce qu’ils entendent dans l’office
public, les prières d’actions de grâces se font en latin. 3° L’Apôtre prouve ensuite pourquoi on
ne peut dire : Amen, en disant (verset 17) : Ce n’est pas que votre
action de grâces ne soit bonne, en ce sens que vous vous comprenez ; mais
l’autre, c’est-à-dire celui qui entend et ne comprend pas, n’en est
pas édifié, car il ne comprend pas en particulier, bien qu’il comprenne d’une
manière générale et reçoive l’édification ; (Ephés., IV, 29) : "Que
votre bouche ne profère aucune parole mauvaise ; mais que tout ce que vous
direz de bon soit apte à nourrir la foi." Il est donc préférable non
seulement de rendre de vive voix ses actions de grâces, mais encore d’en
donner l’interprétation et l’explication, bien qu’en rendant grâces on fasse
une action bonne. |
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Lectio 4 |
Leçon 4 : 1 Corinthiens XIV, 18-22 — L'exemple de l'Apôtre |
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SOMMAIRE :
L’Apôtre rend grâces du don des langues qu’il a reçu de Dieu, et se propose
lui-même en exemple. |
[18] gratias ago Deo quod omnium vestrum lingua loquor [19] sed in ecclesia volo quinque verba sensu meo loqui ut et
alios instruam quam decem milia verborum in lingua [20] fratres nolite pueri effici sensibus sed malitia parvuli
estote sensibus autem perfecti estote [21] in lege scriptum est quoniam in aliis linguis et labiis
aliis loquar populo huic et nec sic exaudient me dicit Dominus [22] itaque linguae in signum sunt non fidelibus sed
infidelibus prophetia autem non infidelibus sed fidelibus |
18. Je loue
mon Dieu de ce que je parle toutes les langues que vous parlez ; 19. Mais
j’aimerais mieux ne dire dans l'église que cinq paroles dont j'aurais
l’intelligence, pour en instruire aussi les autres, que d’en dire dix mille
en une langue. 20. Mes
frères, ne soyez pas enfants pour n'avoir point de sagesse ; mais soyez
enfants pour être sans malice, et soyez sages comme des hommes par faits. 21. Il est
dit dans l'Ecriture : Je parlerai à ce peuple en des langues étrangères et
inconnues ; et après cela même ils ne m'entendront pas, dit le Seigneur. 22. Ainsi,
les langues sont un signe non pour les fidèles, mais pour les infidèles ; et
le don de prophétie, au contraire, n'est pas pour les infidèles, mais pour
les fidèles. |
[87677] Super 1 Cor. [reportatio vulgata],
cap. Sed in Ecclesia. Hic ponit se in exemplum,
quasi dicat : si ego habeo donum linguarum sicut et vos, debetis facere illud
quod facio. Sed ego volo, id est magis volo, loqui in Ecclesia
quinque, id est pauca, verba sensu meo, id est intellectu, ut
scilicet ego intelligam et intelligar, et ex hoc instruam alios, quam
decem millia, id est quamcumque multitudinem, verborum in lingua;
quod est loqui non ad intellectum quocumque modo fiat, ut supra expositum
est. Dicunt quidam quod ideo dicit quinque,
quia apostolus videtur velle, quod magis velit dicere solum unam orationem ad
intellectum, quam multas sine intellectu. Oratio autem, secundum grammaticos,
ad hoc quod debeat facere perfectum sensum, debet habere quinque, scilicet
subiectum, praedicatum, copulam verbalem, determinationem subiecti, et
determinationem praedicati. Aliis videtur melius quod quia ad hoc loquendum
est cum intellectu, ut alii doceantur, ideo ponit quinque, quia doctor
debet quinque, scilicet : credenda, Tit. II, 11 — haec loquere et
exhortare, etc.; agenda, Mc. XVI, v. 15 — euntes in mundum, etc.;
vitanda, scilicet peccata Eccli. XXI, 2 — quasi a facie colubri fuge,
etc.; Is. LVIII, 1 — annuntia populo meo scelera, etc.; speranda
scilicet mercedem aeternam, I Petr. I, 10 — de qua salute exquisierunt,
etc.; timenda, scilicet poenas aeternas, Matth. XXV, 21 — ite, maledicti,
in ignem aeternum, et cetera. Fratres mei, nolite, et cetera. Hic ostendit
excellentiam doni prophetiae ad donum linguarum, rationibus sumptis ex parte
infidelium. Et circa hoc duo facit. Primo excitat attentionem, et reddit
attentos; secundo arguit ad propositum, ibi in lege quid scriptum est?
Circa primum videtur apostolus excludere pallium
excusationis aliquorum qui ideo docent quaedam rudia et superficialia, quasi
ostendant se volentes vivere in simplicitate, et ideo non curantes de
subtilitatibus ad quas secundum rei veritatem non attingunt, habentes verbum
domini ad hoc Matthaei XVIII, 3 — nisi conversi fueritis, et efficiamini
sicut parvuli, et cetera. Sed hoc apostolus excludit, cum dicit nolite
pueri effici sensu, id est nolite puerilia et inutilia et stulta loqui et
docere. Supra XIII, v. 11 — cum essem parvulus, et cetera. Sed quomodo
debetis effici pueri? Affectu, non intellectu. Et ideo dicit sed malitia.
Ubi sciendum est quod parvuli deficiunt in cogitando mala, et sic debemus
effici parvuli, et ideo dicit sed malitia parvuli estote, et deficiunt
in cogitando bona, et sic non debemus esse parvuli, immo viri perfecti, et
ideo dicit sensibus autem perfecti, etc., id est ad discretionem boni
et mali perfecti sitis. Unde Hebr. V, 14 — perfectorum est solidus cibus,
et cetera. Non ergo laudatur in vobis simplicitas quae opponitur prudentiae,
sed simplicitas, quae astutiae. Et ideo dominus dicit Matth. c. X, 16 — estote
prudentes sicut serpentes. Rom. XVI, 19 — volo vos sapientes esse in
bono, simplices in malo. Consequenter cum dicit in lege quid scriptum
est? Arguit ad propositum. Ubi sciendum est quod hoc argumentum, sicut
patet per Glossam, distinguitur per multa; sed secundum intentionem apostoli
non videtur quod attendatur in loco hoc nisi una ratio. Et ratio sua ad probandum
quod donum prophetiae est excellentius, quam donum linguarum, est talis :
omne quod plus valet ad illud ad quod alterum principaliter ordinatur, est
melius illo altero ordinato ad hoc; sed tam donum prophetiae, quam donum
linguarum, ordinatur ad conversionem infidelium; sed prophetiae plus valent
ad hoc, quam donum linguarum; ergo prophetia est melior. Circa hanc ergo rationem duo
facit. Primo ostendit ad quid ordinatur donum linguarum, et ad quid ordinatur
donum prophetiae; secundo quod plus valet donum prophetiae, ibi si ergo
conveniat universa, et cetera. Circa primum duo facit. Primo inducit
auctoritatem; secundo ex auctoritate arguit ad propositum, ibi itaque
linguae, et cetera. Circa primum sciendum est, quod hoc quod dicit in
lege quid scriptum est? Potest legi vel interrogative, quasi dicat : non
debetis effici pueri sensibus, sed perfecti, et hoc est videre et scire
legem. Unde si estis perfecti sensibus, sciatis scilicet legem, et in lege
quid scriptum est de linguis? Quae sunt inutiles aliquando ad id ad quod
ordinatae sunt, quia licet in diversis linguis loquar, scilicet populo
Iudaeorum, tamen homo non exaudit, et cetera. Potest etiam legi remissive in
lege quid scriptum est. Quasi dicat : nolite moveri sicut pueri ad
aliquid appetendum, non discernentes utrum bonum vel minus bonum sit quod
affectatis, et praeponatis meliori bono, sed estote perfecti sensibus, idest
discernatis inter bona et magis bona, et sic affectetis. Et hoc fit si
cogitatis quid scriptum est in lege quoniam in aliis, etc., Sap. VI,
16 — cogitare ergo de illa, sensus est consummatus. Et dicit in
lege, non accipiendo legem stricte pro quinque libris Moysi tantum, sicut
accipitur Lc. ult. : necesse est impleri omnia quae scripta sunt de me in
lege, etc.; sed pro toto veteri testamento, sicut accipitur Io. XV, 25 — ut
impleatur sermo qui in lege eorum scriptus est : quia odio habuerunt me
gratis, quod tamen in Ps. XXIV, 19 scriptum est. Accipitur tamen haec
auctoritas ex Is. c. XXVIII, 11, ubi littera nostra habet : in loquela
labii et lingua altera loquetur ad populum istum. Hoc igitur scriptum est
quoniam in aliis linguis, id est in diversis generibus linguarum, et labiis,
id est in diversis idiomatibus et modis pronuntiandi, loquar populo huic,
scilicet Iudaico, quia hoc signum specialiter fuit datum ad conversionem
populi Iudaeorum. Nec sic exaudient, quia scilicet signis visis non
crediderunt. Is. VI, 10 — excaeca cor populi huius, et cetera. Sed quare Deus dedit eis signa, si non debebant
converti? Ad
hoc sunt duae rationes. Una ratio est, quia licet non omnes conversi fuerint, tamen aliqui
sunt conversi, eo quod non repellit dominus plebem suam, et cetera. Alia
ratio est, ut iustior appareat eorum damnatio, dum manifestius apparet eorum
nequitia. Io. XV, v. 22 — si non venissem, et locutus eis non fuissem,
et cetera. Consequenter, cum dicit itaque linguae,
etc., ex inducta auctoritate argumentatur ad propositum, quasi dicat : ex hoc
manifeste apparet, quod donum linguarum datum est non fidelibus ad
credendum, quia iam credunt, Io. IV, 42 — non propter tuam loquelam,
etc., sed infidelibus, ut convertantur. In Glossa autem ponuntur duae
expositiones Ambrosii hoc in loco, quae non sunt litterales; quarum una est
ut dicatur : sicut in veteri testamento locutus sum populo Iudaeorum per
linguas, id est per figuras, et per labia, id est promittendo bona
temporalia, sic, adhuc in novo testamento, loquar huic populo in aliis
linguis, id est aperte et clare, et aliis labiis, id est
spiritualibus, nec tamen sic exaudient me, scilicet quantum ad eorum
multitudinem. Itaque
linguae
datae sunt non fidelibus, sed infidelibus, ad manifestandum scilicet
eorum infidelitatem. Alia
est in aliis linguis, id est obscure et parabolice, loquar, ut
quia sunt indigni. Non exaudient, id est non intelligent. Consequenter
ostendit ad quid ordinatur prophetia, scilicet ad instructionem fidelium, qui
iam credunt. Et ideo quod prophetiae datae sunt non infidelibus,
qui non credunt, Is. LIII, 1 — domine, quis credidit auditui nostro? Sed
fidelibus, ut credant et instruantur. Ez. III, 17 — fili hominis,
speculatorem dedi te, et cetera. Prov. XXIX, 18 — cum defecerit
prophetia, etc., dissipabitur populus. |
I° Saint Paul établit ici la
prééminence du don de prophétie sur celui des langues, par des raisons tirées
de sa conduite. A cet effet, I. il rend
grâces pour le don des langues qu’il a reçu de Dieu ; II. il se propose en
exemple aux Corinthiens (verset 19) : Mais j’aimerais mieux ne dire dans
l’église, etc. I. Il dit donc : Je
rends grâces, etc., en d’autres termes : ce n’est pas que je méprise le
don des langues quand je dis que le don de prophétie est plus excellent, car
on doit l’estimer beaucoup ; aussi moi-même (verset 18) : Je rends grâces
à Dieu, etc. Il faut donc rendre grâces à Dieu de toutes choses ; (I
Thess., V, 18) : "Rendez grâces à Dieu en toutes choses, etc."
Ou encore : Je rends grâces, comme s’il disait : je ne méprise point
le don des langues parce qu’il ne m’aurait pas été accordé ; au contraire, je
l’ai moi-même ; c’est pourquoi il dit : Je rends grâces, etc. Et de
peur que l’on ne vînt à entendre que tous avaient l’usage d’une seule langue,
il dit (verset 18) : De ce que je parle toutes les langues que vous
parlez ; (Actes, II, 4) : "Ils commencèrent à parler diverses
langues, etc." II. (verset 19) : Mais
dans l’Église, saint Paul se cite lui-même en exemple ; comme s’il disait
: si donc j’ai reçu le don des langues comme vous l’avez vous-mêmes, vous
devez imiter ce que je fais ; or je veux, c’est-à-dire j’aime mieux ne
dire dans l’église que cinq paroles, en d’autres termes un petit nombre, à
mon sens, c’est-à-dire selon mon intelligence, en sorte que je les
comprenne et que je puisse les faire comprendre aux autres, afin de les
instruire, que d’en prononcer dix mille, c’est-à-dire une multitude
indéterminée, dans une langue inconnue ; ce qui consiste à ne pas
parler à l’intelligence, de quelque manière que ce soit, comme il a été
expliqué plus haut. Quelques auteurs prétendent que saint Paul s’est servi du
nombre cinq, parce qu’il semble vouloir donner à entendre qu’il vaut
mieux ne dire qu’une seule prière dont on aurait l’intelligence, que d’en
dire un grand nombre qui ne seraient pas comprises. En effet, suivant les
grammairiens, pour donner un sens parfait, le discours doit avoir cinq
termes, savoir : le sujet, l’attribut, le verbe, qui est l’intermédiaire, les
déterminants du sujet et ceux de l’attribut. D’autres préfèrent ce sens :
comme il faut parler avec intelligence si l’on veut instruire les autres,
l’Apôtre a dit cinq, parce que le docteur doit enseigner cinq choses,
savoir : ce qu’il faut croire (Tite, II, 11) : "Prêchez ces
vérités, exhortez, etc. " ; ce qu’il faut pratiquer
(Marc, XVI, 15) : "Allez donc et enseignez, etc." ; ce
qu’il faut éviter, c'est-à-dire le péché (Ecclésiastique XXI, 2) : "Fuyez
le péché comme l’aspect d’un serpent, etc." ; et (Isaïe, LVIII,
1) : "Annoncez à mon peuple ses crimes, etc. ; ce qu’il
faut espérer, à savoir la récompense éternelle (I Pierre, I, 10) :
"Ce salut que les prophètes ont désiré connaître ; enfin, ce
qu’il faut craindre, à savoir les châtiments éternels (Matthieu XXV, 21) :
"Allez, maudits, au feu éternel, etc. !" II° (verset 20) : Mes frères, ne soyez pas sans prudence, etc.,
saint Paul établit la prééminence du don de prophétie sur celui des langues
par des raisons prises du côté des infidèles. A cet effet, I. il provoque
l’attention et rend attentif ; II. il
argumente pour prouver sa proposition (verset 21) : "Qu’est dit dans
l’Ecriture ? I. Sur la première partie,
l’Apôtre paraît enlever le palliatif d’une excuse à ceux qui enseignent
quelques points vides et superficiels, comme pour faire croire qu’ils veulent
vivre dans la simplicité, et que, pour cette raison, ils se mettent peu en
peine des subtilités, qu’en vérité ils n’atteignent pas, alléguant cette
parole du Seigneur (Matth., XVIII, 3) : "Si vous ne changez pas et ne
devenez pas comme des petits enfants, etc. " Or saint Paul élimine
cette excuse, lorsqu’il dit (verset 20) : ne soyez pas enfants pour n’avoir
point de sagesse, c’est-à-dire gardez-vous d’enseigner et de dire des
choses puériles, inutiles, insensées : (ci-dessus, XIII, 11) : Quand
j’étais enfant, etc. Mais comment devez-vous devenir enfants ? par le
sentiment et non par l’intelligence. C’est pourquoi l’Apôtre dit (verset 20) :
mais soyez sans malice. Il faut se rappeler ici que les enfants n’ont
pas la pensée du mal ; or c’est en ce sens que nous devons devenir de petits
enfants ; ce qui fait dire à saint Paul (verset 20) : mais soyez, comme
eux, sans malice. Les enfants n’ont pas non plus la force de penser le
bien, et ce n’est pas ainsi que nous devons devenir enfants, mais plutôt être
des hommes parfaits. C’est pour cette raison que l’Apôtre dit (verset 20) : mais
ayez la prudence des hommes faits, etc. à savoir parfaits quant au
discer-nement du bien d’avec le mal ; aussi est-il dit (Hébr., V, 14) : "La
nourriture solide est pour les parfaits, etc." On ne loue donc pas
en vous la simplicité qui est opposée à la prudence, mais celle qui est
opposée à la ruse. Voilà pourquoi le Seigneur dit (Matth., X, 16) : "Soyez
prudents comme les serpents" ; et (Rom., XVI, 19) : "Je
désire que vous soyez sages dans le bien et ignorants dans le mal." II. Quand l’Apôtre
ajoute (verset 21) : Il est dit dans l’Ecriture, il tire un argument
en faveur de sa proposition. Il faut remarquer ici que cet argument, comme on
le voit dans la Glose, renferme plusieurs preuves ; mais saint Paul semble
n’avoir en vue, en cette occurrence, qu’une seule preuve. Pour prouver que le
don de prophétie est plus excellent que le don des langues, voici le
raisonnement de l’Apôtre : De deux choses qui concourent à la même fin
principale, celle qui l’atteint plus sûrement est préférable à l’autre ; or
le don de prophétie, comme celui des langues, a pour fin la conversion des
infidèles ; mais la prophétie la peut procurer plus sûrement que le don des
langues ; donc la prophétie est préférable au don des langues. Sur ce
raisonnement, saint Paul montre d’abord à quelle fin est destiné le don des
langues, et à quelle autre le don de prophétie ; ensuite, que le don de
prophétie est d’une plus grande utilité (verset 23) : Si donc une Eglise
étant assemblée, etc. Sur la
première de ces questions, 1° il cite
une autorité ; 2° de cette
autorité il argumente pour prouver sa proposition (verset 22) : Ainsi les
langues, etc. 1° Sur le premier point, il faut
observer que ce que dit l’Apôtre (verset 21) : Il est dit dans l’Ecriture,
peut se lire ou d’une manière interrogative, comme s’il disait : vous ne
devez pas devenir enfants pour n’avoir point de sagesse, mais parfaits, et
cette disposition, c’est voir et savoir la Loi. Si donc vous êtes parfaits
quant à la sagesse, il vous faut savoir la Loi ; et dans la Loi qu’est-il
écrit sur les langues ? qu’elles sont quelquefois inutiles pour la fin vers
laquelle elles tendent ; car bien que je parle en plusieurs langues au peuple
juif, personne néanmoins ne m’entend, etc. On peut encore lire
simplement : Car il est écrit dans la Loi ; en d’autres
termes, ne vous laissez pas aller ainsi que des enfants, à désirer une chose
sans discerner si ce que vous désirez et préférez à un bien meilleur, est bon
ou moindre ; mais soyez parfaits en sagesse, c'est-à-dire discernez entre ce
qui est bien et ce qui est meilleur, et réglez ainsi vos affections. Vous
vous conduirez ainsi, si vous réfléchissez à ce qui est écrit dans la Loi (verset
21) : c’est par des hommes d’une autre langue, etc. ; (Sag.,
VI, 16) : "Penser à la sagesse est une prudence consommée."
L’Apôtre dit : dans la Loi, en ne prenant pas strictement ce terme de
loi pour les cinq livres de Moïse seulement, dans le sens où il est dit (Luc,
XXIV, 44) : "Il fallait que tout ce qui a été écrit de moi dans la
loi, etc…," mais pour tout l’Ancien Testament, comme on l’entend en
saint Jean (IX, 25) : "afin que la parole qui est écrite dans leur
loi soit accomplie, ils m’ont haï sans motif," paroles qu’on voit au
psaume XXIV, 19. Toutefois le passage cité par l’Apôtre est tiré d’Isaïe
(XXVIII, 11), endroit où notre Vulgate dit : "Le Seigneur parlera
d’une autre manière à ce peuple, il ne lui tiendra plus le même
langage." Voici donc ce qui est écrit (verset 21) : Voilà qu’en
d’autres langues, c’est-à-dire dans les espèces diverses des langues, et
en différents langages, c’est-à-dire dans des idiomes différents et avec
des modes divers de pronon-ciation, je parlerai à ce peuple, à savoir
à la nation juive, parce que ce fut un signe spécialement donné pour la
conversion du peuple juif ; "Et même après cela, ils ne m’écouteront
pas", car même après avoir vu des prodiges, ils n'ont pas cru ;
(Isaïe, VI, 10) : "Aveuglez le coeur de ce peuple, etc." Mais
pourquoi Dieu leur a-t-il donné des prodiges s’ils ne devaient pas se
convertir ? Il y a deux raisons : la première, c’est que si tous ne se sont
pas convertis, quelques-uns cependant l’ont fait, car Dieu n’a pas repoussé
son peuple, etc. ; la seconde raison, c’est que leur condamnation paraîtra
plus juste quand leur méchanceté apparaîtra plus manifestement ; (Jean
XV, 22) : "Si je n’étais pas venu et que je ne leur eusse point
parlé, etc." 2° Quand l’Apôtre ajoute (verset 22) :
Ainsi les langues inconnues, il déduit du passage cité un argument en
faveur de sa proposition, comme s’il disait : il est évident que le don des
langues a été accordé non pas aux fidèles pour croire, puisque déjà
ils croient ; (Jean, IV, 42) : "Ce n’est déjà plus sur votre
parole, etc." - mais aux infidèles, afin qu’ils se
convertissent. Dans la Glose, on cite de saint Ambroise deux explications de
ce passage, mais elles ne sont pas selon la lettre. Dans la première on dit :
De même que, dans l’Ancien Testament, j’ai parlé au peuple juif au moyen des
langues, c’est-à-dire par des figures et par un langage articulé, en d’autres
termes en promettant des biens temporels, ainsi, dans le Nouveau, je parlerai
à ce peuple en d’autres langues, c’est-à-dire ouvertement et
clairement, et dans un autre langage, à savoir spirituel, et
cependant, même après cela, ils ne m’entendront pas, du moins la
multitude ; (verset 22) : Les langues inconnues sont donc un signe
non pour les fidèles, mais pour les infidèles, c’est-à-dire pour
manifester leur infidélité. Voici l’autre explication : Dans d’autres
langues, c’est-à-dire je parlerai obscurément et en paraboles ;
mais, parce qu’ils sont indignes, ils ne m’écouteront pas,
c'est-à-dire ils ne comprendront pas. Enfin saint Paul fait voir pour quelle
fin est accordé le don de prophétie, à savoir pour l’instruction des fidèles
qui ont déjà la foi, et, par suite, que le don de prophétie n’est pas
pour les infidèles, qui ne croient pas ; (Isaïe, LIII, 1) : "Seigneur,
qui croira à notre parole ?" mais pour les fidèles, afin
qu’ils croient et qu’ils s’instruisent ; (Ezéch., III, 17) : "Fils
de l’homme, je vous ai établi sentinelle, etc." ; et (Prov.;
XXIX, 18) : "Quand il n’y aura plus de prophétie, etc. le peuple se
dissipera." |
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Lectio 5 |
Leçon 5 : 1 Corinthiens XIV, 23-26 — L'usage à bon escient des charismes |
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SOMMAIRE :
L’Apôtre explique les conséquences fâcheuses qui peuvent résulter pour les
infidèles du don des langues, et le bien que peut opérer pour eux le don de
prophétie. |
[23] si ergo conveniat universa ecclesia in unum et omnes
linguis loquantur intrent autem idiotae aut infideles nonne dicent quod
insanitis [24] si autem omnes prophetent intret autem quis infidelis vel
idiota convincitur ab omnibus diiudicatur ab omnibus [25] occulta cordis eius manifesta fiunt et ita cadens in
faciem adorabit Deum pronuntians quod vere Deus in vobis est [26] quid
ergo est fratres cum convenitis unusquisque vestrum psalmum habet doctrinam
habet apocalypsin habet linguam habet interpretationem habet omnia ad
aedificationem fiant |
23. Que si,
toute l'Eglise étant assemblée en un lieu, tous parlent diverses langues, et
que des ignorants ou des infidèles entrent dans cette assemblée, ne
diront-ils pas que vous êtes des insensés ? 24. Mais si
tous prophétisent, et qu’un infidèle ou un ignorant entre dans votre
assemblée, tous le convainquent, tous le jugent, 25. Le
secret de son coeur est découvert, de sorte que, se prosternant le visage
contre terre, il adorera Dieu, rendant témoignage que Dieu est véritablement
parmi vous. 26. Que
faut-il donc, mes frères, que vous fassiez ? Si, lorsque vous êtes assemblés,
l’un est inspiré de Dieu pour composer un cantique, l'autre pour instruire,
un autre pour révéler les secrets de Dieu, un autre pour parler une langue,
un autre pour l’interpréter, que tout se fasse pour l’édification. |
[87678] Super 1 Cor.
[reportatio vulgata], cap. Inconveniens, quod sequitur ex dono linguarum
sine prophetia, etiam quantum ad infideles, est quia reputantur insani qui
sic loquuntur solis linguis, cum tamen donum linguarum ordinetur ad
conversionem infidelium, ut iam patet. Et hoc est quod dicit si autem
omnes, etc., quasi dicat : ex hoc patet quod linguae non sunt
praeferendae prophetiis, quia, si conveniant, scilicet omnes fideles, in
unum, non solum corpore, sed etiam mente, Act. IV, 32 — multitudinis
credentium erat cor, etc., et omnes, qui iam convenerunt, loquantur
linguis, ad litteram extraneis, vel loquantur ignota et obscura, et, dum
sic confuse loquuntur, intret aliquis idiota, id est qui non
intelligit nisi linguam suam, vel infidelis, propter quem datae sunt
linguae, nonne dicent his, qui sic loquuntur, quid insanitis?
Quod enim non intelligitur, reputatur insanitio. Quod si intelligatur lingua,
nihilominus quae loquuntur sunt occulta, tamen malum est si non exponatur,
quia poterunt credere de vobis, si occulta loquimini, quae creduntur de
gentilibus, qui occultabant ea quae faciebant in ritu eorum, propter eorum
turpitudinem. Et haec etiam insanitio quaedam est. Contra. Idem est loqui linguis et loqui
litteraliter quantum ad idiotas; cum ergo omnes loquantur litteraliter in
Ecclesia, quia omnia dicuntur in Latino, videtur quod similiter sit insania. Dicendum est ad hoc, quod
ideo erat insania in primitiva Ecclesia, quia erant rudes in ritu
ecclesiastico, unde nesciebant quae fiebant ibi, nisi exponeretur eis. Modo
vero omnes sunt instructi; unde licet in Latino omnia dicantur, sciunt tamen
illud quod fit in Ecclesia. Consequenter autem cum dicit si autem omnes
prophetent, ostendit quod bonum sequitur ex dono prophetiae. Et circa hoc
tria facit. Primo ostendit quid per bonum prophetiae sequatur, quantum ad
infideles; secundo ostendit quomodo hoc sequatur, ibi occulta enim,
etc.; tertio, subinfert quis effectus inde proveniat, ibi et ita cadens in
faciem, et cetera. Dicit ergo : constat quod ex dono linguarum non
convincuntur infideles; si autem, pro sed; si hi, qui conveniunt, prophetent,
id est omnes ad intellectum loquantur, vel exponant Scripturas vel etiam
revelationes eis factas interpretentur. Omnes dico non simul, sed unus post
alium sic prophetent. Intret autem, scilicet Ecclesiam, idiota
aliquis, scilicet non habens nisi linguam maternam, hoc est bonum quod
inde sequitur, quia convincitur de aliquo errore, qui ostenditur sibi.
Ier. XXXI, 19 — postquam ostendisti mihi, confusus sum. Ab omnibus,
qui prophetant, diiudicatur. Quasi dicat : damnabilis ostenditur de
malis moribus et vitiis suis. 1 Cor. II, 15 — spiritualis, id est
doctor, omnia diiudicat, et cetera. Ad haec enim duo valet
prophetia, scilicet ad confirmationem fidei, et instructionem morum. Quomodo autem hoc bonum
sequatur ex prophetiae dono, subdit cum dicit occulta enim cordis.
Quod potest intelligi tripliciter. Uno modo, et hoc ad litteram, quod aliqui
in primitiva Ecclesia gratiam habuerunt, ut secreta cordium et peccata
hominum scirent. Unde legitur de Petro, Act.
V, 1 ss., quod damnavit Ananiam de fraudato pretio agri. Et secundum hoc
legitur occulta enim, etc., quasi dicat : ideo convincitur, quia occulta,
id est secreta peccata sua, manifesta fiunt ab illis qui ea revelant.
Alio modo, ex hoc quod aliquando quis in praedicatione tangit multa, quae
homines gerunt in corde, sicut patet in libris beati Gregorii, ubi quilibet
invenire potest fere omnes motus cordis sui. Et secundum hoc legitur occulta
cordis, quasi dicat : ideo convincuntur, quia occulta cordis sui,
id est ea quae gerunt in corde, Prov. XXVII, 19 — quomodo in aquis
resplendet vultus aspicientium, sic corda hominum manifesta sunt prudentibus,
manifestantur, id est tanguntur ab eis. Alio modo, quia aliquando
occultum cordis dicitur illud quod est alicui dubium et non potest per se
certificari. Et secundum hoc legitur occulta cordis sui, id est ea de
quibus in corde suo dubitabat et quae non credebat, manifestantur, dum
scilicet vadens ad Ecclesiam frequenter fiunt sibi manifesta, sicut de seipso
dicit Augustinus quod ipse ibat ad Ecclesiam solum pro cantu et tamen ibi
multa de quibus dubitabat et propter quae non iverat, manifestabantur sibi.
Ex hoc enim sequebatur reverentia, quia convictus reverebatur Deum. Et hoc est, quod dicit et ita cadens, id
est ex quo ita convincebatur et manifestabantur occulta cordis sui, cadens
in faciem adorabit Deum, Matth. II, 11 — procidentes adoraverunt eum,
quod signum est reverentiae. De reprobis autem legitur, quod cadunt
retrorsum. Prov. IV, 19 — via impiorum tenebrosa, nesciunt ubi corruent.
Electus vero in faciem cadit, quia videt ubi prosternitur, quod signum est
reverentiae. Matth. II, 11, et Lev. c. IX, 24 — laudaverunt Deum ruentes
in facies suas. Ps. LXXI, 9 — coram illo procident Aethiopes. Et
non solum exhibebit reverentiam Deo sed etiam Ecclesiae, quia pronuntians
dicet quod vere Deus est in vobis, qui prophetatis in Ecclesia.
Zac. VIII, 23 — ibimus vobiscum, audivimus enim quod Deus est vobiscum.
Apparet igitur quod donum prophetiae est utilius quantum ad infideles. Quid ergo est, fratres? Hic ordinat eos ad usum
donorum dictorum. Et
circa hoc duo facit. Primo ostendit qualiter se debeant habere ad usum horum
donorum; secundo concludit principale intentum, ibi itaque, fratres,
aemulamini prophetare, et cetera. Circa primum duo facit. Primo ostendit
quomodo ordinate se debeant habere in usu dictorum donorum; secundo exprimit
eorum praesumptionem, ibi an a vobis sermo, et cetera. Circa primum
tria facit. Primo ostendit in generali quomodo se debent habere in omnibus
donis; secundo quomodo se habeant quantum ad donum linguarum, ibi sive
lingua quis loquatur, etc.; tertio ostendit quomodo se habeant quantum ad
donum prophetiae, ibi prophetent duo aut tres, et cetera. Dicit ergo :
prophetare est melius quam loqui linguis. Quid ergo, fratres, agendum
est? Hoc scilicet agendum est : nam, cum convenitis, constat quod unus
non habet omnia dona, et ideo non debet uti aliquis vestrum omnibus donis,
sed eo dono quod specialius accepit a Deo et quod melius sit ad
aedificationem. Nam unusquisque vestrum habet aliquod donum speciale, alius
habet Psalmum, id est canticum ad laudandum nomen Dei, vel Psalmos
exponit. Abac. III, 19 — super excelsa mea deducet me, et cetera. Alius
vero doctrinam, id est habet praedicationem ad instructionem morum,
vel expositionem et spiritualem sensum. Prov. XII, 8 — doctrina sua
cognoscitur vir. Alius Apocalypsim habet, id est revelationem, vel in
somniis, vel in visione aliqua. Dan. II, 28 — est Deus in caelo revelans
mysteria, et cetera. Alius linguam habet, id est donum linguarum, vel legendi prophetias. Act. II, 4 — et coeperunt
loqui variis linguis, et cetera. Alius interpretationem, supra
XII, 10 — alii interpretatio sermonum, et cetera. Haec autem sic ordinantur, quia vel sunt ex ingenio naturali, vel ex
solo Deo. Si sunt ex solo ingenio naturali vel sunt ad laudem Dei, et sic
dicit Psalmum habet, vel ad instructionem proximi, et sic dicit doctrinam
habet. Si sunt a solo Deo, sic dupliciter : vel sunt aliqua occulta
interius et sic dicit Apocalypsim habet, vel occulta exterius et sic
dicit linguam habet. Et ad horum manifestationem est tertium, scilicet
interpretatio. Et debet fieri, ut omnia ad aedificationem fiant.
Rom. XV, 2 — unusquisque vestrum proximo suo placeat in bonum ad
aedificationem. |
La Glose
veut voir ici le commencement d’un autre raisonnement de l’Apôtre pour
prouver sa proposition ; mais, ainsi qu’il a été dit, il n’y en a qu’un seul
dont le principe est posé. Ce qui va suivre est comme le développement de la
proposition intermédiaire du raisonnement même, à savoir que la prophétie est
plus utile pour la fin vers laquelle est spécialement dirigé le don des
langues. Saint Paul fait voir deux choses : I° il fait ressortir ce qui manque au don des langues par
rapport aux infidèles (verset 23) : Si tous parlaient une langue. II° il montre les
effets avantageux que produit le don de prophétie, même à l’égard des
infidèles (verset 24) : mais si tous. I° L’inconvénient qui résulte du don des langues séparé du don de
prophétie, même en ce qui regarde les infidèles, c’est
qu’on regarde comme dénués de sens ceux qui parlent avec le don des langues
seulement, quand néanmoins ce don des langues a pour fin la conversion des
infidèles, comme on l’a vu. C’est ce que dit l’Apôtre (verset 23) : Que si
tous parlent, etc., comme s’il disait : on voit clairement que le don des
langues n’est pas préférable à celui de prophétie ; car, (verset 23) : si
l’on se réunit, à savoir tous les fidèles, en commun, non
seulement de corps, mais d’esprit (Actes, IV, 32) : "La multitude de
ceux qui croyaient n’avait qu’un coeur, etc." - et si tous,
c’est-à-dire ceux qui sont réunis, parlaient des langues, à la lettre,
des langues étrangères, ou parlaient de choses obscures et inconnues, et que
pendant qu’ils discourent ainsi confusément, il vienne à entrer un
ignorant, c’est-à-dire quelqu’un qui ne comprend que sa propre langue, ou
un infidèle, auquel a été accordé le don des langues, ne diront-ils
pas à ceux qui parlent ainsi : Vous êtes des insensés ? En effet,
on regarde comme dépourvu de sens ce que l’on ne comprend pas ; que si la
langue est comprise et que néanmoins ce qui est dit soit obscur, il est mal
encore de ne pas l’expliquer, parce que l’on pourra croire de vous, si vous
parlez de choses incompréhensibles, ce que l’on pense des Gentils, qui
gardaient le secret sur ce qui se passait dans leurs cérémonies, à cause de
l’ignominie de ces mystères. C’est là encore un manque de sens. On objecte
que parler les langues et parler selon la lettre, pour celui qui est ignorant
c’est la même chose ; or, tous parlant selon la lettre dans l’Eglise, puisque
tout se dit en latin, il semble que l’un et l’autre soient également
dépourvus de sens. Il faut répondre que cette coutume pouvait être dénuée de
sens dans l’Eglise primitive, parce que les fidèles étaient sans intelligence
des cérémonies de l’Eglise ; ils ne savaient donc point ce qui se pas- sait,
si on ne leur expliquait pas ; mais main-tenant tous sont instruits. Ainsi
donc, bien que tout se dise en latin, les fidèles savent cependant ce qui se
pratique dans l’Eglise. II° Lorsque l’Apôtre ajoute (verset 24) : Mais si tous prophétisent, il montre
le bien qui résulte du don de prophétie. A cet effet, I. il expose le bien
produit par le don de prophétie, à l’égard des infidèles ; II. il indique comment
il est produit (verset 25) : Les secrets de son cœur, etc. ; III. il explique les
fruits qui en proviennent (verset 5) : et se prosternant le visage contre
terre, etc… I. Saint Paul dit : Il
est évident que le don des langues ne peut convaincre les infidèles ; Or,
pour mais, si les fidèles assemblés prophétisent, c’est-à-dire si tous
parlent de manière à être compris, en expliquant les Ecritures ou en
interprétant les révélations qui leur ont été faites ; si tous, je ne dis pas
à la fois, mais l’un après l’autre, prophétisent de cette manière, et
qu’il vienne à entrer, à savoir dans l’église, quelque ignorant,
c’est-à-dire un homme qui ne sait que sa langue maternelle, il en résulte un
bien, parce qu’il acquiert la conviction touchant quelque erreur dont
on l’a fait prendre conscience ; (Jér., XXXI, 19) : "Après que
vous m’avez ouvert les yeux..., j’ai été couvert de confusion" - il
est convaincu et jugé par tous ceux qui prophétisent. Saint Paul semble
dire : il est manifesté comme condamnable pour ses vices et ses mauvaises
mœurs ; (1 Cor., II, 15) : "L’homme spirituel,"
c’est-à-dire le docteur, "juge de toutes choses, etc." ;
car la prophétie produit ce double effet : la confirmation de la foi et la
règle des moeurs. II. En disant (verset
25) : Car les secrets de son coeur, saint Paul explique comment ces
bons effets sont produits par le don de prophétie. Or ce passage peut être
entendu de trois manières : d’abord, à la lettre, en ce sens que dans la
primitive Eglise, quelques fidèles auraient reçu la grâce de connaître les
secrets des coeurs et les fautes des pécheurs. Ainsi on lit (Actes, V, 1) que
saint Pierre condamna Ananie pour avoir trompé sur le prix de son héritage.
Dans cette hypothèse, Car les secrets, etc. signifie : il est convaincu,
parce que les secrets, c’est-à-dire ses péchés secrets, sont
découverts par ceux qui les révèlent. Une seconde interprétation est que
celui qui enseigne touche parfois beaucoup de choses que les hommes portent
dans le coeur, comme on le voit dans les livres de saint Grégoire, où chacun
peut retrouver presque tous les mouvements de son coeur. Dans ce sens on
entend : les secrets de son coeur, par : ils sont convaincus, parce
que les secrets de leur coeur, c’est-à-dire ce qu’ils portent dans le
coeur (Prov., XXVII, 19) : "Comme on voit se refléter dans l’eau le
visage de ceux qui s’y regardent, ainsi les coeurs des hommes sont découverts
aux hommes prudents" - sont découverts, c’est-à-dire touchés par
eux. Enfin, comme on appelle quelquefois secret du coeur ce qui pour
quelqu’un est douteux et ne peut être attesté en soi, on interprète dans ce
sens ces mots : les secrets du coeur, c’est-à-dire ce dont l’ignorant
doutait dans le coeur et ne croyait pas, sont manifestés, c’est-à-dire
: en se rendant fréquemment à l’église, ces choses douteuses deviennent pour
lui manifestes, comme le dit de lui-même saint Augustin (Confessions,
liv. X, 35) : Il s’y rendait seulement pour le chant, et là beaucoup
de choses dont il doutait et auxquelles il ne pensait pas en y allant, lui
devenaient manifestes. Car de cette manifestation naissait le respect, parce
que convaincu il rendait gloire à Dieu. III. C’est aussi ce que
dit saint Paul (verset 25) : et se prosternant le visage contre terre, c’est-à-dire
en se voyant ainsi convaincu, et les secrets de son coeur étant manifestés, se
prosternant le visage contre terre, il adorera Dieu, (Matthieu II, 11) : "Et
se prosternant, ils adorèrent l’Enfant", ce qui est le signe du
respect. Il est dit au contraire des réprouvés qu’ils tomberont à la renverse
(Prov., IV, 19) : "La voie des méchants est pleine de ténèbres, et
ils ne savent où ils tomberont." Mais l’élu tombe sur la face, parce
qu’il voit où il se prosterne, ce qui est le signe du respect ;
(Matthieu II, 11) et (Lévit., IX, 24) : "Ils louèrent le Seigneur en
se prosternant la face contre terre" ; (Psaume LXXI, 9) : "Les
Ethiopiens se prosterneront devant lui." Et non seulement il rendra
à Dieu l’hommage de son respect, mais encore à l'Eglise, parce que (verset
25) : "Il rendra témoignage que Dieu est véritablement parmi
vous," qui prophétisez dans l’église ; (Zach., VIII, 23) : "Nous
irons avec vous, parce que nous avons appris que Dieu est avec vous."
On voit donc que le don de prophétie est plus utile pour les infidèles que le
don des langues. III° (verset 26) : Mais que faut-il donc, mes frères, que vous fassiez ? ici saint
Paul donne aux Corinthiens des règles pour l’usage des dons qu’il a
expliqués. D’abord, il montre comment ils doivent se conduire dans l’usage de
ces dons ; ensuite il déduit sa conclusion principale (verset 39) : Pour
conclure donc, mes frères, désirez le don de prophétie, etc. Sur la
première partie de la question, premièrement il enseigne comment ils doivent
se conduire avec ordre dans l’usage de ces dons ; secondement, il fait
ressortir leur présomption (verset 36) : Est-ce de vous que la parole de
Dieu, etc.? Sur cette première subdivision, il enseigne d’abord d’une
manière générale comment ils doivent se conduire à l’égard de tous les dons ;
ensuite, comment ils doivent en particulier se conduire à l’égard du don des
langues (verset 37) : Si quelques-uns possèdent le don des langues, etc. ;
enfin, comment ils doivent se conduire à l’égard du don de prophétie (verset
39) : Quant aux prophètes, que deux ou trois seulement, etc. Il dit
donc : Il est meilleur de prophétiser que de parler les langues, (verset 26) :
Que faut-il donc, mes frères, que vous fassiez ? Voici : puisque,
(verset 26) : Lorsque vous êtes assemblés, il est certain qu’un seul
n’a pas reçu tous les dons, ainsi personne parmi vous ne doit user de tous,
mais seulement de celui qu’il a spécialement reçu de Dieu, en choisissant ce
qui est préférable pour l’édification. (verset 26) : Chacun donc a reçu quelque
don spécial, l’un le don de composer un psaume, c’est-à-dire un
cantique pour exalter le nom de Dieu, ou d’expliquer les psaumes ;
(Habacuc, III, 19) : "Il me ramènera sur nos montagnes" ;
(verset 26) : un autre d’instruire, c’est-à-dire le don d’enseigner
pour l’instruction des moeurs ou pour l’exposition et pour donner le sens
spirituel ; (Prov., XII, 8) : "L’homme sera connu par sa
doctrine" - un autre de connaître les choses cachées, c’est-à-dire
le don de la révélation soit dans les songes, soit dans quelque vision ;
(Dan., II, 28) : "Il est dans le ciel un Dieu qui révèle les
mystères, etc." - un autre de parler une langue, c’est-à-dire le don
des langues ou de lire les prophéties ; (Actes, II, 4) : "Ils
commencèrent à parler diverses langues, etc." - un autre le don
d’interpréter (ci-dessus, XII, 10) : Un autre reçoit le don
d’interpréter les langues, etc. Or ces dons sont placés dans cet ordre,
parce qu’ils procèdent ou de l’esprit naturel ou de Dieu seul. S’ils ne
viennent que de l’esprit naturel, ils ont pour fin soit la gloire de Dieu, et
dans ce sens l’Apôtre dit : Il a le psaume ; ou l’instruction du
prochain, et il dit : le don d’instruire. S’ils viennent de Dieu seul,
ils peuvent venir de Lui de deux manières : c’est ou une chose intérieure et
cachée, et l’Apôtre dit : les choses cachées, soit quelque chose de
caché, mais extérieurement, et il ajoute : Il a le don des langues.
Quant à la manifestation de ces secrets, il y a en troisième lieu l’interprétation,
qui doit se faire (verset 26) : pour que tout serve à l’édification ;
(Rom., XV, 2) : "Que chacun de vous tâche de contenter son prochain
dans ce qui est bon et propre à édifier." |
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Lectio 6 |
Leçon 6 : 1 Corinthiens XIV, 27-33 — Quand user du don des langues ? |
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SOMMAIRE :
Comment doit-on user du don des langues ? Quand faut-il s’en abstenir ? |
[27] sive lingua quis loquitur secundum duos aut ut multum tres
et per partes et unus interpretetur [28] si autem non fuerit interpres taceat in ecclesia sibi
autem loquatur et Deo [29] prophetae duo aut tres dicant et ceteri diiudicent [30] quod si alii revelatum fuerit sedenti prior taceat [31] potestis enim omnes per singulos prophetare ut omnes
discant et omnes exhortentur [32] et spiritus prophetarum prophetis subiecti sunt [33] non
enim est dissensionis Deus sed pacis sicut in omnibus ecclesiis sanctorum |
27. S’il y
en a qui aient le don des langues, qu’il n’y en ait pas plus de deux ou trois
qui parlent en une langue inconnue ; et qu’ils parlent l’un après l'autre, et
qu’il y ait quelqu’un qui interprète ce qu’ils auront dit ; 28. Que
s’il n’y a pas d’interprète, qu’il se taise dans l’église, qu’il ne parle
qu’à soi-même et à Dieu. 29. Pour ce
qui est aussi des prophètes, qu’il n’y en ait pas plus de deux ou trois qui
parlent, et que les autres en jugent. 30. Que
s’il se fait quelque révélation à un autre de ceux qui sont assis, que le
premier se taise ; 31. Car
vous pouvez tous prophétiser l’un après l’autre ; afin que tous apprennent et
que tous soient consolés. 32. Et les
esprits des prophètes sont soumis aux prophètes ; 33. Car
Dieu n’est pas un Dieu de trouble, mais un Dieu de paix ; et c’est ce que
j’enseigne dans toutes les Eglises des saints. |
[87679]
Super 1 Cor. [reportatio vulgata], cap. 14 l. 6 Hic apostolus ordinat eos
quomodo se habeant ad usum doni linguarum, et circa hoc duo facit. Primo
ostendit qualiter debent uti dono linguarum; secundo quando debent cessare ab
usu, ibi si autem non fuerit, et cetera. Dicit ergo, primo, quod modus
utendi dono linguarum talis sit inter vos, ut sive quis, id est si
aliquis, loquatur lingua, id est dicat visiones vel somnia, huiusmodi
locutio non fiat a multis propter occupationem temporis in linguis et non
restet locus prophetiis et confusionem generet, sed secundum duos, id
est duobus, et, si necesse fuerit, secundum multum tres, ut sit satis
a tribus. Deut.
XVII, 6 — in ore duorum vel trium, et cetera. Sed notandum quod haec
consuetudo adhuc partim servatur in Ecclesia. Nam lectiones et epistolas ac
Evangelia habemus loco linguarum, et ideo in Missa secundum duos servatur,
quia solum duo dicuntur, quae pertinent ad donum linguarum, scilicet epistola
et Evangelium. In
matutinis secundum multa fit, scilicet tribus lectionibus dictis in uno
nocturno. Antiquitus enim dicebantur nocturna divisim secundum tres vigilias
noctis, nunc vero dicuntur simul. Non solum autem debet servari ordo quantum
ad numerum loquentium, sed etiam quantum ad modum, et hoc est quod dicit et
per partes, id est ut illi qui loquuntur succedant sibi ad invicem,
scilicet quod unus post alium loquatur. Vel per partes, id est
intercise, ut scilicet loquatur unam partem visionis, seu instructionis et
eam exponat, et post aliam et ipsam exponat, et sic deinceps; quem modum
consueverunt servare praedicatores, quando praedicant per interpretationem
hominibus ignotae linguae, et ideo dicit et unus interpretetur. Consequenter cum dicit si autem non fuerit,
etc., ostendit quando non est utendum linguis, dicens quod loquendum est per
partes et unus debet interpretari. Sed si non fuerit aliquis interpres,
id est qui interpretetur, ille, qui donum habet linguarum, taceat in
Ecclesia, id est non loquatur seu praedicet multitudini in lingua ignota,
quia non intelligitur ab eis, sed sibi loquatur, quia ipse se
intelligit, et hoc tacite, orando vel meditando. Iob X, 1 — loquar in
amaritudine animae meae, dicam Deo, et cetera. Prophetae autem duo, et cetera. Hic apostolus
ordinat eos, quomodo se habeant ad usum prophetiae. Et circa hoc duo facit.
Primo ostendit qualiter utendum est dono prophetiae, et quantum ad numerum et
ad ordinem; secundo ostendit, quibus usus prophetiae interdicitur, ibi mulieres
in Ecclesia, et cetera. Circa primum tria facit. Primo docet ordinem
utendi dono prophetiae; secundo huius rationem assignat, ibi potestis enim
omnes, etc.; tertio obiectionem excludit, ibi spiritus prophetarum,
et cetera. Circa primum duo facit. Primo determinat ad
numerum utentium dono dicto; secundo, docet modum seu ordinem utendi, ibi quod
si alii, et cetera. Circa primum sciendum est quod usus prophetiae
secundum quod hic videtur accipere apostolus, est proponere verbum
exhortationis ad plebem, exponendo Scripturas sacras. Et quia erant in
primitiva Ecclesia plures qui a Deo hoc donum habebant, et fideles non erant
adhuc multiplicati, ideo, ne esset confusio et taedium, vult apostolus, quod
non omnes qui sciunt exponere prophetias et sacram Scripturam, prophetent,
sed aliqui et determinati. Et hoc est quod dicit prophetae, etc.,
quasi dicat : nolo quod omnes qui conveniunt, sed duo tantum, aut,
ad plus, tres, prout hoc loquendi necessitas exigit, dicant, id
est exhortentur. Et hoc etiam consonat Scripturae. Supra XVII, v. 6 et Matth.
XVIII, 16 — in ore duorum, vel trium, et cetera. Caeteri vero,
scilicet illi qui non debent, diiudicent ea quae ab his proponuntur,
utrum scilicet bene vel male dicta sint : bene dicta approbando, et male
dicta retractari faciendo. Supra II, 15 — spiritualis homo omnia diiudicat.
Est etiam servandus ordo in utendo dicto dono, ut
si alteri illorum, qui sedebant et tacebant et diiudicabant, fuit aliquid
melius revelatum, quam illi qui exhortatur et stat prior, tunc iste, qui
stat, debet sedere, et ille, cui melius revelatum est, debet surgere et
exhortari. Et hoc est quod dicit quod si alii, sedenti, revelatum
fuerit, scilicet per spiritum sanctum, prior stans taceat
et cedat ei, Rom. XII, 10 — honore invicem praevenientes. Et ratio huius est, quia secundum hunc modum potestis,
successive, prophetare per singulos, id est omnes scilicet, ut sic
omnes, id est maiores, discant, et omnes, id est minores, exhortentur,
Prov. I, 5 — audiens sapiens, et cetera. Et si aliquis dicat : o apostole, ego non possum
tacere dum alius prophetat, vel cedere sedenti, ex quo incepi, quia non
possum retinere spiritum, qui in me loquitur, secundum illud Iob IV, 2 — conceptum
sermonem tenere quis potest? Ideo apostolus hoc removet cum dicit et
spiritus prophetarum, etc., quasi dicat : immo bene potest tacere vel
sedere, quia spiritus prophetarum, id est spiritus qui dat prophetias,
et ponit in plurali numero propter multas revelationes eis instinctas, prophetis
subiecti sunt, quidem quantum ad cognitionem, quia, sicut dicit Gregorius
quod non semper spiritus prophetiae adest prophetis. Unde non est habitus,
sicut scientia. Sic enim sequeretur, quod etiam quantum ad cognitionem eis
subiectus esset, et possent uti eo quando vellent, et non uti : sed est
quaedam vis aut impressio a Deo, illuminans et tangens corda prophetarum, et
tunc solum quando sic tanguntur, cognoscunt. Unde non est sic eis subiectus.
Nec secundum hoc intelligitur verbum apostoli, sed spiritus prophetarum sunt
subiecti prophetis quantum ad pronuntiationem, quia scilicet in eorum
potestate est pronuntiare ea quae revelantur eis quando volunt, et non
pronuntiare. Et sic nihil valet excusatio, quia non cogit te
spiritus quin tacere possis. Et quod hoc sit verum, probat cum dicit non
enim est dissensionis, et cetera. Et facit talem rationem. Deus numquam
cogit ad id unde oriatur rixa vel dissensio, quia Deus non est dissensionis
sed pacis; sed si cogeret homines spiritus prophetiae ad loquendum, tunc
esset causa dissensionis, quia sic vellet semper loqui vel docere vel non
tacere alio loquente, de quo alii turbarentur. Ergo spiritus sanctus non
cogit homines ad loquendum. I1 Cor. ult. : Deus pacis et dilectionis erit
vobiscum, et cetera. Verumtamen, quia adhuc posset obiicere, quod hoc non
faceret, quia solum eis ista mandabat, et non aliis Ecclesiis, unde et in
gravamen posset videri, ideo apostolus subdit, hoc non solum in eis, sed
etiam in omnibus Ecclesiis docere. Et hoc est quod dicit sicut in omnibus
Ecclesiis sanctorum doceo, scilicet de usu linguarum et prophetiae. Supra
I, 10 — idipsum dicatis omnes. |
I° L’Apôtre trace ici aux Corinthiens les règles qu’ils ont à suivre dans
l’usage du don des langues. Dans ce dessein, I. il enseigne comment
il faut se servir de ce don ; II. quand il
faut cesser d’en faire usage ; (verset 28) : S’il n’y a pas
d’interprète, etc. I. il dit donc : Qu’on
use parmi vous du don des langues de telle manière que, (verset 27) : Soit
que quelqu’un, pour si quelqu’un, possède le don des langues,
c’est-à-dire rapporte des visions ou des songes, ces sortes de récits ne se
fassent pas par plusieurs, afin qu’on ne perde pas ainsi le temps à discourir
et qu’il n’en reste plus pour les prophéties, et qu’ainsi on engendre de la
confusion ; mais (verset 27) : que deux, et, s’il y a nécessité, trois
au plus, en sorte que trois suffisent ; (Deut., XVII, 6) : "[Celui
qui sera puni de mort sera condamné] par la déposition de deux ou trois témoins."
Remarquez que cette pratique est encore observée partiellement dans l'Eglise,
car les leçons, les épîtres et les évangiles tiennent pour nous la place des
langues, et, par conséquent, à la Messe, on observe la recommandation
« que deux seulement », car on se borne à dire deux choses
qui appartiennent au don des langues, à savoir l’épître et l’évangile. Quant
aux matines, on en emploie un plus grand nombre, puisque chaque nocturne
comprend trois leçons : car autrefois on disait séparément les nocturnes,
selon les trois veilles de la nuit ; mais on maintenant on les dit ensemble.
Or on doit observer l’ordre non seulement quant au nombre de ceux qui
parlent, mais encore quant à la manière, et c’est ce que veut dire l’Apôtre
(verset 27) : et qu’ils le fassent par parties, c’est-à-dire
que ceux qui parlent se succèdent l’un à l’autre, en sorte qu’ils parlent
l’un après l’autre ; ou : par parties, c’est-à-dire en entremêlant, à
savoir que l’un rapporte une partie de la vision ou de l’instruction et
l’explique, et qu’il en explique ensuite une autre, et ainsi à la suite ;
mode qu’observent ordinairement ceux qui enseignent, quand ils prêchent par
interprétation, à ceux dont la langue leur est inconnue. C’est ce qui fait
dire à saint Paul (verset 27) : et qu’il y ait un interprète. II. Quand l’Apôtre
ajoute (verset 28) : Mais s’il n’y a pas d’interprète, etc., il
explique quand il ne faut pas faire usage des langues, en disant qu’il faut
parler par parties, et qu’il y ait un interprète de ce qu’on aura dit ;
(verset 28) : Que s’il n’y a pas d’interprète, c’est-à-dire personne
pour donner l’interprétation, que celui qui a reçu le don des langues (verset
28) : se taise dans l’église, c’est-à-dire qu’il ne parle pas, ou
n’enseigne pas la multitude dans une langue inconnue, parce qu’il n’en est
pas compris, mais qu’il ne parle qu’à lui-même, puisqu’il se comprend,
et cela en priant en silence, ou en méditant ; (Job, X, 1) : "Je
parlerai dans l’amertume de mon âme ; je dirai à Dieu, etc." II° (verset 29) : Quant aux prophètes, que deux, etc., ici saint
Paul donne aux fidèles des règles pour se conduire dans l’usage du don de
prophétie. Il montre donc, premièrement, comment il faut s’en servir, et
quant au nombre et quant à l’ordre ; secondement, il dit à qui il est interdit
d’en faire usage (verset 34) : Que les femmes se taisent dans les églises,
etc. Sur la première partie, I. il indique
l’ordre à suivre dans l’usage du don de prophétie ; II. il en assigne la
raison (verset 31) : Car vous pouvez tous, etc. ; III. il prévient une
objection (verset 32) : Aussi bien les esprits des prophètes, etc… I. Sur la première de
ces subdivisions, 1° il
détermine le nombre de ceux qui doivent se servir de ce don ; 2° il enseigne le mode ou l’ordre avec
lequel on doit s’en servir (verset 30) : Et si une révélation est faite à
un autre, etc. 1° Sur ce premier point, il faut se
souvenir que l’usage du don de prophétie, dans le sens où saint Paul paraît
le prendre, consiste à proposer des paroles d’exhortation au peuple, en
expliquant les saintes Ecritures. Comme, dans la primitive Eglise, plusieurs
avaient reçu ce don de Dieu, et que le nombre des fidèles n’était pas alors
considérable, pour qu’il n’y ait ni confusion ni ennui, l’Apôtre veut que ce
ne soient pas tous ceux qui savent expliquer les prophéties et les saintes
Ecritures qui prophétisent, mais seule-ment quelques-uns désignés à l’avance.
C’est ce qui lui fait dire (verset 29) : Quant aux prophètes, etc., en
d’autres termes : je ne veux point que tous ceux qui s’assemblent mais deux
seulement, ou, au plus trois, suivant que l’exige la nécessité,
parlent, c’est-à-dire exhortent. Cette règle, d’ail- leurs, est
conforme à l’Ecriture ; (Deut., XVII, 6, et Matthieu XVIII, 16) : "Suivant
la déposition de deux ou trois témoins, etc." - et que les autres,
c’est-à-dire ceux qui ne doivent pas parler, jugent ce qui a été dit
par ceux qui parlent, à savoir si cela a été bien ou mal dit, en
approuvant ce qui est bien et en faisant rétracter ce qui est mal ;
(ci-dessus, II, 15) : L’homme spirituel juge de tout. 2° Il y a aussi un certain ordre à
observer en faisant usage de ce don de prophétie : c’est que si l’un de ceux
qui étaient assis, qui se taisaient et jugeaient, venait à connaître par
révélation quelque vérité préférable à ce qui avait été révélé à celui qui
parlait et exhortait le premier, alors celui qui est debout doit s’asseoir à
son tour, et celui à qui a été faite cette révélation plus excellente doit se
lever et exhorter. C’est ce que dit saint Paul (verset 30) : Et si une
révélation est faite, c'est-à-dire par l’Esprit Saint, à un autre qui
était assis, que celui qui parlait auparavant se taise et lui
cède ; (Rom., XII, 10) : "Prévenez-vous par des témoignages
d’honneur." II. La raison en est
que, selon cette règle, (verset 31) : vous pouvez successivement
prophétiser chacun, c’est-à-dire tous, en sorte que tous, à savoir
même les plus avancés, apprennent, et que tous, même ceux qui
le sont moins, soient exhortés ; (Prov., I, 5) : "Le
sage écoutera, etc." III. Si quelqu’un disait
: ô Apôtre, je ne puis me taire tandis qu’un autre prophétise, ni céder à
celui qui est assis, du moment que j’ai pris la parole, parce que je ne puis
résister à l’Esprit qui parle au-dedans de moi, suivant cette parole de Job
(IV, 2) : "Qui pourrait retenir la parole une fois conçue ?"
Saint Paul répond à cette objection, en disant (verset 32) : Aussi bien
les esprits des prophètes, etc. ; comme s’il disait : au contraire, on
peut fort bien se taire et demeurer assis, puisque les esprits des
prophètes, c’est-à-dire ceux qui inspirent les prophéties (l’Apôtre se
sert du pluriel à cause de la multi-tude des révélations qui leur ont été
faites), sont soumis aux prophètes, non pas, il est vrai, quant à la
connaissance ; car, dit saint Grégoire (liv. II des Morales, ch. X) de ce que l’Esprit de prophétie n’est
pas toujours présent chez les prophètes ; on voit que la prophétie n’est
pas une habitude de l’âme, comme est la science ; autrement il s’ensuivrait
que l’esprit serait soumis aux prophètes même quant à la connaissance, et
qu’ils pourraient en faire ou n’en pas faire usage, selon leur volonté. Mais
la prophétie est comme une force, ou une pression venant de Dieu qui éclaire
et touche le cœur des prophètes ; et c’est seulement alors, et quand ils sont
ainsi impressionnés, qu’ils connaissent ; l’esprit ne leur est donc point
soumis en ce point, et ce n’est pas dans ce sens qu’il faut entendre la
parole de l’Apôtre ; mais les esprits des prophètes sont soumis aux
prophètes, quant au faite de prendre la parole, c’est-à-dire en ce sens qu’il
est en leur pouvoir de proférer ou non, quand ils le veulent, ce qui leur est
révélé[9]. Ainsi donc
l’excuse est nulle, parce que l’Esprit ne vous domine pas de telle sorte que
vous ne puissiez vous taire. Que cette affirmation soit vraie, l’Apôtre le
prouve en disant (verset 33) : Car Dieu [est un Dieu de paix et] non de
désordre, etc. Il fait ce raisonnement : Dieu n’impose jamais ce qui peut
donner naissance aux rixes ou à la dissension, parce qu’il n’est pas le Dieu
du désordre, mais de la paix ; or, si l’Esprit prophétique contraignait les
hommes à parler, ce serait alors une cause de dissension ; car on voudrait
toujours parler, ou enseigner, ou ne pas se taire quand un autre parlera, ce
qui jetterait le trouble dans l’assemblée ; l’Esprit Saint ne force donc
point à parler ; (I1 Cor., XIII, 11) : "Que le Dieu d’amour et
de paix soit avec vous, etc." Cependant, comme les Corinthiens
pouvaient objecter encore qu’ils n’agissaient pas ainsi parce que cet ordre
était pour eux seulement et non pour les autres Églises, ce qui pouvait le
faire regarder comme pesant, l’Apôtre ajoute qu’il enseigne ainsi non
seulement parmi eux, mais encore dans toutes les Églises. C’est ce qu’il dit
(verset 33) : C’est ce que j’enseigne dans toutes les Eglises des saints,
c’est-à-dire touchant l’usage du don des langues et du don de
prophétie ; (ci-dessus, I, 10) : Je vous conjure d’avoir tous un même
langage. |
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Lectio 7 |
Leçon 7 : 1 Corinthiens XIV, 34-40 — Normes pour l'usage du don de prophétie |
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SOMMAIRE :
L’Apôtre explique quels sont ceux à qui l’usage du don de prophétie est
interdit. Il réfute les objections. |
[34] mulieres in ecclesiis taceant non enim permittitur eis
loqui sed subditas esse sicut et lex dicit [35] si quid autem volunt discere domi viros suos interrogent
turpe est enim mulieri loqui in ecclesia [36] an a vobis verbum Dei processit aut in vos solos pervenit [37] si quis videtur propheta esse aut spiritalis cognoscat
quae scribo vobis quia Domini sunt mandata [38] si quis autem ignorat ignorabitur [39] itaque fratres aemulamini prophetare et loqui linguis
nolite prohibere [40] omnia
autem honeste et secundum ordinem |
34. Que les
femmes se taisent dans les églises, parce qu’il ne leur est pas permis d’y
parler ; mais elles doivent être soumises, selon que la Loi l'ordonne. 35. Que si
elles veulent s'instruire de quelque chose, qu'elles le demandent à leurs
maris, lorsqu'elles seront dans leurs maisons ; car il est honteux à une
femme de parler dans l'église. 36. Est-ce
de vous que la parole de Dieu est sortie, ou n'est-elle venue qu'à vous seuls
? 37. Si
quelqu'un croit être prophète ou spirituel, qu'il reconnaisse que les choses
que je vous écris sont des ordonnances du Seigneur. 38. Que si
quelqu'un veut l’ignorer, il sera lui-même ignoré. 39. Ainsi,
mes frères, désirez surtout le don de prophétie, et n'empêchez pas l'usage du
don des langues. 40. Mais
que tout se fasse dans la bienséance et avec ordre. |
[87680] Super 1 Cor. [reportatio vulgata],
cap. 14 l. 7 Hic
apostolus ponit personas quibus interdicit usum prophetiae. Et circa hoc duo
facit. Primo, ostendit quibus prophetiae usus interdicitur; secundo, removet
obiectionem, ibi si quid autem volunt, et cetera. Circa primum duo
facit. Primo, ponit mandatum de interdicto; secundo huius rationem assignat,
ibi non enim permittitur, et cetera. Dicit ergo : volo ut viri
hoc modo utantur dono prophetiae, sed mulieres, in Ecclesia, nolo
loqui; sed taceant in Ecclesiis, I Tim. II, 12 — mulierem docere
in Ecclesia non permitto. Et rationem huius assignat Chrysostomus,
dicens, quod semel est locuta mulier et totum mundum subvertit. Sed contra
hoc videtur quia de multis mulieribus legitur quod prophetarunt, sicut de
Samaritana, Io. IV, 39, et de Anna uxore Phanuel, Lc. II, 36, et de Debora,
Iud. IV, 4, et de Holdama propheta, de uxore Sellum, IV Reg. XXII, 14, et de
filiabus Philippi, Act. c. XXI, 9. Supra etiam dicitur omnis mulier orans
vel prophetans, et cetera. Responsio. Dicendum quod in prophetia sunt duo, scilicet
revelatio et manifestatio revelationis, sed a revelatione non excluduntur
mulieres sed multa revelantur eis sicut et viris. Sed Annuntiatio est duplex.
Una publica, et ab hac excluduntur; alia est privata, et haec permittitur
eis, quia non est praedicatio, sed Annuntiatio. Huius autem rationem
assignat, dicens non enim permittitur eis loqui, scilicet ab Ecclesiae
auctoritate, sed hoc est officium earum, ut sint subditae viris. Unde cum
docere dicat praelationem et praesidentiam, non decet eas quae subditae sunt.
Ratio autem quare subditae sunt et non praesunt est quia deficiunt ratione,
quae est maxime necessaria praesidenti. Et ideo dicit philosophus, in
politica sua, quod corruptio regiminis est quando regimen pervenit ad
mulieres. Consequenter cum dicit si quid volunt,
etc., quia possent aliqui dicere quod ad minus de dubiis possunt quaerere in
Ecclesia, ideo apostolus hoc excludit, et circa hoc duo facit. Primo enim
removet obiectionem, secundo rationem assignat, ibi turpe est, et
cetera. Dicit ergo : dico quod mulieres taceant in Ecclesia, sed si aliqua,
de quibus dubitant, addiscere volunt, interrogent viros suos domi. I
Tim. II, 11 — mulier in silentio discat cum omni, et cetera. Huius autem ratio est quia turpe est, non
solum indecens : in mulieribus enim commendatur verecundia. Eccli. XXVI, 19 —
gratia super gratiam, et cetera. Si ergo in publico quaereret et
disputaret, signum esset inverecundiae, et hoc est ei turpe. Et inde est
etiam quod in iure interdicitur mulieribus officium advocandi. Consequenter cum dicit an a vobis sermo,
etc., confutat contradicentes. Et quia possent omnes simul contradicere, vel
ad minus sapientes inter eos, ideo circa hoc duo facit. Primo enim confutat
eos quantum ad totam eorum Ecclesiam; secundo quantum ad sapientes tantum,
ibi si quis autem videtur, et cetera. Circa primum sciendum est quod causa quare
populus consuevit contradicere domino, vel rectori, est singularitas.
Singularitas enim potest causari vel ex prioritate in aliquo bono, vel
excellentia. Et ideo apostolus, volens contradicentes Corinthios confutare,
excludit primo ab eis prioritatem, cum dicit an a vobis sermo Dei
processit? Quasi dicat : non, sed a Iudaeis. Is. II, 3 — de Sion
exibit lex, et cetera. Quasi dicat : si in Ecclesia Iudaeorum facerem
aliquas ordinationes contra ordinationes suas, possent contradicere, quia
ipsi prius habuerunt verbum Dei, sed vos non, quia non processit a vobis
sermo Dei. Secundo excludit ab eis excellentiam an in vos solos, etc.,
quasi dicat : non solum vos credidistis, sed etiam alii. Unde vos non
excellitis eos, Ps. XVIII, 5 — in omnem terram exivit sonus eorum, et
ideo debetis facere, ut alii faciunt. Consequenter cum dicit si quis autem videtur,
etc., in speciali confutat maiores. Et circa hoc duo facit. Primo confutat
eos; secundo respondet cuidam tacitae obiectioni, ibi si quis autem
ignorat, et cetera. Dicit ergo : esto quod tota Ecclesia non contradicat,
sed aliquis, qui videtur esse propheta, et cetera. Et dicit videtur,
quia si contradicit non vere est propheta vel sapiens seu spiritualis, quia
non contradiceret. Dicit etiam, propheta, et spiritualis, quia
multi sunt spirituales qui non sunt prophetae, licet omnes prophetae sint
spirituales. Iste, inquam, qui sic videtur propheta et spiritualis, non
contradicat, sed cognoscat, id est sciat quia ea, quae scribo vobis,
sunt mandata Dei et non tantum mea. Quasi dicat : ex quo nullus ausus est
mandatis domini contradicere, et ea quae scribo sunt mandata Dei, non audeat
aliquis contradicere. I1 Cor. ultimo : an experimentum quaeritis, et
cetera. Et ex hoc possumus colligere, quod verba apostolorum sunt ex
familiari revelatione spiritus sancti et Christi et ideo servanda sunt sicut
praecepta Christi. Unde et signanter apostolus distinguit illa, quae ex se
mandat, cum dicit de virginibus autem mandatum domini non habeo. Sed posset dicere : o apostole, quomodo ego cognoscam quod haec sint
mandata Dei? Non
possum hoc scire. Hoc apostolus excludit, dicens : non valet tibi hoc, quia
non debes ignorare. Quare? Quia omnis ignorans, et cetera. Matth. XXV,
12 — amen dico vobis : nescio vos. Ex quo patet quod omnes tenentur
scire ea quae sunt de necessitate salutis, quae ipse prius mandat et apostoli
et prophetae. Vel aliter : si quis videtur, etc., ut sit confirmatio
praecedentium, quasi dicat : ita scribo, sed vos non potestis ea agnoscere
propter eorum difficultatem, et quia simplices estis, sed ut sciatis quod ea,
quae scribo, iusta sunt et honesta, volo adducere testimonium prophetarum et
spiritualium virorum, qui sunt inter vos. Et ideo dicit si quis autem,
et cetera. Supra II, 15 — spiritualis iudicat omnia. Et ne aliquis
dicat : non curamus scire ista, subdit quod tenentur scire quia omnis
ignorans, et cetera. Is. V, 13 — propterea captivus ductus, et
cetera. Ps. LXXXI, 5 — nescierunt neque intellexerunt, et cetera. Itaque, fratres mei, et cetera. Apostolus hic concludit
generalem admonitionem. Et circa hoc tria facit. Primo monet eos ad appetitum omnium donorum,
dicens : itaque et loqui linguis et prophetare est bonum. Aemulamini,
id est desideretis, prophetare. Cuius causa est, quia, sicut dicitur
Prov. c. XXIX, 18, deficiente prophetia, dissipabitur populus. Et
accipitur prophetare hic, secundum quod totum capitulum expositum est. Et
tamen, licet desideretis prophetare, nolite prohibere loqui linguis,
ne fiat dissensio. Secundo inducit ad modum debitum, cum dicit omnia autem
honeste, ut scilicet uno loquente, alii taceant, et mulieres in Ecclesia
non loquantur, et similia. Rom. XIII, 13 — sicut in die honeste ambulemus,
et cetera. Tertio inducit eos ad congruum ordinem, cum dicit et secundum
ordinem, ut scilicet primo unus, et postea alius loquatur, et per partes
et similia, quae dicta sunt. Iudic. V, v. 20 — stellae manentes in ordine
et cursu suo, adversus Sisaram pugnaverunt. |
I° Saint Paul désigne ici les personnes auxquelles il interdit l’usage du
don de prophétie. I. Il dit
quelles sont ces personnes ; II. il prévient
une objection (verset 35) : Si les femmes veulent s’instruire de quelque
chose, etc. I. Sur la première
partie de cette question, 1° il exprime
cette interdiction ; 2° il en
donne la raison (verset 34) : parce qu’il ne leur est pas permis d’y
parler, etc. 1° Il dit
donc : Je veux que les hommes usent, ainsi que je l’ai réglé, du don de
prophétie ; mais (verset 34) je ne permets point aux femmes de parler
dans l’église, elles doivent y garder le silence ; (I Tim, , II,
12) : "Je ne permets point aux femmes d’enseigner dans l’église" ;
et saint Jean Chrysostome (Homélie 9), sur ce passage, donne cette raison :
c’est que la femme a parlé une fois, et qu’elle a bouleversé le monde. On
objecte ce qu’on lit de plusieurs femmes, qu’elles ont prophétisé : par
exemple, la Samaritaine (Jean IV, 39) ; Anne, fille de Phanuel (Luc, II, 36)
; Débora (Juges, IV, 4) ; Oldama, la prophétesse, épouse de Sellum (IV, Rois,
XXII, 14) ; les filles de Philippe (Actes, XXI, 9) ; ci-dessus même il est
dit (XI, 5) : Toute femme qui prie ou qui prophétise, etc. Il faut
répondre que dans la prophétie il y a deux choses : la révélation et la
manifestation de cette révélation. Or les femmes ne sont pas exclues de la
révélation ; beaucoup même de révélations leur ont été faites, comme aux
hommes. Mais il y a deux manières d’annoncer les choses révélées : l’une
publique, celle-ci est interdite aux femmes ; l’autre privée, celle-là leur
est permise, parce que ce n’est pas enseigner, mais annoncer. 2° Saint Paul donne la raison de sa
défense, en ajoutant (verset 34) : parce qu’il ne leur est pas permis de
parler, à savoir l’Eglise ne le leur permet pas, leur office, à elles,
étant d’être soumises à leurs maris. C’est pourquoi le droit d’enseigner
impliquant l’autorité et la présidence, ne saurait convenir à celles qui
doivent être soumises. Or la raison pour laquelle elles sont dans la
dépendance et ne président pas, c’est la faiblesse de leur raison, faculté
éminemment nécessaire à celui qui préside. C’est ce qui fait dire à Aristote
(Politique, liv. IV,
ch. II) qu’il y a corruption du gouvernement là où ce gouvernement passe aux
femmes. II. (verset 35) : Que
si elles veulent, etc. Comme on aurait pu dire qu’au moins peuvent-elles,
dans l’église, interroger sur ce qui est douteux, l’Apôtre détruit cette
objection. 1° Il la
repousse ; 2° il en
donne la raison (verset 35) : Il est honteux, etc. 1° Il dit donc : J’ai établi que les
femmes doivent, dans l’église, garder le silence ; mais si quelques-unes ont
des doutes sur certains points et (verset 35) : veulent s’en instruire,
qu’elles le demandent à leurs maris à la maison ; (I Tim., II, 11) :
"Que les femmes écoutent en silence et avec une entière, etc. 2° En voici la raison : c’est que la
conduite contraire est non seulement indécente, mais honteuse ; car la
modestie est surtout recommandée aux femmes ; (Ecclésiastique XXVI, 19) :
"[La femme sainte et pleine de pudeur est] une grâce qui passe toute
grâce, etc." Si donc la femme interrogeait, si elle discutait en
public, ce serait une preuve d’immodestie et une honte pour elle ; de là
vient que, dans le droit, il est interdit aux femmes de remplir l’office d’avocat. II° Quand saint Paul ajoute (verset 36) : Est-ce de vous que la parole,
etc.? il réfute les contradicteurs ; et parce que
tous pouvaient contredire à la fois, ou tout au moins ceux qui se piquaient
de sagesse, I. il les
réfute quant à leur Eglise entière ; II. quant à leurs sages particulièrement (verset 37) : Si
quelqu’un croit, etc. I. Sur le premier de
ces points, il faut se souvenir que le motif pour lequel le peuple contredit
ordinairement son Seigneur ou celui qui le dirige, c’est l’esprit singulier ;
or cet esprit peut être produit ou par un motif de priorité dans le bien, ou
en raison de sa propre excellence. 1° Voilà pourquoi saint Paul, voulant réfuter les
Corinthiens, ses contradicteurs, détruit d’abord en eux le prétexte de la
priorité, lorsqu’il dit (verset 36) : Est-ce de vous que la parole de Dieu
est sortie ? comme s’il répondait : nullement, car elle est sortie des
Juifs ; (Isaïe, II, 3) : "La loi sortira de Sion, etc. ",
comme s’il disait : si dans l’Eglise des Juifs, je faisais quelque règlement
contre leurs usages, ils pourraient y contredire, parce qu’ils ont eu d’abord
la parole de Dieu ; mais vous ne le pouvez pas, vous, puisque ce n’est pas de
vous que la parole de Dieu est sortie. 2° L’Apôtre réfute le motif tiré de leur propre
excellence (verset 37) : Ou êtes-vous les seuls, etc. ; en
d’autres termes : vous n’êtes pas les seuls qui ayez reçu la foi, d’autres
encore l’ont reçue ; par conséquent, vous ne valez pas mieux qu’eux (Ps.,
XVIII, 5) : "Leur voix a retenti dans toute la terre." ;
vous devez donc faire ce que font les autres. II. E ajoutant (verset
37) : Si quelqu’un croit, etc., saint Paul réfute en particulier les
plus avancés. A cet effet, 1° Il les
réfute ; 2° il répond
à une sorte d’objection tacite (verset 38) : Que si quelqu’un veut
l’ignorer, etc. 1° Il dit donc : Soit, que votre
Eglise tout entière ne contredise pas, si cependant (verset 37) : Quelqu’un
croit être prophète, etc. Il dit croit, parce que s’il contredit,
il n’est pas véritablement prophète, ni sage, ni spirituel, car alors il ne
contredirait pas. Il dit aussi prophète et spirituel, parce
qu’il en est beaucoup qui sont spirituels et ne sont pas prophètes, bien que
tous les prophètes soient des hommes spirituels. Que celui-là, je le répète,
qui croit ainsi être prophète et spirituel s’abstienne de contredire, et
(verset 37) qu’il connaisse, c’est-à-dire qu’il sache, que les choses
que je vous écris sont des ordres du Seigneur, et non pas les miens
seulement ; comme s’il disait : du moment que nul n’ose contredire les ordres
du Seigneur, et que ce que je vous écris est l’ordre de Dieu, que personne
n’ose contredire ; (I1 Cor., XIII, 3) : "Est-ce que vous voulez
éprouver, etc. ? Nous pouvons apprendre de ceci que les paroles des
apôtres procèdent d’une révélation intime du Saint Esprit et de Jésus-Christ
; par conséquent elles doivent être gardées comme les préceptes mêmes de
Jésus-Christ. Aussi l’Apôtre distingue expressément ce qu’il prescrit de sa
propre autorité, lorsqu’il dit (ci-dessus, VII, 25) : Quant aux vierges,
je n'ai point de précepte du Seigneur. 2° Mais on pourrait dire : ô Apôtre,
comment connaîtrai-je que ce sont les commandements de Dieu ? je ne puis le
savoir. L’Apôtre répond donc à cette objection en disant : Vous ne pouvez
alléguer une semblable raison, parce que vous ne devez pas l’ignorer. Et
pourquoi ? (verset 38) : Parce que si quelqu’un veut l’ignorer, etc. ;
(Matthieu XXV, 12) : "En vérité, je vous le dis, je ne vous connais
point." On voit par là que tous sont tenus de savoir ce qui est de
nécessité de salut, et ce qu’il a d’abord prescrit lui-même, qu’on soit
apôtre ou prophète. Ou encore : Si quelqu’un croit, etc. en sorte que
ce passage soit la confirmation de ce qui précède, comme si saint Paul disait
: je vous écris ces choses, mais vous ne sauriez les connaître, parce
qu’elles sont difficiles et que vous êtes simples encore ; mais, pour que
vous sachiez que ce que je vous ai écrit est juste et honnête, je veux en
appeler au témoignage des prophètes et des hommes spirituels qui sont au
milieu de vous. C’est pourquoi il dit : Si quelqu’un parmi vous, etc. ;
(ci-dessus, II, 15) : L’homme spirituel juge de toutes choses. Et pour
que personne ne dise : nous nous mettons peu en peine de savoir ces choses,
il ajoute qu’ils sont tenus de les connaître, parce que (verset 38) : Si
quelqu’un veut l’ignorer, etc. ; (Isaïe, V, 13) : "Mon
peuple a été emmené captif, etc. ; et (Psaume LXXXI, 5) : "Ils
sont dans l’ignorance, ils ne compren-nent pas, etc. " III° (verset 39) : Pour conclure donc, mes frères, etc., l’Apôtre
termine sa recomman-dation générale. I. Il les exhorte à désirer tous les dons, en disant :
Ainsi il est bon et de parler les langues et de prophétiser (verset 39) : Soyez
jaloux, c’est-à-dire désirez, de prophétiser. La raison en est
que, comme il est dit (Prov., XXIX, 18) : "Quand il n’y aura plus de
prophéties, le peuple se dissipera." Le mot
« prophétiser » est pris ici dans le sens qui lui a été donné dans
tout ce chapitre. Toutefois, bien que vous désiriez prophétiser, gardez-vous
de mettre obstacle à l’usage du don des langues, de peur de donner lieu à
des dissensions. II. Il exhorte
à en user suivant les règles données, en disant (verset 10) : Mais que
tout se passe avec décence, c’est-à-dire que, pendant que l’un parle, les
autres gardent le silence, et que les femmes ne parlent pas dans l’église, et
ainsi du reste ; (Rom., III, 13) : "Marchons dans la décence,
comme durant le jour, etc." III. Il les engage à observer l’ordre, en disant : et
avec ordre, c’est-à-dire que l’un, puis un autre parle, et par parties,
et ainsi des autres règles qui ont été données ; (Juges, V, 20) : "La
milice du ciel, semblable aux étoiles qui gardent leur rang, a combattu
contre Sisara." |
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Caput 15 |
CHAPITRE XV — RÉSURRECTION
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Lectio 1 |
Leçon 1 : 1 Corinthiens XV, 1-11 — La résurrection de Jésus |
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SOMMAIRE :
L’Apôtre fait l’éloge de la doctrine de l'Evangile, et expose ce qu’il faut
savoir sur la résurrection de Jésus-Christ. |
[1] notum autem vobis facio fratres evangelium quod praedicavi
vobis quod et accepistis in quo et statis [2] per quod et salvamini qua ratione praedicaverim vobis si
tenetis nisi si frustra credidistis [3] tradidi enim vobis in primis quod et accepi quoniam
Christus mortuus est pro peccatis nostris secundum scripturas [4] et quia sepultus est et quia resurrexit tertia die
secundum scripturas [5] et quia visus est Cephae et post haec undecim [6] deinde visus est plus quam quingentis fratribus simul ex
quibus multi manent usque adhuc quidam autem dormierunt [7] deinde visus est Iacobo deinde apostolis omnibus [8] novissime autem omnium tamquam abortivo visus est et mihi [9] ego enim sum minimus apostolorum qui non sum dignus vocari
apostolus quoniam persecutus sum ecclesiam Dei [10] gratia autem Dei sum id quod sum et gratia eius in me
vacua non fuit sed abundantius illis omnibus laboravi non ego autem sed
gratia Dei mecum [11] sive
enim ego sive illi sic praedicamus et sic credidistis |
1. Je crois
maintenant, mes frères, vous devoir faire souvenir de l’Evangile, que je vous
ai prêché, que vous avez reçu, dans lequel vous demeurez fermes, 2. Et par
lequel vous êtes sauvés, afin que vous voyiez si vous l’avez retenu, comme je
vous l’ai annoncé, puisque autrement ce serait en vain que vous auriez
embrassé la foi. 3. Car, premièrement,
je vous ai enseigné et comme donné en dépôt ce que j’avais moi-même reçu, à
savoir que le Christ est mort pour nos péchés, selon les Ecritures ; 4. Qu'il a
été enseveli et qu'il est ressuscité le troisième jour, selon les Ecritures; 5. Qu’il s'est
fait voir à Céphas, puis aux onze apôtres ; 6. Qu'après
avoir été vu en une seule fois par plus de cinq cents frères, dont il y a
plusieurs qui vivent encore aujourd’hui, et quelques-uns sont déjà morts ; 7. Qu'il
s'est fait voir à Jacques, puis à tous les apôtres ; 8. Et
qu’enfin, après tous les autres, il s'est fait voir à moi-même, qui ne suis
qu'un avorton. 9. Car je
suis le moindre des apôtres, et même je ne suis pas digne d’être appelé
apôtre, parce que j’ai persécuté l’Eglise de Dieu. 10. Mais c'est
par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis, et sa grâce n'a pas été
stérile en moi ; mais j’ai travaillé plus que tous les autres, non pas moi
seul toutefois, mais la grâce de Dieu avec moi. 11. Ainsi,
soit que ce soit moi ou eux, voilà ce que nous prêchons, et voilà ce que vous
avez cru. |
[87681] Super 1 Cor. [reportatio
vulgata], cap. Secundo quantum ad communem fidem omnium
populorum, et ideo dicit quod et accepistis, omnes. Sed hoc Augustinus dicit
pertinere ad eminentiam huius fidei, faciens tale argumentum : ad credenda ea
quae sunt fidei, aut sunt miracula facta, aut non. Si sunt facta miracula,
habeo propositum quod dignissima et certissima est. Si non sunt facta, hoc
est maximum omnium miraculorum, quod per quosdam paucos conversi sunt ad
fidem infinita multitudo hominum; per pauperes, praedicantes paupertatem,
divites; per idiotas, praedicantes ea quae rationem excedunt, conversi sunt
sapientes et philosophi. Ps. XVIII, 5 — in omnem terram exivit sonus eorum,
et cetera. Sed si obiiciatur, quod etiam lex Mahometi
recepta est a multis, dicendum quod non est simile, quia ille opprimendo et
vi armorum subiugavit eos; sed isti apostoli moriendo, ipsi alios ad fidem duxerunt,
et faciendo signa et prodigia. Ille enim proponebat quaedam quae ad delicias
et lascivias pertinent, sed Christus et apostoli terrenorum contemptum. I Thess. II, 13 — cum
accepistis a nobis verbum Dei, et cetera. Tertio quantum ad
virtutem, quia confirmat et elevat ad caelestia. Ideo dicit in quo statis,
scilicet elevati ad caelestia. Ille enim dicitur stare qui rectus est, et hoc
sola lex Christi facit. Rom. V, 1 — iustificati per fidem, et cetera.
Lex enim vetus non faciebat stare, sed curvabat ad terrena. Deut. XXXIII, 28
— oculus Iacob in terra frumenti et vini. Quarto quantum ad utilitatem, quia sola nova lex
perducit ad finem salutis; vetus autem non. Hebr. VII, 19 — neminem ad
perfectum adduxit lex. Et ideo dicit per quod et salvamini. Hic
iam ex certitudine spei per inchoationem, quae est per fidem, salvamini, et
in futuro in veritate rei et spei. Iac. c. I, 21 — in mansuetudine
suscipite insitum verbum, et cetera. Io. XX, 31 — haec autem scripta
sunt, ut credatis, et ut credentes, et cetera. Et apponit hic duas conditiones. Primam cum dicit si tenetis, et cetera.
Glossa sic exponit : si tenetis qua ratione praedicavi vobis, illud
Evangelium, id est resurrectionem mortuorum, ea ratione, qua
confirmavi vobis, id est per resurrectionem Christi. Vel aliter :
salvamini, ita tamen si tenetis, id est, si servatis ea ratione qua
praedicavi vobis Evangelium Christi. Secunda conditionem ponit cum dicit nisi
frustra credidistis. Quasi dicat : salvamini per fidem, si non frustra
credidistis, id est si fidei adduntur bona opera, quia fides sine
operibus mortua est, Iac. II, 26. Illud enim dicitur esse frustra, quod
est ad finem quem non consequitur. Finis autem fidei est visio Dei. Unde si
non salvamini, frustra credidistis, non simpliciter, sed inquantum non
pervenit ad finem. Vel aliter : si tenetis, quasi dicat, teneatis, nisi
frustra, et cetera. Tradidi enim. Hic ostendit propositum,
et cetera. Circa hoc tria facit. Primo ostendit originem doctrinae de
resurrectione Christi; secundo ostendit ea quae in doctrina huiusmodi
continentur, ibi quoniam Christus mortuus; tertio consonantiam seu
convenientiam praedicantium ad hanc doctrinam, ibi sive enim ego, et
cetera. Dicit ergo primo : istud debetis tenere, id est
memoria habere, quod tradidi vobis in primis, et adhuc trado. Et dicit
in primis, id est inter prima credenda. Credenda enim vel
pertinent ad Trinitatem, vel fidem incarnationis. Et primo debet homo credere
ea quae ad fidem incarnationis pertinent, et postea quae ad Trinitatem
pertinent. Unde
quod tradidi vobis in primis, scilicet de incarnatione, et non a me,
vel ex mea auctoritate tradidi, sed quod accepi a Christo vel a
spiritu sancto. Gal. I, 1 — Paulus apostolus, etc., supra XI, 23 — ego
accepi a domino, et cetera. Is. XXI, 10 — quae audivi a domino
exercituum, et cetera. Ea autem quae accepit et tradidit, sunt quatuor,
scilicet : mors, sepultura, resurrectio, apparitio Christi. Dicit ergo primo :
tradidi vobis, primo, mortem Christi. Et ideo dicit quoniam Christus
mortuus est. In quo removet duplicem suspicionem, quae suboriri posset
circa mortem Christi. Prima est quod mortuus esset pro peccatis suis
actualibus, vel originali. Et hoc excludit, cum dicit pro peccatis nostris,
non suis. Is. LIII, 8 — propter scelus populi mei percussi eum. I
Petr. III, 18 — Christus semel pro peccatis nostris, et cetera. Alia
suspicio est quod mors Christi esset casualis, vel violentia Iudaeorum. Et
hoc excludit cum dicit secundum Scripturas, scilicet veteris et novi
testamenti; et ideo signanter specialiter dicit secundum Scripturas.
Is. LIII, 7 — sicut ovis ad occisionem ductus est. Ier. XI, 19 — ego
quasi agnus mansuetus, qui portatur ad victimam, et cetera. Matth. XX, 18
— ecce ascendimus Ierosolymam, et cetera. Tradidi enim vobis, secundo, sepulturam Christi,
et ideo dicit et quia sepultus est. Sed numquid sepultura est articulus fidei
specialiter, quia facit hic mentionem specialiter de ea? Dicendum quod
secundum illos, qui numerant articulos secundum credenda, non est specialis
articulus fidei, sed includitur cum articulo passionis et mortis Christi.
Cuius ratio est quia fides est eorum quae sunt supra rationem. Unde ibi
incipit articulus fidei, ubi deficit ratio. Hoc autem primum est, quod
dominus sit conceptus, et ideo conceptio est articulus fidei; secundum, quod
Deus est natus de virgine, et ideo hic est alius; tertium, quod impassibilis
Deus patiatur et moriatur, et hic est alius, et cum hoc intelligitur etiam de
sepultura. Unde non est specialis articulus. Facit autem apostolus hic mentionem
de sepultura propter tria. Primo ut ostendat veritatem mortis Christi.
Evidens enim mortis signum alicuius est, quod sepeliatur. Secundo ad
ostendendum veritatem resurrectionis, quia si non fuisset sepultus, nec
custodes fuissent iuxta sepulchrum illis diebus, possent dicere, quod
discipuli fuissent eum furati. Tertio quia apostolus vult eos inducere ad
fidem resurrectionis, et hoc videtur magis difficile, quod sepultus resurgat.
Et de hoc dicitur Is. c. XI, 10 — et erit sepulchrum eius gloriosum.
Is. LIII, 9 — dabit impios, et cetera. Tradidi etiam vobis resurrectionem, quia resurrexit
tertia die. Os. VI, 3 — vivificabit nos post, et cetera. Et etiam
dicit tertia die, non quod fuerint tres dies integri, sed duae noctes,
et una dies per synecdochen. Et huius causa fuit, sicut dicit Augustinus,
quia Deus per suum simplum, id est per malum poenae, quod significatur per
unum diem, destruxit nostrum duplum, id est poenam et culpam, quod
significatur per duas noctes. Tradidi etiam vobis, quarto, Christi apparitiones,
quia visus est Cephae. Et ponit primo apparitiones factas aliis,
secundo apparitiones factas sibi soli, ibi novissime. Sciendum est autem, circa primum, quod
apparitiones Christi non sunt factae omnibus communiter, sed aliquibus
specialibus personis. Act. X, 40 — dedit eum manifestum fieri, et
cetera. Et huius ratio fuit, ut servaretur ordo in Ecclesia, ut, per quosdam
speciales, fides resurrectionis deveniret ad alios. Notandum autem est quod
apparitiones Christi non ponuntur hic omnes, nec illae quae factae sunt
mulieribus. Ponuntur autem hic quaedam quae non leguntur in Evangeliis. Et
horum ratio fuit, quia apostolus vult ex ratione confutare infideles, et ideo
noluit ponere testimonia nisi authentica; et ideo tacuit apparitiones
mulieribus factas, et posuit quasdam quae non inveniuntur, ut ostendat quod
etiam aliis pluribus apparuit. Sed facit mentionem specialem de Petro et
Iacobo, quia erant quasi columnae, ut dicitur Gal. c. II, 9. Dicit ergo : tradidi
vobis, quia visus est Cephae, id est Petro, Lc. ult. : surrexit
dominus vere, et cetera. Et creditur quod inter viros primo apparuit
Petro, quia erat in maxima tristitia. Unde et Angelus dixit Mc. ult. : ite,
dicite discipulis eius et Petro, et cetera. Postea, id est in alia
vice, visus est undecim apostolis. Semel quidem visus est decem
tantum, quando Thomas erat absens, et post octo dies undecim, quando Thomas
erat cum eis. Augustinus dicit quod debet dicere duodecim, sed corruptum est
vitio scriptorum, et dicit quod non refert quod iam obierat, et Mathias
nondum erat electus, quia consuetum est quod quando maior pars collegii facit
aliquid, dicitur quod totum collegium hoc facit. Unde quia dominus elegerat
duodecim, ideo potest dici quod visus est duodecim, id est, toti collegio
apostolorum; sed non est vitium, sive dicatur duodecim, sive undecim. Deinde,
iterum, visus est plus quam quingentis fratribus. Sed de hoc nihil
legimus in sacra Scriptura, nisi hoc quod hic dicitur. Potest tamen dici quod
haec apparitio fuit de qua loquitur Dionysius in III de divinis nominibus,
quando omnes discipuli convenerunt ad videndum corpus, quod ferebat principem
vitae. Sed contra hoc videtur esse quia hoc fuit ante ascensionem, quando
scilicet Christus apparuit Iacobo. Sed congregatio discipulorum ad videndum
beatam virginem, de qua videtur loqui Dionysius, fuit multum post. Et ideo
melius videtur dicendum quod apparuit quingentis fratribus simul ante
ascensionem suam; et non refert quod dicitur discipuli erant centum viginti,
quia licet illi, qui erant in Ierusalem, essent centum viginti, tamen in
Galilaea multi erant discipuli, et forte omnes congregati sunt simul cum
apparuit. Et, ut huius testimonium sit magis certum, dicit quod ex eis adhuc
multi manent, id est vivunt, quidam autem ex eis dormierunt,
id est mortui sunt in spe resurrectionis. Et vocat sanctorum mortem
dormitionem quia moriuntur carne corruptibili, ut resurgant incorruptibiles.
Rom. VI, 9 — Christus resurgens, et cetera. Deinde, id est
post, visus est Iacobo, scilicet Alphaei. Et ratio huius potest
assignari, quia, ut legitur, Iacobus vovit se non sumpturum cibum, nisi prius
videret Christum. Sed secundum hoc non servaretur ordo apparitionis, quia, si
post omnes numeratas apparitiones apparuisset Iacobo, nimis fuisset sine cibo
: et hoc est difficile. Et ideo dicendum est quod ideo singulariter Christus
apparuit Iacobo, quia specialem devotionem Iacobus ad Christum habuit. Et de
ista etiam apparitione nihil habetur in Evangelio. Deinde, post hoc
scilicet, visus est omnibus apostolis in ascensione, ut legitur Matth.
ult. et Act. I, 3 ss. Novissime autem omnium, et cetera. Hic apostolus
commemorat apparitionem factam sibi soli. Et circa hoc duo facit. Primo
ostendit ordinem apparitionis; secundo rationem eius assignat, ibi ego
enim sum, et cetera. Dicit ergo ita : dixi quod omnibus manifestatus est
Christus, novissime, id est ultimo et post ascensionem, visus est
et mihi tamquam abortivo, et ideo novissime. Dicit autem tamquam
abortivo, propter tria. Abortivus dicitur aliquis foetus vel quia nascitur
extra tempus debitum, vel cum violentia educitur, vel quia non perducitur ad
debitam quantitatem; et quia haec tria videbat in se apostolus, ideo dicit tamquam
abortivo. Primo enim ipse extra tempus aliorum apostolorum renatus est
Christo. Nam alii apostoli renati sunt Christo ante adventum spiritus sancti,
Paulus vero post. Secundo
quia alii apostoli spontanee conversi sunt ad Christum, sed Paulus coactus. Act. IX, 4 — prostravit
eum ad terram, et cetera. Et hoc multum valet contra haereticos, qui
dicunt quod nullus debet cogi ad fidem, quia Paulus coactus fuit. Et sicut
dicit Augustinus, plus profecit in fide Paulus cum coacte conversus est, quam
multi qui spontanee venerunt. Tertio quia reputat se aliis minorem, et non
pervenisse ad virtutem aliorum apostolorum. Et ideo, quasi rationem assignans, dicit ego
enim sum minimus, et cetera. Circa hoc duo facit. Primo enim ostendit
suam parvitatem; secundo rationem huius exponit, ibi quoniam persecutus
sum, et cetera. Parvitatem autem suam manifestat, primo, in comparatione
ad apostolos cum dicit ego enim sum minimus. Is. LX, v. 22 — minimus
erit in mille, et parvulus in gentem fortissimam, Eccli. III, 20 — quanto
magnus es, et cetera. Et licet sit minimus in comparatione ad apostolos,
posset tamen dici quod est magnus in comparatione ad alios, quia est
apostolus; et ideo, secundo, ostendit suam parvitatem in comparatione ad
alios, cum dicit qui non sum dignus, non solum esse sed vocari
apostolus, licet vocer, I1 Cor. III, 5 — non quod sufficientes, et
cetera. Sed posses dicere : o apostole, propter
humilitatem nullus debet dicere falsum; cum ergo tu sis magnus, quare vocas
te minimum? Et ideo cum dicit quoniam persecutus, etc., ostendit
quomodo sit minimus, et quomodo non minimus. Minimum autem dicit se,
considerando praeterita facta sua. Et dicit non sum dignus, et cetera.
Quare? Quia persecutus sum Ecclesiam Dei, quod alii apostoli non
fecerunt. Gal. I, 13 — supra modum persequebar, et cetera. I Tim. I,
13 — qui fui blasphemus et persecutor, et cetera. Et licet ex me sim
minimus, tamen ex Deo non sum minimus; et ideo dicit gratia Dei sum id
quod sum. Et circa hoc duo facit. Primo commendat conditionem suam
quantum ad statum; secundo quantum ad executionem status, ibi et gratia
eius, et cetera. Dicit ergo primo : ex me nihil sum, sed id quod sum, gratia Dei sum,
id est ex Deo, non ex me. Eph. III, 7 — cuius factus sum minister, et cetera. Et dicit id
quod sum, quia homo sine gratia nihil est. Supra c. XIII, 2 — si
habuero omnem prophetiam, et cetera. Sed qualiter usus sit et executus statum suum,
ostendit, dicens et gratia eius, et cetera. Ubi primo ostendit quomodo
usus sit gratia ista, quia ad bonum, et ideo dicit in me vacua non fuit,
id est otiosa, quia ea usus est ad id ad quod data est sibi. Gal. c. II, 2 — non
in vacuum cucurri, et cetera. Secundo manifestat quomodo alios excessit,
et ideo subdit sed abundantius illis omnibus, id est apostolis
sigillatim, laboravi, praedicando, quia nullus per tot loca
praedicavit et annuntiavit Christum, unde dicit Rom. XV, 19 — ita quod a
Ierusalem usque ad Illyricum, etc., et etiam usque ad Hispaniam;
operando, quia licet ipse, sicut alii apostoli, posset exigere sumptus sibi
necessarios, tamen specialiter voluit de labore manuum quaerere sumptus suos,
ut ipse dicit II Thess. III, 8 — nocte et die manibus nostris, etc.;
tribulationes sustinendo; nullus enim apostolorum tot persecutiones et
tribulationes sustinuit, ut ipse enumerat I1 Cor. XI, 23 — in laboribus
plurimis et carceribus, et cetera. Tertio ostendit usus efficaciam, quia
hoc non a se solo sed ex instinctu et adiutorio spiritus sancti. Et ideo dicit non
autem ego, solus operor, sed gratia Dei mecum, quae movet
voluntatem ad hoc. Is.
XXVI, 12 — omnia opera nostra, et cetera. Phil. II, 13 — qui operatur
in nobis velle, et cetera. Deus enim non solum infundit gratiam, qua nostra
opera grata fiunt et meritoria, sed etiam movet ad bene utendum gratia
infusa, et haec vocatur gratia cooperans. Sive ego enim, et cetera. Hic ostendit
concordiam praedicantium; et hoc potest dupliciter legi. Primo ut sit confirmatio dictorum, quasi dicat
aliquis : tu ita praedicas sed tamen non credimus tibi soli, quia minimus es
inter apostolos. Ideo respondens apostolus ait : immo debetis mihi credere,
quia ego non praedico alia; sive ego, sive alii apostoli sic
praedicamus, scilicet Christum resurrexisse et visum fuisse, et cetera. Et vos etiam credidistis
sicut ego et illi praedicaverunt, scilicet quod Christus resurrexit, et visus
est, et cetera. I1 Cor. c. IV, 13 — habentes eumdem spiritum, et
cetera. Secundo potest legi ut
efficacia praedicationis sit omnibus apostolis ex uno, id est a gratia Dei,
quasi dicat : sive ego praedicem, sive illi, id est apostoli,
sicut praedicamus, hoc fecimus adiuti et firmati per gratiam Dei; et etiam
vos ipsi credidistis, scilicet inspirati spiritu sancto et gratia Dei,
sine qua nihil facere possumus. Io. XV, 5 — sine me nihil potestis facere. |
Saint Paul,
après avoir instruit les Corinthiens de la doctrine des sacrements, de ce qu’ils
contiennent et de ce qu’ils signifient, c’est-à-dire de la grâce et de ses
effets, les instruit ensuite de ce qui n’est pas contenu, mais signifié dans
ces mêmes sacrements, à savoir de la gloire de la résurrection, qui n’est pas
renfermée dans le sacrement, puisque celui qui le reçoit ne l’obtient pas
immédiatement, mais que le sacrement signifie, en tant qu’il confère à celui
à qui il est donné la grâce pour arriver à la béatitude. Dans ce dessein,
premièrement, il traite de la résurrection ; secondement, il prouve par elle
la résurrection commune de tous les hommes ; (verset 12) : Puis donc
qu’on vous prêche que Jésus-Christ, etc. Sur la première partie de cette
question, l’Apôtre I° exalte la
doctrine évangélique ; II° il expose
ce qu’il faut savoir sur la résurrection de Jésus-Christ (verset 3) : Car
je vous ai d’abord enseigné, etc. I° Saint Paul relève l’excellence de
la doctrine évangélique sur quatre points : I. Par l’autorité de ceux qui l’enseignent, car ce sont
les apôtres eux-mêmes. C’est ce qui lui fait dire (verset 4) : Mes frères,
en continuant ce qui précède, je vous rappelle le souvenir de
l’Evangile, qui veut dire bonne nouvelle, laquelle commence à
Jésus-Christ. Tout ce qui appartient à Jésus-Christ ou vient de Jésus-Christ
lui-même s’appelle Evangile. que je vous ai prêché, en d’autres termes
ce que je vous ai prêché de Jésus-Christ, je vous le fais connaître,
c’est-à-dire je le rappelle à votre souvenir, comme si ce que je vous écris
n’était pas nouveau ; (Philip., III, 1) : "[Il vous est
avantageux] que je vous écrive les mêmes choses, etc.," que je vous
ai prêchées à vous moi-même, pendant que les autres apôtres le prêchaient à
d’autres. Cette circonstance relève l’autorité de cette doctrine, parce
qu’elle vient de Jésus-Christ, de Paul et des autres apôtres ; (Hébr.,
II, 3) : "doctrine qui, annoncée d’abord par le Seigneur
lui-même." II. Par la foi commune
à tous les peuples ; c’est pourquoi il dit (verset 4) : que vous avez reçu
tous. Cependant saint Augustin dit que ceci appartient à l’éminence de la
foi, et il emploie cet argument : Pour croire les choses qui sont de foi, des
miracles ont été opérés, ou non : s’il y a eu des miracles, j’ai une
démonstration que la foi est très certaine et très excellente ; s’il n’y en a
pas eu, c’est le plus grand de tous les miracles qu’une multitude infinie
d’hommes aient été convertis à la foi par quelques hommes seulement, les
riches par des pauvres qui prêchaient la pauvreté, les sages et les
philosophes par des ignorants prêchant des dogmes qui dépassent la portée de
la raison ; (Psaume XVIII, 5) : "Leur voix a éclaté par toute la
terre, etc. ." On objecte
que la loi de Mahomet a été également reçue par un grand nombre. Il faut
répondre que ce n’est pas la même chose, parce que Mahomet a soumis ses
adeptes par la violence et la force des armes ; mais c’est en mourant
eux-mêmes que les apôtres ont amené les païens à la foi, et de plus en
opérant des signes et des prodiges. Ce que proposait Mahomet favorisait les
délices et les dissolutions de la vie ; Jésus-Christ et ses apôtres
prêchaient le mépris des biens terrestres ; (I Thess., II, 13) : "Ayant
entendu la parole de Dieu que nous vous prêchions, etc." III. Par son efficacité,
car cet Evangile affermit les hommes et les élève vers les biens célestes.
C’est pourquoi saint Paul dit (verset 1) : dans lequel vous demeurez
fermes, c’est-à-dire élevés vers les choses célestes, car on dit que
celui-là se tient ferme, qui est droit ; or seule la loi de Jésus-Christ peut
produire cet effet ; (Rom., V, 1) : "Justifiés donc par la foi,
etc." La loi ancienne ne faisait pas demeurer ferme, mais elle
courbait vers les choses terrestres ; (Deut., XXXIII, 28) : "L’oeil
de Jacob verra sa terre pleine de blé et de vin." IV. Par son utilité, car seule la loi
nouvelle conduit au salut, qui est notre fin ; ce que ne faisait pas la loi
ancienne ; (Hébr., VII, 19) : "La Loi n’a conduit personne à la
perfection." C’est ce qui fait dire à saint Paul (verset 2) : et
par lequel vous serez sauvés, déjà ici-bas, par la fermeté de
l’espérance, qui est comme le commencement du salut (lequel s’obtient par la
foi) ; et dans la vie future, en vérité, par la possession du bonheur espéré
ici-bas ; (Jacq., I, 21) : "Recevez avec docilité la parole
entée en vous, etc." ; et (Jean XX, 31) : "Ces miracles
ont été racontés afin que vous croyiez, et qu’en croyant, etc." L’Apôtre
pose ici deux conditions : 1° la première lorsqu’il dit (verset
2) : Si vous l’observez, etc. La Glose l’explique ainsi : "Si
vous observez, comme je vous l’ai annoncé, cet Evangile, c’est-à-dire si
vous croyez la résurrection des morts, d’après la raison par laquelle je
vous l’ai prouvée, à savoir par la résurrection de Jésus-Christ". Ou
encore : Vous serez sauvés, si toutefois vous observez, c’est-à-dire vous conservez
dans l’intégrité des motifs sur lesquels je l’ai appuyé, l’Evangile de
Jésus-Christ. 2° Il exprime
la seconde condition, quand il dit (verset 2) : Si vous n’avez pas
vainement embrassé la foi, comme s’il disait : vous serez sauvés par la
foi, à moins que vous ne l’ayez vainement embrassée, c’est-à-dire si à
la foi vous ajoutez les bonnes œuvres ; car "la foi sans les oeuvres
est une foi morte" (Jacques II, 17). On dit, en effet, qu’une chose
est vaine quand elle est destinée à une fin qu’elle n’atteint pas ; or la fin
de la foi, c’est. la vision de Dieu. Si donc vous n’êtes pas sauvés, c’est en
vain que vous avez cru, non quant à la foi même, mais en tant que votre foi
ne parvient pas à sa fin ; ou autrement encore : Si vous l’obtenez,
comme s’il disait : soyez-y fidèles, car ce serait en vain, etc… II° (verset 3) : Car je vous ai d’abord enseigné, saint Paul
énonce ici sa proposition. I. Il rappelle
l’origine du dogme de la résurrection de Jésus-Christ, et il fait ressortir
ce que ce dogme contient (verset 3) : que Jésus-Christ est mort ; II. l’accord ou la
conformité des prédicateurs avec cette doctrine (verset (1) : Que ce soit
donc moi, etc. I. Il dit donc : Vous
devez retenir, c’est-à-dire garder dans votre mémoire, ce que je vous ai
enseigné d’abord, et vous enseigne encore. Il dit : d’abord,
c’est-à-dire parmi les premières vérités qu’il faut croire, car ce qu’il faut
croire se rapporte ou à la Trinité ou à la foi de l’Incarnation. On doit
d’abord croire ce qui a rapport à cette foi de l’Incarnation, et ensuite ce
qui appartient à la Trinité. Ainsi ce que je vous ai enseigné d’abord,
à savoir la doctrine de l’Incarnation, je vous l’ai enseigné non pas comme
venant de moi ou de mon autorité, mais comme l’ayant reçu de
Jésus-Christ ou du Saint Esprit ; (Gal., I, 1) : "Paul, établi
apôtre, etc. et (ci-dessus, XI, 23) : C’est du Seigneur même que j’ai
appris, etc. ; et (Isaïe, XXI, 10) : "Ce que j’ai appris du
Seigneur des armées, etc." Or ce que saint Paul a reçu et enseigné,
ce sont ces quatre points : la mort, l’ensevelissement, la résurrection et
l’apparition de Jésus-Christ. 1° Il dit
donc : Je vous ai annoncé, en premier lieu, la mort de Jésus-Christ ; c’est
pourquoi il dit (verset 3) : que Jésus-Christ est mort. Par ces
paroles il détruit un double soupçon qui pouvait s’élever sur cette mort : le
premier, qu’il serait mort pour le péché originel ou pour ses péchés
actuels ; et cela, saint Paul l’écarte en disant (verset 3) : pour
nos péchés, et non pour les siens ; (Isaïe, LIII, 8) : "C’est
pour les péchés de mon peuple que je l’ai frappé" ; et (I
Pierre, III, 18) : "Jésus-Christ a souffert la mort une fois pour nos
péchés." Le second soupçon, c’est que la mort de Jésus-Christ aurait
été accidentelle, par la violence des Juifs. L’Apôtre y répond, en disant
(verset 3) : selon les Ecritures, c’est-à-dire de l’Ancien et du
Nouveau Testament ; aussi dit-il expressément : selon les Ecritures ;
(Isaïe, LIII, 7) : "Il sera mené à la mort, comme une brebis qu’on va
égorger" ; (Jér., XI, 19) : "Pour moi, j’étais
comme un agneau plein de douceur qu’on porte pour en faire une victime, etc." ;
(Matthieu XX, 18) : "Voilà que nous montons à Jérusalem, etc." 2° Je vous ai enseigné, secondement,
la mise au tombeau de Jésus-Christ. Il dit donc (verset 4) : Il a été mis
dans le tombeau. Mais la
sépulture est-elle donc un article spécial de la foi, pour que saint Paul en
fasse ici spécialement mention ? Il faut répondre que, dans le sentiment de
ceux qui comptent les articles de foi par les vérités à croire, la sépulture
n’est pas un article spécial, mais est contenue dans l’article de la Passion
et de la mort de Jésus-Christ. La raison de ceci, c’est que la foi a pour
objet ce qui est au-dessus de la raison : là commence donc l’article de foi,
où la raison vient à être impuissante. Or la première de ces vérités, c’est
que Jésus-Christ a été conçu, et par conséquent sa conception est un article
de foi ; la seconde, c’est qu’un Dieu soit né d’une vierge : c’est là un
second article ; la troisième, qu’un Dieu impassible souffre et meure : c’en
est un autre article, dans lequel on comprend la mise au tombeau. La mise au
tombeau de Jésus-Christ ne forme donc point un article spécial ; mais
l’Apôtre en fait ici mention pour trois raisons : premièrement, pour prouver
la réalité de la mort de Jésus-Christ, car un signe évident de la mort d’une
personne, c’est qu’elle reçoit la sépulture ; secondement, pour établir la
vérité de la résurrection, parce que si Jésus-Christ n’avait pas été mis dans
le tombeau, et si en ces jours des gardes n’eussent pas été posés à l’entour,
on aurait pu dire que les disciples l’avaient enlevé ; troisièmement, parce
que l’Apôtre veut conduire les Corinthiens à la foi de la résurrection ; or
il paraît plus difficile qu’on ressuscite après avoir été mis dans le tombeau
; c’est pourquoi il est dit (Isaïe XI, 10) : "Et son sépulcre sera
glorieux" ; et (Isaïe LIII, 9) : "Il aura les impies, etc." 3° Je vous ai aussi enseigné sa
résurrection, car il est ressuscité le troisième jour ; (Osée,
VI, 3) : "Il nous rendra la vie dans deux jours, etc."
L’Apôtre dit aussi : le troisième jour, non qu’il y eût trois jours
pleins, mais deux nuits et un jour : c’est une synecdoque. La cause de cette
disposition, comme le remarque saint Augustin, c’est que Dieu, par son opération
simple, c’est-à-dire par le mal de la peine, qui est marqué par un jour, a
détruit en nous deux choses, à savoir la peine et la coulpe, qui sont
figurées par les deux nuits. 4° Je vous ai enseigné les apparitions
de Jésus-Christ, car (verset 5) : Il est apparu à Céphas. L’Apôtre
rappelle d’abord les apparitions faites aux autres, ensuite les apparitions
faites à lui seul (verset 8) : et qu’enfin après tous les autres. A) Sur la première partie, il faut se
rappeler que les apparitions de Jésus-Christ n’ont pas été faites à tous les
disciples réunis, mais à quelques disciples spécialement choisis ;
(Actes, X, 40) : "Dieu… a voulu qu’il se manifestât, etc."
En voici le motif : il fallait conserver dans l’Eglise cet ordre, que la foi
de la résurrection se transmit de quelques-uns, spécialement choisis, aux
autres. Il faut aussi remarquer que l’Apôtre ne raconte pas ici toutes les
apparitions de Jésus-Christ, ni celles qui furent faites aux femmes.
D’autres, au contraire, sont rapportées ici, qu’on ne lit pas dans les
Evangiles. La raison en est que saint Paul veut ici réfuter par le
raisonnement les infidèles. Il n’a donc voulu citer que des témoignages
authentiques ; par suite, il a passé sous silence les apparitions faites aux
femmes, et en a cité d’autres qu’on ne trouve point dans les récits sacrés,
afin de montrer que Jésus-Christ apparut encore à plusieurs autres. Il fait
mention spécialement de Pierre et de Jacques, parce qu’ils étaient comme les
colonnes de l’Eglise, ainsi qu’il est dit (Gal., II, 9). Il dit donc (verset
5) : Je vous ai enseigné qu’il a apparu à Céphas, c’est-à-dire à
Pierre ; (Luc, XXIV, 34) : "Le Seigneur est véritablement
ressuscité, etc." On croit qu’entre tous les autres, il apparut
d’abord à Pierre, parce que cet apôtre était dans une grande tristesse ;
aussi l’ange dit-il (Marc, XVI, 7) : "Allez, dites à ses disciples et
à Pierre, etc." ; (verset 5) et après, c’est-à-dire dans
une autre circonstance, aux autres apôtres. Il apparut une fois aux
apôtres, alors qu’ils n’étaient que dix, Thomas étant absent, et huit jours
après, alors qu’ils étaient onze, Thomas se trouvant avec eux. Saint Augustin
prétend que saint Paul doit dire aux douze, mais que ce passage a été altéré
par la faute des copistes. Il ajoute qu’il importe peu que Judas fût mort
déjà, et que Matthias ne fût pas encore élu, parce que d’ordinaire, quand la
plus grande partie d’un corps fait une chose, on la dit faite par tout ce
corps. Le Seigneur ayant donc choisi les douze, on peut dire qu’il apparut
aux douze, c’est-à-dire à tout le collège apostolique ; toutefois il n’y a
pas de faute à dire : aux onze ou aux douze ; (verset 6) : qu’ensuite, de
nouveau il s’est fait voir à plus de cinq cents frères assemblés. Nous ne
lisons rien de cette apparition dans la Sainte Ecriture, si ce n’est ce qui
est dit ici. On peut dire cependant que ce fut l’apparition dont parle saint
Denis (des noms divins, III),
quand tous les disciples se réunirent pour voir le corps qui portait le
prince de la vie. Mais on peut objecter que cette apparition eut lieu avant
l’Ascension, c’est-à-dire quand le Seigneur se fit voir à Jacques. Or, la
réunion des disciples dont semble parler saint Denis eut pour but de voir la
bienheureuse Vierge, et n’eut lieu que longtemps après. Il est donc mieux de répondre
que Jésus-Christ apparut aux cinq cents disciples assemblés avant son
ascension. Il importe peu qu’on dise que les disciples étaient au nombre de
cent vingt, parce que, bien que ceux qui étaient présents à Jérusalem aient
été cent vingt, il y avait en Galilée beaucoup d’autres disciples, et
peut-être furent-ils réunis aux premiers au moment de l’apparition. Pour que
ce témoignage revête une plus grande certitude, l’Apôtre dit que (verset 6) :
parmi ces disciples, plusieurs demeurent encore, c’est-à-dire sont
vivants, et quelques-uns dorment, c’est-à-dire sont morts dans
l’espérance de la résurrection. Saint Paul appelle la mort des saints un
sommeil, parce que les saints meurent dans une chair corruptible, pour
ressusciter incorruptibles ; (Rom., VI, 9) : "Jésus-Christ,
ressuscité d’entre les morts, etc." ; (verset 7) : Ensuite
il s’est fait voir à Jacques, fils d’Alphée. On en peut donner
cette raison, que cet apôtre, comme on le lit [dans l’Evangile], avait fait
voeu de ne pas prendre de nourriture avant d’avoir vu le Christ. Mais,
d’après cette explication, l’ordre des apparitions ne serait plus conservé,
car si Jésus-Christ était apparu à Jacques après toutes les apparitions qui
sont rapportées, cet apôtre eût été trop longtemps sans prendre de nourriture,
ce qui n’est pas sans difficulté. Il faut donc répondre que Jésus-Christ se
fit voir en particulier à Jacques, à cause de la dévotion particulière de cet
apôtre pour son Maître. Nous n’avons rien dans l'Evangile sur cette
apparition. Le Sauveur se fit voir ensuite à tous les apôtres,
à son ascension, ainsi qu’il est rapporté au dernier chapitre de saint
Matthieu et au premier chapitre des Actes (I,3). B) (verset 8) : Enfin, après tous les autres, etc. Ici
l’Apôtre rappelle l’apparition qui fut faite à lui seul. D’abord il montre
l’ordre de l’apparition ; ensuite il en donne la raison (verset 9) : car
je suis, etc. a) Il dit
donc : J’ai dit que Jésus-Christ s’était ainsi fait voir à tous. Enfin,
c’est-à-dire en dernier lieu et après son ascension, il s’est aussi fait
voir à moi, qui ne suis qu’un avorton, et par conséquent, le dernier de
tous. Il dit « comme un avorton », pour trois raisons. On
appelle avorton l’enfant qui naît avant terme, ou qu’on a extrait du sein
maternel avec violence, ou qui n’a pas atteint son complet développement.
Comme l’Apôtre reconnaissait en lui-même ces trois défauts, il dit : comme
un avorton. En effet, d’abord sa renaissance à Jésus-Christ n’eut lieu
qu’après que les autres apôtres eurent été appelés, car ils furent régénérés
pour Jésus-Christ avant la descente du Saint Esprit ; Paul ne le fut
qu’après. De plus, les autres apôtres se convertirent spontanément à
Jésus-Christ ; Paul fut comme contraint : (Actes, IX, 4) : "Il le
renversa à terre, etc." Cette circonstance est d’un grand poids
contre les hérétiques, qui prétendent qu’on ne doit contraindre personne à
embrasser la foi, car Paul fut contraint ; et, comme le remarque saint
Augustin (ép. L), Paul avança plus dans la foi, alors qu’il
l’embrassa malgré lui, qu’un grand nombre qui y sont venus d’eux-mêmes.
Enfin, il se regarde comme le moindre de tous et comme n’étant pas parvenu à
la vertu des autres apôtres. b) Il en
donne pour ainsi dire la raison, en disant (verset 9) : Car je suis le
moindre, etc. A cet et effet, il montre d’abord sa petitesse ; ensuite il
en assigne la raison (verset 9) : parce que j’ai persécuté, etc. Il
fait ressortir sa petitesse comparativement aux autres apôtres, lorsqu’il dit
(verset 9) : car je suis le moindre des apôtres ; (Isaïe, LX, 22)
: "Mille sortirent du moindre d’entre eux, et du plus petit tout un
grand peuple" ; et (Ecclésiastique III, 20) : "Plus
vous êtes grand, etc." Bien que saint Paul fût le plus petit des
apôtres, on pourrait dire néanmoins qu’il est grand comparativement aux
autres, puisqu’il est apôtre. Voilà pourquoi, en second lieu, il montre sa
petitesse, comparativement aux autres, en disant (verset 9) : et je ne
suis pas digne, non seulement d’être, mais d’être appelé apôtre,
bien qu’on m’en donne le nom ; (I1 Cor., III, 5) : "Non que nous
soyons capables, etc." 5° Mais, ô
apôtre, pourrait-on dire, personne, même par humilité, ne doit parler contre
la vérité ? si donc vous êtes grand, comment vous appelez-vous le moindre ?
Voici pourquoi (verset 9) : C’est que j’ai persécuté, etc., faisant
voir ainsi comment il est le plus petit, et comment il ne l’est plus. Il se
dit le plus petit, quand il considère ses actions passées, et alors il dit : je
ne suis pas digne, etc. Pourquoi ? parce que j’ai persécuté l’Eglise
de Dieu, ce que les autres apôtres n’ont pas fait ; (Gal., 1, 13) : "Je
persécutais à outrance, etc." ;et (I Tim., I, 13) : "Moi
qui étais autrefois un blasphémateur, un persécuteur, etc."
Toutefois, bien que de mon côté je sois le plus petit, du côté de Dieu il
n’en est pas ainsi. C’est pourquoi il dit (verset 10) : Mais c’est par la
grâce de Dieu que je suis ce que je suis. Par ces paroles, A) il relève sa condition, quant à
l’état où il est ; B) quant à
l’accomplissement des devoirs de cet état (verset 10) : et sa grâce, etc. A) Il dit donc : De moi-même je ne
suis rien, mais ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu, c’est-à-dire
c’est Dieu, et non moi-même, qui m’a fait ainsi ; (Ephés., III, 7) : "dont
j’ai été fait ministre, etc." Il dit : ce que je suis, parce
que sans la grâce, l’homme n’est rien ; (ci-dessus, XIII, 2) : Quand
j’aurais le don de prophétie, etc. B) Il montre comment il a mis à profit
son état et accompli ses devoirs, en disant (verset 10) : et sa grâce, etc.
a) Il fait
voir comment il a usé de cette grâce : c’est pour le bien ; c’est pourquoi il
dit : elle n’a pas été stérile en moi, c’est-à-dire oisive, car il en
a fait usage pour atteindre la fin pour laquelle elle lui avait été
donnée ; (Gal. II, 2) : "Je n’ai pas couru en vain, etc."
b) Il explique
comment il a dépassé les autres, en ajoutant (verset 10) : Mais j'ai
travaillé, à savoir en prêchant, plus que tous les autres,
c’est-à-dire plus que les autres apôtres pris séparément ; car aucun d’eux
n’a prêché et annoncé Jésus-Christ en autant de lieux que lui. C’est ce qui
lui fait dire (Rom., XV, 19) : "en sorte que[ j’ai porté de tous
côtés l’Evangile de Jésus-Christ], depuis Jérusalem jusqu’en Illyrie, etc."
et même jusqu’en Espagne. En travaillant des mains, car pouvant exiger, comme
les autres apôtres, ce qui était nécessaire à la vie, il voulut néanmoins
subvenir à ses besoins personnels par le travail de ses mains : (I Thess.,
III, 8) : "Jour et nuit nous avons travaillé, etc." En
supportant les tribulations, car aucun des apôtres n’a enduré autant de
persécutions et d’épreuves : (I1 Cor., XI, 23) : "J’ai plus souffert
de travaux, plusd’emprisonnements, etc." c) Il fait voir l’efficacité de l’usage qu’il a fait de
la grâce, en ce qu’il n’agissait pas de lui-même, mais par l’inspiration et
avec l’aide du Saint Esprit (verset 10) : non pas moi cependant,
c’est-à-dire moi seul, mais la grâce de Dieu avec moi, laquelle
détermine ma volonté à ce que je fais ; (Isaïe XXVI, 12) : "[C’est
vous, Seigneur, qui avez fait en nous] toutes nos oeuvres, etc." ;
et (Philip., II, 13) : "Il opère en vous le pouvoir et le faire,
etc." ; car Dieu non seulement nous donne la grâce qui rend nos
oeuvres agréables et méritoires, mais il détermine encore à bien user de la
grâce qu’il répand en nous : c’est la grâce de la coopération. II. (verset 11) : Que
ce soit donc moi, etc., saint Paul établit ici l’accord de ceux qui
prêchent. Ce passage peut s’expliquer de deux manières : 1° comme confirmation de ce qui
précède, comme si l’on disait à l’Apôtre : voilà ce que vous enseignez ;
toutefois nous ne croyons pas à vous seul, parce que vous êtes le moindre des
apôtres. Saint Paul répond : Tous, au contraire, vous devez croire à ma
parole, parce que je ne prêche des choses différentes ; et soit moi,
soit les autres apôtres, nous prêchons ces vérités, à savoir que
Jésus-Christ est ressuscité et qu’il a apparu, etc. Et vous-mêmes,
vous avez cru ce que eux et moi ont prêché, à savoir que Jésus-Christ est
ressuscité, et qu’il s’est fait voir, etc. (I1 Cor., IV, 13) : "Et
parce que nous avons un même esprit de foi, etc." 2° On peut voir dans ce passage que
l’efficacité de la prédication est à tous les apôtres par un seul, à savoir
en vertu de la grâce de Dieu ; comme si l’Apôtre disait (verset 11) : Que
ce soit donc moi, ou que ce soit eux qui vous prêchent, quand nous
prêchons ainsi, nous le faisons aidés et soutenus par la grâce de Dieu ; et
voilà ce que vous avez cru, à savoir sous l’inspiration de l’Esprit
Saint et par la grâce de Dieu, sans laquelle nous ne pouvons rien
faire ; (Jean XV, 5) : "Sans moi vous ne pouvez rien
faire." |
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Lectio 2 |
Leçon 2 : 1 Corinthiens XV, 12-19 — Sans résurrection, vaine est notre foi |
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SOMMAIRE :
L’Apôtre prouve, par la résurrection de Jésus-Christ, notre propre
résurrection. Si cette résurrection ne doit pas avoir lieu, on enseigne en
vain la foi et l’espérance. |
[12] si autem Christus praedicatur quod resurrexit a mortuis
quomodo quidam dicunt in vobis quoniam resurrectio mortuorum non est [13] si autem resurrectio mortuorum non est neque Christus
resurrexit [14] si autem Christus non resurrexit inanis est ergo
praedicatio nostra inanis est et fides vestra [15] invenimur autem et falsi testes Dei quoniam testimonium
diximus adversus Deum quod suscitaverit Christum quem non suscitavit si
mortui non resurgunt [16] nam si mortui non resurgunt neque Christus resurrexit [17] quod si Christus non resurrexit vana est fides vestra
adhuc enim estis in peccatis vestris [18] ergo et qui dormierunt in Christo perierunt [19] si in
hac vita tantum in Christo sperantes sumus miserabiliores sumus omnibus
hominibus |
12. Puis
donc qu’on vous a prêché que le Christ est ressuscité d’entre les morts,
comment se trouve-t-il parmi vous des personnes qui osent dire que les morts
ne ressuscitent pas ? 13. Que si
les morts ne ressuscitent pas, le Christ n’est donc point ressuscité ; 14. Et si
le Christ n’est pas ressuscité, notre prédication est vaine, et notre foi
vaine ; foi
vaine aussi. 15. Nous
sommes même convaincus d’être de faux témoins à l’égard de Dieu, comme ayant
rendu ce témoignage contre Dieu même qu’il a ressuscité le Christ, qu’il n’a
pas néanmoins ressuscité si les morts ne ressuscitent pas ; 16. Car si
les morts ne ressuscitent pas, le Christ, non plus, n’est pas ressuscité ; 17 Que si
le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est vaine, vous êtes encore dans
vos péchés. 18. Ceux
qui sont morts dons le Christ ont donc péri. 19. Si nous
n’avions d’espérance dans le Christ que pour cette vie, nous serions les plus
misérables de tous les hommes. |
[87682] Super 1 Cor.
[reportatio vulgata], cap. Dicit ergo primo : dixi, quod sive ego
praedicaverim, sive illi, scilicet alii apostoli, sic credidistis. Sed si
praedicatur a nobis, quod Christus resurrexit a mortuis, quomodo
quidam in vobis, id est, inter vos, dicunt, etc.; quasi dicat : si
Christus resurrexit a mortuis, secundum quod nos praedicamus I Thess. IV, 13
— si credimus quod Christus, etc., nullus debet dubitare
resurrectionem mortuorum futuram. Unde Rom. c. VIII, 11 — qui suscitavit
Iesum, et cetera. Sed videtur quod haec argumentatio non valeat,
cum sit locus a maiori affirmando. Quia, licet Christus resurrexit
specialiter ex virtute divinitatis suae, non sequitur quod alii homines
resurgant. Sed ad hoc dicunt aliqui quod non est locus a maiori, sed a
simili. Mori enim et resurgere competit Christo secundum humanam naturam, et
dicunt, quod est simile argumentum, sicut si dicerem : anima Socratis est
immortalis, ergo omnes, scilicet animae hominum, sunt immortales. Videtur
autem quod sit melius dicendum quod sit locus a causa, quia resurrectio
Christi est causa resurrectionis nostrae. Et ideo, secundum Glossam dicendum
est : si Christus, qui est causa efficiens nostrae resurrectionis,
resurrexit, quomodo dicunt, et cetera. Sed tamen non est dicendum quod
sit causa efficiens tantum per modum meriti, quia resurgendo non meruit eam,
cum iam esset comprehensor et viveret vita gloriosa, nisi forte meritum
resurrectionis mortuorum referatur ad passionem Christi. Nec est causa
exemplaris tantum, ut quidam dicunt, sed est causa efficiens et exemplaris. Unde Augustinus dicit super Ioannem, quod verbum
caro factum vivificat animas, et resuscitat mortuos. Sic ergo patet quod
si Christus resurrexit, et mortui resurgent. Sed contra : resurgere a mortuis
est supra naturam, hoc autem non est nisi virtutis infinitae, qui Deus est;
non ergo resurrectio corporis Christi est causa efficiens resurrectionis
mortuorum, cum humanitas Christi, seu corpus, sit creatura : licet de Christo
vel de homine, non possit dici quod est creatura. Responsio. Dicendum quod
inquantum Deus, sive inquantum divinitas est in Christo, Christus est et
exemplar et causa efficiens resurrectionis mortuorum per humanitatem suam,
sicut per instrumentum divinitatis suae. Ad illud quod obiicitur, dicendum
quod caro Christi seu humanitas non dicitur facere effectum virtutis
infinitae, inquantum caro vel humanitas, sed inquantum caro Christi vel
humanitas Christi. Sed quaeritur adhuc : nam, posita causa sufficienti,
statim ponitur effectus; si ergo resurrectio Christi est sufficiens causa
resurrectionis mortuorum, statim deberent mortui resurgere et non tantum
differre. Responsio. Dicendum, quod effectus sequitur ex causis
instrumentalibus secundum conditionem causae principalis. Et ideo cum Deus
sit principalis causa nostrae resurrectionis, resurrectio vero Christi sit
instrumentalis, resurrectio nostra sequitur resurrectionem Christi secundum
dispositionem divinam, quae ordinavit ut tali tempore fieret. Sed numquid si
Deus non fuisset incarnatus, homines resurrexissent? Dicendum videtur quod
non, quia Christus non fuisset passus, nec resurrexisset. Dicendum est autem
ad hoc quod haec obiectio nulla est, quia quando aliquid ordinatur ab aliqua
causa, debet argumentari ad illud, servato ordine illius causae. Et ideo
dicendum est quod Deus ordinavit resurrectionem mortuorum fore per istum
modum; potuisset tamen et alius modus adhuc inveniri a Deo si voluisset. Deinde cum dicit si autem resurrectio
mortuorum non est, etc., probat antecedens, scilicet quod Christus
resurrexit, et hoc ducendo ad inconvenientia. Et circa hoc duo facit. Primo
ducit ad inconvenientia; secundo ostendit illa esse inconvenientia, ibi invenimur
autem et falsi testes, et cetera. Circa primum facit deductionem suam supponendo
quod si Christus non resurrexit, neque mortui resurgent : quod, si ita est,
sequuntur duo inconvenientia : unum est quod inanis est praedicatio apostoli
et inutilis; aliud est quod inanis est fides Corinthiorum. Unde dicit si
autem Christus non resurrexit, inanis est, et cetera. Et hoc est quod
dicit : ex hoc quod sive ego, sive illi, si sic praedicant, et cetera. Dicit
ergo si autem Christus non resurrexit, inanis est, id est falsa, praedicatio
nostra, quia sic credidistis; et hoc magnum est inconveniens, quod
praedicationem eorum non suffulserit veritas, cum apostolus dicat Phil. II,
16 — non in vacuum cucurri neque laboravi. Invenimur autem, et cetera. Hic ostendit
illa duo esse inconvenientia. Et primo ostendit quod sit inconveniens, si
praedicatio apostolorum esset inanis seu falsa; secundo ostendit quod sit
inconveniens, si fides illorum esset inanis, ibi quod si Christus non
resurrexit, et cetera. Ostenditur autem primum esse inconveniens, quia
essent falsi testes, non solum dicendo aliqua vana vel aliqua contra aliquem
hominem false, quod est mortale peccatum, sed falsi testes adversus Deum,
quod est sacrilegium. Quia si Deus non suscitavit Christum a mortuis,
secundum quod nos praedicamus, invenimur falsi testes; et si mortui non
resurgunt, Deus non resuscitavit Christum a mortuis. Iob XIII, 7 — numquid
Deus indiget vestro mendacio? et cetera. Et hoc est pessimum, scilicet
quod aliquid attribuatur Deo quod non facit et laudare in eo quod non est.
Unde dicit Augustinus : non minori, sed maiori fortasse scelere in Deo
laudatur falsitas, quam vituperetur veritas. Cuius ratio est quia
intellectus noster numquam potest tantum laudare Deum, quin deficiat a
perfectione eius; et ideo si non totaliter intellectus omnem veritatem possit
de Deo intelligere, hoc est, ad excellentiam Dei; sed si attribuitur aliquid
Deo quod non habet, vel non facit, videtur quod intellectus noster est maior
Deo, et intelligat aliquid maius eo quod sibi false attribuit. Et hoc contra
illud I Io. III, 20 — Deus maior est corde nostro. Quod si Christus. Hic ostendit quod
inconveniens sit, si fides illorum esset inanis. Et hoc ostendit per tria
inconvenientia, quae sequuntur inde. Primum est, quia constat quod falsitas non habet
virtutem purgandi, sed constat quod fides purgat peccata. Act. XV, 9 — fide
purificans, et cetera. Si ergo fides nostra sit inanis, quod esset si
Christus non resurrexit, quia sic credidistis, scilicet quod resurrexit,
peccata vestra non sunt vobis dimissa. Et hoc est quod dicit adhuc estis
in peccatis vestris. Sed quia posset aliquis dicere : licet fides non
purget peccata, possunt tamen purgari ab eis per bona opera; ideo addit
secundum inconveniens, scilicet quod mortui, qui non possunt purgari in alia
vita, perierunt absque spe salutis. Et ideo, quasi concludens, dicit ergo
qui in Christo, id est in fide Christi, dormierunt, id est mortui
sunt in spe salutis, perierunt, quia in alia vita nulla sunt opera
meritoria. Sed quia posset adhuc dicere : non curo de
peccatis, non curo de mortuis, dummodo habeam in vita ista quietem et
tranquillitatem, ideo addit tertium inconveniens cum dicit si in hac
tantum vita, et cetera. Et innititur tali argumento : si resurrectio
mortuorum non est, sequitur quod nihil boni habeatur ab hominibus, nisi solum
in vita ista; et si hoc est, tunc illi sunt miserabiliores, qui in vita ista
multa mala et tribulationes patiuntur. Cum ergo plures tribulationes apostoli
et Christiani patiantur, sequitur quod sint miserabiliores caeteris
hominibus, qui ad minus perfruuntur huius mundi bonis. Sed circa hanc rationem videntur duo dubitanda.
Unum quia non videtur quod sit verum universaliter quod apostolus dicit,
scilicet quod Christiani sunt confidentes in hac vita tantum, quia possent
dicere illi, quod licet corpora non habeant bona nisi in vita ista, quae est
mortalis, tamen secundum animam habent multa bona in alia vita. Ad hoc
obviatur dupliciter. Uno modo, quia si negetur resurrectio corporis, non de
facili, imo difficile est sustinere immortalitatem animae. Constat enim quod
anima naturaliter unitur corpori, separatur autem ab eo contra suam naturam,
et per accidens. Unde anima exuta a corpore, quamdiu est sine corpore, est
imperfecta. Impossibile autem est quod illud quod est naturale et per se, sit
finitum et quasi nihil; et illud quod est contra naturam et per accidens, sit
infinitum, si anima semper duret sine corpore. Et ideo Platonici ponentes
immortalitatem, posuerunt reincorporationem, licet hoc sit haereticum : et
ideo si mortui non resurgunt, solum in hac vita confidentes erimus. Alio modo
quia constat quod homo naturaliter desiderat salutem sui ipsius, anima autem
cum sit pars corporis hominis, non est totus homo, et anima mea non est ego;
unde licet anima consequatur salutem in alia vita, non tamen ego vel quilibet
homo. Et praeterea cum homo naturaliter desideret salutem, etiam corporis,
frustraretur naturale desiderium. Secundum dubium est quia videtur quod, dato quod
corpora non resurgant, non essemus nos Christiani miserabiliores caeteris
hominibus, quia illi qui sunt in peccatis, sustinent maximos labores. Ier.
IX, 5 — ut inique agerent, laboraverunt, et Sap. V, v. 7 — dicunt
impii : ambulavimus vias difficiles. At vero de bonis et iustis dicitur
Gal. c. V, 22 — fructus autem spiritus est charitas, gaudium, pax, et
cetera. Ad
hoc dicendum quod mala quae sunt in hoc mundo, non sunt secundum se
appetenda, sed secundum quod ordinantur ad aliquod bonum. Apostoli autem et Christiani
multa mala passi sunt in hoc mundo. Nisi ergo ordinarentur ad aliquod bonum, essent
miserabiliores caeteris hominibus. Aut ergo ordinantur ad bonum futurum, aut
ad bonum praesens; sed ad bonum futurum non ordinantur, si non est
resurrectio mortuorum. Si autem ordinantur ad bonum praesens, hoc vel est
bonum intellectus, sicut philosophi naturales paupertates et alia multa mala
passi sunt, ut pervenirent ad veram veritatem. Sed ad hoc non possunt
ordinari, si non est resurrectio mortuorum : quia sic fides eorum esset
falsa, quia ipsi praedicaverunt resurrectionem futuram; falsitas autem non
est bonum intellectus. Vel est bonum moris, sicut morales philosophi multa
mala passi sunt, ut pervenirent ad virtutes et famam. Sed nec ad hoc ordinari
possunt, quia si resurrectio mortuorum non sit, non reputatur virtus et
gloria velle omnia delectabilia dimittere, et sustinere poenas mortis et
contemptus, sed potius reputatur stultitia. Et sic patet quod miserabiliores
essent caeteris hominibus. |
Après avoir
appuyé la foi sur la résurrection de Jésus-Christ, saint Paul prouve ici par
cette même résurrection, la résurrection future des morts. Et d’abord, il
prouve que cette résurrection se fera ; en suite, il indique les qualités des
corps ressuscités (verset 35) : Mais, dira quelqu’un, etc. ;
enfin, il décrit l’ordre même de la résurrection (verset 51) : Voici que
je vous apprends un mystère, etc. Sur la première partie de cette
question, il prouve la future résurrection des morts premièrement, par une
raison tirée de la résurrection de Jésus-Christ ; secondement, par une autre,
tirée de la vie des saints (verset 29) : Autrement, que gagneront, etc.?
Il prouve donc, en premier lieu, la résurrection des morts par la
résurrection de Jésus-Christ au moyen de ce raisonnement : Si Jésus-Christ
est ressuscité, les morts ressusciteront aussi. Et pour établir cet argument,
I° il pose une
proposition conditionnelle, à savoir : si Jésus-Christ est ressuscité, les
morts ressusciteront également ; II° il prouve
l’antécédent de cette proposition conditionnelle (verset 13) : Que si les
morts ne ressuscitent pas, etc. ; III° il prouve que la proposition conditionnelle est vraie
(verset 20) : Mais maintenant Jésus-Christ est ressuscité d’entre les
morts. I° Il dit donc : J’ai dit que soit que je vous ai prêché, soit eux, c’est-à-dire les autres apôtres, c’est là ce que vous avez cru ;
(verset 12) : Mais puisqu’on vous a prêché que Jésus-Christ est ressuscité
d’entre les morts, comment se trouve-t-il parmi vous, c’est-à-dire chez
vous, des gens qui osent dire, etc. ?, en d’autres termes, si
Jésus-Christ est ressuscité d’entre les morts, comme nous vous le prêchons (I
Thess., IV, 13) : "Si nous croyons que Jésus-Christ, etc."
nul ne doit douter de la future résurrection des morts. C’est de là qu’il est
dit (Rom., VIII, 11) : "Celui qui a ressuscité Jésus-Christ, etc." Cependant
ne semble-t-il pas que cette argumentation pèche, parce qu’elle repose sur
une trop large affirmation ? Bien qu’en effet il soit ressuscité, mais par la
vertu de sa divinité, il ne s’ensuit pas que les autres hommes doivent
ressusciter. Certains répondent quelquefois a cette objection que
l'affirmation ne se fonde pas sur un principe plus large, mais sur la règle
d’analogie ; car mourir et ressusciter ne conviennent à Jésus-Christ qu’en
tant qu’il a pris la nature humaine. Ils disent que cet argument est
semblable à celui qui dirait : L’âme de Socrate est immortelle : donc toutes
les âmes des hommes sont également immortelles. Mais la meilleure réponse, ce
semble, est que l’argument se déduit de la cause, attendu que la résurrection
de Jésus-Christ est la cause de la nôtre. Voilà pourquoi il faut dire, avec
la Glose : "Si Jésus Christ, qui est la cause efficiente de notre
résurrection est ressuscité, comment s’en trouve-t-il, etc. ?" Il ne
faut pas dire cependant que Jésus-Christ soit cause efficiente de notre
résurrection par voie de mérite seulement ; car par sa résurrection il n’a
pas mérité la nôtre, puisqu’il était arrivé au terme, et vivait déjà de la
vie glorieuse ; à moins que l’on ne veuille dire peut-être que le mérite de
la résurrection des morts se rapporte à la passion de Jésus-Christ. Il n’est
pas non plus seulement la cause exemplaire de notre résurrection, comme
quelques-uns le prétendent, mais il en est tout à la fois et la cause
efficiente et la cause exemplaire. C’est ce qui fait dire à saint Augustin (sur Jean traité XIX) que le
Verbe fait chair vivifie les âmes et ressuscite les morts. Il est donc
évident par là que si Jésus-Christ est ressuscité, les morts ressusciteront
également.On objecte que ressusciter d’entre les morts étant au-dessus de la
nature, cette résurrection ne peut-être que l’oeuvre d’une puissance infinie,
qui est Dieu. La résurrection du corps du Christ n’est donc pas la cause
efficiente de la résurrection des morts, puisque dans Jésus-Christ
l’humanité, ou le corps, n’est qu’une créature, bien que l’on ne puisse dire
de Jésus-Christ, même en tant qu’homme, qu’il est créature. Il faut répondre
que c’est en tant que Dieu, ou en tant que la divinité est en Jésus-Christ,
qu’il est et l’exemplaire et la cause efficiente de la résurrection des morts
par son humanité, qui est comme l’instrument de sa divinité. Quant à. ce
qu’on objecte, il faut dire qu’on ne prétend point que la chair ou l’humanité
de Jésus-Christ produise l’effet d’une puissance infinie, en tant que chair
ou humanité, mais entant que chair ou humanité de Jésus-Christ.On insiste :
si l’on admet que la cause est suffisante, l’effet devrait suivre
immédiatement ; si donc la résurrection de Jésus-Christ est la cause
suffisante de la résurrection des morts, les morts devraient ressusciter sans
délai et ne pas autant différer. Il faut répondre que l’effet procède des
causes instrumentales suivant la condition de la cause principale ; or, Dieu
étant la cause principale de notre résurrection, et la résurrection de
Jésus-Christ la cause instrumentale, notre résurrection résulte de la résurrection
de Jésus-Christ, suivant le décret divin qui a réglé qu’elle s’accomplirait
dans tel temps fixé. Si néanmoins Dieu ne s’était pas incarné, les hommes
eussent-ils ressuscité ? Il semble qu’on peut répondre négativement, car
Jésus-Christ n’eût pas souffert, et ne fût pas ressuscité. Il faut d’ailleurs
ajouter à ce propos que cette objection est sans valeur, parce que, quand une
chose est déterminée par une cause, on doit argumenter à son égard, en
conservant l’ordre voulu par cette cause. Par conséquent, il faut dire que
Dieu a déterminé que la résurrection des morts aurait lieu selon ce mode.
Néanmoins Dieu eût trouvé, s’il l’eût voulu, un autre mode que celui qu’il a
choisi. II° Quand l’Apôtre dit (verset 13) : Que si les morts ne ressuscitent pas, il prouve
l’antécédent, c’est-à-dire que Jésus-Christ est ressuscité, et cela en
conduisant aux conséquences contra-dictoires. Pour établir cette preuve, I. saint Paul
conduit à la contradiction ; II. il la fait
ressortir (verset 15) : Nous ne sommes plus que de faux témoins, etc… I. Sur la première
partie, il fait sa déduction en supposant que si Jésus-Christ n’est pas
ressuscité, les morts ne ressusciteront pas. S’il en est ainsi, il s’ensuit
deux contradictions : la première, que la prédication des Apôtres est vaine
et inutile ; la seconde, que la foi des Corinthiens est vaine, ce qui lui
fait dire (verset 14) : Et si Jésus-Christ n’est pas ressuscité, notre
prédication est vaine, etc. C’est aussi ce qu’il dit : Du moment que soit
eux, soit moi, s’ils prêchent ainsi, etc. Il dit donc : Mais si
Jésus-Christ n’est pas ressuscité, notre prédication est inutile,
c’est-à-dire fausse, puisque vous avez cru ainsi. C’est là une grande
contradiction, que la prédication des apôtres n’ait pas été fondée sur la vérité,
quand saint Paul lui-même dit (Philip., II, 16) : "Je n’aurai ainsi
ni couru ni travaillé en vain." II. (verset 15) : Nous
ne sommes plus que, etc. saint Paul montre ici que les deux conséquences
qu’il a signalées sont absurdes. Et d’abord que c’est une absurdité que la
prédication des apôtres soit inutile ou fausse ; ensuite, que c’est une autre
absurdité que la foi des Corinthiens soit inutile (verset 17) : Si Jésus
n’est pas ressuscité, etc. 1° Il fait ressortir la première
absurdité, en disant que les apôtres ne seraient plus que de faux témoins,
non seulement en déclarant des choses vaines ou fausses contre un homme, ce
qui est une faute mortelle, mais faux témoins contre Dieu même, ce qui est un
sacrilège ; car, si Dieu n’a pas ressuscité Jésus-Christ d’entre les morts,
comme nous le prêchons, (verset 15), nous ne sommes plus que de faux témoins
; et si les morts ne ressuscitent pas, Dieu n’a pas ressuscité
Jésus-Christ ; (Job XIII, 7) : "Dieu a-t-il besoin de votre
mensonge, etc. ? C’est le comble de la méchanceté d’attribuer à Dieu ce
qu’il n’a pas fait, et de le louer de ce qu’il n’est pas. Aussi saint
Augustin dit-il (Ep. VIII) :
"Louer Dieu de son mensonge, ce n’est pas un crime moindre, mais
peut-être un plus grand que d’attaquer sa vérité." La raison en est
que notre intelligence ne peut jamais louer Dieu assez, pour ne pas rester
au-dessous de ses perfections ; si donc notre intelligence ne peut embrasser
toute la vérité à l’égard de Dieu, cette impuissance même tourne à la gloire
divine ; mais si l’on attribue à Dieu ce qu’il n’a pas, ou ce qu’il ne fait
pas, il semble que notre intelligence soit plus grande que Dieu même, connaît
et lui attribue faussement quelque chose de plus grand que lui, malgré cette
parole de saint Jean (1 ép., III, 20) : "Dieu est plus grand que
notre coeur." 2° (verset 17) : Que si
Jésus-Christ : saint Paul fait voir qu’une autre absurdité serait
que la foi des Corinthiens soit vaine. Dans ce dessein, il développe trois
inconséquences qui découleraient de là. A) La première, qu’il est constant que
le mensonge n’a pas la vertu de purifier ; or il est certain que la foi
purifie du péché ; (Actes, XV, 9) : "Ayant purifié leurs coeurs
par la foi, etc. " Si donc notre foi est vaine, ce qui serait si
Jésus-Christ n’est pas ressuscité, car c’est cela que vous avez cru, vos
péchés ne vous sont pas remis. C’est ce que dit l’Apôtre (verset 17) : Vous
êtes encore dans vos péchés. B) Mais comme l’on pourrait dire : si
la foi ne remet pas les péchés, ils peuvent être remis au moyen des bonnes
oeuvres, saint Paul indique la seconde inconséquence, à savoir que les morts,
qui ne peuvent pas être purifiés de leurs péchés dans l’autre vie, ont péri
sans espoir aucun de salut, et par conséquent, tirant en quelque sorte sa
conclusion, il dit (verset 18) : ceux donc qui se sont endormis,
c’est-à-dire qui sont morts dans l’espérance du salut, en Jésus-Christ,
c’est-à-dire dans la foi de Jésus-Christ, ont péri, parce que dans
l’autre vie il n’y a plus d’oeuvres méritoires. C) Mais parce que l’on pourrait dire
encore : je ne m’occupe pas des péchés, je ne m’inquiète pas des morts,
pourvu que j’aie dans cette vie même le repos et la tranquillité, l’Apôtre
fait ressortir une troisième inconséquence, en disant (verset 19) : Si
l’espérance que nous avons en Jésus-Christ n’est que pour cette vie, etc. Saint
Paul s’appuie sur l’argument suivant : si la résurrection des morts ne doit
pas avoir lieu, il s’ensuit qu’il n’y a plus de bien pour les hommes, sinon
dans la vie présente ; et s’il en est ainsi, ceux-là sont donc les plus
malheureux, qui pendant la vie présente supportent tant de maux et de
tribulations. Comme les apôtres et les chrétiens supportent plus de
tribulations, il s’ensuit qu’ils sont plus misérables que le reste des
hommes, qui au moins jouissent des biens de ce monde. Cependant on peut
élever sur ce raisonnement deux difficultés : d’abord, il ne paraît pas vrai,
d’une manière générale, que, comme le dit l’Apôtre, les chrétiens n’ont
d’espérance que pour la vie présente, car ceux qu’il combat pourraient
répondre que, bien que les corps n’aient des biens que dans cette vie,
laquelle est assujettie à la mort, néanmoins ils ont, quant à l’âme, beaucoup
de biens dans l’autre vie. On répond à ceci de deux manières : d’abord, si
l’on nie la résurrection du corps, il n’est pas facile, disons mieux, il est
difficile de défendre l’immortalité de l’âme. En effet, il est certain que
l’âme est unie au corps naturellement, et qu’elle n’en est séparée que contre
sa nature et par accident ; aussi l’âme dépouillée du corps est dans un état
d’imperfection, tant qu’elle en est séparée. Or il est impossible que ce qui
est naturel et par soi, soit fini et comme anéanti, et que ce qui est contre
nature et par accident soit infini, en admettant que l’âme dure toujours sans
le corps. C’est pourquoi les Platoniciens, supposant l’immortalité, ont
supposé la réincorporation[10], bien que ce
soit hérétique. Si donc les morts ne ressuscitent pas, nous n’avons pas
d’espérance hors la vie présente. Une seconde raison, c’est que l’homme
désire naturellement sa propre conservation ; or l’âme, étant une partie du
corps de l’homme, n’est pas l’homme tout entier, car mon âme n’est pas moi ;
ainsi, bien que mon âme obtienne d’être conservée dans l’autre vie, cependant
ce ne sera plus moi ni un homme quelconque. En outre, l’homme ayant ce désir
naturel de sa conservation, même quant au corps, ce désir demeurerait sans
effet. La seconde
difficulté est qu’en admettant que les corps ne ressuscitent pas, il semble
que nous, chrétiens, nous ne serions pas les plus misérables des hommes,
parce que ceux qui vivent dans le péché supportent de lourds fardeaux ;
(Jér., IX, 5) : "Ils ont travaillé pour pratiquer
l’injustice" ; et (Sag., V, 7) : "Les impies ont
proclamé : nous avons marché par des chemins difficiles". Mais il
est dit de ceux qui sont bons et justes : (Gal., V, 22) : "Les fruits
de l’Esprit sont la charité, la joie, la paix, etc." Il faut
répondre que les maux de ce monde ne sont pas désirables en eux-mêmes, mais
en tant qu’ils sont dirigés vers quelque bien ; or les apôtres et les
chrétiens ont souffert en ce monde beaucoup de maux ; si donc ces maux
n’avaient pour fin quelque bien, ils seraient les plus misérables des hommes.
Ces maux donc se rapportent soit à un bien futur, soit à un bien présent ; or
ils ne se rapportent pas à un bien futur s’il n’y a pas de résurrection des
morts. S’ils se rapportent à un bien présent, soit c’est au bien de
l’intelligence, comme ont fait les philosophes qui ont supporté les
privations de la vie et d’autres épreuves pour arriver à la vérité pure. Mais
ces maux ne peuvent se rapporter à un tel bien si la résurrection des morts
n’existe pas, car alors la foi des apôtres serait un mensonge, puisqu’ils ont
enseigné que cette résurrection aurait lieu ; or le mensonge ne saurait être
un bien de l’intelligence. Soit c’est au bien des moeurs, but que les
philosophes avaient en vue en enseignant la morale et en souffrant beaucoup
d’afflictions, afin d’arriver à la vertu et à la réputation. Mais ces maux ne
sauraient encore se rapporter, à ce bien, car s’il n’y a pas de résurrection
des morts, il ne faut plus regarder comme une vertu et une gloire de renoncer
à tout ce qui peut flatter l’orgueil, et de souffrir la mort et le mépris ;
c’est plutôt une folie, il est donc prouvé qu’ils sont les plus misérables
des hommes. |
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Lectio 3 |
Leçon 3 : 1 Corinthiens XV, 20-28 — Notre résurrection à la fin du monde |
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SOMMAIRE :
L’Apôtre explique les rapports qui existent entre la résurrection de
Jésus-Christ et la nôtre, et quel sera l’ordre de la résurrection. |
[20] nunc autem Christus resurrexit a mortuis primitiae
dormientium [21] quoniam enim per hominem mors et per hominem
resurrectio mortuorum [22] et sicut in Adam omnes moriuntur ita et in Christo
omnes vivificabuntur [23] unusquisque autem in suo ordine primitiae Christus
deinde hii qui sunt Christi in adventu eius [24] deinde finis cum tradiderit regnum Deo et Patri cum
evacuaverit omnem principatum et potestatem et virtutem [25] oportet autem illum regnare donec ponat omnes inimicos sub
pedibus eius [26] novissima autem inimica destruetur mors omnia enim
subiecit sub pedibus eius cum autem dicat [27] omnia subiecta sunt sine dubio praeter eum qui subiecit ei
omnia [28] cum
autem subiecta fuerint illi omnia tunc ipse Filius subiectus erit illi qui
sibi subiecit omnia ut sit Deus omnia in omnibus |
20. Mais
maintenant le Christ est ressuscité, et il est devenu les prémices de ceux
qui dorment. 21. Car
comme la mort est venue par un homme, la résurrection des morts doit venir
aussi par un homme ; 22. Et
comme tous meurent en Adam, tous revivront aussi dans le Christ, 23. Et
chacun en son rang, le Christ le premier, comme les prémices ; puis ceux qui
sont à lui, qui ont cru en son avènement. 24. Et
alors viendra la consommation, lorsqu'il aura remis son royaume à son Père,
et qu'il aura détruit tout empire, toute domination et toute puissance. 25. Car le
Christ doit régner jusqu'à ce que le Père lui ait mis tous ses ennemis sous
les pieds. 26. Or la
mort sera le dernier ennemi qui sera détruit; car il lui a mis tout sous ses
pieds. Mais quand il est dit 27. Que
tout lui est assujetti, il est indubitable qu'il faut en excepter Celui qui
lui a assujetti toutes choses. 28. Lors
donc que toutes choses auront été assujetties ou Fils, alors le Fils lui-même
sera assujetti à Celui qui lui aura assujetti toutes choses, afin que Dieu
soit tout en tous. |
[87683] Super 1 Cor. [reportatio vulgata],
cap. Dicit ergo nunc, id est ex quo dicta
inconvenientia sequuntur si Christus non resurrexit, ideo ad ipsa vitanda
dicamus, quod Christus resurrexit. Hoc autem verum est, secundum quod
Matth. ult. dicitur, et aliis locis Evangeliorum. Sed resurrectionis Christi
habitudo ita se habet ad resurrectionem aliorum, sicut primitiae fructuum ad
sequentes fructus, quae excedunt alios fructus tempore et melioritate, seu
dignitate; et ideo dicit quod resurrexit, non sicut alii, sed primitiae,
id est primo tempore et dignitate. Apoc. I, 5 — primogenitus mortuorum.
Primitiae, dico, dormientium, id est, mortuorum qui in spe
resurrectionis quiescunt. Ex hoc potest inferri conditionalis posita, quia,
sicut dicimus et verum est, si Christus, qui est primitiae dormientium,
resurrexit, ergo et alii dormientes. Sed contrarium videtur, scilicet quod Christus
non resurrexit primitiae dormientium, quia Lazarus fuit resuscitatus a
Christo nondum passo, et aliqui prophetae suscitaverunt alios a mortuis, ut
habetur in veteri testamento. Ad hoc dicendum quod duplex est resurrectio.
Una est ad vitam mortalem, et ad istam Lazarus et alii, qui suscitati
fuerunt, resurrexerunt ante Christum. Alia ad vitam immortalem, et de hac loquitur hic apostolus. Sed contra
Matth. XXVII, 52 dicitur, quod multa corpora sanctorum surrexerunt.
Cum ergo hoc legatur ante Christi resurrectionem, et constet quod non
resurrexerunt ad vitam immortalem, videtur quod adhuc restet quaestio prima.
Responsio. Dicendum est, quod hoc quod Matthaeus dicit de resurrectione
illorum, dicit per anticipationem, quia licet dicatur in tractatu de
passione, non tunc resurrexerunt, sed postquam Christus resurrexit. Quoniam quidem, et cetera. Hic probat
habitudinem positam, scilicet quod Christus sit primitiae dormientium. Et
primo probat in generali, secundo in speciali, ibi et sicut in Adam,
et cetera. Probat in generali tali ratione : Deus voluit
reintegrare humanam naturam, sed humana natura corrupta est per hominem, quia
mors intravit per hominem. Pertinebat ergo ad dignitatem humanae naturae, ut
reintegraretur per hominem, hoc autem est ut reducatur ad vitam. Conveniens
ergo fuit, sicut mors intravit per hominem, scilicet per Adam, ita resurrectio
mortuorum fieret per hominem, scilicet per Christum. Rom. c. V, 17 — si enim
unius delicto, et cetera. Et sicut in Adam. Hic probat idem in
speciali, dicens quod sicut in Adam omnes morimur morte corporali, ita et
omnes vivificamur in Christo. Rom. V, 12 — per unum hominem, et
cetera. Et non dicit per Evam, quod videtur contra illud
Eccli. XXV,
33 — per illam omnes morimur. Dicendum quod hoc est per illam Evam,
scilicet suggerentem, sed per Adam sicut causantem. Nam si solum Eva peccasset,
peccatum originale non fuisset traductum in posteros. Vivificabuntur,
inquam, in Christo, scilicet boni et mali vita naturae, sed vita
gratiae non nisi boni; sed tamen apostolus loquitur hic de resurrectione ad
vitam naturae, ad quam omnes vivificabuntur. Io. V, 26 — sicut pater habet
vitam in semetipso, ita et filio dedit vitam habere, id est vivificandi virtutem.
Io. V, 28 — omnes qui in monumentis sunt, et cetera. Unusquisque autem in suo
ordine, et
cetera. Hic ostendit ordinem resurrectionis. Et primo insinuat ipsum ordinem;
secundo manifestat id quod dixerat, ibi primitiae Christus, et cetera.
Dicit ergo quod verum est quod omnes in Christo
vivificabuntur, sed tamen differenter, quia differentia erit inter caput et
membra, et differentia quantum ad bonos et malos. Et ideo dicit quod unusquisque
resurget in suo ordine, scilicet dignitatis. Rom. XIII, 1 — quae
autem sunt, a Deo ordinata sunt. Sed hunc ordinem consequenter manifestat, quia primitiae
Christus, quia ipse est prior tempore et dignitate, quia plus de gloria.
Io. I, 14 — vidimus eum quasi unigenitum, et cetera. Deinde
resurgent omnes qui sunt Christi, posteriores tempore et dignitate.
Isti sunt qui carnem suam crucifixerunt cum vitiis, et cetera. Gal. IV, 4 — at
ubi venit plenitudo. I Tim. VI, v. 14 — serves mandatum sine macula
irreprehensibile usque in adventum domini nostri. Qui autem sint Christi
exponit, dicens qui crediderunt per fidem, per dilectionem operantem.
Hebr. XI, 6 — accedentem ad Deum oportet credere, et cetera. In
adventu eius, primo et secundo. Sed sciendum quod inter alios sanctos non
erit ordo temporis, quia omnes resurgent in ictu oculi, sed bene secundum
dignitates, quia martyr resurget ut martyr, apostolus ut apostolus, et sic de
aliis. Deinde finis. Hic ostendit finem resurrectionis, et hunc
duplicem. Unum
quantum ad adeptionem boni, alium quantum ad remotionem Circa primum duo facit.
Primo ostendit quod adeptio ipsius boni consistit in inhaerentia ad Deum;
secundo ostendit, quod in immediata inhaerentia, ibi cum evacuaverit,
et cetera. Dicit ergo, quod deinde, id est post hoc,
erit finis resurrectionis. Et finis huiusmodi non erit, ut vivant vita
corporis et voluptatibus, ut Iudaei et Saraceni fingunt; sed quod inhaereant
Deo per immediatam visionem et beatam fruitionem : et hoc est tradere regnum
Deo et patri. Et ideo
dicit cum tradiderit, id est, perduxerit, regnum, id est
fideles suos quos proprio sanguine acquisivit, Apoc. V, 9 — redemisti nos
Deo in sanguine tuo, Deo et patri, id est ante conspectum Dei, id est
creatoris sui, inquantum est homo, et patris, inquantum est Deus. Et hoc est,
quod petebat Philippus, Io. XIV, 8 — domine, ostende nobis patrem, et
cetera. Sed sic tradet, ut sibi non adimat, imo ipse unus Deus cum patre et
sancto spiritu regnabit. Vel cum tradiderit regnum Deo et patri, id
est cum ostendet Deum patrem regnare. In Scriptura enim tunc dicuntur aliqua
fieri, quando primo innotescunt, et huiusmodi innotescentia fit per Christum.
Matth. XI, 27 — nemo novit patrem, nisi filius, et cui, et cetera. Cum evacuaverit. Hic ostendit
immediationem dictae inhaerentiae. Sicut enim dicitur Gal. IV, 1 s., quanto
tempore haeres parvulus est, est sub tutoribus, et cetera. Sed quando iam
est magnus et perfectus, tunc immediate absque paedagogo et tutore sub patre
est in domo. Status autem huius vitae praesentis assimilatur pueritiae, et
ideo in vita ista sumus sub Angelis, sicut sub tutoribus, inquantum praesunt
nobis et dirigunt nos; sed quando tradetur regnum Deo et patri, tunc
immediate erimus sub Deo, et cessabunt omnia alia dominia. Et hoc est quod
dicit et cum evacuaverit omnem principatum et potestatem et virtutem,
id est cum cessaverit omne dominium, tam humanum quam angelicum, tunc
immediate erimus sub Deo. Is. II, 12 — exaltabitur dominus solus in die
illa. Ier. c. XXXI, 34 — non docebit ultra vir proximum suum, et
cetera. Sed numquid non remanebunt ordines Angelorum
distincti? Dicendum quod sic, quantum ad eminentiam gloriae, qua unus alteri
praeeminet, sed non quantum ad efficaciam executionis ad nos. Et ideo illos
dicit evacuari, quorum nomina pertinent ad executionem, scilicet principatus,
potestates et virtutes. Illos autem qui sunt de superiori hierarchia non
nominat, quia non sunt exequentes; nec Angelos, quia est nomen commune.
Dominationes autem non dixit evacuari, quia licet sint de exequentibus, non
tamen ipsi exequuntur, sed dirigunt et imperant. Dominorum enim est dirigere
et imperare, non exequi; Archangeli vero intelliguntur cum principatibus;
archos enim idem est quod princeps. Hi tres ordines secundum Gregorium
leguntur descendendo, quia secundum ipsum principatus sunt super potestates,
et potestates super virtutes; sed secundum Dionysium, ascendendo, quia vult
quod virtutes sint super potestates, et potestates super principatus. Vel
aliter cum evacuaverit, etc., id est tunc erit notum, quod
principatus, et potestates, et dominationes nihil potestatis habuerunt ex
seipsis, sed a Deo, ex quo sunt omnia. Deinde cum dicit oportet illum, etc.,
ostendit apostolus finem resurrectionis quoad remotionem mali. Quod quidem
ostendit per destructionem omnium inimicorum ad Christum. Et primo ponit
ipsorum destructionem; secundo subiectionis perfectionem, ibi novissime
autem, etc.; tertio subiectionis finem, ibi cum autem subiecta fuerint.
Dicit ergo primo : dixi quod finis erit, cum
tradiderit regnum Deo et patri; sed numquid Christus habet regnum ita quod
oportet illum regnare? Sic enim dicitur Matth. ult. : data est mihi,
et cetera. Lc. I, 32 — et regnabit in domo Iacob. Oportet, inquam, donec
ponat inimicos suos sub pedibus eius. Sed numquid modo non sunt inimici
eius sub pedibus eius, id est, sub potestate Christi? Dicendum quod modo
inimici Christi sunt sub potestate eius, sed dupliciter. Vel inquantum per
ipsum convertuntur sicut Paulus, quem prostravit Act. IX, 3 s.; vel inquantum
Christus facit voluntatem suam, etiam de his qui faciunt hic contra
voluntatem Christi. Sic ponit inimicos suos sub pedibus suis, puniendo eos;
sed in futuro ponet sub pedibus, id est sub humanitate Christi. Sicut enim
per caput deitas Christi intelligitur, quia caput Christi Deus, 1 Cor.
XI, 3, ita
per pedem, humanitas. Ps. CXXXI, 7 — adorabimus in loco ubi steterunt
pedes eius, et cetera. Sic ergo inimici erunt non solum sub deitate, sed
etiam sub humanitate Christi. Phil. II, 10 — in nomine Iesu omne genu,
et cetera. Sed quid est quod dicit donec ponat? et
cetera. Numquid non regnabit, priusquam posuerit inimicos sub pedibus?
Dicendum quod hoc potest intelligi dupliciter, nam ly donec quandoque
determinat tempus, et ponitur pro finito, sicut si dicerem : non videbo Deum
donec moriar, quia usque tunc non videbo, sed postea videbo. Quandoque
ponitur pro infinito, sicut cum dicitur : non cognovit eam donec peperit
filium suum. Non quod velit dicere, quod non cognovit eam solum usque ad
partum filii, sed nec etiam postea unquam cognovit, sicut dicit Hieronymus.
Iste modus servatur quando aliqui intendunt excludere illa solum de quibus
est dubium. Unde Evangelium exclusit illud solum, quod videtur esse dubium,
scilicet quod Ioseph cognovisset beatam virginem ante partum. Hoc vero quod
post partum non cognovit eam, nulli est dubium, cum tot mysteria pueri
viderit et toties ab Angelis monitus sit, et adoratus etiam a magis Iesus
fuisset; unde poterat eam iam Dei matrem cognoscere, et ideo non curavit hoc
excludere : sic etiam loquitur hic apostolus. Quod enim aliquis regnet, adhuc inimicis non
subiugatis, videtur esse dubium; sed quod regnet postquam inimici subiugati
sunt, nulli est dubium. Et ideo illud excludit principaliter dicens donec
ponat, etc., quasi dicat : verum est, quod Christus habet regnum, et
licet sint aliqui inimici, dum non faciunt voluntatem suam, tamen regnat donec
ponat, et cetera. Potest etiam alio modo intelligi donec ponat,
etc., ut ly donec determinet tempus, et ponatur pro futuro, ut dicatur
sic oportet illum regnare, sed quando? Donec ponat, et cetera.
Quasi dicat : usque tunc regnabit, quousque ponat inimicos sub pedibus,
postea vero non regnabit. Sed secundum hanc expositionem, regnare non
importat regnum habere, sed in regnando proficere et regnum augeri, et hoc
quantum ad manifestationem perfectam regni Christi. Quasi dicat : regnum
Christi paulatim proficit, inquantum scilicet manifestatur et innotescit, donec
ponat inimicos sub pedibus, id est quousque omnes inimici regnare eum
fateantur : boni quidem cum gaudio beatitudinis, mali vero cum confusione; et
postea non regnat, id est regnum suum non proficit, et non amplius
manifestatur, quia iam plene manifestum erit. Sic ergo patet omnium
adversantium subiectio, quae quidem subiectio perfectissima erit, quia etiam
illud quod maxime inimicatur, subiicietur sibi. Hoc autem est mors, quae
maxime contrariatur vitae; et ideo dicit novissime autem, etc.; ubi tria facit. Primo ponit subiectionem mortis;
secundo probat hoc per auctoritatem, ibi omnia enim subiecit, etc.;
tertio ex ipsa auctoritate arguit, ibi cum autem dicat, et cetera. Dicit ergo : dixi quod omnes inimicos subiecit sub pedibus eius. Sed
qualiter? Perfectissime, inquam, quia novissime inimica mors destruetur,
scilicet in fine, quia non poterit esse cum vita, ubi omnes per
resurrectionem vivent. Os. XIII, 14 — ero mors tua, o mors. Is. XXV, 8
— praecipitabit mortem in sempiternum. Sciendum est autem, quod
Origenes ex hoc verbo sumpsit occasionem erroris sui, quem ponit in periarchon.
Ipse enim voluit quod poenae damnatorum essent purgatoriae et non aeternae,
et voluit quod omnes, qui sunt in Inferno, quandoque converterentur ad
Christum et salvarentur, et etiam Diabolus. Et hoc confirmat per ista
verba donec ponam inimicos, et cetera. Et intelligit quod hoc quod
dicitur inimicos sub pedibus, solum intelligitur de subiectione, quae
fit per conversionem peccatorum ad Deum, non de subiectione qua sunt subiecti
Christo etiam illi, qui numquam convertuntur ad Christum, inquantum punit eos
in Inferno. Et ideo dicit oportet illum regnare, donec ponat inimicos sub
pedibus, quia tunc omnes damnati et qui sunt in Inferno salvabuntur,
inquantum scilicet convertentur ad ipsum, et servient ei, et non solum ipsi
homines damnati; autem, pro sed, novissime ipsa mors, id est
Diabolus, destruetur, non quod non sit omnino, sed quod non sit mors,
quia etiam ipse Diabolus in fine salvabitur. Sed hoc est haereticum et
damnatum in Concilio. Iterum sciendum est quod apostolus signanter
posuit hoc quod dicitur novissime autem, etc., ad removendum duas
quaestiones, quae possunt fieri circa praedicta de resurrectione, scilicet
utrum Christus posset vivificare mortuos. Et hoc solvitur, quia omnes
inimicos posuit sub pedibus eius, et etiam ipsam mortem. Et quare non statim
omnes resuscitavit? Ad quod respondetur, quod oportet quod primo subiiciat
inimicos sub pedibus, et novissime cum destruetur ipsa mors, tunc resurgent
omnes ad vitam. Non ergo differt, quia non potest, sed ut servet ordinem,
quia quae a Deo sunt, ordinata sunt. Quod autem ipsa mors subiiciatur Christo, probat
per auctoritatem Ps. VIII, 8 — omnia subiecisti sub pedibus eius, id
est, sub humanitate eius, scilicet Christi. Phil. II, v. 11 — omnis lingua,
et cetera. Is. XLV, 24 — mihi curvabitur omne genu, et cetera. Ex hac autem auctoritate argumentatur, dicens cum
autem dicat, et cetera. Et est ratio sua talis : propheta dicit omnia
subiecisti, etc., sed dicendo omnia, constat quod nihil exclusit,
nisi illum qui subiecit; ergo subiecta sunt Christo omnia et ipsa mors. Dicit
ergo : cum autem dicat, Psalmista scilicet, omnia subiecta sunt ei,
scilicet Christo, inquantum homini, praeter eum, scilicet patrem, qui
subiecit ei omnia. Hebr. II, v. 8 — in eo qui omnia sibi subiecit,
et cetera. Matth. ult. : data est mihi omnis potestas, et cetera. Sed contra. Si pater subiecit omnia filio, ergo filius est
minor patre. Responsio.
Dicendum est, quod pater subiecit omnia filio, inquantum est homo, ut dictum
est, et sic pater est maior filio. Est enim minor patre secundum humanitatem, aequalis vero secundum
divinitatem. Vel dicendum, quod etiam ipse filius, inquantum Deus, subiecit
sibi omnia, quia sic potest omnia quae pater potest, Phil. III, 20 — salvatorem
expectamus, etc., secundum operationem qua potens est subiicere omnia.
Consequenter cum dicit cum autem subiecta fuerint illi omnia,
etc., ostendit finem huius resurrectionis non esse in humanitate Christi, sed
ulterius perducetur rationalis creatura ad contemplationem divinitatis, et in
ea est beatitudo nostra, et finis noster ipse Deus est. Et ideo dicit cum
autem subiecta, etc., quasi dicat : nondum Deus subiecit omnia Christo,
sed cum omnia fuerint ei subiecta, scilicet Christo, tunc ipse filius
secundum humanitatem subiectus erit illi, scilicet patri, Io. XIV, 28 — pater maior me
est; et subiectus est nunc etiam Christus secundum quod homo patri, sed
hoc tunc manifestius erit. Et ratio huius subiectionis est ut sit Deus
omnia in omnibus, id est ut anima hominis totaliter requiescat in Deo, et
solus Deus sit beatitudo. Modo enim in uno est vita et virtus in alio et
gloria in alio, sed tunc Deus erit vita et salus et virtus, et gloria et
omnia. Vel aliter ita, ut sit Deus omnia in omnibus, quia tunc
manifestabitur quod quidquid boni habemus est a Deo. |
Saint Paul
prouve maintenant que la proposition conditionnelle qu’il a posée plus haut
est vraie, c’est-à-dire : si Jésus-Christ est ressuscité, les morts
ressusciteront. Pour l’établir, I° il
détermine le rapport qui existe entre la résurrection de Jésus-Christ et les
autres résurrections ; II° il dit
quel sera l’ordre de la résurrection (verset 23) : mais chacun à son
rang ; III° il en
explique la fin (verset 24) : Ensuite viendra la fin de toutes choses. I° Sur la première subdivision, l’Apôtre établit : I. La relation de la
résurrection de Jésus-Christ avec la résurrection des hommes, en tirant sa
preuve de la proposition conditionnelle précédente ; II. il prouve cette
relation même (verset 21) ; car c’est par un homme que la mort est venue. I. Il dit donc (verset
20) : Mais maintenant, c’est-à-dire dès lors que ces absurdités se
présentent si Jésus-Christ n’est pas ressuscité, disons, afin de les éviter,
qu’il est ressuscité. Cette résurrection, d’ailleurs, est de toute
vérité, d’après ce qui est rapporté au chapitre dernier de saint Matthieu et
en d’autres endroits des Evangiles. Or le rapport de la résurrection de
Jésus-Christ, à l’égard de la résurrection des autres, est semblable aux
prémices des fruits par rapport à ceux qui les suivent et qu’ils surpassent
par leur durée, leur saveur et leur beauté. Voilà pourquoi l’Apôtre dit que Jésus-Christ
est ressuscité, non pas comme les autres, mais (verset 20) : comme les
prémices, c’est-à-dire comme le premier, et pour le temps et pour la
dignité (Apoc., I, 5) : "le premier-né d’entre les morts."
Je dis les prémices de ceux qui sont endormis, c’est-à-dire des
morts, qui reposent dans l’espérance de la résurrection. On peut déduire de
là la proposition conditionnelle supposée, à savoir que, comme nous le
disions et comme il est vrai, si Jésus-Christ, qui est en quelque sorte les
prémices de ceux qui dorment, est ressuscité, les antres ressusciteront
également. On objecte que cela est contredit, à savoir que Jésus-Christ n’est
pas ressuscité comme les prémices de ceux qui dorment, car Lazare a été
ressuscité par Jésus-Christ lui-même avant sa passion, et quelques prophètes
ont aussi ressuscité des morts, comme il est rapporté dans l’Ancien
Testament. Il faut répondre qu’il y a deux sortes de résurrection : l’une à
la vie mortelle, et c’est à cette vie que furent rappelés Lazare et les
autres qui ressuscitèrent avant Jésus-Christ ; l’autre à la vie immortelle,
et c’est de celle-ci que parle l’Apôtre. On insiste : on lit en saint
Matthieu (XXVII, 52) que "Plusieurs corps des saints qui étaient
morts se levèrent." Donc, comme ce fait a précédé la résurrection de
Jésus-Christ, et que certainement ces morts ne ressuscitèrent pas à la vie
immortelle, il semble que la première difficulté subsiste. Il faut répondre
que ce que dit saint Matthieu, dans le chapitre XXVII, de cette résurrection
des saints, il le dit par anticipation ; car, bien qu’on lise ce récit dans
l’histoire de la Passion, ces morts ne ressuscitèrent pas alors, mais après
que Jésus-Christ fut ressuscité. II. (verset 21) : Car
c’est par un homme, etc., Paul prouve la relation supposée, c’est-à-dire
que Jésus-Christ a été les prémices de ceux qui dorment. Il le prouve d’abord
d’une manière générale, ensuite d’une manière spéciale (verset 22) : et comme
tous meurent en Adam, etc. 1° Il le prouve en général par ce
raisonnement : Dieu a voulu restaurer la nature humaine ; or la nature
humaine a été viciée par un homme, puisque c’est par un homme que la mort est
venue ; il était donc de la dignité de cette nature d’être restauré par un
homme ; or cette restauration consiste dans le retour à la vie ; il est donc
convenable que de même que la mort est venue par un homme, c’est-à-dire par
Adam (verset 21) : ainsi la résurrection des morts vint par un homme,
c’est-à-dire par Jésus-Christ ; (Rom., V, 17) : "Si, à cause du
péché d’un seul, etc. 2° (verset 22) : Et comme tous
meurent par Adam, l’Apôtre prouve ici sa proposition d’une manière
spéciale, en disant : de même que tous nous mourons en Adam d’une mort corporelle,
ainsi sommes-nous tous vivifiés en Jésus-Christ ; (Rom., V, 12) : "[Comme
le péché est entré dans ce monde] par un seul homme, etc." Saint Paul
ne dit pas par Eve, ce qui paraît contredire ce passage de l’Ecclésiastique
(XXV, 33) : "C’est par elle que nous mourons tous." Il faut
répondre que cette mort est arrivée par Eve, c’est-à-dire à sa suggestion,
mais par Adam comme cause, car si Eve seule eût péché, le péché originel
n’eût pas été communiqué à ses descendants ; (verset 22) : Tous donc
revivront en Jésus-Christ, c’est-à-dire les bons et les méchants, de la
vie de la nature, mais de la vie de la grâce les bons seulement. Néanmoins
l’Apôtre parle ici de la résurrection à vie de la nature, pour laquelle tous
seront vivifiés ; (Jean V, 26) : "Comme le Père a la vie en lui,
ainsi a-t-il donné au Fils d’avoir la vie en lui," c’est-à-dire la
puissance de vivifier ; et encore (Jean V, 28) : "Tous ceux qui sont
dans les sépulcres, etc." II° (verset 23) : mais chacun a son rang, etc. ici
l’Apôtre explique l’ordre de la résurrection. Et d’abord, il insinue cet
ordre ; ensuite, il explique ce qu’il vient de dire (verset 23) : Jésus-Christ
d’abord, comme le prémices, etc. I. Il dit donc, ce qui
est vrai, que tous revivront en Jésus-Christ, mais avec des différences,
car il y aura une différence entre le chef et les membres, et, de plus, entre
les bons et les méchants. C’est pourquoi l’Apôtre dit mais chacun à son
rang, à savoir de dignité ; (Rom., XIII, 1) : "Tout ce qui
est a été établi par Dieu." II. L’Apôtre développe
immédiatement cet ordre (verset 23) : Jésus-Christ d’abord, comme les
prémices, parce qu’il est le premier et par le temps et par la dignité,
car il participe davantage à la gloire ; (Jean I, 14) : "Et nous
avons vu sa gloire, comme la gloire que reçoit de son Père le Fils unique, etc." ;
(verset 23) : ensuite ressusciteront tous ceux qui sont à
Jésus-Christ, les seconds pour le temps et la dignité, ce sont ceux qui
ont crucifié leur chair avec ses convoitises, etc… ; (Gal., IV, 4) : "Lorsque
les temps ont été accomplis" ; (I Tim., VI, 14) : "Observez
les préceptes que je vous donne, vous conservant sans tache et sans reproche
jusqu’à l’avènement glorieux de Notre Seigneur Jésus-Christ." Saint
Paul indique qui sont ceux qui appartiennent à Jésus-Christ, en disant
(verset 23) : et qui ont cru, par la foi et par la charité, qui opère
les œuvres ; (Hébr., XI, 6) : "Pour s’approcher de Dieu, il faut
croire premièrement, etc." - (verset 23) : à son avènement,
au premier et au second. Mais il faut se souvenir que pour les autres saints,
il n’y aura pas d’ordre de temps, parce que tous ressusciteront en un clin
d’œil ; toutefois il y aura un ordre quant à la dignité, car le martyr
ressuscitera comme martyr, l’apôtre comme apôtre, et ainsi des autres. III° (verset 24) : Ensuite viendra la fin de toutes choses, ici
l’Apôtre désigne la fin de la résurrection ; or cette fin est de deux sortes :
l’une est la possession du bien, l’autre la préservation du mal (verset 25) :
Car Jésus-Christ doit régner, etc. I. Sur la première de
ces fins, saint Paul montre d’abord que la possession du bien lui-même
consiste dans l’union à Dieu ; ensuite, que cette union est immédiate (verset
24) : lorsqu’il aura anéanti, etc. 1° Il dit donc : Ensuite,
c’est-à-dire après ce qui vient d’être dit, viendra la fin de la
résurrection, et cette fin, pour les ressuscités, ne sera pas de vivre
de la vie du corps et des voluptés, comme se l’imaginaient les Juifs et les
Mahométans, mais de s’unir à Dieu par la vision immédiate et l’heureuse
jouissance de Dieu, ce qui est (verset 24) remettre son royaume à son
Père. C’est pour quoi saint Paul dit (verset 24) : lorsqu’il aura
remis, c’est-à-dire conduit son royaume, en d’autres termes les
fidèles qu’il a rachetés au prix de son sang : (Apoc., V, 9) : "Vous
nous avez rachetés par votre sang" - à Dieu son Père, c’est-à-dire
en présence de Dieu son Créateur, en tant qu’homme, et son Père, en tant que
Dieu. C’est là ce que demandait Philippe (Jean XIV, 8) : "Seigneur,
montrez-nous votre Père, etc." Il remettra son royaume, et toutefois
le conservera ; disons mieux, il régnera lui-même étant un seul Dieu avec le
Père et le Saint Esprit. Ou encore : lorsqu’il aura remis son royaume à
Dieu son Père, c’est-à-dire lorsqu’il manifestera à tous que son Père
règne ; car, dans le langage de l’Ecriture, on dit qu’une chose se fait quand
elle est connue pour la première fois ; or on connaît le Père par
Jésus-Christ ; (Matthieu XI, 27) : "Personne ne connaît le Père,
si ce n’est le Fils et celui à qui, etc." 2° (verset 24) : Et lorsqu’il aura
anéanti. Saint Paul établit ici que cette union est immédiate. Car, ainsi
qu’il est dit (Gal., IV, 1) : "Tant que l’héritier est encore enfant,
il est sous la puissance des tuteurs, etc." ; mais lorsqu’il
est grand et arrivé à l’âge parfait, alors il n’a plus ni gouverneur ni
tuteur, ni intermédiaire, et reste sous l’autorité de son père dans sa
maison. Or l’état de la vie présente est comparé à l’enfance : pendant cette
vie nous sommes donc sous la garde des anges, qui sont comme nos tuteurs, en
tant qu’ils ont autorité sur nous et nous dirigent ; mais lorsque le royaume
aura été remis par Jésus-Christ à Dieu son Père, nous serons immédiatement
sous l’autorité de Dieu, et toute autre puissance cessera. C’est ce qui fait dire
à saint Paul (verset 24) : Et lorsqu’il aura anéanti toute principauté,
toute puissance et toute vertu," c’est-à-dire lors qu’aura pris fin
toute puissance protectrice, soit humaine, soit angélique, nous serons
immédiatement sous l’autorité de Dieu ; (Isaïe, II, 12) : "Dieu
seul paraîtra grand en ce jour-là" ; et (Jér., XXXI, 34) : "Et
nul n’instruira plus son prochain, etc. Les
hiérarchies angéliques demeureront-elles alors distinctes ? Il faut répondre
qu’elles resteront distinctes quant à l’éminence de la gloire, laquelle donne
à l’une prééminence sur l’autre, mais qu’elles ne le seront plus quant à
l’action de leur ministère par rapport à nous. Voilà pourquoi l’Apôtre dit
que celles de ces hiérarchies dont les noms désignent les ministères, à savoir
les Principautés, les Puissances et les Vertus, seront anéanties. Il ne nomme
point les hiérarchies supérieures, parce qu’elles n’ont pas de ministères, ni
les anges, parce que c’est le nom commun à tous. Il ne dit pas non plus que
les Dominations seront anéanties, parce que, bien qu’elles soient du nombre
des ministères, toutefois elles n’exécutent rien par elles-mêmes, mais
commandent et dirigent. En effet, il appartient à ceux qui dominent de
diriger et de commander, non d’exécuter ; on ne sépare point les Archanges
des Principautés, parce que l’expression « ¢rcoj » a le même sens que commandement. Ces trois ordres, suivant saint
Grégoire, sont rangés par gradation descendante ; car, selon ce Père (Hom., XXXIV sur l'Ev.), les
Principautés sont au-dessus des Puissances, et les Puissances au-dessus des
Vertus ; mais, au sentiment de saint Denis (Hiérarchie
Céleste, VI), ils sont en gradation ascendante ; car,
suivant lui, les Vertus sont au-dessus des Puissances, et celles-ci au-dessus
des Principautés. Ou encore : lorsqu’il aura anéanti, etc., c’est-à-dire
: on reconnaîtra alors que les Principautés, et les Puissances, et les
Dominations n’ont d’elles mêmes aucune autorité, mais qu’elles la tiennent de
Dieu, de qui procèdent toutes choses. II. Lorsque l’Apôtre
ajoute (verset 25) : Car Jésus-Christ doit, etc., il indique la fin de
la résurrection, quant à la préservation du mal, ce qu’il manifeste par la
destruction de tous les ennemis aux pieds du Christ. Et d’abord il exprime
leur destruction ; ensuite la perfection de leur soumission (verset 26) : Or
la mort sera le dernier ennemi détruit ; et, en dernier lieu,
la fin de cette soumission (verset 28) : lors donc que toutes choses
auront été assujetties. 1° Il dit : J’ai avancé que la fin de
toutes choses arrivera lorsque Jésus-Christ aura réuni son royaume à Dieu,
son Père. Mais Jésus-Christ a-t-il un royaume pour pouvoir régner ? Oui, car
on lit (Matth.., XXVIII, 18) : "Tout pouvoir m’a été donné, etc." ;
et (Luc, I, 32) : "Il régnera sur la maison de Jacob."
Jésus-Christ doit, disons-nous, régner jusqu’à ce que Dieu ait mis
tous ses ennemis sous ses pieds ; mais est-ce que, dès maintenant,
ses ennemis ne sont pas sous ses pieds, c’est-à-dire sous la puissance de
Jésus-Christ ? Il faut répondre que les ennemis de Jésus Christ sont déjà
sous sa puissance, mais de deux manières : en tant qu’ils sont convertis par
lui, comme Paul, qu’il renversa le visage contre terre ; (Actes, IX, 3),
ou en tant que Jésus-Christ fait sa volonté, même à l’endroit de ceux mêmes qui
agissent contre la volonté de Jésus-Christ. Il met donc ses ennemis sous ses
pieds, en les punissant ; et dans son règne futur il les mettra sous ses
pieds, c’est-à-dire sous la puissance de l’humanité de Jésus-Christ. Car de
même que par le Chef on entend en Jésus-Christ la Divinité, attendu que
(ci-dessus, XI, 3) : le chef de Jésus c’est Dieu, ainsi on entend par
les pieds son humanité ; (Psaume CXXXI, 7) : "Nous l’adorerons
dans le lieu où il a posé ses pieds, etc." Ainsi donc, ses ennemis
seront non seulement sous la puissance de la Divinité, mais encore sous celle
de l’humanité de Jésus-Christ ; (Philip., II, 10) : "afin qu’au
nom de Jésus tout genou, etc." Mais que
veut dire cette parole de saint Paul : jusqu’à ce que Dieu mette, etc.?
Est-ce que Jésus-Christ ne régnera pas avant que Dieu ait mis ses ennemis
sous ses pieds ? Il faut répondre que ce passage peut être entendu de deux
manières. En effet, cette expression : "jusqu’à ce que,"
détermine quelquefois le temps, et s’emploie pour un temps limité, comme
lorsque je dis : je ne verrai point Dieu jusqu’à ce que je meure c’est-à-dire
je ne verrai pas Dieu jusqu’à ce moment, mais alors je le verrai. Quelquefois
elle indique un temps indéterminé, comme lorsqu’on dit (Matth., X, 23) : "Et
il ne l’avait pas connue quand elle enfanta son Fils premier-né,"
non pas que l’Evangile ait voulu dire que Joseph ne la connut pas seulement
jusqu’à ce qu’elle ait mis au monde son Fils, puisqu’il ne la connut pas
davantage dans la suite, comme dit saint Jérôme, mais on emploie cette façon
de parler toutes les fois qu’on veut prévenir seulement un doute. L’Evangile
écarte donc ici seulement ce qui pouvait présenter un doute, à savoir que
Joseph eût connu la Bienheureuse Vierge avant son enfantement ; qu’après
l’enfantement de Jésus, jamais Joseph n’ait connu Marie, ce ne peut être
douteux pour personne, car il fut le témoin de tous les mystères de l’Enfant
divin ; il fut si souvent instruit par les anges et il vit Jésus adoré par
les Mages. Il pouvait donc reconnaître la Mère de Dieu, et par conséquent
l’Evangile ne s’inquiétait pas d’exclure le doute : c’est cette façon de
parler que l’Apôtre emploie ici. Que quelqu’un règne, quand ses ennemis ne
sont pas soumis encore, ce peut être douteux, mais qu’il règne après que ses
ennemis sont soumis, il n’y a plus de doute possible : voilà ce à quoi
l’Apôtre veut particu-lièrement répondre quand il dit : Jusqu’à ce que, etc.,
comme s’il disait : il est vrai que Jésus-Christ règne, et bien qu’il ait
encore quelques ennemis qui ne font pas sa volonté, il règne cependant
jusqu’à ce que, etc. On peut encore entendre ce passage d’une autre
manière, en regardant l’expression Jusqu’à ce que comme déterminant un
temps à venir ; le sens serait : le Christ doit régner. Mais quand ? Jusqu’à
ce que Dieu ait mis sous ses pieds, etc. ; en d’autres termes il
régnera jusqu’au moment où Dieu aura mis ses ennemis sous ses pieds, et
ensuite il ne régnera plus. Mais d’après cette explication, régner ne veut
pas dire avoir un royaume, mais avancer et augmenter en puissance, et cela
quant à la manifestation parfaite du règne de Jésus-Christ, comme si l’Apôtre
voulait dire : le règne de Jésus-Christ se parfait peu à peu, en ce sens
qu’il est connu et manifesté, jusqu’à ce que Dieu ait mis ses ennemis sous
ses pieds, c’est-à-dire jusqu’à ce que tous ses ennemis confessent qu’il
règne : les bons avec la joie de la béatitude, les méchants avec confusion,
et ensuite il ne règne plus, c’est-à-dire son règne ne reçoit plus
d’accroissement ni aucune manifestation nouvelle, parce qu’il est déjà
manifesté dans sa plénitude. Voilà la soumission de tous ses adversaires,
soumission qui se fera dans toute l’étendue possible, parce que ce qui lui
est plus opposé lui sera alors soumis, à savoir la mort, qui est principalement
opposée à la vie. C’est pourquoi l’Apôtre dit (verset 26) : Or la mort
sera le dernier ennemi détruit, etc. 2° Ici l’Apôtre rappelle la soumission
de la mort ; puis il prouve cette soumission par voie d’autorité (verset 26) :
Tout a été mis sous ses pieds ; enfin, du passage cité il
argumente (verset 26) : Mais en disant, etc… A) Il dit donc : J’ai établi que Dieu
a mis sous les pieds de Jésus-Christ tous ses ennemis ; mais de quelle
manière ? de la manière la plus absolue, je le répète, puisque (verset 26) : En
dernier lieu, la mort même, qui est son ennemie, sera détruite,
c’est-à-dire à la fin du monde, puisqu’elle ne pourra subsister avec la vie
là où tous vivront par la résurrection ; (Osée, XIII, 14) : "O
mort, je serai ta mort !" et (Isaïe, XXV, 8) : "Il
précipitera la mort à tout jamais." Il faut observer ici qu’Origène
a pris de ce passage occasion d’enseigner une erreur, qu’il a développée dans
son Périarchon.
Il a prétendu que les peines des damnés étaient destinées à purifier les
âmes, et non éternelles ; il a soutenu que tous ceux qui sont en enfer se
convertiraient un jour à Jésus-Christ et seraient sauvés, sans excepter
Satan. Il appuie cette erreur sur ces paroles : jusqu’à ce que je mette
vos ennemis, etc. ; il entend que cette expression : vos ennemis
sous ses pieds, etc., doivent s’expliquer de la soumission à Dieu par la
conversion des pécheurs, et non de cette soumission par laquelle sont sujets
de Jésus-Christ même ceux qui ne se convertissent jamais à lui, en tant qu’il
les punit dans les enfers. Voici son explication : "Jésus-Christ doit
régner jusqu’à ce que Dieu mette ses ennemis sous ses pieds" ;
alors tous les damnés et tous ceux qui sont dans les enfers seront sauvés,
c’est-à-dire se convertiront à Dieu et le serviront ; et non seulement les
hommes qui auront été damnés, mais même, pour « mais
encore », en dernier lieu la mort elle-même, c’est-à-dire le
démon, sera détruite ; non pas qu’elle ne subsistera plus du
tout, mais elle ne subsistera plus comme mort, puisque le démon lui-même, à
la fin, sera sauvé. Cette doctrine est hérétique et condamnée dans un concile[11]. Il faut
encore remarquer que l’Apôtre a dit expressément (verset 26) : Or la mort
sera le dernier, etc., afin de prévenir deux questions que l’on aurait pu
faire sur ce qui a été dit de la résurrection des morts : la première si
Jésus-Christ pouvait rendre la vie aux morts. Cette difficulté est résolue
par ces paroles : Dieu a mis sous les pieds de Jésus-Christ tous ses ennemis
et la mort elle-même. La seconde : pourquoi ne les a-t-il pas ressuscités
aussitôt ? Il faut répondre à ceci qu’il doit d’abord mettre ses ennemis sous
ses pieds, et lorsqu’à la fin la mort elle-même sera détruite, tous
ressusciteront à la vie. Si donc il diffère, ce n’est pas qu’il ne peut pas,
mais pour conserver l’ordre, parce que les oeuvres de Dieu se font d’après
une règle. B) Or que la mort elle-même soit
soumise à Jésus-Christ, saint Paul le prouve par voie d’autorité (Psaume
VIII, 8) : "Vous avez mis toutes choses sous ses pieds,"
c’est-à-dire sous la dépendance de l’humanité de Jésus-Christ ; (Philip.
II, 11) : "Et que toute langue, etc." ; (Isaïe
XLV, 23) : "Tout genou fléchira devant moi, etc. " C) L’Apôtre argumente sur cette
autorité, en disant (verset 26) : Mais comme l’Ecriture dit, etc.
Voici son raisonnement : Le prophète dit : "Vous avez tout mis sous
ses pieds, etc." ; or, en disant "tout," il
est certain qu’il n’excepte que Celui qui lui a soumis toutes choses. Donc
toutes choses, même la mort, sont soumises à Jésus-Christ. Il dit donc
(verset 26) : Puisque le Psalmiste dit (verset 27) : "Tout,
lui est soumis," c’est-à-dire à Jésus-Christ, en tant qu’homme, à
l’exception du Père, qui lui a tout soumis ; (Hébr., II, 8) :
"Or, de ce que Dieu lui a soumis toutes choses, etc." ;
et (Matthieu XXVIII, 18) : "Tout pouvoir m’a été donné, etc." On objecte
que si le Père a tout soumis au Fils, le Fils est moindre que le Père. Il
faut répondre que le Père a soumis toutes choses à son Fils, en tant
qu’homme, comme il a été dit, et en ce sens le Père est plus grand que le
Fils, qui est inférieur au Père selon son humanité, mais lui est égal selon
la divinité. Ou bien on peut dire que le Fils lui-même, en tant que Dieu,
s’est soumis toutes choses, parce que sous ce rapport il peut tout ce que peut
son Père ; (Philip., III, 20) : "Nous attendons le Sauveur, etc."
par cette vertu efficace qui peut lui assujettir toutes choses. 3° Lorsqu’il dit enfin (verset 28) : Lors
donc que toutes choses auront été assujetties au Fils, etc…, l’Apôtre
établit que la fin de cette résurrection n’est pas dans l’humanité de
Jésus-Christ, mais que la créature raisonnable sera conduite au delà dans la
contemplation de la Divinité, et que c’est dans cette contemplation que se
trouve notre béatitude, car notre fin, c’est Dieu lui-même. C’est ce qui lui
fait dire (verset 28) : Lors donc que toutes choses auront été
assujetties, etc. : en d’autres termes, Dieu n’a pas encore soumis toutes
choses à Jésus-Christ ; mais, lorsque tout sera soumis à Jésus-Christ, alors
le Fils lui-même, selon son humanité, sera soumis au Père ; (Jean XIV,
28) : "Mon père est plus grand que moi." Dès maintenant
Jésus-Christ, en tant qu’homme, est soumis à son Père, mais alors cette
soumission sera plus manifeste. La raison de cette soumission est qu’il faut
que Dieu soit tout en tous, c’est-à-dire que l’âme de l’homme repose
totalement en Dieu, et que Dieu seul soit la béatitude. Car maintenant dans
l’un se trouve la vie, dans l’autre la vertu, et la gloire dans un troisième
; mais alors Dieu sera la vie et le salut, et la vertu et la gloire, tout
enfin. Ou autrement encore : afin que Dieu soit tout en tous, parce
qu’alors on verra que tout ce que nous avons de bien vient de Dieu. |
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Lectio 4 |
Leçon 4 : 1 Corinthiens XV, 29-34 — Sans résurrection, Carpe diem |
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SOMMAIRE :
S’il n’y a pas de résurrection des morts, il s’ensuit que la dévotion du
baptême est vaine et les travaux des saints inutiles ; il faut alors se
livrer aux voluptés. |
[29] alioquin quid facient qui baptizantur pro mortuis si
omnino mortui non resurgunt ut quid et baptizantur pro illis [30] ut quid et nos periclitamur omni hora [31] cotidie morior per vestram gloriam fratres quam
habeo in Christo Iesu Domino nostro [32] si secundum hominem ad bestias pugnavi Ephesi quid mihi
prodest si mortui non resurgunt manducemus et bibamus cras enim moriemur [33] nolite seduci corrumpunt mores bonos conloquia mala [34]
evigilate iuste et nolite peccare ignorantiam enim Dei quidam habent ad
reverentiam vobis loquor |
29.
Autrement, que feront ceux qui sont baptisés pour les morts s’il est
vrai que les morts ne ressuscitent pas ? Pourquoi sont-ils baptisés pour les
morts ? 30. Et
pourquoi nous nous exposons-nous à toute heure à tant de périls ? 31. Il n'y
a pas de jour que je ne meure, je vous en assure, mes frères, par la gloire
que je reçois de vous dans le Christ Jésus Notre Seigneur. 32. Si,
pour parler selon l'homme, j'ai combattu à Ephèse contre des bêtes farouches,
quel avantage en tirerai-je si les morts ne ressuscitent pas ? Ne pensons
qu'à boire et à manger, puisque demain nous mourrons ! 33. Ne vous
laissez pas séduire. Les mauvais entretiens corrompent les bonnes moeurs. 34. Justes,
tenez-vous dans la vigilance, et gardez-vous du péché ; car il y en a
quelques-uns qui ne connaissent pas Dieu ; je vous le dis pour vous faire
honte. |
[87684] Super 1 Cor. [reportatio vulgata],
cap. Dicit ergo primo : dixi quod mortui resurgunt, alioquin,
scilicet si non est resurrectio mortuorum futura, ut nos praedicamus, quid
facient qui, et cetera. Hoc potest dupliciter intelligi. Uno modo, ut per
hoc quod dicit mortui, intelligantur opera peccati, quae sunt mortua,
quia carent vita gratiae, et ducunt ad mortem. Hebr. IX, 14 — sanguis
Christi emundabit, et cetera. Et secundum hoc plana est littera. Quid,
scilicet facient illi, qui baptizantur pro mortuis, id est pro
peccatis abluendis, si non sint vitam gratiae habituri? Alio modo, quia quidam tunc temporis volebant,
quod homines possent primo baptizari, ut sibi ipsis remissionem peccatorum
consequerentur; et iterum baptizabantur pro aliquo consanguineo suo defuncto,
ut etiam post mortem dimitterentur ei peccata. Et secundum hoc sit littera : quid
facient qui baptizantur pro mortuis, scilicet consanguineis, pro quorum
salute baptizantur, si non sit resurrectio mortuorum? Sed isti in aliquo
commendari possunt, scilicet in hoc quod fidem resurrectionis videbantur
habere. Sed in aliquo possunt reprehendi, in hoc scilicet quod unum credebant
posse pro alio baptizari. Sed tunc est quaestio : si oratio unius prodest
alteri, quare non etiam Baptismus? Ad hoc est duplex responsio. Una est, quod
opera quae faciunt vivi, prosunt mortuis propter unionem charitatis et fidei.
Et ideo non prosunt nisi illis qui decedunt cum charitate et fide. Unde
infidelibus nec oratio, nec Baptismus vivorum prosunt; tamen oratio prodest
illis qui sunt in Purgatorio. Alia responsio, et melior, quia bona opera
valent mortuis, non solum ex vi charitatis, sed etiam ex intentione
facientis. Sicut
si ego dicerem Psalterium pro aliquo qui est in Purgatorio, qui tenebatur
dicere, ut satisfaciam pro eo, valet quidem quantum ad satisfactionem solum
illi pro quo dico. Dicendum
est ergo secundum hoc, quod Baptismus non habet virtutem ex intentione
nostra, sed ex intentione Christi. Intentio autem Christi est ut Baptismus
illis proficiat, qui in Christi fide baptizantur. Consequenter istud inconveniens explicat, dicens si
omnino, et cetera. Et ista explicatio videtur magis convenire secundae
expositioni supra positae, quasi dicat : ut quid baptizantur pro illis, id
est, pro mortuis, si non resurgunt? Sed si secundum primam expositionem
exponatur, tunc sic potest dici si omnino mortui non resurgunt, ut quid
etiam baptizantur pro illis, id est pro peccatis, cum ipsa non
dimittantur? Ut quid periclitamur, et cetera. Hic ponit
secundum inconveniens, et circa hoc duo facit. Primo ponit inconveniens in
communi; secundo in speciali, ibi quotidie, et cetera. Dicit ergo : non solum frustra baptizantur aliqui
pro remissione peccatorum, sed nos etiam frustra affligimur, si resurrectio
mortuorum non est. Et hoc est quod dicit ut quid et nos, sancti
apostoli, periclitamur, id est pericula patimur, omni hora? I1
Cor. c. XI, 26 — periculis fluminum, periculis, et cetera. Constat
enim, quod sancti exponunt se tribulationibus, et affligunt seipsos propter
spem vitae aeternae, secundum illud Rom. V, 11 — non solum autem, sed et
gloriamur, et cetera. Spes autem non confundit, et cetera. Si ergo
resurrectio mortuorum non sit, totaliter spes perit. Frustra ergo affligerent
se, si mortui non resurgunt. Nec obstat, si dicatur quod anima separata
praemiatur, quia, ut probatum est supra, non posset probari quod anima esset
immortalis. Consequenter cum dicit quotidie, etc.,
enumerat pericula in speciali, et primo quantum ad personam; secundo quantum
ad locum, ibi si, secundum hominem, ad bestias, et cetera. Manifestat ergo in speciali pericula quantum ad
personam suam; unde dicit quotidie morior, etc., quasi dicat : non
quaecumque pericula patimur, sed etiam mortis, quia quotidie morior,
id est sum in periculis mortis. Ps. XLIII, 22 — propter te mortificamur
tota die. Et hoc ostendit apostolus Roman. Alia littera habet per gloriam, etc., et
tunc ly per gloriam, est verbum iurantis; quasi dicat : per gloriam
vestram, quam scilicet expectatis, quae est Deus. Ac si diceret : iuro
per Deum, quem habeo in spe in Christo Iesu, id est per passionem, et cetera.
Ex quo apparet, quod etiam apostolus iuravit, et quod in viris perfectis
iurare non est peccatum. Si secundum hominem, et cetera. Hic specificat pericula
quantum ad locum. Ubi
sciendum est, quod hoc legitur Act. c. XIX, ubi dicitur quod, cum Paulus apud
Ephesum multos convertisset ad fidem, quidam concitaverunt contra eum
populum, intantum quod non esset ausus exire in theatrum, et quod multa
pericula sit ibi passus. Ergo forte facit hic de hoc mentionem, quia e vicino
passus hoc fuerat. Dicit ergo : si secundum hominem, id est secundum
rationem ex qua homo est, hoc disputando de resurrectione, concludens quod
homo non moritur sicut bestia. Pugnavi ad bestias, id est ad homines
bestialiter viventes apud Ephesum. Vel si pugnavi ad bestias Ephesi, et hoc
dico non ex revelatione divina, sed secundum hominem, id est ex
instinctu humano, si tot pericula passus sum, et cetera. Deinde cum dicit manducemus, etc., ponit
tertium inconveniens, quod est : si resurrectio mortuorum non esset, daretur
occasio fruendi voluptatibus. Quasi dicat : si non est alia vita, stulti
sumus si affligimus nos, sed manducemus et bibamus, id est utamur
deliciis et fruamur voluptatibus. Sap. II, v. 1 — non est, qui sit agnitus,
etc. : venite, fruamur, et cetera. Cras enim, id est, in
proximo, moriemur; totaliter enim deficiemus in anima et corpore, si
mortui non resurgunt. Deinde cum dicit nolite seduci, ex
praedictis concludit admonitionem, et primo quantum ad infirmos; secundo vero
quantum ad perfectos et iustos, ibi vigilate, iusti, et cetera. Circa
primum duo facit. Primo reddit eos attentos, dicens nolite seduci,
quasi dicat : dictum est, quod si resurrectio mortuorum non sit, stultum
esset non uti lasciviis et voluptatibus. Ne ergo ad lascivias inducamini,
nolite seduci ab his qui negant resurrectionem. Col. II, 18 — videte ne
quis vos seducat, et cetera. Secundo rationem attentionis assignat, dicens corrumpunt,
etc., quasi dicat : ideo nolite seduci, quia colloquia mala, illorum
scilicet qui negant resurrectionem, corrumpunt bonos mores, II Tim.
II, 17 — sermo eorum serpit ut cancer. Hieronymus dicit quod hoc est
sumptum ex dictis gentilium, et est versus cuiusdam Menandri. Et ex hoc, ut
ipse dicit, argumentum habemus, quod licet nobis quandoque in sacra Scriptura
uti auctoritatibus gentilium. Deinde cum dicit vigilate, etc., ponit
admonitionem quantum ad perfectos. Posset enim dicere, quod a colloquiis
illorum debent cavere infirmi qui de facili seducuntur; perfecti autem non
sic seduci possunt. Apostolus autem vult, quod etiam perfecti sint cauti. Unde circa hoc duo facit. Primo reddit eos
attentos, dicens vigilate, iusti, id est vos, qui reputamini iusti, vigilate,
id est, solliciti sitis. Matth. XXIV, 42 — vigilate, quia nescitis, et
cetera. Apoc. XVI, 15 — beatus qui vigilat, et cetera. Secundo rationem assignat, dicens nolite,
etc., et hanc duplicem, quarum unam propter seipsos. Nullus enim est adeo
perfectus, quin debeat sibi cavere a peccatis. Inertia autem et torpor
frequenter inducit ad peccatum, unde ne peccent inducit eos ad vigiliam, et
ideo dicit et nolite peccare, id est ne peccetis, Tob. IV, 6 — in
mente habeto Deum, et cave ne aliquando peccato consentias. Aliam
rationem inducit propter alios, quia non solum propter seipsos sint
solliciti, sed et propter alios, ne illi seducantur. Et hoc est quod dicit quidam
enim habent ignorantiam Dei, id est non rectam fidem. Rom. X, v. 3 — ignorantes
Dei iustitiam, et cetera. Et hoc loquor vobis ad reverentiam vestram,
ut sitis cauti. Vel ad verecundiam vestram, quia verecundum est vobis, qui
reputamini sapientes, et instructi in fide, quod sint aliqui inter vos ignorantiam
Dei habentes, id est non rectam fidem. |
Après avoir
prouvé la résurrection des morts par la résurrection de Jésus-Christ,
l’Apôtre démontre cette même résurrection par la vie des fidèles. A cet
effet, I° il prouve
sa proposition ; II° il y joint
un avertissement (verset 33) : Ne vous laissez pas séduire, etc. I° Il prouve sa proposition eu poussant à trois conséquences inadmissibles
: la première, que la piété des fidèles à l’égard du baptême n’obtiendrait
pas son effet ; la seconde, que le travail des saints serait frustré de sa
récompense (verset 30) : Et pourquoi nous-mêmes nous exposons-nous à tant
de périls ?; la troisième, qu’on prendrait de là prétexte pour se livrer
aux voluptés (verset 32) : Mangeons et buvons, etc. I. Sur la première de
ces inconséquences, 1° il
l’exprime ; 2° il la
développe (verset 29) : S’il est vrai que les morts, etc. 1° Il dit donc : J’ai affirmé que les
morts ressuscitent, (verset 29) : Autrement, c’est-à-dire s’il n’y a
pas de résurrection future des morts, comme nous l’avons prêchée, que
gagneront ceux qui, etc. ? Ce passage peut être entendu de deux
manières : d’abord en ce sens que l’Apôtre, par ce mot les morts,
comprenne les oeuvres de péché, qui sont mortes, attendu qu’elles sont
privées de la vie de la grâce et qu’elles conduisent à la mort ; (Hébr.,
IX, 14) : "le sang de Jésus-Christ purifiera, etc. " Ainsi
expliquée, la lettre ne présente pas de difficulté. Que feront donc ceux
qui sont baptisés pour les morts veut dire : [A quoi sert de se faire
baptiser] pour obtenir la rémission de ses péchés si l’on ne peut pas obtenir
la vie de la grâce ? Une autre explication dit qu’à cette époque quelques
personnes prétendaient qu’on pouvait recevoir d’abord le baptême, afin de se
procurer à soi-même la rémission de ses péchés, puis être baptisé de nouveau
pour quelque parent mort, afin que les péchés du défunt lui fussent remis
même après sa mort. D’après cette explication, voici le sens littéral : Que
gagneront ceux qui sont baptisés pour les morts, c’est-à-dire en faveur
des parents pour le salut desquels ils reçoivent le baptême, sil n’y a pas de
résurrection des morts ? Toutefois ces fidèles abusés pouvaient mériter des
éloges sous un certain rapport, à savoir en tant qu’ils paraissaient croire à
la résurrection ; mais sous un autre point de vue ils méritaient le blâme,
parce qu’ils croyaient qu’on pouvait baptiser l’un au bénéfice de l’autre. Il
se présente ici une difficulté : Si la prière d’un fidèle peut être utile à
quelqu’un d’autre, pourquoi n’en serait-il pas de même du baptême ? On peut
donner une double réponse : la première, que les oeuvres des vivants servent
aux morts à cause de l’union par la charité et par la foi, mais ne servent
qu’à ceux qui meurent dans la foi et la charité. Ainsi, ni la prière ni le baptême
des vivants ne sont d’aucune utilité aux infidèles, et néanmoins la prière
sert à ceux qui sont dans le Purgatoire. La seconde réponse, et la meilleure,
c’est que les bonnes oeuvres profitent aux morts, non seulement par la
puissance de la charité, mais encore par l’intention de celui qui les opère.
Si donc, par exemple, je disais un psautier pour quelqu’un qui serait en
Purgatoire et qui serait tenu de le dire afin de satisfaire pour ses péchés,
ce psautier serait satisfaisant, mais seulement pour celui en faveur duquel
je le dis. Il faut donc dire, dans ce sens, que le baptême manque
d’efficacité non par notre intention, mais par l’intention de Jésus-Christ,
car cette intention est que le baptême profite à ceux qui sont baptisés dans
la foi de Jésus-Christ. 2° L’Apôtre explique ensuite la fausse
conséquence, en disant (verset 29) : Si les morts, etc. ; et
cette explication parait mieux convenir à la seconde exposition donnée plus
haut, comme s’il disait (verset 29) : Pourquoi sont-ils baptisés pour eux,
c’est-à-dire pour les morts, si les morts ne ressuscitent pas ? Mais si l’on
s’arrête à la première exposition, alors on pourra dire : Si les morts ne
ressuscitent d’aucune manière, pourquoi sont-ils baptisés pour eux,
c’est-à-dire pour les péchés, attendu qu’ils ne sont pas remis? II. (verset 30) : Et
pourquoi nous-mêmes nous exposons-nous à toute heure à tant de périls ? :
l’Apôtre exprime ici la seconde contradiction. A cet effet, 1° il exprime la contradiction d’une
manière générale ; 2° d’une manière
spéciale (verset 31) : Tous les jours, etc. 1° L’Apôtre dit donc : Non seulement
ceux qui se font baptiser pour la rémission des péchés le font en vain, mais
nous-mêmes, c’est en vain que nous passons par l’épreuve de l’affliction s’il
n’y a pas de résurrection des morts. C’est ce qui fait dire à saint Paul
(verset 30) : Pourquoi donc nous-mêmes, les apôtres de Dieu, nous
exposons nous, c’est-à-dire nous livrons-nous aux dangers à toute
heure ? ; (1 Cor., XI, 26) : "Souvent en péril sur les fleuves,
en péril, etc." Car il est certain que les saints s’exposent aux
tribulations et s’affligent eux-mêmes dans l’espérance de la vie éternelle,
suivant ce qui est dit (Rom., V, 11) : "Et non seulement dans cette
espoir, mais nous nous glorifions encore, etc." ; (verset 5) : "Or
cette espérance n’est pas vaine, etc." Si donc il n’y a pas de
résurrection des morts, c’est la ruine totale de l’espérance ; car c’est en
vain que les saints s’affligeraient si les morts ne ressuscitent pas. Cela ne
sert à rien de dire que l’âme séparée du corps reçoit sa récompense ; car,
ainsi qu’on l’a démontré plus haut, ou ne pourrait prouver que l’âme est
mortelle. 2° En
ajoutant (verset 31) : "Chaque jour, etc., l’Apôtre montre la
contradiction par rapport à lui en particulier. D’abord, quant à sa personne,
ensuite, quant au lieu (verset 32) : Si, avec des vues humaines, j’ai
combattu contre les bêtes, etc. A) Il développe donc d’une manière
spéciale les dangers que lui en particulier a courus dans sa propre personne
(verset 31) : Oui, je meurs tous les jours, etc., en d’autres termes
nous ne sommes pas exposés à des périls quelconques, mais au péril même de la
mort ; car tous les jours je meurs, c’est-à-dire je suis en danger de
mort ; (Psaume XLIII, 22) : "A cause de vous, tous les jours
nous sommes livrés à la mort" ; et saint Paul (Rom., VIII, 36)
montre que ces paroles ont été dites au nom des apôtres ; (I1 Cor., IV,
10) : "Portant toujours dans notre corps la mort, etc. " ;
(verset 31) : pour votre gloire, c’est-à-dire pour acquérir la
gloire que j’attends de votre conversion à la foi ; (I Thess., II, 20) :
"Oui, c’est vous qui êtes notre gloire et notre joie." – cette
gloire que j’ai, c’est-à-dire que j’espère avoir, en Jésus-Christ
Notre Seigneur, en d’autres termes par la charité de Jésus-Christ. Une
autre version porte : par la gloire ; alors cette
expression est une sorte de serment, comme s’il disait : "par votre
gloire," à savoir celle que vous attendez, et qui est Dieu même ; en
d’autres termes : j’en jure par Dieu que j’ai déjà en espérance en
Jésus-Christ, c’est-à-dire par sa Passion, etc. On voit par là que l'Apôtre
lui-même a attesté avec serment, et que pour les parfaits, jurer ainsi n’est
pas un péché. B) (verset 32) : pour parler avec
des vues humaines, saint Paul spécifie ici les dangers quant au lieu. Il
faut remarquer qu’on lit ceci au ch. XIX, 23, des Actes, où il est dit que
Paul, ayant converti beaucoup de gens à la foi, à Ephèse, quelques-uns
soulevèrent le peuple contre lui, à tel point qu’il n’osa pas aller au
théâtre, et qu’il fut exposé plusieurs fois au danger. Peut-être l’Apôtre
fait-il ici allusion à ce péril, parce que cela s’était passé à peu de
distance de Corinthe. Il dit donc (verset 32) : pour parler avec des vues
humaines, c’est-à-dire selon la raison qui constitue l’homme, tirant de
ce que j’ai dit sur la résurrection ma conclusion que l’homme ne meurt pas
comme la bête ; (verset 32) : Pourquoi ai-je combattu contre les
bêtes, c’est-à-dire contre des hommes qui vivaient à Ephèse à la façon
des bêtes ? ou : Pourquoi ai-je combattu contre les bêtes à Ephèse ?
et je dis ceci non d’après une révélation divine, mais selon l’homme,
c’est-à-dire d’après son instinct, quand je me suis exposé à tant de dangers,
etc. III. Quand l’Apôtre dit
(verset 32) : Mangeons, etc., il expose la troisième inconséquence, à
savoir que s’il n’y a pas de résurrection des morts, on prendrait de là
occasion de se livrer aux voluptés. Il semble dire : s’il n’y a pas d’autre
vie, nous sommes des insensés si nous nous affligeons ; mais plutôt
mangeons et buvons, c’est-à-dire usons des délices et jouissons de la
volupté ; (Sag., II, 1) : "On ne connaît personne qui soit
revenu, etc." ; et (Sag., II, 6) : "Venez donc, et
jouissons, etc.", car demain, c’est-à-dire bientôt, nous mourrons,
et nous périrons pour le corps et pour l’âme, si les morts ne ressuscitent
pas. II° En ajoutant (verset 33) : Ne vous laissez pas séduire, saint Paul
conclut de ce qui précède un avertissement à l’adresse d’abord des faibles,
ensuite de ceux qui sont justes et parfaits ; (verset 34) : Justes,
tenez-vous dans la vigilance, etc. I. Sur la première
partie de cet avertissement, 1° il provoque l’attention des
Corinthiens, en disant (verset 33) : Ne vous laissez pas séduire, en
d’autres termes : il a été dit que s’il n’y a pas de résurrection des morts,
ce serait folie de ne pas user des plaisirs et de la débauche. De peur donc
de vous laisser aller à ces débauches, ne vous laissez pas séduire par ceux
qui nient la résurrection ; (Colos., II, 18) : "Que personne
donc ne vous séduise, etc." 2° Il montre le motif pour lequel ils
doivent être attentifs, en disant (verset 33) : Les mauvais entretiens
corrompent, etc. ; comme s’il disait : ne vous laissez pas séduire,
parce que les mauvais entretiens, c’est-à-dire les discours de ceux
qui nient la résurrection, corrompent les bonnes mœurs ; (II
Tim., II, 17) : "Les discours qu’ils tiennent sont comme le cancer
qui dévore." Saint Jérôme prétend que cette citation est tirée d’un
auteur païen, et que c’est un vers d’un certain Ménandre. Nous avons là,
remarque ce Père, une preuve qu’il nous est permis quelquefois, dans la
sainte Ecriture, de nous servir de l’autorité des païens. II. Quand saint Paul
dit enfin (verset 34) : Justes, tenez-vous dans la vigilance, il donne
un avertissement aux parfaits. On aurait pu dire en effet que les faibles
devaient se garder des entretiens des hérétiques, parce que les faibles sont
faciles à séduire, alors que les parfaits ne se laissent pas séduire ainsi ;
mais l’Apôtre veut que les parfaits eux-mêmes soient sur leurs gardes. Dans
ce dessein, 1° il excite leur attention, en disant
(verset 34) : Justes, soyez dans la vigilance, c’est-à-dire vous qui
vous regardez comme tels, veillez, c’est-à-dire faites très
attention ; (Matth., XXIV, 42) : "Veillez, car vous ne savez, etc." ;
et (Apoc., XV 15) : "Heureux celui qui veille, etc. !" 2° Il en donne la raison, en disant
(verset 34) : Et ne péchez pas, etc. Cette raison est de deux sortes :
la première, par rapport à eux-mêmes, car personne n’est si parfait qu’il
n’ait pas à redouter le péché ; or le manque de vigilance et la torpeur
conduisent fréquemment au péché ; afin donc qu’ils n’y tombent pas, l’Apôtre
les engage à veiller. Voilà pourquoi il dit (verset 34) : et gardez-vous
de pécher, c’est veillez à ne pas pécher ; (Tobie, IV, 6) : "
Ayez Dieu présent à votre pensée, et ne vous laissez pas aller à consentir
au péché." Il donne ensuite une seconde raison par rapport aux
autres. Ils doivent avoir de la vigilance non seulement pour eux-mêmes, mais
encore pour les autres, de peur qu’ils ne viennent à être séduits. C’est ce
qui lui fait dire (verset 34) : Car il y en a quelques-uns parmi vous qui
ne connaissent pas Dieu, c’est-à-dire la foi véritable ; (Rom., X,
3) : "Ne connaissant pas la justice de Dieu, etc." - (verset
34) : et je vous le dis pour votre honte, afin que vous soyez sur vos
gardes ; ou encore à votre honte, parce qu’il est honteux à vous, qui vous
regardez comme sages et instruits dans la foi, qu’il y en ait parmi vous qui
ne connaissent pas Dieu, c’est-à-dire la foi véritable dans sa rectitude. |
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Lectio 5 |
Leçon 5 : 1 Corinthiens XV, 35-38 — Comme la semence… |
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SOMMAIRE :
L’Apôtre explique la résurrection des morts par une comparaison tirée de la
semence. Qualités des corps ressuscités. |
[35] sed dicet aliquis quomodo resurgunt mortui quali autem
corpore veniunt [36] insipiens tu quod seminas non vivificatur nisi prius
moriatur [37] et quod seminas non corpus quod futurum est seminas sed
nudum granum ut puta tritici aut alicuius ceterorum [38] Deus
autem dat illi corpus sicut voluit et unicuique seminum proprium corpus |
35. Mais,
dira quelqu'un comment les morts ressuscitent-ils, et quel sera le corps dans
lequel ils reviendront ? 36. Insensé
que vous êtes ! ce que vous semez ne prend pas de vie s'il ne meurt
auparavant. 37. Et
quand vous semez, vous ne semez pas le corps qui doit naître, mais la graine
seulement, comme du blé ou de quelque autre chose. 38. Mais
Dieu, lui, donne un corps tel qu’il lui plaît, et il donne à chaque semence
le corps qui est propre à chaque plante. |
[87685] Super 1 Cor. [reportatio vulgata],
cap. Has duas quaestiones solvit cum dicit insipiens,
et cetera. Primo solvit secundam,
secundo vero solvit primam, ibi ecce mysterium vobis dico, et cetera.
Ad intellectum autem eorum quae apostolus ponit in prima parte, oportet
investigare quid apostolus intendat. Intendit autem in ista parte apostolus
ostendere quod mortui resurgunt, et quod erit eadem substantia. Ubi primo
ponit similitudines; secundo adaptat, ibi sic etiam resurrectio mortuorum,
etc.; tertio probat, ibi si est corpus animale, et cetera. Circa
primum duo facit. Primo proponit similitudines in una specie, secundo in
diversis speciebus, ibi non omnis caro, eadem caro, et cetera. Circa
primum sciendum est quod videmus in una et eadem specie quod una res in via
generationis habet diversas qualitates et formas; sicut granum aliam formam
et qualitatem habet quando seminatur, aliam quando pullulat, aliam quando iam
est in herba. Et ideo ex hac similitudine apostolus intendit ostendere
qualitatem resurgentium. Unde circa hoc tria facit. Primo comparat ordinem
seminationis ad pullulationem; secundo differentiam qualitatis in semine et
in pullulatione, ibi tu quod seminas, etc.; tertio causam qualitatis
in pullulatione, ibi Deus autem, et cetera. Dicit ergo insipiens, et cetera. Sed
contra Matth. V, 22 — qui dixerit fratri suo : racha, et cetera.
Dicendum quod dominus prohibet dici fratri racha seu fatue, ex ira non ex
correctione. Causa autem quare dicit insipiens, est quia haec obiectio
contra resurrectionem procedit ex principiis humanae sapientiae, quae tamdiu
est sapientia, quamdiu est subiecta sapientiae divinae; sed quando recedit a
Deo, tunc vertitur in insipientiam; unde cum contradicat sapientiae divinae,
vocat eam insipientem. Quasi dicat : insipiens, nonne quotidie experiris,
tu, quia quod seminas, in terra, non vivificatur, id est
vegetatur, nisi prius moriatur, id est putrescat? Io. XII, 24 — nisi
granum frumenti, et cetera. Ex hoc videtur apostolus facere
comparationem, quod quando corpus hominis ponitur in sepulchro in terra, tunc
est quaedam seminatio; quando vero resurgit, tunc est quaedam vivificatio. Unde ex hoc opinantur aliqui, resurrectionem
mortuorum esse naturalem, propter hoc quod apostolus hic resurrectionem
comparat pullulationi seminis quae est naturalis. Opinantur enim in
pulveribus resolutis, in quos resolvuntur humana corpora, esse quasdam
virtutes seminales activas ad corporum resurrectionem. Sed istud non videtur
esse verum. Fit enim resolutio corporis humani in elementa, sicut et aliorum
mixtorum corporum, unde pulveres in quos humana corpora resolvuntur, nullam
aliam habent virtutem activam quam alii pulveres, in quibus constat non esse
aliam virtutem activam ad corporis humani constitutionem, sed solum in semine
hominis; differunt autem pulveres in quos humana corpora resolvuntur, ab
aliis pulveribus solum secundum ordinationem divinam, prout huiusmodi
pulveres sunt ex divina sapientia ordinati, ut iterum ex eis humana corpora
reintegrentur. Unde resurrectionis activa causa solus Deus erit, etsi ad hoc
utatur ministerio Angelorum, quantum ad pulverum collectionem. Propter quod
apostolus infra modum resurrectionis exponens, attribuit sono tubae, et supra
attribuit Christo resurgenti, non autem alicui virtuti activae in pulveribus.
Non ergo intendit hic probare apostolus quod resurrectio sit naturalis, per
hoc quod semen naturaliter pullulat, sed intendit hic manifestare per exempla
quaedam, quod non sit eadem qualitas corporum resurgentium et corporum
morientium, et primo per hoc quod non est eadem qualitas seminis et
pullulationis, ut ex sequentibus manifeste ostendetur. Nam consequenter cum dicit et quod seminas,
etc., ostendit qualitatem seminis differentem esse a qualitate pullulationis,
cum dicit et quod seminas, non corpus, quod futurum est, seminas, id
est non quale futurum est seminas. Quod exponens subdit sed nudum granum,
puta tritici vel alicuius caeterorum, scilicet seminum, quia seminatur
nudum semen, pullulat autem ornatum herba, et aristis, et huiusmodi. Et
similiter corpus humanum aliam qualitatem habebit in resurrectione quam nunc
habet, ut infra exponetur. Est tamen differentia inter resurrectionem humani
corporis, et pullulationem seminis; nam surget idem corpus numero, sed
habebit aliam qualitatem, sicut infra dicit apostolus, quod oportet
corruptibile hoc induere incorruptionem; et Iob XIX, 27 dicitur quem
visurus sum ego ipse, et non alius. Sed in pullulatione nec
est eadem qualitas, nec idem corpus numero, sed solum idem specie. Et ideo signanter apostolus
de pullulatione loquens, dixit non corpus, quod futurum est, seminas,
dans intelligere quod non sit idem numero. Et in hoc opus naturae
deficit ab opere Dei. Et ideo consequenter describens qualitatem
pullulationis, attribuit eam primum quidem Deo, secundo proportioni naturae.
Dicit autem primo Deus autem dat illi corpus sicut vult, quia scilicet
ex ordinatione divinae voluntatis procedit, quod ex tali semine talis planta
producatur, quae quidem planta est quasi corpus seminis. Ultimus enim fructus
plantae est semen. Et hoc ideo attribuit operationi divinae, quia omnis
operatio naturae est operatio Dei, secundum illud supra XII, 6 — idem
autem Deus qui operatur omnia in omnibus. Et hoc sic potest considerari.
Manifestum est enim quod res naturales absque cognitione operantur ad finem
determinatum, alioquin non semper, vel in maiori parte, eumdem finem
consequerentur. Manifestum est etiam, quod nulla res cognitione carens in
certum finem tendit, nisi directa ab aliquo cognoscente, sicut sagitta tendit
ad certum signum ex directione sagittantis. Sicut ergo si aliquis videret
sagittam directe tendere ad certum signum, quamvis sagittantem non videretur,
cognosceret statim quod dirigeretur a sagittante. Ita cum videamus res naturales absque cognitione
tendere ad certos fines, possumus pro certo cognoscere quod operantur ex
voluntate alicuius dirigentis, quem dicimus Deum. Et sic dicit apostolus quod Deus
dat, semini, corpus, id est, ex semine producit plantam, sicut
vult. Sed rursus, ne aliquis crederet huiusmodi naturales effectus ex
sola Dei voluntate provenire, absque operatione et proportione naturae,
subiungit et unicuique seminum proprium corpus, puta ex semine olivae
generatur oliva, et ex semine tritici generatur triticum. Unde et Gen. I, 11
— germinet terra herbam virentem et facientem semen iuxta genus suum.
Sic ergo et in resurrectione erit alia qualitas corporis resurgentis, quae
tamen proportionabitur meritis morientis. |
Après avoir
prouvé, dans ce qui précède, la résurrection des morts, saint Paul enseigne
ici comment ils ressusciteront et quelles seront les qualités des corps
ressuscités. Sur ce point, I° il pose
une question touchant l’état des ressuscités ; II° il la résout (verset 36) : Insensé que vous êtes, etc. I° Il y a eu sur la résurrection deux erreurs. Quelques-uns
nièrent totalement que la résurrection des morts dût avoir lieu ; car, ne
considérant que les principes de la nature et son pouvoir, et voyant que,
d’après ces principes et notre pouvoir, personne ne pouvait revenir de la
mort à la vie, pas plus qu’un aveugle ne recouvre l’usage de la vue, ils
furent amenés par là à nier totalement la résurrection. C’est eux que fait
parler la Sagesse (II, 5) : "Le temps de notre vie n’est qu’une ombre
qui passe, etc." ; et encore (Sag., II, 2) : "C’est du
néant que nous sommes sortis, etc." ; et (Job, XIV, 14) :
"L’homme, étant mort, pourrait-il bien vivre de nouveau, etc.?"
D’autres ont dit que la résurrection des morts se ferait, mais qu’on
ressuscitait pour le même mode de vie et pour des actes semblables. C’est ce
que supposaient aussi quelques philosophes, qui enseignent qu’après le cours
d’un grand nombre d’années, Platon reviendra de nouveau à la vie, et qu’il
aura à Athènes les mêmes disciples qu’il eut autrefois. Telle était aussi
l’assertion des Pharisiens (Matthieu XXII, 28), p.ex. à l’égard de la femme
aux sept maris ; ce qui leur faisait demander : "Au jour de la
résurrection, duquel des sept sera t-elle la femme ?" Enfin les
mahométans s’imaginent qu’après la résurrection ils auront des épouses, des
voluptés, des délices corporelles ; (Job, XX, 17) : "Qu’il ne
voit pas les ruisseaux du fleuve, ni les torrents de miel et de lait." C’est
contre eux qu’il est dit (Matthieu XXII, 30) : "ils seront comme les
anges de Dieu dans le ciel." Saint Paul traite donc ici ces deux
questions : la première, lors qu’il dit (verset 35) : Mais comment les
morts ressusciteront-ils ? comment est-il possible que les morts, qui ne
sont plus que poussière, reviennent à la vie ? La seconde, lorsqu’il ajoute
(verset 35) : Et avec quel corps reviendront-ils ? en d’autres termes,
ressusciteront-ils avec un corps tel qu’est celui que nous avons maintenant? II° Saint Paul résout ces questions, lorsqu’il dit (verset 36) : Insensé
que vous êtes, etc. Il résout d’abord la seconde, et
ensuite la première (verset 51) : Voici que je vous apprends un mystère, etc.
Or, pour l’intelligence de ce que dit saint Paul dans la première partie,
il faut examiner ce qu’il se propose. Il veut, dans cette partie, montrer que
les morts ressusciteront, et dans la même substance que durant la vie. Il
propose donc d’abord deux comparaisons ; ensuite il les adapte à son sujet
(verset 42) : Ainsi en sera-t-il de la résurrection des morts, etc. ;
enfin, il donne la preuve (verset 44) : S’il y a un corps animal, etc. Sur
la première subdivision, premièrement, il propose une comparaison d’un genre
spécial ; secondement, plusieurs autres de divers genres (verset 39) : Toute
chair n’est pas la même chair, etc. Sur cette première partie, il faut se
rappeler que nous voyons dans une seule et même espèce un individu revêtir,
quant à sa reproduction, des formes et des qualités diverses : le grain, par
exemple, a, lorsqu’on le sème, une qualité et une forme différentes de celles
qu’on lui voit lorsqu’il se développe et lorsqu’il est en herbe. Par cette comparaison,
l’Apôtre se propose d’expliquer les qualités des ressuscités. Pour y arriver,
il fait trois choses : I. il compare
l’ordre de la semence au développement ; II. les qualités différentes de la semence et de la
germination (verset 36) : Ce que vous semez, etc. ; III. la cause des
qualités dans la germination (verset 38) : Et Dieu donne, etc. I. Il dit donc (verset
36) : Insensé, etc. On objecte ce qu’on lit en saint Matthieu (V, 22) :
"Celui qui dira à son frère : raca, etc." Il faut répondre
que le Seigneur défend de dire à son frère : raca ou insensé, par
colère et non par correction ; or le motif qui fait dire à l’Apôtre : Insensé
! c’est que cette objection contre la résurrection s’appuie sur les
principes de la sagesse humaine, qui ne demeure sagesse qu’autant qu’elle est
soumise à la sagesse divine ; mais dès qu’elle s’éloigne de Dieu, elle se
corrompt et devient le contraire de la sagesse. Voilà pourquoi, cette sagesse
contredisant la sagesse divine, l’Apôtre l’appelle insensée, comme s’il disait
Insensé !, est-ce que vous ne faites pas l’expérience tous les jours, vous-même,
que ce que vous semez dans la terre ne prend point vie,
c’est-à-dire n’entre point en végétation, si auparavant il ne meurt, c’est-à-dire
s’il ne passe par la décomposition ? (Jean XII, 24) : "Si le grain de
blé, etc." L’Apôtre paraît tirer son point de comparaison de ceci,
que quand le corps de l’homme est déposé dans le sépulcre, sous terre, c’est
comme si on le semait, et quand il ressuscite, c’est comme une sorte de végétation.
Aussi quelques auteurs ont pensé que la résurrection des corps se faisait
naturellement, parce que saint Paul compare ici cette résurrection à
germination de la semence, qui se fait suivant les lois naturelles. Ils
pensent donc que dans cette poussière déliée dans laquelle se résolvent les
corps humains, il existe certaines vertus séminales et actives qui opère la
résurrection de ces corps. Mais cette opinion ne paraît pas conforme à la
vérité, car la dissolution du corps humain en éléments se fait comme celle
des autres corps composés ; donc la poussière en laquelle les corps humains
viennent se résoudre n’a pas d’autre propriété active que les autres
poussières, qui n’ont assurément pas de vertu active pour la constitution du
corps humain, propriété qu’on ne trouve que dans la liqueur séminale de
l’homme. Cependant il y a, entre la poussière en laquelle se résout le corps
humain et les autres poussières, cette différence, d’après une disposition
divine, que la première est destinée par la divine sagesse à servir de
matière au renouvellement du corps humain. La cause active de la résurrection
ne sera donc que Dieu seul, bien qu’il se serve pour l’opérer du ministère
des anges, qui recueilleront cette poussière. Aussi saint Paul, expliquant
plus loin le mode de la résurrection, l’attribue au son de la trompette,
comme plus haut il l’a attribuée à la résurrection de Jésus-Christ ; mais
nulle part il ne la voit dans quelque propriété active qui existerait dans
cette poussière. Il ne veut donc point prouver par cette comparaison que la
résurrection soit naturelle, comme le dévelop-pement opérée par la semence,
mais il veut montrer par quelques exemples qu’il y a différence de qualités
entre les corps de ceux qui meurent et de ceux qui ressuscitent ; et d’abord
parce que la qualité de la semence n’est pas celle de la germination, ainsi
qu’on le verra manifestement dans la suite. II. Car, lorsqu’il dit
ensuite (verset 37) : et ce que vous semez, etc., il fait voir que la
qualité de la semence n’est pas la même que celle qu’on reconnaît à la
germination, en disant (verset 37) : et ce que vous semez n’est pas le
corps même de la plante qui doit venir, c’est-à-dire ce que vous semez
n’est pas ce que le corps sera un jour. Il donne de suite l’explication, en
ajoutant (verset 37) : Mais un grain nu, par exemple du blé, ou
de quelque autre semence, car on sème le grain nu mais en germant il
est orné de feuilles, d’épis et autres choses de ce genre. Semblablement, le
corps humain aura, à la résurrection, des qualités différentes de celles
qu’il a maintenant, comme il sera expliqué plus loin. Il y a cependant cette
différence entre la résurrection du corps humain et la germination de la
semence, que le corps humain ressuscitera numériquement le même, mais avec
des qualités tout autres, ainsi que saint Paul le dit plus loin (verset 53) :
Il faut que ce corps corruptible soit revêtu d’incorruptibilité. Il
est dit aussi au livre de Job (XIX, 27) : "Je le verrai moi-même, et
non pas un autre." Mais dans la germination, il n’y a ni les mêmes
qualités, ni numériquement le même corps : le grain n’est le même que quant à
l’espèce. Voilà pourquoi saint Paul, parlant précisément de la germination, a
dit (verset 37) : Ce n’est pas le corps même de la plante qui doit venir
que vous semez, donnant à entendre qu’il n’est pas le même quant au
nombre. Sur ce point l'oeuvre de la nature est au-dessous de l’oeuvre de Dieu
; car la vertu de la nature peut bien reproduire le même corps quant à
l’espèce, mais non quant au nombre ; la puissance de Dieu, au contraire, se
reproduit même quant au nombre. Ainsi donc, de ce qui précède on peut déduire
la preuve que la résurrection en fait n’a rien d’impossible, comme l’insensé
le soutenait, puisque si la nature, de ce qui est mort, peut reproduire le même
corps quant à l’espèce, Dieu peut bien plus facilement restaurer le même
corps quant au nombre. Ce que fait la nature, c’est Dieu qui le fait, car
c’est de lui qu’elle tient la puissance de le faire. III. Saint Paul,
indiquant ensuite les qualités de la germination, les attribue d’abord à
Dieu, mais ensuite à l’action réglée de la nature. 1° Il dit donc d’abord (verset 38) : et
Dieu donne à ce grain un corps tel qu’il lui plaît, c’est-à-dire : c’est
un effet de la disposition divine que de telle semence naisse telle plante,
laquelle est comme le corps de cette semence ; car le fruit dernier de la
plante, c’est la semence. Saint Paul attribue ce résultat à une disposition
de Dieu, parce que toute opération de la nature est l’opération de Dieu,
suivant ce qui a été dit au chapitre XII, 6 — Il n’y a qu’un même Dieu qui
opère tout en tous. On peut expliquer ainsi ce verset : il est évident
que les choses naturelles, dépourvues d’intelligence, font leur oeuvre pour
une fin déterminée ; autrement elles n’atteindraient pas la même fin, ni
toujours, ni même en majeure partie. Il est également manifeste qu’aucun être
privé de raison, s’il n’est dirigé par un autre être intelligent, ne tend à
une fin certaine : ainsi la flèche ne se dirige vers le but fixé qu’autant
que celui qui lui imprime l’impulsion l’a voulu. De même donc qu’en voyant
une flèche tendre directement vers un but déterminé on reconnaît aussitôt
qu’une main la dirige, bien qu’on ne voie point cette main, ainsi, quand nous
voyons les êtres naturels privés de raison tendre à des fins invariables,
nous pouvons savoir avec certitude que leur action se fait d’après une
volonté qui les conduit : cette volonté, nous l’appelons Dieu. Aussi saint
Paul dit que Dieu donne à la semence un corps, c’est-à-dire produit,
de la semence, la plante, comme il le veut. 2° Toutefois, pour qu’on ne croie
point que ces effets naturels proviennent uniquement de la volonté de Dieu
sans aucune opération ou relation de la nature, l’Apôtre ajoute (verset 38) :
et à chaque semence, le corps qui lui est propre ; par exemple, de la
semence de l’olive naît l’olivier, et de la semence du froment naît le
froment. C’est de là qu’il est dit (Gen., I, 11) : "Que la terre
produise les plantes verdoyantes avec leur semence, chacun selon son espèce, etc."
Ainsi donc, à la résurrection, le corps ressuscitera avec d’autres qualités,
propor-tionnées toutefois aux mérites de celui qui est mort. |
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Lectio 6 |
Leçon 6 : 1 Corinthiens XV, 39-44 — Les corps ressuscités |
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SOMMAIRE :
L’Apôtre explique par la diversité des corps, soit célestes, soit matériels,
les qualités diverses des corps ressuscités. |
[39] non omnis caro eadem caro sed alia hominum alia
pecorum alia caro volucrum alia autem piscium [40] et corpora caelestia et corpora terrestria sed alia
quidem caelestium gloria alia autem terrestrium [41] alia claritas solis alia claritas lunae et alia
claritas stellarum stella enim ab stella differt in claritate [42] sic et resurrectio mortuorum seminatur in
corruptione surgit in incorruptione [43] seminatur in ignobilitate surgit in gloria seminatur
in infirmitate surgit in virtute [44]
seminatur corpus animale surgit corpus spiritale si est corpus |
39. Toute
chair n'est pas la même chair ; mais autre est la chair des hommes, autre la
chair des bêtes, autre celle des oiseaux, autre celle des poissons ; 40. Car il
y a des corps célestes et des corps terrestres ; mais les corps célestes ont
un autre éclat que les corps terrestres : 41. Le
soleil a son éclat, la lune le sien et les étoiles le leur ; et entre les
étoiles, l'une est plus éclatante que l'autre. 42. Il en
sera de même dans la résurrection des morts. Le corps, comme une semence, est
maintenant mis en terre plein de corruption, et il ressuscitera incorruptible
; 43. Il est
semé tout difforme, et il ressuscitera tout glorieux ; il est semé dans
l’infirmité, et il ressuscitera plein de vigueur ; 44. il est
semé corps animal, et il ressuscitera corps spirituel. |
[87686] Super 1 Cor. [reportatio vulgata],
cap. Quia posset aliquis dicere : quomodo est
possibile quod mortui resumant corpus et carnem, si non sint habituri eamdem
corporis qualitatem? Ideo ad hoc excludendum introducit diversas qualitates
corporis et carnis, ut sic manifestum sit quod non oportet, si non erit eadem
qualitas, quod non resumatur idem corpus, vel eadem caro. Dicit ergo primo
quod non omnis caro est eadem caro, secundum formam, sed alia
est caro hominum, alia piscium, alia pecorum, alia volucrum, et
cetera. Et similiter est alia morientis, et alia resurgentis. Sicut autem
exemplum superius inductum de semine et pullulatione deficiebat in hoc quod
in seminatione et pullulatione non est idem numero, nec eaedem qualitates,
ita haec exempla deficiunt, quia in his exemplis nec est eadem species, nec
eadem qualitas. Sed
caro hominis resurgentis est eadem secundum speciem cum carne morientis, sed
tamen erit alia secundum qualitatem. Erit enim eiusdem naturae, sed
alterius gloriae, ut Gregorius de corpore Christi dicit. Si quis autem
haec quae dicta sunt, ad diversum statum resurgentium referre vellet, posset
dici quod per homines intelliguntur boni secundum rationem viventes, secundum
illud Ez. XXXIV,
31 — vos autem greges mei, greges pascuae meae, homines estis. Per
pecora vero intelliguntur luxuriosi, secundum illud II Petr. II, 12 — hi
vero velut irrationabilia pecora, et cetera. Per volucres, superbi, per
pisces, cupidi, secundum illud Ps. VIII, v. 9 — volucres caeli et pisces
maris, et cetera. Ad idem autem introducit diversitatem caelestium
et terrestrium corporum, cum subdit : sunt corpora caelestia, ut sol
et luna et huiusmodi, et sunt corpora terrestria, ut ignis, aqua,
etc.; sed alia quidem est gloria, id est pulchritudo et decor, caelestium
corporum, alia autem terrestrium, Eccli. XLIII, v. 10 — species
caeli gloria stellarum. Et possunt per caelestia corpora intelligi
contemplativi. Phil. III, 20 — nostra conversatio in caelis est. Per
terrestria activi, qui circa terrena occupantur; unde Marthae dictum est, Lc.
X, 41 — turbaris erga plurima. Et ad idem ulterius introducit diversam
qualitatem caelestium corporum, cum dicit alia claritas solis, et
cetera. Similiter inter stellas est differentia, stella enim differt,
et cetera. Et potest intelligi per solem Christus, Mal. ult. : orietur vobis
timentibus nomen meum sol iustitiae, et cetera. Per lunam beata virgo, de
qua Cant. VI, 9 — pulchra ut luna. Per stellas ad invicem ordinatas,
caeteri sancti. Iudic. V, 20 — stellae manentes in ordine suo, et
cetera. Consequenter cum dicit sic erit resurrectio
mortuorum, adaptat praedicta exempla ad resurrectionem mortuorum. Nec
intelligendum est, quantum ad litteralem expositionem, quod apostolus hoc
dicat ad designandum in resurgentibus generis diversitatem, propter id quod
praemiserat stella differt, et cetera. Sed hoc refert ad omnia
praecedentia, ut ostendatur ex omnibus praemissis, quod sicut in rebus
inveniuntur diversae qualitates corporum, ita erit diversa qualitas
resurgentium a qualitate morientium. Unde sequitur seminatur corpus,
et cetera. Ubi apostolus maxime ostendit aliam esse qualitatem corporis
morientis, et corporis resurgentis. Et agit hic de corpore resurgente
glorioso, cuius propriae qualitates dotes corporis gloriosi dicuntur. Quae
quidem sunt quatuor, quas hic apostolus tangit. Primo enim tangit dotem impassibilitatis, cum
dicit seminatur in corruptione, et cetera. Et quamvis seminatio accipi
posset pro prima corporis origine, secundum quod generatur ex semine, tamen
convenientius est, secundum intellectum apostoli, ut seminatio referatur ad
mortem et sepulturam, ut respondeat ei quod supra dictum est : quod
seminas non vivificatur, nisi prius moriatur. Dicitur autem mors et
resolutio, seminatio, non quod in corpore mortuo, vel in cineribus ex eo
resolutis sit aliqua virtus ad resurrectionem, sicut est virtus activa in
semine ad generationem; sed quia a Deo talis ordinatio est deputata, ut ex eo
iterato reformetur corpus humanum. Sic igitur corpus humanum, quando
seminatur, id est, quando moritur, est in corruptione, id est secundum suam
proprietatem est corruptioni subiectum, secundum illud Rom. VIII, 10 — corpus
quidem mortuum est propter peccatum. Sed resurget in incorruptione.
Dicitur autem hic incorruptio, non solum ad excludendum separationem animae a
corpore, quia hanc incorruptionem et corpora damnatorum habebunt, sed ad
excludendum tam mortem quam quamlibet noxiam passionem, sive ab interiori,
sive ab exteriori. Et quantum ad hoc intelligitur impassibilitas corporis
gloriosi, secundum illud Apoc. VII, 16 — non esurient, neque sitient
amplius, et cetera. Secundo tangit dotem claritatis, cum dicit seminatur
in ignobilitate, id est corpus quod ante mortem, et in morte est
deformitatibus et miseriis multis subiectum, secundum illud Iob XIV, 1 — homo
natus de muliere, et cetera. Sed resurget in gloria, quae claritatem
significat, ut Augustinus dicit super Ioannem. Erunt enim corpora sanctorum
clara et fulgentia, secundum illud Matth. XIII, v. 43 — fulgebunt iusti,
sicut sol, et cetera. Tertio tangit dotem agilitatis, cum dicit seminatur
in infirmitate, id est, corpus animale, quod ante mortem est infirmum et
tardum, et ab anima non facile mobile, secundum illud Sap. IX, 15 — corpus quod
corrumpitur aggravat animam. Sed surget in virtute, quia scilicet
fiet ut ex Quarto tangit dotem subtilitatis, cum dicit seminatur
corpus animale, et cetera. Quam quidam ad hoc referre volunt quod corpori
glorioso secundum hanc dotem competat ut possit simul esse cum corpore non
glorioso in eodem loco. Quod quidem sustineri posset, si corpori secundum
statum praesentem competeret, quod non posset simul cum alio corpore esse in
eodem loco secundum aliquid quod a corpore removeri posset. Nunc autem si diligenter
consideretur, quod secundum hoc nihil aliud corpori competit nisi secundum
quod habet dimensiones corporales. Unde videmus corpora quantumcumque
subtilia, non compati secum alia corpora, ut patet in aere et in igne; et,
ulterius, si essent corpora separata omnino absque materia, sicut quidam
posuerunt, non possent simul cum corporibus naturalibus esse in eisdem locis,
ut philosophus dicit. Remanentibus igitur dimensionibus in quocumque corpore,
est contra suam naturam quod sit cum alio corpore in eodem loco. Unde si hoc
aliquando contingit, erit ex miraculo. Propter quod Gregorius et Augustinus
miraculo adscribunt quod corpus Christi ad discipulos ianuis clausis
intravit. Nulla enim virtus terminata potest facere miraculum, hoc enim
solius Dei est. Relinquitur ergo quod esse simul cum alio corpore in eodem
loco, non possit esse ex dote seu ex qualitate corporis gloriosi. Non tamen
negandum est quin corpus gloriosum possit esse simul cum alio corpore in
eodem loco, quia corpus Christi post resurrectionem intravit ad discipulos
ianuis clausis, cui corpus nostrum in resurrectione conformandum speramus;
sed sicut corpus Christi hoc habuit non ex proprietate corporis, sed ex
virtute divinitatis unitae, ita corpus cuiuslibet alterius sancti hoc habebit
non ex dote, sed ex virtute divinitatis existentis in eo. Per quem modum
corpus Petri habuit quod ad umbram eius sanarentur infirmi, non per aliquam
proprietatem ipsius. Est ergo dicendum quod ad dotem subtilitatis
pertinet quod hic apostolus tangit dicens seminatur corpus animale, surget
spirituale. Quod quidam male intelligentes, dixerunt quod corpus in
resurrectione vertetur in spiritum, et erit simile aeri aut vento, qui
spiritus dicitur. Quod maxime excluditur per illud quod ad apostolos dicitur
Lc. ult. : palpate et videte, quia spiritus, et cetera. Unde et hic
apostolus non dicit quod resurgat spiritus, sed spirituale corpus. Ergo in
resurrectione spirituale erit, non spiritus, sicut nunc est animale, non
anima. Ad horum autem differentiam cognoscendam considerandum est, quod unum
et idem in nobis est quod dicitur et anima et spiritus; sed anima dicitur
secundum quod perficit corpus, spiritus autem proprie secundum mentem,
secundum quam spiritualibus substantiis assimilamur, secundum illud Eph. c.
IV, 23 — renovamini spiritu mentis vestrae. Item considerandum est, quod triplex est
differentia potentiarum in anima; quaedam enim potentiae sunt quarum
operationes ad bonum corporis ordinantur, sicut generativa, nutritiva, et
augmentativa. Quaedam vero sunt, quae quidem corporeis organis utuntur, ut
omnes potentiae sensitivae partis; sed earum actus ad corpus non ordinantur
directe, sed magis ad perfectionem animae. Quaedam vero sunt
potentiae quae neque utuntur corporeis organis, neque directe ad bonum
corporis ordinantur, sed magis ad bonum animae, sicut quae pertinent ad
intellectivam partem. Primae ergo potentiae pertinent ad animam, inquantum
animat corpus; secundae vero maxime pertinent ad animam, inquantum est
spiritus; tertiae vero medio modo se habent inter utrasque : quia tamen
iudicium de potentia aliqua magis debet sumi ex obiecto et fine, quam ex
instrumento, ideo secundae potentiae magis se tenent cum tertiis, quam cum
primis. Item considerandum est
quod cum unaquaeque res sit propter suam operationem, corpus ad hoc
perficitur ab anima, ut sit subiectum operationibus animae. Nunc autem in
statu isto corpus nostrum est subiectum operationibus, quae pertinent ad
animam, inquantum est anima, prout generatur et generat, nutritur, crescit et
decrescit. Quantum autem ad spirituales animae operationes, corpus, licet
aliquo modo subserviat, tamen multum impedimentum affert, quia corpus quod
corrumpitur aggravat animam, ut dicitur Sap. IX, 5. Sed in statu
resurrectionis cessabunt operationes animales a corpore, quia non erit
generatio, nec augmentum aut nutrimentum, sed corpus absque aliquo
impedimento et fatigatione incessanter serviet animae ad spirituales
operationes eius, secundum illud Ps. LXXXIII, 5 — beati qui habitant in domo tua,
domine, et cetera. Sicut ergo nunc est corpus nostrum animale, tunc vero
erit spirituale. Causam autem harum proprietatum quidam attribuunt
luci, quam dicunt esse de natura quintae essentiae, et venire in
compositionem humani corporis, quod quia frivolum est et fabulosum, sequentes
Augustinum, dicimus quod procedunt ex virtute animae glorificatae. Dicit enim
Augustinus in epistola ad Dioscorum : tam potenti natura Deus fecit
animam, ut eius plenissima beatitudo, quae in fine temporum promittitur
sanctis, redundet etiam in inferiorem naturam, quae est corpus; non
beatitudo, quae fruentis est propria, sed plenitudo sanitatis, id est,
incorruptionis vigor. Videmus autem ex anima quatuor corpori provenire,
et tanto perfectius, quanto anima fuerit virtuosior. Primo quidem dat esse;
unde quando erit in summo perfectionis, dabit esse spirituale. Secundo
conservat a corruptione; unde videmus homines quanto sunt fortioris naturae,
minus a calore et frigore pati. Cum ergo anima fuerit perfectissima,
conservabit corpus omnino impassibile. Tertio dat pulchritudinem et
claritatem; infirmi enim et mortui propter debilitatem operationis animae in
corpus, efficiuntur discolorati, et quando erit in summa perfectione, faciet
corpus clarum et fulgidum. Quarto dat motum, et tanto facilius, quanto virtus
animae fuerit fortior supra corpus. Et ideo quando erit in ultimo suae
perfectionis, dabit corpori agilitatem. |
I° Saint Paul donne ici un exemple de
la diversité des qualités des corps ressuscités ; il le prend dans diverses
espèces d’éléments. Et d’abord il compare les corps célestes aux corps
terrestres, ensuite les corps terrestres aux corps célestes (verset 40) : Il
y a aussi des corps célestes ; enfin les corps célestes entre eux
(verset 41) : Le soleil a son éclat, etc. I. On pouvait dire, en
effet : Comment est-il possible que les morts reprennent et leur chair et
leur corps s’ils ne doivent pas avoir les mêmes qualités corporelles ?
L’Apôtre, pour répondre à cette difficulté, expose les qualités diverses du
corps et de la chair, afin qu’il soit ainsi manifeste qu’il n’est pas
nécessaire, en supposant que la qualité ne sera pas la même, qu’on ne
reprenne pas le même corps ou la même chair. Il dit d’abord (verset 39) : Toute
chair n’est pas la même chair, quant à la forme, mais autre est la
chair des hommes, autre la chair des bêtes, celle des poissons ou des
oiseaux, etc. Semblablement, autre est la chair de celui qui meurt, autre
la chair de celui qui ressuscite. Mais, de même que l’exemple cité plus haut
de la semence et de la germination était défectueux en ce que, dans la
semence et la germination, le corps n’est pas numériquement le même et n’a
pas les mêmes qualités, ces derniers exemples sont également défectueux,
parce que l’espèce et les qualités ne sont pas les mêmes. Mais la chair de
celui qui ressuscite est la même, quant à l’espèce, que la chair de celui qui
meurt ; toutefois elle en différera quant aux qualités. Car le corps
ressuscité sera sans doute de même nature que le corps mortel, mais il sera
revêtu d’une gloire différente, comme saint Grégoire le dit du corps de
Jésus-Christ. Que si cependant on voulait appliquer ce qui vient d’être dit
aux états différents de ceux qui ressuscitent, on peut dire que par les
hommes on entend les bons, qui vivent suivant la raison, selon ce passage
d’Ezéchiel (XXXIV, 31) : "Mais vous, mes brebis, vous les brebis de
mon troupeau, vous êtes des hommes" ; par les bêtes, on entend
les voluptueux, suivant cette parole (II Pierre, II, 12) : "semblables
à des animaux sans raison, etc. " ; par les oiseaux, les
superbes ; par les poissons, les cupides, suivant ce passage du Psalmiste
(VIII, 9) : "Les oiseaux du ciel et les poissons de la mer, etc." II. Saint Paul continue
sa preuve en montrant la diversité des corps célestes et des corps
terrestres, quand il ajoute (verset 40) : Il y a aussi des corps célestes,
comme le soleil, la lune et d’autres semblables, et des corps
terrestres, comme le feu, l’eau, etc… ; mais autre est la gloire, c’est-à-dire
la beauté et l’éclat, des corps célestes, autre celle des corps
terrestres ; (Ecclésiastique XLIII, 10) : "L’ornement du ciel,
c’est la gloire des étoiles." On peut, par les corps célestes,
entendre les contemplatifs ; (Philip., III, 20) : "Pour nous,
nous vivons déjà dans le ciel" ; par les corps
terrestres, ceux qui pratiquent la vie active et s’occupent des choses
terrestres. C’est de là qu’il est dit à Marthe (Luc, X, 41) : "Marthe,
vous vous troublez de beaucoup de choses." III. L’Apôtre rappelle
ensuite les qualités diverses des corps célestes (verset 41) : Le soleil a
son éclat, etc. Semblablement donc, entre les étoiles il y a de la
différence car l’une est plus brillante que l’autre, etc. On peut
entendre, par le soleil, Jésus-Christ ; (Malachie, IV, 2) : "Et
pour vous, qui craignez mon nom, se lèvera le soleil de justice, etc." ;
par la lune, la bien heureuse Vierge, dont il est dit (Cant., VI, 9) : "Belle
comme la lune" ; par les étoiles, rangées chacune dans leur
ordre, les autres saints ; (Juges, V, 20) : "… aux étoiles qui
gardent leur rang, etc." II° Quand l’Apôtre dit (verset 42) : Il en est de même de la
résurrection des morts, il adapte à cette
résurrection les exemples qu’il a cités. Il ne faut pas entendre, au sens
littéral, que l’Apôtre s’exprime ainsi pour désigner dans les ressuscités la
diversité de genre par ce qu’il vient de dire (verset 41) : Entre les
étoiles, l’une est plus brillante que l’autre, etc. ; mais ce
passage, il le rapporte à tout ce qui précède, afin de montrer, par tout ce
qu’il a exposé, que, de même que l’on trouve dans les êtres divers diverses
qualités du corps, ainsi les qualités des corps ressuscités seront
elles-mêmes différentes des qualités des corps mortels. C’est pourquoi il dit
à. la suite (verset 42) : Le corps est semé, etc., paroles où saint
Paul prouve surtout qu’il y a différence entre les qualités du corps de celui
qui meurt et du corps de celui qui ressuscite. Il traite ici d’abord du corps
qui ressuscite glorieux, et dont les qualités propres sont appelées les
prérogatives du corps glorifié. Ces qualités sont au nombre de quatre ;
l’Apôtre les indique ici : I. L’impassibilité
(verset 42) : Le corps, dit-il, est semé dans la corruption, etc. Bien
que cette expression puisse s’entendre de l’origine première du corps et du
principe de la génération, cependant il est plus convenable, dans la pensée
de saint Paul, de rapporter ce terme « est semé » à la mort
et à la sépulture, afin de répondre à ce qui est dit plus haut (verset 36) : Ce
que vous avez semé ne prend point vie s’il ne meurt auparavant ; car
on appelle « semer », la mort et la dissolution du corps ; non pas
qu’il y ait dans le corps privé de vie ou dans la poussière en laquelle il
vient se résoudre, quelque principe de résurrection, ainsi qu’il existe dans
la semence une vertu active pour la génération ; mais parce que c’est
une disposition divine que le corps humain soit ainsi produit une seconde
fois de lui-même. Donc, dit l’Apôtre, le corps humain, quand il est semé, en
d’autres termes quand il meurt, est dans la corruption, c’est-à-dire est
sujet, à raison de sa condition, à la corruption, suivant cette parole (Rom.,
VIII, 10) : "Le corps est mort à cause du péché." (verset
42) : mais il ressuscitera incorruptible. Il dit
« incorruptible » non seulement pour exclure la séparation de l’âme
d’avec le corps, puisque les corps des réprouvés seront également
incorruptibles, mais pour exclure la mort et toute souffrance nuisible soit
du dedans, soit du dehors. C’est dans ce sens qu’on entend l’impassibilité du
corps glorieux, suivant cette parole de l’Apocalypse (VII, 16) : "Ils
n’auront plus désormais ni faim ni soif, etc." II. L’Apôtre indique la
seconde qualité, la clarté, en disant (verset 43) : Il est semé dans
l’ignominie, à savoir le corps, qui, avant la mort et dans la mort, est
sujet aux difformités et à mille misères, suivant cette parole (Job, XIV, 1) :
"L’homme, né de la femme, etc." mais (verset 43) : "Il
ressuscitera dans la gloire," qui marque la clarté, comme saint
Augustin le remarque (sur saint
Jean) ; car les corps des saints seront revêtus de lumière et
d’éclat, suivant cette parole (Matthieu XIII, 43) : "Alors les justes
resplen-diront comme le soleil, etc." III. Il indique, comme
troisième qualité, l’agilité (verset 43) : Il est semé dans la faiblesse, à
savoir le corps animal, qui, avant la mort, est plein d’infirmités et ne se
mouvant que difficilement, à cause de sa pesanteur, sous l’impulsion de
l’âme, suivant cette parole du livre de la Sagesse (IX, 15) : "Le
corps qui se corrompt appesantit l’âme". Mais (verset 43) : "Il
ressuscitera dans la force," c’est-à-dire que cette force qui lui
sera communiquée le fera mouvoir par l’âme avec tant de facilité qu’elle n’y
trouvera aucun obstacle pour ses mouvements : c’est la prérogative de
l’agilité ; car alors, dit saint Augustin, la facilité égalera la félicité.
De là ce mot de la Sagesse (III, 7) parlant des justes : "Alors ils
brilleront, ils étincelleront comme la flamme qui court à travers les
roseaux" ; et (Isaïe XL, 31) : "Ceux qui espèrent au
Seigneur trouveront des forces nouvelles; ils prendront des ailes, etc." IV. Saint Paul indique,
en quatrième lieu, la prérogative de la subtilité, lorsqu’il dit (verset 44) :
Il est semé dans le corps animal, etc. Quelques auteurs ont voulu
expliquer ces paroles en ce sens que cette qualité communiquera au corps
glorieux la propriété de pouvoir se tenir dans un même lieu avec son corps
non glorieux. Cette opinion pourrait, à la vérité, se soutenir, si, dans
l’état présent, une propriété du corps était de ne pouvoir pas demeurer
simultanément dans le même lieu avec un autre corps, en raison de quelque
accident particulier que l’on pourrait séparer du corps ; mais, dans l’état
dont nous parlons, à examiner les choses avec soin, le corps n’a, sous ce
rapport, rien de particulier, si ce n’est en tant qu’il a des dimensions
corporelles. Aussi voyons-nous que les corps, tout subtils qu’ils soient, ne
peuvent souffrir avec eux d’autres corps, comme on peut s’en convaincre à
propos de l’air et du feu. De plus, si les corps, comme quelques-uns l’ont
supposé, étaient complè-tement séparés de la matière, ils ne pourraient
demeurer simultanément dans les mêmes lieux avec les corps naturels, comme
l’a remarqué Aristote. Si donc les dimensions subsistent à l’égard de chaque
corps, il est contre la nature du corps de demeurer simultanément avec un
autre corps dans le même lieu ; et si cela arrive, ce ne peut être que par
miracle. Aussi saint Augustin et saint Grégoire (Hom. sur l’Ev., XXVI) attri-buent-ils à un miracle que le
corps de Jésus-Christ soit entré, les portes fermées, auprès des apôtres.
Aucune puissance limitée ne peut, en effet, faire un miracle ; c’est un acte
réservé à Dieu. Il demeure donc établi qu’un corps ne peut subsister
simultanément avec un autre corps dans un même lieu, si ce n’est par une
qualité ou prérogative du corps glorieux. On ne peut cependant nier qu’un
corps glorieux puisse exister simultanément avec un autre corps dans le même
lieu, puisque le corps de Jésus-Christ ressuscité entra auprès des apôtres,
les portes étant fermées, et que nous espérons que notre propre corps, après
la résurrection, sera réformé sur le modèle du corps de Jésus ressuscité.
Mais de même que le corps de Jésus-Christ eut cette prérogative, non par une
propriété de son corps, mais par la puissance de la divinité qui lui était
unie, ainsi le corps de chaque saint ne l’aura pas non plus en vertu d’une
qualité propre, mais par la puissance de la divinité existant en lui. C’est
ainsi, et non par quelque propriété naturelle, qu’il fut donné au corps de
saint Pierre d’opérer la guérison, par son ombre même, de malades. Il faut
donc dire que ce que l’Apôtre indique, en disant (verset 44) : Il est semé
corps animal, et il ressuscitera corps spirituel, s’applique à la
prérogative de la subtilité ; passage qui, étant pris à contresens par
quelques auteurs, leur a fait dire que le corps, à la résurrection, sera
transformé en esprit et deviendra semblable à l’air ou au vent, auquel on
donne le nom d’esprit. Cette erreur est positivement réfutée par ce que
Jésus-Christ dit aux apôtres (Luc, XXIV, 39) : "Touchez et voyez, car
un esprit, etc." Voilà aussi pourquoi l’Apôtre ne dit pas que le
corps ressuscitera esprit, mais spirituel. Donc, à la résurrection, il sera
spirituel et non esprit, de la même manière qu’il est maintenant animal et
non âme. Or, pour saisir la différence entre ces termes, il faut remarquer
que ce qui porte le nom d’âme et d’esprit est en nous une seule et même chose
; mais l’âme est ainsi appelée en tant qu’elle perfectionne le corps ; elle
prend, dans un sens particulier, le nom d’esprit, quand on la considère par
rapport à l’intelligence qui nous assimile aux substances spirituelles,
suivant ce passage de l’épître aux Ephésiens (IV, 23) : "Renouvelez-vous
selon l’esprit de votre âme." Observez de plus que, dans l’âme, les
puissances présentent une triple différence ; car il en est dont les
opérations sont dirigées vers le bien-être du corps : telles sont celles qui
sont en rapport avec la génération, la nutrition, l’accroissement. Il en est
d’autres qui se servent des organes du corps : telles sont toutes les
puissances sensitives dont les actes n’ont pas directement pour but le corps,
mais plutôt la perfection de l’âme. Il en est d’autres enfin qui ne se
servent pas des organes corporels, et qui ne sont pas non plus dirigées vers
le bien-être du corps, mais plutôt vers le bien de l’âme : telles sont celles
qui appartiennent à la partie intellectuelle. Les puissances de la première
espèce appartiennent donc à l’âme, en tant qu’elle anime le corps ; les
secondes, en tant qu’elle est esprit ; les troisièmes tiennent comme une
sorte de milieu entre les premières et les secondes. Cependant, comme on doit
estimer une puissance d’après son objet et sa fin, bien plus qu’à raison des instruments
dont elle se sert, les puissances de la seconde espèce sont plus rapprochées
de la troisième que de la première. Remarquez encore que, chaque chose
existant à raison de son opération propre, le corps reçoit sa perfection de
l’âme, afin d’être soumis aux opérations de cette dernière. Or, dans l’état
présent, notre corps est soumis aux opérations de l’âme, en tant qu’âme, dans
ce qui a rapport à la génération donnée ou reçue, à la nutrition, à
l’accroissement, à l’affaiblissement. Quant aux opérations spirituelles de
cette âme, bien que le corps y concoure dans un certain sens, il y apporte
cependant de nombreux empêchements, car "Le corps qui se corrompt
appesantit l’âme," comme le dit la Sagesse (IX, 15). Mais, dans
l’état de résurrection, les opérations animales cesseront par rapport au
corps, parce qu’alors il n’y aura plus ni génération, ni accroissement, ni
alimentation ; et le corps, sans empêchement désormais et sans fatigue,
servira, sans interruption aucune, aux opérations spirituelles de l’âme,
suivant cette parole du Psalmiste (LXXXIII, 5) : "Bienheureux ceux
qui demeurent dans votre maison, Seigneur, etc.!" De même donc que
notre corps est maintenant animal, ainsi sera-t-il alors spirituel. Or
quelques-uns attribuent la cause de ces propriétés à la lumière, qu’ils
disent être de la nature de la quintessence et entrer dans la composition du
corps humain. Mais comme cette opinion est frivole et imaginaire, à la suite
de saint Augustin nous disons que ces propriétés procèdent de la vertu de l’âme
glorifiée. Saint Augustin, en effet, dit, dans sa lettre à Dioscore : "Dieu a fait l’âme d’une nature
si excellente, que lorsqu’elle sera pleinement rassasiée de la béatitude
promise aux saints à la fin des temps, on verra rejaillir même sur la nature inférieure,
qui est le corps, non cette béatitude qui est une jouissance particulière à
l’âme, mais la plénitude de la santé, c’est-à-dire la vigueur de
l’incorruptibilité". Or on peut reconnaître que quatre avantages
découlent de l’âme pour le corps, et avec d’autant plus de perfection que
l’âme aura été plus vertueuse. Premièrement elle lui donne d’être, en sorte
que, quand elle sera elle-même à son plus haut degré de perfection, elle lui
donnera d’être spirituel. Secondement elle le protège de la corruption ;
aussi voyons-nous que ceux qui sont d’une nature plus vigoureuse souffrent
moins de la chaleur et du froid. Quand donc l’âme sera très parfaite, elle
conservera le corps entièrement impassible. Troisièmement elle lui communique
la beauté et l’éclat ; car ceux qui sont malades ou morts, par suite de la
faiblesse des opérations de l’âme à l’égard du corps, deviennent pâles ;
l’âme donc, étant arrivée à sa perfection suprême, rendra le corps lumineux
et éclatant. Quatrièmement elle lui donne le mouvement, et d’autant plus
facilement que l’action de l’âme est plus puissante sur le corps ; donc,
quand l’âme sera au faîte de sa perfection, elle donnera au corps l’agilité. |
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Lectio 7 |
Leçon 7 : 1 Corinthiens XV, 44-50 — Le corps spirituel |
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SOMMAIRE :
L’Apôtre prouve qu’il y a un corps spirituel, et il en conclut que le corps
animal mis en terre ressuscitera spirituel. |
[44] seminatur corpus animale surgit corpus spiritale si est
corpus animale est et spiritale sic et scriptum est [45] factus est primus homo Adam in animam viventem
novissimus Adam in spiritum vivificantem [46] sed non prius quod spiritale est sed quod animale est
deinde quod spiritale [47] primus homo de terra terrenus secundus homo de caelo
caelestis [48] qualis terrenus tales et terreni et qualis caelestis tales
et caelestes [49] igitur sicut portavimus imaginem terreni portemus et
imaginem caelestis [50] hoc
autem dico fratres quoniam caro et sanguis regnum Dei possidere non possunt
neque corruptio incorruptelam possidebit |
44. ...
Comme il y a un corps animal, il y a aussi un corps spirituel, selon qu’il
est écrit : 45. Adam,
le premier homme, a été créé avec une âme vivante, et le second Adam a été
rempli d’un Esprit vivifiant. 46. Mais ce
n’est pas le corps spirituel qui a été formé le premier ; c’est le corps
animal, et ensuite le spirituel. 47 Le
premier homme est le terrestre, formé de la terre ; et le second homme est le
céleste, qui est du ciel. 48. Comme
le premier homme a été terrestre, ses enfants sont aussi terrestres ; et
comme le second homme est céleste, ses enfants sont aussi célestes. 49. Comme
donc nous avons porté l’image de l’homme terrestre, portons aussi l’image de
l’homme céleste. 50. Or ce
que je veux dire, mes frères, c’est que la chair et le sang ne peuvent
posséder le royaume de Dieu, et que la corruption ne possédera pas cet
héritage incorruptible. |
[87687] Super 1 Cor.
[reportatio vulgata], cap. Sicut scriptum est, et cetera. Hic probat
propositum. Est autem sua probatio talis : duo sunt principia humani generis;
unum secundum vitam naturae, scilicet Adam, aliud secundum vitam gratiae,
scilicet Christus; sed animalitas est derivativa in omnes homines a primo
principio, scilicet Adam; ergo constat quod multo amplius a secundo
principio, scilicet Christo, spiritualitas derivabitur in omnes homines.
Huius rationis, primo, probat primam diversitatem principiorum, secundo
mediam, scilicet determinationem similitudinis ex utroque principiorum, ibi qualis
terrenus, et cetera. Circa primum tria facit. Primo ostendit
principiorum differentiam; secundo principiorum ordinem ad invicem, ibi sed
non prius quod spirituale, etc.; tertio rationis ordinem assignat, ibi primus,
et cetera. Ponit ergo, primo, conditionem primi principii secundum vitam naturae,
sumens auctoritatem Gen. II, 7. Unde dicit sicut scriptum est : factus est,
a Deo, primus homo Adam in animam viventem, vita scilicet animali,
qualem anima potest dare, cum scilicet spiravit dominus in faciem eius
spiraculum vitae, Gen. II, 7. Forma enim humana et anima dicitur et
spiritus. Inquantum enim intendit curae corporis, scilicet vegetando, nutriendo
et generando, sic dicitur anima; inquantum autem intendit cognitioni,
scilicet intelligendo, volendo et huiusmodi, sic dicitur spiritus. Unde cum
dicit factus est primus homo Adam in animam viventem, intendit hic
apostolus de vita qua anima deservit circa corpus, non de spiritu sancto,
sicut quidam fingunt, propter hoc quod praecedit et inspiravit in faciem
eius spiraculum vitae, dicentes hoc esse spiritum sanctum. Secundo ponit conditionem secundi principii, dicens novissimus
vero Adam, id est Christus. Et dicitur novissimus, quia Adam induxit
unum statum, scilicet culpae, Christus vero gloriae et vitae. Unde cum post statum istum
nullus alius sequatur in vita ista, ideo dicitur novissimus. Is. LIII, 2 s. : desideravimus eum despectum
et novissimum virorum. Et alibi scilicet Apoc. I, 17 — ego primus et novissimus. Et
alibi : ego sum alpha et omega, et cetera. Dicit autem Adam,
quia de natura Adae factus in spiritum viventem. Et ex hoc, conditionibus
principiorum visis, apparet eorum diversitas, quia primus homo factus est in
animam, novissimus in spiritum. Ille autem in animam viventem solum, iste
vero in spiritum viventem et vivificantem. Cuius ratio est : quia, sicut Adam
consecutus est perfectionem sui esse per animam, ita et Christus perfectionem
sui esse, inquantum homo, per spiritum sanctum. Et ideo cum anima non possit
nisi proprium corpus vivificare, ideo Adam factus est in animam, non
vivificantem, sed viventem tantum; sed Christus factus est in spiritum
viventem et vivificantem, et ideo Christus habuit potestatem vivificandi. Io.
I, 16 — de plenitudine eius, etc., et Io. X, 10 — veni ut vitam
habeant et abundantius habeant. Et in symbolo : et in spiritum sanctum
vivificantem. Sed ne aliquis diceret : si Christus factus est
in spiritum vivificantem, quare dicitur novissimus? Ideo, consequenter, cum
dicit sed non prius, etc., ostendit ordinem principiorum. Videmus enim
in natura quod in uno et eodem, prius est imperfectum quam perfectum. Unde
cum spiritualitas se habeat ad animalitatem, sicut perfectum ad imperfectum,
ideo in humana natura non prius debet esse spirituale, quod est perfectum,
sed, ut servetur ordo, prius debet esse imperfectum, scilicet quod animale
est, deinde perfectum, scilicet quod spirituale est. Supra c. XIII, 10 — cum
venerit quod perfectum est, et cetera. Sicut dicit Augustinus, huius
signum est, quod primogeniti antiquitus consueverunt esse animales, sicut
Cain ante Abel natus, Ismael ante Isaac, et Esau ante Iacob. Rationem autem dictae diversitatis assignat
dicens primus homo, etc., quasi dicat : vere primus homo factus est in
animam viventem, quia de terra, Gen. II, 7 — formavit dominus
hominem de limo terrae, et ideo dicitur esse terrenus, id est
animalis; secundus homo, scilicet Christus, factus est in spiritum
vivificantem, quia de caelo; quia divina natura quae fuit huic
naturae unita, de caelo est. Et ideo debet esse caelestis, id est,
talem perfectionem debet habere, qualem decet de caelo venire, scilicet
perfectionem spiritualem. Io. III, 31 — qui de caelo venit, super omnes
est. Dicit autem primum hominem de terra, secundum modum loquendi, quo
res de illo esse dicuntur quia prima pars est in eorum fieri, sicut cultellus
dicitur de ferro quia prima pars, unde est cultellus, est ferrum. Et quia
prima pars unde Adam factus est, terra est, ideo, dicitur de terra. Secundus
homo dicitur de caelo, non quod attulerit corpus de caelo, cum de terra
assumpserit, scilicet de corpore beatae virginis, sed quia divinitas (quae
naturae humanae unita est) de caelo venit, quae fuit prior quam corpus
Christi. Sic ergo patet principiorum diversitas, quod erat maior propositio
rationis principalis. Consequenter cum dicit qualis terrenus,
etc., ostendit derivationem similitudinis horum principiorum ex utroque, et
primo in communi, secundo dividit eam per partes, ibi igitur sicut
portavimus, et cetera. Dicit ergo qualis terrenus, etc., quasi
dicat : primus homo, quia terrenus fuit et mortalis, ideo derivatum est ut
omnes essent et terreni et mortales. Supra eodem v. 22 — et
sicut in Adam omnes moriuntur. Zach. XIII, 5 — Adam exemplum
meum, et cetera. Quia vero fuit secundus homo caelestis, id est
spiritualis et immortalis, ideo omnes et immortales et spirituales erimus.
Rom. c. VI, 5 — sed complantati facti sumus similitudini, et cetera. Igitur sicut portavimus, et cetera. Hic concludit
qualiter in speciali debeamus conformari homini, scilicet caelesti. Possumus
autem dupliciter conformari caelesti in vita scilicet gratiae et gloriae, et
una est via ad aliam : quia sine vita gratiae non pervenitur ad vitam
gloriae. Et ideo dicit sicut portavimus, etc., id est quamdiu
peccatores fuimus, in nobis fuit similitudo Adae. II Reg. VII, 19 — ista
est lex Adam, domine Deus, et cetera. Ut ergo possimus esse caelestes, id
est pervenire ad vitam gloriae, portemus imaginem caelestis, per vitam
gratiae. Col. c. III, 9 s. : exuentes veterem hominem, induite novum
hominem, scilicet Christum. Rom. VIII, 29 — quos praescivit et
praedestinavit conformes, et cetera. Sic ergo debemus conformari caelesti in vita
gratiae, quia alias non perveniemus ad vitam gloriae. Et hoc est quod dicit hoc
autem dico, fratres, quasi dicat : nisi vivatis, scilicet vita gratiae,
non poteritis pervenire ad regnum Dei, scilicet ad vitam gloriae, quia
caro et sanguis regnum Dei non possidebunt. Quod quidem non est
intelligendum, sicut quidam haeretici dicunt, quod non resurget caro et
sanguis secundum substantiam, sed quod totum corpus vel vertetur in spiritum,
vel in aerem : quod est haereticum et falsum; nam apostolus dicit quod
conformabit corpus nostrum corpori claritatis suae. Unde cum Christus post
resurrectionem habuerit carnem et sanguinem, sicut dicitur Lc. ult. : palpate
et videte, quia spiritus carnem et ossa non habet, etc., constat quod et
nos in resurrectione carnem et sanguinem habebimus. Non est intelligendum caro
et sanguis, id est substantia carnis et sanguinis, regnum Dei non
possidebunt, sed caro et sanguis, id est, carni et sanguini operam
dantes, scilicet homines dediti vitiis et voluptatibus, regnum Dei non
possidebunt. Et sic accipitur caro, id est, homo carnaliter vivens,
Rom. VIII, 9 — vos autem non in carne, et cetera. Vel : caro et
sanguis, id est, opera carnis et sanguinis regnum Dei non possidebunt,
quod est contra Iudaeos et Saracenos, qui fingunt se habituros post
resurrectionem uxores, fluvios mellis et lactis. Vel : caro et sanguis,
id est corruptio carnis et sanguinis, regnum Dei non possidebunt, id
est post resurrectionem, corpus non subiicietur corruptioni carnis et
sanguinis, secundum quam vivit homo. Unde, et secundum hoc, subdit neque
corruptio incorruptionem possidebit, id est neque corruptio mortalitatis,
quae nomine carnis hic exprimitur, possidebit incorruptionem, id est,
incorruptibile regnum Dei, quia resurgemus in gloria. Rom. VIII, 21 — ipsa
creatura liberabitur a servitute corruptionis, et cetera. |
Saint Paul
établit ici, par la raison, la différence des qualités des corps de ceux qui
meurent et des corps de ceux qui ressuscitent, comme il l’a prouvée plus haut
par des exemples. A cet effet, 1° il énonce
ce qu’il veut établir ; II° il prouve
ce qu’il a avancé (verset 44) : selon qu’il est écrit. I° Il dit donc : J’ai dit que ce qui est semé corps animal ressuscitera
corps spirituel. Qu’il en doive être ainsi, c’est-à-dire
qu’il existe un corps spirituel, je le prouve, parce que (verset 44) s’il y a
un corps animal, il y a aussi un corps spirituel. Saint Paul ne veut
pas ici tirer un argument en faveur de sa proposition, mais il le suppose,
voulant prouver ce qu’il vient de dire : S’il y a un corps animal, etc. ;
(Ecclésiastique XXXIII, 15) : "Considérez toutes les oeuvres du
Très-Haut, vous les trouverez ainsi deux à deux et opposées l’une à
l’autre." II° (verset 44) : comme il est écrit, il prouve
ici sa proposition. Voici sa preuve : Il y a deux principes du genre humain :
l’un de la vie naturelle, c’est-à-dire Adam ; l’autre, de la vie de la grâce,
c’est-à-dire Jésus-Christ ; mais ce qui est animal dérive dans tous les
hommes du premier principe, c’est-à-dire d’Adam ; il est donc incontestable
que du second principe, c’est-à-dire de Jésus-Christ, dérivera bien plus
certainement dans tous les hommes ce qui est spirituel. L’Apôtre prouve
d’abord la première proposition de ce raisonnement, la diversité des
principes ; ensuite la proposition intermédiaire, à savoir l’application de
la comparaison des deux principes (verset 48) : Comme le premier homme a
été terrestre, etc… I. Sur la première
proposition, 1° il établit
la différence des principes ; 2° la
relation de ces principes entre eux (verset 46) : Mais ce n’est pas le
corps spirituel qui a été formé le premier, etc. ; 3° il assigne l’ordre de raison
(verset 47) : Le premier homme, etc. 1° Il expose donc le premier principe :
A) celui de la vie naturelle, en
s’appuyant de l’autorité de la Genèse (II, 7) ; c’est pourquoi il dit (verset
44) : selon qu’il est écrit : Adam, le premier homme, a été créé par
Dieu avec une âme vivante, c’est-à-dire avec la vie animale, telle que
l’âme peut la donner, à savoir lorsque "Dieu répandit sur son visage
un souffle de vie" (Gen., II, 7). Car la forme de l’homme s’appelle
également âme et esprit. En tant qu’elle s’applique aux soins du corps, par
l’accrois-sement, l’alimentation, la génération, elle porte le nom d’âme ;
elle s’appelle esprit en tant qu’elle s’applique à la connaissance, par
l’intelligence, la volonté et autres facultés de ce genre. Quand donc
l’Apôtre dit : Adam, le premier homme, a été créé avec une âme vivante,
il l’entend de la vie, par laquelle l’âme exerce ces fonctions l’égard du
corps, et non pas de l’Esprit Saint, comme quelques-uns le supposent, à cause
de ce qui précède : "et il répandit sur son visage un souffle de
vie," prétendant que ce souffle est le Saint Esprit. B) L’Apôtre expose le second principe,
en disant (verset 45) : et le second Adam, c’est-à-dire Jésus-Christ.
Jésus-Christ est appelé le second Adam, parce qu’Adam a introduit un état
nouveau, à savoir l’état du péché, Jésus-Christ l’état de la gloire et de la
vie. Mais comme après cet état nul autre ne suivra dans cette vie,
Jésus-Christ, pour cette raison, est appelé le dernier Adam ; (Isaïe,
LIII, 2) : "Il nous a paru un objet de mépris, le dernier des
hommes" ; et ailleurs (Apoc., I, 17) : "Je suis le
premier et le dernier" ; ailleurs encore (Apoc., I, 8) : "Je
suis l’alpha et l’oméga, etc." Saint Paul appelle Jésus-Christ
« Adam », parce que, de la nature d’Adam, il a été formé Esprit
vivifiant. Ainsi donc, en considérant la condition de ces deux principes, on
en voit la différence en ce que le premier homme a été créé avec une âme, le
second a été rempli de l’Esprit ; le premier, avec une âme seulement vivante,
le second avec un Esprit vivant et vivifiant. La raison en est que, de même
qu’Adam a reçu la perfection de son être par l’âme, ainsi Jésus-Christ a reçu
la perfection de son être, en tant qu’être humain, par le Saint Esprit. L’âme
ne pouvant donc vivifier que le corps, auquel elle est jointe, Adam a été
créé avec une âme non pas vivifiante, mais seulement vivante, tandis que
Jésus-Christ a été rempli d’un Esprit vivant et vivifiant ; par conséquent
Jésus-Christ a eu la puissance de vivifier ; (Jean I, 16) : "Nous
avons tout reçu de sa plénitude, etc." ; et (Jean X, 10) : "Je
suis venu afin que mes brebis aient la vie, et qu’elles l’aient en
abondance" ; et au Symbole : "et au Saint Esprit qui
vivifie." 2° Pour qu’on ne dise point : si
Jésus-Christ a été rempli d’un Esprit vivifiant, pourquoi est-il appelé le
second Adam ? l’Apôtre ajoute (verset 46) : Mais ce n’est pas [ce qui est
spirituel qui a été formé] le premier, etc., établissant par là l’ordre
des principes. Nous voyons, en effet, dans la nature, que dans un seul et
même sujet l’imparfait précède ce qui est parfait ; ce qui est spirituel
étant par rapport à ce qui est animal, comme ce qui est parfait à l’égard de
ce qui est imparfait, par analogie dans la nature humaine, ce qui est
spirituel, et par conséquent parfait, ne doit pas venir d’abord ; mais, pour
observer l’ordre, il faut mettre auparavant ce qui est imparfait,
c’est-à-dire ce qui est animal, puis ce qui est parfait, c’est-à-dire ce qui
est spirituel ; (ci-dessus, XIII, 10) : Lorsque sera venu l’état
parfait, etc. Un exemple de ceci, remarque saint Augustin, c’est que,
dans l’antiquité, les aînés ont été d’ordinaire charnels, par exemple Caïn,
frère aîné d’Abel, Ismaël, frère aîné d’Isaac, et Esaü, frère aîné de Jacob. 3° En disant (verset 47) : Le
premier homme, etc., l’Apôtre assigne la raison de la différence qu’il a
établie ; comme s’il disait : véritablement le premier homme a été créé avec
une âme vivante, puisqu’il a été formé de terre (Gen., II, 7) : "Le
Seigneur Dieu forma donc l’homme du limon de la terre" ; c’est
pour cette raison qu’il est appelé terrestre, c’est-à-dire animal. Le
second, c’est-à-dire Jésus-Christ, a été rempli d’un Esprit vivifiant,
parce qu’il vient du ciel ; car la nature divine, qui a été unie à la
nature humaine, vient du ciel. Il doit donc être céleste, c’est-à-dire
avoir une perfection telle qu’elle convienne à ce qui vient du ciel, à savoir
à la perfection de l’esprit ; (Jean III, 31) : "Celui qui vient
du ciel est au-dessus de tous." Saint Paul dit que le premier homme
est de terre, suivant la façon de parler d’après laquelle nous disons qu’une
chose est formée de ce qui a fourni à son être sa principale partie : c’est
ainsi qu’on dit qu’un instrument est de fer, parce que sa partie principale
est du fer ; de même, comme la partie principale d’Adam a été formée de
terre, on dit qu’il est de terre. (verset 47) : Le second est le céleste, qui
vient du ciel, non qu’il ait apporté du ciel son corps, puisqu’il l’a pris
sur la terre, c’est-à-dire du corps de la Bienheureuse Vierge Marie, mais
parce que la divinité, qui est unie à la nature humaine, est venue du ciel,
et qu’elle existait avant le corps de Jésus-Christ. Ainsi donc est manifeste
la diversité des principes, ce qui était la proposition majeure du
raisonnement principal. II. Quand l’Apôtre dit
(verset 48) : Comme le premier homme a été terrestre, etc…, il montre
ce qui en a résulté de la ressemblance des deux principes : 1° d’une manière générale ; 2° il la divise par parties (verset
49) : Comme donc nous avons porté, etc. 1° Il dit donc (verset 48) : Comme
le premier homme a été terrestre, etc., en d’autres termes le premier
homme ayant été terrestre et mortel, il en est résulté que tous sont devenus
et terrestres et mortels ; (ci-dessus, XV, 22) : et comme en Adam
tous meurent" ; et (Zach., XIII, 5) : "J’ai devant mes
yeux, dès ma jeunesse, l’exemple d’Adam" ; mais, le second
homme étant céleste, c’est-à-dire spirituel et immortel, nous serons tous par
lui spirituels et immortels ; (Rom., VI, 5) : "Si nous avons été
entés en lui par la ressemblance, etc." 2° (verset 49) : Comme donc nous
avons porté, etc., l’Apôtre déduit ici, en forme de conclusion, comment
nous devons nous rendre conformes en particulier à l’homme céleste. Nous
pouvons devenir conformes à cet homme céleste de deux manières, à savoir dans
la vie de la grâce et dans la vie de la gloire. L’une est la voie pour
arriver à l’autre, car sans la vie de la grâce on ne peut parvenir à la vie
de la gloire. C’est ce qui fait dire à saint Paul (verset 49) : Comme donc
nous avons porté, etc., c’est-à-dire tant que nous avons été pécheurs,
nous avons porté la ressemblance d’Adam ; (II Rois, VII, 19) : "C’est
la loi d’Adam, ô Seigneur mon Dieu ! etc.", c’est-à-dire que nous
puissions être célestes, c'est-à-dire parvenir à la vie de la gloire (verset
49) : Portons aussi l’image de l’homme céleste, par la vie de la
grâce ; (Colos., III, 9) : "Dépouillez-vous du vieil homme et
revêtez-vous de l’homme nouveau", c'est-à-dire de Jésus-Christ ;
et (Rom., VIII, 29) : "Ceux qu’il a connus par sa prescience, il les
a aussi prédestinés, etc." Ainsi donc, nous devons nous conformer à
l’homme céleste par la vie de la grâce, parce qu’autrement nous ne
parviendrions pas à la vie de la gloire. C’est aussi ce que dit saint Paul
(verset 50) : Je veux dire, mes frères, en d’autres termes, à moins
que vous ne viviez de la vie de la grâce, vous ne pourrez parvenir au royaume
de Dieu, c’est-à-dire à la vie de la gloire, car la chair et le sang ne
posséderont pas le royaume de Dieu. Il ne faut pas, avec certains
hérétiques, entendre ces dernières paroles comme si la chair et le sang, en
tant que substance, ne devaient pas ressusciter, et que tout le corps dût
être changé soit en esprit, soit en air, opinion hérétique et fausse ; car
l’Apôtre dit que Jésus-Christ rendra notre corps conforme à son corps
glorifié ; Jésus-Christ ayant eu, après sa résurrection, sa chair et son
sang, comme le dit Luc (XXIV, 39) : "Touchez et voyez, car un esprit
n’a ni chair ni os, etc." ; il est donc constant qu’après la
résurrection nous aurons également la chair et le sang. Il ne faut donc pas
entendre que la chair et le sang, c’est-à-dire la substance de la
chair et du sang, ne posséderont pas le royaume de Dieu, mais que la
chair et le sang, c’est-à-dire ceux qui suivent la chair et le sang en se
livrant aux vices et aux voluptés, ne posséderont pas le royaume de Dieu.
C’est dans ce sens qu’il faut entendre la chair, c’est-à-dire l’homme
vivant charnellement ; (Rom., VIII, 9) : "Mais vous, ne vivez
pas selon la chair, etc…" ; encore : la chair et le sang,
c’est-à-dire les oeuvres de la chair et du sang, ne posséderont pas le
royaume de Dieu, ce qui est contre les juifs et les mahométans, qui
s’imaginent qu’après la résurrection ils auront des femmes, des fleuves de
lait et de miel. Ou enfin : la chair et le sang, c’est-à-dire la
corruption de la chair et du sang, ne posséderont pas le royaume de Dieu ;
en d’autres termes, après la résurrection le corps ne sera pas soumis à la
corruption de la chair et du sang, qui fait vivre l’homme. C’est dans ce sens
que l’Apôtre ajoute (verset 50) : Et la corruption ne possédera pas cet
héritage incorruptible, c’est-à-dire ni la corruption de la mortalité,
appelée ici chair, ne possédera l’incorruptibilité ou le règne
incor-ruptible de Dieu, parce que nous ressusciterons dans la gloire ;
(Rom., VIII, 21) : "La créature elle-même sera affranchie de
l’asservissement à la corruption, etc." |
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Lectio 8 |
Leçon 8 : 1 Corinthiens XV, 51-52 — Comment se produira la résurrection ? |
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SOMMAIRE :
L’Apôtre explique l’ordre de la résurrection ; il affirme cette résurrection
future. |
[51] ecce mysterium vobis dico omnes quidem resurgemus sed non
omnes inmutabimur [52] in
momento in ictu oculi in novissima tuba canet enim et mortui resurgent
incorrupti et nos inmutabimur |
51. Voici
un mystère que je vais vous dire : Nous ressusciterons tous, mais nous ne
serons pas tous changés. 52. En un
moment, en un clin d’oeil, au son de la dernière trompette (car la trompette sonnera),
et les morts ressusciteront en un état incorruptible, et alors nous serons
changés. |
[87688] Super 1 Cor. [reportatio vulgata],
cap. Primo igitur reddit eos attentos, ostendens id
quod proponit esse arduum et occultum, dicens ecce mysterium, id est
occultum quoddam, dico vobis, id est aperio vobis, fratres, quod debet
vobis aperiri et omnibus credentibus. Lc. VIII, 10 — vobis datum est nosse,
et cetera. Supra, II, 6 — sapientiam loquimur inter perfectos, et,
post : sed loquimur Dei sapientiam quae abscondita est, et cetera.
Quid autem sit istud mysterium, subdit omnes quidem, et cetera. Circa
primum sciendum est, quod sicut Hieronymus dicit, in quadam epistola ad
Minervium et Alexandrum monachos, hoc quod hic dicitur omnes quidem
resurgemus, etc., in nullo libro Graecorum habetur; sed in quibusdam
habetur omnes quidem dormiemus, id est omnes moriemur. Et dicitur mors
somnus, propter spem resurrectionis. Unde idem est ac si diceret omnes
quidem resurgemus, quia nullus resurget nisi moriatur. Sed non omnes
immutabimur. Hoc non mutatur in libris Graecis. Et hoc est verum, quia
ista mutatio, de qua hic loquitur, non erit nisi secundum corpora beatorum,
quia immutabuntur ad illa quatuor quae supra posita sunt, quae dicuntur dotes
corporum gloriosorum. Et hanc desiderabat Iob. XIV, 14 — cunctis diebus
quibus nunc milito, expecto, donec veniat immutatio mea. In quibusdam
vero libris invenitur : non omnes quidem dormiemus, id est, moriemur, sed
omnes immutabimur. Et hoc intelligitur dupliciter. Primo ad litteram,
quia quorumdam opinio fuit quod non omnes homines morientur, sed quod aliqui
in adventu Christi ad iudicium venient vivi, et isti non morientur sed isti
mutabuntur in statum incorruptionis, et, propter hoc dicunt non omnes
quidem dormiemus, id est moriemur, sed omnes immutabimur, tam boni
quam mali et tam vivi quam mortui. Unde secundum hos immutatio non
intelligitur de statu animalitatis ad statum spiritualitatis, quia, secundum
hanc, soli boni immutabuntur, sed de statu corruptionis ad statum incorruptionis.
Alio modo exponitur mystice ab Origene, et dicit quod hoc non dicitur de
somno mortis, quia omnes morientur, Ps. LXXXVIII, 49 — quis est homo qui
vivet, etc., sed de somno peccati, de quo in Ps. XII, 4 — illumina
oculos meos ne unquam obdormiam, ut sic dicatur : non omnes moriemur,
id est non omnes peccabimus mortaliter, sed omnes immutabimur, sicut
supra de statu corruptionis ad incorruptionem. Et licet haec littera,
scilicet non omnes moriemur, etc., non sit contra fidem, tamen
Ecclesia magis acceptat primam, scilicet quod omnes moriemur sive resurgemus,
etc.; quia omnes morientur etiam si sint tunc aliqui vivi. Ordinem autem et modum resurrectionis manifestat
consequenter cum dicit in momento, in ictu oculi, et cetera. Et hoc
quantum ad tria. Primo enim manifestat ordinem quantum ad tempus; secundo
quantum ad causam resurrectionis, ibi in novissima tuba; tertio
quantum ad progressum effectus a causa, ibi canet enim tuba, et
cetera. Dicit ergo quod omnes resurgemus, sed quomodo? In momento. Per
quod excludit errorem dicentium resurrectionem non esse futuram omnium simul,
sed dicunt quod martyres resurgent ante alios per mille annos, et tunc
Christus descendet cum illis, et possidebit regnum corporale Ierusalem mille
annis cum eis. Et haec fuit opinio Lactantii. Sed hoc patet esse falsum, quia
omnes in momento resurgemus et in ictu oculi. Excluditur etiam per hoc
alius error eiusdem qui dicebat quod iudicium duraturum erat per spatium
mille annorum. Sed hoc
est falsum, quia non erit ibi aliquod perceptibile tempus, sed in momento, et
cetera. Sciendum est autem quod momentum potest accipi vel pro ipso instanti
temporis, quod dicitur nunc, vel pro aliquo tempore imperceptibili; tamen
utroque modo potest accipi hoc, referendo illud ad diversa. Quia si nos referamus hoc
ad collectionem pulverum (quae fiet ministerio Angelorum), tunc momentum
accipitur pro tempore imperceptibili. Cum enim in collectione illorum
pulverum sit mutatio de loco ad locum, oportet quod sit ibi tempus aliquod.
Si autem referamus ad reunitionem corporum et pro unione animae, quae omnia
fient a Deo, tunc momentum accipitur pro instanti temporis, quia Deus in
instanti unit animam corpori et vivificat corpus. Potest etiam hoc quod dicit
in ictu oculi, ad utrumque referri, quasi si in ictu oculi
intelligitur tantum apertio palpebrarum (quae fit in tempore perceptibili),
tunc refertur ad collectionem pulverum. Si vero in ictu oculi
intelligitur ipse subitus contuitus oculi, et qui fit in instanti, tunc
refertur ad unionem animae ad corpus. Consequenter cum dicit in
novissima tuba, ostendit ordinem resurrectionis, quantum ad causam
immediatam. Et ista
tuba est vox illa Christi, de qua Matth. XXVI, 6 dicitur : media nocte
clamor factus est; Io. V, 25 — audient vocem filii Dei, et qui
audierint, et cetera. Vel ipsa praesentia Christi manifesta mundo,
secundum quod dicit Gregorius : tuba nihil aliud esse designat, quam
praesentiam Christi mundo manifestatam, quae dicitur tuba propter
manifestationem, quia omnibus erit manifesta. Et hoc modo accipitur
tuba Matth. VI, 2 — cum facis eleemosynam, noli tuba canere ante te.
Item dicitur tuba propter officium tubae, quod erat ad quatuor, ut dicitur
Num. X, v. 1-10, scilicet ad vocandum consilium, et hoc erit in
resurrectione, quia tunc convocabit ad consilium, id est ad iudicium. Is. III, v. 14 — dominus
ad iudicium veniet, et cetera. Ad solemnizandum festum. Ps. LXXX, 4 — buccinate
in Neomenia tuba. Sic et in resurrectione. Is. XXXIII, 20 — respice
Sion civitatem solemnitatis nostrae. Ad pugnam, et hoc in resurrectione. Sap. V, 21 — pugnabit pro
illo, et cetera. Is. XXX, 32 — in cytharis et tympanis, et cetera.
Ad movendum
castra, sic et in resurrectione : quidam eundo ad Paradisum, quidam eundo ad
Infernum. Matth. XXV, 46 — ibunt qui bona fecerunt in vitam aeternam, qui
vero mala in ignem aeternum. Consequenter cum dicit canet
enim tuba, etc., ponit progressum effectus a causa praedicta. Et circa hoc duo facit.
Primo enim ponit progressum effectus; secundo necessitatem huius assignat,
ibi oportet enim mortale, et cetera. Progressus effectus est quia
statim ad sonitum tubae sequetur effectus, quia mortui, etc., Ps.
LXVII, 34 — dabit voci suae vocem virtutis, et cetera. Ponit autem
duplicem effectum. Unus est communis, quia mortui resurgent incorrupti,
id est integri, sine aliqua diminutione membrorum. Quod quidem est commune
omnibus, quia in resurrectione est commune omne quod pertinet ad reparationem
naturae, quia omnes habent communionem cum Christo in natura. Et licet Augustinus
relinquat sub dubio, utrum deformitates remaneant in damnatis, ego tamen
credo quod quidquid pertinet ad reparationem naturae, totum confertur eis :
sed quod pertinet ad gratiam, solum electis confertur. Et ideo omnes resurgent
incorrupti, id est, integri, etiam damnati. Hieronymus autem exponit incorrupti,
id est in statu incorruptionis, ut scilicet ulterius post resurrectionem non
corrumpantur, quia isti ad beatitudinem aeternam ibunt, mali vero ad poenam
aeternam. Dan. XII, 2 — multi de terrae pulvere evigilabunt. Alius
effectus est proprius, id est apostolorum tantum, quia nos immutabimur,
scilicet apostoli, et non solum erimus incorrupti, sed etiam immutabimur,
scilicet de statu miseriae ad statum gloriae, quia seminatur animale surget
autem spirituale. Et secundum hunc modum exponendi apparet, quod melior est
littera illa quae dicit omnes quidem resurgemus, sed non omnes immutabimur,
quam illa quae habet omnes immutabimur, quia licet omnes resurgant,
tamen soli sancti et electi immutabuntur. Posset tamen etiam secundum illos
qui habent non omnes quidem morimur, sed omnes immutabimur, legi sic :
mortui resurgent incorrupti, id est ad statum incorruptionis, et nos qui
vivimus, licet non resurgamus, quia non morimur, tamen immutabimur de statu
corruptionis ad incorruptionem. Et videtur consonare iis quae dicit I Thess.
IV, 16 — nos qui vivimus, qui relinquimur, simul rapiemur cum illis,
etc.; ut sicut et ibi, et hic connumeret se vivis. |
Après avoir
répondu à la question de l'état des corps ressuscités, saint Paul répond ici
à la question du mode et de l’ordre de la résurrection. A cet effet, d'abord
il expose l’un et l’autre, ensuite il confirme son explication par un
témoignage (verset 51) : Et après que ce corps de mort, etc. Sur la
première partie, I° il énonce
ce qu’il veut établir ; II° il montre
dans quel ordre tout s’accomplira (verset 52) : En un moment, en un clin
d’oeil, etc… I° Il rend les Corinthiens attentifs, en leur
faisant entrevoir que ce qu’il enseigne est élevé et difficile. Il dit donc
(verset 51) : Voici que je vous apprends un mystère, c’est-à-dire
quelque chose de caché ; je vous l’apprends, c’est-à-dire je vous
découvre, mes frères, ce qui doit être découvert à vous et à tous ceux qui
croient ; (Luc, VIII, 10) : "Il vous est donné de connaître, etc." ;
et (ci-dessus, II, 6) : Nous prêchons néanmoins la sa gesse aux parfaits ;
et à la suite (verset 7) : Mais nous prêchons la sagesse de Dieu, qui est
cachée dans son mystère. Saint Paul dit quel est ce mystère, en ajoutant
(verset 51) : Nous ressusciterons tous, etc. Sur ce premier point, il
faut remarquer, comme saint Jérôme le dit dans sa lettre aux moines Minervius et Alexandre, que ces mots : Tous
nous ressusciterons, etc…, ne se trouvent dans aucun des exemplaires
grecs ; toutefois quelques-uns portent : Tous, à la vérité, nous
dormirons, c’est-à-dire nous mourrons. Mais la mort est appelée sommeil à
cause de l’espérance de la résurrection ; c’est donc la même chose que ce que
dit saint Paul : Tous nous ressusciterons, car personne ne ressuscite
s’il ne meurt auparavant. Mais nous ne serons pas tous changés : cette
partie du passage n’a subi aucune altération dans les exemplaires grecs, et
ces paroles sont de toute vérité, car le changement dont il s’agit ici n’aura
lieu qu’à l’égard des corps des bienheureux. Ces corps seront changés quant
aux quatre prérogatives expliquées plus haut, et appelées qualités des corps
glorieux. C’est ce changement que désirait Job (XIV, 14) : "Tout le
temps de mon service, j’attends que ma délivrance arrive." Dans
quelques exemplaires on lit : Nous ne dormirons pas tous, c’est-à-dire
nous ne mourrons pas tous, mais tous nous serons changés ; ce qui peut
être expliqué de deux manières. D’abord selon la lettre : des auteurs ont cru
que tous les hommes ne mourraient pas, mais que quelques-uns d’entre eux, à
l’avènement de Jésus-Christ, viendraient vivants à son jugement ; ceux-là
donc ne mourront pas, mais seront changés en l’état d’incorruptibilité. Dans
ce sens ces auteurs disent : Nous ne dormirons pas, c’est-à-dire nous
ne mourrons pas tous, mais nous serons changés tous, soit bons,
soit méchants, aussi bien les vivants que les morts. Suivant ces auteurs, le
changement ne s’entend donc point de l’état du corps animal à l’état de corps
spirituel, parce que, dans ce changement, les bons seuls seront changés, mais
de l’état de corruption à l’état d’incorruptibilité. Ce même passage est
expliqué mystiquement par Origène. Suivant cet auteur, il ne s’agit pas ici
du sommeil de la mort, puis que tous nous mourrons ; (Psaume LXXXVIII,
49) : "Qui est l’homme qui pourra vivre, etc. ?" mais du
sommeil du péché, dont il est dit (Psaume XII, 4) : "Eclairez mes
yeux, afin que je ne m’en dorme jamais". Le sens serait : Nous ne
mourrons pas tous, c’est-à-dire nous ne pécherons pas tous mortellement, mais
tous nous serons changés, comme il est expliqué plus haut, de l’état de
corruption à l’état d’incorruptibilité. Bien que ce texte :"Nous ne
mourrons pas tous, etc." ne soit pas contre la foi, cependant
l’Eglise préfère la première explication, à savoir que tous nous mourrons et
ressusciterons, etc., parce que nous mourrons tous, encore que
quelques-uns soient vivants alors. II° Lorsque l’Apôtre dit (verset 52) : en un moment, en un clin d’oeil,
etc., il explique et l’ordre et le mode de la
résurrection. Il relève trois circonstances : I. le temps ; II. la cause de
la résurrection (verset 52) : au son de la dernière trompette ;
III. la marche
de la cause à l’effet (verset 52) : Car la trompette sonnera, etc. I. Il dit donc que tous
nous ressusciterons mais comment ? (verset 52) : en un moment ;
et par cette expression il réfute l’erreur de ceux qui pensent que la
résurrection ne se fera pas simultanément pour tous. Ils disent que les
martyrs ressusciteront avant les autres pendant mille ans[12] ; qu’alors
Jésus-Christ descendra avec eux et possédera avec eux un royaume temporel à
Jérusalem pendant mille ans. Telle fut l’opinion de Lactance. On en voit
clairement la fausseté ; car tous nous ressusciterons en un moment, en un
clin d’oeil. Ce passage détruit encore une autre erreur du même
Lactance, qui prétendait que le jugement durerait pendant un intervalle de
mille ans. Cette opinion est encore fausse, puisqu’il n’y aura pas alors
d’intervalle de temps mesurable, mais que en un moment, etc. Il faut
observer que cette expression : un moment, peut se prendre ou pour un
instant même du temps, de même qu’on dit : maintenant, ou pour une durée
imperceptible. Toutefois cette expression de l’Apôtre peut être entendue de
l’une et l’autre manière, en l’appliquant à des circonstances différentes. En
effet, si nous la rapportons au rassemblement des poussières humaines, qui se
fera par le ministère des anges, un moment serait un temps imperceptible,
car, la réunion de ces poussières supposant le changement d’un lieu à un
autre, elle suppose une durée de temps. Mais si nous la rapportons au
rassemblement des corps et à la réunion des âmes, opérations qui seront l’une
et l’autre l’oeuvre de Dieu, alors moment signifie un instant du
temps, parce que Dieu, dans un instant, unit l’âme au corps et vivifie le
corps. On peut aussi rapporter à l’une et à l’autre de ces explications ce
qu’a dit saint Paul (verset 52) : en un clin d’œil ; car
si par ce « clin d’œil », on entend seulement l’action d’ouvrir les
paupières, ce qui se fait dans un instant perceptible, alors elle s’applique
à la réunion des poussières ; mais si par un clin d’oeil on entend le
regard soudain de l’oeil, qui se fait instantanément, alors ce mot se
rapporte à l’union de l’âme au corps. II. En ajoutant (verset
2) : au son de la dernière trompette, l’Apôtre explique l’ordre de la
résurrection quant à sa cause immédiate. Cette trompette est la voix de
Jésus-Christ, dont il est dit Matthieu (XXVI, 6) : "Or, vers minuit,
un cri s’entendit" ; et (Jean V, 25) : "Les
morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l’auront ouïe, etc."
Ou bien c’est la présence même de Jésus-Christ manifestée au monde, comme
l'explique saint Grégoire : « la trompette désigne seulement la
présence de Jésus-Christ manifestée aux hommes ». On l’appelle
trompette à cause de cette manifestation, parce qu’elle sera visible pour
tous. C’est dans ce sens que cette expression est prise (Matthieu VI, 2) : "Lorsque
vous faites l’aumône, ne sonnez pas de la trompette devant vous." On
se sert encore de cette expression en raison de l’usage qu’on fait de la
trompette, qu’on emploie dans quatre circonstances, comme on le voit au ch.
X, 1-10 des Nombres, à savoir : premièrement, pour convoquer l’assemblée
; et cela aura lieu à la résurrection, parce qu’alors elle appellera au
conseil, je veux dire au jugement ; (Isaïe, III, 14) : "Le
Seigneur entrera en jugement avec son peuple, etc. " Secondement,
pour solenniser les fêtes ; (Psaume LXXX, 4) : "Sonnez de
la trompette en ce premier jour du mois" ; de même à la
résurrection ; (Isaïe, XXXIII, 20) : "Considérez Sion, la ville
de nos solennités." Troisièmement, dans le combat ; et cela
se passera à la résurrection ; (Sag., V, 21) : "Tout l’univers
combattra avec lui, etc." ; et (Isaïe, XXX, 32) : "au
son des tambours et des harpes, etc." Quatrièmement, pour lever
le camp ; ainsi encore dans la résurrection, les uns prenant la route du
paradis, les autres la route de l’enfer ; (Matthieu XXV, 46) : "Ceux
qui auront fait le bien iront à la vie éternelle ; ceux qui auront fait le
mal, au feu éternel." III. Enfin, quand saint
Paul dit (verset 52) : Car la trompette sonnera, etc., il indique
comment la cause indiquée produit son effet. D’abord il montre la marche de
l’effet ; ensuite il en assigne la nécessité (verset 53) : Car il faut que
ce corps mortel, etc. La marche de l’effet, c’est qu’aussitôt le son de
la trompette, l’effet suivra (verset 52) : Car les morts, etc. ;
(Psaume LXVII, 34) : "Il fera de sa voix une voix puissante, etc. "
L’Apôtre indique ici un double effet : l’un général : Les morts
ressusciteront sans corruption désormais, c’est-à-dire dans leur
intégrité, sans aucune diminution de membres, ce qui est commun à tous, car,
dans la résurrection, tout ce qui appartient à la réparation de la nature est
commun, parce que tous, par la nature, sont en communication avec
Jésus-Christ. Bien que saint Augustin (Enchiridion XCII) laisse subsister un doute sur la question
de savoir si les difformités subsisteront dans les réprouvés, moi,
personnellement, je crois cependant que tout ce qui tient à la restauration
de la nature leur est laissé, mais que ce qui est de la grâce n’est donné
qu’aux seuls élus. Par conséquent, tous ressusciteront sans corruption,
c’est-à-dire dans l’intégrité, même les damnés. Toutefois saint Jérôme
explique cette expression sans corruption par l’état
d'incorruptibilité, en sorte qu’après la résurrection il n’y aura plus
d’accès à la corruption, parce que les bons iront à la béatitude éternelle,
les méchants au châtiment éternel ; (Dan., XII, 2) : "Et toute
cette multitude de ceux qui dorment dans la poussière de la terre se
réveilleront." Le second effet est particulier, c’est-à-dire
n’appartient qu’aux apôtres : Et nous, apôtres, nous serons changés
: non seulement nous serons sans corruption, mais de plus nous serons
changés, c’est-à-dire nous passerons de l’état des misères de la vie à l’état
de gloire, (verset 44) : parce que ce qui est semé corps animal ressuscitera
corps spirituel. D’après cette interprétation, on voit que le texte : Tous
nous ressusciterons, mais nous ne serons pas tous changés, est préférable
à cet autre : Tous nous serons changés ; car, bien que tous
ressuscitent, néanmoins les saints et les élus seront seuls changés. On
pourrait encore, dans les versions qui portent : Nous ne mourrons pas
tous, mais nous serons tous changés, lire ainsi : Les morts
ressusciteront incorruptibles, c’est-à-dire pour l’état d’incorruptibilité,
et nous qui vivons, bien que nous ne ressuscitions pas, puisque nous ne
mourons pas, cependant nous serons changés en passant de l’état de corruption
à l’incorruptibilité. Ce sens paraît s’accorder avec ce qu’on lit (I Thess.,
IV, 16) : "Nous qui vivons et qui serons demeurés jusqu’alors, nous
serons enlevés avec eux, etc.," passage où, comme dans celui qui
nous occupe, l’Apôtre se compte parmi ceux qui vivent. |
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Lectio 9 |
Leçon 9 : 1 Corinthiens XV, 53-58 — Attendre dans la foi la résurrection |
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SOMMAIRE :
L’Apôtre recommande aux Corinthiens de persévérer dans la foi de Jésus-Christ
par le motif de la résurrection future, qui fera perdre à la mort sa victoire
et son aiguillon. |
[53] oportet enim corruptibile hoc induere incorruptelam et
mortale hoc induere inmortalitatem [54] cum autem mortale hoc induerit inmortalitatem tunc fiet
sermo qui scriptus est absorta est mors in victoria [55] ubi est mors victoria tua ubi est mors stimulus tuus [56] stimulus autem mortis peccatum est virtus vero peccati lex [57] Deo autem gratias qui dedit nobis victoriam per Dominum
nostrum Iesum Christum [58] itaque
fratres mei dilecti stabiles estote et inmobiles abundantes in opere Domini
semper scientes quod labor vester non est inanis in Domin |
53. Car il
faut que ce corps corruptible soit revêtu de l’incorruptibilité, et que ce
corps mortel soit revêtu de l’immortalité. 54. Et
quand ce corps mortel aura été revêtu de l’immortalité, alors cette parole de
l'Ecriture sera accomplie. La mort a été absorbée par la victoire. 55. O mort,
où est ta victoire ? Ô mort, où est ton aiguillon ? 56. Or le
péché est l’aiguillon de la mort, et la Loi est la force du péché. 57. C’est
pourquoi rendons grâces à Dieu, qui nous donne la victoire par Notre Seigneur
Jésus-Christ. 58. Ainsi,
mes chers frères, demeurez fermes et inébranlables, et travaillez sans cesse
de plus en plus à l’oeuvre de Dieu, sachant que votre travail ne sera pas
sans récompense dans le Seigneur. |
[87689] Super 1 Cor. [reportatio vulgata],
cap. Notandum autem quod ipsam incorruptionem seu
immortalitatem assimilat vestimento, cum dicit induere. Vestimentum
enim adest vestito et abest, manente eadem numero substantia vestiti, ut per
hoc ostendat quod corpora eadem numero resurgant et iidem homines iidem
numero erunt in statu incorruptionis et immortalitatis, in quo sunt modo. Unde ex hoc excluditur error dicentium quod
corpora non resurgent eadem numero. Unde signanter dicit oportet corruptibile hoc,
scilicet corpus, nam anima non est corruptibilis. Excluditur etiam error
dicentium quod corpora glorificata non erunt eadem cum istis, sed caelestia,
et de isto modo simile habetur I1 Cor. V, 2 — nam in hoc ingemiscimus,
etc.; Is. LII, 1 — induere vestimentis gloriae tuae; Iob XL, 5 — circumda
tibi decorem, et cetera. Sed contra hoc est, quia
videtur impossibile quod corruptibile hoc induat incorruptionem, id est, quod
corpora resurgant eadem numero, quia impossibile est ea, quae differunt
genere vel specie, esse eadem numero; sed corruptibile et incorruptibile non
solum differunt specie, sed genere; ergo impossibile est quod corpora
resurgentium sint incorruptibilia, et remaneant eadem numero. Praeterea,
philosophus dicit, quod impossibile est quod illa quorum substantia
corruptibilis mota est, reintegrentur eadem numero, sed eadem specie;
substantia autem corporum humanorum est corruptibilis, ergo impossibile est
reintegrari eadem numero. Respondeo. Dicendum est, ad primum, quod unumquodque consequitur genus
et speciem ex sua natura et non ex aliquo extrinseco suae naturae, et ideo
dico, quod si resurrectio corporum futura esset ex principiis naturae
corporum, impossibile esset quod corpora resurgerent eadem numero. Sed dico
quod incorruptio corporum resurgentium dabitur ab alio principio, quam a
natura ipsorum corporum, scilicet a gloria animae, ex cuius beatitudine et
incorruptione, tota beatitudo et incorruptio corporum derivabitur. Sicut ergo
eiusdem naturae et idem numero est liberum arbitrium, modo dum est volubile
ad utramque partem et cum erit firmatum in fine ultimo, ita et eiusdem
naturae et idem numero erit corpus, quod modo est corruptibile et tunc,
quando per liberum arbitrium firmatum erit per gloriam animae, erit
incorruptibile. Ad secundum dicendum, quod ratio philosophi procedit contra
illos, qui ponebant omnia, in istis inferioribus, causari ex motu corporum
caelestium, et quod revolutis eisdem revolutionibus corporum superiorum,
sequebantur iidem effectus numero, qui aliquando fuerant. Unde dicebant quod
adhuc Plato idem numero leget Athenis et quod habebit easdem scholas, et
eosdem auditores quos habuit. Et ideo philosophus contra eosdem arguit, quod
licet idem caelum numero, et idem sol sit in eisdem revolutionibus, tamen
effectus, qui inde proveniunt non consequuntur identitatem numero, sed
specie, et hoc secundum viam naturae. Similiter dico, quod si corpora
induerent incorruptionem, et surgerent secundum viam naturae, quod non
resurgerent eadem numero, sed eadem specie. Sed cum reintegratio et
resurrectio, sicut dictum est, fiant virtute divina, dicimus quod corpora
erunt eadem numero, cum neque principia individuantia huius hominis sint
aliud, quam haec anima, et hoc corpus. In resurrectione autem redibit et anima eadem
numero, cum sit incorruptibilis, et hoc corpus idem numero ex eisdem
pulveribus, in quibus resolutum fuit, ex virtute divina reparatum, sic erit
idem homo numero resurgens. Nec facio vim in formis intermediis, quia non
pono esse aliquam aliam formam substantialem in homine, nisi animam
rationalem, a qua habet corpus humanum quod sit animatum natura sensibili et
vegetabili et quod sit rationale. Formae vero accidentales nihil impediunt
identitatem numeralem quam ponimus. Consequenter cum dicit cum autem corruptibile,
etc., confirmat quod dixerat per auctoritatem. Et circa hoc duo facit. Primo
ponit auctoritatem; secundo ex ea concludit tria, ibi ubi enim est, mors,
et cetera. Dicit ergo primo : dixi quod oportet corruptibile
hoc induere, etc., sed cum mortale hoc induerit immortalitatem, tunc,
scilicet in futuro, quod est contra illos qui dicunt iam resurrectionem
factam, fiet sermo qui scriptus, scilicet, absorpta est, et
cetera. Hoc secundum translationem nostram non invenitur in aliquo libro
Bibliae; si tamen inveniatur in translatione Lxx, non est certum unde sumptum
sit. Potest tamen dici hoc esse sumptum ex Is. XXVI, 19 — vivent mortui,
etc., et XXV, 8 — praecipitabit mortem in sempiternum. Osee XIII, 14,
ubi nos habemus : ero mors tua, o mors, Lxx habent : absorpta est
mors in victoria, id est propter victoriam Christi. Et ponit praeteritum
pro futuro, propter certitudinem prophetiae. I Petr. III, 22 — deglutiens
mortem, et cetera. Consequenter cum dicit ubi est, mors, victoria
tua? etc., concludit tria ex praemissa auctoritate; insultationem
sanctorum contra mortem, gratiarum actiones ad Deum, ibi Deo autem gratias,
et admonitionem suam Corinthiis, ibi itaque, fratres mei, et cetera. Circa primum duo facit. Primo ponit
insultationem, secundo exponit, ibi stimulus autem, et cetera. Loquens ergo apostolus de victoria Christi contra
mortem, quasi in quodam speciali gaudio positus, assumit personam virorum
resurgentium, dicens ubi est, mors, victoria tua? Hoc non invenitur in
aliquo loco sacrae Scripturae; utrum autem ex se, vel aliunde habuerit hoc
apostolus, incertum est. Si tamen aliunde accepisset, videtur accepisse de
Is. XIV, 4 — quomodo cessavit exactor, quievit tributum, et cetera.
Dicit ergo ubi est, mors, victoria tua? etc., scilicet corruptionis
victoria tua, id est potentia qua totum humanum genus prosternebas, de
omnibus triumphabas. II Reg. c. XIV, 14 — omnes morimur, etc., Iob
XVIII, v. 14 — calcet super eum quasi rex interitus, et cetera. Ubi est, mors, stimulus
tuus? Quid
autem sit stimulus consequenter exponit dicens stimulus autem, et
cetera. Unde duo ponit : unum per quod exponit quod dixit; aliud per quod
obiectionem excludit, ibi virtus peccati, et cetera. Sciendum est
autem quod stimulus mortis potest dici vel stimulans ad mortem, vel quo
utitur seu quem facit mors; sed litteralis sensus est stimulus mortis,
id est stimulans ad mortem, quia homo per peccatum est impulsus et deiectus
ad mortem. Rom. V, 23 — stipendia peccati mors, et cetera. Sed quia aliquis posset obiicere, quod iste
stimulus est remotus per legem, ideo consequenter hoc apostolus excludit,
subdens virtus vero, id est augmentum, peccati lex, quasi dicat
: non est remotum peccatum per legem, imo virtus peccati lex, id est
augmentum occasionaliter, scilicet non quod induceret ad peccatum sed
inquantum dabat occasionem peccati et non conferebat gratiam; ex qua magis
accedebatur concupiscentia ad peccandum. Rom. V, 20 — lex subintravit, ut
abundaret delictum. Rom. VII, 8 — occasione accepta, peccatum per
mandatum, et cetera. Est autem alius sensus, sed non litteralis, ut
stimulus mortis dicatur quo utitur mors. Et sic per mortem intelligitur
Diabolus. Apoc. VI, 8 — nomen illi mors. Et sic stimulus mortis est
tentatio Diaboli. Et sic totum quod dicitur de morte, exponitur de Diabolo,
ut in Glossa habetur. Vel stimulus mortis, id est a morte factus, id
est a carnali concupiscentia. Iac. I, 15 — concupiscentia cum conceperit,
et cetera. Concupiscentia enim primo volentes allicit, sicut in intemperatis;
secundo repugnantes trahit, ut in incontinentibus; postea contendit, sed non
vincit, ut in continentibus; postea debilitatur eius contentio, sicut in
temperatis, et ultimo totaliter deficit, sicut in beatis, quibus dicere competit
: ubi est, mors, contentio vel victoria tua? Quia ergo stimulus mortis
destructus est non per legem, sed per victoriam Christi, ideo Deo sunt
reddendae gratiarum actiones. Et hoc est quod dicit Deo autem gratias,
scilicet ago, seu agamus, qui dedit nobis victoriam, mortis et
peccati, per Iesum Christum, non per legem. I Io. V, 4 — haec est
victoria, et cetera. Rom. VII, 24 — quis me liberabit, et cetera. Gratia
Dei, et cetera. Nam quod impossibile, et cetera. Consequenter cum dicit itaque, fratres mei,
etc., subdit admonitionem. Sicut enim dictum est, pseudo-apostoli
corrumpebant Corinthios negando resurrectionem, et ideo, postquam iam
astruxit fidem resurrectionis, et per exempla ostendit, admonet eos quod bene
se habeant, ne seducantur a pseudo-apostolis. Et circa hoc tria facit. Primo enim eos in fide
confirmat, dicens itaque, scilicet iam ostensa resurrectione, fratres
mei, per fidem, per quam omnes sumus filii Dei Io. I, 12 — dedit eis
potestatem, etc., dilectissimi, per charitatem qua debemus nos
invicem diligere I Io. IV, 21 — hoc mandatum habemus a Deo, etc., stabiles
estote, scilicet in fide resurrectionis, ne recedatis a fide Eph. IV, 14
— non simus sicut parvuli fluctuantes, etc., et immobiles, ne
scilicet ab aliis seducamini Col. I, 23 — in fide fundati, stabiles, et
immobiles, et cetera. Secundo inducit ad bona opera, dicens abundantes in omni opere bono
semper Gal. ult. : dum tempus habemus, et cetera. Prov. XV, 5 — in
abundanti iustitia. Tertio roborat eos per spem, dicens scientes quod labor vester,
etc., Sap. III, 15 — bonorum enim laborum gloriosus est fructus. |
I° Saint Paul explique ici que l’effet de la résurrection est nécessaire, en le
prenant du côté de sa cause. Il établit deux points correspondant aux deux
effets qu’il a signalés dans les deux versets précédents. Le premier de ces
effets était commun à tous, à savoir que Les morts ressuscitent sans
corruption. Il dit donc d’abord sur ce point (verset 53) : Il faut que
ce corps corruptible soit revêtu d’incorruptibilité. Le second est
spécial aux apôtres et aux élus, à savoir : et nous serons changés. Sur
ce second effet, il dit (verset 53) : et que ce corps mortel soit revêtu
d’immortalité. Comme ce qui est corruptible est opposé à ce qui est
incorruptible, et que dans l’état présent de la vie nous sommes soumis à la
corruption, l’Apôtre dit que, lorsque nous ressusciterons, (verset 53) : il
est nécessaire que ce corps corruptible, etc. ; c’est
nécessaire d’une nécessité de convenance, et cela pour trois motifs : premièrement,
pour donner à la nature humaine son complément ; car, ainsi que le dit aussi
saint Augustin (sur la Genèse,
explication littérale, liv. XII, ch. XXV) : L’âme, tant qu’elle
est séparée du corps, est dans un état d’imperfection, parce qu’elle n’a pas
la perfection de sa nature. Aussi longtemps qu’elle vit dans cette
séparation, elle ne jouit pas d’une béatitude aussi grande que celle qu’elle
obtiendra lorsqu’elle sera unie au corps après la résurrection. Donc,
pour qu’elle jouisse de la béatitude parfaite, il est nécessaire que ce
qui en nous est corruptible, c’est-à-dire le corps, revête l’ornement
de l’incorruptibilité, afin que plus tard il ne soit plus blessé à
mort. Secondement, à cause de l’exigence de la divine justice, c’est-à-dire
afin que ceux qui ont fait le bien ou le mal pendant leur union avec le corps
soient récompensés ou punis dans ce corps même. Troisièmement, à cause
de la conformité des membres avec le chef, afin que (Rom., VI, 4) : « De
même que Jésus-Christ est ressuscité d’entre les morts par la gloire de son
Père, nous marchions aussi dans une vie nouvelle. » Il faut aussi
observer que l’Apôtre assimile l’incorruptibilité ou l’immortalité à un
vêtement, quand il dit revêtir ; car le vêtement se joint à celui
qui le porte ou le quitte, sans que la substance de celui qui s’en revêt
subisse de changement quant au nombre. C’est montrer par là que le corps
ressuscite numériquement le même, et que les hommes, quant au nombre, seront,
dans l’état d’incorruptibilité ou d’immortalité, les mêmes que maintenant.
Ces paroles de saint Paul réfutent donc l’erreur de ceux qui prétendent que
les corps ne ressusciteront pas les mêmes quant au nombre, car il dit
expressément : Il faut que ce qui est corruptible, c’est-à-dire le
corps, puisque l’âme n’est pas accessible à la corruption. Elles détruisent
encore l’erreur de ceux qui prétendent que les corps glorifiés ne seront pas
les mêmes que ceux-ci mais des corps célestes ; sur ce mode de glorification,
nous lisons un passage semblable (I1 Cor., V, 2) : "Pendant que nous
gémissons, etc." ; (Isaïe, LII, 1) : "Parez-vous des
vêtements de votre gloire" ; et encore (Job, XL, 5) : "Revêtez-vous
d’éclat et de beauté, etc…" On objecte
qu’il paraît impossible que ce qui est corruptible revête l’incorruptibilité,
c’est-à-dire que les corps ressuscitent les mêmes en quantité ; car il
est impossible que des êtres qui diffèrent de genre et d’espèce soient
numériquement les mêmes, puisque le corruptible et l’incorruptible diffèrent
non seulement d’espèce, mais de genre. Il est donc impossible que les corps
des ressuscités deviennent incorruptibles et restent les mêmes numériquement.
En outre, suivant Aristote, il est impossible que ceux dont la substance a
subi un mouvement en tant que corruptible soient rétablis les mêmes quant au
nombre ; il ne peuvent être les mêmes que quant à l’espèce ; or la substance
des corps humains est corruptible : donc il est impossible qu’ils
redeviennent les mêmes quant au nombre. Il faut répondre d’abord, au premier
argument, que tout être tire son genre et son espèce de sa nature, et non pas
de ce qui est extrinsèque à cette nature. Voilà pourquoi j’affirme que si la
résurrection des corps devait se faire d’après les principes naturels de ces
corps, il serait impossible que les corps ressuscitent numériquement les
mêmes. Mais je soutiens que l’incorruptibilité des corps ressuscités leur
adviendra d’un principe autre que la nature de leurs corps, à savoir de la
gloire de l’âme : donc la béatitude et l’incorruptibilité de l’âme deviendront
la source de la béatitude et de l’incorruptibilité des corps. Comme le libre
arbitre, aujourd’hui qu’il est changeant et se tourne vers le bien ou vers le
mal, et alors qu’il deviendra immuable en se fixant à sa dernière fin, est,
dans ces deux conditions, toujours de même nature et numériquement le même,
ainsi le corps est le même numériquement et de même nature, maintenant qu’il
est corruptible et quand, par le libre arbitre, il aura été revêtu de force
et deviendra incorruptible par la gloire de l’âme. Il faut répondre, au
second argument, que le raisonnement d’Aristote peut valoir contre ceux qui
supposaient que, dans ce monde inférieur, tout procédait du mouvement des
corps célestes, et qu’après le retour de la même révolution de ces corps
supérieurs revenaient aussi, numéri-quement, les mêmes effets qui avaient été
produits autrefois. C’est ainsi qu’ils disaient que Platon, le même quant au
nombre, enseignerait encore à Athènes, et qu’il aurait et les mêmes écoles et
les mêmes auditeurs qu’il avait eus autrefois. Aristote, argumentant contre
eux, dit que, bien que le ciel reste numériquement le même, que le même
soleil se meut au milieu des mêmes révolutions, cependant les effets qui en
découlent ne se reproduisent pas dans toute leur identité quant au nombre,
mais seulement quant à l’espèce, et cela selon l’ordre de la nature. Je dis
donc, par analogie, que si les corps revêtaient l’incorruptibilité et se
levaient des tombeaux selon les lois de la nature, ils ne ressusciteraient
pas les mêmes quant au nombre, mais quant à l’espèce. Mais la réintégration
et la résurrection, ainsi qu’il a été expliqué, étant opérées par la
puissance divine, nous disons que les corps seront numériquement les mêmes,
attendu que les principes qui constituent individuellement l’homme ne sont
que ce corps et cette âme. Or dans la résurrection se retrouveront l’âme,
toujours numériquement la même, puis qu’elle est incorruptible, et le corps
identiquement le même, puisque la toute-puissance divine le reformera des
mêmes poussières dans lesquelles il s’est dissous ; ce sera donc, au moment
de la résurrection, numériquement le même homme. Je ne tiens pas compte des
formes intermédiaires, parce que je ne suppose pas dans l’homme une autre
forme substantielle que l’âme raisonnable, qui donne au corps humain une
nature sensible, végétative et raisonnable. Quant aux formes accidentelles,
elles ne font pas obstacle à l’identité numérique que nous supposons. II° Quand saint Paul dit ensuite (verset 54) : Et après que ce corps de
mort, etc., il confirme par une autorité ce qu’il vient
d’établir. I. Il cite
cette autorité ; II. il en tire
une triple conclusion (verset 55) : mort ! où est ta victoire ? I. Il dit donc : J’ai
avancé qu’il fallait que ce corps corruptible fût revêtu, etc. ; mais
(verset 54) : Après que ce corps de mort aura été revêtu d’immortalité,
alors, c’est-à-dire dans la vie future, ce qui va contre ceux qui
prétendent que la résurrection est faite déjà, (verset 54) : cette parole
de l’Ecriture sera accomplie, à savoir (verset 54) : La mort a été
absorbée, etc. Ce passage, selon notre traduction, ne se trouve dans
aucun livre de la Bible, et si on le retrouve dans la version des Septante,
on n’est pas certain de quel livre il a été tiré. On peut dire cependant
qu’il est tiré d’Isaïe (XXVI, 19) : "Vos morts vivront, etc…;
et (Isaïe, XXV, 8) : "Il précipitera la mort pour jamais." Au
chapitre XIII, 14, d’Osée, on lit aussi : "Je serai ta mort, ô
mort!" Les Septante disent : "La mort a été absorbée dans la
victoire," c’est-à-dire parla victoire de Jésus-Christ, et le passé
est mis pour le futur, à cause de la certitude de la prophétie tirée de saint
I Pierre, III, 22) : "Jésus-Christ, après avoir englouti la mort, etc." II. Lorsqu’il ajoute
(verset 55) : mort, où est ta victoire ? saint Paul déduit une triple
conclusion de l’autorité qu’il vient de citer : 1° les railleries des saints à l’adresse de la mort ; 2° des actions de grâces pour Dieu
(verset 57) : Mais grâces soient rendues à Dieu ; et 3° un avertissement aux Corinthiens
(verset 58) : C’est pourquoi, mes frères bien-aimés, etc. 1° Sur la première de ces conclusions,
d’abord il exprime les railleries des saints ; ensuite il les explique
(verset 56) : Or l’aiguillon de la mort, etc. A) L’Apôtre, rappelant donc la
victoire de Jésus-Christ sur la mort, emporté pour ainsi dire par une joie
toute spéciale, se met à la place de ceux qui ressuscitent, et s’écrie
(verset 55) : mort, où est ta victoire ? Ce passage ne se trouve nulle
part dans la sainte Ecriture ; on ne sait si l’Apôtre le dit de lui-même ou
s’il l’a pris d’ailleurs. Cependant, s’il l’avait tiré d’ailleurs, il semble
que ce soit du ch. XIV d’Isaïe, 4 — "Qu’est devenu ce maître
impitoyable ? comment ce tribut a-t-il cessé ?" Il dit donc :"O
mort, où est ta victoire ? c’est-à-dire la victoire de la corruption, de
cette puissance avec laquelle tu opprimais le genre humain et triomphais de
tous ? (II Rois, XIV, 14) : "Nous mourons tous, etc." ; et
(Job, XVIII, 14) : "La mort, comme un tyran, le foulera aux pieds, etc." B) O mort, où est ton aiguillon ?
L’Apôtre explique immédiatement ce que c’est que cet aiguillon, en disant
(verset 56) : Or l’aiguillon de, etc. ; exprimant ainsi deux choses :
la première, par laquelle il explique ce qu’il vient de dire ; la seconde,
par laquelle il répond à une objection (verset 56) : et la force du péché,
etc. a) Il faut
observer que l’on peut appeler aiguillon de la mort ce qui conduit à la mort
ou ce dont se sert la mort, ou le coup qu’elle porte ; mais, au sens
littéral, l’aiguillon de la mort, c’est ce qui pousse à la mort. Le
péché, en effet, pousse et renverse l’homme dans la mort ; (Rom., V, 23)
: "Le salaire du péché, c’est la mort ! etc. " b) Mais, parce que l’on aurait pu objecter que cet
aiguillon est enlevé par la Loi, l’Apôtre répond aussitôt en ajoutant (verset
56) : Mais la force, c’est-à-dire ce qui aide le péché, c’est
la Loi ; en d’autres termes, le péché n’a pas été écarté par la
Loi ; bien plus, la force du péché, c’est la Loi, c’est-à-dire que la
Loi lui prête son aide occasionnellement, non pas qu’elle conduisait au
péché, mais en tant qu’elle lui en donnait occasion et ne procurait pas la
grâce, en sorte que la convoitise n’en devenait que plus excitée au
péché ; (Rom., V, 20) : "La Loi est survenue pour donner lieu à
l’abondance du péché" ; et encore (Rom., VII, 8) : "Le
péché, ayant pris occasion de la Loi, a produit, etc." Il y a encore
un autre sens, mais qui n’est pas littéral ; dans ce sens, on appelle
aiguillon de la mort ce dont se sert la mort, et par la mort on entend le
Démon ; (Apoc., VI, 8) : "Et son nom, c’est la mort." L’aiguillon
de la mort serait donc la tentation du Démon, et l’on appliquerait au Démon
tout ce qui est dit ici de la mort ; ainsi porte la Glose. Ou bien l’aiguillon
de la mort, c’est-à-dire fait par la mort, ou par la convoitise
charnelle ; (Jacques I, 15) : "Quand la concupis-cence a conçu, etc."
Car la convoitise attire d’abord ceux qui le veulent bien, comme on le
voit par les intempérants ; ensuite elle entraîne ceux qui résistent, comme
dans les incontinents ; puis elle continue à lutter mais ne remporte pas la
victoire, comme chez ceux qui pratiquent la continence ; ensuite la
résistance faiblit, comme chez les tempérants ; enfin elle est
totalement abattue, comme dans les bienheureux, auxquels il est donné de dire
: O mort, où est ton attaque, où est ta victoire ? 2° Mais, parce que l’aiguillon de la
mort est détruit non par la Loi, mais par la victoire de Jésus-Christ, c’est
un devoir de rendre à Dieu des actions de grâces. C’est ce que dit saint Paul
(verset 57) : Mais grâces soient rendues à Dieu, qui nous a donné la
victoire par Jésus-Christ Notre Seigneur," c’est-à-dire je rends, ou
bien rendons ces actions de grâces à Dieu, qui nous a donné la victoire sur
la mort et sur le péché par Jésus-Christ et non par la Loi ; (I Jean V,
4) : "[La victoire qui triomphe du monde], c’est notre foi" ;
et (Rom., VII, 24) : "Qui me délivrera, etc.? la grâce de Dieu, etc.
" ; et (Rom., VI 3) : Car ce qu’il était impossible, etc. 3° Enfin, quand l’Apôtre dit (verset
58) : C’est pourquoi, mes frères bien-aimés, etc., il termine par un
avertissement ; car, ainsi qu’il a été dit, de faux apôtres corrompaient les
Corinthiens en niant la résurrection. Saint Paul donc, après avoir établi la
foi de ce dogme et l’avoir confirmé par des exemples, avertit les Corinthiens
de se conduire avec une telle vigilance qu’ils ne soient pas séduits par les
faux apôtres. A cet effet, A) il les confirme dans la foi, en
disant (verset 58) : C’est pourquoi, c’est-à-dire puisque le dogme de
la résurrection est manifeste, mes frères, par la foi qui nous fait
enfants de Dieu (Jean I, 12) : "Il nous a donné le pouvoir, etc."
-frères bien-aimés, par la charité dont nous devons réciproquement nous
aimer (1 Jean IV, 21) : "Et c’est de Dieu même que nous avons reçu ce
commandement, etc." - (verset 58) : soyez fermes, à savoir
dans la foi de la résurrection, pour ne pas vous écarter de la foi ;
(Ephés., IV, 14) : "Ne soyons plus flottants comme des enfants, etc."
– et inébranlables, pour ne pas être séduits par les autres (Colos., I,
23) : "Si toutefois vous demeurez établis et fermes dans la foi,
inébranlables, etc." B) Il les exhorte aux bonnes oeuvres,
en disant (verset 58) : Travaillant de plus en plus à l’oeuvre du
Seigneur ; (Gal., VI, 10) : "Pendant que nous en avons le
temps, etc." ; (Prov., XV, 5) : "La justice abondante
aura une grande vertu." C) Il les fortifie par l’espérance, en
disant (verset 58) : Sachant que votre travail, etc. ; (Sag.,
III, 15) : "Le fruit des justes travaux est plein de gloire". |
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Caput 16 |
CHAPITRE XVI — SALUTATIONS
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Lectio 1 |
Leçon 1 : 1 Corinthiens XVI, 1-9 — Collecte et futurs voyages |
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SOMMAIRE :
L’Apôtre recommande les pauvres absents, et ordonne de faire des collectes
pour eux. Parlant ensuite de lui-même, il indique l’itinéraire de ses
voyages. |
[1] de collectis autem quae fiunt in sanctos sicut ordinavi
ecclesiis Galatiae ita et vos facite [2] per unam sabbati unusquisque vestrum apud se ponat
recondens quod ei beneplacuerit ut non cum venero tunc collectae fiant [3] cum autem praesens fuero quos probaveritis per
epistulas hos mittam perferre gratiam vestram in Hierusalem [4] quod si dignum fuerit ut et ego eam mecum ibunt [5] veniam autem ad vos cum Macedoniam pertransiero nam
Macedoniam pertransibo [6] apud vos autem forsitan manebo vel etiam hiemabo ut vos me
deducatis quocumque iero [7] nolo enim vos modo in transitu videre spero enim me
aliquantum temporis manere apud vos si Dominus permiserit [8] permanebo autem Ephesi usque ad pentecosten [9] ostium
enim mihi apertum est magnum et evidens et adversarii multi |
1. Quant
aux aumônes qu’on recueille pour les saints, faites la même chose que j’ai
ordonnée aux églises de Galatie : 2. Que
chacun de vous mette quelque chose à part chez soi le premier jour de la
semaine, l’amassant peu à peu selon sa bonne volonté, afin qu’on n’attende
pas à mon arrivée à recueillir les aumônes. 3. Et
lorsque je serai arrivé, j’enverrai ceux que vous m’aurez marqués par vos
lettres porter vos charités à Jérusalem ; 4. Que si
la chose mérite que j’y aille moi-même, ils viendront avec moi. 5. Or
j’irai vous voir quand j’aurai passé par la Macédoine, car je passerai par la
Macédoine, 6. Et
peut-être que je m’arrêterai chez vous, et que même j’y passerai l’hiver, afin
que vous me conduisiez au lieu où je pourrai aller ; 7. Car je
ne veux pas cette fois vous voir seulement en passant, et j’espère que je
demeurerai assez longtemps chez vous, si le Seigneur le permet. 8. Je
demeurerai à Ephèse jusqu’à la Pentecôte; 9. Car Dieu
m’y ouvre visiblement une grande porte, et il s’y élève contre moi plusieurs
ennemis. |
[87690] Super 1 Cor.
[reportatio vulgata], cap. Circa ea quae debent fieri sanctis, qui erant in
Ierusalem, de tribus instruit eos apostolus. Primo qualiter eleemosyna
sanctis facienda sit colligenda; secundo qualiter sit conservanda, ibi unusquisque
autem vestrum, etc.; tertio qualiter sit in Ierusalem transmittenda, ibi cum
autem praesens fuero, et cetera. Circa primum sciendum est, quod, sicut legitur
Act. IV, 34 s., mos erat in primitiva Ecclesia, ut conversi ad fidem
venderent possessiones et omnia quae habebant, et pretium ponerent ad pedes
apostolorum, et de eis unicuique (prout erat opus) provideretur, ut sic
nullus haberet proprium, sed essent illis omnia communia. Et, sicut dicitur
in collationibus patrum, omnis religio ab illa sancta societate sumpsit
exordium. Contigit autem ut fame pervalida exorta, pauperes sancti, qui erant
in Ierusalem, inopia maxima laborarent. Unde factum est, ut apostoli
ordinarent ad ipsorum subventionem, quod per alias Ecclesias Christi
collectae fierent, et haec commissio facta est Paulo et Barnabae, Gal. II, 9
— dederunt mihi et Barnabae, et cetera. Et quia apostolus super hoc
sollicitus erat, monebat illos, quos converterat, ut eis subvenirent, quia,
sicut ipse ad Romanos dicit, iustum est, ut a quibus spiritualia receperant,
temporalia ministrent. Et hoc est quod dicit de collectis autem quae fiunt
per Ecclesias in sanctos, id est in usum sanctorum, et non
quorumlibet. Eccle. XII, v. 5 — da iusto, et ne recipias peccatorem.
Non quod peccatoribus non sit aliquid dandum, sed quia magis debet quis dare
eleemosynam iusto indigenti quam peccatori. Sicut ordinavi in Ecclesia
Galatiae, ita et vos facite, id est colligite, per unam, scilicet
diem, sabbati, id est, septimanae. Et hoc ideo ordinatum est, ut
paulatim qualibet hebdomada aliquid parvum solverent, ne si simul totum
solvissent, gravarentur. Et licet eis paululum videretur, et quasi
insensibile, paulatim dare, tamen, completo anno, eleemosynae in simul
collectae, magnae erant. Vel per unam sabbati intelligitur prima
dies post sabbatum, scilicet dies dominicus. Et hoc ideo illo die fieri
voluit apostolus, quia iam inoleverat consuetudo, ut populus in dominicis
diebus ad Ecclesiam conveniret. Lev. XXIII, 35 — dies primus celeberrimus
erit atque sanctissimus, et cetera. Et post : est enim coetus atque
collectae, et cetera. De huiusmodi eleemosyna dicitur Dan. IV, 24 — peccata
tua eleemosynis redime; et Eccli. XXIX, v. 15 — eleemosyna viri quasi
sacculus, et cetera. Quia vero non solum debet apponi modus in
colligendo, sed etiam in conservando, ideo consequenter instruit qualiter
collectae conserventur, cum dicit unusquisque autem vestrum, et
cetera. In quo ostenditur maxima industria apostoli, ne aliqui crederent quod
apostolus faceret collectas istas magis causa quaestus proprii, quam propter
necessitatem sanctorum. Ideo suspicionem hanc vitans, et quantum ad se et
quantum ad suos ministros, noluit dictam pecuniam a se, seu a suis ministris
custodiri, sed ordinavit quod quilibet illud quod sibi placebat elargiri,
reportaret domi et conservaret seorsum, faciens sic per totum annum. Et huius
ratio erat, quia apostolus nolebat, quod quando veniret Corinthum, vacarent
collectis, sed doctrinae et rebus spiritualibus. Et ideo dicit ut non cum
venero, et cetera. Act. VI, 2 — non est aequum nos relinquere, et
cetera. Notandum est ergo quod quilibet debet cavere
sibi, ne videatur aliquid spirituale facere propter quaestum, et inde est quod
dominus, Matth. X, 9 voluit praedicatores nihil habere. Romanis etiam mos
erat, ut nullus assumeretur ad senatus officium, nisi prius probatus fuisset
in officio quaestoris, quia virtutis est magnae res temporales custodire. Qualiter autem debeant mitti in Ierusalem,
subdit, dicens cum autem praesens fuero, etc., quasi dicat : nec in
hoc volo aliquos specialiter onerare, cum praesens fuero, scilicet ad
portandum pecuniam, sed mittam illos quos probaveritis, id est
approbaveritis mittendos, mittam, inquam, per epistolas, id est
cum epistolis missis a vobis et a nobis, laudatoriis et commendatoriis,
scilicet in quibus contineatur quantitas pecuniae, commendatum studium
nostrum et charitas. Mittam, inquam, perferre gratiam vestram,
id est quod gratis dabitis sanctis pauperibus, in Ierusalem. I1 Cor.
VIII, 1 — notam facimus vobis gratiam Dei, et cetera. In Ierusalem,
id est sanctis qui sunt in Ierusalem. Et non solum mittam illos quos
probaveritis, sed si dignum fuerit, etc., id est si magna quantitas
fuerit, mecum ibunt, in quo inducit eos ad bene et liberaliter
solvendum. Rom. XV, 25 — nunc igitur proficiscar Ierusalem ministrare
sanctis, et cetera. Consequenter apostolus instruit eos de his quae
pertinent ad seipsum. Et circa hoc tria facit. Primo promittit eis suam
praesentiam, dicens veniam ad vos, cum Macedoniam pertransiero, etc.;
secundo dicit se facturum apud eos diutinam moram; tertio excusat suae
praesentiae dilationem. Circa primum sciendum est, quod, sicut dicitur Act.
XVI, 9, vir Macedo apparuit apostolo cum esset in Troade, deprecans eum, et
dicens ei : transiens in Macedoniam libera nos. Ut ergo apostolus
iussa impleret, disposuit se Macedoniam iturum. Et quia Macedonia erat media
inter Asiam et Achaiam, in qua est Corinthus, ideo dicit cum pertransiero
in Macedoniam, veniam ad vos, imo veniam ad vos inde, scilicet quia tunc
ero vobis propior. Secundo promittit se facturum apud eos diutinam
moram, dicens apud vos forsitan manebo, id est moram contraham, vel
etiam hyemabo, id est per totam hyemem permanebo vobiscum, quia multa
corrigenda sunt in vobis. Vel, causam quare ad eos vadit, subdit, cum dicit ut
vos me deducatis quocumque iero. Et dicit quocumque, quia
nesciebat determinare quo iret, nisi secundum quod spiritus sanctus
inspirabat sibi. Deducatis, inquam, non defendatis me, sed ut doceatis
vias. Tertio cum dicit nolo enim vos, etc.,
excusat dilationem suae praesentiae dupliciter. Uno modo, quia Corinthii
possent dicere : non est necesse quod tantum differas venire et quod primo
vadas in Macedoniam, quia tu potes venire in Achaiam et permanere, ita quod
non transeas per Macedoniam. Et ad hoc dicit : licet sic possem venire ad
vos, tamen non diu possem manere vobiscum, quia statim oportet me ire in
Macedoniam, vel redire in Asiam. Unde
quia nolo vos modo in transitu videre, ideo modo non venio primo ad vos : nam
ego spero aliquam moram contrahere vobiscum, si dominus permiserit.
Dicit si dominus permiserit, quia forte vel antequam esset ibi, vel
postquam iam esset ibi, dominus inspiraret ei quod iret ad alium locum, ubi
faceret maius bonum. Alio modo excusat se, et hoc videtur magis litterale,
quia oportebat eum diu manere apud Ephesum, quae est in Asia. Et ideo dicit permanebo
autem Ephesi usque ad Pentecosten, et cetera. Forte haec epistola missa
fuit in hyeme, seu in vere, et tunc post Pentecosten debebat ire in
Macedoniam et morari ibi usque ad hyemem, et tunc ire Corinthum et hyemare.
Rationem autem quare volebat morari Ephesi usque ad Pentecosten, subdit, cum
dicit ostium autem, etc., id est, magnum fructum facio in Epheso. Et dicit ostium esse
apertum magnum, id est multa corda hominum ad credendum parata, et
evidens, quia sine contradictione. Col. IV, 3 — orantes simul et pro
nobis, ut Deus aperiat nobis ostium, et cetera. Sed quia sunt multi
adversarii, qui conantur impedire vel subintrare, si ergo absentarem me,
tantus fructus posset de facili impediri, ideo nolo recedere quousque sitis
bene firmati. Apoc. III, 8 — ecce dedi coram te ostium apertum. |
Dans tout
le cours de cette épître, saint Paul a donné aux Corinthiens un enseignement
général ; dans ce dernier chapitre, il fait quelques recommandations
spéciales et familières. D’abord, il les avertit de ce qu’ils ont à faire à
l’égard des autres ; ensuite, il leur dit ce que les autres font pour eux
(verset 19) : Les églises d’Asie vous saluent, etc. Sur la première
partie, il les instruit : premièrement, de ce qu’ils ont à faire à l’égard
des fidèles absents ; secondement, de ce qu’ils doivent faire pour les
fidèles présents (verset 13) : Veillez et demeurez fermes dans la foi, etc.
A l’égard des premiers, il règle : I° ce qui concerne
les fidèles pauvres, absents et habitant Jérusalem ; II° ce qui le regarde
lui-même (verset 5) : Or j’irai vous voir, etc. ; III° ce qui touche les disciples
(verset 10) : Si Timothée va vous voir, etc. I° Sur ce qu’ils ont à faire pour les fidèles de Jérusalem, saint Paul leur
enseigne : I. comment
l’aumône qui leur est destinée doit être recueillie ; II. comment elle doit
être conservée (verset 2) : Que chacun de vous, etc. ; III. comment on la fera
passer à Jérusalem, (verset 3) : Et lorsque je serai arrivé, etc. I. Sur la première de
ces instructions, il faut se rappeler que, comme on le lit aux Actes (IV,
34), il était coutumier, dans la primitive Eglise, que ceux qui se
convertissaient à la foi vendissent leurs héritages et tout ce qu’ils
possédaient, puis ils en déposaient le prix aux pieds des apôtres, et on le
distribuait à chacun suivant ses besoins ; en sorte que personne ne
considérait comme son bien propre rien de ce qu’il possédait, et que tout
était commun. C’est de cette sainte société que toute association religieuse
a pris naissance, ainsi qu’il est dit dans les Conférences des Pères. Or, une famine cruelle s’étant fait
sentir, les fidèles pauvres qui habitaient Jérusalem se trouvèrent dans la
plus grande détresse. Il advint de là que les apôtres prirent la décision de
faire, pour secourir les pauvres, des collectes dans toutes les autres
églises de Jésus-Christ. Cette mission fut confiée à Paul et à Barnabé (Gal.,
II, 9) : "Ils nous donnèrent la main à Barnabé et à moi, etc." ;
et parce que saint Paul était inquiet à cet égard, il recommandait cette
assistance fraternelle à ceux qu’il amenait à la foi ; car, disait-il aux
Romains, il est juste qu’on réponde aux besoins temporels de ceux dont on a
reçu les biens spirituels. C’est aussi ce qu’il dit aux Corinthiens (verset
4) : Quant aux aumônes qu’on recueille dans l’Eglise pour les
saints, c’est-à-dire pour les besoins des saints, et non du premier venu :
(Ecclésiastique XII, 5) : "Donnez à celui qui est juste, et
n’assistez pas le pécheur", non pas qu’on ne doive aussi donner aux
pécheurs, mais on doit faire l’aumône au juste qui est dans le besoin plus
volontiers qu’au pécheur. (verset 1) : Faites donc ce que j’ai ordonné aux
églises de Galatie, à savoir (verset 2) : Mettez de côté, le jour qui
suit le sabbat, dans chaque semaine. Et cela fut ainsi réglé, afin que
peu à peu, chaque semaine, ils pussent donner quelque chose, car s’ils eussent
donné tout d’une seule fois, ils eussent peut-être été gênés. Bien que cette
aumône parût petite, et qu’elle s’amassât presque sans qu’ils s’en
aperçoivent, en donnant ainsi petit à petit, au bout de l’année ces aumônes
ainsi rassemblées formaient une somme considérable. Ou bien l’on peut encore
entendre par un jour du sabbat le premier jour après le sabbat,
c’est-à-dire le dimanche. L’Apôtre voulut que cette collecte se fasse en ce
jour parce que c’était déjà chez le peuple chrétien la coutume de s’assembler
à l’église les dimanches ; (Lévit., XXIII, 35) : "Le premier
jour vous sera le plus célèbre et le plus saint, etc. " ; et
plus loin (verset 36) : "C’est le jour de l’assemblée et de la
collecte, etc." ; Daniel (IV, 24) parle de cette aumône en disant
"Rachetez vos péchés par l’aumône" ; et (Ecclésiastique
XXIX, 15) : "L’aumône de l’homme est devant Dieu comme un sceau, etc." II. Mais comme il est
besoin d’une règle non seulement pour recueillir, mais encore pour conserver
les aumônes, saint Paul indique ensuite aux Corinthiens comment ils
conserveront ces aumônes après les avoir recueillies (verset 2) : Que
chacun de vous, etc. Ici l’on reconnaît l’extrême habileté de l’Apôtre :
il veut éviter qu’on ne croie qu’il recueillait ces aumônes plutôt pour son
profit personnel que pour les besoins des fidèles. Pour se mettre à couvert
de ce soupçon, lui et ceux qui travaillaient avec lui, il ne veut pas que cet
argent soit gardé soit par lui, soit par ses collaborateurs ; mais il
prescrit que chacun remportât chez soi l’aumône qu’il jugeait convenable de
faire, qu’il la mît à part, et agît ainsi pendant toute l’année. La raison de
cette disposition est que l’Apôtre ne voulait pas qu’à son arrivée à Corinthe
les fidèles de cette ville doivent s’occuper des collectes, mais seulement à
recevoir son enseignement et à vaquer aux choses spirituelles. C’est pourquoi
il dit (verset 2) : afin qu’on n’attende point mon arrivée, etc. ;
(Actes, VI, 2) : "Il n’est pas juste que nous abandonnions, etc."
Il faut remarquer ici que chacun doit faire attention, pour lui-même, afin
d’éviter de paraître s’occuper des choses spirituelles par un motif d’intérêt
; c’est pour cette raison que le Seigneur (Matth. X, 9) voulutque ceux qui
annonceraient l’Evangile n’eussent rien en propre. C’était aussi une coutume
chez les Romains que personne ne fût levé à la dignité de sénateur avant
d’avoir fait ses preuves dans les fonctions de questeur, parce que c’est
montrer une vertu peu commune que de garder les biens temporels. III. Saint Paul règle
ensuite comment les aumônes doivent être envoyées à Jérusalem, en ajoutant
(verset 3) : et lorsque je serai arrivé, etc. ; comme s’il disait
: je ne veux point être à charge à quelques-uns en particulier, lorsque je
serai arrivé, à savoir pour porter cet argent ; mais (verset 3) j’enverrai
ceux que vous m’aurez désignés, c’est-à-dire que vous aurez approuvés
pour être envoyés ; je les enverrai, dis-je, avec des lettres
écrites par vous, et auxquelles j’ajouterai ma recommandation et mon
témoignage, c’est-à-dire dans lesquelles sera indiquée la quantité des
aumônes, preuve de notre zèle et de notre charité. Je les enverrai,
dis-je, porter la preuve de votre bon vouloir, c’est-à-dire ce que
vous donnez gratuitement aux pauvres fidèles qui sont à Jérusalem ;
(I1 Cor., VIII, 1) : "Nous vous faisons connaître maintenant, la
grâce que Dieu a donnée, etc. " - à Jérusalem, c’est-à-dire aux
fidèles qui habitent Jérusalem ; et non seulement j’enverrai ceux que vous
aurez désignés, (verset 4) : mais s’il est à propos, etc. à savoir si
les aumônes sont abondantes, ils viendront avec moi. C’était engager
les Corinthiens à se montrer bons et généreux ; (Rom., XV, 25) : "Maintenant
je m’en vais à Jérusalem porter des secours aux fidèles, etc." II° L’Apôtre les entretient ensuite de ce qui le regarde personnellement. Il leur
promet sa présence, en disant (verset 5) : Or j’irai vous voir quand
j’aurai passé par la Macédoine ; II. il annonce qu’il fera chez eux quelque séjour (verset
6) ; III. il excuse
le retard de son arrivée. I. Sur sa promesse, il
faut se souvenir qu’il est rapporté aux Actes (XVI, 9) que, pendant que Paul
était à Troade, un Macédonien lui apparut, le priant et disant :
Passez en Macédoine, secourez-nous. Afin donc d’exécuter ce qui lui avait
été ordonné, saint Paul se disposa à aller en Macédoine, et, parce que cette
contrée se trouvait entre l’Asie et l’Achaïe, où est située Corinthe,
l’Apôtre dit (verset 5) : Quand je passerai par la Macédoine, j’irai vous
visiter ou, mieux encore : j’irai de là vers vous, parce qu’alors je
serai plus près de vous. II. Il promet qu’il
fera au milieu d’eux un séjour, en disant (verset 6) : Peut-être même
m’arrêterai-je chez vous, c’est-à-dire y demeurerai-je, ou même encore
y passerai-je l’hiver, c’est-à-dire séjournerai-je parmi vous pendant
tout l’hiver, parce qu’il y a chez vous beaucoup d’abus à corriger. Il dit
aussi pourquoi il va vers eux (verset 6) : afin que vous me conduisiez
partout où j’irai. Il dit partout, parce qu’il ne savait pas d’une
manière déterminée où il devait aller ; il s’en remettait, sur ce point, à
l’inspiration du Saint Esprit. pour que vous me conduisiez, dis-je, et
non pour me défendre, mais simplement pour m’enseigner le chemin III. (verset 7) : Ce
n’est pas seulement en passant que je veux, etc. Il excuse le retard de
son voyage pour deux motifs 1° parce que les Corinthiens pouvaient
dire : il n’est pas nécessaire que vous différiez autant à venir, et vous
n’avez pas besoin d’aller d’abord en Macédoine, puisque vous pouvez venir en
Achaïe et y demeurer, sans pour cela passer à travers la Macédoine. Saint
Paul répond : Bien que je puisse venir directement chez vous, toutefois je ne
pourrais y séjourner longtemps, parce qu’il me faut aussitôt aller en
Macédoine ou revenir en Asie. Ainsi, comme je ne veux pas seulement vous voir
en passant, je ne viendrai pas chez vous pour commencer : car j’espère y
faire un séjour de quelque durée, si le Seigneur le permet. Il dit : si
le Seigneur le permet, parce que peut-être avant, peut-être après son
arrivée chez eux, le Seigneur pouvait lui inspirer de se rendre ailleurs pour
y faire un plus grand bien. 2° Il
s’excuse pour un autre motif, qui paraît plus conforme au sens littéral :
c’est qu’il devait séjourner longtemps en Asie, à Ephèse (verset 8) : Je
demeurerai à Ephèse jusqu’à la Pentecôte, etc. Peut-être cette épître
fut-elle envoyée pendant l’hiver ou au printemps ; et alors, après la
Pentecôte, il devait se rendre en Macédoine et y rester jusqu’à l’hiver,
venir ensuite à Corinthe, et y passer l’hiver. Quant au motif pour lequel il
voulait rester à Ephèse jusqu’à la Pentecôte, il l’indique, en disant (verset
9) : Je vois là une grande porte, etc. c’est-à-dire : ma visite à
Éphèse sera très fructueuse. Il dit qu’une grande porte est ouverte,
c'est-à-dire qu’un grand nombre de coeurs sont disposés à recevoir la foi ; la
chose est manifeste, parce qu’il n’y aura pas de contradiction
défavorable ; (Coloss., IV, 3) : "Priez aussi pour nous,
demandez que Dieu nous ouvre une porte, etc." Mais, parce qu’il y a
aussi beaucoup d’adversaires qui s’efforcent d’empê-cher le succès ou
de le détruire, si je m’absentais, ce résultat si grand pourrait facilement
être empêché ; je ne veux pas partir avant que tous soient bien
affermis ; (Apoc., III, 8) : "J’ai ouvert une porte devant
toi." |
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Lectio 2 |
Leçon 2 : 1 Corinthiens XVI, 10-24 — Recommandations finales |
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SOMMAIRE :
L’Apôtre recommande Timothée et d’autres fidèles. Il exhorte les Corinthiens
à garder entre eux une mutuelle charité, et, leur faisant ses souhaits en Notre
Seigneur, il signe son épître. |
[10] si autem venerit Timotheus videte ut sine timore sit apud
vos opus enim Domini operatur sicut et ego [11] ne quis ergo illum spernat deducite autem illum in pace ut
veniat ad me expecto enim illum cum fratribus [12] de Apollo autem fratre multum rogavi eum ut veniret ad vos
cum fratribus et utique non fuit voluntas ut nunc veniret veniet autem cum ei
vacuum fuerit [13] vigilate state in fide viriliter agite et confortamini [14] omnia vestra in caritate fiant [15] obsecro autem vos fratres nostis domum Stephanae et
Fortunati quoniam sunt primitiae Achaiae et in ministerium sanctorum
ordinaverunt se ipsos [16] ut et vos subditi sitis eiusmodi et omni cooperanti et
laboranti [17] gaudeo autem in praesentia Stephanae et Fortunati et
Achaici quoniam id quod vobis deerat ipsi suppleverunt [18] refecerunt enim et meum spiritum et vestrum cognoscite
ergo qui eiusmodi sunt [19] salutant vos ecclesiae Asiae salutant vos in Domino multum
Aquila et Prisca cum domestica sua ecclesia [20] salutant vos fratres omnes salutate invicem in osculo
sancto [21] salutatio mea manu Pauli [22] si quis non amat Dominum Iesum Christum sit anathema
maranatha [23] gratia Domini Iesu vobiscum [24] caritas
mea cum omnibus vobis in Christo Iesu amen |
10. Que si
Timothée vous va trouver, ayez soin qu’il soit en sans crainte parmi vous,
parce qu’il travaille à l’oeuvre du Seigneur aussi bien que moi. 11. Que
personne donc ne le méprise, mais reconduisez-le en paix, afin qu’il vienne
me trouver, parce que je t’attends avec nos frères. 12. Pour ce
qui est de mon frère Apollos, je vous assure que je l’ai fort prié de vous
aller voir avec quelques-uns de nos frères ; mais enfin il n’a pas cru devoir
le faire présentement. Il ira lorsqu’il en aura la commodité. 13. Soyez
vigilants, demeurez fermes dans la foi, agissez courageusement et soyez
pleins de force. 14. Faites
avec amour tout ce que vous faites. 15. Vous
connaissez, mes frères, la famille de Stéphanas, de Fortunat et d'Achaïque
vous savez qu’ils ont été les prémices de l et qu’ils se sont consacrés au
service des saints. 16. C’est
pourquoi je vous supplie d’avoir pour eux la déférence due à des personnes de
cette sorte, et pour tous ceux qui coopèrent par leur travail à l’oeuvre de
Dieu. 17. Au
reste, je me réjouis de l’arrivée de Stéphanas, de Fortunat et d’Achaïque,
parce qu’ils ont suppléé à ce que vous n’étiez pas à portée de faire par
vous-mêmes; 18. Car ils
ont consolé mon esprit aussi bien que le vôtre. Honorez donc de telles
personnes. 19. Les églises
d’Asie vous saluent; Aquilas et Priscille, chez qui je demeure, et l'Eglise
qui est dans leur maison, vous saluent avec beaucoup d’affection en Notre
Seigneur ; 20. Tous
mes frères vous saluent. Saluez-vous les uns les autres par un saint baiser. 21. Je vous
écris ce salut, moi Paul, de ma propre main. 22. Si
quelqu'un n'aime point Notre Seigneur Jésus-Christ, qu'il soit anathème
(Maran Atha). 23. Que la
grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ soit avec vous. 24. J’ai
pour vous tous une charité sincère dans le Christ Jésus. Amen. |
[87691] Super 1 Cor. [reportatio vulgata],
cap. 16 l. 2 Hic
instruit eos de his quae pertinent ad discipulos suos. Et primo de his quae
pertinent ad Timotheum, secundo de his quae pertinent ad Apollo, ibi de
Apollo, et cetera. De Timotheo tria mandat. Primo ut secure custodiatur,
unde dicit si autem venerit ad vos Timotheus, videte, studeatis, ut
sine timore sit apud vos. Forte
aliqua commotio fuerat ibi propter pseudo-apostolos. I1 Cor. VII, 5 — foris pugnae,
intus timores, et cetera. Et hoc debetis facere, quia opus domini
operatur, sicut et ego praedicando. II Tim. IV, 5 — tu vero vigila, in
omnibus labora. Secundo ut in honore habeatur, et ideo dicit ne
quis ergo illum spernat. Et ratio huius est forte, quia iuvenis erat. I
Tim. IV, 12 — nemo adolescentiam tuam spernat. Lc. X, v. 16 — qui
vos spernit, me spernit. Tertio ut pacifice deducatur, et hoc est quod
dicit deducite autem illum, et cetera. Et ratio huius est quia expecto
illum cum fratribus, qui sunt cum eo. De Apollo, et cetera. Iste
est ille Apollo, de quo habetur Act. XVIII, 24, quod Iudaeus quidam,
etc., et iste ivit in Achaiam, et fuit quasi specialis doctor eorum post
apostolum, 1 Cor. III, 6 — ego plantavi, Apollo rigavit, etc. et, ut
Glossa dicit, episcopus erat. Et quia Corinthii male se habuerant, recesserat
ab eis, et iverat ad apostolum. Postmodum vero Corinthii rogaverunt
apostolum, ut remitteret illuc ipsum, ad quod respondet eis, dicens de
Apollo autem fratre, quem rogastis remitti ad vos, notum vobis facio,
tria. Primo, preces meas sibi factas, quoniam multum rogavi eum, ut
veniret ad vos cum fratribus. Et dicit : rogavi eum, licet possit
praecipere, quia magnis viris non de facili debet fieri praeceptum. I Tim. V,
1 — seniorem obsecra, et cetera. Eccle. XXXII, 1 — rectorem te
posuerunt, et cetera. Sed numquid licuit sibi
relinquere populum suum? Ad hoc dicendum quod, sicut Gregorius dicit, quando
omnes subditi male se habent et nolunt corrigi, licet episcopo recedere ab
eis. Unde
quia isti erant tales, licuit ei. Vel dicendum est, quod forte non erat
episcopus eorum, sed specialiter praedicaverat eis. Secundo, responsum
Apollinis, quia renuit venire ad eos, ibi et utique non fuit voluntas eius
ut nunc, et cetera. Et ratio huius est quia forte nondum erant bene
correcti, vel quia ipse erat in aliis arduis occupatus. Tertio, promittit eum
aliquando ad eos iturum. Unde dicit veniet autem cum ei vacuum, id est
opportunum, fuerit, scilicet quando vos eritis correcti. Consequenter, postquam instruxit eos quid debeant
facere absentibus hic instruit eos qualiter se habeant ad praesentes. Circa
hoc duo facit. Primo ostendit qualiter se habeant quantum ad omnes in
communi; secundo quantum ad quosdam in speciali, ibi obsecro autem vos,
fratres. Instruit autem eos apostolus in communi de
tribus, scilicet de fide, de bona operatione et de modo bene operandi. Sed
tamen istis tribus praemittit unum quod est omnibus necessarium, id est,
sollicitudo. Unde dicit vigilate et orate. Lc. XII, 43
— beati servi illi, quos cum venerit dominus, invenerit vigilantes,
etc., et, Matth. XXVI, 41 — vigilate et orate, et cetera. De fide ergo
instruit, cum dicit state, scilicet in fide, Eph. VI, 14 — state
succincti, et cetera. De bona operatione, cum dicit viriliter,
id est fortiter, agite, quia fides sine operibus mortua est,
Iac. II, 26. Sed quia bona operatio non est attribuenda nobis sed Deo, ideo
subdit et confortamini in domino. Ps. XXX, 25 — viriliter agite, et
confortetur cor vestrum, et cetera. De modo agendi, cum dicit omnia vestra in
charitate fiant, id est, omnia debent referri ad finem charitatis,
scilicet ut fiant propter Deum et proximum, Col. III, 14 — super omnia
charitatem, et cetera. Consequenter cum dicit obsecro autem,
etc., instruit eos quomodo se habeant ad quosdam in speciali. Et primo
quantum ad illos qui videntur habere aliquam praerogativam in spiritualibus;
secundo quantum ad illos qui in corporalibus operibus, ibi gaudeo autem,
et cetera. Dicit ergo obsecro autem vos, fratres : nostis, id est approbastis,
domum Stephanae, et fortunati, et Achaici. Approbastis, inquam,
propter duo, et quia sunt primitiae, id est primo conversi, quia ab
ipso apostolo in primis baptizati, supra I, v. 16 — baptizavi autem,
etc., et quia magis devoti et prompti ad ministeria sanctorum, unde dicit et
in ministerio sanctorum ordinaverunt seipsos. Rom. XII, 13 — necessitatibus
sanctorum, et cetera. Et ideo obsecro, ut et vos subditi, etc.,
Hebr. XIII, 17 — obedite praepositis, et cetera. Et omni cooperanti,
Phil. IV, v. 3 — adiuva eos qui mecum laboraverunt. Sap. III, 15 — bonorum
laborum gloriosus, et cetera. Hic instruit eos quantum ad illos, qui
praeeminent in ministeriis et potest dupliciter exponi. Uno modo ut dicatur gaudeo
autem in praesentia Stephanae, fortunati, et Achaici, qui sunt praesentes
vobis, quorum praesentia est vobis proficua. Quoniam ipsi id quod vobis
deerat, suppleverunt, docendo vos. Et in hoc quidem refecerunt
spiritum meum, inquantum gaudeo de bono vestro, et spiritum vestrum,
inquantum instructi estis. Phil. IV, 10 — gavisus sum valde, quia inveni,
et cetera. Et ideo, quia sic se habuerunt, ergo agnoscite, id est,
honorate eos, et cetera. Alio modo, ut dicatur : gaudeo in praesentia
Stephanae, fortunati, et Achaici, quia scilicet personaliter mecum sunt, et
serviunt mihi, in quo supplent quod deerat vobis, id est, quod vos non
poteratis mihi corporaliter exhibere. In quo quidem refecerunt spiritum meum,
inquantum mihi servierunt, et paverunt me, et vestrum, inquantum de bono meo
gaudetis, et ideo cognoscite, et cetera. Salutant vos, et cetera. Hic apostolus
insinuat quid alii faciant Corinthiis. Et circa hoc duo facit. Primo insinuat
quomodo salutentur ab aliis; secundo subdit suam salutationem, ibi salutatio
mea, et cetera. Circa primum tria facit.
Primo insinuat quomodo salutat eos tota Ecclesia Asiae in communi. Unde dicit salutant vos
omnes Ecclesiae Asiae. Rom. ult. : salutant vos omnes Ecclesiae
Christi. Secundo quomodo salutant eos specialiter hospites
Pauli. Unde dicit salutant vos in domino multum, aquila, et cetera.
Isti erant hospites apostoli, et de his habetur Rom. XVI, v. 3 et Act. XVIII,
2 s. Tertio quomodo salutant eos apostoli et familiares sui. Unde dicit salutant
vos omnes fratres, qui scilicet mecum sunt, Phil. ult. : salutant vos
qui mecum sunt fratres. Ex quo ergo omnes salutant vos, et vos
etiam salutate invicem in osculo sancto, non libidinoso, quo mulier
apprehensum deosculatur iuvenem, Prov. VII, 13, non fraudulento, quo Iudas
osculatus est Christum, Matth. c. XXVI, 49. Salutatio, et cetera. Hic suam
salutationem subdit, et circa hoc duo facit. Primo ponit titulum
salutationis, dicens salutatio mea, scilicet scripta est, manu mea
Pauli. Et hoc faciebat in epistolis suis propter quosdam, qui sub specie
apostoli scribebant falsas litteras. Unde ut non deciperentur,
postquam scripta erat epistola per aliquem, in fine consequenter scribebat
apostolus manu sua. Secundo
ponit ipsam salutationem, in qua, primo, male dicit malis, dicens si quis
non amat, etc., anathema sit, id est separatus vel excommunicatus;
maranatha, id est dominus veniet; quasi dicat : qui non amat dominum
nostrum Iesum Christum, sit anathema in adventu domini. Sed numquid sunt
excommunicandi omnes qui non sunt in charitate? Respondeo. Dicendum, quod hoc
intelligitur, si quis non amat dominum Iesum Christum, id est fidem Christi,
et isti sunt haeretici et sunt excommunicati. Vel si quis usque ad finem
mortis non perseverat in amore domini Iesu Christi, in adventu erit separatus
a bonis. Secundo, benedicit bonis, bene optans eis, scilicet gratiam Christi,
cum dicit gratia domini nostri Iesu Christi. Et hoc optans, optat eis
omne bonum, quia in gratia domini nostri Iesu Christi continetur omne bonum.
Optat etiam eis charitatem suam, dicens charitas mea, etc., ut vos
invicem et Deum diligatis ea charitate qua ego vos diligo, et non propter
aliquod aliud nisi in Christo Iesu, id est propter amorem Christi. Amen,
id est fiat. |
I° L’Apôtre instruit ici les Corinthiens de ce qui concerne ses propres
disciples : I. de ce qui
regarde Timothée ; II. de ce qui
regarde Apollos (verset 12) : Pour ce qui regarde notre frère Apollos, etc. I. Il recommande trois
choses à l’égard de Timothée : 1° qu’il soit gardé avec sécurité. Il
dit donc (verset 10) : Si Timothée va vous voir, ayez soin qu’il n’ait
rien à craindre chez vous. Peut-être y avait-il eu quelque agitation à
Corinthe à cause des faux apôtres (I1 Cor., VII, 5) : "Combats au
dehors, frayeurs au-dedans, etc." Vous devez agir ainsi parce que
(verset 10) : Il travaille comme moi à l’oeuvre du Seigneur, par la
prédication ; (II Tim., IV, 5) : "Mais vous, veillez
continuellement, souffrez constamment tous les travaux." 2° Il recommande qu’on le traite avec
honheur (verset 11) : Que personne donc ne le méprise. La raison de
cette recommandation, c’est probablement qu’il était jeune encore (I Tim.,
IV, 12) : "Que personne ne vous méprise à cause de votre
jeunesse" ; (Luc, X, 16) : "Celui qui vous méprise me
méprise." 3° Il demande qu’on le conduise en
paix et c’est pourquoi il dit (verset 11) : Mais conduisez-le, etc. La
raison de ceci, c’est que (verset 11) : Je l’attends, lui et les frères
qui sont avec lui. II. (verset 12) : Pour
notre frère Apollos, etc. C’est cet Apollos dont parlent les Actes
(XVIII, 24) : "Or un Juif, etc." Cet Apollos était allé en
Achaïe et avait été comme le docteur particulier des Corinthiens après
l’Apôtre (1 Cor., III, 6) : C’est moi qui ai planté ; Apollos a arrosé, etc.
Suivant la Glose, il était évêque ; mais comme les Corinthiens s’étaient mal
conduits, il les avait quittés, et s’était rendu près de saint Paul. Dans la
suite, les Corinthiens prièrent saint Paul de le leur renvoyer. L’Apôtre leur
répond sur ce sujet (verset 12) : Quant à notre frère Apollos, que
vous me priez de vous renvoyer, 1° Sachez d’abord les prières
que je lui ai faites : que je l’ai prié instamment d’aller vous voir avec
quelques-uns de nos frères. L’Apôtre dit : Je l’ai prié, bien
qu’il eût pu ordonner, parce qu’aux. personnages élevés en dignité on ne doit
pas facilement donner des ordres ; (I Tim., V, I) : "Avertissez
les vieillards, etc. " ; (Ecclésiastique XXXII, 1) : "Vous
a-t-on établi pour gouverner les autres, etc." Mais
était-il permis à Apollos d’abandonner à lui-même son peuple ? Il faut
répondre, et c’est la remarque de saint Grégoire, que si les inférieurs se
conduisent mal et ne veulent pas se corriger, il est permis à l’évêque de se
séparer d’eux. Les Corinthiens s’étant montrés rebelles, Apollos avait la
permission de les quitter. Ou bien encore, peut-être, Apollos n’était-il pas
évêque des Corinthiens, quoiqu’il eût prêché spécialement chez eux. 2° L’Apôtre fait connaître la réponse
d’Apollos, qui n’avait pas consenti à retourner près d’eux (verset 12) : Mais
il n’a pas jugé à propos d’y aller maintenant, etc. Le motif en est que
peut-être ils ne s’étaient pas encore bien amendés, ou qu’Apollos était
lui-même occupé à quelques travaux difficiles. 3° Il leur promet qu’Apollos ira quelque jour les voir
(verset 12) : Il le fera quand il le pourra, c’est-à-dire au temps
opportun, ou autrement quand vous vous serez corrigés. II° Après
avoir instruit les Corinthiens de ce qu’ils ont à faire à l’égard des frères absents, saint Paul les
instruit également de ce qu’ils ont à faire à l’égard des frères présents. Il
leur enseigne comment ils doivent se conduire : I. à l’égard de tous dans la communauté ; II. à l’égard de
quelques-uns en particulier (verset 15) : Je vous conjure, frères" I. Quant à leurs devoirs généraux,
l’Apôtre leur recommande trois choses : particulièrement la foi, les bonnes
oeuvres et la manière de les accomplir. Toutefois, avant ces trois devoirs,
il en place un qui est nécessaire à tous, à savoir la vigilance. 1° (verset 13) : Veillez et
demeurez fermes. (Luc, XII, 43) : "Bienheureux ces serviteurs que
leur maître trouvera veillant quand il viendra, etc. !" et (Matth.,
XXVI, 41) : "Veillez et priez, etc." 2° Il les instruit ensuite du devoir
de la foi, en disant (verset 13) : Demeurez fermes, à savoir dans
la foi ; (Ephés., VI, 14) : "Tenez-vous donc prêts, etc." 3° De l’obligation des bonnes oeuvres
(verset 13) : Agissez en hommes, c’est-à-dire avec courage, parce que "La
foi sans les oeuvres est morte," dit saint Jacques (II, 26).
Néanmoins, comme les bonnes oeuvres ne doivent pas être attribuées à
nous-mêmes, mais à Dieu, il ajoute (verset 13) : et fortifiez-vous de plus
en plus dans le Seigneur ; (Psaume XXX, 25) : "Agissez ave
courage, et que votre coeur s’affermisse, etc." 4° De la manière de pratiquer les
bonnes oeuvres (verset 14) : Que toutes vos oeuvres se fassent avec amour,
c’est-à-dire tout doit avoir pour fin la charité, en d’autres termes se faire
pour Dieu et le prochain ; (Colos., III, 14) : "Par-dessus tout
ayez la charité, etc." II. Lorsqu’il ajoute
(verset 15) : Je vous conjure, etc., saint Paul les instruit de la
conduite à tenir envers quelques frères en particulier : 1° à l’égard de ceux qui semblent
avoir quelque prérogative dans les choses spirituelles ; 2° à l’égard de ceux qui paraissent
les premiers dans les oeuvres corporelles (verset 17) : Je me réjouis, etc. 1° (verset 15) : Je vous adresse
encore cette recommandation, mes frères : vous savez, c’est-à-dire vous
louez, la famille de Stéphanas, de Fortunat et d’Achaïque ; vous les
louez, dis-je, pour deux choses, et parce qu’ils sont les prémices,
c’est-à-dire les premiers convertis, ayant été baptisés des premiers par
l’Apôtre lui-même (ci-dessus, I, 16) : J’ai encore baptisé, etc., et
parce qu’ils ont plus de piété et d’activité pour le ministère des saints ;
ce qui lui fait dire (verset 15) : et qu’ils se sont consacrés au service
des saints ; (Rom., XII, 13) : "Charitables pour soulager
les nécessités des saints, etc." Je vous conjure donc (verset 16) : d’avoir
beaucoup de déférence, etc. ; (Hébr., XIII, 17) : "Obéissez
à vos guides, etc." ; et pour tous ceux qui coopèrent et
travaillent à l'oeuvre de Dieu ; (Philip., IV, 3) : "Secourez
celles qui ont travaillé avec moi à l’oeuvre de l’Evangile" ;
(Sag., III, 15) : "Le fruit des justes travaux est plein de gloire, etc." 2° Lorsqu’il dit (verset 17) : Je
me réjouis de l’arrivée de Stéphanas, de Fortunat et d’Achaïque, saint
Paul instruit les Corinthiens de ce qu’ils ont à faire à l’égard de ceux qui
on prééminence dans les ministères. On peut expliquer ce passage de deux manières
: d’abord, en disant : Je me réjouis de la présence de Stéphanas, de
Fortunat et d’Achaïque, qui sont au milieu de vous, et dont la présence
vous est profitable, (verset 17) : parce qu’ils ont suppléé à ce qui vous
manquait, en vous instruisant. Par là, ils ont ainsi (verset 18) : consolé
mon esprit, en tant que je me réjouis de votre bien, et le vôtre,
en tant que vous êtes instruits ; (Philip., IV, 10) : "J’ai reçu
une grande joie en Notre Seigneur de ce que vous avez renouvelé, etc."
Puisqu’ils se sont ainsi conduits, (verset 18) : honorez donc de tels
hommes. Autrement, on peut dire : Je me réjouis de la présence de
Stéphanas, de Fortunat et d’Achaïque, c’est-à-dire parce qu’ils sont
personnellement avec moi et me rendent des services, et en cela ils suppléent
à ce qui vous manque, c’est-à-dire à ce que vous ne pouvez me faire
corporellement. Par là ils ont consolé mon esprit, en tant qu’ils m’ont rendu
ces services et pourvu à mes besoins, et le vôtre, en tant que vous vous
réjouissez de mon bien ; par conséquent, honorez, etc. III° (verset 19) : Les églises de l’Asie vous saluent, etc. : ici
l’Apôtre dit ce que les autres font pour les Corinthiens. I. Il dit comment les
autres les saluent ; II. il joint sa
propre salutation à la leur (verset 21) : [Moi Paul, j’ai écrit] de ma
main cette salutation, etc. I. Sur la première
partie, 1° il dit comment toute l'Eglise
d’Asie les salue en commun (verset 19) : Toutes les églises d’Asie vous
saluent ; (Rom., XVI, 16) : "Toutes les Eglises de
Jésus-Christ vous saluent." 2° Comment ses hôtes, à lui Paul, les
saluent (verset 19) : [Aquilas et Priscille, chez qui j’habite, et
l’église qui est dans leur maison], vous saluent tendrement dans le Seigneur.
Aquilas et Priscille étaient les hôtes de l’Apôtre. Il est parlé d’eux dans
l’épître aux Romains (XVI, 3) et aux Actes (XVIII, 3). 3° Comment les apôtres et ceux qui
vivent dans leur intimité les saluent (verset 20) : Tous nos frères vous
saluent, c’est-à-dire ceux qui sont avec moi ; (Philip., IV, 22) : "Les
frères qui sont avec, moi vous saluent." Si donc tous les frères
vous saluent, (verset 20) : Saluez-vous les uns les autres par un saint
baiser, et non par ce baiser voluptueux que la femme effrontée donne au
jeune homme qu’elle entraîne ; (Prov., VII, 13), non de ce baiser
perfide dont Judas salua le Sauveur (Matthieu XXV, 49). II. (verset 21) : Moi
Paul, j’ai écrit de ma main cette salutation, etc. ; ici l’Apôtre
joint aux autres salutations la sienne. A cet effet, 1° il exprime le titre de sa
salutation, en disant (verset 21) : Ma salutation, c’est-à-dire écrite
de ma main, à moi Paul. Il souscrivait ainsi ses épîtres, parce que
quelques-uns, sous le nom de l’Apôtre, écrivaient des lettres fausses. Afin
donc que les Corinthiens ne fussent pas trompés, l’épître ayant été écrite
par quelqu’un d’autre, l’Apôtre la souscrivait à la fin de sa propre main. 2° Il exprime la salutation même, dans
laquelle, A) il maudit les méchants, en disant
(verset 22) : Si quelqu’un n’aime point, etc., qu’il soit anathème, c’est-à-dire
séparé ou excommunié. "Maran Atha" veut dire : le Seigneur
viendra ; comme si saint Paul disait : que celui qui n’aime pas Notre
Seigneur Jésus-Christ soit anathème à l’avènement de Notre Seigneur. Mais
tous ceux qui ne sont pas dans la charité doivent-ils être excommuniés ? Il
faut répondre qu’on doit entendre ces paroles : Si quelqu’un n’aime pas Notre
Seigneur Jésus-Christ, c'est-à-dire n’a pas la foi en Jésus-Christ,
ceux-là sont hérétiques et excommuniés. Ou encore : celui qui ne persévérera
pas jusqu’au moment de la mort dans l’amour de Notre Seigneur sera, à son
avènement, séparé d’avec les bons. B) Il bénit les bons en leur souhaitant du bien,
c’est-à-dire la grâce de Jésus-Christ (verset 23) : Que la grâce de Notre
Seigneur Jésus-Christ. En leur faisant ce souhait, c’est demander pour
eux toutes sortes de biens, parce que tous les biens sont contenus et
renfermés dans la grâce de Notre Seigneur Jésus Christ. Il leur souhaite
encore sa propre charité (verset 24) : Que ma charité, etc., afin que
vous vous aimiez les uns les autres et que vous aimiez Dieu avec la charité
dont je vous aime, mais non pour aucun autre motif, si ce n’est en
Jésus-Christ, c’est-à-dire pour l’amour de Jésus-Christ. "Amen" en
d’autres termes, qu’il en soit ainsi. |
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Fin du commentaire de la première épître de saint Paul aux Corinthiens |
[1] Les théologiens appellent foi formée celle
qui est accompagnée de la grâce sanctifiante, et foi informe celle du chrétien
en état de péché.
[2] Par contumélie, les théologiens entendent l’injure qu’on fait au prochain
en sa présence, par paroles ou par action. C’est un mépris ou un affront qui
porte atteinte à son honneur.
[3] Adage populaire qui semble dire qu’un pauvre, un ignorant, un homme de
basse naissance, vivant, vaut mieux qu’un riche, un savant, un homme illustre
pendant sa vie, mais qui n’est plus. (Menochius.)
[4] [Le texte latin dit « justement », ce qui semble contradictoire
d’après le contexte]
[5] L’édition latine (Paris, 1654) place ici une note marginale que nous traduisons : Le lecteur remarquera qu’à partir de cet endroit jusqu’au chapitre XI exclusivement, ce n’est plus saint Thomas qui parle, mais un moine dominicain appelé Nicolas, lequel a commenté avec clarté et avec assez de savoir toutes les Epîtres de saint Paul. D’ailleurs la tournure de la phrase et la méthode d’exposition ne laissent aucun doute à ce sujet. (Editeur.)
[6] Le péché véniel n’est pas un obstacle à la communion ; il ne la rend point
indigne. Mais celui qui communie en conservant de l’affection pour le péché véniel
est privé en partie des fruits du sacrement.
[7] On raconte que saint Grégoire le Thaumaturge a déplacé une montagne qui
gênait la construction d’une église, à Néocésarée. (Voyez, le 17 novembre,
légende du Bréviaire romain)
[8] Note du traducteur. D’après le
contexte, il semble que, dans le texte latin, la négation « non »
doive figurer à côté du verbe « contingit » ; sinon le
« sed solum » qui suit n’a pas de raison d’être et la phrase n’a pas
de sens.
[9] Témoin le prophète Jonas, qui n’annonce pas aussitôt après l’avoir reçue,
et comme Dieu le lui commandait, la menace prophétique contre Ninive. L’Esprit
prophétique vient de Dieu seul, mais les circonstances de la publication de la
prophétie dépendent de celui qui l’a reçue.
[10] Platon, Timée : "Quiconque aura mené la vie des justes retournera dans
l’astre fraternel jouir de la suprême félicité ; les coupables deviendront
femmes quand ils reparaîtront sur la terre. Tous, après mille ans, pourront
choisir le genre de vie dont ils voudront hériter, et la condition même des
méchants leur sera permise. Si le méchant n’en persiste pas moins dans sa
folie, alors il prendra tour à tour, suivant les rites, la forme des brutes
dont il aura copié les mœurs ; et les métamorphoses, ses supplices ne cesseront
qu’au moment où, par la victoire de l’essence originelle sur les éléments
grossiers qui la déshonorent, et donc sur la foule des passions turbulentes, il
retrouvera la dignité de son être et de ses premières vertus.
[11] Concile de Constantinople en 553, cinquième oecuménique. Quelques auteurs
prétendent que le nom d’Origène a été interpolé au canon XI°.
[12] On appela, aux II° et III°
siècles, « millénaires » ceux qui croyaient qu’à la fin du monde
Jésus-Christ reviendrait sur la terre et établirait, dans une nouvelle
Jérusalem, un règne de mille ans, durant lesquels les fidèles jouiraient d’une
félicité temporelle, en attendant le jugement dernier et la plénitude de
l’éternelle félicité. Cette opinion était venue originairement des Juifs, qui
n’avaient pas oublié les magnifiques promesses faites à leurs pères, et
soupiraient après la reconstruction, le rétablissement de leur Jérusalem tant
aimée. Les chrétiens aussi attendaient une Jérusalem nouvelle. La plupart des
Pères regardèrent ce règne de mille ans comme une fable, et la doctrine qui
l’enseignait comme une erreur.