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La somme de théologie de la vie spirituelle JE
VEUX VOIR DIEU Par
le Père Marie-Eugène de l'Enfant
Jésus De
l'Ordre des Carmes déchaussés |
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Notre Dame de vie, Association de l'Olivier, Centre culturel,
84210 Vénasque
TABLE AUTOMATIQUE
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TABLEAU SYNTHÉTIQUE DES SEPT DEMEURES
LES TROIS PREMIERES DEMEURES: JE VEUX VOIR DIEU
CHAPITRE PREMIER: Le Livre des
Demeures
B. MÉTHODE DE COMPOSITION ET DIVISION
DE L’OUVRAGE
CHAPITRE DEUXIÈME " Je veux voir
Dieu "
A. DIEU EST PRÉSENT DANS L’AME
I. -Présence active d’immensité.
III. Localisation de la présence objective dans le centre
de l'âme.
B. LA VIE SPIRITUELLE EST UNE
INTÉRIORISATION PROGRESSIVE
C. L'UNION TRANSFORMANTE BUT DE LA
SPIRITUALITÉ THÉRÉSIENNE
CHAPITRE TROISIÈME: Connaissance de
soi
A. OBJET DE LA CONNAISSANCE DE SOI
I. Connaissance psychologique.
B. COMMENT ACQUÉRIR LA CONNAISSANCE
DE SOI?
A. RÔLE DE L’ORAISON DANS LA
SPIRITUALITÉ THÉRÉSIENNE
CHAPITRE CINQUIÈME "Le bon
Jésus"
A. LE CHRIST JÉSUS DANS L’ORAISON
THÉRÉSIENNE 3
CHAPITRE SIXIÈME Ascèse thérésienne
A. NATURE ET PUISSANCE DES DÉMONS
B. INTERVENTIONS DU DÉMON DANS LA VIE
SPIRITUELLE
I. Fréquence des interventions du démon.
II. Modes et but de l'action du démon.
C. MOYENS DE RECONNAÎTRE L’ACTION DU
DÉMON
D. COMMENT COMBATTRE L’ACTION DU
DÉMON
I. -Armes pour combattre le démon.
CHAPITRE HUITIÈME Esprit thérésien
CHAPITRE NEUVIÈME Croissance spirituelle
CHAPITRE PREMIER Les premières
Demeures
A. DESCRIPTION DES PREMIÈRES DEMEURES
CHAPITRE SECOND A la base de départ
B. DISPOSITIONS NÉCESSAIRES AUX
DÉBUTANTS
II. Discrétion et liberté d’esprit.
CHAPITRE TROISIÈME Les premières
oraisons
CHAPITRE QUATRIÈME: L’oraison de
recueillement
A. –DESCRIPTION DE L’ORAISON DE
RECUEILLEMENT
B. COMMENT PARVENIR A L’ORAISON DE
RECUEILLEMENT
C. EXCELLENCE DE L’ORAISON DE
RECUEILLEMENT
CHAPITRE CINQUIÈME: Les lectures
spirituelles
B. LE CHRIST JÉSUS, LE "LIBRE
VIVANT"
I. La Personne du Christ les saintes Écritures.
II. -Le Christ Vérité: les livres dogmatiques.
III. Le Christ Voie: Spiritualités.
IV. Le Christ Vie dans l’Église
CHAPITRE SIXIÈME: Distractions et
sécheresses
A. NATURE DES DISTRACTIONS ET DES
SÉCHERESSES
B. CAUSES DES DISTRACTIONS ET
SÉCHERESSES
CHAPITRE SEPTIÈME: Les amitiés
spirituelles
A. LES AMITIÉS DANS LA VIE DE SAINTE
THÉRÈSE
B. SA DOCTRINE SUR LES AMITIÉS
CHAPITRE HUITIÈME: La direction
spirituelle
A. IMPORTANCE ET NÉCESSITÉ DE LA
DIRECTION
B. CHOIX ET QUALITÉS DU DIRECTEUR
III. Simplicité et discrétion.
CHAPITRE NEUVIÈME: Vie réglée et
oraisons simplifiées
CHAPITRE DIXIÈME: Sagesse
surnaturelle et perfection chrétienne
C. LES DIVERSES SAGESSES ET LA
PERFECTION
PARTIE III- CONTEMPLATION ET VIE MYSTIQUE
CHAPITRE PREMIER: La Sagesse d'amour
A. QU’EST-CE QUE LA SAGESSE D’AMOUR?
B. QUE FAIT LA SAGESSE D'AMOUR?
I. Comme Sagesse elle ordonne et dispose tout pour la
réalisation du dessein de Dieu.
II. Cette Sagesse est toute d’amour.
CHAPITRE SECOND: Les dons du Saint
Esprit
A. NATURE ET RÔLE DES DONS DU
SAINT-ESPRIT
III. Distinction des dons du Saint Esprit entre eux.
C. UTILITÉ ET UTILISATION DES DONS DU
SAINT-ESPRIT
CHAPITRE TROISIÈME: Le don de soi
A. NÉCESSITÉ ET EXCELLENCE DU DON DE
SOI
I. le premier motif du don de soi:
II. Le don de soi est un besoin de l’amour et son acte le
plus parfait.
III. Le don de nous-mêmes est aussi le sacrifice le plus
parfait que nous Puissions offrir à Dieu.
IV. Par le prophète Malachie, Dieu disait aussi:
CHAPITRE QUATRIÈME: L'humilité
B. DEGRÉS ET FORMES DE L’HUMILITÉ
C. MOYENS POUR ACQUÉRIR L’HUMILITÉ
CHAPITRE CINQUIÈME: Le silence
II. Mortification de l’activité naturelle.
CHAPITRE SIXIÈME: Solitude et
contemplation
CHAPITRE SEPTIÈME: La contemplation
A. LA CONTEMPLATION EN GÉNÉRAL
B. LA CONTEMPLATION SURNATURELLE
II. Eftets de la contemplation surnaturelle.
CHAPITRE HUITIÈME: Appel à la vie
mystique et à la contemplation
II. Ames des trois premières Demeures.
CHAPITRE NEUVIÈME: Théologie et
contemplation surnaturelle
CHAPITRE DIXIÈME: La foi et la
contemplation surnaturelle
La foi es le seul moyen prochain el proportionné pour
l’union de l’âme avec Dieu 1.
C. MODES IMPARFAIT ET PARFAIT DE
L’EXERCICE DE LA VERTU DE FOI
D. CARACTÈRES DE LA CONNAISSANCE DE
FOI
QUATRIEME ET CINQUIEME DEMEURES: JE SUIS FILLE DE L'ÉGLISE
Avant-propos de la première édition
Jusqu'à l'union de volonté: Quatrièmes Demeures
CHAPITRE PREMIER: Les premières oraisons
contemplatives
A. LE RECUEILLEMENT SURNATUREL
B. ORAISON DE QUIÉTUDE OU DE GOÛTS
DIVINS
C. LA SÉCHERESSE CONTEMPLATIVE OU
ORAISON DE FOI
CHAPITRE DEUXIÈME: Dieu lumière et
Dieu amour
A. LUMIÈRE ET AMOUR DANS L’EXPÉRIENCE
MYSTIQUE
I. La lumière et le don d’intelligence.
II. L’amour et le don de sagesse.
III -Unité de la contemplation et les deux dons contemplatifs.
B. EXPÉRIENCE THÉRÉSIENNE ET
EXPÉRIENCE SAN-JOHANNIQUE
I. Dommages causés par les tendances en général.
II. Seules les tendances volontaires sont nuisibles.
III. Dommages causés par chacun des péchés capitaux.
CHAPITRE QUATRIÈME: Nuit passive du
sens
A. NATURE ET CAUSE DE LA NUIT PASSIVE
DU SENS
B. MOMENT ET DURÉE DE LA NUIT PASSIVE
CHAPITRE CINQUIÈME: Nuit active du
sens pendant l’oraison
A. COMMENT CONDUIRE CETTE NUIT
ACTIVE?
B. NUIT ACTIVE PENDANT L’ORAISON
III. Applications aux oraisons contemplatives.
CHAPITRE SIXIÈME: NUIT ACTIVE DU SENS
(suite) La sécheresse contemplative
A. TENDRE PAR LA FOI VERS LA RÉGION
PAISIBLE DE L’ESPRIT ET S’Y MAINTENIR
B. NÉGLIGER LE BRUIT DU SENS, ET Y
APPORTER PARFOIS QUELQUE APAISEMENT PAR CERTAINES INDUSTRIES.
III. Quelques influences apaisantes.
CHAPITRE SEPTIÈME: Nuit active en
dehors de l'oraison
II. Les événements providentiels.
CHAPITRE HUITIÈME: L'obéissance
CHAPITRE NEUVIÈME/ L’Union de volonté
B. EFFETS DE LA GRACE MYSTIQUE UNION
DE VOLONTÉ
C. LA VOIE ORDINAIRE VERS L’UNION DE
VOLONTÉ
CHAPITRE DIXIÈME: Le mystère de
l’Église
C. LE MYSTÈRE DE L’ÉGLISE ET LA
SPIRITUALITÉ DE SAINTE THÉRÈSE
SIXIEME ET SEPTIEME DEMEURES: SAINTETÉ POUR L’ÉGLISE
PARTIE V- SAINTETÉ POUR L'ÉGLISE
CHAPITRE PREMIER: Enrichissements
divins
A. LA SAGESSE, OUVRIÈRE DE SAINTETÉ
B. CARACTÈRES DE CETTE ACTION DIVINE
I. La Sagesse joyeuse de l’amour.
II. Amour qualifié par les profondeurs où il agit.
III. Amour purifiant et unissant.
V. Amour réalisant les présences divines.
VI. Amour qui forme l’apôtre partait.
CHAPITRE DEUXIÈME: Faveurs
extraordinaires, Paroles et Visions
A. QU’EST-CE QU’UNE FAVEUR
EXTRAORDINAIRE ET QUELLES SONT-ELLES?
II. Faveurs extraordinaires chez sainte Thérèse.
B. EFFETS DES FAVEURS EXTRAORDINAIRES
C. FRÉQUENCE ET MOMENT DES FAVEURS
EXTRAORDINAIRES
D. COMMENT DIEU PRODUIT-IL CES GRACES
D. COMMENT DIEU PRODUIT-IL CES GRACES EXTRAORDINAIRES?
II. Lumières infusées dans l’intelligence.
IV. Dieu utilise les archives de la mémoire.
V. Dieu s'adapte admirablement.
VI. Dieu utilise la causalité instrumentale des anges.
E. -DISCERNEMENT DE L’ORIGINE DIVINE
DE CES FAVEURS
F. ATTITUDE DE L’AME DEVANT CES
FAVEURS
III .S’en Ouvrir à un guide spirituel.
CHAPITRE TROISIÈME: La nuit de
l’esprit le drame
A. CAUSES DE LA NUIT DE L’ESPRIT
C. MODALITÉS DIVERSES DE LA NUIT
II. Formes individuelles de la purification.
III Purification immergée dans la vie ordinaire.
IV. Mystérieuse et souvent cachée aux regards. Sainteté
pour l’Église
V. Éclairée par la lumière et la présence de l’amour.
CHAPITRE QUATRIÈME: La conduite de
l’âme Pauvreté, Espérance, Enfance spirituelle
I. Fondements de ta doctrine de l’enfance spirituelle.
II. Voie d’enfance spirituelle.
CHAPITRE CINQUIÈME: Secours et
modèles dans la nuit
A. LE CHRIST JÉSUS, PRÊTRE ET VICTIME
I. Recours nécessaire ou Christ aux sixièmes Demeures.
II. Comment réaliser ce recours à Jésus?
B. LA VIERGE MARIE, TOUTE MÈRE
I. Jésus et Marie dans le plan divin.
II. Rôle providentiel de la Vierge Marie dans la nuit.
CHAPITRE SIXIÈME: Les effets de la
nuit de l’esprit
I. Nécessité de la purification.
II. Seule la nuit de l’esprit réalise la purification.
III. Objet de la purification.
IV. Gomment s'opère la purification morale?
II. Effets dans l’activité des vertus théologales.
C. TRIOMPHE DE LA SAGESSE D’AMOUR
III. Êpanouissement de la lumière.
IV. Étapes de ce triomphe de l’Amour.
CHAPITRE SEPTIÈME: Fiançailles et
mariage spirituels
I. En quoi consistent les fiançailles spirituelles?
II. Joyaux des fiançailles spirituelles.
III. Moment et durée des fiançailles spirituelles.
I. La grâce du mariage spirituel.
II. Développements de la grâce du mariage spirituel.
CHAPITRE HUITIÈME: L’union
transformante
A. MARIAGE SPIRITUEL ET UNION
TRANSFORMANTE
I. Les manifestations, fruit de l’amour.
I. Plénitude transformante de la grâce.
II. Présence de l’Esprit Saint
II. Présence active de l’Esprit Saint.
III. L’identification au Christ Jésus.
CHAPITRE NEUVIÈME: Le saint dans le
Christ total
A. LE DOUBLE MOUVEMENT DE L’AMOUR
I. LE MOUVEMENT FINAL VERS DIEU
III. Ces deux mouvements s'unissent dans l’amour du
Christ.
B. APOSTOLAT DE L’AMOUR ET MISSIONS
D’APOSTOLAT
I. Il existe des missions divines d’apostolat distinctes
II. Une grâce accompagne les missions d’apostolat.
III. L’accomplissement de la mission et la perfection de
la charité.
C. APOSTOLAT ET DÉVELOPPEMENT DE
L’AMOUR
I. L’apostolat aux trois premières Demeures.
II. L’apostolat sous les premières emprises divines.
III. L’apostolat dans l’union de volonté.
IV. L’apostolat parfait des sixièmes et septièmes
Demeures.
Premières Demeures: Dieu intervient par le Secours général.
DEMEURES |
ACTION DE DIEU |
ACTIVITÉ DE L’AME |
LE CHRIST |
PLAN DANS LE LIVRE |
I° Demeure Vie spirituelle presque éteinte. |
Aucune manifestation. |
Évite le péché mortel. |
Etudier le Christ Jésus dans l’Évangile et s'attacher à son
Humanité. |
I. PERSPECTIVES 1. Le livre des Demeures. 2. Je veux voir Dieu: 3. Connaissance de soi. 4. L’Oraison. 5. Le bon Jésus. 6. Ascèse thérésienne. 7. Le démon. 8. Esprit thérésien. 9. Croissance spirituelle. II. PREMIÈRES ÉTAPES 1. Les premières Demeures. 2. A la base de départ. 3. Les premières oraisons. 4. L’oraison de recueillement. 5. Les lectures spirituelles. 6. Distractions et sécheresses. 7. Les amitiés spirituelles. 8. La direction spirituelle. 9. Vie réglée et oraisons simplifiées. 10. Sagesse surnaturelle et perfection
chrétienne. |
II° Demeure Efforts vigoureux et douloureux d’ascension |
Consolations sensibles et sécheresses. |
S’applique à l’oraison, au recueille ment,
à la correction des défauts, à l’organisation de la vie spirituelle par un
règlement, et le détachement. L’effort vigoureux et persévérant est
soutenu par les lectures, la direction et les amitiés. |
||
III° Demeure Triomphe de l’activité raisonnable. |
Facilité de recueillement. |
En une vie de piété bien organisée, elle
évite avec soin le péché et pratique les oraisons de simplicité. |
DEUXIÈME PHASE
Dieu intervient par le
Secours particulier
Introduction. |
Dieu intervient progressivement dans l’âme
par les dons du St Esprit Il l’envahit jusqu’à la transformation
d’amour. |
L’âme se met au pas de Dieu, se livre à Lui
dans l’humilité, la patience elle favorise le développe ment de son action
par une ascèse énergique. |
Sagesse d’amour agissante. |
III. CONTEMPLATION ET VIE
MYSTIQUE 1. La Sagesse d’amour. 2. Les dons du Saint Esprit. 3. Le don de soi. 4. L’humilité. 5. Le silence. 6. Solitude et contemplation. 7. La contemplation. 8. Appel è la vie mystique. 9. Théologie et contemplation. 10. Foi et contemplation. IV. JUSQU’A
L’UNION DE VOLONTÉ I. Premières oraisons contemplatives. 2. Dieu-lumière et Dieu-Amour. 8. Les Nuits. 4. Nuit passive du sens. 5. Nuit active du sens pendant l’oraison. 6. La sécheresse contemplative. 7. Nuit active en dehors de l’oraison. 8. L’obéissance. 9. L’union de volonté 10. Le mystère de l’Église. V. SAINTETÉ POUR L’ÉGLISE 1. Enrichissements divins. 2. Faveurs extraordinaires. 3. La nuit de l’esprit: le drame. 4. La conduite de l’âme: Pauvreté, Espérance et
Enfance spirituelle. 5. Secours et modèles: le Christ Sauveur et la Vierge
Mère. 6. Effets de la nuit. 7. Fiançailles et mariage spirituels. 8. L’union transformante. 9. Le saint dans le Christ total. |
IV° Demeures Nuit du sens |
Présence intérieure de Dieu manifestée par
une lumière aveuglante Nuit), par une emprise savoureuse (recueillement
passif, quiétude). |
Respecter l’action de Dieu dans l’oraison
la compléter: paix, silence, activité modérée. En dehors de l’oraison, ascèse
énergique pour détruire les vices capitaux spirituels. |
Lumière du Verbe: éblouissante. Sagesse savoureuse. |
|
V° Demeure Union de volonté. Quiétude. |
Emprise habituelle de la volonté, parfois
après grâce d’union mystique. |
Fidélité dans la foi et l’obéissance. |
La Sagesse prend possession de la volonté
pour la réalisation de son dessein éternel: l’Église |
|
VI° Demeure Nuit de l’esprit Formation du saint et de l’apôtre. |
Dieu purifie et enrichit par ses touches
dans l’esprit et dans les facultés opératives. |
Abandon et patience silencieuse. Pauvreté,
espérance et enfance spirituelle. |
Union au Christ Sauveur et à Marie toute
Mère. |
|
VII° Demeure Union transformante |
Envahissement divin complet, utilisation
pour l’Église. |
Chasteté et charité parfaites. Au service
de l’Église. |
Union au Christ total. |
Thérèse n’était qu’une enfant, lorsqu’elle entraîna son frère Rodrigue vers le pays des Maures dans l’espoir qu’on y ferait tomber leurs têtes 1. Les deux fugitifs furent rencontrés par un de leurs oncles qui les ramena à la maison paternelle. Aux parents déjà inquiets qui s'enquéraient du motif de cette fuite, Thérèse, la plus jeune des deux enfants mais le chef de l’expédition, répond: " Je suis partie parce que je veux voir Dieu, et que pour le voir il faut mourir. " Mot d’enfant qui déjà révèle son âme et annonce l’heureux tourment de sa vie 2.
Thérèse veut voir Dieu, et pour le trouver elle partira vers l’héroïsme et l’inconnu.
Elle va construire d’abord " de petits ermitages dans un jardin attenant à la maison (de son père), en plaçant les unes sur les autres de petites pierres qui tombaient aussitôt". Les échecs ne la découragent pas: ils l’orientent vers des pistes plus sûres.
Dans la vie religieuse, dès l’année de noviciat, Dieu révèle sa
présence en des grâces d’union. Ces rencontres ne font qu’aviver les désirs de
Thérèse: 1. Vie, chapitre I, p. 19.
2. On
peut rapprocher ce mot de Thérèse, à l’âge de sept ans, de la question posée
inlassablement par le jeune Thomas d’Aquin aux moines
du Mont-Cassin: "Qu’est-ce que Dieu?" Ces
deux âmes d’enfants sont tendues vers Dieu, mais une différence dans leurs
désirs marque déjà la différence de leurs voies cependant convergentes: Thomas
d’Aquin veut savoir ce qu’est Dieu, et sa vie se
consumera à étudier sous les lumières de la foi et de la raison il sera le
prince de la théologie dogmatique.
Thérèse
veut voir Dieu, le saisir avec toutes ses puissances d’appréhension, serait-ce
dans l’obscurité, pour s'unir à Lui; elle sera la maîtresse des voies
intérieures qui conduisent à l’union transformante.
3. Vie,
chapitre I, pp. 19-20.25:
"Les hautes faveurs (que l’âme reçoit), écrit-elle, produisent dans l’âme un tel désir de jouir complètement de Celui qui les lui accorde, qu’elle vit dans un tourment indicible et savoureux tout à la fois 1."
Le tourment délicieux augmente. Il indique à la Sainte la direction
dans laquelle elle doit chercher son Maître, la région où elle pourra le
trouver: "Considérez ce que dit saint Augustin, écrit-elle. Après avoir
cherché Dieu en beaucoup d’endroits, il le trouva au-dedans de lui-même.
Croyez-vous qu’il importe peu à une âme qui se distrait facilement, de
comprendre cette vérité et de savoir qu’elle n’a pas besoin de monter au ciel
pour parler à son Père Éternel et trouver ses délices auprès de lui?... elle
n’a qu’à se mettre dans la solitude et à le considérer au-dedans
d’elle-même."
C’est vers les profondeurs de son âme que Thérèse va s'orienter pour voir Dieu.
Toute la spiritualité thérésienne est dans ce mouvement vers Dieu présent dans l’âme, pour s'unir parfaitement à Lui.
Examinons-en successivement les éléments essentiels: A. La présence de Dieu dans l’âme -qui en est la vérité fondamentale.
B. L’intériorisation progressive de l’âme -qui en exprime le mouvement.
C. L’union profonde avec Dieu -qui en est le but.
C’est ce qu’a remarqué et signalé en tout premier lieu sainte Thérèse dans la vision initiale du Château Intérieur: "Dieu se trouve au centre, dans les septièmes Demeures. II est la grande réalité du Château, il en fait tout l’orne ment. Il est la vie de l’âme, il est la source qui la féconde, et " sans laquelle elle perdrait toute sa fraîcheur et tous ses fruits 3", le soleil qui l’éclaire et en vivifie les oeuvres. L’âme ne peut se soustraire à son influence sans perdre son éclat, sa beauté et sa fécondité, car toutes nos bonnes oeuvres ne viennent pas de nous comme de leur principe, mais de cette source où est planté l’arbre de nos âmes et de ce soleil divin dont la chaleur vivifie nos oeuvres.
1. VI°
Demeure, chapitre VI, p. 974.
2.
Chemin Perfection, chapitre XXX, pp. 721-722.
3. I°
Demeure, chapitre II, p. 822.
4.
Ibid., p. 824.
D’ailleurs elle est faite pour Dieu. L’âme n’est pas autre chose que le "paradis" de Dieu.
Cette présence de Dieu dans le château n’est pas un symbole, une création de l’imagination c’est une réalité. Dieu habite vraiment dans l’âme, sainte Thérèse en a la certitude. Mais les certitudes intérieures qu’elle a rap portées de ses grâces d’union mystique ne lui suffisent jamais. A plus forte raison ne saurait-elle s'en contenter pour cette habitation de Dieu dans l’âme, qui doit être la base de toute sa doctrine spirituelle. Elle a besoin des certitudes de la foi et des précisions de la théologie.
Elle consulte longuement. Ecoutons le récit qu’elle fait de son
enquête avant d’en donner les résultats, nous verrons l’importance qu’elle y
attache: "Il y a un point que j’ignorais au début. Je ne savais pas que
Dieu est réellement dans toutes les créatures. Et il me semblait qu’une
présence qui me paraissait si intime à mon âme était impossible. D’un autre
côté, cesser de croire qu’il fût là, je ne le pouvais pas, car d’après ce que
je croyais avoir clairement compris, Dieu était là vraiment présent. Des gens
peu instruits me disaient qu’il s'y trouvait seulement par sa grâce. Pour moi,
je ne pouvais me ranger à leur avis, car, je le répète, il me semblait qu’il
était là présent lui-même. Je me trouvais donc dans l’angoisse quand un
religieux très instruit... (le P. Baron, O. P.) vint dissiper mon doute, il me dit que Dieu était
véritablement présent en moi 1."
Essayons de retrouver l’enseignement du savant domi nicain et même de le compléter à l’aide des études plus fouillées faites dans la même ligne thomiste.
Dieu est présent dans l’âme juste suivant deux modes qui se complètent et que nous appellerons: " présence active d’immensité " et " présence objective *.
Les esprits, n’ayant pas le corps qui les localise dans l’espace, sont dits présents là où ils agissent. Notre ange gardien est près de nous, bien que n’ayant pas de corps, parce qu’il nous assiste en agissant sur nos sens et sur nos puissances intellectuelles à la manière des esprits.
Les esprits peuvent agir en même temps en des lieux différents, dans un rayon proportionné à leur puissance.
Dieu, l’Etre infini, a créé toutes choses et il doit par une action continuelle soutenir sa créature pour la maintenir en l’existence. Que Dieu cessât un seul instant cette action conservatrice, que l’on appelle création continuée, et la créature tomberait dans le néant.
1. I° 1 chapitre I, pp.
8i4-815.
2. V°
demeure, chapitre I, pp. 898-899.
3. Vie,
chapitre XV pp. 179-i80.27:
Dieu a créé et soutient toutes choses par la puissance de son Verbe. " En lui toutes choses subsistent " dit l’Apôtre 1. Dieu est donc présent partout par sa puissance active.
Cette présence de puissance qui entraîne la présence réelle d’essence est désignée sous le terme générique de " présence d’immensité".
Universelle et active en toute la création, cette présence d’immensité produit en chaque être des effets divers et un degré différent de participation à l’être et aux perfections de Dieu. Dans la création inanimée elle inscrit une simple similitude de Dieu qui n’est qu’un vestige: " Il est passé en hâte dira saint Jean de la Croix dans le Cantique Spirituel 2. Dans l’homme elle met une véritable ressemblance de Dieu. C’est le souffle de Dieu qui anime le limon pétri de ses mains. La grâce, participation de la nature divine, est une oeuvre, la plus haute, réalisée par la présence d’immensité. La qualité différente des effets produits, depuis le vestige de Dieu jusqu’à la participation de sa nature, ne change pas le mode de la présence d’immensité qui reste identique sous les manifestations diverses et plus ou moins éloquentes de sa puissance 3."
Dieu est donc présent substantiellement dans l’âme juste, à laquelle il donne l’être naturel et la vie surnaturelle de la grâce. Il nous soutient, non pas comme une mère soutient et porte son enfant dans ses bras, mais il nous pénètre et nous enveloppe. Il n’est pas un atome de notre être où il ne soit, pas un mouvement de nos membres ou de nos facultés qu’il n’ait animé. Il est autour de nous, en nous, et jusqu’en ces régions plus intimes et plus profondes que notre âme elle-même. Dieu est l’âme de notre âme, la vie de notre vie, la grande réalité dans laquelle nous sommes comme immergés et qui pénètre tout ce que nous avons et tout ce que nous sommes de sa présence active et de sa puissance vivifiante " En lui nous vivons, nous avons le mouvement et l’être.
Et cependant cette présence active d’immensité n’explique pas nos relations avec notre Dieu intérieur; nous devons recourir à un autre mode de présence que nous appellerons "présence objective "
1.
Col., I, 17.
2. Cantique
Spirituel, str. v.
3. Les
modes distincts de présence de Dieu dans les créatures ne sont point créés par
la diversité des dons de Dieu, mais par la diversité des relations avec les
créatures.
4. Art.
XVII 28.
La grâce en effet Produite par la présence d’immensité est une participation de la nature divine qui flous fait entrer dans le cycle de la vie trinitaire comme enfants de Dieu. Cette grâce établit donc, entre l’âme et Dieu, des relations nouvelles et distinctes de celles de la présence d’immensité.
L’activité divine de la présence d’immensité soutenait et enrichissait l’âme, mais la laissait passive sous ses dons. Elle créait entre Dieu et l’âme des relations de Créateur à créature.
La grâce, par contre, donne puissance à l’âme pour réagir sous les dons de Dieu pour revenir vers Lui, le connaître directement comme il se connaît, l’aimer comme il s'aime, l’étreindre comme un père. Elle établit entre l’âme et Dieu des rapports réciproques d’amitié, des relations filiales.
Par la présence d’immensité Dieu comblait l’âme mais résidait en elle comme un étranger. A l’âme enrichie de la grâce Dieu se livre Lui-même comme un ami et un père. Par la Présence d’immensité Dieu révélait indirectement par ses oeuvres, sa présence et sa nature. A l’âme devenue son enfant par la grâce, Dieu découvre sa vie intime, sa vie trinitaire et J’y fait entrer comme une véritable fille pour la lui faire partager.
A ces relations nouvelles créées par la grâce correspond un mode nouveau de présence divine que nous appellerons " présence objective " parce que Dieu y est saisi directement comme Objet de connaissance et d’amour 1.
Présence objective et présence active d’immensité, loin de s'exclure, se superposent et se complètent dans l’âme juste. En cette âme, Dieu réside comme en son temple préféré ici-bas, parce que " ses délices sont d’être avec les enfants des hommes". L’engendrant à la vie surnaturelle par le don de la grâce, il lui communique sa vie comme un père à son enfant, et avec sa vie il lui livre ses secrets et ses trésors Devenue fille de Dieu par la participation la vie divine, l’âme juste peut recevoir en elle Son Dieu comme un père, remonter vers Lui et l’aimer d’un amour filial comme un enfant.
1.
Comme à notre :
Du mystère de cette habitation substantielle de Dieu dans l’âme, de l’activité d’amour qu’il y déploie, des relations entre l’âme et Dieu qui en découlent, l’Écriture nous parle avec une précision et un charme qui nous en disent l’intimité: "Ne savez-vous pas, écrit saint Paul aux Corinthiens, que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous? La charité est diffusée en nos coeurs par l’Esprit Saint qui nous est donné 1"; saint Jean souligne une parole de Notre Seigneur dans le discours après la Cène: "Si quelqu’un m’aime, mon Père l’aimera, et nous viendrons en lui et nous y établirons notre demeure 2".
Dans la vision initiale du Château, cette présence de Dieu est localisée dans la partie la plus profonde de l’âme, "au centre du Château; c’est là qu’est la demeure, le palais où habite le Roi". Certes il n’est douteux pour personne que Dieu se trouve dans toutes les parties du composé humain. Cette localisation de la présence de Dieu serait-elle donc une pure fiction imaginaire créée pour justifier et illustrer le mouvement de l’âme vers Dieu?
1. 1 Corint., III, 16 et Rom., V, 5. La présence et l’oeuvre
sanctificatrice de Dieu dans l’âme, bien que communes aux trois Personnes, sont
attribuées spécialement par appropriation à l’Esprit Saint. L’Esprit Saint est en effet l’Amour au sein de la Trinité; le
don de Dieu fait à l’âme par amour. Les oeuvres de sanctification qui procèdent
de l’amour lui conviennent donc spécialement.
2.
Jean, XIV, 23. Une comparaison peut être établie entre la présence de la
Trinité sainte dans l’âme et la présence eucharistique dans le communiant:
Présence
Eucharistique. Jésus
humanité et divinité unies par l’union hypostatique dans la personne du
verbe. Présence
localisée par les accidents du pain et du vin. Disparaît
avec les accidents du pain et du vin. Donne
le Christ Jésus, Médiateur unique, répandant la vie divine en son immolation. En répandant
la grâce, permet de mieux saisir la Trinité sainte développe donc la présence
objective. |
Présence
de la Trinité Sainte. Trois Personnes divines. Pénètre
tout l’être et chaque partie. Permanente
comme la grâce. Donne
la vie, le mouvement, l’être et la grâce. Ne
peut être obtenue sans au moins le désir de recevoir le corps du Christ. Ne
répand la grâce que par la médiation du Christ. |
:
En nous
unissant au Christ Jésus, nous prenons notre place de fils dans la Trinité
sainte. Nous sommes au Christ et le Christ est à Dieu.
3. I°
Demeure, chapitre II, p. 825.31.
Nous avons le droit d’en douter car sainte Thérèse nous habitués à un symbolisme plus objectif.
Remarquons d’abord que cette localisation de la présence de Dieu traduit l’expérience spirituelle de sainte Thérèse et de la plupart des mystiques qui perçoivent l’action de Dieu la plus haute, et par conséquent sa présence dans la partie la plus profonde de l’âme, en des régions qui semblent la dépasser en intériorité et qu’elle n’atteint elle-même que par sa plus fine pointe,
Ainsi déjà dans l’oraison de quiétude sainte Thérèse déclare que:
"cette eau céleste se répand dans toutes les demeures du Château, ainsi
que dans toutes les puissances de l’âme et arrive enfin jusqu’au corps. (Cette
eau qui jaillit de la source même qui est Dieu)..., n’a pas son origine dans le
coeur; elle vient d’une partie plus intime, comme d’une profondeur je pense que
ce doit être du centre de l’âme, ainsi que je l’ai compris depuis et que je le
dirai à la fin 1."
Dans l’union mystique des cinquièmes Demeures, au témoignage de la Sainte, il plaît:
à Sa Majesté de nous introduire et de nous placer dans le centre de notre âme 2, où elle est unie d’une manière si étroite à l’essence de l’âme que le démon n’ose pas s'approcher et qu’il ne doit même pas connaître ce secret.., si profond que Dieu ne confie même pas à notre entendement 3."
Quand l’âme revient à elle-même, elle ne saurait avoir le moindre doute qu’elle n’ait été en Dieu, et que Dieu n’ait été en elle 4.
Vous verrez plus loin dans la dernière Demeure, ajoute la Sainte, comment Sa Majesté veut que l’âme goûte sa présence dans le centre d’elle-même beaucoup mieux qu’ici 5.
Cette expérience mystique si claire nous invite à une enquête. Nous découvrons ainsi que, loin de reposer sur une illusion, cette expérience illustre au contraire admirablement une vérité, à savoir que si Dieu agit dans tout notre être comme auteur de l’ordre naturel, il ne saurait déposer sa grâce que dans la partie la plus spirituelle de notre âme, seule capable de recevoir cette participation de la nature divine 6. C’est dans l’essence de l’âme, sur laquelle la grâce est insérée au titre de qualité entitative, dans les racines des facultés sur lesquelles sont greffées les vertus théologales, que Dieu se communique directement à l’âme et que se fait le contact avec Lui. C’est donc en ces régions profondes d’elle-même, au centre du Château, que l’âme expérimentera à juste titre la présence active du Dieu sanctificateur, et vers ces régions qu’elle se portera pour Le trouver et s'unir parfaitement à Lui.
1. IV°
Demeure, chapitre II, PP. 874-875.
2. V°
Demeure, chapitre I, p. 900.
3. Ibid., pp. 895-896.
4. Ibid., ch., p. 898.
5.
Ibid., p. 900.
6. La
grâce et les vertus infuses qui nous permettent de réaliser les opérations de
connaissance et d’amour de la vie trinitaire, sont greffées sur l’âme et les
facultés dont elles utiliseront l’activité. L’âme et les facultés ne peuvent
recevoir efficacement cette greffe divine que si elles possèdent déjà la
puissance naturelle de connaître st d’aimer.
Nous pouvons donc conclure que si Dieu est véritablement présent dans tout notre être, qu’il soutient comme l’âme de notre âme et la vie de notre vie, toutefois sa présence comme hôte et ami est très heureusement localisée dans les profondeurs de l’âme, parce que c’est en la partie spirituelle la plus haute de l’âme qu’il diffuse directement sa vie divine, et par son intermédiaire qu’il réalise dans tout l’être humain ses opérations spirituelles.
Vers ce Dieu signalé ou découvert dans les profondeurs vont se porter toutes les ardeurs qui le désirent. Pour le voir et le trouver, l’âme va s'orienter et marcher vers les profondeurs d’elle-même. La vie spirituelle sera par excellence une vie intérieure; la marche vers Dieu sera une intériorisation progressive jusqu’à la rencontre, l’étreinte, l’union dans l’obscur, en attendant la vision du ciel. En cette marche d’approche, chaque étape dans l’intériorisation sera une " Demeure ê qui marquera en fait un progrès dans l’union. Telle est la conception de la vie spirituelle que livre la vision du Château. Faisons la part de l’image et discernons la réalité et ses enseignements.
Dieu qui habite le palais des septièmes Demeures est Amour. Or l’Amour est toujours en mouvement pour se donner. Il ne saurait cesser de se répandre sans cesser d’être lui-même: bonum dit fus ivum sui. Essentiellement dynamique et dynamogène il entraîne dans le don de lui-même tout ce qui lui appartient et il aspire à conquérir pour donner davantage.
Dans les septièmes Demeures Dieu est un soleil qui envoie
constamment ses rayons, un toujours ardent, une fontaine toujours jaillissante.
Il est toujours en activité d’amour dans l’âme où il réside. Cette âme est le
champ de Dieu: agricullura Dei estis 1. Dieu s'en fait le laboureur, le vigneron: Pater
meus agricota est 2.
1.! Corint., III,
9.
2. Jean
XV, 1.
Artisan de notre sanctification, il la réalise par la diffusion de la grâce qu’il répand suivant nos mérites ou simplement pour satisfaire le besoin de sa miséricorde: Caritas Dei dit fusa est in eordibus nostnis per Spinitum sanctum qui dabs est nobis 1. Il aspire à régner sur nous et cette grâce est son instrument de conquête pacifique et de domination suave.
Cette grâce en effet répandue dans l’âme est de même nature que Dieu: vie, amour, bien diffusif de soi comme Lui, conquérante comme Lui. Deux différences cependant: l’amour en Dieu engendre et donne; la charité surnaturelle dans l’âme est engendrée et remonte vers sa source le premier est paternel, la seconde est filiale 2. De plus l’amour de Dieu est éternel et immuable. La grâce au contraire, bien que déjà unissante en son degré le plus infime telle qu’elle est reçue au baptême, ressemble à un germe si on considère les accroissements dont elle porte la puissance et la destinée. Le royaume de Dieu, nous dit Notre Seigneur, est semblable à un grain de sénevé, qui est la plus petite des graines et qui deviendra le plus grand des arbrisseaux 3; ou mieux encore pour ce qui concerne la grâce dans nos âmes: le royaume de Dieu est semblable au levain qu’une femme met dans trois mesures de farine et qui transforme toute la pâte 4."
1.
Rom., V, 5.
2. vous
n’avez pas reçu un esprit de servitude qui vous replonge dans la crainte; vous
avez reçu l’esprit des fils d’adoption, qui nous fait nous écrier Abba, Père Ce même esprit se joint au nôtre pour attester
que nous sommes les fils de Dieu... Nous sommes en possession des prémices de
l’Esprit, nous poussons des soupirs intérieurs dans l’attente de cette parfaite
filiation adoptive. " Rom., VIII, 15, 16 et 23.
3. Matth., XIII, 31-32.
4. Matth., XIII, 33.2:
Envahissante et filiale, la grâce va accomplir son oeuvre de transformation et de conquête.
Greffée sur la nature humaine, avec son organisme vivant de vertus infuses et de dons du Saint Esprit, la grâce épouse parfaitement les formes du complexe humain, en saisit toutes les puissances et toutes les activités. Envahissante, elle pénètre et domine progressivement les facultés humaines en les libérant de leurs tendances égoïstes et désordonnées. Filiale, elle les en traîne, après les avoir conquises, dans son mouvement vers ce Dieu intérieur, Père de lumière et de miséricorde, et les Lui offre désormais purifiées et fidèles, toutes soumises à ses lumières et à son action.
Il ne sera pas inutile de signaler dès maintenant qu’en cette action conquérante de la grâce, Dieu semble tout d’abord laisser beaucoup à l’initiative et à l’activité de l’âme. Il affirme plus tard sa maîtrise, parfois en révélant sa présence, se réserve l’initiative et impose à l’âme une activité de soumission et d’abandon jusqu’à ce que, transformée par la charité en vraie fille de Dieu, elle n’obéisse plus qu’aux motions de l’Esprit de Dieu qui vit en elle: Ii sunt filii Dei, qui... spiritu Dei aguntur 1."
Ainsi s'établit le règne de Dieu dans l’âme et s'opère l’union transformante par l’envahissement de la grâce qui progressivement conquiert, transforme et soumet au Dieu intérieur. En se libérant des exigences extérieures des sens et de ses tendances égoïstes, en obéissant à des lumières et des motions de plus en plus spirituelles et intérieures, l’âme s'intériorise elle-même jusqu'à appartenir complètement à Celui qui réside en la fine pointe d’elle-même. Telle est la vie spirituelle et son mouvement.
La marche, décrite par sainte Thérèse, de l’âme à travers les diverses Demeures, pour s'unir à Dieu dans les septièmes où il réside, est à peine un symbole, un symbole cependant, mais combien précis et riche d’enseignements.
1.
Rom., VIII, 14.
L’union divine, terme de la vie spirituelle, est différente suivant les âmes. Elle comporte des degrés en nombre quasi indéfini, depuis celle qui est réalisée chez l’enfant qui meurt immédiatement après son baptême, jusqu’à l’union ineffable de la Sainte Vierge au jour de son Assomption.
Sainte Thérèse aspire à une union très élevée et dont elle fixe les caractères. Nous l’étudierons plus complètement en son temps; dès maintenant nous devons nous y arrêter un instant pour connaître le but de l’activité spirituelle carmélitaine.
Des faveurs mystiques (vision intellectuelle de la Trinité sainte et
vision du Christ Jésus qui lui remit un clou, signe de son alliance) mirent en
relief chez sainte Thérèse ces sommets de la vie spirituelle qui consistent
essentiellement en une union complète de l’âme avec Dieu par une transformation
qui la fait semblable à Lui, d’où le nom d*" union transformante " ou
union par ressemblance d’amour: L’union dont il s'agit, écrit la Sainte,
petit être comparée à celle de deux cierges de cire qu sont si bien unis que
leur lumière nets est plus qu’une; ou bien à la mèche, à la lumière et à la
cire qui ne sont qu’un seul cierge. Néanmoins on pourrait très bien ensuite
séparer un cierge de l’autre, et ainsi il y aurait deux cierges; on pourrait
également séparer la mèche d la cire. 1:
Il me parut. dut-elle dans ses relations, que semblable à une éponge toute imprégnée et imbibée d’eau, nom âme était imprégnée de la Divinité, et que, (l’une certaine manière, elle jouissait vrai ment (le la présence des Trois Personnes et les possédait en elle. 2:
Cette union a son siège en la substance de l’âme, mais ne peut être perçue en elle-même. Seul le lumen gloriae, qui nous permettra de voir Dieu, nous découvrira la grâce qui est de même nature 3. Les facultés laisseront voir cette union par les dispositions et les actes qui en découleront.
La volonté, envahie par la charité, abdique ses propres vouloirs pour adopter, par amour, la volonté de Dieu, et cela avec une perfection et une souplesse suaves. Je ne veux que ce qu’il veut; c’est ce qu’il fait que j’aime!" disait sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. 4: "La perfection consiste à faire sa volonté 5".
L’âme en cet état est embrasée d’un tel désir que la volonté de Dieu s'accomplisse en elle, qu’elle trouve bon tout ce qu’il ordonne. S’il veut qu’elle souffre, elle est contente; s'il ne le veut pas, elle ne s'en tourmente plus comme elle le faisait 6."
Savez-vous quand on est vraiment spirituel? ajoute la Sainte. C’est quand on se fait l’esclave de Dieu, et que, à ce titre, non seulement on porte son empreinte qui est celle de la croix, niais qu’on lui remet sa liberté afin qu’il puisse nous vendre comme les esclaves de l’univers tout entier, ainsi qu’il l’a été Lui-même 7."
Le désir de glorifier Dieu complète cette soumission: Ces âmes
ont un tel désir de le servir (Dieu) et de le faire glorifier, d’être utiles si
elles le peuvent à quelque âme, que non seulement elles n’ont plus le désir de
mourir, mais qu’elles voudraient vivre de longues années encore au milieu des
plus terribles tourments, afin de procurer ne serait-ce qu’un tout petit peu de
gloire à Notre Seigneur 8,
L’intelligence est attirée vers le centre de l’âme par un foyer
lumineux, qui y brille à travers un voile d’obscurité: 1. VII° Bern.,
chapitre II, Ç 1036-1037.
2. XI Relat., juin 1371, PP. 540-511.
3.! Jean, III, 2.
4.
Conseils et Souvenirs.
5.
Lettre è Céline, 6 juillet 1893. Lettres de sainte Thérèse de l'Enfant Jésus,
Lisieux 1948, p. 222.
6. VII°
Demeure, chapitre mm, p. 1043.
7. VII°
Demeure, chapitre mv, p. 1054.
8.
Ibid., chapitre mm, p. 1044.
L’âme comprend clairement qu’il y a dans sort intérieur quel qu’un qui.., donne la vie à cette vie où elle est élevée; qu’il y a en outre lin soleil d’où procède cette éclatante lumière qui, de son intérieur, est envoyée à ses puissances 1.
Cette expérience quasi constante du Dieu intérieur peut prendre des
formes diverses. Sainte Thérèse la note comme une vision de la Trinité sainte,
plus ou moins claire suivant les moments 2. Pour saint Jean de la Croix, l’âme
sent toujours le Verbe Epoux comme se reposant en elle, et quand un de ces
réveils a lieu, il semble à l’âme que le Bien-Aimé,
qui était comme endormi dans son sein, sort de son sommeil 3.
Quant à sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, elle a une expérience constante de la miséricorde divine qui la pénètre et l’environne.
De ce foyer vient une lumière diffuse qui assure à l’intelligence une merveilleuse pénétration des profondeurs de Dieu et des hommes, et l’éclaire si bien en ses jugements qu’ils semblent portés sous une lumière d’éternité.
L’union transformante étend son influence sur les puissances
sensibles et rayonne jusque sur le corps: L’âme n’éprouve plus, ce semble,
les agitations qu’elle ressent d’ordinaire dans les puissances et
l’imagination; du moins elle n’en reçoit plus aucun préjudice, et sa paix n’en
est pas altérée.
Ce sont cependant des puissances volages et qui le restent, mais l’âme est établie fermement en son centre et ne saurait être troublée profondément par l’agitation naturelle des facultés.
Le corps lui-même est sanctifié par le rayonnement de la grâce et c’est à ce titre qu’il est honoré chez les saints et que Dieu lui-même parfois le glorifie dès ici-bas.
1. VII°
Demeure, chapitre n, p. 1038.
2.
ibid., chapitre 2, p. 1031.
3. Vive
flamme d'amour, str. iv, p. 1045.
4. Manuscrit
autobiographique, Saint Thérèse de Lisieux, A folio 84 r°. Ces expériences
qui semblent porter sur des Personnes divines différentes sont foncièrement les
mêmes. Saint Jean de la Croix, qui expérimente surtout la présence du Verbe
Époux, explicitant son expérience, signale l’action spéciale de chacune des
trois Personnes divines. De même sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, qui semble
n’expérimenter que l’action purifiante de l’Esprit d’amour, dévoilant les richesses
ardentes de sa grâce filiale, s'adresse à Jésus son Aigle divin, et lui demande
de l’emporter au sein de la Trinité, dans le foyer de l’amour (Manuscrit
autobiographique, B folio 5 v°).
Comme
sainte Thérèse donc, saint Jean de la Croix et sainte Thérèse de l’Enfant Jésus
découvrent en eux toute la Trinité sainte.
5. VII°
Demeure, chapitre II, pp. 1039-1040.
Cette transformation si complète satisfait les désirs de sainte Thérèse, ces désirs ardents qui s'expriment par "Je veux voir Dieu" et qui traduisaient la soif de toutes ses puissances de saisir Dieu et de s'unir à Lui parfaitement.
Si une grâce particulière ne lui eût point lait expérimenter le dynamisme de la grâce qui veut remonter vers Dieu, la raison et la foi eussent suffi pour lui faire estimer cette union réalisée à un degré si élevé.
Cette union en effet répond aux plus chers désirs de Dieu Lui-même. Dieu-Amour a besoin de se répandre et y trouve sa joie, et une joie à la mesure du don qu’il fait. La béatitude infinie de Dieu a sa source dans le don parfait de Lui-même qu’il fait en engendrant le Verbe et en produisant le Saint Esprit. Dans la création Dieu ne peut donner rien de plus parfait que la grâce, participation créée de sa nature. Il n’est donc pas de joie supérieure pour Dieu à celle qu’il trouve dans la diffusion de sa grâce.
Quelle ne sera donc pas la joie de Dieu lorsqu’il trouvera une âme qui Lui laisse toute liberté et en qui il peut se répandre selon toute la mesure qu’il désire! Les confidences faites par Notre Seigneur à certains saints nous laissent deviner cette joie de Dieu. " Il y aura plus de joie dans le Ciel pour un pécheur qui se convertit, que pour quatre-vingt-dix justes qui persévèrent 1 " car la conversion du pécheur donne à Dieu l’occasion de répandre une plus large mesure de grâce. Et quand une âme appelée à recevoir de grandes grâces trompe l’attente divine, le malheur est plus grand que la perte d’une Ioule d’âmes vulgaires 2.
C’est pour réaliser cette union de l’homme avec Dieu que le Verbe
s'est incarné. Avant la passion le Christ Jésus précise les intentions de son
sacrifice. Ces intentions sont l’union des Apôtres et de tous ceux qui croiront
à leur parole avec Lui et par Lui avec Je Père. La prière sacerdotale précise
la mesure, la qualité et l’extension de cette union Ut suit Unum sicut et nos...
Le but de l’Incarnation et de la Rédemption nous est dévoilé. Le sang qui va couler est le sang de la nouvelle alliance entre Dieu et le peuple de ceux qui ont été choisis, qui seront sanctifiés et consommés dans l’unité.
1. Luc,
XV, 7.
2.
Saint Jean de la Croix parle de ces petits riens qui arrêtent les onctions
délicates de l’Esprit Saint, et dit: 1...le dommage qui en résulte est plus
grand, plus douloureux et plus déplorable que si l’on jetait dans le trouble et
si l’on perdait une foule d’âmes vulgaires, qui ne Sont pas en état de recevoir
des émaux si riches et si variés. Figurez-vous qu’un tableau, qui est un
chef-d’oeuvre d’art et de délicatesse, soit retouché sans goût et sans art par
une main maladroite. Est-ce qu’il n’y aurait pas là un dommage plus grand, plus
important et plus fâcheux que si on abîmait et perdait une foule de peintures
vulgaires? (Vive flamme d'amour, str. III, p.
1002).
Cette unité, imposée par Dieu à l’homme comme sa fin surnaturelle, fait déjà ici-bas sa valeur. La puissance effective de l’âme dans le monde surnaturel est à la mesure de sa charité unissante. Sainte Thérèse parvenue au mariage spirituel obtient normalement de Dieu beaucoup plus par un soupir, que des âmes imparfaites par de longues prières.
Le bonheur du ciel est réglé lui aussi par cette union. Dans l’océan de la divinité chacun puise, dit saint Jean de la Croix, avec le vase qu’il y apporte. C’est le degré de charité unissante qui détermine la capacité de ce vase, et donc la puissance de la vision et la mesure de la jouissance béatifique.
C’est vers cette vision de Dieu, commencée ici-bas dans la foi vive et réalisée parfaitement dans le Ciel, que se portaient les aspirations de sainte Thérèse lorsqu’elle disait " Je veux voir Dieu". Ce désir de puiser en l’océan infini par une saisie aussi immédiate que possible, avec toutes les puissances de son être, et de s'unir ainsi parfaitement à Lui, a soulevé son âme, donné à sa spiritualité sa force et son dynamisme, sa direction et son but. Thérèse d’Avila appelle autour d’elle et entraîne les âmes qui ont soif de Dieu et qui acceptent de se livrer complètement à Lui pour être transformées par son amour et faire toute sa volonté. Cette primauté de Dieu, qui s'exprime par la recherche constante de l’union parfaite avec Lui, domine la spiritualité thérésienne et constitue un de ses caractères essentiels.