LE LIVRE DES CAUSES
LIBER DE CAUSIS
Anonyme néoplatonicien
© Copyright traduction et notes par le Professeur Jean
Ranchin, du CNAM, 2004
Première édition numérique http:
//docteurangelique. free. fr 2004
Les œuvres complètes de saint
Thomas d'Aquin
Présentation du Livre des Causes
Le texte en latin et en français du Livre des Causes
Notes sur la traduction et ses choix.
La version latine de ce petit traité
apparaît pour la première fois dans la liste des ouvrages traduits de l’arabe à
Tolède par Gérard de Crémone (1114-1187), sous le nom de «Liber Aristotelis
de expositione de bonitatis pure». Cette traduction et nombre d’autres ont
été faites à partir de 1150 à la demande de Raimond de Bourgogne (Raimondo de
Borgoña) archevêque de Tolède, notamment par Dominicus Gundisalvus (Domingo
González) et Abraham Ben Levi Ibn David dit Ibn Daoud ou Jean de
Séville ou Jean de Luna (1110-1180).
Dès son introduction, il a une grande
influence. Il est commenté par saint Albert le Grand, Roger Bacon, Siger de
Brabant, Gilles de Rome, le pseudo Henri de Gand, puis saint Thomas d'Aquin et
d'autres.
Il est au début attribué à Aristote aux motifs qu’Aristote est cité comme
auteur dans le titre du manuscrit et que ce traité paraît dans la droite
ligne de l’étude des causes premières exposées dans la Métaphysique : «Il
est donc manifeste que la science que nous avons à acquérir est celle des
causes premières (puisque nous disons que nous connaissons chaque chose,
seulement quand nous pensons connaître sa première cause.» Aristote,
Métaphysique, A, 3, 983a-983b. Plusieurs commentateurs séparent les têtes
de chapitre aristotéliciennes des commentaires attribués à un arabe. En 1268,
Guillaume de Moerbeke traduit en latin la Στοιχείωσις
Θεολογική ou Stoicheiosis
Theologike de Proclus le Diadoque (v. 410-485), chef de l'école
néoplatonicienne d'Athènes, sous le nom d’Elementatio theologica. Saint
Thomas d’Aquin dispose de cette traduction. Il reconnaît dans le prologue de
son Commentaire que le Liber de causis est constitué d’extraits de
Proclus. Il écrit « en particulier parce que tout ce qui est contenu dans ce
livre (de causis) est contenu de façon plus complète et plus élaborée dans
l'autre ». L'attribution passe alors à Proclus.
Ce traité est significatif de la volonté
néo-platonicienne de rationaliser la philosophie. Pour cela, il est présenté
more geometrico comme Proclus l'avait inauguré pour ses Éléments de théologie.
Ce mode d'exposition culminera beaucoup plus tard chez Spinoza dans une manière
axiomatique.
Le Liber de causis ne contient pas de
théorèmes mais des preuves ou des commentaires apportés à chaque proposition.
L’auteur veut convaincre et pour cela il utilise plus qu’abondamment des
locutions causales.
Une autre caractéristique du livre est
l'abondance des arguments tels que « non est... nisi... nisi, etc. »
significative de la manière apophatique.
Le Livre des Causes est constitué de 31 chapitres, 32 dans la majorité des
manuscrits latins qui font commencer le chapitre V dans le chapitre IV. Chaque
chapitre commence par une proposition, suivie d’un nombre variable d’arguments
ou preuves.
Le texte de la proposition est mis en évidence par une
graisse. Le dernier alinéa du chapitre résume le plus souvent la justification
pour en faire approuver la justesse.
Les textes entre [ ] sont des variantes.
Les textes entre {} dans la version française sont
purement explétifs.
<…> marque un membre de phrase probablement
absent.
Les sources et les choix de traduction sont consignés
en fin de document.
Nous avons adopté la présentation du texte latin de http://home.t-online.de/home/ravenn/causis.htm
mise en ligne par Hans Zimmermann, Görlitz 2001 qui met en évidence
l’articulation des phrases par césure, ne met pas de capitales en tête des
phrases et n’ajoute pas de signes de ponctuation autre que le point.
1 |
omnis causa primaria plus est influens super causatum suum
quam causa universalis secunda. |
Toute cause première a plus d'influence sur son effet qu'une cause
seconde universelle. |
2 |
cum ergo removet causa universalis secunda
virtutem suam a re causa universalis
prima non aufert virtutem suam ab ea. |
En conséquence,
dès lors qu’une cause seconde universelle retire sa puissance à une chose, la cause première
universelle ne lui ôte pas sa {propre} puissance. |
3 |
quod est quia causa universalis prima agit
in causatum causae secundae antequam agat in ipsum causa universalis
secunda quae sequitur ipsum. |
C'est ainsi parce que la cause première universelle
agit sur l’effet de la cause seconde avant qu’agisse sur elle la cause universelle
seconde qui la suit |
4 |
cum ergo agit causa secunda quae sequitur
causatum non excusat ipsius actio a causa prima
quae est supra ipsam. |
En conséquence, la cause seconde qui est suivie par
l’effet, agit, {mais} son action n’exclut pas de la cause première
qui est au-dessus d’elle. |
5 |
et quando separatur causa secunda a causato
quod sequitur ipsam non separatur ab eo prima quae est supra
ipsam quoniam est causa ei. |
Et quand la cause seconde est détachée de l'effet
qui la suit, la première qui est au-dessus d’elle n’est pas
séparée d’elle, parce qu'elle est sa cause. |
6 |
et nos quidem exemplificamus illud per
esse et vivum et hominem. |
Et nous, en plus, nous donnons de cela l’exemple de
l’être, du vivant et de l’homme. |
7 |
quod est quia oportet ut sit res esse in primis deinde vivum postea homo. |
C'est ainsi parce qu'il faut que la chose soit être en premier, ensuite vivant, enfin homme. |
8 |
vivum ergo est causa hominis propinqua. et esse causa eius longinqua. |
Le vivant est donc la cause proche de l’homme ;
et l’être sa cause lointaine. |
9 |
esse ergo vehementius est causa homini
quam vivum quoniam est causa vivo quod est causa
homini. |
Donc, l’être est plus fortement cause pour l’homme
que le vivant, parce qu’il est cause pour le vivant qui est cause
pour l’homme. |
10 |
et similiter quando ponis rationalitatem
causam homini quoniam est causa causae eius. |
Et de même, lorsqu'on pose la faculté de raisonner
{comme} cause de l’homme, l’être est plus fortement cause pour l’homme que la
faculté de raisonner parce qu’il est cause de sa cause. |
11 |
et illius quod dicimus significatio est quod quando tu removes virtutem
rationalem ab homine non remanet homo sed remanet vivum
spirans sensibile. non remanet vivum sed remanet esse quoniam esse non removetur ab eo sed removetur vivum; quoniam causa non
removetur per remotionem causati sui remanet ergo homo esse. cum ergo individuum non est homo, est
animal |
Et la preuve de ce que nous disons est que lorsque toi tu ôtes à l’homme la puissance du
raisonnement, il ne reste plus un homme mais il reste un vivant
animé, cela tombe sous le sens. Et lorsque tu lui ôtes la vie, il ne reste pas un vivant mais il reste un être, parce que l’être ne lui est pas retiré, mais la vie lui est retirée; parce que la cause
n’est pas supprimée par le retrait de son effet, l’homme reste donc un être. En conséquence, l’indivisible (forme neutre :
ce qui ne peut être séparé) n’est pas l’homme, c'est l’animé et, si ce n’est pas l’animé, c'est encore un être. |
12 |
iam igitur manifestum est et planum quod
causa prima longinqua est plus comprehendens et vehementius causa rei quam causa
propinqua. |
Par conséquent, dès maintenant il est montré et
évident que la cause première lointaine a plus prise et {est} plus fortement cause de la réalité que sa
cause proche. |
13 |
et propter illud fit eius operatio vehementioris
adhaerentiae cum re et hoc quidem non fit secundum hoc nisi quia res in primis non patitur nisi a virtute longinqua deinde patitur secundo a virtute quae est
sub prima. |
Et à cause de cela, il se fait que son œuvre est
plus fortement attachée à la chose que l’œuvre de la cause proche. Et il n’en est pas fait selon ceci si ce n’est parce qu’en premier la chose n’est
supportée que par une puissance lointaine; après, en second, elle est supportée par une
puissance qui est sous la première. |
14 |
et causa prima adiuvat secundam causam
super operationem suam quoniam omnem operationem quam causa
efficit secunda et prima etiam causa efficit verumtamen efficit eam per modum alium,
altiorem et sublimiorem. |
Et la cause première appuie la cause seconde en son
œuvre, parce que toute œuvre que la cause seconde
accomplit, et la première l’accomplit aussi; donc elle l’accomplit d’une manière autre, de plus
loin et de plus haut. |
15 |
et quando removetur causa secunda a causato
suo non removetur ab eo causa prima quoniam causa prima est maioris et
vehementioris adhaerentiae cum re quam causa propinqua. |
Et quand la cause seconde est retirée à son effet, la cause première n’en est pas retirée, parce que la cause première est plus grandement et
plus fortement attachée à la chose que la cause proche. |
16 |
et non figitur causatum causae secundae
nisi per virtutem causae primae. |
Et l’effet n’est fixé à la cause seconde que par la
puissance de la cause première. |
17 |
quod est quia causa secunda quando facit rem influit causa prima quae est supra eam super
illam rem de virtute sua
|
C'est ainsi parce que quand la cause seconde fait
une chose, la cause première, qui est au-dessus d’elle, pénètre
cette chose de sa puissance, c’est pourquoi elle y est attachée par une attache
plus forte et la conserve. |
18 |
iam ergo manifestum est et planum quod causa longinqua est vehementius
causa rei quam causa propinqua quae sequitur eam et quod ipsa influit virtutem suam super
eam et servat eam et non separatur ab ea separatione suae
causae propinquae immo remanet in ea et adhaeret ei
adhaerentia vehementi secundum quod ostendimus et exposuimus. |
Dès lors manifestement, il est montré et évident que la cause lointaine est plus fortement cause de
la chose que la cause proche qui la suit, et qu’elle la pénètre de sa puissance et la
conserve, et qu’elle n'en est pas séparée par la séparation de
sa cause proche, au contraire elle demeure en elle et lui est
attachée par une attache forte, comme nous l’avons fait voir et expliqué. |
19 |
omne esse superius aut est superius aeternitate et ante
ipsam aut est cum aeternitate aut est post aeternitatem sed supra
tempus. |
Tout être supérieur ou bien précède l’éternité et est avant elle, ou bien est avec l'éternité, ou bien est après l'éternité mais au-dessus du
temps. |
20 |
esse vero quod est ante aeternitatem est
causa prima quoniam est causa ei. |
En vérité l’être qui est avant l’éternité est la
cause première, parce qu’il est cause d’elle. |
21 |
sed esse quod est cum aeternitate est
intelligentia quoniam est esse secundum [secundum habitudinem unam, unde non
patitur neque destruitur.] |
Mais l’être qui est avec l’éternité est l’intelligence,
parce qu’il est un être second, [second en un état un, d’où vient qu’il ne subit pas
ni n'est destructible.] |
22 |
esse vero quod est post aeternitatem et
supra tempus est anima quoniam est in horizonte aeternitatis
inferius et supra tempus. |
En vérité, l’être qui est après l’éternité et
au-dessus du temps est l’âme, parce qu’elle est plus basse dans l’horizon de
l’éternité et au-dessus du temps. |
23 |
et significatio quod causa prima est ante
aeternitatem ipsam est quod esse in ipsa est acquisitum. |
Et la preuve que la cause première est avant
l’éternité même, c’est que l'être est acquis en elle. |
24 |
et dico quod omnis aeternitas est esse sed non omne esse est aeternitas. [ergo esse est plus commune quam
aeternitas.] et causa prima est supra aeternitatem quoniam aeternitas est causatum ipsius. |
Et je dis que toute éternité est être, tandis que tout être n’est pas éternité. [Donc l’être est plus commun que l’éternité.] Et la cause première est au-dessus de l’éternité, parce que l’éternité est son effet. |
25 |
et intelligentia [apponitur vel]
parificatur aeternitati quoniam extenditur cum ea et non alteratur neque destruitur. |
Et l’intelligence est [placée auprès de l'éternité
ou] faite égale à l’éternité, parce qu’elle a la même extension qu'elle; et elle n'est pas altérable ni destructible. |
26 |
et anima annexa est cum aeternitate
inferius quoniam est susceptibilior impressionis
quam intelligentia et est supra tempus, quoniam est causa
temporis. |
Et l’âme est attachée plus bas à l’éternité, parce qu’elle est plus portée à recevoir une
empreinte que l’intelligence, et elle est au-dessus du temps, parce qu’elle est
cause du temps. |
27 |
omnis anima nobilis tres habet operationes [nam ex operibus eius est] operatio animalis et operatio intellectibilis
et operatio divina. |
Toute âme noble a trois œuvres; [car dans ses œuvres il y a] l'œuvre animée et l'œuvre de l'intellect et l'œuvre
divine. |
28 |
operatio autem divina est quoniam ipsa parat naturam cum virtute
quae est in ipsa a causa prima. |
Je dis que son œuvre est divine parce qu’elle-même organise la nature avec la
puissance qui est en elle du fait de la cause première. |
29 |
eius autem operatio intellectibilis est quoniam ipsa scit res per virtutem
intelligentiae quae est in ipsa. |
Je dis que son œuvre est de l'intellect parce qu’elle-même connaît les choses par la
puissance de l’intelligence qui est en elle. |
30 |
operatio autem eius animalis est quoniam ipsa movet corpus primum et omnia
corpora naturalia quoniam ipsa est causa motus corporum et
causa operationes naturae. |
Je dis que son œuvre est animée parce qu’elle-même meut le corps premier et tous les
corps de la nature, parce qu'elle-même est cause du mouvement des corps
et cause des œuvres de la nature. |
31 |
et non efficit anima has operationes nisi quoniam ipsa est exemplum superioris
virtutis. |
Et l’âme n’accomplit ces œuvres que parce qu’elle-même est une copie de la puissance
supérieure. |
32 |
quod est quia causa prima creavit esse
animae mediante intelligentia, et propter illud facta est anima
efficiens operationem divinam. |
C'est ainsi parce que la cause première créa l’être
de l’âme par l’intermédiaire de l’intelligence, et à cause de cela l’âme est faite accomplissant
{telle qu’elle accomplit} une œuvre divine. |
33 |
postquam ergo creavit causa prima esse
animae, posuit eam sicut [stramentum]
intelligentiae in quod efficiat operationes suas. |
Après donc que la cause première créa {eut créé}
l’être de l’âme, elle l’a établie comme [litière] de l’intelligence
sur laquelle celle-ci enfante ses propres œuvres. |
34 |
propter illud ergo anima intellectibilis
efficit operationem intelligentiae [intellectibilem]. [et quia anima suscipit impressionem
intelligentiae] facta est inferioris operationis quam
ipsa in impressione sua in id quod est sub ipsa. |
À cause de cela donc, l’âme qui a l’intellect
accomplit une œuvre de l'intelligence [de l’intellect]. [Et parce que l’âme recueille la marque de
l’intelligence,] elle est faite d’une œuvre inférieure à elle {à
l'intelligence} dans l’empreinte qu’elle met sur ce qui est au-dessous d’elle. |
35 |
quod est quia ipsa non imprimit in res
nisi per motum propter hanc ergo
causam fit quod anima movet corpora de proprietate namque animae est ut
vivificet corpora quando influit
super ea virtutem suam et directe
producit ea ad operationem rectam. |
C'est ainsi parce qu'elle-même ne met une marque
dans les choses que par le mouvement, ainsi ce qui est sous son œuvre ne reçoit rien sinon
qu'elle-même le meut. Pour cette raison donc est faite la cause de ce que
l’âme meut les corps; c’est en effet de la propriété de l’âme que de
vivifier les corps quand elle applique sa puissance sur eux et directement les mène vers une œuvre juste. |
36 |
manifestum est igitur nunc quod anima habet
tres operationes quoniam habet virtutes tres scilicet virtutem divinam et virtutem
intelligentiae et virtutem eius essentiae
|
Par conséquent maintenant il est montré que l’âme a
trois œuvres parce qu’elle a trois puissances: évidemment la puissance divine et la puissance de
l'intelligence et la puissance de son essence, comme nous l’avons exposé et fait voir. |
37 |
prima rerum creatarum est esse et non est ante ipsum creatum aliud. |
La première des choses créées est l’être et il n'est pas d’autre créé avant lui. |
38 |
quod est quia esse est supra sensum et
supra animam et supra intelligentiam et non est post causam primam latius
neque plus causatum [neque prius creatum] ipso. |
C'est ainsi parce que l’être est au-dessus des sens
et au-dessus de l’âme et au-dessus de l’intelligence, et qu’il n’y a rien après la cause première de plus
complet ni qui par soi a plus d'effet [ni qui a été auparavant créé]. |
39 |
propter illud ergo factum est superius
creatis rebus omnibus et vehementius unitum. |
À cause de cela donc, il est fait supérieur à toutes
les choses créées et plus fortement un. |
40 |
et non est factum ita nisi propter suam
propinquitatem esse puro et uni vero in quo non est multitudo aliquo modorum. |
Et il n’est fait ainsi qu'à cause de sa proximité
avec l’Être pur et l’Un vrai en qui il n’y a aucune sorte de multiplicité. |
41 |
et esse creatum quamvis sit unum tamen
multiplicatur scilicet quia ipsum recipit
multiplicitatem. |
Et bien que l'être créé soit un, pourtant il est
multiplié, c'est évident parce que lui-même reçoit la
multiplicité. |
42 |
et ipsum quidem non est factum multa nisi
quia ipsum quamvis sit simplex et non sit in creatis
simplicius eo tamen est compositum ex finito et
infinito. |
Et lui-même assurément n’est fait multiple que parce
que lui-même, bien qu’il soit simple et que parmi les créés il ne
soit pas de plus simple que lui, il est pourtant composé de fini et d’infini. |
43 |
quod est quia omne quod ex eo sequitur
causam primam est achili [id est] intelligentia completa et ultima in potentia et
reliquis bonitatibus. |
C'est pour cela que tout ce qui suit la cause
première par lui, est achili [c’est-à-dire] intelligence, achevée et extrême en puissance et autres grâces. |
44 |
et formae intellectibile in ipso sunt
latiores et vehementius universales. et quod ex eo est inferius est
intelligentia iterum verumtamen est sub illa intelligentia in
complemento et virtute et bonitatibus. et non sunt formae intellectibiles in
illa ita dilatatae sicut est earum latitudo in illa
intelligentia. et esse quidem creatum primum est
intelligentia totum verumtamen intelligentia in ipso est
diversa per modum quem diximus. |
Et en lui les formes de l'intellect sont plus amples
et plus fortement universelles. Et ce qui, venant de lui, est plus bas, est encore intelligence, pourtant cette intelligence est inférieure en
achèvement et puissance et grâces. Et en elle {l’intelligence inférieure} les formes
intelligibles ne sont pas étendues autant qu'elles le sont dans la première
intelligence. Et véritablement, l'être premier créé est
entièrement intelligence, pourtant l’intelligence en lui est diverse selon la
manière que nous avons dite. |
45 |
et quia diversificatur intelligentia fit illic forma intellectibilis diversa. et sicut ex forma una, propterea quod
diversificatur in mundo inferiori proveniunt individua
infinita in multitudine similiter ex esse creato primo, propterea
quod diversificatur apparent formae intellectibiles infinite. |
Et parce que l’intelligence est diversifiée, en cela la forme de l'intellect est faite diverse. Et comme d’une forme une, du fait qu’elle est
diversifiée des individus infinis en nombre {en} proviennent
dans le monde inférieur, de même de l’être premier créé, du fait qu’il est
diversifié des formes de l'intellect surgissent à l'infini. |
46 |
verumtamen, quamvis diversificentur non
seiunguntur ab invicem |
Pourtant, quoiqu’elles soient diversifiées, elles ne
sont pas séparées les unes des autres, comme est la séparation des individus. |
47 |
quod est quoniam ipsae uniuntur absque
corruptione et separantur absque seiunctione quoniam sunt unum habens multitudinem et
multitudo in unitate. |
C'est ainsi puisque elles-mêmes sont unies sans
corruption et sont séparées sans désunion, parce qu’elles sont l’unité qui a la multiplicité et
la multiplicité dans l’unité. |
48 |
et intelligentiae primae influunt super
intelligentias secundas bonitates quas recipiunt a causa prima et intendunt bonitates in eis, usque quo
consequuntur ultimam earum. |
Et les intelligences premières répandent sur les
intelligences secondes les grâces qu’elles reçoivent de la cause première, et elles étendent les grâces en elles jusqu’à
atteindre la dernière. |
De nombreux manuscrits latins font commencer ici la proposition V ici, les
propositions suivantes sont inchangés au numéro près.
L’alinéa 49 devient alors tête de proposition. Nous
donnons les deux divisions, la numérotation latine est entre ().
49 |
intelligentiae superiores primae, quae
sequuntur causam primam imprimunt formas
secundas, stantes, quae non destruuntur ita ut sit
necessarium iterare eas vice alia. intelligentiae autem secundae imprimunt
formas declines separabiles sicut est anima. |
Les intelligences supérieures premières, qui
découlent de la cause première, marquent les formes secondes, subsistantes, qui ne
sont pas destructibles en sorte qu’ {car sinon} il serait nécessaire de les
faire à nouveau. Cependant, les intelligences secondes marquent des
formes diminuées séparables, comme est l’âme. |
50 |
ipsa namque est ex impressione
intelligentiae secundae quae sequitur esse creatum inferius. |
En effet, celle-ci provient de la marque de l'intelligence
seconde qui est suivie par l’être créé au-dessous. |
51 |
et non multiplicantur animae nisi per
modum quo multiplicantur intelligentiae.
sed quod ex eo est inferius est
infinitum. |
Et les âmes ne sont multipliées que par le mode dont
les intelligences sont multipliées. C'est ainsi parce que l’être de l’âme à son tour a
une limite, mais ce qui, venant de lui est inférieur, est sans
limite. |
52 |
igitur animae quae sequuntur alachili [id
est] intelligentiam sunt completae, perfectae, paucae
declinationis et separationi
sunt in complemento et declinatione sub
animabus superioribus. |
Donc les âmes qui accompagnent alachili
[c’est-à-dire] l’intelligence, sont achevées, parfaites, peu d’elles {sont}
enclines à la chute et à la séparation; et les âmes qui découlent de l’être inférieur sont, dans leur achèvement et leur inclination à la
chute, au-dessous des âmes supérieures. |
53 |
et animae superiores influunt bonitates quas recipiunt ab intelligentia, super
animas inferiores |
Et les âmes supérieures répandent les grâces qu’elles reçoivent de l’intelligence, sur les âmes
inférieures. |
54 |
et omnis anima recipiens ab intelligentia
virtutem plus est super impressionem fortior et quod impressum est ab ea est fixum
stans et est motus eius motus aequalis
continuus. et illa in qua ex ea est virtus
intelligentiae minus, est in impressione sub animabus primis et est quod ab ea impressum est debile,
evanescens, destructibile. |
Et toute âme recevant de l’intelligence une plus
grande puissance est plus forte dans son action d'insérer, et ce qui est inséré par elle est fixe, subsistant, et son mouvement est un mouvement uniforme, continu.
Et celle {l’âme} dans laquelle, venant d’elle {de
l’intelligence} il y a une moindre puissance d’intelligence, est au-dessous des âmes premières pour cette
insertion, et ce qui est inséré par elle est faible, évanescent
et destructible. |
55 |
verumtamen, quamvis sit ita tamen permanet per generationem. |
Pourtant, bien qu’il en soit ainsi, l’âme perdure néanmoins par reproduction. |
56 |
iam ergo ostensum est quare factae sunt
formae intelligibiles multae et non est esse nisi unum simplex et quare factae sunt multae animae quarum quaedam sunt fortiores alus
quibusdam et esse earum est unum simplex, in quo
non est diversitas. |
Dès lors manifestement, il est montré pourquoi les
formes intelligibles sont faites multiples, et qu'il n’y a d’être qu’un, simple, et pourquoi les âmes sont faites multiples, pourquoi certaines sont plus fortes que d’autres, et que leur être est un et simple, en qui il n'y a
pas de diversité. |
57 |
causa prima superior est narratione et non deficiunt linguae a narratione
eius nisi propter narrationem esse ipsius [ipsum] quoniam ipsa est supra omnem causam et non narratur nisi per causas secundas quae illuminantur a lumine causae primae. |
La cause première est supérieure à la description, et les langues manquent à la décrire, au moins la
description de son être, parce qu'elle-même est au-dessus de toute cause; et on ne peut la décrire que par les causes secondes
qui sont illuminées par la lumière de la cause
première. |
58 |
quod est quoniam causa prima non cessat
illuminare causatum suum et ipsa non illuminatur a lumine alio quoniam ipsa est lumen purum supra quod
non est lumen. |
C'est ainsi puisque la cause première ne cesse
d’illuminer son effet et qu’elle-même n’est pas illuminée par une autre
lumière, parce qu'elle est la lumière pure au-dessus de laquelle
il n’y a pas de lumière. |
59 |
ex illo ergo facta est prima sola cuius
deficit narratio et non est ita nisi quia supra ipsam non
est causa per quam cognoscatur. |
De cela vient donc le fait qu’on ne peut pas décrire
la première seule; et ce n’est ainsi que parce qu'au-dessus d’elle, il
n’y a pas de cause par laquelle elle est connue. |
60 |
et omnis quidem res non cognoscitur et
narratur nisi ex ipsa causa sua.
non scitur per causam primam neque
narratur quoniam est superior narratione, neque
consequitur eam loquela. |
Et toute chose en vérité, n’est connue et n'est dite
qu’à partir de sa propre cause. En conséquence, (si) une chose est seulement une
cause et n’est pas un effet, elle n’est pas connue par la cause première ni n’est
décrite parce qu’elle est supérieure à la description, et
qu'elle n'est pas atteignable par le langage. |
61 |
quod est quia narratio non fit nisi per
loquelam et loquela per intelligentiam et intelligentia per cogitationem, et
cogitatio per meditationem et meditatio per sensum. causa autem prima est supra res omnes quoniam est causa eis propter illud fit quod ipsa non cadit sub sensu et meditatione et cogitatione
et intelligentia et loquela non est ergo narrabilis. |
C'est ainsi parce que la description n'est faite que
par le langage et le langage par l’intelligence, et l’intelligence par la pensée, et la pensée par la
réflexion, et la réflexion par les sens. Pour sa part, la cause première est au-dessus de
toutes choses, parce qu’elle en est la cause; à cause de cela il se fait qu'elle ne tombe pas sous le sens et la réflexion et la pensée et
l’intelligence et la parole; elle n’est donc pas descriptible. |
62 |
et dico iterum quod res aut est sensibilis et cadit sub sensu aut est meditabilis et cadit sub
meditatione aut est fixa stans secundum dispositionem
unam et est intellectibilis aut est convertibilis, destructibilis,
cadens sub generatione et corruptione
et causa prima est supra res intelligibiles
sempiternas et supra res destructibiles
|
Et je dis encore qu’une chose ou bien est sensible et elle tombe sous les sens, ou bien est pensable et elle tombe sous la pensée, ou bien est fixe subsistante selon une disposition
une et elle est de l'intellect, ou bien est changeante, destructible, tombant sous
la génération et à la corruption et elle tombe sous la réflexion. Et la cause première est au-dessus des choses
intelligibles éternelles et au-dessus des choses destructibles, c'est pourquoi ne tombent sur elle ni les sens, ni
l’imagination, ni la raison, ni l’intelligence. |
63 |
et ipsa quidem non significatur nisi ex
causa secunda quae est intelligentia
quoniam quod est causati est causae
iterum verumtamen per modum sublimiorem et
meliorem et nobiliorem sicut ostendimus. |
Et enfin elle-même {la cause première} n’est révélée
qu’à partir de la cause seconde qui est l’intelligence et elle n’est nommée par le nom de son premier effet
que d’une manière plus élevée et plus parfaite, parce que ce qui appartient à l’effet appartient
également à la cause, donc d’une manière plus élevée et plus parfaite et
plus noble, comme nous l’avons fait voir. |
64 |
intelligentia est substantia quae non
dividitur. |
L’intelligence est une substance qui n’est pas
divisée. |
65 |
quod est quia si non est cum magnitudine
neque corpus neque movetur tunc procul dubio non dividitur. |
C'est ainsi parce que si elle n’a ni dimension ni
corps ni n'est mue, alors sans aucun doute, elle n’est pas divisée. |
66 |
et iterum omne divisibile non dividitur nisi aut in multitudinem aut in
magnitudinem aut in motum suum. |
Et encore, tout divisible ne peut être divisé qu’en multiplicité ou en dimension ou dans son
mouvement. |
67 |
cum ergo res est secundum hanc
dispositionem est sub tempore quoniam non recipit divisionem nisi in
tempore. et intelligentia quidem non est in
tempore immo est cum aeternitate quapropter facta est altior et superior
omni corpore et omni multitudine.
|
En conséquence, une chose {qui} relève de cet ordre,
est au-dessous du temps parce qu'elle ne subit la division que dans le
temps. Et il est certain que l’intelligence n’est pas dans
le temps, que dis-je, elle est avec l’éternité; c’est pourquoi elle est faite plus haute et plus
élevée que tout corps et toute multiplicité. Et si une multiplicité est trouvée en elle, elle n’y
est que comme une chose existant de façon une. En conséquence l’intelligence est selon ce mode, au
plus profond d'elle elle n’est pas soumise à la division. |
68 |
et significatio quidem illius est reditio
sui super essentiam suam scilicet quia non extenditur cum re
extensa ita ut sit una suarum extremitatum
secunda ab alia. |
Et assurément, la preuve de cela est son retour sur
son essence, il est évident qu’elle n'est pas étendue avec la
chose étendue car alors une de ses extrémités serait séparée de
l’autre. |
69 |
quod est quia quando vult scientiam rei
corporalis <…> non extenditur cum ea
quoniam est forma a qua non pertransit
aliquid. et corpora quidem non sunt ita. |
C'est ainsi parce que quand elle veut la
connaissance de la chose corporelle <…> elle n'est pas étendue avec
elle, mais elle-même reste fixe selon sa disposition, parce qu'elle est la forme d’où rien ne s’écoule. Et assurément, les corps ne sont pas ainsi. |
70 |
et significatio <…> quod
intelligentia non est corpus neque dividitur eius substantia et
operatio eius est quod utraeque sunt res una. et intelligentia quidem est multa propter
bonitates quae adveniunt ei a causa prima. et ipsa quamvis multiplicetur per hunc
modum tamen quia appropinquat uni fit unum et non dividitur. et intelligentia quidem non recipit
divisionem quoniam est primum creatum quod creatum
est a causa prima et unitas est dignior ea quam divisio. |
Et la preuve <…> que l’intelligence n’est pas
un corps et que ni sa substance ni son œuvre ne sont
divisées, c’est que l’une et l’autre sont chose une. Et assurément l’intelligence est multiple à cause
des grâces qui lui viennent de la cause première. Et bien qu’elle-même soit multipliée par ce mode, elle approche pourtant de l’Un, elle est faite une et n’est pas divisée. Et assurément l’intelligence ne subit pas la
division, parce qu’elle est le premier créé qui est créé par
la cause première, et que l’unité est plus digne d’elle que la
division. |
71 |
iam ergo verificatum est quod intelligentia substantia est quae non est cum magnitudine neque corpus neque movetur per
aliquem modorum motus corporei quapropter facta est supra tempus et cum
aeternitate sicut ostendimus. |
Dès lors manifestement, il est avéré que l’intelligence est une substance qui n’a pas de dimension, ni corps, ni n'est mue par un des modes du mouvement corporel c’est pourquoi elle est faite au-dessus du temps et
avec l’éternité, comme nous l’avons fait voir. |
72 |
omnis intelligentia scit quod est supra
se et quod est sub se verumtamen scit quod est sub se quoniam
est causa ei |
Toute intelligence connaît ce qui est au-dessus
d’elle et ce qui est en dessous d’elle donc elle connaît ce qui est au-dessous d’elle parce
qu’elle en est la cause, et elle connaît ce qui est au-dessus d’elle parce
qu’elle en acquiert des grâces. |
73 |
et intelligentia quidem est substantia
intellectibilis ergo secundum modum suae substantiae scit
res quas acquirit de super et res quibus est causa. |
Et assurément, l’intelligence est une substance de
l'intellect; donc, selon le mode de sa substance, elle connaît
les choses qu’elle reçoit d’en haut et les choses dont elle est cause. |
74 |
ergo ipsa discernit quod est supra eam et
quod est sub ea et scit quod illud quod est supra se est
causa ei et quod est sub ea est causatum ab ea et cognoscit causam suam et causatum suum
per modum qui est causa eius scilicet per
modum suae substantiae. |
Donc elle discerne ce qui est au-dessus d'elle et ce
qui est au-dessous d’elle, et elle sait que ce qui est au-dessus est sa cause et que ce qui est au-dessous est son effet et elle connaît sa cause et son effet par le mode
qui est sa cause, évidemment par le mode de sa substance. |
75 |
et similiter omnis sciens non scit rem
meliorem et rem inferiorem et deteriorem nisi secundum modum suae substantiae et
sui esse non secundum modum secundum quem res
sunt. |
Et de même, tout connaissant ne connaît une chose
plus parfaite et une chose inférieure et moins bonne que selon le mode de sa substance et de son être, { et } non selon le mode selon lequel ces choses
sont. |
76 |
et si hoc ita est tunc procul dubio bonitates quae
descendunt super intelligentiam a causa prima sunt in ea intellectibiles et similiter res corporae sensibiles sunt in intelligentia intellectibiles. |
Et s’il en est ainsi, alors sans aucun doute les grâces qui descendent de
la cause première sur l’intelligence sont intelligibles en elle et, de même, les choses corporelles sensibles sont intelligibles dans l'intelligence. |
77 |
quod est quoniam res quae sunt in
intelligentia non sunt impressiones ipsae
et significatio illius est quod intelligentia ipsa est causa rerum
quae sunt sub ea per hoc quod est intelligentia. si ergo intelligentia est causa rerum per
hoc quod est intel ligentia tunc procul dubio causae rerum in
intelligentia sunt intellectibiles etiam. |
C'est ainsi puisque les choses qui sont dans
l’intelligence ne sont pas les marques elles-mêmes, au contraire elles sont les causes des marques. Et la preuve de cela est que l’intelligence elle-même est cause des choses
qui sont sous elle, en ce qu’elle est l'intelligence. Si donc l’intelligence est cause des choses en ce
qu’elle est l'intelligence, alors sans aucun doute, dans l’intelligence les
causes des choses sont aussi de l'intellect. |
78 |
iam ergo manifestum est quod res supra
intelligentiam et sub ea
et similiter res corporeae cum
intelligentia sunt intellectibiles et res intellectibiles in intelligentia
sunt intellectibiles quoniam ipsa est causa causae earum et quoniam ipsa non apprehendit res nisi
per modum suae substantiae
|
Dès lors manifestement, il est montré que les choses
au-dessus de l’intelligence et au-dessous d’elle, sont par la puissance de l’intellect; et de même les choses corporelles avec intelligence
sont intelligibles et les choses intelligibles dans l’intelligence sont
intelligibles, parce qu’elle-même est cause de leurs causes ; et parce qu’elle-même ne comprend les choses que
selon le mode de sa substance et elle-même, parce qu’elle est intelligence,
comprend les choses par une compréhension de l'intellect, que ces choses soient de l'intellect ou corporelles. |
79 |
omnis intelligentiae fixio et essentia
est per bonitatem
puram quae est causa prima. |
L'immobilité et l’essence de toute intelligence
viennent du bien pur qui est la cause première. |
80 |
et virtus [quidem] intelligentiae est
vehementioris unitatis quam res secundae
quae sunt post eam, quoniam ipsae non
accipiunt cognitionem eius. et non est facta ita nisi quia causa est
ei quod est sub ea. |
Et [assurément] la puissance de l’intelligence a une
unité plus forte que les choses secondes qui sont après elle, parce qu'elles- mêmes ne reçoivent pas la
connaissance qu'elle a. Et il n'en est ainsi que parce qu’elle est cause de
ce qui est sous elle. |
81 |
et significatio eius est illud cuius nos
rememoramur intelligentia est regens omnes res quae
sunt sub ea per virtutem divinam
quoniam per eam est causa rerum et ipsa retinet omnes res quae sunt sub
ea et comprehendit eas. |
Et la preuve de ceci est que nous nous rappelons: l’intelligence est régente de toutes choses qui sont
sous elle par la puissance divine qui est en elle et par cette puissance elle
maintient ces choses, parce qu'elle est cause des choses par elle; et elle-même maintient toutes les choses qui sont
sous elle et elle les enveloppe. |
82 |
quod est quoniam omne quod est primum
rebus et causa eis, est retinens illas res et regens eas
et non evadit ab eo ex ipsis aliquid
propter virtutem suam altam. ergo intelligentia est princeps rerum
quae sunt sub ea et retinens eas et regens eas sicut natura
regit res quae sunt sub ea per virtutem intelligentiae. et similiter intelligentia regit naturam
per virtutem divinam. |
C'est ainsi puisque tout ce qui est premier pour les
choses et cause d'elles, est ce qui les maintient et les régit, et rien qui est d’elles ne lui échappe, à cause de
sa puissance élevée. Donc l’intelligence est au commencement des choses
qui sont sous elle, et c’est elle qui les maintient et les régit, comme la nature régit les choses qui sont sous elle
par la puissance de l’intelligence. Et de même, l’intelligence régit la nature par la
puissance divine. |
83 |
et intelligentia quidem non facta est
retinens res quae sunt post eam et regens eas et suspendens virtutem suam
super eas nisi quoniam ipsae non sunt virtus
substantialis ei [ immo] ipsa est virtus virtutum
substantialium quoniam est causa eis. |
Et assurément l’intelligence n’est ce qui maintient
les choses qui sont après elle et ce qui les régit et ce qui tient sa puissance
au-dessus d’elles que parce qu'elles-mêmes ne sont pas une puissance
indépendante d'elle, [bien plutôt] c’est elle qui est la puissance des
puissances substantielles, parce qu'elle est leur cause. |
84 |
et intelligentia quidem comprehendit
generata et naturam et horizontem naturae scilicet animam nam ipsa est supra naturam. |
Et assurément, l’intelligence enveloppe les
engendrés et la nature et l’horizon de la nature, évidemment l’âme car elle-même est au-dessus de la nature. |
85 |
quod est quia natura continet
generationem et anima continet naturam et intelligentia continet animam. |
C'est ainsi parce que la nature contient la
génération et l’âme contient la nature et l’intelligence contient l’âme. |
86 |
ergo intelligentia continet omnes res et non est facta intelligentia ita nisi
propter causam primam quae supereminet omnibus rebus quoniam est causa intelhigentiae et
animae et naturae et reliquis rebus. |
Donc l’intelligence contient toutes les choses; et l’intelligence n'est ainsi qu’à cause de la cause
première qui s’élève au-dessus de toutes choses, parce qu'elle est cause de l’intelligence et de
l’âme et de la nature et des autres choses. |
87 |
et causa quidem prima non est
intelligentia neque anima neque natura immo est supra intelligentiam et animam
et naturam quoniam est creans omnes res. verumtamen est creans intelligentiam
absque medio et creans animam et naturam et reliquas
res mediante intelligentia. |
Et assurément la cause première n’est pas
l’intelligence ni l’âme ni la nature, au contraire elle est au-dessus de l’intelligence et
de l’âme et de la nature, puisqu’elle est créatrice de toutes choses. Pourtant, elle est créatrice de l’intelligence sans
intermédiaire et {elle est} créatrice de l’âme et de la nature et
des autres choses par l’intermédiaire de l’intelligence. |
88 |
et scientia quidem divina non est sicut
scientia intellectibilis neque sicut scientia anima immo est supra scientiam intelligentiae
et scientiam animae quoniam est creans scientias. |
Et assurément, la connaissance divine n’est pas
comme la connaissance de l’intellect ni comme la connaissance de l’âme; au contraire elle est au-dessus de la connaissance
de l’intelligence et de la connaissance de l’âme, puisqu'elle est créatrice des connaissances. |
89 |
et quidem virtus divina est supra omnem
virtutem intellectibilem et animalem et naturalem quoniam est causa omni virtuti. |
Et assurément la puissance divine est au-dessus de
toute puissance de l’intellect et de l’animé et de la nature, puisqu’elle est cause de toute puissance. |
90 |
et intelligentia est habens yliathim quoniam est esse et forma et similiter
anima est habens yliathim. et natura est habens yliathim et causae quidem primae non est yliathim quoniam ipsa est esse tantum. |
Et l’intelligence possède l’yliathim {la forme} puisqu’elle est être et forme et de même l’âme
possède l’yliatim. Et la nature détient l’yliathim. Et assurément la cause première n’est pas yliathim puisqu’elle est seulement être. |
91 |
quod si dixerit aliquis necesse est ut
sit yliathim dicemus yliathim suum est infinitum et individuum suum est bonitas pura influens super intelligentiam omnes
bonitates et super reliquas res mediante intelligentia. |
Et si quelqu’un a dit qu'il est nécessaire qu’elle
soit yliathim, nous disons que son yliathim est l’infini et son individu est le bien pur répandant toutes ses grâces sur l’intelligence et
sur les autres choses par l’intermédiaire de l'intelligence. |
92 |
omnis intelligentia plena est formis verumtamen ex intelligentus sunt quae
continent formas minus universales et ex eis sunt quae continent formas plus
universales. |
Toute intelligence est pleine de formes; pourtant, parmi les intelligences il y en a qui
contiennent des formes moins universelles et parmi elles il y en a qui contiennent des formes
plus universelles. |
93 |
quod est quoniam formae quae sunt in
intelligentiis secundis inferioribus per modum particularem sunt in intelligentiis primis per modum
universalem et formae quae sunt in intelligentiis
primis per modum universalem sunt in intelligentiis secundis per modum
particularem. |
C'est ainsi puisque les formes qui sont dans les intelligences
secondes inférieures par un mode particulier, sont dans les intelligences premières par le mode universel;
et les formes qui sont dans les intelligences
premières par un mode universel sont dans les intelligences secondes par un mode
particulier. |
94 |
et in primis intelligentiis est virtus
magna quoniam sunt vehementioris unitatis quam
intelligentiae secundae inferiores
quoniam sunt minoris unitatis et pluris
multiplicitatis. |
Et il y a une grande puissance dans les
intelligences premières, puisqu'elles sont plus fortement unies que les
intelligences secondes inférieures; et il y a des puissances faibles dans les
intelligences secondes inférieures puisqu’elles sont moins unies et plus multipliées. |
95 |
quod est quia intelligentiae propinquae
uni puro vero sunt minoris quantitatis et majoris
virtutis et intelligentiae quae sunt longinquiores
ab uno puro vero sunt pluris quantitatis et debilioris virtutis. |
C'est ainsi puisque les intelligences proches de
l’Un pur vrai sont moindres en quantité et plus grandes en
puissance, et les intelligences qui sont plus éloignées de l’Un
pur et vrai sont en plus grand nombre et moindres en puissance. |
96 |
et quia intelligentiae propinquae uni
puro vero sunt minoris quantitatis
procedant processione universali unita. |
Et parce que les intelligences proches de l’Un pur
vrai sont moindres en quantité, de là vient que les formes qui procèdent des
intelligences premières, procèdent par procession une universelle. |
97 |
et nos quidem abbreviamus et dicimus qùod formae quae adveniunt ex
intelligentiis primis secundis sunt debilioris processionis et
vehementioris separationis. |
Et assurément, nous abrégeons et disons que les formes qui arrivent des intelligences
premières aux secondes {le} sont par une procession plus faible et une
séparation plus forte. |
98 |
quapropter fit quod intelligentiae
secundae proiciunt visus suos super universalem formam quae est in intelligentiis universalibus et dividunt eam et separant eam quoniam ipsae non
possunt recipere illas formas secundum veritatem et certitudinem earum nisi per modum
secundum quem possunt recipere eas [scilicet per separationem et
divisionem]. |
C’est pourquoi il résulte que les intelligences
secondes jettent leurs regards sur la forme universelle qui est dans les intelligences universelles, et la divisent et la séparent, puisque elles-mêmes ne peuvent recevoir ces formes
selon leur vérité et leur certitude que par le mode par lequel elles peuvent les
recevoir, [évidemment par séparation et division.] |
99 |
[et similiter aliqua ex rebus non recipit quod est supra eam nisi per modum secundum quem potest
recipere ipsum] non per modum secundum quem est res
recepta. |
[Et de même, quelqu'une de ces choses ne reçoit ce
qui est au-dessus d’elle que par le mode selon lequel elle peut le recevoir,]
non pas par le mode selon lequel est la chose reçue. |
100 |
omnis intelligentia intelligit res
sempiternas quae non destruuntur neque cadunt sub
tempore. |
Toute intelligence comprend les choses éternelles qui ne sont pas détruites ni ne tombent sous le
temps. |
101 |
quod est quoniam si intelligentia est
semper quae non movetur tunc ipsa est causa rebus sempiternis quae non destruuntur nec permutantur neque cadunt sub generatione et
corruptione. et intelligentia quidem non est ita nisi quia intelligit rem per esse suum et esse suum est sempiternum quod non
corrumpitur. |
C'est ainsi puisque si l’intelligence est
éternellement ce qui n’est pas mû, alors elle-même est cause pour les choses éternelles
qui ne sont pas détruites ni ne sont modifiées ni ne tombent dans la génération et la corruption. Et assurément l’intelligence n’est ainsi que parce qu’elle comprend la chose par son être, et son être est éternel, lui qui n'est pas
corruptible. |
102 |
cum ergo hoc sit ita dicimus quod res destructibiles <…> sunt ex
corporeitate scilicet ex causa corporea temporali non ex causa intellectibili aeterna. |
En conséquence ceci étant ainsi, nous disons que les choses destructibles <…> viennent de
la corporéité, évidemment d’une cause corporelle temporelle, non d’une cause éternelle de l'intellect. |
103 |
primorum omnium quaedam sunt in quibusdam
per modum quo licet ut sit unum eorum in
alio. |
Certains de tous les premiers sont dans
d'autres par un mode qui permet à l'un d'être en
un autre. |
104 |
quod est quia in esse sunt vita et
intelligentia et in vita sunt esse et intelligentia et in intelligentia sunt esse et vita. |
C'est ainsi parce que dans l’être sont
la vie et l’intelligence, et dans la vie sont l’être et
l’intelligence, et dans l’intelligence sont l’être et la
vie. |
105 |
verumtamen esse et vita in intelligentia
sunt duae al achili idest intelligentiae et esse et intelligentia in vita sunt
duae vitae et intelligentia et vita in esse sunt duo
esse. |
Pourtant, l’être et la vie dans
l’intelligence sont deux al achili c’est-à-dire des intelligences, et être et intelligence sont deux vies
dans la vie, et l’intelligence et la vie sont deux
êtres dans l’être. |
106 |
et illud [quidem] non est ita nisi quia
unumquodque primorum aut est causa aut causatum. causatum ergo in
causa est per modum causae et causa in
causato per modum causati. |
Et [assurément] ce n'est ainsi que parce
que chacun des premiers ou est cause ou {est} effet. Donc l’effet est dans la cause par le
mode de la cause, et la cause est dans l’effet par le mode
de l’effet. |
107 |
et nos [quidem] abbreviamus et dicimus quod res agens, vel quae est in ea per
modum causae non est in ea nisi per modum qui est
causa eius, sicut sensus in
anima per modum animalem et anima in
intelligentia per modum intellectibilem et intelligentia
in esse per modum essentialem et esse primum in
intelligentia per modum intellectibilem et intelligentia in anima per modum
animalem et anima in sensu per modum sensibilem. |
Et [assurément] nous abrégeons et disons
qu’une chose agissant, ou qui est en
elle par le mode de la cause, n'est en elle que par le mode qui est sa
cause, comme les sens dans l’âme par le mode
animé et l’âme dans l’intelligence par le mode
de l'intelligence et l’intelligence dans l’être par le
mode de l'essence, et l’être premier dans l’intelligence
par le mode de l'intellect, et l’intelligence dans l’âme par le mode
animé, et l’âme dans les sens par le mode
sensible. |
108 |
et redeamus et dicamus quod sensus in anima et intelligentia in
causa prima sunt per modos suos secundum quod ostendimus. |
Et nous reprenons et disons que les sens dans l’âme et
l’intelligence dans la cause première sont par leurs modes, comme nous l’avons fait voir. |
109 |
omnis intelligentia
intelligit essentiam suam. |
Toute intelligence comprend son essence. |
110 |
quod est quia intelligens et intellectum
sunt simul cum ergo est intelligentia intelligens et
intellectum tunc procul dubio videt essentiam suam. |
C'est ainsi parce que le comprenant et le compris
sont ensemble, en conséquence l’intelligence est le comprenant et
le compris, alors sans aucun doute elle voit son essence. |
111 |
et quando videt essentiam suam scit quod intelligit per intelligentiam
essentiam suam. |
Et, lorsqu’elle voit son essence, elle sait qu’elle comprend son essence par
l’intelligence. |
112 |
et quando scit essentiam suam scit reliquas res quae sunt sub ea quoniam sunt ex ea. |
Et lorsqu’elle connaît son essence, elle connaît les autres choses qui sont sous elle, parce qu’elles viennent d’elle. |
113 |
verumtamen in ea sunt per modum
intellectibilem. ergo intelligentia et res intellectae
sunt unum. |
Donc elles sont en elle selon le mode de
l'intellect. Donc l’intelligence et les choses connues sont un. |
114 |
quod est quia si res intellectae et intelligentia sunt unum et
intelligentia scit esse suum tunc procul dubio quando scit essentiam
suam, scit reliquas res et quando scit reliquas res, scit
essentiam suam et quando scit res tunc ipsa non scit eas nisi quia sunt
intellectae. ergo intelligentia scit essentiam suam et
scit res intellectas simul sicut ostendimus. |
C'est ainsi parce que, si les choses comprises et l’intelligence sont un, et {si} l’intelligence
connaît son être, alors, sans aucun doute, lorsqu'elle connaît son
essence, elle connaît les autres choses, et lorsqu’elle connaît les autres choses, elle
connaît son essence, et lorsqu’elle connaît les choses, alors elle-même ne les connaît que parce qu’elles
sont de l’intellect. Donc l’intelligence connaît son essence et elle
connaît les choses pensées ensemble, comme nous l’avons fait voir. |
115 |
in omni anima res sensibiles sunt per hoc quod est exemplum eis, et res
intellectibiles in ea sunt quia scit eas. |
Les choses sensibles sont dans toute âme par le fait
qu’elle en est le modèle, et les choses de
l'intellect sont en elle parce qu’elle les connaît. |
116 |
et non facta est ita nisi quia ipsa expansa est inter res
intellectibiles quae non moventur et inter res sensibiles
quae moventur. |
Et ce n’est fait ainsi que parce qu’elle-même est déployée parmi les choses de
l'intellect, qui ne sont pas mues, et parmi les choses sensibles
qui sont mues. |
117 |
et quia anima sic est fit quod imprimit res corporeas quapropter facta est causa corporum et facta est causata ex intelligentia
quae est ante eam.
|
Et parce que l'âme est ainsi, il se fait qu’elle marque les choses corporelles, c'est pourquoi elle est cause des corps et elle est causée par l’intelligence qui est
avant elle. |
118 |
res igitur quae imprimuntur ex anima sunt in anima per intentionem exempli scilicet quia res sensibiles
exemplificantur secundum exemplum animae
sunt in anima per modum acquisitum. |
Par conséquent les choses qui sont marquées par
l’âme sont dans l'âme par la tension {force} du modèle, évidemment parce que les choses sensibles sont
copiées d’après le modèle de l’âme ; et les choses qui tombent au-dessus de l’âme sont dans l’âme par le mode de l’acquisition. |
119 |
cum ergo hoc sit ita redeamus et dicamus quod res sensibiles omnes in anima sunt per modum causae praeter [propter] quod anima est causa
exemplaris. |
En conséquence ceci étant ainsi, nous reprenons et
disons que toutes les choses sensibles sont dans l’âme par
le mode de la cause, {et} de plus [à cause] que l’âme est cause de leur
modèle. |
120 |
et intelligo per animam virtutem agentem
res sensibiles. |
Et je comprends par âme la puissance agissante des
choses sensibles. |
121 |
verumtamen virtus efficiens in anima non est materialis et virtus corporea in anima est
spiritualis et virtus imprimens in rebus habentibus
dimensiones est sine dimensione. |
Pourtant la puissance efficiente dans l’âme n’est
pas matérielle, et la puissance corporelle dans l’âme est
spirituelle, et la puissance qui s’imprime dans les choses ayant
des dimensions est sans dimension. |
122 |
res autem intellectibiles in anima sunt
per modum accidentalem scilicet quia res intellectibiles quae
non dividuntur sunt in anima per modum divisibilem. ergo res intellectibiles unitae sunt in
anima per modum qui multiplicatur
|
Cependant les choses de l'intellect sont dans l’âme
par le mode de l'accident, évidemment parce que les choses de l'intellect qui
ne sont pas divisées sont dans l'âme par le mode de la division. Donc, les choses de l'intellect unes, sont dans
l’âme par le mode qui est la multiplicité; et les choses de l'intellect qui ne sont pas
mues, sont dans l’âme par le mode du mouvement. |
123 |
iam ergo ostensum est quod <…> res
intellectibiles et sensibiles sunt in anima
sunt in anima per modum animalem
spiritualem unitum et quod res intellectibiles unitae
quiescentes sunt in anima per modum qui multiplicatur
[secundum] motum <…>. |
Dès lors manifestement, il est montré que
<…> les choses de l'intellect et sensibles sont dans l’âme, donc les choses sensibles, corporelles, mues sont dans l'âme par le mode animé, spirituel, un, et que les choses de l'intellect, unes, en
repos, sont dans l'âme par le mode qui est la multiplicité,
[selon] le mouvement <…>. |
124 |
omnis sciens qui scit essentiam suam est rediens ad essentiam suam reditione
completa. |
Tout connaissant qui connaît son essence retourne vers son essence par un retour complet. |
125 |
quod est quia scientia non est nisi actio
intellectibilis. cum ergo scit sciens suam essentiam tunc redit per
operationem suam intellectibilem ad essentiam suam. |
C'est ainsi parce que la connaissance n’est que
l’action de l'intellect. En conséquence le connaissant connaît son essence, alors il retourne à son essence par son
œuvre de l'intellect. |
126 |
et hoc non est ita nisi quoniam sciens et
scitum sunt res una quoniam scientia scientis essentiam suam
est ex eo et ad eum
|
Et cela n'est ainsi que parce que le connaissant et
le connu sont chose une, parce que la connaissance du connaissant est son
essence {qui} vient de lui et va vers lui vient de lui parce qu'il est le connaissant et va
vers lui parce qu'il est le connu. |
127 |
quod est quia propterea quod scientia est
scientia scientis et sciens scit essentiam suam est eius operatio rediens ad essentiam
suam ergo substantia eius est rediens ad
essentiam ipsius iterum. |
C’est ainsi parce qu’en conséquence de ce que la
connaissance est la connaissance du connaissant, et {que} le connaissant connaît son essence, son œuvre est de retourner vers son essence, donc sa substance revient à nouveau constamment à
son essence. |
128 |
et non significo
per reditionem substantiae ad essentiam suam nisi quia est stans fixa per se non indigens in sui fixione et sui
essentia re alia rigente ipsam quoniam est substantia simplex sufficiens per seipsam. |
Et par le retour de la substance à son essence, je ne prouve {pas autre chose} qu'elle est elle-même
subsistante, fixe par elle-même, n’ayant pas besoin dans sa fixité et son essence
d’autres choses pour s’affermir, parce qu'elle est une substance simple, suffisante par elle-même. |
129 |
omnes virtutes quibus non est finis pendentes sunt per infinitum primum quod
est virtus virtutum non quia ipsa sit acquisita fixa, stans
in rebus entibus
|
Toutes les puissances auxquelles il n’y a pas de
limite, sont celles qui dépendent d’un infini premier qui
est la puissance des puissances, non parce qu'elle-même serait acquise, fixe,
subsistante dans des choses existantes, au contraire parce qu’elle est puissance pour les
choses existantes qui ont la fixité. |
130 |
quod si aliquis dicat quod ens primum
creatum scilicet intelligentia, est virtus etiam
cui non est finis dicemus quod non est ens creatum virtus immo est ei virtus quaedam. |
Et si quelqu’un dit que l’être premier créé, à savoir l’intelligence, est aussi une puissance en
laquelle il n’y a pas de limite, nous disons que l’être créé n’est pas puissance, mais a quelque puissance. |
131 |
et virtus quidem eius non est facta
infinita nisi inferius non superius quoniam ipsa non est virtus pura quae non est virtus, nisi quia est virtus et
est res quae non finitur inferius neque superius. ens autem primum creatum scilicet intelligentia habet finem et virtuti eius est finis secundum quem remanet causa eius. |
Et assurément, sa puissance n’est faite infinie
qu’inférieure, non supérieure ; parce qu'elle n’est pas la puissance pure qui n’est puissance que parce qu’elle est puissance,
et qui est une réalité qui n’est finie ni pour son inférieur ni pour son
supérieur. Et l’être premier créé, évidemment l’intelligence, a
sa limite et à sa puissance il y a une limite dans la mesure où sa cause perdure. |
132 |
ens autem primum creans est infinitum
primum purum. |
Or l’être premier créateur est infini premier pur. |
133 |
quod est quia si entibus fortibus non est
finis propter suam acquisitionem ab infinito
primo puro propter quod sunt entia infinita et si ens primum ipsum est quod ponit res
quibus non est finis tunc ipsum procul dubio est supra
infinitum. |
C'est ainsi parce que, s'il n'y a pas de limite aux
êtres forts à cause de son acquisition à partir de l’infini
premier pur, à cause de quoi ils sont des êtres infinis, et que si l’être premier lui-même est ce qui établit
les choses qui n’ont pas de limite, alors sans aucun doute il est au-dessus de l’infini. |
134 |
ens autem creatum primum scilicet
intelligentia non est non finitum immo dicitur quod est infinitum neque dicitur quod est ipsummet quod est
non finitum. |
Cependant l’être créé premier, évidemment
l’intelligence, n’est pas sans limite: au contraire on dit qu’il est infini, et on ne dit pas qu'il est en lui-même ce qui est
sans limite. |
135 |
ens ergo primum est mensura entium primorum intellectibilium et entium secundorum sensibilium scilicet quia ipsum est quod creavit
entia et mensuravit ea mensura convenienti omni
enti. |
Donc, l’être premier est la mesure des êtres
premiers intelligibles et des êtres seconds sensibles, évidemment parce que lui-même est celui qui créa les
êtres, et les mesura avec la mesure convenant à tout être. |
136 |
redeamus ergo et dicamus quod ens primum
creans est supra infinitum
et quod est inter ens primum creans et
ens secundum creatum est non finitum. |
Donc, nous reprenons et disons que l’être premier
créateur est au-dessus de l’infini, mais que l’être second créé est infini; et ce qui se trouve entre l’être premier créateur et
l’être second créé est sans limite. |
137 |
et reliquae bonitates simplices sicut vita et lumen et quae sunt eis
similia sunt causae rerum omnium habentium
bonitates scilicet quod infinitum est a causa prima
et causatum primum est causa omnis vitae et similiter reliquae bonitates
descendentes a causa prima super causatum primum in primis et est intelligentia deinde descendunt super reliqua causata
intellectibilia et corporea mediante intelligentia. |
Et toutes les autres grâces simples, comme la vie et la lumière et celles qui leurs sont
semblables, sont les causes de toutes les choses qui ont des
grâces ; évidemment parce que l’infini provient de la cause
première et {est} le premier causé pour toutes les vies et de même pour les autres grâces descendant de la
cause première d’abord sur le premier effet, et il est l’intelligence, ensuite elles descendent sur tous les autres
effets de l'intellect et corporels, par l’intermédiaire de l’intelligence. |
138 |
omnis virtus unita plus est infinita quam
virtus multiplicata. |
Toute puissance une est plus infinie qu’une
puissance multiple. |
139 |
quod est quia infinitum primum quod est
intelligentia est propinquum uni puro vero. Propter illud ergo factum est quod in
omni virtute propinqua Uni vero est infinitas plus quam in virtute
longinqua ab eo. |
C'est ainsi parce que l’infini premier qui est
l’intelligence, est proche de l’Un, pur vrai. Donc, à cause de cela il se fait que, dans toute
puissance proche de l’Un vrai, il y a plus d’infinité que dans une puissance
éloignée de lui. |
140 |
quod est quia virtus quando incipit multiplicari tunc
destruitur unitas eius et quando destruitur eius unitas
destruitur eius infinitas. et non destruitur infinitas eius nisi
quia dividitur. |
C'est ainsi parce qu'une puissance, lorsqu’elle commence à se multiplier, alors son
unité est détruite, et, lorsque son unité est détruite, alors son
infinité est détruite. Et son infinité n'est détruite que parce qu’elle se
divise. |
141 |
et illius quidem significatio est virtus
divisa et quod ipsa quanto magis aggregatur et
unitur magnificatur et vehementior fit et
efficit operationes mirabiles et quanto magis partitur et dividitur minoratur et debilitatur et efficit
operationes viles.
|
Et assurément, la preuve est la puissance divisée, et le fait que plus elle-même est assemblée et unie,
plus elle est grande et forte et plus elle fait et
accomplit des œuvres admirables; et plus elle se partage et se divise, [plus] elle est diminuée et affaiblie et accomplit
des œuvres basses. |
142 |
iam igitur manifestum est et planum quod virtus quanto plus approximat uni
puro vero fit vehementior eius unitas et quanto vehementior fit unitas est
infinitas in ea magis apparens et manifestior et sunt operationes eius operationes
magnae mirabiles et nobiles. |
Par conséquent, dès maintenant, il est montré et
évident qu'une puissance, plus elle est proche de l’Un pur
vrai, plus son unité est forte, et plus forte est faite son unité, plus visible et
plus manifeste est l’infinité en elle et ses œuvres sont des œuvres grandes, admirables et
nobles. |
143 |
res omnes habent entia propter
ens primum et res vivae omnes sunt motae
per essentiam suam propter vitam primam, et res intellectibiles omnes
habent scientiam propter intelligentiam primam. |
Toutes choses ont l’être à cause de l’être premier, et toutes les choses vivantes sont mues par son
essence à cause de la vie première, et toutes les choses de l'intellect ont la
connaissance à cause de l’intelligence première. |
144 |
quod est quia si omnis causa dat causato suo aliquid tunc procul dubio ens primum dat causatis
omnibus ens. |
C'est ainsi parce que, si toute cause donne quelque
chose à son effet, alors sans aucun doute, l’être premier donne l’être
à tous les effets. |
145 |
et similiter vita dat causatis suis motum
quia vita est processio procedens ex ente
primo quieto sempiterno
|
Et de même, la vie donne le mouvement à ses effets, parce que la vie est une procession procédant de
l’être premier en repos, éternel, et {qu’elle est} le premier mouvement. |
146 |
et similiter intelligentia dat causatis
suis scientiam. |
Et de même l’intelligence donne la connaissance à
ses effets. |
147 |
quod est quia omnis scientia vera non est
nisi intelligentia et intelligentia est primum sciens quod
est et est influens scientiam super reliqua
scientia. |
C'est ainsi parce que toute connaissance vraie n’est
qu'intelligence et l’intelligence est le premier connaissant qui
soit, et elle est ce qui répand constamment la
connaissance sur les autres connaissants. |
148 |
redeamus autem et dicamus quod ens primum
est quietum et est causa causarum et si ipsum dat omnibus rebus ens tunc ipsum dat eis per modum creationis. vita autem prima dat eis quae sunt sub ea
vitam non per modum creationis immo per modum
formae. et similiter intelligentia non dat eis quae sunt sub ea de scientia et reliquis
rebus nisi per modum formae. |
Et nous reprenons et nous disons que l’être premier
est en repos et est cause des causes, et, si lui-même donne l’être à toutes choses, alors il le leur donne par le mode de la création. Et la vie première donne la vie à ceux qui sont sous
elle, non par le mode de la création, mais par le mode des
formes. Et de même l’intelligence ne donne, à ceux qui sont sous elle, la connaissance et d'autres
choses que par le mode des formes. |
149 |
ex intelligentiis est quae est
intelligentia divina quoniam ipsa recipit ex bonitatibus
primis quae procedunt ex causa prima receptione
multa. et de eis est quae est intelligentia
tantum quoniam non recipit ex bonitatibus primis
nisi mediante intelligentia prima. et ex animabus est quae est anima
intellectibilis quoniam est pendens per intelligentiam et ex eis est quae est anima tantum. et ex corporibus naturalibus est cui est
anima regens ipsum et faciens directionem super ipsum; et de eis sunt quae sunt corpora
naturalia tantum quibus non est anima. |
Parmi les intelligences, il y a celle qui est
intelligence divine, parce qu’elle-même reçoit des grâces premières qui procèdent de la cause première, en réception
abondante. Et parmi elles, il y a celle qui est intelligence
seulement parce qu'elle ne reçoit des grâces premières que par
l’intermédiaire de l’intelligence première. Et parmi les âmes, il y a celle qui est
âme intelligible parce qu’elle dépend par l’intelligence; et parmi elles il y a celle qui est âme seulement. Et parmi les corps naturels, il y a celui dont l'âme
par dessus lui, est le régent et est le gouvernement; et parmi eux, il y a ceux qui sont seulement des
corps naturels qui n’ont pas d’âme. |
150 |
et hoc non fit ita nisi quoniam est ipsa
<…> neque intellectibilis tota neque animalis tota neque corporea tota non neque pendet per causam quae est supra
eam nisi quae est ex ea completa integra et quae pendet per causam quae est supra
eam. |
Et cela n’est fait ainsi que parce qu’elle-même
n’est <…> ni tout l'intellect, ni tout l’animé, ni tout le corporel, ni ce qui dépend par la cause qui est au-dessus
d’elle, mais qu’elle est ce qui à partir d’elle est complet,
achevé et qui dépend par la cause qui est au-dessus d’elle. |
151 |
scilicet quia non omnis intelligentia
pendet per bonitates esse causae primae
Ipsa enim potest recipere bonitates
descendentes ex causa prima
|
C’est évident parce que toute intelligence ne dépend
par grâces de l’être de la cause première que par celle d’entre elles qui est intelligence
complète dès l'origine, {et} entière. En effet, elle-même peut recevoir les grâces qui
proviennent de la cause première et en dépendre par elles, en sorte que son unité
soit forte. |
152 |
et similiter non omnis anima pendet per
intelligentiam nisi quae ex eis est completa integra et
vehementius simul cum intelligentia per hoc quod pendet per intelligentiam et est intelligentia completa. |
Et de même, toute âme ne dépend pas de
l’intelligence sinon celle d'entre elles qui est complète, entière
et plus fortement avec l’intelligence en ce qu’elle dépend de l’intelligence, et est intelligence complète. |
153 |
et similiter iterum non omne corpus
naturale habet animam nisi quod ex eis est completum integrum
quasi sit rationale. |
Et de même à nouveau tout corps naturel n’a pas une
âme sinon celui d'eux qui est complet, entier, comme
s’il avait la raison. |
154 |
et secundum hanc formam sunt reliqui
ordines intellectibiles. |
Et les autres ordres de l'intellect sont selon
cette forme.. |
155 |
causa prima regit res creatas omnes
praeter quod commisceatur cum eis. |
La cause première régit toutes les choses créées, en
outre elle n'est pas mélangée avec elles. |
156 |
quod est quia regimen non debilitat
unitatem eius exaltatam super omnem rem
neque prohibet eam essentia unitatis eius
seiuncta a rebus quin regat eas. |
C'est ainsi parce que l'action de gouverner
n’affaiblit pas son unité élevée au-dessus de toute chose ni ne la détruit et l’essence de son unité séparée des choses
n’empêche pas qu’elle les régit bien plus. |
157 |
quod est quia causa prima est fixa stans
cum unitate sua pura semper
et influit super eas virtutem vitae et
bonitates secundum modum virtutum earum [receptibilium] et possibilitatem earum. Prima enim bonitas influit bonitates
super res omnes influxione una; verumtamen unaquaeque rerum recipit ex
illa influxione secundum modum suae virtutis et sui esse. |
C'est ainsi parce que la cause première est fixe,
subsistant toujours avec son unité pure, et elle-même régit toutes les choses créées et elle répand sur elles la puissance de la vie et
les grâces selon le mode de leur puissance [de réception] et de leur capacité. En effet le bien premier répand ses grâces sur
toutes choses d’un flux unique; donc chaque chose reçoit ce flux d'elle selon le mode de sa puissance et de son être. |
158 |
et bonitas prima non influit bonitates
super res omnes nisi per modum unum
ita quod est bonitas et bonitas et ens
sunt res una. sicut ergo ens primum et bonitas sunt res
una fit quod ipsum influit bonitates super
res influxione communi una <…>.
quod est quia recipientia bonitates non
recipiunt aequaliter immo quaedam eorum recipiunt plus quam
quaedam hoc quidem est propter magnitudinem suae
largitatis. |
Et le bien premier ne répand ses grâces sur toutes
les choses que par un mode unique, parce qu'il n’est le bien que par son être et son
étant et sa puissance, ainsi qu'est le bien, et que le bien et l’étant sont
une seule chose. Comme donc l’étant premier et le bien sont une seule
chose, il se fait que lui-même répand ses grâces sur les
choses par un flux commun unique <…>. Et les grâces et les dons sont diversifiés par la
rencontre avec le recevant. C'est ainsi parce que ceux qui reçoivent les grâces
ne les reçoivent pas également, au contraire certains en reçoivent plus que
d’autres, {et} c'est à cause de la grandeur de ses libéralités
{du bien premier}. |
159 |
redeamus ergo et dicamus quod inter omne
agens quod agit per esse suum tantum et inter factum suum non est continuator
neque res alia media. et non est continuator inter agens et
factum nisi additio super esse
et non facit per esse suum et sunt
composita. quapropter recipiens recipit per
continuationem inter ipsum et factorem suum |
Nous reprenons donc et nous disons que, entre tout
agissant qui agit par son être seul et ce qu'il fait, il n’y a pas de moyen terme (1*)
ni autre chose intermédiaire entre eux. Et il n’y a de moyen terme entre l’agissant et son
action, qu’un ajout à l’être {un surcroît d'être}, c'est évident lorsque l’agissant et l'action sont
{liés} par un procédé et qu'il {l’agissant} ne fait pas par son être et
qu’ils sont composés. C’est pourquoi le recevant reçoit par un moyen terme
entre lui-même et celui qui le fait, et alors l’agissant est séparé de son action
<…>. |
160 |
agens vero inter quod et inter factum
suum non est continuator penitus
et regit factum suum per ultimum
regiminis. |
L’agissant vrai, qui n’a pas le moindre moyen terme
entre lui-même et ce qu’il fait, est ce qui agit vraiment et gouverne vraiment,
faisant les choses au comble de la vertu, après lui il n’est pas possible qu’il y soit quelque
autre vertu, et il régit son action par le gouvernement le plus
haut qui soit. |
161 |
quod est quia regit res per modum quem
agit et non agit nisi per ens suum
et agit per ultimum decoris et regimen in quo non est diversitas
neque tortuositas. et non diversificantur operationes et
regimen propter causas primas nisi secundum meritum recipientis. |
C'est ainsi parce qu'il régit les choses par le mode
qu'il {par lequel il} agit et qu’il n’agit que par son étant; donc son étant est également son gouvernement, c’est
pourquoi il se fait qu’il régit et agit par la vertu la plus haute qui soit et {par} un gouvernement dans lequel il n’y a ni
diversité ni détours. Et les œuvres et le gouvernement par les causes
premières ne sont diversifiées que selon le mérite de celui qui les reçoit. |
162 |
primum est dives per seipsum et non est
dives majus. |
Le premier est riche par soi-même et il n’est pas de
plus riche que lui. |
163 |
et significatio eius est unitas eius non quia unitas sit sparsa in ipso immo est unitas pura quoniam est simplex in fine
simplicitatis. |
Et la preuve de cela est son unité, non que l’unité soit éparse en lui-même, {mais} bien plutôt il est une unité pure, parce qu’il est simple d’une simplicité achevée. |
164 |
si autem aliquis vult scire quod causae
prima est dives proiciat mentem suam super res compositas
et inquirat de eis inquisitione
perscrutata. inveniet enim omne compositum diminutum indigens quidem aut alio aut rebus ex
quibus componitur. res autem simplex <… > una quae est
bonitas est una et unitas eius est bonitas et
<…> bonitas est res una. |
Et si quelqu’un veut comprendre que la cause
première est riche, qu’il projette son esprit sur les choses composées et qu’il s’enquière d’elles par une recherche
soigneuse. Il trouve{ra} en effet que tout composé est moindre,
pauvre puisqu’il est composé ou bien d'un autre ou
bien de choses de lui. Mais la chose une simple <…> qui est le bien,
est une et son unité est le bien, et <…> le bien est
chose une. |
165 |
illa ergo res est dives majus quae
influit et non fit influxio super ipsam per
aliquem modorum. reliquae autem res intellectibiles aut
corporeae sunt non divites per seipsas |
Elle est donc plus riche cette chose qui répand, et sur laquelle aucun flux ne se répand par un autre
des modes. Mais les autres choses, de l'intellect ou corporelles,
ne sont pas riches par elles-mêmes, bien plus, elles ont besoin que l’Un vrai répande
sur elles ses bontés et toutes ses grâces. |
166 |
causa prima est super omne nomen quo
nominatur. |
La cause première est au-dessus de tout nom par
lequel on la nomme. |
167 |
quoniam non pertinet ei diminutio neque
complementum solum; quoniam diminutum est non completum et non potest efficere operationem
completam quando est diminutum. et completum apud nos quamvis sit
sufficiens per seipsum tamen non potest creare aliquid aliud
neque influere a seipso aliquid omnino |
Parce que l'amoindrissement ne s'applique pas à elle
non plus que l’achèvement; parce que l’amoindri n’est pas achevé et il ne peut pas accomplir une œuvre achevée quand
il est amoindri. Et selon nous, ce qui est achevé, bien qu’il soit
suffisant par soi-même, ne peut cependant pas créer quelque autre chose ni
répandre quoi que ce soit de lui-même. (*2) |
168 |
si ergo hoc ita est apud nos tunc dicimus
quod primum non est diminutum neque
completum tantum immo est supra completum |
Si donc il en est ainsi selon nous, alors nous
disons que le premier n’est pas amoindri, ni même achevé, mais qu'il est au-dessus de l’achevé. |
169 |
quoniam est creans res et influens
bonitates super eas influxione completa
|
Parce qu’il est celui qui crée les choses et répand
les grâces sur elles en un flux achevé, parce qu'il est le bien en qui il n’y a ni limite ni
dimensions. |
170 |
bonitas ergo prima implet omnia saecula
bonitatibus verum tamen omne saeculum non recipit de illa bonitate nisi
secundum modum suae potentiae |
Donc le bien premier comble tous les siècles de
grâces; mais pourtant toute la durée ne reçoit de cette bonté que selon le mode
de son pouvoir. |
171 |
iam ergo ostensum est et manifestum quod causa prima est super omne nomen quo
nominatur et superior eo et altior. |
Dès lors manifestement, il est évident et montré que la cause première est au-dessus de tout nom
qu'on la nomme et supérieure à lui et plus élevée. |
172 |
omnis intelligentia divina scit res per
hoc quod ipsa est intelligentia et regit eas per hoc quod est divina. |
Toute intelligence divine connaît les choses en ce
qu’elle-même est intelligence, et elle les gouverne en ce qu’elle est divine. |
173 |
quod est quia proprietas intelligentiae
est scientia et non est eius complementum et
integritas nisi ut sit sciens. regens ergo est deus benedictus et
sublimis quoniam ipse replet res bonitatibus. et intelligentia est primum creatum et
est plus similis deo sublimi et propter illud regit res quae sub ea
sunt et sicut deus benedictus et excelsus
influit bonitatem super res similiter intelligentia influit scientiam
super res quaea sunt sub ea. |
C'est ainsi parce que la propriété de l’intelligence
est la connaissance, et il n'est pour elle d'autre achèvement et de
totalité que d’être connaissant. Donc Dieu, béni et grand, est celui qui régit, parce qu’il emplit lui-même les choses de grâces. Et l’intelligence est le premier créé et est le plus
semblable à Dieu grand, et à cause de cela elle régit les choses qui sont
sous elle. Et comme Dieu, béni et très-haut, répand la bonté
sur les choses, de même l’intelligence répand la connaissance sur
les choses qui sont sous elle. |
174 |
verumtamen quamvis intelligentia regat
res quae sunt sub ea tamen deus benedictus et sublimis
praecedit intelligentiam per regimen et regit res regimine sublimioris et
altioris ordinis quam sit regimen intelligentiae
|
Donc, bien que l’intelligence régisse les choses qui
sont sous elle, pourtant Dieu, béni et grand, précède l’intelligence
par son gouvernement, et régit les choses selon un gouvernement d’un ordre
plus élevé et plus haut que le fait le gouvernement de l’intelligence, parce qu’Il est ce qui donne le gouvernement à
l’intelligence. |
175 |
et significatio illius est quod res quae recipiunt regimen intelligentiae
recipiunt regimen creatoris intelligentiae
quod est quia non est quod omnis res
desiderat intelligentiam nec desiderat recipere eam et res omnes desiderant bonitatem ex
primo et desiderant recipere ipsam desiderio
multo. [et] in illo non est aliquis qui dubitet. |
Et la preuve de cela est que les choses qui reçoivent le gouvernement de l’intelligence,
reçoivent le gouvernement du créateur de l’intelligence, c'est ainsi parce qu'aucune de toutes les choses
n’échappe à Son gouvernement, parce qu’Il veut faire que [ensemble] toutes choses
reçoivent sa bonté. C’est ainsi parce qu'il n’est pas de chose qui ne
désire l’intelligence ni désire la recevoir, et toutes choses désirent la bonté venant du premier
et désirent la recevoir avec un grand désir. [Et] De cela il n’est personne qui doute. |
176 |
causa prima existit in rebus omnibus
secundum dispositionem unam sed res omnes non existunt in prima
secundum dispositionem unam. |
La cause première existe dans toutes les choses
selon une disposition une, mais toutes les choses n’existent pas dans la
{cause} première selon une disposition une. |
177 |
quod est quia quamvis causa prima existat
in rebus omnibus tamen unaquaeque rerum recipit eam
secundum modum suae potentiae. |
C'est ainsi parce que, bien que la cause première
existe dans toutes les choses, pourtant chacune la reçoit selon le mode de son
pouvoir. |
178 |
quod est quia ex rebus sunt quae
recipiunt causam primam receptione unita et ex eis sunt quae recipiunt eam
receptione multiplicata et ex eis sunt quae recipiunt eam
receptione aeterna et ex eis sunt quae recipiunt eam
receptione temporali et ex eis sunt quae recipiunt eam
receptione spirituali et ex eis sunt quae recipiunt eam
receptione corporali. |
C'est ainsi parce que, parmi les choses, il en est
qui reçoivent la cause première par une réception unitaire, et parmi elles, il en est qui la reçoivent par une
réception multiple, et parmi elles, il en est qui la reçoivent par une
réception éternelle, et parmi elles, il en est qui la reçoivent par une
réception temporelle, et parmi elles, il en est qui la reçoivent par une
réception spirituelle, et parmi elles, il en est qui la reçoivent par une
réception corporelle. |
179 |
et diversitas quidem receptionis non fit
ex causa prima sed propter recipiens.
propter illud ergo susceptum etiam
diversificatur. influens vero existens unum non diversum influit super omnes res bonitates
aequaliter; bonitas namque influit super omnes res ex
causa prima aequaliter. res igitur sunt causa diversitatis
influxionis bonitatis super res. procul dubio igitur non inveniuntur res
omnes in prima per modum unum.
iam autem ostensum est quod causa prima invenitur in omnibus rebus per modum unum et non inveniuntur in ea omnes res per
modum unum. |
Et assurément la diversité de la réception n'est pas
le fait de la cause première mais à cause du recevant. C'est ainsi parce que le recueillant est diversifié,
à cause de cela donc ce qui est recueilli est
diversifié. En vérité ce qui influe étant un et non diversifié, répand ces grâces également sur toutes choses; en effet les grâces pénètrent en toutes choses
également à partir de la cause première. Par conséquent, les choses sont la cause de la
diversité de la pénétration des grâces dans les choses. Par conséquent sans aucun doute, toutes les choses
ne sont pas obtenues de la {cause} première par un mode unique. Dès maintenant cependant, il est montré que la cause
première se trouve dans toutes choses par un mode un et que toutes les choses ne sont pas trouvées en
elle sur un mode unique. |
180 |
ergo secundum propinquitatis causae
primae et secundum modum quo res potest recipere
causam primam secundum quantitatem illius potest
recipere ex ea et delectari per eam. quod est quia non recipit res ex causa
prima et delectatur in ea nisi per modum esse
sui. et non intelligo per esse nisi esse et
cognitionem nam secundum modum quo cognoscit res
causam primam creantem secundum quantitatem illam recipit ex ea
et delectatur in ea sicut ostendimus. |
Donc, {c'est} selon la proximité de la cause
première et selon le mode par lequel la chose peut recevoir
la cause première, {qu'alors} selon sa quantité elle {la chose} peut
recevoir d'elle {de la cause première} et être attirée par elle,. C'est ainsi parce que la réalité ne reçoit de la
cause première et n'est attirée en elle, que par son mode d'être. Et je n’entends par être que l’être et la
connaissance, car c’est selon un mode que la chose connaît la
cause première créatrice, selon la quantité qu'elle reçoit d'elle et est
attirée en elle, comme nous l’avons fait voir. |
181 |
[substantiae unitae intellectibiles non
sunt generatae ex re alia. ] omnis substantia stans per essentiam suam
est non generata ex re alia. |
[Les substances unies de l’intellect ne sont pas
engendrées par une autre chose. ] Toute substance subsistant par son essence n’est pas
engendrée par autre chose. |
182 |
quod si aliquis dicat possibile est ut sit generata ex re alia dicemus si possibile est ut substantia stans per
essentiam suam sit generata ex re alia procul dubio est substantia illa diminuta
indigens ut compleat eam illud ex quo
generatur. |
Et si quelqu’un dit: « il est possible qu’elle soit engendrée par une
autre chose », nous disons: s’il est possible qu’une substance subsistant par
son essence soit engendrée par autre chose, sans aucun doute cette substance est moindre, pauvre, en sorte que ce qui l’engendre doit
l’achever. |
183 |
et significatio illius est generatio
ipsa. |
Et la preuve de cela est la génération elle-même. |
184 |
quod est quia generatio non est nisi via
ex diminutione ad complementum. nam si invenitur res non indigens in
generatione sui scilicet in sua forma et sua formatione re alia nisi se et est ipsa causa formationis suae et sui
complementi est completa integra semper. |
C'est ainsi parce que la génération n’est que le
passage d’un état moindre à l'achèvement. Car, si une chose est obtenue de façon qui n’est pas
pauvre dans sa génération, évidemment dans sa forme et sa formation, et {que} rien d'autre, sauf elle-même, n'est cause de sa formation et de son
accomplissement, elle est accomplie, entière, toujours. |
185 |
et non fit causa formationis suae et sui
complementi nisi propter
relationem suam ad causam suam semper. illa ergo comparatio est formatio eius et
ipsius complementum simul. |
Et elle n’est cause de sa formation et de son accomplissement
qu’à cause de sa relation à sa cause, toujours. Donc, ce rapport est en même temps sa formation et
son accomplissement. |
186 |
iam ergo manifestum est quod omnis substantia stans per essentiam
suam non est generata ex re alia. |
Dès lors manifestement, il est montré que toute substance subsistante par son essence
n’est pas engendrée par une autre chose. |
187 |
omnis substantia stans per seipsam est
non cadens sub corruptione. |
Toute substance subsistant par elle-même ne peut pas
tomber dans la corruption. |
188 |
si autem aliquis dicat possibile est ut substantia stans per
seipsam cadat sub corruptione
si possibile est ut substantia stans per
seipsam cadat sub corruptione
stans per essentiam suam sine essentia
sua. et hoc est inconveniens et impossibile quoniam propterea quod est una simplex
non composita est ipsa causa et causatum simul. omnis autem cadentis sub corruptione non
fit corruptio nisi propter separationem suam a causa
sua dum vero permanet res pendens per causam
suam retinentem eam et servantem eam non perit neque destruitur. si ergo hoc ita est substantiae stantis per essentiam suam
non separatur causa semper quoniam est inseparabilis ab essentia sua
propterea quod causa eius est ipsa in
formatione sui. |
Si quelqu’un dit : « il est possible qu’une substance subsistant par
elle-même tombe dans la corruption », nous disons : s’il est possible qu’une substance subsistant par
elle-même tombe dans la corruption, il est possible que son essence soit séparée d'elle
et qu’elle soit fixe, subsistante par son essence, sans son essence. Et cela est incongru et impossible, parce que, en conséquence de ce qu'elle est une,
simple non composée, elle est en même temps sa propre cause et {son}
effet. Or, toute chose tombant dans la corruption n’est
faite corruption qu'à cause de sa séparation d'avec sa cause; en vérité, une chose dépendant de sa cause, qui la
maintient et la conserve, perdure, elle ne périt pas ni n’est détruite. Donc, s'il en est ainsi, la cause n'est jamais séparée de la substance
subsistant par son essence, parce qu’elle est inséparable de son essence, en conséquence de quoi sa cause est elle-même dans
sa formation. |
189 |
et non fit causa suiipsius nisi propter
relationem suam ad causam suam et illa relatio est formatio eius. et propterea quia est semper relata ad
causam suam et ipsa est causa illius relationis est ipsa causa suiipsius per modum quem
diximus quod non perit neque etiam destruitur quoniam est causa et causatum simul sicut ostendimus nuper. |
Et elle n'est faite cause de soi même qu’à cause de
sa relation à sa cause; et cette relation est sa formation. Et en conséquence, parce qu'elle est toujours reliée
à sa cause et est elle-même cause de la relation à sa cause, elle est elle-même cause de soi-même par le mode que
nous avons dit, à savoir qu'elle ne périt pas ni non plus n'est
détruite, parce qu’elle est en même temps cause et effet, comme nous l’avons fait voir peu avant. |
190 |
iam ergo verificatum est quod omnis substantia stans per seipsam
non destruitur neque corrumpitur. |
Dès lors manifestement, il est avéré que toute substance subsistant par elle même n'est
pas détruite et n'est pas corrompue. |
191 |
omnis substantia destructibilis non
sempiterna aut est composita aut est delata super
rem aliam. |
Toute substance destructible et non éternelle soit est composée soit est portée par autre chose. |
192 |
propterea quod substantia aut est indigens rebus ex quibus est et
est composita ex eis aut est indigens in fixione sua et sua
essentia deferente. cum ergo separatur deferens eam
corrumpitur et destruitur. |
Et en conséquence une substance, soit a besoin des choses à partir desquelles elle
est et elle est composée d’elles, soit manque de stabilité et d’apport d’essence. En conséquence, une fois séparée de ce qui lui
apportait {cela}, elle se corrompt et se détruit. |
193 |
quod si substantia non est composita
neque delata est simplex et semper non destruitur
neque minuitur omnino |
Et si une substance n’est pas composée ni anéantie, elle est simple et jamais elle n’est détruite ni
tout à fait anéantie. |
194 |
omnis substantia stans per essentiam suam
est simplex non dividitur. |
Toute substance subsistant par son essence est
simple, elle n’est pas divisée. |
195 |
quod si dixerit aliquis possibile est ut dividatur dicemus si possibile est ut substantia stans per
se dividatur et est ipsa simplex possibile est ut essentia partis eius sit
per essentiam eius iterum sicut essentia totius. si ergo possibile est illud redit pars
super seipsam et est omnis pars eius rediens super
seipsam sicut est reditio totius super essentiam
suam et hoc est impossibile. si ergo est impossibile substantia stans per seipsam est
indivisibilis et est simplex. |
Et si quelqu’un dit: « il est possible qu’elle soit divisée », nous disons: s’il est possible qu’une substance subsistant par
soi se divise et soit simple par elle-même, {alors} il est possible que l’essence d’une partie
d’elle subsiste par son essence, comme essence du tout. Si donc cela est possible, cette partie fait retour
sur elle-même, et toute partie d’elle fait retour sur elle-même, tout comme il y a retour du tout sur son essence; et cela est impossible. Si donc cela est impossible, une substance subsistant par elle-même est
indivisible et est simple. |
196 |
si autem non est simplex sed est
composita pars eius est melior parte et pars eius
vilior parte ergo res melior est ex re viliori et res
vilior ex re meliori quando est omnis pars eius seiuncta ab
omne parte eius. |
Si cependant elle n’est pas simple mais est
composée, une partie d’elle est une partie meilleure et une
partie d’elle est pire, donc la chose meilleure vient du pire et le pire du
meilleur, lorsque toute partie est séparée de toute autre
partie d’elle. |
197 |
quare est universitas eius non sufficiens
per seipsam cum indigeat partibus suis ex quibus
componitur. et hoc quidem non est de natura rei simplicis
immo de natura substantiarum
compositarum. |
C’est pourquoi son tout n'est pas suffisant par
lui-même, du moment qu’il a besoin de ses parties dont il est
composé. Et cela assurément ne relève pas de la nature de la
chose simple, mais de la nature des substances composées. |
198 |
iam ergo constat quod omnis substantia stans per essentiam
suam est simplex non dividitur et quando non recipit divisionem et est
simplex non est recipiens corruptionem neque
destructionem. |
Dès lors manifestement il est certain que toute substance subsistant par son essence est simple, elle n’est pas divisée; et quand elle ne reçoit pas la division et qu’elle
est simple, elle n’est pas celle qui reçoit la corruption ni la
destruction. |
199 |
omnis substantia [simplex est] stans per
seipsam scilicet per essentiam suam. |
Toute substance [simple est] subsistante par
elle-même, évidemment par son essence. |
200 |
[nam ipsa] est creata sine tempore et est in substantialitate sua superior
substantiis temporalibus. |
[Car elle-même] est créée hors du temps, et elle est supérieure aux substances temporelles
dans sa substantialité. |
201 |
et significatio illius est quod non est
generata ex aliquo quoniam est stans per essentiam suam et substantiae generatae ex aliquo sunt
substantiae compositae cadentes sub generatione.. |
Et la preuve de cela est qu’elle n’est pas engendrée
par quelque chose, parce qu’elle est subsistante par son essence ;
et les substances engendrées par quelque chose sont
des substances composées tombant sous la génération. |
202 |
iam ergo manifestum est quod omnis substantia stans per essentiam
suam non est nisi in non tempore et qui est altior et superior tempore et
rebus temporalibus. |
Dès lors manifestement, il est montré que toute substance subsistant par son essence n’est
que dans l’intemporel et qu’elle est plus haute et supérieure au temps et
aux choses temporelles. |
203 |
omnis substantia creata in tempore aut est semper in tempore et tempus non
superfluit ab ea
aut superfluit super tempus et tempus
superfluit ab ea quoniam est creata in quibusdam horis
temporis. |
Toute substance créée dans le temps, ou bien est toujours dans le temps et le temps ne
déborde pas d’elle parce qu’elle est créée et (est) pareille au temps, ou bien elle déborde sur le temps et le temps déborde d’elle, parce qu’elle est créée dans certains moments du
temps. |
204 |
quod est quia si creata sequuntur se ad
invicem et substantiam superiorem non sequitur nisi substantia ei similis non substantia
dissimilis ei sunt substantiae similes substantiae
superiori et sunt substantiae creatae a quibus non
superfluit tempus ante substantias quae non assimilantur
substantiis sempiternis et sunt substantiae abscissae a tempore creatae in
quibusdam horis temporis. non est ergo possibile ut continuentur substantiae creatae in
quibusdam horis temporis cum substantiis sempiternis quoniam non assimilantur eis omnino. substantiae ergo
sempiternae in tempore sunt illae quae continuantur cum substantiis
sempiternis et sunt mediae inter substantias fixas et
inter substantias sectas in tempore. et non est possibile ut substantiae sempiternae quae sunt
supra tempus sequantur substantias temporales creatas
in tempore nisi mediantibus substantiis temporalibus
sempiternis in tempore. |
C’est ainsi parce que si les [choses] créées se
succèdent mutuellement, et que n’est suivie d’une substance supérieure qu’une substance semblable à elle, {et} non une
substance dissemblable à elle, il y a des substances semblables aux substances
supérieures et ce sont les substances créées à partir d’elles
que le temps ne déborde pas, avant les substances qui ne sont pas comparables aux
substances éternelles, et il y a des substances qui sont interrompues par
le temps, créées dans quelques moments du temps. Donc il n’est pas possible que les substances créées dans certains moments du
temps soient en continuité avec les substances éternelles, parce qu’elles ne leur sont pas comparables. Donc les substances éternelles dans le temps sont
celles qui sont en continuité avec les substances
éternelles, et elles sont intermédiaires entre les substances
fixes et les substances découpées dans le temps. Et il n’est pas possible que les substances éternelles qui sont au-dessus du
temps soient suivies par les substances temporelles créées
dans le temps, sinon par l’intermédiaire des substances temporelles
qui perdurent dans le temps. |
205 |
et istae quidem substantiae non factae sunt
mediae nisi quoniam ipsae communicant
substantiis sublimibus in permanentia et communicant substantiis temporalibus
abscissis in tempore per generationem
tamen permanentia earum est per
generationem et motum. |
Et assurément ces substances ne sont faites
intermédiaires que parce qu’elles-mêmes ont des rapports avec les
substances les plus hautes constamment, et ont des rapports avec les substances temporelles
interrompues dans le temps par la génération; elles-mêmes en effet, bien qu’elles soient
éternelles, leur permanence vient par la génération et le
mouvement. |
206 |
et substantiae sempiternae cum tempore
sunt similes substantiis sempiternis
substantiae autem sectae in tempore non
assimilantur substantiis sempiternis
si ergo non assimilantur eis tunc non possunt recipere eas neque
tangere eas. necessariae ergo sunt substantiae quae
tangunt substantias sempiter nas quae sunt supra tempus et erunt tangentes substantias sectas in
tempore. |
Et les substances éternelles avec le temps sont
semblables aux substances éternelles qui sont au-dessus du temps par la durée et [mais] ne
leur sont pas comparables dans le mouvement et la génération. Or les substances découpées dans le temps ne sont
pas comparables aux substances éternelles qui sont au-dessus du temps par quelque mode. Si donc elles ne leur sont pas comparables, alors elles ne peuvent les recevoir ni être en
contact avec elles. Donc, les substances en contact avec les substances
éternelles qui sont au-dessus du temps sont nécessaires, et elles seront en contact avec les substances
découpées dans le temps. |
207 |
ergo aggregabunt per motum suum inter substantias sectas in tempore et
inter substantias sempiternas quae sunt supra tempus. et aggregabunt per durabilitatem suam inter substantias quae sunt supra tempus
et inter substantias quae sunt sub tempore scilicet cadentes sub generatione et
corruptione. et aggregabunt inter substantias bonas et
inter substantias viles ut non priventur substantiae viles
substantiis bonis et priventur omni bonitate et omni
conveniente et non sit eis remanentia neque fixio. |
Donc elles s’assembleront par leur mouvement entre les substances découpées dans le temps et les
substances éternelles qui sont au-dessus du temps. Et elles s’assembleront par leur durée entre les substances qui sont au-dessus du temps et
les substances qui sont au-dessous du temps, tombant évidemment sous la génération et la
corruption. Et elles s’assembleront entre les substances bonnes
et les substances viles, pour que les substances viles ne soient pas séparées
des substances bonnes, ni de toute bonté et de tout ce qui leur est
approprié, et qu’ainsi ni la permanence ni la stabilité ne leur
manquent. |
208 |
iam ergo ostensum est ex hoc quod
durabilitatis duae sunt species quarum una est aeterna et altera est
temporalis. verumtamen una durabilitatum duarum est
stans quieta et durabilitas altera movetur et una earum aggregatur et operationes
eius omnes simul neque quaedam earum est ante quamdam et altera est currens extensa quaedam operationes eius sunt ante
quasdam. et universalitas unius earum est per
essentiam suam et universalitas alterius est per partes
suas quarum unaquaeque est seiuncta suae
compari per modum primum et postremum. |
Dès lors manifestement, il est établi à partir de
cela, que les durées sont de deux sortes, l’une est éternelle, l’autre est temporelle. Donc la première des deux durées est subsistance, en
repos, et l’autre durée est mue ; et la première d’elles est rassemblée et toutes ses
œuvres sont simultanées, aucune d’elles n’étant antérieure à une autre, et l’autre est courante, étendue, certaines de ses œuvres sont avant les autres. Et la totalité de la première est par son essence, et la totalité de la seconde est par ses parties dont chacune est séparée de sa pareille par le mode
de l’avant et de l’après. |
209 |
iam ergo manifestum est quod
substantiarum quaedam sunt quae sempiternae sunt supra tempus et ex eis sunt sempiternae aequales
tempori et tempus non superfluit ab eis et ex eis sunt quae abscissae sunt a
tempore et tempus superfluit ab eis ex superiori
earum et ipsarum inferiori [scilicet ex principio earum usque ad
extremum ipsarum] et sunt substantiae cadentes sub
generatione et corruptione. |
Dès lors manifestement, il est montré que certaines
substances éternelles sont celles qui sont au-dessus du temps, et que parmi elles, il en est qui sont éternelles
égales au temps, et le temps ne les déborde pas, et que parmi elles il en est qui sont découpées par
le temps et le temps les déborde, de la plus haute à la plus
basse d’entre elles, [évidemment de leur début jusqu’à leur fin,] et elles sont les substances tombant sous la
génération et la corruption. |
210 |
inter rem cuius substantia et actio sunt
in momento aeternitatis et inter rem cuius substantia et actio
sunt in momento temporis existens est medium et est illud cuius substantia est ex momento
aeternitatis et operatio ex momento temporis. |
Entre une chose dont la substance et l’action sont
dans le moment de l’éternité et une chose dont la substance et l’action sont dans
un moment du temps, un médiateur existe, et ce médiateur est ce dont la substance relève du moment de l’éternité et ce dont l’œuvre relève dans le moment du temps. |
211 |
quod est quia res cuius substantia cadit
sub tempore scilicet quia tempus continet eam est in omnibus dispositionibus suis
cadens sub tempore quare et eius actio cadit sub tempore
quoniam quando substantia rei cadit sub tempore procul dubio et eius actio cadit sub
tempore. res autem cadens sub tempore in omnibus
dispositionibus suis seiuncta est a re cadente sub aeternitate
in omnibus dispositionibus suis. continuatio autem non est nisi in rebus
similibus. necesse est igitur ut sit res alia tertia
media inter utrasque cuius substantia cadat sub aeternitate et
ipsius actio cadat sub tempore. |
C’est ainsi parce qu’une chose dont la substance
tombe sous le temps, évidemment le temps la contient, elle tombe constamment sous le temps en toutes ses
dispositions, et c’est pourquoi son action aussi tombe sous le
temps, parce que lorsque la substance de la chose tombe sous le
temps, sans aucun doute aussi son action tombe sous le
temps. Cependant la chose tombant sous le temps en toutes
ses dispositions est séparée de la chose qui tombe sous l’éternité en
toutes ses dispositions. Or la continuité n’est qu’entre choses semblables. Par conséquent il est nécessaire qu’il y ait une
troisième chose autre, médiateur entre elles dont la substance tombe sous l’éternité et dont
l’action tombe sous le temps. |
212 |
impossibile namque est ut sit res cuius substantia cadat sub
tempore et actio eius sub aeternitate
hoc autem est impossibile. |
En effet, il est impossible qu’il y ait une chose dont la substance tombe sous
le temps et son action sous l’éternité : car ainsi son action serait plus parfaite que sa
propre substance ; or cela est impossible. |
213 |
manifestum igitur est quod inter res cadentes sub tempore cum
suis substantiis et suis actionibus et inter res quarum substantiae et actiones
sunt cadentes sub momento aeternitatis sunt res cadentes sub aeternitate per
substantias suas et cadentes sub tempore per operationes
suas sicut ostendimus. |
Par conséquent, il est montré qu’entre les choses qui tombent sous le temps avec
leur substance et avec leur action, et entre les choses dont la substance et l’action
tombent sous le moment de l’éternité, il y a des choses tombant sous l’éternité par leur
substance et tombant sous le temps par leur œuvre, comme nous l’avons fait voir. |
214 |
omnis substantia cadens in quibusdam
dispositionibus suis sub aeternitate et cadens in quibusdam dispositionibus
suis sub tempore est ens et generatio simul. |
Toute substance tombant sous l’éternité en certaines
de ses dispositions et tombant sous le temps en certaines de ses
dispositions est être et génération à la fois. |
215 |
[omnis] enim res cadens sub aeternitate
est ens vere et omnis res cadens sub tempore est
generatio vere. si ergo hoc ita est tunc si res una est cadens sub
aeternitate et tempore est ens et generatio non per modum unum sed per
modum et modum. |
Car [toute] chose tombant sous l’éternité est
véritablement être et toute chose tombant sous le temps est
véritablement génération. Si donc cela est ainsi, si une chose une tombe constamment sous l’éternité
et le temps, elle est être et génération non par un mode unique, mais par un
mode et un (autre) mode. |
216 |
iam ergo manifestum est ex eo quod
diximus quod omne generatum cadens per
substantiam suam sub tempore est habens substantiam pendentem per ens
purum quod est causa durabilitatis et causa
rerum sempiternarum omnium et destructibilium. |
Dès lors manifestement, il est montré à partir de ce
que nous avons dit, que tout engendré tombant par sa substance sous le
temps possède une substance qui dépend de l’être pur, qui {lui-même} est la cause de la durée et la cause
de toutes les choses éternelles et {ou} périssables. |
217 |
necessarium est unum faciens adipisci
unitates et ipsum non adipiscatur sed reliquae unitates omnes sunt
acquisitae. |
Il est nécessaire que l'Un soit celui qui fait
obtenir les unités et que lui-même ne soit pas obtenu, mais toutes les autres unités sont acquises. |
218 |
et illius quidem significatio est quod
dico si invenitur unum faciens acquirere non
acquisitum tunc quae differentia inter ipsum et
primum acquirere faciens ? non enim potest esse quin aut sit simile ei in omnibus
dispositionibus suis aut sit inter utraque differentia. si ergo est simile ei in omnibus
dispositionibus suis tunc unum eorum non est primum et alte
rum secundum. et si unum eorum non est simile alteri in
omnibus dispositionibus suis tunc procul dubio unum eorum est primum
et alterum secundum. illud ergo in quo est unitas fixa non
inventa ex alio est unum primum verum sicut ostendimus et illud in quo est unitas inventa ex
alio est praeter unum primum verum. si ergo est ex alio est ex uno primo
acquisita unitas. provenit ergo inde ut uni puro vero et reliquis unis sit unitas iterum et non sit unitas nisi propter unum verum
quod est causa unitatis. |
Et la preuve de ceci est ce que je dis: s’il se trouve un Un faisant acquérir et {lui-même}
non acquis, quelle est alors la différence entre lui et le
premier qui fait acquérir ? En effet, il ne peut pas être autrement bien plus ou bien il lui est semblable dans toutes
ses dispositions ou bien il y a une différence entre eux. Si donc il lui est semblable dans toutes ses
dispositions, alors l’un d’eux n’est pas premier ni l’autre
second. Et si l’un d’eux n’est pas semblable à l’autre dans
toutes ses dispositions, alors sans aucun doute l’un d’eux est premier et
l’autre second. Donc celui en qui il y a une unité fixe qui ne vient
pas d’un autre est l’Un premier vrai, comme nous l’avons fait voir; et celui en qui il y a une unité venant d’un autre,
est après l’Un premier vrai. Si donc il provient d’un autre, son unité est
acquise de l’Un premier. De là vient donc aussi qu’il y a unité pour l’Un pur
vrai et pour les autres uns, et qu’il n’y a d’unité qu’à cause de l’Un vrai, qui est cause de l’unité. |
219 |
iam ergo manifestum est et planum quod omnis unitas post unum verum est
acquisita creata verumtamen unum verum purum est
creans unitates faciens acquirere non acquisitum sicut ostendimus. |
Dès lors manifestement, il est montré et évident que toute unité après l’Un vrai est acquise,
créée ; donc l’Un vrai pur est celui qui crée les unités, fait acquérir, n’est pas acquis, comme nous l’avons fait voir |
Nous avons utilisé les textes originaux
disponibles dans les sites :
http://home.t-online.de/home/ravenn/causis.htm
http://hiphi.ubbcluj.ro/fam/texte/liber_de_causis.htm
http://www.forumromanum.org/literature/anonymus/causis.html
ainsi que le texte et la traduction d'Aristide Bocognano disponible dans :
https://www.i-docteurangelique.fr/DocteurAngelique/fichiers/page.htm#_Toc64652346
Un fac-similé des têtes de chapitre d'un texte arabe est disponible dans : http://home.t-online.de/home/ravenn/caus-01.htm
Nous avons utilisé le dictionnaire latin-français en ligne de Gérard Jeanneau http://perso.wanadoo.fr/prima.elementa/index.html
Nous recommandons vivement ce site qui contient un
dictionnaire soigneusement établi, une grammaire courte, quelques textes latins
et de nombreux liens.
Nous avons consulté « Recherches sur le Liber de
Causis », Cristina D’Ancona Costa, Vrin, Paris, 2002.
Cet ouvrage fait un point très complet des origines du
texte latin. Il contient un nombre considérable de références et cite largement
de nombreux auteurs. Il fait autorité dans ce domaine.
Le Liber de causis est issu du courant néoplatonicien
rationalisant. Les modifications apportées par le rédacteur arabe dans le sens
de son monothéisme ne font pas partie de notre propos ; nous prenons le
texte latin tel qu’il est avec plusieurs de ses variantes signalées entre [].
Il tend à démontrer et est souvent apophatique. Ses
phrases sont faites au moins pour convaincre par une argumentation serrée. Ces
caractères rendent l'ouvrage latin assez aride par un emploi très important
d’adverbes et d’expressions causales en vue d’amener la conviction.
Nous avions deux partis possibles. Le
premier était de rédiger un document présentant les propositions et les
commentaires de façon didactique dans le meilleur français possible, traduction
littéraire. Le second était de conserver la structure détaillée du texte, ses
répétitions et les moyens employés pour entrainer la conviction du lecteur,
traduction littérale. Nous avons pris ce dernier parti. Pour cela nous avons
construit le lexique ci-dessous qui donne nos choix constants de traduction
pour chaque mot ou expression.
Notre but est de rester fidèle au style du
texte pour lui conserver une partie de sa saveur initiale.
Hors le cas typique de la répétion
et...et...et, on relève de nombreuses répétitions, un exemple est le (178) qui
contient cinq fois «et ex eis sunt quae recipiunt» . Nous avons conservé ces
répétions entières, considérant que c'était la volonté claire de l'auteur.
Certains mots appartenant à la langue propre au texte sont relativement
difficiles à traduire. Nous présentons nos choix et leurs motifs après le
lexique.
On note dans les alinéas 98-99 une interpolation probable.
Le chapitre 8 contient deux mots particuliers :
Le chapitre 9 contient un mot particulier :
le mot transcrit de l’arabe
«achili» ou « alachili» c’est-à-dire l’intelligence.
Nous avons essayé de rendre au mieux et autant que
possible toujours de la même façon les adverbes, formes adverbiales et
conjonctions
« aliqua, aliquis » par « quelque parmi ».
« autem » par « cependant » ou « or » ou simplement « et » quand
il n’y a pas d’opposition
« ergo » par « donc »
« cum ergo » par « en conséquence »
« enim » par « car »
« esse vero » par « en vérité »
« iam » par « dès maintenant » ou «dès lors»
« iam ergo » par « dès lors manifestement »
« iam igitur » par « par conséquent dès maintenant »
« igitur » par « par conséquent » « donc » faible, particule de
transition quand elle est en tête de la phrase.
« immo » par « que dis-je » ou « au contraire » ou « mais »
« inde » par « aussi » ou « de là »
« ita » par « ainsi » ou « autant » dans une comparaison
« nam » par « car »
« namque » par « en effet »
« per hoc quod » par « en ce que »
« praeter » par « {et} en outre »
« propter » par « à cause de »
« propterea » par « en conséquence »
« quamvis » par « bien que »
« quanto » par « d'autant plus »
« quapropter » par « c'est pourquoi »
« quia » par « parce que », « que » en bas-latin remplaçant une proposition
infinitive du latin classique.
« quidem » par « assurément » pour signifier la certitude ou «
en plus »
« quin » (de « qui non » ablatif) par « bien plus »
« quod » seul en tête de phrase est devenu explétif et presque équivalent à «
et » par « à savoir que » ou « mais ».
« quod est quia » par « c'est ainsi parce que » (37 fois)
« quod est quia propterea » par « en conséquence, c'est ainsi parce
que »
« quod est quoniam » par « c'est ainsi puisque » (5 fois)
« quoniam » par « parce que »
« scilicet » par « évidemment » ou « c'est évident » en tête de
phrase, dans le sens premier « il est évident » (21 fois)
« sic » par « ainsi »
« sicut » par « comme »
« similiter » par « de même »
« tamen » par « pourtant »
« tantum » par « seulement »
« tunc » par « alors »
« vero » par « vraiment » ou « en vérité »
« verumtamen » par « pourtant » ou « mais pourtant » ou « donc »
après une incise
« bonitas » est le plus souvent traduit par « bonté » plus
rarement par « bienfait ».
En français «bonté» a quatre sens principaux :
penchant à faire le bien ; à être doux et indulgent ; qualité de ce
qui est bon ; amabilité ; et au pluriel manifestation de
bienveillance. Ces sens sont faibles et ne nous paraissent pas convenir à
l’effet des causes première ou secondes. C’est pourquoi nous avons préféré le
mot «grâces» pour « bonitates », conservant « bonté » pour « bonitas », ainsi «
bonitas pura » est traduit par « bonté pure » selon l'usage. Nous avons tenu
compte à la fois du sens initial d'une effusion de l'Un et de l'acception
judéo-chrétienne. La Septante traduit les mots et expressions hébraïques de
bonté (sens fort), de fidélité et de miséricorde de Dieu à l'égard de son
peuple par le grec « charis » (1) la beauté, le charme ; 2) la faveur, le
bienfait ; 3) la reconnaissance pour un présent ou un bienfait reçu).
« charis » a été traduit par « gratia » en latin. Par
exception nous avons traduit « bonitates et gratias » par « bontés et
grâces » en (65).
Éléments de justification :
L'abondance de la grâce divine du psalmiste est rendue
« bonitates » et « benignitates, » Junius et Tremellius (1575, version latine
de la bible hébraïque pour les pays calvinistes utilisée par Spinoza); par «
beneficia, » bible d'Anvers dite Piscator traduite de l'allemand (1604-1606);
par « gratias, » Johannes Cocceius (1603-1669, œuvres complètes 1673).
Pour Saint Paul, la grâce (gratia) désigne la bonté sans limite de Dieu
qui travaille le cœur de l'homme pour répandre partout ses dons. (1 Co 2,12; 2 Co 9,8, 14;
1 Tm 1,14).
Plus récemment, Vasilescu, dans http://www.unibuc.ro/eBooks/filologie/vasilescu/17/voc17.htm
écrit :
grâce n. f.
- ce qu'on accorde à quelqu'un pour
lui être agréable, sans que cela lui soit dû (avantage, bienfait, don, faveur):
demander, solliciter, obtenir, recevoir une grâce;
- amabilité, honneur: Me ferez-vous la
grâce de lire cette poésie?
-
-
faveur de Dieu, la bonté
divine, la bénédiction: Que la grâce de Dieu vous comble!
-
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aide surnaturelle qui rend
l'homme capable d'accomplir la volonté de Dieu et de parvenir au salut (har): Je
vous salue, Marie, pleine de grâce. « Réjouis-toi, le Seigneur t'a accordé une
grâce particulière, Il est avec toi ». (Luc 1, 28).
Sur le couple « diminutio-completio », voir le
renvoi *2 ci-dessous.
« fit » seul par « il est fait »
« fit quod » par « il résulte que »
« fit ut » par « il se fait que »
« formatio » chapitre 25 (26) a été traduit par « formation ». Il
faut l’entendre avec la nuance de création.
« heliatim-hyliathim-yliatim » mot arabe non traduit est attesté par
ailleurs comme traduction du grec « morphè ». Il peut désigner aussi l'«
eidos » d'Aristote, la forme. Les premiers auteurs médiévaux l'avaient cru
dérivé du grec « hylè » la matière, qu'Aristote oppose à l'eidos.
« imprimere », ce verbe a le sens d’imposer sa marque ou une
marque. Nous l’avons traduit rarement par « imprimer », plus souvent par «
marquer » quand on pouvait faire une confusion avec l’activité moderne
d’imprimerie.
« influere » «influere» est transitif alors que influer est
intransitif. Les expressions telles que «influunt bonitatis» ne peuvent pas
être traduites par « ils influent des bontés ». Le plus proche serait
«injecter», nous ne l’avons pas retenu car «injecter des grâces» paraît bien
étrange.
Nous avons distingué deux cas.
1) «influere» est pris transitivement. Dans ce cas nous
avons choisi de le traduire par « répandre » transitif qui a les sens d’étendre
au loin et surtout de faire entrer dans l’esprit. Dans les phrases telles que «
Prima enim bonitas influit bonitates » le bien premier répand ses
grâces. Épandre qui vient d’«expandere» n’était pas possible.
2) «influere» est pris intransitivement comme dans «
bonitas influit super omnes res » (179). Nous l’avons alors traduit par influer
ou insérer.
« intelligentia » « intellectibilis » d’intelligo (inter+ligo) et d’intellego
(inter+lego). Les origines sont deux verbes ligo, ligare, ligavi, ligatum pour
lier, attacher, joindre, unir et lego, legere, legi, lectum pour ramasser,
cueillir, prendre, choisir, élire. Les deux graphies « intellego » et «
intelligo » paraissent avoir été sensiblement équivalentes à partir de
l'empire, phénomène de palatisation bien connu.
Nous avons systématiquement respecté les deux
écritures : « intelligence » pour « intelligentia » et « de l'intellect
» pour « intellectibilis » à l'exception des endroits où « res
intellictibiles » était manifestement mis pour « les choses pensées ».
« intelligere » et « scire » sont deux verbes dont les sens
sont voisins. Ils sont employés concurremment au moins dans les chapitres 12 et
14. Nous avons choisi de les traduire respectivement par « comprendre » avec un
intention plus active que « connaître ».
« invenire » a été traduit par causer, sens assez rare en un
endroit (179): « non inveniuntur res omnes in prima per modum unum ».
Sinon il faudrait croire que l'auteur pense que les choses créées sont de tout
éternité présentes dans la cause première. Les autres occurences ont été
traduites par « se trouver ». Peut-être y a-t-il un jeu de mot sur invenire en
(179).
« magnitudo » a été traduit par « dimension » eu égard à son
caractère spatial.
« melior » a un sens plus fort que « meilleur » par son
voisinage avec « sublimior », « nobilior », nous l’avons traduit par « plus
parfait » sauf en opposition avec «vilior»
« secundum modum » a été traduit par « selon le mode »
« per modum » a été traduit par « par le mode »
« potentia » a été traduit par « pouvoir ».
« res extensa » a été traduit par réalité étendue, cette expression
reprise par Descartes correspond au monde déployé qui a des dimensions, longueur,
largeur. Il s'agit d'un aspect spatial et non temporel.
« scientia » a été traduit par « connaissance », suivant en cela
la traduction de « scire » par « connaître »
« sensus » le sens. Nous avons pris le parti du pluriel
systématique. Le sens en français n’est plus que très rarement associé à la
sensation. Le sens est plus signification. Nous avons donc traduit « sensus »
par « les sens ».
« significatio » mot-à-mot « ce qui fait signe » a été traduit presque
partout par « preuve », si l’argument qui suit n’est pas probant par «le sens
de».
« stans » du verbe « sto » a été traduit par « subsistant ».
« virtus » a été traduit par « puissance » selon l’usage bien
que le mot signifiat aussi « miracle » au moyen-âge.
La périphrase est + participe présent comme « est
regens » (81) mis pour « regit » ou « est retinens » (82) mis pour « retinet »
est difficile à rendre.
«Pour ontologiser le verbe, on privilégiera sa
forme nominale, l’infinitif, indépendant du temps, et qui lui sert donc de
lemme dans les dictionnaires comme dans l’usage scolaire. Quant à ses autres
formes, on les analysera, à la suite d’Aristote dans les Premiers
analytiques (1, 46, 51, b 12) et la Métaphysique (D, 7, 1017 a 28)
en copule (le verbe être ) plus participe présent, solution renouvelée
par la grammaire de Port-Royal et reprise au moins jusqu’à Desclés (1987). Cela
a permis au verbe de figurer le plus souvent parmi les mots catégorématiques.»
in L'Être naquit dans le langage, un aspect de la mimésis philosophique,
François Rastier C.N.R.S. http://www.revue-texto.net/Inedits/Rastier_Etre.html.
Une formule qui a fait grand bruit est « sum
cogitans » de Spinoza qui a retiré le res de « sum res cogitans » de Descartes.
« La formule sum cogitans restitue au participe présent sa valeur
spécifique qui consiste à évoquer une action en cours, et signifie donc
littéralement “je suis pensant” au sens de “je suis en train de penser ». Spinoza
et le problème de l’interprétation (Tractatus Theologico-Politicus, chap. 7). Pierre Macherey, professeur
émérite.
http://www.univ-lille3.fr/set/sem/Macherey26112003.html
Elle peut être rendue comme fortement durative et
traduite par l'indicatif accompagné de « constamment ».
Elle a aussi le sens d’une affirmation forte contenue
dans le « est » qui rend la périphrase non comme un verbe d’action mais plutôt
comme l’attribution d’un prédicat au sujet. L’intelligence possède la propriété
de régner. En ce sens il serait préférable de substantiver le verbe quand on le
peut, rendant le tout par « est la régente ».
Cette substantivation ne peut pas être appliquée à «
est retinens » que l’on rend alors par « est celui qui maintient ». Cette
traduction est en accord avec le texte de «intelligentia est princeps
omnium ». Nous avons traduit «est habens» par «possède».
Selon l'usage, nous avons mis en capitale les
initiales de un et de dieu. Nous n’avons pas poursuivi l’emploi des capitales
pour la cause première.
1*, renvoi de (159) «continuator» est inconnu en latin
classique.
*2, renvoi de (167)
Certains auteurs rendent
«diminutio-diminutum» par «imperfection-imparfait» et «complementus-completus»
par «perfection-parfait». Nous ne les avons pas suivis, eu égard au fait que si
Gérard de Crémone l’avait voulu, il eut utilisé le couple
«imperfectus-imperfectio, perfectus-perfectio». On trouve en latin scolastique
l’expression «completus et perfectus » (disputatio XXXV, De immateriali
substantia creata, Francisco Suarez). Chez Abélard, le monde est créé «
perfectus » et une œuvre est «completus ».
LE LIVRE DES CAUSES
LIBER DE CAUSIS
Anonyme néoplatonicien (peut-être écrit par
Henri de Gand).
Ce livre, célèbre au XIII° siècle, fut longtemps
attribué à Aristote. Il fut commenté entre autre par saint Albert le Grand,
Roger Bacon, Siger de Brabant, Gilles de Rome et par saint Thomas d'Aquin
1 — Omnis causa primaria plus est influens super
causatum suum quam causa universalis secunda.
1 — Toute cause première a plus d'influence sur son effet qu'une cause seconde universelle.
2 — Cum ergo removet causa universalis secunda virtutem
suam a re, causa universalis prima non aufert virtutem suam ab ea.
2 — Ajoutons que, lorsque la cause seconde universelle enlève sa puissance à une réalité, la cause universelle première ne la lui enlève pas.
3 — Quod est quia causa universalis prima agit in
causatum causae secundae, antequam agat in ipsum causa universalis secunda quae
sequitur ipsum.
3 — On peut l'expliquer ainsi: la cause première universelle agit sur l’effet de la cause seconde, avant même que n’agisse sur lui la cause universelle seconde qui l’accompagne.
4 — Cum ergo agit causa secunda quae sequitur
causatum, non excu sat ipsius actio a causa prima quae est supra ipsam.
4 — Ajoutons que, lorsque la cause seconde, qui accompagne l’effet, agit, son action n’échappe pas à la cause première qui est au-dessus d’elle.
5 — Et quando separatur causa secunda a causato,
quaeb sequitur ipsumc, non separatur ab eo prima quae est supra ipsam, quoniam
est causa ei.
5 — Et lorsque la cause seconde, qui accompagne l’effet, en est séparée, la cause première, qui est au-dessus de la cause seconde, n’est pas séparée de lui, car elle en est la cause.
6 — Et nos quidem exemplificamus illud per esse
et vivum et hominem.
6 — Nous explicitons cela par l’exemple de l’être, du vivant et de l’homme.
7 — Quod est quia oportet ut sit res esse in
primis, deinde vivum, postea homo.
7 — Car il convient que la réalité soit d’abord être, ensuite vivant, et enfin homme.
8 — Vivum ergo est causa hominis propinqua; et
esse, causa eius longinqua.
8 — Le vivant est donc la cause prochaine de l’homme, et l’être est sa cause lointaine.
9 — Esse ergo vehementius est causa homini quam
vivum, quoniam est causa vivo quod est causa homini.
9 — Ainsi l’être est, de manière plus importante, cause pour l’homme que le vivant, parce qu’il est cause pour le vivant qui est cause pour l’homme.
10 — Et similiter, quando ponis rationalitatem
causam hominis, est esse vehementius causa homini quam rationalitas, quoniam
est causa causae eius.
10 — De manière semblable, lorsqu'on pose que la rationalité est cause de l’homme, l’être est cause de l’homme plus fortement que la rationalité puisqu’il est cause de sa cause.
11 — Et illius quidema signumb est quod quando tu
removes virtutem rationalem ab homme, non remanet homo etc remanet vivum
spirans sen sibile. Et quando removes ab eo vivum, non remanet vivum sed
remanet esse, quoniam esse non removetur ab eo, sed removetur vivum, quoniam
causa non removetur per remotionem causati sui, remanet ergo homo esse. Cum
ergo individuum non est homo, est animal et, si non est animal, est esse
tantum.
11 — Et en vérité la preuve en est que, lorsqu’on enlève à l’homme la faculté rationnelle, il n’y a plus d’homme mais un vivant doué de souffle et de sensibilité. Et lorsqu’on lui enlève le vivant, le vivant ne demeure pas mais l’être reste, car l’être ne lui est pas soustrait mais seulement le vivant, puis que la cause n’est pas supprimée par le retrait de son effet; l’homme demeure donc être. Ajoutons que, lorsque un individu n’est pas un homme, il est un animal, et s’il n’est pas un animal, il est un être seulement.
12 — lam igitur manifestum est et planum quod
causa prima longin qua est plus comprehendens et vehementius causa rei quam
causa propinqua.
12 Il est donc désormais bien clair que la cause première lointaine embrasse davantage et est plus fortement cause de la réalité que sa cause prochaine.
13 — Et propter illud fit eius operatio
vehementioris adhaerentiae cum re quam operatio causae propinquae. Et hoc
quidem non fit secundum hoc nisi quia res in primis non patitur nisi a virtute
longinqua; deinde patitur secundo a virtute quae est sub prima.
13 — Pour cette raison l’opération de la cause lointaine s’attache plus fortement à la réalité que l’opération de la cause prochaine. Et il n’en est ainsi que parce que la réalité ne subit d’abord qu’une puissance éloignée ce n’est qu’ultérieurement qu’elle subit une puissance qui est subordonnée à la première.
14 — Et causa prima adiuvat secundam causam super operationem
suam, quoniam omnem operationem quam causa efficit secunda, et prima etiam
causa efficit; verumtamen efficit eam per modum alium, altiorem et sublimiorem.
14 — Et la cause première aide la cause seconde en son opération, puis que toute opération que la cause seconde accomplit, la cause première l’effectue aussi; et elle l’effectue même d’une autre façon, plus noble et plus relevée.
15 — Et quando removetur causa secunda a causato
suo, non removetur ab eo causa prima, quoniam causa prima est maioris et
vehementioris adhae rentiae cum re quam causa propinqua.
15 — Et lorsque la cause seconde est retirée à son effet, la cause première n’en est pas retirée, puisque la cause première adhère davantage et plus fortement à la réalité que la cause prochaine.
16 — Et non figitur causatum causae secundae nisi
per virtutem causae primae.
16 — Et l’effet n’est pas attaché à la cause seconde si ce n’est par la puissance de la cause première.
17 — Quod est quia causa secunda quando facit rem,
influit causa prima quae est supra eam super illam rem de virtute sua, quare
adhaeret illud ei adhae rentia vehementi et servat eam.
17 — On peut l'expliquer ainsi: lorsque la cause seconde produit une réalité, la cause première, qui est au-dessus d’elle, influe sur cette chose de par sa propre puissance. C’est pourquoi elle y adhère d’une adhérence plus forte et la conserve.
18 — lam ergo manifestum est et planum quod causa
longinqua est vehementius causa rei quam causa propinqua quae sequitur eam, et
quod ipsa influit virtutem suam super eam et servat eam, et non separatur ab ea
separatione suae causae propinquae, immo remanet in ea et adhaeret ei
adhaerentia vehementi, secundum quod ostendimus et exposuimus.
18 — Il est dès lors bien clair que la cause lointaine est plus fortement cause de la réalité que la cause prochaine, qui accompagne celle-ci, et qu’elle influe en elle sa puissance et la conserve, qu’elle ne se sépare pas de la réalité lorsque sa cause prochaine s’en sépare, mais qu’elle demeure plutôt en elle et adhère à elle d’une adhérence forte, comme nous l’avons montré et exposé.
19 — Omne esse superius aut est superius
aeternitate et ante ipsam, aut est cum aeternitate, aut est post aeternitatem
et supra tempus.
19 — Tout être supérieur est ou bien au-dessus de l’éternité et avant elle, ou bien avec elle, ou bien après elle et au-dessus du temps.
20 — Esse vero quod est ante aeternitatem est
causa prima, quoniam est causa ei.
20 — L’être qui est avant l’éternité est la cause première, puisqu’il en est la cause.
21 — Sed esse quod est cum aeternitate est
intelligentia quoniam est esse secundum, secundum habitudinem unam, unde non patitur neque
destruitur.
21 — Mais l’être qui est avec l’éternité est l’intelligence, puisqu’il est un être second de façon unitaire, d’où vient qu’il ne pâtit ni ne connaît la destruction.
22 — Esse vero quod est post aeternitatem et supra
tempus est anima, quoniam est in horizonte aeternitatis inferius et supra
tempus.
22 — L’être qui est après l’éternité et au-dessus du temps est l’âme, puisqu’il est plus bas dans l’horizon de l’éternité et au-dessus du temps.
23 — Et significatio quod causa prima est ante
aeternitatem ipsam, est quod esse in ipsa est acquisitum.
23 — Ce qui indique que la cause première est avant l’éternité même, c’est qu’en celle-ci l’être est acquis.
24 — Et dico quod omnis aeternitas est esse, sed
non omne esse est aeternitas. Ergo esse est plus commune quam aeternitas. Et
causa prima est supra aeternitatem, quoniam aeternitas est causatum ipsius.
24 — Et je dis que toute éternité est être, tandis que tout être n’est pas éternité. L’être est donc plus commun que l’éternité. Et la cause première est au-dessus de l’éternité, puisque l’éternité en est l’effet.
25 — Et intelligentia apponitur vel parificatur
aeternitati, quoniam extenditur cum ea; et non alteratur neque destruitur.
25 — L’intelligence est conjointe ou égalée à l’éternité, puisqu’elle lui est coextensive, et elle ne connaît ni altération ni destruction.
26 — Et anima annexa est cum aeternitate inferius,
quoniam est sus ceptibilior impressionis quam intelligentia, et est supra
tempus, quoniam est causa temporis.
26 — L’âme enfin est rattachée plus bas à l’éternité, puisqu’elle est plus susceptible que l’intelligence de recevoir une impression, et elle est au-dessus du temps, puisqu’elle en est la cause.
27 — Omnis anima nobilis tres habet operationes;
nam ex opera tionibusa eius est operatio animalis et operatio intellectibilis
et operatio divina.
27 — Toute âme noble a trois opérations; en effet parmi ses opérations
il y a une opération animante, une opération intellectuelle et une opération
divine.
28 — Operatio autem divina est quoniam ipsa
praeparatb naturam cum virtute quae est in ipsa a çausa prima.
28 — Son opération est divine parce qu’elle dispose la nature par la puissance qui est en elle du fait de la cause première.
29 — Eius autem operatio intellectibilis est
quoniam ipsa scit res per virtutem intelligentiae quae est in ipsa.
29 — Son opération est intellectuelle parce qu’elle connaît elle-même les choses par la faculté de l’intelligence qui est en elle.
30— Operatio autem eius animalis est quoniam ipsa
movet corpus pri mum et omnia corpora naturalia, quoniam ipsa est causa motus
corporum et causa operationis naturae.
30 — Son opération est animante parce qu’elle meut elle-même le corps premier et tous les corps naturels, car elle est cause du mouvement des corps et cause de l’opération de la nature.
31 — Et non efficit anima has operationes nisi
quoniam ipsa est exem plum superioris virtutis.
31 — Et l’âme n’effectue ces opérations que parce qu’elle est elle-même la copie de la puissance supérieure.
32 — Quod est quia causa prima creavit esse animae
mediante intelli gentia, et propter illud facta est anima efficiens operationem
divinam.
32 — Il en est ainsi parce que la cause première a créé l’être de l’âme par l’intermédiaire de l’intelligence, et c’est pour cette raison que l’âme, ainsi faite, effectue l’opération divine.
33 — Postquam ergo creavit causa prima esse
animae, posuit eam sicut stramentum intelligentiae in quod efficiat operationes
suas.
33 — Après donc que la cause première eût créé l’être de l’âme, elle l’a disposée comme une assise pour l’intelligence sur laquelle celle-ci puisse effectuer ses propres opérations.
34 — Propter illud ergo anima intellectibilis
efficit operationem intel lectibilem. Et quia anima suscipitimpressionem
intelligentiae, facta est infe rions operationis quam ipsa in impressione sua
in id quod est sub ipsa.
34 — Pour cette raison donc, l’âme qui est douée d’intellect effectue une opération intellectuelle. Et parce que l’âme reçoit une impression de l’intelligence, elle est d’une opération inférieure â celle de l’intelligence lorsqu’elle s’imprime en ce qui est au-dessous d’elle.
35 — Quod est quia ipsa non imprimit in res nisi
per motum, scilicet quia non recipit quod est sub ea operationem eius nisi ipsa
moveat ipsum. Propter hanc ergo causam fit quod anima movet corpora; de
proprietate namque animae est ut vivificet corpora quanniam influit super ea
virtutem suam et directe proclucit ea ad operationem rectam.
35 — Il en est ainsi parce que l’âme ne s’imprime pas dans les choses si ce n’est par le mouvement (ce qui est en-dessous d’elle en effet ne reçoit son opération que si elle le meut). Pour cette raison donc l’âme se trouve mouvoir les corps; c’est en effet une propriété de l’âme de vivifier les corps lorsque elle influe sur eux sa propre puissance et les conduit directement à une opération droite.
36 — Manifestum est igitur nunc quod anima habet
tres operationes, quoniam habet virtutes tres: scilicet virtutem divinam et
virtutem intelligi bilema et virtutem eius essentiae, secundum quod narravimus
et ostendimus.
36— Il est donc manifeste, selon ce que nous avons montré, que l’âme a trois opérations, puisqu’elle a trois puissances la puissance divine, la puissance intellectuelle et la puissance qui appartient à son essence, comme nous l’avons exposé et montré.
37 — Prima rerum creatarum est esse et non est
ante ipsum creatum aliud.
37 — La première des choses créées est l’être et avant lui il n’y a pas d’autre créé.
38 — Quod est quia esse est supra sensum et supra
animam et supra intelligentiam, et non est post causam primam latius neque plus
causatumb ipso.
38 — On peut l'expliquer ainsi: l’être est au-dessus de la sensibilité, au-dessus de l’âme et au-dessus de l’intelligence, et qu’il n’y a après la cause première, rien qui soit plus ample et davantage causé.
39 — Propter illud ergo factum est superius
creatis rebus omnibus et vehementius unitum.
39 — Pour cette raison, il a donc été fait supérieur à toutes les choses créées et plus fortement uni.
40— Et non est factum ita nisi propter suam
propinquitatem esse puro et uni veroc, in quo non est multitudo aliquo modorum.
40 — Et il n’a été fait ainsi qu’en raison de sa proximité à l’être pur et Un vrai, en qui il n’y a multiplicité d’aucune sorte.
41 — Et esse creatum quamvis sit unum tamen
multiplicatur, scilicet quia ipsum recipit multiplicitatem.
41 — Et quoiqu’il soit un, l’être créé se trouve multiplié, du moins parce qu’il reçoit la multiplicité.
42 — Et ipsum quidem non est factum multa, nisi
quia ipsum, quam vis sit simplex et non sit in creatis simplicius eo, tamen est
compositum ex finito et infinito.
42 — Et lui-même en vérité n’est fait multiple que parce que, même s’il est simple et qu’il n’y a rien de plus simple que lui parmi les créés, il est composé de fini et d’infini.
43 — Quod est quia omnequod ex eo sequitur causam
primam est dehii id est intelligentia, completa et ultima in potentia et
reliquis bonitatibus.
43 — Il en est ainsi parce que tout ce qui de lui jouxte la cause première est achili c’est-â-dire intelligence, achevée et extrême en pouvoir et autres perfections.
44 — Et formae inte1lectibile in ipso sunt latiores et vehementius uni
versales. Et quod ex eo est inferius est intelligentia iterum, verumtamen est
sub illa intelligentia in complemento et virtute et bonitatibus. Et non sunt
formae intellectibiles in illa ita dilatatae sicut est earum latitudo in illa
intel ligentia. Et esse quidem creatum primum est intelligentia totum, verumta
men intelligentia in ipso est diversa per modum quem diximus.
44 — Et en lui les formes intelligibles sont plus amples et plus forte ment universelles. Et ce qui, de lui, vient plus bas est intelligence aussi, mais c’est une intelligence qui lui est inférieure en complétude, puissance et bontés. Et les formes intelligibles en elle ne sont pas aussi enveloppantes qu’elles le sont dans l’intelligence première. Et en vérité l’être premier créé est tout entier intelligence, mais en lui l’intelligence est diversifiée selon le mode que nous avons présenté.
45 — Et quia diversificatur intelligentia, fit
illic forma intellectibilis diversa. Et sicut ex forma una, propterea quod diversificatur
in mundo infe non, proveniunt individua infinita in multitudine, similiter ex
esse creato primo, propterea quod diversificatur, apparent formae
intellectibiles infinitaed.
45 — Et précisément parce que l’intelligence se diversifie, la forme intelligible devient diverse. Et de même que, d’une forme unique, du fait qu’elle est diversifiée dans le monde inférieur, proviennent des individus infinis en nombre, de même, de l’être premier créé, du fait qu’il est diversifié, surgis sent des formes intelligibles à l’infini.
46 — Verumtamen, quamvis diversificentur non
seiunguntur ab mvi- cern sicut est seiunctio individuorum.
46 — Pourtant, quoiqu’elles soient diversifiées, elles ne sont pas dis jointes les unes des autres comme dans la disjonction des individus.
47 — Quod est quoniam ipsae uniuntur absque
corruptione et sepa rantur absque seiunctione, quoniam sunt unum habens
multitudinem et mul titudo in unitate.
47 — La raison en est qu’elles sont unies sans corruption et sont séparées sans disjonction, puisqu’elles sont l’unité douée de multiplicité et la multiplicité dans l’unité.
48 — Et inteffigentiae primae influunt super
intelligentias secundas boni tates quas recipiunt a causa prima, et intendunt
bonitates in eis, usquequo consequuntur ultimam earum.
48 — Et les intelligences premières influent sur les intelligences secondes les bontés qu’elles reçoivent de la cause première, et elles déploient les bontés en celles-ci jusqu’à atteindre la dernière d’entre elles.
49 — Inteiligentiae superiores primae, quae
sequuntur causam primam, imprimunt formas secundas, stantes, quae non
destruuntur ita ut sit neces sarium iterare eas vice alia. Intelligentiae autem
secundae imprimunt for mas declines separabiles, sicut est anima.
49 — Les intelligences supérieures premières, qui jouxtent la cause première, impriment des formes secondes, stables, qui ne périssent pas de sorte qu’il soit nécessaire de les refaire à nouveau. Pour leur part, les intelligences secondes impriment des formes déclinantes et séparables, comme est l’âme.
50— Ipsa namque est ex impressione intelligentiae
secundae quae sequi tur esse creatum inferius.
50 — Celle-ci en effet résulte de l’impression de l’intelligence seconde qui jouxte l’être créé plus bas.
51 — Et non multiplicantur animae nisi per modum
quo multiplican tur intelligentiae. Quod est quia esse animae iterum habet
finem, sed quod ex eo est inferius est infinitum.
51 — Et les âmes ne sont multipliées que de la manière dont les intelligences sont multipliées. Il en est ainsi parce que l’être de l’âme a derechef une limite, mais ce qui, de lui, est inférieur, est sans limite.
52 — Igitur animaè quae sequuntur al achili idest
intelligentiam, sunt completae, perfectae, paucae decljnationis et
separationis; et animae quae sequuntur esse inferius sunt in complemento et
declinatione sub ariimabus superioribus.
52 — Donc les âmes qui jouxtent al achili, c’est-à-dire l’intelligence, sont achevées, parfaites et peu enclines à la chute et à la séparation: quant aux âmes qui jouxtent l’être plus bas, elles sont au-dessous des âmes supérieures quant à leur achèvement et leur tendance à la chute.
53 — Et animae superiores influunt bonitates, quas
recipiunt ab intel ligentia, super animas inferiores.
53 — Et les âmes supérieures influent les bontés qu’elles reçoivent de l’intelligence sur les âmes inférieures.
54 — Et omnis anima recipiens ab intelligentia
virtutem plus, est super impressionem fortior, et quod impressum est ab ea est
fixum, stans, et est motus eius motus aequalis, continuus. Et illa in qua ex ea
est virtus intelli gentiae minus, est in impressione sub animabus primis, et
est quod ab ea impressum est debile, evanescens, destructibile.
54 — Et toute âme qui reçoit de l’intelligence davantage de puissance exerce plus fortement son impression; ce qui est imprimé par elle est établi d’une manière stable, et son mouvement est uniforme et continu. Mais l’âme, venant d’elle, dans laquelle la puissance de l’intelligence est moindre, reste, dans la marque qu’elle imprime, inférieure aux âmes premières, et ce qui est imprimé par elle est chancelant, évanescent et périssable.
55 — Verumtamen, quamvis sit ita, tamen permanet
per genera tionem.
55 — Et pourtant, bien qu’il en soit ainsi, il n’en reste pas moins que l’âme perdure dans la génération.
56 — lam ergo ostensum est quare factae sunt
formae intelligihiles mul tae, et non est esse nisi unum, simplex, et quare
factae sunt rnultae animae, quarum quaedam sunt fortiores alus quibusdam, et
esse earum est unum simplex, in quo non est diversitas.
56 — Nous avons donc désormais montré pourquoi les formes intelligibles ont été faites multiples, pourquoi il n’y a d’être qu’un et simple, pour quoi les âmes ont été rendues multiples, dont certaines plus fortes que d’autres, et pourquoi leur être est un et simple sans diversité.
57 — Causa prima superior est narrationea et non
deficiunt linguae a narratione, eius nisi propter narrationem esse ipsius,
quoniam ipsa est supra omnem causam; et non narratur nisi per causas secundas
quae illuminan tur a lumine causae primae.
57 — La cause première est supérieure au discours, et les langues échouent à discourir d’elle, du moins à discourir sur son être, car elle est au-dessus de toute cause; et on en peut discourir seulement par les causes secondes, qui sont illuminées par la lumière de la cause première.
58 — Quod est quoniam causa prima non cessat
illuminare causatum suum et ipsa non illuminatur a lumine alio, quoniam ipsa
est lumen purum supra quod non est lumen.
58 — On peut l'expliquer ainsi: la cause première ne cesse d’illuminer son effet, et qu’elle n’est pas illuminée par une autre lumière, puisqu’elle est la lumière pure au-dessus de laquelle il n’est point de lumière.
59 — Ex illo ergo facta est prima sola cuius
deficit narratio; et non est ita nisi quia supra ipsam non est causa per quam
cognoscatur.
59 — Il en découle donc qu’il n’est que la cause première dont on ne puisse discourir; et il n’en est ainsi que parce que, au-dessus d’elle, il n’y a point de cause par laquelle on la connaisse.
60 — Etb omnis quidem res non cognoscitur et
narratur nisi ex ipsa causa sua. Cum ergo res est causa tantum et non est
causatum, non scitur per causam primam neque narratur, quoniam est superior
narratione, neque consequitur eam loquela.
60 — Et toute chose, en vérité, n’est connue et dite qu’à partir de sa propre cause. Ajoutons que, lorsque une réalité est cause seulement et n’est pas effet, elle n’est pas connue par une cause première ni dite, puisqu’elle est supérieure au discours, et que nulle parole ne l’atteint.
61 — Quod est quia narratio non fit nisi per
loquelam, et loquela per intelligentiam, et intelligentia per cogitationem, et
cogitatio per meditatio nem, et meditatio per sensum. Causa autem prima est
supra res omnes, quo niam est causa eis; propter illud fit quod ipsa non cadit
sub sensu et medi tatione et cogitatione et intelligentia et loquela; non est
ergo narrabilis.
61 — Il en est ainsi parce que le discours ne se fait que par la parole, la parole par l’intelligence, l’intelligence par la raison, la raison par l’imagination, l’imagination par le sens. Or la cause première est au-dessus de toutes choses, puisqu’elle en est la cause. C’est pourquoi, elle ne tombe pas sous le sens, l’imagination, la raison, l’intelligence et la parole; elle n’est donc pas susceptible d’être dite.
62 — Et dico iterum quod res, aut est sensibilis
et cadit sub sensu, aut est meditabilis et cadit sub meditatione, aut est fixa
stans secundum dispo sitionem unam et est intellectibilis, aut estc
convertibilisd, destructibilis, cadens sub generatione et corruptione et est
cadens sub cogitatione. Et causa prima est supra res intelligibiles sempiternas
et supra res destructibiles, qua propter non cadunt super eam sensus neque
meditatio neque cogitatio neque intelligentia.
62 — Et je dis encore ceci: ou bien la réalité est sensible, et elle tombe sous le sens, ou bien elle est imaginable, et elle tombe sous l’imagination, ou bien elle subsiste stable selon une disposition unique, et elle est intelligible, ou bien elle est changeante, destructible, sujette à la génération et à la corruption, et elle tombe sous la raison. Or la cause première est au-dessus des choses intelligibles perpétuelles, et au-dessus des choses destructibles, ce pour quoi ni le sens, ni l’imagination, ni la raison, ni l’intelligence ne l’appréhendent.
63 — Et ipsa quidem non significatur nisi ex causa
secunda quae est intelligentia et non nominatur per nomen causati sui primi
nisi per modum altiorem et meliorem, quoniam quod est causatoe est causae
iterum, verum tamen per modum sublimiorem et meliorem et nobiliorem, sicut
ostendimus.
63 — Et, en définitive, elle n’est signifiée qu’à partir de la cause seconde qui est l’intelligence. Elle n’est nommée par le nom de son premier effet que sur un mode meilleur et plus élevé, puisque ce qui appartient à l’effet appartient également à la cause, mais sur un mode plus haut, meilleur et plus noble, comme nous l’avons montré.
64 — Intelligentia est substantia quae non
dividitur.
64 — L’intelligence est une substance qui n’est pas divisée.
65 — Quod est quia si non est cum magnitudine
neque corpus neque movetur, tunc procul dubio non dividitur.
65 — Cela s’explique ainsi: si elle n’a ni grandeur, ni corps, ni mouvement, sans aucun doute elle n’est pas divisée.
66 — Et iterum omne divisibile non dividitur nisi
aut in multitudinem aut in magnitudinem aut in motum suum.
66 — Et derechef tout être divisible n’est divisé qu’en multiplicité, grandeur ou mouvement.
67 — Cum ergo res est secundum hanc dispositionem,
est sub tempore, quoniam non recipit divisionem nisi in tempore. Et
intelligentia quidem non est in tempore, immo est cum aeternitate; quapropter
facta est altior et supe rior omni corpore et omni multitudine. Quod si
inveniatur in ea multitudo, non invenitur nisi existens quasi sita res una. Cum
ergo intelligentia sit secun dum hunc modum, penitus divisionem non recipit.
67 — Ajoutons que, lorsque une réalité est selon cette disposition, elle est soumise au temps, car une réalité ne subit la division que dans le temps. Et, en vérité, l’intelligence n’est pas dans le temps: au contraire, elle est avec l’éternité; c’est pourquoi elle a été faite plus haute et plus élevée que tout corps et toute multiplicité. Et si l’on trouve en elle de la multiplicité, on ne la trouve que comme une réalité existant de façon une. Puisque donc l’intelligence est selon ce mode, elle n’admet absolument pas la division.
68 — Et significatio quidem illius est reditio sui
super essentiam suam, scilicet quia non extenditur cum re extensa, ita ut sit
una suarum extremita tum secunda ab alia.
68 — Et la preuve en est le retour de l’intelligence sur sa propre essence c’est-à-dire qu’elle ne devient pas coextensive à la réalité étendue de sorte qu’une de ses extrémités soit séparée de l’autre.
69 — Quod est quia quando vuit scientiam rei
corporalis extenditur cum ea, etc ipsa stat fixa secundum suam dispositionem,
quoniam est forma a qua non pertransit aliquid. Et corpora quidem non sunt ita.
69 — La raison en est que, lorsqu’elle veut connaître la réalité corporelle, elle lui devient coextensive et subsiste stable, selon sa disposition, puisqu’elle est la forme d’où rien ne diffuse. Des corps, en vérité, il n’en est pas ainsi.
70 — Et significatio quod intelligentia non est
corpus neque dividitur eius substantia et operatio eius, est quod utraeque sunt
res una. Et intelli gentia quidem est multa propter bonitates quae adveniunt ei
a causa prima. Et ipsa quamvis multiplicetur per hunc modum, tamen quia appro
pinquat Uni, fit unum et non dividitur. Et intelligentia quidem non recipit
divisionem, quoniam est primum creatum quod creatum est a causa prima, et
unitas est dignior ea quam divisio.
70 — Ce qui montre que l’intelligence n’est pas un corps, et que sa substance et son opération ne sont pas disjointes, c’est que l’une et l’autre ne font qu’un. Et pourtant l’intelligence est multiple à cause des bontés qui lui adviennent de la cause première. Mais bien qu’elle soit multipliée de cette façon, puisqu’elle-même s’approche cependant de l’Un, elle est une et n’est pas divisée. Et, en vérité, l’intelligence n’admet pas la division, parce qu’elle est le premier créé qui ait été créé par la cause première, et que l’unité est plus digne d’elle que la division.
71 — lam ergo verificatum est quod intelligentia
substantia est quae non est cum magnitudine neque corpus neque movetur per
aliquem modo rum motus corporei quapropter facta est supra tempus et cum
aeternitate, sicut ostendimus.
71 — Donc, il est d’ores et déjà avéré que l’intelligence est une substance qui n’a ni grandeur, ni corps, ni mouvement sur un des modes du mouvement corporel: c’est pourquoi elle a été produite au-dessus du temps et avec l’éternité, comme nous l’avons montré.
72 — Omnis intelligentia scit quod est supra se et
quod est sub se verumtamen scit quod est sub se quoniam est causa ci, et scit
quod est supra se quoniam acquirit bonitates ab eo.
72 — Toute intelligence connaît ce qui est au-dessus d’elle et ce qui est en-dessous d’elle: mais elle connaît ce qui est au-dessous d’elle parce qu’elle en est la cause, et elle connaît ce qui est au-dessus d’elle parce qu’elle en reçoit les bontés.
73 — Et intelligentia quidem est substantia
intellectibilis; ergo secun dum modum suae substantiae scit res quas acquirit
desuper et res quibus est causa.
73 — Et, de fait, l’intelligence est une substance intelligible; donc elle connaît suivant le mode de sa substance les choses qu’elle reçoit d’en haut et les choses dont elle est la cause.
74 — Ergo ipsa discernit quod est supra eam et
quod est sub ea, et scit quod illud quod est supra se est causa ci, et quod est
sub ea est causatum ab ea; et cognoscit causam suam et causatum suum per modum
qui est causa eius, scilicet per modum suae substantiae.
74 — Elle distingue donc ce qui est au-dessus et ce qui est au-dessous d’elle; elle sait que ce qui est au-dessus est sa cause et que ce qui est au-dessous est son effet. Elle connaît sa cause et son effet selon son rang de causalité, à savoir selon le mode de sa propre substance.
75 — Et similiter omnis sciens non scit rem
meliorem et rem inferio rem et deteriorem nisi secundum modum suae substantiae
et sui esse, non secundum modum secundum quem res sunt.
75 — Et, de la même façon, celui qui connaît ne connaît une réalité meilleure que lui et une réalité plus basse et moins bonne que lui, sinon selon le mode de sa propre substance et de son être propre, et non selon le mode suivant lequel ces choses sont.
76 — Et si hoc ita est, tunc proculdubio bomtates
quae descendunt super intelligentiam a causa prima, sunt in ea intellectibiles
et similiter res corpo reae sensibiles sunt in intelligentia intellectibiles.
76 — Et, s’il en est ainsi, sans aucun doute, les bontés qui descendent de la cause première sur l’intelligence sont, en elle, intelligibles; et, de la même façon, les choses corporelles sensibles sont, dans l’intelligence, intelligibles.
77 — Quod est quoniam res quae sunt in
intelligentia non sunt impres siones ipsae, immo sunt causae impressionum. Et
significatio illius est quod intelligentia ipsa est causa rerum quae sunt sub
ea per hoc quod est intelli gentia tantuma. Si ergo intelligentia est causa
rerum per hoc quod est intel ligentia, tunc procul dubio causae rerum in
intelligentia sunt intellectibiles etiam.
77 — On peut l'expliquer ainsi: les choses qui sont dans l’intelligence ne sont pas les impressions elles-mêmes, mais bien plutôt les causes des impressions ce qui le montre est que l’intelligence elle-même est cause des choses qui sont sous elle, par cela seul qu’elle est intelligence. Si donc l’intelligence est cause des choses par cela qu’elle est intelligence, sans aucun doute les causes des choses dans l’intelligence sont aussi intelligibles.
78 — lam ergo manifestum est quod res supra
intelligentiam et sub ea, sunt (in intelligentia)b per virtutem intellectibilem
et similiter res corporeae cum intelligentia sunt intellectibiles et res
intellectibiles in intelligentia sunt intellectibiles, quoniam ipsa est causa
causaec earum; et quoniam ipsa non apprehendit res dflj per modum suae
substantiae et ipsa, quia est intelli gentia, apprehendit res apprehensione
intellectibili, sive intellectibiles sint res sive corporeae.
78 — Il est donc désormais clair que les choses qui sont au-dessus de l’intelligence et les choses qui sont au-dessous d’elle sont (dans l’intelligence) par une puissance intelligible; et, pareillement, que les choses corporelles au plan de l’intelligence, et les choses intelligibles dans l’intelligence sont intelligibles, puisqu’elle est elle-même cause de leur cause et que, puisqu’elle n’appréhende les choses que selon le mode de sa propre substance, elle-même, parce qu’elle est intelligence, appréhende les choses par une appréhension intelligible, que ces choses soient intelligibles ou qu’elles soient corporelles.
79 — Omriis intelligentiae fixio et essentia eiuse
est per bonitatem puram quae est causa prima.
79 — La stabilité et l’essence de toute intelligence lui viennent du bien pur qui est la cause première.
80 — Et virtus quidem intelligentiae est
vehementioris unitatis quam res secundae quae sunt post eam, quoniam ipsae non
accipiunt cognitio nem eius. Et non est facta ita, nisi quia causa est ei quod
est sub ea.
80 — C’est que la puissance de l’intelligence est d’une unité plus forte que les choses secondes qui viennent après elle, puisque celles-ci ne reçoivent pas la connaissance qui est sienne. Et elle ne se trouve telle que parce qu’elle est cause de ce qui est sous elle.
81 — Et significatio eius est illud cuius nosf
rememoramur: intelligentia est regens omnes res quae sunt sub ea per virtutem
divinam quae est in ea et per eam retinet res, quoniam per eam est causa rerum;
et ipsa retinet omnes res quae sunt sub ea et comprehendit cas.
81 — Et la preuve en est ce que nous rappelons: l’intelligence est régente de toutes les choses qui sont sous elle par la puissance divine qui est en elle et par cette puissance elle maintient ces choses, car c’est par elle qu’elle en est cause; ainsi l’intelligence maintient toutes les choses qui sont sous elle et les enveloppe.
82 — Quod est quoniam omne quod est primum rebus
et causa eis, est retinens illas res et regens cas et non evadit ab eo ex ipsis
aliquid propter virtutem suam altam. Ergo intelligentia est princeps omnium”
quae sunt sub ea et retinens eas et regens eas, sicut natura regit res quae
sunt sub ea per virtutem intelligentiae. Et similiter intelligentia regit
naturam per virtutem divinam.
82 — On peut l'expliquer ainsi: tout ce qui est premier pour les choses et qui est leur cause maintient et régit ces mêmes choses, et rien d’elles n’échappe à son emprise, du fait de sa haute puissance. Donc l’intelligence est principe des choses qui sont sous elle, et les maintient et les régit, comme la nature maintient et régit les choses qui sont sous elle, et ceci par la puissance de l’intelligence. Et, pareillement, l’intelligence régit la nature par la puissance divine.
83 — Et intelligentia quidem non facta est
retinens res quae sunt post eam et regens eas et suspendens virtutem suam super
eas, nisi quoniam ipsae non sunt virtus substantialis ei, immo ipsa est virtus
virtutum substantia hum, quoniam est causa eis.
83 — En vérité l’intelligence ne se trouve maintenir les choses qui viennent après elle, les régir et déployer sa puissance au-dessus d’elles que parce que ces choses ne sont pas puissance substantielle à son égard: au contraire, c’est elle qui est la puissance des puissances substantielles, car elle en est la cause.
84 — Et intehligentia quidem comprehendit generata
et naturam et hori zontem naturae scihicet animam, nam ipsa est supra naturam.
84 — Et ainsi, l’intelligence enveloppe les êtres engendrés et la nature et l’horizon de la nature, c’est-à-dire l’âme elle est en effet au-dessus de la nature.
85 — Quod est quia natura continet generationem et
anima continet naturam et intelligentia continet animam.
85 — La raison en est la suivante: la nature contient la génération, l’âme contient la nature, l’intelligence contient l’âme.
86 — Ergo intelligentia continet omnes res; et non
est facta intelligentia ita nisi propter causam primam quae supereminet omnibus
rebus, quoniam est causa intelhigentiae et animae et naturae et rehiquis rebus.
86 — L’intelligence contient donc toutes choses; et il n’en est ainsi de l’intelligence qu’en raison de la suréminence de la cause première au-dessus de toutes choses, vu que celle-ci est cause de l’intelligence, de l’âme, de la nature et des autres choses.
87 — Et causa quidem prima non est intelligentia
neque anima neque natura, immo est supra intelligentiam et animam et naturam,
quoniam est creans omnes res. Verumtamen est creans inteihigentiam absque medio
et creans animam et naturam et rehiquas res, mediante intelligentia.
87 — Et ainsi la cause première n’est pas l’intelligence, ni l’âme, ni la nature, mais elle est au-dessus de l’intelligence, de l’âme, de la nature, parce qu’elle crée toutes choses. A vrai dire, elle crée l’intelligence sans intermédiaire, mais elle crée l’âme, la nature et les autres choses par l’entremise de l’intelligence.
88 — Et scientia quidem divina non est sicut
scientia intellectibilis neque sicut scientia animaeb; immo est supra scientiam
intelligentiae et scientiam animae, quoniam est creans scientias.
88 — Et ainsi la science divine n’est pas comme la science de l’être intelligent ni comme la science de l’âme, mais elle est au-dessus de la science de l’intelligence et de la science de l’âme, parce qu’elle crée les sciences.
89 — Et quidem virtus divina est supra omnem
virtutem intehlectibilem et animalem et naturalem, quoniam est causa omni
virtuti.
89 — Et ainsi la puissance divine est au-dessus de toute puissance de l’intelligence, de l’âme et de la nature, parce qu’elle est cause de toute puissance.
90 — Et intehhigentia est habens helyatin quoniam
est esse et forma et simihiter anima est habens helyatin. Et natura est habens
helyatin. Et causae quidem primae non est helyatin, quoniam ipsa est esse
tantum.
90 — Et l’intelligence possède une helyatin (Ce terme signifie ici forme) puisqu’elle est être et forme, et, de même, l’âme possède une helyatin, et la nature aussi. Et ainsi il n’y a pas d’helyatin de la cause première, parce qu’elle est seulement être.
91 — Quod si dixerit aliquis necesse est ut sit
eid helyatin, dicemus helyatin suum est infinitum et individuum suum est
bonitas pura, influens super intehligentiam omnes bonitates et super reliquas
res mediante intelligentia.
91 — Et si quelqu’un disait: « il est nécessaire qu’elle ait une helyatin », nous dirons alors son helyatin est l’infini et son individualité est le bien pur, qui répand toutes ses bontés sur l’intelligence, et sur les autres choses par l’entremise de celle-ci.
92 — Omnis intelligentia plena est formis;
verumtamen ex intelligen tus sunt quae continent formas minus universales et ex
eis sunt quae conti nent formas plus universales.
92 — Toute intelligence est pleine de formes; pourtant, parmi les intelligences il y en a qui contiennent des formes moins universelles et d’autres qui contiennent des formes plus universelles.
93 — Quod est quoniam formae quae sunt in
intelligentiis secundis infe rioribus per modum particularem, sunt in
intelligentiis primis per modum universalem; et formae quae sunt in
intelligentiis primis per modum uni versalem sunt in intelligentiis secundis
per modum particularem.
93 — On peut l'expliquer ainsi: les formes qui sont dans les intelligences secondes et inférieures sur un mode particulier, sont dans les intelligences premières sur un mode universel; et les formes qui sont dans les intelligences premières sur un mode universel sont dans les intelligences secondes sur un mode particulier.
94 — Et primis aintelligentiis est virtus magna,
quoniam sunt vehemen tioris unitatis quam intelligentiae secundae inferiores;
et intelligentiisb secun dis inferioribus sunt virtutes debiles, quoniam sunt
minons unitatis et plu- ris multiplicitatis.
94 — Et les intelligences premières ont une grande puissance parce qu’elles sont d’une unité plus forte que les intelligences secondes et inférieures; et les intelligences secondes et inférieures ont des puissances faibles parce qu’elles sont d’une moindre unité et d’une plus grande multiplicité.
95 — Quod est quia intelligentiae propinquaec Uni,
puro vero sunt minons quantitatis et majoris virtutis, et intelligentiae quae
sunt longinquio res ab Uno, puro vero sunt pluris quantitatis et debilioris
virtutis.
95 — La raison en est la suivante: les intelligences proches de l’Un pur et vrai sont d’une quantité moindre et d’une plus grande puissance, et les intelligences qui sont plus éloignées de l’Un pur et vrai sont d’une quantité plus grande et d’une puissance moindre.
96 — Et quia intelligentiae propinquae Uni, puro
vero sunt minons quantitatisd, accidit inde ut formae quae procedunt ex
intelligentiis primis, procedant processione universali unita.
96 — Et parce que les intelligences proches de l’Un pur et vrai sont en quantité moindre, il en découle que les formes qui procèdent des intelligences premières, le font par procession une et universelle.
97 — Et nos quidem abbreviamus et dicimus qùod
formae quae adve niunt ex intelligentiis primis secundis sunt debilioris
processionis et vehe mentions separationis.
97 — En bref, nous disons que les formes qui viennent des intelligences premières aux secondes sont d’une procession plus faible et d’une séparation plus forte.
98 — Quapropter fit quod intelligentiae secundae
proiciunt visus suos super universalem formam, quae est in intelligentiis
universalibus, et divi dunt eam et separant eam, quoniam ipsae non possunt
recipere illas formas secundum veritatem et certitudinem earum, nisi per modum
secundum quem possunt recipere eas, scilicet per separationem et divisionem.
98 —. C’est pourquoi les intelligences secondes jettent leurs regards sur la forme universelle qui est dans les intelligences universelles, la divisent et la séparent, puisqu’elles ne peuvent recevoir ces formes selon leur vérité et leur détermination, si ce n’est sur le mode sur lequel elles peuvent les recevoir, c’est-à-dire par séparation et division.
99 — Et similiter aliqua ex rebus non recipit quod
est supra eam nisi per modum secundum quem potest recipere ipsum, non per modum
secun dum quem est res recepta.
99 — Et, pareillement, aucune des choses ne reçoit ce qui est au-dessus d’elle sinon sur le mode sur lequel elle peut le recevoir, et point sur le mode sur lequel est la réalité reçue.
100 — Omnis intelligentia intelligit res
sempiternas quae non destruuntur neque cadunt sub tempore.
100 — Toute intelligence pense les choses perpétuelles, elles qui ne sont pas détruites et ne tombent pas sous le temps.
101 — Quod est quoniam si intelligentia est semper
quae non movetur, tunc ipsa est causa rebus sempiternis quae non destruuntur
nec permutan tur neque cadunt sub generatione et corruptione. Et intelligentia
quidem non est ita, nisi quia intelligit rem per esse suum, et esse suum est
sempiternum quod non corrumpitur.
101 — La raison en est la suivante: si l’intelligence est toujours ce qui n’est pas mû, elle est alors cause pour les choses perpétuelles, qui ne sont pas détruites ni changées et ne tombent pas sous la génération et la corruption. Et certes l’intelligence n’est telle que parce qu’elle pense chaque chose par son être propre, et son être propre est perpétuel, lui qui ne se corrompt pas.
102 — Cum ergo hoc sit ita, dicimus quod res
destructibiles sunt ex corporeitate, scilicet ex causa corporea temporali, non
ex causa intellecti bili aeterna.
102 — Puisqu’il en est ainsi, nous disons que les choses destructibles viennent de la corporéité, c’est-à-dire d’une cause corporelle et temporelle, non d’une cause intelligible et éternelle.
103 — Primorum omnium quaedam sunt in quibusdam per
modum quo licet ut sit unum eorum in alio.
103 — Tous les êtres premiers sont les uns dans les autres selon qu’il est possible à chacun d’être en un autre.
104 — Quod est quia in esse sunt vita et
intelligentia, et in vita sunt esse et intelligentia, et in intelligentia sunt
esse et vita.
104 — On peut l'expliquer ainsi: dans l’être sont la vie et l’intelligence, dans la vie sont l’être et l’intelligence, et dans l’intelligence sont l’être et la vie.
105 — Verumtamen esse et vita in intelligentia sunt
duae al achili, idest intelligentiae, et esse et intelligentia in vita sunt
duae vitae, et intelligentia et vita in esse sunt duo esse.
105 — Cependant l’être et la vie sont dans l’intelligence deux al achili c’est-à-dire intelligences, l’être et l’intelligence sont dans la vie deux vies et l’intelligence et la vie sont dans l’être deux êtres.
106 — Et illud quidem non est ita nisi quia
unumquodque primorum aut est causa aut causatum. Causatum ergo in causa
est per modum causae et causa in causato per modum causati.
106 — Et il n’en est ainsi que parce que chacun des premiers principes est ou cause ou effet. L’effet, donc, est dans la cause selon le mode de la cause, et la cause est dans l’effet selon le mode de l’effet.
107 — Et nos quidem abbreviamus et dicimus quod res
agens, vel quae est in rea per modum causae, non est in ea nisi per modum quib
est causa eius, sicut sensus in anima per modum animalem, et anima in
intelligentia per modum intellectibilem, et intelligentia in esse per modum
essentialem, et esse primum in intelligentia per modum intellectibilem, et
intelligentia in anima per modum animalem, et anima in sensu per modum
sensibilem.
107 — En bref, nous disons qu’une réalité agissante, c’est-à-dire qui est dans une autre par mode de causalité, ne s’y trouve que selon son rang de causalité. De la sorte, le sens est dans l’âme sur le mode animé, l’âme dans l’intelligence sur le mode intelligible, l’intelligence dans l’être sur le mode essentiel, et l’être premier est dans l’intelligence sur le mode intelligible, l’intelligence dans l’âme sur le mode animé, l’âme dans le sens sur le mode sensible.
108 — Et redeamus et dicamus quod sensus in anima
et intelligentia in causa prima sunt per modos suos, secundum quod ostendimus.
108 — Nous reprenons donc et disons que le sens est dans l’âme et l’intelligence dans la cause première, sur les modes propres à celles-ci, comme nous l’avons montré.
109 — Omnis intelligentia intelligit essentiam suam.
109 — Toute intelligence pense sa propre essence.
110 — Quod est quia intelligens et intellectum sunt
simul; cum ergo est intelligentia intelligens et intellectum, tunc procul dubio
videt essentiam suam.
110 — Il en est ainsi parce que le pensant et le pensé sont ensemble comme l’intelligence est le pensant et le pensé, alors sans aucun doute elle voit son essence.
111 — Et, quando videt essentiam suam, scit quod
intelligit per intelligentiam essentiam suam.
111 — Et lorsque elle voit son essence, elle sait qu’elle la pense en intelligence.
112 — Et, quando scit essentiam suam, scit reliquas
res quae sunt sub ea, quoniam sunt ex ea.
112 — Et lorsque elle connaît son essence, elle connaît les autres choses qui sont sous elle, parce qu’elles viennent d’elle.
113 — Verumtamen in ea sunt per modum
intellectibilem. Ergo intelli gentia et res intellectae sunt unum.
113 — Cependant elles sont en elle sur le mode intelligible. Donc l’intelligence et les choses pensées sont un.
114 — Quod est quia, si res intellectae et
intelligentia sunt unum, et intelligentia scit esse suum, tunc procul dubio quando
scit essentiam suam, scit reliquas res, et quando scit reliquas res, scit
essentiam suam, eta quando scit res, tuncb ipsa non scit eas nisi quia sunt
intellectae. Ergo intelligentia scit essentiam suam et scit res intellectas
simul, sicut ostendimus.
114 — Pour cette raison, si les choses pensées et l’intelligence sont un et si l’intelligence connaît son propre être, alors, sans aucun doute, lorsque elle connaît son essence, elle connaît les autres choses, et lorsque elle connaît les autres choses, elle connaît son essence, et lorsqu’elle les connaît, c’est uniquement parce qu’elles sont pensées. Donc l’intelligence connaît ensemble sa propre essence et les choses pensées, ainsi que nous l’avons montré.
115 — In omni anima res sensibiles sunt per hoc
quod est exemplum eis, et res intellectibiles in ea sunt, quia scit eas.
115 — Les choses sensibles sont en toute âme, parce qu’elle en est le modèle, et les choses intelligibles sont en elle parce qu’elle les connaît.
116 — Et non facta est ita nisi quia ipsa expansa
est inter res intellecti biles quae non moventur et inter res sensibiles quae
moventur.
116 — Et il n’en est ainsi que parce qu’elle est intermédiaire entre les choses intelligibles, qui ne sont pas mues, et les choses sensibles qui sont mues.
117 — Et quia anima sic est, fit quod imprimit res
corporeas, quapropter facta est causa corporum et facta est causata ex
intelligentia quae est ante eam.
117 — Et, parce qu’ainsi est l’âme, il se fait qu’elle façonne les choses corporelles pour cette raison, elle se trouve être cause des corps, et causée à partir de l’intelligence, qui est avant elle.
118 — Res igitur quae imprimuntur ex anima sunt in
anima per inten tionem exempli, scilicet quia res sensibiles exemplificantur
secundum exem plum animae; et res quae cadunt supra animam sunt in anima per
modum acquisitum.
118 — Ainsi les choses qui sont façonnées par l’âme sont, par raison d’exemplarité, dans l’âme, car les choses sensibles sont des exemplaires faits d’après le modèle de l’âme; et les choses échéant au-dessus de l’âme, sont dans l’âme par ajout.
119 — Cum ergo hoc sit ita, redeamus et dicamus
quod res sensibiles omnes in anima sunt per modum causae, praeterc quod anima
est causa exemplarisd.
119 — Puisqu’il en est ainsi, reprenons et disons que les choses sensibles sont toutes dans l’âme sur le mode causal, outre que l’âme est cause exemplaire.
120 — Et intelligo per anirnam virtutem agentem res
sensibiles.
120 — Et j’entends par âme la puissance qui produit les choses sensibles.
121 — Verumtamen virtus efficiens in anima non est
materialis, et vir tus corporea in anima est spiritualis, et virtus imprimens
in rebus habenti bus dimensiones est sine dimensione.
121 — Pourtant cette puissance efficiente qui est dans l’âme n’est pas matérielle, cette puissance sur les corps qui est dans l’âme est spirituelle, cette puissance d’impression sur les choses qui ont une dimension est sans dimension.
122 —Res autem intellectibiles in anima sunt per
modum accidenta lem, scilicet quia res intellectibiles quae non dividuntur sunt
in anima per modum divisibilem. Ergo res intellectibiles unitae, sunt in anima
per modum qui multiplicatur, et res intellectibiles quae non moventur sunt in
anima per modum motus.
122 — Mais les choses intelligibles sont dans l’âme sur un mode accidentel, parce que, en d’autres termes, elles qui ne sont pas divisées, s’y trou vent sur le mode de la division. Par conséquent, les choses intelligibles, unes en elles-mêmes, sont dans l’âme sur le mode de la multiplicité; non mues, elles sont dans l’âme sur le mode du mouvement.
123 — lam ergo ostensum est quod res
inteilectibiles et sensibiles sunt in anima, verumtamen res sensibiles,
corporeae, motae sunt in anima per modum animalem, spiritualem, unitum, et quod
res intellectibiles, unitae, quiescentes, sunt in anima per modum qui
multiplicatur, motuma.
123 — Ainsi est-il à présent rendu évident que les choses intelligibles et sensibles se trouvent dans l’âme, mais que les choses sensibles, corporel les et en mouvement, y sont sur le mode animé, spirituel et unifié, et que les choses intelligibles unes et en repos, y sont sur le mode de la multiplicité et du mouvement.
124 — Omnis sciens qui scit essentiam suam est
rediens ad essentiam suam reditione completa.
124 — Tout être connaissant qui connaît sa propre essence, vers elle fait retour, d’un retour total.
125 — Quod est quia scientia non est nisi actio
intellectibilis. Cum ergo scit sciens suam essentiam, tunc redit per operationem suam
intellectibilem ad essentiam suam.
125 — On peut l'expliquer ainsi: la connaissance n’est rien d’autre qu’une action intelligible. Lors donc que l’être connaissant connaît sa propre essence, il revient à elle par son opération intelligible.
126 — Et hoc non est ita nisi quoniam sciens et
scitum sunt res una, quoniam scientia scientis essentiam suam est ex eo et ad
eum est ex eo quia est sciens, et ad eum quia est scitum.
126 — Et cela ne peut être, sinon parce que le connaissant et le connu sont chose une, parce que la connaissance de qui connaît sa propre essence vient de lui-même et va vers lui: vient de lui-même car il est le connaissant, va vers lui car il est le connu.
127 — Quod est quia propterea quod scientia est
scientia scientis, et sciens scit essentiam suam, est eius operatio rediens ad
essentiam suam ergo substantia eius est rediens ad essentiam ipsius iterum.
127 — La raison en est la suivante étant donné que la connaissance est science du connaissant, et que le connaissant connaît sa propre essence, alors son opération est de revenir vers sa propre essence; sa substance fait donc retour à son essence.
128 — Et non significo per reditionem substantiae
a&essentiam suam, nisi quia est stans, fixa per se, non indigens in sui
fixione et sui essentia re alia rigente bipsam, quoniam est substantia simplex,
sufficiens per seipsam.
128 — Et je ne parle ainsi de retour de la substance à son essence, que parce qu’elle subsiste par soi de façon stable, sans avoir besoin en sa stabilité et en son essence d’aucune autre chose pour s’établir, car elle est une substance simple et se suffisant à soi.
129 — Omnes virtutes quibus non est finis pendentes
sunt per infini tum primum quod est virtus virtutum, non quia ipsa sit
acquisita fixa, stansc in rebus entibus, immo estd virtus rebus entibus
habentibus fixionem.
129 — Toutes les puissances, pour lesquelles il n’y a pas de limite, dépendent d’un infini premier qui est la puissance des puissances, non point parce que celle-ci aurait sa stable subsistance dans les choses existantes, mais plu tôt parce qu’elle est la puissance pour des choses existantes qui reçoivent leur stabilité.
130 — Quod si aliquis dicat quod ens primum
creatum, scilicet intelli gentia, est virtus etiame cui non est finis, dicemus
quod non est ens crea tum virtus, immo est ei virtus quaedam.
130 — Et si quelqu’un avance que l’être premier créé, à savoir l’intelligence, est aussi une puissance pour laquelle il n’y a pas de limite, nous répondrons que l’être créé n’est pas la puissance, mais a une certaine puissance.
131 — Et virtus quidem eius non est facta infinita
nisi inferius, non superius, quoniam ipsa non est virtus pura quae non est
virtus, nisi quia est virtus, et est res quae non finitur inferius neque
superius. Ens autem pri mum creatum, scilicet intelligentia, habet finem et
virtuti eius est finis secun dum quem remanet causa eius.
131 — Et même, la puissance de l’intelligence n’est infinie que pour ce qui est inférieur, et non pas pour ce qui est supérieur: en effet, elle n’est pas la puissance pure, qui n’est puissance que parce qu’elle est puissance, et qui est une réalité qui n’est finie ni pour l’inférieur ni pour le supérieur. Mais l’être premier créé, à savoir l’intelligence, a une limite, et à sa puissance il y a une limite, à laquelle sa cause se tient.
132 — Ens autem primum creans est infinitum primum
purum.
132 — Mais l’être premier créateur est l’infini premier et pur.
133 — Quod est quia, si entibus fortibus non est
finis propter suam acquisitionem ab infinito primo puro propter quod sunt entia
infinitaa et si ens primum ipsum est quod ponit res quibus non est finis, tunc
ipsum procul dubio est supra infinitum.
133 — On peut l'expliquer ainsi: si les êtres forts n’ont pas de limite qui serait acquise de l’infini premier et pur, par lequel ils sont des êtres infinis, et que si l’être premier est lui-même ce qui pose les choses qui n’ont pas de limite, alors celui-ci est sans aucun doute au-dessus de l’infini.
134 — Ens autem creatum primum scilicet
intelligentia, non est non finitum; immo dicitur quod est infinitum, neque
dicitur quod est ipsum met quod est non finitum.
134 — Mais l’être créé premier, à savoir l’intelligence, n’est pas non-fini: ou plutôt on dit qu’il est infini et on ne dit pas que lui-même est ce qui est non-fini.
135 — Ens ergo primum est mensura entium primorum
intellectibilium et entium secundorum sensibilium, scilicet quia ipsum est quod
creavit entia et mensuravit ea mensura convenienti omni enti.
135 — L’être premier est donc mesure des êtres premiers intelligibles et des êtres seconds sensibles, et ceci parce qu’il est ce qui a créé les êtres, et les a mesurés de la mesure qui convient à tout être.
136 — Redeamus ergo et dicamus quod ens primum
creans est supra infinitum, sed ens secundum creatum est infinitum; et quod est
inter ens primum creans et ens secundum creatum est non finitum.
136 — Revenons à notre sujet et posons que l’être premier qui est créateur est au-dessus de l’infini, mais que l’être second qui est créé est infini et ce qui se trouve entre l’être premier créateur et l’être second créé est le non-fini.
137 — Et reliquae bonitates simplices, sicut vita
et lumen et quae sunt eis similia, sunt causae rerum omnium habentium
bonitates, scilicet quod infinitum est a causa prima et causatum primum est
causa omnis vitae et similiter reliquae bonitates descendentes a causa prima
super causatum pri mum in primis, et est intelligentia, deinde descendunt super
reliqua causata intellectibilia et corporea, mediarite intelligentia.
137 — Et toutes les autres bontés simples, comme vie et lumière et tout ce qui leur est semblable, sont les causes de toutes les choses qui reçoivent des bontés. Et cela signifie que ce qui par la cause première est infini et pre mier causé est la cause de toute vie; et il en est de même de toutes les autres perfections, découlant de la cause première d’abord sur le premier effet, et c’est l’intelligence, ensuite découlant sur tous les autres effets, intelligibles et corporels, par l’intermédiaire de l’intelligence.
138 — Omnis virtus unita plus est infinita quam
virtus multiplicata.
138 — Toute puissance une est plus infinie qu’une puissance multiple.
139 — Quod est quia infinitum primum quod est
intelligentia est pro pinquum Uni, puro vero. Propter illud ergo factum est
quod in omni vir tute propinqua Uni vero est infinitas plus quam in virtute
longinqua ab eo.
139 — Et ceci parce que l’infini premier, qui est l’intelligence, est proche de l’Un, pur et vrai. A cause de lui, il se fait que, dans toute puissance proche de l’Un vrai, il y a infinité plus que dans une puissance éloignée de lui.
140 — Quod est quia virtus, quando incipit multiplicari,
tunc destrui tur unitas eius, et, quando destruitur eius unitas, destruitur
eius infinitas. Et non destruitur infinitas eius nisi quia dividitur.
140 — La raison en est que, lorsqu’une puissance commence à être multipliée, son unité se détruit, et lorsque son unité se détruit, son infinité se détruit aussi. Et elle ne se détruit que parce qu’elle se divise.
141 — Et illius quidem significatio est virtus
divisa, et quod ipsa quanto magis aggregatur et unitur, magnificatur et
vehementior fit et efficit opera tiones mirabiles; et quanto magis partitur et
dividitur, minoratur et debili tatur et efficit operationes viles.
141 — La preuve en est la puissance divisée, et le fait que plus elle est rassemblée et unie, plus elle croît et devient forte et plus admirables sont ses opérations. En revanche, plus elle se partage et se divise, plus elle diminue et s’affaiblit et plus viles sont les opérations qu’elle produit.
142 — lam igitur manifestum est et planum quod
virtus, quanto plus approximat Uni, puro vero, fit vehementior eius unitas, et
quanto vehemen tior fit unitas, est infinitas in ea magis apparens et
manifestior et sunt ope rationes eius operationes magnae, mirabiles et nobiles.
142 — Ainsi donc a-t-on montré en toute clarté que plus une puissance est proche de l’Un pur et vrai, plus son unité devient forte, et plus forte en elle est l’unité, plus visible et manifeste en est l’infinité et plus grandes, admirables et nobles sont ses opérations.
143 — Res omnes habenta entia propter ens primum,
et res vivae omnes sunt motae per essentiam suam propter vitam primam, et res
intellectibiles omnes habent scientiam propter intelligentiam primam.
143 — Toutes choses ont l’être grâce à l’être premier, toutes les vivantes sont mues par leur essence grâce à la vie première, toutes les intelligibles sont connaissantes grâce à l’intelligence première.
144 — Quod est quia, si omnis causa dat causato suo
aliquid, tunc procul dubio ens primum dat causatis omnibus ens.
144 — Voici pourquoi: si toute cause donne à son effet quelque chose, dans ce cas, sans aucun doute, l’être premier donne l’être à tous les effets.
145 — Et similiter vita dat causatis suis motum,
quia vita est processio procedens ex ente primo quieto, sempiterno, et primus
motus.
145 — Et pareillement la vie donne à ses effets le mouvement, parce que la vie est une procession venant de l’être premier en repos et perpétuel, et qu’elle est le premier mouvement.
146 — Et similiter intelligentia dat causatis suis
scientiam.
146 — Et pareillement l’intelligence donne la connaissance à ses effets.
147 — Quod est quia omnis scientia vera non est
nisi mb intelligentia et intelligentia est primum sciens quod est, et est
influens scientiam super reliqua scientia.
147 — Cela s’explique ainsi: toute connaissance vraie n’est que dans l’intelligence, et l’intelligence est le premier connaissant qui soit et elle influe la connaissance sur les autres connaissants.
148 — Redeamus autem et dicamus quod ens primum est
quietum et est causa causarum, et, si ipsum dat omnibus rebus ens, tunc ipsum
dat eis per modum creationis. Vita autem prima dat eis quae sunt sub ea vitam,
non per modum creationis immo per modum formae. Et similiter intelli gentia non
dat eis quae sunt sub ea de scientia et reliquis rebus nisi per modum formae.
148 — Reprenons et disons que l’être premier est en repos et cause des causes, et si lui-même donne l’être à toutes choses, il le leur donne par mode de création. Mais la vie première donne à ceux qui sont sous elle la vie, non pas par mode de création, mais par mode d’information. Et pareillement l’intelligence ne donne part de connaissance et autres choses à ce qui est sous elle que par mode d’information.
149 — Ex intelligentiis est quae est intelligentia
divina, quoniam ipsa recipit ex bonitatibus primis quae procedunt ex causa
prima receptione multa. Et de eis est quae est intelligentia tantum, quoniam
non recipit ex bonitati bus primis, nisi mediante intelligentiac. Et ex
animabus est quae est anima intellectibilis, quoniam est pendens per
intelligentiam; et ex eis est quae est anima tantum. Et ex corporibus
naturalibus est cui est anima regens ipsum et faciens directionem super ipsum;
et de eis sunt quae sunt corpora natu ralia tantum, quibus non est anima.
149 — Parmi les intelligences, il y a celle qui est intelligence divine, parce qu’elle reçoit quelque chose des bontés premières qui procèdent de la cause première, en une réception abondante; et il y a celle qui n’est qu’intelligence, car, des perfections premières, elle ne reçoit rien si ce n’est par l’intermédiaire de l’intelligence première. Parmi les âmes, il y a celle qui est intelligible parce qu’elle dépend de l’intelligence; et il y a celle qui n’est qu’âme. Et parmi les corps naturels, il y a celui qui a une âme qui le régit et le gouverne; et il y a ceux qui sont seulement corps naturels, et qui n’ont pas d’âme.
150 — Et hoc non fit ita nisi quoniam est ipsa
expositioa neque intel lectibilis tota neque animalis tota neque corporea tota,
nonb pendet per cau sam quae est supra eam, nisi quae est ex ea completa,
integra etc quae pen det per causam quae est supra eam.
150— Et il n’en est ainsi que parce que ce n’est pas la série tout entière des intelligences, ni la série tout entière des âmes, ni la série tout entière des corps qui dépend de la cause qui est au-dessus d’elle: seul ce qui en elle est complet et achevé dépend de la cause qui est au-dessus d’elle.
151 — Scilicet quia non omnis intelligentia pendet
per bonitates essed causae primae, nisi quae ex eis est intelligentia completa
in primis integra. Ipsa enim potest recipere bonitates descendentes ex causa
prima et pendere per eas ut vehemens fiat sua unitas.
151 — Il en est ainsi parce qu’aucune intelligence ne dépend par ses bontés de l’être de la cause première sinon celle qui est intelligence originellement complète et achevée. En effet, celle-ci peut recevoir les bontés qui découlent de la cause première et par elles en dépendre, de telle sorte que son unité est plus forte.
152 — Et similiter non omnis anima pendet per
intelligentiam, nisi quae ex eis est completa, integra et vehementius simul cum
intelligentia, per hoc quod pendet per intelligentiam, et est intelligentia
completa.
152 — Pareillement, ce n’est pas toute âme qui dépend de l’intelligence mais celle qui est complète et achevée et plus fortement associée à l’intelligence, dans la mesure où elle dépend de l’intelligence et est une intelligence complète.
153 — Et similiter iterum non omne corpus naturale
habet animam nisi quod ex eis est completum, integrum, quasi sit rationale.
153 — De même enfin, tout corps naturel n’a pas une âme, mais seule ment celui qui est complet et achevé, comme s’il était raisonnable.
154 — Et secundum hanc formam sunt reliqui ordines
intellectibiles.
154 — Et les autres ordres intelligibles sont ainsi formés.
155 — Causa prima regit res creatas omnes praeter
quod commiscea tur cum eis.
155 — La cause première régit toutes les choses créées, sans qu’elle soit mêlée avec elles.
156 — Quod est quia regimen non debilitat unitatem
eius exaltatam super omnem rem neque destruit eam neque prohibet eam essentia
unita tis; eius seiuncta a rebus quin regat rese.
156 — Cela s’explique ainsi: le fait de gouverner n’affaiblit pas son unité, élevée au-dessus de toutes choses, ni ne la détruit, et l’essence de son unité séparée des choses n’empêche pas qu’elle les gouverne.
157 — Quod est quia causa prima est fixa, stans cum
unitate sua pura semper, et ipsa regit res creatas omnes et influit super eas
virtutem vitae et bonitates secundum modum virtutum! earum receptibilium et
possibili tatem earum. Prima enim bonitas influit bomtates super res omnes
influxione una; verumtamen unaquaeque rerum recipit ex illa influxione secundum
modum suae virtutis et sui esse.
157 — La raison en est la suivante la cause première est stable, se tenant toujours dans son unité pure, elle gouverne toutes les choses créées et elle influe sur elles la puissance de vie et les bontés à la mesure des puissances réceptrices et de leur capacité. En effet le bien premier influe ses bontés sur toutes choses par un unique flux. Cependant chaque chose reçoit de ce flux à la mesure de sa puissance et de son être.
158 — Et bonitas prima non influit bonitates super
res omnes nisi per modum unum, quia non est bonitas nisi per suum esse et suum
ens et suam virtutem, ita quod est bonitas, et bonitasg et ens sunt res una.
Sicut ergo ens primum et bonitas sunt res una, fit quod ipsum influit bonitates
super res influxione communi una. Et diversificantur bonitates et dona ex con
cursu recipientis. Quod est quia recipientia bonitates non recipiunt aequa
liter, immo quaedam eorum recipiunt plus quam quaedam, hoc quidem est propter
magnitudinem suae largitatis.
158 — Le bien premier n’influe sur toutes choses ses bontés que sur un seul mode, car il n’est le bien que par son être, son étant et sa puissance, de telle sorte qu’il est le bien, et que le bien et l’étant sont une seule chose. De même donc que l’étant premier et le bien sont une seule chose, il advient qu’il influe ses bontés sur les choses par un unique flux commun. Et les bontés et les dons sont diversifiés par le concours du recevant. On peut l'expliquer ainsi: ceux qui reçoivent les bontés ne les reçoivent pas également bien plutôt certains en reçoivent plus que d’autres, et cela à cause de la grandeur de sa générosité.
159 — Redeamus ergo et dicamus quod inter omne
agens quod agit per esse suum tantum, et inter factum suum non est continuator
neque res alia media. Et non est continuator inter agens et factum nisi additio
super esse, scilicet quando agens et factum sunt per instrumentum et non facit
per esse suum et sunt composita. Quapropter recipiens recipit per continua
tionem inter ipsum et factorem suum et est tunc agens seiunctum a facto suo.
159 — Revenons à notre propos, et disons que, entre tout agent qui agit par son seul être, et ce qu’il fait, il n’y a pas de moyen-terme s’entre mettant ni d’autre chose intermédiaire. Et il n’y a pas d’intermédiaire, entre l’agent et ce qu’il fait, si ce n’est un ajout à l’être: à savoir lorsque l’agent et ce qu’il fait sont mis en rapport par un instrument, que l’agent ne fait rien par son propre être, et qu’ils sont composés. C’est pourquoi le recevant reçoit du fait d’une médiation entre lui-même et celui qui l’a fait, et alors l’agent est séparé de son produit.
160 — Agens vero, inter quod et inter factum suum
non est continua tor penitus, est agens verum et regens verum, faciens res per
finem decoris, post quod non est possibile ut sit decus aliud et regit factum
suum per ulti mum regiminis.
160 — Mais l’agent qui n’admet absolument pas d’intermédiaire entre lui-même et ce qu’il fait est un agent et gouvernant véritable, qui produit les choses au comble de la beauté, après laquelle il n’est pas possible qu’il y ait quelque autre beauté, et il gouverne ce qu’il fait par le gouvernement le plus parfait.
161 — Quod est quia regit res per modum quema agit
et non agit nisi per ens suum; ergo ens eius iterum estb regimen eius.
Quapropter fit quod regit et agit per ultimum decoris et regimen in quo non est
diversitas neque tortuositas. Et non diversificantur operationes et regimen
propter causas pri mas nisi secundum meritum recipientis.
161 — La raison en est qu’il gouverne par le mode sur lequel il agit et il n’agit que par ce qu’il est, donc son être est également son gouvernement. C’est pourquoi il se trouve qu’il gouverne et agit par la beauté la plus parfaite et par un gouvernement dans lequel il n’y a ni diversité ni détours. Et les opérations et le gouvernement par les causes premières ne sont diversifiées que selon le mérite du recevant.
162 — Primum est dives per seipsum et non est dives
majus.
162 — Le premier est riche par soi-même, et il n’y a rien de plus riche que lui.
163 — Et significatio eius est unitas eius, non
quia unitasc sit sparsa in jpso, immo est unj pura, quoniam est simplex in fine
simplicitatis.
163 — Et la raison de cela réside dans son unité, non pas que l’unité soit éparse en lui-même, bien plutôt il est une unité pure, parce qu’il est simple d’une simplicité achevée.
164 — Si autem aliquis vult scire quod causae prima
est dives, proiciat mentem suam super res compositas et inqujrat de eis
inquisitione perscru tata. Inveniet enim omne compositum diminutum, indigens
quidem aut alio aut rebus ex quibus componitur. Res autem simplex una quae est
bonitas, est una et unitas eius est bonitas et bonitasf est res una.
164 — Et si quelqu’un veut apprendre que la cause première est riche, qu’il projette son esprit sur les choses composées et qu’il s’enquière d’elles par une recherche scrupuleuse. Il trouvera en effet que tout composé est un moindre être, puisqu’il a besoin ou bien d’un autre, ou bien des choses dont il est composé. Mais la seule chose simple, qui est le bien, est une, et son unité est le bien, et sa bonté est chose une.
165 — Illa ergo res est dives majus quae influit,
et non fit influxio super ipsam per aliquem modorum. Reliquae autem res,
intellectibiles siritg aut corporeae, sunt non divites per seipsas, immo
indigent Uno vero influente super eas bonitates et omnes gratias.
165 — Est donc plus riche cette chose qui influe et sur laquelle aucun flux ne se répand de quelque mode que ce soit. Les autres choses, intelligibles ou corporelles, sont par elles-mêmes non riches; bien plus, elles ont besoin que l’Un vrai influe sur elles ses bontés et toutes les grâces.
166 — Causa prima est super omne nomen quo
nominatur.
166 — La cause première est au-dessus de tout nom dont on la nomme.
167— Quomam non pertinet ei diminutio neque
complementum solum; quoniam diminutum est non completum et non potest efficere
operationem completam, quando est diminutum. Et completum apud nos, quamvis sit
sufficiens per seipsum, tamen non potest creare aliquid aliud neque influere a
seipso aliquid omnino.
167 — Parce qu’elle ne tolère ni l’inachèvement ni même l’achèvement. En effet, ce qui est moindre être est inachevé, et ne peut effectuer d’opération achevée tant qu’il est moindre être. Et ce qui est achevé, selon nous, bien qu’il soit suffisant par soi, ne peut cependant pas du tout créer quelque autre chose ni influer de lui-même quoi que ce soit.
168 — Si ergo hoc ita est apud nos, tunc dicimus
quod primum non est diminutum neque completum tantum, immo est supra completum.
168 — Si donc il en est selon nous ainsi, nous disons que le premier n’est pas un moindre être, ni même un être achevé: il est bien plutôt au-dessus de l’être achevé.
169 — Quoniam est creans res et influens bonitates
super eas influxione completa, quoniam est bonitas, cui non est finis neque
dimensiones.
169 — Puisqu’il crée les choses et influe sur elles ses bontés par un flux achevé, car il est le bien, qui n’a ni limite ni mesure.
170 — Bonitas ergo prima implet omnia saecula
bonitatibus; verum tamen omne saeculum non recipit de illa bonitate, nisi
secundum modum suae potentiae.
170 — Donc le bien premier remplit de bontés tous les mondes; cependant tout monde ne reçoit de cette bonté qu’à la mesure de son propre pouvoir.
171 — lam ergo ostensum est et manifestum quod
causa prima est super omne nomen quo nominatur et superior eo et altior.
171 — Donc il est désormais démontré et manifeste que la cause première est au-dessus de tout nom dont on la nomme, supérieure à lui et plus élevée.
172 — Omnis intelligentia divina scit res per hoc
quod ipsa est intelligentia, et regit eas per hoc quod est divina.
172 — Toute intelligence divine connaît les choses en tant qu’elle est intelligence, et les gouverne en tant qu’elle est divine.
173 — Quod est quia proprietas intelligentiae est
scientia, et non est eius complementum et integritas nisi ut sit sciens. Regens
ergo est Deus, benedictus et sublimis, quoniam ipse replet res bonitatibus. Et
intelligentia est primum creatum et est plus similis Deo sublimi, et propter
illud regit res quae sub ea sunt. Et sicut Deus benedictus et excelsus influit
bonitatem super res, similiter intelligentia influit scientiam super res quaea
sunt sub ea.
173 — On peut l'expliquer ainsi: la propriété de l’intelligence est la connaissance, et qu’il n’est rien d’autre qui l’achève et assure son intégrité que de connaître. Celui qui gouverne est donc Dieu, béni et très-haut, puisqu’il rem plit les choses de bontés. Et l’intelligence est le premier créé et ce qu’il y a de plus semblable à Dieu très-haut, et à cause de cela elle gouverne les choses qui sont sous elle. Et de même que Dieu, béni et très-haut, influe la bonté sur les choses, l’intelligence influe la connaissance sur les choses qui sont sous elle.
174 — Verumtamen, quamvis intelligentia regat res
quae sunt sub ea, tamen Deus benedictus et sublimis praecedit intelligentiam
per regimen et regit res regimine sublimions et altioris ordinis quam sit
regimen intelligen tiae, quoniam est illud quod dat intelligentiae regimen.
174 — Cependant, bien que l’intelligence gouverne les choses qui sont sous elle, Dieu, béni et très-haut, précède l’intelligence par son gouverne ment, et gouverne les choses d’un gouvernement d’un ordre plus élevé et supérieur au gouvernement de l’intelligence, puisqu’il est ce qui donne le gouvernement à l’intelligence.
175 — Et significatio illius est quod res, quae
recipiuntb regimen intelligentiae, recipiunt regimen creatoris intelligentiae,
quod est quia non refugit regimen eius aliqua ex rebus omnino, quoniam vult ut
faciat recipere bonitatem suam simul omnes res. Quod est quia non est quod
omnis res desiderat intelligentiam nec desiderat recipere eam, et res omnes
desiderant bonitatem ex primo et desiderant recipere ipsam desi derio multo. In
illoa non est aliquis qui dubitet.
175 — Et la preuve en est que les choses qui reçoivent le gouvernement de l’intelligence, reçoivent le gouvernement du créateur de l’intelligence, car aucune d’entre les choses ne se soustrait à son gouvernement, puisqu’il veut faire en sorte que toutes choses reçoivent ensemble sa bonté. C’est pourquoi il n’est pas vrai que toute chose désire l’intelligence et désire la recevoir; toutes en revanche désirent la bonté venant du premier et, d’un grand désir, désirent la recevoir. Et il n’est personne qui en doute.
176 — Causa prima existit in rebus omnibus secundum
dispositionem unam, sed res omnes non existunt in primai’ secundum
dispositionem unam.
176 — La cause première existe en toutes choses selon une disposition une, mais toutes choses n’existent pas dans la cause première selon une disposition une.
177 — Quod est quia, quamvis causa prima existat in
rebus omnibus, tamen unaquaeque rerum recipit eam secundum modum suae
potentiae.
177 — Et cela parce que, bien que la cause première existe en toutes choses, chacune la reçoit selon la mesure de son propre pouvoir.
178 — Quod est quia, ex rebus sunt quae recipiunt
causam primam receptione unita, et ex eis sunt quae recipiunt eam receptione
multiplicata, et ex eis sunt quae recipiunt eam receptione aeterna, et ex eis
sunt quae reci piunt eam receptione temporali, et ex eis sunt quae recipiunt
eam receptione spirituali, et ex eis sunt quae recipiunt eam receptione
corporali.
178 — En voici la raison parmi les choses, certaines reçoivent la cause première par une réception unitaire, d’autres la reçoivent par une réception multipliée; certaines par une réception éternelle, d’autres par une réception temporelle; certaines par une réception spirituelle, d’autres par une réception corporelle.
179 — Et diversitas quidem receptionis non fit ex
causa prima sed prop ter recipiens. Quod est quia suscipiens diversificatur:
propter illud ergo sus ceptum etiam diversificaturc. Influens vero existens
unum non diversum, influit super omnes res bonitates aequaliter; bonitas namque
influit super omnes res ex causa prima aequaliter. Res igitur sunt causa
diversitatis influxionis bonitatis super res. Proculdubio igitur non
inveniuntur res omnes in primad per modum unum. lam autem ostensum est quod
causa prima invenitur in omnibus rebus per modum unum et non inveniuntur in ea
omnes res per modum unum.
179 — Et la diversité de la réception ne dépend pas de la cause première mais du recevant: le recevant est diversifié, et c’est pour cette raison que ce qui est reçu est diversifié. Mais ce qui influe, en étant un et non divers, influe sur toutes choses ces bontés d’une façon égaie; en effet la bonté influe sur toutes choses à partir de la cause première d’une façon égale. Par con séquent, ce sont les choses qui causent la diversité de l’influx de la bonté sur les choses. Donc, sans aucun doute, toutes les choses ne se trouvent pas dans la cause première sur un mode unique. Ajoutons que, il est démontré que la cause première se trouve en toutes choses sur un mode unique, et que toutes les choses ne se trouvent pas en elle sur un mode unique.
180 — Ergo secundum propinquitatis causae primae et
secundum modum quo res potest recipere causam primam, secundum quantitatem
illius potest recipere ex ea et delectari per eam. Quod est quia non recipit
res ex causa prima et delectatur in ea nisi per modum esse sui. Et non
intelligo per esse nisi esse ete cognitionem, nam secundum modum quo cognoscit
res causam primam creantem, secundum quantitatem illam recipit ex ea et delec
tatur in ea, sicut ostendimus.
180 — C’est donc selon le degré de proximité de la cause première et selon l’aptitude de la réalité à l’accueillir que celle-ci peut, en proportion, recevoir d’elle et par elle se délecter. On peut l'expliquer ainsi: la réalité ne reçoit de la cause première et ne se délecte en elle que selon la mesure de son être propre. Et je n’entends par être rien d’autre que l’être et la connaissance en effet c’est dans la mesure où la réalité connaît la cause première créante qu’elle reçoit d’elle, en proportion, et se délecte en elle, comme nous l’avons montré.
181 — Substantiae unitae intellectibiles non sunt
generatae ex re alia. Omnis substantia stans per essentiam suam est non
generata ex re alia.
181 — Les substances intelligibles unifiées ne sont pas engendrées par autre chose. Toute substance subsistant par son essence propre n’est pas engendrée par autre chose.
182 — Quod si aliquis dicat: possibile est ut sit
generata ex re alia, dicemus: si possibile est ut substantia stans per
essentiam suam sit gene rata ex re alia, proculdubio est substantia illa
diminuta, indigens ut com pleat eam illud ex quo generatur.
182 — Et si quelqu’un avance: « il est possible qu’elle soit engendrée par autre chose », nous répondrons: s’il est possible qu’une substance subsistant par son essence soit engendrée par autre chose, sans aucun doute cette substance est inachevée, ayant besoin que la complète ce à partir de quoi elle est engendrée.
183 — Et significatio illius est generatio ipsa.
183 — Ce qui le montre c’est la génération elle-même.
184 — Quod est quia generatio non est nisi via ex
diminutione ad com plementum. Nam, si invenitur res non indigens in generatione
sui, scilicet in sua forma et sua formatione, re alia nisi se et est ipsa causa
formationis suae et sui complementi, est completa, integra semper.
184 — En effet, la génération n’est rien d’autre que le passage d’un état d’inachèvement à un état d’achèvement. Ajoutons que, s’il se trouve qu’une réalité n’a besoin de rien d’autre que soi dans la génération de soi, c’est-à-dire dans sa forme et sa formation, et si elle est elle-même cause de sa propre formation et de son propre achèvement, alors elle est toujours achevée et entière.
185 — Et non fit causa formationis suae et sui complementi
nisi prop ter relationem suam ad causam suam semper. Illa ergo comparatio est
for matio eius et ipsius complementum simul.
185 — Et elle n’est faite cause de sa formation et de son achèvement que par sa relation à ce qui est toujours sa cause. Cet appariement conjoint donc formation et achèvement de soi.
186 — lam ergo manifestum est quod omnis substantia
stans per essen tiam suam non est generata ex re alia.
186 — Il est dès lors clair qu’aucune substance subsistant par son essence n’est engendrée par une réalité qui soit autre.
187 — Omnis substantia stans per seipsam est non
cadens sub corruptione.
187 — Aucune substance subsistant par elle-même n’est soumise à la corruption.
188 — Si autem aliquis dicat: possibile est ut
substantia stans per seip sam cadat sub corruptione, dicemus si possibile est
ut substantia stans per seipsam cadat sub corruptione, possibile est ut
separetur eius essentia et sit fixa, stans per essentiam suam, sine essentia
sua. Et hoc est inconveniens et impossibile, quoniam, propterea quod est una,
simplex, non composita, est ipsa causa et causatum simul. Omnis autem cadentis
sub corruptione non fit corruptio nisi propter separationem suam a causa sua;
dum vero permanet res pendens per causam suam retinentem eam et servantem eam,
non perit neque destruitur. Si ergo hoc ita est, substantiae stantis per essen
tiam suam non separatur causa semper, quoniam est inseparabilis ab essen tia
sua, propterea quod causa eius est ipsa in formatione sui.
188 — Si quelqu’un dit « il est possible qu’une substance subsistant par elle-même tombe sous la corruption », nous répondrons: s’il est possible qu’une substance subsistant par elle-même tombe sous la corruption, alors il est possible que son essence en soit séparée, et que cette substance tienne sa subsistance et sa stabilité de son essence, sans son essence. Or cela est incongru et impossible, puisque, du fait qu’elle est une, simple et incomposée, elle est tout à la fois cause et effet. Toute chose tombant sous la corruption n’est corrompue que parce qu’elle se sépare de sa cause; mais tant qu’une réalité demeure suspendue à sa cause, qui la maintient et la conserve, elle ne périt ni n’est détruite. Si donc il en est ainsi la cause d’une substance subsistant par son essence n’en est jamais séparée puisqu’elle est inséparable de son essence, du fait que sa cause est elle-même dans son autoformation.
189 — Et non fit causa suiipsius nisi propter
relationem suam ad cau sam suam; et illa relatio est formatio eius. Et
propterea, quia est semper relata ad causam suam et ipsa est causa illius
relationis, est ipsa causa suiip sius per modum quem diximus, quod non perit
neque etiama destruitur, quo niam est causa et causatum simul, sicut ostendimus
nuper.
189 — Et elle ne devient cause de soi que par sa relation à sa cause, et cette relation, c’est sa formation. Et pour cette raison, parce qu’elle est toujours reliée à sa cause, et qu’elle est elle-même cause de cette relation, elle est elle-même cause de soi-même, de la manière que nous avons indiquée: elle ne périt ni n’est détruite, puisqu’elle est à la fois cause et effet, comme nous l’avons montré il y a peu.
190 — lam ergo verificatum est quod omnis
substantia stans per seip sam non destruitur neque corrumpitur.
190 — Il est désormais avéré qu’aucune substance subsistant par elle même ne se détruit ni se se corrompt.
191 — Omnis substantia destructibilis non
sempiterna aut est compo sita aut est delata super rem aliam.
191 — Toute substance destructible et non-perpétuelle est soit composée soit supportée par autre chose.
192 — Propterea quod substantia aut est indigens
rebus ex quibus est et est composita ex eis, aut est indigens in fixione sua et
sua essentia defe rente. Cum ergo separatur deferens eam, corrumpitur et destruitur.
192 — Il en est ainsi parce qu’une telle substance, soit a besoin de choses dont elle tient son être et dont elle est composée, soit a besoin d’un support, pour sa stabilité et son essence. Ajoutons que, lorsque ce qui la supportait s’en sépare, elle se corrompt et se détruit.
193 — Quod si substantia non est composita neque
delata, est simplex et semper, non destruitur neque minuitur omnino.
193 — Mais si une substance n’est ni composée ni supportée, elle est alors simple et perpétuelle et ne connaît aucune destruction ni aucune diminution.
194 — Omnis substantia stans per essentiam suam est
simplex, non dividitur.
194 — Toute substance subsistant par son essence est simple, et n’est pas divisée.
195 Quod si dixerit aliquis: possibile est ut
dividatur, dicemus: si possibile est ut substantia stans per se dividatur et
est ipsa simplex, possi bile est ut essentia partis eius sit per essentiam eius
iterum sicut essentia totius. Si ergo possibile est illud, redit pars super
seipsam, et est omnis pars eius rediens super seipsam, sicut est reditio totius
super essentiam suam; et hoc est impossibile. Si ergob est impossibile,
substantia stans per seipsam est ind visibilis et est simplex.
195 — Et si quelqu’un rétorquait: « il est possible qu’elle soit divisée », nous répondrons: s’il est possible qu’une substance subsistant par elle-même soit divisée en même temps qu’elle est simple, alors il est possible que l’essence d’une sienne partie soit à son tour subsistante par son essence même, comme l’est l’essence du tout. Si cela donc est possible, cette partie fait retour sur elle-même, et chacune de ses parties fait retour sur elle-même, de même qu’il y a retour du tout sur sa propre essence; or cela est impossible. Et si cela est impossible, une substance subsistant par elle-même est donc indivisible et simple.
196 — Si autem non est simplex sed est composita,
pars eius est melior parte et pars eius vilior parte, ergo res melior est ex re
viliori et res vilior ex re meliori, quando est omnis pars eius seiuncta ab
omne parte eius.
196 — A supposer qu’elle ne soit pas simple, mais composée, alors une partie est meilleure que l’autre, une partie pire que l’autre, et le meilleur provient du pire et le pire du meilleur, lorsque chacune de ses parties est séparée de chaque autre de ses parties.
197 — Quare est universitas eius non sufficiens per
seipsam, cum mdi geat partibus suis ex quibus componitur. Et hoc quidem non est
de natura rei simplicis, immo de natura substantiarum compositarum.
197 — Dans ces conditions, sa totalité n'est pas suffisante par elle-même, puisqu’elle a besoin de ses parties qui la composent. De vrai, cela ne relève pas de la nature du simple, mais de la nature des substances composées.
198 — lam ergo constat quod omnis substantia stans
per essentiam suam est simplex, non dividitur; et, quando non recipit
divisionem et est sim plex, non est recipiens corruptionem neque destructionem.
198 — Il est désormais acquis que toute substance subsistant par son essence est simple et non divisée; et puisqu’elle est simple et n’admet pas la division, elle n’admet ni la corruption ni la destruction.
199 — Omnis substantia simplex est stans per
seipsam, scilicet per essen tiam suam.
199 — Toute substance simple est subsistante par elle-même, c’est-à-dire du fait de sa propre essence.
200 — Nam ipsa est creata sine tempore, et est in
substantialitate sua superior substantiis temporalibus.
200 — Car elle-même est créée en dehors du temps, et, dans sa propre substantialité, est au-dessus des substances temporelles.
201 — Et significatio illius est quod non est
generata ex aliquo, quo niam est stans per essentiam suam; et substantiae
generatae ex aliquo sunt substantiae compositae cadentes sub generatione.
201 — La preuve en est qu’elle n’est pas engendrée à partir de quelque chose, puisqu’elle est subsistante par son essence, alors que les substances engendrées à partir de quelque chose sont des substances composées soumises à la génération.
202 — lam ergo manifestum est quod omnis substantia
stans per essen tiam suam non est nisi in non tempore et quiaa est altior et
superior tem pore et rebus temporalibus.
202 — Il est désormais clair que toute substance subsistant par son essence ne peut être que dans l’intemporel, parce qu’elle est plus haute et plus élevée que le temps et les choses temporelles.
203 — Omnis substantia creata in tempore aut est
semper in tempore et tempus non superfluit ab ea quoniam est creata et tempus
aequaliter, aut superfluit super tempus et tempus superfluit ab ea, quoniam est
creata in quibusdam horis temporis.
203 — Toute substance créée dans le temps, ou bien est toujours dans le temps, et le temps ne l’excède pas, puisque sa création coïncide avec celle du temps; ou bien elle excède le temps et le temps l’excède puisqu’elle est créée en certaines portions du temps.
204 — Quod est quia si creata sequuntur se ad
invicem et substantiam superiorem non sequitur nisi substantia ci similis, non
substantia dissimilis ei, sunt substantiae similes substantiae superiori — et
sunt substantiae crea tae a quibus non superfluit tempus — ante substantias
quae non assimilan tur substantiis sempiternis, et sunt substantiae abscissae a
tempore, creatae in quibusdam horis temporis. Non est ergo possibile ut
continuentur subs tantiae creatae in quibusdam horis temporis cum substantiis
sempiternis, quoniam non assimilantur eis omnino. Substantiae ergo sempiternae
in tem pore sunt illae quae continuantur cum substantiis sempiternis, et sunt
mediae inter substantias fixas et inter substantias sectas in tempore. Et non
est pos sibile ut substantiae sempiternae quae sunt supra tempus sequantur subs
tantias temporales creatas in tempore, nisi mediantibus substantiis tempo
ralibus sempiternis in tempore.
204 — La raison en est la suivante: si les choses créées s’enchaînent les unes les autres, et qu’à une substance supérieure ne s’enchaîne qu’une substance semblable, et non pas une dissemblable, il y a des substances semblables à la substance supérieure — ce sont les substances créées que le temps n’excède pas — avant les substances qui ne sont pas semblables aux substances perpétuelles, et il y a des substances qui sont découpées par le temps, créées dans certaines portions du temps. Il n’est donc pas possible que les substances créées dans certaines portions du temps soient en continuité avec les substances perpétuelles, puisqu’elles ne leur sont absolument pas semblables. Donc les substances perpétuelles dans le temps sont celles qui sont en continuité avec les substances perpétuelles, et elles sont intermédiaires entre les substances stables et les substances découpées dans le temps. Et il n’est pas possible que les substances perpétuelles qui sont au-dessus du temps jouxtent les substances temporelles créées dans le temps, si ce n’est par l’intermédiaire des substances temporelles qui perdurent dans le temps.
205 — Et istae quidem substantiae non factae sunt
mediae, nisi quo niam ipsae communicant substantiis sublimibus in permanentia
et commu nicant substantiis temporalibus abscissis in tempore per generationem;
ipsae enim, quamvis sint sempiternae, tamen permanentia earum est per genera
tionem et motum.
205 — Et ces substances n’ont été faites intermédiaires que parce qu’elles communiquent d’une part avec les substances les plus hautes dans la permanence, et d’autre part avec les substances temporelles découpées dans le temps par la génération; en effet, elles-mêmes, bien qu’elles soient perpétuelles, ont cependant leur permanence à travers la génération et le mouvement.
206 — Et substantiae sempiternae cum tempore sunt
similes substantiis sempiternis quae sunt supra tempus per durabilitatem et non
assimilantur eis in motu et generatione. Substantiae autem sectae in tempore
non assimi lantur substantiis sempiternis quae sunt supra tempus per aliquem
modorum. Si ergo non assimilantur eis, tunc non possunt recipere cas neque
tangere cas. Necessariae ergo sunt substantiae quae tangunt substantias
sempiter nas quae sunt supra tempus, et erunt tangentes substantias sectas in
tempore.
206 — Et les substances perpétuelles qui vont avec le temps sont semblables par la capacité de durer aux substances perpétuelles qui sont au-dessus du temps, mais ne leur sont pas semblables dans la mesure où elles sont en mouvement et en génération. Mais les substances découpées dans le temps ne sont semblables aux substances perpétuelles qui sont au-dessus du temps d’aucune de ces façons. Si donc elles ne leur sont pas semblables, elles ne peuvent les recevoir ni entrer en leur contact. Sont donc nécessaires les substances qui sont en contact avec les perpétuelles qui sont au-dessus du temps elles seront aussi en contact avec les substances découpées dans le temps.
207 — Ergo aggregabunt per motum suum inter
substantias sectas in tempore et inter substantias sempiternas quae sunt supra
tempus. Et aggre gabunt per durabilitatem suam inter substantias quae sunt
supra tempus et inter substantias quae sunt sub tempore, scilicet cadentes sub
generatione et corruptione. Et aggregabunt inter substantias bonas et inter
substantias viles, ut non priventur substantiae viles substantiis bonis et
priventur omni bonitate et omni conveniente, et non sit eis remanentia neque
fixio.
207 — Donc elles se rassembleront par leur mouvement propre entre les substances découpées dans le temps et les substances perpétuelles qui sont au-dessus du temps. Et elles se rassembleront par leur capacité de durer entre les substances qui sont au-dessus du temps et les substances qui sont en- dessous du temps, c’est-à-dire soumises à la génération et à la corruption. Et elles se rassembleront entre les substances bonnes et les substances viles, afin que les substances viles ne soient pas privées des substances bonnes, de toute bonté et de toute convenance, et que permanence et stabilité ne leur fassent pas défaut.
208 — lam ergo ostensum est ex hoc quod
durabilitatis duae sunt spe cies quarum una est aeterna, et altera est
temporalis. Verumtamen una dura bilitatum duarum est stans, quieta, et
durabilitas altera movetur; et una earum aggregatur et operationes eius omnes
simul, neque quaedam earum est ante quamdam, et altera est currens, extensa,
quaedam operationes eius sunt ante quasdam. Et universalitas unius earum est
per essentiam suam, et universalitas alterius est per partes suas quarum unaquaeque
est seiuncta suae compari per modum primum et postremum.
208 — Il est donc désormais démontré, à partir de cela, qu’il y a deux espèces de capacité de durer: l’une est éternelle, l’autre est temporelle. La première subsiste, en repos; la seconde est mue. La première est rassemblée sur elle-même et toutes ses opérations sont simultanées, aucune n’étant antérieure à une autre; la seconde coule et s’étend, et certaines de ses opérations sont avant les autres. La totalité de la première résulte de son essence la totalité de la seconde résulte de ses parties, dont chacune est séparée de sa pareille selon l’ordre de l’antérieur et du postérieur.
209 — lam ergo manifestum est quod substantiarum
quaedam sunt quae sempiternae sunt supra tempus, et ex eis sunt sempiternae
aequales tempori et tempus non superfluit ab eis, et ex eis sunt quae abscissae
sunt a tempore et tempus superfluit ab eis ex superiori earum et ipsarum
inferiori, scilicet ex principio earum usque ad extremum ipsarum, et sunt
substantiae caden tes sub generatione et corruptione.
209 — Il est donc ainsi évident que certaines substances perpétuelles sont au-dessus du temps, que d’autres sont perpétuelles, égales au temps, et le temps ne les excède pas, que d’autres sont découpées par le temps, et le temps les excède, de la plus haute à la plus basse d’entre elles, c’est-à-dire de leur principe à leur terme — et ce sont les substances qui tombent sous la génération et la corruption.
210 — Inter rem cuius substantia et actio sunt in
momento aeternitatis et inter rem cuius substantia et actio sunt in momento
temporis existens est medium, et est illud cuius substantia est ex momento
aeternitatis et opera tio ex momento temporis.
210 — Entre une réalité dont la substance et l’activité sont dans le moment de l’éternité et une réalité dont la substance et l’activité sont dans le moment du temps, il existe un intermédiaire: celui-ci est ce dont la substance relève du moment de l’éternité et dont l’opération relève du moment du temps.
211 — Quod est quia res cuius substantia cadit sub
tempore, scilicet quia tempus continet eam, est in omnibus dispositionibus suis
cadens sub tempore, quare et eius actio cadit sub tempore quoniam quando substan
tia rei cadit sub tempore, proculdubio et eius actio cadit sub tempore. Res
autem cadens sub tempore in omnibus dispositionibus suis seiuncta est a re
cadente sub aeternitate in omnibus dispositionibus suis. Continuatio autem non
est nisi in rebus similibus. Necesse est igitur ut sit res alia tertia media inter
utrasque cuius substantia cadat sub aeternitate et ipsius actio cadat sub
tempore.
211 — En voici la raison: une réalité dont la substance tombe sous le temps, c’est-à-dire que le temps contient, tombe selon toutes ses dispositions sous le temps, c’est pourquoi son action aussi tombe sous le temps, étant donné que lorsque la substance de la réalité tombe sous le temps, sans nul doute son action tombe également sous le temps. Mais la réalité qui tombe sous le temps selon toutes ses dispositions est séparée de la réalité qui tombe sous l’éternité selon toutes ses dispositions. Or la continuité n’existe qu’entre choses semblables. Il est donc nécessaire qu’il y ait une troisième chose, autre, intermédiaire entre elles deux, dont la substance tombe sous l’éternité et l’action tombe sous le temps.
212 — Impossibile namque est ut sit res cuius
substantia cadat sub tem pore et actio eius sub aeternitate: sic enim actio
eius melior esset ipsius subs tantia; hoc autem est impossibile.
212 — En effet, il est impossible qu’il y ait une réalité dont la substance tombe sous le temps et donc l’action tombe sous l’éternité, car son action serait alors meilleure que sa substance, ce qui est impossible.
213 — Manifestum igitur est quod inter res cadentes
sub tempore cum suis substantiis et suis actionibus et inter res quarum
substantiae et actiones sunt cadentes sub momento aeternitatis sunt res
cadentes sub aeternitate per substantias suas et cadentes sub tempore per
operationes suas, sicut ostendimus.
213 — Il est dès lors clair qu’entre les choses qui tombent sous le temps avec leur substance comme avec leur action, et celles dont la substance et l’action tombent sous le moment de l’éternité, il existe les choses qui tombent sous l’éternité par leur substance et sous le temps par leurs opérations, comme nous l’avons montré.
214 — Omnis substantia cadens in quibusdam
dispositionibus suis sub aeternitate et cadens in quibusdam dispositionibus
suis sub tempore est ens et generatio simul.
214 — Toute substance tombant sous l’éternité en certaines de ses dispositions et sous le temps en certaines autres de ses dispositions, est à la fois être et génération.
215 — Omnis enim res cadens sub aeternitate est ens
vere et omnis res cadens sub tempore est generatio vere. Si ergo hoc ita est
tunc, si res una est cadens sub aeternitate et tempore, est ens et generatio
non per modum unum sed per modum et modum.
215 — En effet, toute chose qui tombe sous l’éternité est véritablement être, et toute chose qui tombe sous le temps est véritablement génération. Si donc il en est ainsi, alors une réalité une qui tombe sous l’éternité et sous le temps est être et génération non pas par un mode unique, mais par divers modes.
216 — lam ergo manifestum est ex eo quod diximus,
quod omne gene ratum cadens per substantiam suam sub tempore est habens
substantiam pendentem per ens purum quod est causa durabilitatis et causa rerum
sem piternarum omnium et destructibilium.
216 — Il est désormais manifeste, à partir de ce que nous avons dit, que tout engendré tombant par sa substance sous le temps possède une substance qui dépend de l’être pur, lequel est la cause de la capacité à durer et la cause de toutes les choses, perpétuelles aussi bien que périssables.
217 — Necessarium est Unum faciens adipisci
unitates et ipsum non adipiscatur, sed reliquae unitates omnes sunt acquisitae.
217 — Il est nécessaire qu’un Un fasse acquérir les unités et que lui-même n’acquière rien mais que toutes les autres unités soient acquises.
218 — Et illius quidem significatio est quod dic:
si invenitur Unum faciens acquirere non acquisitum, tunc quae differentia inter
ipsum et pri mum acquirere faciens ? Non enim potest esse quin aut sit simile
ei in omni bus dispositionibus suis aut sit inter utraque differentia. Si ergo
est simile ei in omnibus dispositionibus suis, tunc unum eorum non est primum
et alte rum secundum. Et si unum eorum non est simile alteri in omnibus disposi
tionibus suis, tunc proculdubio unum eorum est primum et alterum secun dum.
IlIud ergo in quo est unitas fixa non inventa ex alio, est Unum pri mum verum,
sicut ostendimus; et illud in quo est unitas inventa ex alio est praeter Unum
primum verum. Si ergo est ex alio, est ex Uno primo acqui sita unitas. Provenit
ergo inde, ut Uni puro vero et reliquis unis sit unitas iterum, et non sit
unitas nisi propter Unum verum quod est causa unitatis.
218 — Et voici la preuve de ce que je dis: s’il se trouve un autre Un qui fasse acquérir et ne soit pas acquis, quelle est alors la différence entre lui et le premier qui fait acquérir ? Il n’est d’autres possibilités que les sui vantes: ou bien il lui est semblable en toutes ses dispositions, ou bien il y a de l’un à l’autre une différence. Si donc il lui est semblable en toutes ses dispositions, il n’y a entre eux ni premier ni second. Et si l’un n’est pas semblable à l’autre dans toutes ses dispositions, sans nul doute l’un est premier et l’autre second. Donc ce en quoi il y a une unité stable qui n’est pas tirée d’un autre, c’est l’Un premier et vrai, comme nous l’avons montré; et ce en quoi il y a une unité obtenue à partir d’un autre, est en-deçà de l’Un premier et vrai. Si donc il provient d’autre chose, son unité est acquise de l’Un premier. De là vient qu’il y a unité pour l’Un pur et vrai et aussi pour les autres uns, et qu’il n’y a d’unité que par l’Un vrai, qui est cause de l’unité.
219 — lam ergo manifestum est et planum quod omnis
unitas post Unum verum est acquisita, creata; verumtamen Unum verum purum est
creans unitates, faciens acquirere, non acquisitum, sicut ostendimus.
219 — Dès lors, il est clair et évident que toute unité après l’Un vrai est quelque chose de créé et d’acquis, mais que l’Un vrai et pur crée les unités, faisant acquérir et non acquis, comme nous l’avons montré.