LES PREMIERS ANALYTIQUES
ARISTOTE
Traduction de Jules Barthélemy-Saint-Hilaire
Paris : Ladrange, 1866
Numérisé par Philippe Remacle http://remacle.org/
Nouvelle édition numérique https://www.i-docteurangelique.fr/DocteurAngelique 2008
PLAN
GÉNÉRAL DES PREMIERS ANALYTIQUES par Jules Barthélemy-Saint-Hilaire
LIVRE
PREMIER, SECTION PREMIÈRE : FORMATION DU SYLLOGISME
SECTION
SECONDE : RECHERCHE DU TERME MOYEN
SECTION
TROISIÈME : ANALYSE DES SYLLOGISMES
LIVRE
SECOND, SECTION PREMIÈRE : PROPRIÉTÉS DU SYLLOGISME
SECTION
SECONDE : VICES DU SYLLOGISME
SECTION
TROISIÈME : RÉDUCTION DE TOUTES LES FORMES DE RAISONNEMENT AU SYLLOGISME
SECTION
PREMIÈRE : FORMATION DU SYLLOGISME
CHAPITRE
I : Sujet et but des Analytiques
CHAPITRE
II. : Conversion des proportions absolues
CHAPITRE
III. : Conversion des propositions modales
CHAPITRE
V : Seconde figure du syllogisme
CHAPITRE
VI. : Troisième figure du syllogisme
CHAPITRE
VII. : Modes indirects dans les trois figures
CHAPITRE
VIII. : Syllogismes des modales
CHAPITRE
IX. : Mélange de l'absolu et du nécessaire dans la première figure
CHAPITRE
X. : Mélange de l'absolu et du nécessaire dans la seconde figure
CHAPITRE
XI : Mélange de l'absolu et du nécessaire dans la troisième figure
CHAPITRE
XII. : Comparaison de l'absolu et du nécessaire
CHAPITRE
XIII. : Du contingent et des propositions modales contingentes
CHAPITRE
XIV : Syllogismes à prémisses contingentes dans la première figure
CHAPITRE
XV : Syllogismes à prémisses, absolue et contingente mêlées, dans la
première figure
CHAPITRE
XVI : Syllogismes à prémisses, nécessaire et contingente mêlées, dans la
première figure
CHAPITRE
XVII : Syllogismes à deux prémisses contingentes, dans la seconde figure
CHAPITRE
XVIII : Syllogismes à prémisses
CHAPITRE
XX : Syllogismes à deux prémisses contingentes, dans la troisième figure
CHAPITRE
XXIV : Règles générales des termes du Syllogisme
CHAPITRE
XXV : Du nombre des termes, des propositions, et des conclusions, dans les
Syllogismes
SECTION
SECONDE : RECHERCHE DU MOYEN TERME
CHAPITRE
XXVII : Règles générales pour la découverte du Moyen
CHAPITRE
XXVIII : Régies de la contusion universelle affirmative, de la
particulière de même forme
CHAPITRE
XXXI : De la Méthode de division
SECTION
TROISIÈME : ANALYSE DES SYLLOGISMES EN FIGURES ET EN MODES
CHAPITRE
XXXII : Analyse générale en propositions, termes et figures
CHAPITRE
XXXIII : Quantité et ressemblance des termes; confusion de l'Universel et
de l'Indéterminé
CHAPITRE
XXXVI : Des cas que les ternies doivent recevoir
CHAPITRE
XXXVII : Examen des divers genres d'attributions
CHAPITRE
XXXIX : Changements de mots utiles à l'analyse
CHAPITRE
XL : Règle des articles dans l'analyse
CHAPITRE
XLV : Analyse d'une figure dans l'autre
L'objet commun des deux Analytiques, c'est la
place de la démonstration. Toute démonstration vient d'un syllogisme. La
théorie du syllogisme doit toujours précéder la théorie de la démonstration. La
théorie du syllogisme est l'objet spécial des Premiers Analytiques, comme la
théorie de la démonstration est l'objet des Derniers.
Le syllogisme est une énonciation dans
laquelle certaines propositions étant posées, on en conclut nécessairement
quelque autre proposition différente de celles-là, par cela seul que celles-là
sont posées. Le syllogisme est complet, lorsque la conséquence nécessaire
ressort directement de ces données mêmes; il est incomplet, lorsque, pour
obtenir la conclusion nécessaire, il faut faire subir quelque changement de
forme aux propositions initiales. De même que le syllogisme se compose de deux
propositions, de même la proposition se compose de deux termes : le sujet et
l'attribut. La proposition affirme ou nie; elle est universelle ou
particulière, selon que le sujet en est pris dans toute son extension ou dans
une partie de son extension. Le sujet est d'ailleurs toujours compris dans la
totalité ou l'extension de l'attribut, de même que l'attribut est renfermé dans
la compréhension du sujet.
Pour ramener un syllogisme incomplet à être complet,
on emploie la conversion. La conversion garde les deux termes de la
proposition; mais du sujet elle fait l'attribut; et de l'attribut, elle fait le
sujet. Tantôt elle change, tantôt elle conserve la quantité de la proposition.
Ainsi, d'une proposition universelle affirmative, elle fait une particulière
affirmative; et d'une proposition universelle négative, elle fait encore une
universelle négative; de même que d'une particulière affirmative, elle fait
aussi une proposition de semblable espèce. La conversion ne peut rien sur la
proposition particulière négative.
La conversion ne s'applique pas seulement aux
propositions absolues; elle s'applique aussi aux propositions modales. Parmi
les modales, on ne distinguera que celles qui affectent l'existence d'un
caractère de nécessité, et celles qui l'affectent d'un caractère de
contingence. Pour les modales nécessaires, les règles sont entièrement les
mêmes que pour les propositions absolues; pour les modales contingentes, les
règles changent avec le sens même qu'on attache à contingent. Lorsque le
contingent signifie ce qui n'est pas toujours, mais qui peut être ou ne pas
être de telle ou telle façon, les propositions modales qu'il forme se
convertissent à l'inverse des propositions absolues; c'est-à-dire que
l'universelle négative se convertit en particulière, et que la particulière
négative qui ne se convertissait pas se convertit en ses propres termes. Les
affirmatives contingentes suivent d'ailleurs la règle générale.
Lorsque trois termes sont entre eux dans ce
rapport que le premier contienne le second qui contient le troisième, ces trois
termes forment un syllogisme de la première figure. Le premier terme se nomme
le majeur, comme étant le plus étendu des trois; le second se nomme le moyen
parce que son étendue tient le milieu entre celle du premier et celle du
troisième ; enfin, celui-ci se nomme le mineur, parce que son étendue est
moindre que celle des deux autres. Le premier et le dernier se nomment aussi
les extrêmes. Comme toute proposition se compose de deux termes, et que
l'attribut est plus étendu que le sujet, la proposition qui renfermera le
majeur avec le moyen formera la majeure du syllogisme; la proposition qui
renfermera le mineur avec le moyen, sera la mineure; enfin, la conclusion ne
renfermera que le mineur et le majeur. Dans la première figure, où ces
relations du moyen et des extrêmes devront toujours être conservées, certaines
combinaisons des propositions pourront donner une conclusion; certaines autres
n'en donneront pas. La majeure, avec les quatre formes diverses qu'elle peut
recevoir en tant que proposition, et la mineure qui en reçoit autant qu'elle et
au même titre, forment, réunies ensemble, seize combinaisons possibles. De ces
seize combinaisons, douze ne donnent point de conclusions dans la première
figure et sont inutiles; quatre donnent des conclusions; et ces quatre
conclusions représentent les quatre formes possibles de la proposition :
universelle affirmative, universelle négative, particulière affirmative,
particulière négative. De plus, tous les syllogismes de la première figure sont
complets ; car, pour obtenir la conclusion nécessaire et évidente, il n'est pas
besoin de faire subir de changement aux propositions initiales.
Au lieu d'être intermédiaire aux deux termes,
sujet du majeur et attribut du mineur, le moyen peut être placé en dehors des
extrêmes. Quand il leur sert à tous deux d'attribut, c'est la seconde figure.
Des seize combinaisons que la majeure et la mineure réunies peuvent encore ici
former entre elles, douze sont inutiles, comme dans la première figure, attendu
qu'elles ne donnent pas de conclusions; quatre donnent des conclusions ; et, de
ces quatre conclusions, deux sont universelles négatives, et deux sont
particulières négatives. Ainsi la seconde figure n'a point de conclusion
affirmative. De plus, tous les syllogismes y sont incomplets; car, pour y
rendre la conclusion évidente, il faut leur appliquer la conversion ou la
réduction à l'absurde. La conversion les ramène alors aux modes utiles de même
espèce de la première figure, modes qui, sans aucun changement des termes,
portent avec eux l'évidence de leur conclusion.
Au lieu d'être attribut des extrêmes, le
moyen peut être sujet des deux; c'est alors la troisième figure. Des seize
combinaisons que peuvent former la majeure et la mineure, dix sont inutiles
comme ne donnant pas de conclusion ; six sont utiles parce qu'ils en donnent.
De ces six conclusions, trois soit particulières affirmatives, et trois sont
particulières négatives. Ainsi, la troisième figure n'a point de conclusion
universelle. De plus, tous les syllogismes y sont incomplets; et ils sont
ramenés, comme ceux de la seconde, et par les mêmes procédés qu'eux, aux modes
de même espèce de la première.
Dans aucune des trois figures, il n'y a de
conséquence nécessaire, quand les deux propositions sont particulières. Il se
peut dans certains modes, qui tous sont particuliers négatifs, que le mineur
soit attribué au majeur. La conclusion est alors indirecte, puisqu'elle est
opposée à la conclusion directe et régulière dans laquelle, au contraire, le
majeur est attribué au mineur. Ces modes indirects se ramènent tous aux modes
de même espèce de la première figure, par la conversion, soit de l'une des
propositions, soit des deux; et de plus, par la transposition des prémisses. -
Dans tous les syllogismes, la proposition indéterminée aura la même valeur que
la proposition particulière. - Les syllogismes, quels qu'ils soient, peuvent
toujours être ramenés aux syllogismes universels de la première figure, soit
par la conversion, soit par la réduction à l'absurde. Les deux syllogismes
particuliers de cette même figure, tout complets qu'ils sont par eux-mêmes,
peuvent aussi être ramenés à ces deux modes universels, par la réduction à
l'absurde dans la seconde. Donc, en résumé, tous les modes des trois figures
peuvent être ramenés aux deux modes universels, affirmatifs et négatifs, de la
première.
Après les syllogismes formés de propositions
absolues, viennent les syllogismes formés de propositions modales; car ce sont
là les deux seules espèces que l'on a distinguées dans la nature de la
proposition. Lorsque, dans chacune des figures, les deux propositions sont
modales nécessaires, les règles des syllogismes à propositions absolues leur
sont applicables.
Mais l'une des propositions peut être absolue
et l'autre nécessaire, dans la première figure. La conclusion alors est modale
nécessaire, quand c'est la majeure qui est nécessaire, et la mineure, absolue.
La conclusion au contraire est absolue, si la majeure est absolue, et la
mineure, nécessaire.
Dans la seconde figure, la conclusion est
modale nécessaire, lorsque celle des prémisses, qui est universelle négative,
est aussi modale nécessaire. La conclusion est absolue, quand c'est la majeure
affirmative, soit universelle, soit particulière, qui est nécessaire.
Enfin, dans la troisième figure, la
conclusion est modale nécessaire et affirmative, quand la proposition
universelle, soit majeure, soit mineure, est nécessaire ; elle est nécessaire
négative, quand la proposition universelle et nécessaire est aussi négative.
En comparant l'absolu et le nécessaire, on
voit que, de prémisses absolues, on ne peut tirer qu’une conclusion absolue,
tandis qu'on peut obtenir une conclusion modale nécessaire, quand l'une des
deux propositions seulement est modale nécessaire. Du reste, dans les
conclusions de mode absolu ou de mode nécessaire, il faut toujours que l'une
des deux propositions au moins soit pareille à la conclusion.
Les propositions modales contingentes ont
ceci de particulier, qu'outre la conversion ordinaire, elles peuvent encore en
recevoir une autre, par laquelle le mode ne change pas de qualité, tandis que
le sujet du mode en change ; en d'autres termes, une proposition contingente
peut passer de l'affirmative à la négative; et réciproquement. C'est qu'en
effet l'idée de contingent implique l'idée de non-être, tout aussi bien que
l'idée d'être. Le contingent est précisément tout ce dont la supposition
n'implique aucune absurdité. Donc, n'étant pas nécessaire, il peut ne pas être
tout aussi bien qu'il peut être.
Avec deux propositions contingentes dans la
première figure, on obtient toujours une conclusion régulière contingente, en
observant les règles de cette figure. On peut même, tout en les violant,
c'est-à-dire, en admettant une mineure négative, obtenir encore une conclusion,
au moyen de la conversion spéciale des contingentes; car la conversion peut
rendre cette mineure affirmative.
Lorsque l'une des propositions est
contingente et l'autre absolue dans la première figure, on obtient une
conclusion régulière contingente, pourvu que la majeure soit universelle ; on
n'obtient point de conclusion, si la majeure est particulière, ou si c'est la
mineure qui est universelle.
Lorsque l'une des propositions est contingente
et l'autre nécessaire dans la première figure, les règles sont les mêmes que
lorsque l'une des propositions est contingente et l'autre absolue. Seulement,
avec une majeure absolue universelle négative et une mineure contingente, on
n'obtient qu'une conclusion contingente ; avec une majeure nécessaire négative
et une mineure contingente, la conclusion peut être soit contingente, soit
absolue. Du reste, quand c'est la majeure qui est nécessaire, et la mineure,
contingente, les conclusions sont indirectes; et elles se complètent par la
conversion spéciale des contingentes.
Avec deux propositions contingentes, dans la
seconde figure, on ne peut jamais obtenir de conclusion; car on ne pourrait
ramener les syllogismes de ce genre à ceux de la première figure.
Lorsque l'une des propositions est absolue et
l'autre contingente dans la seconde figure, le syllogisme est impossible, si la
proposition absolue est affirmative ou particulière négative. Le syllogisme a
lieu, si cette proposition est universelle et négative.
Lorsque l'une des propositions est
contingente et l'autre nécessaire dans la seconde figure, le syllogisme est
possible, si la proposition négative est universelle et nécessaire. Il ne peut
avoir lieu, si c'est l'affirmative qui est nécessaire.
Avec deux propositions contingentes dans la
troisième figure, on peut obtenir la conclusion contingente dans les six modes
de cette figure, pourvu que la majeure ne soit pas particulière; et si la
mineure est négative, on peut encore obtenir une conclusion contingente, par la
conversion spéciale des contingentes appliquée à cette mineure.
Lorsque l'une des propositions est
contingente et l'autre absolue dans la troisième figure, la conclusion est
contingente dans les six modes de cette figure.
Lorsque l'une des propositions est
contingente et l'autre nécessaire dans la troisième figure, le syllogisme ne
peut avoir lieu, si la majeure est contingente et affirmative, et la mineure,
nécessaire et négative.
Tous les syllogismes, quels qu'ils soient, se
forment dans les trois figures, et sont ramenés, par conséquent, aux deux modes
universels de la première. Ceci est vrai des syllogismes ostensifs, et l'est
également pour les syllogismes hypothétiques. D'abord, pour le syllogisme
ostensif, il faut supposer au moins une première proposition; car, sans
proposition, pas de syllogisme. Il faut de plus que cette proposition soit
différente de la conclusion ; car autrement on prouverait le même par le même;
ce qui serait ne rien prouver. D'une seule proposition, il est impossible de
tirer régulièrement une conclusion nécessaire; il faut donc au moins deux
propositions. Ces propositions, pour être syllogistiques, doivent avoir un
terme intermédiaire qui les unisse et enchaîne les attributions.
Soit, en effet, une conclusion à prouver;
cette conclusion se composera nécessairement de deux termes. Si aucun de ces
deux termes n'entre dans les propositions, il est évident que ces propositions
ne se rapportent pas à la conclusion. Si l'un des deux termes seulement entre
dans les propositions, il formera avec un troisième terme une proposition
nouvelle; mais si cette proposition nouvelle ne se rapporte pas au second terme
de la conclusion initiale, le premier terme ne sera pas joint syllogistiquement
au second terme de cette conclusion. Le nouveau terme pourra bien, avec le
premier, et d'autres encore, former un ou plusieurs syllogismes; mais ces
syllogismes ne donneront jamais la conclusion cherchée qui renferme le premier
terme joint au second. On ajouterait autant de termes qu'on voudrait, qu'on
n'arriverait point encore à cette conclusion. Il faut donc que ce nouveau terme
soit joint dans les propositions, non pas seulement à l'un des termes de la
conclusion, mais qu'il soit joint aux deux; autrement, il n'y a pas de
syllogisme. Or, il n'y a que trois rapports possibles du moyen aux extrêmes; ou
il est sujet de l'un et attribut de l'autre : ou il est attribut des deux : ou
il est sujet des deux. Il n'y a point de quatrième rapport possible ; et c'est
là précisément la base des trois figures du syllogisme. Les syllogismes qui, au
lieu de conclure ostensivement, concluent par réduction à l'absurde, sont en
cela soumis à la même loi que les syllogismes ostensifs. C'est par un
syllogisme ostensif qu'ils déduisent la conclusion absurde; et c'est seulement
par hypothèse, qu'est prouvée la conclusion initiale. Les syllogismes par
réduction à l'absurde, ne sont qu'une espèce du syllogisme hypothétique. Or,
dans tout syllogisme hypothétique, la conclusion est prouvée par hypothèse,
comme la conclusion initiale que doit prouver le syllogisme par réduction à
l'absurde. Donc, les syllogismes hypothétiques se forment dans l'une des trois
figures, tout comme les syllogismes par l'absurde, tout comme les syllogismes
ostensifs. Donc, en résumé, tous les syllogismes se forment nécessairement par
ces figures qui ne peuvent être plus de trois.
Une condition commune à tous les syllogismes
sans exception, c'est qu'il faut de toute nécessité que l'un des termes soit
affirmatif, et que l'un des termes soit universel ; autrement, il n'y a point
de conclusion nécessaire, ni avec deux négatives, ni avec deux particulières.
Pour obtenir une conclusion universelle, il faut que les deux propositions
soient universelles. La conclusion particulière peut être tirée de propositions
universelles. Enfin, la conclusion est toujours semblable, soit aux deux
propositions, soit au moins à l'une d'elles. Quand la conclusion est
affirmative, il faut que les deux propositions le soient comme elle ; quand la
conclusion est négative, il suffit que l'une des propositions seulement soit
négative.
Tout syllogisme se compose de trois termes et
pas plus. Du moment qu'il y a plus de trois termes, il y a aussi plus d'un
syllogisme; ce qui n'empêche pas qu'une même conclusion ne puisse s'obtenir par
plusieurs moyens, et conséquemment par plusieurs syllogismes. Si donc il y a
plus de trois termes, ceux qui seront en surnombre seront parfaitement
inutiles. Ainsi, les termes sont toujours un de plus que les propositions. Les
conclusions sont toujours la moitié des propositions. Dans les syllogismes
composés, le nombre des termes dépassera toujours également de un celui des
propositions ; mais le nombre des conclusions croîtra dans une progression
beaucoup plus rapide. En effet, en ajoutant un nouveau terme, on ajoute une
seule proposition nouvelle ; mais on ajoute autant aux conclusions qu'il y
avait de termes avant ce dernier. Ainsi, en ajoutant un quatrième terme, on
aura trois conclusions. Ce rapport reste le même, quel que soit d'ailleurs le
nombre des termes qu'a ajoute.
On a pu remarquer que certaines espèces de
conclusions étaient obtenues dans plusieurs figures. Ces conclusions seront
d'autant plus faciles à établir syllogistiquement que le nombre des figures qui
les donnent sera plus grand : et d'autant plus difficiles, qu'il sera plus
petit. La conclusion universelle affirmative, qui ne s'obtient que dans un seul
mode et une seule figure, sera la plus difficile à établir, et la plus facile à
réfuter; et en général, l'universel est bien plus difficile à conclure que le
particulier; l'affirmatif, que le négatif. L'universel affirmatif peut en effet
être réfuté par son contraire, l'universel négatif; ou par son contradictoire,
le particulier négatif; c'est-à-dire qu'il peut être réfuté dans neuf modes.
L'universel négatif ne l'est que dans cinq; le particulier affirmatif ne l'est
que dans trois ; le particulier négatif ne l'est que dans un seul,
c'est-à-dire, dans l'universel affirmatif. C'est que le particulier ne peut
être réfuté que par son contradictoire, attendu qu'il renferme dans son
extension l'un des contraires aussi bien que l'autre. Ainsi, l'universel est
très difficile à prouver et très facile à réfuter; le particulier tout au
contraire. En général, il est toujours plus facile de réfuter que de prouver.
Dans toute conclusion deux termes sont
donnés. Il s'agit donc uniquement de trouver, pour construire le syllogisme
régulier, le troisième terme, destiné à unir les deux autres. Ce troisième
terme est le moyen, qui fournira les deux propositions. Il ne suffit pas de
connaître les formes du syllogisme, il faut encore savoir, au besoin, le former
soi-même. Or, dans la nature il est des choses qui sont toujours et uniquement
sujets, sans pouvoir jamais être attributs. D'autres, au contraire, sont
toujours attributs, sans pouvoir jamais être sujets. D'autres, enfin, peuvent
être à la fois et sujets et attributs. Les premières sont les individus,
c'est-à-dire, tous les êtres qui tombent sous nos sens; les secondes sont les
genres; et les troisièmes, les espèces. L'individu ne peut jamais être que
sujet; car son extension est réduite à lui-même, et ne peut comprendre autre
chose que lui. Le genre, placé à l'autre extrémité, renferme tous les termes
inférieurs, et n'est lui-même renfermé par aucun, puisqu'il est le plus étendu
de tous. Enfin, l'espèce renferme les individus et est renfermée elle-même par
le genre. Ainsi, l'espèce est le moyen relativement aux deux extrêmes, qui sont
le genre et l'individu. Le genre ne peut jamais être qu'attribut; l'espèce peut
être attribut et sujet. C'est donc sur l'espèce que porteront presque toutes
les recherches et les discussions de la dialectique. Deux termes donc étant
donnés, qu'il s'agit d'unir, il faut regarder aux antécédents, aux conséquents,
et aux répugnants de l'un et de l'autre. Les antécédents seront les sujets; les
conséquents seront les attributs, car l'attribut ne peut venir qu'après le
sujet; les répugnants sont les choses qui ne conviennent point à la chose en
question, ou auxquelles cette chose ne convient point : ceci, du reste, revient
au même, attendu que la proposition universelle négative se convertit en ses
propres termes. Il faudra d'ailleurs distinguer avec soin les conséquents et
les antécédents essentiels, des accidentels, comme les vrais, des probables. Il
faudra de plus les prendre universels, parce qu'il n'y a pas de syllogisme sans
universel; mais la marque d'universalité sera toujours placée au sujet de la
proposition, et ne le sera jamais à l'attribut. Quand on ne pourra trouver,
suivant la question, des conséquents et des antécédents d'existence
perpétuelle, il faudra prendre au moins les plus habituels. On voit, en outre,
qu'on ne pourra prendre les conséquents des deux termes de la question ; car
alors on formerait un syllogisme irrégulier de la seconde figure, où les deux
propositions seraient affirmatives.
Soit donc à prouver une conclusion
universelle affirmative, c'est-à-dire, soit une proposition formée de deux
termes, dont l'attribut doit être affirmé du sujet pris dans toute son
extension. Le moyen sera un antécédent du majeur et un conséquent du mineur. Du
moment donc qu'en examinant les antécédents et les conséquents des deux, on
aura rencontré un terme identique, ce sera précisément le moyen cherché ; et
l'on pourra construire le syllogisme dans le premier mode de la première
figure. Soit ensuite à prouver une conclusion particulière affirmative. Il faut
chercher parmi les antécédents des deux termes de la question ; et dès que parmi
eux, on aura rencontré un terme identique de part et d'autre, ce terme sera le
moyen. Le syllogisme se formera dans le premier mode de la troisième figure.
Soit à prouver une conclusion universelle négative. On peut chercher, soit,
parmi les conséquents du mineur et les répugnants du majeur, soit, à l'inverse,
parmi les conséquents du majeur et les répugnants du majeur. Seulement, dans le
premier cas, le syllogisme se forme dans le second mode de la première figure,
ou dans le premier de la seconde; dans l'autre cas, le syllogisme se forme dans
le second mode de la seconde. Enfin, soit à prouver une conclusion particulière
négative. Il faut chercher parmi les antécédents du mineur et les répugnants du
majeur un terme identique de part et d'autre; et ce sera le terme moyen qui
donne le syllogisme dans la troisième figure. Ainsi, pour tout syllogisme, le
moyen ne doit être cherché que dans les antécédents, les conséquents, et les
répugnants, des deux termes de la question qui doit être prouvée. - On ne pourra
établir de syllogisme, si l'on cherche entre les moyens et les extrêmes
d'autres rapports que ceux qui viennent d'être indiqués. Il n'y a donc point de
syllogisme, si le moyen est conséquent des deux extrêmes. Il n'y en a point,
s'il est antécédent du majeur et répugnant du mineur; car alors le syllogisme,
qui est formé dans la première figure, aurait sa mineure négative, ce qui est
impossible. Il n'y a point de syllogisme, si le moyen est répugnant des deux
termes; car alors les deux propositions sont négatives, ce qui ne donne de
syllogisme dans aucun mode d'aucune figure. Si, au lieu d'un seul moyen entre
les extrêmes, on en prenait plusieurs, il y aurait alors plus d'un syllogisme.
Cette théorie de la recherche du moyen est
applicable, non seulement aux syllogismes ostensifs, mais aussi aux syllogismes
par réduction à l'absurde, et en général aux syllogismes hypothétiques. Elle
est applicable au syllogisme composé de propositions modales, comme elle l'est
au syllogisme composé de propositions absolues.
On peut ajouter que cette méthode de
recherche s'étend au-delà du syllogisme lui-même, et qu'il n'est pas un seul
développement de l'esprit, soit dans les sciences, soit dans les arts, qui ne
puisse en profiter. Les principes spéciaux de chaque science ne peuvent être
donnés que par l'observation; mais ces principes une fois connus, c'est-à-dire,
une fois les deux termes de la question donnés, la méthode s'applique à l'un et
à l'autre ; et la démonstration syllogistique se charge d'en prouver les rapports.
La méthode de division dont on faisait usage
antérieurement à celle qui vient d'être indiquée, n'en est qu'une bien faible
partie. La méthode de division n'est, à vrai dire, qu'un syllogisme impuissant.
D'abord, elle suppose toujours ce qui est à démontrer, c'est-à-dire qu'elle
fait une hypothèse, et non point une démonstration. Elle conclut toujours un
terme plus étendu que celui qu'il s'agit de conclure. Dans les démonstrations
régulières, on descend toujours du majeur au moyen terme, qui est moins étendu
que lui. La méthode de division, au contraire, prend toujours l'universel pour
moyen. Si elle a, par exemple, à prouver que l'homme est mortel, elle établit
d'abord que tout animal est mortel ou immortel; elle ajoute que tout homme est
animal; et elle en conclut que l'homme est mortel ou immortel. Mais ce n'est
point là ce qu'il vous faut prouver. L'homme est-il mortel? oui,
répondrez-vous. Mais cette conclusion, ce n'est pas votre impuissant syllogisme
qui vous l'a donnée : il vous a dit seulement que l'homme était mortel ou
immortel. Qu'il soit mortel, ce n'est donc là qu'une hypothèse; ce n'est pas du
tout une conclusion démontrée. Mortel ou immortel est plus étendu que mortel
tout seul. Ainsi, vous concluez un terme plus général que celui qu'il s'agit de
prouver. De plus, la méthode de division ne peut jamais donner de conclusion
négative, puisque les deux propositions y sont toujours affirmatives;
car la différence est toujours affirmée du
genre, comme le genre est affirmé de l'espèce. Ce n'est au fond qu'une pétition
de principe. C'est bien cependant aussi une sorte de syllogisme, puisque si
cette méthode ne prouve pas ce qui est à prouver, elle prouve du moins un terme
supérieur, sous lequel est contenu le terme qu'elle cherche. Elle est tout à
fait inapplicable dans les cas, du reste assez nombreux, où l'on ignore quel
est celui des deux contraires qui appartient réellement à la chose. Enfin,
cette méthode ne sert même pas beaucoup à la définition, à laquelle cependant
elle semblerait convenir le mieux, précisément parce qu'elle fait une pétition
de principe. et qu'elle ne donne pas toujours exactement la différence de
l'espèce. Donc en définitive, la méthode des antécédents et des conséquents est
bien la seule qui puisse fournir les éléments vrais de la démonstration.
Jusqu'ici l'on a étudié les syllogismes tout
faits, soit dans leurs formes diverses, soit dans leur terne essentiel. Il
s'agit maintenant de dégager les éléments du syllogisme, des éléments étrangers
auxquels ils sont mêlés dans les discours et les raisonnements ordinaires.
C'est là ce qui constitue, à proprement parler, l'analyse. D'abord donc, il
faut chercher les deux propositions du syllogisme. Ces deux propositions une
fois trouvées, il faut ruminer laquelle est la majeure, laquelle est la
mineure. Il faut voir, en outre, quelle est l'universelle, et quelle est la
particulière. Par ces recherches, on reconnaîtra la figure spéciale du
syllogisme; car dans la première figure, par exemple, comme dans la seconde, la
majeure est toujours universelle. Si. dans le discours qu'on analyse, l'une des
deux propositions nécessaires au syllogisme a été omise, il faut la rétablir.
Si, au contraire, on a donné plus de propositions qu'il n'en faut, on doit
laisser de côté les propositions inutiles. Du reste, il faut bien prendre garde
que toute conclusion nécessaire n'est pas, par cela seul, syllogistique; elle
peut être nécessaire, sans que les formes régulières aient été observées. Le
syllogisme qui, au fond, est la seule forme possible de raisonnement, est caché
dans ce cas ; et alors la conclusion est nécessaire par la pensée même, sans
l'être cependant par la forme. Les propositions une fois obtenues, il faut les
analyser en leurs termes. Et d'abord, il faut voir, parmi ces termes, quel est
le moyen. On le reconnaîtra sans peine en ce qu'il est répété dans les deux
propositions, et ne fait point partie de la conclusion ; les deux extrêmes, au
contraire, entrent dans la conclusion, et ne sont posés qu'une seule fois
chacun dans les propositions. La position du moyen indiquera du reste la figure
du syllogisme. Toute énonciation qui ne présentera point cette répétition d'un
même terme devra, par cela seul, être considérée comme n'étant point
syllogistique. Enfin, la forme même de la proposition indiquera, indépendamment
du moyen, la figure où elle peut être obtenue en conclusion. Ainsi, la seconde
figure ne peut jamais donner de proposition affirmative ; la troisième ne peut
jamais donner de proposition universelle.
Il faudra, du reste, ne pas confondre
l'universel et l'indéterminé dans les termes. La proposition universelle et la
proposition indéterminée sont séparées par une nuance à peine sensible; et
cependant, si l'on néglige cette nuance, il peut arriver souvent qu'on croie
avoir conclu syllogistiquement, tandis qu'au fond on n'a point obtenu de
conclusion véritable.
Une autre nuance, également légère, entre les
termes, pourrait mener à de nouvelles erreurs; ce serait de prendre des mots
abstraits au lieu de mots concrets. La conclusion pourrait, dans ce cas, être
fausse, bien que les propositions fussent vraies. Il faut toujours, dans
l'analyse, substituer l'expression concrète à l'expression abstraite. Le
syllogisme devient alors beaucoup plus évident, quelle que soit d'ailleurs la
figure dans laquelle on le forme.
On ne doit pas croire non plus que les termes
du syllogisme soient toujours exprimés en un mot unique et spécial. Parfois, le
terme sera une proposition tout entière, une définition complète. En général,
dans l'analyse, il faudra bien plus regarder à l'unité de pensée qu'à l'unité
d'expression. Ceci concerne les trois termes en commun, mais surtout le terme
moyen.
Les termes, quand l'analyse les considère
isolément, sont toujours placés au cas direct, c'est-à-dire, au nominatif.
Mais, dans les propositions, ils sont placés aux différents cas qu'exige la
pensée. Parfois la majeure et la mineure ont leurs termes au même cas; parfois
elles les ont à des cas différents. Ceci s'applique soit aux affirmatives, soit
aux négatives. Quand les deux propositions sont au cas direct, la conclusion y
est également. Et quand l'une des propositions est à un cas oblique, la
conclusion est au même cas qu'elle. Quand les deux propositions sont à des cas
obliques, la conclusion peut être à un cas direct ou à un cas oblique, selon la
condition de l'attribut de la majeure.
Ici, du reste, il faut considérer avec soin
les divers genres d'attributions possibles : attributions essentielles,
attributions accidentelles, attributions absolues, attributions nécessaires ou
contingentes, soit dans les propositions affirmatives, soit dans les positions
négatives.
Lorsque, dans les propositions, se trouve
quelque notion complexe, cette notion doit toujours être jointe au majeur, et jamais
au moyen, et encore bien moins au mineur; autrement, les propositions seraient
fausses, ou même elles formeraient des non-sens. Du reste, cette notion
complexe peut toujours être regardée comme une sorte de limitation qui affecte
et le moyen, et la conclusion elle-même.
Dans l'analyse, il faut toujours, aux termes
obscurs, substituer des termes plus clairs; à une expression longue et
difficile, une expression plus concise et plus simple. Ainsi, mettre un mot à
la place d'un mot, une phrase à la place d'une phrase, mais surtout un mot à la
place d'une phrase, ce sont là des ressources analytiques qui, selon le cas,
pourront être fort utiles. On comprend d'ailleurs qu'il faut toujours
conserver, dans ces permutations, le sens primitif, soit du mot, soit de la
phrase.
Il faudra faire également la plus grande
attention aux articles. Selon qu'on les oublie ou qu'on les exprime, la pensée
peut être complètement modifiée.
Le signe de l'universalité joint, soit au
sujet, soit à l'attribut, peut changer complètement aussi le sens de la
proposition. La proposition universelle a toujours ce signe joint au sujet;
c'est ce qui la distingue, et de la proposition particulière, et de la
proposition indéterminée. On pourrait aisément se convaincre de ceci, en
prenant des termes réels dans lesquels l'erreur ou la vérité des propositions,
sous ces diverses formes, serait de toute évidence. Du reste, on peut dire ici,
une fois pour toutes, que la justesse des règles indiquées ne dépend en rien
des termes mêmes qu'on a choisis pour exemples. Les règles sont vraies, quels
que soient d'ailleurs les termes qu'on emploie pour les exposer; et c'est en
cela que les lettres, qui ne sont que des signes généraux, expriment
parfaitement la généralité même des rapports qu'elles indiquent. On ne fait ici
qu'imiter la méthode des géomètres. En réalité, les tracés géométriques n'ont
aucune des qualités qu'on leur suppose. La ligne tracée pour la démonstration
est supposée de telle longueur, tandis que, de fait, elle en a une toute
différente. Les termes réels servent donc uniquement à rendre les règles plus
claires et plus sensibles; ils ne les constituent pas.
L'analyse ne s'applique pas uniquement au
syllogisme simple, elle peut s'appliquer aussi au syllogisme composé; car ces
syllogismes eux-mêmes se divisent en plusieurs syllogismes simples. Mais il se
peut que les prosyllogismes ne soient pas toujours ramenés à la même figure et
au même mode que le syllogisme principal. Chacun de ces prosyllogismes sera
donc ramené, selon la diversité des conclusions, tantôt à une figure, tantôt à
une autre.
Quand l'analyse s'applique à une définition
qu'il s'agit de discuter, il faut s'attacher uniquement à la partie contestée
de la définition ; car l'analyse est d'autant plus facile que les termes sont moins
nombreux.
Dans les syllogismes hypothétiques, on peut
distinguer toujours deux espèces de conclusions: l'une, qui se fait par un
syllogisme, que l'analyse peut ramener à l'une quelconque des figures; l'autre,
qui résulte de l'hypothèse, et qui n'est pas, à proprement parler,
syllogistique. Aussi, cette dernière conclusion ne peut-elle être ramenée à
aucune figure. Dans les syllogismes par réduction à l'absurde, il en est à peu
près de même. Le syllogisme qui conduit à l'absurde peut bien être ramené à un
mode de l'une des trois figures ; mais la conclusion principale ne le peut,
puisqu'elle n'est point obtenue par syllogisme, et puisqu'elle ne l'est que par
hypothèse. En outre, les syllogismes hypothétiques diffèrent des syllogismes
par réduction à l'absurde, en ce que, pour les premiers, il est besoin d'une
convention préalable, tandis que, pour les seconds, l'absurdité même de la
conclusion est tellement évidente qu'elle entraîne par cela seul l'assentiment
des deux interlocuteurs. Du reste, les syllogismes hypothétiques sont par
eux-mêmes assez importants pour mériter une théorie toute spéciale.
L'analyse, après avoir ainsi dégagé les
propositions et les termes, et les avoir distingués au milieu de tous les
éléments qui les lui cachent, peut chercher encore dans laquelle des figures
elle placera la conclusion qui lui sera donnée. Il peut être avantageux, à
plusieurs égards, d'obtenir une conclusion, tantôt dans une figure, tantôt dans
une autre. Or, on a pu voir, dans les règles générales du syllogisme, que
certaines conclusions étaient obtenues dans plusieurs figures ; ou, pour mieux
dire, il n'y a ici qu'une seule exception, et c'est pour l'universelle
affirmative qui ne peut être obtenue que dans la première figure. C'est au
moyen de la conversion qu'on fera passer ainsi une conclusion d'une figure à
une autre. Par exemple, les deux modes négatifs de la première figure pourront
passer dans la seconde, par conversion simple de la majeure. Les deux
particuliers passeront à la troisième, par conversion simple de la mineure. Les
deux universels de la seconde passeront à la première. l'un, par la conversion
simple de la majeure, l'autre, par la conversion simple de la mineure et de la
conclusion, et par la transposition de la mineure à la place de la majeure. Des
deux particuliers négatifs de la seconde, l'un passera à la première par
conversion simple de la majeure; l'autre n'y pourra passer que par réduction à
l'absurde. En outre, le premier de ces deux modes pourra passer aussi à la
troisième figure par la conversion simple des deux propositions. Enfin, des
modes de la troisième figure, les cinq premiers pourront passer à la première,
soit par la conversion de la mineure en particulière, soit par la conversion
simple de la mineure, soit par la conversion simple de la mineure, jointe à la
transposition des prémisses. Deux des modes négatifs passeront à la première
figure par la conversion particulière de la mineure, et par sa conversion
simple; le troisième n'y passera que par réduction à l'absurde. Enfin, les deux
premiers modes négatifs de la troisième figure pourront passer à la seconde,
l'une par conversion simple de la majeure et conversion particulière de la
mineure, l'autre, par conversion simple des deux propositions. En général, on
peut dire que la seconde et la troisième figures dérivent de la première : la
seconde, par conversion de la majeure; la troisième, par conversion de la
mineure.
Une dernière attention que doit toujours
avoir l'analyse, c'est de ne point confondre l'attribut négatif déterminé et
l'attribut affirmatif indéterminé. Les attributs indéterminés sont tout à fait
distincts de la simple négation ; ils n'ont pas du tout le même sens qu'elle.
L'analyse serait exposée à de graves erreurs, si elle les traitait les uns et
les autres de la même manière. L'attribution indéterminée n'est point une
négation, c'est une affirmation ; la preuve en est qu'elle ne forme point une
contradiction avec l'affirmation primitive. Il y a quatre sortes d'attributions
possibles : affirmation déterminée, négation déterminée, affirmation
indéterminée et négation indéterminée. L'affirmation et la négation
déterminées, ainsi que l'affirmation et la négation indéterminées, forment une
contradiction, et ne peuvent, de part et d'autre, être vraies ou fausses toutes
deux à la fois. La négation déterminée suit l'affirmation indéterminée; la
négation indéterminée suit l'affirmation déterminée; mais non point
réciproquement. L'affirmation déterminée ne peut exister en même temps que
l'affirmation indéterminée; mais la négation déterminée et l'indéterminée
peuvent exister toutes les deux à la fois. Ainsi donc, les syllogismes à
négation déterminée et les syllogismes dont l'attribut est indéterminé, ne se
résoudront point du tout dans les mêmes modes. Les derniers se rapporteront aux
conclusions affirmatives ; les premiers, aux conclusions négatives, quelle que
soit d'ailleurs la figure à laquelle ils appartiennent. Du reste, ce qu'on doit
observer ici, c'est que jamais une affirmative ou une négative ne peut avoir
plus d'une contradictoire.
On a donc vu quelles étaient les formes que
le syllogisme pouvait revêtir; la méthode à employer pour découvrir le terme
moyen; et enfin l'analyse des discours ordinaires en syllogismes.
Un même syllogisme peut donner, sans changer
en rien la forme des propositions, plusieurs conclusions différentes, soit par
la conversion, soit par l'exposition des termes particuliers, renfermés dans la
totalité du moyen ou dans celle du mineur. Ainsi, du moment qu'on a obtenu une
conclusion universelle affirmative, on peut obtenir par la conversion de cette
conclusion, une particulière affirmative qui sort des mêmes prémisses; car,
d'après les règles antérieurement exposées, la particulière affirmative est une
conséquence nécessaire de l'universelle affirmative convertie. Il n'y a
d'exception ici que pour la particulière négative, qui ne se convertit pas. En
second lieu, on peut obtenir une ou plusieurs conclusions différentes de la
première, par la subsumption des termes particuliers, contenus sous un terme
plus général. Ainsi, dans les conclusions universelles, l'attribut de la
conclusion vaudra, non seulement pour le sujet auquel il est joint, mais encore
pour tous les termes contenus sous le mineur et sous le moyen, dans la première
figure, et sous le mineur seulement, dans la seconde. La conclusion
particulière ne vaudra que pour les termes contenus sous le moyen. Ceci, du
reste, s'applique tant aux affirmations qu'aux négations. C'est qu'en effet
dans l'universel se trouvent toujours implicitement exprimés tous les cas
particuliers.
Tous les syllogismes, sans exception, peuvent
tirer une conclusion vraie de prémisses fausses, ce qui n'empêche pas que de
prémisses fausses on ne puisse aussi tirer une conclusion fausse comme elles.
Quand les deux prémisses sont vraies, on ne peut jamais en tirer qu'une
conclusion vraie; mais il suffit que l'une d'elles soit fausse, pour que la
conclusion puisse l'être aussi. Cette faculté d'obtenir une conclusion vraie de
prémisses fausses se représente dans toutes les figures, et dans tous les
modes. - Il se peut d'ailleurs que les prémisses soient fausses en totalité, ou
fausses seulement en partie. La conclusion varie selon cette variation même des
prémisses. Ainsi dans la première figure, on peut toujours, de deux prémisses
fausses, tirer une conclusion vraie dans les modes universels, soit que les
prémisses soient fausses en totalité ou en partie ; et dans les modes
particuliers, soit que toutes les deux soient fausses, soit que la majeure
seule le soit en tout ou en partie. Quand l'une des propositions seulement est
fausse, on peut obtenir la conclusion vraie, dans les modes universels, si la
majeure seule est fausse en partie, ou si c'est la mineure qui est fausse, soit
en partie, soit en totalité; dans les modes particuliers, la conclusion est
vraie avec une majeure fausse, soit en totalité, soit en partie. La mineure,
étant particulière dans ces modes, ne peut jamais être fausse qu'en partie.
Dans la seconde figure, la conclusion vraie
peut toujours être tirée de prémisses fausses, soit que d'ailleurs toutes les
deux soit fausses, ou seulement l'une des deux ; soit que d'ailleurs elles
soient fausses en totalité ou en partie, tant dans les modes universels que
dans les modes particuliers. Dans la troisième figure, il en est absolument de
même, ... à cet égard les règles générales pour les trois figures. De la
fausseté de la conclusion, on peut déduire celle des prémisses; mais la vérité
de la conclusion n'implique pas du tout la vérité des prémisses. C'est que
l'existence du conséquent implique l'existence de l'antécédent; et la
destruction de l'antécédent suit toujours la destruction du conséquent. A
l'inverse, l'existence de l'antécédent ne suit pas nécessairement l'existence
du conséquent; et la destruction du conséquent ne suit pas non plus la
destruction de l'antécédent. Les propositions sont ici l'antécédent; et la
conclusion forme le conséquent.
Tous les syllogismes, sans exception, peuvent
rencontrer circulairement chacune des trois propositions qui les forment,
c'est-à-dire que, tour à tour la conclusion peut remplacer la majeure ou la
mineure, qui prennent alors tour à tour sa place. Pour que le cercle soit
parfait, il faut que les trois formes du syllogisme soient d'extension égale et
peuvent alors être pris réciproquement les uns pour les autres. La
démonstration circulaire ne peut avoir lieu autrement; car si on prend un moyen
différent de celui du premier syllogisme, on pourra toujours obtenir encore la
même conclusion ; mais on ne pourra jamais obtenir pour conclusion l'une des
prémisses. Il faut en outre que l'une des prémisses soit renversée en ses
propres termes, dont la condition est d'être convertibles. Autrement, si les
deux prémisses demeuraient telles qu'elles sont, on obtiendrait toujours le
même syllogisme. Dans la première figure et dans le mode universel affirmatif,
le cercle est complet, et il se compose de syllogismes au nombre de six ; car
alors on peut conclure directement les trois propositions du premier
syllogisme; et de plus, on peut les obtenir sous leur forme renversée. Pour le
mode universel négatif, on peut conclure circulairement la majeure négative. La
mineure, qui est universelle affirmative, ne peut être conclue directement, parce
que les prémisses seraient toutes deux négatives; mais on l'obtient
indirectement par hypothèse, c'est-à-dire, en lui donnant une forme qui de
négative la rende affirmative. Pour les modes particuliers, on ne peut prouver
la majeure, parce que deux prémisses particulières ne donnent pas de conclusion
; mais la mineure peut être conclue circulairement, pour le mode affirmatif; et
hypothétiquement, pour le mode négatif. Dans la seconde figure, la prémisse
universelle affirmative des modes universels ne peut être conclue
circulairement, parce qu'il n'y a point de conclusion avec deux prémisses
négatives; mais la prémisse négative universelle peut être conclue directement
dans le second mode; et pour le premier, on obtient la proposition convertie.
Pour les modes particuliers, la prémisse universelle ne peut être conclue
circulairement; la prémisse particulière peut être obtenue directement dans le
quatrième mode; et hypothétiquement, dans le troisième.
Dans la troisième figure, la démonstration
circulaire ne peut avoir lieu pour les modes, où la conclusion particulière
jointe à l'une des prémisses, ne donne point de forme syllogistique. Elle a
lieu pour les quatre autres modes, soit directement, soit indirectement.
Les démonstrations circulaires des trois figures
ont ceci de commun, que les démonstrations affirmatives de la première figure
s'obtiennent toujours dans cette figure, tandis que les négatives s'obtiennent
dans la troisième; que les démonstrations universelles de la seconde ont lieu,
partie dans cette figure, partie dans la première; tandis que les particulières
ont lieu, partie dans cette même figure, partie dans la troisième ; enfin que,
pour les démonstrations circulaires de la troisième figure, la majeure
particulière peut toujours être obtenue directement dans cette même figure. Les
démonstrations circulaires de la seconde et de la troisième figure qui
s'obtiennent par d'autres figures que celles-là mêmes, ne sont pas circulaires
à proprement parler.
Tous les syllogismes sans exception peuvent,
et convertissant leur conclusion en une proposition opposée, soit contraire,
soit contradictoire, et joignant cette conclusion convertie à l'une des
prémisses, former une conclusion nouvelle qui est opposée à l'autre prémisse,
soit comme contraire, soit comme contradictoire. Ainsi dans la première figure,
et pour les modes universels, avec la contraire de la conclusion, on détruit la
majeure du premier syllogisme contradictoirement dans la troisième figure ; et
la mineure, contrairement dans la seconde. Avec la contradictoire de la
conclusion, on détruit contradictoirement les deus prémisses dans les figures
que l'on vient d'indiquer. Pour les modes particuliers, c'est toujours la
contradictoire de la conclusion qu'on doit prendre, parce que si l'on prenait
la contraire, les deux prémisses étant particulières, toute conclusion
deviendrait impossible; et que d'ailleurs, pour les propositions particulières,
les contraires peuvent être vrais tous les deux à la fois.
Dans la seconde figure, la conversion a lieu d'après
les mêmes règles à peu près pour les modes universels. Le contraire de la
conclusion ne détruit pas la majeure contrairement; mais elle la détruit
contradictoirement dans la troisième figure, de même qu'elle détruit la mineure
contrairement dans la première. La contradictoire de la conclusion détruit
contradictoirement l'une et l'autre prémisse. Pour les modes particuliers, la
contraire de la conclusion ne détruit pas les propositions, pour les causes
qu'on en a dites; mais la contradictoire les détruit toujours toutes les deux.
Dans la troisième figure, la contraire de la
conclusion ne peut non plus détruire aucune des deux propositions. Mais la
contradictoire détruit la majeure dans la première figure, et la mineure, dans
la seconde, contrairement pour les modes universels, contradictoirement pour
les modes particuliers.
On voit donc en résumé que la conversion,
pour les syllogismes de la première figure, détruit la mineure dans la seconde,
et la majeure dans la troisième; que pour ceux de la seconde, elle détruit la
mineure dans la première, la majeure dans la troisième; et qu'enfin pour les
syllogismes de la troisième figure, elle détruit la mineure dans la seconde, et
la majeure dans la première.
Tous les syllogismes, sans exception. peuvent
prouver leur conclusion par réduction à l'absurde. Le syllogisme par l'absurde
prend pour l'une de ses prémisses la contradictoire de la conclusion niée; il
garde comme vraie l'une des prémisses du premier syllogisme ; et il obtient une
conclusion absurde qui, étant en contradiction manifeste avec l'autre prémisse,
implique, par cela même, la vérité de la conclusion initiale. Dans la
conversion dont on vient de tracer les règles, on prenait l'opposé de la
conclusion; et, la joignant à l'une des prémisses, on obtenait une conclusion
nouvelle, opposée à l'autre prémisse. Dans la réduction à l'absurde, on prend
la contradictoire de la conclusion; et, y joignant une proposition vraie, on
obtient une conclusion évidemment erronée. La conversion exige donc que le syllogisme
soit déjà tout fait; la réduction à l'absurde n'a besoin que d'une seule
proposition, dont la vérité est prouvée par cela seul que sa contradictoire est
absurde. Ainsi, la conversion emprunte, soit la contraire; soit la
contradictoire de la conclusion ; la réduction à l'absurde n'a jamais recours
qu'à la contradictoire. Dans la première figure, la conclusion universelle
affirmative ne peut être prouvée par réduction à l'absurde, parce que sa
contradictoire, qui est la particulière négative, ne peut être ni majeure ni
mineure, dans la première figure où les prémisses n'ont jamais cette forme. La
conclusion particulière affirmative peut être prouvée par la réduction à
l'absurde, si l'on prend sa contradictoire pour majeure. La conclusion
universelle négative peut l'être également, si l'on prend sa contradictoire
pour mineure. Enfin, la conclusion particulière négative peut être conclue par
réduction à l'absurde, en prenant sa contradictoire, soit pour majeure, soit
pour mineure.
Dans la seconde figure, tous les modes
peuvent être prouvés par réduction à l'absurde au moyen de la contradictoire de
la conclusion, prise comme mineure, pour l'universel affirmatif; comme majeure
ou comme mineure, pour le particulier affirmatif; comme mineure, pour
l'universel négatif; comme majeure ou comme mineure, pour le particulier
négatif.
Dans la troisième figure, on peut également
prouver tous les modes par réduction à l'absurde, en prenant la contradictoire
de la conclusion comme majeure dans tel mode, ou indifféremment comme majeure
ou comme mineure dans tel autre.
On voit donc qu'en général, pour toutes les
réductions à l'absurde dans les trois figures, c'est la contradictoire et non
pas la contraire de la conclusion, qu'on doit prendre. Il faut ajouter, en
outre, que l'on peut, de cette façon, prouver, dans la seconde figure, des
conclusions affirmatives, de même qu'on peut prouver des conclusions
universelles dans la troisième; ce qui serait impossible par la démonstration
ostensive.
En comparant, du reste, ces deux espèces de
démonstrations, on peut voir que l'une et l'autre partent également de deux
prémisses accordées. Seulement, pour l'ostensive, ces deux prémisses sont
vraies; pour la démonstration par l'absurde; l'une des deux seulement est
vraie, l'autre est hypothétique, comme contradictoire à la question. Dans la
démonstration ostensive, la vérité ou la fausseté de la conclusion n'est connue
qu'après les prémisses posées. Dans la démonstration par l'absurde, on connaît
la fausseté évidente de la conclusion, avant même qu'elle soit obtenue
syllogistiquement. Du reste, les mêmes termes peuvent être employés dans l'une
et l'autre espèce de démonstration. Seulement, si la démonstration par
l'absurde a lieu dans la première figure, l'ostensive qui affirme a lieu dans la
troisième; et l'ostensive qui nie, dans la seconde. Si la démonstration par
l'absurde a lieu dans la seconde figure, l'ostensive se forme dans la troisième
ou la première, selon la fausseté de la majeure ou de la mineure. Enfin, quand
la démonstration par l'absurde a lieu dans la troisième figure, l'ostensive qui
nie se produit, soit dans la première, soit dans la seconde, selon la fausseté
de la majeure ou de la mineure. Comme les termes des deux espèces de
démonstrations sont identiques, on peut employer au choix, tantôt l'une, tantôt
l'autre; et il suffit alors de prendre la contradictoire avec la conclusion de
l'une des prémisses. En général, toute conclusion peut être indifféremment
prouvée de l'une ou l'autre manière.
Quelques syllogismes peuvent encore conclure,
quand les deux propositions sont opposées l'une à l'autre, soit comme
contraires, soit comme contradictoires. Ceci, du reste, ne peut avoir lieu dans
la première figure ; car on n'y peut obtenir, ni de conclusion affirmative,
laquelle ne s'obtient que par deux prémisses affirmatives, puisque, de toute
nécessité, l'une des propositions est négative, ni conclusion négative,
puisque, dans les propositions opposées, c'est toujours un même attribut qui
est nié ou affirmé d'un même sujet. Or, ce n'est point là la disposition des
prémisses dans la première figure. Dans la seconde, on peut conclure avec des
propositions contraires dans les modes universels; et avec des contradictoires,
dans les modes particuliers. Dans la troisième figure, il n'y a point, avec des
propositions opposées, de syllogisme affirmatif, pour les causes qu'on a dites
plus haut; mais il y en a de négatifs, avec des propositions contraires, dans
un des modes négatifs, et avec des contradictoires, dans les deux autres. On
peut voir qu'avec des propositions opposées, on ne doit jamais conclure que le
faux ; car la conclusion, ainsi obtenue, nie toujours son propre sujet. Quand
les prémisses sont fausses, sans être opposées entre elles, on peut encore en
conclure le vrai, ainsi qu'on l'a vu. Du reste, cette conclusion, tirée de
prémisses opposées, n'est guère en usage que parmi les sophistes, qui s'en
servent souvent pour embarrasser leurs adversaires.
La pétition de principe consiste à prendre comme
principe de démonstration la chose même qui est à démontrer. On pose alors,
dans les prémisses, ce que l'on doit prouver dans la conclusion; et l'on ne
démontre point. Il y a quatre manières diverses de ne point démontrer. D'abord,
si l'on viole les règles essentielles des syllogismes, de manière à ne pas
obtenir de conclusion légitime. En second lieu, si les prémisses sont moins
connues que la conclusion elle-même. Ensuite, si l'on conclut l'antérieur par
le postérieur. Enfin, et cette dernière manière est véritablement la pétition
de principe, si l'on admet comme prouvée par elle-même une chose qui ne peut
être directement connue par elle-même. Ainsi donc, dans la pétition de
principe, on pose tout d'abord comme principe ce qui précisément est à conclure.
La forme ordinaire de la pétition de principe est celle-ci : l'une des
prémisses étant douteuse, l'autre, qu'on lui joint, est formée de termes
identiques, ou seulement réciproques, ou dont l'un implique l'autre. La
pétition de principe peut avoir lieu dans les trois figures. Elle peut avoir
lieu, soit dans la majeure, soit dans la mineure. Lorsque le moyen terme et le
mineur sont identiques, le sujet et l'attribut de la mineure sont les mêmes ou
sont réciproques; la pétition de principe a lieu alors dans la majeure, qui, du
reste, doit toujours être supposée moins connue que la conclusion; et, avec
cette condition, on y fait encore pétition de principe, quand le mineur n'est
qu'une espèce du moyen. Pour que la pétition de principe eût lieu dans la mineure,
il faudrait que la mineure fût à la conclusion dans les mêmes rapports que
l'était tout à l'heure la majeure, c'est-à-dire, qu'elle fût aussi inconnue que
la conclusion ; et que, de plus, le majeur et le moyen fussent identiques ou
réciproques, ou que le moyen ne fût qu'une espèce du majeur. Dans la seconde
figure, la pétition de principe a lieu lorsque deux mêmes attributs sont
attribués à un même sujet; dans la troisième figure, lorsque les deux termes de
la mineure sont identiques ou réciproques, et qu'un seul terme est attribué aux
deux. La pétition de principe peut se produire dans les syllogismes affirmatifs
comme dans les négatifs. Dans les affirmatifs, elle est toujours affirmative,
parce que les deux prémisses le sont elles-mêmes. Dans les syllogismes
négatifs, elle est toujours négative, parce qu'elle a toujours lieu dans la
prémisse qui est elle-même négative. Ainsi la pétition de principe affirmative
ne pourra avoir lieu dans la seconde figure qui n'a point de conclusion
affirmative; mais la pétition négative peut avoir lieu dans les trois figures.
La conclusion fausse, dans les syllogismes
par réduction à l'absurde, est mal justifiée, lorsque l'absurdité n'en subsiste
pas moins, soit qu'on enlève, soit qu'on garde l'hypothèse. Ce vice des syllogismes
par l'absurde est tantôt évident, lorsque l'hypothèse n'a aucun rapport aux
termes mêmes de la conclusion ; et tantôt caché, lorsque l'hypothèse est bien
d'accord avec la conclusion, sans que cependant ce soit d'elle que la
conclusion sorte nécessairement. La conclusion vient alors d'une proposition
qui tient à l'hypothèse; et, pour trouver cette nouvelle proposition, il faut,
tantôt descendre des termes supérieurs aux termes inférieurs, et tantôt
remonter à l'inverse. Pour descendre des termes supérieurs, il faudra prendre
le sujet même de l'hypothèse, et en faire l'attribut de la proposition
nouvelle. Pour remonter au contraire des termes inférieurs aux termes
supérieurs, il faudra prendre l'attribut de l'hypothèse, et en faire le sujet
de la proposition. Pour que la conclusion absurde soit régulière et
inattaquable, il faut que l'hypothèse s'accorde avec les termes de la
conclusion, c'est-à-dire, que le sujet et l'attribut de l'une et de l'autre
soient identiques. Rien n'empêche, du reste, qu'on puisse obtenir une seule et
même conclusion absurde par plusieurs hypothèses fausses; mais alors il y a
autant de syllogismes que d'hypothèses.
En général, la fausseté de la conclusion
tient toujours à la fausseté, soit de l'une des prémisses, soit des deux
prémisses. L'erreur admise dans les propositions descend à la conclusion même
qu'elles forment; et, pour découvrir l'erreur primitive, il faut la chercher
dans celle des prémisses, qui est le principe de toute la consécution
syllogistique. Dans les syllogismes composés, c'est également l'erreur initiale
qui est cause de toutes les erreurs suivantes; et c'est à elle aussi qu'il faut
toujours remonter. Du moment que, dans le syllogisme principal, la conclusion
est fausse, c'est que l'une des prémisses du premier syllogisme est fausse
aussi; et la fausseté de cette prémisse tient à la fausseté même de l'une des
propositions du prosyllogisme. Et, en remontant toujours ainsi, jusqu'à la
fausseté initiale.
Le catasyllogisme a lieu, lorsque, dans une
discussion, on accorde par inadvertance une donnée que l'adversaire emploie à
réfuter syllogistiquement à l'interlocuteur qui la lui a accordée. Pour éviter
le catasyllogisme, il faut ne jamais répéter deux fois un même terme; car alors
il n'y aura pas de moyen terme ; et le syllogisme de la réfutation ne sera pas
possible. Si l'on voit la conclusion que l'adversaire prépare, on s'y opposera
en ne lui accordant, ni le rapport des termes, ni les propositions applicables
à la figure où la conclusion qu'il cherche devrait se trouver. Si, au lieu
d'éviter le catasyllogisme de la part de son adversaire, il s'agit de l'obtenir
contre lui, il faut alors poser seulement les prémisses des prosyllogismes sans
en tirer les conclusions. Si l'on a besoin, pour arriver au but qu'on se
propose, de plusieurs termes moyens qui se suivent et se tiennent, il ne faut
pas les prendre dans l'ordre régulier; il faut, au contraire, intervertir cet
ordre, afin d'embarrasser les réponses de celui à qui l'on s'adresse. Si, au
lieu de plusieurs termes moyens, un seul doit suffire ; il faut alors commencer
le syllogisme par ce moyen lui-même; et aller ensuite, soit au mineur, soit au
majeur. Dans la déduction habituelle, on part du majeur pour passer au moyen et
arriver au mineur.
La Réfutation consiste à donner à son
adversaire des propositions contradictoires à la thèse que l'on soutient
soi-même. Quand on attaque, on obtiendra la réfutation, en forçant l'adversaire
lui-même à donner des propositions syllogistiques contraires ou opposées à sa
thèse. On évitera la réfutation en ne répondant que des propositions qui ne
peuvent pas être mises en syllogisme, c'est-à-dire, en évitant toujours de
donner des affirmatives et des universelles; car, sans affirmatif et sans
universel, il n'y a pas de syllogisme ; et par conséquent, il n'y a pas de
réfutation.
L'erreur peut, en général, tenir à deux
causes. D'abord, il est possible que, relativement à une même chose, on ignore
et l'on sache tout à la fois quelque chose. Ainsi, il est possible que pour une
conclusion qui peut être obtenue par plusieurs termes moyens, on connaisse l'un
de ces termes, et qu'on en ignore un autre. On peut savoir en outre, d'une
manière générale, quelque chose, sans le savoir d'une manière spéciale ; ou
réciproquement. On peut savoir la chose en puissance dans les prémisses, et
l'ignorer effectivement dans la conclusion, tant que cette conclusion n'a pas
été formulée syllogistiquement. Par exemple, on peut, dans les prémisses,
savoir d'une manière universelle que la somme des angles d'un triangle est
égale à deux droits, et ignorer par conclusion que telle figure est un
triangle. On sait donc en puissance que cette figure a ses trois angles égaux à
deux droits ; mais on ne sait pas actuellement que cette figure est
triangulaire. En ce sens, la théorie du Ménon est insoutenable : la science
humaine tout entière n'est point réminiscence ; l'âme peut bien apporter avec
elle la science de l'universel; mais il est impossible de soutenir qu'elle
apporte la science du particulier. Aussi, quand on dit que, d'une même chose,
on sait et l'on ignore à la fois quelque chose, on ne veut pas dire qu'on
puisse avoir à la fois les deux contraires, l'erreur et la vérité; on veut dire
uniquement que l'erreur seule est en acte et en réalité, tandis que la science
demeure en simple puissance. Il est impossible que, sur une même chose, on ait
à la fois les deux idées contraires, pas plus qu'il n'est possible de confondre
l'essence du bien et l'essence du mal, quoiqu'une même chose, sous divers
aspects, puisse sembler tantôt bonne et tantôt mauvaise.
Tout raisonnement qui conclut est au fond un
raisonnement syllogistique; car c'est le syllogisme seul qui peut communiquer à
un raisonnement quelconque la puissance nécessaire de conclusion. Il est
possible que la forme soit défectueuse; mais un examen plus attentif découvrira
toujours le syllogisme sous les irrégularités qui le dissimulent. Ces diverses
anomalies que le raisonnement peut présenter à l'apparence, tiennent à
plusieurs causes; et elles proviennent toutes du rapport des termes entre eux.
Ainsi, dans la première figure, du moment que les extrêmes sont réciproques
l'un à l'autre, il faut aussi que le moyen le soit aux deux; et alors, comme la
proposition, sous sa forme directe ou sous sa forme renversée, est toujours
également vraie, on peut prendre indifféremment l'une ou l'autre forme, dans
les applications syllogistiques. De plus, si quatre termes opposés entre eux,
deux à deux, sont tels que le premier soit réciproque au second comme le
troisième l'est au quatrième, du moment que le premier et le troisième sont de
toute nécessité l'un vrai et l'autre faux, il faut que le second et le
quatrième soient dans le même rapport. Si c'est le premier et le second, le
troisième et le quatrième qui sont ainsi entre eux, le premier sera réciproque
au troisième, comme le second le sera au quatrième. Dans la seconde figure,
lorsque le premier terme est au second et au troisième tout entiers
exclusivement, du moment que le second est au troisième, il faut que le premier
et le second soient réciproques entre eux. Il en résulte qu'avec une majeure
réciproque, on peut même dans la seconde figure obtenir une conclusion
régulière avec deux prémisses affirmatives. Dans la troisième figure, lorsque
le premier et le second terme sont à tout le troisième, si le second et le
troisième sont réciproques entre eux, il faudra que le premier soit aussi
attribué au second. Alors on pourra, avec une mineure réciproque, obtenir dans
la troisième figure une conclusion universelle tirée de prémisses universelles.
Cette dernière règle s'applique directement à
l'induction, qui est un syllogisme où le majeur est conclu du moyen par le
mineur, tandis que, dans le syllogisme ordinaire, le majeur est conclu du
mineur par le moyen. La conclusion n'est ici possible qu'à cette seule
condition qu'on prendra pour moyen la collection de tous les cas particuliers
contenus sous le mineur. Le syllogisme fournit alors une conclusion universelle
dans la troisième figure. L'induction donne donc une proposition immédiate,
c'est-à-dire, qui n'a pas besoin de moyen pour être conclue. Le syllogisme, au
contraire, ne donne jamais qu'une proposition médiate. En soi et par nature, le
syllogisme est plus clair que l'induction, et il lui est supérieur. L'induction
est plus claire pour nous, et provient plus des sens que de l'intelligence.
L'exemple est une sorte d'induction.
Seulement, au lieu de conclure le majeur du moyen par le mineur, il le conclut
par un terme semblable au mineur. L'exemple peut, du reste, employer un ou
plusieurs de ces termes semblables. Il faut donc préalablement, pour se servir
de l'exemple, savoir que le moyen est au mineur, et le majeur, au terme
semblable. On obtient ainsi un prosyllogisme, et un syllogisme. Dans le
prosyllogisme, on connaît les deux prémisses; dans le syllogisme principal, on
ne connaît que la mineure : la conclusion du prosyllogisme devient la majeure
du syllogisme; et c'est ainsi qu'on peut obtenir la conclusion principale.
L'exemple diffère et du syllogisme et de l'induction. Le syllogisme descend de
l'universel au particulier ; l'exemple procède d'un cas particulier plus connu
à un cas particulier moins connu, mais renfermé dans le même genre que le
premier. L'induction part de tous les cas particuliers pour conclure
universellement le majeur du moyen, sans avoir besoin d'un autre syllogisme
concluant le majeur du mineur. L'exemple part d'un cas particulier, ou tout au
plus de quelques cas particuliers, pour conclure d'abord le majeur du moyen, et
ensuite, le majeur du mineur par le moyen. Ainsi, le syllogisme va du tout à la
partie; l'induction va de la partie au tout; l'exemple va de la partie à la
partie.
L'abduction a lieu dans les syllogismes dont
la majeure est évidente, mais dont la mineure, toute vraie qu'elle peut être, a
cependant encore besoin d'être confirmée. Il faut alors, avant de tirer la
conclusion, démontrer cette mineure; et l'on fait ainsi un pas de plus vers la
science que la conclusion doit donner. Pour qu'il y ait quelque avantage à
prouver ainsi la mineure, il faut qu'elle soit plus croyable, ou tout au moins,
aussi croyable que la conclusion. En second lieu, il vaut mieux prouver la
mineure que la conclusion, lorsque cette mineure peut être prouvée par un
nombre moindre de termes moyens. Si la mineure est aussi inconnue que la
conclusion, ou si la majeure elle-même avait besoin de preuve, ces propositions
ne pourraient conduire à la science. Si la mineure était une proposition
immédiate, l'abduction serait parfaitement inutile pour elle; car alors cette
mineure serait un principe de démonstration.
L'objection est la proposition, soit
contraire, soit contradictoire, que l'on oppose à la proposition de
l'adversaire. Dans le syllogisme à conclusion universelle, la proposition est
toujours universelle; mais l'objection peut être, soit universelle, soit
particulière; car l'universel peut être détruit, soit par l'universel, soit par
le particulier.
L'objection, étant opposée à la proposition,
ne pourra jamais se produire que dans la première et dans la troisième figure,
les seules qui renferment des conclusions opposées. Quand l'objection est
universelle négative, elle se produit dans la même figure; quand elle est
particulière, elle se forme dans la troisième. En effet, dans le premier cas,
le moyen est antécédent du majeur et conséquent du mineur; et, dans le second,
le moyen est antécédent des deux extrêmes. C'est qu'il faut toujours que, dans
l'objection, l'attribut soit le même que dans la proposition qu'elle attaque ;
or, dans la seconde figure, le majeur est sujet du moyen. L'objection
universelle vient se placer entre le sujet et l'attribut de la proposition
initiale ; elle prend un terme plus général que le sujet et qui le renferme,
mais qui lui-même est renfermé dans l'attribut de la proposition. L'objection
particulière prend, au contraire, un terme qui est sujet à la fois, et du
sujet, et de l'attribut de la proposition, contre laquelle elle est formée.
Ainsi d'abord, c'est la première figure ; ensuite, c'est la troisième. Telle
est la véritable objection logique. L'on peut encore faire des objections que
l'on tire, soit des contraires, soit des semblables, soit des opinions reçues;
mais ce sont là des formes d'objection qui appartiennent à la rhétorique.
Reste enfin l'enthymème, dernière espèce de
raisonnement, qui peut être ramenée au syllogisme, tomme toutes celles qui
précèdent, l'enthymème est un syllogisme complet, comme tous les autres, qui se
fonde pour conclure sur la vraisemblance ou sur le signe indicateur de la chose
qui est conclue. La forme de l'enthymème peut être tout à fait pareille à celle
du syllogisme ; mais ordinairement, on n'y exprime qu'une seule des deux
propositions. Il faudrait, du reste, se garder de croire que c'est là le
caractère spécial de l'enthymème. L'induction, l'exemple, etc. n'ont le plus
souvent, comme l'enthymème, qu'une seule des deux propositions exprimée. Le
caractère vrai de l'Enthymème, c'est de fonder la nécessité de sa conclusion sur
le vraisemblable ou sur le signe. Le signe est toujours ici le moyen ; et par
conséquent, il peut recevoir autant de positions que le moyen lui-même, soit
dans la première, soit dans la seconde, soit dans la troisième figure.
Seulement, dans la première figure, le syllogisme, formé par le signe, est
parfaitement régulier; et la conclusion est universelle. Dans la troisième
figure, la conclusion est vraie; mais elle n'est pas obtenue régulièrement, et
elle est toujours particulière. Enfin, l'enthymème de la seconde figure est
tout à fait irrégulier, parce que les deux prémisses y sont affirmatives; et
par conséquent la conclusion n'est pas prouvée. - La théorie des signes
pourrait être utilement appliquée à l'étude de la nature, en admettant les
trois hypothèses suivantes : 1° que les qualités naturelles affectent le corps
en même temps qu'elles affectent l'âme; 2° que chaque qualité se révèle par un
signe extérieur unique; 3° que l'on peut connaître dans les êtres animés, et la
qualité spéciale à chaque espèce, et le signe de cette qualité. Ceci admis, du
moment qu'un signe apparaîtra dans un être, il révélera en lui la qualité
spéciale qui revêt ce signe. Par exemple, si les fortes extrémités du lion sont
un signe de son courage, tous les animaux qui auront de fortes extrémités
seront courageux. Nulle difficulté pour les genres qui n'ont qu'une seule
qualité et qu'un seul signe. Quand il y a plusieurs qualités et plusieurs
signes dans le genre d'êtres qu'on étudie, il faut donc observer d'autres
genres où l'une quelconque de ces qualités sera seule, et accompagnée, par
conséquent, d'un seul signe. - Cette espèce de syllogisme, que l'on pourrait
appeler syllogisme physiognomonique, se construit dans la première figure. La
majeure est alors une proposition réciproque, c'est-à-dire que le signe peut
être pris pour la qualité, comme la qualité pour le signe; le signe est
d'ailleurs plus étendu que le mineur. Par exemple, tous les animaux qui ont de
fortes extrémités sont courageux : or, le lion a de fortes extrémités; donc le
lion est courageux.
On a donc étudié, dans les Premiers
Analytiques. le syllogisme sous toutes ses faces : 1° dans sa formation; 2°
dans son élément essentiel, le moyen: 3° dans ses éléments dégagés de la
confusion des raisonnements ordinaires; 4° dans ses propriétés; 5° dans ses
vices ; 6° dans ses rapports avec les autres formes de raisonnement, au fond
desquelles il est toujours caché, et qui, sans lui, n'auraient pas la puissance
de conclure.
Le Syllogisme ainsi connu, il faut passer à
la Démonstration.
Définitions et espèces, de la Proposition, du
Terme, du Syllogisme. - Définitions de quelques autres expressions importantes.
§ 1. D'abord, nous dirons le sujet et le but de cette étude: le sujet, c'est la démonstration; le but, c'est la science de la démonstration.
§ 2. Puis, nous définirons les mots suivants : proposition, terme, syllogisme; et nous montrerons ce que c'est qu'un syllogisme complet et un syllogisme incomplet.
§ 3. Et à la suite, nous expliquerons ce qu'il faut entendre quand nous disons que telle chose est ou n'est pas dans la totalité de telle autre chose, et qu'elle est attribuée à toute une autre ou qu'elle ne lui est aucunement attribuée.
§ 4. Ainsi, en premier lieu, la Proposition est une énonciation qui affirme ou qui nie une chose d'une autre chose.
§ 5. Elle est, ou universelle, ou particulière, ou indéterminée. Je l'appelle universelle quand l'attribut est à toute la chose ou n'est à aucune partie de la chose; particulière, quand l'attribut est affirmé ou nié d'une partie de la chose, ou bien qu'il n'appartient pas à toute la chose; indéterminée, quand l'attribut est affirmé ou nié du sujet, sans indication d'universalité ni de particularité; telles sont ces deux propositions : La notion des contraires est une seule et même notion : Le plaisir n'est pas un bien.
§ 6. Entre la proposition démonstrative et la proposition dialectique, il y a cette différence que la proposition démonstrative pose l'une des deux parties de la contradiction; car, pour démontrer, on ne fait pas une question, mais l'on pose un principe; au contraire, la proposition dialectique comprend dans une question la contradiction tout entière. Au reste cette différence ne fait rien à la formation du syllogisme de l'une et de l'autre proposition. En effet, qu'on démontre ou qu'on interroge, on fait toujours le syllogisme en posant qu'une chose est ou n'est pas à une autre. Ainsi donc, d'une manière toute générale, la proposition est syllogistique quand elle affirme ou qu'elle nie une chose d'une autre chose, sous l'une des formes qui viennent d'être indiquées. Elle est démonstrative, quand elle est vraie, et qu'elle dérive des conditions primitivement posées. Elle est dialectique, lorsque, sous forme de question, elle comprend les deux parties de la contradiction, ou que, sous forme de syllogisme, elle admet l'apparent et le probable, ainsi qu'il a été dit dans les Topiques. Les traités suivants feront comprendre exactement la nature de la proposition et ses différences, selon qu'elle est syllogistique, démonstrative ou dialectique; pour le moment, ce que nous venons d'en dire doit être suffisant.
§ 7. J'appelle Terme l'élément de la proposition, c'est-à-dire, l'attribut et le sujet auquel il est attribué, soit qu'on y joigne, soit qu'on en sépare l'idée d'être ou de n'être pas.
§ 8. Le Syllogisme est une énonciation, dans laquelle certaines propositions étant posées, on en conclut nécessairement quelque autre proposition différente de celles-là, par cela seul que celles-là sont posées. Quand je dis par cela seul que celles-là sont posées, j'entends que c'est à cause d'elles que l'autre proposition est conclue; et j'entends par cette dernière expression qu'il n'y a pas besoin de terme étranger pour obtenir la conclusion nécessaire.
§ 9. J'appelle donc syllogisme complet celui où il n'est besoin d'aucune autre donnée que les données préalablement admises pour que la proposition nécessaire apparaisse dans toute son évidence.
§ 10. J'appelle incomplet celui où il faut une ou plusieurs autres données, qui peuvent bien être nécessaires d'après les termes d'abord posés, mais qui n'ont pas été toutefois formulées précisément dans les propositions.
§ 11. Quand on dit qu'une chose est dans la totalité d'une autre, ou qu'une chose est attribuée à une autre tout entière, ces deux expressions ont le même sens. Dire qu'une chose est attribuée à une autre tout entière, c'est dire qu'on ne suppose aucune partie du sujet dont l'autre chose ne puisse être dite : et de même pour n'être attribué à aucun.
C'est-à-dire, exprimant l'existence sans
caractère de nécessité ni de contingence. - Règles de la proposition
universelle négative, de l'universelle affirmative, de la particulière
affirmative, de la particulière négative. - Exemples à l'appui des quatre
règles.
§ 1. Comme toute proposition exprime que la chose est
simplement, ou qu'elle est nécessairement, ou qu'elle peut être; et que, dans
toute espèce d'attribution, les propositions sont ou affirmatives ou négatives;
comme, de plus, les propositions affirmatives et négatives sont tantôt
universelles, tantôt particulières, tantôt indéterminées,
§ 2, il y a nécessité que la proposition simple universelle privative puisse se convertir en ses propre termes; par exemple, si aucun plaisir n'est un bien, il faut nécessairement aussi qu'aucun bien ne soit un plaisir.
§ 3. La proposition affirmative doit aussi se convertir, non pas en universelle, mais en particulière; si, par exemple, tout plaisir est un bien, il faut aussi que quelque bien soit un plaisir.
§ 4. Parmi les propositions particulières, l'affirmative se convertit nécessairement en particulière; car si quelque plaisir est un bien, il faut aussi que quelque bien soit un plaisir.
§ 5. Mais il n'y a pas de conversion nécessaire pour la proposition privative; en effet, si homme n'est pas attribuable à quelque animal, il ne s'ensuit pas que animal ne soit pas attribuable à quelque homme.
§ 6. Soit donc d'abord la proposition universelle négative AB; si A n'est à aucun B, B ne sera non plus à aucun A; car, si B est à quelque A, par exemple à C, il ne sera plus vrai que A ne soit à aucun B, puisque C est supposé être l'un des B.
§ 7. Mais, si A est à tout B, B sera aussi à quelque A; car, s'il n'était à aucun, A ne serait non plus à aucun B; or, l'on a supposé qu'il était à tous.
§ 8. Même conversion pour la proposition particulière; en effet, si A est à quelque B, il faut nécessairement aussi que B soit à quelque A; car, s'il n'est à aucun, A ne sera non plus à aucun B.
§ 9. Enfin, si A n'est pas à quelque B, il n'est pas nécessaire non plus que B ne soit pas à quelque A: B, par exemple, est animal, et A homme; car homme n'appartient pas à tout animal, mais animal appartient à tout homme.
C'est-à-dire , de celles où l'existence est
modifiée par quelque caractère de nécessité ou de contingence. - Propositions
nécessaires, universelles négatives et affirmatives, particulières affirmatives
et négatives. - Propositions contingentes, affirmatives et négatives.
§ 1. La règle sera la même encore pour les propositions nécessaires, c'est-à-dire que l'universelle privative se convertit en universelle, et que chacune des deux affirmatives se convertit en particulière.
§ 2. En effet, s'il est nécessaire que A ne soit à aucun B, il est nécessaire aussi que B ne soit à aucun A, parce que, s'il était nécessairement à quelque A, A serait aussi à quelque B.
§ 3. Si A est nécessairement à tout B ou à quelque B, B sera aussi nécessairement à quelque A : car s'il n'y avait pas nécessité qu'il y fût, A ne serait pas non plus nécessairement à quelque B.
§ 4. Quant à la proposition particulière privative, elle ne peut ici non plus se convertir, par la même raison que nous avons dite plus haut.
§ 5. Pour les propositions contingentes, comme contingent se prend dans bien des sens, puisque nous disons que le nécessaire et le non nécessaire et le possible sont contingents, la conversion de toutes les propositions affirmatives se fera ici de la même manière. Si donc A peut être à tout B ou à quelque B, B pourra être aussi à quelque A : car s'il pouvait n'être à aucun, A pourrait aussi n'être à aucun B. C'est ce que nous avons déjà démontré.
§ 6. La règle change pour la conversion des négatives; mais elle est encore la même pour les propositions où les choses sont toutes contingentes, soit parce que nécessairement elles ne sont pas, soit parce qu'elles ne sont pas nécessairement. Par exemple, si l'on dit que l'homme peut ne pas être cheval, et que la blancheur peut n'être à aucun vêtement, de ces deux choses l'une nécessairement n'est pas, l'autre n'est pas nécessairement. Ici donc la conversion a lieu de la même manière. En effet, si être cheval peut n'appartenir à aucun homme, être homme peut n'appartenir aussi à aucun cheval; et si blancheur peut n'être à aucun vêtement, vêtement aussi peut n'être à aucune blancheur. Autrement, s'il y a nécessité que vêtement soit à quelque blancheur, blancheur aussi sera nécessairement à quelque vêtement. C'est ce qu'on a démontré plus haut. Même raisonnement pour la proposition particulière négative.
§ 7. Au contraire, pour les choses que l'on dit contingentes, parce qu'elles sont le plus habituellement et naturellement de telle façon, ce qui est la définition que nous donnons de contingent, il n'en sera plus de même pour les convenions négatives. Ainsi la proposition universelle privative ne se convertit pas, et la proposition particulière se convertit. Ceci deviendra évident quand nous traiterons du contingent. Bornons-nous ici à constater, après tout ce qui précède, que pouvoir n'être à aucune chose ou pouvoir n'être pas à quelque chose, ont la forme d'affirmations. C'est que le verbe pouvoir est placé dans la proposition comme le verbe être; et que le verbe être, a quelques attributions qu'on l'ajoute, forme toujours et absolument une affirmation : par exemple, ceci est non bon, ceci est non blanc; ou d'une manière toute générale, ceci est non cela. Du reste, cette théorie sera reprise et confirmée plus loin. Mais, quant aux conversions, ces propositions contingentes seront comme les autres propositions.
Première figure du syllogisme : définition de
la figure, du moyen, et des externes. - Modes universels et particuliers, tant
affirmatifs que négatifs: modes concluants et non concluants. - Modes
concluants, réduits à quatre: douze non concluants éliminés. - Propriétés
générales de la première figure.
§ 1. Ceci une fois posé, disons avec quels éléments, dans quels cas, et sous quelle forme se produit tout syllogisme. Ce n'est que plus tard qu'il faut parler de la démonstration; auparavant, on doit traiter du syllogisme parce que le syllogisme est plus général que la démonstration, qui n'est qu'une sorte de syllogisme, tandis que tout syllogisme n'est pas une démonstration.
§ 2. Lors donc que trois termes sont les uns à l'égard des autres dans un tel rapport, que le dernier soit dans la totalité du moyen, et que le moyen soit ou ne soit pas dans la totalité du premier, il faut nécessairement qu'il y ait syllogisme complet des extrêmes.
§ 3. J'appelle moyen le terme qui, étant lui-même renfermé dans un autre, renferme aussi un autre terme, et devient alors moyen par sa position même. Les extrêmes sont, et le terme qui est contenu dans un autre terme, et le terme qui en contient aussi un autre.
§ 4. Par exemple, si A est attribué à tout B, et que B soit attribué à tout C, il est nécessaire que A soit attribué à tout C. Nous avons dit plus haut ce que nous entendons par être attribué à tout.
§ 5. De même, si A n'est attribué à aucun B, et que B soit attribué à tout C, A ne sera attribué à aucun C.
§ 6. Mais, si le premier terme est conséquent à tout le
moyen, et que le moyen n'appartienne en rien au dernier terme, il n'y aura pas
de syllogisme des extrêmes; car il ne résulte rien de nécessaire de la
disposition de ces termes. Le premier terme, en effet, peut à la fois être à
tout le dernier et n'être en rien au dernier; de sorte qu'il n'y a point de
conclusion nécessaire, ni particulière, ni universelle : et, comme il n'y a
aucune conclusion nécessaire, il n'y aura pas de syllogisme par ces termes.
Que les termes pour l'affirmative universelle, soient: animal, homme, cheval; et pour la négative universelle : animal, homme, pierre.
§ 7. Il n'y aura pas non plus de syllogisme, lorsque le premier terme n'est à aucun moyen, ni le moyen à aucun dernier. Que les termes de l'affirmation soient : science, ligne, médecine; de la négation: science, ligne, unité.
§ 8. Lors donc que les termes sont universels, on voit clairement les cas où, dans cette figure, il y aura syllogisme, et ceux où il n'y en aura pas; on voit aussi que, dès qu'il y a syllogisme, les termes doivent être nécessairement disposés ainsi que nous l'avons dit; et, dès qu'ils le seront ainsi, il est évident que le syllogisme se produira.
§ 9. Mais si, des deux termes, celui-ci est universel et celui-là particulier relativement à l'autre, lorsque l'universel, soit affirmatif, soit privatif, est placé dans l'extrême majeur, et que le particulier affirmatif est à l'extrême mineur, nécessairement le syllogisme est complet. Le syllogisme est impossible si l'universel est au mineur, ou que les termes soient de toute autre façon.
§ 10. J'appelle majeur l'extrême dans lequel est le moyen, et mineur, l'extrême qui est sujet du moyen.
§ 11. Soit, en effet, A à tout B et B à quelque C ; si donc être attribué à tout est bien ce que j'ai dit au début, il faut nécessairement que A soit à quelque C.
§ 12. Et si A n'est à aucun B, et que B soit à quelque C, il y a nécessité que A ne soit pas à quelque C; car nous avons expliqué aussi ce que nous entendons par n'être attribué à aucun. Et donc le syllogisme sera complet.
§ 13. Il en serait ainsi encore si B C était indéterminée, pourvu qu'elle fût affirmative : car le syllogisme restera le même, soit qu'on fasse B C indéterminée, soit qu'on la fasse particulière.
§ 14. Mais si l'universel attributif ou privatif est placé à l'extrême mineur, il n'y aura pas de syllogisme, que d'ailleurs la proposition indéterminée ou particulière soit affirmative ou négative.
§ 15. Par exemple, si A est ou n'est pas à quelque B, et que B soit à tout C, les termes de l'affirmation sont : bien, disposition, prudence; de la négation : bien, disposition, ignorance.
§ 16. D'autre part, si B n'est à aucun C, et que A soit ou ne soit pas à quelque B, ou qu'il ne soit pas à tout B, il n'y aura pas non plus de syllogisme dans ce cas. Les termes de l'affirmation universelle sont : blanc, cheval, cygne; et de la négation universelle : blanc, cheval, corbeau.
§ 17. On peut prendre les mêmes termes dans le cas où AB serait une proposition indéterminée.
§ 18. Quand l'universel, soit attributif soit négatif, est placé au majeur, et que le particulier privatif est placé au mineur, il n'y aura pas non plus de syllogisme, soit qu'on fasse le privatif indéterminé soit qu'on le fasse particulier.
§ 19. Par exemple, si A est à tout B, et que B ne soit pas à quelque C, ou à tout C; car le terme auquel le moyen n'est pas particulièrement aura le premier pour conséquent universel, soit affirmatif, soit négatif. Supposons que les termes soient : animal, homme, blanc; parmi les choses blanches auxquelles homme n'est pas attribué, prenons cygne et neige. D'une part, animal est attribué à tout, et, d'autre part, il n'est attribué à aucun; de sorte qu'il n'y aura pas de syllogisme.
§ 20. Supposons encore que A ne soit à aucun B, et que B ne soit pas à quelque C; admettons, en outre, que les termes soient: inanimé, homme, blanc; prenons ensuite, parmi les choses blanches auxquelles on ne peut attribuer homme, cygne et neige; inanimé est attribué, d'une part, à tout, d'autre part, à aucun.
§ 21. De plus, comme cette proposition, B n'est pas à quelque C, est indéterminée; car du moment que le terme n'est à aucun ou qu'il n'est pas à tout, il est vrai de dire qu'il n'est pas à quelque; en prenant les termes de manière qu'il ne soit à aucun, il n'y a pas de syllogisme, comme on l'a déjà dit ; donc il est évident qu'il n'y aura pas de syllogisme, en établissant les termes comme on vient de l'indiquer; car il y en aurait eu aussi pour les autres. La démonstration serait encore pareille si l'universel était supposé privatif.
§ 22. Il n'y aura pas davantage de syllogisme si les deux
intervalles sont particuliers, affirmatifs ou
négatifs, ou si l'un est affirmatif et l'autre négatif,
ou bien si l'un est indéterminé et l'autre défini, ou enfin si tous deux sont
indéterminés. Dans tous ces cas le syllogisme est impossible; les termes
communs à toutes ces suppositions peuvent être : animal, blanc, homme : animal,
blanc, pierre.
§ 23. Il est donc évident, d'après tout ceci, que, quand le syllogisme est particulier dans cette figure, il faut nécessairement que les termes soient disposés comme nous l'avons dit: s'ils le sont ainsi, il y a syllogisme; s'ils le sont autrement, il n'y a pas de syllogisme possible.
§ 24. Il est également évident que tous les syllogismes de
cette figure sont complets, puisque tous concluent par des données primitives.
§ 25. On voit aussi que toutes les espèces de conclusions sont prouvées par cette figure; car on y trouve: être à tout, n'être à aucun, être à quelque, n'être pas à quelque.
§ 26. Voilà ce que j'appelle la première figure.
Définitions de la figure, du moyen, des
extrêmes. - Modes universels. - Modes particuliers. - Modes concluants réduits
à quatre; douze non concluants éliminés. - Propriétés générales de la seconde
figure.
§ 1. Lorsqu'un même terme est, d'une part, à tout le premier terme, et que, d'autre part, il n'est aucunement au second, ou bien lorsqu'à la fois il est aux deux tout entiers, ou n'est à aucun des deux, c'est là ce que j'appelle la seconde figure.
§ 2. Je nomme moyen, dans cette figure, le terme attribué aux deux autres. Je nomme extrêmes les termes auxquels celui-là est attribué, extrême majeur celui qui est placé près du moyen, extrême mineur celui qui est le plus éloigné du moyen.
§ 3. Le moyen est placé en dehors des extrêmes, et il est le premier en ordre.
§ 4. Il n'y aura donc pas dans cette figure de syllogisme complet.
§ 5. Mais le syllogisme ici sera possible, les termes d'ailleurs étant ou n'étant pas universels.
§ 6. Avec des termes universels, il y aura syllogisme quand le moyen sera d'une part à tout, et d'autre part à aucun, quelque soit d'ailleurs celui des deux termes qui soit privatif. Autrement, il n'y aura pas de syllogisme.
§ 7. Par exemple, que M ne soit attribué à aucun N, et qu'il soit attribué à tout O, comme la proposition privative se convertit, N ne sera à aucun M. Mais on supposait que M était à tout O; N ne sera donc à aucun O; c'est ce qu'on a déjà démontré.
§ 8. Ensuite, si M est à tout N, et n'est à aucun O, O ne sera non plus à aucun N; car si M n'est à aucun O, O non plus ne sera à aucun M; mais M était supposé à tout N, donc O ne sera à aucun N; ainsi on est revenu à la première figure. Mais, comme la proposition négative se convertit, N ne sera non plus à aucun O, et alors le syllogisme sera le même.
§ 9. On pourrait démontrer encore ceci par réduction à l'absurde.
§ 10. Il est donc évident que, les termes ainsi disposés, il y a syllogisme, mais non pas syllogisme complet; car la conclusion nécessaire ne se forme pas uniquement avec les données primitives; il faut, en outre, d'autres éléments.
§. 11. Mais si M est attribué à tout N et à tout O, il n'y aura pas de syllogisme. Termes de l'affirmation : substance, animal, homme; de la négation: substance, animal, pierre. Substance ici est le terme moyen.
§ 12. Il n'y a pas non plus de syllogisme quand M n'est attribué ni à aucun N, ni à aucun O; que les formes pour l'affirmation soient : ligne, animal, homme; pour la négation : ligne, animal, pierre.
§ 13. Il est donc évident que, pour qu'il y ait syllogisme avec des termes universels, il faut que ces termes soient disposés ainsi que nous l'avons dit en débutant; car on n'obtient pas de conclusion nécessaire s'ils le sont autrement.
§ 14. Si le moyen n'est universel que dans l'un des extrêmes, lorsqu'il l'est dans la majeure soit affirmativement soit privativement, et que, dans la mineure, il est particulier et en opposition avec l'universel: j'entends par en opposition le cas où l'universel étant négatif, le particulier est affirmatif, ou bien celui où l'universel étant affirmatif, le particulier est négatif : alors il y a nécessité que le syllogisme soit particulier négatif.
§ 15. En effet, si M n'est à aucun N et s'il est à quelque O, il faut nécessairement que N ne soit pas à quelque O; car la proposition négative se convertissant, N non plus ne sera à aucun M; mais comme l'on supposait que M était à quelque O, N ne sera pas à quelque O; car le syllogisme alors est de la première figure.
§ 16. Ensuite, si M est à tout N et n'est pas à quelque O, il est nécessaire que N ne soit pas à quelque O; car s'il est à tout Ο, comme M est aussi attribué à tout N, il faut que M soit à tout O : mais on supposait qu'il n'était pas à quelque O. De plus, si M est à tout N, et s'il n'est pas à tout O, il y aura ce syllogisme, que N n'est pas à tout O. La démonstration ici est la même.
§ 17. Si M est attribué à tout Ο et ne l'est pas à tout N, il n'y aura pas de syllogisme. Termes pour l'affirmation : animal, substance, corbeau; et pour la négation : animal, blanc, corbeau.
§ 18. Il n'y en aura pas non plus si M n'est attribué à aucun O, et s'il l'est à quelque N. Termes de l'affirmation : animal, substance, pierre; et de la négation : animal, substance, science.
§ 19. Ainsi donc l'universel étant de forme opposée à celle du particulier, on a dit quand il y aura et quand il n'y aura pas de syllogisme.
§ 20. Mais si les deux propositions sont de même forme, toutes deux privatives ou toutes deux affirmatives, il n'y aura pas de syllogisme.
§ 21. Supposons-les d'abord privatives, et que l'universel soit joint à l'extrême majeur, par exemple que M ne soit à aucun N, et qu'il ne soit pas à quelque O. N peut également être à tout O, et n'être à aucun. Termes de la négation universelle : noir, neige, animal. On ne peut pas trouver de termes pour l'affirmation universelle, puisque M à la fois est à quelque O, et n'est pas à quelque autre O : car si N est à tout O, et que M ne soit à aucun N, M ne sera non plus à aucun O; mais l'on a supposé qu'il était à quelque O. Donc il n'est pas possible de trouver des termes de ce genre : mais il faut démontrer ceci en observant que la proposition est indéterminée; en effet, puisqu'il est vrai aussi de dire que M n'est pas à quelque O, même quand il n'est à aucun, et comme, lorsqu'il n'est à aucun O, il n'y a pas de syllogisme, il est évident qu'il n'y en aura pas davantage dans le cas actuel.
§ 22. Supposons ensuite que les deux propositions soient attributives, et que l'universel ait toujours la même place, par exemple, que M soit à tout N, et à quelque O; N alors peut être à tout O ou n'être à aucun. Les termes de la négation universelle sont : blanc, cygne, pierre. Il n'y en aura pas pour l'affirmative universelle, par la raison déjà dite plus haut; et il faut démontrer ceci par l'indéterminé de la proposition.
§ 23. Avec l'universel joint à l'extrême mineur, en supposant que M ne soit à aucun O, et qu'il ne soit pas à quelque N, N alors peut être à tout O ou n'être à aucun O. Termes de l'affirmation : blanc, animal, corbeau; de la négation : blanc, pierre, corbeau.
§ 24. Mais, si les propositions sont attributives, les termes de la négation seraient: blanc, animal, neige; et de l'affirmation : blanc, animal, cygne.
§ 25. Il est donc clair que, quand les propositions sont de même forme, et que l'une est universelle, l'autre particulière, il n'y a pas de syllogisme possible.
§ 26. Il n'y en a pas non plus, si le moyen est ou n'est pas particulièrement à l'un et à l'autre extrême, ou bien si particulièrement il est à l'un et n'est pas à l'autre, ou bien s'il n'est à aucun des deux en entier, ou s'il est d'une manière indéterminée. Termes communs de tous ces ras : blanc, animal, homme; blanc, animal, inanimé.
§ 27. En résumé, on voit que, quand les termes sont les uns envers les autres comme on l'a dit, il y a nécessairement syllogisme, et que, s'il y a syllogisme, il faut nécessairement que les termes soient dans ces relations.
§ 28. Il est évident, en outre, que tous les syllogismes de cette figure sont incomplets, puisque tous ne concluent que par l'addition de quelques données, lesquelles sont ou nécessairement renfermées dans les termes, ou admises à titre d'hypothèses, comme dans le cas où nous démontrons par l'absurde.
§ 29. On voit enfin que, dans cette figure, il n'y a pas de syllogisme affirmatif, mais que tous y sont privatifs, les universels comme les particuliers.
Définitions de la figure, du moyen, des
extrêmes. - Modes universels. - Modes particuliers. - Modes concluants réduits
à 6 : 10 asyllogistiques éliminés. - Propriétés générales de la troisième
figure.
§ 1. Lorsqu'à l'égard d'un même terme les autres termes sont, l'un attribué universellement, et l'autre nié de même, ou bien lorsque tous deux sont ou ne sont pas universellement à ce même terme, j'appelle cette figure la troisième.
§ 2. Je nomme ici moyen le terme auquel nous attribuons les
deux autres, extrêmes les termes attribués, extrême majeur celui qui est le
plus éloigné du moyen, extrême mineur celui qui en est le plus rapproché.
§ 3. Le moyen est en dehors des extrêmes, et il est le dernier par sa place.
§ 4. Dans cette figure il n'y a pas non plus de syllogisme complet,
§ 5, mais le syllogisme est possible, que les termes soient joints au moyen universellement ou non universellement.
§ 6. Les termes donc étant universels, par exemple, P et R étant à tout S il y aura ce syllogisme, que P est nécessairement à quelque R; car, la proposition universelle affirmative se convertissant, S sera à quelque R; mais, puisque P est à tout S et S à quelque R, il y a nécessité que P soit à quelque R, et alors le syllogisme se forme dans la première figure. On peut encore faire cette démonstration par la réduction à l'absurde et par l'exposition; car, les deux termes étant à tout S, si l'on prend l'un des S, N par exemple, P et R seront à cet S, de sorte que P sera à quelque R.
§ 7. Si R est à tout S, et que P ne soit à aucun S, il y aura ce syllogisme que nécessairement P ne sera pas à quelque R, le même mode de démonstration serait possible en convertissant la proposition R S; et l'on pourrait démontrer aussi par réduction à l'absurde, comme dans les cas précédents.
§ 8. Si R n'est à aucun S, et que P soit à tout S il n'y aura pas de syllogisme. Termes de l'affirmation : animal, cheval, homme; et de la négation : animal, inanimé, homme.
§ 9. Si les deux termes ne sont attribués à aucun S, il n'y aura pas non plus de syllogisme.
Termes de l'affirmation : animal, cheval, inanimé; de la négation : homme, cheval, inanimé : inanimé étant le moyen.
§ 10. Tels sont les cas où, dans cette figure, il y aura et il n'y aura pas de syllogisme, avec des termes universels. En effet, les deux termes étant attributifs, il y aura ce syllogisme, que l'un des extrêmes est particulièrement à l'autre extrême. Lorsqu'ils sont privatifs, il n'y a pas de syllogisme; mais, lorsque l'un est privatif et l'autre affirmatif, si c'est le majeur qui est privatif et l'autre affirmatif, il y aura ce syllogisme, que l'un des extrêmes n'est pas particulièrement à l'autre extrême; autrement il n'y aura pas de syllogisme.
§ 11. Lorsque, par rapport au moyen, l'un des termes est universel et l'autre particulier, si tous les deux sont attributifs, il y a nécessairement syllogisme, quel que soit d'ailleurs celui des termes qui est universel.
§ 12. Si donc R est à tout S, et P à quelque S, nécessairement P sera à quelque R. Par la conversion de l'affirmative, S sera à quelque P; et, puisque R est à tout S, et S à quelque P, R sera aussi à quelque P, d'où P aussi sera à quelque R.
§ 13. Ensuite, si R est à quelque S et P à tout S, P sera nécessairement aussi à quelque R. Le mode de démonstration serait ici le même.
§ 14. Et l'on peut démontrer encore, par la réduction à l'absurde et par l'exposition, comme pour les cas précédents.
§ 15. Mais, si l'un des termes est attributif et l'autre privatif, et que l'attributif soit universel, avec le mineur affirmatif, il y aura syllogisme. En effet, si R est à tout S, et que P ne soit pas à quelque S, P nécessairement ne sera pas à quelque R; car, s'il était à tout R, et que R fût à tout S, P aussi serait à tout S; ce qui est contraire à la supposition. On peut démontrer ceci sans la réduction à l'absurde, en supposant un des S auquel P n'est pas.
§ 16. Avec le majeur attributif, il n'y aura pas de syllogisme : par exemple, si P est à tout S, et que R ne soit pas à quelque S. Termes de l'affirmation universelle : animé, homme, animal. Pour la négation universelle, on ne peut trouver de termes, puisque R est à tel S et n'est pas à tel autre; car, si P est à tout S et R à quelque S, P sera aussi à quelque R; mais l'on avait supposé que P n'était à aucun R. Il faut ici procéder comme dans les cas précédents; car, comme n'être pas à quelque est indéterminé, il est vrai de dire que ce qui n'est à aucun n'est pas non plus à quelque; or, quand on avait n'être à aucun, il n'y avait pas de syllogisme donc il est évident qu'ici non plus il n'y en aura pas davantage.
§ 17. Si le privatif est universel et que le particulier soit affirmatif, pourvu que le majeur soit privatif et le mineur attributif, il y aura syllogisme; car, si P n'est à aucun S, et que R soit à quelque S, P ne sera pas à quelque R; et, de nouveau, l'on aura la première figure, en convertissant la proposition R S.
§ 18. Avec le mineur privatif, il n'y aura pas de syllogisme. Termes de l'affirmation : animal, homme, sauvage, et de la négation : animal, science, sauvage; le moyen, de part et d'autre, est sauvage.
§ 19. Si les deux termes sont privatifs, et que l'un soit universel, l'autre particulier, il n'y aura pas non plus de syllogisme. Avec un mineur universellement joint au moyen, termes de la négation : animal, science, sauvage, et de l'affirmation: animal, homme, sauvage.
§ 20. Si c'est, au contraire, le majeur qui est universel et le mineur particulier, les termes de la négation seraient : corbeau, neige, blanc; mais, pour ceux de l'affirmation, on ne saurait en trouver, si R est à tel S tandis qu'il n'est pas à tel autre; car, si P est à tout R, et R à quelque S, P sera aussi à quelque S; mais l'on supposait qu'il n'était à aucun. Il faut encore prouver ceci par le caractère indéterminé de la proposition.
§ 21. Le syllogisme n'est pas possible non plus, si l'un et l'autre extrême sont ou ne sont pas particulièrement au moyen; si l'un y est et que l'autre n'y soit pas; que l'un soit particulièrement au moyen et que l'autre ne soit pas à tout le moyen; ou bien si les propositions sont indéterminées. Termes communs de tous ces cas: animal, homme, blanc; animal, inanimé, blanc.
§ 22. Telles sont évidemment les conditions pour que, dans cette figure, le syllogisme soit ou ne soit pas possible. Si les termes sont disposés comme on l'a dit, il y aura nécessairement syllogisme; et, s'il y a syllogisme, les termes seront nécessairement ainsi.
§ 23. Il est, de plus, évident que, dans cette figure, tous les syllogismes sont incomplets; car tous ne concluent qu'en ajoutant quelque donnée nouvelle.
§ 24. On voit enfin qu'il n'est pas possible, dans cette figure, d'obtenir de syllogisme universel, ni affirmatif, ni privatif.
Réduction des deux dernières figures à la
première. - Réduction de tous les modes aux deux seuls modes universels de la
première figure.
§ 1. Il n'est pas moins évident que, dans toutes les figures, au cas où il n'y a pas syllogisme, si les deux termes sont affirmatifs ou privatifs, ou tous les deux particuliers, il n'y a pas de conséquence nécessaire.
§ 2. Mais, si l'un est attributif et l'autre privatif, et que le privatif soit pris universellement, il y a toujours syllogisme du petit extrême attribué au grand.
§ 3. Par exemple, que A soit à tout B, ou à quelque B, et que B ne soit à aucun C; les propositions, en effet, pouvant se convertir, il y a nécessité que C ne soit pas à quelque A.
§ 4. Et, de même, dans les autres figures, le syllogisme s'y obtient toujours par la conversion.
§ 5. Il est encore évident que la proposition indéterminée, prise à la place de la proposition particulière attributive, donnera toujours le même syllogisme qu'elle dans toutes les figures.
§ 6. Il est également clair que tous les syllogismes incomplets se complètent par la première figure; car tous concluent ou ostensivement ou par réduction à l'absurde; et, de l'une et l'autre façon, c'est la première figure qui est produite. S'ils se complètent ostensivement, c'est par la conversion qu'ils concluent, et l'on a vu que la conversion donnait toujours la première figure. S'ils sont démontrés par réduction à l'absurde, là supposition erronée que l'on fait donne le syllogisme dans la première figure. Soit, par exemple, un syllogisme de la dernière: si A et B sont à tout C, A est aussi à quelque B; car, si A n'est à aucun B, et que B soit à tout C, A ne sera à aucun C; mais on l'avait supposé à tout C. Et de même pour tous les autres cas.
§ 7. On peut même ramener tous les syllogismes aux syllogismes universels de la première figure.
§ 8. D'abord, ceux de la seconde se complètent évidemment par ceux-là, non pas tous de la même manière; mais les universels, par la conversion du privatif; et chacun des particuliers, par la réduction à l'absurde.
§ 9. Quant aux syllogismes particuliers de la première figure, ils sont complets par eux-mêmes; mais il serait encore possible de les démontrer, en les ramenant à l'absurde par la seconde figure. Par exemple, si A est à tout B, et B à quelque C, A sera aussi à quelque C; car, s'il n'est à aucun C, et qu'il soit à tout B, B ne sera non plus à aucun C; or, nous ne savons ceci que par la seconde figure. La démonstration serait encore la même pour le privatif; car, si A n'est à aucun B et que B soit à quelque C, A ne sera pas non plus à quelque C; car, s'il est à tout C, et qu'il ne soit à aucun B, B ne sera non plus à aucun C; et c'était là précisément la moyenne figure. Ainsi donc, comme tous les syllogismes de la moyenne figure sont ramenés aux syllogismes universels de la première, et que les syllogismes particuliers de la première sont ramenés à ceux de la moyenne figure, il est clair aussi que les syllogismes particuliers de la première seront ramenés aux syllogismes universels de cette même figure.
§ 10. Enfin, les syllogismes de la troisième, si les termes sont universels, se complètent immédiatement par ces mêmes syllogismes.
§ 11. Et, si les termes sont particuliers, c'est par les syllogismes particuliers de la première figure; et ceux-ci viennent d'être ramenés aux universels. Ainsi donc, c'est à eux aussi que les syllogismes particuliers de la troisième figure seront ramenés.
§ 12. Donc, en résumé, tous les syllogismes seront ramenés aux syllogismes universels de la première figure.
§ 13. On sait maintenant comment se forment les syllogismes
qui affirment ou nient simplement l'existence.
On les a vus d'abord chacun dans une même figure, et l'on a vu ensuite leurs rapports, quand ils sont de figures différentes.
Syllogismes avec les deux prémisses marquées
du caractère de nécessité.
§ 1. Comme c'est une chose fort différente que d'être simplement, et d'être nécessairement, et d'être d'une manière contingente; car bien des choses sont sans être nécessairement, et d'autres ne sont ni nécessairement ni même pas du tout, mais peuvent être; on conçoit sans peine que le syllogisme, dans chacun de ces cas, sera différent aussi, et que les termes n'en seront pas semblables. Ainsi, tel syllogisme sera composé de termes nécessaires, tel autre de termes absolus, tel autre enfin de termes contingents.
§ 2. Pour les propositions nécessaires, il en est à peu près comme pour les propositions d'existence absolue; les termes, en effet, étant disposés de même, le syllogisme se produira, et ne se produira pas également, soit pour la simple existence, soit pour l'existence nécessaire affirmée ou niée. La seule différence, c'est qu'on ajoutera aux termes que la chose est ou qu'elle n'est pas, nécessairement.
§ 3. Le privatif, en effet, se convertit absolument de même; et nous garderons ici, dans un sens tout à fait pareil, les expressions : être dans la totalité, être attribué à tout. Dans les autres cas, on démontrera donc de la même manière, c'est-à-dire par la conversion, la conclusion du nécessaire, précisément comme on l'a fait pour les conclusions d'existence absolue. Mais, dans la figure moyenne, lorsque l'universel est affirmatif et que le particulier est privatif; et, dans la troisième, lorsque l'universel est affirmatif et que le particulier est privatif, la démonstration ne se fera plus de même; mais alors il faudra exposer un terme auquel l'un et l'autre extrêmes ne soient pas, et construire le syllogisme relativement à lui; car il y aura conclusion du nécessaire pour ce terme ; et, si la conclusion est du nécessaire pour le terme ainsi exposé, elle le sera également pour une partie du premier terme; car celui qu'on expose en est précisément une partie. Du reste, les deux syllogismes se forment chacun dans la figure qui lui est propre.
Règle générale : La majeure doit être modale
nécessaire, pour que la conclusion le soit aussi. - Examen des modes
universels et des modes particuliers.
§ 1 Il arrive aussi quelquefois que, l'une des propositions
seulement étant nécessaire, le syllogisme le soit aussi; mais ce n'est pas
indifféremment l'une des deux propositions : il faut que ce soit la majeure.
§ 2. Par exemple, si l'on suppose que A soit ou ne soit pas nécessairement à B, et que B soit simplement à C, avec des propositions ainsi formées, A sera ou ne sera pas nécessairement à C; car, A étant ou n'étant pas nécessairement à tout B, et C étant un des B, il est évident que C aussi sera nécessairement de l'une ou de l'autre de ces formes.
§ 3. Mais, si A B n'est pas nécessaire; et que B C le soit, la conclusion ne sera pas du nécessaire; car, si elle en était, A serait nécessairement à quelque B, par la première et la troisième figure : ce qui est faux; car B peut être tel que A ne puisse lui être aucunement. On peut voir, en outre, par les termes seuls, que la conclusion ne sera pas du nécessaire; par exemple, soit A mouvement, B animal, et C homme; l'homme est nécessairement animal; mais l'animal ne se meut pas nécessairement non plus que l'homme.
§ 4. Et, de même, en supposant A B privatif; car la démonstration serait pareille.
§ 5. Quant aux syllogismes particuliers, si la proposition universelle est nécessaire, la conclusion sera du nécessaire aussi; quand, au contraire, c'est la particulière qui est nécessaire, la conclusion n'est plus du nécessaire, la proposition universelle étant d'ailleurs privative on affirmative.
§ 6. Ainsi d'abord, supposons que l'universel soit nécessaire, et que A soit nécessairement à tout B, et que B soit simplement à quelque C, il faut alors que A soit nécessairement à quelque C; car C est sujet de B, et l'on supposait que A était nécessairement à tout B.
§ 7. Il en est de même si le syllogisme est privatif, et la démonstration sera toute pareille.
§ 8. Mais, si c'est le particulier qui est nécessaire, la conclusion ne sera pas du nécessaire; car ceci n'a rien d'absurde, non plus que pour les syllogismes universels.
§ 9. Même règle pour les syllogismes particuliers
privatifs. Termes : mouvement, animal, blanc.
Règle générale : Pour que la conclusion soit
modale nécessaire, il faut que la proposition universelle négative le soit
aussi. - Examen des modes universels et des modes particuliers.
§ 1. Dans la seconde figure, si la proposition privative est nécessaire, la conclusion aussi sera du nécessaire: si c'est l'affirmative qui est nécessaire, la conclusion n'en sera pas.
§ 2. Supposons d'abord que la privative est nécessaire, et que A ne puisse être à aucun B, et qu'il soit simplement à C, comme la proposition privative se convertit, B ne peut non plus être à aucun A; mais A est à tout C : donc B ne peut être à aucun C ; car C est sujet de A.
§. 3. II en est de même encore si l'on suppose C privatif. En effet, si A ne peut être à aucun C, C non plus ne peut être à aucun A; mais A est à tout B, de sorte que C ne peut être à aucun B; c'est donc encore la première figure qui revient : donc B ne pourra être davantage à C; car ici la conversion est également possible.
§ 4. Si c'est la proposition attributive qui est nécessaire, la conclusion ne sera pas du nécessaire. En effet, supposons que A soit nécessairement à tout B, et qu'il ne soit simplement à aucun C, le privatif étant converti, on obtient la première figure : or, on a démontré que, quand la proposition privative dans la majeure n'est pas nécessaire, la conclusion n'est pas non plus du nécessaire ; donc elle n'en sera pas davantage pour le cas supposé ici.
§ 5. De plus, si la conclusion est du nécessaire, elle a cette forme que C nécessairement n'est pas à quelque A ; car si B nécessairement n'est à aucun C, C nécessairement non plus ne sera à aucun B; mais il est nécessaire que B soit à quelque A, puisque A était nécessairement à tout B: donc il est nécessaire que C ne soit pas à quelque A; mais rien n'empêche que A ne soit pris de telle sorte qu'il puisse être à tout C.
§ 6. Il est possible même, par la seule exposition des termes, de démontrer que la conclusion n'est pas absolument du nécessaire, mais qu'elle n'est du nécessaire qu'avec les conditions posées. Soit, par exemple, A animal, B homme, C blanc, et que les propositions soient de la même forme, il est possible que animal ne soit à aucun être blanc; homme alors ne sera non plus à aucun être blanc, mais non pas du tout nécessairement; car il se peut que l'homme devienne blanc, mais non pas cependant tant qu'animal ne conviendra à aucun être blanc: ces conditions une fois admises, la conclusion sera du nécessaire, mais elle n'en sera pas absolument parlant.
§ 7. Il en sera de même encore pour les syllogismes particuliers. Ici aussi, quand la proposition privative est universelle et nécessaire, la conclusion sera également du nécessaire. Si, au contraire, c'est la proposition attributive qui est universelle et nécessaire, et que la privative soit particulière et non nécessaire, la conclusion ne sera pas du nécessaire.
§ 8. Soit donc d'abord la proposition privative universelle et nécessaire : que A, par exemple, ne puisse être à aucun B, mais qu'il soit à quelque C, le privatif pouvant se convertir, B ne pourra être non plus à aucun A; mais A est à quelque C, donc B nécessairement n'est pas à quelque C.
§ 9. D'autre part, que la proposition attributive soit universelle et nécessaire, et que l'affirmation soit jointe à B. Si A est nécessairement à tout B, et qu'il ne soit pas à quelque C, il est évident que B ne sera pas à quelque C, mais non pas nécessairement; car ici les termes utiles à la démonstration seront les mêmes que pour les syllogismes universels.
§ 10. Mais dans le cas où la proposition privative nécessaire est particulière, la conclusion ne sera pas du nécessaire; du reste, la démonstration aurait lieu avec les mêmes termes.
Règle générale : Avec deux affirmatives, la
conclusion est modale nécessaire, si la prémisse universelle est nécessaire;
avec une seule affirmative, si l'universelle négative est nécessaire. - Examen
de tous les modes.
§ 1. Dans la dernière figure, les termes étant universels relativement au moyen, et les deux propositions étant attributives, il suffit que l'une des deux indifféremment soit nécessaire, pour que la conclusion soit également du nécessaire. L'une étant privative et l'autre attributive, si c'est la privative qui est nécessaire, la conclusion sera aussi du nécessaire; elle n'en sera pas, Si c'est l'attributive qui est nécessaire.
§ 2. Supposons d'abord que les deux propositions soient attributives, et que A et B soient à tout C, et que A C soit nécessaire; puis donc que B est à tout C, C aussi sera à quelque B, car la proposition universelle se convertit en particulière. Ainsi, A étant nécessairement à tout C, et C à quelque B, nécessairement aussi A sera à quelque B; car B est sujet de C. On revient donc à la première figure.
§ 3. On démontrera de la même façon, si c'est B C qui est nécessaire; car C peut se convertir en quelque A; de sorte que, si B est nécessairement à tout C, et que C soit à quelque A, B sera nécessairement aussi à quelque A.
§ 4. D'autre part, soit A C privatif, et B C affirmatif, et que le privatif soit nécessaire: l'affirmative étant convertie, C sera à quelque B; mais A nécessairement n'est à aucun C, A, nécessairement, non plus ne sera pas à quelque B; car B est sujet de C.
§ 5. Si c'est l'attributif qui est nécessaire, la conclusion ne sera pas du nécessaire. Soit, par exemple, B C attributif et nécessaire, et A C privatif et non nécessaire, l'affirmatif étant converti, C sera nécessairement à quelque B; de sorte que, si A n'est à aucun C, et que C soit à quelque B, A ne sera pas non plus à quelque B, mais non pas nécessairement; car il a été démontré, dans la première figure, que, si la proposition privative n'est pas nécessaire, la conclusion n'est pas non plus du nécessaire.
§ 6. Ceci, du reste, peut devenir évident d'après les termes seuls. Par exemple, que A soit bon, B animal, et C cheval: il se peut que bon ne soit à aucun cheval; mais animal est nécessairement à tout cheval; pourtant il n'est pas nécessaire que quelque animal ne soit pas bon, puisqu'il est possible, au contraire, que tout animal soit bon; ou bien, si cette dernière supposition n'est pas admissible, il faut prendre un autre terme, dormir ou veiller, attributs dont tout animal est susceptible.
§ 7. On voit donc, quand les termes sont universels relativement au moyen, dans quels cas la conclusion sera du nécessaire.
§ 8. Soit maintenant l'un des termes universels et l'autre particulier : les deux propositions étant attributives, lorsque l'universel est nécessaire, la conclusion est également du nécessaire. Même démonstration que précédemment; car le particulier attributif peut aussi se convertir : si donc B est nécessairement à tout C, et que A soit sujet de C, il est nécessaire que B soit à quelque A; mais, si B est à quelque A, il est nécessaire aussi que A soit à quelque B ; car il y a conversion.
§ 9. Il en serait de même si A C était nécessaire en même temps qu'il est universel; car B est sujet de C.
§ 10: Si c'est le particulier qui est nécessaire, la conclusion ne sera pas du nécessaire.
§ 11. Soit, par exemple, B C particulier et nécessaire, et que A soit à tout C, mais non toutefois nécessairement, en convertissant B C, on revient à la première figure; et la proposition universelle n'est pas nécessaire, mais c'est la particulière qui l'est. Avec des propositions de ce genre, la conclusion n'était pas du nécessaire : elle n'en est pas davantage ici.
§ 12. On peut voir ceci d'après les termes seuls : que A soit veille, B bipède, et C animal; il est nécessaire que B soit à quelque C, mais A peut être à tout C, et A n'est pas nécessairement à B; car il n'est pas nécessaire que quelque bipède soit endormi ou éveillé.
§ 13. On pourrait également démontrer ceci par les mêmes termes, quand bien même la proposition AC serait particulière et nécessaire.
§ 14. Soit maintenant l'un des termes attributif et l'autre privatif, si l'universel est privatif et nécessaire, la conclusion aussi sera du nécessaire. Par exemple, si A ne peut être à aucun C, et que B soit à quelque C, il est nécessaire que A ne soit pas à quelque B.
§ 15. Si c'est l'affirmatif qui est nécessaire, qu'il soit d'ailleurs universel ou particulier, ou bien si le privatif est particulier, la conclusion ne sera pas du nécessaire. Du reste, nous dirons ici ce que nous avons dit pour les cas antérieurs. Termes, quand l'universel attributif est nécessaire: veille, animal, homme, homme étant pris pour moyen terme; et quand c'est le particulier attributif qui est nécessaire: veille, animal, blanc. En effet, il est nécessaire que animal soit à quelque être blanc; mais veille peut n'être à aucun; et il n'est pas non plus nécessaire que veille ne soit pas à quelque animal. Pour le cas où la proposition particulière privative est nécessaire, les termes seraient : bipède, mouvement, animal, animal étant le moyen.
Règles générales des conclusions absolues et
des conclusions modales nécessaires.
§ 1. Il est donc évident qu'il n'y a de syllogisme absolu qu'autant que les propositions sont absolues toutes deux; mais pour qu'il y ait syllogisme du nécessaire, il suffit que l'une des deux seulement soit nécessaire.
§ 2. De part et d'autre, il faut toujours, les syllogismes d'ailleurs étant privatifs ou affirmatifs, que l'une des propositions soit pareille à la conclusion; en disant pareille, j'entends que si la conclusion est absolue, l'une des propositions aussi est absolue, et que si la conclusion est du nécessaire, l'une des propositions en est aussi. On voit également que la conclusion ne sera ni dit nécessaire, ni absolue, à moins que l'une des propositions ne soit nécessaire ou absolue.
§ 3. Tel est à peu près tout ce qu'on avait à dire sur le nécessaire, et sur la différence qui le sépare de l'absolu.
§ 1. Après ceci, traitons du contingent, et disons quand, comment, et avec quels éléments il y aura syllogisme.
§ 2. Être contingent et contingent se disent d'une chose qui n'est pas nécessaire, mais dont la supposition n'implique aucune impossibilité ; car c'est par homonymie que nous disons que le nécessaire même est contingent.
§ 3. Que le contingent soit bien cela, c'est ce qu'on peut voir sans peine dans les négations et les affirmations opposées. Ainsi ces énonciations : Il n'est pas possible que ce soit- il est impossible que ce soit- il est nécessaire que ce ne soit pas, ou sont des propositions équivalentes, ou du moins elles se suivent les unes les autres. Donc aussi les propositions opposées à celles-là : il est possible que ce soit- il n'est pas impossible que ce soit- il n'est pas nécessaire que ce ne soit pas, ou seront équivalentes, ou du moins elles s'enchaîneront mutuellement. Pour toute chose, en effet, il faut qu'il y ait, soit affirmation, soit négation. Ainsi donc le contingent sera non nécessaire, et le non nécessaire sera contingent.
§ 4. On doit remarquer que toutes les propositions du contingent peuvent être converties les unes dans les autres. Par là je veux dire, non pas que les affirmatives se convertissent dans les négatives, mais que toutes celles qui ont la forme affirmative se convertissent avec l'opposition : par exemple, pouvoir être se convertit en pouvoir ne pas être, pouvoir être à toutes pouvoir n'être à rien, ou en pouvoir n'être pas à tout, et pouvoir être à quelque en pouvoir n'être pas à tout. Même méthode pour les autres cas. En effet, le contingent n'étant pas nécessaire, et le non nécessaire pouvant ne pas être, il est clair que si A peut être à B, il peut aussi ne pas y être; et que s'il peut être à tout B, il peut aussi ne pas être à tout B. Même raisonnement encore pour les affirmatives particulières, où la démonstration serait toute semblable. C'est que les propositions de ce genre sont affirmatives et non pas négatives, et que le verbe pouvoir y occupe tout à fait la place du verbe être, ainsi qu'il a été dit précédemment.
§ 5. Ceci posé, remarquons encore que contingent a deux significations. D'une part, c'est ce qui est le plus habituel, mais sans caractère de nécessité : par exemple, le grisonnement de l'homme, sa croissance, son dépérissement, et en général tout ce qui est dans l'ordre de la nature : car rien de tout cela n'est d'une nécessité constante, puisque l'homme n'existe pas toujours; mais du moment que l'homme existe, ou cela est de nécessité, ou du moins cela est le plus ordinairement. D'autre part, le contingent est encore l'indéterminé qui peut être ainsi ou non ainsi. C'est, par exemple, que l'animal se meuve, ou qu'il survienne un tremblement de terre pendant qu'il se meut; et en général, c'est tout ce qui ne dépend que du hasard. En effet, rien de tout cela n'est par nature de telle façon plutôt que de la façon contraire.
§ 6. Chacun de ces deux contingents se convertit donc avec les propositions opposées, mais non pas de la même manière. Le contingent qui est naturel se convertit en contingent qui n'est pas nécessairement; c'est ainsi qu'il est possible que l'homme ne grisonne pas; le contingent indéterminé se convertit en contingent qui n'est pas plus d'une façon que de l'autre.
§ 7. il n'y a pas de science ni de syllogisme démonstratif pour les contingents indéterminés, parce que le moyen terme alors n'est pas certain; mais il y en a pour les contingents naturels, et presque toutes nos recherches et nos pensées n'ont rapport qu'aux contingents de ce dernier genre. Les autres contingents peuvent bien aussi donner le syllogisme, mais ce n'est pas là qu'on le cherche habituellement.
§ 8. Ceci, du reste, sera mieux expliqué encore dans la suite. Maintenant nous avons à dire dans quels cas, comment, et avec quels éléments se forme le syllogisme des propositions contingentes.
§ 9. D'abord, cette proposition : Il est possible que telle chose soit à telle autre, présente deux significations, exprimant à la fois ou bien que cette autre chose est, ou bien qu'elle peut être. Ainsi cette proposition : A peut être à ce à quoi est B, indique également ou la chose dont B est dit, ou la chose dont il peut être dit. Cette proposition, du reste, que A peut être à ce à quoi est B, revient absolument à celle-ci, que A convient à tout B. Donc évidemment, on trouve deux sens dans cette proposition : Il se peut que A soit à tout B. Voyons d'abord le cas où B peut être à la chose dont C est dit, et A à la chose dont est dit B; et cherchons la nature et la forme du syllogisme; car, de cette façon, les propositions sont toutes deux contingentes; mais, lorsque A peut être à la chose dont B est dit simplement, l'une des propositions est absolue et l'autre contingente. Il nous faut donc ici, comme ailleurs, commencer par les propositions de forme semblable.
§ 1. Lors donc que A peut être à tout B, et que B peut être à tout C, on aura ce syllogisme complet, que A peut être à tout C. Cela est clair, par la définition même du contingent; car c'est bien en ce sens que nous disions : Pouvoir être à tout.
§ 2. De même, si A peut n'être à aucun B, et que B puisse être à tout C, le syllogisme sera que A peut n'être à aucun C; car, dire que A pouvait ne pas être à la chose à laquelle pouvait être B, c'était n'omettre aucun des contingents sujets de B.
§ 3. Quand A peut être à tout B, et que B peut n'être à aucun C, il n'y a pas de syllogisme avec les propositions primitives; mais, si l'on convertit la proposition BC selon la règle du contingent, le syllogisme revient le même qu'auparavant. En effet, puisque B peut n'être à aucun C, il peut aussi être à tout C, et c'est ce qui a été dit plus haut. Ainsi, B pouvant être à tout C, et A pouvant être aussi à tout B, le syllogisme est pareil encore.
§ 4. Il en serait de même si la négation était jointe au contingent dans les deux propositions: je veux dire, par exemple, que A peut n'être à aucun B, et B à aucun C. Par les propositions primitives, il est vrai, on n'obtient pas de syllogisme; mais, en les convertissant, on retrouve encore le même syllogisme qu'auparavant.
§ 5. Il est donc évident qu'en supposant la négation jointe, soit à l'extrême mineur, soit aux deux propositions, ou bien il n'y a pas de syllogisme, ou du moins il n'est pas complet, puisque la conclusion nécessaire ne s'obtient que par conversion.
§ 6. Si l'une des propositions est universelle et l'autre particulière, l'universelle étant supposée à l'extrême majeur, le syllogisme sera complet.
§ 7. Car, si A peut être à tout B, et B à quelque C, A peut aussi être à quelque C. Cela est évident, par la définition même qu'on a donnée de : Pouvoir être à tout.
§ 8. De même, si A peut n'être à aucun B, et que B puisse être à quelque C, il est nécessaire que A puisse ne pas être à quelque C. La démonstration est ici la même.
§ 9. Si, au contraire, la proposition particulière est privative, et l'universelle affirmative, toutes deux conservant toujours la même position; par exemple, si A peut être à tout B, et que B puisse ne pas être à quelque C, avec les propositions ainsi disposées, le syllogisme n'est pas évident; mais, en convertissant la proposition particulière, et en supposant que B puisse être à quelque C, la conclusion sera la même qu'auparavant, comme on l'a dit au début.
§ 10. Si la proposition de l'extrême majeur est particulière, et celle du mineur, universelle, soit qu'on les suppose toutes deux affirmatives, ou toutes deux privatives, ou de forme diverse, ou bien toutes deux indéterminées, ou toutes deux particulières, il n'y aura pas de syllogisme; car rien n'empêche que B ne dépasse A, et ne soit pas attribué au même nombre de sujets. Soit, par exemple, C, dont B dépasse A; alors A peut n'être contingent ni à tout C, ni l'être à aucun C, ni l'être à quelque C, ni ne l'être pas à quelque C, puisque les propositions du contingent se convertissent les unes dans les autres, et que B peut être à plus de choses que A. On peut se convaincre de ceci en prenant des termes précis. En effet, lorsque les propositions sont ainsi disposées, le premier terme à la fois n'est contingent à aucun dernier, et il est nécessairement tout. Les termes communs de tous ces cas sont, pour la conclusion affirmative du nécessaire : animal, blanc, homme; et pour la conclusion négative du contingent: animal, blanc, vêtement. On voit donc que, quand les termes sont dans cette position, il n'y a pas de syllogisme; car tout syllogisme conclut, ou que la chose est simplement, ou qu'elle est nécessairement, ou qu'elle peut être. Mais ici le syllogisme ne conclut ni l'existence simple, ni l'existence nécessaire, parce que le terme négatif empêche la conclusion affirmative, et que l'affirmatif empêche la négative. Reste donc seulement la possibilité d'existence; mais cela même ne peut être; car il a été démontré que, quand les termes sont ainsi disposés, le premier est nécessairement à tout le dernier, et n'est contingent à aucun. Il n'y a donc pas de syllogisme du contingent; car le nécessaire n'a jamais été le contingent.
§ 11. Il est donc évident que les termes étant universels avec les propositions contingentes, le syllogisme se forme toujours dans la première figure, que les termes soient d'ailleurs attributifs ou privatifs; seulement, s'ils sont attributifs, le syllogisme est complet; s'ils sont privatifs, il est incomplet.
§ 12. Il ne faut pas, du reste, prendre possible dans le sens où sont possibles les choses nécessaires; il faut l'entendre selon la définition qui en a été donnée, et c'est ce qu'on oublie quelquefois.
§ 1. Lorsque l'une des propositions est absolue et l'autre contingente, si celle de l'extrême majeur exprime la contingence, tous les syllogismes seront complets; et ils seront du contingent dans le sens de la définition donnée. Si c'est la proposition de l'extrême mineur qui est contingente, tous les syllogismes seront incomplets; et les privatifs seront non pas du contingent, selon la définition, mais du nécessaire, soit à aucun, soit non à tout. En effet, si une chose n'est nécessairement à aucune autre, ou n'est pas nécessairement à toute une autre, nous disons qu'il se peut qu'elle ne soit aucunement au qu'elle ne soit pas à toute cette chose.
§ 2. Que A, par exemple, puisse être à tout B, et que B soit simplement à tout C. C étant sujet de B, et A pouvant être à tout B, il est évident que A peut être aussi à tout C, et le syllogisme ici est complet.
§ 3. De même, si la proposition A B est privative, et B C affirmative, et que la première soit contingente et l'autre absolue, on aura ce syllogisme complet : A peut n'être à aucun C.
§ 4. Il est donc clair que, si l'absolu est à l'extrême mineur, les syllogismes seront complets.
§ 5. Quand il en est autrement, ce n'est que par la réduction à l'absurde qu'on peut démontrer la réalité de ces syllogismes; et il sera évident; par cela même, qu'ils sont incomplets, puisque la démonstration n'a pas lieu par les seules propositions qu'on a primitivement admises.
§ 6. Il faut dire d'abord que, si A étant, il y a nécessité que B soit; A étant possible, nécessairement aussi B sera possible. Soit, par exemple, ce cas : A possible et B impossible; si le possible, parce qu'il est possible, a eu lieu, l'impossible, parce qu'il est impossible, n'aura pas lieu. Si donc A est possible en même temps que B est impossible, A pourra arriver sans B; et, s'il peut arriver, il pourra aussi être; par ce qui est arrivé, quand il est arrivé, existe.
§ 7. Il faut entendre ici par possible et impossible, non seulement ce qui peut arriver, mais encore ce qui est dit avec vérité, ce qui est réellement; et tous les divers autres sens de possible; car la règle est la même pour tous.
§ 8. De plus, quand nous disons que A étant, B est aussi, il ne faut pas supposer que, par cela que tel objet A existe, B existera aussi, attendu qu'il est impossible de tirer rien de nécessaire de l'existence d'un seul objet, et qu'il en faut au moins deux; par exemple, quand les propositions sont telles qu'il a été dit pour le syllogisme. On a vu, en effet, que, si C est à D et D à F, C sera aussi de toute nécessité à F. En supposant que l'une et l'autre proposition sont possibles, la conclusion sera possible aussi. Si donc l'on suppose les propositions représentées par A, et la conclusion par B, il arrivera non seulement que A étant nécessaire, B le sera aussi; mais, de plus, A étant possible, l'autre le sera également.
§ 9. Ceci prouvé, il en résulte clairement que, prenant une hypothèse fausse, mais non impossible, la conclusion obtenue d'après l'hypothèse sera fausse, et non impossible ; par exemple, que A soit faux, mais non pas cependant impossible, et que A étant, B soit aussi, B sera faux, mais non pourtant impossible; car il a été démontré que, si B est parce que A existe, A étant possible, B sera possible aussi; or, on suppose que A est possible, B le sera donc également; car, s'il était impossible, il s'ensuivrait que la même chose serait à la fois possible et impossible.
§ 10. Après ces explications, supposons que A soit à tout B, et que B puisse être à tout C; donc, nécessairement, A peut être à tout C. Supposons, en effet, qu'il ne le puisse pas, et que B soit à tout C; cela sera faux, mais non pas pourtant impossible. Si donc A ne peut pas être à C, et que B soit à tout C, A ne peut pas être à tout B; et c'est alors le syllogisme de la troisième figure. Mais l'on supposait qu'il pouvait être à tout B; il est donc nécessaire que A puisse être à tout C; car, avec une hypothèse fausse, mais non pas impossible, la conclusion serait impossible. On peut encore réduire à l'absurde par la première figure, en supposant que B est à C; car, si B est à tout C, et que A puisse être à tout B, A pourra être aussi à tout C; mais la supposition était qu'il ne pouvait pas être à tout.
§ 11. Il faut prendre ces mots: être à tout, sans tenir compte du temps, le présent, par exemple, et sans les rapporter à tel moment précis; il faut les entendre d'une manière absolue; car nous faisons des syllogismes avec des propositions de ce genre, tandis que, si l'on rapporte la proposition au moment présent, on ne pourra faire de syllogisme. Ainsi, rien n'empêcherait que homme ne s'appliquât dans un moment donné à tout ce qui est mobile : par exemple, si aucun autre être que l'homme ne se remuait; mais mobile peut convenir aussi à tout cheval, tandis que homme ne peut convenir à aucun cheval. Supposons que le premier terme soit animal, le moyen, mobile, et le dernier, homme; les propositions seront disposées semblablement, mais la conclusion sera du nécessaire, et non pas du possible; car nécessairement l'homme est animal. On voit, d'après cela, qu'il faut prendre l'universel d'une manière absolue et sans aucune limitation de temps.
§ 12. Supposons encore A B proposition universelle privative, et que, A n'étant à aucun B, B puisse être à tout C; dans cette supposition, il y a nécessité que A puisse n'être à aucun C. Supposons, en effet, que cela ne se puisse pas, et que B soit à C comme auparavant; il est alors nécessaire que A soit à quelque B, et le syllogisme a lieu par la troisième figure; mais la conclusion est impossible; donc A peut n'être à aucun C, puisque, d'une supposition fausse, mais non impossible, on tirerait une conclusion impossible.
§ 13. Le syllogisme, dans ce cas, ne conclut donc pas le possible, suivant la définition, mais il conclut que le terme n'est nécessairement à aucun. En effet, c'est là la contradiction de l'hypothèse admise, puisqu'on avait supposé que A était nécessairement à quelque C; mais le syllogisme réduit à l'absurde donne la contradiction opposée.
§ 14. Il est évident encore, en prenant des termes précis, que la conclusion ne sera pas contingente. Que A, par exemple, soit corbeau, que B soit pensant, et que C soit homme. A n'est alors à aucun B, car aucun être pensant n'est corbeau; mais B peut être à tout C, car penser peut appartenir à tout homme; mais A nécessairement n'est à aucun C; donc la conclusion n'est pas contingente.
§ 15. Mais elle n'est pas non plus toujours nécessaire. En effet, que A soit mobile, B la science, et C l'homme; A ne sera à aucun B, mais B peut être à tout C, et la conclusion ne sera pas du nécessaire, puisqu'il n'est pas nécessaire qu'aucun homme ne se meuve, et qu'il n'est pas nécessaire non plus que quelque homme soit en mouvement. Il est donc clair que la conclusion exprime que la chose n'est pas nécessairement. On pourrait, du reste, choisir les termes encore mieux.
§ 16. Mais, si l'on suppose le privatif à l'extrême mineur exprimant la contingence, il n'y aura pas de syllogisme avec les seules propositions données, mais il y en aura par la conversion de la proposition contingente, comme on l'a fait dans les cas précédents. Ainsi, supposons que A soit à tout B, mais que B puisse n'être à aucun C; avec les termes ainsi disposés, il n'y aura pas de conclusion nécessaire; mais, en convertissant B C et en supposant que B puisse être à tout C, il y aura syllogisme comme plus haut; car les termes ont une position toute semblable.
§ 17. Il en serait encore de même si les deux intervalles étaient privatifs, et que A B, par exemple, exprimât : n'être pas, et que B C exprimât : pouvoir n'être à aucun. Avec les propositions données, il n'y a pas de conclusion nécessaire; mais il y aura syllogisme si l'on convertit la proposition contingente. En effet, que A ne soit à aucun B, et que B puisse n'être à aucun C, de ces données on ne peut tirer de conclusion nécessaire. Mais, si l'on suppose que B puisse être à tout C, ce qui est vrai, et que la proposition A B reste sans changer, on obtiendra encore le même syllogisme.
§ 18. Si l'on a supposé que B n'est pas à C, et non point qu'il puisse ne pas être à C, il n'y aura pas de syllogisme, que du reste la proposition A B soit, ou privative, ou affirmative. Les termes communs de l'affirmation du nécessaire sont : blanc, animal, neige; et de la négation du possible: blanc, animal, poix.
§ 19. Il est donc évident qu'avec des termes universels, l'une des propositions étant absolue et l'autre contingente, si c'est la proposition de l'extrême mineur qui est contingente, il y a toujours syllogisme, tantôt avec les propositions mêmes, et tantôt par la conversion. Du reste, nous venons de dire plus haut quand se produit chacun de ces cas, et à quelles conditions il se produit.
§ 20. L'un des deux intervalles étant universel et l'autre particulier, lorsque l'universel de l'extrême majeur est supposé contingent, soit négatif, soit affirmatif, et que le particulier est affirmatif et absolu, le syllogisme est complet comme lorsque les termes sont universels; et la démonstration est la même que précédemment.
§ 21. Lorsque c'est le membre de l'extrême majeur qui est universel, mais absolu et non contingent, et que l'autre est particulier et contingent, les deux propositions étant d'ailleurs, soit négatives, soit affirmatives, ou l'une négative et l'autre affirmative, il y a nécessairement syllogismes incomplets; seulement les uns ne seront démontrés que par réduction à l'absurde, et les autres le seront par la conversion de la proposition contingente, comme on l'a fait précédemment. Il y aura syllogisme par conversion quand la proposition universelle, jointe à l'extrême majeur, exprime : être ou n'être pas, et que la particulière contingente est privative contingente : par exemple, si A est ou n'est pas à tout B, et que B puisse ne pas être à quelque C; car, si l'on convertit B C en tenant compte de la contingence, le syllogisme a lieu.
§ 22. Mais, lorsque la proposition particulière est absolue privative, il n'y a pas de syllogisme. Termes de l'affirmation : blanc, animal, neige; et de la négation : blanc, animal, poix. Et il faut alors établir la démonstration par l'indéterminé.
§ 23. Mais, si l'universel est joint à l'extrême mineur, et le particulier, au majeur, quel que soit celui des deux qui soit privatif ou affirmatif, contingent ou absolu, il n'y aura pas de syllogisme. Il n'y en aura pas davantage, si les propositions sont particulières ou indéterminées, soit qu'on les suppose contingentes ou absolues, ou l'une d'une façon et l'autre d'une autre. La démonstration serait la même que pour les cas précédents. Les termes communs d'être nécessaire sont : animal, blanc, homme; de n'être pas possible: animal, blanc, vêtement.
§ 24. Il est donc évident que, l'universel étant joint à l'extrême majeur, il y a toujours syllogisme, et qu'il n'y en a pas toutes les fois qu'il est joint au mineur.
§ 1. Lorsque l'une des propositions affirme ou nie le nécessaire, et que l'autre exprime le contingent, le syllogisme aura lieu, si les termes sont de la même façon; et il sera complet si le nécessaire est joint à l'extrême mineure. Les termes étant affirmatifs, la conclusion sera du contingent et non de l'absolu, qu'ils soient d'ailleurs universels ou qu'ils ne le soient pas. Si l'un est affirmatif et l'autre négatif, l'affirmatif étant du nécessaire, la conclusion sera contingente et non pas de l'absolu négatif. Si c'est le privatif qui est du nécessaire, la conclusion sera du contingent négatif et de l'absolu négatif; les termes d'ailleurs peuvent être ou ne pas être universels. Contingent doit avoir ici, dans la conclusion, le même sens que pour les cas précédents. Mais il n'y aura pas syllogisme concluant que nécessairement la chose n'est pas; car c'est tout autre chose qu'être non nécessairement, et que nécessairement ne pas être.
§ 2. Il est donc clair qu'il n'y a pas de conclusion du nécessaire lorsque les termes sont affirmatifs. Soit, en effet, A nécessairement à tout B, et que B puisse être à tout C, il y aura syllogisme incomplet, concluant que A peut être à tout C; et la démonstration prouve qu'il est incomplet; car, pour le démontrer, il faudra prendre le même moyen que précédemment.
§ 3. Soit encore A peut être à tout B, B est nécessairement à tout C. Il y aura certainement syllogisme concluant, que A peut être à tout C, mais non pas qu'il y soit réellement; et ce syllogisme sera complet et non pas incomplet, car il conclut directement par les propositions initiales.
§ 4. Mais, si les propositions ne sont pas de forme semblable, et que d'abord la privative soit nécessaire, et que nécessairement A puisse n'être à aucun B, mais que B puisse être à tout C, il sera nécessaire que A ne soit à aucun C. Qu'on admette, en effet, qu'il soit à tout C ou à quelque C; mais l'on avait supposé d'abord qu'il pouvait n'être à aucun B. Puis donc que le privatif se convertit, B peut aussi n'être à aucun A; mais l'on suppose que A est à tout C, ou à quelque C; donc B ne saurait être à aucun C ou à tout C; or, on supposait d'abord qu'il était à tout C. Il est donc évident qu'il y a aussi syllogisme de: pouvoir ne pas être, quand il y en a de : ne pas être.
§ 5. Supposons, d'autre part, que la proposition affirmative soit nécessaire, que A puisse n'être à aucun B, et que B soit nécessairement à tout C, le syllogisme sera bien ici complet, non point de : ne pas être, mais de: pouvoir ne pas être; car la proposition de l'extrême majeur a reçu cette forme. L'on ne peut, du reste, réduire à l'absurde. Si l'on suppose, en effet, que A soit à quelque C, et qu'il puisse n'être à aucun B, il ne résultera de là aucune impossibilité.
§ 6. Si le privatif, joint à l'extrême mineur, exprime la contingence, il y aura syllogisme par la conversion, comme précédemment.
§ 7. Il n'y en aura pas s'il exprime la non-contingence. Le syllogisme n'aura pas lieu non plus quand les deux propositions sont privatives, si ce n'est dans le cas où le contingent est joint à l'extrême mineur. Les termes, du reste, sont pareils ; pour l'affirmation : blanc, animal, neige; et pour la négation: blanc, animal, poix.
§ 8. Il en sera de même des syllogismes particuliers; lorsque le privatif est nécessaire, la conclusion sera négative absolue. Si, par exemple, A peut n'être à aucun B, et que B puisse être à quelque C, il est nécessaire que A ne soit pas à quelque C; car, s'il est à tout, et qu'il puisse n'être à aucun B, B aussi peut n'être à aucun A; donc, si A est à tout C, B peut n'être à aucun C; mais la supposition était qu'il pouvait être à quelque C.
§ 9. Lorsque le particulier affirmatif est nécessaire dans le syllogisme privatif, par exemple, B C, ou quand c'est l'universel dans le syllogisme affirmatif, comme A B, il n'y aura pas de conclusion absolue. La démonstration serait ici la même que plus haut.
§ 10. Si l'on suppose l'universel joint à l'extrême mineur, soit affirmatif, soit privatif et contingent, et si, de plus, le particulier nécessaire est joint à l'extrême majeur, il n'y aura pas de syllogisme. Termes du nécessaire affirmatif : animal, blanc, homme; du non contingent : animal, blanc, vêtement.
§ 11. Lorsque l'universel est nécessaire et le particulier contingent, l'universel étant privatif, les termes de l'affirmation sont : animal, blanc, corbeau; et de la négation : animal, blanc, poix.
§ 12. Si l'universel est affirmatif, les termes de l'affirmation seront : animal, blanc, cygne; et du non contingent: animal, blanc, neige.
§ 13. Si les propositions sont indéterminées, ou toutes deux particulières, il n'y aura pas non plus de syllogisme. Termes communs de l'affirmation: animal, blanc, homme; de la négation : animal, blanc, inanimé. En effet, animal est à quelque être blanc; et blanc est à quelque être inanimé, nécessairement, et non d'une manière contingente. Il en est de même pour le contingent, et les termes peuvent servir pour tous les cas divers.
§ 14. Il est évident, d'après ce qui précède, que, les termes étant disposés pareillement dans les propositions absolues et dans les propositions nécessaires, le syllogisme a lieu, et n'a pas lieu de la même manière. Seulement, si la proposition privative est contingente absolue, la conclusion est contingente; si la privative est nécessaire, la conclusion est à la fois contingente et absolue négative.
§ 15. Il est évident aussi que tous les syllogismes sont incomplets, et qu'ils se complètent par les figures indiquées plus haut.
Règle générale : Tous les modes de ce genre
sont inutiles.
§ 1. Dans la seconde figure, lorsque les propositions sont toutes deux contingentes, il n'y a pas de syllogisme, qu'on les fasse, soit affirmatives, soit privatives, universelles ou particulières. L'une des propositions étant absolue et l'autre contingente, si c'est l'affirmative qui est absolue, il n'y aura pas de syllogisme : mais si c'est l'universelle privative, il y en aura toujours. Il en sera aussi de même lorsque l'une des propositions est nécessaire et l'autre contingente; mais il faut comprendre encore ici le contingent placé dans les conclusions, avec le sens que nous lui avons donné précédemment.
§ 2. D'abord, il faut démontrer ici que le privatif contingent ne peut se convertir; si, par exemple, A peut n'être à aucun B, il ne faut pas nécessairement aussi que B puisse n'être à aucun A. Supposons-le, en effet, et que B puisse n'être à aucun A. Comme les affirmations contingentes se convertissent en négations, les contraires aussi bien que les opposées, et que B peut n'être à aucun A, il est évident qu'il pourrait se faire aussi que B fût à tout A. Mais ceci est faux. En effet, parce que telle chose peut être à telle autre chose, il n'en résulte pas que nécessairement celle-ci soit à celle-là; par conséquent le privatif ne se convertit pas.
§ 3. D'autre part, rien n'empêche que A puisse n'être à aucun B, tandis que B nécessairement n'est pas à quelque A. Par exemple, la blancheur peut ne pas convenir à tous les hommes, parce qu'il est possible aussi qu'elle leur convienne; mais il n'est pas exact de dire qu'il se peut que homme ne convienne à aucun être blanc; parce que, de fait, il est beaucoup d'êtres blancs auxquels, nécessairement, il n'appartient pas; or, le nécessaire n'a pas été confondu par nous avec le contingent.
§ 4. On ne pourrait même pas démontrer par l'absurde que la conversion a lieu; par exemple, si parce qu'il est faux que B puisse n'être à aucun A, on prétendait qu'il est vrai qu'il ne peut pas n'être à aucun; car ce sont là l'affirmation et la négation. Mais si cela est, il est vrai alors que B est nécessairement à quelque A, et, par suite, A l'est aussi à quelque B: mais ceci est impossible; car, de ce que B ne peut pas n'être à aucun A, il ne s'ensuit pas que, nécessairement, il soit à quelque A. C'est que : Ne pouvoir pas n'être à aucun, a deux significations, dont l'une exprime que la chose nécessairement est à quelqu'un, et la seconde, que nécessairement elle n'est pas à quelqu'un. En effet, parce que telle chose, nécessairement n'est pas à quelque A, il n'est pas vrai de dire qu'elle peut n'être pas à tout A, de même qu'il ne sera pas plus exact de dire que ce qui est à une chose nécessairement, peut aussi être à toute cette chose. Si donc l'on prétendait que C, ne pouvant être à tout D, nécessairement il n'est pas à quelque D, on se tromperait; car il est peut-être à tout D; mais comme il est nécessairement à quelque D, nous disons qu'il peut n'être pas à tout D. Ainsi donc à cette proposition : Pouvoir être à tout; il y en a deux opposées, qui sont : Être nécessairement à quelqu'un, et N'être pas nécessairement à quelqu'un ; même, opposition pour celle-ci: Pouvoir n'être à aucun. Donc, évidemment, en comprenant le contingent et le non-contingent dans le sens de notre définition antérieure, il faut admettre pour opposé, non pas seulement: Être nécessairement à quelqu'un, mais encore : N'être pas nécessairement à quelqu'un. Ce sens une fois admis, on ne rencontre plus d'impossibilité: et par suite, il n'y a plus de syllogisme.
§ 5. Il est donc évident, par ce qui précède, qu'ici le privatif ne peut se convertir.
§ 6. Ceci prouvé, supposons que A puisse n'être à aucun B, mais qu'il puisse être à tout C. Il n'y aura pas de syllogisme au moyen de la conversion, car on a dit qu'une proposition de ce genre ne peut avoir de conversion. Mais il n'y en aura pas non plus par réduction à l'absurde; car en supposant que B puisse être à tout C, il n'y aura là rien de faux, puisque A pourrait être à tout C, et n'être à aucun. Donc, en général, quand il y a syllogisme, il est clair que c'est un syllogisme du contingent, puisque aucune des propositions n'est absolue, syllogisme qui serait, du reste, soit affirmatif, soit privatif : mais il n'est possible d'aucune des deux façons; car si on le suppose affirmatif, on démontrera par des termes que la conclusion est négative contingente; et s'il est privatif, que la conclusion est non pas contingente, mais nécessaire. Soit A blanc, B homme, et C cheval. A, c'est-à-dire blanc, peut-être à l'un tout entier, et peut n'être pas du tout à l'autre; mais il n'est pas contingent non plus ni que B soit à c, ni qu'il n'y soit pas. D'abord, qu'il ne se puisse pas qu'il y soit, cela est de toute évidence, puisque aucun cheval n'est homme. Mais il n'est même pas contingent qu'il n'y soit pas, attendu qu'il est nécessaire qu'aucun cheval ne soit homme; or, nous n'avons jamais confondu le nécessaire avec le contingent; donc, il n'y a pas ici de syllogisme.
§ 7. La démonstration serait toute pareille si l'on prenait la négation dans un ordre inverse, ou si l'on faisait les deux propositions, soit affirmatives, soit privatives. La démonstration a lieu avec les mêmes termes.
§ 8. Que l'une des propositions soit universelle, l'autre particulière, ou toutes deux particulières ou indéterminées, ou de telle autre façon qu'on voudra les combiner, la démonstration pourra toujours se faire par les mêmes termes.
§ 9. Il est donc évident qu'avec deux propositions contingentes, il n'y aura pas ici de syllogisme possible.
L'une absolue et l'autre contingente, dans la
seconde figure. - Règle générale : Il y a conclusion contingente, quand l'une
des prémisses est absolue universelle négative.
§ 1. Quand l'une des propositions est absolue et l'autre contingente, si c'est l'affirmative qui est absolue et la privative qui est contingente, il n'y aura pas encore de syllogisme, les termes étant d'ailleurs universels ou particuliers; la démonstration serait la même et par les mêmes termes. Mais si c'est l'affirmative qui est contingente, et la privative qui est absolue, il y aura syllogisme.
§ 2. Supposons, en effet, que A ne soit à aucun B, mais qu'il puisse être à tout C. En convertissant la proposition privative, B ne sera à aucun A; mais l'on supposait que A pouvait être à tout C, il y aura donc syllogisme concluant que B ne peut être à aucun C, clans la première figure.
§ 3. De même encore, quand on mettrait le privatif à C.
§ 4. Si les propositions sont toutes deux privatives, et que l'une exprime: Ne pas être, et l'autre la possibilité de ne pas être, ces données seules ne fourniront pas de conclusion nécessaire; mais en convertissant la proposition contingente, il y a syllogisme concluant que B peut n'être à aucun C, comme dans les cas précédents : car ici encore on aura la première figure.
§ 5. Si les deux propositions sont affirmatives, il n'y aura pas de syllogisme. Termes pour l'affirmation : santé, animal, homme; et pour la négation: santé, cheval, homme.
§ 6. Il en sera de même pour les syllogismes particuliers. En effet, lorsque l'affirmatif est absolu, soit universel, soit particulier, il n'y a pas de syllogisme. Ceci se démontrerait de la même manière et par les mêmes termes que précédemment.
§ 7. Quand c'est le privatif qui est absolu, le syllogisme a lieu par la conversion, comme dans les cas antérieurs.
§ 8. Mais si les deux intervalles sont supposés privatifs, et que l'absolu privatif soit universel, il n'y aura pas de conclusion nécessaire avec les données toutes seules. Mais le contingent étant converti, comme dans les cas précédents, il y aura syllogisme.
§ 9. Si le privatif est absolu, et qu'il soit particulier, il n'y aura pas de syllogisme, que l'autre proposition soit du reste affirmative ou privative.
§ 10. Il n'y en aura pas non plus si elles sont toutes deux, ou indéterminées, soit affirmatives soit négatives, ou particulières. La démonstration est la même et par les mêmes termes.
§ 1. Quand l'une des propositions est nécessaire et l'autre contingente, si c'est la privative qui est nécessaire, il y aura syllogisme, concluant non pas seulement que la chose peut ne pas être, mais aussi qu'elle n'est pas; avec l'affirmative nécessaire, il n'y a pas de syllogisme.
§ 2. Supposons, en effet, que A nécessairement ne soit à aucun B, mais qu'il puisse être à tout C; en convertissant la proposition privative, B ne sera non plus à aucun A, mais A pouvait être à tout C. On a donc encore un syllogisme de la première figure, concluant que B peut n'être à aucun C. Il est clair en même temps que B n'est à aucun C ; car supposons qu'il y soit : si donc A peut n'être à aucun B, et que B soit à quelque C, A ne peut pas être à quelque C; mais la supposition était qu'il pouvait être à tout C.
§ 3. On démontrerait de la même façon, si le privatif s'appliquait à C.
§ 4. Que l'affirmatif maintenant soit nécessaire et l'autre membre privatif et contingent; que A puisse n'être à aucun B, et qu'il soit nécessairement à tout C, les termes étant ainsi disposés, il n'y aura pas de syllogisme; car la conséquence est que B nécessairement n'est pas à C. Que, par exemple, A soit blanc, B homme, et C cygne. Blanc est nécessairement à cygne, et il peut n'être à aucun homme; et homme nécessairement ne convient à aucun cygne. Il est donc clair qu'il n'y a pas de syllogisme du contingent; car le nécessaire n'était pas le contingent. Il n'y en a pas non plus du nécessaire; car le nécessaire résultait, ou de deux propositions nécessaires, ou d'une privative nécessaire. Il peut se faire encore, avec ces données, que B soit à C; car rien n'empêche que C soit sujet de B, et que A puisse être à tout B, et soit nécessairement à C. Si, par exemple, C est éveillé, B animal, et A mouvement; car nécessairement tout animal éveillé a le mouvement, et cela peut convenir à tout animal; tout être éveillé est un animal. B est donc clair qu'il n'y a pas non plus de conclusion négative absolue, puisqu'il y a nécessité de l'affirmation absolue avec les termes disposés ainsi. Il n'y a pas non plus de syllogisme des propositions opposées à celles-là; donc il n'y a ici aucun syllogisme possible.
§ 5. On ferait la démonstration de la même manière, si l'on supposait l'affirmative placée à l'inverse.
§ 6. Mais les propositions étant de même forme, si elles sont toutes deux privatives, il y a toujours syllogisme, en convertissant la proposition contingente comme dans les cas précédents.
§ 7. Car, supposons que A nécessairement ne soit pas à B, et qu'il puisse ne pas être à C; en convertissant les propositions, B n'est à aucun A, et A peut être à tout C. Voilà donc encore la première figure.
§ 8. De même, si l'on joint le privatif à C.
§ 9. Mais si les propositions sont affirmatives, il n'y aura pas de syllogisme. D'abord, évidemment, on n'aura pour conclusion ni : Ne pas être, ni: Nécessairement ne pas être, parce qu'il n'y a point ici de proposition privative, ni absolue, ni nécessaire. On n'en aura pas non plus davantage de: Pouvoir ne pas être; car, avec cette disposition des termes, B nécessairement ne sera pas à C: par exemple, que A soit blanc, B cygne, et C homme. Il n'y aura pas davantage de syllogisme des énonciations opposées, puisqu'il a été démontré que nécessairement B n'est pas à C ; donc il n'y aura pas du tout de syllogisme.
§ 10. Même règle pour les syllogismes particuliers. En effet, quand le privatif est universel et nécessaire, il y aura toujours syllogisme du contingent et de l'absolu négatif; on le démontrerait par la conversion.
§ 11. Quand c'est l'affirmative qui est nécessaire, il n'y aura jamais de syllogisme. Ceci se démontrerait de la même façon que pour les modes universels, et par les mêmes termes.
§ 12. Il n'y a pas non plus de syllogisme, si les propositions sont toutes deux affirmatives; et ici la démonstration se ferait encore comme ci-dessus.
§ 13. Si toutes deux sont privatives, et que l'absolue privative soit universelle et nécessaire, les données initiales ne suffiront pas à fournir une conclusion nécessaire; mais il y aura syllogisme comme dans les cas précédents, par la conversion de la proposition contingente.
§ 14. Si toutes deux sont indéterminées ou particulières, il n'y aura pas de syllogisme; la démonstration est ici la même, et se fait par les mêmes termes.
§ 15. On voit donc, d'après ceci, que, la privative étant universelle et nécessaire, il y a toujours syllogisme, concluant non seulement: Pouvoir ne pas être, mais aussi: N'être pas. Au contraire, avec l'affirmative, il n'y en a jamais.
§ 16. Il est évident encore que, les termes étant disposés de même dans les propositions nécessaires et dans les absolues, il peut y avoir et ne pas y avoir de syllogisme.
§ 17. Il est clair enfin que tous ces syllogismes sont incomplets, et qu'on les complète par les figure indiquées.
§ 1. Dans la dernière figure, il y aura syllogisme, les deux propositions étant contingentes ou avec l'une des deux seulement. Si donc les deux propositions expriment le contingent, la conclusion aussi sera contingente; de même encore quand l'une sera contingente et l'autre absolue. Mais, si l'une des deux est nécessaire, et que, de plus, elle soit affirmative, il n'y aura point de conclusion possible, ni nécessaire, ni absolue; si elle est privative, la conclusion sera négative absolue, comme précédemment. Mais, ici encore, il faut comprendre dans le même sens le contingent des conclusions.
§ 2. Soient d'abord les deux propositions contingentes, que A et B puissent être à tout C. Comme l'affirmative se convertit en particulière, et que B peut être à tout C, et aussi peut être à quelque B; si donc A peut être à tout C, et C à quelque B, A nécessairement peut être aussi à quelque B. C'est là la première figure.
§ 3. Si A peut n'être à aucun C, et que B puisse être à tout C, il y a nécessité que A puisse ne pas être à quelque B. C'est encore la première figure au moyen de la conversion.
§ 4. Si les deux propositions sont privatives, il ne résultera pas de conclusion nécessaire avec les données initiales; mais il y aura syllogisme comme précédemment par la conversion des propositions. En effet, si A et B peuvent ne pas être à C, en convertissant: Pouvoir ne pas être, on aura de nouveau la première figure par cette conversion.
§ 5. Si l'un des termes est universel et l'autre particulier, les termes étant disposés de la même façon que pour l'absolu, il y aura et il n'y aura pas de syllogisme.
§ 6. Ainsi, que A puisse être à tout C, et B à quelque C, on retrouvera la première figure, en convertissant la proposition particulière; car, si A peut être à tout C, et C à quelque B, A peut être aussi à quelque B.
§ 7. Il en est de même si l'on met l'universel à B C.
§ 8. De même encore si A C est privatif et B C affirmatif. En effet, par la conversion, on retrouvera toujours la première figure.
§ 9. Si les propositions sont toutes deux privatives, l'une universelle, l'autre particulière, avec ces données il n'y aura pas, il est vrai, de syllogisme; mais il y en aura comme précédemment, si on les convertit.
§ 10. Si toutes deux sont indéterminées ou particulières, il n'y aura pas de syllogisme, parce qu'il faut nécessairement alors que A soit à tout B, et qu'il ne soit à aucun B. Termes de l'affirmation : animal, homme, blanc; de la négation : cheval, homme, blanc; blanc étant le moyen.
§ 1. Si l'une des propositions est absolue et l'autre contingente, la conclusion sera contingente et non absolue; et le syllogisme aura lieu, si les termes sont disposés comme dans les exemples antérieurs.
§ 2. Supposons-les d'abord affirmatifs; que A soit à tout C, et que B puisse être à tout C; en convertissant B C, on aura la première figure; et la conclusion sera que A peut être à quelque B; car, lorsque dans la première figure, l'une des propositions exprime la contingence, on a vu que la conclusion l'exprime aussi.
§ 3. De même, si B C est absolue, et A C contingente; et encore A C étant privative, et B C affirmative, quelle que soit d'ailleurs la proposition qui soit absolue, la conclusion, de l'une ou l'autre façon, sera toujours contingente. En effet, on revient encore ici à la première figure; et il a été démontré que, dans cette figure, il suffit qu'une proposition exprime le contingent pour que la conclusion soit aussi contingente.
§ 4. Si le contingent privatif est joint à l'extrême mineur, ou que les deux membres soient privatifs, il n'y aura pas de syllogisme avec les données initiales; mais il y en aura en les convertissant comme dans les cas précédents.
§ 5. Si l'une des propositions est universelle et l'autre particulière, toutes les deux étant affirmatives, ou bien si l'universelle est privative et la particulière affirmative, les syllogismes se formeront de la même manière; car tous concluront par la première figure. Donc évidement le syllogisme conclura le contingent et non l'absolu.
§ 6. Si l'affirmative est universelle et la privative particulière, la démonstration se fera par réduction à l'absurde. Que B, par exemple, soit à tout C, et que A puisse ne pas être à quelque C : par suite, il est nécessaire que A puisse ne pas être à quelque B; car si A est nécessairement à tout B, et que B soit supposé être à tout C, A sera nécessairement aussi à tout C; c'est ce qu'on a précédemment démontré; mais la supposition était que A pouvait ne pas être à quelque C.
§ 7. Si les propositions sont toutes deux indéterminées ou particulières, il n'y aura pas de syllogisme. La démonstration est la même que dans les modes universels, et par les mêmes termes.
§ 1. Si l'une des propositions est nécessaire et l'autre contingente, les termes étant affirmatifs, il y aura toujours syllogisme du contingent. Mais lorsque l'un est affirmatif et l'autre privatif, si c'est l'affirmatif qui est nécessaire, il y aura syllogisme de : Pouvoir ne pas être; si c'est le privatif, il y aura syllogisme, à la fois de : Pouvoir ne pas être, et de : Ne pas être. Mais il n'y aura pas de syllogisme de : Nécessairement ne pas être, non plus que dans les autres figures.
§ 2. Supposons d'abord les termes affirmatifs. Qu'ainsi, A soit nécessairement à tout C, et que B puisse être à tout C; puisque A est nécessairement à tout C, et que C peut être à quelque B, A pourra être aussi à quelque B; et il ne sera pas absolu, car c'est là ce qu'on obtenait par la première figure.
§ 3. La démonstration serait la même, si l'on prenait B C nécessaire, et AC contingente.
§ 4. D'autre part, supposons l'un affirmatif et l'autre privatif, et que l'affirmatif soit nécessaire. Qu'ainsi A puisse n'être à aucun C, mais que B soit nécessairement à tout C; c'est encore ici la première figure; et la conclusion sera contingente et non absolue, parce que la proposition privative est contingente. Par conséquent, l'on voit que la conclusion sera contingente aussi : car lorsque dans la première figure les propositions étaient ainsi disposées, la conclusion était contingente.
§ 5. Si c'est la proposition privative qui est nécessaire, la conclusion sera et: Pouvoir ne pas être à quelqu'un, et : N'être pas. Supposons, par exemple, que A nécessairement ne soit pas à C, et que B puisse être à tout C; si l'on convertit l'affirmatif B C, on a la première figure, et la proposition privative devient nécessaire; or, quand les propositions étaient ainsi disposées, on avait dans la conclusion que A pouvait ne pas être, et aussi qu'il n'était pas à quelque C; donc, il y a nécessité aussi que A ne soit pas à quelque B.
§ 6. Si le privatif est joint à l'extrême mineur, pourvu qu'il soit contingent, il y aura syllogisme en convertissant la proposition comme auparavant.
§ 7. Si le privatif est nécessaire, il n'y en aura pas; car il est alors nécessaire qu'il soit à tout; et il peut n'être à aucun. Termes pour : Être à tout : sommeil, cheval dormant, homme; et de : N'être à aucun: sommeil, cheval éveillé, homme.
§ 8. Il en sera de même, si l'un des termes est universel et l'autre particulier, par rapport au moyen; car si tous les deux sont affirmatifs, il y aura syllogisme de : Pouvoir être, et non pas de : Être. Et de même aussi, quand l'un des deux est privatif et l'autre affirmatif, et que l'affirmatif est nécessaire. Mais si c'est le privatif qui est nécessaire, la conclusion sera de : Ne pas être. Le mode de démonstration serait le même, les termes étant ou n'étant pas universels; car il faut toujours compléter ces syllogismes par la première figure, de sorte que, dans ceux-là, le résultat est le même que dans les autres.
§ 9. Si le négatif pris universellement se trouve joint à l'extrême mineur, il y aura syllogisme par la conversion quand le négatif est contingent.
§ 10. S'il est nécessaire, il n'y en aura pas; on démontrerait ceci de la même manière, et par les mêmes termes, que pour les cas universels.
§ 11. On voit donc quand et comment, dans cette figure, il y aura syllogisme, tantôt du contingent, tantôt de l'absolu.
§ 12. Il est évident aussi que tous ces syllogismes sont incomplets, et que tous sont complétés par la première figure.
§ 1. Que les syllogismes conclus dans ces figures soient complétés par les syllogismes universels de la première et qu'ils y soient tous ramenés, c'est ce qui est évident d'après ce qui a été dit : maintenant nous allons prouver qu'il en est absolument de même de tout syllogisme quelconque, en démontrant que tout syllogisme se forme dans l'une de ces figures.
§ 2. D'abord, il faut nécessairement que toute démonstration et tout syllogisme, démontrent que l'objet existe ou qu'il n'existe pas; que cet objet est, soit universel, soit particulier; et qu'ils le démontrent, soit ostensivement, soit par hypothèse; car la démonstration par l'absurde n'est qu'une partie de fa démonstration hypothétique.
§ 3. Occupons-nous d'abord des syllogismes ostensifs; car ce point une fois prouvé pour ces syllogismes, on le comprendra clairement pour ceux qui concluent par l'absurde, et, en général, pour tous les syllogismes hypothétiques.
§ 4. Lors donc qu'on doit conclure A de B c'est-à-dire que A est ou n'est pas à B il faut nécessairement supposer une chose d'une autre.
§ 5. Si l'on attribue A à B, on revient précisément au point de départ.
§ 6. Mais si l'on veut conclure A de C, et que C ne soit attribué à aucun autre terme, ni qu'aucun autre terme ne lui soit attribué, non plus qu'aucun autre à A, il n'y aura pas de syllogisme, attendu qu'il ne résulte rien de nécessaire de ce qu'on suppose une seule chose à une seule autre. Donc, il faut ajouter encore une autre proposition.
§ 7. Si l'on attribue encore A à un autre objet, ou un autre objet à A, ou un autre objet à C, rien n'empêche, il est vrai, qu'il y ait alors syllogisme; mais avec ces données seules, il n'y en aura pas encore relativement à B. Quand C est attribué à un autre objet, et cet autre à tel autre, et celui-ci à un autre encore, sans qu'aucun se rapporte à B, il n'y aura pas davantage de syllogisme de A à B. C'est que, avons-nous dit, il n'y a point absolument de syllogisme d'un terme à un autre, à moins qu'on ne prenne quelque terme moyen qui, par attribution, puisse se rapporter aux deux premiers d'une façon quelconque. Le syllogisme, en effet, d'une manière générale, se compose de propositions; et le syllogisme relatif à telle chose se compose de propositions relatives à telle chose; et le syllogisme de telle chose, attribuée à telle autre chose, se compose de propositions de telle chose attribuée à telle autre chose. Il est donc impossible qu'il y ait une proposition relative à B, si l'on n'affirme ou si l'on ne nie rien de lui. De même, point de proposition de A à B, si l'on ne pose rien qui leur soit commun, et si l'on ne fait qu'affirmer ou nier de tous deux des choses qui leur sont spéciales. Il faut donc, entre les deux, un terme moyen qui enchaîne les attributions pour qu'il y ait syllogisme de telle chose relativement à telle autre.
§ 8. Si donc il est nécessaire de prendre quelque terme commun aux deux; si, de plus, cela ne se peut faire que de trois façons : en attribuant A à C et C à B, ou C aux deux, ou les deux à C; et ce sont là les trois figures que nous avons dites, il est évident que tout syllogisme doit se former par l'une de ces figures.
§ 9. Le raisonnement est tout à fait le même, si A est joint à B par plusieurs moyens; car, quelque nombreux qu'ils soient, la figure reste la même.
§ 10. Il est donc incontestable que les syllogismes ostensifs se forment par les figures antérieurement indiquées.
§ 11. On va prouver que les syllogismes qui concluent par l'absurde se complètent aussi par elles. En effet, tous les syllogismes qui démontrent par l'absurde concluent le faux par syllogisme; mais ils démontrent la donnée initiale par hypothèse, en prouvant qu'il y a une absurdité dans la supposition de la contradictoire. En voici un exemple : on prouve que le diamètre est incommensurable, parce que, si on le suppose commensurable, il s'ensuit que le pair est égal à l'impair. On conclut donc par syllogisme que l'impair devrait être égal au pair; et l'on ne démontre alors que par hypothèse que le diamètre est incommensurable, parce que la contradiction de ceci conduit à une erreur évidente. En effet, raisonner par l'absurde, c'est précisément montrer que quelque impossibilité résulte de l'hypothèse d'abord admise. Mais comme, dans les syllogismes conclus par l'absurde, on démontre l'erreur par un syllogisme ostensif, et que la donnée initiale elle-même se démontre hypothétiquement ; comme, en outre, nous avons dit que les syllogismes ostensifs se forment par nos trois figures, il est évident aussi que les syllogismes par l'absurde se forment par ces figures également.
§ 12. De même encore pour tous les autres syllogismes hypothétiques, puisque, dans tous, le syllogisme se forme relativement à la proposition ajoutée; et la donnée initiale est prouvée, soit par assentiment, soit par quelque autre hypothèse.
§ 13. Mais, si ceci est exact, il faut nécessairement que toute démonstration, tout syllogisme ait lieu par les trois figures dont on a parlé; et, ceci démontré, il est clair que tout syllogisme se complète par la première figure, et peut se ramener aux syllogismes universels de cette figure.
Rapports de la conclusion aux prémisses.
§ 1. Il faut, de plus, dans tout syllogisme, que l'un des termes soit affirmatif, et qu'il y ait de l'universel. Sans universel, en effet, ou il n'y aura pas de syllogisme, du moins il n'y en aura pas relativement à la question. Ou bien il y aura pétition de principe. Ainsi, qu'on ait à démontrer que la musique est un plaisir honnête, si l'on établit seulement que le plaisir est honnête, sans dire : Tout plaisir, il n'y aura pas de syllogisme. D'autre part, si l'on dit qu'un certain plaisir est honnête, et que ce soit un autre plaisir que celui de la musique, le raisonnement ne se rapporte plus à l'objet en question. Enfin, si l'on dit que c'est le plaisir même de la musique, on fait une pétition de principe. Ceci est encore plus évident par des figures géométriques. Par exemple, soit à démontrer que les côtés de l'isocèle appuyés à la base sont égaux; soient les lignes A, B, conduites au centre; si l'on fait l'angle A C égal à B D, sans avoir posé que les angles des demi-circonférences sont égaux; si, de plus, on prend l'angle C égal à D, sans avoir ajouté que tous les angles d'une section sont égaux; et si enfin on admet que E, F, sont des angles égaux, parce qu'ils sont de part et d'autre les restes d'angles égaux diminués de quantités égales, on fera une pétition de principe, à moins qu'on ne pose d'abord que les restes sont égaux quand on ôte une quantité égale à des quantités égales. Il est donc évident que, dans tout syllogisme, il faut de l'universel.
§ 2. On sait, en outre, que l'universel est conclu quand tous les termes sont universels; et le particulier, avec des termes de l'une et l'autre espèce. Si donc la conclusion est universelle, il faut aussi que les termes soient universels; mais, les termes étant universels, il peut se faire que la conclusion ne le soit pas.
§ 3. Il est clair encore que, dans tout syllogisme, il faut que les deux propositions, ou au moins l'une des deux, soit semblable à la conclusion. Je veux dire que, non seulement elle doit être pareille, en tant qu'affirmative ou privative, mais aussi en tant que nécessaire, ou absolue, ou contingente. Ici, du reste, il faudrait examiner encore les autres modes d'attribution.
§ 4. On voit donc, en général, quels sont les cas où il y aura, et il n'y aura pas de syllogisme : ceux où il est possible et ceux où il est complet; l'on voit enfin que, quand il y a syllogisme, il faut nécessairement que les termes aient l'une des dispositions que l'on a indiquées.
§ 1. Il est évident aussi que toute démonstration se fait par trois termes, et pas plus;
§ 2 ce qui n'empêche pas qu'une même conclusion ne puisse s'obtenir par des termes différents, et que E, par exemple, puisse être démontré par A B, et par C D, ou par A B, et A C, et B C; car il peut se faire qu'il y ait plusieurs moyens pour les mêmes conclusions; mais, dans ce cas, il y a, non plus un syllogisme unique, mais bien plusieurs syllogismes.
§ 3. De même encore, si chacune des deux propositions A, B, est démontrée par syllogisme: par exemple A par D E, et B par F H; ou encore que l'une soit démontrée par induction, l'autre par syllogisme. Mais, même de cette façon, il y a plusieurs syllogismes; car il y a aussi plusieurs conclusions, qui sont A, B et C.
§ 4. S'il n'y a qu'un seul syllogisme et non plusieurs, il se peut encore que la même conclusion s'obtienne par plus de trois termes.
§ 5. Mais, pour démontrer C par A B, il est impossible qu'il y ait plus de trois termes. Soit E, par exemple, conclu de A B C D. Il y a donc nécessité que l'un de ces termes soit mis en rapport avec l'autre, l'un étant pris comme tout, l'autre comme partie; car on a démontré précédemment que, quand il y a syllogisme, il faut nécessairement que certains termes soient dans cette relation. Que A soit donc ainsi par rapport à B; il y a dès lors une conclusion tirée de ces termes, et elle est soit E, soit l'un des deux termes ou D, soit tout autre terme différent de ceux-là. Si c'est E, le syllogisme sera conclu des seuls termes A B. Si C D sont tels entre eux que l'un soit pris comme tout, et l'autre comme partie, on en tirera quelque conclusion; et cette conclusion sera alors ou E, ou l'un des deux termes A B, ou tel autre terme différent d'eux. Si la conclusion est, soit E, soit l'un des deux termes A B, ou il y aura plusieurs syllogismes; ou bien, comme on l'a supposé plus haut, la même conclusion se tirera de plus de trois termes ; mais si c'est un terme différent de ceux-là, il y aura plusieurs syllogismes et sans liaison entre eux. Si C n'est pas à D dans une relation telle qu'ils puissent faire un syllogisme, ces données seront inutiles, à moins qu'on ne les ait prises pour en tirer une induction, ou pour dissimuler les intentions, ou pour tel autre motif analogue. Mais si E n'est pas la conclusion tirée de A B, et qu'il y en ait une autre, et que de C D on conclue l'un de ces deux termes ou quelque autre terme différent, il y a plusieurs syllogismes qui ne se rapportent pas au sujet en question; car on avait supposé que la conclusion serait E. Si l'on ne tire aucune conclusion de C D, on les aura pris sans aucune utilité; et il n'y a point alors de syllogisme relatif à la proposition primitive. Donc, il est bien évident que toute démonstration et tout syllogisme se font par trois termes seulement.
§ 6. De cela il résulte clairement que le syllogisme a lieu par deux propositions et pas plus; car les trois termes forment deux propositions, à moins qu'on n'y en ajoute quelque autre, comme on l'a dit antérieurement, pour compléter les syllogismes.
§ 7. Il est donc évident que, pour un raisonnement syllogistique où les propositions qui produisent la conclusion principale ne sont pas paires, et il y a parfois nécessité que les propositions soient tirées de conclusions antécédentes, ce raisonnement, ou n'est pas syllogistique, ou bien l'on a demandé pour sa thèse plus qu'on n'avait besoin.
§ 8. Mais les syllogismes n'étant considérés que dans leurs propositions essentielles, tout syllogisme se forme de propositions paires et de termes impairs. Les termes sont toujours un de plus que les propositions; les conclusions sont toujours la moitié des propositions.
§ 9. Si l'on conclut, au moyen de prosyllogismes, ou par plusieurs moyens qui se tiennent; par exemple, A B par C et par D, le nombre des termes dépassera toujours de un celui des propositions. En effet, ou le terme ajouté est en dehors des extrêmes, ou il est intermédiaire; et, de toute façon, les intervalles seront un de moins que les termes. Les propositions seront toujours en même nombre que les intervalles; cependant elles ne seront pas toujours paires, ni les termes toujours impairs; il y aura alternative: quand les propositions sont paires, les termes sont impairs; quand les termes sont pairs, les propositions sont impaires. En effet, avec chaque terme ajouté, on ajoute une proposition, à quelque place qu'on pose ce nouveau terme; et, puisque, les propositions étant paires, les termes sont impairs, il est évident qu'ils doivent changer de rôle, quand on leur ajoute la même quantité. Du reste, les conclusions n'auront plus le même rapport ni avec les termes, ni avec les propositions. En ajoutant un terme, on ajoute des conclusions qui sont une de moins que les termes antérieurs : car ce n'est que pour le dernier seulement qu'il n'y aura point de conclusion; mais il y en a pour tous les autres. Par exemple, si l'on ajoute D à AB C, l'on ajoute en même temps deux conclusions, l'une relative à A, l'autre relative à B; et de même pour tous les autres qu'on ajouterait. Si l'on ajoute le terme intermédiairement, c'est encore le même rapport : car ce n'est que relativement à un seul terme qu'il ne fera pas de syllogisme; et le nombre des conclusions sera beaucoup plus grand que celui des termes et des propositions.
L'universelle
affirmative est la plus difficile à établir, et la plus facile à réfuter.
§ 1. Puisque nous savons de quels éléments se forment les syllogismes, quelles sont les conclusions obtenues dans chaque figure, et de combien de manières on peut les obtenir, nous comprendrons clairement aussi quelle conclusion est facile et quelle conclusion est difficile à prouver. Celle qui s'obtient dans plus de figures et dans plus de cas, sera facile; celle, au contraire, qui s'obtient dans moins de figures et dans moins de cas, sera prouvée plus difficilement.
§ 2. L'affirmatif universel ne se démontre que par la première figure, et d'une seule façon dans cette figure; le privatif se démontre par la première et par la moyenne figure : dans la première, d'une seule façon, et de deux, dans la seconde; l'affirmatif particulier, par la première et par la dernière: d'une seule façon dans la première, et de trois dans la dernière; le privatif particulier se démontre par toutes les figures, mais une seule fois dans la première, deux fois dans la seconde, et trois fois dans la dernière.
§ 3. Il est donc évident que l'universel affirmatif est le plus difficile à établir, le plus facile à réfuter; et, d'une manière générale, les propositions universelles sont bien plus aisées à détruire que les particulières. En effet, les propositions de ce genre sont réfutées par la négative universelle et par la négative particulière, dont l'une, la particulière négative, se démontre par toutes les figures, et dont l'autre, l'universelle négative, se démontre dans deux. Même observation pour les universelles négatives: la proposition initiale est réfutée à la fois, et par l'affirmative universelle, et par l'affirmative particulière, c'est-à-dire qu'elles le sont dans deux figures. Pour les particulières, au contraire, il n'y a qu'une seule manière de les réfuter, par l'universelle affirmative ou négative. Mais aussi les particulières sont bien plus aisées à établir, parce qu'elles sont obtenues dans bien plus de figures, et de bien plus de manières.
§ 4. Il ne faut pas non plus oublier que l'on peut réfuter l'un par l'autre, l'universel par le particulier, et le particulier par l'universel; mais l'on ne peut établir l'universel par le particulier, tandis que l'on peut établir celui-ci par le premier.
§ 5. Il n'est pas moins clair que renverser une proposition est toujours plus facile que l'établir.
§ 6. Tout ce qui précède a dû nous apprendre comment se produit tout syllogisme, par combien de termes et de propositions il se forme, dans quel rapport les propositions sont les unes avec les autres, quelles sont, de plus, les conclusions obtenues dans chaque figure, quelles sont celles qui se démontrent dans plus de figures, et enfin celles qui se démontrent dans moins de figures.
Des Conséquents et des Antécédents : de leurs
rapports.
§ 1. Quels sont les moyens de toujours trouver au besoin les syllogismes relatifs à la question posée; quel est le chemin qui nous doit mener à la connaissance des principes spéciaux de chaque question : voilà ce qu'il nous faut dire maintenant. C'est qu'en effet il ne doit peut-être pas nous suffire d'étudier la formation des syllogismes; il faut encore posséder la faculté d'en faire.
§ 2. Parmi toutes les choses, il y en a qui ne peuvent jamais être attribuées à d'autres avec vérité, d'une manière universelle; par exemple, Cléon, Callias, et tout ce qui est individuel et perceptible aux sens. C'est à celles-là, au contraire, que les autres peuvent être attribuées: ainsi les deux êtres que nous venons de citer sont l'un et l'autre, homme et animal. Certaines choses sont elles-mêmes attribuées à d'autres, sans que d'autres puissent cependant leur être antérieurement attribuées. D'autres, enfin, peuvent servir d'attributs à d'autre et recevoir elles-mêmes des attributs : ainsi, homme peut être l'attribut de Callias; et il reçoit lui-même l'attribut: animal.
§ 3. Il est donc évident que certaines choses, par leur nature même, ne peuvent être attribuées à aucune autre; et c'est le cas de la plupart des choses qui tombent sous nos sens, de ne pouvoir jamais être attributs; si ce n'est improprement: ainsi nous pouvons dire parfois que cette personne blanche est Socrate, et que ce qui approche est Callias. Nous montrerons plus loin que, même en remontant dans les termes supérieurs, il y a une limite où l'on doit s'arrêter : mais ici, contentons-nous d'avoir posé ce principe.
§ 4. On ne peut donc, pour ces choses supérieures, démontrer que quelque autre chose leur soit attribuée, si ce n'est par pure supposition; ce sont celles-là, au contraire, qui le sont aux autres. Les individus ne sont jamais attribués aux autres choses, mais les autres choses leur sont attribuées. Quant aux termes intermédiaires, il est clair qu'ils peuvent être employés de deux façons; car ils servent d'attributs aux autres choses, et reçoivent les autres choses comme attributs. Du reste, c'est presque uniquement sur les termes de ce genre que portent les discussions et les recherches.
§ 5. Ainsi donc il faut prendre les propositions relatives à chaque objet, en supposant d'abord cet objet lui-même, ainsi que ses définitions et tout ce qui lui est propre; ensuite tout ce qui est conséquent à cet objet; puis, tout ce dont il est lui-même le conséquent; et enfin tout ce qui ne peut pas lui appartenir. Quant aux choses auxquelles l'objet lui-même ne peut appartenir, il est inutile de distinguer, puisque le privatif se convertit.
§ 6. Il faut bien remarquer encore parmi les conséquents ceux qui se rapportent à l'essence même de la chose, et ceux qui sont attribués, soit comme propres, soit comme accidents; et, parmi ces attributs, quels sont ceux qui ne sont que supposés et ceux qui sont réels; car, plus on connaîtra d'attributs, plus on trouvera vite la conclusion; et, plus ils seront vrais, plus la démonstration sera parfaite.
§ 7. Il ne faut pas choisir, du reste, les conséquents d'une partie de la chose, mais les conséquents de la chose tout entière. Ainsi, il faut prendre, non pas le conséquent applicable en particulier à tel homme, mais le conséquent applicable à tout homme; car le syllogisme ne se forme que par les propositions universelles. Quand, donc, la proposition est indéterminée, on ne sait si elle est universelle; déterminée, au contraire, on le voit sans peine.
§ 8. On doit aussi distinguer les choses dont cette chose est universellement le conséquent, par les mêmes motifs que je viens de dire.
§ 9. Quant au conséquent lui-même, il ne doit pas être pris dans son universalité; par exemple : homme n'a pas pour conséquent tout animal; musique n'a pas pour conséquent toute science; il doit seulement être pris d'une manière absolue comme dans les propositions ordinaires; car cette addition est inutile, et de plus impossible; par exemple: tout homme est tout animal; ou, la justice est toute vertu. C'est la chose dont une autre est le conséquent qui peut recevoir la marque d'universalité.
§ 10. Lorsque le sujet est contenu dans un autre terme dont il faut prendre les conséquents, on ne doit pas chercher dans les conséquents de l'attribut ceux qui suivent ou ne suivent pas l'universel, parce qu'on les prend déjà dans les conséquents du sujet; en effet, tout ce qui est conséquent de animal l'est aussi de l'homme. La règle est la même pour tout ce qui doit être nié de l'attribut. Mais il faut prendre avec soin tout ce qui est propre à la chose; car il y a certaines propriétés qui appartiennent à l'espèce, à l'exclusion du genre; et, en effet, il y a nécessité que certaines propriétés soient spéciales dans différentes espèces.
§ 11. Il ne faut pas non plus prendre pour antécédents de l'universel les choses qui ont pour conséquent le terme renfermé dans l'universel ; par exemple, il ne faut pas prendre comme antécédents de animal les choses dont homme est le conséquent; car, nécessairement si animal suit homme, il doit également suivre tout ce que suit homme; mais ceci fait plus spécialement partie de la recherche des antécédents de homme.
§ 12. Il faut choisir aussi les conséquents et les antécédents les plus habituels; car pour les conclusions qui expriment le plus habituel, le syllogisme se forme aussi de propositions exprimant le plus habituel, soit que toutes, ou seulement quelques unes, soient de ce genre. La conclusion; dans chaque syllogisme, est pareille aux principes.
§ 13. Enfin, il ne faut pas prendre les conséquents de tous les termes; car ceux-là ne donneront pas de syllogisme : quelle en est la raison, c'est ce que la suite va faire voir clairement.
Règles de la conclusion universelle négative,
de la particulière de même forme. - Exemples à l'appui.
§ 1. Quand on veut affirmer une chose d'une autre tout entière, il faut considérer les sujets de la chose affirmée dont cette chose est dite, et tous les conséquents de l'objet auquel elle doit être attribuée; car, si l'un d'eux est identique, il y aura nécessité que la première de ces choses soit à l'autre.
§ 2. Si l'on veut prouver, non une affirmation universelle, mais seulement une affirmation particulière, il faut regarder aux antécédents des deux choses; car, si l'un de ces antécédents est identique, il faut nécessairement que la chose soit à une partie de l'autre.
§ 3. Quand on veut établir une négation universelle, pour ce qui concerne le terme auquel la chose doit ne pas être, il faut regarder aux conséquents; et, pour ce qui concerne le terme qui doit ne pas y être, il faut regarder aux choses qui ne peuvent lui être attribuées; ou, à l'inverse, pour le terme auquel la chose doit ne pas appartenir, il faut regarder aux choses qui ne peuvent lui être attribuées; et, pour le terme qui ne peut appartenir, il faut regarder aux conséquents. Et, en effet, quel que soit celui de ces termes qui soit identique, la chose doit universellement n'être pas à l'autre; car le syllogisme se forme, tantôt par la première figure, tantôt par la moyenne.
§ 4. Enfin, pour établir une négation particulière, en ce qui concerne le terme auquel la chose doit ne pas être, il faut regarder aux antécédents qu'il suit; et pour le terme qui doit ne pas être à la chose, il faut regarder à celles qui ne peuvent lui appartenir; car, si l'un de ces termes est identique, il y a nécessité que la conclusion soit négative particulière.
§ 5. Voici, du reste, une exposition qui rendra, sans doute, plus clair ce qu'on vient de dire. Soit, par exemple, les conséquents de A représentés par B, et les choses dont il est lui-même le conséquent représentés par C, et celles qui ne peuvent lui appartenir par D. D'autre part, que les choses qui sont à E soient représentées par F ; celles dont E est le conséquent représentées par G, et enfin celles qui ne peuvent lui appartenir, représentées par H.
§ 6. Si, donc, quelqu'un des C est identique à un des F, il est nécessaire que A soit à tout E, parce que F est à tout C et A à tout C; donc A est à tout E.
§ 7. Si C et G sont identiques, il est nécessaire que A soit à quelque E : A est, en effet, conséquent de tout C, et E de tout G.
§ 8. Si F et D sont identiques, A ne sera à aucun E, dès lors le prosyllogisme; en effet, le privatif pouvant se convertir, si F est identique à D, A ne sera à aucun F, et F sera à tout E.
§ 9. Si B et H sont identiques, A ne sera encore à aucun E: car B sera à tout A et ne sera à aucun E; or B était identique à H, et H n'était à aucun E.
§ 10. Si D et G sont identiques, A ne sera pas à quelque E; car A ne sera pas à G, puisqu'il n'est pas non plus à D; mais G est subordonné à E ; donc A ne sera pas à quelque E.
§ 11. Si G et B sont identiques, le syllogisme sera retourné; car G sera à tout A, puisque B est à A; et E sera à B, car B est supposé identique à G. Mais il n'est pas nécessaire que A soit à tout E, il est seulement nécessaire qu'il soit à quelque E, parce que l'attribution universelle se convertit en attribution particulière.
§ 12. Il est donc clair qu'il faut, dans chaque question, regarder pour les deux termes aux circonstances qu'on vient de dire, puisque c'est par elles que se forment tous les syllogismes.
§13. On doit aussi, parmi les conséquents et les antécédents de chaque chose, considérer surtout les premiers et les plus. universels, Ainsi, par exemple, pour E, il faut plutôt regarder à K F, qu'à F tout seul, et pour A, plus à KC qu'à C tout seul ; car si A est à K F, il est aussi à F et à E; et s'il n'est pas le conséquent de K F, il peut l'être toutefois de F. On doit appliquer un examen analogue aux termes dont la chose en question est elle-même le conséquent; car si elle est le conséquent des premiers, elle l'est aussi des termes subordonnés à ceux-là; et, sans suivre les premiers termes, elle peut encore suivre ceux qui leur sont subordonnés.
§ 14. On voit donc clairement que tout l'examen se réduit à trois termes et à deux propositions.
§ 15. On voit aussi que tous les syllogismes se forment par les figures indiquées plus haut; car on démontre que A est tout à E quand on suppose un des C et un des F identiques; C F sera le moyen, et les extrêmes seront A et E; c'est donc la première figure. L'on démontre la particulière affirmative en supposant C et G identiques, et c'est la dernière figure: car G est moyen. On démontre l'universelle négative, si D et F sont identiques, et c'est à la fois la première figure et la moyenne: la première, parce que A n'est à aucun F, la privative se convertissant; et que E est à tout F : la moyenne, parce que D n'est à aucun A et est à tout E. On démontre la particulière négative quand D et G sont identiques; mais c'est la dernière figure, car A n'est à aucun G, et E est à tout G. Il est donc évident que tous ces syllogismes ont lieu par les figures énoncées précédemment.
§ 16. On voit, en outre, qu'il ne faut pas prendre des conséquents applicables à tous les termes, parce qu'on n'obtient point ainsi de syllogisme; car on a déjà démontré qu'on ne pourrait point conclure affirmativement avec des conséquents tout seuls. L'on ne peut, non plus, conclure négativement par les conséquents des deux termes; car il faut que l'un soit affirmatif et l'autre négatif.
§ 17. Il est donc clair encore que toutes les recherches, autres que celles-là dans le choix des termes, sont inutiles pour faire des syllogismes; par exemple : si les conséquents sont identiques pour l'un et l'autre terme; ou bien si les choses dont A est conséquent sont identiques à celles qui ne s'appliquent pas à E; ou bien, enfin, s'il y a identité pour les choses qui ne peuvent convenir à aucun des deux: car, dans tous ces cas, il ne se forme pas de syllogisme. En effet, si les conséquents, par exemple B et F sont identiques, on obtient la figure moyenne avec les deux propositions attributives. S'il y a identité entre telles dont A est le conséquent et celles qui ne peuvent être à E, par exemple G et H, c'est la première figure, avec la proposition de l'extrême mineure privative. S'il y a identité entre les choses qui ne conviennent ni à l'un ni à l'autre terme, comme D et H, les deux propositions seront privatives, soit dans la première figure, soit dans la figure moyenne: et, de cette façon, il n'y a pas non plus de syllogisme.
§ 18. On peut remarquer encore que, dans cette recherche, il faut prendre les termes identiques et non pas les termes différents ou contraires; d'abord, parce que cette recherche s'applique au moyen, et qu'on doit prendre le moyen, non pas différent, mais identique.
§ 19. En second lieu, dans les cas où le syllogisme peut se former, en prenant, soit le contraire, soit les termes qui ne peuvent servir à la fois d'attribut au même terme, on les ramènera tous au cas précédent.
§ 20. Par exemple: si B et F sont contraires, ou s'ils ne peuvent être attribués à un même objet, avec des données de ce genre, il y aura syllogisme concluant que A ne peut être à aucun E. Mais cette conclusion se tire, non pas des données initiales, mais bien par le procédé antérieurement indiqué; ainsi B étant à tout A et n'étant à aucun E, il est nécessaire que B soit identique à quelque H.
§ 21. De même encore, si B et G ne peuvent être attribués au même objet, on conclura que A n'est point à quelque E; car, de cette façon encore, on aura la figure moyenne, parce que B étant à tout A et n'étant à aucun G, il faut nécessairement que B soit identique à quelque H; et, de fait, il n'y a aucune différence à dire que B et G ne sont point au même objet, ou de dire que B est identique à quelque H, puisque, par H, on avait compris toutes les choses qui ne peuvent être à E.
§ 22. Enfin, on peut voir que, de ces dernières recherches, on ne peut tirer aucun syllogisme; car si B et F sont contraires, il faut que B soit identique à quelque H pour que ces deux termes puissent former un syllogisme; mais, en prenant ainsi les contraires, il arrive qu'on fasse fausse route, parce qu'on omet parfois l'identité de B et de H.
Règles des quatre espèces de propositions.
§ 1. Les règles des syllogismes ostensifs s'appliquent aussi aux syllogismes qui concluent par l'absurde : car ceux-ci se forment également par les conséquents et les antécédents des deux termes. De part et d'autre, c'est la même recherche, puisque ce qui est démontré ostensivement peut aussi l'être par l'absurde et avec les mêmes termes; et réciproquement, ce qui est démontré par l'absurde, peut se démontrer ostensivement.
§ 2. Soit, par exemple: A n'est à aucun E; supposons alors qu'il soit à quelque E. Puisque R est à tout A et A à quelque E, B sera aussi à quelque E; mais on supposait qu'il n'était à aucun. On prouve encore ainsi que A est à quelque E : car si A n'est à aucun E, et que E soit à tout G, A ne sera à aucun G; mais on supposait qu'il était à tout G. Même observation pour les autres cas; car, dans tous, la démonstration par l'absurde se tire toujours des conséquents et des antécédents des deux termes.
§ 3. On peut dire encore que, pour chaque espèce de conclusion, la recherche est la même, soit qu'on veuille démontrer ostensivement, soit qu'on veuille réduire à l'absurde, puisque les deux démonstrations se font avec les mêmes termes. Ainsi, par exemple, soit démontré que A n'est à aucun E, parce qu'il en résulte que B est à quelque E, ce qui est impossible. Si l'on suppose que B n'est à aucun E, et qu'il est à tout A, il est clair que A ne sera à aucun E: d'autre part, si l'on a conclu ostensivement que A n'est à aucun E, on démontrera, par l'absurde, qu'il n'est à aucun, après avoir supposé qu'il était à quelque E. Le raisonnement est le même pour tous les autres cas; dans tous, il faut toujours supposer un terme commun, différent des termes donnés, et auquel se rapporte le syllogisme qui conclut l'erreur, de telle sorte que, cette proposition étant convertie, et l'autre restant identique, le syllogisme devient ostensif avec les mêmes termes.
§ 4. C'est que, entre le syllogisme ostensif et celui qui conclut par l'absurde, la seule différence consiste en ce que, dans l'ostensif, les deux propositions sont supposées vraies, et que, dans l'autre, l'une d'elles est fausse.
§ 5. Ceci, du reste, sera plus clair, par la suite, quand nous traiterons du syllogisme par l'absurde. Ici contentons-nous de savoir qu'il faut s'attacher également à ces considérations, soit qu'on veuille faire un syllogisme ostensif, soit qu'on veuille conclure par l'absurde.
§ 6. Dans les autres syllogismes hypothétiques, soit qu'ils se fassent par subsumption ou par assumption, il faudra regarder, non pas aux sujets primitifs, mais aux sujets assumés, et le mode de recherche sera encore le même.
§ 7. Il faut, de plus, considérer combien il y a d'espèces de syllogismes hypothétiques, et les distinguer entre eux.
§ 8. On peut donc démontrer chaque espèce de conclusion de la manière qu'on a dite; mais l'on peut encore en établir quelques-unes d'une autre façon. Ainsi, les conclusions universelles peuvent s'obtenir, par la considération du particulier, hypothétiquement. Si, par exemple C et G sont identiques, et que E ne soit supposé qu'aux G seulement, A serait alors à tout E. De même, si D et G sont identiques, et que E ne soit attribué qu'aux G, A ne sera à aucun E. On peut donc encore établir la recherche de cette façon.
§ 9. Il est évident qu'on peut appliquer aussi cette méthode aux syllogismes formés de propositions nécessaires et contingentes; car la recherche est la même, et le syllogisme se fait avec les termes disposés dans le même ordre, soit pour l'absolu, soit pour le contingent.
§ 10. Il faut comprendre aussi par contingentes les choses qui ne sont pas, mais qui pourraient être; car il a été prouvé que le syllogisme du contingent se forme aussi avec celles-là.
§ 11. Il en sera de même pour les autres modes d'attribution.
§ 12. Il est donc clair, d'après tout ce qui vient d'être dit, que non seulement tous les syllogismes peuvent se former par cette méthode, mais qu'il est impossible qu'ils se forment par une autre. En effet, on a prouvé que tout syllogisme se produisait dans l'une des figures exposées; or, ces figures ne peuvent s'établir que par les conséquents et les antécédents de chaque objet, puisque c'est d'eux seuls que viennent les propositions, ainsi que le moyen; donc le syllogisme n'est pas possible par d'autres procédés que ceux-là.
Des principes spéciaux et des rapports de la
démonstration à ces principes.
§ 1. La méthode reste toujours la même, qu'on l'applique, soit à la philosophie, soit à l'art, soit à la science. Toujours il faut réunir autour de chaque sujet proposé ce qui lui est attribué, et ce à quoi il peut être attribué; toujours il faut tâcher de réunir le plus grand nombre possible de ces rapports; toujours il faut les étudier sous trois termes, de tel point de vue pour réfuter la proposition, de tel autre pour l'établir, prenant les attributs vrais, pour raisonner avec toute vérité, et se bornant, dans les syllogismes dialectiques, à la simple probabilité.
§ 2. On a expliqué aussi les principes généraux des syllogismes, on a dit ce qu'ils sont, et l'on a indiqué le moyen de les découvrir, afin qu'on ne se donne pas la peine d'examiner tous les mots, ni de recourir aux mêmes éléments pour renverser ou établir un raisonnement, soit que d'ailleurs on l'établisse, ou on le réfute universellement, ou particulièrement; et afin qu'on limite la recherche à des objets moins nombreux et déterminés.
§ 3. Quel que soit l'objet en question, il y a toujours un choix à faire; par exemple, pour le bien et la science. Dans toutes les sciences les principes sont spéciaux pour la plupart; et c'est à l'expérience de fournir ces principes pour chacune d'elles. Par exemple, l'expérience astronomique fournit les principes de la science astronomique; et ce n'est qu'après avoir longtemps observé les phénomènes qu'on est arrivé aux démonstrations de l'astronomie. Tous les arts, toutes les sciences en sont là. Mais, du moment que les principes sont acquis pour chaque objet, nous pouvons nous charger d'en tirer des démonstrations régulières. Si, dans l'observation, l'on n'a rien omis de ce qui appartient réellement au sujet, nous pourrons, dans tout ce qui est susceptible d'être démontré, découvrir la démonstration, et l'exposer; et, si la démonstration est naturellement impossible, nous pourrons encore rendre cela même évident.
§ 4. Ici l'on a dit, d'une manière toute générale et sommaire, comment se fait le choix des propositions. Mais nous avons traité ce sujet avec toute l'exactitude désirable dans notre ouvrage sur la Dialectique.
Son
impuissance; elle fait toujours une pétition de principe, et prend l'universel
pour moyen. - Sa conclusion est toujours hypothétique, et elle ne peut jamais
être négative. - La méthode de division ne donne pas même de bonnes
définitions. - Exemples divers à l'appui.
§ 1. On peut voir, sans peine, que la division en genres n'est qu'une bien faible partie de la méthode que nous venons d'indiquer; cette division n'est qu'un syllogisme impuissant : elle suppose ce qui est à démontrer; et elle conclut toujours un des termes supérieurs.
§ 2. D'abord, aucun de ceux qui ont employé cette méthode n'ont pris garde à ce défaut; et ils se sont efforcés de prouver qu'on pouvait démontrer la substance même et l'essence des choses : aussi n'ont-ils compris ni comment l'on peut faire des syllogismes par la division, ni que l'on pouvait en faire par la méthode que nous avons exposée.
§ 3. Dans les démonstrations, quand on veut prouver par syllogisme l'existence de quelque chose, il faut donc toujours que le moyen terme qui forme le syllogisme soit moins étendu que le premier des extrêmes, et qu'il ne lui soit point attribué universellement. La division, au contraire, vise à un résultat tout opposé, puisqu'elle prend l'universel pour moyen. Soit, par exemple, animal, représenté par A; mortel par B, immortel par C, et l'homme, dont il s'agit d'avoir la définition, représenté par D. La division suppose que tout animal est mortel ou immortel; en d'autres termes, que ce qui est A est tout entier ou B ou C. De plus, par cette méthode de division, on pose toujours que l'homme est animal, c'est-à-dire que l'on suppose que A est dit de D. La conclusion est donc, que tout D est ou B ou C, c'est-à-dire qu'il faut admettre que l'homme est mortel ou immortel, puisqu'il est nécessaire que l'animal soit mortel ou immortel; mais il n'est pas du tout nécessaire que l'homme soit mortel, on le suppose simplement. Or, c'est là précisément ce qu'il fallait conclure. Soit encore, en faisant A animal mortel, B sympode, C apode et D l'homme; on suppose ici de même que A est ou B ou C : car tout animal mortel a des pieds ou n'en a pas : et l'on suppose que A s'applique à D, puisqu'on a supposé que l'homme est un animal mortel. Ainsi il y a nécessité que l'homme soit un animal à pieds ou sans pieds : mais il n'est pas nécessaire qu'il ait des pieds, c'est une supposition ; or, c'est là encore ce qu'il fallait démontrer. Ainsi donc, les partisans de la méthode de division sont toujours conduits à prendre l'universel pour moyen terme; et, pour eux, les extrêmes sont, et ce dont il faut démontrer, et les différences. Enfin, ils ne disent pas nettement ce que c'est que l'homme, ou l'objet quelconque de la recherche, de manière qu'il y ait là une conséquence nécessaire. C'est qu'ils suivent une tout autre route que la véritable, et ils ne soupçonnent pas qu'il y a des ressources dont ils peuvent disposer.
§ 4. Il est évident que, par cette méthode, on ne peut jamais nier ; et qu'on ne peut pas, non plus, établir de syllogismes relatifs au propre, à l'accident, au genre, et à tous ces cas où l'on ne dit si la chose est de telle ou telle manière : par exemple, si le diamètre est ou non commensurable. En effet, en supposant que toute étendue est commensurable ou incommensurable, et que le diamètre est une étendue, on a pour conclusion que le diamètre est, ou commensurable ou incommensurable. Si l'on admet qu'il est incommensurable, on prendra précisément ce qu'il s'agit de prouver; on ne peut donc pas du tout le démontrer ainsi ; car c'est là une méthode, qui rend impossible toute démonstration. Soit, par exemple : commensurable on incommensurable, représenté par A, étendue par B, le diamètre par C.
§ 5. Ainsi, il est évident que ce mode de recherche ne peut convenir à toute espèce d'investigation, et qu'il n'est pas même applicable là où, cependant, il semblerait convenir le mieux.
§ 6. On voit donc, d'après ce qui précède, quels sont les éléments des démonstrations, comment elles se forment et quels sont les points à considérer dans chaque question.
Dégagement des propositions; éléments
superflus et à rejeter, éléments omis et à rétablir. - Dégagement des termes,
et particulièrement du moyen. - Examen de la figure spéciale.
§ 1. Après tout ceci, il faut indiquer la manière de ramener tous les syllogismes aux figures énoncées plus haut. C'est là, en effet, la seule partie de notre étude qu'il nous reste à considérer; car si, connaissant déjà la formation des syllogismes, et ayant la possibilité de les découvrir, nous apprenons, de plus, quand ils sont tout construits, à les résoudre dans les trois figures, l'objet que nous nous étions proposé, au début, sera tout à fait rempli. Ce sera en même temps confirmer et éclaircir tout ce qui précède par ce qui va suivre; car, tout ce qui est vrai doit être, de tout point, conséquent à soi-même.
§ 2. D'abord, donc, il faut s'attacher à dégager les deux propositions du syllogisme. La division, en effet, est plus facile en grandes parties qu'en petites, et les composés sont toujours plus grands que leurs éléments.
§ 3. Il faut rechercher ensuite quelle proposition est universelle, quelle autre est particulière.
§ 4. Et si l'on a négligé de les donner toutes deux, il faut rétablir celle qui manque. Souvent, en effet, soit en écrivant, soit en discutant, on oublie, après avoir posé la proposition universelle, d'exprimer la particulière qu'elle renferme; ou bien, en donnant de telles propositions, on omet celles qui rendent les premières concluantes, et l'on fait, pour d'autres, d'inutiles demandes. Il faut donc examiner si l'on a pris quelque proposition inutile, et si l'on n'en a pas négligé de nécessaire; il faut alors ajouter l'une et retrancher l'autre, jusqu'à ce qu'on arrive enfin aux deux propositions; car il n'est pas possible, sans cette précaution, de résoudre les raisonnements ainsi présentés.
§ 5. Pour certains cas, il est facile de voir ce qui
manque; mais, parfois, on a peine à le découvrir, et l'on croit qu'il y a
syllogisme parce que, en effet, il résulte des données quelque chose de nécessaire.
Par exemple, si l'on suppose que ce qui n'est pas substance étant détruit, la
substance n'est pas détruite; mais que les éléments dont une chose se forme
étant détruits, il faut que la chose même soit détruite aussi. Ceci posé, en
effet, il est nécessaire que la partie de la substance soit aussi substance.
Mais les données ne suffisent pas pour fournir cette conclusion, et ici les
propositions manquent. Qu'on suppose encore que l'homme existant, il faut
nécessairement que l'animal existe aussi; et que l'animal étant, il y a
nécessairement substance. Donc, alors, l'existence de l'homme entraîne aussi
celle de la substance nécessairement. Pourtant, il n'y a pas là réellement de
syllogisme, puisque les propositions ne sont pas telles que nous l'avons dit.
Ce qui nous trompe, dans ce cas, c'est que, de ces données, il sort une
conséquence nécessaire, et que le syllogisme aussi en donne une de ce genre.
Mais le nécessaire est encore plus large que le syllogisme; car tout syllogisme
est nécessaire, et tout nécessaire n'est pas syllogisme. Ce n'est donc pas
seulement parce que, de certaines données, il ressort une conséquence, qu'il
faut essayer immédiatement la résolution, il faut avant tout dégager les deux
propositions.
§ 6. Voici comment, ensuite, on les divisera en termes.
§ 7. Parmi les termes, on prendra pour moyen celui qui se répète dans les deux propositions; car le moyen, et ceci a lieu dans toutes les figures, doit se retrouver dans les deux propositions.
§ 8. Si donc, le moyen est attribué à un autre terme, ou qu'un autre lui soit attribué, ou bien s'il est affirmé d'un terme, et qu'un autre soit nié de lui, c'est la première figure. S'il est affirmé lui-même et nié de quelque terme, c'est la figure moyenne. Si les autres termes lui sont attribués, ou que l'un soit nié et l'autre affirmé de lui, c'est la dernière; car c'est là la position que le moyen occupait dans chaque figure. Peu importe, d'ailleurs, que les propositions ne soient pas universelles ; la définition du moyen reste toujours la même.
§ 9. Il est donc évident que, dans un raisonnement, où un même terme n'est pas répété plusieurs fois, il n'y a pas de syllogisme; car il n'y a pas de moyen.
§ 10. D'ailleurs, comme nous savons quelle conclusion se trouve dans chaque figure, et dans quelle figure est l'universelle, et dans quelle, est la particulière, il est clair qu'on doit examiner, non point toutes les figures, mais seulement la figure spéciale de la conclusion dont on s'occupe : et quand la conclusion s'obtient dans plusieurs figures à la fois, nous reconnaîtrons toujours la figure par la position du moyen.
Exemples divers.
§ 1. Souvent donc l'on est trompé dans les raisonnements par ce caractère même de nécessité que je viens de dire; mais c'est quelquefois aussi par la ressemblance dans la forme des termes, chose qu'il ne faut pas perdre de vue.
§ 2. Soit, par exemple, A attribué à B, et B à C; on pourrait croire qu'avec des termes ainsi disposés, il y a syllogisme; et cependant il n'y a là ni conséquence nécessaire, ni syllogisme.
§ 3. Soit, par exemple, A représentant : Être toujours, B : Aristomène imaginable, et C Aristomène. Il est vrai que A est à B, car Aristomène est toujours imaginable; mais, en outre, B est à C, car Aristomène est Aristomène imaginable; mais A n'est pas à C, car Aristomène est mortel. En effet, on a vu qu'il n'y a pas de syllogisme avec des termes de cette forme; et il fallait que la proposition A B fût universelle. Mais ce serait une erreur de croire que tout Aristomène imaginable est immortel, puisque Aristomène est mortel.
§ 4. Soit encore, C : Miccale, B : Miccale musicien, et A : Mourir demain. B peut être, avec vérité, attribué à C, car Miccale est Miccale musicien; mais A peut aussi être attribué à B, car Miccale musicien mourra demain; mais A attribué à C est une erreur. Cet exemple est identique au premier, parce qu'il n'est pas vrai universellement que Miccale musicien mourra demain; et, sans cette universalité, il n'y avait pas de syllogisme.
§ 5. L'erreur ici vient d'une nuance à peine sensible, et de ce que nous accordons qu'il n'y pas de différence à dire: Cette chose est à cette autre, ou à dire : Cette chose est à toute cette autre.
Erreur possible dans les trois figures. -
Moyen d'éviter cette erreur : substituer toujours l'expression concrète à
l'expression abstraite. - Exemples divers.
§ 1. Souvent aussi l'on se trompera, parce que les termes, dans la proposition, n'auront pas été bien exprimés: par exemple, soit A la santé, B la maladie, et C l'homme. Il est vrai de dire que A ne peut être à aucun B, car la santé n'est jamais à la maladie; et que B est à tout C, car tout homme est susceptible de maladie; donc il semblerait résulter de ceci que la santé ne saurait être à aucun homme. Le motif de cette erreur c'est que, dans I'énonciation les termes n'ont pas été bien posés; car, en changeant les termes qui expriment la disposition, il n'y aura plus de syllogisme. Par exemple, qu'au lieu de : santé, on mette : sain, et au lieu de maladie : malade; dès lors il n'est plus vrai de dire qu'il n'est pas possible que sain soit à malade. Mais, si l'on ne fait pas ce changement, il n'y a plus syllogisme que du contingent, c'est-à-dire, de ce qui n'est pas impossible : et, en effet, il est possible que la santé ne soit à aucun homme.
§ 2. Cette erreur pourra se produire tout aussi bien dans la moyenne figure. Ainsi la santé ne peut être à aucune maladie, mais elle peut être à tout homme : donc la maladie n'est à aucun homme.
§ 3. Dans la troisième figure, la conclusion fausse est
sous forme contingente; car la santé et la maladie, la science et l'ignorance,
et en général les contraires, peuvent être à tout un même objet; mais il est
impossible qu'ils soient jamais l'un à l'autre. Ceci, du reste, est
contradictoire à une remarque précédente; car l'on a établi que, quand plusieurs
choses. pouvaient être à une seule et même, elles pouvaient aussi être les unes
aux autres.
§ 4. Il est donc clair que, dans tous ces cas, l'erreur ne résulte que de l'énoncé des termes, et qu'en permutant ceux qui expriment la disposition, il n'y a plus de conclusion erronée. Ainsi, il est évident que, dans les propositions de ce genre, il faut toujours substituer le dérivé de la disposition à la disposition elle-même, et prendre ce dérivé pour terme.
Exemple.
§ 1. Il ne faut pas non plus
prétendre trouver toujours pour les termes un mot spécial; car il est bien des
notions qui n'ont pas de mots spéciaux; et alors il est fort difficile de
résoudre de pareils syllogismes. On pourra donc se tromper parfois en
recherchant ainsi un mot qui n'existe pas. Par exemple, on pensera qu'il y a
syllogisme pour des propositions sans termes moyens. Soient deux angles droits
représentés par A, B triangle, C isocèle. A est à C par B, mais il est à B sans
que ce soit par un autre terme; car le triangle vaut en soi deux angles droits
: donc il n'y aura pas de moyen terme pour A B, qui est cependant démontrable.
Ainsi, il est évident qu'il ne faut pas croire que le moyen soit toujours rendu
par un mot distinct; parfois, c'est tout une proposition, comme dans l'exemple
qu'on vient de citer.
Règle générale : les termes pris isolément
sont toujours au nominatif : dans les propositions, ils sont mis au cas que le
sens de la pensée exige. - Syllogismes affirmatifs dans la première figure,
avec divers cas dans les propositions. - Syllogismes négatifs dans les trois
figures. - Remarques communes aux uns et aux autres.
§ 1. Quand on dit que le premier terme est attribué au moyen, et celui-ci au dernier terme, on ne veut pas dire que ces termes doivent toujours être attribués de la même manière : le premier au moyen, et celui-ci au dernier; observation qui s'applique également à la négation; mais autant de significations peut avoir le verbe : Être, et autant de significations vraies a cette expression : Telle chose est telle autre chose, autant en ont les expressions : Être et n'être pas attribué.
§ 2. Par exemple, lorsqu'on dit : La notion des contraires est unique. Soit A la notion unique, et B les contraires réciproques; A est alors à B; mais on ne prétend pas dire par là que les contraires sont une seule notion ; on veut dire qu'on peut affirmer d'eux, avec vérité, que la notion qui les donne est unique.
§ 3. Tantôt il se peut que le premier soit attribué au moyen, et que le moyen ne puisse l'être au troisième. Par exemple, si : La sagesse est la science, et qu'il y ait : Sagesse du bien, la conclusion est qu'il y a : Science du bien. Mais le bien n'est pas du tout la science, c'est la sagesse.
§ 4. Tantôt le moyen terme est attribué au troisième, sans que le premier le soit au moyen. Par exemple, s'il y a : Science de tel objet quelconque ou de son contraire, et que le bien soit à la fois, et un contraire, et tel objet quelconque, la conclusion est : Il y a science du bien. Mais le bien n'est pas du tout la science, et pas plus tel bien que son contraire; mais c'est le bien seul qui est tout cela.
§ 5. Parfois aussi il se peut que le premier ne soit pas attribué au moyen, ni celui-ci, au troisième; le premier, du reste, pouvant se dire et pouvant ne pas se dire du troisième. Par exemple, quand l'on dit : S'il y a science de telle chose, il y a un genre de cette chose; or, il y a science du bien, la conclusion est : Donc il y a genre du bien; mais ici aucun terme n'est attribué à un autre. Soit encore : La chose dont il y a science est aussi genre; or, il y a science du bien, la conclusion est : Donc le bien est aussi genre. Ainsi, le premier terme est attribué au dernier; mais ils ne sont pas attribués l'un à l'autre.
§ 6. Il faut raisonner de la même manière pour la négation; et quand on dit que telle chose n'est pas attribuée à telle autre, on ne veut pas toujours dire que telle chose n'est pas telle autre chose, mais on veut dire, tantôt que telle chose n'est pas de telle chose, ou qu'elle n'est pas à telle chose.
§ 7. Par exemple : Il n'y a ni mouvement de mouvement, ni production de production; mais il y a mouvement et production du plaisir : donc le plaisir n'est ni production ni mouvement. Ou encore : Il peut y avoir signe du rire, mais il n'y a pas signe du signe : donc le rire n'est pas signe.
§ 8. Et de même pour tous les autres cas où l'on réfute la conclusion en montrant que le genre lui est attribué d'une façon quelconque.
§ 9. Soit encore, par exemple : L'occasion n'est pas le temps opportun; car l'occasion existe aussi pour Dieu, mais pour lui le temps ne peut être opportun, parce que la Divinité n'a jamais rien qui lui soit utile. Les termes sont ici : L'occasion, le temps opportun, et Dieu; mais la proposition doit être formée avec le cas convenable du nom.
§ 10. Nous disons donc, d'une manière générale et absolue, qu'il faut toujours mettre les termes à l'appellation directe des noms. Ainsi, l'homme, le bien, les contraires; et non pas : de l'homme, du bien, des contraires. Quant aux propositions, il faut y poser les divers cas qu'exige chaque mot. Ainsi, on dit : A cela, avec égal; de cela, avec double; cela, avec frappant ou voyant; ou même : Cet, avec homme, animal; ou enfin, l'on prend telle autre tournure que le mot demande dans la proposition.
Quand on dit que telle chose
est à telle chose, et que telle chose est dite avec vérité de telle autre, ces
expressions ont autant de sens qu'il y a de genres d'attributions, que ces
attributions d'ailleurs, soient restreintes ou absolues, simples ou complexes.
Et de même pour la négation. Ceci, du reste, mérite un examen et une
détermination plus précis.
Exemples divers. - Syllogismes avec ou sans
termes redoublés. - Rapports du moyen au mineur, quand le moyen est redoublé ou
qu'il ne l'est pas. - Exemples.
§ 1. Toute notion redoublée dans les propositions doit être jointe au premier extrême, et non point au moyen.
§ 2. Par exemple, si l'on concluait en syllogisme qu'il y a cette science de la justice qu'elle est un bien, il faudrait placer : Qu'elle est un bien ou en tant qu'elle est un bien, avec le premier extrême. Soit A, par exemple, la science que telle chose est un bien, B le bien, et C la justice. A peut être, avec vérité, attribué à B: car l'on sait du bien qu'il est le bien ; mais B peut être avec une égale vérité attribué à C : car la justice est ce qui est le bien : et c'est ainsi que se fait la résolution du syllogisme. Mais si c'est à B qu'on joint : Qu'elle est un bien, l'assertion n'est plus vraie. Il sera bien vrai que A est attribué à B; mais il ne le sera pas du tout que B le soit à C; car attribuer à la justice que le bien est le bien, c'est une erreur et un non sens.
§ 3. Même remarque si l'on prétendait démontrer qu'une chose salubre peut être connue en tant que bien; que le bouc-cerf est intelligible en tant que n'étant pas; ou enfin, que l'homme est mortel en tant que sensible. C'est que, en effet, dans tous les cas où l'on ajoute quelque chose à l'attribution, il faut joindre la notion complexe au majeur.
§ 4. La position des termes ne reste pas la même, quand on met dans le syllogisme des notions absolues, et quand on limite la notion par une restriction quelconque de nature ou d'étendue; par exemple, quand l'on conclut que le bien est connaissable, et que l'on conclut d'une chose qu'on peut connaître d'elle qu'elle est un bien.
§ 5. Si l'on démontre d'une manière absolue que le bien est connaissable, chose sera le terme moyen.
§ 6. Mais si l'on démontre que l'on peut connaître d'une chose qu'elle est un bien, il faut alors prendre pour moyen cette chose spéciale. Soit A la connaissance que cette chose est telle chose, B cette chose même, et C le bien. On peut attribuer, avec vérité, A à B, car on sait de telle chose qu'elle est telle chose; mais on peut attribuer aussi B à C, car C est cette chose même: de sorte que A sera aussi à C; et l'on saura donc du bien qu'il est bien; car la chose spéciale était le signe même de l'essence.
§ 7. Mais si l'on prenait chose pour moyen terme, et qu'on joignît au majeur, chose, pris absolument, et non pas la chose spéciale, on conclurait syllogistiquement, non pas qu'on sait du bien qu'il est bien, mais seulement qu'il est. Soit, par exemple: A la connaissance que la chose est, B la chose, et C, le bien.
§ 8. Il est donc évident que c'est ainsi qu'il faut
disposer les termes dans les syllogismes limités.
Exemple.
§ 1. Parfois aussi, il faut faire permuter les termes de même valeur, soit les mots avec les mots, les propositions avec les propositions, soit un mot avec une proposition; et prendre toujours un mot à la place d'une proposition entière; car on peut alors plus facilement dégager les termes.
§ 2. Ainsi donc, s'il n'y a aucune différence à dire, ou que le supposable n'est pas le genre du probable, ou bien que le probable n'est pas essentiellement supposable, attendu que le sens est le même; au lieu du jugement entier, d'abord énoncé, il faudra prendre comme termes : supposable et probable.
§ 1. Mais comme ce n'est pas du tout la même chose de dire : Le plaisir est un bien, et de dire : Le plaisir est le bien, il faut soigneusement faire cette distinction pour les termes : et si le syllogisme est : Le plaisir est le bien, il faut prendre pour terme : le bien. Si l'on dit au contraire qu'il est un bien, il faut prendre : un bien. Et de même pour tous les cas analogues.
De l'utilité des lettres dans les
explications logiques : imitation de la méthode des géomètres : la substitution
des termes réels aux formules littérales ne peut mener à l'erreur.
§ 1. Il n'y a point d'identité, ni pour le fond ni pour la forme, entre ces deux expressions: A est à toute la chose à laquelle est B, et A est à toute la chose à laquelle, tout entière, est B; car il se peut fort bien que B soit à C, sans qu'il soit cependant à tout C. Soit, par exemple B, quelque chose de beau: C, blanc. Si quelque chose de beau est à quelque chose de blanc, il est vrai de dire que beau est à blanc; mais, peut-être, ne l'est-il pas de dire qu'il est à tout ce qui est blanc.
§ 2. Si donc, A est à B, mais non pas à tout ce dont B est dit, soit que B soit à tout C, ou spécialement à quelque C, non seulement il n'est pas nécessaire que A soit à tout C, mais encore il n'est pas du tout à C.
§ 3. Si A est à toute la chose de laquelle tout entière B est dit avec vérité, il en résultera que A est attribué à toute la chose à laquelle tout entière B est attribué.
§ 4. Si, pourtant, A est dit de la chose dont tout entière B est dit, rien n'empêche que B ne soit à C, auquel tout entier A n'est pas, ou auquel même il n'est pas du tout.
§ 5. On voit donc, avec trois termes, que cette expression : A est attribué à toute la chose à laquelle est attribué B, veut dire qu’il est attribué à toutes les choses auxquelles B est attribué. Si B est attribué à toute la chose, A le sera aussi; et si B n'est pas attribué à toute la chose, il n'est pas nécessaire que A l'y soit non plus.
§ 6. Il ne faut pas croire, du reste, que jamais cette exposition des termes puisse nous conduire à l'erreur; car nous n'appliquons pas ensuite ce que nous trouvons ainsi; mais nous imitons le géomètre qui suppose que telle ligne a un pied de long, qu'elle est droite et qu'elle est sans largeur, bien qu'il n'en soit rien, sans se servir du tout de ces suppositions pour en tirer des raisonnements. En général, toutes les fois qu'on ne rapporte pas un terme à un autre, comme le tout à sa partie, ou comme la partie à son tout, on ne peut arriver, quoi qu'on fasse, à rien démontrer; car alors il n'y a pas de syllogisme. Nous avons donc ici recours à l'exposition des termes en parlant à l'élève, comme nous en appellerions au témoignage de ses sens; mais nous ne disons pas qu'il soit impossible de faire une démonstration sans ce secours, comme il serait impossible de faire un syllogisme sans les propositions dont on le tire.
§ 1. N'oublions pas que, dans un même syllogisme, toutes les conclusions n'appartiennent pas à la même figure; mais que l'une a lieu par celle-ci, et l'autre par celle-là. Il en résulte que c'est aussi de cette manière qu'il faut faire les résolutions.
§ 2. Toutes les conclusions ne se trouvent pas dans toutes les figures; mais chaque figure ayant des conclusions qui lui sont propres, la nature de la conclusion indiquera toujours dans quelle figure il faut la chercher.
Exemple.
Quand il s'agit d'argumenter
contre une définition, et que les arguments ont porté sur un des éléments de la
définition, il faut prendre comme terme cet élément unique, et non pas la définition
tout entière; car alors on sera beaucoup moins embarrassé de la prolixité des
détails. Par exemple, si l'on a démontré que l'eau est un liquide potable, il
faut prendre uniquement pour termes: potable et eau.
§ 1. Il ne faut pas non plus essayer d'analyser les syllogismes hypothétiques; car on ne le pourrait avec les données initiales, puisqu'ils concluent, non point par syllogisme, mais seulement par suite d'une convention admise des deux côtés. Par exemple, si après avoir supposé que, la puissance des contraires n'étant pas unique, la notion qu'on en acquiert n'est pas unique non plus, l'on démontre qu'il y a plus d'une puissance des contraires, du salubre et de l'insalubre par exemple, parce que, autrement, une seule et même chose pourrait être à la fois salubre et insalubre; on a bien démontré que la puissance des contraires n'est pas unique; mais on n'a pas encore démontré que leur notion ne l'est pas; et, cependant, il y a nécessité d'en convenir: mais ce n'est pas par syllogisme; c'est seulement. par hypothèse. On ne peut donc résoudre ce dernier syllogisme : mais on peut résoudre l'autre syllogisme, concluant qu'il n'y a pas une puissance unique des contraires; car c'est bien là un syllogisme réel, tandis que l'autre n'est qu'une hypothèse.
§ 2. Même raisonnement pour les syllogismes qui concluent par réduction à l'absurde; on ne peut davantage les résoudre. Seulement on peut résoudre la conclusion elle-même qui est absurde, parce quelle est démontrée par un syllogisme: mais on ne peut le faire pour l'autre conclusion, qui n'est obtenue qu'hypothétiquement.
§ 3. Ces syllogismes diffèrent des précédents en ce que, dans ceux-ci, il faut faire une convention à l'avance pour tomber ensuite d'accord; on convient, par exemple, que si l'on démontre qu'il n'y a qu'une puissance des contraires, on aura démontré qu'il n'y a non plus, pour eux, qu'une notion. Mais, dans les autres syllogismes, on s'accorde sans même avoir rien convenu préalablement, parce que l'erreur est de toute évidence; et que, si, par exemple, l'on suppose le diamètre commensurable, il en résulte que l'impair est égal au pair.
§ 4. Il est encore beaucoup d'autres syllogismes qui concluent par hypothèse, et qu'il faut examiner et expliquer nettement. Nous dirons plus loin quelles en sont les différences et quelles sont toutes les manières dont les syllogismes hypothétiques peuvent se former. Pour le moment, bornons-nous à savoir qu'il n'est pas possible de résoudre cette espèce de syllogisme; nous en avons dit le motif.
Analyse des Syllogismes de la première figure
dans la seconde et réciproquement. - Analyse des Syllogismes de la première
figure dons la troisième et réciproquement. - Analyse des Syllogismes de la
seconde figure dans la troisième et réciproquement. - Exceptions diverses.
§ 1. Toutes les conclusions qui se démontrent dans plusieurs figures, du moment qu'elles sont prouvées syllogistiquement dans l'une, peuvent aussi être ramenées syllogistiquement à l'autre. Par exemple : la conclusion privative, dans la première, peut être ramenée à la seconde; et la privative, dans la figure moyenne, à la première. Ceci, cependant, s'applique, non pas à tous les syllogismes, mais seulement à quelques-uns; c'est ce que la suite montrera clairement.
§ 2. Si A, en effet, n'est à aucun B, et que B soit à tout C, A n'est à aucun C. C'est la première figure; et, si l'on convertit le privatif, on aura la figure moyenne; car B n'est à aucun A, mais il est à tout C.
§ 3. Et, de même, si la conclusion; au lieu d'être universelle, est particulière; si, par exemple, A n'est à aucun B, et que B soit à quelque C; car, en convertissant là proposition privative, on obtiendra la figure moyenne.
§ 4. Parmi les syllogismes de la seconde figure, les universels peuvent être ramenés à la première, et l'un des deux seulement, parmi les syllogismes particuliers.
§ 5. Soit A à aucun B, mais à tout C. Le privatif étant converti, on a, par la première figure, que B n'est à aucun A, et que A sera à tout C.
§ 6. Si l'affirmatif est joint à B, et le privatif à C, il faut prendre C comme premier terme; car il n'est à aucun A, et A est à tout B; donc C ne sera à aucun B : et B ne sera non plus à aucun C, puisque le privatif se convertit.
§ 7. Si le syllogisme est particulier, et que le privatif soit joint à l'extrême majeur, on le ramènera à la première figure. Par exemple : si A n'est à aucun B, mais qu'il soit à quelque C; le privatif étant converti, on aura la première figure : car B n'est à aucun A, mais A est à quelque C.
§ 8. Quand c'est l'affirmatif qui est joint à l'extrême majeur, il n'y a pas de résolution possible. Par exemple, si A est à tout B, mais non à tout C; car A B n'admet pas de conversion; et il n'y a pas de syllogisme, même quand on fait la conversion.
§ 9. De même, les syllogismes de la troisième figure ne peuvent pas tous être résolus dans la première, mais tous ceux de la première le seront dans la troisième.
§ 10. Soit, en effet, A à tout B, et B à quelque C. Puisque l'affirmatif particulier se convertit, C sera à quelque B, mais A était à tout B; et c'est la troisième figure.
§ 11. De même, quand le syllogisme est privatif; car la proposition particulière affirmative se convertit; et A n'est à aucun B, mais C sera à quelque B.
§ 12. Quant aux syllogismes de la dernière figure, un seul ne se résout pas dans la première; c'est quand le privatif n'est pas universel; mais tous les autres peuvent s'y résoudre.
§ 13. Ainsi, que A et B soient attribués à tout C, C sera converti particulièrement avec l'un et l'autre extrême; donc, il sera à quelque B. Alors on aura la première figure; car A est à tout C, et C à quelque B.
§ 14. Et si A est à tout C, et B à quelque C, le raisonnement sera le même; car B se convertit relativement à C.
§ 15. Mais si B est à tout C, et A à quelque C, B doit être pris comme premier terme; car B est à tout C, et C est à quelque A; de sorte que B est à quelque A; et, comme le particulier se convertit, A sera aussi à quelque B.
§ 16. Si le syllogisme est privatif, les termes étant universels, il faut le traiter de même. Ainsi, soit B à tout C, et A à aucun C, C sera donc à quelque B, et A ne sera à aucun C; et alors C sera le moyen terme.
§ 17. Et, de même, si le privatif est universel, et que l'affirmatif soit particulier; car A ne sera à aucun C, mais C sera à quelque B.
§ 18. Si le privatif est pris particulièrement, il n'y aura pas de résolution possible. Par exemple : si B est à tout C, et que A ne soit pas à quelque C; car B C étant converti, les deux propositions seront particulières.
§ 19. Il est évident aussi que, pour résoudre ces deux figures l'une dans l'autre, il faut convertir dans chacune d'elles la proposition qui est jointe à l'extrême mineur. Cette proposition, une fois changée de place, le passage d'une figure à l'autre peut se faire.
§ 20. Des syllogismes de la figure moyenne, l'un se résout dans la troisième, l'autre ne s'y résout point.
§ 21. Quand l'universel est privatif, il s'y résout; car, soit, par exemple : A à aucun B, mais à quelque C; les deux extrêmes se convertissent de même, relativement à A, de sorte que B n'est à aucun A, et C est à quelque A; A est alors pris pour moyen.
§ 22. Mais quand A est à tout B, et qu'il n'est pas à quelque C, il n'y a pas de résolution possible ; car aucune des deux propositions ne devient universelle par la conversion.
§ 23. Les syllogismes de la troisième figure seront aussi résolus dans la moyenne, quand le privatif est universel. Par exemple : Si A n'est à aucun C, et que B soit à quelque C, ou à tout C, alors C ne sera à aucun A, mais il sera à quelque B.
§ 24. Mais si le privatif est particulier, le syllogisme ne se résoudra pas; car le négatif particulier n'a pas de conversion possible.
§ 25. Il est évident que les mêmes syllogismes qui ne se résoudraient pas dans la première figure ne se résoudront pas davantage dans les deux autres; et que les autres syllogismes, se ramenant à la première figure, ceux-là sont les seuls qui concluent par l'absurde.
§ 26. On voit donc, d'après ce qui précède, quels sont les moyens de résoudre les syllogismes et de ramener les figures les unes aux autres.
Comparaison de
l'attribut négatif et de l'attribut indéterminé : différence de ces deux formes
d'attribution. - Affirmation et négation de l'attribut indéterminé. -
Comparaison des quatre espèces d'attributions affirmatives et négatives,
déterminées et indéterminées. - Exemples divers.
§ 1. Il importe beaucoup, soit qu'on établisse une proposition, soit qu'on la réfute, de savoir si ces expressions : Ne pas être telle chose, et : Être non telle chose, ont une signification identique ou différente : par exemple, s'il y a identité ou différence entre : N'être pas blanc, et : Être non blanc.
§ 2. En effet, ces expressions n'ont pas un sens absolument pareil; et la négation d'être blanc n'est pas : Être non blanc; mais c'est ; N'être pas blanc.
§ 3. En voici la raison : cette proposition ; Il peut marcher, est à celle-ci : Il peut ne pas marcher, dans le même rapport que : Il est blanc, est à : Il est non blanc; et cette proposition : Il sait le bien, à celle-ci : Il sait le non-bien. Enfin, cette locution : Il sait le bien, et celle-ci : Il est sachant le bien, ne diffèrent en rien, non plus que : Il peut marcher, ne diffère de : Il est pouvant marcher. Et de même pour les oppositions : Il ne peut pas marcher, il n'est pas pouvant marcher. Si donc cette proposition : Il n'est pas pouvant marcher, exprime la même chose que: Il est pouvant ne pas marcher, ou : Ne marcher pas, ces deux choses seront à la fois au même objet; car le même individu peut, et marcher, et ne marcher pas ; et il sait le bien et le non-bien. Mais l'affirmation et la négation opposées ne peuvent être à la fois vraies de la même chose. Donc, tout comme ce n'est pas une seule et même chose de ne pas savoir le bien, et de savoir le non-bien; de même, ce n'est pas chose identique non plus d'être non bon, et de ne pas être bon; car si, parmi des choses en proportion, les unes sont différentes, les autres doivent l'être aussi.
§ 4. Ce n'est pas non plus la même chose d'être non égal, et de n'être pas égal; car, d'une part, on subordonne quelque chose à ce qui est non égal, et ce quelque chose c'est l'inégal; mais, de l'autre part, on ne subordonne rien. C'est qu'en effet tout n'est pas égal ou inégal; mais tout est, ou égal, ou non égal.
§ 5. Ainsi encore : Il y a du bois non blanc, et : Il n'y a pas de bois blanc, sont deux assertions qui ne peuvent exister à la fois; car, s'il y a du bois non blanc, il y a donc du bois; mais, quand il, n'y a pas de bois blanc, il n'est pas du tout nécessaire qu'il y ait du bois.
§ 6. Donc, évidemment, de cette proposition : Il est bon, la négation n'est pas: Il est non bon. Et comme, de toute nécessité, il faut que, sur un objet quelconque, l'affirmation ou la négation soit vraie, si ce n'est pas la négation qui est vraie, il est clair que l'affirmation le sera en quelque manière. De plus, il y a négation à toute affirmation; et ici, par exemple, la négation est : Il n'est pas non bon.
§ 7. Voici l'ordre de ces oppositions entre elles. Soit : Être bon, représenté par A; n'être pas bon par B; être non bon par C, subordonné à B; et n'être pas non bon par D, subordonné à A. A ou B sera à tout, et ils ne seront tous deux à aucun même terme; C ou D sera également à tout, et les deux ensemble ne seront à aucun même terme; et tout ce qui a C doit avoir aussi B; car, s'il est vrai de dire que l'objet est non blanc, Il est vrai aussi de dire qu'il n'est pas blanc. II est impossible, en effet, qu'il soit à la fois blanc et non blanc; ou bien que le bois soit à la fois non blanc et blanc. Si donc il n'y a pas affirmation, il y a négation. Mais C ne suit pas toujours B; car ce qui n'est pas du tout du bois n'est pas non plus du bois non blanc. Mais, au contraire, tout ce qui a A doit avoir aussi D; car il a, ou C, ou D; mais, comme l'objet ne peut être à la fois blanc et non blanc, il aura D; en effet, de ce qui est blanc, il est vrai de dire qu'il n'est pas non blanc. Cependant A ne peut se dire de tout D; car, de ce qui n'est pas du tout bois, il n'est pas vrai de dire A, c'est-à-dire qu'il est du bois blanc. Ainsi, D est vrai; mais A ne l'est pas, à savoir que c'est du bois blanc. Il est clair aussi que A C ne peuvent être ensemble à aucun même terme, quoique B et D puissent être parfois tous deux à un terme identique.
§ 8. Il en serait de même pour la série des privations relativement aux attributions opposées. Soit égal, représenté par A; non égal par B; inégal par C; non inégal par D.
§ 9. En outre, dans beaucoup de cas où une même chose est à un terme et n'est pas à l'autre, la négation peut être également vraie : ou que tout n'est pas blanc ou que chaque chose n'est pas blanche, tandis que l'affirmation est fausse : ou que chaque chose est non blanche, ou que toutes choses sont non blanches. De même pour cette affirmation : Tout animal est blanc, la négation n'est pas : Tout animal est non blanc; car ces deux assertions sont fausses; mais bien : Tout animal n'est pas blanc.
Maintenant qu'il est bien évident que ces deux propositions : Il est non blanc et : Il n'est pas blanc, ont une signification différente, et que l'une est une affirmation et l'autre une négation, il est clair aussi que la manière de prouver l'une, et la manière de prouver l'autre, peuvent différer. Par exemple, on ne prouvera pas de chacune ces deux propositions : Tout ce qui est animal n'est pas blanc, ou bien, peut n'être pas blanc : L'on peut en dire avec vérité, non blanc; c'est-à-dire qu'il est non blanc. Tandis que pour ces assertions : Il est vrai de dire qu'il est blanc, ou bien : Qu'il est non blanc, le mode de démonstration est le même ; car ces deux propositions sont démontrées affirmativement par la première figure. Cette addition : Il est vrai, est placée ici tout comme le verbe: Est; car la négation de cette proposition : Il est vrai de dire blanc, n'est pas : il est vrai de dire non blanc, mais bien : Il n'est pas vrai de dire blanc. Si l'on veut démontrer qu'il est vrai de dire que tout ce qui est homme est, ou musicien, ou non-musicien, il faut supposer que tout ce qui est animal est musicien ou non-musicien; et la démonstration sera complète. Mais, si l'on veut prouver que tout ce qui est homme n'est pas musicien, on le démontrera par la négative des trois manières qu'on a dites.
§ 11. En général, lorsque A et B sont de telle sorte entre eux qu'ils ne peuvent être à la fois au même objet, mais que l'un des deux doit être nécessairement à tout; et, de plus, quand C et D sont dans le même rapport ; si A est conséquent de C sans lui être réciproque, D aussi sera conséquent de B sans lui être réciproque non plus; et alors A et D pourront être au même objet; mais B et C ne le pourront pas. D'abord, que D soit conséquent de B, en voici la preuve : l'un des deux termes, C, D, étant nécessairement à tout, et C ne pouvant être à ce à quoi est B, attendu qu'il amène avec lui A, et que A et B ne peuvent être au même objet, il est évident que D sera conséquent. En outre, puisque C n'est pas réciproque à A, et que C ou D est à tout, il est possible alors que A et D soient au même objet; mais B et C ne peuvent être au même objet, parce que A est conséquent de C; et qu'ainsi il y a là quelque chose d'impossible. Il est donc évident que B n'est pas réciproque à D, puisque A D peuvent être en même temps à l'objet.
§ 12. Il arrive aussi quelquefois qu'on se trompe dans cette disposition des termes, parce qu'on n'a pas bien pris les termes opposés, dont l'un doit être nécessairement à tout objet. Par exemple, soient A et B ne pouvant être ensemble au même objet, mais l'un étant nécessairement à ce à quoi l'autre n'est pas; de plus, C et D étant dans le même rapport; et A étant conséquent de tout C; si l'on en conclut que B est nécessairement à ce à quoi est D, c'est une erreur. Soit, en effet, la négation de A D, représentée par F; et de C D, par H. Il y a nécessité que A ou F soit à tout objet; car il faut qu'il y ait ou affirmation, ou négation. Et de même pour C ou H, car ce sont à l'affirmation et la négation ; or, l'on a supposé que A est à tout ce à quoi est C; et H sera aussi à tout ce à quoi est F. De plus, puisque l'un des termes F, B, est à tout objet, et que l'un des termes H, D, y est de même, H étant conséquent de F, B le sera aussi de D; et c'est ce que nous savons déjà. Si donc A est conséquent de C, B le sera de D, ce qui est faux; car la consécution était à l'inverse pour les termes qui sont dans ce rapport.
§ 13. C'est qu'il n'est peut-être pas nécessaire que A ou F soit à tout objet, non plus que F ou B, attendu que F n'est pas la négation de A; car la négation de : Il est bon, est : il n'est pas bon. Mais cette proposition : Il n'est pas bon, n'est pas de même valeur que celle-ci : Il n'est ni bon ni non bon. La démonstration serait pareille pour C D; car les négations prises plus haut seraient alors deux, pour une seule affirmation.