TRAITE DES RÊVES
ARISTOTE
Traduction de Jules Barthélemy-Saint-Hilaire
Paris : Ladrange, 1866
Numérisé par Philippe Remacle http://remacle.org/
Nouvelle édition numérique
https://www.i-docteurangelique.fr/DocteurAngelique 2008
PLAN
DU TRAITÉ DES RÊVES par Jules Barthélemy-Saint-Hilaire
CHAPITRE
I : A quelle faculté de l'âme se rapporte le rêve ?
CHAPITRE
III : Un certain repos est nécessaire dans le corps pour que le rêve se
produise
De la divination dans le sommeil
CHAPITRE I : Préjugés
répandus généralement en faveur des rêves.
Un phénomène
non moins singulier que le sommeil, c'est le rêve. A quelle partie de l'âme
s'adressent les apparences que les songes nous donnent ? Est-ce à
l'entendement, est-ce à la sensibilité, les deux seules parties de notre être
qui nous fassent connaître les choses ? Nous avons établi plus haut que le
sommeil était une impuissance de sentir; ce n'est donc pas la sensibilité qui
nous fait percevoir les rêves. Nous ne les percevons pas non plus par une
simple opinion; c'est-à-dire que nous ne savons pas seulement que l'objet de
notre songe existe ; nous savons, en outre, qu'il existe dans certaines
conditions, avec certaines qualités. Nous pensons dans le rêve quelque chose au
delà même des images qui nous ont apparu ; et c'est là ce dont on peut se
convaincre en essayant le matin de se rappeler les songes de la nuit. On
découvre par là qu'il y a dans le rêve autre chose encore que le rêve lui-même,
et que la pensée agit indépendamment et au delà de ce qui lui est alors
présenté. On voit, on entend quelque chose durant le songe; mais ce n'est pas
tout à fait comme dans la veille. L'affection qu'on éprouve ne s'adresse ni
tout à fait à l'intelligence, ni tout à fait à la simple opinion, ni tout à
fait à la sensibilité. C'est cependant la sensibilité qui est le plus atteinte,
puisque le sommeil lui-même est une certaine modification de la sensibilité. Le
rêve n'appartient qu'à l'animal qui dort, et l'animal ne dort qu'autant qu'il
est sensible; le rêve est une sorte d'image, et relève par conséquent aussi de
l'imagination, faculté si voisine de la sensibilité.
C'est du reste
un sujet très difficile; et, pour le mieux comprendre, il sera bon d'étudier
les circonstances diverses qui accompagnent le sommeil. Les choses sensibles
produisent en nous des sensations selon chacun des organes particuliers; mais
l'impression n'a pas lieu seulement quand la sensation agit; elle subsiste même
encore après. Le mouvement se propage de proche en proche, et peu à peu comme
celui des projectiles qui se déplacent, ou même comme les mouvements de simple
altération: la chaleur, par exemple. Ainsi l'impression n'est pas dans les
organes uniquement au moment même où ils sentent ; elle y est encore après
qu'ils ont cessé de sentir ; et elle est au fond aussi bien qu'à la surface.
Certains phénomènes nous prouvent très nettement cette persistance de la
sensation. Quand on passe du soleil à l'ombre, on est quelques instants sans
voir, parce que tout le mouvement que la lumière a causé dans les yeux y
continue encore. Si l'on arrête trop longtemps ses yeux sur une seule couleur,
on la revoit ensuite partout. Si l'on regarde fixement le soleil, les objets
que l'on regarde ensuite prennent successivement diverses couleurs. Souvent
c'est le mouvement seul des objets qui suffit pour nous causer ces
hallucinations de la vue : si l'on regarde longtemps couler une eau rapide,
tous les autres objets semblent ensuite se mouvoir. On devient sourd par suite
de bruits trop violents ; l'odorat s'émousse par l'action d'odeurs trop fortes.
D'autres faits pourraient prouver que nos sensations ont des mouvements extrêmement
petits, que souvent nous ne percevons pas, et qui n'en existent pas moins. On
pourrait citer particulièrement ce fait des miroirs où se marque une tache
couleur de sang, quand une femme qui a ses mois les approche de ses yeux. Il
est inutile de multiplier ces détails ; mais on peut en conclure que, même
après que l'action de l'objet sensible a cessé, les impressions n'en demeurent
pas moins dans les organes, et n'en continuent pas moins à y être sensibles.
Ajoutons que, sous le coup d'une sensation violente, nous sommes très sujets à
tomber dans l'erreur. Dans la passion, la moindre ressemblance avec l'objet qui
la cause suffit pour nous donner le change; dans la fièvre, les choses les plus
incohérentes nous présentent des apparences qui deviennent très vite
régulières. Le malade s'élance sur les objets qu'il croit voir aux murailles de
sa chambre. Même sans maladie, il suffit d'une simple superposition des doigts
pour que la réalité nous échappe. La chose nous semblerait double, toute simple
qu'elle est, si le témoignage de la vue n'était là pour rectifier le témoignage
trompeur du toucher. On pourrait citer encore bien d'autres illusions des sens.
Il se passe
donc en nous bien des mouvements que nous ne pouvons distinguer à la suite de
la sensation ; et ces mouvements se produisent dans le sommeil plus encore que
dans la veille. Dans le jour, ces mouvements, qui sont fort délicats,
disparaissent devant les sensations, qui sont elles-mêmes beaucoup plus fortes,
ou devant nos propres pensées qui absorbent toute notre attention. Au
contraire, durant le sommeil, quand le trouble de la veille s'est apaisé,
toutes ces impressions, qui se dirigent vers le centre de la sensibilité,
deviennent pour nous beaucoup plus claires et plus faciles à percevoir. Ces
impressions nombreuses et très diverses s'agitent, se détruisent et se
reforment, à peu près comme ces petits tourbillons qu'on remarque sur les eaux
courantes. Ils se brisent entre eux, ou sur les moindres obstacles qu'ils
rencontrent, et ils se reforment un peu plus loin. Quand le mouvement est
encore trop confus, le rêve n'a pas lieu; et voilà pourquoi on ne rêve pas
d'ordinaire aussitôt après le repas, parce que la chaleur qui vient de la
nourriture cause une agitation trop violente. On dirait d'un liquide ou l'image
des objets ne peut se former régulièrement, quand. il est trop agité, et où
elle devient parfaitement nette, quand il est en repos. De même, quand le
mouvement du sang s'est apaisé, et que toute l'organisation est rentrée dans le
calme, les impressions reçues durant la veille, et qui restent encore dans les
sens, deviennent perceptibles. Alors les impressions venues de la vue font
qu'on voit des images en songe ; celles qui sont venues de l'ouïe font qu'on
entend; et de même pour tous les autres organes. Le mouvement se communique
ainsi des organes au principe même de la sensibilité ; et le rêve produit en
nous des apparences toutes pareilles à celles que l'on a quelquefois dans les
hallucinations de la veille elle-même. Mais comme le principe supérieur qui
juge et compare toutes nos perceptions, est alors en partie réduit à
l'impuissance, il suffit aussi de la ressemblance la plus légère pour nous
faire illusion. Avec le sang qui se précipite en masse vers le principe
sensible, se précipitent aussi au même lieu les divers mouvements restés dans
les organes. De ces mouvements, les uns surnagent, les autres s'enfoncent,
pareils à ces grenouilles de sel, qui descendent au fond de l'eau, et qui
remontent ensuite à la surface, les unes après les autres, quand le sel qui les
enveloppe est fondu; ou pareils encore à ces nuages qui, dans leurs changements
rapides, forment les apparences les plus bizarres et les plus diverses. Tous
ces mouvements ne sont que des débris des sensations réelles; et ces débris suffisent
pour nous rappeler les objets eux-mêmes, avec toutes les imperfections que
d'ailleurs les songes présentent. Parfois nous sommes tout à fait dupes du rêve
; parfois aussi nous nous disons, même durant le sommeil, que ce n'est qu'une
vaine illusion. On peut donc conclure que le rêve est une sorte d'image qui se
produit durant le sommeil, et qui provient des débris de sensations laissés
dans les organes. On ne doit pas, du reste, confondre avec le rêve ces
demi-sensations que l'on éprouve, même durant le sommeil, par l'action de
certains faits extérieurs. Par exemple, on croit entendre, pendant qu'on dort,
un faible cri ; au réveil, on s'assure qu'en effet c'était le cri du coq qui
s'était fait entendre. On croit entrevoir en dormant une faible lumière; on
croit que c'est un rêve ordinaire ; mais, au réveil, on s'aperçoit qu'en effet
c'était la lueur d'une lampe qui agissait sur les yeux. La faculté du rêve
varie du reste beaucoup avec les divers tempéraments, et, par suite, avec l'âge
lui-même. Il y a des gens qui n'ont rêvé de leur vie ; d'autres qui ne rêvent
qu'en avançant en âge : c'est que chez eux le mouvement de l'évaporation était
beaucoup trop considérable; l'image ne peut se montrer, et ce n'est que quand
l'agitation cesse, que l'image paraît avec la netteté suffisante.
Est-ce à
l'entendement ou à la sensibilité ? Il y a dans le rêve quelque chose de plus
que la sensation : rôle de l'opinion. Le rêve n'appartient exclusivement ni à
le sensibilité, ni à l'intelligence, ni à l'opinion : il se rapporte à
l'imagination, laquelle n'est elle-même qu'une modification de la sensibilité.
§1. Après avoir étudié le
sommeil, il faut passer aux rêves, et rechercher d'abord à quelle partie de
l'âme se montre le rêve. Est-ce une affection de l'entendement ou de la
sensibilité, les deux seules parties de notre être qui nous fassent connaître
les choses ?
§2. La fonction de la vue,
c'est de voir ; celle de l'ouïe, c'est d'entendre ; et, en général, la fonction
de la sensibilité, c'est de sentir. De plus, il y a certaines choses communes à
tous les sens, telles que la forme, le mouvement, la grandeur, et autres qualités
de même genre ; et il y en a d'autres qui sont spéciales, comme la couleur, le
son, la saveur. Or, quand on ferme les yeux, et quand on dort, on n'est point
en état d'avoir la sensation de la vue, on n'a pas davantage les autres ;
ainsi, il est clair que nous ne sentons rien durant le sommeil. Ce n'est donc
pas par la sensation que nous sentons le rêve.
§3. Nous ne le sentons pas
non plus par la simple opinion ; car nous ne disons pas seulement que l'objet
qui se présente alors est homme ou cheval ; nous disons encore que cet objet
est blanc ou qu'il est beau ; et sans le secours de la sensation, la simple
opinion ne pourrait rien nous dire de tout cela, ni de vrai ni de faux. Mais
c'est là précisément ce que fait l'âme dans les rêves, puisque nous croyons
voir alors, tout aussi réellement que dans la veille, que celui qui se présente
est homme, et de plus qu'il est blanc. Dans le rêve, nous sentons donc encore
quelque chose de plus que l'objet, de même que dans la veille, quand nous
sentons un objet. En effet, souvent nous ne sentons pas seulement l'objet, mais
nous en pensons encore quelque chose ; de même aussi dans les rêves, nous
pensons quelque fois autre chose encore au-delà des images qui nous
apparaissent.
§4. Cela sera parfaitement
évident pour quiconque, après le réveil, appliquera son esprit à se rappeler
les rêves qu'il a eus. Quelques personnes ont ainsi revu leurs rêves, comme en
observant les règles de la mnémonique on apprend à se représenter les choses
proposées. En effet, il arrive souvent à ceux qui prennent cette habitude,
qu'outre le rêve ils se remettent encore sous les yeux quelqu'autre image, dans
le lieu qui reçoit les images.
§5. Ceci prouve bien que la
représentation aperçue dans le sommeil n'est pas toujours un rêve, et que ce que
pense alors notre intelligence, elle en a connaissance par l'opinion.
§6. Il est évident encore
que pour tous les phénomènes de ce genre, la cause qui fait que dans certaines
maladies nous nous trompons même tout éveillés, est celle aussi qui, dans le sommeil,
produit sur nous l'impression du rêve. Et même, on a beau être en pleine santé,
on a beau savoir fort bien ce qu'il en est, le soleil paraît toujours n'avoir
qu'un seul pied de large. Mais, soit que l'imagination et la sensibilité soient
dans l'âme deux facultés identiques, ou qu'elles soient différentes, le rêve ne
se produit pas néanmoins sans que l'on voie et que l'on sente quelque chose. En
effet, mal voir, mal entendre ne peut appartenir qu'à un être qui voit et qui
entend quelque chose de vrai, bien que ce quelque chose ne soit pas ce qu'il
croit. Mais on suppose que dans le sommeil on ne voit rien, qu'on n'entend
rien, en un mot qu'on ne sent rien. Faut-il donc admettre que, s'il est vrai
qu'on ne voie rien dans le rêve, il n'est pas vrai que la sensibilité n'éprouve
rien ? Mais il se peut que la vue et les autres sens éprouvent alors quelque
affection ; chacune des impressions agit à peu près comme si l'on était
éveillé, et elles frappent la sensibilité d'une certaine manière ; mais ce n'est
pas tout à fait cependant comme durant la véritable veille. Ainsi, tantôt
l'opinion nous dit que ce que nous voyons alors est faux, comme elle nous le
dit dans la veille ; et tantôt, elle est saisie par l'image et se laisse
entraîner à sa suite.
§7. Il est donc certain que
cette affection que nous appelons le rêve n'appartient, ni à la faculté de
l'opinion, ni à celle de l'intelligence. Elle ne relève absolument non plus de
la sensibilité ; car alors on verrait, on entendrait tout à fait.
§8. Mais recherchons comment
ce phénomène est possible et comment il se passe. Supposons donc, ce qui du
reste est évident, que c'est là une affection de la sensibilité, puisque le
sommeil en est une aussi ; et en effet, la faculté du sommeil n'appartient pas
à tel animal et la faculté du rêve à tel animal différent : elles sont réunies
toutes deux dans le même être.
§9. Nous avons déjà parlé de
l'imagination dans le Traité de l'âme, et nous y avons dit que l'imagination
est la même chose que la sensibilité ; mais que la manière d'être de la
sensibilité et celle de l'imagination sont différentes ; nous avons défini
l'imagination : le mouvement produit par la sensation en acte. Or, le rêve
paraît bien être une sorte d'image ; car nous appelons rêve l'image qui se
montre durant le sommeil, qu'elle se produise, soit d'une manière absolue, soit
d'une manière quelconque.
§10. Il est donc évident que
rêver appartient à la sensibilité, et lui appartient en tant qu'elle est douée
d'imagination.
L'impression
sensible demeure dans les organes après que l'objet sensible a disparu : loi
générale de la transmission du mouvement, soit de translation, soit
d'altération. Effets consécutifs de certaines sensations trop prolongées. Dans
l'acte de la vision, si la vue est passive, elle est certainement active aussi
: singulier effet que produisent les miroirs, les yeux des femmes qui sont dans
leurs mois : les vins et les huiles sont affectés à distance par les odeurs. –
Hallucinations et erreurs des sens dans diverses circonstances ; effets des
passions violentes ; la boulette de pain sous les doigts.
§1. Ce qui nous fera le
mieux comprendre ce que c'est que le rêve, et comment il a lieu, ce sont les
circonstances qui accompagnent le sommeil.
§2. Les choses sensibles
produisent en nous la sensation selon chacun de nos organes ; et l'impression
qu'elles causent n'existe pas seulement dans les organes, quand les sensations
sont actuelles ; cette impression y demeure, même quand la sensation a disparu.
§3. Le phénomène qu'on
éprouve alors paraît être à peu près le même que celui qui se passe dans le
mouvement des projectiles. Ainsi, les corps qui ont été lancés continuent à se
mouvoir, même après que le moteur a cessé de les toucher, parce que ce moteur a
d'abord agi sur une certaine portion de l'air, et qu'ensuite cet air a
communiqué à une autre partie le mouvement qu'il avait lui-même reçu ; et c'est
ainsi que jusqu'à ce que le projectile s'arrête, il produit son mouvement, soit
dans l'air soit dans les liquides. Il faut supposer encore la même loi dans les
mouvements de simple altération. Ainsi, ce qui est échauffé par une chaleur
quelconque échauffe la partie voisine ; et la chaleur se transmet jusqu'au
bout. Il y a donc nécessité que ceci se passe également dans l'organe siège de
la sensibilité, puisque la sensation en acte n'est qu'une sorte d'altération.
C'est là ce qui fait que l'impression n'est pas seulement dans les organes au
moment où ils sentent, mais qu'elle y reste encore quand ils ont cessé de
sentir, et qu'elle est au fond tout comme elle est à la surface.
§4. Ceci est bien frappant
quand nous avons senti quelque objet d'une manière prolongée. Alors, on a beau
faire cesser la sensation, l'impression persiste ; et ainsi, par exemple, quand
on passe du soleil à l'ombre, durant quelques instants on ne peut voir rien,
parce que tout le mouvement, sourdement causé dans les yeux par la lumière, y
continue encore. De même, si nous arrêtons trop longtemps notre vue sur une
seule couleur, soit blanche, soit jaune, nous la revoyons ensuite sur tous les
objets où, pour changer, nous reportons nos regards ; et si nous avons dû
cligner les yeux en regardant le soleil ou telle autre chose trop brillante, il
nous paraît aussitôt, que quel que soit l'objet que nous regardions après, que
nous le voyons d'abord de cette même couleur, puis ensuite qu'il devient rouge,
puis violet, jusqu'à ce qu'il arrive à la couleur noire et disparaisse à nos
yeux.
§5. Même le mouvement seul
des objets suffit pour causer en nous ces changements. Ainsi, il suffit de
regarder quelque temps les eaux des fleuves, et surtout de ceux qui coulent
très rapidement, pour que les autres choses qui sont en repos paraissent se
mouvoir. C'est encore ainsi qu'on devient sourd par suite de bruits trop
violents, et que l'odorat s'émousse par l'action de trop fortes odeurs ; et de
même pour tout le reste.
§6. Tous ces phénomènes ont
lieu de cette façon, évidemment.
§7. Une preuve de la
rapidité avec laquelle les organes perçoivent même une très petite différence,
c'est ce qui se passe dans les miroirs, sujet sur lequel on peut s'arrêter
soi-même, si l'on désire l'étudier et lever les doutes qu'il peut faire naître.
Ce fait des miroirs prouvera également bien que, si la vue souffre quelque
chose, elle agit aussi. Quand les miroirs sont parfaitement nets, il est
certain que si des femmes qui sont dans leurs mois s'y regardent, il s'étend
sur la surface du miroir comme un nuage de vapeur sanguine. Si le miroir est
neuf, il n'est pas facile de faire disparaître cette tache ; au contraire, il
est facile de l'enlever si le miroir est vieux.
§8. La cause de ce fait,
c'est comme nous l'avons déjà dit, que non seulement la vue éprouve quelque
chose de l'air, mais aussi qu'elle agit elle-même sur lui et y cause un
mouvement, tout comme en causent les objets brillants. La vue, en effet, peut
être classée parmi les choses qui brillent et qui ont une couleur. Il est donc
tout simple que les yeux des femmes qui sont dans leurs mois, soient dans une
même disposition que toute autre partie de leur corps, puisque les yeux sont
aussi remplis de veines. A l'époque des règles, le changement qui survient dans
les yeux, par suite du trouble général de l'organisation, et de l'inflammation
sanguine, peut très bien échapper à notre observation, mais il n'en existe pas
moins. Or, la nature du sperme et celle des règles sont les mêmes. Ces deux
liquides agissent sur l'air qui les touche ; et cet air communique à celui qui
est sur les miroirs et qui ne fait qu'un avec lui, la même modification qu'il
ressent lui-même ; puis enfin, cet air agit sur la surface du miroir.
§9. C'est absolument comme
pour les étoffes ; les plus blanches et les plus propres sont celles qui se
tachent le plus vite, parce que ce qui est propre montre vivement tout ce qui
l'atteint, et surtout les mouvements les plus faibles. L'airain, par cela même
qu'il est parfaitement uni, sent les contacts les plus légers. Or, il faut
regarder ce contact de l'air comme une pression, comme un essuiement, et le
frôlement d'un liquide ; et quelque léger que soit cet attouchement, il se
marque parce que le miroir est très-pur. Si la tache ne s'en va pas aisément
des miroirs neufs, c'est précisément qu'ils sont purs et unis ; car elle entre
dans ces miroirs en profondeur et en tous sens : en profondeur parce qu'ils
sont purs ; et elle se répand dans tous les sens, parce qu'ils sont unis. La
marque ne reste pas sur les vieux miroirs, parce que la tache n'y entre pas
autant, et qu'elle demeure davantage à la surface.
§10. Ceci prouve donc que le
mouvement peut être produit par de minimes différences, que la sensation est
très rapide, et que non seulement l'organe des couleurs souffre quelque
modification, mais qu'il réagit lui-même. On peut citer, à l'appui de cette
opinion, les phénomènes qui se passent dans la fabrication des vins et dans
celle des parfums. L'huile qu'on a toute préparée prend très vite l'odeur des
parfums qu'on a mis près d'elle ; et les vins éprouvent la même influence. Ils
contractent les odeurs non seulement des corps que l'on place près des vases
qui les renferment, ou celles des fleurs qui poussent dans le voisinage.
§11. Pour en revenir à la
question que nous nous étions proposée au début, il faut admettre ce principe,
qui ressort évidemment de tout ce que nous avons dit, à savoir : que même si
l'objet sensible a disparu au dehors, les impressions senties n'en demeurent
pas moins dans les organes, et y demeurent sensibles.
§12. Ajoutons que nous nous
trompons très facilement sur nos sensations au moment même où nous les
éprouvons, ceux-ci dominés par telle affection, ceux-là par telle autre tache :
le lâche, par sa frayeur ; l'amoureux, par son amour ; l'un croyant voir
partout ses ennemis ; et l'autre, celui qu'il aime. Et plus la passion nous
domine, plus la ressemblance apparente, qui suffit pour nous faire illusion,
peut être légère. On observe aussi que tous les hommes se trompent très
aisément quand ils sont sous le coup d'une colère violente ou d'une passion
quelconque ; l'erreur leur est alors d'autant plus facile qu'ils sont plus
passionnés. De là vient aussi que dans les accès de la fièvre, il suffit de la
moindre ressemblance formée par des lignes qui se rencontrent au hasard, pour
faire croire au malade qu'il y a des animaux sur la muraille de sa chambre ; et
quelques fois ces hallucinations suivent en intensité les progrès du mal. Si
l'on est pas très malade, on reconnaît bien vite que c'est une illusion ; mais
si la souffrance devient plus forte, le malade va jusqu'à faire des mouvements
vers les objets qu'il croit voir.
§13. La cause de tous ces
phénomènes tient à ce que ce n'est pas la même faculté de l'esprit, qui est
chargée de juger les choses, et qui reçoit en elle les images. Une preuve de
ceci, c'est que le soleil paraît n'avoir qu'un pied de largeur. Un autre fait
que l'on cite souvent pour démontrer les erreurs de l'imagination, c'est qu'une
simple superposition des doigts suffit pour nous faire croire qu'une seule
chose devient deux, sans que cependant nous allions jusqu'à dire qu'il y ait
réellement deux choses ; car ici le témoignage de la vue l'emporte sur celui du
toucher. Mais si le toucher était tout seul, nous jugerions que cette chose qui
est une en est deux. Ce qui cause notre erreur, c'est que non seulement ces
apparences se produisent par nous, quand la chose sensible vient à se mouvoir
d'une façon quelconque, mais encore quand le sens est en lui-même mis en
mouvement, et qu'il reçoit un mouvement analogue à celui qu'il aurait reçu de
la chose sensible. Je veux dire, par exemple, que quand on est dans un vaisseau
en marche, le rivage semble être en mouvement, bien que la vue soit
certainement mise en mouvement par une autre chose que le rivage.
L'agitation,
qui est continuelle pendant la veille, empêche que le centre sensible ne sente
le mouvement qui suit les impressions. – Diverses natures des rêves, suivant
les organisations et les dispositions. – Rapport des rêves aux hallucinations
qu'on a durant la veille. – Les rêves ne sont que des débris des sensations
éprouvées, et la conséquence des mouvements donnés aux organes par les
impressions sensibles ; moyen de s'en assurer : perceptions réelles durant le
sommeil. – Influence de l'âge sur les rêves.
§1. Bien des choses prouvent
donc évidemment que ce n'est pas seulement pendant la veille que se produisent
les mouvements causés par les sensations, soit que ces sensations viennent du
dehors, soit qu'elles surgissent de l'intérieur du corps qui les éprouve ; mais
aussi, que ces mouvements se produisent pendant qu'à lieu l'affection spéciale
qu'on nomme le sommeil, et que c'est surtout alors qu'ils se manifestent.
§2. Dans le jour, en effet,
ils sont écartés, et par les sensations qui agissent sur nous, et par
l'exercice de la pensée ; ils disparaissent comme un petit feu devant un feu
immense ; comme des maux et des plaisirs légers disparaissent devant des maux et
des plaisirs plus grands. Au contraire, quand nous sommes calmés, les choses
les plus délicates surnagent [et se font sentir]. Ainsi, pendant la nuit
l'inactivité de chacun des sens particuliers, et l'impuissance d'agir où ils
sont, parce qu'il y a reflux de la chaleur du dehors au dedans, ramènent toutes
ces impressions qui étaient insensibles durant la veille, au centre même de la
sensibilité ; et elles deviennent parfaitement claires, quand le trouble est
apaisé.
§3. Il faut supposer que,
pareil aux petits tourbillons qui se forment dans les fleuves, et que les eaux
emportent, chaque mouvement de sensation se répète continuellement ; souvent
ces petits tourbillons se reproduisent de la même manière, et souvent ils sont
rompus en formes toutes différentes, par les obstacles qu'ils rencontrent et
sur lesquels ils se brisent.
§4. Voici pourquoi les rêves
ne surviennent pas [immédiatement] après le repas, et pourquoi les enfants très
jeunes n'en n'ont point ; c'est que le mouvement causé par la chaleur qui vient
de la nourriture est très considérable. C'est tout à fait comme dans un liquide
qu'on agite vivement ; l'image ne peut pas du tout y paraître ; ou s'il en
paraît une, elle y est toute déformée et dispersée, reproduisant l'objet tout
autre qu'il n'y est. Au contraire, quand le liquide est en repos, les images
sont nettes et parfaitement visibles. De même aussi quand on dort, les images
qui se forment alors, et les mouvements qui restent de la veille et proviennent
des sensations, sont tantôt tout à fait annulés, quand le mouvement dont on
vient de parler est par trop considérable ; tantôt les visions qui apparaissent
sont toutes terribles et toutes monstrueuses ; et les rêves sont malsains et
incomplets, comme il arrive aux mélancoliques, à ceux qui ont de la fièvre, et
à ceux qui ont pris du vin. En effet, toutes ces affections venant des esprits,
causent dans l'organisation un grand mouvement et un grand trouble.
§5. Dans les animaux qui ont
du sang, une fois que le sang s'est apaisé, et que la séparation s'y est faite,
le mouvement qui reste encore des impressions reçues durant la veille par
chacun des sens, rend les rêves complets et sains. Alors il se montre des
apparences distinctes ; et il semble qu'on voit, grâce aux impressions qui ont
été déposées par la vue ; qu'on entend, grâce à celles de l'ouïe ; et de même
pour les impressions venues des autres organes des sens.
§6. C'est en effet parce que
le mouvement se communique de ces organes au principe de la sensibilité, que
parfois même tout éveillé, on croit voir, entendre et sentir certaines choses.
C'est aussi parce que la vue semble quelque fois être mue, sans l'être
réellement, que nous affirmons que nous voyons ; c'est parce que le toucher
nous atteste deux mouvements qu'il nous semble qu'une seule chose en est deux.
[Dans ces divers cas] le principe sensible nous informe simplement de la
perception qui naît de chaque sens, à moins que quelque autre sens supérieur ne
vienne donner un témoignage contraire. L'apparence se montre donc bien complète
; mais l'esprit n'admet pas complètement ce qui se montre ainsi à lui, à moins
que la faculté qui juge en dernier ressort, ne soit empêchée et n'ait plus de
mouvement propre.
§7. Or, de même que l'on
peut être très aisément trompé, comme nous l'avons dit, tantôt par une passion,
tantôt par une autre ; de même quand on dort, on est trompé par le sommeil, par
l'ébranlement des organes et par toutes les autres circonstances qui
accompagnent la sensation. Il suffit alors de la plus petite ressemblance pour
que nous confondions les objets entre eux.
§8. Durant le sommeil, en
effet, le sang descendant en plus grande masse vers le principe sensible, tous
les mouvements qui se trouvent à l'intérieur, les uns en puissance, les autres
en acte, s'y rendent avec lui ; et ces mouvements sont disposés de telle sorte
que, dans cette concentration, ce sera tel mouvement qui surnagera au-dessus
des autres ; et si le premier disparaît, un second prendra sa place. On
pourrait d'ailleurs les comparer, dans leurs rapports les uns aux autres, à ces
grenouilles factices qui montent à la surface de l'eau, quand le sel qui les
enveloppe est fondu. De même les mouvements ne sont d'abord qu'en puissance ;
mais ils agissent dès que l'obstacle qui les empêche a cessé ; et perdus dans
le peu de sang qui reste alors aux organes, ils prennent la ressemblance des
objets qui émeuvent habituellement les sens. Comme ces apparences formées par
les nuages qui, dans leurs changements rapides, semblent, tantôt des hommes, et
tantôt des centaures.
§9. Tout cela n'est, ainsi
qu'on l'a dit, qu'un débris de la sensation en acte ; et quand la véritable
sensation a disparu, il en reste dans les organes quelque chose dont il est
vrai de dire, par exemple, que cela ressemble à Coriscus, mais non pas que
c'est Coriscus. Or, quand le sens qui juge en maître et prononce
définitivement, sentait réellement, il ne disait pas que ce fût là Coriscus,
bien que ce fût par là qu'il reconnût le Coriscus véritable. Ainsi,
certainement pour cette chose dont on disait quand on la sentait, qu'elle était
Coriscus, on éprouve [dans le sommeil], à moins que le sang n'y mette un si
complet obstacle qu'on soit comme si l'on ne sentait pas, l'impression des
mouvements qui sont encore dans les organes ; l'objet semblable paraît être
l'objet réel lui-même ; et telle est la puissance du sommeil, qu'elle est assez
grande pour nous dissimuler ce qui se passe alors.
§10. Par exemple, quelqu'un
qui ne s'apercevrait pas avoir mis le doigt sous son oeil qu'il presse, non
seulement verrait la chose double toute simple qu'elle est, mais de plus il
croirait qu'elle est double réellement ; si au contraire il n'ignore pas la
position de son doigt, la chose lui paraîtra double, mais il ne pensera pas
qu'elle le soit.
§11. Il en est de même dans
le sommeil : si l'on sent que l'on dort, si l'on a conscience de la perception
qui révèle la sensation du sommeil, l'apparence se montre bien ; mais il y a en
nous quelque chose qui dit qu'elle paraît Coriscus, mais que ce n'est pas là
Coriscus ; car souvent quand on dort, il y a quelque chose dans l'âme qui nous
dit que ce que nous voyons n'est qu'un rêve. Au contraire, si l'on ne sait pas
qu'on dort, rien alors ne contredit l'imagination.
§12. Afin de se convaincre
que nous sommes ici dans le vrai, et qu'il y a dans les organes des mouvements
capables de produire des images, on n'a qu'à faire l'effort nécessaire pour se
rappeler ce qu'on éprouve quand on est endormi [profondément], et qu'on est
réveillé [en sursaut]. On pourra, en effet, si l'on s'y prend avec quelque
adresse, s'assurer en s'éveillant que les apparences qu'on voyait durant le
sommeil ne sont que des mouvements dans les organes. Souvent, les enfants
voient très distinctement, quand ils sont dans les ténèbres, beaucoup d'images
qui s'y meuvent ; et leur peur est parfois assez forte pour les forcer à se
cacher.
§13. Nous pouvons donc,
d'après tout ceci, conclure que le rêve est une sorte d'image, et ajouter qu'il
se produit durant le sommeil ; car les apparences que je viens de citer ne sont
pas des rêves, non plus que ces autres apparences analogues qui se montrent à
nous, même quand nos sens sont libres.
§14. Le rêve n'est pas non
plus toute image quelconque qui se montre durant le sommeil ; car d'abord il se
peut quelquefois que durant le sommeil on sente en partie le bruit, la lumière,
la saveur, le contact ; mais faiblement il est vrai, et comme de très loin.
Ainsi, bien des gens qui, en dormant entrevoyaient faiblement une lumière, que
dans leur sommeil ils prenaient pour celle d'une lampe, ont reconnu aussitôt
après leur réveil, que c'était bien réellement la lumière d'une lampe. Des gens
qui entendaient faiblement le chant du coq ou le cri des chiens, les ont
reconnus très clairement en se réveillant. D'autres répondent dans leur sommeil
aux questions qu'on leur fait.
§15. C'est qu'il se peut,
pour le sommeil et pour la veille que, l'un des deux étant absolu, l'autre
aussi soit partiel. L'on ne peut dire alors d'aucun de ces deux états, que ni
l'un ni l'autre soit un rêve, pas plus qu'on ne peut le dire de toutes les
vraies pensées qui nous viennent dans le sommeil, indépendamment des images.
Mais l'image produite par le mouvement des impressions sensibles quand on est
dans le sommeil, et en tant qu'on dort, voilà ce qui constitue vraiment le
rêve.
§16. Il y a des gens qui
n'ont jamais rêvé de toute leur vie ; mais ces exceptions sont forts rares,
quoiqu'il y en ait pourtant quelques unes. Pour les uns, cette absence de rêves
a été perpétuelle ; pour les autres, les rêves ne leur sont venus qu'avec les
progrès de l'âge, sans qu'auparavant ils en eussent jamais eu. Il faut croire
que la cause qui fait qu'on ne rêve pas, est à peu près la même que celle qui
fait qu'on n'a pas de rêves quand on dort aussitôt après le repas ; et que les enfants
non plus ne rêvent point. Dans tous les tempéraments où la nature agit de telle
sorte qu'une évaporation considérable monte vers les parties supérieures, et
produit ensuite, en redescendant, un mouvement non moins considérable, il est
tout simple qu'aucune image ne se montre. Mais on conçoit très-bien qu'avec les
progrès de l'âge, il arrive des rêves ; car, du moment qu'un changement
survient, soit par l'âge, soit par une affection quelconque, il faut aussi
qu'il arrive le contraire de ce qui avait lieu auparavant.
J. BARTHELEMY SAINT-HILAIRE
(Paris,
1847)
Il est absurde de croire qu'ils viennent de Dieu. – Les rêves
peuvent être les signes des dispositions intérieures de notre corps ; et les
médecins feraient très-bien d'y donner une sérieuse attention. – Les rêves
peuvent, en outre, être la conséquence de certaines actions faites durant la
veille, et, à leur tour aussi, déterminer quelques autres actions. – Pour tout
le reste, ils ne sont que des coïncidences purement accidentelles.
§1. Quant à la divination qui nous vient dans le sommeil, et qui peut, dit-on, se tirer des rêves, il est également embarrassant et de la dédaigner et d'y croire.
§2. D'un côté, l'opinion générale, ou du moins l'opinion fort commune, c'est que les songes ont un sens ; et cette croyance semble ainsi mériter quelque attention, parce qu'elle paraît fondée sur l'expérience. Par là on peut se laisser aller à croire que la divination au moyen des songes a lieu dans certains cas ; et une fois qu'on admet qu'il y a en ceci quelque apparence de raison, on n'est pas loin de supposer qu'il en peut être de même de tous les autres songes.
§3. D'autre part, comme on ne voit aucune cause qui, raisonnablement, puisse justifier cette opinion, on est poussé à n'y pas ajouter foi ; car, en supposant que ce soit Dieu qui les envoie, voici une première absurdité, sans parler de bien d'autres encore : ces révélations sont accordées, non pas aux hommes les plus sages et les meilleurs, mais aux premiers venus.
§4. Une fois qu'on a écarté cette cause, toute divine, des songes, il n'en reste pas une seule parmi toutes les autres, qui doive paraître admissible ; car, que l'on puisse croire qu'il y a des gens qui voient ce qui se passe aux Colonnes d'Hercule ou sur les rives du Borysthène, c'est là ce qui dépasse notre intelligence, et nous renonçons à expliquer d'où viennent de telles croyances.
§5. Il faut donc ou que les rêves soient la cause de certains phénomènes, ou qu'ils en soient les signes, ou enfin qu'ils soient de simples coïncidences ; ils peuvent être tout cela, ou seulement quelques-unes de ces choses, ou même n'en être qu'une seule. Quand je dis cause, j'entends, par exemple, que la lune est cause des éclipses du soleil, et que la courbature est cause de la fièvre. Le signe de l'éclipse, c'est que l'astre entre dans le disque du soleil ; le signe de la fièvre, c'est que la langue est rude et amère. Enfin, la simple coïncidence, c'est que le soleil s'éclipse au moment où je marche. En effet, cette dernière circonstance n'est ni le signe ni la cause de l'éclipse, pas plus que l'éclipse n'est la cause qui fait que je marche. Voilà pourquoi la coïncidence n'est jamais ni perpétuelle, ni même ordinaire.
§6. Mais, parmi les songes, quelques-uns ne peuvent-ils pas être les causes, et d'autres, les signes, par exemple, de ce qui se passe dans le corps ? Aussi, même les médecins habiles prétendent-ils qu'il faut donner la plus sérieuse attention aux rêves. C'est là encore un genre d'observation que peuvent très raisonnablement faire ceux qui, sans être versés dans l'art médical, savent observer les choses d'une manière vraiment philosophique.
§7. Les mouvements de cette nature, en effet, qui se produisent en nous durant le jour, à moins qu'ils ne soient très-considérables et très-violents, disparaissent et nous échappent à côté des mouvements bien autrement forts que la veille produit. Dans le sommeil, c'est tout le contraire ; alors les plus petits mouvements paraissent énormes ; et ce qui le prouve, c'est ce qui arrive souvent dans cet état. On s'imagine entendre la foudre et les éclats du tonnerre, parce qu'un tout petit bruit s'est produit dans les oreilles ; on s'imagine sentir du miel et les saveurs les plus douces, parce qu'une goutelette imperceptible d'humeur vient à couler sur la langue. On croit traverser des brasiers et être brûlé, parce qu'on a quelque petite cuisson dans une partie quelconque du corps. On reconnaît sans peine toutes ces illusions quand on se réveille.
§8. Or, comme les débuts de toutes choses sont toujours très-faibles, les commencements des maladies et de toutes les affections que le corps doit subir, le sont également ; et il est évident que tous ces légers symptômes doivent être nécessairement plus clairs dans le sommeil que dans la veille.
§9. Il n'est pas plus absurde de supposer que quelquefois des visions qui se montrent dans le sommeil, aient été cause de certaines actions personnelles à chacun de nous. Ainsi, soit avant un acte que nous devons accomplir, soit pendant que nous l'accomplissons, ou après que nous l'avons accompli, nous y pensons souvent, et le faisons dans des rêves qui s'y rapportent exactement. Ce qui est tout simple, puisque le mouvement a été préparé par les éléments mêmes recueillis durant le jour. En prenant l'inverse de ceci, il est encore également nécessaire que les mouvements qui se passent dans le sommeil, soient souvent le principe de certaines actions que nous faisons pendant le jour, parce que déjà la première idée de ces choses s'est présentée à nous durant les rêves de la nuit.
§10. Voilà comment les rêves peuvent être parfois les causes ou les signes de certaines choses.
§11. Mais la plupart ne sont que des coïncidences toutes fortuites ; et surtout ceux qui sortent du cercle ordinaire des choses, et dont le principe n'est pas en nous ; par exemple, ceux qui nous retracent des combats de mer et des évènements arrivés dans des lieux éloignés. Il en doit être dans tous ces cas probablement comme quand on se souvient d'une chose, et que cette chose arrive précisément à ce moment même. Pourquoi, en effet, n'en serait-il pas de même dans les rêves ? Loin de là, il est très vraisemblable que bien souvent les choses se passent ainsi. De même donc que se souvenir de quelqu'un, ce n'est ni le signe ni la cause que cette personne approche, de même non plus le rêve ne saurait être pour celui qui le voit, ni un signe ni une cause de la réalité qui vient à la suite ; ce n'est qu'une coïncidence. Aussi, bien des rêves ne se réalisent-ils pas, parce que, je le répète, les coïncidences accidentelles ne sont jamais ni perpétuelles, ni même ordinaires.
Rêves fréquents des mélancoliques. – Intervention du hasard,
même dans les phénomènes célestes. – Réfutation d'une opinion de Démocrite :
autre hypothèse proposée pour certains rêves. – Rêves et prévisions de quelques
extatiques. – Règles de l'interprétation des rêves : qualité d'esprit que cette
explication exige.
§1. Ajoutons cette autre observation générale : comme il y a aussi des animaux qui rêvent, on ne saurait dire que les songes leur soient envoyés par la divinité ; ou du moins s'ils le sont, ce n'est certainement pas pour leur révéler l'avenir. Mais ces songes seront, si l'on veut, l'œuvre des génies, et n'est point divine.
§2. Ce qui prouve encore ceci, c'est qu'il y a des gens tout à fait inférieurs qui ont en songe des révélations de l'avenir, et dont les rêves se réalisent ; certes ce n'est pas la divinité qui les leur envoie. Mais tous les hommes dont la nature est à la fois bavarde et mélancolique, ont très souvent des visions de tout genre. Comme ils ont des émotions nombreuses et de diverses natures, ils finissent, dans leurs songes, par en rencontrer quelques-unes qui se rapportent à la réalité, pareils à ces joueurs qui doublant toujours finissent par gagner. C'est le cas du proverbe : "Si vous lancez beaucoup de flèches, vous finirez toujours par attraper quelque chose." Ici, il en est absolument de même.
§3. Il n'y a donc rien d'étonnant que beaucoup de rêves ne se réalisent point. C'est ce qui arrive même pour les signes célestes, qui ne se réalisent pas toujours dans les grands corps de la nature ; par exemple, les signes des pluies et des vents. En effet, s'ils survient quelque mouvement plus fort que le mouvement antérieur, qui produisait le signe quand il devait agir, ce mouvement ne se réalise pas. C'est ainsi que souvent les plus belles résolutions qui réglaient notre conduite, doivent céder devant des considérations plus fortes.
§4. En général tout ce qui doit arriver n'arrive pas toujours ; et ce qui sera n'est pas du tout la même chose que ce qui doit être. Mais, tout ce que l'on peut dire, c'est que ce sont là des principes d'où il n'est rien sorti, et qu'ils sont les signes de choses qui ne sont pas arrivées.
§5. Quant aux songes qui ne viennent pas des causes que nous avons indiquées, mais qui se rapportent à des temps, des distances, et des grandeurs qu'on ne peut mesurer, ou qui, même sans avoir aucun de ces caractères, ont apparu à des personnes qui n'en avaient pas en elles-mêmes les principes, il faut dire que, si les prévisions de ce genre ne sont pas de pures coïncidences, l'explication suivante est du moins plus admissible que celle de Démocrite, recourant à des copies et à des émanations des choses.
§6. Ainsi, quand on agite l'eau ou l'air, l'air et l'eau peuvent communiquer le mouvement à quelque autre objet ; et quand le mouvement initial s'est arrêté, le second peut se propager jusqu'à un certain point, bien que le moteur ait cessé d'agir. De même, il se peut fort bien que certain mouvement, certaine sensation, parvienne jusqu'aux âmes durant les rêves ; et de là Démocrite tire ses copies et ses émanations des choses ; et ces mouvements, de quelque façon qu'ils arrivent à l'âme, sont plus sensibles durant la nuit. Dans la journée, au contraire, ils se dissipent aisément, tandis que l'air est de nuit moins agité que de jour ; les nuits étant plus calmes, ces mouvements font alors impression sur le corps à cause du sommeil, parce que les petites sensations intérieures se sentent mieux quand on dort que quand on est éveillé.
§7. Ce sont précisément ces mouvements qui produisent des images, à l'aide desquelles on prévoit ce qui doit advenir dans les cas analogues ; et voilà comment les affections de ce genre se rencontrent chez les premiers venus indistinctement, et ne sont pas réservés aux plus sensés des hommes ; car elles viendraient pendant le jour, et elles viendraient aux sages, si c'était Dieu qui les envoyait.
§8. Voilà, selon toute apparence, comment les gens les plus vulgaires peuvent prévoir l'avenir ; car la pensée de ces gens-là n'est guère portée à la réflexion ; mais elle est comme déserte, et vide de toute idée ; et quand elle vient à être mise en mouvement, elle subit aveuglément l'impulsion du moteur qui la pousse.
§9. Ce qui fait encore que quelques hommes, sujets aux transports extatiques, ont des prévisions de l'avenir, c'est que les mouvements qui leur sont personnels ne les troublent pas, mais sont en eux comme réduits en pièce ; et ces gens-là sont plus disposés à sentir les mouvements qui leur sont étrangers.
§10. S'il y a quelques personnes dont les songes se réalisent, et si des amis prévoient surtout ce qui concerne leurs amis, cela vient de ce que les gens qui se connaissent pensent davantage les uns aux autres. Et de même que tout éloignés qu'ils sont, on les reconnaît mieux que d'autres personnes, de même l'on sent ainsi même leurs mouvements ; car les mouvements des personnes connues sont aussi plus reconnaissables.
§11. Quant aux mélancoliques, on dirait, à cause même de la violence de leurs sensations, que tout en tirant plus loin, ils atteignent le but plus sûrement ; et que, par la mobilité extrême qui est en eux, leur imagination crée sur-le-champ tout ce qui doit suivre. C'est comme pour les poèmes de Philaegide : ceux qu'ils transportent prédisent et imaginent les conséquences d'un cas analogue ; et pour eux, c'est comme Vénus même. C'est ainsi que les mélancoliques aussi rattachent les choses qui suivent aux précédentes ; mais à cause de sa violence même, le mouvement ne peut être chez eux vaincu par un autre mouvement.
§12. Du reste, l'interprète le plus habile des songes, est celui qui sait le mieux en reconnaître les ressemblances ; car tout le monde pourrait expliquer des songes qui reproduisent exactement les choses. Je dis les ressemblances, parce que les images des rêves sont à peu près comme les représentations d'objets dans l'eau, ainsi que nous l'avons déjà dit : quand le mouvement du liquide est violent, la représentation exacte ne se produit pas, et la copie ne ressemble pas du tout à l'original. Dans ce cas, l'homme habile à juger les apparences serait celui qui pourrait le plus promptement démêler et reconnaître, dans ces représentations tout oscillantes et toutes disloquées, que telle image est celle d'un homme, telle autre celle d'un cheval, ou celle de tout autre objet. Le songe produit ici un effet à peu près semblable ; le mouvement brise le rêve et l'empêche d'être l'exacte copie des choses.
§13. Telle est donc la nature du sommeil et du rêve ; telles sont les causes qui produisent l'un et l'autre ; telle est enfin l'explication de la divination tirée des songes.
• DU CHAPITRE PREMIER
§1. Egalement embarrassant. Dans le cours du traité,
Aristote se prononce contre la divination plus nettement qu'il ne le fait ici.
Mais on ne doit pas s'étonner qu'un philosophe se soit préoccupé de ce sujet.
Du temps d'Aristote, c'était une croyance fort répandue, comme il le remarque
lui-même, et l'on peut ajouter qu'elle l'était parmi les gens les plus
éclairés. Il suffit de lire Xénophon et l'Anabase, liv. I, chap. VII ; III, 1 ;
IV, 3 ; V, 6 et VI, 1. Dans l'Odyssée, on peut voir l'importance donnée au
songe de Pénélope, chant XIX, v. 540 et suiv. Dans l'Iliade, chant II, v. 6, le
songe vient de la part de Jupiter visiter Agamemnon. – Platon, en rapportant ce
passage dans la République, liv. II, p. 120 de la trad. de M. Cousin, semble
blâmer cette superstition. Elle n'en était pas moins très-autorisée et
très-répandue. Dans la Bible, on sait quel rôle jouaient également les songes,
témoin celui de Pharaon et tant d'autres. Dans le Deutéronome, XIII, 1, il est
ordonné de tuer les faux prophètes et les interprètes des songes qui s'élèvent
contre la doctrine de Dieu. Au Moyen Age, Saint Thomas, dans sa Somme, secunda
secundae, questio 95, autorise la divination, pourvu qu'elle soit faite à bonne
intention, et qu'on ne s'entende pas avec le démon. De nos jours, cette
superstition n'est pas détruite. Aristote a donc bien fait de la combattre de
son temps. Une chose assez singulière, c'est que Cicéron, qui, dans son Traité
de la Divination, est du même avis qu'Aristote, ne semble pas avoir connu son
traité. On ne saurait cependant douter que cet ouvrage ne soit authentique. –
Platon paraît avoir cru à la possibilité de la divination ; voir le Timée, p.
201, trad. de M. Cousin.
§2. L'opinion générale. Il y a donc quelque courage à
s'élever contre un préjugé si répandu.
§3. Car en supposant. La raison que donne ici Aristote
est aussi simple que puissante ; voir plus bas, ch. II, §1, une autre objection
non moins forte.
§4. De telles croyances, ou "de tels faits" :
le texte est complètement indéterminé. J'ai préféré le sens de
"croyances" pour que la réprobation d'Aristote fût encore plus
directe.
§5. De certains phénomènes. J'ai pris ce terme un peu
vague, afin qu'il pût s'adapter aux pensées qu'Aristote doit développer plus
bas, §6 et suiv.
La lune est cause des éclipses de soleil. Dans les Derniers Analytiques, II, XVI,
1, Aristote attribue les éclipses de soleil à l'interposition de la terre entre
le soleil et la lune.
Entre dans le disque du soleil. Le texte est moins explicite. – Pour la définition du
Signe, voir les Premiers Analytiques, II, XXVII, 2 et suiv.
§6. Par exemple. Voir aussi plus bas, §9.
Les médecins habiles. Aujourd'hui la médecine néglige à peu près complètement les
signes de maladie qu'on pourrait tirer de la nature des rêves : évidemment
c'est un tort, et le conseil que donne Aristote est excellent. L'état général
du corps et de la santé influe beaucoup sur les rêves.
Sans être versés. Quelques éditions retranchent à tort la négation.
§7. Disparaissent et nous échappent. Voir plus haut,
Traité des Rêves, ch. III, §2 et 14, une observation analogue.
Un tout petit bruit. Observation très-exacte : on sait assez quels sont les effets
du cauchemar, quand il est causé par quelque objet matériel qui presse l'une
des parties de notre corps.
§8. Sont toujours très-faibles. Voir la même idée autrement
appliquée, Réfutation des Sophistes, ch. XXIV, §6.
§9. Il n'est pas plus absurde. Les rapports de nos
actions pendant la veille à nos rêves pendant la nuit, et des rêves aux
actions, sont très-exacts ; et l'on peut les observer très-fréquemment.
§10. Les causes ou les signes. Voir plus haut, §5.
§11. Du cercle ordinaire des choses. Le texte n'est pas
tout à fait aussi précis dans ce passage entier.
Quand on se souvient d'une chose, ou "d'une personne", comme
semble l'indiquer la suite du contexte.
Dans les rêves. Mot à mot : "Dans les sommeils".
De la réalité qui vient à la suite. Le texte est un peu moins développé.
Je le répète.
Voir plus haut, §5 à la fin.
• DU CHAPITRE II
§1. Il y a des animaux qui rêvent. Voir plus haut, ch. I,
§3.
Pour leur révéler l'avenir. Le texte dit seulement "Pour cela".
L'œuvre des génies ... conduite par des génies. Aristote semblerait ici se rapprocher
des opinions du Timée ; voir la traduction de M. Cousin, p. 137 et suiv. Voir
aussi la Métaphysique, XII, VIII.
§2. Ce qui prouve encore ceci. C'est-à-dire que les
songes ne sont pas envoyés par la divinité. – Léonicus, qui croit, avec
l'orthodoxie, aux songes envoyés par Dieu, suppose qu'Aristote a connu en
partie cette vérité, et il appuie cette conjecture sur le paragraphe précédent
et sur l'intervention des génies : il accumule en outre des preuves nombreuses,
pour démontrer que toute l'Académie et l'Ecole Néoplatonicienne surtout, ont
admis l'origine divine des songes ; et il cite l'opinion de Psellus, qui
soutient que les génies ne se communiquent qu'à ceux qui en sont dignes ; voir
plus haut, ch. I, §1. n.
Tout à fait inférieurs. Voir, id., §3.
Ces joueurs qui doublant toujours. J'adopte la leçon de l'édition de
Berlin. Quelques manuscrits portent une leçon différente : "Ceux qui
finissent par l'emporter dans la lutte". Le sens reste au fond tout à fait
le même, et il est assez clair.
Par attraper quelque chose. J'ai pris cette tournure familière pour conserver les
allures vulgaires du proverbe.
Ici.
c'est à dire dans le cas des mélancoliques.
§3. Dans les grands corps de la nature. Le texte dit
seulement : "Dans les corps".
Les plus belles résolutions. Cette comparaison toute morale a ici quelque chose qui
étonne.
§4. Tout ce qui doit arriver. L'expression n'a peut-être
pas ici toute la netteté désirable, bien que la pensée se comprenne fort bien :
il aurait fallu paraphraser le texte pour le rendre plus précis.
Ce sont là
des faits qui ne portent pas leurs conséquences naturelles et présumées.
§5. Que nous avons indiquées, dans le chapitre précédent,
§6.
Des temps, des distances. Voir plus haut, ch. I, §4.
Sans avoir aucun de ces caractères. Le texte dit : "Sans être aucune
de ces choses".
Celle de Démocrite. Voir les fragments de Démocrite, édition de Mullach, p. 408.
On a souvent rappelé cette opinion de Démocrite.
§6. Ainsi quand on agite l'eau ou l'air. Aristote a déjà
employé une comparaison analogue, Traité des Rêves, ch. III, §4.
Certain mouvement, certaine sensation. Aristote donnerait ainsi une cause
presque toute extérieure aux rêves ; voir plus haut, ch. III, §1 et suiv.
De quelque façon, ou "en quelque lieu". J'ai préféré le premier sens
comme étant plus d'accord avec le contexte.
Soient plus sensibles durant la nuit. Voir plus haut, ch. I, §7, et le
Traité des Rêves, ch. III, §2.
§7. Aux plus sensés des hommes. Voir plus haut, §2.
§8. La pensée de ces gens-là ... aveuglément. Voir un peu
plus haut, §11, ce qui est dit des mélancoliques.
§9. Aux transports extatiques. On voit qu'Aristote prend
ici le mot d'extase dans son sens étymologique et vrai : "Ceux dont l'état
est déplacé, dont l'état est bouleversé". Les commentateurs croient qu'il
veut désigner les Pythonisses et les prêtres inspirés.
Qui leur sont personnels. Le texte dit : "Propres". Cette observation est
profondément vraie.
Ne les troublent pas. Mot à mot : "Ne les enivrent pas".
Comme réduits en pièces. Le texte emploie une métaphore tout à fait pareille.
§10. Et de même que tout éloignés qu'ils sont. Le texte
n'est pas tout à fait aussi précis, mais la pensée me semble incontestable.
§11. A cause de la violence de leurs sensations. Le texte
est plus vague.
De plus loin ... plus sûrement. Le texte a des positifs au leu de comparatifs.
Philaegide.
On ne connaît pas autrement ce poëte. Léonicus suppose ingénieusement une
variante qui consiste à lire : Philénis, au lieu de Philaegide. Philénis était
une courtisane qui avait fait des poèmes érotiques fort licencieux. Le texte,
selon moi, s'accomoderait très-bien de cette conjecture, si toutefois je l'ai bien
compris.
§12. Qui reproduiraient exactement les choses. Le texte
n'est pas tout à fait aussi précis, j'ai dû le développer un peu.
Ainsi que nous l'avons déjà dit. Voir plus haut, §6, et Traité des
Rêves, ch. III, §4.
Brise le rêve et l'empêche... J'ai dû ici paraphrase le texte.
§13. Telle est donc. Résumé de tout le traité.
Tirée des songes. Peut-être cette expression eût-elle été plus convenable pour
le titre même du traité.
§14. Il faut étudier maintenant. Je ne sais pourquoi
l'édition de Berlin a supprimé cette phrase que donnent la plupart des éditions
et des manuscrits. C'est elle qui justifie la place qu'occupe le petit traité
suivant : il se rattache d'ailleurs, comme tous ceux qui précèdent ou qui
viennent après, aux questions déjà discutées dans le Traité de l'Ame.