DU PRINCIPE GÉNÉRAL DU MOUVEMENT DANS LES ANIMAUX
ARISTOTE
Traduction de Jules Barthélemy-Saint-Hilaire
Paris : Ladrange, 1866
Numérisé par Philippe Remacle http://remacle.org/
Nouvelle édition numérique
https://www.i-docteurangelique.fr/DocteurAngelique 2008
Plan
du traité par Jules Barthélemy-Saint-Hilaire
CHAPITRE
I : But spécial de ce traité, complément du Traité de l'Ame
CHAPITRE
II : Théorie générale du moteur immobile
CHAPITRE
III : Le principe qui met en mouvement le ciel entier doit être en dehors
du ciel
CHAPITRE
IV : Suite de la théorie sur le principe du mouvement universel
CHAPITRE
VII : Rapports de la pensée à l'action et au mouvement
CHAPITRE
VIII : Suite de l'influence des diverses passions de l'âme sur le corps
CHAPITRE
X : Rôle du souillé inné dans les animaux
CHAPITRE
XI : Distinction des mouvements volontaires et involontaires dans l'animal
Nous avons
approfondi dans d'autres ouvrages tous les détails qui concernent le mouvement
dans les animaux; et nous avons expliqué les divers mécanismes par lesquels ils
se meuvent. Tout ce qu'on veut faire ici, c'est étudier la cause générale de ce
mouvement, indépendamment des formes spéciales sous lesquelles il se produit.
Nous avons établi aussi que le principe du mouvement était l'immobile, et que
c'était ce qui se meut soi-même sans recevoir le mouvement du dehors. Nous
avons fait cette démonstration en traitant du mouvement éternel, et en étudiant
sa nature après avoir prouvé son existence. Il ne suffit pas du reste de poser
ce principe d'une façon toute théorique ; il faut montrer en outre comment il
s'applique aux faits particuliers; car ce sont toujours ces faits bien observés
qui doivent servir de base aux théories générales. Pour voir une application
directe de ce principe universel, il suffirait d'observer le jeu des
articulations dans les animaux. Dans toute flexion, il y a un point qui fait
centre et reste immobile, pour que le reste du membre puisse s'appuyer sur lui.
Ainsi, quand l'avant-bras se meut, c'est l'olécrane qui reste immobile ; quand
le bras entier fait un mouvement, c'est l'épaule qui est immobile; quand le bas
de la jambe se meut, c'est le genou qui demeure ; quand le membre entier se
meut, c'est le bassin. L'on voit donc l'application de ce principe jusque dans
les détails : pour qu'une chose quelconque se meuve, il faut qu'elle ait en
elle un point qui reste immobile, et sur lequel le reste trouve, pour se
mouvoir, un point d'appui qui ne bouge pas.
Le repos dans
l'individu lui-même serait toujours insuffisant, s'il n'y avait en dehors de
lui quelque chose qui fût dans une immobilité absolue. Mais ce principe est
assez grave pour mériter une attention toute spéciale; car il ne s'étend pas
seulement aux animaux; il s'étend encore à l'univers entier, dont il explique
le mouvement et la marche. Si tout cédait toujours, il n'y aurait pas de
progrès possible; on ne pourrait marcher, si la terre ne résistait pas; les
poissons ne pourraient nager, les oiseaux ne voleraient pas, si le liquide et
l'air ne leur offraient un point d'appui. Mais il faut nécessairement que ce
point immobile soit en dehors de l'être qui se meut. Il suffit, pour s'en
convaincre, d'observer la manœuvre d'un bateau : de dehors, on le fait aisément
mouvoir, en appuyant la gaffe sur l'une de ses parties; de dedans, tous les efforts
sont inutiles. C'est que, dans ce dernier cas, la chose qui résiste est
précisément la chose à mouvoir. De dehors, au contraire, soit qu'on pousse,
soit qu'on tire, on meut le bateau, parce que la terre sur laquelle on pose
n'en fait point partie.
Ici se
présente cette grave question : La force qui meut le ciel entier est-elle
immobile? Est-elle en dehors du ciel? Soit que l'on conçoive cette force comme
agissant directement, soit qu'on la fasse agir par un intermédiaire, il faut
toujours remonter à un principe immobile qui ne fait point partie de ce qu'il
meut. On a eu tort de vouloir placer cette force dans les pôles de la terre. Le
mouvement qui régit le ciel est unique, et les pôles sont deux ; de plus, ce ne
sont que des points mathématiques sans grandeur et sans réalité substantielle.
Ceci n'explique pas ce principe supérieur, qui doit être à la nature entière ce
que la terre est aux animaux. Ceux qui ont inventé la fable d'Atlas, faisant
tourner les pôles, ont eu quelque raison de lui donner la terre pour point
d'appui, puisque la terre est immobile; mais, par une conséquence du principe
que nous avons posé, on serait amené à soutenir que la terre ne fait point
partie de l'univers. D'autre part. il faut que ce qui se meut ait au moins
autant de force d'impulsion, que ce qui est mû a de force d'inertie. Il
faudrait donc que l'immobilité de la terre eût autant de force que le ciel
entier, qui serait mû grâce à elle; mais si cela est impossible, c'est qu'il
est impossible que le ciel soit mis en mouvement par l'une de ses parties
intérieures, et, par exemple, par la terre.
On pose encore
une autre question sur le mouvement des parties du ciel; et il est bon de
l'indiquer ici, parce qu'elle se rattache à tout ce qui précède. Il est évident
qu'on déplacerait la terre, si, par la force d'un mouvement quelconque, on
parvenait à vaincre la résistance qu'elle offre. Cette résistance n’est pas
infinie, pas plus que l'étendue ou le poids de la terre. La puissance qui la
surmonterait ne le serait donc pas davantage. Comme il n'est pas impossible
qu'il existe dans la nature une puissance de ce genre, il s'ensuivrait que le
ciel pourrait être détruit, tandis que nous croyons que c'est une nécessité
qu'il soit incorruptible et indissoluble. Cette question, du reste, est trop
grave pour que nous n'essayions pas ailleurs de l'approfondir. Mais nous
revenons à la première. Doit-il toujours, en dehors du mobile, y avoir un
principe immobile? L'univers entier n'est-il pas soumis à ce principe ?
D'abord, supposer que le principe immobile soit à l'intérieur, semble absurde;
et l'on revient alors à l'opinion d'Homère, représentant tous les dieux et
toutes les déesses qui s'efforcent en vain d'ébranler Jupiter. Ce qui est
absolument immobile ne peut être mû par quoi que ce soit. Pour les animaux, le
principe posé paraît tout à fait incontestable : il faut en eux un point de
repos; mais ce point ne suffit pas, et il en faut un autre en dehors, qui soit
également immobile. Pour l'univers, la question reste obscure et difficile.
Ce principe
général, qui s'applique à la locomotion, au déplacement dans l'espace, peut-il
s'appliquer aussi à un mouvement intime, qui se passe dans l'être lui-même,
quand il se modifie et se développe? A bien prendre les choses, la question
reste encore la même; car si l'être tire de lui ses développements et ses
modifications ultérieures, au début, c'est du dehors, c'est d'un être différent
de lui, qu'il a reçu le mouvement initial, germe de tous les mouvements qui ont
suivi. Ce mouvement initial se rattache au mouvement même de l'univers entier.
Ces théories, du reste, doivent être spécialement discutées dans les ouvrages
consacrés à l'étude de la Génération et de la Destruction.
Nous avons
analysé aussi ailleurs la nature et l'espèce du mouvement que l'âme possède;
nous avons parlé encore, dans nos ouvrages sur la Philosophie Première, de la
nature du moteur éternel et immobile. Tout ce qu'il nous reste à rechercher
ici, c'est le mouvement que l'âme communique au corps, et la façon dont
l'animal est mû. Ce sont les animaux qui communiquent aux êtres inanimés le
mouvement dont ils sont doués. Or l'animal ne se meut jamais qu'en vue de
quelque lin; et ses motifs d'action sont la pensée, l'imagination, la
préférence, la volonté et le désir, quoiqu'on puisse réduire tous ces motifs à
deux : l'intelligence et l'instinct. Ainsi les premiers moteurs, pour l'animal,
c'est ou l'objet conçu par l'intelligence, ou l'objet désiré par l'instinct.
C'est le bien, auquel tend toujours l'animal, que ce bien soit apparent, ou
qu'il soit réel. On a comparé ce qui se passe ici dans l'animal à ce qui se
passe entre le moteur éternel et l'éternel mobile; mais il y a cette différence
que le moteur éternel, trop divin pour se rapporter à un autre que soi-même,
meut sans être mû, tandis que, dans l'animal, le principe qui le meut ne le
peut mouvoir qu'après avoir été mû lui-même. L'instinct et la volonté ne le
mettent en mouvement qu'à la suite de quelque impression antérieure, soit sur
la sensibilité, soit sur l'imagination.
Mais comment,
à la suite de la pensée, arrive-t-il que tantôt l'animal se meuve, et que
tantôt il ne se meuve pas, selon que sa volonté ou sa raison décide? On peut
dire qu'il en est ici comme pour les choses de la pure intelligence; quand
l'esprit voit les deux propositions qui forment le syllogisme, il voit aussi la
conclusion nécessaire qui en sort. Seulement, tout est immobile dans
l'entendement. Pour l'animal, au contraire, la conclusion est une action ;
ainsi l'être pense que tout homme peut marcher, qu'il est homme lui-même, et il
marche sur-le-champ ; ou à l'inverse : s'il pense qu'aucun homme ne peut
marcher, que lui-même est homme, il reste sur-le-champ en repos. Il faut faire
ce dont j'ai besoin ; j'ai besoin d'un manteau ; et je fais un manteau. La
conclusion est une action. La forme des propositions desquelles on la tire se
rapporte soit à l'idée du bien, soit à celle du possible. Mais le plus souvent
ici, comme dans les discussions, on omet l'une des propositions qui est trop
évidente. Voilà comment nous faisons avec tant de rapidité les choses que nous
faisons sans raisonnement préalable. Il faut boire, dit l'appétit; ceci est une
chose à boire, dit ou la sensation, ou l'imagination, ou la raison; et l'on
boit sur-le-champ. Ainsi, en définitive, ce qui meut l'animal, c'est l'appétit,
mis en mouvement soit par la sensation, soit par l'imagination, soit par
l'intelligence. Ceci a de l'analogie avec le jeu des automates, où il suffit de
mouvoir un ressort unique pour que tout le reste se meuve, et souvent d'une
manière très compliquée. Les ressorts, chez les animaux, ce sont les nerfs et
les os. Seulement en eux les pièces sont variables dans leurs dimensions,
tandis qu'elles ne le sont pas dans les automates. Des modifications internes
ou externes peuvent les dilater ou les resserrer; et les modifications internes
peuvent venir de la sensibilité, de l'imagination et de la pensée. Les
modifications extérieures se réduisent presque exclusivement à la chaleur et au
froid ; mais quelquefois aussi les unes et les autres se confondent, puisqu'il
suffit de penser à quelque chose pour frissonner ou trembler d'épouvante, comme
si l'on était sous l'impression de quelque agent extérieur. A l'origine, la
modification peut être très faible, et pourtant l'effet dernier en être
puissant, précisément comme le gouvernail, dont le moindre déplacement suffit
pour déplacer énormément la proue. Ainsi la plus petite modification vers le
cœur, causée par le froid ou le chaud cause dans l'être entier de l'animal,
pâleur ou rougeur, frisson, tremblement, etc.
Le principe du
mouvement est donc ce qui est à rechercher ou à fuir dans les choses que nous
devons faire; en d'autres termes, c'est le plaisir et la douleur, qui sont
toujours accompagnés, bien que ces détails si subtils nous échappent le plus
souvent, soit de chaleur, soit de refroidissement. L'effet des passions le
prouve de la manière la plus évidente; on sait ce que produisent sur le corps
le courage, la crainte, les désirs de l'amour, et toutes les modifications agréables
ou pénibles. De simples souvenirs, de simples espérances, qui ne sont que les
images des choses, suffisent pour nous émouvoir presque autant que les choses
mêmes. Les parties organiques qui composent le corps de l'animal sont
admirablement disposées pour recevoir ces impressions diverses et se modifier
sous l'action qu'elles éprouvent. Tout se passe avec une rapidité et une
régularité merveilleuses. C'est du reste de l'âme que part le mouvement initial
qui fait mouvoir les différentes portions du corps. Dans la flexion, il y a,
comme on l'a dit, un point immobile qui sert d'appui, et un point qui se meut;
mais ni l'un ni l'autre n'a l'initiative du mouvement, pas plus que la main
n'est l'origine du mouvement reçu par le bâton qu'elle tient; il faut remonter
du bâton à la main, de la main au carpe, du carpe à l'olécrane, de l'olécrane à
l'épaule, et, de là, poussant plus loin, arriver jusqu'à l'âme, qui a déterminé
toute la transmission du mouvement.
D'autre part,
comme le mouvement est tout à fait pareil, soit à droite, soit à gauche, ce
n'est pas l'un des côtés qui fait mouvoir l'autre, en lui servant de point
d'appui immobile. Il faut nécessairement que le principe de l'âme motrice soit
dans le centre de l'être, qui se trouve en un égal rapport, et avec les
mouvements de haut en bas, de bas en haut, et avec les mouvements de droite à
gauche, de gauche à droite. C'est là aussi que se trouve le siége de la
sensibilité, dont les modifications influent sur tout le reste. Cette partie
est une en puissance ; mais en acte elle est multiple, parce qu'elle peut
simultanément mouvoir plusieurs membres. Elle n'est donc pas un point
mathématique ; elle est une grandeur réelle, dans laquelle est placée l'âme
motrice, toute différente qu'elle est certainement de cette grandeur même.
L'intermédiaire
par lequel l'âme ainsi placée agit sur le corps, c'est le souffle inné dans
l'animal. L'âme est en quelque sorte le point immobile de l'articulation ; le
souffle en est le point mobile. Le souffle inné est placé dans le cœur pour les
animaux qui ont un cœur, et dans la partie correspondante pour les animaux qui
n'en ont pas. Nous avons, du reste, étudié ailleurs ces questions, et montré
comment le souffle peut s'entretenir continuellement dans l'animal. Par sa
nature, le souffle semble tout à fait propre à communiquer le mouvement,
puisqu'il peut lui-même, ou se dilater ou se contracter. Voilà donc comment
l'âme donne le mouvement au corps. L'animal entier dans sa constitution
ressemble à un État gouverné par des lois sages. Une fois l'ordre établi dans
la cité, il n'est pas besoin que le monarque assiste lui-même à tous les
détails : chaque citoyen remplit la fonction qui lui a été assignée. La nature
maintient dans les animaux un ordre non moins admirable; et chaque partie
accomplit sa fonction, sans qu'il y ait nécessité que l'âme soit présente dans
chacune d'elles. Il suffit qu'elle soit dans une certaine partie du corps; et
tous les organes vivent parce qu'ils sont en rapport avec elle, et ils
s'acquittent des devoirs confiés à chacun d'eux.
Nous n'avons
parlé jusqu'ici que des mouvements volontaires. Il en est aussi d'involontaires
dans les animaux, par exemple ceux du cœur et des parties génitales. On peut
citer encore le sommeil et le réveil, la respiration et plusieurs autres, qui
s'enchaînent et se suivent sans l'intervention de notre volonté. Les organes
dont on vient de parler sont si bien soustraits à notre empire, qu'ils forment
en quelque sorte chacun un animal séparé; et ceci est particulièrement vrai de
l'appareil génératoire, dans lequel le sperme est déjà une espèce d'animal. Du
reste, on sent que les parties diverses agissent ici les unes sur les autres,
et que le mouvement venu du principe pour aller aux parties, revient des
parties au principe. Il faut ajouter que si parfois le mouvement se produit, et
si parfois il ne se produit pas, c'est que tantôt la matière propre à recevoir
l'impression se trouve dans ces parties, et que, tantôt elle ne s'y trouve, ni
en quantité suffisante, ni en qualité convenable.
Voilà ce que
nous avions à dire sur les parties diverses des animaux et sur l'âme; nous
avons traité en outre de la sensibilité, de la mémoire, du sommeil et du
mouvement dans les animaux; il ne nous reste plus qu'à étudier la génération.
Principe
général du mouvement donné par la raison et par l'observation : il n'y a de
mouvement possible qu'à la condition de quelque chose d'immobile : application
de ce principe aux faits particuliers : exemple pris du mécanisme des
articulations dans les animaux.
§ 1. Quant au mouvement des
animaux, nous avons approfondi dans d'autres ouvrages, toutes les questions qui
s'y rapportent; nous avons examiné les divers mécanismes qu'il présente pour
chaque espèce, les différences qu'il offre, et les causes auxquelles se
rattachent tous les phénomènes qu'on observe dans chacune d'elles. Tout ce
qu'on veut faire ici, c'est étudier le principe général qui cause le mouvement
dans les divers êtres, de quelque moyen qu'ils se servent pour l'accomplir;
car, les uns se meuvent eu volant, d'autres en nageant, ceux-ci en marchant,
ceux-là par tels autres moyens analogues.
§ 2. Nous avons
antérieurement établi que la cause initiale de tous les mouvements sans
exception, c'est le principe qui se meut soi-même, tout en restant immobile;
car nous avons démontré que ce qui donne en premier lieu le mouvement doit être
soi-même dans l'immobilité; et cette démonstration a été présentée par nous,
quand nous avons recherché s'il existe ou s'il n'existe pas un mouvement
éternel, et que nous en avons fait voir la nature après en avoir admis
l'existence.
§ 3. Il ne suffit pas, du
reste, de poser ce principe d'une manière universelle à l'aide de la seule
raison; il faut encore en montrer l'application à tous les faits particuliers
et aux faits observables. Ces faits eux-mêmes doivent nous servir à fonder des
théories générales, et les théories doivent, selon nous, toujours s'accorder
avec eux.
§ 4. Ces faits aussi
démontrent bien clairement qu'il n'y a de mouvement possible qu'à la condition
que quelque chose soit en repos; et c'est ce qu'on peut remarquer tout d'abord
dans les animaux mêmes. Ainsi, pour qu'une de leurs parties puisse se mouvoir,
il faut qu'il y en ait une autre qui reste en place; et c'est là précisément le
but des articulations dans les animaux. Chez eux, les articulations servent en
quelque sorte de centre; la partie entière dans laquelle la flexion a lieu est
à la fois simple et double; et elle devient tour à tour droite ou courbe,
changeant de puissance et d'action, selon l'articulation même. Quand le membre
se fléchit et se meut, parmi les points qui forment l'articulation, il y en a
un qui se meut aussi, et un autre qui demeure en place.
§ 5. C'est absolument comme
si, dans un diamètre, les points A et D restaient immobiles, et que le point B
fût en mouvement et devint AC. Mais ici le centre doit être considéré de toute
façon comme indivisible; et si l'on dit qu'il y a mouvement, c'est une simple
fiction, puisque de fait, dans les mathématiques, aucun des êtres qu'elles
considèrent ne se meut.
§ 6. Au contraire, les
points qui sont dans les articulations, tantôt se réunissent en un seul, tantôt
sont divisibles, soit en puissance, soit en acte. Ainsi, le principe, en tant
que principe, reste en repos, tandis que la partie inférieure se meut. Par
exemple, quand l'avant-bras se meut, l'olécrane reste immobile ; quand c'est tout
le bras qui est en mouvement, l'épaule ne bouge pas; pour la jambe, c'est le
genou, comme pour le membre entier, c'est le bassin.
§ 7. On le voit donc; il
faut que chaque chose ait en soi-même quelque point immobile d'où parte le
mouvement initial, et sur lequel, prenant son point d'appui, elle puisse se
mouvoir, soit tout entière, soit en partie.
Importance de
cette théorie, qui s'étend des animaux jusqu'à l'explication du mouvement
universel. - Nécessité absolue du repos pour que le mouvement soit possible :
exemple et comparaison de la marche d'un bateau.
§ 1. Mais tout repos; dans
l'individu seul, serait insuffisant s'il n'y avait en dehors de lui quelque
chose qui fût dans un repos et une immobilité absolue.
§ 2. Ceci, du reste, est
assez grave pour mériter que nous y insistions davantage; car la théorie que
renferme ce principe ne s'étend pas seulement aux animaux; elle remonte encore
jusqu'à l'univers entier, dont elle explique le mouvement et la marche. En
effet, s'il faut pour que l'animal puisse se mouvoir qu'il y ait en lui quelque
chose d'immobile, à bien plus forte raison doit-il y avoir en dehors de l'animal
quelque principe immobile sur lequel s'appuie, pour se mouvoir, tout ce qui se
meut.
§ 3. Si tout cédait
toujours, s'il n'y avait pas plus de résistance que les rats n'en trouvent dans
la terre, ou nos pieds, quand nous marchons dans le sable, il n'y aurait pas de
progrès possible. On ne pourrait point marcher si la terre ne résistait pas; il
n'y aurait pas de natation ni de vol possibles si le liquide et l'air
n'offraient un point d'appui et de résistance.
§ 4. Mais il faut
nécessairement que cette chose immobile soit différente du tout au tout de
l'être qui est en mouvement et que ce qui est ainsi dans l'immobilité ne fasse
pas partie du mobile; car alors, le mobile n'aurait point de mouvement.
§ 5. Pour se convaincre de
ceci, il suffit de se rappeler le problème souvent proposé : Pourquoi, si de
dehors d'un bateau on le pousse avec une gaffe appuyée sur le mât, ou telle
autre partie, le fait-on mouvoir sans la moindre peine? Tandis que si l'on est
dans l'intérieur, on ne peut le faire bouger avec le même effort, pas plus que
ne le feraient bouger Titye ou Borée lui-même en soufflant du dedans, si
toutefois il pouvait souffler comme les peintres nous le représentent, tirant
de son propre sein l'haleine qu'il pousse au dehors.
§ 6. Soit, en effet, que le
souffle soit faible ou que sa violence aille jusqu'à produire le vent le plus
fort, soit que l'on prenne pour exemple tout autre corps lancé ou poussé, il
faut, de toute nécessité, qu'il y ait d'abord quelque partie en repos sur
laquelle on puisse s'appuyer afin de pousser; et qu'ensuite cette partie
elle-même, ou le corps dont elle fait partie, puisse être fixe en s'appuyant
sur quelque base que leur offrent les objets extérieurs.
§ 7. Mais, quand celui qui
pousse est dans le bateau même, et qu'il prend son point d'appui sur ce bateau,
il est tout simple qu'il ne puisse le mettre en mouvement, parce qu'il faut
absolument que le point sur lequel on s'appuie demeure en place; or, dans ce
cas, le point de résistance se confond avec le point qui est à mouvoir. Du
dehors, au contraire, soit qu'on pousse, soit qu'on tire, on meut le bateau,
parce que la terre n'est point une partie de l'embarcation.
Opinion
erronée qu'on se fait des pôles. - Explication de la fable d'Atlas : ce qu'elle
a de vrai et de faux. - Rapports des forces d'inertie et des forces de
mouvement.
§ 1. Ici, une question peut
être posée : Si quelque force meut le ciel entier, faut-il que cette force soit
immobile; et ne doit-elle, à la fois, ni faire partie du ciel, ni être dans le
ciel? D'une part, si l'on admet que cette force donne le mouvement au ciel en
étant mue elle même, il y a nécessité qu'elle meuve, en s'appuyant sur quelque
chose d'immobile qu'elle touche et qui ne fasse pas partie de ce qui meut le
ciel. D'autre part, si l'on suppose que le moteur est directement immobile, de
cette façon il ne sera pas davantage une partie de ce qui est mû.
§ 2. On a donc raison de
prétendre que quand une sphère se ment circulairement, il n'y a pas une seule
de ses parties qui demeure immobile; car il faudrait nécessairement, ou que
cette sphère restât tout entière en repos, ou que sa continuité fût rompue.
§3. Mais on a tort de
supposer quelque puissance dans les pôles, qui n'ont pas de grandeur et qui ne
sont que des points et des extrémités. En effet, outre qu'aucun être
mathématique de ce genre n'a de réalité substantielle, il faut ajouter qu'il
est impossible qu'un seul et unique mouvement soit produit par deux forces; et
pourtant l'on suppose deux pôles.
§ 4. Tels sont les motifs,
par lesquels on pourrait s'assurer qu'il existe un principe, qui est à la
nature entière ce que la terre est aux animaux et aux choses qu'ils mettent en
mouvement.
§ 5. Mais ceux qui ont
inventé la fable d'Atlas, dont les pieds posent sur la terre, sembleraient
s'être trompés en faisant d'Atlas une sorte de diamètre, et en lui faisant rouler
le ciel autour des pôles. Cela paraît d'abord assez rationnel, puisque la terre
est immobile; mais une suite nécessaire de cette opinion, c'est de soutenir que
la terre ne fait point partie de l'univers.
§ 6. De plus, il faut
admettre que la force de ce qui meut est égale à celle de ce qui reste
immobile; car il y a une quantité de force et de puissance qui fait rester
immobile ce qui est immobile, tout à fait comme il y en a une suivant laquelle
le moteur donne le mouvement. Et une proportion est absolument nécessaire entre
les repos, tout aussi bien qu'entre les mouvements contraires. Quand deux
forces sont égales, elles ne peuvent agir l'une sur l'autre; et il n'y a que la
supériorité de l'une qui puisse vaincre l'autre.
§ 7. Aussi, que ce soit Atlas,
ou quelqu'une des parties intérieures de la terre qui donne le mouvement, il
n'en faut pas moins que le moteur fasse équilibre à l'immobilité dont est douée
la terre immobile; ou bien la terre sortirait du centre et quitterait la place
qu'elle occupe. En effet, autant donne d'impulsion le corps qui pousse, autant
en reçoit le corps qui est poussé. Ceci s'applique également à la force; or, ce
qui meut, c'est ce qui primitivement est en repos; et par conséquent, la force
doit en être plus considérable et plus grande que l'inertie; ou elle doit lui
être pareille et égale; de même encore pour la force du corps qui est mû et qui
ne meut pas.
§ 8. Il faudra donc que la
force d'inertie de la terre soit aussi grande que la force que possèdent et le
ciel entier et ce qui le met en mouvement. Mais si cela est impossible, il est
impossible également que le ciel soit mis ainsi en mouvement par quelqu'une des
parties intérieures.
Objections
diverses contre l'opinion qui place le principe moteur à l'extérieur. -
Mouvement dans les animaux. - Mouvement dans les choses inanimées.
§ 1. Il est encore, en ce
qui concerne les mouvements des parties du ciel, une question qu'il convient de
traiter ici, parce qu'elle se rattache étroitement à tout ce qui précède.
§ 2. Si l'on pouvait
surmonter par la puissance d'un mouvement quelconque l'inertie de la terre, il
est évident qu'on la déplacerait du centre; et il n'est pas moins clair que la
force d'où viendrait cette puissance de déplacement ne serait pas infinie,
puisque la terre elle-même n'est pas infinie non plus, et que par une
conséquence nécessaire son poids ne l'est pas davantage.
§ 3. Mais le mot Impossible
a plusieurs sens divers; et ce n'est pas dans le même sens, par exemple, qu'on
dit qu'il est impossible de voir la voix, et qu'il est impossible de voir,
quand on est sur notre terre, les habitants de la lune. Dans un cas, c'est une
nécessité absolue; dans l'autre, c'est un objet qui, tout visible qu'il est
naturellement, n'est cependant pas vu.
§ 4. Or, c'est aussi, à ce
que nous croyons, une nécessité que le ciel soit incorruptible et indissoluble;
mais cette nécessité disparaît dans la théorie dont nous parlons ici. Il est
très possible, en effet, que dans la nature il existe un mouvement plus fort
que celui par lequel la terre reste immobile, ou plus fort que le mouvement qui
anime le feu et le corps supérieur. Si ces mouvements plus puissants ont lieu,
ces choses seront détruites les unes par les autres. S'ils n'agissent pas, mais
que leur action soit cependant possible, car l'on ne doit point supposer ici
l'infini, puisqu'aucun corps ne peut être infini, il y aurait alors simple
possibilité que le ciel fût détruit. En effet, qui empêche que cette
destruction ne se réalise du moment qu'elle n'est pas impossible? Et elle n'est
pas impossible, à moins que l'opposé ne soit nécessaire.
§ 5. Nous nous réservons, du
reste, d'éclaircir ailleurs cette question.
§ 6. Mais se peut-il donc
qu'en dehors du mobile, il y ait un principe immobile et en repos, qui ne fasse
point partie de ce mobile? ou bien cela est-il impossible? Et ce principe
immobile et extérieur doit-il aussi se retrouver nécessairement dans l'univers?
§ 7. D'abord, il pourrait
sembler absurde que le principe du mouvement fût à l'intérieur; et en adoptant
cette opinion, on ne peut qu'approuver celle qu'exprime Homère :
« Vous ne pourriez pas tirer
du ciel sur la terre
« Jupiter, souverain de
l'univers, quand même vous y feria tous vos efforts,
« Et que tous les dieux et
toutes les déesses y mettraient la main. »
En effet, ce qui est
absolument immobile ne peut être mû par quoi que ce soit. Ceci, de plus, nous
sert à résoudre cette question qui vient d'être indiquée, de savoir jusqu'à
quel point il est ou non possible que le ciel se dissolve. S'il dépend d'un
principe immobile, [par cela même la question est résolue].
§ 8. Dans les animaux, il
faut non seulement qu'il y ait un principe immobile de ce genre, il faut en
outre que ce même principe se trouve chez les êtres qui se meuvent dans
l'espace et se donnent le mouvement à eux-mêmes. Il faut qu'il y ait en eux
quelque chose qui soit mû et quelque autre chose qui demeure en place, et sur
quoi s'appuie ce qui se meut. Pour se mouvoir, par exemple, quand l'animal meut
une de ses parties, il faut que cette partie s'appuie sur une autre qui reste
comme immobile.
§ 9. Pour les choses
inanimées qui sont mises en mouvement, on peut se demander si elles ont toutes
en elles-mêmes, et le principe du repos et le principe du mouvement; et si
elles aussi doivent s'appuyer sur quelque point extérieur qui soit en repos; ou
bien, si cela est impossible. Par exemple, pour le feu, ou pour la terre, ou
pour telle autre chose inanimée, est-il besoin de quelques principes intérieurs
qui leur communiquent dès l'origine le mouvement? En effet, toutes les choses
inanimées reçoivent le mouvement d'une chose différente d'elles; et le principe
de tous les corps qui se meuvent ainsi, ce sont les corps qui se meuvent
eux-mêmes.
§ 10. On a, du reste, traité
de ces derniers en parlant des animaux; et l'on a montré que tous les animaux
ont besoin, à la fois, d'avoir en eux-mêmes un point en repos, et au dehors, un
point sur lequel ils puissent s'appuyer.
§ 11. Quant à savoir s'il
existe quelque moteur supérieur et premier, c'est là ce qui reste obscur; et
l'étude d'une cause de ce genre est toute différente.
§ 12. Mais pour les animaux
qui se meuvent, ils ne peuvent se mouvoir qu'en prenant un point d'appui sur
les choses du dehors, soit que d'ailleurs [dans l'acte de la respiration] ils
expirent, soit qu'ils aspirent, car il n'importe guère que le poids du corps à
rejeter soit considérable ou qu'il soit faible; et c'est ce que font les
animaux quand ils crachent, quand ils toussent ou qu'ils aspirent et expirent.
Lois générales
de la génération et de la destruction.
§ 1. L'immobilité d'une des
parties n'est-elle nécessaire que pour l'être qui se meut lui-même dans
l'espace? Ne l'est-elle pas aussi pour l'être qui tire de lui seul sa
modification et son changement, et qui, par exemple, se développe?
§ 2. Mais on traitera dans
un autre ouvrage de la génération initiale et de la destruction. Si le
mouvement que nous appelons premier l'est bien en effet, il sera la cause de la
génération et de la destruction, et peut-être aussi celle de tous les autres
mouvements. Ce mouvement premier qui anime l'univers entier est aussi le
mouvement premier dans l'animal, au moment où l'animal est formé; et par suite,
une fois que l'animal est produit, il sera cause pour lui-même du développement
et de la modification qui présente. Autrement, ce mouvement initial ne serai
plus nécessaire.
§ 3. Mais les premiers
développements et les premières modifications viennent toujours d'un être
différent de celui qui les souffre, et se produisent par d'autres êtres que
lui. Mais pour la génération et la destruction, il est absolument impossible
que jamais aucune chose puisse en être cause pour elle-même, puisqu'il faut
toujours que le moteur soit antérieur à l'objet qu'il meut, et que le principe
qui engendre soit antérieur à l'être engendré; or jamais une chose quelconque
ne peut être antérieure à elle-même.
Du mouvement
que l'âme donne au corps et causes principales d'action dans l'animal :
facultés de l'intelligence, facultés de l'instinct. - Le bien, soit apparent,
soit véritable, est toujours le but que se propose l'animal. - Le moteur
éternel n'a pas de limite : au contraire, l'être animé en a toujours.
§ 1. Quant à l'âme, nous
avons étudié, dans les ouvrages qui lui ont été spécialement consacrés, la
question de savoir si elle se meut ou ne se meut pas; et en admettant qu'elle
se meuve, comment elle se meut.
§ 2. D'autre part, comme les
êtres inanimés sont tous mus par une cause autre qu'eux-mêmes, nous avons fait
voir dans les ouvrages qui traitent de la Philosophie Première ce que c'est que
le premier mobile, le mobile éternel; et nous avons montré comment il est mû,
et de quelle façon le premier moteur meut tout le reste.
§ 3. Il nous reste à
rechercher comment l'âme meut le corps, et quel est le principe du mouvement
dans l'animal. En effet, si l'on en excepte le mouvement de l'univers, ce sont
les êtres animés qui sont causes du mouvement, pour toutes les autres choses
qui ne se meuvent pas mutuellement en agissant les unes sur les autres. Aussi,
tous les mouvements des êtres inanimés ont-ils un terme, parce que ceux des
êtres animés en ont un également. Tous les animaux communiquent donc le
mouvement à d'autres êtres, ou ils se meuvent eux-mêmes en vue de quelque fin;
et ce but qui les fait agir est le terme de tout le mouvement qu'ils se
donnent.
§ 4. Les principes qui
mettent l'animal en mouvement sont, ainsi qu'on peut l'observer, la pensée,
l'imagination, la préférence, la volonté et le désir.
§ 5. On peut du reste,
rapporter tous ces motifs d'action à l'intelligence et à l'instinct. Ainsi, la
sensibilité et l'imagination ont le même rôle que l'intelligence; car toutes
ces facultés sont des facultés de connaître, bien qu'elles aient entre elles
toutes les différences que l'on a signalées ailleurs. La volonté, le désir, la
passion peuvent être rapportées en général à l'instinct. Quant à la préférence,
elle appartient en commun à l'intelligence et à l'instinct. Par conséquent,
c'est l'objet désiré par l'instinct et l'objet qui est conçu par
l'intelligence, qui sont les premiers moteurs. Mais ce n'est pas tout objet
quelconque conçu par l'intelligence; c'est seulement la fin des choses que nous
devons faire. Voilà pourquoi tout ce qui provoque un mouvement de ce genre est
un bien; mais dans toute sa généralité, le bien n'est pas capable de produire
le mouvement; il le produit seulement en tant qu'il est le but d'une autre
chose, et qu'il est la fin de toutes les choses qui n'existent qu'en vue d'une
autre.
§ 6. On doit, en outre,
admettre que le bien apparent et le plaisir peuvent remplacer le bien réel ;
car le bien peut n'être qu'apparent.
§ 7. Par suite, il est
évident que chaque animal éprouve bien, en partie, quelque chose de semblable à
ce qu'éprouve le mobile éternel de la part de l'éternel moteur; et qu'en partie
aussi, il y a une différence. Le mobile éternel est éternellement mû; le
mouvement des animaux au contraire a une limite. Mais le beau et le bien véritable
et primitif, ce bien qui ne peut point tantôt être et tantôt n'être pas, est
trop divin et trop supérieur pour qu'il se rapporte à un autre que lui-même.
Ainsi donc, le premier moteur meut sans être mû.
§ 8. Le désir, au contraire,
et la partie qui le ressent, ne meuvent qu'après avoir été déjà mus eux-mêmes.
Mais le dernier des mobiles qui sont mus peut ne pas transmettre le mouvement à
quoi que ce soit. Ceci fait bien voir aussi que le mouvement de déplacement est
le dernier à se produire, parmi tous ceux qui se produisent [dans l'animal];
et, en effet, les animaux ne sont mis en mouvement et ne provoqués par
l'instinct ou la volonté, qu'à la suite de quelque modification, soit dans leur
sensibilité, soit dans leur imagination.
Une action
particulière est comme la conclusion d'un syllogisme soit que d'ailleurs les
deux prémisses, ou que l'une des deux seulement, soient présentes à l'esprit. -
Les animaux ??? Souvent à l'instinct et au désir : comparaison des
mouvements des automates ; différences. - Influence de l'imagination ???
Modifications matérielles dans le corps.
§ 1. Mais comment se peut-il
que l'animal, à la suite de sa pensée, tantôt agisse et tantôt n'agisse pas ?
Comment peut-il tantôt se mouvoir et tantôt ne se point mouvoir.
§ 2. On pourrait presque
dire qu'il en est ici comme lorsque l'intelligence et la raison s'appliquent à
des choses immobiles; seulement, pour la pensée, le but final c'est l'objet
qu'elle contemple; et, en effet, dès que l'intelligence a pensé les deux
propositions, elle pense aussi, et leur adjoint du même coup, la conclusion.
Mais dans l'ordre du mouvement, la conclusion qui ressort des deux
propositions, c'est l'action que l'être accomplit. Ainsi, par exemple, quand
l'être pense que tout homme peut marcher et qu'il est homme lui-même, il marche
sur-le-champ. Mais s'il pense qu'aucun homme ne peut marcher, et que lui-même
est homme, il reste sur-le-champ en repos. L'être fait donc l'une et l'autre de
ces deux choses, si rien ne l'en empêche et que rien ne le contraigne à s'en
abstenir : « Il me faut faire quelque chose de commode, une maison est commode;
» et il fait sur-le-champ sa maison. « J'ai besoin de me couvrir, un manteau me
couvre, j'ai besoin d'un manteau, il faut faire ce dont j'ai besoin; » il faut
donc faire un manteau. Or, cette conclusion : « Il faut faire un manteau, »
c'est une action. On agit d'après le principe qu'on a posé. Pour que manteau
soit fait, il faut que la première proposition soit admise; si elle l'est
l'autre le sera aussi; et sur-le-champ l'être agit.
§ 3. Il est donc évident que
l'action est la conclusion; et les propositions d'où l'action doit sortir, se
produisent sous deux formes : celle du bien et celle du possible, mais de même
qu'il arrive parfois dans les argumentations, de même l'intelligence ne regarde
pas davantage à la seconde proposition, qui est évidente; et elle ne s'y arrête
pas. Par exemple, s'il est bon pour l'homme de marcher, on ne s'arrête point à
cette autre proposition, que soi-même on est homme.
§ 4. Voilà aussi pourquoi
nous faisons avec grande rapidité les choses que nous faisons sans raisonnement
préalable; &et quand la sensibilité s'élance énergiquement vers le but
qu'on se propose, ou que c'est l'imagination, ou l'intelligence qui nous y
porte, l'être satisfait son désir sur-le-champ. C'est l'acte du désir qui se
produit, et remplace, soit l'interrogation, soit l'entendement. « Il me faut boire, »
dit le désir; «
ceci est une chose à boire, » dit la sensation, ou l'imagination, ou la raison;
et l'on boit aussitôt.
§ 5. C'est donc ainsi que
les animaux se déterminent au mouvement ou à l'action; et la cause du mouvement
est en définitive le désir qui est produit, soit par la sensation, soit par
l'imagination, soit par l'intelligence. Quand les êtres désirent faire quelque
chose, c'est tantôt par la passion ou par l'instinct; tantôt c'est par
l'impulsion du désir ou de la volonté, soit que l'action se produise sur le
dehors, soit qu'elle ne sorte pas d'eux.
§ 6. Il en est absolument
comme dans les automates, qui se meuvent par le moindre mouvement dès que les
ressorts sont lâchés, parce que les ressorts peuvent agir ensuite les uns sur
les autres; par exemple, le petit chariot qui se meut tout seul. On le meut
d'abord en ligne droite; puis ensuite son mouvement devient circulaire, parce
que ses roues sont inégales, et que la plus petite fait centre comme dans les
cylindres.
§ 7. C'est absolument ainsi
que les animaux se meuvent. Leurs instruments sont, et l'appareil des nerfs, et
celui des os. Les os sont en quelque sorte les bois et les fers des automates;
les nerfs sont comme les ressorts qui, une fois relâchés, se détendent et
meuvent les machines.
§ 8. Cependant, dans les
automates et dans ces petits chariots il n'y a aucune modification intérieure,
puisque si les roues devenaient en dedans plus petites et puis ensuite plus
grandes, le même mouvement circulaire n'en aurait pas moins lieu. Dans
l'animal, au contraire, la même pièce peut devenir tantôt plus grande et tantôt
plus petite; et les formes mêmes peuvent changer, quand les parties diverses
s'augmentent sous l'influence de la chaleur et se resserrent ensuite sous
l'influence du froid; ensuite quand elles subissent quelque modification
interne.
§ 9. Ces modifications
peuvent être causées par l'imagination, par la sensibilité et par la pensée.
Ainsi les sensations sont bien des espèces de modifications qu'on éprouve
directement. Quant à l'imagination et à la pensée, elles ont la puissance même
qu'ont les choses. Par exemple, l'espèce, l'idée du chaud ou du froid, du
plaisir ou de la douleur que se forme la pensée, est à peu près ce que sont
chacune de ces choses. Il suffit de penser à certaines choses pour frissonner
et trembler d'épouvante.
§ 10. Ce sont bien là
certainement, dans tous ces cas, des impressions et des modifications que
l'être éprouve; mais les changements qui se produisent dans le corps, sont
tantôt plus forts, tantôt plus faibles. On comprend, du reste, fort aisément
qu'un changement, qui à son début est très petit, puisse produire, à une
certaine distance, des différences aussi considérables que nombreuses. C'est
comme le gouvernail, qui n'a qu'à se déplacer d'une manière imperceptible pour
causer à la proue un déplacement énorme.
§ 11. De plus, lorsque
l'altération qui est produite par la chaleur ou le froid, ou telle autre cause
pareille, parvient jusqu'au cœur, bien que dans le cœur la partie qui est ainsi
modifiée soit excessivement petite, cependant la modification que par suite le
corps subit, est très considérable, soit qu'elle se manifeste par de la rougeur
et de la pâleur, du frisson, des tremblements, ou par des mouvements contraires
à ceux-là.
La peur,
l'amour et les autres affections, refroidissent ou échauffent le corps :
rapidité de ces modifications, qui le plus souvent nous échappent.
Mécanisme
organique du mouvement dans l'animal : jeu des articulations et des diverses
pièces qui les composent : le bras et la main ne sont pas le principe du
mouvement.
§ 1. Le principe du
mouvement est donc, comme on l'a dit, ce qui est à rechercher ou à fuir dans
les choses que nous devons faire. Nécessairement, la chaleur et le
refroidissement du corps sont les conséquences de l'action, de la pensée, ou de
l'imagination, qui s'y appliquent. Or, c'est la douleur qui est à fuir, et le
plaisir qui est à rechercher. Mais, si dans le détail ces diversités trop
subtiles nous échappent, toutes les pensées pénibles ou agréables n'en sont pas
moins le plus souvent accompagnées de refroidissement ou de chaleur.
§ 2. C'est ce que l'on peut
voir avec toute évidence dans les passions. Ainsi, le courage, la crainte, les
désirs de l'amour, et toutes les modifications corporelles, pénibles ou
agréables, échauffent ou refroidissent, tantôt telle partie du corps, tantôt le
corps tout entier. Les souvenirs, les espérances, bien qu'elles ne nous
présentent que les copies des choses qu'elles concernent, sont causes cependant
des mêmes effets, avec plus ou moins de vivacité. Par suite, les parties
intérieures qui se rapportent aux principes des différents organes, sont
admirablement disposées pour changer selon le besoin, et passer tour à tour de
la coagulation à la fluidité, de la fluidité revenir à l'état de coagulation,
et devenir molles ou dures alternativement, en agissant les unes sur les
autres.
§ 3. Ces phénomènes se
passant ainsi, et le principe qui souffre et celui qui agit ayant bien tous
deux la nature que nous avons si souvent indiquée, quand il arrive que l'un est
passif et que l'autre est actif, et qu'il ne manque rien ni à l'un ni à l'autre
de ce qui les constitue essentiellement, aussitôt l'un agit et l'autre souffre.
Voilà pourquoi, du moment que l'être pense qu'il faut marcher, à l'instant
même, pour ainsi dire, il marche, si aucun obstacle étranger ne vient
l'arrêter.
§ 4. Les parties organiques
sont préparées convenablement par les affections; le désir prépare les
affections, comme l'imagination prépare le désir. L'imagination elle-même est
produite, ou par la pensée, ou par la sensibilité; tout se passe en même temps
et avec rapidité, parce que le principe passif et le principe actif sont de ces
choses dont la nature est d'être relatives les unes aux autres.
§ 5. Quant au moteur premier
qui met l'animal en mouvement, il faut nécessairement qu'il se trouve dans
quelque principe; et l'on a dit que l'articulation est à la fois le
commencement d'une chose et le terme d'une autre. Aussi la nature
l'emploie-t-elle, tantôt comme si elle n'était qu'une seule pièce, et tantôt
comme si elle en était deux.
§ 6. Quand le mouvement part
de l'articulation, il y a nécessité que l'un des points extrêmes soit en repos,
tandis que l'autre est en mouvement; car nous avons fait voir antérieurement
que ce qui meut doit s'appuyer sur ce qui demeure en place. Or, l'extrémité du
bras est mue et elle ne meut pas; et de la flexion qui est dans l'olécrane, une
partie se meut; et c'est celle qui est comprise dans la totalité du membre mis
en mouvement. Mais il faut qu'il y ait de plus quelque chose d'immobile qui,
nous le répétons, en puissance est unique, mais qui devient deux en acte. Par
conséquent, si l'animal était le bras, c'est là que serait placé en quelque
point le principe moteur de l'âme.
§ 7. Mais comme on peut
avoir aussi dans la main quelque instrument inanimé, un bâton, par exemple,
qu'on meut avec la main, il est évident que l'âme ne serait dans aucune de ces
deux extrémités, ni dans l'extrémité du bâton qui est mû, ni dans la main,
autre principe de mouvement. En effet, le bâton trouve dans la main son
principe et sa fin; et par conséquent aussi, si le principe moteur qui part de
l'âme n'est pas dans le bâton, il n'est pas davantage dans la main; car
l'extrémité de la main est au carpe dans ce même rapport précisément, que cette
partie est à l'olécrane. Et ici, les instruments factices que l'on a ajoutés ne
diffèrent absolument point du tout des organes qui sont naturels; et le bâton
n'est pas autre chose qu'une partie qu'au besoin on peut détacher.
§ 8. Ainsi donc, il est
impossible que le mouvement se trouve placé jamais dans un principe qui soit
aussi la fin d'une autre chose, non plus qu'il ne peut l'être dans quelque
autre partie différente, plus extérieure encore que celle-là; par exemple, si
le principe de l'extrémité du bâton était dans la main, et le principe de la
main elle-même dans le carpe. Mais si le principe n'est pas dans la main parce
qu'il est plus haut qu'elle, il en est encore de même pour le carpe, puisque
c'est quand l'olécrane reste en place que toute la partie inférieure qui est
continue, peut se mouvoir.
Nécessité d'un
centre commun, placé au milieu de l'animal, et qui soit à la fois simple et
multiple. Ce centre est le moteur immobile dans l'animal ; c'est l'âme.
§ 1. Comme le mouvement est
tout à fait pareil soit à droite, soit à gauche, l'animal pouvant même se
donner simultanément des mouvements contraires; et comme par conséquent, ce
n'est pas par l'immobilité du côté droit que le côté gauche se met en
mouvement, ni par l'immobilité du côté gauche que se meut le côté droit, mais
que le principe du mouvement est toujours dans quelque chose de supérieur à
tous deux, il faut nécessairement que le principe de l'âme motrice soit dans le
centre de l'être, parce que le centre est la fin des deux extrêmes.
§ 2. Ce centre est dans un
égal rapport, soit aux mouvements qui viennent d'en haut, soit à ceux qui
viennent d'en bas; par exemple, ceux qui viennent de la tète, et ceux qui
viennent de la colonne vertébrale, dans les animaux qui ont une colonne
vertébrale.
§ 3. Cette disposition est
parfaitement rationnelle; car c'est là aussi, comme nous l'avons dit, qu'est le
siège de la sensibilité; et par suite, le lieu du corps qui entoure le
principe, venant à être modifié par la sensation et venant à changer, les
parties contiguës sont changées en même temps que lui, soit qu'elles se
distendent, soit qu'elles se contractent; et ce sont là les causes nécessaires
du mouvement dans les animaux.
§ 4. Mais la partie centrale
du corps qui est une en puissance, doit nécessairement être multiple en acte;
en effet, les membres sont simultanément mis en mouvement par le principe; et
quand l'un est immobile, l'autre se meut. Je dis, par exemple, que sur la ligne
ABC, B est mû, et c'est A qui le meut. Mais il n'en faut pas moins toujours
qu'il y ait un point immobile, pour que telle partie puisse être mue, et que
telle autre puisse mouvoir. Ainsi, A qui est un en puissance, en acte seront
deux; et par conséquent, il doit nécessairement être non pas un point, mais une
grandeur réelle. Pourtant C peut recevoir le mouvement en même temps que D.
Donc, il faut que les deux principes qui sont en C soient mus, pour
qu'ils puissent mouvoir eux-mêmes à leur tour.
§ 5. Il faut donc qu'outre
ces deux principes, il y en ait quelque autre qui meuve sans être mû; car les
extrémités et les principes des parties qui sont mues en A, devraient s'appuyer
les unes sur les autres, comme des gens qui s'appuyant dos à dos feraient
mouvoir leurs jambes. Mais il faut nécessairement un principe qui meuve les
deux à la fois; ce moteur c'est l'âme, qui est toute autre chose que cette
grandeur dont nous venons de parler, mais qui pourtant est placée dans cette
grandeur.
Il est le moteur
mobile dont l'âme se fait un instrument. - Position de ce souffle inné : il est
dans le cœur : ses propriétés de dilatation et de contraction. - Admirable
organisation de l'animal, comparé à un état bien constitué.
§ 1. Suivant cette théorie
qui nous explique la cause du mouvement, l'appétit est l'intermédiaire qui meut
après avoir été mû lui-même. Dans les corps animés il faut qu'il y ait quelque
corps de ce genre. Ainsi donc ce qui est mû, sans que par sa nature il soit
fait pour mouvoir, peut être passif à l'égard d'une force étrangère; mais ce
qui meut doit nécessairement avoir un certaine puissance, une certaine force
[par l'intermédiaire de laquelle il agisse].
§ 2. Or, tous les animaux
ont évidemment un souffle qui leur est inné et d'où il tirent leur force; et
nous avons dit ailleurs comment ce souffle peut s'entretenir en eux. Il semble
donc que ce souffle soit, avec le principe de l'âme ou de la vie, dans la même
relation que le point qui, dans les articulations, meut et est mû, est avec l'immobile.
§ 3. Mais comme le principe
de la vie est dans le cœur, pour les animaux qui en ont un, et dans la partie
correspondante pour ceux qui n'en ont pas, c'est là aussi ce qui fait que
le souffle inné paraît également y être placé.
§ 4. Nous rechercherons
ailleurs si ce souffle est toujours le même, ou si au contraire il est toujours
différent; et cette recherche s'appliquera encore aux autres parties de
l'animal.
§ 5. II semble, du reste,
que par sa nature il soit parfaitement propre à donner le mouvement et à
communiquer de la force à l'animal. Les fonctions diverses du mouvement
consistent à pousser et à tirer. Il faut donc que l'organe puisse à la fois se
dilater et se contracter; et c'est là précisément la nature du souffle. En
effet, elle peut se contracter sans que rien l'y force violemment; et par la
même raison, elle peut tirer et pousser. De plus, elle a tout à la fois du
poids relativement aux corps ignés, et de la légèreté relativement aux éléments
contraires.
§ 6. Or, il faut que ce qui
donne le mouvement n'acquière pas cette propriété par un changement
d'altération survenu en soi. En général, les corps naturels ne l'emportent les
uns sur les autres que par l'excès de certaines qualités : le corps léger est
entraîné en bas par la violence que lui fait le corps plus lourd; le
corps plus lourd ne s'élève en haut que par la force du plus léger.
§ 7. On sait donc maintenant
par quelle partie, mue elle-même, l'âme donne le mouvement au corps; de plus,
nous en avons dit la cause.
§ 8. Il faut considérer
l'animal dans sa constitution comme une cité régie par de bonnes lois. Dans la
cité, une fois que l'ordre a été établi, il n'est plus du tout besoin que le
monarque assiste spécialement à tout ce qui se fait; mais chaque citoyen
remplit la fonction particulière qui lui a été assignée; et telle chose
s'accomplit après telle autre selon ce qui a été réglé. Dans les animaux aussi,
c'est la nature qui maintient un ordre tout à fait pareil; et il subsiste parce
que toutes les parties des êtres ainsi organisés peuvent naturellement
accomplir leur fonction spéciale. II n'y a pas besoin que l'âme soit dans
chacune d'elles; mais il suffit qu'elle soit dans quelque principe du corps;
les autres parties vivent parce qu'elles lui sont jointes, et qu'elles remplissent
par leur seule nature la fonction qui leur est propre.
Le cœur et
l'appareil de la génération. - Action de la chaleur et du froid venant, soit du
dehors, soit du dedans. - Rapports du principe moteur aux divers mouvements :
action et réaction réciproques. - Résumé.
§ 1. Nous venons donc
d'expliquer comment et par quelles causes les animaux exécutent leurs
mouvements volontaires. Il y a bien aussi certaines parties de l'animal qui ont
des mouvements involontaires, et la plupart de ses mouvements ne sont pas
volontaires.
§ 2. Ainsi, pour prendre des
exemples, j'appelle involontaires, les mouvements du cœur et ceux des parties
génitales, puisque souvent, à la vue de certains objets, ils entrent en
mouvement sans que l'intelligence le leur commande; et j'appelle d'autres
mouvements non volontaires, par exemple le sommeil et le réveil, la respiration
et tant d'autres mouvements analogues à ceux-là; car, ni l'imagination ni
l'appétit ne disposent souverainement des mouvements de ce genre.
§ 3. Mais comme les
modifications qu'éprouvent les animaux sont nécessairement des modifications naturelles,
et que quand les parties sont modifiées, les unes se développent et les autres
diminuent, les animaux se meuvent et changent eux-mêmes, selon des changements
dont la nature est de se suivre les uns les autres.
§ 4. Les causes des
mouvements, qui sont les variations de chaleur ou de froid, soit celles qui
viennent du dehors, soit celles qui viennent du dedans, sont toutes naturelles.
Mais les mouvements irréguliers des parties qu'on vient de nommer, ne se
produisent qu'à la suite de quelque altération accessoire. En effet, la pensée
et l'imagination viennent, ainsi qu'on l'a dit antérieurement, apporter les
éléments qui produisent les affections, puisqu'elles apportent les images des
agents qui les causent.
§ 5. De toutes les parties
ce sont celles-là où ces phénomènes sont le plus manifestes, parce que chacune
d'elles est en quelque sorte un animal séparé, attendu qu'elles contiennent de
l'humidité vitale. Et par là on voit bien évidemment pourquoi le cœur renferme
les principes des sensations. Quant à l'appareil de la génération, ce qui
prouve bien clairement que telle est aussi sa nature, c'est que la puissance du
sperme en sort comme une espèce d'animal.
§ 6. Du reste, il est tout
simple que les mouvements aillent ainsi des parties au principe, et du principe
aux parties; et qu'ils soient entre eux dans ces rapports que nous voyons. Soit
A, par exemple, le principe; les mouvements se rendent vers le principe,
suivant chacune des lettres qu'on a écrites ici; puis ils partent du principe
une fois qu'il a été mis en mouvement, et qu'il a subi une modification. Comme
le principe est multiple en puissance, quand il se rapporte à B il va à B;
quand il se rapporte à C, il va à C; quand il se rapporte aux deux, il va aux
deux. De B, il va à C; mais le mouvement de B revient à A, comme retournant
vers son principe; et de A il va à C, comme partant de son principe.
§ 7. Il faut ajouter que Si
par suite de la pensée, tantôt le mouvement irrégulier se produit dans les
parties [désignées plus haut], et tantôt ne s'y produit pas; c'est que parfois
la matière propre à recevoir l'impression se trouve dans ces parties, et que
parfois elle ne s'y trouve, ni en quantité suffisante, ni en qualité
convenable.
§ 8. Voilà donc ce que nous
avions à dire sur les parties des divers animaux et sur l'âme. Nous avons
traité, en outre, de la sensibilité, de la mémoire, du sommeil et du mouvement
commun dans les animaux. Nous avons exposé les causes de tous ces phénomènes.
§ 9. Il ne nous reste plus
qu'à étudier la génération.