MÉTÉOROLOGIE
DISSERTATION SUR
LA COMPOSITION DE LA MÉTÉOROLOGIE ET DU PETIT TRAITÉ DU MONDE
ARISTOTE
Traduction de Jules Barthélemy-Saint-Hilaire
Paris : Ladrange, 1866
Numérisé par Philippe Remacle
Nouvelle édition numérique https://www.i-docteurangelique.fr/DocteurAngelique 2008
Les œuvres complètes de saint
Thomas d'Aquin
LIVRE
1 — LES PHÉNOMÈNES CÉLESTES
Chapitre
1 — Récapitulation de travaux précédents sur la science de la nature
Chapitre
3 — Arrangement et nature des quatre éléments
Chapitre
4 — Des flammés ardentes, des étoiles filantes et de leur cause
Chapitre
5 — De quelques autres phénomènes célestes et de leurs causes
Chapitre
7 — De la nature et de la cause des comètes
Chapitre
8 — De la voie lactée
Chapitre
9 — De la formation des nages, et du brouillard
Chapitre
1 — De la rosée et de la gelée blanche
Chapitre
11 — De la pluie, de la neige, de la grêle et de leurs rapports à la gelée
blanche
Chapitre
2 — De la salure de la mer
Chapitre
3 — Suite de l'explication de la salure de la mer
Chapitre
4 — Théorie générale des vents
Chapitre
5 — 1nfluence du soleil et des astres sur les vents
Chapitre
6 — Position générale des vents
Chapitre
7 — Des tremblements de terre.
Chapitre
8 — Théorie nouvelle des tremblements de terre
Chapitre
9 — De l'éclair, du tonnerre et des météores analogues.
Chapitre
1 — Du tonnerre ; des éclairs ; des trombes ou typhons ; des foudres.
Chapitre
2 — Les phénomènes lumineux
Chapitre
3 — Explication du halo
Chapitre
4 — Explication détaillée de l'arc-en-ciel
Chapitre
5 — Démonstration graphique de l'arc-en-ciel
Chapitre
6 — Du parhélie. Des verges lumineuses.
Chapitre
7 — Résumé et fin des théories antérieures
Chapitre
1 — Théorie des quatre éléments
Chapitre
3 — Des différentes espèces de digestion
Chapitre
4 — Des éléments passifs des corps, le sec et l'humide
Chapitre
5 — De la cohésion des corps, cause de la dureté et de la mollesse
Chapitre
6 — Liquéfaction des corps solides ; ses causes diverses
Chapitre
7 — De la coagulation et de la fusion des corps
Chapitre
9 — Diverses propriétés mécaniques des corps
Chapitre
10 — Des corps homogènes
Chapitre
11 — De la température des corps
Chapitre
12 — De la composition des substances homogènes
Objet et
étendue de la Météorologie. Indication de travaux ultérieurs sur les animaux et
les plantes.
§ 1. 338a
Dans des ouvrages antérieurs, nous avons traité des premiers principes de la
nature, du mouvement physique dans toutes ses parties, des astres dont la
marche si bien ordonnée s'accomplit dans la sphère supérieure, des éléments des
corps dont nous avons indiqué le nombre, la qualité et les permutations
réciproques, et enfin de la génération et de la destruction des choses
considérées dans leur ensemble.
§ 2. De toute cette étude, il
ne nous reste plus qu'à examiner une seule partie, celle que nos devanciers ont
ordinairement nommée la météorologie. Elle 339
comprend tous ces phénomènes qui, bien que se produisant suivant des lois
naturelles, ont cependant des conditions moins régulières que celles de
l'élément premier des corps, et qui ont lieu dans l'espace le plus rapproché de
la révolution des astres ; je veux dire, par exemple, la voie lactée, les
comètes, les météores ignés et à mouvement rapide, que nous pouvons regarder
comme des accidents communs de l'air et de l'eau. Enfin cette science comprend
l'étude de toutes les espèces de la terre, de ses parties, ou des propriétés de
ces parties, qui nous peuvent servir à expliquer les causes des vents et des
tremblements de terre 339a, et de toutes les
circonstances qui accompagnent les mouvements qu'ils provoquent. Parmi ces phénomènes,
les uns nous sont inexplicables ; les autres nous sont accessibles dans une
certaine mesure. Nous traiterons aussi de la chute de la foudre, des ouragans,
des tempêtes, et de toute cette série de phénomènes qui par leur combinaison
deviennent des modifications de ces mêmes corps.
§ 3. Après avoir parcouru tous
ces sujets, nous essayerons, suivant notre méthode habituelle, de traiter des
animaux et des plantes, soit en général, soit à part et en détail ; car cette
étude une fois faite, nous aurons à peu près achevé la totalité des recherches
que dès le début nous nous étions proposé de faire.
Ayant donc ainsi commencé,
il nous faut étudier d'abord les phénomènes dont nous venons de parler.
§ 1.
Nous avons antérieurement établi qu'il n'y a qu'un seul principe pour les corps
dont se compose la nature des corps soumis au mouvement circulaire. Nous avons
établi aussi qu'il y a quatre autres corps formés par les quatre principes,
dont le mouvement, avons-nous dit, est double, l'un partant du centre, l'autre
se dirigeant vers le centre. Ces quatre éléments sont le feu, l'air, l'eau et
la terre. Parmi eux l'un, le feu, est à la surface de tous les autres ; et
l'autre, la terre, leur sert de base. Les deux autres ont beaucoup de rapport
chacun en soi avec ceux-là ; l'air se rapproche davantage du feu, de même que
l'eau se rapproche de la terre. Le monde entier de la terre se compose de ces
quatre corps, et c'est pour ce monde ainsi composé que nous devons étudier tous
les phénomènes qui y font sentir leur influence.
§ 2.
D'abord, il faut de toute nécessité que ce monde se rattache sans discontinuité
de quelque façon que ce puisse être, aux révolutions supérieures, de telle
sorte que toute sa puissante ordonnance soit gouvernée par ces révolutions.
C'est qu'en effet le principe qui donne le mouvement à toutes choses doit être
considéré comme la cause première. De plus, cette cause est éternelle ; elle
n'a pas de fin pour le mouvement qui s'accomplit dans l'espace ; mais elle en
est éternellement à finir. Quant à tous ces corps, ils ont des lieux séparés
les uns des autres et limités, de telle manière qu'il faut regarder comme
causes des phénomènes qui se produisent dans le monde, le feu, la terre et les
éléments analogues, qui servent à ces phénomènes comme d'une espèce de matière
; car c'est du nom de matière que nous appelons le sujet et ce qui souffre les
phénomènes, tandis que ce qui est cause, en ce sens que c'est de là que part le
principe du mouvement, doit être regardé comme la puissance propre aux corps
dont le mouvement est éternel.
- Opinion
d'Anaxagore sur l'éther. - De la nature particulière du corps qui remplit
l'espace entre la terre et les astres. - Double nature de l'exhalaison. De la
formation et de la hauteur des nuages. Des régions supérieures de l'air.
§ 1. Ainsi donc, après avoir
rappelé les principes que nous avons posés au début et les définitions
antérieurement données, parlons ici de la voie lactée telle qu'elle nous
apparaît, des comètes, et de tous les autres phénomènes qui se rapprochent de
ceux-là, Nous avons dit que le feu, l'air, l'eau et la terre viennent les uns
des autres, et que chacun d'eux étaient 339b en
puissance dans chacun des autres, comme il en est d'ailleurs pour toutes les,
choses qui ont un sujet un et identique dans lequel elles se résolvent en
dernière analyse.
§ 2. On pourrait d'abord se
demander pour ce corps qu'on appelle l'air, quelle en est an juste la nature
dans le monde qui entoure la terre, et quel est son ordre relativement aux
autres éléments, nominés les éléments des corps. On sait d'une manière certaine
quel est le rapport de la masse terrestre aux grandeurs dont elle est entourée
; car nous avons déjà appris par des observations d'astronomie qu'elle est
beaucoup plus petite que certains astres. Quant à la nature de l'eau constituée
et limitée comme elle l'est, nous ne l'avons jamais vue et il est impossible de
la voir jamais, séparée du corps que forme la terre, tant pour les eaux qui
sont à découvert, la mer par exemple et les fleuves, que pour l'eau qui
pourrait se dérober à nous par la profondeur où l'eau serait cachée. Or,
l'espace compris entre la terre et les plus rapprochés des astres, doit-il être
regardé comme un corps unique par sa nature? Est-ce plusieurs corps? Et s'il y
en a plusieurs, quel en est le nombre, et jusqu'où s'étendent les lieux divers
qu'ils occupent?
§ 3. Nous avons dit
antérieurement, en parlant du premier élément, quelles en sont les propriétés,
et nous avons ajouté que le monde des révolutions supérieures était rempli
entièrement par ce corps. Nous pouvons dire d'ailleurs que cette opinion ne
nous est pas du tout personnelle, et que c'est une vieille idée qu'ont eue même
des philosophes fort anciens.
§ 4. Ainsi ce qu'on appelle
l'éther a reçu très anciennement cette dénomination, qu'Anaxagore, ce me
semble, a voulu identifier avec celle du feu ; car pour lui les régions
supérieures étaient pleines de feu, et il pensa devoir appeler éther la force
qui les remplit. En ceci il a bien vu ; car on a pu avec toute raison regarder
comme divin le corps qui jouit d'un mouvement éternel et appeler par conséquent
ce corps Ether, à cause de cette propriété qui le fait si différent de tous les
corps que nous voyons. C'est qu'il faut bien le dire : ce n'est pas une fois,
deux fois, ni même un petit nombre de fois que les mêmes opinions se
reproduisent périodiquement dans l'humanité ; c'est un nombre de fois infini.
§ 5. Ceux qui prétendent que
l'enveloppe du monde est un feu pur, qu'il y a autre chose que les corps
lumineux qui circulent, et que tout ce qui est compris entre la terre et les
astres est de l'air, ne soutiendraient pas sans doute une opinion si puérile,
s'ils examinaient les démonstrations tout à fait incontestables que de notre
temps les mathématiques ont données. C'est qu'en effet il serait par trop
simple de croire que chacun des corps qui se meuvent dans l'espace a des
dimensions aussi petites qu'il nous le parait, quand nous les considérons
d'ici-bas.
§ 6. Nous avons déjà, dit dans
nos considérations sur le lieu supérieur, et nous pouvons bien répéter ici dans
les mêmes termes, 340a que, si les espaces
étaient remplis de feu et que les corps fussent composés de cet élément, c'en
serait fait dès longtemps de tous les autres.
§ 7. Les espaces ne peuvent pas
davantage être remplis d'air tout seul ; car ce serait dépasser complètement
l'égalité de proportion générale qui doit régner entre des corps de même ordre,
si deux éléments suffisaient à remplir tout l'espace compris entre le ciel et
la terre. La masse totale de la terre, en y comprenant et toute la terre et la
quantité de l'eau qui y est renfermée, n'est rien pour ainsi dire en
comparaison de la grandeur qui l'environne. Or nous ne voyons pas qu'il y ait
une différence d'une grandeur aussi prodigieuse entre les volumes, lorsque
l'air se produit de l'eau sécrétée, ou lorsque le feu se produit de l'air. Il
faut donc nécessairement que le même rapport que cette petite quantité d'eau
soutient avec l'air qui en est formé, se retrouve aussi de tout l'air à toute
l'eau.
§ 8. D'ailleurs peu importe de
dire que ces corps ne sont pas produits les uns par les autres, mais qu'ils ont
cependant des propriétés tout à fait égales ; car de cette façon il faut
toujours nécessairement que l'égalité de puissance reste à leurs masses,
absolument comme s'ils étaient en effet issus les uns des autres. Il est donc
évident que ni l'air ni le feu ne remplissent à eux seuls tout l'espace
intermédiaire.
§ 9. Reste une dernière question
à se faire : c'est de savoir dans quel ordre sont placés ces deux éléments
relativement à la position du premier corps, l'air et le feu j'entends, et par
quelle cause la chaleur des astres qui sont en haut descend dans les lieux qui
entourent la terre. Ainsi donc, après avoir parlé d'abord de l'air, suivant le
plan que nous nous sommes tracé, nous parlerons ensuite des autres éléments de
la même façon.
§ 10. Si l'eau vient de l'air,
et l'air de l'eau, pourquoi les nuages ne se forment-ils pas dans la région
supérieure? Et ceci semblerait d'autant mieux devoir être que l'espace est plus
éloigné que la terre et plus froid qu'elle, par ces deux raisons qu'il n'est
point assez voisin des astres qui sont chauds, ni des rayons réfléchis par la
terre, lesquels empêchent les nuages de se former dans son voisinage, en
divisant par leur chaleur ceux qui se forment. Les nuages ne peuvent donc se
condenser que là où cessent les rayons réfléchis, parce qu'ils se dispersent
dans l'immensité.
§ 11. Ainsi donc, ou bien l'eau
ne peut pas venir de toute la masse de l'air, ou si elle vient également de
toute la masse, il faut que l'air qui environne la terre ne soit pas seulement
de l'air, mais comme une espèce de vapeur, ce qui fait qu'il peut ensuite se
convertir en eau. Mais si l'air tout entier, tel qu'il est, n'était qu'une
vapeur, la quantité de l'air et de l'eau semblerait alors l'emporter de
beaucoup sur les autres éléments, si les espaces des régions supérieures sont
remplis 341 d'un certain corps, et que ce corps
ne puisse être le feu parce qu'alors il dessécherait tout le reste. Reste donc
que ces espaces soient pleins d'air et d'eau autour de toute la terre ; car la
vapeur n'est pas autre chose qu'une sécrétion de l'eau.
§ 12. Ne poussons pas du reste
ces considérations plus loin que nous ne venons de le faire ; mais ajoutons
pourtant, afin de bien éclaircir ce qui sera dit plus tard et ce qui vient
d'être dit, que pour nous ce qui est au-dessus de la terre et jusqu'à la lune
est un corps différent du feu et de l'air, qu'il y a dans ce corps une partie
plus pure, et une partie moins subtile, et que ce corps a des différences là
surtout où il aboutit à l'air et au inonde qui environne la terre.
§ 13. Comme le premier élément
et les corps qu'il renferme se meuvent circulairement, la partie du monde
inférieur et de l'élément qui lui est éternellement contiguë, se trouvant
divisée par le mouvement, s'enflamme et produit la chaleur. Nous devons croire
qu'il en est ainsi, en nous appuyant sur ce principe que le corps au-dessous de
la révolution supérieure, comme une sorte de matière qui en puissance est
chaude, froide, sèche, humide, et douée de toutes les autres propriétés
conséquences de celles–là, devient et est tout cela par le mouvement et
l'immobilité, dont nous avons ailleurs étudié la cause elle principe.
§ 14. C'est donc au centre et
autour du centre que le plus lourd et le plus froid, la terre et l'eau, se
place sécrété comme il l'est ; autour de la terre et de l'eau, et de tout ce
qui y tient, se trouve l'air, et ce que par habitude nous appelons le feu, bien
que ce ne soit pas du feu ; car le feu est un excès de la chaleur et comme un
bouillonnement.
§ 15. Mais il faut distinguer
aussi, dans ce que nous appelons l'air, la partie qui environne la terre,
laquelle est humide et chaude parce qu'elle renferme les vapeurs et les
exhalaisons terrestres, et la partie supérieure à celle-là, laquelle est chaude
et sèche. La nature de la vapeur est humide et chaude ; mais celle de
l'exhalaison est chaude et sèche. La vapeur est par ses propriétés une sorte
d'eau, tandis que l'exhalaison au contraire est par ses propriétés une sorte de
feu.
§ 16. Ainsi donc, si les nuages
ne se forment pas dans la région supérieure, c'est, il faut le supposer, parce
que dans cette région il y a non pas seulement de l'air, mais plutôt une espèce
de feu. D'ailleurs il se peut fort bien que ce soit le mouvement circulaire qui
empêche la formation des nuages dans les parties supérieures ; car
nécessairement l'air circulaire doit s'écouler tout entier, ou du moins toute
cette partie de l'air qui n'est pas comprise en dedans de cette circonférence,
dont la disposition fait que toute la terre est sphérique.
§ 17. En effet, comme on le sait
bien maintenant, les vents se forment dans les lieux marécageux de la terre, et
ils ne soufflent pas au-dessus des montagnes les plus élevées. C'est qu'ils
s'écoulent circulairement, parce qu'ils sont emportés avec la révolution de
l'univers. Le 341a feu est en effet continu à
l'élément supérieur, et l'air est continu au feu, de sorte que c'est le
mouvement même qui l'empêche de se convertir en eau.
§ 18. Mais chaque particule qui
vient à s'alourdir, dans l'air pressé qui s'est échappé vers le lieu supérieur
de la chaleur, est toujours portée en bas ; et une autre vient à sa place,
apportée par l'exhalaison du feu ; et ainsi de suite continuellement, l'une
restant pleine d'air, et l'autre pleine de feu, et chacune d'elles changeant
perpétuellement de l'un à l'autre état.
§ 19. Voilà donc ce que nous
avions à dire pour montrer que les nuages ne se forment pas dans la région
supérieure non plus qu'aucune concrétion d'eau, et pour expliquer ce que semble
être l'espace compris entre les astres et la terre et de quel corps il doit
être rempli.
Quant à la chaleur que
produit le soleil, il convient davantage d'en parler spécialement et en détail
dans les traités sur la sensation ; car la chaleur n'est qu'une affection de la
sensibilité. Mais nous devons dire ici par quelle cause elle est produite, bien
que les astres qui la produisent ne soient pas chauds eux-mêmes.
§ 20. Nous voyons certainement
que le mouvement peut diviser l'air et l'enflammer, à tel point que les corps
emportés par un mouvement rapide paraissent souvent se liquéfier. La révolution
seule du soleil suffit donc pour que la sécheresse et la chaleur se produisent
; car il faut que ce mouvement soit rapide et ne soit point éloigné. La
révolution des astres est rapide ; mais elle est à grande distance ; celle de
la lune est inférieure, mais elle est lente. Celle du soleil réunit les deux
caractères en une juste proportion. Ce qui peut nous faire croire avec pleine
raison que la chaleur se produit surtout par le soleil même, c'est ce que nous
apprend l'observation de phénomènes tout pareils qui se passent près de nous.
Ainsi nous voyons sur notre terre que l'air devient très chaud là où il est en
contact avec des corps mus très violemment ; et c'est tout simple, puisqu'alors
le mouvement du corps solide divise l'air extrêmement.
§ 21. C'est donc encore pour
cette cause que la chaleur arrive dans le lieu que nous habitons, et aussi
parce que le feu ambiant est déchiré continuellement par le mouvement, et qu'il
est violemment projeté en bas. Ce qui prouve de reste que la région supérieure
n'est ni chaude ni enflammée, ce sont les courses que les astres fournissent ;
car ce n'est pas là qu'ils font leurs révolutions, mais c'est en bas, bien que
les corps dont le mouvement est le plus rapide soient aussi les plus prompts à
s'enflammer. Il faut ajouter que le soleil qui est surtout chaud parait être
blanc et n'a pas la couleur du feu.
§ 1. 342
Ceci posé, disons par quelle cause apparaissent dans le ciel les flammes
ardentes, les étoiles qui filent et les phénomènes qu'on appelle aussi
quelquefois des torches, et des chèvrons. Tous ces phénomènes sont identiques
et se produisent par la même cause. Ils ne diffèrent que du plus ou moins. En
voici du reste le principe, ainsi que de beaucoup d'autres.
§ 2. La terre étant échauffée
par le soleil, il faut nécessairement que l'exhalaison soit, non pas simple,
comme l'affirment quelques-uns, mais double : l'une qui tient plutôt de la
vapeur, l'autre qui tient davantage du vent. La première qui vient de l'humide
répandu dans la terre et sur la terre, est comme de la vapeur ; la seconde qui
vient de la terre même, laquelle est sèche, est comme de la fumée. De ces deux
émanations, celle qui se rapproche du vent reste à la surface parce qu'elle est
légère, l'autre qui est plus humide reste en dessous par son poids même.
§ 3. C'est là ce qui fait que
l'enveloppe est arrangée de cette façon : d'abord au-dessous de la révolution circulaire
se trouvent le chaud et le sec que nous appelons le feu ; car nous n'avons pas
de terme commun qui exprime toutes les espèces de cette sécrétion fumeuse. Mais
comme de tous les corps c'est celui qui naturelle ment est le plus inflammable,
il faut nécessairement se servir pour le désigner des mots reçus. Puis
au-dessous de cette nature ignée, se trouve l'air.
§ 4. Il faut penser que, comme
une matière inflammable, ce que nous appelons ici le feu s'étend jusqu'à
l'extrémité de la sphère qui entoure la terre, de telle sorte que le moindre
mouvement qu'il reçoit lui suffit, comme à la fumée, pour s'enflammer
perpétuellement ; car la flamme n'est que l'incandescence d'un air sec.
§ 5. Quand cette composition se
trouve dans les conditions les plus convenables, elle s'enflamme du moment
qu'elle vient à être mise en un mouvement quelconque par la circonférence. Il
n'y a donc ici de différence que pour la situation et la quantité de la matière
inflammable. Si cette matière inflammable a longueur et largeur, on voit
souvent la flamme qui brûle comme celle du chaume dans un sillon. Si elle n'a
que longueur, on voit alors se produire ce qu'on nomme torches, chèvrons,
étoiles filantes.
§ 6. Si la matière inflammable
a plus de longueur que de largeur, et qu'elle jette cantine des étincelles en
brûlant, ce qui arrive parce qu'elle est consumée à fond bien que petit à
petit, c'est ce qu'on nomme une chèvre ou chèvron ; et quand cette circonstance
ne se produit pas, c'est une torche. Si au contraire l'exhalaison est divisée
dans sa longueur en petites et nombreuses parties et qu'elle soit égale en
largeur et profondeur, ce sont alors ces étoiles qui semblent traverser le ciel
et filer.
§ 7. Parfois donc l'exhalaison
enflammée par le mouvement produit ces phénomènes ; parfois la chaleur est
repoussée et chassée par l'air 342a condensé à
cause du froid ; et c'est ce qui fait que leur mouvement ressemble plutôt à une
chose qu'on jette qu'à une chose qui brûle, à un jet qu'à une combustion.
§ 8. Ici l'on pourrait se faire
une question. Une évaporation placée sous des lampes fait descendre la flamme
supérieure à la lampe inférieure, qui s'allume sur le champ ; et l'on peut
remarquer que la rapidité de ce mouvement est étonnante et ressemble à une
sorte de jet, sans que d'ailleurs les choses se passent comme si les feux de
l'une et de l'autre étaient différents ; de même, peut-on se demander, les
courses des météores ignés ne sont-elles pas des jets d'un même corps?
§ 9. Ces phénomènes, à ce qu'il
semble, peuvent être produits par ces deux causes. Ainsi, ou il arrive parfois
que les choses se passent comme dans le fait de la lampe, ou parfois les
phénomènes ignés sont lancés par une sorte de répulsion, comme des noyaux que
l'on presse entre les doigts ; et il semble alors qu'ils tombent soit dans la
mer, soit sur la terre, de jour, de nuit et par un temps serein.
§ 10. S'ils sont lancés en bas,
c'est parce que la condensation qui les pousse tend toujours à aller en bas.
C'est aussi la même cause qui fait que la foudre tombe ; car si tous ces
phénomènes se produisent, ce n'est pas une combustion qui les cause, c'est une
division par compression, puisque tout ce qui est chaud tend naturellement à se
porter en haut.
§ 11. Ainsi donc tous les
phénomènes qui se forment dans la région supérieure, plus que partout ailleurs,
viennent de ce que l'exhalaison s'enflamme ceux qui se forment plus bas
viennent de ce qu'elle se divise, parce que l'exhalaison plus humide se réunit
et se refroidit. Se réunissant ainsi et tendant vers le bas, elle pousse par sa
condensation la chaleur en bas et la projette en ce sens.
§ 12. Mais la position de
l'exhalaison, selon qu'elle est en largeur ou en profondeur, fait qu'elle est
portée, soit en haut, soit en bas, soit obliquement. La plupart du temps la
direction est oblique, parce que les directions sont doubles, l'une violente en
bas, l'autre naturelle en haut ; car tous ces phénomènes suivent une marche
diagonale, et c'est là ce qui fait que la direction des étoiles filantes est
presque toujours oblique.
§ 13. On peut donc dire que la
cause de tous ces phénomènes, c'est l'exhalaison comme matière ; et que comme
moteur, c'est tantôt la révolution supérieure et tantôt la contraction de l'air
condensé. Tous d'ailleurs se passent au-dessous de l'orbite de la lune ; et ce
qui le prouve bien, c'est leur rapidité, qui nous paraît toute pareille à celle
des objets que nous lançons ici-bas, et qui, rapprochés de nous comme ils le
sont, nous semblent l'emporter de beaucoup en vitesse sur les étoiles, la lune
et le soleil.
§ 1. On voit assez souvent se
former dans le ciel pendant les nuits sereines, des apparitions de divers
genres, qui ressemblent à des gouffres, à des trous, à des couleurs de sang. La
cause en est tout à fait 343 la même ; en effet
puisqu'évidemment dans la région supérieure l'air est fait de telle sorte qu'il
peut s'enflammer, et que sa combustion ressemble tantôt à une simple flamme
tantôt à des torches qu'on agite, tantôt à des étoiles filantes, il n'y a rien
d'étonnant que ce même air puisse par sa composition prendre toute espèce de
couleurs.
§ 2. Ainsi la lumière paraît
beaucoup plus faible quand elle est vue à travers un corps plus dense ; et
l'air, en recevant une réfraction, formera toute espèce de couleurs mais
surtout de l'écarlate et du pourpre, couleurs qui naissent le plus
ordinairement de la couleur de feu et de celle du blanc, quand on les mêle et
qu'on les superpose en les rapprochant l'une de l'autre ; de même que les
astres, soit à leur lever soit à leur coucher, paraissent écarlates quand il
fait très chaud ou qu'on les regarde à travers la fumée. C'est aussi ce que
produira l'air par la réfraction, quand il fait miroir de telle sorte qu'il
reçoive non pas la figure mais la couleur. Mais la combinaison est si rapide
qu'elle est cause que ces phénomènes ne durent pas longtemps.
§ 3. Quand la lumière vient à
se briser par la rupture du bleu et du noir, il se forme comme des abîmes qui
semblent avoir une sorte de profondeur. Souvent aussi il sort de ces abîmes des
torches, surtout quand la masse se resserre ; et l'abîme semble surtout se
former quand elle se rétrécit. En général, le blanc sur le noir produit les
effets les plus variés, tout comme la flamme dans la fumée. Durant le jour, le
soleil empêche de les voir ; et la nuit, les autres teintes, si l'on en excepte
l'écarlate, ne se voient pas à cause de l'uniformité de leur couleur.
§ 4. Telles sont donc, à ce qu'on peut croire, les causes des étoiles filantes, des météores ignés, et de tous les autres phénomènes analogues qui font de si rapides apparitions.
Opinions et
explications d'Anaxagore, de Démocrite, d'Hippocrate de Céos, d'Eschyle.
Réfutations de ces opinions erronées.
§ 1. Parlons maintenant des
comètes et de ce qu'on appelle la voie lactée, après avoir d'abord discuté les
opinions de nos devanciers.
Anaxagore et Démocrite
prétendent que les comètes sont une conjonction de planètes ou d'astres
errants, quand ils semblent se toucher les uns les autres par la proximité où
ils sont.
§ 2. Quelques philosophes
Italiques et quelques-uns de ceux qu'on appelle Pythagoriciens assurent que la
comète est une des planètes, laquelle n'apparaît qu'à un très long intervalle
et dont l'ascension est fort petite ; ce qu'on voit aussi pour la planète de
Mercure ; comme elle ne s'élève que fort peu sur l'horizon, elle souffre de
très fréquentes éclipses, ce qui fait qu'on ne l'aperçoit que de loin à loin.
§ 3. Hippocrate de Chios et son
disciple Eschyle ont avancé une opinion qui se rapproche beaucoup 343a de celle-là. Seulement, ils ajoutent que la queue
ne vient pas de la comète elle-même, mais qu'elle la prend quelquefois dans sa
course à travers l'espace, parce que notre vue se réfracte vers le soleil par
l'humidité même que la comète a entraînée avec elle.
§ 4. Suivant eux, c'est parce
que sa révolution est très lente qu'elle paraît à de plus grands intervalles de
temps que les autres astres ; car lorsqu'elle paraît, c'est que son cercle
entier est accompli. Elle l'accomplit soit vers le nord soit vers le sud. Dans
l'espace compris entre les tropiques, elle ne peut attirer d'eau vers elle,
parce que le mouvement du soleil y a consumé toute l'humidité. Mais quand elle
est portée vers le sud, elle y trouve abondance de cette humidité ; et comme la
partie supérieure du cercle est petite, et que celle du bas est considérable,
la vue des hommes ne peut se porter en se réfractant vers le soleil, ni lorsque
le soleil s'approche du sud, ni lorsqu'il est dans les tropiques méridionaux ou
le solstice d'été.
§ 5. C'est là ce qui fait,
ajoutent ces philosophes, que la comète ne se montre jamais dans ces lieux.
Mais lorsque dans sa course elle se trouve au nord, elle y prend une chevelure,
parce qu'alors la circonférence qui est au-dessus de l'horizon est
considérable, tandis que la partie inférieure du cercle est petite ; ce qui
fait que la vue des hommes peut alors se diriger facilement vers le soleil.
§ 6. Toutes ces opinions
présentent des impossibilités, dont quelques-unes sont communes à tous ces
systèmes, et dont les autres sont spéciales. Ainsi d'abord ceux-là se trompent
qui prétendent que la comète est un des astres errants, c'est-à-dire une
planète ; car tous les astres errants accomplissent leur révolution dans le
cercle du zodiaque, et l'on a vu beaucoup de comètes en dehors de ce cercle. En
outre, on en a vu souvent plus d'une à la fuis.
§ 7. Il faut ajouter que si
c'est la réfraction qui produit la chevelure, comme le veulent Eschyle et
Hippocrate, il faudrait qu'on vit aussi quelquefois cette espèce d'astre sans
chevelure, puisqu'elle parcourt aussi d'autres lieux, et qu'elle ne retient pas
une chevelure partout. Or, on ne connaît maintenant que cinq astres ou planètes
: et souvent ils ont été visibles tous les cinq au-dessus de l'horizon en même
temps ; et soit qu'ils fussent tous visibles, soit que tous étant au-dessus de
l'horizon quelques-uns fussent trop près du soleil pour être vus, on a pu
observer souvent que les comètes ne s'en montraient pas moins.
§ 8. Il n'est même pas vrai,
comme on le dit, que la comète ne se fasse voir qu'au nord, et quand en même
temps le soleil est au tropique 344 d'été. Ainsi
la grande comète qui a été vue à l'époque du tremblement de terre en Achaïe, et
de l'inondation maritime, commença sa course ascensionnelle à partir du coucher
des équinoxes ; et l'on en a déjà observé plusieurs au sud. Sous l'archontat
d'Euclès, fils de Molon, à Athènes, une comète parut au nord dans le mois de
Gamélion, quand le soleil était au tropique d'hiver ; et pourtant ces mêmes astronomes
reconnaissent qu'il est impossible qu'il y ait réfraction à une aussi grande
distance.
§ 9. Ce qu'il y a encore à dire
de commun contre eux, et contre ceux qui prétendent que la comète n'est qu'une
conjonction d'astres qui se touchent, c'est qu'il y a des étoiles fixes qui
parfois prennent une queue. Et ceci, nous n'avons pas à l'affirmer uniquement
sur la foi des Égyptiens, qui rendent aussi ce témoignage ; nous l'avons
observé nous-même. Une des étoiles placées dans la cuisse du Chien avait une
chevelure, peu brillante il est vrai, et l'éclat en devenait peu visible quand
on fixait longtemps les regards ; mais elle l'était davantage quand on la
regardait un peu de côté.
§ 10. Il faut dire encore que
toutes celles que nous avons vues ont disparu sans se coucher, au-dessus de
l'horizon, s'éteignant petit à petit, de telle sorte qu'il ne restait le corps
ni d'un astre ni de plusieurs ; et c'est ainsi que ce grand astre dont nous
venons de parler parut en hiver pendant la gelée et par un temps serein à
l'occident, sous l'archontat d'Astéïus. Le premier jour on ne le vit pas, parce
qu'il se couchait avant le soleil ; mais on le vit le lendemain. Sa révolution
fut aussi courte que possible, et il se coucha sur le champ. Son éclat
s'étendait, comme un jet, jusqu'au tiers du ciel, et c'est ce qui fit qu'on
l'appela le Chemin. Il monta jusqu'à la ceinture d'Orion, et là il s'évanouit.
§ 11. Pourtant Démocrite n'en
défend pas moins avec ardeur et complaisance son opinion. Il prétend qu'on a vu
quelques planètes quand les comètes se dissolvent. Mais il faudrait que cette
apparition se produisit toujours, et non pas que tantôt elle se produisit et
tantôt ne se produisit pas. Les Égyptiens prétendent à ce sujet qu'il y a des
planètes qui entrent en conjonction soit entre elles soit aussi avec les
étoiles fixes ; et. nous-mêmes nous avons vu deux fois déjà la planète de
Jupiter entrer en conjonction avec une des étoiles qui sont dans les Gémeaux,
et la cacher, sans que d'ailleurs il se formât de comète.
§ 12. Ceci d'ailleurs est
évident rien que par le raisonnement. Les planètes, soit qu'elles paraissent
plus grandes, soit qu'elles paraissent plus petites, n'en doivent pas moins
être indivisibles en elles-mêmes. De même donc que si elles étaient réellement
indivisibles, elles ne formeraient point de grandeur en se touchant et en se
réunissant, de même, puisqu'elles ne sont pas indivisibles mais ne font que le
paraître 344a, elles ne peuvent pas paraître
même en se réunissant avoir une grandeur plus considérable.
§ 13. Ainsi donc que les causes
indiquées par les astronomes soient fausses, c'est ce que montre suffisamment
ce que nous avons dit, bien qu'on eût pu développer davantage ces objections.
§ 1. Comme pour les choses qui
échappent à nos sens, nous croyons les avoir démontrées d'une manière
suffisante pour notre raison, quand nous sommes arrivés à faire voir qu'elles
sont possibles, on doit croire qu'il peut en être surtout ainsi pour les
phénomènes que nous étudions maintenant.
§ 2. En effet, nous avons
supposé que pour le monde qui enveloppe la terre et qui est au–dessous de la
révolution circulaire, la première partie se compose d'une exhalaison sèche et
chaude. Or cette exhalaison elle-même, et une grande partie de l'air inférieur
qui lui est continu, sont emportés autour de la terre par la révolution et le
mouvement circulaire. Entraînée et mue de cette sorte, là où elle est
convenablement mélangée, elle s'enflamme souvent ; et c'est là ce qui nous fait
croire aux courses des astres errants.
§ 3. Lors donc que, par suite
du mouvement des substances d'en haut, un principe igné vient à tomber dans une
telle condensation, sans que ce principe soit assez considérable pour qu'il
cause aussitôt une inflammation rapide et forte, ni tellement faible qu'il
s'éteigne rapidement, mais qu'il soit suffisamment puissant et suffisamment
étendu et lorsqu'en même temps une exhalaison bien mélangée vient à s'élever
d'en bas, alors cette coïncidence produit une comète, un astre chevelu, qui
prend d'ailleurs la forme quelle qu'elle soit de cette exhalaison. Si
l'exhalaison est partout également répandue, c'est une comète simple ; si elle
est étendue en longueur, on l'appelle une comète à queue.
§ 4. De même donc que la
révolution de la comète paraît être la révolution d'un astre, de même aussi son
état stationnaire semble être tout à fait celui d'un astre également. Ce qui se
produit alors est à peu près comme si l'on jetait une torche dans un grand tas
de paille, ou si l'on y mettait simplement une petite étincelle de feu. La
course de ces astres ressemble absolument à ce phénomène de combustion ; et
suivant la bonne disposition des combustibles, l'inflammation s'étend bien vite
en longueur. Si le phénomène subsistait et ne s'éteignait pas si tôt dans son
passage, la fin de sa course serait le début même de sa révolution, là surtout
où le combustible est plus dense. Ainsi une comète est un astre, on pourrait
dire la course d'un astre, qui a en soi sa fin et son origine.
§ 5. Lors donc que c'est sous
la région inférieure elle-même que se forme la concrétion, la comète apparaît
par elle seule. Mais lorsque c'est au-dessous d'un des astres, soit fixe soit
planète, que l'exhalaison se condense par le 345
mouvement, alors c'est une de ces étoiles qui devient comète. Car la chevelure
ne tient pas aux astres eux-mêmes ; mais elle est pareille aux halos qui
paraissent autour du soleil et de la lune et qui les accompagnent, bien que ces
astres se déplacent quand l'air est tellement condensé que ce phénomène se
forme au-dessous de la marche du soleil. De même aussi la chevelure est pour
ces sortes d'étoiles, comme une sorte de halo.
§ 6. La seule différence, c'est
que le halo n'a sa couleur qu'à cause de la réfraction, tandis que pour les
comètes la couleur paraît être en elles. Lors donc qu'une semblable concrétion
se fait autour d'une étoile, il faut nécessairement que la comète semble animée
du même mouvement qu'a cette étoile elle-même. Quand au contraire la comète se
forme d'elle seule, alors elle paraît être distancée et rester en arrière. Car
telle est la marche du monde qui environne la terre.
§ 7. Ce qui prouve surtout que
la comète n'est pas une réfraction de la lumière, qui comme le halo se produit
relativement à l'astre lui-même dans le combustible pur, et que ce n'est pas
relativement au soleil, comme le prétend Hippocrate, c'est que la comète se
forme souvent toute seule et plus souvent qu'elle ne se forme autour de
certains astres spéciaux. Nous nous réservons de dire plus tard la cause du
halo.
§ 8. Mais ce qui doit faire
croire que la composition des comètes est ignée, c'est que leur apparition
annonce le plus souvent des vents et des sécheresses. II est évident qu'elles
se produisent, parce qu'une sécrétion considérable de ce genre a lieu et rend
l'air nécessairement plus sec, et que par la quantité même de l'exhalaison
chaude, l'humide qui s'évapore, se divise et se dissout à ce point qu'il ne
peut plus se convertir facilement en eau. Nous expliquerons d'ailleurs plus
clairement ce phénomène, quand le moment sera arrivé de parler aussi des vents.
§ 9. Lors donc que les comètes
sont grosses et fréquentes, les années, comme nous venons de le dire, sont
manifestement sèches et venteuses. Quand elles sont plus rares et d'une moindre
grandeur, ces changements atmosphériques ne se présentent pas aussi
complètement ; mais pourtant il y a toujours une augmentation de vent, soit
pour la durée soit pour la violence. Ainsi, la pierre qui tomba de l'air à
Aegospotamos avait été enlevée durant le jour par la force du vent ; et une
comète apparaissait aussi à l'occident.
§ 10. Et à l'époque de la grande
comète, l'hiver était sec, le vent au nord ; et ce fut la lutte des vents qui
causa l'inondation dans le golfe 345a. C'était
le vent du nord qui soufflait sans interruption, et hors du golfe c'était un
grand vent du sud. Il y a plus : sous l'archontat de Nicomaque, à Athènes, une
comète se montra, durant quelques jours, dans le voisinage du cercle équinoxial
; elle ne s'était point levée au couchant ; et elle coïncida avec le fameux
vent de Corinthe.
§ 11. Ce qui fait que les
comètes ne sont ni très nombreuses ni très fréquentes entre les tropiques, et
qu'elles se montrent en dehors des tropiques plutôt qu'en dedans, c'est le
mouvement du soleil et des astres, qui non seulement divise la chaleur, mais
qui de plus dissipe celle qui s'est agglomérée. Mais la cause principale, c'est
que la plus grande partie va se rassembler dans la voie lactée.
- Opinions des Pythagoriciens, d'Anaxagore et
de Démocrite : autre explication. Réfutation de ces opinions. - Théorie
nouvelle de la voie lactée.
§ 1. C'est ici qu'il faut dire
comment se forme la voie lactée, par quelle cause elle se forme et ce qu'elle
est. Mais auparavant, parcourons encore pour cette question les explications
données par les autres.
§ 2. Quelques-uns des
philosophes appelés Pythagoriciens prétendent, ceux-ci, que c'est la route d'un
des astres qui sont tombés suivant la direction appelée la Chute de Phaéton ;
ceux-là, que c'est le soleil même qui suivait jadis cette route, tellement que
cet espace a été en quelque sorte brûlé et affecté d'une façon analogue par le
passage de cet astre.
§ 3. Mais il est absurde de ne
pas voir que si c'était là la cause de la voie lactée, il faudrait à bien plus
forte raison encore que le cercle du Zodiaque fût en cet état ; car toutes les
planètes se meuvent dans ce cercle et non le soleil tout seul. Or, le cercle
tout entier nous est visible, puisque dans la nuit nous en voyons toujours la
moitié ; pourtant il ne nous présente aucune modification de ce genre, si ce
n'est dans sa très-faible partie qui touche le cercle de la voie lactée.
§ 4. Anaxagore et Démocrite
assurent que la voie lactée n'est que la lumière de quelques étoiles. Selon
eux, le soleil dans sa course sous la terre n'éclaire pas certaines étoiles.
Celles qu'il éclaire perdent leur éclat et ne peuvent plus être visibles à
cause de ses rayons resplendissants ; celles au contraire qui par suite de
l'interposition de la terre ne sont plus éclairées par le soleil, produisent
par leur lumière propre ce qu'on appelle la voie lactée.
§ 5. Il est tout aussi évident
que cette explication n'est pas plus possible que l'autre. La voie lactée se
montre toujours dans les mêmes étoiles et la même, et elle se montre comme un
très grand cercle. Mais les astres qui ne sont pas visibles à cause du soleil,
sont toujours différents, parce qu'ils ne restent pas dans le même lieu. Il
faudrait par conséquent que la voie lactée se déplaçât quand le soleil se
déplace ; et nous n'observons rien de pareil.
§ 6. De plus 346, si comme on le démontre dans les théorèmes
d'astronomie, la grandeur du soleil est beaucoup plus considérable que celle de
la terre, et la distance des étoiles à la terre beaucoup plus grande que celle
du soleil, de même que celle du soleil à la terre est plus grande que celle de
la lune, le cône lumineux qui vient du soleil ne doit pas réunir ses rayons
bien loin de la terre, et l'ombre de la terre que l'on appelle la nuit ne peut
pas aller jusqu'aux astres. Mais il faut nécessairement dans cette hypothèse
que le soleil éclaire tous les astres, et que la terre ne s'interpose pour
aucun d'eux.
§ 7. Reste une troisième
opinion sur la voie lactée. C'est celle de quelques astronomes qui prétendent
que la voie lactée n'est pas autre chose qu'une réfraction de notre vue à
l'égard du soleil, tout comme cela est pour la comète.
§ 8. Cette explication est tout
aussi insoutenable que les autres. En effet, si l'on suppose en repos et l'œil
qui voit, et le miroir et l'objet lui-même qui est vu, il faut que la même
partie de l'image se montre dans le même point du miroir. Mais si le miroir et
l'objet visible viennent à se mouvoir, en restant toujours à la même distance
de l'œil qui demeure en place, et que le miroir et l'objet ne se meuvent point
l'un par rapport à l'autre avec la même vitesse ni avec le même intervalle, il
est impossible que la même image paraisse dans la même partie du miroir.
§ 9. Or les astres qui font
leurs révolutions dans le cercle de la voie lactée, sont en mouvement, comme y
est le soleil, relativement auquel a lieu la réfraction de notre œil qui reste
immobile. Ces astres restent toujours également et semblablement éloignés de
nous, bien qu'ils ne conservent pas entre eux une distance toujours égale.
Ainsi c'est tantôt au milieu de la nuit, et tantôt le matin que le Dauphin se
lève, et les diverses parties de la voie lactée restent les mêmes à chacun de ses
levers. Et cependant c'est ce qui ne devrait point arriver, si la voie lactée
n'était qu'une image et une apparence, et si ce phénomène n'était pas quelque
modification propre aux lieux eux-mêmes. Il faut ajouter que durant la nuit on
peut observer la voie lactée se réfléchissant dans l'eau et dans d'autres
miroirs de ce genre ; et comment est-il possible alors que la vue se réfracte
vers le soleil?
§ 10. Tout ceci prouve donc que
la voie lactée n'est ni la route d'aucune planète, ni la lumière d'astres que
nous ne verrions pas, ni une réfraction. Ce sont à peu près là toutes les
opinions qui jusqu'ici ont été émises par les autres philosophes.
§ 11. Maintenant exposons la
nôtre, en reprenant le principe que nous avons posé antérieurement, à savoir,
que l'extrémité de ce qu'on appelle l'air a la puissance et la propriété du
feu, de sorte que par le mouvement de l'air divisé se forme cette combinaison
séparée que nous nommons les comètes.
§ 12. On doit supposer que ce
qui arrive pour les comètes, se représente aussi lorsque cette division 346a ne se produit pas par elle seule, mais qu'elle
est causée par quelqu'un des astres soit fixes soit errants. C'est alors que se
forment les comètes, parce qu'elles viennent à la suite du mouvement des
astres, comme à la suite du soleil se produit cette combinaison d'où vient par
réfraction le halo, ainsi que nous l'avons dit, toutes les fois que l'air est
ainsi mélangé.
§ 13. Or, ce qui se passe pour
un seul astre, a lieu aussi, du moins on peut le supposer, pour le ciel tout
entier et pour toute la révolution supérieure ; car il est rationnel de croire
que si le mouvement d'un seul astre peut amener ce phénomène, à plus forte
raison le mouvement de tous peut-il causer cet effet, et produire de la flamme,
et très particulièrement dans ce lieu où se trouvent réunis les plus grands des
astres, les plus pressés et les plus nombreux.
§ 14. Le lieu du Zodiaque par le
mouvement du soleil et des planètes dissout cette combinaison ; et voila
pourquoi la plupart des comètes se forment en dehors des tropiques. C'est là
aussi ce qui fait que le soleil et la lune n'ont jamais de chevelure ; car ils
dissolvent la combinaison avant que la concrétion n'ait pu se former.
§15. Mais le cercle dans lequel
se montre à nos observations la voie lactée est immense ; et sa position est
telle qu'il dépasse de beaucoup les tropiques.
§ 16. De plus ce lieu est rempli
des astres les plus grands et les plus brillants, et de ceux qu'on appelle
parsemés ou errants, et cela même est parfaitement visible à nos yeux, de telle
sorte que c'est à cause de ces astres que continûment et toujours s'accumule toute
cette combinaison.
§ 17. En voici la preuve. La
plus vive lumière de ce cercle se montre dans celle des deux
demi-circonférences qui contient la bifurcation ; or dans cette partie, il y a
beaucoup plus d'astres, et ils sont plus pressés que dans l'autre, comme si le
mouvement même des astres était peut-être la seule cause de l'éclat de la voie
lactée ; car si cet éclat est dans le cercle où se présente le plus grand
nombre des astres, et dans cette partie même du cercle où les astres les plus
grands et les plus nombreux se réunissent et se condensent, il est naturel de
supposer que c'est là la cause la plus probable et la plus directe du
phénomène.
§ 18. On peut étudier ce cercle
et les astres qu'il renferme d'après le dessin ci-joint ; mais quant aux astres
qu'on appelle parsemés ou errants, on n'a pu les marquer ainsi dans la sphère,
parce qu'aucun d'eux n'a une place parfaitement évidente et définitive ; mais
les choses sont de toute évidence pour peu qu'on jette les yeux sur le ciel.
§ 19. C'est dans ce cercle tout
seul en effet que les espaces intermédiaires sont remplis d'astres de ce genre,
tandis que dans les autres cercles ces astres manquent 347
évidemment ; et par conséquent, si nous admettons comme suffisante la cause que
nous avons assignée à la formation des comètes, nous devons aussi penser que
les choses se passent à peu près de même pour la voie lactée.
§ 20. En effet le phénomène que
la chevelure produit pour un seul astre, se répète, nous pouvons le croire, de
la même façon pour tout un cercle ; et la voie lactée, est, pour en donner une
sorte de définition, la chevelure d'un très grand cercle causée par la sécrétion.
C'est là ce qui fait, ainsi que nous l'avons dit antérieurement, que les
comètes ne sont ni nombreuses ni fréquentes, parce que la combinaison qui les
forme a été séparée continûment et est toujours séparée à chaque période dans
cette partie du ciel.
§ 21. Nous avons donc traité des
phénomènes qui se manifestent dans le monde qui entoure la terre et qui fait
suite aux révolutions supérieures, c'est-à-dire de la marche des étoiles, de la
flamme qui y brûle, des comètes, et de ce qu'on nomme la voie lactée ; car ce
sont là tous les phénomènes à peu près qui se passent dans ce lieu.
§ 1. Parlons maintenant du lieu
qui par sa position est le second après celui-là, mais qui est le premier
autour de la terre.
C'est le lieu commun de l'eau et de l'air et des phénomènes
qui accompagnent la formation de l'air et de l'eau dans la région supérieure.
Il faut chercher également les principes et les causes de tous ces phénomènes.
§ 2. Le premier de ces
principes, comme moteur et comme supérieur, c'est le cercle dans lequel
évidemment la révolution du soleil, divisant et réunissant selon qu'il est plus
rapproché ou plus loin, est cause de la génération et de la destruction des
choses. La terre étant immobile, le liquide qui l'entoure vaporisé par les
rayons du soleil et par toute la chaleur qui vient d'en haut, est porté vers le
haut.
§ 3. Quand la chaleur qui l'a
élevé vient à manquer, soit qu'elle se disperse dans la région supérieure, soit
même qu'elle s'éteigne parce qu'elle est emportée plus loin dans l'air qui est
au-dessus de la terre, la vapeur refroidie par la disparition de la chaleur et
par le lieu se réunit de nouveau, et redevient eau, d'air qu'elle était ; l'eau
ainsi reformée est portée de rechef vers la terre.
§ 4. L'exhalaison qui vient de
l'eau est de la vapeur ; et l'exhalaison de l'air changée en eau, est un nuage.
Le brouillard est le résidu de la conversion du nuage en eau ; et c'est là ce
qui fait qu'il annonce du beau temps plutôt que de la pluie ; car le brouillard
est comme une sorte de nuage qui n'est pas formé.
§ 5. Du reste le cercle de ces
phénomènes imite le cercle du soleil ; car en même temps que le soleil poursuit
sa course oblique et changeante, en même temps 347a
l'autre cercle va aussi tour à tour en haut et en bas : et il faut le regarder
comme un fleuve qui coule en haut et en bas circulairement, et qui est tout à
la fois composé d'eau et d'air.
§ 6. Ainsi quand le soleil est
proche, le fleuve de la vapeur coule en haut ; quand il est éloigné, le fleuve
de l'eau coule en bas ; et cela semble se faire sans interruption avec une
certaine régularité, de telle sorte que cet Océan dont les anciens ont dit
quelques mots, pourrait bien être pris pour ce fleuve qui circule autour de la
terre.
§ 7. Le liquide étant toujours
élevé par la puissance de la chaleur, et étant précipité de nouveau par le
refroidissement vers la terre, on a donné des noms fort convenables à ces
phénomènes et à quelques-unes de leurs variétés ; quand les parties qui tombent
sont très ténues, on les appelle ondée, et quand les parties sont plus grosses,
on les appelle de la pluie.
§ 1. Cette partie de la vapeur
qui se forme dans le jour, mais qui n'étant pas portée dans les hautes régions,
parce qu'il y a une trop petite quantité de feu pour l'enlever comparée à la
masse de l'eau qu'il enlève, retombe sur la terre de nouveau durant la nuit
après s'être refroidie, est ce qu'on appelle la rosée et la gelée blanche.
§ 2. C'est de la gelée blanche,
quand la vapeur se gèle avant d'être changée en eau ; et elle se produit
surtout l'hiver et dans les lieux froids. C'est de la rosée, quand la vapeur se
convertit en eau, et qu'il ne fait ni assez chaud pour qu'elle se sèche dans
son ascension, ni assez froid, pour que la vapeur elle-même se gèle, parce que
le lieu ou bien la température est plus chaude.
§ 3. La rosée se produit dans
les temps sereins et les lieux calmes ; la gelée blanche tout au contraire,
comme je viens de le dire ; car il est évident que la vapeur est plus chaude
que l'eau, puisqu'elle contient encore le feu qui l'a élevée, et qu'il faut
plus de froid pour la faire geler.
§ 4. Toutes les deux se forment
par un temps pur et quand il n'a a pas de vent ; car si le temps n'était pas
pur, elles ne pourraient s'élever en l'air, et elles ne pourraient se former si
le vent soufflait ; et ce qui prouve bien qu'elles se produisent parce que la
vapeur n'a pas été élevée très haut, c'est qu'on ne voit jamais la gelée
blanche sur les montagnes.
§ 5. Une première cause de ce
phénomène, c'est que la vapeur s'élève des lieux profonds et humides, de telle
sorte que la chaleur qui la transporte, comme si elle se chargeait d'un fardeau
au-dessus de ses forces, ne peut l'élever à une grande hauteur, mais la laisse
bientôt retomber. Une seconde cause, c'est que l'air qui s'écoule et qui
détruit cette espèce de combinaison, s'écoule surtout dans les lieux élevés.
§ 6. La rosée se forme en tous
lieux par les vents du sud et jamais par les vents du nord, si ce n'est dans le
Pont, où le phénomène se passe à l'inverse : toujours avec les vents du nord,
jamais 348 avec les vents du midi. C'est
absolument la même cause qui fait qu'elle se produit par le beau temps et non
par le mauvais ; car le vent du sud amène le beau temps, et le vent du nord le
mauvais ; et ce dernier vent est assez froid pour éteindre par le mauvais temps
la chaleur de l'exhalaison.
§ 7. Dans le Pont au contraire,
le vent du midi ne produit pas assez décidément le beau temps pour que la
vapeur se forme ; et le vent du nord par sa froideur accumule la chaleur qu'il
enveloppe, de manière à former bien plutôt davantage d'évaporation.
§ 8. C'est ce qu'on peut voir
aussi dans les contrées en dehors du Pont. Les puits exhalent plus de vapeur par
les vents du nord que par les vents du sud. Mais les vents du nord éteignent la
chaleur avant qu'il ne s'en soit accumulé une grande quantité ; les vents du
sud, au contraire, laissent l'évaporation s'accumuler tant qu'elle veut.
§ 1. L'eau elle-même ne se
congèle pas sur la terre, comme dans la région des nuages ; car c'est de cette
région que nous viennent trois corps composés par le refroidissement : la
pluie, la neige et la grêle. Deux de ces corps sont tout à fait analogues à
ceux d'ici-bas et se forment par les mêmes causes ; et ils n'en diffèrent que
du plus au moins, et par la grandeur ou la petitesse.
§ 2. Ainsi la neige et la gelée
blanche sont la même chose, comme le sont la pluie et la rosée ; mais l'une est
considérable, et l'autre est en petite quantité. La pluie vient d'une masse de
vapeur refroidie ; et la cause en est et l'étendue du lieu et la durée du temps
dans lesquels elle s'accumule, et l'élément dont elle se forme. La rosée, au
contraire, est peu considérable ; sa composition ne dure qu'un jour, et le lieu
où elle se forme est très petit, et ce qui le prouve, c'est la rapidité même
avec laquelle elle se forme, et sa petite quantité.
§ 3. Mêmes rapports de la neige
à la gelée blanche. Ainsi, quand c'est un nuage qui se gèle, c'est de la neige
; quand c'est une vapeur, c'est seulement de la gelée blanche. Aussi est-ce
toujours l'indice soit d'une température soit d'une région froide. En effet la
congélation ne se serait pas faite, puisqu'il y a encore beaucoup de chaleur
dans l'évaporation, si le froid ne l'eût emporté. C'est qu'en effet dans le
nuage, il reste encore beaucoup de la chaleur venant du feu qui a vaporisé le
liquide enlevé de la terre.
§ 4. C'est dans la région des
nuages que se forme la grêle, et elle ne se forme jamais dans ce qui se
vaporise près de la terre. Car, ainsi que nous l'avons dit, de même que dans le
nuage se forme la neige, et qu'à terre se produit la gelée blanche, de même la
pluie se produit dans le nuage aussi, et la rosée se produit à terre ; mais si
la grêle se forme dans les nuages, il n'y a pas sur terre de corps analogue à
lui opposer. La cause en sera évidente quand nous aurons parlé de la grêle.
Phénomènes singuliers qui l'accompagnent. -
Opinion d'Anaxagore réfutée par les faits.
§ 1. En même temps qu'on étudie
les circonstances qui accompagnent la formation de la grêle, il faut tenir
compte aussi de faits parfaitement certains et qui paraissent répugner à la
raison. La grêle est de la glace, et l'eau ne gèle qu'en hiver. Or, la grêle
est surtout fréquente au printemps 348a et à
l'automne, puis ensuite à la fin de l'été, elle est rare en hiver ; et même
alors, c'est toujours quand il fait moins froid.
§ 2. En général aussi, les
grêles se produisent dans les lieux plus tempérés ; les neiges, dans les lieux
plus froids. En outre, il semble étrange que l'eau se congèle dans la région
supérieure ; car il n'est pas possible qu'il y ait de la gelée avant qu'il n'y
ait de l'eau ; et il n'est pas possible que de l'eau reste, un seul instant, à
la hauteur où elle serait alors élevée.
§ 3. Ce n'est pas non plus
comme les gouttelettes des ondées, qui, grâce à leur ténuité, flottent en haut
et reposent sur l'air ; car de même qu'on voit souvent de la terre et de l'or,
réduits en très petites parcelles, nager aussi sur l'eau, de même dans ce cas
l'eau est portée sur l'air ; mais quand beaucoup de petites particules se sont
réunies, elles tombent en fortes ondées.
§ 4. Or, cela ne peut pas se
passer ainsi pour la grêle ; car les corps gelés ne se continuent pas et ne se
réunissent pas entre eux comme les liquides. Il faut donc évidemment que toute
cette eau soit restée en haut ; car une si grande quantité n'aurait pu se
geler.
§ 5. Aussi quelques-uns ont
expliqué de la manière suivante la cause de ce phénomène et de sa production.
Quand le nuage s'est retiré dans la région supérieure, qui est plus froide,
parce que là cesse la réfraction des rayons solaires renvoyés de la terre,
l'eau qui y parvient s'y congèle ; et ils ajoutent que ce qui fait que la grêle
est plus fréquente en été et dans les lieux chauds, c'est que la chaleur
repousse alors les nuages plus loin de la terre.
§ 6. Un fait certain, c'est
qu'il n'y a jamais de grêle dans les lieux très élevés ; or, il le faudrait
cependant d'après cette théorie, de même que nous voyons la neige tomber
surtout sur les lieux les plus hauts.
§ 7. De plus, on a vu souvent
des nuées portées près de la terre, produire un tel bruit qu'elles
épouvantaient ceux qui les entendaient et les voyaient, par la crainte de
quelque malheur plus grand.
§ 8. Parfois même sans que les
nuées de ce genre fassent de bruit, on a vu la grêle tomber en abondance, et
incroyablement grosse, et sans avoir du tout les formes arrondies, parce
qu'elle n'avait pas été portée beaucoup de temps ; on aurait dit que la congélation
s'était faite près de la terre, et non point du tout comme le prétendent les
philosophes dont nous parlons.
§ 9. Il n'en est pas moins
nécessaire que ce qui est cause d'une plus forte gelée, produise aussi des
grêles considérables ; car la grêle est de la glace, ce qui ne peut faire
évidemment de doute pour personne. Les fortes grêles sont celles qui n'ont pas
du tout la forme ronde ; et cette disposition même prouve que la congélation
s'est faite non loin de la terre ; car les grêles qui sont apportées de grandes
distances, et précisément parce qu'elles ont été longtemps fracassées de mille
manières, prennent une forme arrondie et des dimensions moindres.
§10. Ainsi 349 donc, il est parfaitement certain que la
congélation ne se forme pas parce le nuage est poussé dans la région supérieure
et froide.
§ 11. Mais de même que nous
voyons qu'il y a une répercussion réciproque du chaud et froid, l'un par
l'autre, puisque dans les temps chauds, les excavations souterraines paraissent
froides, et chaudes au contraire dans les temps froids, de même nous devons
croire que les choses se passent semblablement dans la région supérieure ; là
aussi, durant les saisons plus chaudes, le froid répercuté en dedans par la
chaleur circulaire, fait sortir vivement du nuage tantôt de la pluie et tantôt
de la grêle.
§ 12. C'est là encore ce qui
fait que les ondées sont beaucoup plus considérables dans les jours chauds
qu'en hiver, et les pluies, beaucoup plus violentes ; car on dit qu'elles sont
plus violentes quand elles sont plus épaisses, et ce qui les rend plus épaisses
c'est la rapidité de la condensation.
§ 13. Or, c'est là une
circonstance tout à fait contraire à l'explication d'Anaxagore ; car il prétend
que ce phénomène se produit quand le nuage monte dans l'air froid ; et nous,
nous soutenons que c'est quand il descend dans l'air chaud, et que ce phénomène
est d'autant plus fort que l'air est plus chaud. Lorsque le froid est encore
davantage répercuté en dedans par la chaleur du dehors, il gèle l'eau qu'il
vient de produire et la grêle se forme ; et c'est ce qui a lieu toutes les fois
que la congélation est plus rapide que la chute de l'eau en bas.
§ 14. Car quelque court que soit
le temps de cette chute, si le froid, par sa violence, la congèle encore plus
vite, il se peut fort bien que l'eau soit gelée en l'air ; alors la congélation
est plus rapide que le mouvement de descente.
§ 15. Il faut dire encore que
plus la congélation est proche de la terre et épaisse, et les pluies violentes,
ainsi que les ondées, plus les grêles sont considérables, parce que l'espace où
elles sont portées est très petit. Et c'est aussi la même cause qui fait que
les larges gouttes des ondées ne tombent pas serrées.
§ 16. La grêle se produit moins
en été qu'au printemps et à l'automne, plus cependant qu'en hiver, parce que
l'air est plus sec en été ; au printemps, il est humide encore, et à l'automne
il le redevient.
§ 17. C'est là ce qui fait
encore, comme on l'a dit, que les grêles ont lieu quelquefois à la fin de
l'été. Ce qui contribue alors à la rapidité de la congélation, c'est que l'eau
a été antérieurement échauffée ; et cela fait aussi qu'elle se refroidit plus
vite.
§ 18. Voilà pourquoi bien des
gens, quand ils veulent avoir promptement de l'eau fraîche, la mettent d'abord
au soleil. C'est encore ainsi que les habitants du Pont, quand ils établissent
leurs tentes sur la glace, pour se livrer à la chasse aux poissons, car ils les
chassent en brisant la glace, versent de l'eau chaude 349a
autour des perches pour qu'elle gèle plus vite ; et la glace leur sert comme de
plomb pour consolider et arrêter leurs pieux.
§ 19. L'eau qui se forme dans
les pays chauds et dans les saisons chaudes, devient bien vite tiède elle-même.
C'est ainsi qu'en Arabie et en Éthiopie, les pluies tombent l'été et non point
l'hiver ; elles y tombent par torrents et plusieurs fois le jour, et la cause
en est la même. C'est que le froid se produit très vite par la répercussion,
qui est d'autant plus violente que le pays est excessivement chaud.
§ 20. Voilà ce que nous avions à
dire sur la pluie, la rosée, la neige, la gelée blanche et la grêle, pour en
expliquer la cause et la nature.
Opinions erronées sur ce sujet. - De la
formation des rivières ; réfutation des théories fausses. Théorie vraie de la
formation des rivières ; détails géographiques.
§ 1. Parlons maintenant des
vents et de tous les souffles, puis des fleuves et de la mer. Ici aussi nous
proposerons d'abord nos propres doutes ; car, pour ces matières, pas plus que
pour les autres, nous n'avons rien trouvé dans tout ce qui a été dit avant
nous, que ne pourrait dire tout aussi bien le vulgaire et le premier venu.
§ 2. Quelques philosophes
prétendent que ce qu'on nomme l'air, quand il est en mouvement et qu'il
s'écoule est le vent, et que, quand ce même air se condense, il forme le nuage
et l'eau, de sorte que l'eau et le vent sont de même nature, et que le vent
n'est que le mouvement de l'air.
§ 3. C'est là aussi ce qui fait
dire à ceux qui veulent parler doctement, que tous les vents ne sont qu'un seul
et même vent, parce que l'air bien qu'en mouvement n'est tout entier qu'un seul
et même air, et que s'il paraît avoir quelque différence, ce n'est qu'à cause
de la différence des lieux d'où il s'écoule en tout sens. Cette théorie vaut
bien celle qui soutiendrait que toutes les rivières ne sont qu'une seule
rivière.
§ 4. Aussi l'opinion du
vulgaire qui parle de ces choses sans aucune étude, semble-t-elle de beaucoup
préférable à celle des gens qui en parlent d'après des études pareilles.
§ 5. Car si tous les fleuves
coulent réellement d'une même source, et que les vents soient soumis à la même
uniformité, ceux qui avancent ce système disent quelque chose de spécieux ;
mais s'il en est pour les vents, comme nous voyons qu'il en est pour les
fleuves, cette belle explication n'est évidemment qu'une erreur ; et il nous
reste toujours à savoir ce qu'est le vent, comment il se forme, quel est son
moteur et quelle en est la cause originelle. Faut-il croire que le vent
s'écoule comme d'un vase, et qu'il s'écoule jusqu'à ce que le vase soit vide,
comme s'il sortait d'une outre? Ou bien faut-il croire, 350 comme nous les représentent les peintres, que les vents tirent
leur principe d'eux-mêmes?
§ 6. Quelques-uns se font sur
la formation des fleuves des idées tout à fait analogues. Selon eux, l'eau
soulevée par le soleil et retombée en pluie se réunit sous la terre, d'où elle
s'écoule comme d'un grand trou, unique pour tous les fleuves, ou de divers
trous pour chacun d'eux ; dans le sein de la terre il ne se forme pas d'eau ;
mais c'est l'eau qui, réunie par suite du mauvais temps dans ces réservoirs,
forme la foule nombreuse des fleuves.
§ 7. C'est là aussi ce qui
fait, ajoutent-ils, que les rivières sont toujours plus abondantes l'hiver que
l'été, que les unes sont continuelles et les autres non continuelles. Celles
pour qui la grandeur du trou a réuni une grande masse d'eau, qui suffit à les
alimenter et à les entretenir jusqu'à ce que les pluies d'hiver reviennent,
sont perpétuelles et coulent sans fin ; celles dont les réservoirs sont
moindres, sont bientôt mises à sec à cause de la petite quantité d'eau, avant
que la pluie du ciel n'arrive de nouveau, comme si le vase s'était vidé.
§ 8. Pourtant si quelqu'un
veut, en faisant sous ses propres yeux comme un réservoir à l'eau qui tombe
tous les jours continuellement, en connaître au juste la quantité, il est
évident que cette quantité surpasserait la masse entière de la terre, ou du
moins que toute l'eau reçue dans le cours de l'année ne serait pas loin de
l'égaler.
§ 9. Or il est clair aussi que
ce phénomène se reproduit sur bien des points de la terre à la fois ; et il
n'en serait pas moins absurde de croire que ce n'est pas la même cause qui
produit l'eau venant de l'air et celle qui est sur la terre et dans la terre.
Par conséquent, si dans l'atmosphère en effet c'est le froid qui change l'air
vaporisé en eau, il faut bien aussi penser que c'est encore le froid renfermé
dans la terre qui sous la terre produit le même effet, et que non seulement
l'eau qui est divisée s'y infiltre et y coule, mais encore que ce phénomène a
lieu sans interruption.
§ 10. Sans même que l'eau arrive
dans la terre chaque jour, et en supposant qu'elle y est toute faite, l'origine
des fleuves ne peut pas être telle qu'il y ait sous terre des lacs qui y ont
filtré, comme le prétendent quelques-uns ; mais de même que dans l'espace
au-dessus de la terre de petites gouttes se réunissant ente elles, puis
celles-là à d'autres, il en résulte à la fin une quantité considérable d'eau de
pluie, de même aussi sous terre ce sont d'abord de petites parcelles qui se
réunissent, et puis la terre s'égouttant en un seul point pour ainsi dire,
c'est de là que sortent les fleuves.
§ 11. Le fait d'ailleurs le
prouve bien. Quand on fait des conduites d'eau 350a,
c'est par des fossés et des excavations qu'on la réunit, comme si la terre suait,
à partir des points les plus élevés. Voilà pourquoi aussi les eaux des fleuves
découlent des montagnes comme on le voit ; la plupart des fleuves, et les plus
grands fleuves descendent des montagnes les plus grandes ; de même encore que
la plupart des sources sont dans le voisinage des montagnes et des lieux
élevés.
§ 12. Il n'y en a presque pas
dans les plaines qui n'ont pas de fleuves ; car les lieux montagneux et élevés,
comme une énorme éponge suspendue, filtrent et réunissent l'eau peu à peu, mais
sur une foule de points à la fois.
§ 13. Les montagnes reçoivent
une grande quantité d'eau qui descend ; car qu'importe que la circonférence de
la terre soit creuse et plane ou inclinée et convexe? Des deux façons, elle
n'en recevra pas moins la même masse dans l'épaisseur du corps qu'elle forme.
De plus, les montagnes refroidissent la vapeur qui s'élève, et la convertissent
de nouveau en eau.
§ 14. C'est ce qui fait, ainsi
que nous venons de le dire, qu'on voit toujours les plus grands fleuves
descendre des plus grandes montagnes ; et c'est ce qui est parfaitement
évident, quand on regarde les descriptions de la terre que l'on a tracées
d'après les récits des autres, quand ceux qui en parlent n'ont pas pu observer
les choses de leurs propres yeux.
§ 15. C'est ainsi qu'en Asie la
plupart des fleuves et les plus grands descendent de la montagne qu'on appelle
le Parnase, et qui est, comme tout le monde en convient, la plus haute de
toutes les montagnes qui sont situées à l'orient d'hiver ; en effet quand on
l'a franchie, on découvre enfin la mer extérieure dont les limites ne sont pas
très-connues aux habitants de ce pays.
§ 16. C'est de cette montagne
aussi que découlent, entre autres fleuves, le Bactre, le Choaspe et l'Araxe,
dont le Tanaïs n'est qu'une branche qui va se jeter dans le Palus Méotide.
C'est de là aussi que sort l'Indus, qui est le plus considérable de tous les
fleuves.
§ 17. Du Caucase sortent aussi
beaucoup de fleuves d'une grandeur et d'une abondance énormes, et le Phase
particulièrement. Le Caucase est de toutes les montagnes qui sont à l'orient
d'été la plus importante par son étendue et sa hauteur.
§ 18. Ce qui prouve bien cette
hauteur, c'est qu'on la découvre même du lieu appelé les Creux ou les gouffres,
quand on navigue vers le Palus Méotide, et que les sommets sont éclairés par
les rayons du soleil jusqu'au tiers de la nuit tant le matin que le soir ; et
ce qui prouve son étendue, c'est qu'ayant sur ses flancs beaucoup de contrées
où habitent des nations nombreuses, et ayant, dit-on aussi, de vastes lacs, on
peut encore jusqu'au dernier sommet apercevoir toutes ces contrées.
§ 19. De 351 la Pyrène (des monts Pyrénées), qui est la plus haute montagne
dans la Celtique à l'occident équinoxial, découlent l'Ister et le Tartesse. Ce
dernier se jette en dehors des colonnes d'Hercule ; mais l'Ister, après avoir
traversé toute l'Europe, vient se jeter dans le Pont-Euxin.
§ 20. La plupart des autres fleuves
qui sont au nord descendent des monts Arcyniens, qui dans ce lieu sont les plus
hautes et les plus vastes des montagnes. Sous la constellation même de l'Ourse,
au-delà de l'externe Scythie, sont les monts appelés Rhipées, dont nous ne
connaissons la grandeur que par des récits trop évidemment fabuleux. Et c'est
aussi de ces monts que sortent la majeure partie et les plus grands de tous les
fleuves après l'lster, à ce qu'on assure.
§ 21. Il en est tout à fait de
même en Libye, où l'Aegon et le Nysès sortent des montagnes de l'Éthiopie ; et
les plus grands cours d'eau parmi ceux qui ont reçu des noms, celui qu'on
appelle le Chrémétés, qui se jette dans la mer extérieure, et en premier lieu
le fleuve du Nil, sortent de la montagne appelée Argyre.
§ 22. Parmi les fleuves des
contrées Helléniques, l'Achéloüs descend du Pinde, ainsi que l'Inachus. Le
Strymon, le Nestus et l'Hébre descendent tous les trois du Scombros ; il y a
aussi beaucoup de cours d'eau qui viennent du Rhodope.
§. 23. On pourrait se convaincre
que tous les autres fleuves ont une origine toute pareille, et nous n'avons
nommé ceux-là que comme exemples à l'appui de notre opinion. Quant aux rivières
qui sortent de lacs, il faut dire que ces lacs se sont presque tous formés par
degrés successifs au-dessous des montagnes et des lieux élevés.
§ 24. On voit donc bien
clairement qu'il ne faut pas croire que les fleuves se forment à leur origine
en sortant de certains creux ; car l'espace de la terre n'y suffirait pas, pour
ainsi dire, pas plus que l'espace même des nuages, s'il fallait que l'eau qui y
est, fût seule à couler, sans qu'une partie s'en allât tandis qu'une autre se
reforme, et qu'elle dût toujours sortir tout entière comme d'une source
inépuisable.
§ 25. Cette circonstance que les
fleuves ont leurs sources sous les montagnes, prouve bien que l'eau s'y réunit,
et que le lieu l'accumule peu à peu par une multitude de rigoles ; et c'est
ainsi que se forment les sources des rivières.
§ 26. Il n'y a rien d'ailleurs
d'absurde à supposer qu'il existe aussi certains lieux qui, comme des lacs,
renferment d'immenses quantités d'eau ; seulement il ne faut pas croire que ces
lacs soient assez considérables pour alimenter des fleuves, pas plus qu'il ne
faut prendre pour les sources totales des fleuves celles qu'on leur voit ; car
la masse la plus forte des fleuves sort de sources. Cela reviendrait absolument
à croire que ces lacs et ces sources forment à elles seules la masse totale de l'eau.
§ 27. Ce qui prouve qu'il y a
bien des cavernes et des trous de ce genre dans la terre, 351a c'est l'absorption de certains fleuves. C'est un
fait qu'on voit dans plusieurs parties de la terre, et l'on en trouve plus d'un
exemple dans l'Arcadie du Péloponnèse.
§ 28. La cause de ce phénomène
particulier, c'est que le pays qui est montagneux ne peut pas faire écouler les
eaux des bas-fonds vers la mer. La contrée se remplit d'eau qui, n'ayant pas
d'écoulement, se fraie un passage dans le sein de la terre, par la violence
même de la masse liquide qui survient d'en haut.
§ 29. Il y a d'ailleurs peu de
faits de ce genre dans toute la Grèce. Mais le lac qui est au pied du Caucase
et que les habitants du lieu appellent la Mer, en offre des exemples évidents.
En effet il reçoit des fleuves nombreux et considérables ; et comme il n'a pas
d'écoulement, il est clair qu'il s'épanche sous terre par les Coraxes, aux
environs des lieux appelés les Gouffres du Pont. Dans ces gouffres, la mer a
une immense profondeur ; et la sonde n'a jamais pu en trouver le fond.
§ 30. Ce lac, à trois cents
stades à peu près de la terre, donne de l'eau potable sur une vaste étendue qui
n'est pas toute continue, mais qui se reproduit en trois endroits.
§ 31. Dans la Ligystique, un
certain fleuve qui n'est pas moindre que le Rhône, est absorbé en terre, et il
reparaît en un autre lieu ; or le fleuve du Rhône est navigable aux vaisseaux.
Exemples divers et particulièrement de
l'Égypte. - Considérations générales sur les émigrations des peuples. -
Cataclysmes périodiques.
§ 1. Les mêmes lieux de la
terre ne sont pas toujours humides ou secs ; mais leur constitution varie selon
la formation ou la disparition des cours d'eau. C'est là ce qui fait que le
continent et la mer changent aussi de rapport, et que les mêmes lieux ne sont
pas toujours de la terre ou toujours de la mer. La mer vient là où était jadis
la terre ferme ; et la terre reviendra là où nous voyons la mer aujourd'hui.
§ 2. Il faut croire d'ailleurs
que ces phénomènes se succèdent, selon un certain ordre et une certaine
périodicité. Le principe et la cause de ces mouvements, c'est que l'intérieur
de la terre, tout comme les corps des plantes et des animaux, a ses époques de
vigueur et de dépérissement.
§ 3. La seule différence c'est
que dans les plantes et les animaux ces changements n'ont pas lieu en partie
seulement, mais c'est l'être tout entier qui par une loi nécessaire fleurit, ou
se meurt, tandis qu'au contraire pour la terre, ces changements ne se font que
partiellement par le froid et par la chaleur.
§ 4. Le froid et la chaleur
eux-mêmes s'accroissent ou diminuent par le soleil, et par le mouvement de
révolution ; et c'est par le chaud et le froid que les diverses régions de la
terre prennent une propriété différente, pouvant, durant un certain temps,
rester humides, puis se desséchant et vieillissant ensuite. D'autres lieux
revivent et redeviennent par portions successivement humides
§ 5. Or il y a nécessité, quand
les lieux se dessèchent 352, que les sources en
disparaissent, qu'à la suite de ce changement les fleuves de grands qu'ils
étaient deviennent d'abord petits, puis, qu'ils finissent par se dessécher tout
à fait, et par conséquent que ce déplacement des fleuves, disparaissant ici
pour aller se reproduire proportionnellement ailleurs, change aussi la mer
elle-même.
§ 6. En effet, là où gonflée
par les fleuves, elle était toute pleine, il faut bien nécessairement quand
elle se retire qu'elle laisse la terre à sec ; et là où remplie par les cours
d'eau, elle s'était desséchée, il faut bien quand elle revient qu'il se forme
de nouveau des lacs.
§ 7. Ce qui fait que ces
phénomènes nous échappent, c'est que toute cette formation naturelle de la
terre ne se fait que par additions successives et dans des temps immensément
longs, si on les compare à notre existence ; des nations tout entières
disparaissent et périssent avant qu'on ne puisse conserver le souvenir de ces
grands changements, de l'origine jusqu'à la fin.
§ 8. Les destructions des
peuples sont les plus considérables et les plus rapides dans les guerres ;
d'autres tiennent à des épidémies, d'autres à des famines ; et ces causes
tantôt détruisent les peuples tout à coup, tantôt petit à petit. Aussi ne se
rend-on pas compte des transmigrations de ces populations ; car tandis que les
uns abandonnent la contrée, d'autres persistent à y rester jusqu'à ce que le
sol ne puisse plus absolument y nourrir personne.
§ 9. Entre la première
observation et la dernière, on doit croire qu'il s'est écoulé des temps si
considérables que personne n'en a conservé le souvenir, et que ceux qui avaient
pu être sauvés et qui sont restés ont tout oublié par la longueur même du
temps. C'est de la même façon que nous échappe, à ce qu'on doit croire,
l'époque du premier établissement des nations sur ces terrains qui changent et
qui deviennent secs après avoir été marécageux et inondés.
§ 10. C'est qu'en effet cet
accroissement du sol habitable, ne se fait que petit à petit et après de longs
siècles, de sorte qu'on ne sait plus ni quels ont été les premiers occupants,
ni à quelle époque ils sont venus, ni quel était l'état de la contrée quand ils
y vinrent.
§ 11. C'est là justement ce qui
est arrivé pour l'Égypte. Cette contrée semble avoir été toujours sèche, et le sol
tout entier ne parait qu'une alluvion du Nil ; mais comme ce n'est qu'après le
dessèchement successif des marais que les peuples voisins ont pu les habiter,
l'éloignement des temps a fait perdre tout souvenir de l'origine.
§ 12. Aussi toutes les bouches
du fleuve, si l'on en excepte une seule, celle de Canobe, paraissent-elles
faites de main d'homme et non par le fleuve lui-même. Autrefois l'Égypte était
ce qu'on appelle Thèbes aujourd'hui ; et c'est ce que prouve bien le témoignage
d'Homère, qui était un témoin assez rapproché de ces changements. Il parle de 352a ce lieu comme si Memphis n'y existait point
encore, ou du moins comme n'ayant point alors le développement qu'elle eut
depuis. Et les choses doivent s'être vraisemblablement passées ainsi ; car les
contrées du bas n'ont dû être habitées qu'après les contrées du haut.
§ 13. En effet les lieux plus
rapprochés de l'alluvion ont dû nécessairement rester marécageux plus
longtemps, parce que les eaux séjournent toujours davantage dans les lieux les
plus bas. Puis cette disposition change, et le sol se rétablit ensuite.
§ 14. Car les lieux qui se sont
séchés deviennent de plus en plus commodes, et les lieux qui jadis étaient les
plus habitables, se desséchant outre mesure, le deviennent d'autant moins.
§ 15. C'est ce qui s'est produit
dans la Grèce pour le pays des Argiens et celui des Mycéniens. En effet à
l'époque de la guerre de Troie, la terre des Argiens qui était toute
marécageuse, ne pouvait nourrir qu'un petit nombre d'habitants ; la Mycénie au
contraire était alors en excellent état ; et c'est là ce qui lui assurait plus
de gloire. Aujourd'hui il en est précisément tout le contraire, par la cause
que nous venons de dire. La Mycénie est devenue tout à fait stérile et sèche ;
et les parties de l'Argolide qui jadis étaient stérilisées par l'inondation
sont devenues extrêmement fertiles.
§ 16. Or ce qui est arrivé pour
ce petit coin de terre, arrive précisément de la même façon, selon toute
apparence, pour des lieux très étendus et pour des contrées tout entières.
§ 17. Ceux donc qui n'observent
qu'imparfaitement, croient que la cause de ces phénomènes et de ces
modifications réside dans le changement de l'univers et du ciel entier. Aussi
affirment-ils que la mer diminue parce qu'elle se dessèche, et qu'on voit
aujourd'hui plus de lieux ainsi changés qu'on n'en voyait autrefois.
§ 18. Il y a dans ces assenions
du vrai et du faux. Il est bien vrai que plus de lieux sont à découvert
aujourd'hui et changés en terre ferme, qui jadis étaient couverts par les eaux
; mais le contraire arrive aussi ; et en y regardant bien, on trouvera beaucoup
de lieux que la mer a envahis.
§ 19. Ce n'est pas au principe
même du monde qu'il convient d'attribuer ces phénomènes ; car il serait
ridicule de croire que l'univers se meut par des changements si petits et si
mesquins. La masse de la terre et sa grandeur est nulle si on la compare au
ciel tout entier, absolument nulle.
§ 20. La cause que l'on pourrait
peut-être assigner à tous ces faits, c'est que de même qu'à certaines époques
fixes, l'hiver se produit dans les saisons de l'année, de même aussi se produit
un grand hiver qui relève de quelque immense période, et qui amène une
excessive abondance de pluies.
§ 21. Ce n'est pas du reste
toujours dans les mêmes contrées que ce phénomène se manifeste, et c'est comme
ce qu'on appelle le déluge de Deucalion. Ce déluge s'est étendu surtout sur les
contrées helléniques, et parmi elles sur la vieille Hellade.
§ 22. La vieille Hellade est
près de Dodone et de l'Achéloûs 353 ; car ce
fleuve a souvent changé son cours. Les peuples qui habitaient jadis ces lieux
étaient les Selles, et ceux qu'on appelait alors Grecs et qui on nomme
aujourd'hui Hellènes.
§ 23. Lors donc qu'arrivent ces
pluies énormes, il faut croire qu'elles suffisent pour très longtemps. C'est
quelque chose d'analogue à ce qu'on observe pour les fleuves dans l'état
présent des choses. Si les uns sont perpétuels et si les autres ne le sont pas,
la cause en est, selon quelques philosophes, la dimension des cavernes
souterraines, et selon nous, la grandeur des lieux élevés, leur densité et leur
température froide, qui fait qu'ils reçoivent, gardent et produisent beaucoup
d'eau, tandis que les pays qui n'ont au-dessus d'eux que de petits systèmes de
montagnes, spongieuses, pleines de pierres et d'argile, sont les premiers
desséchés. De même aussi il faut croire que les lieux qui reçoivent cet énorme
amas d'eau en conservent comme une sorte d'humidité perpétuelle.
§ 24. Avec le temps, tel lieu se
dessèche davantage, tel autre se dessèche moins, quand il a été bien inondé,
jusqu'à ce qu'arrive de nouveau la révolution de cette grande période.
§ 25. Comme il y a
nécessairement quelque changement de l'univers, sans qu'il y ait cependant pour
lui ni naissance ni destruction, puisqu'il subsiste toujours, il y a une
nécessité égale, ainsi que nous le soutenons, que les mêmes lieux ne soient pas
toujours inondés par la mer ou les fleuves, et que les mêmes lieux ne soient
pas toujours secs. Les faits sont là pour le prouver.
§ 26. Ainsi les Égyptiens, que
nous reconnaissons pour les plus anciens des peuples, occupent un pays qui
parait être et qui est tout entier l'œuvre du fleuve. C'est ce dont on peut se
convaincre en observant leur contrée ; et les bords de la Mer Rouge en sont un
témoignage incontestable.
§ 27. Un de leurs rois essaya de
creuser un canal ; car si toute la contrée était devenue navigable, les
avantages qu'elle en aurait tirés eussent été considérables ; et c'est
Sésostris, dit-on, qui le premier parmi les anciens rois tenta cette
entreprise. Mais il trouva que la nier était plus haute que la terre. Il cessa
donc de faire creuser le canal, comme dut le faire plus tard aussi Darius, de
peur que la mer, en venant à se mêler au fleuve, n'en supprimât complètement le
cours.
§ 28. Il est donc évident que
tous ces lieux n'étaient jadis qu'une mer continue. Et c'est là ce qui fait que
la Libye et la contrée d'Ammon paraissent plus basses et plus creuses qu'elles
ne devraient l'être relativement à la contrée inférieure. Mais il est clair que
l'alluvion se formant, il y a eu stagnation des eaux et terre ferme, et qu'avec
le temps l'eau qui était restée et qui avait fait marais, 353a est venue à se dessécher entièrement.
§ 29. Dans le Marais Méotide,
les alluvions des fleuves ont été si considérables que les navires dont on s'y
sert aujourd'hui, sont beaucoup plus petits qu'il y a soixante ans. Delà, on
peut aisément conclure que dans l'origine ce marais a été comme beaucoup
d'autres le produit des rivières, et qu'à la fin il deviendra sec tout entier.
§ 30. De plus, le Bosphore a
toujours un courant à cause des alluvions ; et l'on peut observer sans peine de
ses propres yeux la façon dont les choses se passent. Lorsque le courant avait
fait un rivage à partir de l'Asie, ce qui restait derrière devenait d'abord un
petit marais, et ensuite se desséchait ; puis il se formait un autre rivage
après celui-ci, et encore un autre marais après le premier. Et les choses ont
eu lieu perpétuellement de la même manière. Ceci se répétant plusieurs fois, il
a bien fallu qu'avec le temps, il se formât une sorte de fleuve, qui lui-même
finira par se dessécher.
§ 31. II est clair par
conséquent, comme le temps ne s'arrête pas et que l'Univers est éternel, que le
Tanaïs et le Nil n'ont pas toujours coulé, et que le lieu où coulent
aujourd'hui leurs eaux a jadis été sec ; car leur action a une fin et le temps
n'en a pas, et l'on peut appliquer cette même observation à tous les autres
fleuves.
§ 32. Mais si les fleuves
naissent et périssent, et si les mêmes lieux de la terre ne sont pas toujours
couverts par les eaux, il faut nécessairement que la mer subisse les mêmes
changements. Du moment que la mer abandonne certains lieux, et qu'elle revient
en certains autres, il est bien clair que sur la terre ce ne sont pas toujours les
mêmes contrées qui sont mers, ou qui sont continents, mais que toutes changent
d'état avec les siècles.
§ 33. Ainsi donc nous avons
prouvé que ce ne sont pas toujours les mêmes parties de la terre qui sont à
sec, les mêmes qui sont navigables, et nous avons dit la cause de ces
phénomènes. Enfin nous avons dit aussi pourquoi parmi les fleuves les uns sont
perpétuels, et les autres ne le sont pas.
Réfutation de
cette opinion qui la fait venir de sources naturelles. -- Division générale des
eaux : détails géographiques.
[353a.32] §1. Parlons
maintenant de la mer ; et disons quelle en est la nature et par quelle cause
une si grande masse d'eau est salée. Disons aussi comment elle s'est formée dès
l'origine.
5 2. Les anciens et
ceux qui s'occupent de théologie supposent qu'elle a des sources ; et c'est un
moyen pour eux [353b] d'expliquer les principes et les racines de
la terre et de la mer. Ils se sont peut-être imaginé que c'était là une manière
de donner quelque chose de plus relevé et de plus tragique à leurs
explications, sur cette partie de l'univers si considérable à leurs yeux ; et
ils ont cru que le ciel tout entier n'était composé qu'en faveur de ce point au
tour duquel il était constitué, et qui serait le plus important et le principe
de tout le reste.
§ 3. Mais des gens
plus sages, au sens d'une sagesse purement humaine, expliquent la formation de
la mer en disant que dans le principe, la terre tout entière et ce qui
l'environne était liquide, et qu'une partie desséchée par le soleil, et se
vaporisant, a causé les vents et les mouvements divers du soleil et de la lune,
et que l'autre partie qui resta devint la mer. Aussi ajoutent-ils que la mer en
se desséchant diminue de volume, et qu'à la fin elle se desséchera tout
entière.
§ 4. Quelques-uns de ces
philosophes disent aussi que la terre échauffée par le soleil produit une sorte
de sueur, et que c'est là ce qui rend la mer salée ; car la sueur, à les
entendre, est salée.
§ 5. D'autres prétendent que
c'est la terre qui est cause de la salure de la mer ; car de même que l'eau qui
filtre à travers la cendre devient salée, de même aussi la mer le devient,
parce que la terre se mêle à elle avec des propriétés analogues.
§ 6. Mais sans aller plus loin,
il faut faire voir qu'il est impossible, d'après les faits, que la mer ait des
sources. Parmi les eaux que nous voyons à la surface de la terre, les unes sont
courantes, les autres sont stagnantes. Toutes celles qui coulent viennent de
sources ; et nous avons dit antérieurement qu'il faut entendre par source non
pas une sorte de vase d'où s'écoulerait l'eau qui y aurait été conservée
d'abord, mais qu'il faut entendre un premier point où se réunit toujours l'eau
qui s'accumule.
§ 7. Parmi les eaux stagnantes,
les unes ne sont que des amas, des dépôts, comme les étangs par exemple et les
marais, ne différant d'ailleurs que du plus au moins ; d'autres proviennent de
sources ; et celles-là .sont toutes obtenues par le travail de l'homme, comme
ce qu'on appelle les eaux de puits ; car pour celles qui coulent, il faut
toujours que la source soit plus élevée que le lit du courant.
§ 8. Ainsi donc il y a des eaux
qui coulent toutes seules, ce sont celles des sources naturelles et des fleuves
; les autres au contraire ont besoin des travaux de l'art, qui les crée. Telles
sont les différences des eaux, et il n'y en a pas d'autres.
§ 9. Ces points une fois fixés,
nous disons qu'il est impossible que la mer ait des sources. On ne saurait en
effet la ranger dans aucune des espèces que nous venons d'indiquer. Elle ne
coule pas ; elle n'est pas non plus faite de main d'homme. Mais toutes les eaux
provenant de sources sont de l'une ou l'autre façon ; et nous ne pouvons jamais
voir une aussi grande masse d'eau stagnante par elle-même qui vienne de source.
§ 10. [354a] Il faut ajouter qu'il y a plusieurs mers qui
n'ont entre elles aucune communication. Si la Mer Rouge paraît communiquer de
proche en proche avec la mer qui est en dehors des Colonnes, la mer d'Hyrcanie,
et la mer Caspienne en sont tout à fait isolées ; tout le tour en est habité,
et si ces deux mers avaient leurs sources quelque part, on les aurait
certainement découvertes.
§ 11. La mer, il
est vrai, paraît couler quand les lieux sont rétrécis, là où la terre
environnante resserre tout-à-coup dans un petit espace une vaste étendue d'eau
; et ce qui le fait croire, c'est l'agitation en sens divers qu'elle a toujours
dans ces endroits. Mais on ne voit jamais rien de pareil en pleine mer, tandis
que dans les lieux où la mer n'occupe plus qu'un petit espace à cause du
rapproche ment des terres, il faut nécessairement que l'agitation y paraisse
considérable, bien qu'elle soit fort petite en haute mer.
§ 12. La mer qui
est en dedans des Colonnes d'Hercule coule à cause de la concavité de la terre
et aussi à cause de la multitude des fleuves ; car le Palus Méotide coule dans
le Pont, comme celui-ci coule dans la Mer Égée. Mais dans toutes les autres
mers en dehors de celles là, le phénomène est beaucoup moins sensible.
§ 13. S'il est plus
apparent dans ces mers, c'est d'abord qu'elles reçoivent beaucoup de fleuves ;
car il coule plus de fleuves dans le Pont-Euxin et le Palus Méotide que sur
tout autre surface beaucoup plus grande de terre ; et c'est aussi que la
profondeur de l'eau y est moindre. En effet, la mer paraît de plus en plus
profonde. Le Pont l'est plus que le Palus Méotide, la mer Égée plus que le
Pont, la mer de Sicile plus que la mer Égée ; et ce sont la mer de Sicile et la
mer de Tyrrhénie qui sont les plus profondes de toutes.
§ 14. Au contraire,
les parties qui sont en dehors des Colonnes sont peu profondes à cause de la
boue qui s'y rassemble, et le vent n'y souffle pas, sans doute parce que la mer
y est comme dans un fond.
§ 15. De même donc qu'en
particulier les fleuves coulent des lieux hauts, de même aussi en général pour
toute la terre, le cours le plus abondant des eaux vient surtout des parties
les plus élevées, qui sont au nord. Il en résulte que parmi les mers les unes
sont peu profondes à cause du déversement qui s'y produit, mais que les mers
extérieures le sont davantage.
§ 16. Ce qui paraîtrait prouver
aussi que les parties hautes de la terre sont bien au nord, c'est que la
plupart des anciens météorologistes ont cru que le soleil se retirait non pas
sous la terre, mais derrière la terre, en ce lieu où il disparaissait, et
faisait la nuit à cause de l'élévation même de la terre dans le nord.
§ 17. Voilà ce que nous avions à
dire pour montrer qu'il n'est pas possible que la mer ait des sources, et
comment il se fait qu'elle semble quelquefois couler.
Réfutation de
l'opinion de quelques astronomes qui croyaient que le soleil se nourrit d'eau.
-- La mer est le lieu des eaux. — Réfutation de l'opinion de Platon dans le
Phédon.
§ 1. [354b] Il faut traiter maintenant de la formation
de la mer, si toutefois elle a jamais été formée, et de la cause qui donne à
son goût cette salure et cette amertume.
§ 2. Ce qui a fait
que les anciens ont imaginé que la mer est le principe et le corps de la masse
des eaux tout entière, le voici : c'est que de même que pour tous les autres
éléments, il y a une masse réunie et un principe qui est principe par sa
quantité même et dont les parties divisées se modifient et se mêlent au reste
des éléments, par exemple la masse du feu étant dans les régions supérieures,
celle de l'air venant après la région du feu, et enfin le corps de la terre,
autour duquel tous ces éléments sont évidemment placés ; de même il parut fort
naturel de croire que les recherches sur l'eau devaient être faites tout à fait
dans la même voie.
§ 3. Or il ne semble pas que
pour l'eau, il y ait un corps réuni en masse comme pour les autres éléments,
autre que la masse immense de la mer. La masse des fleuves en effet n'est pas
réunie ; de plus elle n'est pas stable, et elle semble en quelque sorte se
produire tous les jours.
§ 4. C'est donc en discutant ce
doute qu'on a été amené à croire que la mer est le principe de tous les
liquides et de l'eau tout entière. C'est là aussi ce qui a fait dire à quelques
philosophes que non seulement les fleuves coulaient dans la mer, mais aussi
qu'ils découlaient d'elle ; car l'eau salée en se filtrant devient potable et
douce. A cette théorie, on peut opposer une question qui la détruit, et
demander comment il se fait que cet amas d'eau n'est pas potable, s'il est vrai
que toute l'eau en vienne, et comment il est salé? La cause de cette question
en sera du même coup la solution ; et pour la résoudre, il faut reprendre avec
soin la première Opinion qui vient d'être indiquée sur la mer.
§ 5. L'eau est répandue autour
de la terre qu'elle enveloppe, de même qu'autour de l'eau, il y a la sphère de
l'air, et autour de l'air, la sphère dite du feu. Cette sphère est le dernier
des éléments, suivant les opinions les plus généralement reçues et suivant la
nôtre. Le soleil faisant sa révolution de la manière qu'on sait, et ces causes
produisant le changement des choses, leur génération et leur destruction, il
arrive que la partie la plus légère et la plus douce est enlevée chaque jour,
et est portée, divisée et vaporisée dans la région supérieure ; et là, se condensant
par le froid, elle est ramenée de nouveau sur la terre.
§ 6. C'est là ce que la nature
se propose toujours de faire, ainsi qu'on l'a dit antérieurement. Aussi, se
moque-t-on aujourd'hui de ces anciens philosophes qui croyaient que le soleil
se nourrit d'humidité.
§ 7. Quelques-uns même [355a] soutiennent que c'est là aussi ce qui
produit les mouvements du soleil, attendu que les mêmes lieux ne peuvent pas
toujours lui fournir sa nourriture ; et que sans ces déplacements
indispensables, il courrait risque de périr.
§ 8. Ainsi le feu que nous
voyons ici-bas, ajoutent-ils, vit tant qu'on l'alimente ; et l'humide seul peut
servir d’aliment au feu ; de même la partie soulevée de l'humide va jusqu'au
soleil, ainsi qu'elle se rend par une marche pareille à la flamme qui seul
songe à sa propre conservation, et que tous les autres astres négligent la
leur, eux qui sont à la fois si nombreux et si immenses. Ces philosophes
commettent ici la même erreur que ceux qui prétendent que, dans le principe, la
terre elle-même étant liquide et le monde qui l'entoure venant à être échauffé
par le soleil, l'air se forma, que le ciel tout entier se développa, et que le
soleil causa les vents et commença les révolutions qui lui sont propres.
§ 9. Mais ici il n'y a point une
similitude réelle. La flamme n'est qu'une perpétuelle succession de l'humide et
du sec ; elle se produit ; mais elle ne se nourrit pas ; car elle ne reste pas
pour ainsi dire un seul instant la même. Mais ceci est tout à fait impossible
pour le soleil, puisque nourri de la façon que nos philosophes prétendent, le
soleil serait neuf non seulement tous les jours suivant l'opinion d'Héraclite,
mais encore il serait à tout instant et continuellement nouveau.
§ 10. De plus, cette attraction
de l'humide par le soleil est semblable à l'eau que le feu échauffe. Puis donc
que le feu qui brûle sous cette eau n'est pas nourri par elle, il était naturel
de supposer que le soleil ne se nourrit pas davantage, quand même en échauffant
l'eau en masse il viendrait à la vaporiser tout entière.
§ 11. Il est absurde en outre de
supposer que le soleil quantité ; mais il ne paraît pas que l'eau soit utile
pour l'entretenir.
§ 12. Car il est de toute
évidence que toujours nous voyons retomber l'eau qui a été élevée. Si ce n'est
pas dans l'année même, si ce n'est pas dans le même pays, cependant tout ce qui
a été pris revient dans certaines périodes fixes, de telle sorte que les
sphères supérieures n'en sont pas nourries, comme on le dit, et que certaine.
partie de l'air ne subsiste pas après sa formation, tandis qu'une autre partie
retournerait en eau pour se dissoudre ; mais qu'au contraire c'est la massé
entière de l'air qui se dissout toujours également et se transforme en eau.
§ 13. La partie potable et douce
est donc enlevée tout entière à cause de sa légèreté ; la partie salée demeure
à cause de son poids, mais non point dans le lieu qui lui est propre. C'est du
reste avec raison qu'on a élevé des doutes sur ce point, et c'en est bien là la
solution ; car il serait peu rationnel [355b] de penser que l'eau n'a pas aussi son lieu
comme les autres éléments. En effet, le lieu que nous voyons occupé par la mer
est bien plutôt le lieu de l'eau que de la mer elle-même.
§ 14. Ce qui fait qu'il semble
être le lieu de la mer, c'est que la partie salée y demeure à cause de son
poids, tandis que la partie douce et potable s'élève à cause de sa légèreté. Il
en est de même dans le corps des animaux ; car bien que la nourriture qui y est
ingérée soit douce, toutefois le dépôt de la nourriture liquide et l'excrément
paraissent amers et salés, parce que la partie douce et potable est attirée
dans les chairs par la chaleur naturelle, aussi bien que dans toutes les autres
parties, suivant la composition de chacune d'elles.
§ 15. De même donc que pour le
corps des animaux, il serait absurde de croire que l'intestin n'est pas le lieu
de la nourriture potable, parce qu'elle y disparaît vite, mais qu'il est le
lieu de l'excrément, parce que l'excrément y reste, et que ce serait là se
tromper grossièrement, de même aussi dans les faits qui nous occupent. Par
conséquent, la mer est bien, comme nous le disons, le lieu de l'eau.
§ 16. Ce qui fait aussi que tous
les fleuves se jettent dans la mer, ainsi que toute l'eau qui existe dans le
monde, c'est que l'écoulement a lieu vers la partie la plus creuse ; et c'est
la mer qui occupe cette place de la terre. Mais une partie de l'eau est bien
vite entièrement enlevée par le soleil ; une autre partie demeure par la cause
que j'ai indiquée.
§ 17. Quant à la vieille question
de savoir ce que devient cette prodigieuse masse d'eau, des fleuves
innombrables et intarissables s'écoulant chaque jour dans la mer, sans qu'elle
en paraisse augmenter, rien d'étonnant qu'on se 'soit posé cette question ;
rien de difficile à la résoudre en observant les faits.
§ 18. Une masse d'eau, soit
étendue sur une vaste surface, soit accumulée, ne se dessèche pas en un temps
égal ; mais il y a ces différences que tantôt elle demeure le jour tout entier,
tandis que d'autres fois, comme l'eau d'une coupe répandue sur une large table,
elle vient à disparaître aussi vite que la pensée.
§ 19. C'est là précisément ce qui
arrive aussi pour les fleuves ; comme ils coulent perpétuellement et d'une
manière continue, tout ce qui arrive dans un lieu vaste et étendu se dessèche
vite et insensiblement.
§ 20. Mais ce qui est dit des
fleuves et de la mer dans le Phédon est absolument impossible. Il y est affirmé
en effet que tous les fleuves se réunissent sous la terre et se mêlent les uns
aux autres ; que le principe et la source de toutes les eaux, [356a] c'est ce qu'on appelle le Tartare, grande
masse d'eau placée au centre et de laquelle proviennent toutes les eaux, tant
celles qui courent que celles qui ne courent pas ; que cette masse d'eau fait
l'écoulement de chacun des fleuves, parce que ce principe ou cette cause est
dans une perpétuelle agitation ; qu'elle n'a pas de situation fixe et qu'elle
tourne sans cesse autour du centre ;
§ 21. que c'est par son
mouvement en haut et en bas qu'elle remplit tous les cours d'eau ; qu'il y a
des eaux qui sont stagnantes clans bien des lieux, comme la mer que nous voyons
sur notre terre, mais que toutes les eaux sont ramenées circulairement à
l'origine d'où elles ont commencé à couler, plusieurs y revenant par le même
lieu, d'autres y revenant par le lieu opposé à leur effusion, et par exemple
revenant d'en haut après être parties d'en bas ; que les eaux ne descendent que
jusqu'au centre ; que le reste de leur course se dirige toujours en haut, et
qu'enfin l'eau retient toujours le goût et la couleur de la terre par laquelle
elle a passé.
§ 22. Mais alors les fleuves ne
coulent pas toujours de la même façon d'après cette théorie. En effet,
puisqu'il retournent vers le centre d'où ils sont sortis, ils ne couleront pas
plus d'en haut que d'en bas ; ils couleront uniquement de la partie où le
Tartare écumant portera ses flots ; et si cela arrivait, il faudrait alors que,
selon le proverbe, les fleuves remontassent leur cours ; ce qui est tout à fait
impossible.
§ 23. De plus, d'où viendra cette
eau qui arrive et qui est entraînée tour à tour ? Il faut nécessairement
qu'elle soit déplacée tout entière, puisque la masse doit rester toujours
égale, et qu'il doit en retourner au principe tout autant qu'il en sort.
Cependant nous voyons tous les fleuves qui ne se jettent pas les uns dans les
autres, aller finir à la mer. Aucun ne se jette dans la terre ; et si
quelques-uns y disparaissent, c'est pour se remontrer bientôt.
§ 24. Les grands fleuves sont
ceux qui coulent longtemps dans une vallée, parce qu'ils y reçoivent beaucoup
de cours d'eau et que leur marche se trouve retardée par le lieu et par sa
longueur. C'est là ce qui fait que l'Ister et le Nil sont les deux plus grands fleuves
qui se jettent dans cette mer.
§ 25. D'autres auteurs ont donné
encore bien d'autres explications sur les sources de chacun des fleuves, qui se
réunissent pour ne former qu'un seul cours d'eau. Mais toutes ces explications
sont insoutenables, surtout si l'on prétend faire sortir la mer du Tartare.
§ 26. Nous en avons assez dit pour
faire voir que la mer est le lieu de l'eau et non pas de la mer elle-même, pour
expliquer comment on ne voit la partie de l'eau qui est potable que sous forme
d'eau courante, comment l'autre partie de l'eau stationne, et comment la mer est
plutôt la fin que le principe de l'eau, de même que dans les corps organisés
l'excrément vient de toute la nourriture et particulièrement de la nourriture
liquide.
Réfutation de
l'opinion de Démocrite, qui croyait à une diminution progressive de la mer ;
réfutation de quelques opinions sur la salure, et particulièrement de celle
d'Empédocle, qui soutenait que le sel vient de la sueur de la terre. -- Théorie
personnelle de l'auteur. -- Considérations diverses sur les sources d'eau salée
et d'eau chaude.
§ 1. Il faut
maintenant traiter de la salure de la mer, et nous demander si la mer est
toujours la même, ou bien si à une certaine époque elle n'existait pas, et si à
une autre époque elle ne cessera point d'exister, opinion que soutiennent
quelques philosophes.
§ 2. D'abord un
point sur lequel tous sont d'accord, c'est que la mer a eu un commencement, si
l'on admet que le monde entier a commencé ; car tous semblent reconnaître
qu'elle a dû être formée en même temps que le monde ; et la conséquence
évidente de ceci, c'est que si le monde est éternel, il faut croire que la mer
l'est tout aussi bien 'que lui.
§ 3. Mais
s'imaginer, comme le fait Démocrite, que la mer diminue sans cesse de quantité
et qu'à la fin elle disparaîtra, c'est là une opinion qui paraît tout à fait à
la hauteur des fables d'Ésope. Car c'est ainsi qu'Ésope nous raconte que
Charybde ayant deux fois englouti les eaux dans son gouffre, d'abord fit apparaître
les montagnes, puis ensuite les îles, et qu'à la fin elle desséchera la terre
tout entière par une troisième absorption.
§ 4. Il convenait
parfaitement au fabuliste de nous débiter ce conte pour se venger du nocher
contre lequel il était irrité ; mais ce procédé convient moins à ceux qui
cherchent la vérité ; car quelle que soit la cause qui dans le principe a fait
demeurer la mer telle qu'elle est, soit le poids de ses eaux, comme
quelques-uns le soutiennent, explication qui se présente tout d'abord pour peu
que l'on observe, soit toute autre, il est évident que la même loi doit
nécessairement être cause que la mer demeurera de la même manière pendant tout le
reste des temps.
§ 5. De deux choses
l'une en effet : ou bien il faut soutenir que l'eau enlevée par le soleil ne
reviendra pas sur la terre ; ou si elle revient, il faut reconnaître
nécessairement que ce phénomène aura lieu toujours, ou du moins jusqu'à ce que
la mer ait diminué de cette quantité, et que la portion potable qui a été
antérieurement enlevée reviendra aussi de nouveau. Ainsi la mer ne se dessèche
jamais ; car cette partie qui s'est d'abord en allée, se hâtera de redescendre
en masse égale ; et ce qu'on dit pour une fois seulement se répété évidemment
autant de fois qu'on voudra.
§ 6. Que si l'on
prétend arrêter le soleil dans sa course, quel sera dès lors le corps qui
desséchera la mer? Mais si on le laisse poursuivre sa révolution circulaire, il
est clair, comme nous l'avons exposé, qu'en s'approchant il enlèvera toujours
la partie potable, et qu'on s'éloignant il la laissera retomber de nouveau.
§ 7. Ce qui peut
avoir donné naissance à cette opinion sur la mer, c'est qu'on a pu observer que
bien des lieux sont aujourd'hui plus secs qu'ils ne l'étaient jadis. Mais nous
avons dit quelle est la cause de ce phénomène, et qu'une abondance excessive
d'eau survenant à certaines époques, ce n'était là qu'une modification de l'eau
et de ses parties, et non pas du tout un changement dans la masse totale
qu'elle forme.
§ 8. Puis ensuite il arrivera
tout le contraire ; et [357a] après que l'eau se sera produite, elle se
desséchera de nouveau, de telle façon que nécessairement le phénomène se répète
en un cercle perpétuel. C'est qu'en effet il est plus rationnel de supposer que
les choses se passent ainsi, plutôt que de croire que c'est le ciel entier qui
vient à être bouleversé par ces phénomènes. Mais vraiment déjà notre discussion
s'est arrêtée sur ces points plus longtemps qu'ils ne le méritent.
§ 9. Quant à la salure de la
mer, ceux qui la font naître tout d'un coup, et d'une manière générale ceux qui
la font naître, sont dans l'impossibilité d'expliquer comment la mer est salée.
En effet, soit que de toute l'eau répandue sur la terre et enlevée par le
soleil, ce qui reste soit devenu la mer, soit qu'il y ait eu dans cette masse
énorme d'eau, qui d'abord était douce, un suc particulier qui vint du mélange
d'une terre ayant ce goût, il n'est pas moins certain que la mer a dû être
salée dès le principe, l'eau vaporisée revenant ensuite et en quantité égale.
Ou bien, si la mer n'a pas été salée dès le principe, elle n'a pas pu l'être
plus tard davantage.
§ 10. Or, si elle
l'était également dès l'origine, il reste toujours à en dire la cause, et en
même temps à expliquer, si alors elle n'a pas été vaporisée aussi, comment il
se fait qu'elle n'éprouve plus aujourd'hui la même action. De plus, quand on
attribue la salure de la mer à la terre qui y est mêlée, ou parce que, dit-on,
la terre a des saveurs de tous genres, et qu'apportée par les fleuves dans la
mer elle la rend salée en s'y mêlant, quand, dis-je, on soutient cette opinion,
on devrait bien voir qu'il est alors impossible de comprendre que les fleuves
ne soient pas salés comme la mer.
§ 11. Comment
serait-il possible en effet que dans une grande masse d'eau le mélange de cette
terre fût si parfaitement sensible, et qu'il ne le fût pas dans chaque partie
de cette même eau ? Car, évidemment, la mer n'est que toute l'eau fluviale ;
elle ne diffère absolument des fleuves qu'en ce qu'elle est salée, et cette
salure n'affecte les fleuves que dans le lieu où tous se réunissent en masse.
§ 12. Il n'est pas
moins ridicule de s'imaginer qu'on dise quelque chose de clair, en soutenant,
comme Empédocle, que la mer est la sueur de la terre. En poésie, des
explications de cette sorte peuvent bien sembler suffisantes ; car la métaphore
est éminemment poétique ; mais elles sont évidemment insuffisantes pour faire
connaître la nature.
§ 13. On ne fait
pas même voir, par cette théorie, comment d'une boisson douce provient une
sueur salée, et si c'est seulement par la disparition de la partie la plus
douce, ou si c'est par le mélange de quelque autre corps, comme il arrive pour
les eaux qui ont filtré dans la cendre. La cause paraît être ici tout à fait la
même que pour la sécrétion qui se forme dans la vessie ; elle est amère et
salée, bien que la boisson ingérée et le liquide qui se trouve dans les
aliments, [357b] soient doux.
§ 14. Si donc, de
même que l'eau filtrée dans la cendre devient amère, de même les deux matières
le deviennent aussi, l'urine, parce qu'elle reçoit, par le mouvement descendant
des liquides et par leur agglomération, une propriété analogue à celle de la
saumure qui se dépose au fond des vases, et la sueur, cette même propriété, qui
est extraite des chairs, comme si l'humide qui sort entraînait hors du corps
quelque chose de pareil en le lavant, il est clair aussi que la portion de
terre qui vient se mêler au liquide est cause de la salure de la mer.
§ 15. Dans le
corps, cette matière n'est que le résidu de la nourriture qui n'a pas été
digérée. Mais il reste à dire comment elle se trouve dans la terre.
§ 16. D'abord, et
d'une manière générale, comment est-il possible que, de la terre desséchée et
échauffée, une si grande masse d'eau ait pu être sécrétée? Car il faudrait que
ce ne fût qu'une très petite partie de ce qui a été laissé dans la terre. De plus,
pourquoi aujourd'hui lorsque la terre vient à se dessécher, soit en grand soit
en petit, ne sue-t-elle pas encore? Car l'humidité et la sueur sont toujours
amères ; et si la terre suait jadis, il faudrait qu'elle suât encore
aujourd'hui.
§ 17. Or ce n'est
pas là du tout ce qu'on observe. Quand la terre est sèche, elle s'humidifie ;
et quand elle est humide, elle n'éprouve rien de pareil. Comment est-il donc
possible qu'à l'époque de la première formation, la terre étant humide, elle
soit venue à suer lorsqu'elle a séché?
§ 18. Il est
beaucoup plus probable, comme quelques-uns le soutiennent, que la plus grande
partie de l'humide ayant disparu et étant vaporisée par le soleil, ce qui resta
fut la mer ; mais il est impossible que là terre sue quand elle est humide.
§ 19. Ainsi donc
tout ce qu'on a dit sur la salure de la mer semble aller tout à fait au rebours
de la raison ; mais pour nous, nous traiterons cette question en reprenant le
même principe qu'au début.
§ 20. Nous avons
établi que l'exhalaison est double, l'une humide, l'autre sèche ; et l'on doit
évidemment penser que tel est aussi le principe de ces phénomènes. C'est de là
encore que nous partirons pour résoudre cette question qu'il nous faut
nécessairement discuter avant tout, à savoir si la mer subsiste en gardant ses
parties toujours les mêmes en nombre, ou bien si ses parties sont dans un
continuel changement d'espèce et de quantité, comme le sont les parties de
l'air, de l'eau potable et du feu.
§ 21. Chacun de ces
éléments en effet change perpétuellement ; mais l'espèce de la masse totale de
chacun subsiste, comme le flux des eaux qui coulent et le flux de la flamme. Or
il est évident et l'on doit parfaitement admettre qu'il est impossible que la
loi de tous ces éléments ne soit pas la même. Évidemment ils ne diffèrent que
par la lenteur ou la rapidité [358a] du changement ; mais il y a pour tous
production et destruction, et le changement s'applique régulièrement à tous
sans exception.
§ 22. Ceci posé, il faut essayer
d'expliquer aussi la salure de la mer. Il est clair d'après beaucoup d'indices
que ce goût doit provenir du mélange d'une certaine matière. Ainsi dans les
corps, la partie la moins digérée est salée et amère, comme nous l'avons dit,
et c'est la sécrétion de la nourriture liquide qui est la moins digérée ; or,
tout résidu a cette qualité ; mais c'est surtout celui qui se fait dans la
vessie.
§ 23. La preuve, c'est que ce
résidu est très léger, tandis que toutes les choses cuites s'épaississent
naturellement. Le résidu qui est ensuite le plus léger, c'est la sueur ; et
dans tous les cas, c'est le même corps sécrété qui produit ce goût de salure.
Il en est de même dans les objets qui sont brûlés ; car la partie que ne
consume pas la chaleur, devient ici le résidu dans les corps organisés, et là
de la cendre, clans les substances brûlées.
§ 24. C'est là ce qui a porté
quelques philosophes à faire venir la mer de la combustion de la terre. Il est
absurde de s'exprimer ainsi ; mais il est bien vrai que la salure de la mer
vient réellement de cette espèce de terre. Ce qui se passe en effet dans les
cas que nous venons de citer, doit se passer aussi pour le monde entier ; et
d'après ce qu'on voit pour les phénomènes que la nature produit et qui
s'accomplissent suivant la nature, il faut croire que, de même que pour les
corps comburés le résidu est une terre de ce genre, de même aussi pour
l'exhalaison totale dans l'exhalaison sèche.
§ 25. C'est elle en effet qui
fournit également la plus grande partie de cette masse immense. Or,
l'exhalaison humide et l'exhalaison sèche venant à se mêler, ainsi que nous l'avons
dit, lorsqu'elles se changent en nuages et en eau, il faut nécessairement
qu'elles renferment en elles quelque partie de cette propriété. Alors cette
propriété se trouve transportée dans les pluies, et descend avec elles ; et
tous ces phénomènes se passent suivant un certain ordre, autant du moins que
l'ordre peut intervenir dans ces faits-là. voilà donc quelle est l'origine de
la salure dans l'eau de la mer.
§ 26. C'est là aussi ce qui fait
que les pluies du sud et les premières pluies d'automne sont plus salées ; car
le vent du sud, par son étendue et sa force, est le vent le plus brûlant ; il
souffle de lieux secs et chauds, et par conséquent avec peu de vapeur, ce qui
le rend chaud également.
§ 27. Car bien qu'il ne soit pas
tel de sa nature, et qu'il soit froid là où il commence à souiller, néanmoins à
mesure qu'il s'avance, comme il ramasse avec lui une grande quantité
d'exhalaison sèche des lieux voisins, il devient chaud. Le vent du nord qui
souffle de lieux humides est chargé de vapeurs, ce qui le rend froid ; mais
parce qu'il repousse les nuages, il est serein dans ces lieux, tandis qu'il
amène la pluie dans les lieux contraires. C'est de même aussi que le vent du
midi est très serein dans les contrées de la Libye.
§ 28. Il y a donc beaucoup de
cette substance dans la pluie qui tombe, et les eaux de l'automne sont salées ;
car il faut nécessairement que les parties les plus lourdes tombent les
premières, de sorte que celles où il y a une forte quantité de cette espèce de
terre, tombent aussi le plus vite.
§ 29. C'est là en outre ce qui
fait que la mer est chaude ; car tous les corps qui ont été comburés recèlent
en eux de la chaleur en puissance. On peut vérifier ceci sur la poussière, sur
la cendre et sur l'excrétion des animaux, sèche ou humide ; et l'excrétion des
animaux dont l'estomac est le plus chaud, est aussi la plus chaude.
§ 30. C'est encore par cette
cause que la mer devient toujours plus salée. Avec l'eau douce, une certaine
partie de la mer est sans cesse enlevée ; mais cette partie est d'autant plus
petite que dans la pluie la portion salée et amère est moindre que la portion
douce ; et c'est ce qui fait qu'en somme il s'établit toujours une sorte
d'égalité.
§ 31. C'est d'après l'expérience
que nous soutenons qu'en se vaporisant l'eau devient potable, et que la partie
vaporisée ne se résout pas en eau de mer lorsqu'elle se condense de nouveau. Il
y a bien d'autres phénomènes du même genre. Ainsi le vin et toutes les autres
liqueurs, lorsque après s'être vaporisés ils redeviennent liquides, sont de
l'eau ; car toutes ces substances ne sont que des modifications de l'eau
produites par un certain mélange ; et quelle que soit la chose ainsi mélangée,
elle donne au résultat son goût particulier.
§ 32. Du reste, nous reviendrons
sur ce sujet dans une occasion qui sera plus convenable. Qu'il nous suffise de
dire ici qu'une fois la mer étant telle qu'elle est, il y a toujours une partie
enlevée en haut qui devient potable, et qui, après s'être modifiée en une autre
substance, retombe d'en haut sous forme de pluie, qui n'est plus ce qui a été
d'abord enlevé, et que cette substance, par sa pesanteur, reste placée en
dessous de la partie potable.
§ 33. C'est là ce qui fait que la
mer ne disparaît jamais non plus que les fleuves, si ce n'est dans certains
lieux particuliers ; et ce déplacement doit nécessairement arriver pour la mer
aussi bien que pour la terre ; car les parties de la terre, ni celles de la mer
ne restent pas toujours dans le même état. Mais c'est seulement la masse totale
de l'une et de l'autre qui demeure ; et c'est là ce qu'il faut également
supposer pour la terre.
§ 34. Ainsi donc, telle partie de
la mer s'élève, telle autre au contraire redescend avec la pluie ; et les
substances qui surnagent à la surface et celles qui s'enfoncent de nouveau,
changent sans cesse réciproquement de place.
§ 35. Ce qui prouve bien que la
salure de la mer tient à la mixtion de quelque substance, c'est tout ce que
nous venons de dire d'abord, et ensuite l'expérience suivante. Si l'on place
dans la mer un vase de cire modelé à cet usage, en en bouchant l'ouverture avec
des matières que la mer ne puisse pénétrer, ce qui passe au travers des
cloisons de la cire est de l'eau potable.
§ 36. La partie terreuse est
repoussée comme par un crible, ainsi que ce qui par son mélange doit produire
la salure. C'est cette partie aussi qui fait le poids et l'épaisseur de l'eau
de mer, laquelle est plus lourde que l'eau bonne à boire.
§ 37. Son épaisseur est assez
considérable pour que des navires qui, avec le même poids de chargement, sont
presque submergés dans les fleuves, n'ont, une fois sur mer, que le chargement
convenable pour bien naviguer. Aussi l'ignorance de ce fait a-t-elle souvent
causé bien des dommages, parce que des navires étaient trop pleins en arrivant
dans les fleuves.
§ 38. Ce qui prouve bien que
l'épaississement de la mer tient au mélange de quelque substance particulière,
c'est l'expérience qui suit. Si l'on rend de l'eau saumâtre en y mêlant
beaucoup de sel, on voit que les œufs peuvent y surnager quoiqu'ils soient
pleins ; car l'eau alors devient une espèce de boue. La mer a, dans sa masse,
quelque chose d’également corporel ; et c'est là aussi ce qu'on fait dans les
saumures.
§ 39. S'il est vrai, comme
quelques-uns le racontent, qu'il y a dans la Palestine un lac de telle nature
que si l'on y jette un animal ou un homme garrotté, il y surnage et ne
s'enfonce pas sous l'eau, ce serait un témoignage de plus de ce que nous disons
ici ; car on assure que l'eau de ce lac est tellement amère et tellement salée
qu'aucun poisson n'y peut vivre, et qu'il suffit d'y agiter les vêtements en
les y trempant pour les nettoyer.
§ 40. Tous ces faits ne font que
confirmer ce que nous avons avancé en disant que c'est un corps spécial qui
produit la salure, et que le principe qui compose ce corps est terreux.
§ 41. Ainsi, dans la Chaonie, il
y a une source d'eau assez fortement salée qui s'écoule dans un fleuve voisin,
dont l'eau est douce, mais qui n'a pas de poissons. Les habitants du lieu,
comme leurs descendants le rapportent, préférèrent que la source leur produisit
du sel plutôt que des poissons, quand Hercule, revenant de conduire les bœufs
d'Érysthée, leur permit de choisir l'un ou l'autre. En effet, il suffit de
faire chauffer cette eau et de la laisser reposer pour qu'après qu'elle est
refroidie, et que la partie liquide s'est évaporée avec la chaleur, il se forme
du sel, qui n'est point. compact, mais qui est mou et léger comme de la neige.
§ 42. Ces sels sont plus faibles
que les autres ; car il en faut une plus grande quantité pour saler, et ils
n'ont pas une couleur aussi blanche.
§ 43. Il se présente un autre
fait de ce genre dans l'Ombrie. [359b] En effet, il s'y trouve un lieu où poussent
une sorte de roseau et de jonc, que l'on brûle et dont on jette la cendre dans
l'eau qu'on fait bouillir ; lorsqu'elle est bien réduite par le feu, elle donne
une quantité de sel assez notable.
§ 44. Tous les cours d'eau de
fleuves ou de sources qui sont salés, ont dû, pour la plupart, être chauds
autrefois, selon toute probabilité ; puis ensuite le principe du feu s'est
éteint ; mais la terre au travers de laquelle ils filtrent est comme de la
poussière et de la cendre.
§ 45. Il y a dans bien des
endroits des sources et des cours d'eau qui ont toute espèce de goûts ; et il
faut pour toutes en rapporter la cause à la force du feu qui y est ou qui y a
été. Car la terre, selon qu'elle est plus ou moins brûlée, prend toutes les
couleurs et toute sorte de goûts.
§ 46. La terre en effet
s'imprègne des qualités de l'alun, de la chaux et de bien des corps semblables
; ces qualités diverses changent la nature des eaux douces qui les traversent
en filtrant, et les rendent acides comme dans la Sicanie de Sicile. Il se forme
en effet dans ce lieu une saumure dont on se sert en guise de vinaigre pour
certains mets.
§ 47. Il y a encore une source
d'eau acide près de Lyncus ; et en Scythie on a trouvé une source saumâtre ;
l'eau qui s'en écoule donne de l'amertume à tout le fleuve dans lequel elle se
jette. Ces causes de la différence des eaux sont parfaitement évidentes. Mais
nous avons traité dans un autre ouvrage spécial des différents goûts qui se
forment suivant les différents mélanges.
§ 48. Voilà donc à peu près tout
ce que nous avions à dire sur les eaux, et sur la mer, pour faire connaître par
quelles causes elles se maintiennent telles qu'elles sont, ou viennent à
changer. Nous avons expliqué aussi quelle en est la nature, et nous avons dit
quels sont les phénomènes naturels qu'elles produisent ou qu'elles souffrent.
Des deux
exhalaisons, l'humide et la sèche, c'est la sèche qui forme les vents. —
Rapports des vents, de la pluie et de la sécheresse ; variations du temps. —
Division des vents, en vents du nord et vents du midi ; leur marche.
§ 1. Parlons des
vents en partant de ce principe que nous avons antérieurement énoncé, à savoir
qu'il y a, ainsi que nous le disions, deux espèces d'exhalaisons : l'une
humide, et l'autre sèche. La première est appelée vapeur ; l'autre dans sa
totalité n'a pas reçu de nom. Mais en considérant les phénomènes particuliers,
il sera nécessaire de l'appeler d'une manière générale une sorte de fumée.
§ 2. L'humide
n'existe point sans le sec, ni le sec sans l'humide. Tous ces termes
s'adressent d'ailleurs à l'état le plus élevé du phénomène.
§ 3. Le soleil
marche circulairement, et quand il s'approche de la terre, il attire par sa
chaleur l'humidité ; mais quand il s'éloigne, la vapeur qui a été enlevée se
condense derechef en eau par le refroidissement. Aussi y a-t-il plus de pluie
en hiver qu'en été, plus dans la nuit que dans le jour. Mais on ne s'en
aperçoit pas, parce qu'on remarque moins les pluies nocturnes que les pluies
qui ont lieu dans le jour. L'eau qui tombe se répartit et filtre tout entière
dans la terre.
§ 4. Or il y a dans
la terre beaucoup de feu et une grande chaleur ; et le soleil attire, non
seulement l'humide qui est à la surface, mais aussi il dessèche par sa chaleur
la terre elle même.
§ 5. Or
l'exhalaison étant double, ainsi que je viens de le dire, l'une de vapeur,
l'autre de fumée, il faut nécessairement que les deux se produisent. De ces
deux exhalaisons, l'une qui a plus d'humide est l'origine de l'eau qui tombe en
pluie, comme on l'a vu plus haut ; l'autre qui est sèche est le principe et
l'élément naturel de tous les vents.
§ 6. On peut voir
par l'observation même des faits qu'il faut nécessairement que les choses se
passent ainsi. D'abord il faut de toute nécessité que l'exhalaison diffère ; et
de plus, le soleil et la chaleur qui est dans la terre peuvent non seulement
produire tous ces phénomènes, mais doivent nécessairement les produire.
§ 7. Puisque
l'espèce de l'une et de l'autre exhalaison est distincte, il faut qu'elles
diffèrent ; et la nature du vent et celle de l'eau de pluie ne sont pas
identiques, comme quelques-uns l'affirment, en soutenant que c'est le même air
qui, en mouvement, est le vent, et qui, en se condensant de nouveau, fait la
pluie.
§ 8. Ainsi l'air,
comme nous l'avons dit dans nos recherches antérieures à celle-ci, se forme de ces
divers éléments. La vapeur est humide et froide. D'abord il est facile de
comprendre qu'elle soit humide, puisque venant de l'eau, elle est froide par sa
propre nature, comme l'est aussi l'eau non échauffée. Quant à la fumée, elle
est chaude et sèche. Ainsi donc l'air est composé de deux parties qui, en
quelque sorte, se rejoignent ; et il est à la fois humide et chaud.
§ 9. Mais il est
absurde de supposer que cet air répandu autour de chacun de nous est du vent
quand il est agité, et qu'il y a du vent selon le côté d'où il se trouve mis en
mouvement, au lieu de croire qu'il en est ici comme pour les fleuves. Ainsi de
même que nous n'admettons pas qu'il y ait fleuve par cela seul qu'il y a de
l'eau qui coule, même en grande quantité, mais qu'il faut en outre que cette
eau qui coule vienne d'une source, de même aussi pour les vents, puisqu'une
grande quantité d'air qui n'a ni principe ni source pourrait recevoir un
mouvement par une puissante impulsion.
§ 10. Le faits témoignent de la
vérité de cette théorie. Comme il y a perpétuellement une exhalaison plus ou
moins forte, plus ou moins grande, [360b] il y a perpétuellement aussi dans chaque
saison des nuages et des vents, selon des changements naturels. Mais comme
parfois c'est l'exhalaison vaporeuse qui est plus considérable, parfois la
sèche et la fumeuse, il en résulte que les années sont tantôt pluvieuses et
humides, et tantôt venteuses et sèches.
§ 11. Il arrive
donc quelquefois que les sécheresses et les pluies sont tout ensemble
abondantes et répandues dans toute la continuité d'un pays ; parfois elles
n'ont lieu que dans des parties seulement ; souvent une contrée reçoit tout alentour
les pluies ordinaires de la saison ou même davantage ; et pourtant dans une de
ses parties, il y a sécheresse.
§ 12. Souvent au
contraire, toute la contrée environnante n'ayant reçu que peu de pluie, ou
plutôt même étant à sec, il arrive que telle partie reçoit à elle seule une
masse d'eau considérable. En voici la cause : il semble bien en effet qu'un
même phénomène devrait affecter d'ordinaire la plus grande partie du pays,
puisque les lieux qui se touchent sont dans une même position par rapport au
soleil ; mais c'est qu'ils ont quelque différence spéciale.
§ 13. Parfois
cependant c'est dans cette partie même que l'exhalaison sèche a été la plus
considérable, tandis que l'exhalaison vaporeuse l'était davantage dans une
autre ; ou bien, à l'inverse.
§ 14. Ce qui peut encore produire
ce phénomène, c'est que l'une et l'autre exhalaison tombent, en se déplaçant,
sur l'exhalaison de la région qui est contiguë ; et par exemple l'exhalaison
sèche s'écoule dans la région qui lui est propre, tandis que l'humidité
s'écoule vers la région voisine ; ou bien même elle est poussée par les vents
dans quelque place éloignée. Parfois l'une des exhalaisons demeure en place, et
l'exhalaison contraire en fait autant.
§ 15. Cela se répète plusieurs
fois ; et de même que pour le corps, la cavité supérieure étant sèche, celle
d'en bas est dans un état contraire, ou celle-ci étant sèche, celle d'en haut
est humide et froide, de même les exhalaisons se permutent et changent de
place.
§ 16. On peut remarquer encore
qu'après les pluies, le vent souille le plus souvent dans les lieux où tombe la
pluie, et que les vents cessent dès que la pluie vient à tomber.
§ 17. Ces phénomènes se produisent
nécessairement d'après les principes qui viennent d'être indiqués. Ainsi, quand
il a plu, la terre, séchée par la chaleur qui est en elle et par la chaleur qui
vient d'en haut, transpire des vapeurs, c'est là le corps du vent ; et quand
cette sécrétion a lieu, les vents soufflent. Puis quand ils cessent. parce que
la chaleur, qui se sécrète toujours, est portée dans la région supérieure, la
vapeur refroidie se condense et devient de l'eau.
§ 18. [361a] Lorsque les nuages sont rassemblés dans un
même lieu, et que le froid environnant les pénètre, l'eau se forme et refroidit
l'exhalaison sèche. Ainsi les pluies en tombant abattent les vents ; et quand
les vents s'apaisent, les pluies se produisent par des causes semblables.
§ 19. C'est encore cette même cause
qui fait que les vents viennent le plus souvent du plein nord et du midi, parce
qu'en effet la plupart des vents viennent de l'un ou l'autre point.
§ 20. C'est que ce sont là les
seuls lieux que le soleil ne parcourt pas ; mais il s'en approche ou il s'en
éloigne, toujours porté vers le couchant ou vers l'orient. Aussi les nuages se
forment sur les côtés ; et quand le soleil s'approche il y a évaporation de
l'humide ; et quand il s'éloigne vers le lieu contraire, il y a des pluies et
des frimas.
§ 21. C'est par le mouvement qui
porte le soleil vers les Tropiques, et qui l'en écarte, que se forment l'été et
l'hiver ; et que l'eau est enlevée en haut et revient ensuite.
§ 22. Comme il tombe la plus
grande quantité de pluie dans les lieux vers lesquels marche le soleil et
desquels il s'éloigne, c'est-à-dire le nord et le sud, il faut nécessairement
que là où la terre reçoit le plus d'eau, là aussi l'exhalaison soit la plus
considérable, à peu près comme il sort plus de fumée des bois verts. Or, comme
cette exhalaison même est le vent, il est tout naturel que ce soit aussi de là
que soufflent les vents les plus fréquents et les plus forts.
§ 23. On appelle ceux qui viennent
du nord des aquilons, et ceux qui viennent du midi, des austers. Leur direction
est oblique ; car ils soufflent autour de la terre, tandis que l'exhalaison se
produit en ligne droite, parce que tout l'air circulaire suit en masse cette
direction.
§ 24. C'est là ce qui fait qu'on
peut être en doute sur l'origine des vents et se demander si c'est d'en haut ou
d'en bas qu'ils viennent ; car le mouvement vient d'en haut, et il a lieu avant
qu'ils ne soufflent ; l'air alors s'éclaircit, s'il y a des nuages ou du
brouillard. Cela prouve en effet que le principe du vent est mis en mouvement
avant même que le vent proprement dit ne soit parfaitement sensible, comme si
les vents tiraient leur origine d'en haut.
§ 25. Mais comme le vent n'est
qu'une certaine quantité de l'exhalaison sortie de la terre sèche, et qui se
meut autour de la terre, il est évident que le principe du mouvement vient d'en
haut, et que celui de la matière du vent et de sa génération vient d'en bas ;
car là où s'écoulera ce qui s'élève, de là viendra la cause, puisque c'est la
révolution des matières plus éloignées qui domine la terre. Mais en même temps
le mouvement d'ascension d'en bas se fait en ligne droite ; et toute chose a
d'autant plus de force qu'elle est plus proche ; mais évidemment le principe de
la génération des vents [361b] vient de la terre.
§ 26. On peut du reste se convaincre
par l'observation des faits que les vents se forment de plusieurs exhalaisons
réunies peu à peu, de même que les sources des fleuves se forment par les
suintements de la terre ; car à leur point de départ les vents sont toujours
les plus faibles ; mais à mesure qu'ils avancent en prolongeant leur course,
ils soufflent avec plus d'éclat et de force.
§ 27. De plus les régions
septentrionales sont en hiver calmes et sans aucun vent sur les lieux mêmes ;
mais le vent qui en souffle d'abord faiblement et sans qu'on le sente, à mesure
qu'il s'avance en dehors de ces lieux devient un vent de plus en plus éclatant
et sensible.
§ 28. Nous avons donc expliqué
quelle est la nature du vent, et comment il se forme ; nous avons parlé des
sécheresses et des inondations de pluies. Nous avons dit encore pourquoi les
vents s'apaisent et se forment après les pluies, et pourquoi la plupart des
vents sont ou du nord ou du midi ; enfin nous avons traité de leur marche.
Régime des
vents étésiens du nord et du midi. -- Rapports des vents à la configuration de
la terre ; détails géographiques ; voyages et descriptions ; Pôles arctiques et
antarctiques ; étendue des vents du nord et du midi ; les moussons.
§ 1. Le soleil
apaise tout à la fois les vents et les fait lever. Ainsi il dissipe les
exhalaisons qui sont faibles et peu nombreuses, et il dissout par la chaleur
plus forte qu'il possède, la chaleur moindre qui est dans l'exhalaison. De
plus, en desséchant la terre, il prévient la sécrétion avant qu'elle ne
s'accumule, de même que, si dans un feu violent on jette une petite quantité de
combustible, il peut souvent y être consumé avant de faire la moindre fumée.
§ 2. C'est donc par
ces causes que le soleil abat les vents, et qu'il les empêche de se former, les
abattant parce qu'il consume l'exhalaison, et les empêchant de se former par la
rapidité de la dessiccation. C'est là ce qui fait qu'il y a absence de vent
d'ordinaire au lever d'Orion, et jusqu'à l'époque des vents étésiens et des
précessions.
§ 3. En général,
les calmes tiennent à deux causes : ou bien c'est que l'exhalaison est éteinte
par le froid, comme lorsqu'il y a une forte gelée, ou bien c'est qu'elle est
dissipée par la chaleur. La plupart des calmes ont lieu dans les saisons intermédiaires,
soit que l'exhalaison ne soit pas encore formée, soit que l'exhalaison qui
s'est faite soit déjà dissipée, et qu'une autre ne soit pas encore venue
prendre sa place.
§ 4. Mais Orion,
quand il se couche, comme lorsqu'il se lève, semble être incertain et
défavorable, parce que sa disparition ou son apparition tombe à l'époque du
changement de saison, soit en été, soit en hiver ; et la grandeur de l'astre fait
que cette indécision dure plusieurs jours. Mais les changements en toutes
choses sont accompagnés de désordres, à cause de leur indétermination.
§ 5. Les vents étésiens
soufflent après les solstices et le lever du Chien ; et ils ne soufflent point
autant, ni lorsque le soleil [362a] est le plus rapproché ni lorsqu'il est le
plus éloigné de nous. Ils soufflent le jour et s'apaisent la nuit ; et la cause
en est que le soleil, lorsqu'il est proche, sèche rapidement l'exhalaison avant
même qu'elle ne se forme.
§ 6. Mais pour peu qu'il
s'éloigne, la chaleur et l'exhalaison deviennent alors modérées, de sorte que
les matières coagulées se liquéfient, et que la terre desséchée, et par sa
chaleur propre et par celle du soleil, fume et s'évapore ; à la nuit ils
tombent, parce que les coagulations cessent de fondre à cause du froid des
nuits. Or, un corps coagulé et tout corps qui n'a pas quelque chose de sec, ne
s'évapore pas ; mais lorsqu'un corps sec a de l'humidité, il s'échauffe et se
vaporise.
§ 7. Quelques-uns se sont
demandé pourquoi les vents du nord sont continus, ceux du moins que nous
appelons étésiens, après le solstice d'été, et pourquoi les vents du midi ne le
sont pas de même, après le solstice d'hiver. Il n'y a rien là qui ne soit
parfaitement explicable. Les vents qu'on appelle les vents blancs du midi
(sud-sud-ouest) viennent bien dans la saison opposée. Mais ils ne sont pas aussi
continus ; et dès lors comme on les sent à peine, c'est ce qui peut donner lieu
au doute.
§ 8. La cause en est que le vent
du nord souffle des contrées placées sous la grande Ourse, lesquelles sont
pleines d'eau et d'une masse de neige ; et quand ces masses sont fondues par le
soleil, les vents étésiens soufflent plus violemment après les solstices d'été
qu'à l'époque même du solstice. C'est aussi de cette même façon que se
manifestent les fortes chaleurs, qui ont lieu non pas lorsque le soleil est le
plus rapproché du nord, mais lorsqu'il y a plus de temps qu'il échauffe et
qu'il en est encore assez proche.
§ 9. C'est encore par la même
cause que les vents Ornithies soufflent après le solstice d'hiver ; car ces
espèces de vents ne sont que des étésiens affaiblis ; or ils soufflent plus
tard et moins fort que les vents étésiens ordinaires. Ce n'est que le
soixante-dixième jour qu'ils commencent à souffler, parce que le soleil qui est
alors éloigné a moins de force. S'ils ne soufflent pas non plus d'une manière
continue, c'est que les matières qui sont à la surface et qui sont faibles,
sont plus dissoutes, et que les matières qui sont alors coagulées ont besoin de
plus de chaleur pour se fondre. Aussi ne soufflent-ils que par intervalles,
jusqu'à ce que de nouveau les vents étésiens ordinaires soufflent au solstice
d'été ; car c'est surtout à partir de cette époque que le vent souffle sans
aucune interruption.
§ 10. Le vent du midi souffle du
solstice d'été ; mais il ne vient pas de l'autre pôle ; car on peut faire deux
sections de la terre habitable, l'une tournée vers le pôle supérieur qui est le
nôtre, la seconde vers l'autre pôle et vers le midi, et qui a la forme d'un
tambour. [362b] Les lignes menées du centre de la terre lui
donnent cette figure en la coupant, et forment deux cônes, dont l'un a pour
base le tropique, et dont l'autre a pour base la ligne qui est constamment
visible, leur sommet étant au centre de la terre.
§ 11. Tout de même vers le pôle
inférieur, deux autres cônes forment les sections de la terre. Ce sont les
seules parties qui puissent être habitées, et elles ne sont pas au-delà des
tropiques ; car l'ombre ne serait plus tournée vers le nord ; et maintenant ces
lieux deviennent inhabitables, avant même que l'ombre ne manque ou ne tourne au
midi. Du reste, c'est le froid qui rend inhabitables les régions placées sous
la grande Ourse.
§ 12. La Couronne va aussi jusque
dans ce lieu ; car elle semble être au-dessus de nos tètes, quand elle est dans
le cercle méridien.
§ 13. C'est pourquoi les dessins
qu'on fait aujourd'hui des grandes régions de la terre sont vraiment ridicules.
On représente la partie de la terre habitée comme ronde ; et cela est
impossible, et d'après les faits observés et d'après le simple raisonnement. La
raison démontre que la partie habitable est limitée en latitude, et cette
partie peut être regardée comme circulaire par la température mélangée qui y
règne. En effet la chaleur et le froid ne sont pas excessifs en longitude ;
mais ils le sont en latitude, de sorte qu'on peut la parcourir tout entière en
ce premier sens, si l'immensité de la mer n'en empêche pas quelque part. C'est
ce que prouvent les faits observés dans les voyages par mer et par terre.
§ 14. La longitude en effet
l'emporte de beaucoup en longueur sur la latitude ; et la ligne qui s'étend des
colonnes d'Hercule jusqu'à l'Inde, est en longueur dans la proportion de plus
de cinq à trois relativement à la ligne qui va de l'Éthiopie au Palus Méotide
et aux dernières contrées de la Scythie, si l'on calcule les navigations et les
voyages terrestres, avec la sorte d'exactitude que comportent les faits de ce
genre.
§ 15. Cependant nous savons qu'en
latitude nous connaissons la terre habitable jusqu'aux parties qui ne le sont
plus. D'une part, elle ne peut être habitée à cause du froid ; et d'autre part,
à cause de la chaleur. Mais les parties qui sont en dehors de l'Inde et des
Colonnes d'Hercule ne semblent pas, à cause de la mer, pouvoir se rejoindre de
telle sorte que toute la terre habitable soit absolument continue.
§ 16. Il n'en est pas moins
nécessaire qu'il y ait un certain lieu qui soit, par rapport à l'autre pôle,
comme le lieu que nous habitons est par rapport au pôle qui est au dessus de
nous ; et il est évident que la situation des vents, ainsi que tout le reste, y
sera déterminée d'une manière analogue. Ainsi, de même qu'il y a ici un vent du
nord, de même il doit y avoir pour ces lieux aussi un certain vent qui vient de
l'Ourse, qui y est aussi placée ; mais ce vent ne peut venir jusqu'ici, puisque
notre vent du nord ne parcourt même pas toute la partie de la terre [363a] habitable où nous sommes.
§ 17. Le vent du nord en effet
est comme une émanation locale [jusqu'à ce que l'aquilon souffle sur la partie
de la terre que nous habitons ]. Mais comme cette partie de la terre habitable
est située vers le nord, ce sont presque toujours les vents du nord qui y
soufflent.
§ 18. Et pourtant, même dans cette
région, le vent du nord faiblit et ne peut pas aller bien loin, puisque dans la
mer méridionale, qui est en dehors de la Libye, soufflent toujours, en se
succédant sans cesse les uns aux autres, les vents d'est et les vents d'ouest,
comme soufflent pour nous les vents du nord et les vents du sud.
§ 19. Il est donc évident que
notre vent du midi n'est pas le vent qui souffle de l'autre pôle ; et si le
vent du sud n'est pas ce vent-là, ce n'est pas non plus celui qui souffle du
solstice d'hiver ; car il faudrait qu'il y en eût un autre qui soufflât du solstice
d'été, ce qui rétablirait alors l’équilibre ; mais il n'en est point ainsi. Il
n'y a en effet qu'un seul vent évidemment qui souffle de ces lieux, de sorte
qu'il faut nécessairement que le vent du midi soit le vent qui souffle de la
région brûlante .
§ 20. Ce lieu à cause de la
proximité du soleil n'a pas d'eaux et d'éléments qui, par leur condensation,
paraissent produire les vents étésiens. Mais comme ce lieu est beaucoup plus
vaste et plus étendu, le vent du midi qui en vient est beaucoup plus fort,
beaucoup plus fréquent, en même temps que plus desséchant que le vent du nord ;
et il s'étend plus ici que ce dernier ne s'étend là-bas.
§ 21. Nous avons dit quelle est
la cause de ces vents, et quels sont les rapports des uns aux autres.
Leur nombre,
leurs dénominations. Réduction de tous les vents à deux espèces principales. —
Influence des vents sur les variations du temps ; leurs actions diverses.
§ 1. Il nous faut
expliquer maintenant quelle est la position des vents divers, quels sont les
vents qui sont contraires entre eux, quels sont ceux qui peuvent souffler à la
fois, et ceux qui ne le peuvent pas, quelle est la nature des vents et quel en
est le nombre ; et nous traiterons en outre de tous les détails qui n'ont pu
être exposés dans les Questions particulières.
§ 2. Pour bien
comprendre ce que nous dirons de leur position, il faut nous suivre sur le
dessin ci-joint. Afin de rendre ceci plus clair, nous avons tracé le cercle de
l'horizon ; et voilà pourquoi nous le faisons rond. Mais il faut se figurer en
outre qu'il ne s'agit ici que d'une seule de ses sections, celle qui est habitée
par nous ; car on pourra la diviser de la même façon.
§ 3. Rappelons-nous
d'abord que les choses contraires par le lieu sont celles qui, par le lieu
qu'elles occupent, sont les plus éloignées l'une de l'autre, de même que les
choses contraires en espèce sont les plus éloignées en espèce aussi. Or les
choses les plus éloignées suivant le lieu sont celles qui sont entre elles
opposées diamétralement.
§ 4. Soit donc A
pour l'occident équinoxial ; [363b] et le lieu contraire, B, l'orient
équinoxial. Sur un autre diamètre coupant celui-ci à angle droit, soit G le
nord ; et le point contraire en sens contraire, H, le midi. F sera l'orient
d'été, comme E sera l'occident d'été, D l'orient d'hiver, et C l'occident
d'hiver. De F, menez un diamètre en C, et de D en E.
§ 5. Puisque les
points les plus éloignés suivant le lieu sont ce qu'on appelle les contraires
suivant le lieu, et que les points les plus éloignés le sont suivant le
diamètre, il en résulte nécessairement que les vents sont contraires les uns
aux autres, quand c'est suivant le diamètre qu'ils sont opposés entre eux.
§ 6. Voici les noms
que l'on donne aux vents selon la position des lieux : vent d'ouest, zéphyre,
celui qui vient de A ; c'est l'occident équinoxial. Le concontraire de
celui-là, l'Aphéliote, souffle de B ; car B est l'orient équinoxial. Le Borée
et le vent de l'Ourse soufflent de G ; car c'est là qu'est la grande Ourse. Le
vent contraire à celui-là, le vent du midi, souffle de H. C'est du midi qu'il
souffle, et H est contraire à G ; car il lui est diamétralement opposé.
§ 7. De F, c'est le
Coecias qui souffle, (le vent du nord-est) ; car c'est l'orient d'été. Le
contraire du Caecias n'est pas celui qui souffle de E, mais celui qui souffle
de C, le Lips, (le vent du sud-ouest) ; car il souffle de l'occident d'hiver,
et il lui est contraire, puisqu'il lui est diamétralement opposé. De D vient
l'Eurus (vent du sud-est) ; car il souffle de l'orient d'hiver, et il se
rapproche du vent du sud ; et c'est là ce qui fait qu'on dit que les vents du
sud-sud-est soufflent souvent. Le contraire de celui-là n'est pas le vent qui
souffle de C, le Lips (vent du sud-ouest), mais celui qui vient de E, et que
l'on appelle tantôt Argeste, tantôt Olympias, tantôt Sciron ; car ce veut
souffle de l'occident d'été, et c'est le seul qui soit diamétralement opposé au
vent de sud-est.
§ 8. Tels sont donc
les vents qui sont opposés les uns aux autres diamétralement, et qui ont des
contraires. Il y en a encore d'autres où les directions ne sont pas contraires
aussi précisément. Ainsi de I, souffle le vent qu'on appelle Thrascias, et qui
tient le milieu entre l'Argeste et le vent du nord. De K souffle celui qu'on
appelle le Mésés ou Moyen, et qui l'est en effet entre le Ceecias (le nord-est)
et le nord. Le diamètre IK est à peu près suivant le cercle qui est toujours
visible ; mais il n'y est pas tout à fait exactement.
§ 9. Or il n'y a
pas de contraires pour ces vents, ni pour lé Thrascias ni pour le Moyen ; car
il faudrait pour le Moyen qu'il en soufflât un de M, qui est le point [364a] diamétralement opposé ; ni pour I, le
Thrascias ; car il faudrait qu'il en soufflât un du point N, qui lui est opposé
diamétralement. Toutefois, s'il n'en souffle pas un de ce point précisément, il
y en a un qui souffle d'un point très voisin et que les habitants de ces
contrées nomment le Phénicias.
§ 10. Tels sont
donc les principaux vents qui ont été déterminés, et telle est leur disposition
générale. S'il y a plus de vents venant des lieux du nord qu'il n'y en a venant
des lieux du midi, c'est que la terre habitée est située sous ces premières
régions, et qu'aussi il y a beaucoup plus d'eau et de neige repoussées dans ces
régions, parce qu'elles sont sous le soleil et sous son cours. L'eau et la
neige venant à fondre et à s'infiltrer dans la terre, et étant échauffées par
le soleil et par la terre, il faut nécessairement par cette cause que
l'évaporation soit plus considérable, et se produise sur une beaucoup plus
vaste étendue.
§ 11. De tous les
vents qu'on vient de nommer, le plus distinct est le Borée, qu'on appelle aussi
le vent de l'Ourse. Le Thrascias participe de l'Argeste et du Moyen ; le
Coecias, de l'Aphéliote et du Borée. On appelle vent du midi à la fois celui
qui vient directement du midi, et celui du sud-ouest, le Lips. On appelle
Aphéliote à la fois et celui qui vient de l'orient équinoxial, et l'Eurus ou
vent de sud-est. Le nom de Phénicias est commun à plusieurs vents ; et l'on
appelle vent d'ouest à la fois et celui qui vient réellement de l'ouest, et
celui qu'on nomme Argeste.
§ 12. D'une manière
générale, on peut diviser les vents en vents du nord et vents du midi. On met
les vents d'ouest avec ceux du nord ; car ils sont plus froids, parce qu'ils
soufflent de l'occident ; et l'on met avec le vent du midi tous ceux qui
viennent de l'est, parce qu'ils sont plus chauds, attendu qu'ils soufflent de
l'orient.
§ 13. C'est donc en
déterminant les vents par le froid et la chaleur et par la douceur de
température, qu'on les a dénommés, comme on vient de le voir. Ceux qui
soufflent de l'est sont plus chauds que ceux qui soufflent de l'ouest, parce
que ceux qui viennent de l'est sont plus longtemps sous le soleil. Quant à ceux
qui viennent de l'ouest, le soleil cesse plus vite ; et il ne se rapproche que
plus tard du lieu d'où ils soufflent.
§ 14. Les vents étant donc ainsi
rangés, il est évident que les vents contraires ne peuvent pas souffler en même
temps ; en effet, puisqu'ils sont diamétralement opposés, il faudrait que l'un
des deux cessât forcément de souffler. Mais ceux qui ne sont pas disposés de
cette façon, les uns par rapport aux autres, peuvent parfaitement souffler à la
fois. Ainsi F et D. C'est là ce qui fait que parfois deux vents favorables
soufflent ensemble pour pousser un navire vers le même lieu, et ils ne viennent
pas du même point de l'horizon et ne se confondent pas en un seul vent.
§ 15. Ce sont, pour les saisons
contraires, les vents contraires qui soufflent le plus. Ainsi à [364b] l'équinoxe de printemps, c'est le Coecias,
et en général tous les vents posés au-delà du tropique d'été ; et à l'équinoxe
d'automne, ce sont les vents du sud-ouest ; au solstice d'été, le vent d'ouest
; et celui de sud-est, au solstice d'hiver.
§ 16. Ce sont le plus
généralement les vents du nord, les Thracias et les Argestes, qui surviennent
après les autres vents et les font cesser ; car s'ils sont si fréquents et
s'ils soufflent si violemment, c'est que leur point de départ est très proche.
Aussi sont-ils les plus sereins de tous les vents. Soufflant de près, ils ont
d'autant plus de force et ils suppriment les autres vents ; et dispersant les
nuages condensés, ils amènent le beau temps, à moins qu'en même temps ils ne
soient très froids.
§ 17. Alors en effet ils ne sont
pas sereins ; car s'ils sont plus froids que forts, ils déterminent la
condensation avant d'avoir chassé les nuages. Le Caecias n'est pas serein,
parce qu'il les ramène sur lui-même, d'où vient le proverbe populaire : « Il
tire tout à lui, comme le Coecias attire le nuage » .
§ 18. Lorsque les vents viennent
à cesser, les changements dans ceux qui les suivent ont lieu suivant le
déplacement du soleil, parce que c'est ce qui touche le principe qui reçoit le
mouvement le plus fort ; et le principe des vents est mis en mouvement juste
comme le soleil lui-même.
§ 19. Les vents contraires,
produisent, ou. le même effet que leurs opposés, ou un effet contraire. Ainsi
le Lips, le vent du sud-ouest, et le Coecias, que l'on appelle aussi
Hellespontin, sont humides, ainsi que le vent d'est, l'Eurus, qu'on appelle
aussi Aphéliote. L'Argeste et le vent d'est sont secs ; et ce dernier est sec
au début, et aqueux à la fin. Le Moyen, et surtout le vent du nord, sont
neigeux ; car ils sont les plus froids de tous. Le vent du nord amène de la
grêle, ainsi que le Thrascias et l'Argeste. Le vent du midi, le vent d'ouest et
le vent d'est sont chauds.
§ 20. Le Caecias charge le ciel
de nuages épais. Avec le Lips, vent du sud-ouest, les nuages sont moins
condensés ; et pour le Caecias, c'est parce qu'il les fait revenir sur lui-même
et qu'il participe du vent du nord et du vent d'est, de telle sorte que, par
son froid, condensant l'air qui s'évapore, il le forme en nuages ; et comme par
sa place il se rapproche des vents d'est, il amène beaucoup de matières et de
vapeurs qu'il chasse devant lui. Le vent du nord, le Thrascias et l'Argeste
sont sereins ; et nous en avons dit antérieurement la cause.
§ 21. Ce sont ces derniers et le
Moyen qui amènent le plus souvent les éclairs. Ils sont froids, parce qu'ils
soufflent de près ; et c'est par le froid que se forme l'éclair ; car il est
expulsé des nuages, quand ils se réunissent. C'est là ce qui fait aussi que
quelques-uns de ces vents amènent la grêle, parce qu'ils produisent une rapide
congélation.
§ 22. Ils deviennent tempétueux
surtout à l'automne, puis au printemps ; et ce sont particulièrement les vents
du nord, le Thrascias et l'Argeste. Ce qui rend les vents tempétueux, c'est
surtout quand des vents surviennent au milieu d'autres vents qui soufrent ; et
ce sont spécialement les vents que je viens de désigner qui surviennent ainsi.
Nous en avons encore dit antérieurement la cause.
§ 23. Les vents étésiens
oscillent, pour ceux qui habitent vers l'occident, de vents du nord en vents
Thrascias, Argestes, et Zéphyres ; car le Zéphyre (vent d'ouest) tient aussi du
nord ; et les vents étésiens commencent par le nord et finissent dans les vents
éloignés de ce point. Pour ceux qui habitent l'est, les vents étésiens oscillent
et s'étendent jusqu'à l'Aphéliote.
§ 24. Voilà tout ce que nous
avions à dire sur les vents, sur leur production à partir de leur origine, sur
leur nature, sur leurs caractères généraux et sur le caractère particulier de
chacun d’entre eux.
Théories
erronées d'Anaxagore, de Démocrite et d'Anaximène ; quelques objections.
§ 1. Après ce qui
précède, il faut traiter du tremblement de terre et du mouvement de la terre ;
car la cause de ce phénomène est d'une espèce fort voisine de celles qu'on
vient d'expliquer. Jusqu'à présent, il y en a trois explications, qui ont été
données par trois auteurs différents. Anaxagore de Clazomènes, et avant lui
Anaximène de Milet, en avaient proposé chacun une ; et après eux, Démocrite
d'Abdère a proposé la sienne.
§ 2. Anaxagore dit
donc que l'éther, qui par sa nature se porte en haut, venant à tomber en bas
dans les profondeurs de la terre, la remue jusque dans ses entrailles. Les
parties supérieures, suivant lui, sont imprégnées par les pluies qui les
enduisent ; et tout en admettant que par sa nature la terre est partout
également spongieuse, il croit que la sphère a dans sa totalité un haut et un
bas, le haut étant la partie que nous habitons, et le bas étant l'autre partie.
§ 3. Contre cette
explication, il n'y a rien à dire, précisément parce qu'elle est par trop
naïve. Comprendre le haut et le bas de telle façon que tous les corps qui ont
du poids ne seraient pas de tous côtés portés vers la terre, et les corps
légers et le feu portés vers le haut, c'est par trop simple ; c'est aller
contre le témoignage de nos yeux, qui nous font voir que le cercle qui borne la
terre habitable, aussi loin que nous la connaissons, varie uns cesse à mesure
que nous changeons nous-mêmes de place, la terre étant convexe et sphérique.
§ 4. Dire qu'à
cause de sa masse elle demeure dans l'air, et soutenir que le tremblement de
terre vient de ce qu'elle est frappée de bas en haut dans sa totalité, ce n'est
pas moins étrange. De plus dans cette théorie, Anaxagore ne rend compte
d'aucune des circonstances qui accompagnent les tremblements de terre ; car
tous les pays, toutes les saisons ne participent pas à cette commotion au
hasard et indistinctement.
§ 5. [365b] Quant à Démocrite, il soutient que la terre
est pleine d'eau, et que quand elle en reçoit encore une quantité nouvelle par
la pluie, elle est ébranlée par toute cette masse liquide. En effet devenant
trop considérable pour que les entrailles de la terre la puissent contenir,
elle produit, en sortant violemment, le tremblement de terre ; puis, la terre
étant desséchée et attirant dans les lieux vides l'eau qui vient des lieux trop
pleins, l'eau qui change de place cause en tombant cette grande commotion.
§ 6. Pour
Anaximène, il soutient que la terre d'abord imbibée, et se desséchant ensuite,
se brise, et que le tremblement est causé par ces montagnes brisées qui tombent
ainsi sur la terre par fragments. Selon. lui, voilà pourquoi les tremblements
de terre ont lieu dans les sécheresses et aussi durant les pluies excessives ;
dans les sécheresses, la terre se fend comme on l'a dit ; et elle s'éboule
lorsqu'elle est par trop imbibée d'eau.
§ 7. Si cela se
passait comme le veut Anaximène, il faudrait qu'on observât dans bien des lieux
la terre revenir sur elle-même. Et de plus comment alors se fait-il que ce
phénomène se reproduise fréquemment dans certains lieux qui, d'ailleurs, n'ont
pas le moins du monde cette surélévation dont on parle, comparativement aux
autres? Et pourtant, il le faudrait d'après cette théorie.
§ 8. Toute cette
explication suppose nécessairement que les tremblements de terre doivent
toujours devenir de moins en moins forts et qu'enfin la terre cessera de
trembler ; car tout ce qui se tasse en doit arriver là naturellement. Par
conséquent, si cela est impossible, il est bien évident aussi qu'il est
impossible que ce soit là la vraie cause du phénomène.
C'est l'air
renfermé dans la terre qui les produit. — Circonstances qui accompagnent les
tremblements de terre. -- Observations diverses.
§ 1. Mais puisque
évidemment il y a nécessité que l'exhalaison se forme tout à la fois, ainsi que
nous l'avons dit antérieurement, et de l'humide et du sec, de même il y a
nécessité que, du moment que ces phénomènes se produisent, il y ait des
tremblements de terre. Par elle-même, la terre est sèche ; mais par les pluies,
elle acquiert beaucoup d'humidité intérieure. Il en résulte qu'échauffée par le
soleil et parle feu qu'elle a dans son sein, il se forme tant au dehors qu'au
dedans d'elle beaucoup de souffle ou de vent. Tantôt ce souffle s'échappe tout
entier au dehors d'une manière continue ; tantôt il s'écoule tout entier en
dedans ; et d'autres fois, il se partage.
§ 2. Si donc il est
impossible qu'il en soit autrement, il ne resterait plus après cela qu'à
rechercher quel est, entre tous les corps, celui qui est le plus capable de donner
le mouvement. C'est nécessairement celui qui par sa nature va le plus loin, et
qui est le plus violent.
§ 3. Le plus
violent est de toute nécessité celui qui dans sa course est animé de plus de
vitesse ; car c'est celui dont le choc est le plus fort, à cause de sa
rapidité. Or le corps qui naturellement va le plus loin est celui qui peut le
plus aisément traverser toutes choses ; et c'est le corps le plus léger qui
remplit cette condition. Par conséquent, si la nature [366a] du vent est bien telle en effet, c'est le
vent qui est le plus moteur de tous les corps ; car le feu, lorsqu'il est réuni
avec le vent, devient de la flamme, et il a un mouvement rapide.
§ 4. Ce n'est donc
ni l'eau ni la terre qui est cause du tremblement ; ce serait le vent, lorsque
celui qui s'est évaporé au dehors se trouve refluer en dedans. voilà pourquoi
la plupart des tremblements de terre, et les plus violents, se produisent quand
les vents ne soufflent pas. C'est que l'exhalaison, qui est continue, suit la
plupart du temps l'impulsion du principe, de telle sorte qu'elle se précipite
tout entière en masse, soit en dedans, soit en dehors.
§ 5. Du reste, il n'y
a rien d'étonnant que parfois les tremblements de terre se produisent en même
temps que les vents règnent. Nous voyons en effet quelquefois plusieurs vents
souffler ensemble, et lorsque l'un d'eux vient à s'élancer dans la terre, le
tremblement de terre avoir lieu pendant que le vent souffle. Mais ces
tremblements sont beaucoup plus faibles, parce que leur principe et leur cause
se trouvent alors divisés.
§ 6. C'est pendant
la nuit que se produisent le plus souvent les tremblements de terre, et qu'ils
sont les plus forts ; et ceux de jour ont lieu vers le milieu du jour ; car le
midi est en général l'heure du jour à laquelle il y a le moins de vent. C'est
que le soleil, quand il a le plus de force, refoule et renferme l'exhalaison
dans la terre ; or c'est vers midi qu'il a le plus de force ; et les nuits sont
plus calmes et ont moins de vent que les jours, à cause de l'absence même du
soleil.
§ 7. Il en résulte
que le flot revient en dedans comme le reflux de la mer, en sens contraire du
flux et du plein qui est à l'extérieur. Le phénomène se produit surtout vers le
lever du soleil ; car c'est à ce moment que les vents commencent d'ordinaire à
souffler. Si donc leur principe se trouve revenir en dedans comme l'Euripe il
fait un tremblement de terre plus violent à cause de la masse.
§ 8. Les
tremblements sont le plus violents dans les lieux où le mouvement de la mer est
le plus rapide, et où la terre est spongieuse et pleine de cavernes
souterraines.
§ 9. C'est pour
cela qu'ils se produisent surtout sur les côtes de !'Hellespont, en Achaïe, en
Sicile, et dans les lieux analogues qu'offre l'Eubée ; car la mer semble
filtrer sous la terre par des conduits ; et c'est aussi cette même cause qui
produit les eaux chaudes d'Aedepse.
§ 10. C'est le
resserrement des lieux que nous venons de citer qui fait que les tremblements y
sont plus fréquents ; car le flot du vent, qui souffle ordinairement de la
terre, s'y trouve refoulé par la masse de la mer, qui se porte en ces lieux
avec violence.
§ 11. Ce sont les
contrées [366b] dont les parties inférieures sont
spongieuses qui, recevant beaucoup de vent, sont le plus exposées aux
tremblements de terre. C'est aussi la même cause qui fait qu'ils se produisent
surtout au printemps et à l'automne, dans les grandes pluies et les grandes
sécheresses ; car ces saisons sont celles où il y a le plus de vent.
§ 12. L'été et
l'hiver, celui-ci par la gelée, celui-là par la chaleur, produisent les calmes,
l'un étant trop froid et l'autre étant trop sec.
§ 13. L'air du
reste est très venteux dans les sécheresses ; car la sécheresse se produit
précisément quand l'exhalaison sèche est plus considérable que l'humide.
§ 14 . Dans les
pluies excessives, l'exhalaison intérieure s'accroît ; et comme cette sécrétion
se trouve alors interceptée dans des lieux trop étroits, et qu'elle se trouve
violemment resserrée dans un lieu moins large parce que les creux sont pleins
d'eau, le flot du vent qui survient commence à acquérir de la force, par la
compression même de sa masse dans ce lieu trop peu vaste ; et il produit un
violent tremblement de terre.
§ 15. En effet, de
même que dans nos corps la force du souffle interceptée à l'intérieur produit
des frissons et des étouffements, de même il faut présumer que le vent dans le
sein de la terre produit des effets à peu près semblables ; et que des
tremblements de terre, les uns sont comme des frissons, les autres sont comme
des étouffements. De même encore qu'après l'urination il y a souvent dans tout
le corps des espèces de frissons, tremblement qui tient à ce que l'air du
dehors rentre tout à coup en masse à l'intérieur, de même un phénomène analogue
se produit pour la terre.
§ 16. Afin de se
bien rendre compte de toute la force qu'a le souffle, il ne faut pas seulement
observer ce qui se passe dans l'air ; car on pourrait croire qu'il n'y est si
puissant que par l'étendue même de sa masse ; mais il faut voir en outre ce
qu'il fait dans le corps des animaux.
§ 17. Les
convulsions et les spasmes ne sont que des mouvements du souffle ; et leur
violence est si considérable que souvent plusieurs personnes, en réunissant
toutes leurs forces, ne peuvent venir à bout de maîtriser les mouvements des
malades. On peut bien supposer qu'il se passe quelque chose de pareil dans la
terre, si toutefois l'on peut assimiler une si grande chose à une petite.
§ 18. Nos sens
suffisent souvent pour nous avertir de ces phénomènes et de leurs effets. On a
déjà observé, en certains lieux, un tremblement de terre ne cesser que quand le
vent qui le causait sortit, au vu de tout le monde, en s'élançant dans la
région supérieure à la terre, sous forme de tempête. [367a] C'est ce qui s'est passé tout récemment à
Héraclée, sur le Pont-Euxin, et antérieurement à l'ïle-Sainte, qui est une des
lies appelées les îles d’Éole.
§ 19. La terre s'y
souleva en effet dans un certain lieu, et s'éleva avec bruit, comme la masse
d'une colline ; et cette masse étant venue à se briser, il en sortit beaucoup
de vent ; elle lança des étincelles et de la cendre et ensevelit sous cette
cendre toute la ville des Lipariens, qui n'est pas éloignée, se faisant sentir
dans quelques-unes des villes d'Italie. Aujourd'hui, l'on peut voir encore
l'endroit où se forma cette boursouflure.
§ 20. Le feu qui se
produit dans la terre ne peut avoir que cette cause, à savoir que l'air se soit
enflammé par le choc, du. moment même qu'il a été réduit en parties minimes. De
plus, ce qui s'est passé dans ces îles est encore une preuve que les vents
circulent sous la terre.
§ 21. En effet, quand
le vent du midi doit y souffler, on en a des signes précurseurs. Les lieux où
sortent les boursouflures retentissent, parce que la mer est déjà poussée de
loin, et qu'elle refoule en dedans de la terre la boursouflure qui va en sortir
dans le sens même où la mer survient. Elle fait alors du bruit sans causer de
tremblements de terre, soit parce que les lieux sont très vastes, car au dehors
elle se répand dans l'immensité, soit parce que l'air expulsé est en petite
quantité.
§ 22. De plus, le changement du
soleil, qui devient brumeux et moins ardent, même sans nuages, et quelquefois
aussi le calme profond et le froid rigoureux qui précèdent les tremblements 'de
terre du matin, sont de nouveaux témoignages en faveur de la cause que nous
avons assignée.
§ 23. Car il faut nécessairement
que le soleil devienne brumeux et terne, quand le vent commence à rentrer dans
la terre, en dissolvant l'air et en le dispersant.
§ 24. Il faut aussi que le vent
cesse et que le froid se produise vers l'aurore et l'aube du jour ; car
nécessairement le vent cesse de souffler dans la plupart des cas, ainsi qu'on
l'a déjà dit plus haut, parce qu'il se fait comme un reflux du souffle en
dedans, et surtout avant les plus grands tremblements de terre. Et cela se
conçoit puisque du moment que le souffle ne se dissipe plus, soit celui du
dehors soit celui du dedans, il faut bien qu'en s'accumulant il prenne aussi
plus de force.
§ 25. Quant au froid, ce qui le
produit c'est que l'exhalaison se précipite en dedans, avec toute la chaleur
qu'elle porte naturellement en elle. Si les vents ne semblent pas chauds, c'est
qu'ils meuvent un air rempli d'une vapeur froide et considérable, absolument [367c] comme l'haleine qui sort de notre bouche.
§ 26. En effet l'haleine est
chaude de près, comme cela arrive lorsque nous soupirons, bien que cette
chaleur soit moins sensible, parce que la quantité d'air est ici fort petite ;
mais de loin l'haleine est froide par la même cause que le sont les vents.
§ 27. Du moment donc que cette
force se retire dans la terre, le flux de vapeur réuni par l'humidité produit
le froid, dans les lieux où se présente ce phénomène.
§ 28. Telle est aussi la cause de
cette circonstance, qui d’ordinaire annonce les tremblements de terre. Ainsi,
soit après le jour, soit peu de temps après le coucher du soleil, par un temps
serein, un petit nuage léger paraît s'étendant et s'allongeant, comme une ligne
parfaitement droite, le vent s'apaisant par le déplacement même du nuage.
§ 29. La même chose arrive aussi
pour la mer, sur les côtes, Lorsque la mer lance violemment ses vagues, les
flots qui se brisent sur le rivage sont énormes et obliques ; et lorsqu'au
contraire la mer est calme, ils sont minces et tout droits, parce que la
rupture est fort petite,
§ 30, Ce que la mer fait sur la
terre, le vent le fait sur la brume qui est dans l'air, de manière que quand le
vent tombe, le nuage qui reste est tout à fait en ligne droite et ténu, comme
si c'était un flot d'air brisé.
§ 31. C'est encore là ce qui fait
que le tremblement de terre a parfois lieu pendant les éclipses de lune. Ainsi,
lorsque déjà l'interposition de la terre est proche, et que la lumière et la
chaleur qui viennent du soleil ne sont pas encore tout à fait disparues de
l'air, Mais seulement amoindries, le calme se fait, le vent se précipitant dans
la terre ; ce qui fait les tremblements avant les éclipses.
§ 32. Les vents se produisent en
effet fréquemment avant les éclipses, au début de la nuit, quand c'est avant
les éclipses de minuit ; et au milieu de la nuit, quand c'est avant les
éclipses du matin. Ce phénomène vient de ce que la chaleur qui émane de la lune
s'est éteinte, lorsque déjà s'approche la sphère où doit se produire l'éclipse,
dès que les corps y seront. Ce qui retenait l'air et le calmait ayant disparu,
il est agité de nouveau ; et le vent se produit même avant l'éclipse, qui n'a
lieu que plus tard.
§ 33. Lorsque le tremblement de
terre est violent, il ne cesse pas aussitôt et après une seule secousse ; mais
quelquefois, il dure d'abord jusqu'à une quarantaine de jours ; et ensuite, il
se manifeste de nouveau [368a] dans les mêmes lieux pendant une année ou
deux.
§ 34. Ce qui lui donne sa
violence, c'est la quantité d'air, et aussi la forme des lieux dans lesquels
cet air s'écoule. Là où il est répercuté et où il ne flue pas aisément, il
cause un tremblement d'autant plus fort ; et il s'agite nécessaire ment dans
les lieux resserrés, absolument comme de l'eau qui ne peut pas s'échapper.
§ 35. Aussi de même que dans le
corps les pulsations ne cessent ni tout à coup, ni vite, mais seulement peu à
peu, en même temps que l'affection qui les a provoquées diminue petit à petit,
de même le principe qui a produit l'exhalaison, et l’impulsion de l'air n'ont
pas consommé sur le champ toute cette matière de laquelle ils ont fait cette
espèce de vent que nous nommons tremblement de terre.
§ 36. Jusqu'à ce que les restes
de ces éléments soient consommés, le tremblement a lieu nécessairement ; mais
il devient de plus en plus faible, et il cesse quand l'exhalaison est de venue
trop peu considérable pour causer un mouvement qui soit encore sensible.
§ 37. C'est aussi le vent qui
produit les bruits souterrains et les bruits qui précèdent les tremblements de
terre ; et il y a eu souvent de ces bruits intérieurs sans qu'il y eût de
tremblement de terre ; car de même que l'air quand on le frappe et qu'on le
déchire produit des sons fort divers, de même aussi il en produit quand c'est
lui qui frappe ; et il n'y a ici aucune différence, puisque du moment que
quelque chose frappe, cette chose est aussi elle-même frappée tout entière.
§ 38. Le bruit précède la
commotion, parce que le son a des parties plus ténues que le vent et qu'il
pénètre mieux que le vent au travers de tous les corps. Comme il n'est pas
assez fort pour faire trembler la terre à cause de sa légèreté même, il est
certain que, précisément parce qu'il s'infiltre sans peine, il ne la fait pas
trembler ; mais aussi comme il tombe sur des masses solides et creuses et ayant
les formes les plus diverses, il produit aussi des sons très divers ; et il
semble alors, comme le prétendent les conteurs de choses merveilleuses, que la
terre fasse entendre un mugissement.
§ 39. Parfois on a vu à la suite
de tremblements de terre les eaux jaillir du sol. Mais on ne peut pas dire pour
cela que ce soit l'eau qui cause la commotion ; au contraire c'est toujours le
vent qui soit de la surface, soit d'en bas, fait violence, et c'est lui qui est
le moteur. C'est de même qu'on doit dire que ce sont les vents qui causent les
flots, et non pas les flots qui causent les vents ; car alors on pourrait aussi
bien dire que c'est la terre elle-même qui est cause du phénomène ; elle serait
retournée par le tremblement qui l'agite, tout aussi bien que la mer elle-même
est retournée, puisque l'effusion est pour l'eau une sorte de retournement.
§ 40. Ces deux éléments, l'eau et
la terre, ne sont cause du phénomène que comme matière ; car ils souffrent et
n'agissent pas ; mais c'est le vent qui en est cause comme principe réel. Aussi
lorsqu'une inondation coïncide avec un tremblement de terre, la cause en est
qu'il y a des vents contraires.
§ 41. C'est ce qui arrive lorsque
le [368b] vent qui agite la terre, impuissant à
repousser empiétement la mer que pousse un autre vent, parvient cependant, en
la combattant et en la resserrant à l'accumuler en masse sur un même point.
§ 42. Nécessairement alors le vent
intérieur ne pouvant plus résister ; la mer pressée par le vent contraire
déborde et produit un cataclysme.
§ 43. C'est précisément ce qui
est arrivé en Achaïe ; au dehors soufflait le vent du sud, et là soufflait
celui du nord ; puis, le calme s'étant établi, et le vent intérieur s'écoulant,
il y eut tout à la fois inondation et tremblement de terre ; et ce qui en
accrut la violence, c'est que la mer ne donna point passage au vent qui s'était
élevé souterrainement, mais qu'au contraire elle l'intercepta. Par cette
violence et cette résistance mutuelle, le vent causa le tremblement de terre,
et cet obstacle opposé au flot causa le cataclysme.
§ 44. Les tremblements de terre
sont partiels et n'atteignent en général qu'une petite surface ; mais les vents
ne sont jamais partiels. Les tremblements sont partiels, quand les exhalaisons
qui sont dans le lieu même et dans les environs viennent à se réunir, comme
nous avons dit que se forment les sécheresses partielles, et les pluies
excessives sur un point donné.
§ 45. Les tremblements de terre
se produisent également de cette façon ; mais il n'en est pas de même pour les
vents ; car tous ces phénomènes (des tremblements de terre, des sécheresses et
des pluies) ont leur origine dans la terre, de sorte que tous tendent à se
réunir dans une seule action. Mais l’influence du soleil n'est pas semblable,
et il agit surtout sur les exhalaisons les plus élevées, de telle sorte que du
moment qu'elles ont reçu l'impulsion par la marche du soleil, selon la
différence des lieux, elles se réunissent toutes ensemble.
§ 46. Lors donc que le vent est
en quantité considérable, il fait trembler la terre comme une sorte de frisson,
en largeur ; et il ne se produit que fort rarement et seulement en quelques
lieux, comme une pulsation, de bas en haut. Aussi les tremblements de terre en
ce sens sont-ils bien moins forts ; car il n'est pas facile qu'une masse du
principe se réunisse de cette manière, parce que la sécrétion qui se fait en
long est beaucoup plus importante que celle qui vient de la profondeur.
§ 47, Partout où a lieu un
tremblement de ce genre, on trouvé à la surface de la terre une grande quantité
de pierres, dispersées comme elles le seraient par le vent. En effet un
tremblement de terre de ce genre ayant eu lieu, toutes les contrées
environnantes de Sipyle, et ce qu'on appelle la plaine Phlégréenne, et la
Ligystique, furent bouleversées de cette façon.
§ 48. Dans les îles de la pleine
mer, les tremblements de terre se produisent moins souvent que dans les îles
voisines du continent. L'immensité de la mer refroidit les exhalaisons ; elle
les empêche et les arrête par le poids qu'elle leur donne, De plus, même quand
les vents la dominent et la soulèvent, elle coule toujours et n'est point
exposée [369a] à être ébranlée. Comme elle occupe un énorme
espace, ce n'est pas en elle que vont les exhalaisons ; mais c'est d'elle
qu'elles sortent ; et les exhalaisons de la terre accompagnent et suivent les
exhalaisons marines.
§ 49. Les îles voisines du
continent ne sont qu'une portion du continent lui-même, et l'espace
intermédiaire a une trop petite dimension pour exercer aucune influence. Mais
les îles qui sont en pleine mer ne pourraient être ébranlées qu'avec la mer
entière dont elles sont environnées.
§ 50. Nous avons donc traité des
tremblements de terre ; nous avons dit quelle en est la nature et la cause ;
nous avons étudié toutes les circonstances qui les concernent, et nous avons
indiqué presque toutes les plus importantes de ces circonstances.
Théorie
particulière de l'auteur ; c'est le vent probablement qui est la cause de tous
ces phénomène — Théorie d'Empédocle, d'Anaxagore, de Clidème et de quelques
autres philosophes ; réfutation de ces théories.
§ 1. Parlons
maintenant de l'éclair, du tonnerre, de la trombe, de l'ouragan et des foudres,
tous phénomènes dont la cause est très probablement la même.
§ 2. En effet
l'exhalaison étant double, ainsi que nous l'avons dit, l'une humide, l'autre
sèche, la combinaison a aussi ces deux qualités en puissance, soit qu'elle se
constitue en nuages, comme on l'a montré antérieurement, soit qu'à l'extrémité
dernière la constitution des nuages soit encore plus dense.
§ 3. Car là où
manque la chaleur, qui s'est dispersée dans la région supérieure, il faut
nécessairement que la composition du nuage soit plus dense et plus froide.
§ 4. C'est là ce
qui fait que les foudres, et les éclairs sortis des nuages, et tous les
phénomènes de ce genre, sont portés en bas, bien que toute chaleur se porte
naturellement en haut. Mais il faut nécessairement que le jaillissement de la
densité soit porté en sens contraire, comme les noyaux qu'on lance en les pressant
entre les doigts, et qui, malgré leur poids, sont portés en haut.
§ 5. Ainsi donc la
chaleur qui est sécrétée se disperse dans la région supérieure ; mais toute
cette partie de l'exhalaison sèche qui est englobée dans cette mutation de
l'air refroidi, est rejetée quand les nuages se réunissent, et lancée avec
force ; puis alors, tombant sur les nuages environnants, elle y fait coup, et
le bruit qu'elle y produit s'appelle le tonnerre.
§ 6. Ce coup
ressemble tout à fait, si l'on peut comparer un très petit phénomène à un
grand, au bruit qui se produit dans la flamme, qu'on nomme tantôt le Sourire de
Vulcain, ou le Sourire de Vesta, ou bien encore la Menace de tous les deux. Le
pétillement a lieu, lorsque l'exhalaison condensée est projetée dans la flamme,
les bois étant brisés et séchés.
§ 7. C'est
également ainsi que la sécrétion du vent produite dans les nuages, venant à
tomber contre la densité de ces nuages, [396b] forme le tonnerre. Ces bruits d'ailleurs
sont fort divers et à cause des inégalités des nuages et à cause des creux
intermédiaires, où la densité cesse d'être continue. C'est donc là ce qu'est le
tonnerre, et telle en est la cause.
§ 8. L'air chassé ainsi s'allume
le plus ordinairement d'une ignition faible et légère ; et c'est ce qu'on
appelle l'éclair, dans cette partie du ciel où le souffle en sortant se colore
à nos yeux de diverses nuances.
§ 9. L'éclair d'ailleurs ne
vient qu'après le coup, et après le tonnerre. Mais il semble le devancer, parce
que la vue est plus prompte que l'ouïe. C'est ce dont on peut se convaincre en
observant les coups de rames des galères. Déjà les rameurs frappent un second
coup de rame, quand le bruit du premier arrive à nos oreilles.
§ 10. Quelques philosophes
prétendent toutefois qu'il y a une sorte de feu dans les nuages. Empédocle
assure que c'est la partie interceptée des rayons du soleil. Anaxagore soutient
que c'est une partie de l'éther supérieur, que ce philosophe appelle aussi du
feu, et qui a été portée de haut en bas.
§ 11. Il ajoute que l'éclat de ce
feu est l'éclair, que le bruit qu'il fait en s'éteignant et son sifflement
c'est le tonnerre, qu'il se produit réellement comme il semble se produire, et
que l'éclair est antérieur au tonnerre.
§ 12. Mais cette interruption du
feu ne paraît pas très raisonnable, de l'une et l'autre façon ; et cet éther,
qui d'en haut est attiré en bas, le paraît encore bien moins ; car lorsqu'une
chose qui naturellement tend à monter vient à descendre, il faut en dire la
cause. De plus il faut expliquer comment ce phénomène se produit seulement
quand le ciel est couvert de nuages, et comment cela ne se produit pas
constamment. Quand le ciel est serein, il n'y a pas d'éclair.
§ 13. Ainsi donc cette assertion
d'Anaxagore est bien hasardée de tous points. Mais il n'est pas plus probable
que la cause de ces phénomènes soit, ainsi qu'Empédocle le prétend, la chaleur
des rayons du soleil interceptée dans les nuages.
§ 14. C'est là une explication
beaucoup trop éloignée des faits ; car alors il faudrait nécessairement que la
cause du tonnerre, de l'éclair, et des autres météores de ce genre fût toujours
sécrétée et qu'elle fût constante, et par conséquent qu'ils se produisissent
régulièrement ; mais il s'en faut de beaucoup.
§ 15. C'est comme si l'on
s'imaginait que l'eau, la neige et la grêle existent toutes faites
antérieurement, et qu'ensuite elles sont expulsées, mais qu'elles ne sont pas
produites instantanément. On dirait que la combinaison les a toujours là sous
la main pour lancer à son gré chacune d'elles.
§ 16. Car, puisque de ces
phénomènes les uns ne sont que des combinaisons très probablement, de même que
les autres sont des divisions, il s'en suit que si l'un d'eux ne se forme pas
tout à coup mais existe antérieurement, on pourra en dire [370a] tout autant des deux côtés. Quant à
l'interception du feu dans les nuages, c'est donner une explication trop
singulière pour qu'elle puisse s'accorder avec ce qu'on observe pour des corps
plus denses.
§ 17. L'eau en effet s'échauffe
et par le soleil et par le feu. Cependant lorsque l'eau se condense de nouveau
et se refroidit en se coagulant, il n'y a pas du tout cette explosion dont
parlent ces philosophes. Et pourtant il faudrait que l'air introduit par le feu
fit aussi un bouillonnement proportionnel à sa quantité ; mais ce
bouillonnement ne peut exister antérieurement, et ils reconnaissent eux-mêmes
que ce n'est pas le bouillonnement qui fait du bruit, mais que c'est le
frémissement d'un corps qui se refroidit dans l'eau. Ce frémissement d'ailleurs
est bien un petit bouillonnement ; car autant le corps plongé dans l'eau a de
force en s'éteignant, autant le bouillonnement qu'il cause détermine de bruit.
§ 18. Il y a encore quelques
philosophes qui, comme Clidème, prétendent que l'éclair n'existe pas
réellement, et que c'est une simple apparence, assimilant ce phénomène à celui
qui se produit dans la mer quand on la frappe avec un bâton. L'eau qui
rejaillit paraît toute brillante dans l'obscurité. Et de même, d'après cette
théorie, l'humide étant violemment frappé dans la nue, l'éclair prend
l'apparence de la clarté.
§ 19. Ces philosophes n'étaient
pas encore familiarisés avec les théories sur la réfraction, qui paraît être la
vraie cause de ce phénomène. L'eau frappée paraît briller, parce que la vue est
réfractée par elle vers quelque corps lumineux ; et c'est là ce qui fait que
cette apparence se montre surtout dans la nuit. Dans le jour on ne la voit pas,
parce que l'éclat de la lumière, qui est plus vif qu'elle, la fait disparaître.
§ 20. Voilà ce que les autres ont
dit sur l'éclair et le tonnerre : ceux-ci prétendent que l'éclair n'est qu'une
réfraction ; ceux-là, que l'éclair est l'éclat du feu, comme le tonnerre en est
l'extinction, le feu se trouvant préalablement dans chacun de ces phénomènes et
n'ayant pas besoin d'y venir du dehors.
§ 21. Quant à nous, nous soutenons
que le vent sur la surface de la terre, le tremblement de terre dans ses
entrailles, et le tonnerre dans les nuages, sont une seule et même chose. Au
fond, et essentiellement, ces phénomènes sont identiques ; c'est toujours
l'exhalaison sèche qui, en s'écoulant d'une certaine façon est le vent, qui en
s'écoulant de telle autre manière produit les tremblements de terre, et qui par
la sécrétion et les changements qu'elle subit dans les nuages, quand ils se
réunissent et se fondent en eau, produit les tonnerres, les éclairs et tous les
autres météores de nature semblable.
§ 22. Et voilà ce que nous avions
à dire sur le tonnerre et l'éclair.
Explication
commune de tous ces météores : c'est l'air qui en est toujours la cause. --
Observation de l'auteur sur les effets de la flamme dans l'incendie du temple
d'Éphèse.
§ 1. [370b. 3]
Parlons maintenant des autres effets de cette sécrétion, en suivant notre
méthode habituelle. C'est l'air qui, sécrété petit à petit et s'écoulant çà et
là, se renouvelant sans cesse, et soufflant en rendant ses parties toujours
plus légères, produit le tonnerre et les éclairs. S'il est accumulé et plus
dense, et que la sécrétion se réduise en parties moins ténues, il devient le
vent d'ouragan ; il est alors très violent ; car c'est la rapidité de la
sécrétion qui fait sa force.
§ 2. Lors donc que
la sécrétion est considérable et continue, elle produit le même effet que
lorsqu'elle s'élance en sens contraire ; car alors il se manifeste une grande
abondance de pluie et d'eau : Ces deux phénomènes sont en puissance identiques,
quant à la matière ; mais lorsque le principe de l'une ou de l'autre puissance
vient à agir, il en sort sécrété de cette manière celui des deux phénomènes
dont la quantité a été la plus grande, ici la pluie, et là, c'est-à-dire de
l'autre exhalaison, le vent d'ouragan.
§ 3. Le tourbillon
de vent se forme lorsque l'air sécrété et sortant d'un nuage, repousse l'air
qui est dans l'autre nuage, comme on le voit lorsque le vent est forcé de
passer d'un endroit plus large dans un plus étroit, par exemple entre les
portes ou les défilés. Il arrive en effet fréquemment dans ces cas que la
première partie du corps qui s'écoule ayant été repoussée, soit parce que
l'espace ne cède pas devant elle, soit parce que le lieu est trop étroit, soit
parce qu'il y a un courant d'air opposé, il se forme un cercle et un tourbillon
d'air. Ce qui est en avant empêche le reste d'avancer ; ce qui est en arrière
pousse toujours, de sorte que l'air est forcé de prendre une direction oblique
et de se porter là où il ne se rencontre pas d'obstacle. Et ceci se fait d'une
manière continue jusqu'à ce qu'il se forme une seule masse, c'est-à-dire qu'il
se fasse un cercle ; car toute figure qui n'a qu'un seul et unique mouvement de
translation ne peut être nécessairement qu'un cercle. C'est donc ainsi que se
forment les tourbillons sur la terre, et c'est aussi le même principe qui les
forme dans les nuages. Seulement, de même que dans l'ouragan le nuage se résout
toujours et que le vent devient continu, de même ici la partie continue du
nuage est toujours entraînée à la suite.
§ 4. Mais quand le
vent ne peut avoir d'issue, à cause de sa densité, il tourne d'abord
circulairement par la cause que nous venons d'indiquer, et il est porté en bas,
parce que [371a] toujours les nuages s'épaississent dans cette
partie d'où la chaleur s'échappe.
§ 5. Ce phénomène,
s'il est sans couleur, est appelé Typhon ; c'est du vent, et pour ainsi dire
une tempête incomplète. Le Typhon ou la trombe ne se produit jamais quand il
fait froid, pas plus que le vent de nuages ne se produit jamais quand il neige,
parce que ces deux météores sont des vents, et que le vent est une exhalaison
sèche et chaude ; or la gelée et. le froid, lorsqu'ils ont une force
supérieure, éteignent aussitôt le principe, qui tendrait encore à se produire.
§ 6. Mais il est
évident que la gelée et le froid ont une force prédominante ; car autrement il
n'y aurait pas de neige, et les météores humides ne seraient pas congelés,
puisqu'ils ne le sont que quand le froid l'emporte.
§ 7. La trombe ou
Typhon se forme donc quand la tempête ne peut se dégager du nuage où elle est
enfermée. Cela tient à la résistance du tourbillon, lorsque la spirale entraîne
avec elle sur la terre le nuage dont elle ne peut se débarrasser. Là où elle souffle
en droite ligne, elle ébranle par le vent qui s'échappe, fait tourner dans un
mouvement circulaire, et enlève avec violence, tout objet sur lequel elle
s'abat.
§ 8. Lorsque
déchiré vivement le phénomène prend feu, et ceci arrive quand l'air devient
plus léger, on l'appelle un météore brûlant, un Prester ; car il enflamme et
brûle l'air, qu'il colore par son ignition.
§ 9. S'il y a dans
le nuage lui-même une grande quantité d'air de chassé et que cet air soit
léger, c'est alors une foudre. Si l'air est tout à fait léger, mais qu'il ne
brûle pas à cause de sa légèreté même, alors les poètes lui donnent le surnom
d'Étincelant ; s'il est moins léger et moins brûlant, c'est ce qu'ils nomment
un météore enfumé.
§ 10. L'un est emporté
par sa légèreté même ; et dans le mouvement rapide qui l'anime, il passe et
s'écoule avant de s'enflammer et de noircir, en s'arrêtant quelques instants.
L'autre au contraire, qui est plus lent, a le temps de prendre couleur, mais
sans brûler ; et il passe tout à coup avec rapidité, avant d'agir.
§ 11. C'est là ce
qui fait aussi que les corps qui résistent à la percussion qu'ils reçoivent de
la foudre, en conservent quelque trace ; ceux qui ne résistent pas n'en
éprouvent aucun effet. Par exemple dans un bouclier, le revêtement de bronze a
pu être fondu par la foudre, tandis que le bois n'avait rien. ressenti ; c'est
que le bois étant plus rare, l'air s'écoule et s'échappe en le traversant avec
rapidité. Et de même, la foudre ne brûle pas en traversant des étoffes ; elle y
fait simplement comme un trou. Ce qui précède prouve bien que ces phénomènes
sont tous des vents.
§ 12. Mais on peut
quelquefois s'en convaincre par des observations directes. C'est ce que l'on a
pu remarquer naguère dans l'incendie du temple d'Éphèse. La flamme y fit à
plusieurs reprises des tourbillons compacts et tout à fait séparés. Il est donc
évident [371b] que la fumée est un vent et que la fumée se
brûle, ainsi qu'on l'a démontré antérieurement ailleurs. Mais c'est surtout
quand elle est très épaisse qu'on voit bien clairement qu'elle n'est qu'un
vent.
§ 13. Ce qui se
passe dans les petits foyers, se manifestait avec bien plus de force dans
l'incendie d'Éphèse, parce que c'était toute une grande masse de combustible
qui brûlait. Les bois où le vent trouvait son origine étant une fois rompus, le
vent sortait en masses énormes dans le sens où il soufrait ; et il s'élevait
fort haut en se consumant. On voyait bien alors la flamme s'enlever et retomber
sur les maisons.
§ 14. Ainsi il faut
croire que toujours le vent précède et accompagne la foudre ; et si on ne le
voit pas, c'est qu'il est sans couleur. Voilà pourquoi tous les objets qu'elle
doit atteindre sont agités avant même d'être frappés, comme si le principe du
vent se faisait sentir à l'avance. C'est ainsi également que les tonnerres et
les éclairs fendent les objets, non par le bruit, mais parce que le vent qui a
produit le coup et le bruit, vient à se sécréter et à sortir du nuage dans le
même moment ; et alors si le vent vient à frapper les objets, il les divise ;
mais pourtant il ne les brûle pas.
§ 15. Voilà ce
qu'on avait à dire du tonnerre, de l'éclair et du nuage orageux, et aussi des
ouragans, des trombes et des foudres. On voit que ce ne sont là qu'un seul et
même phénomène, et l'on voit aussi quelle est la différence de tous ces
météores.
Du halo et de
l'arc-en-ciel ; Des parhélies et des verges ou bâtons lumineux ; description de
ces phénomènes ; circonstances où ils se produisent ; variétés. — La cause de
tous ces phénomènes est la réfraction de la lumière. — Erreur des anciens sur
l'arc-en-ciel lunaire ; observations personnelles de l'auteur. -- Effets
généraux des miroirs. Citation d'un ouvrage sur les perceptions des sens.
§ 1. Parlons
maintenant du halo et de l'arc-en-ciel ; disons ce qu'ils sont l'un et l'autre,
et quelle cause les produit. Parlons aussi des parhélies et des verges ou
bâtons lumineux ; car tous ces phénomènes se produisent par des causes qui sont
identiques. Il faut d'abord bien connaître les circonstances et les faits
relatifs à chacun d'eux.
§ 2. Pour le halo,
on en voit fréquemment le cercle tout entier, et il se forme soit autour du
soleil, soit autour de la lune et des astres les plus brillants. Il se montre
la nuit tout aussi bien que le jour, à midi tout aussi bien que le soir. Il est
plus rare au lever du soleil ou près de son coucher.
§ 3. L'arc-en-ciel
au contraire ne forme jamais un cercle complet, et sa section n'est jamais plus
grande qu'une demi-circonférence. C'est au coucher ou au lever du soleil que,
pour le plus petit cercle, la corde est la plus grande ; mais quand le soleil
est plus haut sur l'horizon, la corde est d'autant plus petite que le cercle
est plus grand. Après l'équinoxe d'automne, quand les jours se 'raccourcissent,
il se forme à toute heure du jour. Dans l'été, il ne se montre guère vers midi.
Il n'y a jamais plus de deux arcs-en-ciel à la fois.
§ 4. Chacun d'eux a
trois couleurs ; les [372a] couleurs sont identiques dans tous deux, et
elles sont en nombre égal, moins vives dans l'arc extérieur et disposées dans
un sens contraire. L'arc intérieur a sa première et plus grande circonférence
écarlate ; l'arc extérieur a sa plus petite circonférence de cette couleur et
la plus rapprochée de celle-là, les autres étant posées d'une façon analogue.
§ 5. Ces couleurs
sont à peu près les seules que les peintres ne puissent point reproduire. Ils
essayent d'en obtenir quelques-unes par des mélanges divers. Mais l'écarlate,
le vert et le violet ne peuvent jamais être le résultat d'un mélange, et ce
sont-là les couleurs que présente l'arc-en-ciel. La couleur qui est entre
l'écarlate et le vert semble assez souvent être fauve.
§ 6. Les parhélies
et les verges ou bâtons lumineux ne se forment jamais qu'obliquement et de
côté. Ces phénomènes ne viennent point d'en haut ni près de la terre, ni du
côté opposé au soleil. On ne les voit donc jamais la nuit ; et ils apparaissent
toujours pendant que le soleil est au-dessus de l'horizon, soit qu'il s'élève,
soit qu'il s'abaisse. Le plus fréquemment, c'est au moment du coucher. Lorsque
le soleil est au milieu du ciel, le phénomène est plus rare. C'est ainsi qu'il
se produisit sur le Bosphore. Durant tout le jour, deux parhélies qui s'étaient
levés avec le soleil l'accompagnèrent, et persistèrent jusqu'à son coucher.
§ 7, Voilà les
circonstances qui accompagnent chacun de ces phénomènes. Quant à la cause qui
les produit, elle est la même pour tous : ils ne sont qu'une réfraction. La
différence tient uniquement t la manière dont la réfraction a lieu, et aux
corps d'où elle vient, selon qu'elle part du soleil et de quelqu'autre corps
lumineux.
§ 8. L'arc-en-ciel
se produit le jour ; mais dans l'opinion des anciens il ne se produisait jamais
la nuit par l'effet de la lune. Ce qui induisait les anciens en erreur, c'est
que ce phénomène nocturne est très rare ; et voilà comment il leur échappait ;
mais il se produit réellement, bien qu'il ne se produise pas souvent.
§ 9. La cause en
est que les couleurs disparaissent dans l'obscurité, et qu'il faut en outre le
concours de plusieurs conditions, lesquelles doivent toutes se réunir pour un
seul et même jour du mois. Ainsi il faut nécessairement, pour que le phénomène
ait lieu, qu'il y ait pleine lune ; et même alors il ne peut se former qu'à son
lever ou à son coucher. Mais en plus de cinquante ans, nous n'avons pu
l'observer que deux fois.
§ 10. Il faut
d'abord bien savoir que le rayon lumineux, qui est réfracté par l'eau, l'est
également par l'air, et par tous les objets qui ont une surface polie. C'est ce
que prouvent les démonstrations que nous avons établies en parlant de la vue,
et les phénomènes des miroirs, dont quelques-uns reproduisent aussi les formes
des objets, tandis que d'autres n'en reproduisent que les couleurs.
§ 11. Ces miroirs
sont ceux qui sont [372b] tout petits, et qui n'offrent aucune
dimension sensible. Dans ces miroirs en effet, il est impossible que la forme
paraisse ; car elle paraîtrait avec une dimension quelconque, puisque toute forme
en même temps qu'elle est forme a aussi une dimension ; mais comme alors il
faut nécessairement que quelque chose paraisse, et que la forme ne peut pas
paraître, reste la couleur seule qui peut se montrer.
§ 12. Parfois la
couleur des corps brillants paraît brillante ; parfois aussi, soit qu'elle se
mêle à celle du miroir, soit que la vision soit trop faible, elle produit
l'apparence d'une autre couleur. Du reste, nous avons déjà présenté ces
théories dans ce que nous avons démontré relativement aux sens ; ici donc
complétons-les, en nous servant des principes qui ont été déjà posés par nous.
C'est aussi
une réfraction ; signe de beau temps ou de pluie. Démonstration graphique de la
forme nécessairement circulaire du halo ; il se forme plus souvent autour de la
lune qu'autour du soleil ; et pourquoi.
§ 1. Occupons-nous
d'abord de la forme du halo ; et disons pourquoi il est circulaire, et aussi
pourquoi il se produit soit autour du soleil, soit autour de la lune, soit même
autour de quelques autres astres. L'explication sera la même pour tous ces cas.
§ 2. C'est une
réfraction de la vision, lorsque l'air et la vapeur se condensent en nuage, la
vapeur étant fort égale et réduite en parties très ténues.
§ 3. Voilà comment
la condensation des vapeurs est un signe de pluie ; leur dispersion et leur
disparition sont des signes aussi, celle-ci de beau temps, et celle-là de vent.
Quand la vapeur ne disparaît pas ou qu'elle ne se disperse point, et qu'au
contraire elle peut arriver à prendre toute sa consistance naturelle, c'est un
signe très probable de pluie.
§ 4. Car alors
c'est la preuve qu'il s'est formé cette condensation qui, donnant à
l'épaississement une sorte de continuité, doit nécessairement finir par se
tourner en eau. Voilà pourquoi ces condensations de vapeurs sont en général
plus noires que toutes les autres.
§ 5. Quand au
contraire la vapeur se disperse, c'est signe de vent ; car cette dispersion ne
peut être causée que par le vent qui souffle déjà, bien qu'on ne le sente pas
encore. Ce qui le prouve bien, c'est que le vent vient du côté où la dispersion
est la plus forte.
§ 6. Quand la
vapeur se dissipe et disparaît, c'est signe de beau temps ; car si l'air n'est
pas encore en état de dominer la chaleur qui y est contenue, ni de passer à
l'épaississement aqueux, il est clair que la vapeur n'est pas encore dégagée de
l'exhalaison sèche et ignée ; et c'est là ce qui fait le beau temps. Voilà donc
dans quelles conditions se trouve l'air, quand la réfraction a lieu.
§ 7. [373a] La vision se réfracte de la nuée qui est
condensée, soit autour du soleil, soit autour de la lune ; et voilà pourquoi le
halo ne se montre pas en sens contraire comme l'arc-en-ciel. Comme la vision
est partout également réfractée, il faut nécessairement qu'il se forme un
cercle ou une partie de cercle ; car des lignes menées d'un même point vers un
même point seront toujours des lignes égales, qui se briseront sur la
circonférence d'un cercle.
§ 8. Soit d'un
point A, vers le point B, la ligne réfractée ACB ; puis, AFB ; puis, ADB. Les
lignes AC, AF, AD sont égales entr'elles, ainsi que les lignes menées à B, CB,
FB, DB. Joignons la ligne AEB. Ainsi les triangles sont égaux ; car ils sont
tous à angle droit sur une même ligne AEB.
§ 9. Soient menées
des perpendiculaires sur AEB, à partir des angles ; de C, la perpendiculaire CE
; de F, FE ; de D, DE. Elles sont égales ; car elles sont dans des triangles
égaux ; elles sont toutes sur un seul plan, puisque toutes se réunissent à
angles droits sur la ligne AEB, et en un seul point E. La ligne décrite sera
donc un cercle, et E sera le centre. Soit B, le soleil ; et A, la vue ; la circonférence
CFD, le nuage, d'où la vision est réfractée vers le soleil.
§ 10. Il faut
supposer qu'ici les miroirs se touchent ; mais par leur petitesse même, chacun
à part est invisible ; et de la réunion de tous, il semble ne s'en former qu'un
seul par la continuité.
§ 11. C'est la
couleur blanche qui se montre, parce que le soleil paraît en un cercle continu
dans chacun des miroirs, et qu'il n'y présente aucune dimension appréciable.
C'est surtout du côté de la terre que le halo se forme, parce qu'il y a moins
de vent ; car du moment que le vent souffle, il est clair qu'il ne peut y avoir
d'accumulation visible. Le pourtour qui touche la partie blanche paraît noir ;
et il le paraît d'autant plus que la blancheur voisine le fait ressortir.
§ 12. Les halos se
forment plus souvent autour de la lune qu'autour du soleil, parce que le
soleil, étant plus chaud qu'elle, dissout plus vite les concrétions de l'air.
C'est par les mêmes causes que le halo se forme autour des astres ; mais les
signes qu'ils donnent ne sont pas les mêmes, parce qu'ils ne révèlent que des
concrétions excessivement petites, qui ne sont pas encore en état de rien
produire.
Aberrations
diverses de la vision ; réfraction de la lumière du soleil dans les gouttes de
pluie ; effet analogue de la lumière des lampes. De l'arc-en-ciel dans l'eau
que font jaillir les rames des bateaux ; les corps noirs. Opposition des
couleurs ; changements que produisent les contrastes. Observations des brodeurs
; nuances imperceptibles. — Des trois couleurs de l'arc-en-ciel ; renversement
de l'ordre des couleurs dans le second arc-en-ciel, toujours plus pâle que le
premier. Pourquoi il n'y a jamais plus de deux arcs-en-ciel.
§ 1. Nous avons
déjà, dit que l'arc-en-ciel n'est qu'une réfraction ; reste à savoir quelle est
au juste cette réfraction, comment elle se forme, et quelle est la cause de
toutes les circonstances qui l'accompagnent. C'est ce que nous allons
expliquer.
§ 2. La vision
semble se réfracter de tous les corps lisses ; [373b] l'air ainsi que l'eau sont rangés parmi ces
corps. Elle vient de l'air, quand il se trouve condensé. La faiblesse seule de
la vue suffit pour qu'il produise souvent une réfraction, même sans
condensation ni épaississement, comme il arrivait à un malade qu'on cite et qui
avait la vue mauvaise et peu perçante.
§ 3. Il lui
semblait toujours voir sa propre image qui le précédait et qui le regardait en
sens contraire de lui. Cet effet venait de ce que la vision était réfractée de
l'individu à l'individu lui-même. La vision était dans cet homme tellement
faible et tellement légère par suite de la maladie, que l'air qui était tout
près de lui et qu'il ne pouvait repousser, devenait un miroir, comme l'air qui
est loin et épais.
§ 4. C'est là aussi
ce qui fait qu'en mer, les cimes des promontoires paraissent plus élevées, et
que les dimensions de tous les objets augmentent quand souffle le vent du
sud-est. C'est encore ce qui se produit pour les objets qui paraissent à
travers des brouillards ; par exemple, le soleil et les étoiles, quand ils se
lèvent ou qu'ils se couchent, semblent plus grands que quand ils sont au milieu
du ciel.
§ 5. C'est surtout
l'eau dans les nuages qui cause les réfractions les plus fortes, et elle en
produit quand elle commence à se former plus encore que n'en produit l'air
lui-même ; car chacune des parties dont la réunion compose la goutte, est plus
encore un miroir que la nuée ne peut l'être.
§ 6. Comme il est
évident, ainsi que d'ailleurs on l'a dit plus haut, que dans les miroirs de ce
genre il n'y a que la couleur seule qui paraisse et que la forme des objets ne
se reproduit pas, voici ce qui arrive nécessairement. Quand il va commencer à
pleuvoir et que l'air qui est dans les nuages se condense déjà en gouttelettes,
sans qu'il pleuve encore, s'il . y a à l'opposite le soleil ou quelqu'autre
corps assez brillant pour que.. le nuage fasse miroir et que la réfraction se
produise à l'opposé du corps qui brille, il faut de toute nécessité qu'il y ait
reproduction apparente de la couleur, mais non de la forme.
§ 7. Or chacun des
miroirs étant petit et imperceptible, et la continuité de grandeur qu'on
aperçoit ne venant que d'eux tous réunis, il est inévitable que cette grandeur
continue paraisse être de la même couleur.
§ 8. Car chacun des
miroirs fournit la même couleur au continu ; et comme ces circonstances ne se
présentent que quand le soleil et le nuage sont dans cette position, et que
nous sommes placés entre deux, il faut qu'il se forme une apparence par suite
de la réfraction.
§ 9. C'est dans ces
conditions, et dans ces conditions toutes seules à l'exclusion des autres, que
se produit l'arc-en-ciel. Il est donc évident que l'arc-en-ciel est une
réfraction de la vision relativement au soleil ; et c'est là ce qui fait qu'il
se produit toujours à l'opposé du soleil tandis que le halo se produit autour
de cet astre. Tous deux ne sont pourtant que des réfractions ; mais la variété
des couleurs fait une différence pour l'arc-en-ciel.
§ 10. L'une de ces
réfractions vient de l'eau et du noir, et elle part de loin ; l'autre au
contraire se fait de près, et elle vient de l'air qui de sa nature est plus
blanc. Mais la partie brillante paraît écarlate à cause du noir, ou en se réfractant
dans le noir ; ce qui revient tout à fait au même.
§ 11. On peut voir
quand on fait du feu avec des bois verts combien la flamme en est rouge, parce que
le feu, qui, par lui-même est brillant et de couleur blanche, se mêle à
beaucoup de fumée ; et le soleil vu à travers le brouillard ou de la fumée
paraît aussi rougeâtre et écarlate.
§ 12. C'est ainsi
que la réfraction de l'arc-en-ciel, du moins la première, paraît avoir cette
couleur, parce que la réfraction se forme de très petites gouttelettes, et que
celle du halo ne l'a pas. Nous parlerons plus tard des autres couleurs.
§ 13. Du reste, la
condensation où se forme le halo, ne peut pas durer longtemps autour du soleil
; ou il pleut, ou elle se dissout. Mais quand l'astre et le nuage sont
diamétralement opposés, il faut un certain intervalle de temps avant que l'eau
ne se produise ; et sans cette circonstance, les halos seraient colorés tout
comme l'arc-en-ciel.
§ 14. Les météores
qu'on appelle verges ou bâtons lumineux n'ont pas cette apparence dans toute
leur étendue, et ils ne l'ont pas non plus circulairement ; ils ne l'ont qu'en
partie et faiblement ; car s'il y avait un brouillard pareil à celui que
formerait l'eau ou tel autre corps noir, ainsi que nous l'avons dit,
l'arc-en-ciel se montrerait tout entier, comme celui qu'on voit aux lampes.
§ 15. On peut
observer en effet que c'est le plus habituellement quand le vent du midi
souffle en hiver, que se montre autour des lampes l'arc-en-ciel ; et il est
surtout apparent pour ceux qui ont les yeux humides, parce que leur vue est
bien vite réfractée à cause de sa faiblesse.
§ 16. Dans ce cas,
grâce à l'humidité de l'air et à la suie qui s'échappe de la flamme et s'y
mêle, il se forme un miroir qui tient aussi à la couleur noire de la suie ; car
la suie est une sorte de fumée. En effet la lumière de la lampe n'est pas
blanche ; elle paraît rougeâtre tout autour et irisée. Mais elle n'est pas
rouge, parce que la vision, qui est réfractée, est courte, et que le miroir est
noir.
§ 17. L'arc-en-ciel
qui se forme sous les rames qu'on retire de la mer est, quant à la position,
tout à fait pareil à celui qui se forme dans le ciel ; mais la couleur le
rapproche davantage de celui qui se forme aux lampes ; il n'est pas précisément
rouge ; mais il semble avoir une couleur de pourpre. La réfraction vient des
gouttelettes très petites, mais continues. Elles sont déjà tout à fait de l'eau
divisée.
§ 18. Il se forme
également un arc-en-ciel, [347a] lorsque l'on jette des gouttelettes d'eau
légères dans un endroit qui est placé, relativement au soleil, de telle façon
que le soleil éclaire d'un côté et qu'il y ait ombre de l'autre.
§ 19. Dans un lieu
ainsi disposé, si étant en dedans on jette quelques gouttes d'eau dans le lieu
qui est en dehors, là où les rayons cessent et font ombre, l'arc-en-ciel se
montre aussitôt. Le mode de formation, la couleur et la cause de cet
arc-en-ciel sont identiquement les mêmes que pour celui qui est formé par
l'effet des rames ; car la personne qui jette les gouttes dans ce cas, fait
avec sa main ce que la rame peut faire.
§ 20. Que ce soit
bien là comment se produit la couleur de l'arc-en-ciel, c'est ce qu'on verra
sans peine par les remarques suivantes, qui s'appliqueront également aux autres
couleurs du phénomène. Il faut d'abord, ainsi que je viens de le dire, se bien
figurer et admettre que la lumière sur un corps noir, ou à travers un corps
noir, produit la couleur rouge ; en second lieu, que la vue en s'étendant
devient plus faible et moins sûre ; enfin et en troisième lieu, que le noir est
une sorte de négation de la couleur ; car le noir ne se produit que parce que
la vision vient à manquer. Aussi, c'est là ce qui fait que tous les objets
éloignés paraissent plus noirs, parce que la vision ne peut pénétrer jusqu'à
eux.
§ 21. On peut voir
du reste tout cela d'après ce qui se passe pour les sens ; car c'est à eux que
se rapportent proprement les études sur ces matières. Nous n'en parlerons ici
qu'autant qu'il en sera besoin pour notre sujet. C'est donc pour cette cause
que les objets plus éloignés semblent plus noirs, plus petite et plus unis,
ainsi que les objets qui sont vus dans les miroirs ; de même que les nuages
paraissent plus noirs dans l'eau que quand on regarde les nuages eux-mêmes.
§ 22. Et la raison
en est bien évidente : c'est qu'à cause de la réfraction, ces objets ne sont
aperçus que très faiblement. Il importe peu d'ailleurs que ce soit l'objet vu
ou bien la vue elle-même qui change ; le résultat, quoi qu'il en soit, est
toujours le même en définitive,
§ 23. A tout ceci,
il faut avoir bien soin d'ajouter encore cette considération. Quand le nuage
est près du soleil, si on le regarde, on n'y voit rien de coloré ; mais il
semble tout blanc ; tandis que, si l'on regarde ce même nuage dans l'eau, il a
quelque couleur de l'arc-en-ciel. Il est donc évident que de même que la vue,
brisée à cause de sa faiblesse, fait paraître le noir plus noir qu'il n'est, de
même aussi elle fait paraître le blanc moins blanc, et le fait tirer sur le
noir.
§ 24. La vision
plus forte passe au rouge ; la vision qui suit passe au vert, et la plus faible
encore passe au violet. Plus loin il n'y a plus de vision possible ; il n'y en
a que dans ces trois couleurs ; et tout finit ici après trois, comme dans la
plupart des autres choses. Le changement des autres couleurs devient
imperceptible à nos sens. voilà pourquoi aussi l'arc-en-ciel [375a] ne paraît que de trois couleurs.
§ 25. Les deux arcs
qui se forment les ont également, mais en sens contraire. Le premier
arc-en-ciel a la couleur rouge extérieurement ; car c'est de la circonférence
la plus grande que la plus forte vision tombe vers le soleil ; et la plus
grande circonférence est celle du dehors. Celle qui suit et la troisième sont
dans des rapports proportionnels. Si donc nous ne nous sommes pas trompés eu
décrivant l'apparence des couleurs, il faut nécessairement que l'arc-en-ciel en
ait trois, et qu'il n'ait absolument que ces trois seules couleurs.
§ 26. Si le jaune
se montre aussi, c'est à cause de la proximité même des couleurs. Ainsi, le
rouge près du vert paraît blanc ; et ce qui le prouve bien, c'est que plus le
nuage est noir, moins les couleurs de l'arc-en-ciel sont mêlées. Or c'est dans
ce cas que le rouge paraît le plus jaune. Dans l'arc-en-ciel, le jaune se
produit entre la couleur rouge et la couleur verte. C'est donc à cause de la
noirceur du nuage circulaire que toute la partie rouge de ce nuage paraît si
blanche ; et en effet, elle est blanche en comparaison du reste.
§ 27. Et
réciproquement, quand l'arc-en-ciel s'efface et s'éteint, la couleur rouge se
rapproche beaucoup du blanc, parce que le rouge se dissipe ; car la nuée, qui
est blanche, tombant à côté du vert, passe au jaune.
§ 28. La meilleure
preuve de tout cela, c'est l'arc-en-.ciel qui est formé par la lune. Il semble
tout à fait blanc ; et ce phénomène tient à ce qu'il paraît dans un nuage qui
est noir, et durant la nuit. C'est absolument comme du feu sur du feu ; du noir
près du noir fait que ce qui est un peu blanc paraît tout à fait blanc ; et
ici, c'est la couleur rouge qui est dans ce cas.
§ 29. C'est encore là un
phénomène qu'on peut bien observer sur les nuances des fleurs. Ainsi, dans les
tissus et dans les broderies, on ne saurait dire combien les nuances de
certaines couleurs mises tout près d'autres couleurs diffèrent d'apparence ;
par exemple, des laines rouges mêlées à des laines blanches ou noires, ou bien
placées sous tel ou tel jour. Aussi, les brodeurs disent-ils qu'ils se trompent
bien souvent sur les nuances, quand ils travaillent à la lampe et qu'ils ne
s'aperçoivent pas qu'ils prennent les unes pour les autres.
§ 30. Ainsi donc, on a expliqué
comment l'arc-en-ciel a trois couleurs et pourquoi il n'a que ces trois-là.
C'est par une seule et même cause que l'arc-en-ciel double, qui enveloppe le
premier, a tout à la fois des couleurs plus pâles, et qu'elles y sont placées
dans une disposition inverse.
§ 31. La vue en effet
s'élargissant davantage voit l'objet comme s'il était plus éloigné ; et dans le
phénomène du second arc-en-ciel, il en est tout à fait de même.
Ainsi la réfraction qui
vient de l'arc-en-ciel intérieur est plus faible, [375b] parce que cette réfraction même se produit
de plus loin, de telle sorte que, venant plus petite à l'œil, elle fait
paraître les couleurs moins vives.
§ 32. Et si les couleurs sont
renversées, c'est qu'il tombe vers le soleil davantage de réfractions de la
circonférence la plus petite, qui est la circonférence intérieure ; car étant
plus près de la vue, elle est réfractée de la circonférence du premier
arc-en-ciel, qui est la plus rapprochée. Or, dans l'arc-en-ciel extérieur, la
circonférence la plus rapprochée, c'est la plus petite. Ainsi, elle aura la
couleur rouge, tandis que la circonférence qui suit et la troisième seront dans
des rapports proportionnels. Soit l'arc-en-ciel extérieur, B ; l'arc intérieur,
A ; les couleurs : C le rouge, D le vert, E le violet. Le jaune paraîtra en F.
§ 33. Il n'y a pas trois
arcs-en-ciel, et encore moins davantage, parce que déjà le second est très pâle
; de telle sorte que la troisième réfraction serait excessivement faible, et
qu'elle ne pourrait pas aller jusqu'au soleil.
Positions
diverses du soleil ; construction des figures géométriques propres à expliquer
la réfraction des rayons solaires. — Arcs-en-ciel lunaires. -- Époques de
l'année où peut se produire l'arc-en-ciel.
§ 1. Que
l'arc-en-ciel ne puisse pas être entièrement circulaire, que la section ne
puisse pas aller au-delà de la demi-circonférence, et que toutes les conditions
du phénomène soient bien telles que nous les avons dites, c'est ce dont on peut
se convaincre sans peine en étudiant la figure ci-jointe.
§ 2. Un hémisphère
au-dessus de l'horizon est représenté par A ; son centre est C ; et tel autre
point s'élevant sur l'horizon est représenté par S. Si les lignes tombant de C,
en forme de cône, font de la ligne SC une sorte d'axe, et que les lignes menées
de C vers N se brisent à partir de la demi-circonférence vers S, c'est-à-dire
sur le plus grand angle, les lignes menées de C formeront en tombant une
circonférence de cercle.
§ 3. Et si la
réfraction a lieu, soit au lever soit au coucher de l'astre, la partie qui est
au-dessus de la terre sera une demi-circonférence de cercle coupé par
l'horizon. Mais quand l'astre sera en ascension, la portion de cercle
interceptée sera toujours moindre que la demi-circonférence elle sera la plus
petite possible, lorsque l'astre est au méridien.
§ 4. Supposons
d'abord que l'astre soit à son lever représenté par S. Supposons aussi que la
ligne CN soit réfractée sur S, et que le plan représenté par A soit mené en
passant par le triangle SCN. La section de la sphère sera donc un cercle.
Prenons le plus grand possible, celui qui est représenté par A. Il n'y a en
effet aucune différence à choisir des plans quelconques qui, de la ligne SC,
peuvent être menés suivant le triangle [376a] CNS. Ainsi donc, les lignes menées des
points SC ne pourront pas se rencontrer, dans ce rapport, sur tel ou tel autre
point du demi-cercle représenté par A.
§ 5. En effet,
puisque les points S et C sont donnés, la ligne SC le sera aussi, et la ligne
NS le sera également, tout comme le rapport de NS à NC. Par conséquent, le
point N touchera une périphérie donnée, que nous représentons par MN. Par
suite, la section des périphéries sera donnée. Mais je dis que sur toute autre
partie de la périphérie MN, le même rapport ne subsistera pas entre les mêmes
points dans le même plan.
§ 6. Soit donc une
ligne prise en dehors, DB, et que D soit coupé par rapport à B dans la
proportion de NS à NC. NS est plus grand que NC, puisque la réfraction du cône
se fait sur le plus grand angle ; et qu'en effet, NS sous-tend le plus grand
angle du triangle NCS. Ainsi D est plus grand que B.
§ 7. Que l'on
ajoute à B la ligne F, de telle sorte que BF soit à D ce que D est à B.
Ensuite, supposons que B soit à une autre ligne, CP, comme F est à CS, et que
de P à N soit menée la ligne PN.
§ 8. P sera donc le
pôle du cercle sur lequel tombent les lignes menées de C. Ainsi, ce que F est à
CS, B le sera à CP et D à PN. En effet on peut supposer aussi que cela n'est
pas, et que le rapport a lieu avec une ligne plus petite ou plus grande que PN,
parce qu'en effet il n'y aurait aucune différence.
§ 9. Que ce soit
par exemple relativement à PR. Ainsi les lignes SC, CP et PR seront entr'elles
dans le même rapport que FBD. Mais FBD étaient proportionnellement comme D est
à B, comme FB est à D. Ainsi PR est à PC comme PS est à PR.
§ 10. Si donc des
points CS, les lignes SR et CR sont jointes à R, les lignes jointes auront le
même rapport que SP à PR. En effet, c'est à un même angle P que se rapportent
proportionnellement les angles du triangle SPR et du triangle CRP. Ainsi, PR
est à CR dans le même rapport que SP est à PR.
§ 11. De plus, NS
est à NC dans le même rapport [376b] que D est à B. Ainsi, en partant des points
SC, des lignes ayant le même rapport iront coïncider non seulement à la
périphérie NM, mais encore sur tout autre point. Or c'est là ce qui est
impossible.
§ 12. Puis donc que
D ne peut se rapporter ni à une ligne plus petite que NP, ni à une ligne plus
grande, car on le démontrerait de même, il faut nécessairement qu'il se
rapporte à la ligne NP. Ainsi ce que NP est à PC, PS l'est à NP, et l'autre ligne
NS l'est à NC.
§ 13. Si donc en
prenant le pôle P, et la distance NP, on décrit un cercle, il touchera tous les
angles que forment, en se brisant, les lignes menées du cercle NS. Si non, on
démontrerait également que les lignes menées de l'un et l'autre côté du
demi-cercle ont le même rapport ; ce qui a été démontré impossible.
§ 14. Si donc on
trace le demi-cercle A autour du diamètre SCP, les lignes menées de SC et se
réfractant vers N, seront également dans tous les plans et feront l'angle égal
CNS ; et l'angle que feront les lignes SP et NP sur SP sera toujours égal.
§ 15. Ainsi, les
triangles sur SP et CP sont égaux à SNP et CNP. Leurs perpendiculaires
tomberont sur le même point de SP et seront égales. Qu'elles tombent en O, le
centre du cercle sera donc O ; et le demi-cercle, c'est-à-dire NM, est enlevé
de l'horizon.
§ 16. Car on sait
que le soleil ne domine pas les parties supérieures de l'atmosphère et qu'il ne
domine que les matières qui sont transportées près de la terre, et qu'il fait
écouler l'air. C'est là ce qui est cause que l'arc-en-ciel n'est jamais un
cercle complet. Il arrive aussi, mais rarement, qu'il se produit dans la nuit
par l'effet de la lune. C'est qu'elle n'est pas toujours pleine, et
naturellement elle est trop faible pour dominer l'air. L'arc-en-ciel se forme
surtout là où le soleil domine le plus ; car là aussi il se forme dans
l'arc-en-ciel le plus de gouttelettes.
§ 17. Soit donc
encore l'horizon représenté par ABC. Que l'on élève S et que l'axe soit ici
représenté par SP, on fera tout le reste de la démonstration, comme auparavant.
Mais ce pôle du cercle, P, sera au-dessous de l'horizon AC, [377a] quand le point S s'y sera élevé.
§ 18. Or le pôle,
le centre du cercle et celui du nouvel horizon qui termine le lever de l'astre,
seront sur la même ligne ; car le cercle est représenté par SP.
§ 19. Mais comme CS
est au-dessus du diamètre AC, le centre serait d'abord au-dessous de l'horizon
AC, sur la ligne CP, et au point O. Ainsi la section supérieure du demi-cercle,
représentée par XYZ, est plus petite ; car XYZ est un demi-cercle. Mais
maintenant il est coupé par AC, l'horizon. YZ sera invisible, pour peu que le
soleil lui-même s'élève vers le méridien. Plus S est élevé, plus le pôle est
bas, ainsi que le centre du cercle.
§ 20. Si dans les
jours plus courts qui. viennent après l'équinoxe d'automne, il se peut que
l'arc-en-ciel se produise toujours, et si dans les jours plus longs qui sont
compris entre l'un et l'autre équinoxe, l'arc-en-ciel ne se produit jamais à
midi, la cause en est que toutes les sections du côté de l'Ourse sont plus
grandes que la demi circonférence, et qu'elles deviennent toujours de plus en
plus grandes, à mesure que la partie qu'on ne voit pas continue à se
rapetisser. Mais les sections qui sont vers le méridien de l'équinoxe sont,
l'une, la section supérieure, très petite, et l'autre, qui est au-dessous de la
terre, fort grande. Et toujours à mesure que le soleil s'éloigne, les sections
sont de plus en plus grandes.
§ 21. Par
conséquent, dans les- jours qui avoisinent le solstice d'été, à cause de la
grandeur des jours, avant que S n'arrive au milieu de la section et qu'il ne
soit au méridien, P est déjà tout à fait en bas, parce que le méridien est fort
loin de la terre, par suite de la grandeur de la section.
§ 22. Mais dans les jours qui
avoisinent le solstice d'hiver, comme les sections des cercles ne sont pas très
élevées au-dessus de la terre, il faut nécessairement que le phénomène se passe
tout à l'inverse ; car il n'y a pas besoin alors que le point S soit fort
élevé, pour que le soleil arrive au méridien.
Explication de
ces deux phénomènes ; moments où ils se produisent ; positions qu'ils prennent.
Du halo.
§ 1. Il faut croire
que ce sont des causes semblables à celles qu'on vient d'exposer qui produisent
le parhélie et les verges ou bâtons lumineux. Ainsi, le parhélie se forme par
la vision réfractée d'un certain point vers le soleil ; et les verges se
forment, parce que la vision tombe sur un nuage, étant telle que nous avons dit
qu'elle est toujours, lorsque les nuages étant près du soleil, elle est
réfractée de quelque corps aqueux vers le nuage.
§ 2. Les nuages
eux-mêmes paraissent [377b] incolores, quand on les regarde directement
; mais, vu dans l'eau, le nuage apparaît plein de verges. La seule différence,
c'est que, pour ce dernier cas, la couleur du nuage semble être dans l'eau,
tandis que dans les verges on la voit sur le nuage lui-même.
§ 3. Ce phénomène
des verges a lieu lorsque la composition du nuage est inégale, rare dans telle
partie, et dense dans telle autre ; ici plus aqueuse, et là moins aqueuse. La
vue alors étant réfractée vers le soleil, la forme du soleil ne s'aperçoit pas
à cause de la petitesse des miroirs ; et quant à la couleur, comme le soleil,
qui est brillant et blanc, se réfléchit sur une surface irrégulière, et que la
vue est réfractée vers lui, une partie de la couleur paraît rouge, et l'autre
paraît verte ou jaune.
§ 4. Il n'y a
d'ailleurs aucune différence à ce que la vue passe à travers ces corps, ou que
la vue soit réfractée par eux. Dans l'un et l'autre cas, la couleur paraît être
la même, de telle sorte que si dans l'un il du rouges il y en a également dans
l'autre. Ainsi donc, lés verges sont produites par l'irrégularité du miroir,
qui ne réfléchit pas la figure, mais seulement la couleur.
§ 5. Quant au
parhélie, il a lieu lorsque l'air est aussi homogène que possible, et qu'il est
également dense partout, de manière à paraître blanc. La régularité du miroir
fait qu'il n'y a qu'une seule couleur dans l'apparition. Mais la réfraction de
la vision totale, en tombant tout entière sur le soleil, réfléchie par un
brouillard qui est épais, et qui, sans être déjà, de l'eau, est tout proche
d'en être, fait paraître la couleur propre du soleil comme elle serait
réfractée par un airain poli ; et c'est à cause de son épaisseur.
§ 6. Ainsi donc, la
lumière du soleil étant blanche, le parhélie paraît blanc tout comme lui. C'est
là aussi ce qui fait que le parhélie est un signe de pluie bien plutôt que ne
le sont les verges ; car alors l'air est bien mieux disposé pour produire de
l'eau. L'air du midi en produit plus que celui du nord, parce que l'air du midi
se change plus facilement en pluie que l'air du nord.
§ 7. Ces phénomènes
se produisent ainsi que nous l'avons dit, au coucher et au lever du soleil ; et
ils ne viennent ni d'en haut ni d'en bas, mais de côté, les verges aussi bien
que les parhélies. Ils ne sont placés non plus ni trop près ni trop loin du
soleil ; car si le soleil est près, il dissout l'agglomération ; et si elle est
trop éloignée, la vue ne se réfracte pas ; car plus elle s'éloigne d'un si
petit miroir, plus elle s'affaiblit.
§ 8. Voilà pourquoi
les halos non plus ne se forment jamais à l'opposé du soleil. Si le halo se
produit en haut [378a] et près du soleil, le soleil le dissout ;
s'il est loin, la vue étant plus faible qu'il ne faut pour faire réfraction,
elle ne tombera plus sur le soleil. Mais si le halo est placé obliquement et
au-dessous de l'astre, il est possible que le miroir soit assez éloigné pour
que, d'une part, le soleil ne puisse dissoudre l'agglomération, et que d'autre
part, la vision reste assez compacte et entière pour que, portée vers la terre,
elle ne s'égare pas comme si elle était portée au travers du vide.
§ 9. Le phénomène
n'a pas lieu au-dessous du soleil, parce que près de la terre, il serait
dissous par l'astre ; mais quand il est en haut dans le milieu du ciel, la
vision se disperse et s'éteint. Et même, il ne se produit pas du tout
obliquement quand le soleil est au milieu du ciel ; car la vision n'est pas
portée sous la terre, de telle sorte qu'elle vient très peu vers le miroir, et
que la partie réfractée devient absolument faible et impuissante.
Énoncé d'un
nouveau sujet, suite des précédents ; action de l'exhalaison fumeuse et de
l'exhalaison vaporeuse dans le sein de la terre ; Idée générale de la formation
des métaux.
§ 1. Voilà donc à
peu près l'ensemble des phénomènes que présente la sécrétion dans les espaces
placés au-dessus de la terre ; et nous savons à présent quel est le nombre de
ces phénomènes et quelle en est la nature. Reste à expliquer les phénomènes
qu'elle cause dans le sein même de la terre, quand elle se trouve renfermée
dans quelques unes de ses parties. Elle y produit aussi deux espèces
différentes de corps, parce qu'elle-même est naturellement double, ainsi
qu'elle les produit dans la région supérieure.
§ 2. En effet, les
exhalaisons sont au nombre de deux, la vaporeuse et la fumeuse, comme nous
l'avons dit ; et il y a aussi deux espèces pour tous les corps qui sont dans la
terre : les minéraux et les métaux.
§ 3. L'exhalaison sèche,
en brûlant les matières, produit tous les minéraux, et par exemple toutes les
espèces diverses de pierres qui ne se dissolvent pas dans l'eau : la
sandaraque, l'ocre, le minium, le soufre, et tant d'autres substances
pareilles. La plupart des minéraux ne sont que de la poussière colorée, ou de
la pierre formée de cette composition, comme par exemple le cinabre.
§ 4. L'exhalaison
vaporeuse produit les métaux, qui sont ou fusibles ou ductiles, comme le fer,
l'or, l'airain. C'est l'exhalaison vaporeuse qui, en étant renfermée dans la
terre, y produit tous ces corps. Et l'exhalaison agit surtout dans les pierres,
lorsqu'elle est pressée en un tout compact, à cause de leur sécheresse même, et
qu'elle s'y coagule, comme elle se change en rosée, ou en gelée après qu'elle a
été sécrétée ; seulement tous ces corps naissent avant que l'exhalaison ne soit
sécrétée en eau,
§ 5. Aussi sont-ils
tantôt liquéfiables comme de l'eau, et tantôt ne le sont-ils pas. La matière de
l'eau y était jadis en puissance ; mais elle n'y est plus, et ils ne viennent
même pas d'une eau qui aurait subi déjà quelque modification, comme en viennent
les sucs ; car ce n'est pas ainsi que se forme ici de l'airain, là de l'or.
Mais chacun de ces corps existent avant qu'ils ne se forment par l'action de
l'exhalaison coagulée.
§ 6. C'est là ce
qui fait que tous ces corps sont combustibles et que tous ont de la terre,
parce qu'ils ont tous de l'exhalaison sèche ; l'or seul est incombustible au
feu.
§ 7. Voilà donc ce
que tous ces corps ont de commun. Maintenant il faut les étudier en détail et à
part, en distinguant d'abord chacune de leurs espèces.
Deux actifs,
le froid et le chaud ; deux passifs, le sec et l'humide. Actions diverses de
ces éléments ; génération et changement. La putréfaction ; son rôle
considérable dans la nature ; différence de son action selon les corps
§ 1. [378b. 10]
Comme on a établi qu'il y a quatre causes des éléments, il résulte que, suivant
les combinaisons de ces causes, les éléments sont aussi au nombre de quatre,
dont deux sont actifs, le chaud et le froid, et dont deux sont passifs, le sec
et l'humide.
§ 2. On peut se
convaincre de l'exactitude de ces principes par l'induction. En toutes choses,
on voit la chaleur et le froid, déterminant, combinant, changeant les corps
homogènes et les corps non homogènes ; humectant .et séchant, durcissant et
amollissant, tandis que les corps secs et humides sont déterminés par le chaud
et le froid, et qu'ils subissent toutes les autres modifications dont on vient
de parler, les souffrant d'abord eux-mêmes tels qu'ils sont, comme les
souffrent aussi tous les corps qui se .forment, en parties communes, par la
combinaison de ces deux éléments.
§ 3. On peut s'en
convaincre encore par les définitions que nous donnons de la nature de ces
éléments ; car pour le chaud et le froid, nous les appelons actifs, attendu que
ce qui coagule les corps est bien quelque chose d'actif. L'humide et le sec
sont quelque chose de passif ; car ils sont faciles ou difficiles à délimiter,
selon que leur nature vient à souffrir quelque modification.
§ 4. Il est donc
évident que de ces quatre éléments les uns sont actifs, et les autres passifs.
Ceci posé, il faut énumérer les effets par lesquels opèrent ainsi les éléments
actifs, et rechercher les diverses espèces des éléments passifs.
§ 5. D'abord donc
d'une manière générale, la génération absolue des choses et leur changement naturel
sont l'œuvre de ces puissances, ainsi que la destruction naturelle, qui est
opposée à la génération et au changement. Ces puissances se retrouvent
également dans les plantes et dans les animaux, et dans leurs parties.
§ 6. Mais la
génération absolue et naturelle n'est qu'un changement causé par l'action de
ces puissances, lorsqu'elles sont en un rapport convenable avec la matière qui
est propre à chaque nature de corps. Ce sont alors les puissances que l'on
vient d'indiquer, et qu'on appelle passives. [379a] C'est le froid et le chaud qui, en
maîtrisant la matière, engendrent les choses. Mais lorsqu'ils ne dominent pas,
il y a alors, même dans une simple partie, crudité et indigestion.
§ 7. La génération
absolue a pour son contraire le plus ordinaire la putréfaction. En effet toute
destruction naturelle est un acheminement vers cet état, comme par exemple la
vieillesse et la dessiccation. La fin de tous ces phénomènes, c'est la
décomposition, toutes les fois que quelqu'un des composés naturels n'est pas
détruit violemment ; et par exemple, une destruction violente c'est de brûler
de la chair, de l'os, ou telle autre chose de ce genre, dont la fin suivant
leur destruction naturelle devrait être la putréfaction.
§ 8. Voilà pourquoi
les choses qui se putréfient sont d'abord humides, et sèches à la fin ; car
c'est de là qu'elles sont d'abord venues, et le sec a été délimité par l'humide,
quand les éléments actifs ont opéré. La destruction a lieu quand le délimité
l'emporte sur le délimitant, par l'action de ce qui l'entoure.
§ 9. Cependant à proprement
parler, la putréfaction se dit pour les choses qui se détruisent
successivement, quand elles s'éloignent de leur nature. Aussi toutes choses se
putréfient, le feu excepté ; la terre, l'eau, l'air se putréfient ; car toutes
ces choses sont matière et aliment pour le feu.
§ 10. La
putréfaction est, dans tout corps humide, la destruction de sa chaleur propre
et naturelle, par le fait d'une chaleur étrangère ; et cette chaleur étrangère
ne peut être que celle du corps environnant.
§ 11. Puis donc que
le corps souffre dans ce cas par le manque de chaleur, et que tout ce qui
manque de cette puissance est froid, tous deux seraient cause de la
putréfaction ; et la putréfaction serait la modification commune, et du froid
propre au corps, et de la chaleur étrangère.
§ 12. C'est pour
cela que toutes les choses qui se pourrissent deviennent aussi plus sèches, et
qu'enfin elles deviennent terre et fumier. En effet, la chaleur propre du corps
venant à sortir, l'humide naturel s'en évapore aussi ; . et ce qui retient et
attire l'humidité n'existe plus, puisque c'est la chaleur propre qui l'y attire
et l'y fait entrer.
§ 13. Durant les
froids, il y a moins de putréfaction que durant les chaleurs. C'est qu'en
hiver, il y a peu de chaleur dans l'air et dans l'eau qui environnent les
corps, de sorte que cette chaleur n'a aucune influence ; mais elle en a
davantage en été.
§ 14. Ce qui est
gelé ne peut pas non plus se putréfier ; Car la glace est plus froide que l'air
n'est chaud. L'air est donc dominé, et c'est le principe moteur qui domine. Ce
qui bout ou ce qui est chaud ne se putréfie pas non plus ; car la chaleur qui
est dans l'air, est moins forte que celle qui est dans la chose, de telle sorte
qu'elle ne domine pas et qu'elle n'amène aucun changement.
§ 15. De même
encore, ce qui est en mouvement et ce qui coule se putréfie moins que ce qui
reste en place ; car le mouvement causé par la chaleur qui est dans l'air est
plus faible que la chaleur qui préexiste dans [379b] la chose ; et par conséquent, elle ne
produit aucun changement d'état.
§ 16. C'est la même
cause qui fait que ce qui est en grande quantité se putréfie moins que ce qui
est en petite quantité. Dans la grande quantité, il y a trop de feu propre et
de froid, pour que les forces environnantes puissent l'emporter.
§ 17. Aussi l'eau
de la mer, si on la divise par portions, se putréfie très vite, tandis que dans
sa masse totale elle ne se putréfie pas ; et il en est de même pour toutes les
autres eaux.
§ 18. Et les animaux naissent
dans les choses putréfiées, parce que la .chaleur naturelle qui s'en dégage
recompose et rassemble les parties sécrétées et divisées. voilà donc ce que
c'est .que la génération, et aussi la destruction des choses.
Livre IV, ch. 1. Sur
l'authenticité et l'ordre de ce quatrième livre, voir la Dissertation
préliminaire.
§ 1 . Comme on a établi,
voir plus haut, livre 1, ch. 2, § 1. -- Quatre causes des éléments, le
feu, l'air, l'eau et la terre. --- Les éléments sont au nombre de quatre,
ce serait plutôt : Les qualités des éléments. -- Dont deux sont actifs sont
passifs, voir pour ces distinctions, d'ailleurs peu justes, le Traité du
ciel, livre Ill, ch. 5, p. 303, b, 9, et le Traité de la génération et de la
corruption, livre II, ch. 2, p. 329, b, 21, et p. 330, a, 30, édit. de Berlin.
§ 2. Par l'induction,
ici l'induction n'est pas autre chose que l'observation des faits particuliers,
démontrant un principe général. — Sont déterminés par le chaud et le froid,
le texte est moins formel. — Dont on vient de parler, ou bien : « dont
on a parlé dans d'autres ouvrages. » — Tous les corps qui se forment de ces
deux éléments, le texte n'est pas aussi développé.
§ 3. Les définitions que
nous donnons, dans le § précédent. — Que ce qui coagule les corps,
j'ai ajouté les deux derniers mots. Il est évident d'ailleurs que la chaleur
désagrége les corps aussi souvent qu'elle les coagule. -- Faciles ou
difficiles à délimiter ou à définir. L'expression du texte est obscure.
Voir le Traité de la génération et de la corruption, livre 1, ch. 10, p. 328,
h, 2, édit. de Berlin.
§ 4. Il est donc évident,
cette conclusion ne paraît pu ressortir évidemment de ce qui précède ; ce n'est
qu'une simple affirmation, qui n'est pas du tout démontrée. -- Les éléments
actifs, l'expression du texte est indéterminée ; mais plus haut § 1,
l'auteur s'est servi du mot d'élément que je répète ici.
§ 5. La génération
absolue des choses, le mot de Génération n'est pas pris ici tout à fait
dans le sens que lui donne habituellement Aristote. Il s'agit seulement de la
reproduction et du développement naturel des animaux et des plantes. --Leur changement
naturel, c'est-à-dire leur développement régulier. -- De ces puissances,
c'est le mot même du texte ; mais ordinairement le mot de Puissance a une autre
signification dans le style d'Aristote. On pourrait traduire : forces au lieu
de puissances..— A la génération et au changement, j'ai ajouté ces mots
pour compléter la pensée. — Ces puissances, ou bien : « la génération et la
destruction. »
§ 6. N'est qu'un
changement ; le texte n'est pas tout à fait aussi formel. — Par l'action de
ces puissances, le froid et le chaud faisant naître ou périr les êtres. — Qu'on
appelle passives, on attendait plutôt les puissances actives ; mais les
puissances passives, le sec et l'humide, subissent l'influence des deux autres.
— En maîtrisant la matière, l'expression est trop vague ; mais je n'ai
pas dû la préciser davantage. — Crudité et indigestion, selon Alexandre
d'Aphrodisée, la crudité s'applique aux substances qu'on peut faire cuire
artificiellement ; l'indigestion s'applique aux aliments que doivent absorber les
animaux.
§ 7. La génération
absolue, c'est-à-dire la génération où l'être passe du non-être à
l'existence. — La putréfaction, ceci n'est peut-être pas fort exact ; la
destruction est le contraire de la génération ; la putréfaction est une des
voies principales par lesquelles les choses arrivent à être détruites. — Toute
destruction naturelle, c'est le contraire qu'il faudrait plutôt dire ; et
la putréfaction est un acheminement à la destruction. — La décomposition,
l'expression grecque est peut-être encore plus forte. — Une destruction
violente, le texte n'est pas tout à fait aussi précis. — Devrait être,
même remarque.
§ 8. Sont d'abord humides,
le fait est exact en général. — Et sèches à la fin, ceci n'est pas aussi
vrai, et ne s'applique qu'à certaines matières. — Car c'est de là qu'elles
sont venues, c'est-à-dire qu'elles ont commencé par être humides. — Quand
les éléments actifs, le froid et le chaud. On ne comprend pas bien
d'ailleurs comment le sec est délimité ou déterminé par l'humide. — Le délimité,
et par exemple ici, l'humide primitif, qui l'emporte sur le sec. — Par
l'action, le texte n'est pas tout à. fait aussi pré¬cis.
§ 9. Successivement,
le texte dit précisément : en partie. — Quand elles s'éloignent, le
texte dit avec plus de force : " quand elles se séparent de leur nature. »
-- Le feu excepté, M. Ideler remarque que dans les Problèmes, livre XXV,
ch. 20, p. 939, b, 27, édit. de Berlin, l'air aussi est excepté de la
putréfaction. — Sont matière et aliment, il n'y a que le premier mot dans
le texte. L'idée ne paraît pas d'ailleurs très juste ; car elle tendrait à
confondre la putréfaction avec la combustion.
§ 10. Dans tout corps
humide, il faut entendre un corps plus ou moins humide. — De sa chaleur
propre et naturelle, comme l'humide résulte surtout du froid, il faut
.entendre qu'il s'agit ici de la température plutôt que de la chaleur
proprement dite.
§ 11. Le corps souffre,
l'expression du texte est toute indéterminée. — De cette puissance,
c'est le mot même du texte. Voir plus haut, § 5. -- Tous deux,
c'est-à-dire le froid et le chaud. — Le froid propre au corps, et acquis
en quelque sorte par la dispersion de la chaleur propre. Voir le § 10.
§ 12. Deviennent aussi
plus sèches, après avoir été d'abord plus humides, comme il est dit au § 8.
— Terre et fumier, ce sont des expressions bien générales, et qui par
conséquent ne sont pas très exactes. -- L'humide naturel, qui combiné
avec la chaleur composait le corps. -- Ce qui retient et attire l'humidité,
c'est-à-dire la chaleur.
§ 13. Il y a moins de
putréfaction, le fait est exact ; et on peut l'observer chaque hiver. — Et
dans l'eau, peut-être l'eau ne signifie-t-elle ici que l'humidité répandue
dans l'atmosphère. — Elle en a davantage en été, ou bien : « la
putréfaction a lieu davantage durant l'été. » Ces deux traductions reviennent à
peu près au même.
§ 14. Ne peut pas non
plus se putréfier, le texte n'est pas aussi formel. -- L'air est donc
dominé, même remarque. Ce sens est celui qui paraît le plus acceptable. — C'est
le principe moteur, c'est-à-dire le principe qui a déterminé la
congélation. — Ce qui est chaud, et continue à garder la même chaleur. -
Dans la chose, c'est le mot même du texte ; on pourrait traduire aussi :
« dans le corps. »
§ 15. Ce qui est en
mouvement et ce qui coule, comme l'eau, par exemple. ---- Dans la chose,
même remarque qu'au § précédent. — D'état, j'ai ajouté ces mots qui
complètent la pensée. Tous ces faits d'ailleurs sont assez exacts.
§ 16. Ce qui est en
grande quantité, le fait est exact. — Trop de feu propre et de froid,
ceci n'est pas également vrai. — Les forces, le texte dit précisément :
les puissances. Voir plus haut, § 5.
§ 17. Se putréfie très
vite, c'est un phénomène qu'on peut observer ; mais ici peut-être la
putréfaction se confond-elle avec l'évaporation. --Dans sa masse totale,
le fait est exact, quoiqu'il fût possible d'aller plus loin et de donner une
explication plus profonde. — Pour toutes les autres eaux, qui ne sont
pas salées comme celles de la mer.
§ 18. Et les animaux
naissent, cette croyance très générale dans l'antiquité a duré jusqu'à nos
jours ; elle est aujourd'hui restreinte au vulgaire ; mais au dernier siècle,
elle avait encore quelque vogue parmi les savants. -- Recompose et rassemble
les parties sécrétées et divisées, le texte est moins développé ; mais j'ai
dû le rendre avec ces détails pour reproduire toute la force des expressions
grecques. — La génération et aussi la destruction, dans les limites qui
out été indiquées pour la question spéciale dont il est traité ici.
Digestion,
maturation, coction, cuisson ; modifications contraires causées par le froid.
Résultats divers de la digestion, selon les corps et les circonstances.
§ 1. Il nous reste
à dire quelles sont les modifications consécutives que déterminent les forces
dont nous venons de parler, en agissant sur les objets déjà formés par la
nature elle-même. La chaleur cause la digestion, et les espèces de la digestion
sont : la maturation, la coction, la cuisson. Le froid cause l'indigestion, et
l'indigestion a pour espèces : la crudité, le ramollissement et la coction
imparfaite.
§ 2. Il faut bien
remarquer que ces expressions ne correspondent pas très convenablement aux
choses ; mais pourtant elles ne s'appliquent pas d'une manière générale à des
phénomènes identiques. Par conséquent, il faut bien se dire que toutes ces
espèces ne sont pas absolument, mais seulement à peu près, ce qu'on vient de
dire. Nous allons les reprendre chacune à leur tour.
§ 3. La digestion
est donc un achèvement par la chaleur naturelle et propre, agissant sur les
opposés passifs. Et par ces. opposés, j'entends la matière propre à chaque corps,
puisque, quand elle est digérée, l'opération est achevée, et qu'elle est
devenue tout ce qu'elle doit être.
§ 4. Le principe de
cet achèvement vient de la chaleur propre, bien que cette chaleur puisse être
aidée et complétée par quelque secours extérieur. C'est ainsi, par exemple, que
la digestion des aliments est aidée par des lotions et par d'autres moyens
analogues. Mais le principe, c'est la chaleur qui est dans le corps même.
§ 5. Le but de la
digestion, c'est tantôt la nature même de l'être, la nature qui pour nous est
forme et substance ; tantôt la fin de la digestion aboutit à une certaine
configuration, lorsque le corps humide qui est ou cuit, ou rôti, ou putréfié,
ou échauffé de toute autre manière, acquiert telle qualité ou telle dimension ;
car alors il peut être mis en usage, et nous disons qu'il est digéré, comme le
moût et les liquides qui sont dans les tumeurs, lorsqu'ils se convertissent en
pus, et comme la larme quand elle devient chassie. Et de même pour une foule
d'autres choses.
§ 6. C'est là du
reste ce qui arrive à tous les corps, quand la matière et l'humidité sont
dominées et vaincues ; car c'est elle qui est déterminée par la chaleur qui est
dans la nature de l'objet ; et tant que la définition lui convient, c'est sa
nature. [380a] C'est là ce qui fait aussi que ce sont des
objets de ce genre, urines, selles, et en général toutes les excrétions, qui
sont des signes de la santé. On dit qu'elles sont digérés, parce qu'elles
montrent que la chaleur propre l'emporte sur l'indéterminé.
§ 7. Il faut
nécessairement que les choses digérées soient plus épaisses et plus chaudes ;
car la chaleur rend la chose sur laquelle elle agit plus renflées plus épaisse
et plus sèche.
§ 8. Voilà donc ce
que c'est que la digestion. Quant à l'indigestion, elle est l'inaccomplissement
de ces phénomènes par défaut de chaleur propre. Le défaut de chaleur, c'est le
froid. L'inaccomplissement vient des opposés passifs, selon la matière spéciale
de chaque objet, d'après sa nature.
Voilà ce que nous avions à
dire de la digestion et de l'indigestion.
La maturation
et la crudité ; cuisson complète, et cuisson insuffisante par bouillie ;
explication de ces deux états des corps susceptibles de bouillir ; cuisson par
rôtissage. Génération d'animaux dans la putréfaction de la cavité inférieure.
Cuisson incomplète par rôtissage.
§ 1. La maturation
est une sorte de digestion ; car la digestion de la nourriture qui est dans les
péricarpes, c'est ce qu'on appelle la maturation. Comme la digestion est une
sorte d'achèvement, la maturation est achevée quand les semences, qui sont dans
le péricarpe, sont en état de produire un fruit tout pareil à ce qu'elles sont
; et c'est bien en ce sens aussi que, pour toutes les autres choses, nous
entendons leur achèvement.
§ 2. La maturation
s'applique donc précisément au péricarpe. C'est d'après la même idée que
beaucoup de choses sont appelées mûres, quand elles sont digérées ; mais ce
n'est que par métaphore, parce qu'il n'y a pas, ainsi qu'on l'a dit plus haut,
de noms particuliers pour chaque achèvement spécial, dans les choses
déterminées par la chaleur et le froid naturels.
§ 3. La maturation
des tumeurs et du flegme, ainsi que de toutes les choses analogues, n'est que
la digestion par l'humide intrinsèque de la chaleur naturelle qui est dans
l'objet ; car ce qui ne domine pas ne peut pas déterminer.
§ 4. Ainsi donc, de
la forme aérienne les corps passent à l'état aqueux par la maturation, et les
corps aqueux deviennent terreux. Toutes les choses qui se mûrissent deviennent
toujours plus lourdes, de légères qu'elles étaient ; et c'est pour atteindre ce
résultat que la nature tantôt attire à elle certaines matières, et tantôt en
rejette certaines autres.
§ 5. Voilà donc ce
que c'est que la maturation. La crudité est le contraire ; et la non-digestion
de la nourriture qui est dans le péricarpe est le contraire de la maturation.
Elle est précisément l'humidité sans limite déterminée. Voilà pourquoi la
crudité provient de l'air ou de l'eau, ou même est composée des deux à la fois.
§ 6. Mais si la
maturation est une sorte d'achèvement, la crudité est un inachèvement.
L'inachèvement tient au défaut de chaleur naturelle, et à sa disproportion
relativement à l'humide digéré..
§ 7. Rien en effet
de ce qui est humide ne peut se mûrir par soi-même, sans qu'il n'y ait aussi du
sec ; car l'eau est le seul des corps liquides qui ne s'épaississe pas. [380b] Et ce phénomène a lieu, soit parce que la
chaleur y est en petite quantité, soit parce que le défini, c'est-à-dire
l'humide, y est en grande quantité. Voilà encore pourquoi les sucs des choses
crues sont légers, plutôt froids que chauds ; et qu'on ne peut ni les manger ni
les boire.
§ 8. Du reste, le
mot de crudité a plusieurs sens tout comme le mot de maturation. De là vient
qu'on dit que les urines et les selles et les cathares sont crus et c'est par
la même raison ; car on dit de toutes choses qu'elles sont crues, parce
qu'elles ne sont pas dominées par la chaleur et qu'elles n'ont pas été
constituées définiveinent par elle.
§ 9. En poussant
les choses un peu plus loin, on dit aussi de l'argile qu'elle est crue, du lait
qu'il est cru, et d'une foule d'autres substances, si pouvant changer et se
constituer sous l'influence de la chaleur, elles restent cependant sans éprouver
cette influence. Et ce qui fait qu'on dit de l'eau qu'elle est bouillie, et
qu'on ne dit jamais d'elle qu'elle est crue, c'est qu'elle n'épaissit pas.
On a donc expliqué ce que
c'est que la maturation et la crudité, et quelles sont les causes de chacune
d'elles.
§ 10. Quant à
l'ébullition, c'est d'une manière générale la digestion ou coction produite par
la chaleur humide de l'indéterminé que l'humide renferme. Le mot d'ailleurs ne
s'emploie proprement que pour les choses qui peuvent bouillir ; et cet
indéterminé peut être, ainsi qu'on l'a déjà dit, ou de l'air ou de l'eau.
§ 11. La digestion
ou coction se produit alors par le feu qui est dans l'humide ; car les choses
que l'on met sur le gril ne sont que rôties ; et elles sont affectées de cette
manière par la chaleur extérieure. Or le feu rend l'humide dans lequel il est,
d'autant plus sec, en l'absorbant en lui-même.
§ 12. Mais l'objet
qui est bouilli fait tout le contraire ; car l'humide qu'il contient s'en
trouve excrété par la chaleur qui est dans le liquide extérieur. Voilà pourquoi
les choses bouillies sont plus sèches que les choses grillées ; car les choses
bouillies n'absorbent pas en elles l'humide, attendu que la chaleur du dehors
l'emporte sur celle du dedans ; et si celle du dedans l'emportait, elle
attirerait l'autre entièrement à elle.
§ 13. Tout corps du
reste n'est pas susceptible d'être bouilli. Ainsi, un corps ne peut pas se
bouillir quand il ne contient pas du tout d'humide, comme les pierres ; ou bien
lorsque, tout en contenant de l'humide, cet humide ne peut pas être dominé, à
cause de la densité de la matière, comme dans le bois. Mais les seuls corps qui
puissent se bouillir, ce sont ceux qui ont de l'humidité susceptible d'être
modifiée par la combustion qui se fait dans l'humide.
§ 14. On dit bien
parfois que l'or bout, le bois et beaucoup d'autres corps ; mais ce n'est pas
d'après la même idée ; c'est uniquement par métaphore, parce qu'il n'y a pas de
mot qui réponde directement à ces différences.
§ 15. On dit aussi,
en parlant des liquides, qu'ils sont bouillis, le lait, par exemple et le
sirop, quand le suc qui est dans le liquide vient à être changé en
quelqu'espèce nouvelle par le feu qui l'échauffe tout à l'entour, et de dehors,
de manière à produire un état à peu près analogue à la cuisson bouillie [381a] dont il vient d'être parlé.
§ 16. Du reste,
tout ce qu'on fait bouillir, ou qu'on cuit, n'a pas la même destination ; ici
c'est pour manger, là pour boire, ou pour tel autre usage, puisqu'on dit aussi
que les remèdes se cuisent en bouillant.
§ 17. Ainsi, les
corps susceptibles d'être bouillis sont tous ceux qui pourront devenir plus
épais, ou se réduire, ou se condenser, soit qu'ils restent identiques, soit
qu'ils passent aux contraires, parce qu'en se sécrétant les uns deviennent plus
épais et les autres plus légers, comme le lait qui peut devenir ou petit-lait
ou crème. Quant à l'huile, on ne peut pas dire qu'en elle-même elle soit bouillie
; car elle n'éprouve aucune des modifications qu'on vient d'indiquer.
§ 18. La digestion,
ou coction qui se fait dans la cuisson bouillie, est ce que nous venons de dire
; et elle est la même, soit qu'elle se produise par des instruments factices,
ou dans des organe» et instruments naturels ; car au fond, c'est toujours la
même cause qui agit.
§ 19. La
non-cuisson est l'indigestion contraire à la cuisson bouillie ; mais la cuisson
bouillie peut avoir aussi pour contraire cette indigestion, qu'on appelle
primitive, de l'élément indéterminé du corps, par suite de l'insuffisance de la
chaleur contenue dans le liquide environnant.
§ 20. On a dit que
cette insuffisance de chaleur est accompagnée de froid ; mais elle a lieu par
un autre mouvement que le froid ; car la chaleur qui a fait la cuisson est
éliminée, et l'insuffisance de chaleur vient, soit de la quantité de froid qui
est clans le liquide, soit de celle qui est dans l'objet et à bouillir ; car
alors il arrive que la chaleur qui est dans le liquide est trop grande pour n'y
pas causer quelque mouvement, mais trop petite pour qu'elle puisse s'égaliser
et avoir la force de digérer complétement. Aussi les choses à demi-cuites sont
plus dures que les choses bouillies ; et les liquides sont plus déterminés
qu'elles.
Voilà donc ce que c'est que
la cuisson et la non-cuisson, et comment elles se produisent.
§ 21. Le rôtissage
est une sorte de digestion au moyen de la chaleur sèche et étrangère ; aussi
quand on fait rôtir quelque chose et qu'on amène ainsi un changement et une
coction, non par la chaleur de l'humide, mais par celle du feu, l'objet, quand
l'opération est achevée, est grillé et non bouilli, et l'on dit qu'il est
brûlé, s'il y a excès. C'est par la chaleur sèche que cette combustion se
forme, quand, à la fin, le corps devient plus sec qu'il ne faut.
§ 22. Voilà aussi
pourquoi le dehors est dans ce cas plus sec que le dedans, tandis que c'est
tout le contraire pour les choses bouillies ; et pourquoi encore c'est une œuvre
plus difficile pour les chefs de cuisine de rôtir que de bouillir ; car il est
difficile d'échauffer également les parties du dedans et celles du dehors ; les
parties les plus proches du feu, sèchent toujours aussi le plus vite ; [381b] et c'est là ce qui fait qu'elles sèchent
bien davantage.
§ 23. Les pores du
dehors venant à se resserrer, l'humide qui est au dedans ne peut être excrété ;
mais il y est emprisonné, dès que les pores viennent à se fermer.
§ 24. Le rôtissage
et la cuisson bouillie se produisent artificiellement ; mais, ainsi que nous
venons de le dire, il y a des actions tout à fait identiques même dans la
nature. Les modifications produites sont pareilles de part et d'autre ; mais
elles n'ont pas reçu de nom spécial. L'art ne fait qu'imiter la nature en ceci
; car la digestion des aliments dans le corps des animaux est tout à fait
analogue à la cuisson bouillie, puisque la digestion se produit, dans l'humide
et dans le chaud, par la chaleur, que renferme le corps ; et il y a parfois des
indigestions qui ressemblent à la cuisson imparfaite.
§ 25. Il n'y a pas
d'animal qui se produise dans la digestion, comme quelques auteurs le
prétendent ; mais il s'en produit au milieu de la sécrétion qui se putréfie
dans la cavité inférieure, et ensuite l'animal remonte quelquefois en haut ;
car la digestion se fait dans la cavité supérieure ; mais l'excrément ne se
putréfie que dans l'inférieure. Du reste, c'est dans d'autres ouvrages que nous
avons dit quelle est la cause de ce phénomène.
§ 26. Ainsi donc,
la dureté par l'incuisson est contraire à la cuisson bouillie. Il y a bien
aussi quelque chose d'également opposé à cette digestion, qui est considéré
comme une sorte de rôtissage ; mais ce quelque chose a encore moins de nom. Ce
reviendrait à dire qu'il y avait mitonnage et non point rôtissage, par un
manque de chaleur, qui tiendrait, soit à la petite quantité du feu extérieur,
soit à la trop grande quantité d'eau dans la chose, rôtie. Alors il y a trop de
chaleur pour qu'elle ne cause pas de mouvement, et il n'y en a pas assez pour
digérer.
§ 27. Voilà donc ce
que c'est que la digestion et l'indigestion, la maturation et la crudité, la
cuisson bouillie et le rôtissage ; et voilà quels sont les états contraires à
ceux-là.
Ch. III, § 1. La
maturation, ce qui va suivre semble s'appliquer surtout aux fruits ; mais
ce n'est que par une sorte de métaphore qu'on peut dire que la maturation est
une espèce de digestion. — La digestion de la nourriture, même remarque.
---- Dans les péricarpes, le terme est bien général, si on veut
l'appliquer à tous les fruits et à. toutes les plantes. -- Est une sorte
d'achèvement, Voir plus haut, ch. 2, § 3. --- Les semences qui sont dans
le péricarpe, Voir le Traité de la sensation et des choses sensibles, ch.
4, § 4, p. 50 de ma traduction. — Un fruit tout pareil, Voir le Traité
de l'âme, livre II, eh. 4, § 15, p. 196 de ma traduction. -- Leur achèvement,
ou leur état de perfection.
§ 2. Précisément,
j'ai ajouté ce mot pour rendre toute la force de la tournure de la phrase
grecque. — C'est d'après la même idée, le mot du texte Idea, n'avait pas
probablement au temps d'Aristote le sens spécial qu'on lui donne ici. -- Mûres
quand elles sont digérées, on pourrait trouver aisément dans notre langue
des expressions analogues. On dit d'un projet, par exemple, qu'il est mûr et
qu'on l'a longtemps digéré. -- Ainsi qu'on l'a dit plus haut, Voir plus
haut, ch. 2, § 2. — Dans les choses déterminées, c'est la traduction
exacte du texte ; mais l'expression est bien vague.
§ 3. La maturation des tumeurs,
Voir plus haut, ch. 2, § 5. — N'est que la digestion, ou coction. — Qui
est dans l'objet, j'ai ajouté ces mots. — Ne peut pas déterminer, et
donner à l'objet une forme nouvelle qui permette de le définir exactement. On
voit bien ce que le texte signifie ; mais l'expression aurait pu être plus
précise.
§ 4. Par la maturation,
j'ai ajouté ces mots, qui m'ont paru indispensables ; et je m'appuie pour le
sens que j'adopte sur le commentaire d'Alexandre d'Aphrodisée. Le texte est
beaucoup plus concis que ma traduction ; mais pour la rendre claire, je n'ai pu
la faire plus courte. --Terreux, on sait dans quel sens très général
Aristote prend cette expression ; tout ce qui n'est pas liquide ou aérien est
terreux. -- C'est pour atteindre ce résultat, le texte n'est pas tout à
fait aussi formel que je suis obligé de l'être.
§ 5. La crudité est le
contraire, je n'ai pas pu trouver dans notre langue de mot meilleur que
celui de crudité à opposer au mot de maturation. — Sans limite déterminée,
ou plus simplement : indéterminée ; c'est-à-dire à laquelle la chaleur ou le
froid n'ont pas encore donné une nature définitive. — La crudité provient de
l'air ou de l'eau, c'est-à-dire que c'est une trop grande quantité d'air ou
d'eau, qui fait qu'une chose est crue et qu'elle ne mûrit pas.
§ 6. Une sorte
d'achèvement, voir plus haut, § f . — Un inachèvement, cette opposition est
aussi directe dans le texte grec. — Digéré, ou plutôt : « Qui doit être
digéré. "
§ 7. Sans qu'il n'y ait
aussi du sec, ceci veut dire que la maturation est impossible à moins qu'il
n'y ait dans le corps une partie sèche qui demeure et subsiste, en môme temps
que le point de maturité est atteint. C'est ce qui fait que l'eau, qui n'a rien
de sec eu elle, ne peut ni mûrir ni s'épaissir. — Car l'eau, les idées
ne sont pas assez liées entre elle, bien qu'elles soient d'ailleurs assez
clairet. -- C'est-à-dire l'humide, j'ai ajouté cette glose qui m'a paru
indispensable. — Sont légers, c'est la traduction exacte du texte ; mais
peut-être eût-il mieux valu dire : " Sont faibles. » — Ni les manger ni
les boire, il faut entendre ceci d'une manière restreinte ;, et il ne
s'agit que des choses qui, pour être bues ou mangées, ont besoin d'être
soumises à une cuisson préalable.
§ 8 Tout comme le mot de
maturation, Voir plus haut, § f. — Sont crus, je ne crois pas que la
médecine actuelle ait gardé ces locutions, qui répondent cependant à des faits.
— Dominées par la chaleur, de telle sorte que la maturité peut être
complète. — Définitivement, j'ajouté ce mot.
§ 9. De l'argile qu'elle
est crue, cette expression nous manque dans notre langue, bien qu'elle soit
utile pour marquer un certain état contraire à celui où la chose est cuite. - Jamais
d'elle qu'elle est crue, de même qu'on ne dirait pas très bien qu'elle est
cuite. — C'est qu'elle n'épaissit pas, la raison est ingénieuse, sans
être peut-être fort exacte.
§ 10. Quant à
l'ébullition, j'ai dû adopter ce mot, le seul que présente notre langue,
bien qu'il ne corresponde pas tout à fait à celui du texte. L'ébullition ne
s'applique qu'à l'eau, tandis qu'il s'agit ici de la cuisson des choses qu'on a
fait cuire dans l'eau bouillante. -- Ou coction, j'ai ajouté cette
glose, parce que le mot de digestion ne convient plus aussi bien aux détails
qui suivent. --- De l'indéterminé, c'est le mot même du texte ; mais je
conviens qu'il est fort obscur ; et sur ce point le commentaire d'Alexandre
d'Aphrodisée n'offre aucun éclaircissement. L'auteur veut indiquer sans doute
la partie du liquide qui est froide et qui doit être échauffée. — Que pour
les choses qui peuvent bouillir, il semble que la chose est par trop
évidente, et qu'il y a quelque naïveté à l'exprimer. Mais les manuscrits
n'offrent pas de variante. --- Ainsi qu'on l'a déjà dit, Voir plus haut,
§ 5.
§ 11. La digestion ou
coction, Voir le § précédent. — Qui est dans l'humide, ou plutôt : « qui
passe par le liquide. » — Qu'on met sur le gril, on ne voit pas d'abord
très nettement le lien qui rattache ceci aux pensées précédentes. Mais l'auteur
veut dire sans doute que, quand le feu agit directement sur les choses, au lieu
de passer par un liquide, ce n'est plus une ébullition qu'il cause, et qu'il
rôtit les corps qu'il touche ainsi. La viande, par exemple, est alors rôtie, au
lieu d'être bouillie. -- Par la chaleur extérieure, tandis que, quand le
liquide bout, c'est par une chaleur qui est en lui. — En l'absorbant en
lui-même, c'est la traduction exacte du texte ; mais il serait mieux de
dire : En le réduisant. Je n'ai pas dû faire ce changement, que n'autorisent
point les manuscrits.
§ 12. L'humide qu'il
contient, le corps qui est plongé dans l'eau bouillante et que cette eau
fait cuire, peut être plus ou moins humide par lui-même, indépendamment du
liquide qui l'entoure. -- Dans le liquide extérieur, le texte emploie le
même mot qu'il vient d'employer et il dit : « l'humide extérieur. » Je n'ai pas
cru devoir faire cette tautologie. --N'absorbent pas en elles l'humide,
le fait n'est pas très exact ; et il y a des corps qui, en étant bouillis,
deviennent plus humides que dans leur état ordinaire. — La chaleur du dehors,
celle qui passe par le liquide pour bouillir le corps. -- Celle du dedans,
celle qui est propre au corps avant qu'il ne soit bouilli. -- Elle
attirerait l'autre, le texte n'est pas tout à fait aussi précis.
§ 13. Quand il ne
contient pas du tout d'humide, il faut entendre de l'humide propre et
intrinsèque. L'explication, d'ailleurs, n'est pas exacte, bien qu'elle soit
conséquente à celles qui précèdent. — Ne peut pas être dominé, en
d'autres termes : absorbé. — Qui ont de l'humidité, dans leur substance
propre. — Qui se fait dans l'humide, c'est-à-dire dans le liquide où le
corps doit être bouilli.
§ 14. Que l'or bout,
dans notre langue, cette expression ne pourrait s'appliquer qu'à l'or fondu,
qui entrerait en ébullition. Il est probable que, dans la langue grecque, elle
avait une autre nuance. -- Le bois et beaucoup d'autres corps, ici
l'idée d'ébullition ne peut plus s'appliquer ; le bois a été distillé, et est
devenu du charbon. -- D'après la même idée ; Voir plus haut, § 2. ---
Il n'y a pas de mot, même remarque. Voir aussi, ch. 2, § 2.
§ 15. Le lait, par
exemple, ceci se dit très bien du lait ; mais pour le sirop, l'expression
n'est pas aussi juste. Peut-être aussi le mot grec que je rends par Sirop,
a-t-il une autre signification. -- A la cuisson bouillie, je n'ai pu
employer ici le mot d'ébullition. Voir plus haut, § 10.
§ 16. Du reste tout ce
qu'on fait bouillir, ce § qui n'entre pas très convenablement dans la suite
des pensées, pourrait bien n'être qu'une interpolation. — Que les remèdes se
cuisent en bouillant, c'est-à-dire que les liquides se rapprochent et e
condensent en se réduisant. Quelques commentateurs, d'après M. ldeler, ont
essayé d'alléguer ce passage comme une preuve qu'Aristote avait été pharmacien
durant quelque temps. après la mort de son père.
§ 17. Ainsi tous les
corps, ce § fait suite au § 15. — Qui pourront devenir plus épais,
l'auteur a remarqué plus haut que l'eau est le seul liquide qui ne s'épaississe
pas, et cependant elle peut bouillir. — Soit qu'ils passent aux contraire,
en changeant d'état et en se modifiant. --- Ou petit lait ou crème, ces
deux phénomènes sont exacts ; mais ce n'est pas en bouillant que le lait
présente ces modifications. Peut-être s'agit-il du lait qui tourne et qui
devient du caillé. -- Elle soit bouillie, l'huile peut bouillir comme
l'eau ; mais elle ne cuit pas en bouillant. Une fois qu'elle est refroidie,
elle redevient à peu près la même.
§ 18. La digestion ou
coction, Voir plus haut, §§ 10 et 11.— Dans la cuisson bouillie,
Voir plus haut, § 15. -- Par des instrumenta factices, par exemple des
marmites, où bout l'eau qui doit cuire les matières qu'on y plonge. — Organes
ou instruments, il n'y a qu'un seul mot dans le texte.
§ 19. La non-cuisson,
je n'ai pas trouvé dans notre langue de meilleur terme. Celui de crudité
s'applique à un fait différent ; c'est l'état naturel des choses qui peuvent
être cuites. Peut-être aurait-il fallu dire ici : la demi-cuisson. — A la
cuisson bouillie, Voir plus haut, § 15. — L'indigestion qu'on appelle.
primitive, on pourrait croire, d'après la tournure de la phrase grecque,
qu'il s'agit d'une indigestion dont il aurait été question plus haut ; et
quelques commentateurs ont adopté ce sens, sans d'ailleurs pouvoir se référer
précisément à quelque théorie antérieure de ce genre. Mais Alexandre
d'Aphrodisée combat cette explication, que je ne crois pas non plus devoir
accepter. Je pense que l'auteur oppose la crudité naturelle et primitive des
choses à cette seconde crudité qui résulte d'une demi-cuisson. Par exemple, de
la viande est crue avant d'avoir été bouillie ; mais elle peut être encore à
moitié crue après avoir été bouillie imparfaitement. — De l'élément
indéterminé, c'est sans doute l'humidité naturelle et primordiale du corps,
qui doit la perdre en bouillant. Voir plus haut, ch. 2, § 6. — L'insuffisance
de la chaleur, qui fait que le corps est à moitié cuit, parce qu'il n'a pas
bouilli suffisamment.
§ 20. On a dit,
Alexandre d'Aphrodisse rapporte ce passage à ce qui a été dit plus haut dans ce
livre, ch. 1, § 11 . — Par un autre mouvement que le froid, j'ai ajouté
ces trois derniers mots pour compléter la pensée. — Qui a fait la cuisson,
sous-entendu incomplète, d'une chose à demi-bouillie. -- Qui est dans le
liquide, où est plongé le corps qui doit cuire en bouillant. -- Quelque
mouvement, lequel est d'ailleurs insuffisant pour cuire la matière plongée
dans le liquide bouillant. --S'égaliser, avec la masse du liquide
qu'elle doit faire bouillir, pour que le corps soit tout à fait cuit. --- Avoir
la force de digérer compiétement, j'ai ajouté ce dernier mot dont le sens
est implicitement compris dans l'expression grecque. -- Plus déterminés
qu'elles, c'est-à-dire d'une nature plus complète et plus facile à définir.
-- La cuisson et la non-cuisson, Voir plus haut, § 19.
§ 21. Une sorte de
digestion, le texte dit simplement : une digestion. — Et étrangère,
ou en d'autres termes : extérieure. La chaleur sèche est opposée ici à la
chaleur humide, qui se communique au corps qu'on fait bouillir. --- Non par
la chaleur de l'humide, le vrai mot serait du liquide au lieu de l'humide ;
mais j'ai conservé l'expression plus générale et plus commune qui est employée
dans toute cette théorie. — Quand l'opération est achevée, le texte
n'est pas tout à fait aussi formel. — Cette combustion se forme, même
remarque. — Qu'il ne faut, j'ai ajouté ces mots pour compléter la
pensée.
§ 22. Plus sec que le
dedans, le fait est exact. -- De rôtir que de bouillir, c'est un
fait d'observation très facile à vérifier. — D'échauffer également, ce
serait plutôt cuire qu'échauffer qu'il aurait fallu dire.
§ 23. L'humide qui est
au-dedans, et qui est propre au corps que l'on veut rôtir. -- Ne peut
être excrété, comme l'est celui qui est à la surface du corps, de la
viande, par exemple.
§ 24. Ainsi que nous
venons de le dire, voir plus haut, § 18. -- Même dans la nature, il
y a quelques commentateurs qui joignent ces mots à la phrase suivante. -- De
part et d'autre, j'ai ajouté ces mots pour compléter la pensée.-- Reçu
de nom spécial, Voir plus haut, ch. 2, § 2. — A la cuisson bouillie,
Voir plus haut, § 10. -- Dans l'humide, c'est-à-dire dans l'estomac, qui
renferme toujours plus ou moins de liquide. — Dans le chaud par la chaleur,
cette répétition est dans le texte.— A la cuisson imparfaite, Voir plus
haut, § 19. Il faut toujours se rappeler qu'il s'agit de la cuisson des choses
qui peuvent être bouillies.
§ 25. Comme quelques
auteurs le prétendent, les commentateurs ne nous apprennent pas quels sont
les auteurs auxquels il est fait allusion dans ce passage. -- De la
sécrétion qui se putréfie, en d'autres termes, les excréments. -- Dans
la cavité inférieure, c'est-à-dire le ventre, qui, dans les théories des
anciens, s'étendait du nombril aux parties génitales. — L'animal remonte,
le texte n'est pas aussi précis ; j'ai, d'ailleurs, suivi l'explication
d'Alexandre d'Aphrodisée. -- Dans la cavité supérieure, ou l'estomac. — Ne
se putréfie, le fait n'est pas exact ; il n'y a pas de putréfaction à
proprement dire. --- Dans d'autres ouvrages, Alexandre d'Aphrodisée
pense qu'il s'agit des Problèmes ; voir les Problèmes, XX, ch. 12, p. 924, a,
13, édit. de Berlin, et aussi Histoire des Animaux, livre V, ch. 19, p. 531, a,
7, ibid.
§ 26. La dureté par
l'incuisson, il n'y a qu'un seul mot dans le texte ; peut-être aurait-on pu
traduire : « la crudité. » -- A la cuisson bouillie, Voir plus haut, §
10. — Quelque chose d'également opposé, c'est-à-dire que, dans ce cas
aussi, l'opposé à ce qui est cuit, c'est ce qui ne l'est qu'imparfaitement ;
c'est ce qui est crû — A encore moins de nom, dans notre langue, nous
avons le mot de crû, qui n'est qu'un mot commun, puisqu'il s'applique à des
faits très différents. Nous n'avons pal ; non plus de mot spécial. — Mitonnage,
ce mot n'est pas ici très convenable ; mais je n'en ai pas trouvé de meilleur
en notre langue. --- Il y a trop de chaleur, Voir plus haut, § 20, une
pensée et une phrase tout à fait analogues en ce qui concerne l'ébullition. Les
choses peuvent rester à moitié cuites, soit qu'on les fasse rôtir, soit qu'on
les fasse bouillir.
§ 27. La digestion et
l'indigestion, Voir plus haut, ch. 2, § 3. — La maturation et la crudité,
Voir plus haut, ch. 3, § 1. — La cuisson bouillie et le rôtissage, ibid.
§ § i0 et 21.
Leurs rapports
; vers d'Empédocle ; la terre représente le sec, et l'eau représente l'humide.
Il n'y a d'animaux que dans la terre et dans l'eau. Dureté et mollesse absolues
et relatives des corps ; manière dont nous la percevons et la jugeons.
§ 1. Maintenant, il
faut étudier les transformations des éléments passifs, de l'humide et du sec.
Les principes passifs des corps sont l'humide et le sec ; et les autres états
ne sont qu'un mélange de ceux-là. Là où l'un des deux domine le plus, le corps
est davantage de sa nature. Ainsi ; tels corps tiennent plus du sec ; tels
autres tiennent davantage de l'humide.
§ 2. D'ailleurs,
tous peuvent être ou actuellement et en réalité, ou être dans l'état opposé,
c'est-à-dire en puissance. C'est là le rapport de la dessiccation à l'objet
desséchable.
§ 3. Mais comme
l'humide est facile à délimiter, et le sec difficile, le sec et l'humide
éprouvent relativement l'un à l'autre quelque chose d'analogue aux rapports des
mets et des assaisonnements. L'humide est pour le sec une cause de
détermination ; et ils sont l'un pour l'autre comme la farine et l'eau, quand
on fait de la colle. C'est l'explication que donne Empédocle dans ses vers sur
la nature
" Ayant collé la farine
avec l'eau. "
Et voilà, comment le nouveau
corps se forme de la réunion des deux.
§ 4. Parmi les
éléments, le sec s'applique le plus spécialement à la terre, et l'humide à
l'eau ; et voilà pourquoi tous les corps qui ici-bas sont déterminés, ne
peuvent l'être sans terre ni eau. Et selon que l'un des cieux l'emporte, chaque
corps se montre suivant la prédominance de celui-là.
§ 5. C'est
seulement de terre et d'eau que se composent les animaux ; il n'y en a point
qui consistent d'air ni de feu, parce que ces deux premiers éléments sont la
matière des corps.
§ 6. Parmi les
modifications que les corps peuvent présenter, celles qui, nécessairement,
appartiennent les premières à un corps déterminé, sont la dureté ou la mollesse
; car, nécessairement, ce qui est composé de sec et d'humide doit être dur ou
mou.
§ 7. On appelle dur
ce qui ne cède pas en rentrant en soi à sa surface, et mou ce qui cède sans se
disperser tout à l'entour. Ainsi, on ne peut pas dire de l'eau qu'elle est
molle ; car la surface ne cède pas en profondeur, quand on la presse ; mais
elle se disperse tout autour.
§ 8. On peut donc
dire absolument d'une chose qu'elle est dure ou molle, quand elle est dans cet
état d'une manière absolue ; mais on peut l'appeler dure ou molle relativement
à une autre, quand elle est dure ou molle par rapport à cette autre chose. Le
dur et le mou sont toujours indéterminés, l'un relativement à l'autre, parce
qu'ils présentent toujours du plus ou du moins.
§ 9. Mais jugeons
toujours les choses sensibles par l'impression qu'elles causent à nos sens. Il
est évident que nous déterminons d'une manière absolue la dureté et la mollesse
par rapport au toucher ; le toucher devient pour nous une sorte de mesure
moyenne ; et alors ce qui l'emporte sur lui est dur ; ce qui reste au-dessous
de lui est considéré comme mou.
Principe actif
et principe passif des corps. Action de la chaleur et du froid, pouvant l'une
et l'autre dessécher les corps. De la dessiccation.
§ 1. Il est de
toute nécessité que le corps déterminé dans sa propre limite, soit dur ou mou,
parce qu'il doit ou céder ou ne pas céder. Il faut encore qu'il soit cohérent ;
car c'est là la vraie détermination des corps. Ainsi, tout corps déterminé ou
composé étant mou ou sec, et ces deux qualités ne pouvant exister que par la
cohésion, on peut dire que les corps composés et déterminés ne pourraient
jamais être sans la cohésion. C'est donc de la cohésion qu'il faut traiter.
§ 2. Il y a dans la
matière deux causes : ce qui agit et ce qui souffre. Le principe qui agit,
c'est ce dont vient le mouvement ; celui qui souffre, c'est la forme. Par
suite, ce sont là les causes de la cohésion et de la diffluence ; les causes
qui font que les corps sont secs ou qu'ils sont liquides.
§ 3. Le principe
actif agit par deux forces ; le principe passif souffre par deux modifications,
ainsi qu'on l'a dit. L'action se produit par le chaud et [382b] le froid ; la souffrance a lieu par la
présence ou l'absence du chaud ou du froid.
§ 4. Comme la
cohésion est une sorte de dessèchement, parlons d'elle en premier lieu. Ainsi
donc, ce qui souffre est ou humide ou sec, ou est un composé des deux. Nous
posons en fait que le corps de l'humide c'est l'eau, et que le corps du sec
c'est la terre ; car ce sont là les éléments passifs dans les corps humides et
secs. Aussi, le froid appartient-il davantage aux éléments passifs, puisqu'il
est en eux, et qu'en effet la terre et l'eau sont froides.
§ 5. Mais le froid
est actif aussi, en tant qu'il détruit les choses ou qu'il agit de toute autre
manière accidentelle, ainsi qu'on l'a dit antérieurement. Quelquefois en effet
on dit aussi que le froid brûle ou qu'il échauffe, non pas précisément comme la
chaleur elle-même, mais parce qu'il rassemble la chaleur ou la répercute tout à
l'entour.
§ 6. Tout corps qui
est de l'eau, ou une espèce d'eau, peut se dessécher ; ou bien, s'il contient
de l'eau, soit d'une manière adventice, soit naturellement. J'entends par eau
adventice, celle, par exemple, qui est dans de la laine, et par eau naturelle
celle qui est dans le lait.
§ 7. Les espèces de
l'eau, ce sont par exemple le vin, l'urine, le petit lait, et en général toutes
les substances qui ne laissent aucun dépôt ou qui ne laissent qu'un résidu
passager, sans que ce soit à cause de leur viscosité ; car il y a des
substances qui ne laissent jamais le moindre résidu, à cause de leur nature
visqueuse, telles que l'huile et la poix.
§ 8. Toutes les
substances se sèchent, soit par la chaleur soit par le froid ; mais c'est
toujours par la chaleur ; et le phénomène a lieu tout à la fois, soit par la
chaleur du dedans, soit par celle du dehors. Les choses que sèche le
refroidissement, comme un manteau, par exemple, qui est séché lorsque l'humide
effectif qu'il contient est isolé, se sèchent par la chaleur intérieure qui
fait évaporer l'humide ; et si l'humide y est en petite quantité, elles se
sèchent, parce que la .chaleur sort à cause du froid environnant.
§ 9. Ainsi donc, je
le répète, tous les corps se sèchent, soit par la chaleur, soit par le froid ;
tous se sèchent par la chaleur, soit du dedans soit du dehors, qui fait
évaporer l'humide. J'entends par la chaleur extérieure celle qui s'applique,
par exemple, aux choses que l'on fait bouillir ; et celle du dedans agit, quand
l'humide disparaît et est détruit par la chaleur propre du corps qui transpire.
Voilà ce qu'est la dessiccation.
Ch. V, § 1. Le corps
déterminé dans sa propre limite, en d'autres termes, le corps étant dans
son état naturel, et sans avoir subi aucune modification extérieure. — Céder
ou ne pas céder, « toucher » sous-entendu, d'après la théorie qui termine
le chapitre précédent. -- Cohérent, le texte dit : coagulé ; et il se
sert du mot qui exprime d'ordinaire en grec l'état de congélation. -- La
vraie détermination, j'ai cru pouvoir ajouter l'épithète qui n'est pas dans
l'original. -- Tout corps déterminé ou composé, j'ai conservé dans ma
traduction l'indécision et la généralité du texte. On pourrait traduire aussi
avec plus de clarté et autant d'exactitude : « Tout corps déterminé ou
consistant. » -- C'est donc de la cohésion qu'il faut traiter, l'auteur
ne traite pas très directement de la cohésion dans ce qui va suivre.
§ 2. Ce qui agit,
j'ai conservé l'expression indéterminée du texte. — C'est ce dont vient le
mouvement, même remarque. — Et de la diffluence, c'est la traduction
exacte du mot grec. On pourrait peut-être dire aussi : « la dissolution. » — Ou
qu'ils sont liquides, ou peut-être encore : " Qu'ils se liquéfient. »
§ 3. Ainsi qu'on l'a dit,
voir plus haut, ch. 1, §§ 1 et suiv. -- Par la présence ou l'absence,
plus haut il a été dit (id. ibid.) que les éléments passifs étaient le sec et
l'humide.
§ 4. Parlons d'elle en
premier lieu, répétition de ce qui a été dit à la fin du § 1er -- En
fait, j'ai ajouté ces mots. — Le corps de l'humide, j'ai traduit
exactement le mot grec. Le Corps veut dire ici l'Essence. — Le froid
appartient-il davantage, plus haut, ch. 1, g 1, le froid a été classé parmi
les éléments actifs. Ce nouveau passage n'est pas tout à fait contradictoire au
premier, comme on le voit au § suivant.
§ 5. Antérieurement,
Voir plus haut, ch. 1, § 1. -- Que le froid brûle, cette expression
paraît assez étrange au premier abord ; mais la suite l'explique, et nous
pourrions trouver certains faits auxquels elle s'appliquerait exactement. Ou
dit assez souvent que le froid roussit et brûle les plantes. C'est de là que
vient le renom de la lune rousse dans nos climats. - Ou la répercute tout à
l'entour, il y a là sans doute quelques-uns des effets du rayonnement
calorique, que l'auteur ne connaissait pas d'une manière exacte.
§ 6. Ou une espèce d'eau,
plus ou moins pure, ou plus ou moins chargée de substances étrangères. — Adventice,
c'est la traduction exacte du mot grec, qui est d'ailleurs expliqué dans la
suite de la phrase. -- Qui est dans de la laine, la laine ne contient
pas d'eau par elle-même ; mais elle peut en contenir, si, par exemple, on la
trempe dans quelque liquide. Dans le lait, au contraire, la présence de l'eau
est tout à fait naturelle, puisque le lait lui-même est liquide.
§ 7. Les espèces de
l'eau, on voit, par cet exemple, l'idée singulièrement étendue que les
anciens se faisaient de l'eau. Par un abus de langage et par un défaut
d'observation, ce terme comprenait, pour eux, tous les liquides, de même que le
mot de Terre comprenait tous les solides, quelles que fussent d'ailleurs leurs
différences. — Qui ne laissent aucun dépôt, sans doute en s'évaporant. —
Sans que ce soit à cause de leur viscosité, ceci ne se comprend pas très
bien ; et la suite n'explique pas ce passage obscur. Le commentaire d'Alexandre
d'Aphrodisée ne donne aucune lumière. — L'huile, il est probable que
l'huile devait être considérée comme une espèce de l'eau, d'après les théories
des anciens. -- La poix, la remarque serait plus applicable à la glu
qu'à la poix.
§ 8. Mais c'est toujours
par la chaleur, ceci contredit la phrase précédente ; mais il semble par ce
qui suit que l'auteur veut expliquer le phénomène de la dessiccation par la
chaleur uniquement. Quand les choses semblent sécher par l'action du froid, ce
n'est qu'une apparence ; car au fond c'est .la chaleur qui, chassée par le
froid environnant, fait sécher l'objet en en sortant. C'est là le sens
qu'adopte Alexandre d'Aphrodisée. -- Soit par celle du dehors, comme
lorsqu'on fait sécher quelque chose au feu. -- L'humide effectif, le
texte dit précisément : « l'humide même en lui-même ; c'est-à-dire sous forme
d'eau réelle. » -- Parce que la chaleur sort, et sous cette forme, c'est
encore la chaleur qui agit et produit le phénomène.
§ 9. Je le répète, le
texte n'est pas tout à fait aussi précis. Ce § est eu partie la répétition de
ce qui précède. — Ce qu'est la dessiccation, Voir plus haut, ch. 4, § 2.
Solidification
des corps liquéfiés ; action alternative du chaud et du froid ; exemples du
miel, de l'argile, du lait, du fer converti en acier, de la pierre pyrimaque,
des pierres ponces, du nitre
et des sels.
§ 1. Devenir
humide, peut signifier deux choses : tantôt cela veut dire qu'il se forme
effectivement de l'eau ; tantôt cela signifie que le corps qui était coagulé se
fond et se dissout. Ainsi, l'air en se refroidissant peut prendre la
consistance de l'eau, et ce que nous allons dire expliquera clairement tout à
la fois, et la dissolution et la coagulation.
§ 2. Toutes les
choses qui se coagulent se coagulent, ou par ce qu'elles sont de l'eau, ou
parce qu'elles sont de terre et d'eau ; et elles se coagulent, ou par la
chaleur sèche, ou par le froid. Aussi, se dissolvent-elles par les contraires,
dans tous les cas [383a] où elles ont été coagulées ou par la chaleur
ou par le froid. Ainsi, toutes les choses qui ont été coagulées par la chaleur
sèche se dissolvent par l'eau, qui est l'humidité froide ; celles qui ont été
coagulées par le froid sont dissoutes par le feu, qui est le chaud. Il y a des
choses aussi qui semblent se coaguler par l'action de l'eau, comme le miel
qu'on a fait bouillir ; mais en réalité il ne se coagule pas par l'eau ; il se
coagule par le froid qui est dans l'eau.
§ 3. Toutes les
choses qui sont de l'eau ne se coagulent pas par le feu ; car elles sont
dissoutes par le feu, et le même objet ne peut pas être, pour un même objet et
dans les mêmes conditions, cause d'un effet contraire. De plus, la coagulation
n'a lieu que par l'absence du chaud ; et par suite évidemment, la dissolution
vient de ce que la chaleur entre dans la chose, de telle sorte que c'est bien
le froid qui fait que le corps se coagule.
§ 4. Aussi, les corps
de ce genre en se coagulant ne s'épaississent pas ; car l'épaississement des
corps n'a lieu que quand l'humide s'en va et que le sec se condense. Parmi les
corps humides, l'eau est le seul qui ne s'épaississe pas.
§ 5. Tous les corps
qui participent à la fois de la terre et de l'eau, se coagulent, soit par le
feu, soit par le froid. Ils s'épaississent par tous les deux, en partie de la
même manière, en partie d'une manière différente : par la chaleur, qui chasse
l'humide ; car, l'humide s'évaporant, le sec se coagule et se condense ; par le
froid, qui chasse le chaud, avec lequel s'en va aussi l'humide qui s'évapore.
§ 6. Les corps mous
qui ne sont pas humides ne s'épaississent pas ; mais ils se coagulent, quand
l'humide en sort, comme l'argile que l'on fait cuire. Tous les mixtes qui sont
humides s'épaississent aussi, comme le lait.
§ 7. Il y a
beaucoup de ces corps qui même s'humidifient d'abord ; et ce sont ceux qui
auparavant étaient ou épais ou durs par l'effet du froid. C'est ainsi que
l'argile que l'on cuit se vaporise tout d'abord ; puis elle devient plus molle
; et voilà aussi ce qui fait qu'elle peut se déjeter dans les fours.
§ 8. Parmi les
choses qui participent à la fois de la terre et de l'eau, mais qui ayant plus
de terre se coagulent par le froid, les unes, qui se sont coagulées parce que
la chaleur en est sortie, se dissolvent aussi par la chaleur quand la chaleur y
rentre, comme la boue quand elle s'est coagulée et gelée. Celles au contraire
qui se coagulent par le refroidissement, et parce que toute la chaleur s'est
évaporée, celles-là sont indissolubles par la chaleur, tant que cette chaleur
n'est pas excessive ; mais elles s'amollissent, comme le fer et la corne.
§ 9. Le fer, quand
on le travaille, se dissout même jusqu'au point de devenir liquide et de se
coaguler de nouveau. Et c'est comme cela que l'on fait les aciers ; le métal
dépose, et la scorie [383b] s'épure en bas. Quand le métal a été traité
plusieurs fois ainsi et qu'il est devenu pur, c'est alors qu'il devient de
l'acier.
§ 10. On ne
renouvelle pas du reste cette opération souvent, parce qu'il y a une grande
perte, et que le poids devient beaucoup moindre quand on purifie de cette façon
le métal. Le fer d'ailleurs est préférable, quand il a une moins grande pureté.
§ 11. La pierre
appelée pyrimaque se dissout aussi de façon à tomber en gouttes et à couler ;
mais le liquide, quand il s'est coagulé de nouveau, reprend sa dureté. Les
pierres ponces se dissolvent aussi jusqu'au point de couler ; et la partie qui
coule, quand elle s'est figée, prend une couleur noire, et le corps devient à
peu près pareil à de la chaux. La boue se dissout également, et se liquéfie
ainsi que la terre.
§ 12. Quant aux
choses qui se coagulent par la chaleur sèche, les unes sont indissolubles, et
les autres sont solubles par l'humide. L'argile et quelques espèces de pierres
qui se forment par le feu dans la combustion de la terre, comme les ponces, ne
se dissolvent plus dans l'eau ; mais le nitre et les. sels sont dissous par
l'humide, non par tout humide quelconque, mais par l'humidité froide.
§ 13. C'est de même
que toutes les espèces d'eau se dissolvent aussi dans l'eau, tandis qu'elles ne
se dissolvent pas dans l'huile ; car l'humide froid est le contraire de la
chaleur sèche. Si donc c'est l'un des deux qui a coagulé le corps, c'est
l'autre qui le dissoudra ; car c'est ainsi que les contraires seront causes
d'effets contraires.
Difficulté d'expliquer la
nature de l'huile ; corps mixtes composés de terre et d'eau. Épaississement,
liquéfaction ; le petit-lait et la crème ; le sang et la fibrine à l'état de
santé et d'inflammation ; le nitre, l'argile, les sels, la pierre. Solubilité
et insolubilité des corps ; fusion du fer ; les bois ; l'ébène noir.
§ 1. Toutes les
choses qui ont plus d'eau que de terre ne font que s'épaissir par le feu ; mais
celles qui ont plus de terre se coagulent. C'est ainsi que le nitre et les sels
ont plus de terre, de même que l'argile et la pierre.
§ 2. La nature de
l'huile est très difficile à classer ; car si elle avait plus d'eau, il
faudrait qu'elle se coagulât par le froid, comme les glaces ; et si elle avait
plus de terre, ce serait par le feu, comme l'argile. Mais au contraire elle ne
se coagule ni par l'un ni par l'autre, et elle s'épaissit par l'action des
deux.
§ 3. La cause en
est qu'elle est pleine d'air ; aussi surnage-t-elle sur l'eau, parce que l'air
est porté en haut. Le froid, en convertissant en eau l'air qui y est contenu,
l'épaissit ; car toujours, quand on mêle de l'eau et de l'huile, le mélange est
plus épais que l'une ou l'autre.
§ 4. Par l'effet du
feu, et avec le temps, l'huile s'épaissit et blanchit ; elle blanchit parce que
l'eau, s'il y en avait, vient à s'évaporer ; elle s'épaissit parce que l'air
forme de l'eau, quand la chaleur vient à diminuer et à disparaître.
§ 5. Des deux
façons, c'est donc la même modification qui a lieu, et par la même cause, mais
non pas de la même manière. L'huile s'épaissit par les deux : l'action du temps
et celle du chaud. Mais elle ne se dessèche ni par l'un ni par l'autre ; car ni
le soleil ni le froid ne la dessèche, non seulement parce qu'elle est
visqueuse, [384a] mais encore parce qu'elle contient de l'air.
L'eau que l'huile contient ne se dessèche pas, et ne bout pas par l'action du
feu, parce qu'elle ne se vaporise pas à cause de la viscosité de l'huile.
§ 6. Tous les corps
mixtes composés d'eau et de terre doivent être classifiés d'après la quantité
qu'ils renferment de l'un et de l'autre ; et par exemple, il y a un vin qui
tout à la fois se coagule et peut bouillir : c'est le vin doux.
§ 7. L'eau est
expulsée de tous les corps, quand ils se dessèchent. La preuve que c'est bien
de l'eau, c'est que la vapeur se condense sous forme aqueuse, si l'on se donne
la peine de la recueillir. Et toutes les fois qu'il reste quelque résidu d'un
corps, c'est qu'il est de la terre.
§ 8. Quelques-uns,
parmi ces corps, s'épaississent et se dessèchent aussi par le froid, ainsi
qu'on l'a dit. C'est qu'en effet le froid, non seulement coagule et dessèche ;
mais de plus, il épaissit. Il coagule et dessèche l'eau ; et il épaissit l'air,
en en faisant de l'eau. La coagulation a été appelée une sorte de dessiccation.
§ 9. Ainsi donc,
toutes les substances qui n'épaississent pas par le froid, mais qui se
coagulent, ont plus d'eau que de terre, comme le vin, l'urine, le vinaigre, la
lessive et le petit-lait. Toutes les substances qui s'épaississent par le feu
sans s'évaporer, sont, les unes de terre, et les autres, mélangées d'eau et
d'air ; ainsi le miel est de terre ; l'huile est d'air et d'eau.
§ 10. Le lait et le
sang participent à la fois des deux, de l'eau et de la terre ; mais la plupart
du temps, ils tiennent davantage de la terre, comme tous les corps humides d'où
viennent le nitre et les sels.
§ 11. Il y a même
des pierres qui se forment de quelques-unes de ces substances. Aussi, quand ou
n'isole pas le petit-lait, il est brûlé par le feu qui le fait bouillir ; mais
la partie terreuse se forme aussi par la présure, pour peu qu'on fasse bouillir
le lait comme les médecins, quand ils font tourner le lait pour quelque
médicament.
§ 12. C'est ainsi que le
petit-lait et la crème se séparent, et le petit-lait une fois séparé ne
s'épaissit plus ; mais il est consumé comme de l'eau. Quand le lait n'a plus du
tout de crème, ou s'il en a peu, il a plus d'eau, et il nourrit moins.
§ 13. Il en est de même du sang ;
il se coagule, parce qu'il se dessèche en se refroidissant. Tous les sangs qui
ne se coagulent pas, comme celui du cerf, ont plus d'eau que de terre et sont
les plus froids. Aussi, n'ont-ils pas de fibres ; car les fibres sont de la
terre et sont solides ; de telle sorte que si elles manquent, le sang ne peut
plus se coaguler.
§ 14. Et cela vient alors de ce
qu'il ne se dessèche pas ; car dans ce cas, c'est de l'eau qui reste, comme
pour le lait quand la crème a été enlevée. La preuve, c'est que les sangs qui
sont malades ne veulent pas se coaguler ; car ils sont pleins d'humeur et de
pus ; or l'humeur est du flegme et de l'eau, parce qu'alors le sang n'est pas
cuit et qu'il résiste à la coction naturelle.
§ 15. De plus, il y a des corps
qui sont solubles comme le nitre ; d'autres qui sont insolubles comme l'argile
et la pierre ; et parmi ces substances, les unes peuvent s'amollir par le feu
comme la corne ; les autres ne peuvent pas s'amollir, par exemple l'argile et
la pierre.
§ 16. La raison en est que les
contraires causent lès contraires ; et par conséquent, si les corps se
coagulent par deux causes, le froid et le sec, il faut nécessairement qu'ils se
dissolvent aussi par le chaud et l'humide.
§ 17. Voilà pourquoi ils se
dissolvent par le feu et par l'eau, qui sont des contraires : par l'eau, toutes
les fois que c'est par le feu seul qu'ils se coagulent ; par le feu, toutes les
fois que c'est par le froid seul qu'ils ont été coagulés. De sorte que les
corps qui peuvent se coaguler par les deux, sont les plus insolubles de tous.
§ 18. Ce sont les corps qui,
après avoir été échauffés, se coagulent par le froid . En effet, quand la
chaleur sort et suinte, il arrive que la plus grande partie de l'humide est
chassée de nouveau en dedans par le froid, de sorte qu'il ne laisse plus de
passage pour l'humide.
§ 19. C'est là aussi ce qui fait
que la chaleur ne dissout pas ces corps, tandis qu'elle dissout ceux qui ne
sont exclusivement coagulés que par le froid ; et ces corps ne sont pas dissous
non plus par l'eau ; car les corps qui sont coagulés par le froid. ne sont pas
dissous par l'eau ; mais elle ne dissout que ceux qui sont coagulés uniquement
par la chaleur sèche.
§ 20. Le fer fondu par la chaleur
se coagule de nouveau par le froid, de sorte qu'il a besoin des deux pour
arriver à la coagulation ; aussi est-il insoluble à l'eau. Quant aux bois,
comme ils sont de terre et d'air, ils sont combustibles ; mais ils ne sont ni
fusibles ni susceptibles d'être amollis ; ils surnagent sur l'eau, si l'on en
excepte l'ébène.
§ 21. Mais l'ébène ne surnage
pas. C'est que tous les autres bois contiennent plus d'air que celui-là ; l'air
a transpiré hors de l'ébène noir ; et il reste en lui plus de terre.
§ 22. L'argile n'est que de la
terre, parce qu'elle se coagule peu à peu en se séchant ; car l'eau n'a plus
les entrées par lesquelles l'air seul est sorti ; le feu n'en a pas non plus,
puisque c'est lui qui a coagulé l'argile.
§ 23. Nous avons donc expliqué ce
que c'est que la coagulation et la fusion, par quelles causes et dans quels
corps elles se produisent.
Ch. VII, § 1. Ne font que
s'épaissir, c'est le sens que donne Alexandre d'Aphrodisée. — Se
coagulent ou se solidifient, comme plus haut.. -- Et la pierre,
Alexandre d'Aphrodisée comprend qu'il s'agit de la pierre ponce, dont il a été
question plus haut, ch. 6, § 11. L'expression est tout au moins incomplète.
§ 2. Comme les glaces,
il y a plusieurs manuscrits qui ne donnent pas ces mots. Il n'est pu d'ailleurs
exact que l'huile ne puisse pas geler ; elle gèle au contraire très aisément ;
mais il est vrai qu'elle ne produit jamais une glace aussi compacte que l'eau
pure. — Elle s'épaissit par l'action des deux, ceci paraît inexact ; et
l'huile bouillante est au contraire plus liquide que l'huile froide. Il n'est
pas plus exact de dire que le froid ne solidifie pas l'huile. Un froid, même
léger, lui donne beaucoup plus de consistance qu'elle n'en a naturellement.
§ 3. La cause en est
qu'elle est pleine d'air, cette explication est certainement fort
remarquable pour le temps où elle a été donnée. Le mélange est plus épais, ceci
n'est peut-être pas très exact ; on ne peut pas dire que le mélange soit plus
épais que l'huile ; mais l'huile est certainement dénaturée ; et le mélange est
effectivement beaucoup plus épais que l'eau. Aristote s'est occupé plusieurs
fois de cette nature spéciale de l'huile, et notamment dans le Traité de la
Génération des animaux, livre II, ch. 2, p. 735, a, 22, édit. de Berlin.
§ 4. Par l'effet du feu,
Voir plus haut la note du § 2. -- Et blanchit, en effet, l'huile en
vieillissant perd de sa couleur et devient blanche.- S'il y en avait,
par la cause qui vient d'être dite au § 3. --- Parce que l'air forme de
l'eau, id. ibid.
§ 5. Des deux façons,
soit par l'action du feu, soit par l'action prolongée du temps, ainsi que
l'explique Alexandre d'Aphrodisée.-- La même modification, c'est-à-dire
que l'huile s'épaissit ou blanchit. — Par la même cause, c'est-à-dire
par l'absence de l'eau, ou de l'air qui forme de l'eau — L'action du temps
et du chaud, j'ai ajouté cette glose pour expliquer l'expression un peu
vague du texte. C'est le sens donné par Alexandre d'Aphrodisée. -- Ni par
l'un ni par l'autre, ni avec le temps, ni par l'action du feu. -- Elle
contient de l'air, le texte dit : elle est d'air, ou : « Elle fait partie
de l'air. » - L'eau que l'huile contient, le texte dit simplement :
l'eau. M. Ideler lit avec quelques manuscrits : L'huile au lieu de l'eau ; mais
cette leçon n'est pas acceptable, et le sens que je donne est celui qu'explique
tout au long le commentaire d'Alexandre d'Aphrodisée.
§ 6. Doivent être
classifiés, le texte dit précisément : Dénommés. — D'après la quantité
qu'ils renferment, on les classe dans l'eau s'ils contiennent plus d'eau
que de terre ; et dans la terre, s'ils contiennent plus de terre que d'eau. — Tout
à la fois, j'ai ajouté ces mots pour rendre la pensée plus claire. — Se
coagule, comme s'ils contenaient plus de terre que d'eau. — Et peut
bouillir, comme s'il contenait plus d'eau que de terre. — C'est le vin
doux, on peut-être mieux : Le sirop.
§ 7. De tous ces corps,
mélangés de terre et d'eau. — La vapeur se condense, l'observation est
vraie, et elle était sans doute assez nouvelle au temps d'Aristote. -- Sous
forme aqueuse, le texte n'est pas tout à fait aussi précis. -- Si l'on
se donne la peine de la recueillir, Alexandre d'Aphrodisée cite les
couvercles des marmites d'airain où la vapeur se condense en gouttes d'eau. — C'est
qu'il est de la terre, le texte n'est pas tout à fait aussi formel.
§ 8. Parmi ces corps,
qui sont composés de terre et d'eau. — Ainsi qu'on l'a dit, voir plus
haut, livre 1V, ch. 6, § 5. -- Coagule, ou bien encore : solidifie. — Il
coagule et dessèche l'eau, j'ai suivi la leçon adoptée par M. Ideler, et
qu'autorisent plusieurs manuscrits avec le commentaire d'Alexandre
d'Aphrodisée. --- Et il épaissit l'air, j'ai conservé l'expression même
du texte ; mais elle n'est pas exacte ; et nous dirions que dans, ce cas le
froid condense l'air, en le convertissant en eau. — La coagulation, ou
solidification, ou encore congélation. Le mot du texte a un sens très vague.
§ 9. Que de terre,
j'ai ajouté ces mots pour compléter la pensée. — Le miel est de terre,
pour comprendre ceci, il faut se rappeler dans quelle large acception les anciens
prenaient ce mot de Terre. « Le miel est de terre » signifie seulement que le
miel est plutôt solide que liquide ; ce qui est vrai.— Est d'air et d'eau,
quelques manuscrits disent seulement : Est d'air ; mais d'autres ont aussi
l'addition que je donne et qui semble indispensable, ainsi que le remarque
Alexandre d'Aphrodisée.
§ 10. Le lait et le sang,
il sera surtout question du lait, dans ce §, et du sang, dans le § suivant. — Tous
les corps humides ou liquides. -- Et les sels, ou le sel.
§ 11. Il y a même des
pierres, c'est sans doute du sel gemme qu'il s'agit ici ; mais toute cette
phrase pourrait bien n'être qu'une glose et une interpolation. -- Il est
brûlé, c'est-à-dire qu'il se vaporise. — Par la présure,
c'est-à-dire que la présure, en faisant prendre le lait, dégage la partie
solide de la partie liquide. M. Ideler, pour bien prouver l'antiquité de cet
usage, cite l'Iliade d'Homère, chant V, v. 902. -- Quand ils font tourner du
lait pour quelque médicament, le texte n'est pas aussi formel ; mais c'est
là le sens qui résulte des explications d'Alexandre d'Aphrodisée.
§ 12. Le petit-lait et la
crème, le texte dit précisément : le fromage au lieu de la crème. — Consumé
comme de l'eau, c'est-à-dire qu'il se vaporise sous l'action du feu. — Et
il nourrit moins, Aristote s'est occupé très attentivement de la nature du
lait, Histoire des Animaux, livre III, ch. 20, p. 521, b, 27, édit. de Berlin,
et p. 522, a, 25. — Le lait n'a plus du tout de crème, il y a quelques
manuscrits qui donnent une leçon précisément contraire : « Quand la crème n'a
plus de lait. »
§ 13. Il en est de mêem
du sang, c'est-à-dire, selon l'explication d'Alexandre d'Aphrodisée, que le
sang a plus de terre que d'eau.-- Comme celui du cerf, je ne sais si le
fait est exact. — Que de terre, c'est-à-dire qu'ils sont plus liquides
que les autres sangs et qu'ils contiennent de la fibrine en moindre quanti.
Aristote insiste sur ce fait et l'explique dans le traité des Parties des
animaux, livre II, ch. 4, p. 650, b, 14, édit. de Berlin. -- Les fibres sont
de la terre, c'est toujours le sens exceptionnel et très large du mot de
Terre. --- Si elles manquent, le texte dit précisément : " Quand
elles sont enlevées. »
§ 14. Et cela vient de ce
qu'il ne se dessèche pas, Alexandre d'Aphroisée n'a pas commenté cette
phrase. --- Comme pour le lait, quand il ne reste plus que le petit
lait, et que toute la partie butireuse en a été séparée. -- Les sangs qui
sont malades, Aristote a approfondi ce sujet, Histoire des Animaux, livre
III, ch. 19, p. 524, a, 28, et des Parties des animaux, livre III, eh. 5, p.
668, a, 5 et suiv., édit. de Berlin. -- Ne veulent pas, c'est
l'expression même du texte, que j'ai cru devoir conserver. — Pleins d'humeur
et de pus, il n'y a qu'un seul mot dans le texte. -- Parce qu'alors le
sang, le texte n'est pas aussi explicite. --- Il résiste à la coction
naturelle, même remarque.
§ 15. De plus, malgré
cette liaison apparente, les idées qui suivent ne se rattachent pas très
directement à celles qui précèdent. — Qui sont solubles, évidemment par
l'eau. Voir plus haut, ch. 6, § 12. — Comme le nitre, ceci est une
répétition de ce qui a été déjà dit plus haut, ch. 6, § 12. — L'argile et la
pierre, pour la pierre c'est de toute évidence ; mais pour l'argile, l'eau
la dissout en partie, quand elle est en petite quantité, bien que, dans le sein
de la terre, l'argile retienne les eaux. — S'amollir par le feu, le
texte dit simplement : s'amollir ; j'ai ajouté : par le feu, en me reportant à
ce qui a été dit plus haut, ch. 6, § 8. -- Par exemple l'argile, ceci
semble contredire ce qui a été dit plus haut, ch. 6, § 7.
§ 16. Les contraires
causent les contraires, voir plus haut, ch. 6, § 2 et surtout § 13.
§ 17. Qu'ils se
coagulent... qu'ils ont été coagulés, le texte n'est pas aussi formel. — Les
plus insolubles de tous, soit par l'eau, soit par le feu. L'auteur aurait
bien fait de dési¬ner précisément quelques-uns de ces corps. Les indications
qui suivent sont trop vagues.
§ 18. Se coagulent par le
froid, on se solidifient en se refroidissant, ou se gèlent par l'action du
froid. J'ai préféré conserver l'expression même du texte. — Sort et suinte,
cette expression peut paraître assez singulière appliquée à la chaleur ; mais
le texte va jusqu'à dire que la chaleur dégoutte, c'est-à-dire qu'elle sort
sous forme de gouttelettes. -- Par le froid, qui est produit
relativement au corps par l'air extérieur.
§ 19. Ne dissout pas ces
corps, c'est-à-dire les corps qui, après avoir été amollis par la chaleur,
se sont solidifiés sous l'action du froid. Le texte d'ailleurs n'est pas aussi
formel. Non plus par l'eau, l'eau n'agit pas plus que la chaleur sur ces corps.
Il eût été plus clair de désigner quelques-uns des corps dont on veut parler.
§ 20. Se coagule, ou se
solidifie. — Il a besoin des deux, c'est-à-dire du chaud et du
froid. — A l'eau, j'ai ajouté ces mots pour compléter la pensée. — Ils
sont de terre et d'air, il faut toujours se rappeler le sens exceptionnel
de ces expressions. -- Si l'on en excepte l'ébène, il y a plusieurs bois
encore qui sont plus lourds que l'eau ; mais les anciens, au temps d'Aristote,
ne connaissaient que l'ébène ; ou bien, ils confondaient plusieurs espèces de
bois sous ce nom commun.
§ 21. Plus d'air que
celui-là, ou bien : plus d'air que de terre, comme le veut Alexandre d'Aphro¬disée.
Le texte est tout à fait indéterminé.— Plus de terre, que d'air,
sous-entendu.
§ 22. L'argile, il
faut entendre, ici comme plus haut, l'argile convertie par le feu à l'état de
poterie. --N'est plus que la terre, et ne peut plus être liquéfiée, comme
l'explique Alexandre d'Aphrodisée. — Elle se coagule, ou se solidifie. —
N'a plus les entrées, c'est l'expression même du texte ; c'est-à-dire
que les pores, par où l'air est sorti, lors de la cuisson qui a solidifié
l'argile, sont trop petits pour que l'eau puisse y passer à son tour.
§ 23. La coagulation et
la fusion, c'est-à-dire les deux états solide et liquide, par lesquels
certains corps peuvent passer. Alexandre d'Aphrodisée remarque que l'auteur n'a
pu donné de définitions précises de la coagulation ni de la fusion, et il
essaye de suppléer lui-même ces définitions.
Enumération
des propriétés principales, positives et négatives. --- Nouveaux détails sur la
coagulation et la non-coagulation des corps ; exemples de différents corps
fusibles et infusibles.
§ 1. Il est évident, d'après
les détails qui précèdent, que les corps se forment par le chaud et par le
froid, et que c'est en épaississant, et en coagulant les corps que les éléments
accomplissent leur fonction propre. Mais comme ce sont eux qui produisent tous
les corps et les façonnent, il y a de la chaleur dans tous les corps ; et il
n'y a aussi du froid que dans les corps, en petit nombre, où la chaleur fait
défaut. D'autre part, comme ces éléments sont actifs, tandis que l'humide et le
sec sont simplement passifs, les corps qui sont en partie formés des uns et des
autres participent d'eux tous.
§ 2. C'est donc
d'eau et de terre que sont composés les corps à parties similaires, soit dans
les plantes soit dans les animaux ; et aussi les corps métalliques, comme l'or,
l'argent et tous les corps analogues. ils sont formés de ces deux éléments et
aussi de l'exhalaison qui est renfermée dans tous les deux, ainsi qu'on l'a dit
ailleurs.
§ 3. Ces corps [385a] diffèrent entre eux, d'abord. par les
modifications spéciales qu'ils causent sur nos sens, et parce qu'ils peuvent
tous produire un certain effet sur nous. Ainsi, le blanc, l'odorant, le sonore,
le doux, le chaud, le froid, ne sont ce qu'ils sont que parce qu'ils peuvent
agir d'une certaine façon sur notre sensibilité. Mais les corps diffèrent entre
eux par d'autres modifications plus spéciales qui viennent de ce qu'ils peuvent
éprouver aussi quelque effet, et, par là, j'entends la fusion, la coagulation,
la flexibilité et tant d'autres propriétés du même genre ; car ce sont là des
propriétés toutes passives, tout aussi bien que l'humide et le sec.
§ 4. C'est là ce
qui fait la différence entre l'os et la chair, le nerf et le bois, la feuille
et la pierre, et chacun des autres corps naturels formés de parties similaires.
§ 5. D'abord,
indiquons le nombre des propriétés des corps qui sont dénommés selon qu'ils
peuvent ou ne peuvent pas telle ou telle chose.
§ 6. Voici ces
modifications coagulable, incoagulable ; fusible, infusible ; ductile, non
ductile ; malléable, non malléable ; flexible, non flexible ; amollissable, non
amollissable ; friable, non friable ; cassant, non cassant ; modelable, non
modelable ; compressible, incompressible ; étirable, inétirable ; extensible,
inextensible ; fendable, infendable ; sécable, insécable ; visqueux, sec ;
aplatissable, non aplatissable ; combustible, incombustible ; vaporisable,
invaporisable.
§ 7. C'est par ces
modifications que diffèrent entre eux la plupart des corps. Maintenant,
expliquons quelle propriété ont chacune de ces modifications. Nous avons déjà,
parlé antérieurement, d'une manière générale, de la coagulation et de la
non-coagulation, de la fusion et de la non-fusion ; revenons-y cependant
encore.
§ 8. Tous les corps
qui se coagulent et qui se durcissent éprouvent ce changement, ceux-ci par le
chaud, ceux-là par le froid : par la chaleur, qui dessèche l'humide, et par le
froid, qui chasse la chaleur.
§ 9. Ainsi, les uns
éprouvent cet effet par l'absence de l'humide ; les autres, par l'absence du
chaud. Pour ceux qui sont d'eau, c'est l'absence du chaud ; pour ceux qui sont
de terre, c'est l'absence de l'humide. Les corps qui se coagulent par l'absence
de l'humide sont . dissous par l'humide, pourvu que leur cohésion ne soit pas
telle que les pores qui leur restent ne soient pas plus petits que les globules
de l'eau, comme par exemple l'argile. Les corps qui ne sont pas dans cette
disposition sont dissous par l'humide, comme le nitre, les sels, et la terre
qui vient de la boue.
§ 10. Ceux qui se
coagulent par privation de chaleur sont dissous par la chaleur, comme la glace,
le plomb, l'airain.
§ 11. Voilà donc
quels sont les corps coagulables et fusibles, et [385b] ceux qui ne sont pas fusibles. Sont
incoagulables tous ceux qui n'ont pas d'humidité aqueuse, et qui ne sont pas
d'eau, mais qui ont plus de chaleur et de terre, comme le miel et le vin doux ;
car ils sont en quelque sorte bouillants. Sont aussi non coagulables tous les
corps qui ont bien de l'eau, mais qui toutefois ont plus d'air, comme l'huile,
le vif-argent et les substances visqueuses, telles que la glu et la poix.
Des corps
fusibles ; leurs variétés. Des corps humectables et susceptibles de s'imbiber ;
des corps flexibles et rigides ; des corps fragiles et friables ; des corps
susceptibles do recevoir et de garder des empreintes ; des corps compressibles
et incompressibles. Rôle des pores. Des corps extensibles et ductiles ; des
corps fendables et susceptibles d'être coupés ; des corps combustibles et
incombustibles ; des corps vaporisables. Citation d'Empédocle. Des corps
inflammables et ininflammables. Des diverses vaporisations des corps, selon
leur nature.
§ 1. Parmi les
substances coagulées, on appelle amollissables celles qui ne sont pas d'eau
comme est la glace, car toute glace vient d'eau, mais qui sont plutôt de terre,
et d'où l'humide tout entier n'est pas sorti, comme sont le nitre et les sels,
et enfin qui ne sont pas de composition irrégulière, comme l'argile, mais qui
sont étirables sans être détrempées, qui sont ductiles sans être de l'eau, et
qui sont amollies par le feu, comme le fer, la corne et les bois.
§ 2. Parmi les
choses qui fondent et ne fondent pas, les unes sont humectables ; les autres ne
le sont point, comme l'airain, qui est inhumectable, bien qu'on puisse le
fondre, tandis que la laine et la terre sont humectables, parce qu'elles
s'imbibent. Quant à l'airain, il peut se fondre bien ; mais ce n'est pas par
l'eau qu'il se fond.
§ 3. Parmi les
corps qui se fondent dans l'eau, il y en a aussi quelques-uns qui sont
inhumectables, comme le nitre et les sels ; car il n'y a point de corps
fondable qui ne devienne aussi plus mou en s'imbibant d'eau. Il y a quelques
corps qui, étant humectables, ne sont pas néanmoins fondants, comme ta laine et
les fruits.
§ 4.. On appelle
humectables tous les corps qui, étant de la terre, ont les pores plus grands
que les particules aqueuses, mais qui sont plus dures que l'eau. Sont liquéfiés
par l'eau tous les corps qui sont entièrement percés par elle.
§ 5. Mais comment
se fait-il que la terre soit tout à la fois liquéfiable et humectable par
l'humide ? Et pourquoi le nitre est-il seulement fondu et n'est-il pas humecté
? C'est que dans le nitre les pores traversent de part en part, de sorte que
ses parties sont sur-le-champ divisées par l'eau, tandis que dans la terre les
pores sont tout disjoints et ne se correspondent pas, de telle sorte que, de
quelque façon qu'elle reçoive l'eau, la modification qu'elle subit est
différente.
§ 6. Il y a aussi
des corps qui sont flexibles, et qui sont tout droits, comme le roseau et
l'osier ; et il y a des corps qui ne plient pas, comme l'argile et la pierre.
§ 7. Les corps qui
sont tout à la fois flexibles et droits, sont ceux dont la longueur peut
changer de la ligne circulaire à la ligne droite, et revenir de la ligne droite
à la ligne circulaire. Se fléchir et redevenir droit, c'est changer ou être mu,
selon la ligne droite ou la ligne circulaire ; car ce qui se courbe soit en
haut soit en bas, [386a] n'en est pas moins courbe.
§ 8. Ainsi, le
mouvement, soit en sens convexe, soit en sens concave, est ce qu'on appelle la
flexion, l'étendue de l'objet restant toujours la même ; car si la flexion
s'appliquait aussi à la ligne droite, le corps serait à la fois courbé et droit
; ce qui est impossible ; je veux dire que le droit ne peut pas être courbe.
§ 9. Si tout objet
courbe doit être courbé soit en dedans soit en dehors, et si ces deux courbures
ne sont que des déviations, l'une au concave l'autre au convexe, il n'y a pas
de courbure possible en ligne droite ; mais la courbure et la ligne droite sont
des choses toutes différentes l'une de l'autre. C'est donc là ce qu'on appelle
les corps flexibles ou rigides, non flexibles et non rigides.
§ 10. Il y a des
corps qui sont frangibles et friables, soit l'un ou l'autre, soit tous deux à
la fois. Ainsi, le bois, qui est frangible, n'est pas friable ; la glace et la
pierre sont friables, mais ne sont pas frangibles ; l'argile est à la fois
frangible et friable.
§ 11. Il y a cette
différence cependant que la frangibilité est la séparation et la division de
l'objet en grands morceaux, tandis que la friabilité est la séparation en un
nombre de morceaux quelconque, pourvu que ce soit plus de deux.
§ 12. Tous les
corps donc qui se sont coagulés de telle façon qu'ils aient beaucoup de pores
qui ne se répondent pas entre eux, sont friables ; car les pores sont assez
éloignés pour que cet effet se produise ; mais ceux où les pores sont très
pénétrants sont frangibles ; et ceux qui présentent les deux espèces de
composition ont aussi les deux propriétés.
§ 13. Certains
corps sont capables de garder des empreintes, comme l'airain et la cire ;
d'autres n'en sont pas susceptibles, comme l'argile et l'eau. L'empreinte est
le déplacement partiel de la surface qui se renfonce, soit par une pression,
soit par un coup, et d'une manière générale, par un contact quelconque. Il y a
aussi des corps de ce genre qui sont mous, comme la cire, qui change en partie,
bien que le reste de la surface demeure ce qu'elle est. Il y en a d'autres qui
sont durs, comme l'airain. D'autres ne peuvent pas recevoir d’empreinte, et
sont durs, comme l'argile ; car leur surface ne cède pas en profondeur. Il y en
a d'autres encore qui sont liquides, comme l'eau, et qui cèdent, mais non par
parties, et qui se déplacent tout entiers.
§ 14. Parmi les
corps susceptibles d'empreinte, ceux qui demeurent empreints et sont
impressibles à la simple action de la main, sont ceux qu'on peut modeler. Il y
en a d'autres qui ne sont pas faciles à empreindre, par exemple la pierre et le
bois. Il y en a aussi qu'on empreint aisément, mais où l'impression ne subsiste
pas, comme la laine et l'éponge. Mais à vrai dire ceux-ci ne sont pas
modelables ; ils sont seulement compressibles.
§ 15. On appelle
compressibles tous les corps qui serrés peuvent rentrer sur eux-mêmes, la
surface s'enfonçant en profondeur, sans se diviser, et sans qu'une molécule se
mette à la place d'une autre, comme il arrive pour l'eau qui se déplace tout
entière.
§ 16. La pression
est le mouvement qui, venu du corps moteur, [386b] se produit par le contact ; c'est un coup,
quand ce mouvement est accompagné de translation.
§ 17. On peut
comprimer tous les corps qui ont des pores vides de matières homogènes ; et l'on
appelle compressibles tous les corps qui peuvent rentrer dans leurs propres
vides, ou dans leurs propres pores ; car quelquefois les pores où le corps se
contracte ne sont pas vides, par exemple l'éponge mouillée, dont les pores en
effet sont pleins. Mais ce sont les substances sont les pores sont pleins de
parties plus molles que le corps même qui naturellement entre en eux. C'est
ainsi que l'éponge, la cire, la chair sont compressibles.
§ 18. On appelle
incompressibles les corps qui naturellement ne peuvent pas revenir par pression
dans leurs propres pores, ou parce qu'ils n'en ont pas, ou parce que ces pores
sont pleins de matières plus dures. C'est de cette façon que le fer est
incompressible, ainsi que la pierre, et l'eau, et tout ce qui est liquide.
§ 19. On appelle
extensibles tous les corps dont la surface peut se déplacer obliquement ; car
étendre un corps, c'est faire que la surface, sans cesser d'être continue,
puisse s'allonger vers le corps qui cause le mouvement. C'est ainsi que sont
extensibles les cheveux, le cuir, le nerf, la pâte, la glu, tandis que l'eau et
la pierre sont inextensibles.
§ 20. Il y a des
corps qui sont tout à la fois extensibles et compressibles, et telle est la
laine par exemple. Il y en a qui ne sont pas les deux à la fois, comme le
flegme, qui n'est pas compressible, mais qui est extensible ; tandis que
l'éponge est au contraire compressible ; mais elle ne s'allonge pas.
§ 21. Il y a des
corps qui sont ductiles, comme l'airain ; d'autres qui ne le sont pas, comme la
pierre et le bois. Les corps sont ductiles, quand la surface peut tout à la
fois et du même coup, se déplacer partiellement en largeur et en profondeur.
Ils ne sont pas ductiles quand ils ne peuvent pas subir cet effet.
§ 22. Tous les
corps ductiles, sont susceptibles d'empreinte ; mais tous les corps
susceptibles d'empreintes ne sont pas toujours ductiles, par exemple le bois.
Toutefois, on peut dire d'une manière générale que ces deux qualités sont
réciproques. Parmi les corps compressibles, les uns sont ductiles, les autres
ne le sont pas. La cire et la boue, par exemple, sont ductiles, tandis que la
laine et l'eau ne le sont point.
§ 23. Il y a des corps qui se
fendent, comme le bois ; d'autres, qui ne se fendent pas, comme l'argile.
§ 24. On dit d'une chose qu'elle
peut se fendre, quand elle peut se diviser au-delà du point où l'instrument
divisant la divise ; car elle ne se fend que quand elle est divisée au-delà de
l'espace où l'instrument divisant la divise, et quand la division gagne de
l'avant, effet qui n'a pas lieu dans la coupure. On dit des corps qu'ils ne se
fendent pas, quand ils n'éprouvent pas cet effet.
§ 25. Rien de ce qui est mou
n'est fendable ; j’entends parler des choses qui sont absolument molles par
elles-mêmes, et non de celles qui ne sont molles que relativement à d'autres ;
car en ce dernier sens, le fer lui-même pourrait être considéré comme mou.
Mais, du reste, tous les corps durs ne. sont pas non plus fendables, [387a] et il n'y a que ceux qui ne sont ni
liquides, ni impressibles, ni friables. Ce sont tous les corps qui ont 'des
pores allongés, par lesquels les parties peuvent adhérer naturellement les unes
aux autres, et qui n'ont pas de pores en large.
§ 26. Parmi les corps durs ou
mous, ceux-là sont susceptibles d'être coupés, où la division n'anticipe pas
nécessairement, et qui ne sont pas friables, quand on les divise Ceux qui sont
liquides, ou à peu près liquides, ne peuvent pas être coupés.
§ 27. Il y a des corps qui sont
tout à la fois susceptibles d'être coupés et fendables, comme le bois. Mais le
plus souvent, tout ce qui est fendable, l'est dans .sa longueur ; et ce qui est
susceptible d'être coupé, l'est dans sa largeur. En effet, comme chaque corps
peut avoir une foule de divisions, là où plusieurs longueurs se réunissent en
une seule, le corps est fendable en ce sens ; mais là où plusieurs largeurs se
réunissent en une seule, il est susceptible d'être coupé en ce sens.
§ 28. On dit d'un corps qu'il est
visqueux, lorsque étant humide ou mou il est extensible. Un corps peut devenir
visqueux, par le déplacement de ses parties, quand il est composé d'anneaux,
comme les chaînes ; car les corps peuvent beaucoup s'étendre et se resserrer
beaucoup. Les corps qui ne sont pas visqueux sont secs.
§ 29. On appelle aplatissables
tous les corps qui, étant compressibles, gardent leur compression d'une manière
durable ; non aplatissables, ceux qui sont tout à fait incompressibles, ou qui
ne gardent pas leur compression d'une manière permanente.
§ 30. Il y a des corps qui sont
combustibles ; d'autres, qui sont incombustibles. Ainsi, le bois est
combustible ; la laine et l'os, le sont aussi. Mais la pierre et le glace sont
incombustibles. Sont combustibles tous les corps qui ont des pores capables de
recevoir le feu, et qui ont dans leurs pores, disposés en ligne droite, une
humidité plus faibleque le feu. Ceux au contraire qui n'ont pas d'humidité ou
qui l'ont plus forte que le feu, comme la glace et les végétaux très verts,
sont incombustibles.
§ 31. Sont vaporisables les corps
qui contiennent de l'humidité, mais qui l'ont de telle sorte qu'elle ne peut
pas s'exhaler, à elle toute seule, sans le secours des combustibles ; car la
vapeur n'est que la transformation en air ou en vent, sous l'action de la
chaleur brûlante, de la sécrétion venant de l'humide et étant humide elle-même.
§ 32. Les substances vaporisables
se sécrètent à la longue et se changent en air. Quelques-unes disparaissent
tout à fait en se desséchant ; les autres deviennent de la terre. Mais cette
sécrétion a cela de particulier qu'elle n'humecte pas, et qu'elle ne devient
pas non plus du vent.
§ 33. Le vent est un écoulement
continu de l'air en longueur. La vaporisation est la sécrétion commune du sec
et de l'humide, mêlés ensemble par l'action de la chaleur brûlante. Aussi ne
mouille-t-elle pas ; mais elle colore plutôt les choses qu'elle touche.
§ 34. La vaporisation d'un corps
ligneux [387b] est la fumée. Je comprends aussi dans ce
genre les os, les poils et tout ce qui s'en rapproche ; je les confonds, car
s'il n'y a pas de nom général pour la fumée .de toutes ces choses, cependant
elles sont comprises dans ce même genre, chacune selon leur analogie, comme le
dit aussi Empédocle :
« Les feuilles, les cheveux,
les ailes des oiseaux,
« Les écailles couvrant des
membres colossaux,
« Tout cela se ressemble
"
La vapeur d'un corps gras
s'appelle lignys, et celle d'un corps huileux s'appelle cnisse.
§ 35. Ce qui fait que l'huile ne
bort pas et n'épaissit pas, c'est qu'elle est fumeuse, et qu'elle ne se
vaporise pas. L'eau au contraire n'est pas fumeuse ; mais elle se vaporise. Le
vin aussi, quand il est doux, est fumeux ; car il est gras, et il se comporte
comme l'huile, puisqu'il ne gèle pas par le froid et qu'il ne se brûle pas. On
lui donne le nom de vin ; mais de fait ce n'est pas du vin ; son suc n'est pas
vineux, et voilà comment il ne grise pas. Le vin ordinaire n'a qu'une faible
évaporation ; et c'est ce qui fait qu'il peut produire de la flamme.
§ 36. Il semble que tous les
corps qui se résolvent en cendre sont combustibles. C'est ce qu'éprouvent tous
les corps qui se coagulent, soit par la chaleur, soit tout ensemble par le
chaud et le froid ; car ces corps sont, comme on peut le voir, dominés par le
feu ; mais, parmi les pierres, la pierre à cachets, qu'on appelle spécialement
charbon ou escarboucle, est celle que le feu modifie le moins.
§ 37. Parmi les combustibles, les
uns s'enflamment ; les autres ne s'enflamment pas. Il y a quelques-uns de ces
derniers qui sont susceptibles de faire du charbon. Tous ceux qui peuvent
donner de la flamme sont dits inflammables ; ceux qui ne peuvent pas en donner
sont ininflammables.
§ 38. On appelle inflammables
tous les corps qui, n'étant pas liquides, peuvent cependant se vaporiser. La
poix, l'huile, la cire sont plus inflammables, quand on les mêle avec d'autres
corps, que quand elles sont seules. Les corps qui le sont le plus sont ceux qui
font de la fumée. Parmi ces derniers corps, on appelle charbonneux ceux qui ont
plus de terre que de fumée.
§ 39. Il y a des corps qui, étant
fusibles, ne sont pas inflammables, par exemple l'airain ; et il y en a qui,
étant inflammables, ne sont pas fusibles, comme le bois. Il y en a qui sont
l'un et l'autre, comme l'encens.
§ 40. La cause en est que le bois
a l'humide en quantité considérable et continu dans toutes ses parties, de
manière qu'il est absolument consumé, tandis que l'airain, qui en a bien dans
chacune de ses parties, ne l'y a pas continu ; et l'humide y est en trop petite
quantité pour produire de la flamme. L'encens, au contraire, est composé en
partie d'une façon, et en partie de l'autre.
§ 41. Parmi les corps qui se
vaporisent, ceux-là sont inflammables qui ne sont pas fusibles, parce qu'ils
contiennent trop de terre ; car ces corps ont le sec qui est commun aussi [388a] au feu. Si donc le sec s'échauffe, il
devient du feu. Aussi, la flamme est-elle de l'air, ou de la fumée qui brûle.
§ 42. L'évaporation des bois est
la fumée ; pour la cire, l'encens, et les corps analogues, pour la poix et tous
les corps qui contiennent ou de la poix ou des substances pareilles,
l'évaporation est de la lignys. Quant à l'huile et à tous les corps huileux,
l'évaporation est de la cnisse ainsi que pour tous les corps qui ne peuvent pas
du tout brûler, quand ils sont seuls, parce qu'ils ont peu d'humide, et que
c'est par l'humide que la transformation se fait, mais qui brûlent très vite
quand ils sont mêlés à d'autres substances ; car le gras sec est ce qu'on
appelle onctueux.
§ 43. Les corps humides qui se
vaporisent se rapportent davantage à l'humide (comme l'huile et la poix). Les
corps humides qui brûlent tiennent plus du sec.
Ch. IX, § 1. Parmi les
substances coagulées, ou solidifiées. — Amollissables, je n'ai pas
pu trouver de mot plus convenable dans notre langue. — Qui ne sont pas d'eau,
c'est-à-dire celles qui n'ont pas été d'abord liquides et ne se sont pas
ensuite congelées. -- Car toute glace vient d'eau, cette parenthèse
n'était pas très nécessaire, et peut-être n'est-elle qu'une interpolation. -- Le
nitre et les sels, Voir plus haut, ch. 7, § 10. — De composition
irrégulière comme l'argile, la pensée est obscure quoique les mots ne le
soient pas ; c'est qu'elle n'est pas assez développée. Alexandre donne de ce
passage deux explications aussi peu satisfaisantes l'une que l'autre : « ou
l'argile a une humidité irrégulière ; » ou bien : " l'argile a les pores
irréguliers, parce qu'ils ne sont pas en ligne droite. » Ma traduction est
indécise comme le texte, qui évidemment n'était pas plus clair pour les
commentateurs grecs que pour nous. — Sans être de l'eau, il y a des
manuscrits qui ne donnent pas ces mots ; ils ne semblent pas en effet
s'accorder très bien avec la suite des pensées. Plusieurs commentateurs ont
proposé de les retrancher ; mais je les garde, parce qu'Alexandre d'Aphrodisée
les a, et qu'ils ne paraissent pu faire la moindre difficulté pour lui. -- Et
les bois, il s'agit sans doute ici des bois que l'on courbe à l'aide du
feu.
§ 2. Qui fondent et ne
fondent pas, c'est la seconde classe des propriétés diverses des corps dont
il a été parlé plus haut, ch. 8, § 6. — Inhumectable, j'ai forgé le mot
pour rendre l'opposition plus sensible. -- La laine et la terre, la
laine ne reçoit pu l'eau comme la terre, et l'exemple n'est pas bien choisi.
§ 3. Comme le nitre et
les sels, il semble encore que l'exemple n'est pas ici très bien choisi. Le
sel se dissout en effet dans l'eau ; mais la terre s'y dissout aussi, quoique
moins complètement, et il ne paraît pas qu'elle soit plus humectable que lui. —
La laine et les fruits, on ne comprend pas bien non plus que la laine et
les fruits puissent être réunis à ce point de vue. Les fruits sont en général
humides et juteux ; ils ne sont pas fondants pour cela ; mais on ne peut pas
dire qu'ils ne sont pas humectables. Peut-être aussi n'ai-je pas bien saisi la
nuance du texte, quoique les mots ne prêtent ici à aucune obscurité.
§ 4. On appelle
humectables, cette définition de ce que l'auteur entend par humectable, ne
rend pas sa pensée beaucoup plus claire. Peut-être le serait-elle davantage en
substituant le mot de spongieux à celui d'humectable. -- Qui étant de terre,
le mot de Terre est pris ici dans l'acception générale et vague que j'ai déjà
signalée. -- Qui sont plus durs que l'eau, l'eau alors pénètre dans le
corps qu'elle imbibe ; mais elle ne le dissout pas. — Qui sont entièrement
percés par elle, ou : " Qui ont des pores dans toute leur étendue. »
§ 5. Soit tout à la fois
liquéfiable et humectable, Alexandre répond que cette différence d'état
tient à la différence même des espèces de terre, selon que les pores sont plus
ou moins réguliers ou irréguliers. Les pores traversent de part en part, et
qu'alors l'eau peut pénétrer dans toutes les parties du corps, pour le
dissoudre et lé liquéfier. — Tout disjoints et ne se correspondent pas,
il n'y a qu'un seul mot dans le texte. — Est différente, de celle que
subit le nitre.
§ 6. Qui sont flexibles,
le texte ne suit pas tout à fait ici l'ordre indiqué plus haut, ch. 8, § 6.
§ 7. Flexibles et droits,
il serait plus exact de dire : «Qui tout à la fois peuvent se fléchir et se
redresser. » - -Dont le longueur, c'est la tournure même dont se sert le
texte. -- Soit en haut soit en bas, cette différence ne résulte que de
la position différente des mains de celui qui tient le corps.
§ 8. Si la flexion
s'appliquait à la ligne droite, il y a contradiction dans les mots
eux-mêmes. -- Le droit ne peut pas être courbe, il semble que ceci est
par trop évident et qu'il n'y avait guère besoin de le dire.
§ 9. Il n'y a pas de
courbure possible en ligne droite, même remarque. Ceci d'ailleurs ne fait
guère que répéter ce qui vient d'être dit au § précédent. -- Flexibles ou
rigides, ou peut-être : droits au lieu de rigides.
§ 10. Frangibles et
friables, Voir plus haut, ch. 8, § 6. -- Ainsi le bois, cet exemple est
bien choisi. — Ne sont pas frangibles, ce serait plutôt : fragiles ;
mais soit frangibles, soit fragiles, il ne semble pas que cet exemple soit
exact. Il faudrait donc peut-être lire : " La glace et la pierre sont à la
fois friables et frangibles ; » mais cette leçon n'est autorisée par aucun
manuscrit. -- L'argile, une fois qu'elle a été cuite et convertie, par
exemple, en poterie.
§ 11. En grands morceaux,
ceci est assez exact. -- En un nombre de morceaux quelconque, ceci ne
l'est pas autant ; et il aurait mieux valu dire : " En morceaux très
ténus. » -- Pourvu que ce soit plus de deux, ceci est encore moins exact
; mais c'est peut-être une simple glose.
§ 12. Se sont coagulés,
ou solidifiés. — Pour que cet effet se produise, le texte n'est pas tout
à fait aussi formel. -- Les deux espères de composition, même remarque.
-- Les deux propriétés, d'être frangible et d'être friable.
§ 13. Comme l'airain et
la cire, le fait est exact dans sa généralité ; mais cependant il y a
grande différence entre les deux corps ; et pour faire une empreinte sur l'un
ou sur l'autre, les moyens qu'on doit employer ne se ressemblent pas. -- L'argile
et l'eau, ici encore les exemples semblent assez mal choisis. L'argile, à
moins qu'elle ne soit presque liquide, garde fort bien les empreintes ; et
l'eau ne les garde jamais. En se cuisant, l'argile ne conserve pas moins bien
les empreintes qu'on y peut faire. Alexandre d'Aphrodisée ne fait aucune
remarque sur ce point, qui ne paraît pas lui causer le moindre embarras. Ou
bien peut-être l'auteur veut-il dire que l'argile cuite ne se raie pas facilement
; mais il en est aussi de même de l'airain ; et l'on ne voit pas davantage
comment on peut à cet égard les opposer l'un à l'autre. Il est vrai que
l'argile se casse, si elle est trop violemment frappée.— L'empreinte, ce
serait plutôt ici : La dépression. --- Par un contact quelconque, plus
ou moins pressant ; c'est toujours une contusion. Le texte, d'ailleurs, n'est
pas aussi précis que ma traduction. De ce genre, c'est-à-dire qui
peuvent recevoir des empreintes, et s'affaisser sous le coup qu'ils reçoivent.
— Qui sont durs comme l'airain, et qui n'en fléchissent pas moins sous
les contusions. Comme l'argile, c'est trop dire, et l'argile cuite peut bien
recevoir aussi des contusions qui la marquent sans la briser. — Ne cède pas
en profondeur, ceci n'est pas très exact ; et sans fléchir beaucoup,
cependant l'argile cède aussi avant de se camer. -- Non par parties,
cela tient à l'incompressibilité des liquides, que les anciens ne connaissaient
pas sous ce nom précisément, mais qu'ils n'ignoraient pas non plus tout à fait,
comme le prouve l'observation consignée dans le texte. Voir aussi plus bas, §
15 et § 18.
§ 14 Qu'on peut modeler,
comme l'argile avant d'être cuite. — Faciles à empreindre, j'ai voulu
conserver l'analogie verbale qui est dans le texte. -- Comme la laine et
l'éponge, exemples bien choisis. — Modelables, Voir plus haut, ch.
8, § 6.
§ 15. Qui serrés peuvent
rentrer sur eux-mêmes, cette définition est très exacte. — Une molécule,
le texte dit précisément : Une partie. --L'eau qui se déplace tout entière
Voir plus haut, § 13.
§ 16. La pression est le
mouvement, cette définition est aussi fort exacte. — Se produit par le
contact, ce qui distingue la pression du coup, c'est qu'il n'y a point de
déplacement pour la pression. — De translation, c'est-à-dire d'un
certain dé. placement dans l'espace.
§ 17. Vides de matières
homogènes, le texte dit précisément : « Vides d'un corps homogène. »
Homogène s'entend d'une matière homogène à celle du reste du corps. — Ou
dans leurs propres pores, c'est-à-dire re¬venir à l'état qu'ils avaient
avant d'être comprimés. — Le corps même, par exemple, les pores de
l'éponge sont pleins d'air ; et l'air est plus mou que l'eau, qui le remplace
dans les pores où elle entre. — L'éponge, la cire, la chair, ces trois
corps sont de nature trop différente pour qu'on puisse ainsi les réunir entre
eux ; et les modifications qu'ils offrent sous la pression d'un agent
quelconque ne se ressemblent pas.
§ 18. Incompressibles..,
par pression, le texte grec ne présente pas cette analogie ; et les deux
mots, dont il se sert, sont différents par l'étymologie ; notre langue ne m'a
pas offert la même ressource. ---Et l'eau, Voir plus haut, § § 13 et 15.
§ 19. Peut se déplacer
obliquement, ce dernier mot veut dire ici simplement : « soit en longueur,
soit en largeur, » en excluant la profondeur. Voir la même expression plus
haut, livre 1, ch. 4, § 12. -- Vers le corps qui cause le mouvement, par
exemple la main qui tire le corps élastique et l'allonge vers elle. — La
pâte « de farine, » sous-entendu. — Au lieu d'extensibles, on
pourrait employer aussi le terme d'élastiques.
§ 20. Le phlegme, il
est difficile de savoir ce que l'auteur veut précisément désigner par ce mot ;
mais c'est évidemment quelqu'une des sécrétions du corps humain. — Qui n'est
pas compressible, en tant que liquide. — Mais elle ne s'allonge pas,
ceci n'est peut-être pas fort exact.
§ 21. Comme l'airain,
l'auteur cite sans doute ce métal composé, comme étant celui que les anciens
employaient le plus et connaissaient le mieux. -- Les corps sont ductiles,
cette définition est acceptable. -- Partiellement, c'est-à-dire la
partie où porte l'instrument avec lequel on frappe. -- Ils ne peuvent pas
subir cet effet, le texte n'est pas tout à fait aussi formel.
§ 22. Sont susceptibles
d'empreinte, Voir plus haut, §§ 13 et 14. — Par exemple le bois,
Voir plus haut, § i4, où il a été dit que le bois n'était pas très facile à
empreindre. -- Sont réciproques, c'est-à-dire que l'un est généralement
accompagné de l'autre. -- La laine et l'eau ne le sont point, ce passage
a l'air d'impliquer que l'eau pourrait être compressible ; ce qui a été nié
formellement plus haut, § 18. Peut-être faut-il supprimer ces mots : « et
l'eau. »
§ 23. Comme le bois,
en effet, le bois est le corps où cette propriété est la plus visible et la
plus ordinaire, bien que tous les bois ne se fendent pas. — Comme l'argile,
qui ne se fend précisément sous aucune forme, ni sous sa forme naturelle, ni
sous la forme que lui donne l'industrie de l'homme.
§ 24. Qu'elle peut se
fendre, la définition est exacte. -- Au-delà du point, c'est la
condition essentielle pour qu'on puisse dire d'une chose qu'elle peut se
fendre. -- Car elle ne se fend, répétition peu utile. -- Dans la
coupure, c'est en effet la différence qui existe entre les deux. phénomènes
de couper et de fendre ; mais les deux propriétés peuvent se rencontrer à la
fois dans un même corps. Le bois, par exemple, peut être en général tout à la
fois coupé et fendu. Voir plus bas, § 27.
§ 25. Rien de ce qui est
mou, c'est une assertion trop absolue ; et l'auteur la modifie lui-même
dans ce qui suit. -- Absolument molles par elles-mêmes, il est bien
difficile de spécifier les choses qui sont molles de cette façon ; mais
peut-être l'auteur ne veut-il désigner par là que les liquides. — Le fer
lui-même, relativement à d'autres corps plus durs, par exemple le diamant ;
ou peut-être le fer pourrait-il être considéré comme mou, parce qu'il fond sous
l'action du feu. -- Tous les corps durs, le fait est exact. — lmpressibles,
Voir plus haut, §§ 13 et 14. -- Des pores allongés, il serait mieux de
dire des fibres plutôt que des pores ; mais l'explication n'en est pas moins
ingénieuse.
§ 26. Susceptibles d'être
coupés, ou sécables, Voir plus haut, ch. 8, § 6. — N'anticipe pas
nécessairement, Voir plus haut, § 24. — Ou à peu près liquides, le
texte n'est pas tout à fait aussi précis.
§ 27. Tout à la fois
susceptibles d'être coupés, Voir la note du § 24. -- Dans sa longueur
dans sa largeur, il aurait mieux valu dire que les choses ne peuvent pas
être fendues dans tous les sens. La longueur et la largeur ne dépendent que de
la forme du corps et non de sa nature.— Là ou plusieurs longueurs se
réunissent en une seule, c'est-à-dire là où les fibres diverses se touchent
dans le sens de leur longueur. -- Plusieurs largeurs se réunissent en une
seule, la largeur étant considérée comme une simple ligne, on conçoit qu'il
en faut plusieurs pour que le corps puisse être divisé ; mais l'expression n'en
a pas moins quelque chose d'étrange.
§ 28. Qu'il est visqueux,
les détails qui suivent prouvent qu'il s'agit des corps élastiques, plutôt
encore que des corps visqueux ; mais je n'ai pu changer l'expression du texte ;
et il est possible que la langue grecque n'eût pas un mot spécial pour rendre
cette idée d'élasticité. — Humide ou mou, ceci se rapporte bien à l'idée
de viscosité ; mais tous les corps visqueux ne sont pas élastiques. — Par le
déplacement de ses parties, le texte n'est pas aussi formel.— Quand il
est composé d'anneaux, même remarque. — Comme les chaînes, le terme
dont se sert ici le texte n'est pas très clair, et Alexandre d'Aphrodisée ne
l'explique pas. — Sont secs, je n'ai pas trouvé de meilleur équivalent
eu notre langue ; peut-être eût-il fallu dire : non glus, ou non tenaces.
§ 29. Aplatissables,
Voir plus haut, ch. 8, § 6. — Non-aplatissables, j'ai dû composer ce mot
pour bien conserver l'opposition des termes grecs. — Incompressibles,
Voir plus haut, § 15.
§ 30. Combustibles,
Voir plus haut, ch. 8, § 6.— La pierre et la glace, les deux exemples ne
devraient peut-être pas être réunis. L'auteur veut dire sans doute que la
pierre ne flambe pas, et en ce sens elle est comme la glace ; mais il y a de la
pierre, comme la houille, qui brûle et jette de la flamme. De plus, la pierre
en général peut se cuire ; et la glace ne fait que fondre sous l'action du feu.
— Capables de recevoir le feu, ou en d'autres termes : «la chaleur. » — Disposés
en ligne droite, cette condition ne paraît pas indispensable. -- Une
humidité plus faible que le feu, c'est-à-dire incapable de résister à la
chaleur, et que la chaleur peut absorber tout entière. — Plus forte que le
feu, c'est-à-dire en trop grande quantité pour que le feu l'absorbe
entièrement. -- Et les végétaux très verts, le texte n'est pas aussi
précis.
§ 31. Sont vaporisables,
voir plus haut, ch. 8, § 6. -- Vaporisables... la vapeur, le texte se
sert ici de mots différents ; je n'ai pas pu rendre cette opposition dans notre
langue. — En air ou en vent, le texte a ces deux mots ; le second
signifie souffle aussi bien que vent. -- De la chaleur brûlante,
c'est-à-dire causée par un combustible en ignition. — Et étant humide
elle-même le texte n'est pas tout à fait aussi précis ; peut-être aussi
faudrait-il traduire : « et pouvant elle-même humecter. »
§ 32. Se sécrètent.... et
se changent, il n'y a qu'un seul mot dans le texte. — Quelques-unes
disparaissent, il eût été bon de désigner spécialement ces substances. — Deviennent
de la terre, c'est-à-dire qu'elles laissent en se vaporisant un certain
résidu solide. — Cette sécrétion, qui se produit par la vaporisation de
certaines substances. — Qu'elle n'humecte pas, comme la vapeur venue de
l'eau bouillante, par exemple. — Du vent, c'est-à-dire qu'elle n'agite
pas l'air de manière qu'elle soit sensible.
§ 33. En longueur,
sans parler de l'épaisseur. Il semble en effet que le vent est une simple
ligne, bien que l'air soit agité par lui dans une assez vaste étendue et dans
une couche assez épaisse. — La sécrétion commune du sec et de l'humide,
de manière que la substance entière du corps finisse par disparaître. — Elle
colore plutôt, il y a en effet une foule de vapeurs qui altèrent la couleur
des objets.
§ 34. Je comprends aussi
dans ce genre les os, c'est-à-dire que les os, les poils, etc., font de la
fumée, comme en fait le bois quand il brûle. — Pour la fumée de toutes ces
choses, le texte n'est pas tout à fait aussi explicite. -- Comme le dit
aussi Empédocle, Voir les Fragments d'Empédocle, p. 6, vers 216, édit. de
Firmin Didot. M. Ideler a voulu voir une contradiction entre la pensée prêtée
ici à Empédocle et la citation qui se trouve dans le Traité de l'âme, livre II,
ch. 4, § 7, p.191 de ma traduction. Il me semble que ces deux passages peuvent
très bien s'accorder, au lieu de se contredire.- Lignys disse, j'ai
conservé les deux mots grecs, parce que notre langue ne m'offrait pour les
remplacer que le mot de suie. Nous n'avons pas distingué par des noms spéciaux
ces divers genres de fumée. Voir plus loin, § 42.
§ 35. Et n'épaissit pas,
l'auteur a dit le contraire plus haut, ch. 7, § 2. — Elle est fumeuse,
la distinction est difficile à saisir ; et notre langue ne m'a pas offert
d'expression plus exacte. — Elle ne se vaporise pas, comme l'eau qui est
absorbée usez vite tout entière par l'évaporation. — Quand il est doux,
c'est-à-dire, qu'il n'a pas encore fermenté. — Est fumeux, il est difficile de
savoir à quel phénomène réel ceci se rapporte. Il est gras, ou plutôt : "
onctueux. » — Ne se brûle pas, on ne voit pas non plus ici à quel
phénomène ceci peut s'appliquer bien exactement. — Il ne grise pas, il
semble que c'est le contraire. Mais l'auteur veut dire seulement sans doute que
le vin doux n'enivre pas autant que le vin fermenté. — Le vin ordinaire,
c'est-à-dire le vin qui a fermenté.— Une faible évaporation, ou
«Exhalaison.» — Il peut produire de la flamme, quand on le jette sur un feu
déjà tout allumé. Pour les anciens, ce phénomène se présentait très souvent
dans les libations des sacrifices. ll n'est pas probable que l'auteur veuille
ici parler de l'alcool.
§ 36. Sont combustibles,
un peu plus haut, § 30, l'auteur a déjà traité des corps combustibles ; il y
revient ici ; et les détails intéressants qu'il donne eussent été plus
régulièrement placés avec les précédents. -- Qui se coagulent, ou « se
solidifient. » — Ces corps, on pourrait entendre aussi qu'il s'agit du
froid et du chaud, dominés par le feu. -- Dominés par le feu, on ne
conçoit pas bien que le feu domine la chaleur que lui-même produit. Mais
l'auteur veut parler sans doute de cette chaleur antérieure qui a fait passer
les corps à l'état solide, et qui les y maintient bien qu'elle soit à l'état
latent. — La pierre à cachets, c'est la traduction du mot grec. -- Charbon,
peut-être aurais-je dû garder le mot même d'Anthrax, qui est dans le texte. Pour
plus de clarté, j'ai ajouté : « ou escarboucle. »
§ 37. Les uns
s'enflamment,la distinction est très exacte. — De faire du charbon,
ou " de devenir des charbons. » Ce sont surtout les bois. — Flamme....
inflammables, la tautologie est dans le texte.
§ 38. Peuvent cependant
se vaporiser, c'est-à-dire se consumer sans laisser de cendre. -- Quand
on les mêle, le texte n'est pas tout à fait aussi formel. — Charbonneux,
ou « capables de produire du charbon, » de se convertir en charbon. -- Plus
de terre, il faut toujours se rappeler l'acception générale et vague du mot
de Terre dans les théories des anciens. Voir plus haut, ch. 8, § 9.
§ 39. Qui étant fusibles,
Voir plus haut, § 2. — L'airain, dont les anciens faisaient, à ce qu'il
semble, plus d'usage que de tous les autres métaux. — Comme l'encens,
qu'on avait connu davantage après les expéditions d'Alexandre, ainsi que le
remarque M. Ideler.
§ 40. La cause en est,
cette explication est évidemment bizarre et inexacte ; mais dans les théories
des anciens, on supposait toujours que c'était l'humidité qui alimentait le
feu. --- Et continu dans toutes ses parties, parce qu'on suppose aussi
que les pores du bois sont disposés en ligne droite, et qu'ils se
correspondent. Voir plus haut, § § 27 et 30. -- Qui en a bien dans chacune
de ses parties, il est assez étrange que l'airain contienne de l'humidité
entre ses pores ; mais c'est une exigence logique de la théorie de la
combustion, telle que l'auteur semble la concevoir. — Pour produire de la
flamme, mais en assez grande quantité, cependant, pour que le métal se
fonde. — En partie d'une façon, ceci n'est pas très clair ; mais je n'ai
pas voulu préciser davantage, de peur de trop m'écarter de la pensée de
l'auteur.
§ 41. Parmi les corps qui
se vaporisent, ce passage eût été plus clair, si l'auteur avait cité
spécialement quelques-uns de ces corps. — Trop de terre, Voir plus haut
la note du § 38 et passim. — Est de l'air, le texte dit positivement : «
un souffle. »
§ 42. L'évaporation des
bois, Voir plus haut, § 34. — De la lignys.... de la cnisse,voir
plus haut la note du § 34, où j'ai dit pourquoi je croyais devoir conserver les
deux mots grecs. — Et c'est par l'humide que la transformation se fait,
cette phrase pourrait bien n'être qu'une interpolation ; et il y a des éditeurs
qui l'ont omise. — Onctueux, je n'ai pas trouvé d'équivalent meilleur.
§ 43. Qui se vaporisent,
il semble qu'il s'agisse ici de liquides combustibles. — (Comme l'huile et
la poix), ces mots, que j'ai mis entre parenthèses, ne semblent pas avoir été
dans le texte au temps d'Alexandre d'Aphrodisée. Plusieurs éditeurs les ont
supprimés, comme étant une interpolation peu intelligente. En tout cas, il
faudrait comprendre qu'il s'agit de la poix rendue liquide par l'action du feu
diffèrent, la tautologie est dans le texte. — Les corps homogènes, cette
expression est expliquée au § suivant. -- Ainsi que nous l'avons dit,
Voir plus haut, ch. 8, §§ 2, 3 et 4. — Par l'odeur et le goût, Voir le
Traite de la sensation et des choses sensibles, ch. 4, § 2, p. 48 de ma
traduction.
Leur
composition ; ils sont formés de terre et d'eau ; variétés des combinaisons de
ces deux éléments. Action du froid et de la chaleur sur les différents composés
; exemples nombreux de corps diversement formés.
§ 1. C'est par ces
propriétés et par ces différences que les corps homogènes diffèrent les uns des
autres, ainsi que nous l'avons dit, soit au toucher, soit aussi par l'odeur, le
goût et la couleur.
§ 2. J'entends par
corps homogènes les corps métalloïdes, comme l'or, l'airain, l'argent, le
plomb, le fer, la pierre, et les autres corps de ce genre, et même tous les
corps qui ont la sécrétion de ceux-là. J'entends aussi par corps homogènes les
éléments qui sont dans les plantes et les animaux, la chair, les os, le nerf,
la peau, le viscère, les poils, les muscles, les veines. C'est de ces éléments
que se composent les parties non homogènes, comme le visage, la main, le pied
et plusieurs autres organes du même genre ; et dans les plantes, le bois, la
feuille, la racine et toutes les parties analogues à celles-là.
§ 3. Comme ces
corps homogènes sont formés par l'action d'une autre cause, mais comme la
substance d'où ils viennent est, en tant que matière, le sec et l'humide,
c'est-à-dire l'eau et la terre, les deux éléments dont les corps portent le
plus évidemment la puissante empreinte ; et comme les éléments actifs qui font
ces corps homogènes sont le chaud et le froid, puisque c'est avec le sec et
l'humide que le froid et le chaud constituent et coagulent les corps, il nous
faut étudier, parmi les corps homogènes et les parties similaires, quelles sont
les espèces qui sont de terre, quelles sont celles qui sont d'eau, et quelles
sont celles qui participent de toutes deux.
§ 4. Parmi les
corps qui ont été formés par la nature, les uns sont humides ; les antres sont
mous ; les autres sont durs On a dit antérieurement quels sont, parmi ces
corps, ceux qui sont mous ou durs par la coagulation.
§ 5. Parmi les
corps humides, ceux qui se vaporisent sont d'eau ; ceux qui ne se vaporisent pas
sont de terre, ou à la fois de terre et d'eau, comme le lait ; ou de terre et
d'air, comme le bois ; ou enfin d'eau et d'air, comme l'huile.
§ 6. Tous les corps
qui sont épaissis par la chaleur sont à la fois de terre et d'eau. On peut
avoir quelques doutes pour le vin, parmi les corps humides ; [388b] car il peut tout à la fois se vaporiser, et
pourtant il s'épaissit, témoin le vin nouveau.
§ 7. Cela tient à
ce que le vin n'a pas une espèce unique, et qu'il varie beaucoup selon les
espèces diverses ; car le vin nouveau a plus de terre que le vin vieux. Aussi,
s'épaissit-il bien davantage par la chaleur, et gèle-t-il moins par le froid,
parce qu'il contient beaucoup de chaleur et de terre. C'est ainsi qu'en
Arcadie, il se dessèche tellement par la fumée, dans les outres où il est
renfermé, qu'il faut le racler pour le boire. Mais si toute espèce de vin a de
la lie, il est à la fois des deux éléments, de la terre et de l'eau, selon
qu'il contient de la lie en plus ou moins grande quantité.
§ 8. Tous les corps
qui s'épaississent par le froid sont de la terre ; tous ceux qui s'épaississent
par le froid et la chaleur sont composés aussi de plusieurs éléments, comme
l'huile, le miel et le vin doux.
§ 9. Parmi les corps solides,
ceux qui se coagulent par le froid sont de l'eau, comme la glace, la neige, la
grêle, le givre. Ceux qui se coagulent par la chaleur sont de la terre, comme
l'argile, la crème, le nitre, les sels. Les corps qui se coagulent par les deux
sont les deux ensemble. Ce sont tous les corps coagulés par le refroidissement
; et ces corps sont aussi ceux qui se coagulent par la privation des deux,
c'est-à-dire la privation du chaud et celle de l'humide, sortant à la fois par
l'action de la chaleur. Les sels en effet se coagulent par la seule privation
de l'humide, ainsi que toutes les espèces de terre épurées. Mais la glace ne se
coagule que par la seule privation de la chaleur. Aussi, les corps sont
coagulés par les deux, et ils contiennent ces deux éléments.
§ 10. Les corps d'où l'humidité
tout entière est sortie, sont de terre, comme l'argile ou l'ambre. Ainsi,
l'ambre et les corps qui se distillent en larmes viennent de refroidissement,
par exemple, la myrrhe, l'encens, la gomme.
§ 11. L'ambre paraît aussi de
cette famille ; car il se coagule ; et de là vient qu'on y voit souvent des
animaux qui s'y sont trouvés enveloppés. La chaleur, sortant par l'action de
l'eau du fleuve, comme elle sort du miel bouillant, quand on le jette dans de
l'eau, fait vaporiser l'humide de l'ambre. Tous les corps qu'on vient de nommer
sont de la terre.
§ 12. Parmi ces corps, il y en a
qui ne peuvent ni se fondre ni s'amollir, comme l'ambre ou certaines pierres,
par exemple, les stalactites que l'on trouve dans les cavernes ; car ces
stalactites se forment comme les pierres, non pas parce que la chaleur en sort
sous l'action du feu, mais sous l'action du froid ; alors l'humide en sort en
même temps, par la chaleur même qui en sort, tandis que dans les autres corps
cet effet ne se produit que par le feu extérieur. Les corps qui ne sont pas
desséchés tout entiers sont plutôt de la terre que de l'eau ; mais ils sont
fusibles, comme le fer et la corne. Quant à l'encens et aux corps analogues, il
se vaporise à peu près comme les bois.
§ 13. Comme il faut mettre au
rang des corps liquéfiables, tous ceux qui se liquéfient et se fondent par le
feu, il faut considérer ces corps plutôt comme aqueux. Il y en a quelques-uns
aussi [389a] qui participent des deux, de l'eau et de la
terre, comme la cire. Ceux qui sont dissous par l'eau sont de la terre ; ceux
qui ne le sont ni par le feu, ni par l'eau, sont de la terre ou un mélange des
deux.
§ 14. Si donc tous les corps sans
exception sont humides ou solides, et s'il faut y comprendre les corps qui
présentent les propriétés que nous avons dites, sans parler des propriétés
intermédiaires, tous les caractères indiqués par nous feront reconnaître si les
corps sont de terre ou d'eau ou composés de plusieurs éléments, et si c'est par
le feu qu'ils se sont solidifiés, ou par le froid, ou par tous les deux
ensemble.
§ 15. L'or, l'argent, le cuivre,
le plomb, l'étain, le verre, et beaucoup de pierres qui n'ont pas de nom
contiennent de l'eau ; car toutes ces substances fondent par la chaleur.
Quelques vins aussi, puis l'urine, le vinaigre, la lessive, le petit-lait, et
le pus, sont de l'eau, puisque tous ces corps se congèlent par le froid.
§ 16. Le fer, la corne, l'ongle,
l'os, le nerf, le bois, les cheveux, les feuilles, l'écorce, sont plutôt de la
terre.
§ 17. L'ambre, la myrrhe, l'encens
et tous ces corps qu'on appelle des larmes, la pierre de tuf, et les fruits
tels que les légumes et le blé, tous ces corps sont aussi de la terre, quoique
les uns le soient plus, et les autres moins. Les uns peuvent mollir, d'autres
se vaporiser, et être produits par le refroidissement.
§ 18. Le nitre, les sels, et
certaines espèces de pierres qui ne viennent pas de refroidissement, et qui ne
sont pas fusibles, sont également de la terre. Le sang et le sperme sont à la
fois, de terre, d'eau et d'air. Le sang qui a plus de fibres a plus de terre ;
aussi se gèle-t-il par le froid, et se fond-il par l'humide. Les sangs qui
n'ont pas de fibres sont d'eau ; aussi ne se coagulent-ils pas. Le sperme se
gèle par le froid, parce que l'humide en sort avec la chaleur.
Selon qu'ils
sont formés de terre ou d'eau ; action de la chaleur étrangère ; froideur
naturelle de la matière ; capacité différente des corps pour la chaleur.
§ 1. D'après ce qu'on vient de
dire, il faut poursuivre l'examen des corps, et indiquer quels sont ceux qui,
parmi les solides ou les liquides, sont chauds ou froids.
§ 2. Ceux donc qui sont d'eau,
sont froids en général, s'ils n'ont pas une chaleur étrangère, comme la
lessive, l'urine, le vin. Ceux qui sont de terre, en général sont chauds, par
suite de l'action de la chaleur qui les a formés, comme la chaux et la cendre.
§ 3. Il faut supposer que la
matière est une sorte de froid ; car, comme le sec et l'humide sont de la
matière, puisque ce sont des éléments passifs, comme aussi les corps de ces
éléments sont principalement de la terre et de l'eau, et, comme la terre et
l'eau sont caractérisées par la froideur, il en résulte évidemment que tous les
corps qui sont absolument d'un seul de [389b] ces deux éléments, sont plutôt froids, s'ils
ne reçoivent pas une chaleur étrangère, comme en reçoit l'eau qui bout, ou
celle qui est échauffée en filtrant dans les cendres, cette eau tirant alors sa
chaleur des cendres qu'elle a traversées, attendu que, dans tous les corps qui
ont été soumis au feu, il reste toujours de la chaleur en plus ou moins grande
quantité.
§ 4. C'est pour cela aussi qu'il
se forme des animaux dans les substances qui pourrissent ; car il se produit
alors dans ces substances une chaleur qui détruit la chaleur particulière de
chacune d'elles.
§ 5. Les corps qui sont tout à
la fois de terre et d'eau, ont de la chaleur ; car ils se sont presque tous
formés par la chaleur qui les a cuits. Il y a de ces corps qui ne sont que de
la pourriture, comme les corps qui se décomposent en se liquéfiant. Ainsi, tant
qu'ils gardent leur nature propre, ils sont chauds, comme le sang, le sperme,
la moelle, l'humeur, et tous les corps analogues. Mais quand ils sont
corrompus, et qu'ils sortent de leur nature, ils ne sont plus chauds ; car il
ne leur reste plus que la matière, qui est terre ou eau.
§ 6. Voilà pourquoi on a pu bien
souvent les prendre pour l'une ou pour l'autre. Les uns ont prétendu que ces
corps sont chauds ; d'autres ont soutenu qu'ils sont froids, en les voyant
chauds tant qu'ils restent dans leur nature, et coagulés quand ils en sortent.
§ 7. Il en est donc comme on
vient de le dire ; mais cependant, ainsi qu'on l'a expliqué, les corps dans
lesquels la matière est surtout de l'eau, sont froids ; car c'est l'eau qui est
la plus opposée au feu ; mais ceux où dominent la terre ou l'air, sont plus
chauds.
§ 8. Il est possible, du reste,
quelquefois, que les mêmes corps soient très froids et qu'ils deviennent très
chauds par l'action d'une chaleur étrangère ; car ceux qui se resserrent le
plus, et qui sont les plus solides, sont en même temps les plus froids, s'ils
sont privés de chaleur ; et sont les plus brûlants, si on les met au feu, comme
l'eau qui brûle plus que la fumée, et la pierre plus que l'eau.
Elles viennent
des éléments et de leurs combinaisons proportionnelles. Rapports de l'organisme
aux fonctions. — De la composition des corps non homogènes ; cette composition
répond toujours à une certaine fin, soit dans la nature, soit dans l'art. — Fin
de la Météorologie ; Indication de traités de zoologie et de botanique.
§ 1. Après ces
développements généraux, il faut en venir aux détails, et expliquer en
particulier ce que sont la chair, l'os, et tous les autres corps à parties
homogènes ; car nous connaissons maintenant de quels éléments se compose la
nature de ces corps homogènes, quelles sont leurs espèces, et à quelle espèce
se rapporte chacun d'eux, selon son origine.
§ 2. Les corps à
parties homogènes viennent donc des éléments, et c'est d'eux, comme matière,
que sortent toutes les œuvres de la nature. Ainsi, tous les êtres naturels
viennent des éléments qu'on a indiqués, comme de leur matière ; mais, quant à
leur essence, elle découle de leur définition.
§ 3. C'est ce qu'on
voit de plus en plus évidemment à mesure qu'on s'élève dans l'ordre des choses,
et, en général, quand on observe celles qui sont des instruments, et qui sont
employées en vue de quelque fin. Si, en effet, il est évident, par exemple, que
le cadavre ne peut être appelé un homme que par simple homonymie, il ne l'est
plus autant tout à fait que la main de ce mort n'est une main que par une
homonymie pareille, de même que des flûtes de pierre ne seraient flûtes que de
nom. En effet, il y a des choses dans la nature qui, comme celles-là, ne sont
que des instruments.
§ 4. Mais ceci
devient un peu moins évident pour la chair et pour l'os, et moins encore pour
le feu, pour l'eau, pour la terre. Le but poursuivi est de moins en moins
sensible dans ces cas, en proportion que la matière domine davantage. De même,
en effet, que si l'on prend les choses dernières, la matière n'y est plus rien
absolument qu'elle-même, et que l'essence y est tout à fait réduite à la
définition, de même les intermédiaires ne sont ce qu'ils sont que dans la
proportion où chacun d'eux se rapproche ; car chacun d'eux n'existe qu'en vue
d'une fin ; et il n'est pas simplement de l'eau ou du feu, de même qu'il n'est
pas non plus simplement, soit chair, soit intestin. Mais on peut le dire bien
plus évidemment encore de la main ou du visage.
§ 5. Tous les corps
sont ainsi déterminés par leur fonction ; car ceux qui peuvent accomplir comme
il faut leur fonction propre, sont véritablement chacun ce qu'ils doivent être.
Ainsi, l’œil quand il voit, est vraiment œil ; mais celui qui ne peut pas voir
n'est œil que par homonymie, comme le serait un œil mort, ou un œil de pierre.
De même encore, une scie de pierre n'est pas une scie, si ce n'est comme l'est
une simple image de scie.
§ 6. C'est bien
encore ainsi qu'est la chair ; mais sa destination est moins évidente que celle
de la langue, par exemple. Il en est de même aussi du feu. Mais physiquement, sa
fonction est moins évidente encore que celle de la chair.
§ 7. On en peut
dire autant pour les parties des plantes, et aussi pour les objets inanimés,
comme l'airain et l'argent ; car toutes ces choses ont une puissance
quelconque, soit pour agir, soit pour souffrir, comme la chair et le nerf ;
mais leurs raisons d'être ne sont pas parfaitement distinctes.
§ 8. Aussi,
n'est-il pas facile de discerner quand la fonction existe et quand elle
n'existe pas, à moins qu'elle ne soit tout à fait détruite, et qu'il ne reste
que les formes seules, comme ces cadavres déjà anciens qui deviennent tout à
coup de la cendre, quand on veut les toucher dans leurs tombeaux. C'est ainsi
que les fruits, quand ils sont très vieux, ne sont fruits [390b] que par la mine, et ne le sont plus quand on
les goûte, de même que ces vaines représentations qui sont faits avec du lait
coagulé.
§ 9. Il se peut
donc que les parties homogènes se forment par la chaleur, par le froid, et par
les mouvements de tous deux, et qu'elles soient solidifiées, soit par le chaud,
soit par le froid ; je veux parler des corps à parties homogènes, telles que la
chair, l'os, les poils, les nerfs et tous les corps de cette espèce.
§ 10. Tous
diffèrent en effet entre eux par les différences qu'on a dites antérieurement :
l'extension, la traction, la friabilité, la dureté, la mollesse, et toutes les
autres qualités analogues ; et ils se forment par le mélange du froid et du
chaud, et par les mouvements qui en résultent.
§ 11. Mais les
corps à parties non homogènes, quoique composés de ces éléments, ne paraissent
pas présenter entre eux de ces différences, comme la tête, la main, le pied.
Mais de même que la cause qui fait naître le cuivre et l'argent, c'est le froid
et la chaleur, et le mouvement qu'ils produisent, et que ce n'est plus ce
simple mouvement qui produit des choses telles que la scie, la burette, le
coffre ; de même, d'un côté c'est l'art qui agit ; et de l'autre, c'est la
nature, ou telle autre cause.
§ 12. Maintenant
que nous savons d'une manière générale ce que sont tous les corps à parties
homogènes, il faut rechercher ce que sont chacun d'eux particulièrement, comme
le sang, la chair, le sperme, et tous les autres corps analogues ; car c'est
ainsi que nous saurons, pour chacun d'eux, quelle est sa destination et quelle
est sa nature, soit que nous en connaissions la matière, ou seulement la définition
; et surtout, si nous savons tout à la fois les causes de la génération et de
la destruction pour les corps, et le principe d'où leur vient le mouvement.
§ 13. Ceci étant
éclairci, il faudra étudier également les corps à parties non homogènes ; et
enfin les êtres qui en sont composés, tels que l'homme, la plante, et tous les
êtres de même ordre.