ARISTOTE
LA
CONSTITUTION D’ATHENES
Traduction de Jules
Barthélemy-Saint-Hilaire
Paris :
Ladrange, 1838
Œuvre numérisée par J. P. MURCIA
Nouvelle édition numérique
https://www.i-docteurangelique.fr/DocteurAngelique 2008
PREMIÈRE
PARTIE: HISTOIRE DE LA CONSTITUTION D'ATHÈNES (CH. I-XLI)
CHAPITRE I: Condamnation des
Alcméonides. - Épiménide...
CHAPITRE II: Institutions sociales
d'Athènes.
CHAPITRE III: Institutions politiques.
CHAPITRE IV: II. - ÉPOQUE DE DRACON
CHAPITRE V: III. - ÉPOQUE DE SOLON
CHAPITRE VI: SOLON (SUITE) - Réformes
sociales. - Abolition des dettes.
CHAPITRE IX: SOLON (SUITE) - Éléments
démocratiques de sa constitution.
CHAPITRE X: SOLON (SUITE) - Réformes
économiques, Mesures, Monnaies et Poids.
CHAPITRE XI: SOLON (SUITE) -
Mécontentement général après les réformes de Solon.
CHAPITRE XII: SOLON (FIN) -
Témoignages de Solon lui-même sur ses réformes.
CHAPITRE XIII: État des partis après
Solon.
CHAPITRE XIV: IV. - ÉPOQUE DE
PISISTRATE
CHAPITRE XV: PISISTRATE (SUITE) -
Second exil et second retour de Pisistrate.
CHAPITRE XVI: PISISTRATE (SUITE) -
Caractère de son gouvernement.
CHAPITRE XVII: PISISTRATE (FIN) -
Mort de Pisistrate. - Ses fils.
CHAPITRE XVIII: LES PISISTRATIDES -
Complot d'Harmodios et d'Aristogiton.
CHAPITRE XIX: LES PISISTRATIDES (FIN)
- Tyrannie d'Hippias. Sa chute.
CHAPITRE XX: État des partis après
l'expulsion des tyrans.
CHAPITRE XXII: CLISTHENE (Fin) -
Caractère démocratique des réformes de Clisthène. L'Ostracisme.
CHAPITRE XXV: VII. - ÉPOQUE
D'ÉPHIALTE ET DE PÉRICLÈS - Ruine de l'Aréopage.
CHAPITRE XXX: LES QUATRE CENTS
(SUITE) - Les Cent commissaires. Leur constitution. Rôle du Conseil.
CHAPITRE XXXI: LES QUATRE CENTS
(SUITE) - Constitution provisoire.
CHAPITRE XXXV: LES TRENTE (SUITE) -
Leur modération à l'origine, Leur cruauté.
CHAPITRE XXXVI: LES TRENTE (SUITE) -
Vaines tentatives de Théramène auprès des Trente.
CHAPITRE XXXVII: LES TRENTE (SUITE) -
Prise de Phylé par Thrasybule. - Mort de Théramène.
CHAPITRE XXXVIII: LES TRENTE (FIN) -
Renversement des Trente. Les Dix. Négociations avec Sparte.
CHAPITRE XLII: DU DROIT DE CITÉ
CHAPITRE XLIII: LES MAGISTRATURES
CHAPITRE XLV: LE CONSEIL (SUITE) -
FONCTIONS JUDICIAIRES
CHAPITRE XLVI: LE CONSEIL (SUITE) -
FONCTIONS ADMINISTRATIVES
CHAPITRE XLVII: LE CONSEIL (SUITE) -
FONCTIONS ADMINISTRATIVES
CHAPITRE XLVIII: LE CONSEIL (SUITE)
FONCTIONS ADMINISTRATIVES
CHAPITRE XLIX: LE CONSEIL (SUITE) -
FONCTIONS ADMINISTRATIVES
CHAPITRE L: MAGISTRATURES CONFÉRÉES
PAR LE SORT (SUITE)
CHAPITRE LI: MAGISTRATURES CONFÉRÉES
PAR LE SORT (SUITE)
CHAPITRE LII: MAGISTRATURES CONFÉRÉES
PAR LE SORT (SUITE)
CHAPITRE LIII: MAGISTRATURES
CONFÉRÉES PAR LE SORT (SUITE)
CHAPITRE LIV: MAGISTRATURES CONFÉRÉES
PAR LE SORT (SUITE)
CHAPITRE LV: MAGISTRATURES CONFÉRÉES
PAR LE SORT (SUITE) - LES NEUF ARCHONTES
CHAPITRE LVI: LES NEUF ARCHONTES
(SUITE)
CHAPITRE LVII: LES NEUF ARCHONTES
(SUITE)
CHAPITRE LVIII: LES NEUF ARCHONTES
(SUITE)
CHAPITRE LIX: LES NEUF ARCHONTES
(FIN)
CHAPITRE LX: MAGISTRATURES CONFÉRÉES
PAR LE SORT (FIN)
CHAPITRE LXI: MAGISTRATURES CONFÉRÉES
A L'ÉLECTION - FONCTIONS MILITAIRES
CHAPITRE LXII: MAGISTRATURES (FIN)
On
sait que le commencement de lƒAyhnaÛvn politeÛa manque dans le papyrus de
Londres. Énumérant au chapitre XLI les différentes modifications qu'a subies la
constitution d'Athènes, l'auteur n'en compte pas moins de onze depuis
l'établissement d'Ion jusqu'à la restauration définitive de la démocratie. Tel
qu'il nous a été rendu, l'ouvrage commence à la description de l'état social
d'Athènes avant Dracon. Il nous manque donc l'époque d'Ion et celle de Thésée. Pour
compléter, dans la mesure du possible, ce tableau de l'histoire athénienne,
nous joignons à notre traduction de ƒAyhnaÛvn politeÛa les fragments de cette
partie perdue qui nous ont été plus ou moins fidèlement conservés par les
historiens postérieurs, les grammairiens ou les lexicographes.
§ 1. LA ROYAUTÉ. - § 2. LE CULTE D'APOLLON PATROOS. - § 3. LES QUATRE TRIBUS. - §
4. LES ROIS DES TRIBUS.
§ 1. La
royauté.
HERACLEIDES: Les Athéniens à l'origine étaient gouvernés par des rois. Quand
Ion se fut établi au milieu d'eux, ils reçurent pour la première fois le nom
d'Ioniens.
N.
B. Les fragments des perÜ politeiÇn attribués à Héracleidès de Pont, l'élève de
Platon, ont été publies par F. G. SCHNBIDEWIN, Heraclidis politiarum quae
extant. Göttingen,1847; et par K. MULLER, dans les Fragmenta historicorum
graecorum, éd. Didot, II, p. 196 et suiv. Sehneidewin a très bien prouvé que
ces fragments ne sauraient être attribués au philosophe Héracleidès. Le
compilateur est peut-être le grammairien Héracleidès Lembos, qui vivait au
second siècle avant notre ère: il est certain qu'il a fait son résumé d'après
les Constitutions d'Aristote.
Sur
les circonstances dans lesquelles Ion aurait été appelé à Athènes, voy. Constitution
d'Athènes, ch. III. 2. Le culte d'Apollon Patroos.
HARPOCRATION. Le dieu de Delphes. Une des nombreuses épithètes du dieu.
C'est depuis Ion que les Athéniens honorent en commun Apollon sous ce nom. Aristote
dit que les Athéniens ne furent appelés Ioniens et ne donnèrent à Apollon le
surnom de Patroos, qu'après l'établissement d'Ion en Attique.
§ 3. Les quatre tribus.
Cf.
Constitution d'Athènes, ch. XLI.
HARPOCRATION: Les membres d'un même g¡now. Tous les citoyens étant
divisés en groupes, les premiers et les plus grands de ces groupes s'appelaient
des tribus. Chaque tribu était elle-même divisée en trois groupes qu'on
appelait trittyes et phratries. Enfin chaque phratrie comprenait trente g¡nh,
dans le sein desquels le sort désignait les titulaires des sacerdoces qui leur
appartenaient...Par exemple les g¡nh des Eumolpides, des Kéryces, des
Etéoboutades, ainsi que le montre Aristote dans la Constitution d'Athènes.
§ 4. Les rois des tribus.
Cf.
Constitution d'Athènes, ch. XLI.
POLLUX, VIII, 111: Les rois des tribus, an nombre de quatre, choisis
parmi les eupatrides, s'occupaient surtout des choses de la religion. Ils se
réunissaient au Palais Royal, près du Bonkoléion.
1. Affaiblissement de la royauté.
Cf.
Constitution d'Athènes, ch, XLI.
PLUTARQUE, Vie de Thésée, XXV: Voulant agrandir encore la cité, il
appela tous les gens du peuple, leur promettant les mêmes droits, et l'on dit
que la phrase: « Venez tous ici, gens du peuple, » vient d'une proclamation qui
fut faite par Thésée pour convoquer une assemblée générale. Mais il ne voulut
pas que la démocratie fut sans ordre et que la foule qu'il y versait s'y
confondit sans distinction: le premier, au contraire, il sépara les eupatrides
des cultivateurs et des artisans. Aux eupatrides il réserva le droit de
connaître les choses divines, de fournir les magistrats, d'enseigner les lois,
d'interpréter le droit public et le droit sacré. Entre les autres citoyens, il
établit comme une sorte de balance: les eupatrides semblaient avoir l'avantage
de la considération, les cultivateurs de l'utilité, les artisans du nombre. Qu'il
inclinât le premier vers la foule, comme le dit Aristote, et qu'il renonçât au
pouvoir absolu, c'est ce que semble témoigner Homère dans le catalogue des
vaisseaux, où les Athéniens seuls sont désignés du nom de peuple.
Sur les troubles qui avaient précédé le gouvernement de Thésée et sur
ceux qui suivirent jusqu'à l'attentat de Cylon, voy. HERACLEIDÈS (Arist. fragm.
, n° 611, p. 371).
Dans l'état actuel, la Constitution d'Athènes commence au récit des
mesures prises pour purifier Athènes du meurtre de Cylon.
HÉRACLEIDÈS (ibid. , II): Mégaclès et les siens massacrèrent les
partisans de Cylon qui, après avoir tenté d'établir la tyrannie s'étaient
réfugiés sur l'autel de la déesse. Les meurtriers furent ensuite chassés comme
coupables d'un sacrilège.
Nous savons par PLUTARQUE (V. de Solon, XII) que le jugement fut rendu
par un tribunal formé de trois cents nobles et que l'accusation fut soutenue
par un citoyen du nom de Myron.
C'est sur ce nom que s'ouvre la Constitution d'Athènes.
Après que Myron eut parlé, les juges, choisis parmi les familles
nobles, prêtèrent serment sur l'autel. Ils condamnèrent les sacrilèges: on
arracha donc de leurs sépultures et l'on jeta les ossements des coupables, et
la famille des Alcméonides fut condamnée à l'exil perpétuel. C'est après ces
événements qu'Épiménide de Crète purifia la ville.
Athènes, divisée par les dissensions des nobles et de la plèbe,
traversa ensuite une longue période de troubles. La constitution d'alors était,
en effet, une oligarchie absolue, où surtout les pauvres étaient les serfs des
riches, eux, leurs enfants et leurs femmes. On les appelait clients (pel‹tai)
et sixeniers (¥kt®moroi): ils cultivaient en effet les champs des riches, à la
condition de ne garder pour eux qu'un sixième des fruits. La terre était tout
entière entre les mains d'un petit nombre d'hommes, et si les cultivateurs ne
payaient pas leur redevance, ils s'exposaient à être vendus, eux et leurs
enfants: car les débiteurs étaient soumis à la contrainte par corps, et il en
fut ainsi jusqu'à Solon, le premier chef du parti démocratique. Sous un tel
régime, le peuple souffrait surtout et s'irritait de ne pas avoir sa part de la
terre, mais il avait bien d'autres sujets de mécontentement; car, à vrai dire,
il n'avait aucun droit.
Voici quelle était l'organisation de l'ancienne constitution qui était
en vigueur avant Dracon.
Les magistrats étaient choisis dans les familles nobles et riches. Les
charges furent d'abord conférées à vie, puis seulement pour dix ans.
Les plus importantes et les premières en date des magistratures furent
celles du roi, du polémarque et de l'archonte: de celles-ci, la première fut
celle du roi, qui existait à l'origine; la polémarchie fut instituée en second
lieu, parce que certains rois avaient montré de la faiblesse à la guerre: c'est
ainsi que pressés par la nécessité, les Athéniens avaient fait appel à Ion. La
dernière de ces magistratures fut l'archontat. Elle aurait été instituée, sous
le règne de Médon, selon la plupart des auteurs; sous celui d'Acastos, selon
quelques. autres, et ces derniers ajoutent comme preuve, que les neuf archontes
s'engagent dans leur serment à remplir leur charge comme au temps d'Acastos. Ce
serait donc sons son règne que les Codrides auraient cédé à l'archonte
quelques-uns de leurs privilèges...Quoi qu'il en soit de ces deux dates, il y a
peu d'intervalle entre les deux époques, et nous avons la preuve que
l'archontat fut institué en dernier lieu: l'archonte, en effet, à la différence
du roi et du polémarque, n'a à veiller sur aucun des cultes établis par les
ancêtres, mais seulement sur des cultes d'origine récente. Aussi cette
magistrature n'est-elle devenue importante qu'assez tard, après s'être accrue
de nouvelles attributions.
Les thesmothètes n'ont été institués que bien des années après, alors
que déjà les magistratures n'étaient conférées que pour un an: on les chargea
de rédiger par écrit les décisions ayant force de lois et de les garder pour
servir à juger ceux qui les violeraient. De telles fonctions expliquent que,
seuls les thesmothètes ne soient jamais restés plus d'une année en charge. Tel
est l'ordre dans lequel se sont succédé ces magistrats.
A l'origine, les neuf archontes ne se tenaient pas tous dans le même
édifice. Le roi occupait l'édifice qu'on appelle aujourd'hui Boukoléion, près
du Prytanée: la preuve en est que, aujourd'hui encore, en cet endroit, est
célébrée l'union de la femme du roi avec Dionysos. L'archonte se tenait au
Prytanée, le polémarque à l'Épilykéion. Ce dernier édifice s'appelait
primitivement Polémarchéion, mais après qu'Épilykos l'eut reconstruit et
aménagé de nouveau, pendant qu'il était polémarque, on lui donna le nom
d'Epilykéion. Les thesmothètes occupaient le Thesmothétéion. C'est là que, du
temps de Solon, tous les archontes se réunirent.
Les archontes jouissaient du droit de juger souverainement dans les
affaires qui leur étaient soumises: ils n'étaient pas, comme maintenant,
simplement chargés de l'instruction. Voilà pour ce qui concerne les archontes.
Quant à l'Aréopage, il devait veiller à la conservation des lois. Il
avait dans l'État les pouvoirs les plus étendus et l'autorité la plus haute,
disposant du droit souverain d'infliger des châtiments ou des amendes aux
auteurs de tout désordre. Les Aréopagites se recrutaient parmi les archontes,
et ceux-ci avaient été pris dans les familles nobles et riches. Aussi cette
charge est-elle la seule qui soit restée viagère: elle l'est encore.
Constitution de Dracon.
Telle était, dans ses grands traits, la première constitution. Ensuite
et avant qu'un long temps se fût écoulé, sous l'archontat d'Aristaechmos,
Dracon établit ses lois. En voici l'économie.
Les droits politiques étaient réservés à ceux qui étaient en état de
s'armer. Ceux-ci élisaient les neuf archontes et les trésoriers parmi les
citoyens possédant une fortune d'au moins dix (?) mines, libre de toute charge;
les magistrats inférieurs, parmi les citoyens qui étaient en état de s'armer;
les stratèges et les hipparques, parmi ceux qui prouvaient une fortune d'au
moins cent mines, exempte de toute charge, et qui déclaraient des enfants
légitimes, nés d'un mariage légitime et âgés d'au moins dix ans. Tous ces
magistrats étaient, jusqu'à la reddition des comptes, placés sous la
surveillance des prytanes, des stratèges et des hipparques de l'année d'avant. [Les
contrôleurs des comptes étaient de la même classe que les stratèges et les
hipparques].
Le Conseil était formé de quatre cent un membres, désignés par le sort
parmi les citoyens. Pour se présenter au tirage au sort de cette charge et des
autres magistratures, il fallait être âgé de plus de trente ans, et nul ne
pouvait en exercer une deux fois avant que tous les candidats fussent tombés au
sort: le tirage recommençait alors avec tous les noms. Tout Conseiller qui
manquait une séance du Conseil ou de l'Assemblée du peuple était condamné, s'il
appartenait à la classe des Pentacosiomédimnes, à trois drachmes d'amende; à
deux, s'il était de la classe des cavaliers; à une, s'il était zeugite.
Le Sénat de l'Aréopage était le gardien des lois et veillait à ce que
tous les magistrats s'y conformassent dans l'exercice de leur charge. Tout
citoyen victime d'une injustice de la part d'un magistrat avait le droit de déposer
une accusation devant l'Aréopage, en produisant la loi violée à son détriment.
Mais, comme on l'a dit, les pauvres étaient soumis à la contrainte par
corps pour dettes, et la terre était toujours entre les mains d'un petit nombre
d'hommes.
Commencement de la démocratie. - Solon est choisi comme
conciliateur.
Un pareil régime et l'asservissement de la multitude au petit nombre
soulevèrent le peuple contre les nobles. La lutte fut acharnée et les deux
partis étaient depuis longtemps debout l'un contre l'autre, quand ils
s'entendirent pour prendre Solon comme conciliateur et l'élire archonte.
Ils s'en remettent à lui du soin de réformer la constitution, se
souvenant de cette élégie qu'il avait faite et dont voici le début: Je sais
tout le mal et je souffre au fond de mon coeur, quand je vois l'aînée des
terres d'Ionie...
Dans la suite, il attaque à tour de rôle les uns et les autres, et leur
donne tort et raison pour les pousser enfin à mettre, d'un commun accord, un
terme aux dissensions qui se sont élevées entre eux.
Solon, par sa naissance et par sa réputation, comptait parmi les
premiers des citoyens; par sa fortune et sa situation, il faisait partie de la
classe moyenne. On le sait d'ailleurs et lui-même le proclame dans ces vers, où
il exhorte les riches à la modération: Sachez calmer en vos coeurs la violence
de vos sentiments, vous qui en êtes venus au dégoût de vos biens trop abondants.
Sachez maintenir votre grande âme dans la modération, car pour nous, nous ne
vous céderons pas, et tout n'ira pas droit pour vous.
C'est ainsi qu'il rejette toujours sur les riches toute, la
responsabilité des dissensions. Aussi dit-il au commencement de son élégie,
qu'il redoute l'avarice et l'orgueil, d'où est née la haine.
Devenu maître du pouvoir, Solon affranchit le peuple, en défendant que
dans le présent et à l'avenir la personne du débiteur servît de gage. Il donna
des lois et abolit toutes les dettes, tant privées que publiques. C'est la
réforme qu'on appelle la délivrance du fardeau (seis‹xyeia), par allusion à la
charge qu'ils avaient comme rejetée de leurs épaules.
On a essayé d'attaquer Solon à ce sujet. Au moment en effet où il
projetait l'abolition des dettes, il lui arriva d'en parler à l'avance à
quelques-uns des nobles, et ses amis, selon la version des démocrates, firent,
à l'encontre de ses projets, une manoeuvre, dont il aurait aussi profité,
ajoutent ceux qui le veulent calomnier. Ils s'entendirent pour emprunter de
l'argent et acheter beaucoup de terre, et l'abolition des dettes survenant
presque aussitôt, ils firent fortune. Ce fut, dit-on, l'origine de ces fortunes
que dans la suite on fit remonter à une si haute antiquité. Mais la version des
démocrates est plus plausible; l'autre n'a pas la vraisemblance pour elle:
comment un homme, qui fut si modéré et si attaché aux intérêts publics que,
pouvant tourner les lois à son profit et établir sa tyrannie dans la ville, il
s'attira plutôt la haine de l'un et de l'autre parti, mettant l'honneur et le
salut de la cité au-dessus de ses propres intérêts, se serait-il sali à
d'aussi petites et aussi indignes opérations ? Et ce n'est pas le pouvoir qui
lui manqua et c'est bien lui qui porta remède au mauvais état des affaires:
lui-même l'a rappelé souvent dans ses vers et tous les auteurs sont d'accord
sur ce point. Il faut donc regarder comme mensongère une telle accusation.
Il établit une constitution, et donna d'autres lois. On abrogea en
effet celles de Dracon, à l'exception des lois sur le meurtre. Les lois
nouvelles furent inscrites sur des tables triangulaires qu'on exposa clans le
Portique Royal, et tous jurèrent de les observer. Les neuf archontes prêtèrent
serment sur la pierre et s'engagèrent à offrir une statue d'or dans le cas où
ils en violeraient quelqu'une. De cette époque date cet engagement qui se
trouve encore dans le serment qu'ils prêtent aujourd'hui. La durée des lois fut
fixée par Solon lui-même à cent ans.
Voici la constitution qu'il établit. Il maintint la division antérieure
des citoyens en quatre classes censitaires pentacosiomédimnes, cavaliers,
zeugites et thètes. Il réserva les magistratures, à savoir les charges des neuf
archontes, des trésoriers, des polètes, des onze et des colacrètes aux trois
premières classes: encore étaient-elles attribuées à chacune de ces classes
selon les degrés du cens La classe des thètes ne reçut que le droit de siéger à
l'assemblée du peuple et aux tribunaux.
Les cens étaient les suivants: le pentacosiomédimne devait faire, sur
sa terre, cinq cents médimnes de sec et de liquide, l'un dans l'autre; le
cavalier devait en faire trois cents, ou, selon une autre explication, être en
état d'entretenir un cheval. Cette explication se fonde sur le nom même de la
classe, qui viendrait du fait d'être monté, et sur les offrandes des:anciens. On
voit en effet sur l'Acropole une statue de Diphilos, avec l'inscription
suivante: Anthémion, fils de Diphilos, a consacré cette statue aux dieux, pour
avoir de la classe des thètes passé dans celle des cavaliers.
Et à côté de lui se tient, en guise de preuve, un cheval, allusion à la
classe des cavaliers. Il n'en est pas moins plus probable que les cavaliers,
comme les pentacosiomédimnes, se distinguaient des autres classes par le nombre
des mesures. Les zeugites devaient faire deux cents médimnes, sec et liquide,
l'un dans l'autre. Tous les autres citoyens formaient la classe des thètes: ils
n'avaient accès à aucune magistrature. Aussi, aujourd'hui encore, quand on
demande à un candidat qui se présente pour tirer au sort, quel est son cens,
nul ne s'avise de répondre: « celui des thètes. »
Solon institua le tirage au sort pour les magistratures, mais en le
combinant avec une élection préalable qui avait lieu dans chacune des tribus. Ainsi,
pour la désignation des neuf archontes, chaque tribu élisait dix candidats,
entre lesquels le sort décidait. De là vient l'usage, encore en vigueur, de
tirer au sort dans chaque tribu dix candidats, parmi lesquels le sort désigne
le magistrat. Ce qui prouve aussi que Solon institua pour les magistratures le
tirage au sort en tenant compte du cens, c'est la loi qui régit aujourd'hui
encore le choix des trésoriers, et prescrit que les trésoriers soient tirésau
sort parmi les pentacosiomédimnes.
Telles sont les règles de Solon relatives aux neuf archontes. Anciennement,
l'Aréopage les faisait comparaître devant lui pour les examiner, et ne les
envoyait en possession de la charge pour l'année qu'après les en avoir jugés dignes.
Il y avait, comme auparavant, quatre tribus et quatre rois des tribus. Chaque
tribu était divisée en trois trittyes et douze naucraries. A la tête de chaque
naucrarie était un naucrare, qui veillait à. la levée des contributions et
soldait les dépenses. Aussi lit-on, en plus d'un endroit, dans des lois de
Solon, qui ne sont plus en vigueur aujourd'hui, que les fonds seront levés par
les naucrares et les dépenses à la charge de la caisse des naucrares.
Solon institua un Conseil de quatre cents membres, cent par tribu.
Pour l'Aréopage, il lui maintint la garde des lois, et comme par le
passé, ce sénat fut chargé de veiller sur la Constitution. En possession de
l'autorité politique la plus haute et la plus étendue, il surveillait les
citoyens, et frappait ceux qui commettaient quelque infraction aux lois, car il
disposait souverainement du droit d'infliger une amende ou un châtiment. Il
remettait à la caisse publique le montant des amendes qu'il avait prononcées,
sans ajouter le motif de la punition. A toutes ces prérogatives, Solon ajouta
celle de juger les complots ourdis pour la ruine de la démocratie. Telles
furent ses dispositions législatives en ce qui concerne le Conseil et
l'Aréopage.
Voyant aussi qu'au milieu des troubles qui divisaient la ville, nombre
de citoyens, par indifférence, s'en remettaient au hasard, il porta contre eux
cette loi singulière: Quiconque, en temps de trouble, ne prendra pas les armes
pour l'un des deux partis, sera frappé d'atimie et exclu de la cité.
Voilà ce qui concerne les magistratures.
Dans toute la constitution de Solon, trois mesures semblent avoir été
particulièrement favorables aux progrès de la démocratie: d'abord et surtout,
l'abolition de la contrainte par corps pour dettes; ensuite, la faculté donnée
à chaque citoyen de poursuivre les auteurs des injustices commises au détriment
de qui que ce fût; enfin le droit d'en appeler au tribunal. Ce fut, dit-on, ce
qui donna dans la suite tant de puissance au peuple; car, rendre le peuple
maître du vote, c'est mettre toute la constitution à sa merci. Ajoutons que,
ses lois étant d'une rédaction obscure et compliquée, comme par exemple la loi
sur les héritages et sur les épicières, il en résultait nécessairement nombre
de contestations, si bien que le règlement de tous les différends, privés et
publics, appartenait aux tribunaux. Certains pensent que Solon a recherché
cette obscurité pour ses lois, afin d'attribuer au peuple le droit de décider
en cas de conflit. Mais cette explication est peu vraisemblable. La vérité est
qu'il lui était impossible d'atteindre la perfection, étant donné le caractère
général des lois. Aussi bien n'est-ce pas d'après ce qui se passe aujourd'hui,
mais d'après l'ensemble de ses réformes politiques, qu'il est juste de juger
ses desseins.
Voilà donc ce qui, dans ses lois, favorisa le développement de la
démocratie. L'abolition des dettes avait précédé la promulgation des lois:
l'augmentation des mesures, poids et monnaies la suivit.
Les mesures en usage jusqu'alors étaient celles de Pheidon d'Argos:
Solon les agrandit.
La mine valait jusque-là environ soixante-dix drachmes: sa valeur fut
portée à cent. L'unité était alors le didrachme.
Pour les poids, Solon les mit en rapport avec sa monnaie: c'est-à-dire
que soixante-trois mines formèrent un talent. Les mines étaient subdivisées en
statères et autres sous-multiples.
Une fois l'ordre établi dans la Constitution, comme il a été dit, les
Athéniens allaient trouver Solon et l'importunaient de reproches ou de
questions au sujet de ses lois. Ne voulant pas y toucher, ni exciter la haine
en restant plus longtemps, il entreprit un voyage d'affaires et d'études en
Égypte: son absence, disait-il, devait durer dix ans. A son avis, en effet, il
n'était pas juste qu'il restât pour interpréter ses lois, mais chacun devait se
conformer à la lettre de la loi. En même temps, beaucoup de nobles lui étaient
devenus hostiles à cause de l'abolition des dettes, et les deux partis avaient
changé d'attitude à son égard, parce que sa constitution n'avait pas répondu à
leur attente: le peuple croyait que Solon ferait un partage de toutes les
terres, et les nobles, qu'il les ramènerait aux institutions du passé ou qu'il
s'en écarterait peu. Mais lui s'était opposé aux deux partis, et alors qu'il
eût pu, avec l'appui de l'un ou de l'autre, usurper la tyrannie, il avait
préféré, au prix de la haine de tous deux, sauver sa patrie et établir les
meilleures lois.
C'est bien ainsi que les choses se passèrent. Tous les autres auteurs
s'accordent à le dire, et Solon lui-même, dans ses vers, le rappelle en ces
termes:
J'ai donné au peuple autant de pouvoir qu'il lui en faut, sans rien
retrancher de son droit ni rien y ajouter. Quant à ceux qui avaient la puissance
et dont les richesses pouvaient exciter l'envie, je leur ai défendu aussi de ne
commettre aucun excès. Je me suis tenu debout, me couvrant de toutes parts de
mon solide bouclier, en face des deux partis, et je n'ai permis ni à l'un ni à
l'autre de triompher injustement.
Il explique encore comment on doit en user avec le peuple:
Le peuple n'obéit bien à ses chefs que si on ne le tient ni trop lâche,
ni trop serré. Car la satiété engendre la violence, quand une grande richesse
échoit à des hommes dont l'esprit est au-dessous de cette fortune.
Et ailleurs encore, il dit de ceux qui voulaient qu'on leur partageât
la terre:
Ceux-ci venaient ardents au pillage et avaient de riches espérances:
chacun d'eux croyait trouver une grande fortune, cl, malgré la douceur de mon
langage, ils pensaient que je laisserais voir bientôt la violence de mes
projets. Vaine pensée ! Maintenant, pleins d'irritation contre moi, ils me
regardent de travers, comme un ennemi. Et pourquoi? Les promesses que j'ai
faites, je les ai tenues avec l'aide des Dieux. Quant au reste, je n'ai pas agi
sans raison: il ne me plaisait pas de rien faire par la violence de la
tyrannie, ni de voir les bons et les méchants posséder une part égale de la
riche terre de la patrie.
Voici ce qu'il dit aussi sur la misère des pauvres, serfs hier et
maintenant libres, grâce à l'abolition des dettes:
J'ai mis fin aux maux dont souffrait le peuple...Et pourquoi? Je la
prends à témoin devant le tribunal du temps, la mère, très grande et très
bonne, des divinités de l'Olympe, la Terre noire dont jadis j'arrachai les
bornes qui se dressaient partout à sa surface: auparavant esclave, la voilà
libre aujourd'hui. Ils sont nombreux, ceux que j'ai ramenés à Athènes, dans la
patrie fondée par les Dieux: beaucoup avaient été vendus, les uns justement,
les autres injustement; ceux-là, réduits à l'exil par la dure nécessité, ne
parlaient plus la langue attique, errants qu'ils étaient de tous côtés; -
d'autres, ici même, subissaient un joug humiliant et tremblaient devant la violence
de leurs maîtres; tous je les ai rendus libres. Voilà ce que j'ai fait par la
force de la loi, en alliant la violence et la justice, et j'ai tenu jusqu'au
haut mes promesses. J'ai donné des lois pour le bon comme pour le méchant, et
elles assuraient à chacun une droite justice. Un autre eût-il pris en main,
comme moi, l'aiguillon, un homme malveillant et avide, - il n'eût pas contenu
le peuple. Car si j'avais voulu faire ce qui plaisait alors à l'un des partis,
puis ce que voulait l'autre, cette ville fût devenue veuve de bien des citoyens.
Voilà pourquoi, résistant de part et d'autre, je me suis, trouvé cerné comme un
loup par une meute de chiens.
Et encore ripostant par un reproche aux blâmes qui vinrent plus tard
des deux côtés:
Au peuple, puisqu'il lui faut une brutale franchise, je dirai que les
biens qu'il possède aujourd'hui, il ne les a même pas vus en rêve, les yeux
fermés...Quant aux grands, plus redoutables par leur force, ils devraient me
louer et me traiter comme leur ami. Si en effet quelque autre, dit-il, avait eu
ce même honneur que moi, il n'aurait pas contenu le peuple, et ne l'eût pas
apaisé, avant d'avoir battu le lait pour en enlever la crème. Mais moi, placé
au milieu, ainsi qu'entre deux armées en bataille, je me suis tenu comme une
borne infranchissable.
C'est donc pour les motifs exposés plus haut que Solon entreprit son
voyage. Il partit laissant la cité troublée. Pendant quatre ans pourtant
l'ordre fut maintenu; mais la cinquième année après l'archontat de Solon, les
Athéniens ne nommèrent point d'archonte (590 a. C. n.): tant était grande
l'agitation. Quatre ans après, pour de semblables motifs, ils laissèrent encore
la ville sans archonte (586 a. C. n.). Quatre autres années après, Damasias fut
élu (582 a. C. n.): il exerça sa charge deux ans et deux mois, et en fut chassé
par la force. On résolut alors, en raison de cet état de trouble, d'élire dix
archontes, pris: cinq parmi les eupatrides, trois parmi les cultivateurs et
deux parmi les artisans. Ce premier collège d'archontes fut au pouvoir pendant
l'année qui suivit l'archontat de Damasias. (580 a. C. n.) Voilà qui prouve que
l'archonte avait alors le pouvoir le plus grand: c'est toujours pour cette
magistrature que luttaient les partis. Quoi qu'il en soit, les Athéniens n'en
continuaient pas moins à souffrir de ces maux intérieurs: les uns donnaient
pour raison première de leur mécontentement l'abolition des dettes, qui les
avait ruinés; d'autres s'irritaient contre la Constitution, qu'avait
transformée une si grave révolution; il en était enfin qui étaient excités les
uns contre les autres par la jalousie. II y avait alors trois partis: celui des
Paraliens que dirigeait Mégaclès, fils d'Alcméon, et qui semblait s'attacher
surtout à donner le pouvoir à la classe moyenne; celui des Pédiéens qui tendait
à l'oligarchie, et dont le chef était Lycurgue; celui des Diacriens, à la tête
duquel se trouvait Pisistrate qui passait pour le plus résolu partisan de la
démocratie. Ce troisième parti s'était accru: la misère y avait amené ceux qui
avaient été dépouillés de leurs créances, et la crainte ceux que leur naissance
aurait dû écarter de la cité. La preuve en est qu'après le renversement de la
tyrannie on fit une révision des registres. civiques, parce que beaucoup
d'inscrits jouissaient indûment du droit de cité. Chacun de ces partis tirait
son nom de la région qu'il cultivait.
Tyrannie
de Pisistrate. Son premier exil.
Pisistrate, qui passait donc pour le plus résolu partisan de la
démocratie, et qui s'était illustré dans la guerre contre Mégare, se fit un
jour lui-même une blessure, puis il persuada au peuple que c'étaient ses
adversaires qui l'avaient ainsi maltraité, et qu'il fallait lui donner une
garde du corps: la proposition fut faite par Aristion. On lui donna ceux qu'on
appela les porte-massue, et, marchant contre le peuple avec leur aide, il prit
possession de l'Acropole, trente-deux ans après l'établissement des lois de
Solon, sous l'archontat de Coméas. On rapporte que, lorsque Pisistrate demanda
des gardes du corps (560 a. C. n.), Solon lui fit opposition, disant: « J'aurai
plus de perspicacité que les uns et plus de courage que les autres: plus de
perspicacité que tous ceux qui ne comprennent pas que Pisistrate prétend à la
tyrannie; plus de courage que ceux qui, sans l'ignorer, se taisent. » Comme ses
paroles restaient sans effet, il suspendit ses armes au-dessus de sa porte, et
dit qu'il avait servi sa patrie aussi longtemps qu'il l'avait pu -il était déjà
très vieux, - et que c'était au tour des autres d'en faire autant. Mais Solon
n'aboutit à rien par ses exhortations. Au reste, Pisistrate, maître du pouvoir,
administra la cité moins en tyran qu'en citoyen respectueux de la Constitution.
Son pouvoir n'avait pas encore pris de fortes racines, quand les
partisans de Mégaclès et ceux de Lycurgue s'associèrent pour le chasser: cela
eut lien cinq ans après le premier établissement de Pisistrate (555 a. C. n.),
et sous l'archontat d'Hégésias. Onze ans après (544 a. C. n. (?), Mégaclès,
menacé par ses propres partisans, entra en pourparlers avec lui; il lui imposa
comme condition d'épouser sa fille, et le fit rentrer par un artifice digne des
anciens temps, et d'une extrême simplicité. Il fit courir le bruit qu'Athéna
allait ramener Pisistrate, puis, ayant découvert une femme grande et belle,
originaire du dème de Paeania, suivant Hérodote, marchande de couronnes
d'origine thrace, du quartier de Collytos, selon d'autres, et nommée Phyé, il
la costuma eu Athéna, et la fit entrer dans la ville avec Pisistrate. Celui-ci
fit son entrée sur un char, ayant cette femme à ses côtés, et les habitants,
prosternés, les reçurent avec une pieuse admiration.
Ainsi s'accomplit son premier retour. Dans la suite, exactement six ans
après, il dut s'exiler de nouveau (538 a. C. n.). Il lui fut en effet
impossible de tenir longtemps: n'ayant pas voulu s'unir avec la fille de Mégaclès,
il craignit les deux partis opposés et se déroba par la fuite. Il s'établit
d'abord sur le golfe Thermaïque, à l'endroit nommé Rhaekélos, et passa ensuite
dans la région qui s'étend autour du mont Pangée. C'est de là qu'après avoir
amassé de l'argent et pris des-hommes à sa solde, il partit pour Érétrie (528 a.
C. n. (?), dix ans après sa fuite d'Athènes, - et essaya, alors pour la
première fois, d'employer la violence pour recouvrer le pouvoir. Parmi tous
ceux qui l'aidèrent dans son entreprise, les plus zélés furent les Thébains,
Lygdamis de Naxos, et aussi les cavaliers qui tenaient le pouvoir à Érétrie. Vainqueur
auprès du temple de Palléné, il s'empara du pouvoir et sut maintenir solidement
sa tyrannie, après avoir enlevé ses armes au peuple. II se rendit aussi à Naxos
et y installa Lygdamis.
Voici comment il s'y prit pour enlever ses armes au peuple après avoir
passé une revue dans l'enceinte de l'Anakéion, il fit mine d'y haranguer le
peuple et s'efforça de parler à voix basse. Comme les assistants disaient
qu'ils n'entendaient rien, il les invita à monter à l'entrée de l'acropole,
pour que sa voix portât mieux. Pendant qu'il était occupé à haranguer le
peuple, des hommes, qui eu avaient reçu l'ordre, enlevèrent toutes les armes et
les enfermèrent dans les édifices situés auprès du Théséion. Ils revinrent
ensuite près de Pisistrate, qui achevait son discours, et l'avertirent. Pisistrate
conta ce qui venait de se passer au sujet des armes, ajoutant qu'il ne fallait
ni s'en étonner, ni se laisser abattre; qu'une fois de retour chez eux, ils
n'avaient qu'à s'occuper de leurs propres affaires; qu'a lui seul incombait le
soin de toutes les affaires publiques.
C'est ainsi qu'au début fut établie la tyrannie de Pisistrate, et ce
furent là ses vicissitudes. Pisistrate, comme nous l'avons dit, gouverna la
cité moins en tyran qu'en citoyen respectueux de la Constitution. Il avait
l'abord facile et plein de douceur, et se montrait indulgent à toutes les
fautes. Il faisait aux pauvres, pour l'exploitation de leurs terres, des
avances d'argent qui leur permettaient de ne pas interrompre leurs travaux de
culture. Il agissait ainsi pour deux raisons: il voulait qu'au lieu de vivre à
la ville, ils fussent dispersés dans la campagne, et que parvenant à l'aisance
et préoccupés de leurs seuls intérêts, ils n'eussent ni le désir, ni le loisir
de s'occuper des affaires publiques. En même temps, plus on cultivait la terre,
plus ses propres revenus s'accroissaient: car Pisistrate percevait la dîme des
fruits. Pour toutes ces raisons, il établit les juges des dèmes, et lui-même
sortait souvent dans la campagne pour se rendre compte des choses et régler les
différends, afin qu'on n'eût pas à négliger les champs pour venir à la ville. C'est
dans une de ces tournées qu'il arriva à Pisistrate cette aventure bien connue:
il vit, dans la région de l'Hymette, un paysan qui cultivait le champ appelé
depuis le Champ-Franc. Le bonhomme ne remuait que des cailloux, et Pisistrate,
surpris, fit demander par son esclave ce qu'on retirait du champ: « Dieu que
maux et peines, répondit le paysan, et encore, faut-il que Pisistrate en
prélève la dîme. » II avait répondu sans connaître Pisistrate, mais celui-ci,
charmé de cette franchise en même temps que de cette ardeur au travail,
l'exempta de tout impôt.
Pas une des mesures de son gouvernement ne fut vexatoire pour le peuple.
Il prépara toujours la paix et sut maintenir le calme à l'intérieur de la cité;
de là l'expression proverbiale qu'on répéta souvent dans la suite: « Vivre sous
la tyrannie de Pisistrate, c'était vivre du temps de Cronos. » Ce n'est en
effet que plus tard et par les excès de ses fils, que la tyrannie devint de
jour en jour plus dure. Ce qu'on louait le plus en lui, c'étaient ses manières,
qui dénotaient un ami du peuple, et sa bienveillance. D'ailleurs, en toute son
administration, il se conforma aux lois, sans s'arroger aucune prérogative:
appelé un jour à comparaître devant l'Aréopage comme prévenu de meurtre, il se
présenta lui-même en homme prêt à se défendre; ce fut l'accusateur, effrayé,
qui fit défaut. Voilà pourquoi sa tyrannie dura longtemps et pourquoi, après
chacune de ses chutes, il n'eut pas de peine à ressaisir le pouvoir. Il avait
en effet pour lui le bon vouloir de la plupart des nobles: et des gens du parti
populaire: également bien disposé pour les uns et pour les autres, il gagnait
les uns par ses relations d'amitié, les autres par des services personnels. Les
lois des Athéniens sur la tyrannie (?) étaient alors peu sévères, celle surtout
qui visait les entreprises des tyrans et dont voici le texte: Les lois
athéniennes établies par nos pères portent que: quiconque aspire à la tyrannie
ou forme un complot pour l'établir, sera frappé d'atimie clans sa personne et
dans sa race.
Pisistrate vieillit dans l'exercice du pouvoir et mourut de maladie
sous l'archontat de Philonéos (527 a. C. n.). Depuis qu'il avait établi pour la
première fois sa tyrannie, il avait vécu trente-trois ans: il en avait passé
dix-neuf au pouvoir et le reste en exil. Aussi est-il manifestement
déraisonnable de dire que Pisistrate fut aimé par Solon et qu'il commandait
dans la guerre engagée contre les Mégariens au sujet de Salamine. L'âge de l'un
et de l'autre rend cette assertion inadmissible on n'a qu'à rapprocher l'époque
de leur vie et la date de leur mort.
Après la mort de Pisistrate, ses fils prirent le pouvoir et
continuèrent à l'exercer de la même manière. De son union légitime avec une
femme d'Athènes, Pisistrate avait eu deux fils, Hippias et Hipparque; d'une
femme d'Argos, il en avait eu deux autres, Iophon et Hégésistratos. Ce dernier
était surnommé Thettalos. Pisistrate avait en effet épousé une femme d'Argos,
la fille d'un citoyen de cette ville nommé Gorgilos: elle s'appelait Timonassa
et avait été la femme d'Archinos d'Ambracie, de la famille des Kypsélides. De
ce second mariage de Pisistrate était résultée une alliance avec les Argiens:
mille d'entre eux, qu'avait amenés Hégésistratos, prirent part à la bataille
livrée près du temple de Palléné. Le mariage avait été contracté, selon les
uns, pendant le premier exil de Pisistrate; selon les autres, pendant qu'il
était au pouvoir.
Le pouvoir revint, par droit de naissance et d'aînesse, à Hipparque et
à Hippias. Hippias, l'aîné, ayant naturellement le goût des affaires publiques,
et d'un caractère sérieux, prit en main le gouvernement. Hipparque était d'un
caractère jeune, amoureux, ami des muses; ce fut lui qui appela à Athènes
Anacréon, Simonide, et les autres poètes; Thettalos, beaucoup plus jeune, avait
une conduite hardie et violente. C'est lui qui fut l'origine de tous leurs
malheurs.
Il s'éprit d'Harmodios, et ne fut point payé de retour. Au lieu de
contenir sa nature violente, il laissa paraître son ressentiment, surtout dans
cette dernière occasion. La soeur d'Harmodios devait être canéphore aux
Panathénées: il l'en empêcha, en traitant outrageusement Harmodios de débauché.
Exaspérés, Harmodios et Aristogiton s'unirent avec un grand nombre de citoyens
pour tenter ce que l'on sait. Le jour de la fête venu, ils épiaient, à
l'Acropole, Hippias qui s'apprêtait à recevoir la procession qu'Hipparque
ordonnait dans la cité, quand ils virent un de leurs complices s'entretenir
familièrement avec Hippias: se croyant trahis, et voulant frapper au moins un
coup avant d'être pris, ils s'élancèrent seuls tous les deux, trop tôt,
rencontrèrent Hipparque près du Léocoreion, où il organisait la procession, et
le tuèrent. Ainsi, par leur faute, échoua toute l'entreprise. Harmodios périt
aussitôt, tué par les gardes; Aristogiton, pris seulement plus tard, subit
avant de mourir une longue torture. Au milieu des tourments, il accusa beaucoup
d'hommes de naissance illustre, et amis des tyrans. Ceux-ci ne purent sur le
moment saisir aucune trace du complot; et il est faux que - comme on l'a dit -
Hippias ait fait enlever leurs armes aux gens de la procession, et ainsi pris
sur le fait ceux qui portaient des poignards, car alors la procession ne se
faisait pas en armes: c'est plus tard que cet usage fut établi par la
démocratie. Pour Harmodios, disent les partisans de la démocratie, s'il accusait
ainsi les amis des tyrans, c'était à dessein, pour faire commettre à ceux-ci
une impiété et les affaiblir par l'exécution d'innocents qui étaient leurs amis:
selon d'autres, il n'inventait rien, et dénonçait réellement ses complices. A
la fin, comme tous ses efforts ne pouvaient lui procurer la mort, il annonça
qu'il allait dénoncer encore beaucoup d'autres complices, et persuada à Hippias
de lui donner la main eu signe de sa foi. Quand il la tint, il insulta le
tyran, qui donnait la main au meurtrier de son frère, et l'exaspéra au point
que, de colère, celui-ci ne se contint plus, tira son épée et le tua.
Dès lors sa tyrannie devint de plus en plus dure. Pour venger son frère
il mit à mort nombre de citoyens, en chassa beaucoup d'autres: tous le prirent
en défiance et en haine. (511 a. C. n.) Trois ans après le meurtre d'Hipparque,
ne se sentant plus en sûreté dans la ville, il entreprit de fortifier Munichie,
où il comptait s'établir. Les travaux étaient commencés quand il fut chassé par
Cléomène, roi de Sparte. Les oracles avaient toujours dit qu'il appartiendrait
aux Lacédémoniens de renverser la tyrannie, et voici comment: les proscrits, à
la tête desquels étaient les Alcméonides, ne pouvaient point, avec leurs seules
forces, parvenir à rentrer; ils échouaient toujours. Toutes leurs tentatives
avaient été vaines: ils avaient par exemple fortifié Leipsydrion, au-delà du
Parnés, et quelques Athéniens étaient venus de la ville s'y joindre à eux. Mais
les tyrans les y assiégèrent et les en délogèrent, et c'est en souvenir de cet
échec que longtemps après on chantait encore dans les scolies: Maudit
Leipsydrion, traître aux amis ! Quels hommes tu as fait périr, braves au
combat, et de noble race, qui prouvèrent alors de quels pères ils étaient les
fils!
C'est après avoir échoué dans tous leurs desseins qu'ils passèrent
marché pour la reconstruction du temple de Delphes; ce qui leur permit, avec
les grandes richesses dont ils disposaient, de s'assurer l'alliance de Sparte. Toutes
les fois en effet qu'un Lacédémonien venait consulter l'oracle, la Pythie lui
enjoignait de délivrer Athènes; elle finit par décider les Spartiates, en dépit
des liens d'hospitalité qui les unissaient aux Pisistratides. Aussi bien les
relations d'amitié des Pisistratides avec les Argiens ne contribuèrent pas peu
à pousser les Lacédémoniens. Ils envoyèrent donc, par mer, une première armée
commandée par Anchimolos; mais le Thessalien Kinéas vint avec mille cavaliers
au secours des Pisistratides, et Anchimolos fut vaincu et tué. Irrités de cet
échec, les Lacédémoniens envoyèrent le roi Cléomène avec une armée plus forte,
et par terre. Les cavaliers thessaliens s'opposèrent en vain à l'entrée de ses
troupes en Attique: Cléomène les défit, enferma Hippias dans l'enceinte appelée
Pélargicon, et l'y assiégea avec l'aide des Athéniens. Cléomène était encore là
quand les fils des Pisistratides, qui cherchaient à s'enfuir, furent faits
prisonniers. Les tyrans traitèrent aussitôt à la condition que leurs enfants
auraient la vie sauve. Ils prirent cinq jours pour enlever tout ce qui leur
appartenait, puis ils livrèrent l'Acropole aux Athéniens, sous l'archontat
d'Harpagidès (511 a. C. n.). Il y avait juste dix-sept ans, depuis la mort de
leur père, qu'ils exerçaient la tyrannie; en tout, c'est-à-dire en comptant les
années de Pisistrate, la tyrannie avait duré quarante-neuf ans.
Aussitôt après le renversement de la tyrannie, éclata la rivalité
d'Isagoras, fils de Teisandros et ami des tyrans, et de Clisthène, de la
famille des Alcméonides. Impuissant contre les associations politiques,
celui-ci se concilia le peuple, en s'efforçant de donner le gouvernement au plus
grand nombre, et son influence l'emporta sur celle de son rival. Alors Isagoras
appela de nouveau Cléomène, qui avait avec lui des relations: d'hospitalité, et
lui persuada de chasser la souillure; on croyait encore que les Alcméonides en
étaient entachés. Clisthène se déroba par la fuite, suivi d'un petit nombre
d'hommes, et Cléomène exila sept cents familles athéniennes. Il essaya alors de
dissoudre le Conseil et de donner le pouvoir à Isagoras et à trois cents de ses
amis. Mais le Conseil résista, le peuple rassembla, ses forces, et Cléomène,
Isagoras et leurs partisans durent se réfugier dans l'Acropole. Le peuple
l'investit et l'assiégea deux jours durant: le troisième il laissa sortir, en
vertu d'une trêve, Cléomène et tous ses partisans; en même temps il rappela
Clisthène et les proscrits.
Quand le peuple eut ainsi repris le pouvoir, il se laissa diriger par
Clisthène, digne chef du parti populaire: en effet, c'était surtout aux
Alcméonides qu'on devait l'expulsion des tyrans, et ils avaient constamment
entretenu les troubles. Déjà, avant les Alcméonides, Kédon avait fait une
tentative contre les tyrans: aussi chantait-on en son honneur dans les chansons
à boire:Verse aussi en l'honneur de Kédon, esclave, et garde-toi de l'oublier,
si lu dois verser une rasade en l'honneur de tous les braves.
C'est pour ces raisons que le peuple accorda sa confiance à Clisthène. Ayant
pris la tête du parti populaire, Clisthène fit ses réformes sous l'archontat
d'Isagoras, trois ans après le renversement des tyrans (508 a. C. n.). Il
commença par répartir les Athéniens dans dix tribus. Jusque-là, il n'y en avait
eu que quatre; mais Clisthène voulait mêler davantage les citoyens les uns aux
autres et faire participer un plus grand nombre d'hommes à la vie politique. De
là cette phrase qu'on adressa dans la suite à ceux qui voulaient réviser les
listes des membres des familles: Ne vous occupez pas des tribus ! Il porta le
nombre des Conseillers de quatre cents à cinq cents, cinquante par tribu. Auparavant
chaque tribu fournissait cent Conseillers. S'il ne répartit pas les citoyens en
douze tribus, c'était pour ne pas retomber dans les divisions déjà existantes
des trittyes (les quatre tribus étaient en effet divisées en douze trittyes):
le peuple ne s'y serait pas suffisamment confondu.
Le sol, qu'il divisa par dèmes, fut distribué en trente parties, dix
dans les environs de la ville, dix dans la paralie et dix dans la mésogée; et
ces parties, qu'il appela trittyes, furent assignées par le sort aux dix
tribus, à raison de trois par tribu, si bien que chacune des tribus tenait à
toutes les contrées de l'Attique. Les habitants de chaque dème formèrent entre
eux un groupe de démotes, et pour que l'appellation patronymique ne pût trahir
les nouveaux citoyens, on ne se servit plus, pour désigner les citoyens, que du
nom du dème: l'usage du démotique à Athènes date de cette époque. Clisthène
attribua aux démarques les mêmes fonctions qu'exerçaient autre fois les
naucrares: les dèmes remplacèrent en effet les naucraries. Pour les noms des
dèmes, il les emprunta soit aux lieux qu'ils occupaient, soit aux personnes qui
avaient fondé le bourg: car nombre de lieux n'avaient pas de nom.
Quant aux familles, aux phratries et aux sacerdoces, il les laissa tous
subsister, respectant la tradition. Les dix tribus reçurent les noms de dix
éponymes, que la Pythie désigna parmi les cent héros choisis à l'avance.
Après ces réformes la constitution fut beaucoup plus démocratique que
celle de Solon. Il se trouvait en effet que les tyrans, en ne les appliquant
pas, avaient comme abrogé les lois de Solon et que Clisthène en avait établi de
nouvelles, où il se montrait préoccupé de gagner la foule: du nombre était la
loi sur l'ostracisme. (504 a. C. n) D'abord, quatre ans (?) après que ces lois
eurent été instituées, sous l'archontat d'Hermocréon (501 a. C. n.), fut imposé
au Conseil des Cinq-Cents le serment qu'il prête encore aujourd'hui. Ensuite on
élut les stratèges par tribus, un par tribu; le polémarque avait encore le
commandement de toute l'armée.
Onze ans après les Athéniens furent vainqueurs à Marathon, sous
l'archontat de Phaenippos (490 a. C. n.). Le peuple, que cette victoire avait
enhardi, laissa pourtant passer deux années encore avant d'appliquer pour la
première fois la loi sur l'ostracisme (488 a. C. n.). Elle s avait été portée
par défiance contre les chefs de parti trop puissants: on se souvenait que
Pisistrate était chef du peuple et à la tète de l'armée, quand il avait établi
sa tyrannie. C'est un de ses parents qui fut le premier frappé, Hipparque, fils
de Charmos, de Collytos: Clisthène l'avait surtout visé en instituant cette loi
et voulait le proscrire. Les Athéniens, en effet, avec la douceur de leur
caractère, avaient laissé les amis des tyrans vivre tranquillement dans la
ville, ceux du moins qui, lors des troubles, n'avaient pas participé a leurs
excès: ils avaient à leur tête et pour chef Hipparque.
L'année suivante (487 a. C. n.), sous l'archontat de neuf, les neuf
archontes furent tirés au sort, par tribu, parmi les citoyens de la classe des
pentacosiomédimnes, que le peuple avait préalablement désignés. C'était la
première fois depuis la tyrannie: jusque-là tous les archontes avaient été élus.
La même année, Mégaclès, fils d'Hippocratès, d'Alopéké, fut frappé d'ostracisme.
On frappa, trois années encore, les seuls amis des tyrans, contre lesquels la
loi avait été dirigée; la quatrième année (485 a. C. n.), on commença à exiler
tout citoyen des autres partis, qui paraissait trop puissant. Le premier
frappé, en dehors du parti des tyrans, fut Xanthippos, fils d'Ariphron.
Deux ans après, sous l'archontat de Nicomédès (483 a. C. n.), les mines
de Maronéia furent découvertes, et l'exploitation eut bientôt rapporté cent
talents à l'État. Quelques-uns proposaient de distribuer cet argent au peuple;
Thémistocle s'y opposa, et, sans dire l'emploi qu'il comptait faire de cette
somme, il conseilla de la prêter aux cent plus riches Athéniens, à raison d'un
talent à chacun. Si le peuple approuvait l'emploi, la dépense serait portée au
compte de la ville; sinon les emprunteurs devraient restituer l'argent. A ces
conditions, il obtint de dis-poser de la somme, et fit construire une trière à
chacun des cent: c'est avec cette flotte que les Athéniens combattirent les
Barbares à Salamine. Vers le même temps, Aristide, fils de Lysimaque, fut
frappé d'ostracisme. Trois ans après, sous l'archontat d'Hypséchidès (481 a. C.
n) et à l'occasion de l'expédition de Xerxès, tous ceux qui avaient été frappés
d'ostracisme furent rappelés, et on établit, pour l'avenir, que tout citoyen
frappé d'ostracisme devait habiter entre le promontoire Géraestos et le cap
Skyllaeon, comme limites extrêmes, sous peine d'encourir la déchéance
définitive de tous droits politiques.
C'est ainsi qu'Athènes continuait de grandir, se développant peu à peu
en même temps que la démocratie. Après les guerres Médiques, le Sénat de
l'Aréopage reprit de l'influence et gouverna la ville, sans tenir le pouvoir
d'aucun décret, mais parce qu'on lui devait la bataille de Salamine. Alors que
les stratèges avaient désespéré de la république et fait proclamer que chacun
pourvut à son salut, l'Aréopage trouva des fonds, fit distribuer huit drachmes
à tous les combattants et les embarqua sur les vaisseaux. Aussi cédèrent-ils à
son prestige, et le régime d'Athènes fut dans ce temps digne d'éloges. Car
c'est alors que les Athéniens acquirent l'expérience de la guerre, que la ville
sut gagner une grande gloire dans la Grèce, et qu'elle conquit l'hégémonie
maritime, que dut lui céder Lacédémone.
Les chefs du peuple en ce temps étaient Aristide, fils de Lysimaque, et
Thémistocle, fils de Néoclès, l'un dont la place était à la tète des affaires
militaires, l'autre qui avait la réputation d'un très habile politique, et, par
son équité, s'élevait au-dessus de ses contemporains. Aussi, l'un fut-il le
général, l'autre le conseiller politique d'Athènes. Ensemble ils dirigèrent la
reconstruction des murs, quoiqu'ils fussent divisés entre eux. Ce fut Aristide
qui entreprit de détacher les Ioniens de l'alliance de Sparte, et il épia le
moment où la conduite de Pausanias avait rendu les Lacédémoniens odieux. Ce fut
encore lui qui imposa aux villes alliées les premiers tributs, deux ans après
la bataille de Salamine, sous l'archontat de Timosthénès (478 a. C. n.); et il
fit prêter aux Ioniens le serment que désormais amis et ennemis seraient
communs, en foi de quoi on jeta dans la mer des masses de fer rougies.
Ensuite comme Athènes s'était enhardie et que de grandes richesses y
affluaient, Aristide conseilla aux citoyens de se saisir de l'hégémonie, et de
quitter la campagne pour venir habiter à la ville. Tous y auraient leur
subsistance, les uns en faisant la guerre, les autres en gardant la ville,
d'autres en prenant part à l'administration des affaires publiques: ainsi, ils
tiendraient solidement l'hégémonie. On l'en crut, et, prenant en mains le
pouvoir suprême, Athènes fit sentir à ses alliés une domination plus
tyrannique, sauf à Chios, Lesbos et Samos, qu'elle considérait comme les
gardiens de son empire; aussi laissa-t-elle intactes la constitution nationale de
ces trois îles et l'autorité qu'elles avaient eue jusqu'alors sur leurs sujets.
En même temps, suivant la politique inaugurée par Aristide, ou assura à
la multitude largement sa subsistance. Il arriva que par les contributions
extraordinaires, par les droits et impôts, par les alliés, plus de vingt mille
hommes étaient nourris. Il y avait en effet six mille juges, mille six cents
archers et en outre douze cents cavaliers; le Conseil comptait cinq cents
membres, les gardes des arsenaux étaient au nombre de cinq cents, et les gardes
en ville au nombre de cinquante; environ sept cents hommes exerçaient des
magistratures dans le pays; environ autant, en dehors du pays. Plus tard, quand
Athènes eut entrepris la guerre, il y eut deux mille cinq cents hoplites, vingt
vaisseaux croiseurs, d'autres vaisseaux pour la. perception des tributs ayant à
bord les deux mille hommes désignés par le sort. Ajoutons le prytanée, les
orphelins' les, geôliers. Tout ce monde tirait sa subsistance des revenus
publics.
C'est donc ainsi qu'était assurée la subsistance du peuple. Pendant
dix-sept ans après les guerres Médiques (479 - 462 a. C. n.), l'Aréopage
conserva la direction suprême des affaires de la cité, quoique son autorité fût
minée peu à peu. Mais, voyant le peuple croître en nombre et en force,
Éphialte, fils de Sophonidès, et chef du parti démocratique, homme qui passait
pour incorruptible et guidé dans sa politique par la justice, s'attaqua au
Sénat. Il se débarrassa d'abord d'un grand nombre d'Aéropagites, au moyen
d'accusations intentées contre leur administration; ensuite, sous l'archontat
de Conon, (462 a. C. n.) il enleva au Sénat toutes les attributions qu'il avait
ajoutées à ses attributions primitives, et qui lui assuraient la garde de la
Constitution, pour les donner, les unes au Conseil des cinq cents, les autres
au peuple et aux tribunaux. Dans cette entreprise, il eut le concours de
Thémistocle, qui faisait bien partie de l'Aréopage, mais était sous le coup
d'une accusation de rnédisme. Thémistocle, ayant résolu de renverser le Sénat
dit à Éphialte que ce corps allait le faire arrêter, et à l'Aréopage qu'il lui
montrerait des citoyens conjurés pour le renversement de la Constitution. Il
emmena donc les commissaires de l'Aréopage au lieu où se trouvait Éphialte,
pour leur montrer cette réunion, et il se mit à leur parler avec animation. Éphialte,
à cette vue, frappé d'effroi, s'assit, vêtu d'un simple chiton, sur l'autel. Tous
s'étonnèrent de cet événement. Après quoi, dans une réunion du Conseil des cinq
cents, Éphialte et Thémistocle accusèrent l'Aréopage, et firent de même ensuite
devant le peuple, jusqu'à ce qu'ils l'eussent dépouillé de son influence. Éphialte
disparut peu après, assassiné par Aristodicos de Tanagra. C'est ainsi que la
garde de la Constitution fut enlevée au Sénat de l'Aréopage.
Il s'ensuivit un certain relâchement dans la pratique des institutions,
par le fait de l'ardeur des démagogues. Le hasard voulut, en effet, qu'à la
même époque les modérés n'eussent pas de chef véritable: Cimon, fils de
Miltiade, qui était à leur tête, était trop jeune et n'avait commencé que tard
à s'occuper de politique. De plus, les guerres enlevaient au peuple ses
meilleurs citoyens: comme ceux-là seulement prenaient alors part aux
expéditions, qui étaient inscrits sur les rôles, et comme les stratèges placés
à leur tête n'avaient ni expérience de la guerre, ni d'autre titre que la
gloire de leurs ancêtres, chaque expédition coûtait de deux à trois mille
hommes, si bien que les modérés des deux partis, du parti populaire et du parti
des riches, s'épuisaient à la guerre.
Pour le reste, bien que, dans la pratique du régime politique, on
n'observât pas les lois avec autant de respect que par le passé, on n'avait
pourtant pas touché à l'élection des neuf archontes: ce n'est que cinq ans
après la mort d'Éphialte que l'on décida que les zeugites, eux aussi,
pourraient être désignés par une élection préalable pour tirer au sort les
charges des neuf archontes. Le premier zeugite qui fut archonte fut
Mnésitheidès (457 a. C. n.).
Jusqu'alors, tous les archontes avaient été pris parmi les
pentacosiomédimnes et les cavaliers: les zeugites ne remplissaient que les
charges inférieures, à moins que quelque infraction aux lois ne fût commise par
les dèmes.
Quatre ans après, sous l'archontat de Lysicratès (453 a. C. n.) on
institua de nouveau les trente juges, appelés juges des dèmes, et deux ans plus
tard, sous l'archontat d'Antidotos (451 a. C. n.), en considération du nombre
croissant des citoyens et sur la proposition de Périclès, il fut décidé que,nul
ne jouira des droits politiques, s'il n'est pas né de père et de mère athéniens.
Périclès prit ensuite la direction du parti populaire. Il s'était déjà
rendu célèbre en attaquant, jeune encore, Cimon, alors que celui-ci rendait ses
comptes au sortir de sa stratégie. Avec lui la constitution devint encore plus
démocratique. Il enleva au Sénat de l'Aréopage quelques-unes des attributions
qui lui restaient et surtout il tourna l'ambition d'Athènes vers l'empire
maritime, si bien que la multitude enhardie tira de plus en plus à elle tout le
gouvernement. (432 a. C. n.). Quarante-huit ans après la bataille de Salamine,
sous l'archontat de Pythodoros, éclata la guerre du Péloponnèse, durant
laquelle le peuple, enfermé dans la ville et s'habituant au salaire qui lui
était fourni pour chaque expédition, se décida, bon gré, mal gré, à diriger
lui-même les affaires publiques.
Périclès est aussi le premier qui établit le salaire des tribunaux,
mesure populaire prise contre l'opulence de Cimon. Celui-ci, qui avait une
vraie fortune de tyran, ne se contentait pas de s'acquitter avec magnificence
des services publics dont il était chargé, mais il nourrissait encore bon
nombre de ses démotes. Chaque jour, en effet, tout Lakiade n'avait qu'à se
présenter chez lui pour être assuré de sa subsistance. Bien plus, aucun de ses
domaines n'était clos de murs, et y entrait qui voulait, pour prendre sa part
des fruits. La fortune de Périclès ne lui permettait pas de rivaliser avec un
si grand seigneur, et il suivit le conseil de Damonidès d'Oié (le même qui,
semble-t-il, lui inspira la plupart de ses mesures, et fut plus tard, pour
cette raison, frappé d'ostracisme). "Puisque Périclès, disait Damonidès,
n'avait pas assez de sa fortune à lui, il devait donner au peuple l'argent du
peuple. " C'est ainsi que Périclès établit le salaire des juges. On lui a
reproché cette mesure comme funeste: dans la suite, en effet, les premiers
venus mirent plus d'empressement à se présenter aux urnes que les modérés. Alors
s'introduisit la corruption dont Anytos donna le premier l'exemple après sa
stratégie de Pylos: accusé d'avoir perdit Pylos, il se fit acquitter en
corrompant le tribunal.
Tant que Périclès fut à la tête du parti populaire, le régime politique
fut meilleur; après sa mort, le mal empira beaucoup. (429 a. C. n.) Pour la
première fois, le peuple prit pour chef un homme qui n'avait pas l'estime du
parti modéré: jusque-là, c'étaient toujours des modérés qui avaient été à la
tête du peuple. Car, au début, le premier chef du peuple fut Solon; vint
ensuite Pisistrate. Après la chute de la tyrannie, ce fut Clisthène, de la
famille des Alcméonides: l'autre parti ne lui opposa point d'adversaire après
la chute d'Isagoras. Ensuite le parti démocratique eut pour chef Xanthippos,
l'aristocratie Miltiade; après eux vinrent Thémistocle et Aristide; puis
Éphialte à la tête du peuple et Cimon, fils de Miltiade, à la tête des riches;
ils eurent pour successeurs dans le parti démocratique Miltiade, dans l'autre
Thucydide, allié de Cimon.
Après la mort de Périclès, la direction de l'aristocratie passa à
Nicias, celui qui mourut en Sicile; celle du peuple à Cléon, fils de Clémnétos,
qui semble vraiment avoir perdu le peuple par ses violences: le premier il se
mit à pousser des cris à la tribune, et à lancer des injures; au lieu de
garder, comme les autres, une tenue décente, on le vit parler en retroussant
son chiton. Après eux, tandis que l'autre parti obéissait à Théramène, fils
d'Hagnon, celui du peuple eut pour chef Cléophon le luthier, celui qui, le
premier, assura au peuple la diobélie.
La distribution du diobole eut lieu pendant quelque temps, puis elle
fut supprimée par Callicratès de Paeania, qui avait d'abord promis de
l'augmenter d'une obole. Cléophon et Callicratès furent plus tard condamnés à
mort. Le peuple, en effet, quand il s'est laissé entraîner à une erreur, se
prend d'ordinaire à haïr ceux qui l'ont poussé au mal. A partir de Cléophon, se
succédèrent à la tête du peuple les démagogues les plus audacieux et les plus
empressés à gagner la faveur de la multitude, sans voir plus loin que l'intérêt
présent.
A mon avis, les meilleurs hommes d'État qu'ait eus Athènes, après les
anciens, sont Nicias, Thucydide et Théramène. Pour Nicias et Thucydide, il y a
presque unanimité à les considérer, non seulement comme d'honnêtes gens, mais
encore comme des hommes d'État fidèles aux traditions qu'ils tenaient de leurs
pères et ayant bien mérité de la cité. Pour Théramène, le jugement est plus
contesté, parce qu'il a vécu sous des régimes pleins de troubles. Il semble
pourtant, à un examen attentif, que loin d'avoir, comme on le lui reproche
injustement, détruit tous les régimes, il les ait bien plutôt tous soutenus
tant qu'ils ne commettaient pas d'illégalité, montrant qu'a cette condition il
pouvait - ce qui est le rôle d'un bon citoyen - les servir tous; au contraire,
l'illégalité commise, ils ne rencontraient plus chez lui la soumission, mais
bien la haine.
Tant que les chances de la guerre restèrent égales, les Athéniens
conservèrent le régime démocratique; mais après le désastre de Sicile et quand
l'alliance avec le grand roi eut donné l'avantage aux Lacédémoniens, on fut forcé
de renverser le régime démocratique et d'établir le gouvernement des Quatre
Cents: Pythodoros, fils d'Épizélos, fit la proposition et Mélobios prononça le
discours avant le vote du décret, mais ce qui décida surtout la multitude. ce
fut la pensée que le grand roi se porterait bien plus volontiers du côté des
Athéniens, s'ils établissaient un gouvernement oligarchique. Voici le décret de
Pythodoros:
Le peuple élira vingt autres commissaires, en outre des dix qui sont
déjà en fonctions. II les choisira parmi les citoyens âgés de plus de quarante
ans et leur fera prêter le serment de s'entendre pour le salut de la cité, et
de rédiger la constitution qu'ils jugeront la meilleure. Il sera également
permis à tout citoyen de faire des propositions par écrit, afin que les
commissaires prennent les meilleures décisions possibles.
Amendement de Cleitophon: il en sera pour le reste comme l'a proposé
Pythodoros, mais les commissaires désignés devront aussi rechercher, pour les
examiner, les lois que Clisthène a établies pour nos ancêtres, quand il a fondé
la démocratie, afin que, s'inspirant aussi de ces lois, ils fassent dans leurs
délibérations en tout pour le mieux; - cela dans la pensée que la constitution
de Clisthène n'était pas une constitution absolument démocratique, mais celle
qui se rapprochait le plus de la constitution de Solon.
Les commissaires décidèrent tout d'abord que les prytanes seraient
tenus de mettre aux voix toutes les propositions faites en vue du salut public;
puis ils supprimèrent toutes les accusations d'illégalité, de haute trahison et
les citations, afin que tous les Athéniens de bonne volonté pussent prendre
part aux délibérations: quiconque frapperait un orateur d'une amende ou le
citerait en justice ou le ferait comparaître devant un tribunal, serait
poursuivi par voie de délation sommaire, saisi et trainé devant les stratèges:
ceux-ci remettraient le coupable aux Onze, qui le puniraient de mort.
Après avoir pris ces mesures, ils établirent la constitution que voici:
Défense d'employer les revenus de la cité à d'autres dépenses qu'à celles de la
guerre. Tant que la guerre durera, les magistrats ne toucheront aucun salaire,
excepté les neuf archontes et les prytanes qui se succéderont à la présidence:
ceux-ci toucheront chacun trois oboles par jour. Pour les droits politiques, en
jouiront tous les Athéniens qui seront le mieux en état de servir la cité, de
leur personne et de leur argent, et leur nombre ne sera pas inférieur à cinq
mille, au moins tant que durera la guerre. Les Cinq Mille-auront, entre autres
droits, celui de conclure des traités avec qui ils voudront. On élira dans
chaque tribu dix hommes âgés de plus de quarante ans, qui dresseront la liste
des Cinq Mille, après avoir prêté serment sur les chairs d'une victime parfaite.
Telles furent les propositions que rédigèrent les commissaires. Après
qu'elles eurent été approuvées, les Cinq Mille choisirent dans leur sein une
commission de cent citoyens pour rédiger une constitution. Voici ce qu'ils
proposèrent: Le Conseil sera composé chaque année des citoyens âgés de plus de
trente ans, et ils ne recevront aucun salaire; dans son sein seront pris les
stratèges, les neuf archontes, le hieromnémon, les taxiarques, les hipparques,
les phylarques, le commandants des places fortes, les trésoriers des richesses
sacrées d'Athéna et des autres dieux, au nombre de dix, les hellénotamiai, les
vingt autres trésoriers qui seront chargés de l'administration des autres
richesses de l'État, les dix sacrificateurs et les dix épimélètes.
Tous ces magistrats seront élus parmi les élus d'un premier degré, pris
eux-mêmes parmi les membres du Conseil en fonctions, et ce premier vote aura dû
désigner un nombre de candidats supérieur au nombre des charges à remplir.
Tous les autres magistrats seront désignés par le sort et pris en
dehors du Conseil.
Ceux des Hellénotamiai qui administreront les finances, ne seront pas
admis aux séances du Conseil.
A l'avenir, le Conseil sera composé de quatre sections, formées des
citoyens ayant atteint l'âge indiqué plus haut, et le sort désignera celle des
sections qui sera en charge; mais les autres citoyens devront être répartis
dans l'une ou l'autre des sections. Les Cent seront chargés de la répartition:
ils distribueront les citoyens, eux-mêmes compris, dans les quatre sections, le
plus également qu'ils pourront; ils seront encore chargés de tirer au sort
l'ordre dans lequel se succéderont les sections.
Dans l'année qu'il restera en charge, le Conseil prendra au sujet de
toute chose les meilleures mesures qu'il pourra: il veillera notamment à ce que
les revenus restent intacts et ne servent à couvrir que des dépenses
nécessaires. Le jour où la section voudra un plus grand nombre d'avis, chaque
Conseiller sera libre d'introduire un Conseiller supplémentaire, pourvu que
celui-ci remplisse les mêmes conditions d'âge que lui.
Le Conseil tiendra séance tous les cinq jours, à moins qu'on n'ait
besoin de le réunir plus souvent. Le Conseil tirera au sort les neuf archontes.
Cinq Conseillers désignés par le sort jugeront des votes à main levée. Entre
ces cinq personnages le sort désignera chaque jour celui qui devra mettre tes
questions aux voix. Les cinq tireront également au sort l'ordre que suivront
ceux qui veulent s'adresser au Conseil; l'ordre des matières sera le suivant:
en premier lieu, les choses sacrées; deuxièmement, les communications des
hérauts; troisièmement, les ambassades; quatrièmement, toutes les autres questions.
Quant aux affaires militaires, ce sera aux stratèges de les porter à l'ordre du
jour, toutes les fois qu'il le faudra, sans qu'ils aient à se soumettre au
tirage au sort. Le Conseiller qui ne se rendra, pas au palais du Conseil à
l'heure fixée paiera une drachme par jour d'absence, à moins qu'il n'ait obtenu
du Conseil un congé.
Telle est donc la constitution que les Cent rédigèrent pour l'avenir. Voici
celle qui devait être immédiatement mise en vigueur: Le Conseil sera formé de
quatre cents membres, selon la règle établie par nos pères, quarante de chaque
tribu, après un choix préalable fait par les gens de la tribu parmi les
citoyens âgés de plus de trente ans.
Les Quatre Cents désigneront les magistrats:et rédigeront la formule du
serment qu'ils doivent prêter.
Ils veilleront au maintien des lois, à la reddition des comptes et
agiront, en toute chose, selon ce qu'ils jugeront utile. Pour tes lois
politiques, ils se conformeront à celles que l'on portera, et ne pourront ni
les changer, ni en établir de nouvelles.
Pour cette fois les stratèges sont élus dans le corps tout entier des
Cinq Mille; mais, après qu'il aura été constitué et qu'il aura passé la revue
des troupes, c'est le Conseil qui élira dix citoyens et le greffier qui les
assistera. Les dix citoyens ainsi désignés auront pleins pouvoirs pour l'année
qui finit, et prendront part, quand ils le jugeront nécessaire, aux
délibérations du Conseil. L'élection de l'hipparque et des dix phylarques aura
lieu [de la même manière]. A l'avenir l'élection de ces officiers sera réservée
au Conseil, selon ce qui a été décidé.
Pour toutes les magistratures, à l'exception des charges de Conseiller
et de stratège, nul ne pourra les remplir plus d'une fois, ni les titulaires
élus présentement, ni personne autre. [Désormais, quand on répartira de nouveau
les Quatre Cents en quatre sections, les Cent veilleront à les répartir de
telle sorte que les mêmes Conseillers siègent avec d'autres collègues].
Voilà donc la constitution que rédigèrent les cent commissaires élus
par les Cinq Mille. Le peuple la ratifia, sous la présidence d'Aristomachos, et
l'ancien Conseil, celui de l'année de Callias, fut dissous avant d'avoir achevé
son année, (412 a. C. n.) le 14 Thargélion. Le 22 du même mois, les Quatre
Cents entrèrent en fonctions (juin 411): d'après l'ancienne constitution, le
Conseil tiré au sort n'aurait dû entrer en charge que le 14 Skirophorion
(Juillet 411). Ainsi fut établi le régime oligarchique, sous l'archontat de
Callias, cent ans après l'expulsion des tyrans, et sur l'initiative surtout
d'Antiphon et de Théramène, hommes de haute naissance, et qui passaient pour
supérieurs aussi par l'intelligence et le jugement.
Une fois ce régime établi, on ne choisit les Cinq Mille que pour la
forme: de fait, les Quatre Cents s'installèrent, avec les dix stratèges, munis
de pleins pouvoirs, dans le Palais du Conseil et gouvernèrent la cité. Ils
envoyèrent des députés à Lacédémone pour proposer de terminer la guerre, à la
condition que des deux côtés on garderait ses positions; mais Sparte ne voulut
rien entendre, si les Athéniens ne renonçaient aussi à l'empire de la mer, et
ils rompirent les négociations.
Le gouvernement des Quatre Cents dura ainsi près de quatre mois, et
Mnésilochos, l'un d'eux, fut archonte pendant deux mois de l'année de
Théopompos (411 a. C. n.), qui exerça la charge durant les dix autres mois. Mais
après la défaite navale d'Érétrie et la défection de l'Eubée entière, à
l'exception d'Oréos, les Athéniens, souffrant de ce dernier désastre plus que
de tous les précédents (car ils tiraient bien plutôt leur subsistance de
l'Eubée que de l'Attique), renversèrent les Quatre Cents et remirent les
affaires aux Cinq Mille; c'étaient ceux qui pouvaient s'équiper eux-mêmes. En
même temps ils décrétèrent la suppression du salaire pour toutes les charges.
Les principaux auteurs de ce renversement furent Aristocratès et
Théramène, qui n'approuvaient pas les actes des Quatre Cents; car ceux-ci
agissaient en tout de leur propre autorité, sans référer de rien aux Cinq Mille.
Sous les Cinq Mille la constitution d'Athènes mérite des éloges: car on était
en guerre, et c'était aux citoyens capables de s'armer eux-mêmes
qu'appartenaient les droits politiques.
Le peuple leur enleva bien vite le pouvoir. Six ans après le
renversement des Quatre Cents, sous l'archontat de Callias (406 a. C. n.)
d'Anghélé, trompé par ses conseillers qui l'égarèrent, il commit la faute,
après la bataille des Arginuses, de condamner par un seul vote les dix
stratèges vainqueurs: il en était dans le nombre qui n'avaient pas même pris
part à la bataille, et d'autres avaient dû se sauver sur des épaves de
vaisseaux ennemis. Quand, à la suite de cette défaite, Sparte voulut évacuer
Décélie et proposa la paix à condition que chaque puissance garderait ses
positions, quelques citoyens s'entre-mirent avec ardeur, mais la multitude n'en
voulut pas entendre parler.
Elle se laissa tromper par Cléophon, le véritable auteur du rejet de la
paix: il parut à l'assemblée, ivre, affublé d'une cuirasse, et déclara qu'il ne
consentirait point à la paix avant que les Lacédémoniens eussent rendu toutes
les villes.
Ils n'avaient point su profiter de l'occasion, et bientôt reconnurent
leur faute. L'année d'après, sous l'archontat d'Alexias, (405 a. C. n.) ils
essuyèrent le désastre d'Aegos-Potamos, à la suite duquel Lysandre, devenu
maître d'Athènes, établit le gouvernement des Trente de la façon suivante. La
paix avait été conclue à la condition que les Athéniens garderaient les
institutions politiques de leurs pères. Les partisans de la démocratie
cherchaient à sauver le régime démocratique: parmi les aristocrates, ceux qui
s'étaient organisés en associations, avec ceux des exilés que la paix avait
ramenés à Athènes, désiraient l'oligarchie; les autres, - ceux qui, sans faire
partie d'aucune association, ne s'estimaient inférieurs à aucun citoyen, -
s'attachaient à la constitution de leurs pères. Parmi ces derniers étaient
Archinos, Anytos, Cleitophon, Phormisios, et beaucoup d'autres: leur principal
chef était Théramène. Mais Lysandre appuya les oligarques, et le peuple,
effrayé fut contraint de voter le régime oligarchique. L'auteur du décret fut
Dracontidès d'Aphidna.
Voilà comment fut établi le gouvernement des Trente sous l'archontat de
Pythodoros (403 a. C. n.). Une fois maîtres de la ville, sans tenir compte de
la décision prise au sujet des institutions politiques, ils recrutèrent un
Conseil de cinq cents membres et les autres magistrats parmi les cinq mille
citoyens désignés par l'élection. Ils s'adjoignirent ensuite dix archontes pour
le Pirée, onze geôliers, et trois cents gardes armés de fouets: c'est avec cet
appareil qu'ils maintinrent la cité dans leur pouvoir. Au début cependant ils
tirent preuve de modération à l'égard des citoyens, et, affectant d'observer
les traditions politiques des ancêtres, ils supprimèrent de l'Aréopage les lois
d'Ephialte et d'Archestratos contre les Aréopagites; ils abolirent de même
toutes celles des lois de Solon dont l'interprétation prêtait aux discussions,
et enlevèrent ainsi aux juges le droit de trancher souverainement les
contestations. En un mot, ils semblaient préoccupés de redresser la
Constitution et d'en faire disparaître toutes les obscurités. Ainsi la loi qui
autorisait tout Athénien à disposer de ses biens en faveur de qui il voulait,
fut mise en vigueur sans aucune restriction; toutes les réserves, si pleines de
difficultés: à moins qu'il ne jouisse pas de sa raison, ou qu'il soit affaibli
par la vieillesse, ou qu'il agisse sous l'effet du poison ou de la maladie, ou
sous l'influence d'une femme, furent supprimées, de manière à ne pas laisser
prise aux sycophantes. Le même esprit les guida dans la révision des autres
lois.
Telle fut donc leur conduite au début. Ils se débarrassèrent aussi des
sycophantes et de ces orateurs intrigants et pervers qui ne parlaient au peuple
que pour le flatter, l'entraînant hors du bon chemin. La cité se réjouissait de
ces mesures, et l'on croyait qu'ils n'étaient animés que par le désir de bien
faire. Mais quand ils sentirent leur pouvoir plus assuré dans la ville, ils
n'eurent d'égard pour aucun citoyen et massacrèrent tous ceux que leur fortune,
leur naissance on leurs titres mettaient en évidence, autant pour s'enlever
tout sujet de crainte que pour mettre la main sur leurs biens. On compte qu'en
peu de temps ils n'exécutèrent pas moins de quinze cents personnes.
La cité allait ainsi s'affaiblissant, quand Théramène, indigné de la
conduite des Trente, les engagea à cesser leurs violences et à admettre les
meilleurs citoyens aux affaires. Les Trente refusèrent d'abord, mais quand cet
entretien eut été répandu dans le peuple, qu'ils savaient bien disposé pour
Théramène, ils craignirent qu'il ne devint le chef du parti démocratique et
qu'il ne renversât leur pouvoir absolu: ils se mirent alors à dresser une liste
de trois mille citoyens, auxquels seraient donnés les droits politiques.
Théramène les blâma encore de cette mesure: d'abord, voulant donner aux
modérés une part du pouvoir, pourquoi n'appelaient-ils que trois mille hommes,
comme si le nombre des gens de mérite se bornait à ce chiffre ? Puis, ils
faisaient deux choses absolument opposées: ils établissaient une domination
violente et pourtant hors d'état de se soutenir contre ceux qui y étaient
soumis. Les Trente ne tinrent aucun compte de ces avis, mais pendant longtemps
ils différèrent la confection de la liste et gardèrent par devers eux les noms
de ceux qu'ils avaient décidé d'y admettre. Puis, toutes les fois qu'ils se
décidaient à la publier, ils effaçaient les noms déjà inscrits et les
remplaçaient par des noms nouveaux. Ils envoyèrent aussi des députés à
Lacédémone pour accuser Théramène et demander du secours. Les Lacédémoniens
accueillirent leur demande et expédièrent l'harmoste Callibios avec sept cents
soldats qui, dès leur arrivée, occupèrent l'Acropole.
L'hiver était déjà commencé quand Thrasybule occupa Phylé avec les
émigrés. Les Trente, ayant échoué dans l'expédition qu'ils conduisirent contre
eux, résolurent d'enlever les armes à tous les citoyens et de perdre Théramène.
Voici comme ils s'y prirent. Ils présentèrent au Conseil deux lois
qu'ils soumettaient à son approbation: l'une donnait aux Trente le droit absolu
de mettre à mort ceux des citoyens qui ne seraient pas sur la liste des Trois
Mille; l'autre refusait tous droits politiques dans la Constitution actuelle à
tous ceux qui avaient détruit le mur d'Éétionéia ou fait acte quelconque
d'opposition aux Quatre Cents, fondateurs de la première oligarchie. Or,
Théramène avait fait l'un et l'autre, de sorte qu'une fois les deux lois
ratifiées, il se trouva hors la cité et à la merci des Trente, qui avaient le
droit de le faire périr.
Après la mort de Théramène, ils enlevèrent les armes à tous les
citoyens, excepté aux Trois Mille, et, dans toute leur conduite, se laissèrent
aller davantage à leur cruauté et à leurs pires instincts.
Sur ces entrefaites, les Athéniens de Phylé prirent Munichie et
battirent l'armée de secours que les Trente avaient amenée. Rentrés à Athènes
après avoir échappé au danger, les Athéniens de la ville se réunirent le
lendemain à l'Agora, abolirent le gouvernement des Trente, et élurent un comité
de dix citoyens munis de pleins pouvoirs pour terminer la guerre.
Mais les Dix, à peine installés, ne remplirent aucun des devoirs pour
lesquels ils avaient été élus. Ils envoyèrent des députés à Lacédémone pour
demander du secours et emprunter de l'argent. Comme leur conduite irritait les
citoyens qui prenaient part aux affaires, les Dix craignirent d'être renversés,
et, pour frapper d'épouvante la cité (ce qui eut lieu en effet), ils se
saisirent de Démarétos, un des premiers citoyens, et le mirent à mort. Ils se
maintinrent alors solidement au pouvoir avec le concours de Callibios et de la
garnison Péloponnésienne, et en outre de quelques-uns des cavaliers. C'est à
cette classe en effet qu'appartenaient ceux des citoyens qui s'opposaient le
plus au retour des gens de Phylé.
Mais ceux-ci, maîtres du Pirée et de Munichie, virent tout le parti
démocratique passer de leur côté, et furent vainqueurs dans la guerre: on
renversa les dix commissaires précédemment élus, et on en nomma dix autres,
choisis parmi les citoyens qui paraissaient les meilleurs. Sous leur
gouvernement, grâce à leurs efforts et à leur zèle, eurent lieu l'accord des
partis et le rétablissement de la démocratie. Leurs principaux chefs étaient
Rhinon de Paeania et Phayllos d'Acherdonte: ce sont eux qui, avant l'arrivée de
Pausanias, entrèrent en négociations avec les gens du Pirée, et, après son
arrivée, s'entendirent avec lui pour hâter le retour des émigrés.
Le roi de Sparte, aidé des dix conciliateurs qui vinrent de Lacédémone
après lui et à sa demande, conclut les négociations entamées en vue de la paix
et de l'accord. Rhinon et ses collègues reçurent plus tard l'éloge public, en
récompense des services qu'ils avaient rendus à la démocratie. Entrés en
fonctions sous le régime oligarchique, ils rendirent leurs comptes sous la
démocratie, sans que personne leur adressât de reproches, ni de ceux qui était
restés à Athènes ni de ceux qui étaient revenus du Pirée. Aussi Rhinon fut-il
aussitôt après élu stratège.
L'accord eut lieu sous l'archontat d'Euclide (403 a. C. n.) et la
convention suivante en régla les conditions:
Ceux des citoyens restés dans la ville, qui voudront la quitter,
habiteront Éleusis. Ils conserveront tous leurs droits de citoyens, resteront
maîtres absolus de tout ce qui leur appartient, et recueilleront les fruits de
leurs biens.
Le temple d'Éleusis appartiendra en commun aux uns et aux autres:
conformément à la tradition, les Kérykes et les Eumolpides seront chargés de
l'administrer.
A l'époque des Mystères seulement, les Athéniens d'Éleusis pourront se
rendre à la ville et ceux de la ville à Éleusis.
Les gens d'Éleusis contribueront de leurs revenus à la caisse des
alliés comme les autres Athéniens.
Celui qui, ayant quitté la ville, voudra prendre maison à Éleusis,
s'entendra avec le propriétaire; s'ils ne se mettent pas d'accord, ils
choisiront chacun trois experts, et le propriétaire n'aura droit qu'à la somme
que ceux-ci auront fixée. Nul Éleusinien ne pourra être locataire du nouveau
propriétaire que s'il est agréé par les experts.
Seront tenus de se faire inscrire ceux qui veulent quitter la ville:
s'ils sont restés à Athènes, dans le délai de dix jours à compter du jour où
ils auront prêté serment , et le départ aura lieu dans les vingt jours; s'ils y
sont rentrés, dans les mêmes délais, à compter du jour de leur retour.
L'Athénien établi à Éleusis ne pourra remplir aucune charge dans la
ville, avant de s'être fait inscrire de nouveau comme habitant de la ville.
Les actions de meurtre sont maintenues comme dans le droit de nos
pères, contre quiconque a tué ou blessé de sa propre main.
Pour ce qui concerne le passé , toutes les haines mutuelles devront
être oubliées, excepté à l'égard des Trente, des Dix, des Onze et des
magistrats du Pirée: encore l'exception ne sera-t-elle plus maintenue contre
ces hommes, s'ils rendent leurs comptes. Les magistrats du Pirée rendront,
leurs comptes devant les gens du Pirée, les magistrats d'Athènes devant les
gens d'Athènes, et les juges fixeront l'amende. Après avoir ainsi réglé leur
situation, ils pourront, s'ils le veulent, s'établir à Éleusis. Quant aux
sommes qui ont été empruntées par les deux partis pour la guerre, l'un et
l'autre devront les restituer séparément.
Cet accord une fois conclu, tous ceux qui avaient combattu du côté des
Trente furent pris de peur. Nombre d'entre eux projetaient de quitter la ville,
mais, comme il arrive toujours, remettaient leur déclaration aux derniers jours.
Archinos, voyant combien ils étaient nombreux et voulant les retenir, supprima
les derniers jours du délai fixé pour l'inscription, si bien que bon nombre
furent forcés de rester malgré eux, jusqu'au jour où ils reprirent courage.
Archinos se conduisit ce jour-là en véritable homme d'État, comme
bientôt après quand il accusa d'illégalité le décret de Thrasybule accordant le
droit de cité à tous ceux qui étaient revenus avec lui du Pirée, bien que dans
le nombre certains fussent notoirement esclaves; et comme une autre fois
encore, que voici: le premier des citoyens récemment rentrés dans Athènes qui
commença à témoigner sa rancune fut saisi par lui et traîné devant le Conseil,
auquel Archinos demanda sa mort sans jugement: on montrerait ainsi qu'on
voulait sauver la démocratie et observer les serments; acquitter cet homme,
c'est exciter les autres; le mettre à mort, c'est donner à tous un exemple. Il
en fut ainsi: cet homme mort, personne ne réveilla plus les vieilles haines. Loin
de là, les Athéniens sortis de ces malheurs, en tirèrent des leçons dont ils
profitèrent très sagement, les individus aussi bien que l'État, pour le mieux
de leur politique. Non seulement ils effacèrent toutes les accusations portant
sur le passé, mais encore ils s'associèrent pour rendre aux Lacédémoniens
l'argent que les Trente en avaient reçu pour la guerre, quoique l'accord eût
stipulé des paiements séparés par les deux partis, celui de la ville et celui
du Pirée, et dans la pensée que c'était ainsi qu'il fallait commencer à
rétablir la concorde. Dans les autres États, au contraire, on avait vu le parti
démocratique victorieux ne pas se contenter seulement de ne point contribuer de
ses deniers, mais aller jusqu'à partager les terres.
Enfin, sous l'archontat de Xenaenétos (401 a. C. n.), les Athéniens se
ré concilièrent avec les gens d'Éleusis, deux ans après que ceux-ci avaient
quitté la ville.
Énumération des différents changements de la Constitution d'Athènes.
- La Démocratie actuelle.
Quand se succédèrent ces événements, le parti démocratique était déjà
maître du pouvoir. C'est en effet sous l'archontat de Pythodoros (404 a. C. n.)qu'il
avait inauguré le régime actuellement en vigueur; comme il ne devait son retour
qu'à lui seul, il semblait juste qu'il se fût ainsi attribué le pouvoir.
C'était, à les compter tous, le onzième changement que subissait la
constitution d'Athènes.
En premier lieu se place, à l'origine, l'établissement d'Ion et de ceux
qui occupèrent avec lui le pays. De cette époque datent la division du peuple
en quatre tribus et l'institution des rois des tribus.
Vint ensuite - et ce fut le premier changement introduisant une
constitution vraiment organisée - le gouvernement de THÉSÉE, qui s'écartait un
peu de la royauté.
Puis la constitution de DRACON, sous lequel, pour la première fois,
furent données des lois.
En troisième lieu, après de longues discordes, la constitution de
SOLON, qui marque le commencement de la démocratie.
La tyrannie de PISISTRATE vient en quatrième lieu.
En cinquième lieu, vient, après le renversement des tyrans, la
constitution de CLISTHÈNE, plus démocratique que celle de Solon.
En sixième lieu, après les guerres Médiques, se place le régime
caractérisé par l'influence prépondérante de l'ARÉOPAGE.
Suit, au septième rang, le régime inauguré par Aristide et
définitivement installé par ÉPHIALTE, qui ruine l'Aréopage. C'est pendant cette
période que la cité commit les plus grandes fautes, poussée par les démagogues
et pour maintenir son empire maritime.
Viennent en huitième lieu le gouvernement des QUATRE CENTS, et en
neuvième la RESTAURATION DE LA DÉMOCRATIE.
Suit, en dixième lieu, la tyrannie des TRENTE et des Dix.
Enfin, en onzième lieu, après le retour des gens de Phylé et du Pirée,
commence LE RÉGIME QUI DURE AUJOURD'HUI ENCORE, et sous lequel le peuple n'a
cessé d'accroître son pouvoir. Le peuple s'est, en effet, rendu maître de tout.
Il gouverne tout par ses décrets et par les tribunaux, où il est souverains. C'est
au peuple, en effet, qu'ont passé les attributions judiciaires qu'avait
autrefois le Conseil, et c'est justice: car il est plus aisé de corrompre un
petit nombre d'hommes qu'une foule par l'appât du gain et par des faveurs.
On avait renoncé d'abord à donner un salaire à l'assemblée, mais le
peuple ne venait plus aux séances et les prytanes étaient souvent seuls à voter;
pour attirer la foule et lui faire sanctionner les décisions par son vote,
Aghyrrios fit donner une obole de salaire, puis Héracleidès de Clazomènes,
celui qu'on surnomma le grand roi, un diobole; Aghyrrios reprit la question et
fit donner un triobole.
§ 1. Inscription sur le registre civique.
- § 2. L'Éphébie.
L'état actuel du gouvernement d'Athènes est le suivant: Font partie de
la cité ceux qui sont nés d'un père et d'une mère Athéniens.
§ 1. - A l'âge de dix-huit ans, ils sont inscrits
et admis parmi les démotes. Au moment où ils se présentent, les démotes doivent
déclarer par un vote et sous la foi du serment, premièrement qu'ils ont l'âge
requis par la loi: si les démotes décident que non, le jeune homme doit
retourner parmi les enfants; deuxièmement, qu'ils sont de condition libre et de
naissance légitime. Celui qui est repoussé par les démotes, comme n'étant pas
de condition libre, peut en appeler au tribunal: le dème élit alors cinq de ses
membres pour soutenir l'accusation. Si le refus d'inscription est jugé bien
fondé, la cité vend l'appelant; si, au contraire, il gagne sa cause, les
démotes sont tenus de l'inscrire et de l'admettre parmi eux. Les inscrits sont
ensuite soumis à l'examen du Conseil, et dans les cas où le Conseil décide que
l'âge de dix-huit ans n'est pas atteint, il inflige une amende aux démotes qui
ont admis le jeune homme.
§ 2. - Après l'examen des éphèbes, leurs pères se
réunissent par tribus et, après avoir prêté serment, élisent trois d'entre eux,
parmi les citoyens âgés de plus de quarante ans et qui leur paraissent les plus
capables de bien diriger les éphèbes. Dans chacun de ces groupes de trois,
l'Assemblée du peuple élit à main levée le sophroniste de chaque tribu. Le
cosmète est élu parmi tous les Athéniens pour veiller sur tous les éphèbes. Ces
chefs reçoivent les éphèbes, visitent d'abord avec eux les différents
sanctuaires, puis se rendent au Pirée et tiennent garnison les uns à Munichie,
les autres dans l'Acté. Le peuple nomme encore à main levée deux paedotribes et
des maîtres qui leur apprennent le maniement des armes pesantes, de l'arc, du
javelot, et l'exercice de la catapulte. Chaque sophroniste reçoit pour sa
nourriture une drachme par jour; chaque éphèbe, quatre oboles. Le sophroniste,
dans chaque tribu, touche la solde de sa compagnie et se charge de pourvoir aux
besoins de la table commune (car les éphèbes prennent leur repas par tribu). Il
doit aussi prendre sur la masse pour subvenir à toutes les antres dépenses.
Telles sont les occupations de la première année de l'éphébie. La
seconde année, après avoir été passés en revue et avoir manoeuvré devant le
peuple assemblé au théâtre, ils reçoivent de la cité chacun une lance et un
bouclier, font le service des patrouilles et sont casernés dans les forts.
Pendant ces deux années, où, revêtus de la chlamyde, ils mènent la vie
de garnison, ils sont exemptés de toute charge, et, pour qu'ils n'aient à
s'absenter sous aucun prétexte, ils ne peuvent comparaître en justice ni comme
défendeurs, ni comme demandeurs, excepté lorsqu'il s'agit de recueillir une
succession, une épicière ou un sacerdoce de famille. A l'expiration des deux
années, ils mènent la même vie que les autres citoyens.
Voilà ce qui concerne l'inscription des citoyens et l'éphébie.
§ 1. Fonctions conférées par le sort ou
par l'élection. - § 2. Le Conseil et
les Prytanes. - § 3. Ordre du jour
du Conseil et de l'Assemblée du peuple.
§ 1. - Tous les fonctionnaires de l'administration
ordinaire sont désignés par le sort, à l'exception du trésorier des fonds
militaires, des administrateurs du théorique et de l'intendant des fontaines
publiques, qui sont élus à main levée et restent en charge d'une fête des
Panathénées à la fête suivante. Toutes les fonctions militaires sont également
électives.
§ 2- Le Conseil est désigné par le sort et
compte cinq cents membres, cinquante par tribu. Chaque tribu exerce la prytanie
à son tour, dans l'ordre fixé par le sort: les quatre premières pendant
trente-six jours, les six autres pendant trente-cinq, car l'année athénienne
est l'année lunaire. Les prytanes prennent leurs repas aux frais de l'État dans
la Tholos, et sont chargés de convoquer le Conseil et l'Assemblée du peuple: le
Conseil tous les jours, sauf les jours fériés, et l'Assemblée du peuple quatre
fois par prytanie.
§ 3. - Dans un ordre du jour qu'ils, affichent, ils
règlent les délibérations du Conseil, marquant pour chaque jour de séance les
affaires qui seront traitées. Ils dressent aussi l'ordre du jour des séances de
l'Assemblée du peuple. La première est la séance régulière: on y confirme les
fonctionnaires, si leur administration est approuvée; on s'y occupe de
l'approvisionnement et de la défense du pays; tout citoyen peut y déposer des
accusations de haute trahison; on y donne aussi lecture de l'état des biens
confisqués, des demandes d'envoi en possession de succession, et des
revendications d'épicières, afin que, si quelque maison devient déserte, nul ne
l'ignore. A la même séance, dans la sixième prytanie, les prytanes mettent de
plus aux voix la question de savoir si l'on appliquera l'ostracisme ou non, et
font voter sur les demandes de sentence préjudicielle déposées contre les
sycophantes, Athéniens et métèques - mais on ne peut en rendre plus de trois
contre les uns et contre les autres - et contre ceux qui n'auraient pas tenu
des engagements pris envers le peuple.
La seconde séance est consacrée aux suppliques. Il suffit de se
présenter en suppliant pour avoir le droit d'entretenir le peuple de toute
affaire, publique ou privée.
Les deux autres sont consacrées au reste des affaires. Les lois veulent
que dans chacune on traite de trois affaires relatives à la religion, de trois
affaires concernant l'État, et de trois affaires concernant les hérauts ou les
ambassadeurs.
Il arrive parfois que les délibérations s'ouvrent sans avoir été
précédées du vote qui les autorise.
C'est devant les prytanes que se présentent tout d'abord les hérauts et
les ambassadeurs, et c'est à eux que les envoyés remettent les lettres dont ils
sont porteurs.
CHAPITRE XLIV: LE CONSEIL (SUITE)
§ 1. L'Épistate des prytanes. - § 2. Les Proèdres et l'Épistate des
Proèdres. - § 3. De l'élection des
fonctionnaires militaires par l'Assemblée du peuple.
§ 1. - Parmi les prytanes, le sort désigne un
épistate. Il occupe ces fonctions une nuit et un jour, et il ne peut ni les
prolonger au delà, ni les exercer deux fois. Il conserve les clefs des temples
où sont le Trésor et les archives publiques, ainsi que le sceau de l'État. Il
est tenu de rester dans le Tholos, et avec lui, sur son ordre, le tiers des
prytanes qu'il a choisis.
§ 2. - Toutes les fois que les prytanes convoquent
le Conseil ou le peuple, l'épistate tire au sort neuf proèdres, un de chaque
tribu, sauf de celle qui exerce la prytanie, et parmi ces proèdres un autre
épistate; et il leur remet l'ordre du jour. Dès qu'ils l'ont reçu, ils doivent
veiller à ce que tout se passe régulièrement, font connaître les affaires
inscrites à l'ordre du jour, jugent les votes à main levée, dirigent en un mot
l'assemblée et ont le droit de lever la séance. On ne peut être épistate qu'une
fois par an; on peut être proèdre une fois par prytanie.
§ 3. - C'est dans l'Assemblée du peuple qu'il est
procédé à l'élection des stratèges, des hipparques et des autres fonctionnaires
militaires, dans les formes décrétées par le peuple, et dans la première
prytanie où les présages soient favorables après la sixième. Pour cela aussi,
il faut un vote préalable du Conseil.
§ 1. Affaiblissement du pouvoir
judiciaire du Conseil. § 2. Du droit
de juridiction exercé par le Conseil sur les fonctionnaires. - § 3. De l'examen des conseillers et des
neuf Archontes par le Conseil. - § 4. Des
délibérations préalables du Conseil.
§ 1. - Le Conseil avait anciennement le droit
d'infliger l'amende, l'emprisonnement et la mort. Mais un jour qu'il avait
livré au bourreau un certain Lysimachos et que celui-ci était déjà assis pour
recevoir le coup fatal, Euméleidès d'Alopéké l'arracha, soutenant qu'on ne pouvait
mettre à mort un citoyen sans le jugement d'un tribunal. L'affaire fut portée
devant les juges et Lysimachos acquitté il y gagna le surnom de « l'échappé de
la massue ». Le peuple enleva au Conseil le droit d'infliger la mort,
l'emprisonnement et l'amende, et porta cette loi: les condamnations et amendes
prononcées par le Conseil contre ceux qu'il jugera coupables seront portées au
tribunal par les thesmothètes, et le vote des juges sera seul souverain.
§ 2. - Le Conseil juge la plupart des fonctionnaires,
ceux surtout qui administrent les finances; mais, là encore, il ne juge pas en
dernier ressort, et on peut en appeler au tribunal. Il est permis à tout
particulier de déposer devant le Conseil une accusation de haute trahison
contre tout fonctionnaire qu'il accuse de ne pas respecter les lois; et
celui-ci peut encore en appeler au tribunal de la condamnation prononcée contre
lui.
§ 3. - Le Conseil procède aussi à l'examen de ceux
qui siégeront au Conseil l'année suivante, et des neuf archontes. Anciennement
il avait tout pouvoir pour prononcer l'exclusion, mais aujourd'hui les exclus
peuvent en appeler au tribunal. Dans tous ces cas le Conseil n'est pas
souverain.
§ 4. - Le Conseil prépare, dans ses délibérations,
la tâche du peuple, et le peuple ne peut rien voter qui n'ait été l'objet d'une
délibération préalable du Conseil et ne soit inscrit à l'ordre du jour dressé
par les prytanes. En vertu de celte règle, tout vote émis en dehors de l'ordre
du jour expose l'auteur de la proposition à une accusation d'illégalité.
§ 1. Inspection de la marine. - § 2. Inspection des édifices publics.
§ 1. - Le Conseil est aussi chargé de l'inspection
des trières déjà construites, des agrès et des loges pour vaisseaux. Il
surveille la construction des vaisseaux neufs, vaisseaux à trois ou quatre
rangs de rames, selon que le peuple l'a décidé; il surveille aussi la
fabrication des agrès qui leur sont destinés et des loges. Le peuple nomme à
main levée des architectes chargés de construire les vaisseaux. Si le Conseil
ne livre pas ces bâtiments achevés au Conseil qui doit lui succéder, il n'a pas
droit à la récompense ordinaire: car elle n'est décernée que l'année qui suit
celle où il était en charge. Pour la construction des trières, le Conseil élit
parmi tous les Athéniens dix commissaires.
§ 2. - Le Conseil inspecte aussi tous les édifices
publics et dénonce dans un rapport au peuple tout entrepreneur pris eu faute. Le
Conseil, après l'avoir condamné lui-même, le livre au tribunal.
§ 1. Ses rapports avec les autres
fonctionnaires. - § 2. Les
Trésoriers d'Athéna. - § 3. Les
Polètes et les adjudications publiques. - §
4. De l'adjudication des domaines sacrés. - § 5. Des paiements.
§ 1. - Le Conseil assiste encore les autres
magistrats dans l'exercice de la plupart de leurs fonctions.
§ 2. - Ce sont d'abord les dix trésoriers d'Athéna.
Le sort en désigne un dans chaque tribu, parmi les citoyens de la classe des
pentacosiomédimnes. Ainsi le veut la loi de Solon qui est encore en vigueur,
mais celui qui est tombé au sort exerce les fonctions, même s'il est très
pauvre. C'est devant le Conseil que les trésoriers prennent livraison de la
statue d'Athéna, des Victoires, de toutes les autres parures et des sommes en
caisse.
§ 3. - Viennent ensuite les polètes, au nombre de
dix et qui sont désignés par le sort, un dans chaque tribu. Ils font toutes les
adjudications publiques, afferment les mines et les impôts avec le concours du
trésorier des fonds militaires et des administrateurs du théorique, en séance
du Conseil, et n'agréent adjudicataires et fermiers que si le Conseil émet un
vote favorable à main levée.
Quant aux mines, - celles qui sont en exploitation et affermées pour
trois ans, comme celles qui sont concédées à perpétuité, - l'adjudication a
lieu en séance du Conseil, mais ce sont les neuf archontes qui agréent les
adjudicataires. Il en est de même pour la vente des biens de ceux qui ont été
condamnés par l'Aréopage, et de ceux qui ont été frappés d'atimie.
Quant aux impôts affermés pour l'année, les polètes inscrivent le nom
du fermier et le prix consenti sur des tablettes blanches qu'ils remettent au
Conseil. Ils inscrivent à part sur dix tablettes les noms de ceux qui doivent
faire des versements à chaque prytanie; à part aussi, les noms de ceux qui
doivent en faire à la fin de l'année (il y a une tablette spéciale pour chaque
paiement); à part enfin les noms de ceux qui doivent faire des paiements à la
neuvième prytanie.
Ils dressent aussi l'état des terres et maisons vendues après
inventaire devant le tribunal. Ces adjudications sont en effet de leur
compétence. Pour les maisons, l'exigibilité du prix de vente est fixée à cinq
ans; pour les terres, à dix ans. Le prix est versé dans la neuvième prytanie.
§ 4. - Pour les domaines sacrés, c'est
l'archonte-roi qui présente au Conseil le rapport sur l'adjudication, et qui
inscrit le nom des preneurs sur des tablettes blanches. Les domaines sont
affermés pour dix ans et les fermages sont payés à la neuvième prytanie. Aussi
est-ce dans cette prytanie que l'on recueille le plus d'argent.
§ 5. - Les tablettes où sont inscrits les
versements à faire sont portées au Conseil et gardées par le greffier. Quand un
versement doit avoir lieu, le greffier enlève des architraves [où elles sont
accrochées] et remet aux apodectes les tablettes qui doivent être effacées dans
la journée, après le paiement des sommes qui y sont inscrites. Les autres sont
rangées à part, afin qu'on ne les efface pas avant le terme.
§ 1. Les Apoclectes. - § 2. Les Logistes. - § 3. Les Euthynes.
§ 1. -Les apodectes sont nombre de dix et sont
tirés au sort par tribus. On leur remet les tablettes, en séance du Conseil
tenu dans le Palais du Conseil, et ils effacent les sommes aussitôt qu'elles
out été versées, puis ils rendent les tablettes au greffier. Si quelqu'un
n'effectue pas le paiement, les apodectes ont soin de le noter sur la tablette.
Le débiteur est tenu, sous peine d'emprisonnement, de payer au double la somme
qu'il n'a pas versée. Le Conseil est chargé du recouvrement et la loi lui
reconnaît le droit d'enchaîner le débiteur.
Le jour même où les apodectes reçoivent les fonds, ils les répartissent
entre les différents magistrats; le lendemain, ils présentent au Conseil,
inscrit sur une tablette, le compte des sommes qu'ils ont fournies, en donnent
lecture, et demandent,, en séance du Conseil, qu'on leur signale toute
irrégularité commise par un magistrat ou un particulier à l'occasion de la
répartition des fonds. Quelque irrégularité est-elle signalée ? ils mettent la
question aux voix.
§ 2. - Le Conseil tire au sort dans son sein dix
logistes, chargés de recevoir à chaque prytanie les comptes des fonctionnaires.
§ 3. - Il tire également au sort les euthynes, un
dans chaque tribu, et les deux parèdres qui assistent chacun d'eux. Les
euthynes sont tenus, à l'époque de la reddition des comptes, de siéger au pied
de la statue du héros éponyme de chaque tribu et d'accueillir tout citoyen qui,
dans un délai de trois jours à dater des comptes rendus devant un tribunal,
voudrait engager une action civile ou criminelle contre tout magistrat ayant obtenu
décharge. Le demandeur inscrit sur une tablette blanche son nom et celui du
défendeur, le grief allégué et l'évaluation de ce grief en argent, et remet
cette tablette à l'euthyne, qui en prend connaissance. Est-il d'avis de
condamner, il renvoie la demande aux juges des dèmes, qui sont chargés
d'introduire les affaires de cette tribu devant le tribunal, si la demande ne
touche qu'à un intérêt privé; si elle touche à un intérêt public, ils
l'inscrivent au bureau des thesmothètes. Quand ceux-ci l'ont reçue, ils portent
de nouveau le jugement du compte devant le tribunal. La décision des juges est
souveraine.
§ 1. Inspection des chevaux des
Cavaliers. - § 2 Des cavaliers
éclaireurs. - § 3. De l'infanterie
légère. § 4. Du recrutement des
Cavaliers. - § 5. Des plans des
architectes et des modèles de peplos. - §
6. Des Victoires et des prix des Panathénées. - § 7. Des infirmes.
§ 1. - Le Conseil inspecte aussi les chevaux des
Cavaliers. Tout cavalier qui, ayant touché sa solde, n'entretient pas bien sa
monture, est frappé d'une amende équivalente aux frais de l'entretien. Tout
cheval qui n'est pas en état de bien courir ou qui, mal dressé, ne peut tenir à
son rang, est marqué au feu, d'une roue, à la mâchoire, et ainsi refusé à
l'inspection.
§ 2. - Le Conseil inspecte aussi les cavaliers
éclaireurs et voit s'ils sont bons pour le service; s'il prononce à main levée
l'exclusion de l'un d'eux, celui-ci est mis à pied.
§ 3. - Le Conseil inspecte encore l'infanterie
légère qui combat au milieu des cavaliers: l'exclusion prononcée à main levée
entraîne la suppression du salaire.
§ 4. - Les Cavaliers sont recrutés par dix
officiers de recrutement que le peuple élit à main levée. Ces officiers remettent
la liste des hommes enrôlés aux hipparques et aux phylarques. Ceux-ci la
présentent au Conseil et ouvrent le tableau, conservé sous scellés, qui
contient les noms des cavaliers [ayant déjà servi]. Un cavalier, ayant déjà
servi, affirme-t-il avec serment qu'il n'est plus, pour raisons de santé, en
état de servir ? on l'efface. Ceux qui viennent d'être recrutés sont ensuite
appelés. Quiconque affirme avec serment qu'il n'est pas en état, pour raisons
de santé ou de fortune, de servir, est renvoyé; pour celui qui ne s'excuse pas
avec serment, le Conseil décide par un vote à main levée s'il est bon ou non
pour le service de la cavalerie: si le vote est favorable, l'homme est inscrit
sur le tableau; sinon, il est renvoyé.
§ 5. - Autrefois, le Conseil avait à choisir entre
les plans proposés par les architectes et entre les modèles de péplos: ce sont
les juges, désignés par le sort, qui en sont aujourd'hui chargés. Il paraît que
le Conseil se laissait guider par la faveur dans son choix.
§ 6. - Le Conseil surveille aussi, de concert avec
le trésorier des fonds militaires, la fabrication des Victoires et des prix
offerts à la fête des Panathénées.
§ 7. - Le Conseil examine aussi les infirmes. Car
il existe une loi ordonnant que tous ceux qui possèdent moins de trois mines et
sont, pour cause d'infirmité corporelle, incapables de travailler, soient
examinés par le Conseil, et que le Conseil leur donne pour leur nourriture, sur
les fonds du Trésor, deux oboles par personne et par jour. Il existe même un
trésorier des infirmes, désigné par le sort.
En un mot, le Conseil assiste tous les autres magistrats dans la
plupart de leurs fonctions.
Telles sont les fonctions administratives du Conseil.
§ 1. Les dix Commissaires pour
l'entretien des temples. § 2. Les
dix Astynomes.
§ 1. - Le sort désigne aussi les dix commissaires
pour l'entretien des temples: avec les trente mines qu'ils reçoivent des
apodectes, ils font les réparations les plus urgentes.
§ 2. - Sont également désignés par le sort les dix
astynomes, dont cinq exercent leurs fonctions au Pirée, cinq dans la ville. Ils
veillent à ce que les joueuses de flûte, de harpe et de cithare ne soient pas
louées plus de deux drachmes: plusieurs personnes se disputent-elles la même
femme ? les astynomes tirent au sort et l'adjugent à celui qui est désigné. Ils
veillent encore à ce que les balayeurs ne déposent pas leurs ordures à moins de
dix stades des murs de la ville. Ils empêchent que l'on bâtisse sur la voie
publique, que l'on barre les rues, que l'on place sur le haut des maisons des
conduites d'eau se déchargeant dans la rue, enfin qu'on fasse ouvrir des
fenêtres sur la rue. Ils veillent encore à l'enlèvement de ceux qui meurent sur
la voie publique: ils ont à leurs ordres pour cela des agents salariés par
l'État.
§ 1. Les dix Agoranomes. § 2. Les dix Métronomes. § 3. Les trente-cinq Inspecteurs du
commerce des grains. § 4. Les dix
Inspecteurs du port marchand.
§ 1. - Les dix agoranomes sont également tirés au
sort, cinq pour le Pirée, cinq pour la ville. La loi leur enjoint de veiller à
ce que toutes les denrées soient nettes et soient vendues sans fraude.
§ 2. - Le sort désigne encore les dix métronomes,
cinq pour la ville, cinq pour le Pirée. Ils veillent à ce que tous les poids et
mesures dont se servent les marchands soient justes.
§ 3. - Il y avait anciennement dix inspecteurs du
commerce des grains, désignés par le sort, cinq pour le Pirée, cinq pour la
ville; il y en a aujourd'hui vingt pour la ville et quinze pour le Pirée. Ils
veillent d'abord à ce que les grains qui sont sur le marché soient vendus au
prix courant; puis à ce que les meuniers vendent la farine d'orge d'après le prix
courant du grain, et les boulangers le pain, d'après le prix courant du blé et
avec les poids que les inspecteurs auront fixés. La loi les charge, en effet ,
de fixer le poids du pain.
§ 4. - Les dix inspecteurs du port marchand sont
aussi désignés par le sort. Ils sont chargés de surveiller les différents ports
que comprend le port marchand, et d'exiger des commerçants qu'ils portent à
Athènes les deux tiers de tout chargement de blé débarqué au port des grains.
§ 1. Les Onze. Jugement des flagrants
délits. - § 2. Des actions
introduites par les Onze. - § 3. Les
cinq Introducteurs. Des actions qui doivent être jugées dans l'espace d'un mois
et introduites par les Introducteurs. - §
4. Des actions jugées dans le mois et introduites par les Apodectes.
§ 1. - C'est encore par le sort que sont désignés
les Onze, qui ont la direction de la prison. Les Onze mettent à mort, s'ils
avouent leur crime, les voleurs arrêtés en flagrant délit, les voleurs d'hommes
et les voleurs d'effets; si le prévenu oppose une dénégation, les Onze le
traduisent devant le tribunal: en cas d'acquittement, ils le mettent en liberté;
en cas de condamnation, ils l'exécutent aussitôt.
§ 2. - Les Onze introduisent devant le tribunal les
actions engagées contre les détenteurs de terres et de maisons appartenant à
l'État: tout bien que le tribunal reconnaît appartenir à l'État est livré par
les Onze aux polétes. Les Onze introduisent aussi les poursuites engagées par
voie de délation, ces poursuites sont en effet de leur compétence. Dans
certains cas pourtant, elles sont introduites par les thesmothétes.
§ 3. - Le sort désigne encore cinq Introducteurs à
raison d'un par deux tribus. Ils sont chargés d'introduire devant les tribunaux
les affaires qui doivent être jugées dans l'espace d'un mois. Ce sont: l'action
de dot, l'action en paiement d'une dette, l'action en paiement des intérêts
d'un prêt consenti à une drachme [par mine et par mois], l'action en
restitution d'un capital emprunté pour faire des affaires sur l'agora, l'action
d'injures, les actions entre éranistes, entre associés, celles qui résultent de
ventes d'esclaves ou de bêtes de trait, celles qui ont pour cause le service
des triérarchies ou les opérations des banquiers. Toutes ces actions sont de la
compétence des Introducteurs et jugées dans le mois.
§ 4. - Sont également jugées dans le mois les
poursuites intentées par les apodectes dans l'intérêt des fermiers des impôts
ou contre les fermiers mêmes. Quand les sommes réclamées sont supérieures à dix
drachmes, les apodectes introduisent l'action devant le tribunal; pour les
sommes inférieures, ils jugent eux-mêmes souverainement.
§ 1 Les Quarante. Leur compétence. Leurs
rapports avec les Arbitres publics. - §
2. Les Arbitres publics. Désignation des Arbitres: les Éponymes des classes.
Des poursuites contre les Arbitres. - §
3. Des Éponymes des classes et du service militaire.
§ 1 - Les Quarante, qui donnent les autres
actions dans l'ordre désigné par le sort, sont aussi désignés par le sort, à
raison de quatre par tribu. Primitivement, ils étaient trente et rendaient la
justice en parcourant les dèmes, mais après l'oligarchie des Trente, leur nombre
fut porté à quarante. Ils prononcent souverainement jusqu'à dix drachmes; pour
les affaires évaluées [par le demandeur] au-dessus de ce taux, ils les
renvoient aux arbitres publics. Si l'arbitre ne peut réussir à concilier les
parties, il rend une décision: est-elle acceptée par les deux parties et
s'engagent-elles à la respecter ? le procès est terminé. Si l'une des deux
parties fait appel au tribunal, l'arbitre met dans deux vases, un pour le
demandeur, l'autre pour le défendeur, les témoignages, les sommations et les
textes de loi invoqués; il les scelle, il y attache, transcrite sur une
tablette, la sentence arbitrale, et remet le tout à ceux des Quarante qui
introduisent les actions de la tribu du défendeur. Ceux-ci se chargent de
l'affaire et l'introduisent devant un tribunal composé de deux cent un membres
ou de quatre cent un, selon que la demande est au-dessous ou au-dessus de mille
drachmes. Il est interdit d'invoquer devant le tribunal d'autres textes de loi,
sommations ou témoignages, que ceux qu'on a fait valoir devant l'arbitre et qui
out été mis dans les vases.
§ 2. - Sont arbitres publics tous les citoyens âgés
de soixante à soixante-un ans. On se sert pour établir leur âge des listes des
archontes et des éponymes. Il y a deux sortes d'éponymes, les dix héros
éponymes des tribus et les quarante-deux éponymes des classes. Quand on
inscrivait les éphèbes, primitivement sur des tablettes blanches, on
inscrivait, à côté de leur nom, le nom de l'archonte en charge dans l'année de
l'inscription, et le nom du héros que les arbitres de l'année précédente
avaient eu pour éponyme. Cette liste est aujourd'hui gravée sur une stèle de
bronze, et chaque année on la dresse en avant du Palais du Conseil, auprès des
statues des dix héros éponymes. Prenant les noms de ceux qui sont inscrits sous
le dernier des éponymes, les Quarante leur distribuent les arbitrages et, pour
la répartition des affaires, procèdent à un tirage au sort qui assigne à chacun
sa tâche. Chacun est tenu de juger les affaires qui lui sont données par le
sort. La loi porte en effet que tout citoyen qui, ayant atteint l'âge requis,
ne remplit pas les fonctions d'arbitre, sera frappé d'atimie, à moins qu'il ne
soit chargé dans la même année d'une autre fonction publique, ou qu'il ne se
trouve absent du pays. Ce sont là les seules causes de dispense.
On peut d'ailleurs poursuivre par voie de dénonciation, devant le corps
des arbitres, l'arbitre contre lequel on a quelque grief à faire valoir: en cas
de condamnation, la loi le frappe d'atimie. Mais il peut en appeler de ce
jugement.
§ 3. - On se sert aussi des éponymes pour le
service militaire. Quand on veut envoyer en campagne un corps d'hommes eu âge
de servir, l'ordre est donné par une affiche à tous les hommes, depuis tel
archonte et tel éponyme jusqu'à tel archonte et tel éponyme.
§1. Les cinq Agents-voyers. - § 2. Les dix Logistes et les dix
Synégores. De la reddition des comptes. - §
3. Des Greffiers. Le Greffier-archiviste de la prytanie. - § 4. Le Greffier des lois. - § 5. Le Greffier-lecteur; il est
électif. - § 6. Des Sacrificateurs. Les
dix Commissaires des sacrifices. - §7.
Les dix Sacrificateurs de l'année. - § 8.
L'Archonte de Salamine et le Démarque du Pirée.
§ 1. - Le sort désigne aussi les, fonctionnaires
suivants: les cinq agents-voyers qui sont chargés de faire réparer les routes
par des ouvriers payés par l'État et placés sous leurs ordres.
§ 2. - Les dix logistes et les dix synégores, qui
reçoivent les comptes de tous les fonctionnaires: seuls ils ont qualité pour
examiner les comptes des comptables, et pour les porter devant le tribunal,
s'il y a lieu. Si les logistes convainquent quelque magistrat de détournement
de fonds, les juges le condamnent pour vol, et il est tenu de payer au décuple
le mon-tant du détournement fixé par le tribunal. Si les logistes établissent
quelque fait de corruption et que les juges condamnent le comptable, ils le
condamnent pour corruption, et il est tenu de payer au décuple la somme reçue. Si
le comptable est, condamné pour malversation, le tribunal évalue la faute et le
comptable n'est condamné qu'au simple; mais le simple est porté au double, si
le paiement n'est pas effectué avant la neuvième prytanie. Le décuple n'est
jamais doublé.
§ 3. - Est encore désigné par le sort le greffier
qu'on appelle greffier de la prytanie. Il a la direction des archives et la
garde des décrets; il prend copie de tous les autres actes et assiste aux
séances du Conseil. Anciennement cette fonction était élective et l'élection y
portait les citoyens les plus illustres et les plus dignes de la confiance du
peuple: le nom du greffier figure en effet sur les stèles, en tête des traités
d'alliance et des décrets conférant la proxénie ou le droit de cité. Il est
maintenant désigné par le sort.
§ 4. - Le sort désigne encore un second greffier,
celui des lois, qui assiste aux séances du Conseil et prend copie de toutes les
lois.
§ 5. - Un troisième greffier, chargé de donner
lecture des pièces et documents au Conseil et à l'Assemblée, est nommé à
l'élection par le peuple. Ses fonctions se bornent uniquement à cette lecture.
§ 6. - Le peuple tire au sort les dix
sacrificateurs, qu'on appelle « les commissaires des sacrifices. » Ils offrent
les sacrifices prescrits par les oracles, et si, pour quelque entreprise, il
est nécessaire d'avoir des présages favorables, ils les recherchent de concert
avec les devins.
§ 7. - Le peuple tire également au sort dix autres
sacrificateurs qu'on appelle les sacrificateurs de l'année. Ils ont à offrir
certains sacrifices et président à toutes les fêtes qui se célèbrent tous les
quatre ans, excepté aux Panathénées. Ces fêtes sont au nombre de cinq:
premièrement, celle de Délos (il se célèbre aussi à Délos une fête qui revient
tous les six ans); deuxièmement, celle de Brauron; troisièmement, la fête en
l'honneur d'Héraclès; quatrièmement, les Éleusinies; cinquièmement, les
Panathénées. Jamais trois de ces fêtes ne tombent la même année. L'ordre en est
d'ailleurs réglé par une loi qui date de l'archontat de Képhisophon (329 a. C. n.)
§ 8. - Sont encore tirés au sort l'archonte de
Salamine et le démarque du Pirée, chargés l'un et l'autre de la célébration des
Dionysies et de la désignation des chorèges. On tient à Salamine une liste
officielle des archontes.
§ 1. Du mode de désignation des neuf
Archontes. - § 2. De l'examen des
neuf Archontes. - § 3. De la
prestation du serment.
Tels sont les fonctionnaires désignés par le sort et telles sont leurs
attributions.
§ 1. - Pour ceux qu'on appelle les neuf archontes,
nous avons dit plus haut comment ils étaient désignés à l'origine tous
aujourd'hui, à savoir les six thesmothètes et leur greffier, l'archonte, le roi
et le polémarque sont tirés au sort, un dans chaque tribu, et suivant le
roulement établi entre les tribus.
§ 2. - Les neuf archontes sont soumis à un examen
qui a lieu d'abord dans le Conseil des cinq cents: seul le greffier ne subit l'examen
que devant le tribunal, comme les autres fonctionnaires. (La règle est en effet
que tout fonctionnaire, soit élu, soit désigné par le sort, ne remplisse ses
fonctions qu'après avoir été soumis à un examen.) Pour les neuf archontes,
l'examen par le Conseil est suivi d'un examen par le tribunal. Anciennement, un
archonte exclu par le Conseil ne pouvait exercer sa charge: maintenant il peut
en appeler au tribunal, qui prononce souverainement eu matière d'examen.
Les questions posées à l'examen sont les suivantes: « Quel est ton
père, et de quel dème, quel est le père de ton père, quelle est ta mère, quel
est le père de ta mère et quel est ton dème? » On lui demande ensuite s'il rend
un culte à Apollon Patrôos et à Zeus Herkéios; où sont les objets de ce culte;
s'il a des tombeaux de famille et dans quel endroit; s'il se comporte bien à
l'égard de ses parents; s'il paie ses contributions et s'il a fait son service
militaire. Quand il a successivement posé ces questions, le président poursuit:
« Produis tes témoins. » Quand ceux-ci ont été entendus, le président demande:
« Y a-t-il un contradicteur ? » S'il s'en présente un, le président fait
entendre l'accusation et la défense, et fait ensuite voter le Conseil à main
levée. Le vote devant le tribunal a lieu au scrutin secret. S'il ne se présente
pas de contradicteur, il est aussitôt procédé au vote. Anciennement un seul
juge déposait son bulletin de vote: il faut maintenant que tous s'expriment
par leur vote sur le compte des archontes, afin que, si quelque indigne a su se
débarrasser de ses accusateurs, il soit au pouvoir des juges de l'exclure.
§ 3. - Après avoir été admis à cet examen, les
archontes se rendent à la pierre consacrée, sur laquelle on dépose les
entrailles des victimes, et sur laquelle prêtent serment les arbitres avant de
rendre publiquement leur sentence, et les témoins avant de déposer. Les
archontes montent sur la pierre et jurent de remplir leurs fonctions en toute
justice et selon les lois, de ne pas recevoir de présents à raison de
l'exercice de leurs fonctions, et d'offrir, s'ils venaient à en recevoir, une
statue d'or massif. Après la prestation de ce serment, ils montent à
l'Acropole, où ils le renouvellent dans les mêmes termes; après quoi ils
entrent en fonctions.
§ 1. Des assesseurs de l'Archonte, du
Roi et du Polémarque. - § 2. De
l'Archonte. Fonctions administratives de l'Archonte: désignation des chorèges;
organisation desprocessions et des fêtes. - § 3. Compétence judiciaires de l'Archonte: des actions données par
l'Archonte. De la protection des incapables.
§ 1. - L'archonte, le roi et le polémarque peuvent
s'adjoindre chacun deux assesseurs, qu'ils choisissent eux-mêmes, qui sont
examinés par le tribunal avant d'entrer en fonctions, et qui rendent leurs
comptes à leur sortie de charge.
§ 2. - Aussitôt installé, l'archonte fait proclamer
ce qui suit par la voix du héraut: « Ce que chacun possédait avant que le,
nouvel archonte entrât en charge, il en restera possesseur et maître jusqu'à la
fin de ladite charge. » Il désigne ensuite les chorèges pour les concours de
tragédie, au nombre de trois qu'il choisit parmi les plus riches de tous les
Athéniens. Anciennement il désignait aussi cinq chorèges pour le concours de
comédie: ils sont aujourd'hui nommés par les tribus elles-mêmes. L'archonte
reçoit aussi les chorèges nommés par les tribus, à savoir les chorèges pour les
choeurs d'hommes, d'enfants et pour les choeurs comiques qui figureront aux
Dionysies, et les chorèges pour les choeurs d'hommes et d'enfants, aux
Thargélies. (Ils sont dix pour les Dionysies, un par tribu; cinq pour les
Thargélies, un par deux tribus, suivant le roulement établi entre elles). L'archonte
procède alors aux échanges de fortunes et se charge de porter au tribunal les
motifs de dispense allégués par ceux qui soutiennent soit avoir déjà rempli
cette liturgie, soit en être exemptés pour en avoir rempli quelque autre et se
trouver encore dans les délais de l'exemption, soit n'avoir pas atteint l'âge
de quarante ans. Il faut en effet que tout chorège d'un choeur d'enfants ait
quarante ans accomplis. L'archonte désigne aussi les chorèges pour Délos, et
les archithéores chargés de conduire dans l'île les jeunes garçons sur le
vaisseau à trente rameurs.
Les processions dont il a la direction sont: celle qui est célébrée en
l'honneur d'Asclépios, le jour où les initiés gardent la maison; celle des
grandes Dionysies, qu'il dirige de concert avec les dix commissaires que le
peuple élisait anciennement et qui devaient supporter tous les frais de la
procession, tandis qu'ils sont aujourd'hui tirés au sort,un par tribu, et
qu'ils reçoivent cent mines pour les costumes et accessoires. Il dirige encore
la procession des Thargélies et celle qui est célébrée en l'honneur de Zeus
Soter.
Il organise aussi le concours des Dionysies et des Thargélies.
Telles sont les fêtes dont l'administration lui appartient.
§ 3. - Les actions publiques et privées que l'on
obtient de l'archonte, dans l'ordre désigné par le sort, et qu'il introduit
devant le tribunal, après les avoir instruites, sont les suivantes:
L'action de mauvais traitements envers ses parents (elle peut être
intentée par toute personne, et le demandeur ne s'expose à aucune amende);
L'action de mauvais traitements envers les orphelins (elle est donnée
contre les tuteurs);
L'action de mauvais traitements envers une épiclère (elle est donnée
contre les tuteurs et contre les maris);
L'action de mauvaise gestion des biens d'un orphelin (elle est aussi
donnée contre les tuteurs);
L'action de démence, donnée contre quiconque est accusé de dissiper sou
patrimoine par démence;
L'action en partage, donnée contre quiconque s'oppose au partage d'un
bien commun;
L'action en dation de tuteurs;
L'action en revendication de tutelle, quand plusieurs veulent se faire
inscrire comme tuteurs d'un même mineur;
Les demandes d'envoi en possession d'une succession ou d'une épiclère.
L'archonte veille sur les orphelins, sur les épiclères et sur les
femmes qui, après la mort de leur mari,
déclarent être enceintes. Si quelqu'un leur fait tort, il peut lui
infliger une amende ou le traduire devant le tribunal. L'archonte est aussi
chargé d'affermer les biens des orphelins et des épicières..., et prend
hypothèque sur les biens des fermiers. Si le tuteur n’accorde pas à son pupille
les aliments qui lui sont dus, l'archonte le contraint à payer la somme
équivalente. Telles sont les fonctions de l'archonte,
§ 1. Le Roi. Fonctions administratives
du Roi: célébration des Mystères; organisation des fêtes. - § 2. Compétence judiciaire du Roi:
actions d'impiété et contestations entre familles sacerdotales et entre prêtres.
- § 3. Affaires de meurtre. Compétence
de l'Aréopage et des tribunaux ordinaires.
§ 1. - Le roi préside à la célébration des
Mystères, de concert avec les quatre commissaires que le peuple élit à main
levée et dont deux sont choisis parmi tous les Athéniens, un dans la famille
des Eumolpides, un dans la famille des Kéryces. Il préside ensuite aux
Dionysies du Lémèon. La fête comprend une procession et un concours: la
procession, il l'organise de concert avec les commissaires; le concours, il est
seul à l'ordonner. Il ordonne également toutes les courses aux flambeaux. Enfin,
et pour tout dire en un mot, il a la direction de tous les sacrifices dont
l'institution remonte aux ancêtres.
§ 2. - Les actions publiques que donne le roi, dans
l'ordre désigné par le sort, sont les actions d'impiété et les actions eu
revendication de sacerdoce. Il règle aussi toutes les contestations qui
s'élèvent entre familles et prêtres au sujet de leurs privilèges.
§ 3. - Le roi donne toutes les actions de meurtre,
et c'est lui qui prononce contre les accusés l'interdiction qui les retranche
de la cité.
On distingue l'accusation d'homicide et l'accusation de blessures.
L'accusation d'homicide prémédité est portée par écrit devant
l'Aréopage, de même que l'accusation d'empoisonnement dans les cas où le poison
a donné la mort, et l'accusation d'incendie. Ce sont les seuls crimes dont
connaisse le sénat de l'Aréopage.
Les causes de meurtre involontaire, les causes d'intention, le meurtre
d'un esclave, d'un métèque ou d'un étranger sont jugés en avant du Palladion.
En avant, du Delphinion sont jugées les affaires de meurtre dans les
cas où l'accusé avoue l'homicide, mais soutient qu'il a été commis légalement:
par exemple s'il a tué le complice de l'épouse adultère pris en flagrant délit;
s'il a tué par mégarde à la guerre un concitoyen; s'il a tué un adversaire dans
les jeux, eu luttant avec lui.
Enfin, quand un homme est déjà exilé pour un meurtre pouvant donner
lieu à composition, et qu'on le charge d'une nouvelle accusation de meurtre ou
de blessures, l'affaire est jugée à Phréatto. L'accusé présente sa défense du haut
d'un navire qui est à l'ancre près du rivage.
Toutes ces accusations sont jugées par un tribunal ordinaire, désigné
par le sort, à l'exception de celles qui sont portées à l'Aréopage. Elles sont
introduites par le roi et les juges siègent en plein air, la nuit. Quand il
juge, le roi enlève sa couronne. L'accès des lieux sacrés est interdit à celui
qui est sous le coup d'une accusation, jusqu'au jour du jugement, et il ne lui
est pas même permis de venir à l'agora. Le jour du jugement, il se rend au sanctuaire
pour présenter sa défense.
Pour les meurtres dont l'auteur est inconnu, l'action est donnée contre
« l'auteur » du crime quel qu'il soit.
Le roi et les rois des tribus jugent [en avant du Prytanée] les
accusations de meurtre portées contre les objets inanimés et contre les animaux.
§ 1. Le Polémarque. Fonctions
administratives du Polemarque. - 2. Compétence judiciaire du Polémarque: ses
rapports avec les métèques, isotètes et proxènes.
§ 1. - Le polémarque est chargé des sacrifices en
l'honneur d'Artémis Agrotéra et d'Enyalios...Il organise les jeux funèbres en
l'honneur de ceux qui sont morts à la guerre et célèbre les sacrifices
expiatoires offerts à la mémoire d'Harmodios et d'Aristogiton.
§ 2. - Toutes les actions civiles intentées par ou
contre les métèques, les isotèles et les proxènes sont de sa compétence. Il est
tenu de les répartir en dix lots qu'il assigne par la voie du sort aux dix
tribus: les juges chargés de la tribu les remettent aux arbitres. Lui-même
introduit devant le tribunal, quand elles sont intentées par ou contre les
métèques, les actions données contre l'affranchi ingrat, contre le métèque, qui
n'a pas de patron et les actions concernant les successions et les épiclères.
En un mot le polémarque peut, pour les métèques, tout ce que peut
l'archonte pour les citoyens.
§ 1. Les Thesmothètes. Formation des
tribunaux. - § 2. Compétence des
Thesmothètes: leurs rapports avec l'Assemblée du peuple. - § 3. Compétence judiciaire: actions criminelles. - § 4. De l'examen des magistrats. Des
exclusions et des condamnations prononcées par les dèmes et par le Conseil. - § 5. Des autres actions données par les
Thesmothètes. - § 6. Du tirage au
sort des tribunaux et des juges.
§ 1. - Les thesmothètes ont d'abord qualité pour
fixer et annoncer les jours d'audience des tribunaux; puis pour donner aux
magistrats les tribunaux [qu'ils présideront]. Ceux-ci doivent accepter les
juges qui leur sont donnés.
§ 2. - Les thesmothètes portent à l'Assemblée du
peuple toutes les accusations de haute trahison et font procéder au vote en cas
de condamnation; ils introduisent les demandes de sentence préjudicielle
déposées devant le peuple, les accusations d'illégalité, les accusations contre
les auteurs de lois inopportunes, les accusations portées contre les proèdres
et l'épistate à raison de l'exercice de leurs fonctions; enfin ils introduisent
les comptes des stratèges.
§ 3. - Parmi les actions criminelles pour
lesquelles une consignation est nécessaire, les thesmothètes donnent les
suivantes:
L'action d'usurpation du titre de citoyen;
L'action de corruption donnée contre celui qui, accusé d'usurpation du
titre de citoyen, a acheté ses juges;
L'action de sycophantie;
L'action de corruption;
L'action de fausse inscription;
L'action de faux record;
L'action de mauvaise intention;
L'action de fausse radiation;
L'action d'adultère.
§ 4. - Les thesmothètes font en outre procéder à
l'examen de tous les magistrats, et introduisent toutes les exclusions
prononcées par les démotes et les condamnations émanant du Conseil.
§ 5. - Ils donnent aussi des actions civiles dans
les affaires de commerce, de mines et contre l'esclave qui diffame l'homme
libre. Ils ratifient les conventions conclues avec les autres États et
introduisent devant les tribunaux les actions obtenues en exécution de ces
conventions. Ils introduisent enfin l'action de faux témoignage, quand la
déposition a eu lien devant l'Aréopage.
§ 6. - Ce sont les thesmothètes qui assignent, par
la voie du sort, aux magistrats qui les présideront, tous les tribunaux, civils
et criminels; mais c'est par les soins des neuf archontes et du greffier des
thesmothètes qu'a lieu le tirage au sort des juges. Ils procèdent au tirage
chacun dans leur tribu.
Voilà ce qui concerne les neuf archontes.
§ 1. Les Athlothètes. Fonctions
administratives. - § 2. De l'huile
des oliviers sacrés. - § 3. Des prix
donnés dans les concours des Panathénées.
§ 1. - On tire encore au sort, un par tribu, les
dix athlothètes. Après avoir subi l'examen, ils restent quatre ans en fonctions.
Ils sont chargés d'organiser la procession des Panathénées, le concours de
musique, le concours gymnique et la course de chevaux. Ils veillent, de concert
avec le Conseil, à la confection du péplos et des amphores, et remettent
l'huile aux athlètes vainqueurs.
§ 2. - Cette huile est fournie par les oliviers
sacrés et l'archonte est chargé de la recueillir: les propriétaires des
terrains où se trouvent ces arbres sont tenus de lui fournir un cotyle et demi
par pied. Anciennement l'État affermait la récolte et quiconque déracinait ou
abattait un olivier sacré était jugé par le sénat de l'Aréopage: en cas de
condamnation, la peine était la mort. Mais depuis que l'huile est fournie par
le propriétaire du terrain, à titre de redevance, la procédure n'est plus en
usage, bien que la loi subsiste. L'huile qui appartient à la ville est celle
que donnent les olives des jeunes branches; l'huile que donnent les olives du
tronc ne lui appartient pas.
Quand il a recueilli l'huile faite avec la récolte de son année,
l'archonte en donne livraison sur l'Acropole aux trésoriers et il ne lui est
pas permis d'entrer à l'Aréopage avant que le tout soit livré. Les trésoriers
la gardent à l'Acropole jusqu'à la fête des Panathénées, où ils la`remettent
aux athlothètes; ceux-ci la distribuent aux vainqueurs du concours gymnique.
§ 3. - Les prix sont: pour le concours de musique,
des objets d'argent et d'or; pour le concours de tenue militaire, un bouclier;
enfin pour les jeux gymniques et la course de chevaux, de l'huile.
§ 1. Les dix Stratèges. - § 2. Répartition des fonctions entre
les Stratèges. - § 3. De la
surveillance des Stratèges par le peuple. - § 4. De l'autorité des Stratèges. - § 5. Des Taxiarques. - § 6. Des
Hipparques. - § 7. Des Phylarques. -
§ 8. De l'Hipparque de Lemnos. - § 9. Des intendants de la Paralos et de
l'Ammonias.
Toutes les fonctions militaires sont conférées à l'élection.
§ 1. - Ce sont d'abord les dix stratèges que l'on
élisait autrefois un par tribu et que l'on prend aujourd'hui sans distinction
parmi tous les Athéniens.
§ 2. - Le peuple, par un vote à main levée,
distribue leurs fonctions aux membres du collège.
L'un est désigné pour commander les hoplites, quand ils quittent le
pays pour se mettre en campagne. L'autre, pour garder le pays: il ne prend part
à la guerre que si elle a lieu clans le pays.
Deux pour le Pirée, dont l'un pour Munichie et l'autre pour l'Acté; ils
veillent tous les deux à la garde de la Chélé et du Pirée.
Un autre est désigné pour les symmories. IL inscrit sur le rôle les
triérarques, procède, s'il y a lieu, aux échanges de fortunes et introduit
devant le tribunal toutes les contestations entre compétiteurs.
Les antres stratèges sont détachés au dehors suivant les besoins du
moment.
§ 3. - A chaque prytanie, le peuple répond, par un
vote à main levée, à la question suivante: les stratèges remplissent-ils
dignement leurs fonctions ? Si quelqu'un d'entre eux est exclu par le peuple,
il est jugé par le tribunal qui, en cas de condamnation, fixe la peine ou le
montant de l'amende. S'il est acquitté, le stratège reprend ses fonctions.
§ 4. - Quand ils exercent le commandement, les
stratèges ont le droit d'infliger l'emprisonnement, l'expulsion et l'amende à
quiconque manque à la discipline: généralement, ils n'infligent pas d'amende.
§ 5. - Sont aussi élus à main levée les dix
taxiarques, un par tribu. Ils commandent aux hommes de leur tribu et nomment
les capitaines.
§ 6. - Sont également élus les hipparques, au
nombre de deux, qui sont pris parmi tous les Athéniens. Ils ont le commandement
des cavaliers et commandent chacun à cinq tribus, Les hipparques ont sur les
cavaliers les mêmes droits que les stratèges sur les hoplites, et sont aussi
soumis à un vote à main levée.
§ 7. - Sont encore élus les phylarques, un par
tribu: ils commandent aux cavaliers de leur tribu comme les taxiarques
commandent aux hoplites.
§ 8. - Est aussi élu l'hipparque de Lemnos: il a le
commandement des cavaliers qui tiennent garnison dans Lemnos.
§ 9. - Sont également désignés à l'élection, les
intendants de la galère Paralienne et de la galère d'Ammon.
§ 1. Du mode de tirage au sort. - § 2. Des salaires des fonctionnaires. -
§ 3. Des fonctions qui pouvaient
être remplies plusieurs fois.
§ 1. - Pour les fonctions désignées par le sort, on
distinguait anciennement deux modes de tirage: les unes étaient, avec les
charges des neuf archontes, tirées dans la tribu tout entière; pour les autres,
on faisait une part à chacun des dèmes [de la tribu], et le tirage au sort
avait lieu dans le Théséion. Mais comme les dèmes vendaient ces fonctions, on
les tire au sort, maintenant, elles aussi, dans la tribu tout entière: il n'y a
d'exception que pour les Conseillers et les gardes dont la désignation a été
laissée aux démotes.
§ 2. - Les salaires sont les suivants:
Tout citoyen reçoit, pour une séance de l'assemblée, [trois oboles];...pour
une séance ordinaire de l'assemblée, une drachme; pour une grande séance, neuf
oboles ?. Chaque juge reçoit trois oboles par audience.
Chaque membre du Conseil, cinq oboles, et les prytanes une obole en
plus pour leurs frais de nourriture.
Les neuf archontes reçoivent chacun quatre oboles, pour leurs frais de
nourriture; l'entretien du héraut et du joueur de flûte qui les assistent est à
leur charge. L'archonte de Salamine reçoit une drachme par jour.
Les athlolhètes prennent leurs repas au Prytanée dans le mois
d'Hécatombéon où se célèbrent les Panathénées, à partir du 4.
Les amphictyons envoyés à Délos reçoivent une drachme par jour et ils
la touchent à Délos. Tous les fonctionnaires envoyés à Samos, Skyros, Lemnos ou
Imbros reçoivent leurs frais de nourriture en argent.
§ 3. - Les fonctions militaires sont les seules qui
puissent être remplies plusieurs fois; pour les autres, il n'y a d'exception
que pour le Conseil où l'on peut siéger deux fois.
§ 1. De la désignation des juges. Du
mobilier nécessaire à la répartition des juges dans les tribunaux. - § 2. Des conditions à remplir pour être
juge. - §3. Du moyen de reconnaître
l'identité des juges. De l'utilité des tablettes des juges.
§ 1. - Les juges des tribunaux sont tirés au sort
par chacun des neuf archontes dans sa tribu, et par le greffier des
thesmothètes dans la dixième.
Il y a:
Dix entrées aux tribunaux, une pour chaque tribu;
Vingt locaux pour le tirage au sort, deux pour chaque tribu;
Cent boîtes, dix par tribu;
Dix autres boîtes où l'on met les tablettes de ceux que le sort a
désignés pour juges.
A chaque entrée sont deux hydries et autant de bâtons qu'il y a de
juges [appelés à siéger]; dans l'une des hydries on met autant de glands qu'il
y a de bâtons, et sur ces glands sont inscrits des chiffres, à partir du
chiffre 11. Il y a autant de chiffres qu'il y a de tribunaux à former.
§ 2. - Peut remplir les fonctions de juge tout
citoyen âgé de plus de quarante ans, à la condition qu'il ne soit pas débiteur
du trésor public ou qu'il n'ait pas été frappé d'atimie. Celui qui siège sans
en avoir le droit, est poursuivi par voie de dénonciation devant le tribunal;
en cas de condamnation, - les juges ont à fixer en outre la peine ou l'amende,
qui sont laissées à leur appréciation. S'il est condamné à une amende, [le
débiteur du trésor] est tenu en prison jusqu'à ce qu'il ait payé la dette
antérieure pour laquelle il a été dénoncé, et l'amende que le tribunal lui a
infligée en outre.
§ 3. - Chaque juge est porteur d'une tablette de
buis où sont inscrits son nom, celui de son père, son démotique et un chiffre
de 1 à 10. Les juges, dans chaque tribu, forment en effet dix sections et le
nombre des juges est à peu près le même dans chaque section.
Quand le thesmothète a tiré au sort les chiffres qui doivent être
attribués aux tribunaux, l'appariteur s'en va placer au-dessus de chaque
tribunal le chiffre qui lui est assigné par le sort.
Avec
le chapitre LXIII finit la colonne XXX du papyrus (Pl. XVIII de l'édition
fac-similé). La colonne n'est pas entièrement remplie. Au-dessous des mots tò
laxñn, qui sont au commencement de la l. 53, est un espace blanc de six lignes.
Sous ces mêmes mots le copiste a tracé un ornement très simple. Sa tâche était
finie et c'est un autre (la troisième main) qui a copié la fin de l'ouvrage. Toute
cette partie du papyrus est malheureusement incomplète et dans un très mauvais
état de conservation. L'éditeur anglais n'a pas divisé ces fragments en
chapitres, et nous suivrons son exemple. Il nous est en effet impossible de
savoir quelle est l'étendue de la lacune entre la colonne XXX et la Pl. XIX du
Fac-similé: en outre, plus d'un passage est trop mutilé pour que les plus
audacieux mêmes en tentent la restitution.
Nous
chercherons surtout, dans les pages qui suivent, à guider ceux de nos lecteurs
qui tenteraient l'étude des Pl. XIX, XX, XXI du Fac-similé.
Tous
ces fragments, qui se répartissent dans sept colonnes (XXXI-- XXXVII), se
rapportent à l'organisation des tribunaux.
COLONNE
XXXI
Fac-similé.
Planche XX. La colonne est en deux morceaux. La partie gauche, avec une marge,
est au milieu de la planche. La partie droite est à gauche de la planche. 38
lignes.
§ 1. Formation de la liste de service. Combinaison
du tirage au sort des tablettes et du tirage au sort des cubes. - § 2. Répartition des juges dans les
tribunaux appelés à siéger.
§ 1. - On distribue les boîtes à chacune des tribus;
sur ces boîtes sont inscrits des chiffres de 1 à 10. Quand on a mis les
tablettes des juges dans les boîtes qui portent le même-chiffre...,
l'appariteur secoue les boîtes et le thesmothète tire une tablette de chaque
boîte. Le [premier] juge ainsi tombé, au sort est appelé l'afficheur, et il
affiche les tablettes, à mesure qu'elles sont tirées des boîtes, sur la règle
qui porte le même chiffre que la boîte. (L'afficheur est tiré au sort, pour que
ces fonctions ne soient pas toujours remplies par la même-personne et pour
empêcher ainsi toute fraude.)
Quand l'archonte de la tribu a mis les cubes [dans les boîtes], il
convoque les juges dans le local du tirage au sort. Les cubes sont des pierres
noires et blanches. On met autant de cubes blancs qu'il faut de juges, à raison
d'un cube par cinq tablettes; on procède de même pour les cubes noirs.
§ 2. - Quand l'archonte a tiré les cubes,
l'appariteur appelle. les juges que le sort a désignés: il est assisté de l'afficheur.
Quand le jugea été appelé et que son identité a été constatée, il tire un gland
d'une des hydries. . , puis le montre à l'archonte qui préside les opérations. Quand
l'archonte a vu le gland, il jette la tablette du juge dans une autre boîte qui
porte le même chiffre que le gland, afin que le juge se rende au tribunal qu'il
a tiré au sort, et non pas, à celui qu'il voudrait, et afin que l'on ne puisse
former un tribunal avec les juges que l'on voudrait. Auprès de l'archonte ont
été placées autant de boîtes qu'il y a de tribunaux à former, et chacune de ces
boîtes porte le numéro d'un tribunal...
COLONNE XXXII
Fac-similé.
Pl. XX et XIX. La colonne est en deux morceaux. La partie gauche est sur la pl.
XX, à droite de la partie droite de la colonne XXXI. La partie droite est sur
la planche XIX, et remplit la moitié gauche du grand fragment qui est à la
droite de la planche. 37 lignes.
§ 1. Comment le juge sait dans quel tribunal il
doit siéger. Les bâtons. - § 2. Le jeton de présence.
§ 1. - L'appariteur remet au juge un bâton peint de
la même couleur que le tribunal qui porte le numéro de son gland, afin que le
juge ne puisse entrer dans un autre tribunal que le sien. S'il entrait dans un
autre tribunal, il serait trahi par la couleur de son bâton. En effet le
linteau de la porte d'entrée de chacun des tribunaux est peint d'une couleur
différente, et quand le juge a reçu sou bâton, il se rend au tribunal qui porte
et la même couleur et le même numéro que le gland qu'il a tiré.
§ 2. - Une fois entré, le juge reçoit un jeton
frappé par l'État, et que lui remet un fonctionnaire désigné par le sort à cet
effet.
Le
reste de la colonne est trop mutilé pour qu'on en puisse rien tirer de certain.
COLONNE
XXXIII
Fac-similé.
PI. XIX. Il n'en reste que le commencement des lignes. Premier fragment à
droite de la planche.
COLONNE
XXXIV
Fac-similé.
Pl. XIX. II n'en reste que des fragments détachés. Nous n'en citerons que deux,
ceux qui viennent, immédiatement à gauche des deux longues bandes qui
remplissent la droite de la planche. Ces deux fragments, qui sont complets dans
le bas, doivent être placés l'un à côté de l'autre, le fragment du haut à
gauche du fragment du bas. A la l. 3 (à partir du bas) de ce fragment ainsi
restitué, on lit: kaÜ dÛxouw ¤j‹xouw; à la l. 4 kaÜ dÛxouw; à la 1. 5 ¤pt‹xouw
d¢...Il était parlé des plaidoiries et de la clepsydre. La colonne XXXIV et
peut-être la colonne précédente étaient clone consacrées à la description de la
procédure.
COLONNE
XXXV
Fac-similé.
Pl. XIX et XX. On en reconnaît certainement trois fragments: deux de la partie
gauche, et un de la partie droite. Les deux fragments de la partie gauche sont
sur la pl. XIX: le premier est facile à retrouver, car il est placé à l'envers;
le second, complet dans le bas, est à la droite de la fin de la colonne XXXIV.
Si
mutilée que soit cette colonne, on a pu en les rapprochant d'une citation
d'Harpocration (s. v. Tetruphm¡nh), restituer les 27-35.
Les bulletins de vote.
Les bulletins de vote sont en bronze, avec une tige au milieu. Dans la
moitié, cette tige est percée; dans l'autre elle est pleine. Quand les
plaidoiries sont terminées, les distributeurs désignés par le sort remettent à
chacun des juges deux bulletins, l'un à tige percée, l'autre à tige pleine. Ils
les remettent ostensiblement, sous les yeux des parties, afin que les juges ne
reçoivent ni deux bulletins percés, ni deux bulletins pleins.
COLONNES
XXXVI & XXXVII
Fac-similé.
Pl. XXI. La colonne XXXVI est en trois morceaux. La partie gauche est sur le
morceau du milieu; le milieu est à la gauche de la planche; la partie droite
est sur le même fragment que la colonne XXXVII. 35 lignes.
La
colonne XXXVII compte 8 lignes écrites avec beaucoup de soin. Un assez grand
ornement marque la fin de l'ouvrage.
§ l. Les amphores où l'on recueille
les votes. - § 2. Le vote. - § 3. Le compte des voix et la
proclamation du vote. - § 4. Vote
sur l'évaluation de la peine. - § 5. Le
paiement du salaire.
§ 1. - Deux amphores sont placées dans le tribunal,
l'une en bronze, l'autre en bois. Elles sont séparées l'une de l'autre, pour
que l'on ne se trompe pas en déposant son vote. Dans ces amphores sont
recueillis les votes des juges: dans l'amphore de bronze, les bulletins qui
expriment la sentence; dans l'amphore de bois, ceux qu'on annule. L'amphore de
bronze est fermée par un couvercle, percé d'une ouverture qui ne laisse passer
qu'un bulletin à la fois.
§ 2. - Au moment où il va être procédé au vote,...le
héraut fait une première proclamation et demande si les parties se proposent
d'attaquer les témoignages. Il faut eu effet qu'elles attaquent les témoignages
avant le vote des juges. Le héraut fait ensuite la proclamation suivante: le
bulletin percé est pour la partie qui a plaidé la première; le bulletin creux
pour la partie qui a plaidé la dernière.
Suivent seize lignes (16-31), très mutilées. On voit pourtant qu'il y
était parlé de la vérification des bulletins (16-18) et du dépouillement du
scrutin. On commençait par vider les deux amphores, dont on avait aussitôt
besoin pour le dépouillement. Les bulletins tirés de l'amphore de bois étaient
sans doute mis de côté, puisqu'il ne servaient à rien. Les bulletins tirés de
l'amphore de bronze étaient au contraire soigneusement triés.
§ 3.... [On sépare?] les bulletins percés des
bulletins pleins; les uns (les bulletins pour l'accusateur ou le demandeur)
sont jetés dans l'amphore de bronze; les autres (les bulletins contre) sont
jetés dans l'amphore de bois...Les appariteurs chargés de porter les votes
remettent l'amphore de bronze...
On voit dans la suite que les bulletins sont comptés (1. 26 fin ŽriymoÛ
et que le vote est proclamé.
§ 3 (suite). - Le héraut proclame alors le
nombre des bulletins. Les bulletins percés sont attribués au demandeur, les
pleins au défendeur. Celle des deux parties qui a obtenu le plus grand nombre
de bulletins gagne son procès: à égalité de bulletins, le défendeur est renvoyé
des fins de la demande. ~i. - Lorsqu'il y a lieu, il est procédé à un second
vote sur l'évaluation [de la peine à infliger ou de la somme à payer].
§ 4 Les juges votent de la même manière, en
rendant leur jeton et reprenant leur bâton. Un demi-conge d'eau est accordé à
chacune des parties pour s'expliquer sur l'évaluation.
§ 5. - Quand les juges ont rempli toutes leurs
fonctions, conformément aux lois, ils reçoivent leur salaire dans la section
dans laquelle le sort les a répartis.