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SERMON POUR
LE IVe DIMANCHE DE L’AVENT (a).
Ego vox clamantis in deserto.
Je suis la voix de celui qui crie dans le désert. Joan.,
I, 23.
Les hommes, dont la passion a
corrompu le jugement, ne savent pas suivre les traces de la vérité, et la
lumière elle-même les confond et les égare (b) . La vie étonnante
de saint Jean-Baptiste cause une telle admiration au conseil des Juifs qui était
à Jérusalem, qu'ils envoient dans notre évangile une solennelle députation (c)
pour lui demander s'il n'est point Elie , s'il n'est point ce grand prophète
promis par Moïse, enfin s'il n'est point le Christ. Jean, cet humble ami de
l'Epoux, qui ne songe plus qu'à décroître et à s'abaisser aussitôt que
Jésus-Christ veut paraître, pour lui donner la gloire qui lui est due se sert de
cette occasion pour
1 Matth., III, 3.
(a) Prêché devant le roi, la reine, Madame, le duc
d'Orléans, en 1669. Comme on ne trouve aucun titre royal dans ce sermon, les
éditeurs ont cru qu'il n'a pas été prêché devant le monarque; mais il renferme
dans le premier point un passage qui suppose manifestement sa présence : « Un
roi même, pénitent au milieu de sa Cour..., entre dans cet esprit de solitude et
se retire souvient dans son cabinet, » etc. D'un autre côté le même sermon
contient plusieurs passages amplement esquissés; et c'est surtout vers 1669, que
Bossuet se contentait de tracer sur le papier des croquis rapides qu'il achevait
dans la chaire.
(b) Var. : Ne savent pas suivre les
traces de la vérité, ne s'accordent ni avec elle ni avec eux-mêmes, et la
lumière..... — (c) Une telle admiration aux Juifs de Jérusalem, qui lui
font une solennelle députation pour lui demander.....
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couvrir aux Juifs ce divin Sauveur qui était au milieu
d'eux sans qu'ils voulussent le connaître. Mais de quelle erreur ne sont point
capables des hommes préoccupés et dont le sens est dépravé ! Ils s'adressent à
saint Jean-Baptiste pour apprendre de lui-même quel il est, et le consultent sur
ce qui le touche, tant il leur parait digne d'être cru ; et ils le jugent tout
ensemble si peu digne de créance, qu'ils rejettent le témoignage sincère qu'il
rend à un autre. Ils ont conçu une si haute estime de sa personne, qu'ils le
prennent pour un prophète et doutent même s'il n'est point le Christ; et en même
temps ils font si peu d'estime de son jugement, qu'ils ne veulent pas
reconnaître le Christ qu'il leur montre : tant il est vrai, chrétiens, qu'il n'y
a point de contradiction ni d'extravagance où ne tombent ceux que leur
présomption aveugle et qui osent mêler leurs propres pensées aux lumières que
Dieu leur présente.
Allons, mes frères, à saint
Jean-Baptiste dans un esprit opposé à celui des Juifs, puisque l'Eglise nous
fait entendre ses divines prédications pour préparer les voies au Sauveur
naissant, et lui fait faire par ce moyen encore une fois son office de
précurseur. Ecoutons attentivement cette voix qui nous doit conduire à la Parole
éternelle. Mais pour nous rendre capables de profiter de ses instructions,
prions la très-sainte Vierge qu'elle nous obtienne la grâce d'être émus à la
voix de saint Jean-Baptiste, comme Jean-Baptiste fut ému lui-même à la voix de
cette Vierge bénie, lorsqu'elle alla lui porter jusque dans les entrailles de sa
mère une partie de la grâce qu'elle avait reçue avec plénitude. Ave.
Vous venez entendre aujourd'hui
un grand et excellent (a) prédicateur ; c'est le célèbre Jean-Baptiste,
flambeau devant la Lumière, voix devant la Parole, ange devant l'Ange du grand
conseil, médiateur devant le Médiateur, c'est-à-dire médiateur entre la loi et
l'Evangile, précurseur de celui qui le devance ; dont la main qui s'estime
indigne d'approcher seulement des pieds de Jésus, est élevée même dessus sa
tête; qui baptise au dehors celui qui le baptise au dedans, et répand de l'eau
sur la tête de celui qui
(a) Var, : Admirable.
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répand le feu et le Saint-Esprit dans les cœurs. Voilà, mes
frères, le prédicateur qui demande votre audience. Il a raison de dire en se
définissant lui-même, qu'il est une voix, parce que tout parle en lui, sa vie,
ses jeûnes, ses austérités, cette pâleur , cette sécheresse de son visage,
l'horreur de ce cilice de poil de chameau qui couvre son corps, et de cette
ceinture de cuir qui serre ses reins, sa retraite, sa solitude, le désert
affreux qu'il habite ; tout parle , tout crie, tout est animé. Tels devraient
être les prédicateurs : « Il faudrait que tout fût parlant et résonnant en eux :
» Totum se vocalem débet verbi nuntius exhibere, comme disait cet ancien
Père. A voir ce prédicateur si exténué, ce squelette, cet homme qui n'a point de
corps, dont le cri néanmoins est si perçant (a), on pourrait croire qu'en
effet ce n'est qu'une voix, mais une voix que Dieu fait entendre aux mortels
pour leur inspirer une crainte salutaire. Au bruit de cette voix, non-seulement
le désert est ému, mais les villes sont troublées, les peuples tremblants, les
provinces alarmées. On voit accourir aux pieds de saint Jean-Baptiste toute la
Judée saisie de frayeur, tant il annonce fortement aux hommes les sévères
jugements de Dieu qui les pressent et qui les poursuivent. « Race de vipères,
qui vous a avertis de fuir la colère à venir (1)? »
Il a donc raison de dire qu'il
n'est point ce que les Juifs ont pensé. Il n'est point le Prophète, il n'est
point le Christ, il n'est point Elie. Il est une voix, il est un cri qui avertit
les pécheurs de leur ruine prochaine et inévitable, s'ils ne font bientôt
pénitence. Prêtons, mes frères, l'oreille attentive à ce divin prédicateur (b),
prophète et plus que prophète. Oui, puisqu'il est tout voix pour nous parler,
soyons tout oreille pour l'entendre. « Je suis, dit-il, la voix de celui qui
crie dans le désert : Préparez la voie (c) du Seigneur, redressez dans la
solitude les sentiers (d) de notre Dieu : » Vox clamantis in deserto :
Parate viam Domini; rectas facite in solitudine semitas Dei nostri. (e)
Telle est la voix
1 Matth., III, 7.
(a) Var. ; Et qui tonne néanmoins avec tant
de force. — (b) Ecoutons, mes frères, attentivement ce divin prédicateur.
— (c) Les voies. — (d) Faites droits les chemins. — (e) Note
marg. : Ecoutons donc la voix qui nous parle, laissons-nous frapper
distinctement par tous ses sons; voyons tous les mystères de la pénitence, tout
l'ordre de l'expiation des crimes, toute la méthode pour les traiter et pour les
guérir.
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qui nous parle ; il reste que nous entendions ce que c'est
que ce désert (a) où elle crie, quelle préparation elle nous demande,
quelle droiture elle nous prescrit. Voilà sans détour et sans circuit le partage
de mon discours et le sujet de vos attentions.
PREMIER POINT.
La voix qui nous invite à la
pénitence se plaît à se faire entendre dans le désert. Il faut quitter le grand
monde et les compagnies; il faut aimer la retraite, le silence et la solitude,
pour écouter cette voix qui ne veut point être étourdie par le bruit et le
tumulte des hommes.
La première chose que Dieu fait
quand il veut toucher un homme du monde, c'est de le tirer à part pour lui
parler en secret. « J'ai trouvé, dit-il, cette âme mondaine avec tous les
ornements de sa vanité : » Ornabatur in aure suâ et monili suo. Elle ne
songeait qu'à plaire au monde, à voir et à être vue ; « elle courait comme une
insensée après ses amans, après ceux qui flattaient ses mauvais désirs , et elle
m'oubliait, dit le Seigneur : » Et ibat post amatores suos, et obliviscebatur
mei, dicit Dominus (1). « Et moi je commencerai de l'allaiter ; » je lui
ferai ressentir une goutte des douceurs célestes : « Je l'attirerai à la
solitude, et je parlerai à son cœur : » Propter hoc ego lactabo eam, et ducam
eam in solitudinem, et loquar ad cor ejus (2). Je lui dirai des paroles de
consolation et d'instruction divine.
Et certes nous
errons dans le principe, si nous croyons que l'esprit de componction et de
pénitence puisse subsister dans ce commerce éternel du monde auquel nous
abandonnons toute notre vie. Un pénitent est un homme pensif et attentif à son
âme : (b) Un pénitent est un homme dégoûté et de lui-même et du monde, (c)
Un pénitent est un homme qui veut soupirer, s'affliger, qui veut gémir, (d)
Un tel homme veut être seul, veut
1 Ose., II, 13. — 2 Ibid., 14.
(a) Var. : Quel est le désert. — (b)
Note marg. : Cogitabo pro peccato meo (Psal. XXXVII, 19) : «
Mon péché occupe toutes mes pensées. » — (c) Domitavit anima mea prae
taedio (Psal. CXVIII, 28) :« Mon âme languit d'ennui. » — (d)
Laboravi in gemitu meo (Psal. VI, 7) :« J'ai été pressé par mes
sanglots. »
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avoir des heures particulières ; le monde l'importune et
lui est à charge.
Je vous
étonnerais (a), mes frères, si je vous racontais les lois de l'ancienne
pénitence. On tirait le soldat de la milice, le marchand du négoce, tout
chrétien pénitent des emplois du siècle. Ils priaient, ils méditaient nuit et
jour ; ils regrettaient sans cesse le bien qu'ils avaient perdu. Ils n'étaient
ni des fêtes, ni des jeux, ni dès affaires du monde. Ils se nourrissaient dans
leurs maisons du pain de larmes. Ils ne sortaient en public que pour aller se
confondre à la face de l'Eglise et implorer aux pieds de leurs frètes le secours
de leurs prières charitables ; huit ils estimaient la retraite et la solitude
nécessaire.
Qu'est-ce en effet qui nous a
poussés dans ces prodigieux égarements ? qu'est-ce qui nous a fait oublier et
Dieu et nous-mêmes, si ce n'est qu'étourdis par le bruit du monde, nous n'avons
pas même connu nos excès ? Notre conscience , témoin véritable, ami fidèle et
incorruptible, n'a jamais le loisir de nous parler ; et toutes nos heures sont
si occupées, qu'il ne reste plus de temps (b) pour cette audience. Or il
y a cette différence entre la raison et les sens, que l'impression des sens est
fort vive, leur opération prompte, leur attaque brusque et surprenante ; au
contraire la raison a besoin de temps pour ramasser ses forces, pour ordonner
ses principes, pour appuyer ses conséquences, pour affermir ses résolutions;
tellement qu'elle est entraînée par les objets qui se présentent et emportée
pour ainsi dire parle premier vent (c), si elle ne se donne à elle-même
par son attention un certain poids, une certaine consistance, un certain arrêt,
(d) Si donc on lui ôte la réflexion, on lui ôte toute sa force, on la
laisse découverte et à l'abandon pour être la proie du premier venu. C'est, mes
frères, ce que fait le monde ; il sait remuer si puissamment je ne sais quoi
d'inquiet et d'impatient que nous avons dans le fond du cœur,
(a) Var.; je vous ferais peur. — (b)
Aucun temps. — (c) Et cependant il est véritable que qui ôte à
l'esprit la réflexion, lui ôte toute sa force. Car il y a cette différence entre
la raison et les sens, que les sens font d'abord leur impression; leur opération
est prompte, leur attaque brusque et surprenante..... — (d) Note marg. :
Iniquitates nostrae quasi ventus abstulerunt nos (Isa., LXIV, 6). Ce vent
ne manquera jamais de nous emporter, si notre âme ne se roidit et ne s'affermit
elle-même par une attention actuelle
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qu'il nous tient toujours en mouvement. Toutes les heures
s'écoulent trop vite, toutes les journées finissent trop tôt, en sorte qu'on
n'est jamais un moment à soi; et qui n'est pas à soi-même, de qui ne devient-il
pas le captif ?
Hommes errants, hommes
vagabonds, qui vous fuyez vous-mêmes, écoutez, il est temps, la voix qui vous
rappelle au dedans (a). Si vous vous êtes perdus par cette prodigieuse
dissipation , il faut qu'un recueillement salutaire commence votre guérison. Une
partie de votre mal consiste dans un certain étourdissement que le bruit du
monde a causé, et dont votre tête est tout ébranlée ; il faut vous mettre à
l'écart, il faut vous donner du repos. Voici le médecin qui vous dit lui-même
par la bouche de son prophète : Si revertamini et quiescatis, salvi eritis ;
in silentio et in spe erit fortitudo vestra (1) : « Si vous sortez de ce
grand tumulte et que vous preniez du repos, vous serez sauvés ; et en gardant le
silence, vos forces commenceront de se rétablir. »
Le docte saint Jean Chrysostome
(2) a renfermé en un petit mot une sentence remarquable, quand il a dit que
pour former les mœurs, et peut-être en pourrions-nous dire autant de l'esprit,
il faut désapprendre tous les jours. En effet mille faux préjugés nous ont gâté
l'esprit et corrompu le jugement ; et la source de ce désordre, c'est
qu'aussitôt que nous avons commencé d'avoir quelque connaissance, le monde a
entrepris de nous enseigner, a joint aux tromperies de nos sens celles de
l'opinion et de la coutume. C'est de là que nous avons tiré ces belles leçons,
qu'il faut tout mesurer à notre intérêt, que la véritable habileté c'est de
faire tout servir à notre fortune, qu'il faut venger les affronts. Endurer,
c'est s'attirer de nouvelles insultes ; cette grande modération, c'est la vertu
des esprits vulgaires ; la patience est le partage des faibles et la triste
consolation de ceux qui ne peuvent rien ; dans une vie si courte et si
malheureuse que la nôtre, c'est folie de refuser le peu de plaisir que la nature
nous donne. Voilà les
1 Isa., XXX, 15. — 2 S. Chrys., homil.
XI in Genes.
(a) Var. : Hommes errants, hommes vagabonds,
déserteurs de votre âme et fugitifs de vous-mêmes : Redite, praevaricatores,
ad cor (Isa., XLVI, 8) :« Retournez au cœur, » commencez à réfléchir et à
entendre la voix qui vous rappelle au dedans.
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grandes leçons que nous apprenons tous les jours dans les
compagnies, si bien que tous les préceptes de Dieu et de la raison demeurent
ensevelis sous les maximes du monde.
Après cela, mes frères, vous
comprenez aisément la nécessité de désapprendre ; mais certes, pour oublier de
telles leçons, il faut quitter l'école et le maître. Car considérez, je vous
prie, de quelle sorte le monde vous persuade. Ce maître dangereux n'agit pas à
la mode des autres maîtres : il enseigne sans dogmatiser ; il a sa méthode
particulière de ne prouver pas ses maximes, mais de les imprimer dans le cœur
sans qu'on y pense, (a) Autant d'hommes, oui certes, autant d'hommes qui
nous parlent, autant d'organes qui nous les inspirent. Nos ennemis par leurs
menaces, nos amis par leurs bons offices concourent également à nous donner de
fausses idées des biens et des maux. Tout ce qui se dit dans les compagnies, et
l'air même qu'on y respire, n'imprime que plaisir te que vanité. Ainsi nous
n'avançons rien de n'avaler pas tout à coup le poison du libertinage, si
cependant nous le suçons peu à peu, si nous laissons gagner jusqu'au cœur cette
subtile contagion qu'on respire avec l'air du monde dans ses conversations et
dans ses coutumes. Tout nous gâte, tout nous séduit; (b) et si nous
demandons à Tertullien ce qu'il craint pour nous dans le monde : Tout, nous
répondra ce grand homme, jusqu'à l'air qui est infecté par tant de mauvais
discours, par tant de maximes antichrétiennes (c) : Ipsumque aerem....
scelestis vocibus constupratum (1).
Ne vous étonnez donc pas si je
dis que le premier instinct que ressent un homme touché de Dieu, est celui de se
séquestrer du grand monde. La même voix qui nous appelle à la pénitence, nous
appelle aussi au désert, c'est-à-dire au silence, à la solitude et à la
retraite. Ecoutez ce saint pénitent : Similis factus sum
1 Lib. De Spect., n. 27.
(a) Note marg. : Ainsi il ne suffît pas de
lui opposer des raisons et des maximes contraires, parce que cette doctrine du
monde s'insinue plutôt par une insensible contagion que par une instruction
expresse et formelle. — (b) Et le grand malheur de la vie
humaine, c'est que nul ne se contente d'être insensé seulement pour soi, mais
veut faire passer sa folie aux autres; si bien que ce qui nous serait
indifférent souvent, tant nous sommes faibles, excite notre imprudente curiosité
par le bruit qu'on en fait autour de nous. Dans cet étrange empressement de nous
entre-communiquer nos erreurs et nos folies, l'esprit se corrompt tout à fait.—
(e) Var. : Corrompues.
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pellicano solitudinis, factus sum sicut nycticorax in
domicilia ; vigilavi et factus sum sicut passer solitarius in tecto (1) : «
Je suis, dit-il, devenu semblable au pélican des déserts et au hibou des lieux
solitaires et ruinés; j'ai passé la nuit en veillant, et je me trouve comme un
passereau tout seul sur le toit d'une maison. » Au lieu de cet air toujours
complaisant que le monde nous inspire, l'esprit de pénitence nous met dans le
cœur je ne sais quoi de rude et de sauvage. Ce n'est plus cet homme doux et
galant qui liait toutes les parties (a) ; ce n'est plus cette femme
commode et complaisante, trop adroite médiatrice et amie trop officieuse, qui
facilitait ces secrètes correspondances; ce ne sont plus ces expédients, ces
ouvertures, ces facilités; on apprend un autre langage, on apprend à dire : Non;
à dire : Je ne puis plus; à payer le monde de négatives sèches et vigoureuses.
On ne veut plus vivre comme les autres ni avec les autres ; on ne veut plus
s'approcher; on ne veut plus plaire, on se déplaît à soi-même. In pécheur qui
commence à sentir son mal, est dégoûté tout ensemble et du monde qui l'a déçu,
et de lui-même qui s'est laissé prendre à un appât si grossier. Il se souvient,
hélas! à combien de crimes il s'est engagé par ses malheureuses complaisances.
Il ne songe plus qu'à se séparer de cette subtile contagion qu'on respire avec
l'air du monde dans ses conversations et dans ses coutumes. Un roi même,
pénitent au milieu de sa Cour et des affaires, entre dans cet esprit de
solitude. Il se retire souvent dans son cabinet. Si les affaires du jour ne lui
permettent pas d'être seul, il passe la nuit en veillant ; et dans ce temps de
silence et de liberté, il s'abandonne au secret désir qui le pousse à soupirer
et à gémir. Loin du monde, loin des compagnies, il n'a plus que Dieu devant les
yeux pour s'affliger en sa présence, pour lui dire du fond de son cœur : « J'ai
péché contre vous et devant vous seul, » et je veux aussi m'affliger en votre
seule présence ; seul et invisible témoin de mes sanglots et de mes regrets, ah!
écoutez la voix de mes larmes : Tibi soli peccavi (2). Et certes si nous
examinons attentivement pourquoi Dieu et la
1 Psal. CI, 7, 8. — 2 Psal. L, 6.
(a) Var. : Doux et facile qui était de toutes les
parties.
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nature ont mis dans nos cœurs cette source amère de
regrets, il nous sera aisé de comprendre que c'est pour nous affliger, non tant
de nos malheurs que de nos fautes. Les maux qui nous arrivent par nécessité
portent toujours avec eux quelque espèce de consolation : c'est une nécessité,
on se résout. Mais il n'y a rien qui aigrisse tant nos douleurs que lorsque
notre malheur vient de notre faute. Ainsi ce sont nos péchés qui sont le
véritable sujet de nos larmes; et il ne se faudrait jamais consoler d'avoir
commis tant de fautes, n'était qu'en les déplorant on les répare, et c'est une
seconde raison pour laquelle les saints pénitents s'abandonnent à la douleur (a).
Dans toutes nos autres pertes, les larmes et les regrets nous sont inutiles. Une
personne qui vous était chère vous a été ravie par la mort : pleurez jusqu'à la
fin du monde, quelque effort que vous fassiez pour la rappeler, votre douleur
impuissante ne la fera pas sortir du tombeau ; et si vives que soient vos
douleurs, elles ne ranimeront pas ses cendres éteintes. Mais en déplorant vos
péchés, vous les effacez par vos larmes ; en disant avec le prophète : « La
couronne de notre tête est tombée ; malheur à nous, car nous avons péché (1) ! »
nous remettons sur cette tête dépouillée de son ornement la même couronne de
gloire. En déplorant (b) l'audace insensée qui vous a fait violer la
sainteté de votre baptême, vous vous en préparez un second. C'est ce qui porte
un pénitent à pleurer sans fin et à chercher le secret et la solitude pour
s'abandonner tout entier à une douleur si juste et si salutaire.
Au reste ne croyez pas que je
vous fasse ici des discours en l'air, ni que je vous prêche des regrets et des
solitudes imaginaires. Toutes les histoires ecclésiastiques sont pleines de
saints pénitents qui ne pouvant plus supporter le monde dont ils avaient suivi
les attraits trompeurs, ont été enfin remplir les déserts de leurs pieux
gémissements (c). Ils ne pouvaient se consoler d'avoir violé leur
baptême, profané le corps de Jésus-Christ, outragé l'esprit de grâce, foulé aux
pieds son sang précieux dont ils avaient été
1 Thren., V, 16.
(a) Var. : Une seconde raison qui oblige les
saints pénitents à pleurer avec abondance. — (b) en pleurant. — (c)
De saints pénitents qu'une douleur immense de leurs péchés a poussés dans les
déserts les plus reculés.
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rachetés, crucifié leur Sauveur encore une fois. Ils
reprochaient à leur âme, épouse infidèle, blanchie au sang de l'Agneau, qu'au
milieu des bienfaits de son Epoux, dans le lit même de son Epoux, elle s'était
abandonnée à son ennemi. Ils versaient des ruisseaux de larmes. Ils ne pou
voient plus supporter le monde qui les avait abusés, ni ses fêtes, ni ses
vanités, ni son triomphe qui détruit le règne de Dieu. Ils allaient chercher les
lieux solitaires pour donner un cours plus libre à leur douleur; on les
entendait non gémir, mais hurler et rugir dans les déserts : Rugiebam
(1). Je n'ajoute rien à l'histoire; il semblait qu'ils prenaient plaisir à ne
voir plus que des objets qui eussent quelque chose d'affreux et de sauvage, et
qui leur fussent comme une image de l'effroyable désolation où leurs péchés les
avaient réduits (a).
Il ne faut plus espérer de
pareils effets de la pénitence en nos jours. Saint Jean-Baptiste en personne
pourrait prêcher encore une fois; il ne nous persuaderait pas de quitter le
monde pour aller pleurer nos péchés dans quelque coin inconnu, dans quelque
vallée déserte. Notre salut ne nous est pas assez cher, nous ne mettons pas
notre âme à un si haut prix (b). Je veux bien le dire, ces saintes
extrémités ne nous sont pas précisément commandées, ni peut-être absolument
nécessaires ; mais du moins ne nous livrons pas tout à fait au monde, ayons des
temps de retraite ; ni
1 Psal. XXXVII, 9.
(a) Note marg. : L'Epouse du saint Cantique
aime la campagne et la solitude : le tumulte des compagnies et la vue des hommes
la détourne et l'étourdit. Pourquoi? parce qu'elle a le cœur touché. « Viens,
mon bien-aimé, dit l'Epouse; sortons à la campagne; allons demeurer aux champs :
levons-nous du matin pour aller visiter nos vignes, pour voir si elles
commencent à pousser leurs fleurs. » Il n'y a aucune de ces paroles qui ne
respire un air de solitude et les délices de la vie champêtre. L'amour, ennemi
du tumulte et occupé de soi-même, cherche les lieux retirés, dont le silence et
la solitude entretiennent son oisiveté toujours agissante. Amour innocent; amour
pénitent : délicieuses méditations de l'amour innocent. Dans le cantique,
solitudes agréables et solitudes affreuses. L'amour pénitent, outré de douleur
et inconsolable : l'épouse délicate, qui déplore ses honteuses infidélités. Il
appelle sa bien-aimée, non plus des jardins et des prairies, mais du milieu des
rochers et des déserts les plus effroyables. « Lève-toi, dit-il, ma bien-aimée,
quoique infidèle, mais pénitente : sors des trous des rochers, sors des cavernes
profondes. Viens du Liban, mon Epouse, viens du sommet des montagnes et du creux
des précipices; sors des tanières des lions, des retraites des bêtes
ravissantes. » Ses douleurs, ses regrets et ses désespoirs sont des bêtes
farouches qui la déchirent. — (b) Var. : Notre âme ne nous
est pas assez précieuse, quoiqu'elle ait coûté le même sang.
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à ses divertissements, un cœur contrit, un cœur affligé
n'est plus sensible à ces vaines joies. N'exposez pas au monde l'esprit de la
grâce, ne vous répandez pas si fort au dehors. Faites entrer le bon grain dans
la terre; c'est pour l'avoir négligé et pour l'avoir laissé trop à l'abandon
qu'il n'a pu prendre racine; les passans l'ont foulé aux pieds, les oiseaux du
ciel l'ont mangé, ouïes soins du monde l'ont étouffé ; votre moisson est ravagée
par avance dans le temps même de la culture et du labourage. Si votre pénitence
n'est pas gémissante, qu'elle soit du moins sérieuse, du moins qu'elle ne soit
pas emportée. Tout le monde ne peut pas gémir ni répandre des pleurs effectifs;
la douleur peut subsister sans toutes ces marques, mais le cœur doit être brisé
au dedans. Mais du moins faut-il tenir pour certain que ces emportements de joie
sensuelle sont incompatibles avec la douleur de la pénitence. Etiam à licitis
(1). Soyons donc attentifs à notre salut : Sibi ipsa mentis intentio
solitudinem gignit, dit saint Augustin (2). Faisons-nous une solitude par
notre attention, par notre recueillement. Nous voilà dans le désert, où la voix
de saint Jean-Baptiste nous a conduits : déjà nous y avons appris à pleurer nos
crimes; faut-il quelqu'autre préparation pour ouvrir la voie à Dieu et le faire
entrer dans notre âme? C'est ce que... Seconde partie.
SECOND POINT.
N'en doutez pas, mes frères, que
la pénitence ne demande de plus intimes préparations que celles que j'ai déjà
rapportées : la retraite et la solitude éloignent le mal plutôt qu'elles
n'avancent le bien. Les regrets dont j'ai tant parlé seraient suffisants, pourvu
qu'ils fussent sincèrement dans le fond du cœur (a) ; mais comme nous
sommes instruits qu'il y a de fausses douleurs et de fausses componctions, c'est
ce qui nous oblige à nous éprouver, et c'est ce que j'appelle préparer les voies
avec attention et exactitude. Lavamini, mundi estote, auferte malum
cogitationum vestrarum ab oculis meis, quiescite agere perverse, discite
benefacere, quœrite judicium, subvenite oppresso, judicate pupillo, defendite
viduam,
1 S. Greg. Magn., lib. V in Job,
cap. IV.— 2 De Div. quœst. ad Simplic., lib. II.
(a) Var. : Qu'ils fussent véritables.
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et venite et arguite me, dicit Dominus. Si fuerint
peccata vestra ut coecinum, quasi nix alba erunt ; et si fuerint rubra ut
vermicudis, sicut lana alba erunt (1) (a).
Faciliùs autem inverti qui
innocentiam servaverint, quàm qui congrue egerint pœnitentiam. An quisquam illam
pœnitentiam putat, ubi adquirendœ ambitio dignitatis, ubi vini effusio,ubi
ipsius copulœ conjugalis usus (2)? Renuntiandum sœcido est, somno ipsi
minus indulgendum quàm natura postulat, interpellandus est gemitibus,
interrumpendus estsuspiriis, sequestrandus orationibus. Vivendum ita ut vitali
huic moriamur usui, seipsum sibi homo abneget, et totus mutetur. Eò quòd ipse
hujus vitœ usus corruptela sit integritatis. Adam post culpam statim de paradiso
Deus ejecit, non distulit: sed statim separavit à deliciis, ut ageret
pœnitentiam (3). Statim tunicam vestivit pelliceam, non sericam. Ne in
ipsà fiat pœnitentià, quod postea indigeat pœnitentià.
Ceux qui font indifféremment la
pénitence, qui negligenter se gesserunt (4)...; ils doivent avoir compris
que dans la faiblesse naturelle à l'homme, il est plus aisé de tomber que de se
relever de sa chute, de se donner le coup de la mort que de se rendre la vie, de
suivre notre penchant en allant au mal que rie nous violenter pour en sortir.
Ils doivent se persuader qu'on n'obtient pas de Dieu le pardon aussi facilement
qu'on l'offense, et que l'homme ne fléchit pas sa bonté avec la même facilité
qu'il la méprise. Car c'est une maxime établie que le bien nous coûte plus que
le mal, et que c'est un ouvrage plus laborieux de se réparer que de se perdre.
Bluta ceux dont nous parlons ne l'entendent pas de la sorte ; ils mettent dans
la même ligne et la pénitence et la faute. S'il leur est aisé de
1 Isa., I, 16, 17, 18. — 2 S. Ambr., De Paenit.,
lib. II, cap. X. — 3 Ibid. — 4 Concil.
Nicean, Can. Arab., cap. XIX Lab., tom. II, col. 297.
(a) Note marg. : Un sage médecin attend à
donner certains grands remèdes, quand il voit que la nature reprend le dessus :
ici quand la grâce le reprend, quand elle commence à gagner un cœur, à dompter
el à assujettir la nature. Vous n'avez pas gardé pour Dieu votre force, aussi
voyez-vous qu'elle s'est perdue. Eprouvez-vous vous-mêmes; c'est par les œuvres
que le cœur s'explique. Enfants légitimes et naturels: on peut lui supposerions
les inities. « Ne donnez pas le saint aux chiens; ne jetez pas vos perles aux
pourceaux » (Matth., VII, 6). Avec un cœur feint : je ne parle pas de ces
feintes et de ces impostures grossières. Il ne faut pas en croire les premiers
regrets;
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pécher, il ne leur est pas moins aisé de se convertir,
tantôt justes et tantôt pécheurs, selon qu'il leur plait. Ils croient pouvoir
changer leurs mauvais désirs avec autant de promptitude qu'ils ont à se laisser
vaincre, et se défaire de leurs mauvaises inclinations comme d'un habit qu'on
prend et qu'on quitte quand on veut : erreur manifeste. A la vérité, chrétiens,
pendant que la maladie supprime pour un peu de temps les atteintes les plus
vives de la convoitise, je confesse qu'il nous est facile de peindre sur notre
visage, et même pour nous mieux tromper, dans notre imagination alarmée, l'image
d'un pénitent. Le cœur a des mouvements superficiels qui se font et se défont en
un moment ; mais il ne prend pas si facilement les impressions fortes et
profondes. Non, non, ni un nouvel homme ne se forme pas tout à coup, ni ces
affections vicieuses dans lesquelles nous avons vieilli ne s'arrachent pas par
un seul effort. Des remèdes palliatifs qui ne guérissent que la fantaisie et ne
touchent pas à la plaie (a).
TROISIÈME POINT.
Par ces saintes préparations,
l'aille qui s'éprouve elle-même, qui se défie des illusions de son amour-propre,
rectifiera ses intentions et donnera à son cœur la véritable droiture. Toute
l'Ecriture est pleine de saintes bénédictions pour ceux qui ont le cœur droit.
Mais quelle est, Messieurs, cette droiture? Disons-en un mot: c'est la charité,
c'est la sainte dilection, c'est le pur amour ; c'est la chaste et intime
attache de l'Epouse pour l'Epoux sacré ; c'est cette céleste délectation d'un
cœur qui se plait dans la loi de Dieu, qui s'y soumet d'une pleine et entière
volonté, « non par la crainte de la peine, mais par l'amour de la justice (1) ;
non effrayé par ses menaces, mais charmé par sa beauté et par sa droiture (b).
»
1 S. August., serm. XI in Psal.
CXVIII, n. 1.
(a) Var. : Maladie. — (b) Note marg.
: Qui sunt recti? dit saint Augustin; qui dirigunt cor secundùm
voluntutem Dei (Enarr. II in Psal. XXXII, n. 12). Ailleurs : Ceux
qui veulent tout ce que Dieu veut, ceux-là sont droits, ceux-là sont justes. Il
ne faudrait point ici d'explication : ceux qui ont des oreilles chrétiennes
entendent cette vérité. La volonté de Dieu est droite par elle-même; elle est
elle-même la droiture, et elle est la règle primitive et originale. Nous ne
sommes pas la droiture, nous ne sommes pas la règle; car nous serions
impeccables : ainsi n’étant pas droits par nous-mêmes, nous le devenons,
chrétiens, en nous unissant à la règle, à la sainte volonté de Dieu, à la loi
qu'il nous a donnée; non étonnée par ses menaces, mais saintement délectés par
son équité, et charmés par sa beauté et par sa droiture.
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Faites droits, mes chers Ibères,
les sentiers de notre Dieu. Aimez purement, aimez saintement, aimez constamment,
et vous serez droits. Si vous craignez seulement les menaces de la loi sans
aimer sa vérité et sa justice, quoique vous ne rompiez pas ouvertement, vous
n'êtes pas d'accord avec elle dans le fond du cœur. Elle menace, elle est
redoutable : à ces menaces vous donnez la crainte ; que faites-vous pour son
équité ? L'aimez-vous, ne l'aimez-vous pas? La regardez-vous avec plaisir, ou
avec une secrète aversion, ou avec froideur et indifférence? Que sont devenus
vos premiers désirs, vos premières inclinations? La crainte n'arrache pas un
désir, elle en empêche l'effet, elle l'empêche de se montrer, de lever la tête ;
elle coupe les branches, mais non la racine, (a) Le fond du désir
demeure; je ne sais quoi qui voudrait, ou que la loi ne fût pas, ou qu'elle ne
fût pas si droite, ni si rude, ni si précise, ou que celui qui l'a établie fût
moins fort ou moins clairvoyant (b).
Je sais qu'il y a de la
différence entre la crainte des hommes et celle qu'on a d'un Dieu vengeur ; que
comme on peut espérer de tromper les hommes et qu'on sait qu'on leur peut du
moins soustraire le cœur, la crainte est plus pénétrante sous les yeux de Dieu.
Mais comme elle est toujours crainte, elle ne peut agir contre sa nature ; elle
ne peut attirer, ni gagner, ni par conséquent arracher à fond les inclinations
corrompues (c).
Faites donc, mes
frères, vos sentiers droits. Un commencement de dilection : Diligere
incipiunt..., ac propterea moventur adverses peccata per odium aliquod ac
detestationem (1). C'est le motif de votre haine, c'est de ce commencement
d'amour que doit naître votre aversion. Une aversion, par une inclination
contraire. Il faut que cette plante divine ne soit pas seulement semée, mais
1 Concil. Trid., sess. VI, cap. VI de Justif.
(a) Note marg. : Elle contraint, elle bride,
elle étouffe, elle supprime; mais elle ue change pas. — (b) Mais cette
intention je se montre pas : vous n'entendez donc pas quel secret venin coule
dans les branches, quand la racine de l'intention n'est pas ôtée, quand le fond
de la volonté n'est pas changé.—(c) Si fallere posses, quid non
fecisses? Ergo et concupiscentiam tuam malam non amor tollit, sed timor premit
( S. August., Serm. CLXIX. n. 8). Non, je ne le ferais pas : qui vous en
empêcherait? ce ne serait pas la crainte, car nous supposons qu'on ne vous voit
pas; ce serait donc quelque attrait interne, quelque bien caché, quelque plaisir
innocent et chaste.
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qu'elle ait commencé de prendre racine dans l’âme avant
qu'elle reçoive la grâce justifiante; autrement elle en serait incapable. Il
faut un commencement de droiture et de justice dans le cœur ; mais il la faut
ensuite cultiver de sorte qu'elle étende ses branches partout, qu'elle remplisse
tout le cœur, afin que vous puissiez cueillir des fruits de justice.
De là doit naître une autre
crainte; non la crainte de l'adultère qui craint le retour de son mari, mais la
crainte d'une chaste épouse qui craint de le perdre. De là encore une autre
droiture : marcher dans la loi de Dieu avec une nouvelle circonspection,
craindre une faiblesse expérimentée, s'attacher plus étroitement à la justice
une fois perdue, honorer la bonté divine par la crainte des tentations et des
périls infinis qui nous environnent, etc. (a).
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