Analyse.
1. Raisons de l'obscurité dont l'apôtre s'enveloppe en parlant
de l'antéchrist. Pourquoi Dieu suscitera l'antéchrist.
2. De la sanctification qui conduit à la gloire. De la foi
due à la tradition de l'église. Contre les hérétiques qui prétendent que le
Fils est moindre que le Père. Précepte d'humilité; tout est l'oeuvre de Dieu.
3. De l'efficacité de la prière. Paul a demandé aux
fidèles de prier pour lui,; l'orateur de Constantinople veut suivre l'exemple de Paul;
lui aussi se recommande aux prières des fidèles, mais qu'on ne taccuse pas de
prétendre se comparer à Paul.
4. Combien l'église est intéressée à prier pour son chef.
Paroles touchantes du premier pasteur de l'église de Constantinople sur
l'égalité d'honneurs et de biens entre son peuple et lui.
1. La première question à s'adresser, c'est d'abord que signifie « Ce qui empêche? » On peut aussi se demander pourquoi Paul s'exprime d'une manière si obscure? Que signifie donc cette expression : « Ce qui empêche qu'il ne vienne, afin qu'il paraisse », c'est-à-dire, où est l'obstacle? Les uns disent que c'est la grâce de l'Esprit, les autres que c'est la puissance Romaine; pour moi, je suis fort porté à prendre ce dernier sens, pourquoi? C'est que s'il eût voulu dire l'Esprit, il ne l'aurait pas dit d'une manière obscure; il aurait dit ouvertement que ce qui l'empêche devenir, c'est la grâce de l'Esprit, c'est-à-dire les dons de l'Esprit. Il serait d'ailleurs déjà arrivé, s'il devait arriver lorsque les dons de l'Esprit cesseraient, car il y a longtemps qu'ils ont cessé de se manifester aux yeux. Mais comme il veut parler de la puissance Romaine, il s'enveloppe d'énigmes et il s'exprime d'une manière obscure; il ne voulait pas susciter des haines superflues, ni provoquer des dangers inutiles. S'il avait dit qu'on verrait bientôt la puissance Romaine détruite, on l'aurait sur-le-champ exterminé comme un homme pernicieux, et, avec lui, tous les fidèles vivant et combattant sous ses ordres.
Voilà pourquoi il s'exprime d'une manière obscure, pourquoi il ne dit pas nettement que cet antéchrist viendra prochainement, quoique d'ailleurs il dise l'équivalent. Que dit-il? «Afin qu'il paraisse en son temps, carde mystère d'iniquité se forme dès à présent » . C'est Néron qu'il désigne, car c'est le type de l'antéchrist. Cet homme en effet voulait être regardé comme un Dieu, et l'apôtre a raison de dire « le mystère » ; car Néron ne rejetait pas tous les voiles comme doit le faire l'antéchrist; il gardait encore quelque pudeur. Or, si, avant le temps de l'antéchrist, un homme s'est rencontré qui ne le cédait pas beaucoup à l'antéchrist pour la perversité, qu'y a-t-il d'étonnant que l'antéchrist doive bientôt paraître? Voilà, donc pourquoi l'apôtre parle ainsi d'une, manière obscure. S'il ne s'est pas exprimé clairement, ce n'est pas qu'il eût peur, mais il voulait nous apprendre à ne pas exciter contre nous des haines superflues, quand rien ne presse. Ainsi, voici ce qu'il dit : « Il faut seulement que celui qui le retient maintenant, le retienne encore jusqu'à ce qu'il soit ôté du monde». Cela veut dire : L'antéchrist viendra quand la puissance Romaine aura disparu, et l'apôtre a raison. En effet, tant que cette puissance inspirera la terreur, nul ne viendra s'y heurter; mais une fois cette puissance détruite, ce sera l'anarchie, et l'antéchrist essaiera de prévaloir contre les hommes et contre Dieu. De même que, dans les âges passés, les empires ont été renversés, les Mèdes par les Babyloniens, les Babyloniens par les Perses, les Perses par les Macédoniens, les Macédoniens par les Romains; de même Rome sera renversée par lantéchrist, et l'antéchrist par le Christ, et il n'y aura plus d'empêchement; c'est ce que Daniel nous enseigne avec une grande évidence.
« Et alors » , dit l'apôtre, « se découvrira (261) l'impie », et après? Tout aussitôt, la consolation; car l'apôtre ajoute: «Que le Seigneur Jésus détruira par le souffle de sa bouche, et qu'il perdra par l'éclat de sa présence, cet impie qui doit venir accompagné de la puissance de Satan». Le feu s'attaquant de loin à de petits animalcules, même sans les approcher, de loin les saisit, les consume; de même le Christ, rien que l'ordre, la présence du Christ, exterminera l'antéchrist; il suffit que le Christ se montre, et tout cela périra; pour arrêter le cours de la perfidie, il lui suffira d'apparaître. Maintenant ce n'est pas tout l'apôtre fait voir ce que c'est que l'antéchrist « Qui doit venir accompagné de la puissance « de Satan avec toute sa force » , dit-il, « avec des signes et des prodiges trompeurs », cest-à-dire qu'il fera voir sa force, sa puissance, mais rien de vrai, tout pour tromper. Ces prédictions de l'apôtre ont pour but de prévenir les erreurs de ceux qui existeront alors. « Avec des prodiges trompeurs», dit l'apôtre, cest-à-dire, soit l'effet d'un pouvoir menteur, soit préparant le mensonge. « Et avec toutes les illusions qui peuvent porter à l'iniquité ceux qui périssent (10) ».
Mais pourquoi , me dira-t-on, Dieu a-t-il permis l'antéchrist? Et quel est le dessein de Dieu? Et quelle est l'utilité de la venue de l'antéchrist, puisqu'il se propose de, nous perdre? Ne craignez rien, mon bien-aimé, écoutez la parole de Dieu même ; la force de l'antéchrist est dans ceux qui périssent, dans ceux qui, même s'il n'était pas venu, n'auraient pas accepté la foi. Quelle est donc l'utilité de son apparition? C'est qu'elle fermera la bouche à ceux qui doivent périr. Comment cela? Soit que l'antéchrist fût venu, soit qu'il ne fût pas venu, ces hommes n'auraient pas cru au Christ. L'antéchrist vient donc pour les confondre. Les incrédules auraient pu dire: C'est parce que le Christ se donnait pour Dieu, quoiqu'il ne l'ait dit nulle part ouvertement; c'est parce que ceux qui l'ont suivi ont prêché sa divinité, c'est pour cela que nous n'avons pas cru; parce que nous avons entendu dire qu'il n'y a qu'un Dieu d'où sortent toutes choses, voilà pourquoi nous n'avons pas cru. Eh bien, c'est ce prétexte que l'antéchrist leur enlèvera; car, quand il viendra, ne commandant rien de salutaire, ne commandant rien que d'injuste et de contraire à toutes les lois, ils croiront en lui, rien que sur la foi de ces signes, de ces signes mensongers, et voilà ce qui leur fermera la bouche. Car, si vous ne croyiez pas au Christ; à bien plus forte raison deviez-vous ne pas croire à l'antéchrist. Le Christ se disait envoyé par son Père, lantéchrist vous dit le contraire; de là ces paroles que le Christ prononçait autrefois : «Je suis venu au nom de mon Père, et vous ne m'avez pas reçu. Si un autre vient en son propre nom, vous le recevrez». (Jean, V, 43.) Mais, diront-ils, nous avons vu des signes, des miracles. Mais le Christ en a fait de nombreux et de grands ; donc, à bien plus forte raison fallait-il croire en lui. Du reste, les prédictions n'ont pas manqué, annonçant cet impie; cet enfant de perdition, annonçant qu'il doit venir, accompagné de la puissance de Satan; pour le Christ, prédictions toutes contraires, c'est le Sauveur qui apporte des biens en foule. « Comme ils n'ont pas reçu la charité de la vérité; pour être sauvés, bien leur enverra des illusions si efficaces qu'ils croiront au mensonge, afin que tous ceux-là soient jugés, qui n'ont point cru à la vérité, mais qui ont consenti à l'iniquité (11)».
2. «Soient jugés » ; il ne dit pas, soient punis. Il y a d'autres raisons encore pour lesquelles ils méritent d'être punis, mais l'apôtre dit « Soient jugés»,c'est-à-dire, soient condamnés dans le jugement terrible, soient trouvés sans excuse. Quels sont-ils? L'apôtre l'explique assez par ces paroles : « Qui n'ont point cru à la vé« rite, mais qui ont consenti à l'iniquité». Par « la charité de la vérité », c'est le Christ qu'il désigne; «parce que», dit l'apôtre, «ils n'ont « pas reçu la charité de la vérité». Ces deux motifs expliquent la venue du Christ; il est venu parce qu'il aime les hommes, et il est venu pour la vérité. « Mais qui ont consenti», dit l'apôtre, «à l'iniquité». En effet, l'antéchrist est venu pour la perte des hommes, pour leur faire du mal; car que ne fera-t-il pas? Il jettera toutes choses dans la confusion et dans le trouble, pour accomplir les ordres d'en haut, et pour inspirer l'épouvante; il sera terrible de toutes les manières, par son pouvoir, par sa cruauté, par l'injustice de ses exigences; mais ne craignez rien, « sa force sera », dit l'apôtre, « dans ceux qui doivent périr ». « Car Elie, à son tour, viendra aussi à cette heure, affermissant les fidèles ». (Malach. IV, 5.) Et c'est ce que dit le Christ : « Elie viendra, et rétablira toutes choses ». (Marc, IX,11.) (262) Voilà pourquoi il a été dit, à propos de Jean : « Dans l'esprit, et dans la vertu d'Elie». (Luc, I,17.) Sans doute il n'a pas fait de signes et de miracles comme Elie : « Car Jean » , dit l'évangéliste, « n'a fait aucun miracle; mais tout ce que Jean a dit de celui-ci, était vrai». (Jean, X, 41, 42.) Comment donc a-t-on pu dire « Dans l'esprit et la vertu d'Elie? » Cela veut dire, qu'il se chargera du même ministère, et de même que Jean a été le précurseur du premier avènement, de même Elie sera aussi le précurseur du second avènement, avènement glorieux, et il est réservé pour cette heure. Donc, ne craignons point : Paul a frappé l'esprit de ses auditeurs; cependant il n'a pas tant voulu inspirer la terreur et l'épouvante, que provoquer nos actions de grâces. Voilà pourquoi il ajoute : « Mais quant à nous , mes frères, chéris du Seigneur, nous nous sentons obligés de rendre pour vous à Dieu de continuelles actions de grâces, de ce qu'il vous a choisis comme des prémices pour vous sauver dans la sanctification de l'Esprit et dans la force de la vérité (12)».
Comment Dieu a-t-il choisi pour le salut? L'apôtre le montre en disant: « Dans la sanctification de l'Esprit», c'est-à-dire pour nous sanctifier, par l'Esprit et par la vraie foi; car voilà ce qui renferme notre salut. Ce ne sont nullement les couvres, nullement les vertus parfaites; c'est la foi en la vérité. Nouvel exemple de «dans» au lieu de «par ». «Dans la sanctification de l'Esprit », dit-il, « vous appelant à cet état, par notre Evangile, pour vous faire acquérir la gloire de Notre-Seigneur Jésus-Christ (13) ». Faveur insigne, le Christ regardant notre salut comme sa gloire; la gloire de celui qui aime les hommes, c'est qu'il yen ait un grand, nombre de sauvés. Certes, il est grand Notre-Seigneur, de désirer à ce point notre salut; il est grand aussi l'Esprit-Saint, qui opère en nous la sanctification. Pourquoi n'a-t-il pas mis d'abord la foi, mais la sanctification? C'est- que là sanctification même nous laisse dans un grand besoin de la foi, afin que nous ne soyons pas ébranlés; voyez comme l'apôtre nous montre que rien ne vient de nous, que tout est l'oeuvre de Dieu.
« C'est pourquoi , mes frères , demeurez fermes et conservez les traditions que vous avez apprises, soit par nos paroles, soit par notre lettre (14) ». Passage qui prouve que tout l'enseignement n'était pas dans la correspondance par lettres, que beaucoup de points étaient communiqués de vive voix et cet enseignement oral aussi est digne de foi. Par conséquent regardons la tradition de l'Eglise comme digne de foi. C'est la tradition, ne cherchez rien de plus. L'apôtre montre ici qu'il y en a un grand nombre qui chancellent. « Que Notre-Seigneur Jésus-Christ; et Dieu notre Père, qui nous a aimés, et qui nous a donné par sa grâce une consolation éternelle, et une si heureuse espérance, console lui-même vos coeurs, et vous affermisse dans toutes sortes de bonnes oeuvres et dans la bonne doctrine (15; 16) ». Encore la prière après l'exhortation; voilà ce qui s'appelle vraiment porter secours et consolation : « Qui nous a aimés » , dit-il, « et qui nous a donné par sa grâce une consolation éternelle, et une si heureuse espérance ». Où sont-ils maintenant ceux qui prétendent que le Fils est moindre que le Père, parce qu'on ne le nomme qu'après le Père, dans la cérémonie du baptême? Voici en effet que nous Noyons ici le contraire; l'apôtre dit d'abord « Que Notre-Seigneur Jésus-Christ »; ensuite il ajoute : « Et que Dieu, et le Père de Notre-Seigneur, qui nous a aimés et qui nous a donné une consolation éternelle». Quelle est-elle, cette consolation? L'espérance des biens à venir. Voyez comme, par manière de prière, il excite leur pensée, en leur montrant les gages et les signes du soin ineffable de Dieu. « Console », dit-il, « vos coeurs, et vous affermisse dans toutes sortes de bonnes oeuvres, et dans la bonne doctrine »;c'est-à-dire, par toutes sortes de bonnes couvres et de bonnes doctrines. Car ce qu'il faut dire aux chrétiens, c'est de faire non seulement le bien, mais ce qui plaît à Dieu. Voyez comme il rabaisse leur orgueil. « Qui nous a donné», dit-il, «par sa grâce, une consolation éternelle et une si heureuse espérance ». Et en même temps il leur inspire une bonne espérance pour l'avenir. En effet, si la grâce de Dieu nous a procuré des biens si considérables, à plus forte raison nous en ménage-t-elle d'autres pour l'avenir. Oui certes, dit l'apôtre, je vous ai annoncé tout cela, et maintenant tout cela est l'oeuvre de Dieu. C'est lui qui nous rassure, qui nous rend fermes, afin que nous ne devenions pas vacillants, chancelants; à nous la faiblesse; à lui la forcé. L'apôtre comprend donc ce qui concerne et les actions et les (263) doctrines; et il exhorte afin de raffermir; car tant qu'on échappe aux agitations qui ébranlent, quoi qu'il arrive, on supporte tout avec une grande patience; si, au contraire, l'âme est agitée, il n'en faut plus attendre d'actions bonnes ou généreuses. Comme la paralysie qui empêche l'action des mains, ainsi fait l'agitation dont est saisie l'âme qui manque de foi, et que ne soutient pas l'espérance d'un bien à venir. « Au reste, mes frères, priez pour nous, afin que la parole de Dieu se propage rapidement, et soit glorifiée partout, comme elle l'est parmi vous». (II Thess. III, 1.)
3. Il a prié pour eux, pour les voir se raffermir, et maintenant il leur demande à eux-mêmes de prier pour lui, non pour le mettre hors des dangers, car sa mission était de courir les dangers, mais: «Afin que la parole de Dieu se propage rapidement et soit glorifiée partout, comme elle l'est parmi vous ». A sa demande, il joint un éloge : « Comme elle l'est parmi vous», dit-il. « Et afin que nous soyons délivrés des hommes intraitables et méchants, car la foi n'est pas commune à tous (2»). Paroles qui expriment les dangers du moment, et, en même temps, paroles d'exhortation. « Des hommes intraitables et méchants », dit-il, « car la foi n'est pas commune à tous». Peut-être parle-t-il de ceux qui contredisaient la prédication, qui résistaient à la parole de Dieu, qui luttaient contre les dogmes; c'est à eux, sans doute, qu'il fait allusion par ces paroles : « Car la foi n'est pas commune à tous». Je ne crois pas qu'il fasse ici allusion à ses dangers; il veut parler des contradicteurs qui lui suscitaient des embarras, comme Hyménée, comme Alexandre, l'ouvrier en cuivre « Car il a fortement combattu la doctrine que nous enseignons ». (II Tim. IV, 15.) Comme si quelqu'un faisant allusion à une noblesse héréditaire, disait qu'il n'est pas donné à tous de servir dans les palais des rois; c'est ainsi; qu'il parle des méchants dont il veut être .délivré : Tels sont ceux, dit-il, auxquels la foi a été refusée , et en même temps qu'il parle ainsi, il réveille l'ardeur des fidèles. Ils étaient donc de grands personnages aux yeux de Dieu, s'ils avaient la confiance de délivrer leur docteur de ses dangers, et de lui rendre la prédication facile.
Eh bien, nous vous adressons la même prière, et que personne ne nous accuse d'un excès d'arrogance; que personne de vous, par un excès d'humilité, ne nous prive d'un si précieux secours. Nous ne vous parlons pas en nous mettant à la place de Paul; car ce que voulait Paul, c'était consoler ses disciples; mais nous, ce que nous voulons, c'est obtenir un bien précieux et considérable, et nous croyons ardemment que, si vous voulez tous, d'un seul et même coeur, tendre vers Dieu vos mains en faveur de notre infirmité, tout nous réussira. Faisons ainsi la guerre à nos ennemis, par nos prières, par nos supplications; si en effet autrefois on combattait ainsi contre des ennemis en armes, à bien plus forte raison devons-nous combattre de la même manière ceux qui n'ont pas les armes à la main. C'est ainsi qu'Ezéchias a mis en fuite le roi d'Assyrie; c'est ainsi que Moïse a triomphé d'Amalech ; Samuel, des Ascalonites ; Israël, des trente-deux rois. Si, quand il fallait des armes, des combats, des batailles, répudiant leurs armes, ils avaient recours aux prières, combien n'est pas impérieuse, lorsque tout dépend des prières, la nécessité de prier! Mais autrefois, me répondra-t-on, c'étaient les chefs du peuple qui priaient pour le peuple, tandis que vous, ce que vous voulez, c'est que le peuple prie pour son chef. Je le sais bien, c'est qu'alors ceux qui obéissaient étaient des misérables, vils, abjects, et c'était la confiance en Dieu, fondée uniquement sur la vertu du chef de l'armée, qui procurait à ,tous le salut; aujourd'hui, au contraire, la grâce de Dieu s'est augmentée; parmi ceux qui obéissent, il en est beaucoup, il en est, c'est la grande majorité, dont la vertu dépasse la vertu de celui qui commande. Ne nous privez donc pas de votre secours dans le combat que nous soutenons. Soulevez nos mains pour qu'elles ne retombent pas; ouvrez notre bouche, empêchez qu'elle ne se ferme; priez Dieu, priez-le à ces intentions. Cette prière que je vous demande pour nous, produit un effet général qui est à votre avantage; car c'est pour votre utilité que nous occupons notre place, et ce sont vos intérêts qui nous sollicitent. Voyez Paul disant aux Corinthiens : « Afin que la grâce que nous avons reçue , soit reconnue par les actions de grâces qu'un grand nombre rendront pour nous » (II Cor. I,11); c'est-à-dire, afin que le Seigneur accorde sa grâce à un grand nombre. Si parmi les hommes il arrive que des condamnés soient conduits à la mort, que le peuple demande leur (264) grâce, que, par égard pour la multitude, l'empereur révoque la sentence, à bien plus forte raison Dieu se laissera-t-il fléchir, non par 1a multitude, mais par la vertu, car nous avons affaire à un ennemi violent.
Chacun de vous n'a de souci, n'a d'inquiétude que pour ses intérêts propres, mais nous, ce qui nous inquiète, c'est l'intérêt commun. Nous sommes debout, soutenant tout l'effort de la guerre, car c'est nous qu'attaque le démon avec le plus de violence. En effet, dans les combats, ce que l'on cherche avant tout à terrasser, c'est celui qui conduit lés bataillons opposés. Voilà pourquoi ce concours de toutes les forces, sur un même point, les uns réunissant leurs boucliers, les autres faisant des ,efforts tumultueux pour s'emparer du chef, et les boucliers qui l'entourent de toutes parts, s'unissent pour conserver sa tête. Ecoutez les paroles que le peuple tout entier adresse à David (ce n'est pas que je me compare à David, ma démence ne va pas jusque-là; mais je veux montrer l'affection du peuple pour son chef) : « Nous ne souffrirons plus que vous veniez à la guerre avec nous, de peur que la lampe d'Israël ne s'éteigne ». (II Rois, XXI, 17.) Voyez comme ils tenaient à conserver le vieux roi. J'ai grand besoin de vos prières; que, nul d'entre vous, je vous l'ai déjà dit, par excès d'humilité, ne me prive de cette ressource et de ce secours. Si nous méritons l'estime et la gloire, vos affaires aussi seront plus brillantes. Si l'enseignement découle de nous avec une salutaire abondance, c'est à vous qu'en ira la richesse. Ecoutez le Prophète : « Est-ce que les pasteurs se paissent eux-mêmes? » (Ezéch. XXIV, 2.) N'entendez-vous pas la voix de Paul réclamant perpétuellement ces prières? Ne savez-vous pas que si Pierre à été arraché de. sa prison, c'est parce que des prières assidues se faisaient pour lui ? (Act. XII, 5.) Oui, c'est ma conviction, vos prières auront un grand pouvoir, étant faites avec une telle unanimité. Quel avantage précieux, et combien cela est au-dessus de notre infirmité , de nous approcher de Dieu, et de prier pour un si grand peuple ! Si je n'ai pas la confiance qu'il me faut, quand je prié pour moi-même, je l'ai encore bien moins, en priant pour les autres. Il n'appartient qu'à ceux dont la vie est pure et la gloire sans tache, d'implorer pour les autres la clémence et la bonté de Dieu. C'est le droit de ceux qui ont mérité pour eux-mêmes la divine miséricorde; mais celui qui a personnellement offensé Dieu, comment peut-il le prier pour un autre? Toutefois, comme je ressens pour vous, dans mes entrailles, une affection paternelle, comme l'amour ose tout, ce n'est pas à l'église seulement, mais dans ma demeure aussi que je, prie avant toutes choses pour le salut de vos âmes, pour la santé de vos corps, car il n'est pas de prières qui conviennent tant au prêtre que celles qu'il adresse à Dieu quand il l'aborde, quand il s'entretient avec lui des biens qu'il lui demande pour le peuple tout entier. Si Job, des le matin, adressait tant de prières pour ses fils selon la chair, combien devons-nous davantage en faire entendre pour nos fils selon l'Esprit
4. Et maintenant, à quoi bon ce discours? C'est que, si nous, malgré notre indignité, nous élevons vers Dieu pour vous tous, nos supplications et nos prières, à bien plus forte raison devez-vous nous rendre la pareille. Qu'un seul prie pour le grand nombre, c'est une grande audace, et qui suppose beaucoup de confiance; au contraire, qu'un grand nombre se réunissent, afin de prier pour un seul, il n'y a rien là qui choque la pensée. Chacun, en effet, se fie non en ses propres mérites, mais en la multitude, en l'unanimité, toujours si puissante aux yeux de Dieu; c'est là ce qui le touche et ce qui l'apaise, « car en quelque lieu que se trouvent deux ou trois personnes assemblées en mon nom », dit le Seigneur, « je m'y trouve au milieu d'elles ». (Matth. XVIII, 20.) S'il se trouve avec deux ou trois personnes assemblées, à bien plus forte raison se trouve-t-il au milieu de vous. En effet, ce qu'un seul ne peut obtenir isolément, il l'obtiendra en priant avec la foule. Pourquoi? C'est parce que, même où la vertu propre fait défaut, l'accord a une grande force, « car en quelque lieu », dit le Seigneur, « que se trouvent. deux ou trois personnes assemblées ». Pourquoi « deux? » Comment, une personne priera en votre nom, et vous ne serez pas là? Je veux que tous soient réunis et non séparés. Donc fortifions-nous l'un l'autre, joignons notre charité, faisons-en un faisceau, que nul ne nous sépare. Si quelqu'un veut en accuser un autre, si quelqu'un a reçu un mauvais traitement, nous lui demandons d'oublier ce qu'il peut avoir sur le coeur soit contre le prochain, soit contre nous.
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Voici la grâce que je vous demande: Si vous avez quelque chose contre nous, venez nous trouver, et recevez de nous notre excuse. « Reprenez votre prochain », dit l'Ecclésiaste, « sur ce qu'on l'accuse d'avoir dit, parce que peut-être il ne l'a point dit , reprenez-le sur ce qu'on l'accuse d'avoir fait, parce que peut-être il ne l'a point fait, et s'il l'a dit ou a fait, afin qu'il ne recommence pas ». (Ecclés. XIX, 14.) En effet, ou nous nous excusons, ou nous sommes convaincus, et nous demandons notre grâce, et plus tard nous faisons nos etforts pour ne pas retomber dans les mêmes fautes. Voilà ce qui est utile, et pour vous et pour nous. Il vous arrivera peut-être, après avoir accusé sans raison, une fois que vous aurez compris la réalité des faits, de corriger votre jugement; ou bien s'il arrive que nous ayons péché sans nous en apercevoir, nous nous en corrigerons en l'apercevant; pour vous, il vous est funeste de juger témérairement, car un châtiment a été établi contre ceux qui prononcent une parole inutile. Pour nous, nous repoussons les accusations, aussi bien celles qui sont vraies, que celles qui sont mensongères; les mensongères, en montrant qu'elles sont mensongères, les vraies, en ne nous y exposant pas davantage. Il est absolument nécessaire que celui qui a tant d'affaires à soigner, et ignore bien des choses, et pèche par ignorance. Si chacun de vous, ayant une maison à conduire, une femme, des enfants, des serviteurs, un peu plus ou un peu moins, dans tous les cas un bien petit peuple et facile à connaître, est exposé à une foule de fautes involontaires, soit qu'il ignore, soit qu'il veuille opérer quelque correction, à bien plus forte raison est-ce vrai de nous, qui sommes à la tête d'un si grand peuple.
Et que le Seigneur vous agrandisse encore et vous envoie ses bénédictions, sur les petits comme sur les grands. Car quelque accablante que soit la sollicitude que suscite un grand peuple, nous ne cessons pas pourtant de prier pour que notre sollicitude grandisse comme ce peuple, pour qu'il se multiplie, pour qu'il s'étende à l'infini. Les pères qui ont de nombreux enfants, et que souvent ces enfants tourmentent, ne consentent pourtant jamais à en perdre un seul. Entre vous et nous, c'est l'égalité, c'est le partage dès mêmes biens précieux.
Je n'ai pas une plus grande part, vous, une moindre part, à la table sainte ; vous et moi nous y participons également. Si je suis le premier, ce n'est pas une grande affaire; parmi les enfants, l'aîné est le premier qui porte la main vers les mets, sa part toutefois n'en est pas plus grosse ; entre nous, c'est l'égalité, le salut, la satisfaction de nos âmes; l'égalité d'honneur nous appartient à vous comme à moi. Je n'ai pas ma part d'un agneau; vous, votre part d'un autre agneau; c'est au même que nous participons tous ensemble; c'est le même baptême pour vous et pour moi ; c'est d'un seul et même esprit que nous recevons tous lés dons ; c'est à la même royauté que nous prétendons, vous et moi ; frères du Christ au même titre , toutes choses nous sont communes; en quoi donc ai-je plus que vous ? J'ai les soucis, les fatigues, les inquiétudes, les douleurs que je ressens pour vous; mais rien de plus doux que cette douleur. Une mère souffrant pour son enfant, trouve des charmes dans cette souffrance ; elle est inquiète pour ses enfants et elle se fait une joie de ses inquiétudes. C'est que, si l'inquiétude est par elle-même une chose amère, quand on l'éprouve pour ses enfants, on y trouve des délices. Il en est un grand nombre de vous que j'ai enfantés, et ensuite sont venues les douleurs de l'enfantement. Qu'est-ce à dire? Chez les mères selon le corps, les douleurs commencent et l'enfantement arrive; chez nous, au contraire, les douleurs durent jusqu'au dernier soupir, dans la crainte que l'enfant ne devienne un avorton, et voilà ce qui cause nos alarmes; car, si la génération vient souvent d'un autre, je n'en suis pas moins déchiré de soucis. En effet, nous n'engendrons pas de nous-mêmes, c'est l'oeuvre uniquement de la grâce de Dieu. Mais si nous sommes deux pour produire l'enfantement par l'Esprit, vous aurez raison de dire que mes enfants sont les enfants de celui qui coopère avec moi, et que les enfants de celui qui coopère avec moi sont mes enfants. Méditez sur toutes ces choses, et donnez-nous votre main pour être notre gloire, et pour que nous soyons la vôtre, au jour de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Puissions-nous tous le voir avec confiance, en Jésus-Christ Notre-Seigneur.