I THESSALONICIENS V

HOMÉLIE V. AU RESTE, MES FRÈRES, NOUS VOUS DEMANDONS, ET NOUS VOUS CONJURONS, EN NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS, QU'APRÈS AVOIR APPRIS DE NOUS COMMENT VOUS DEVEZ MARCHER, POUR PLAIRE A DIEU, VOUS AVANCIEZ DE PLUS EN PLUS. CAR VOUS SAVEZ QUELS PRÉCEPTES NOUS VOUS AVONS DONNÉS, DE LA PART DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST. CAR LA VOLONTÉ DE DIEU, C'EST VOTRE SANCTIFICATION. (CHAP. IV, 1-3 JUSQU'AU VERSET 8.)

 

Analyse.

 

1. Ce n'est pas en leur propre nom, mais au nom du Seigneur que les apôtres exhortent les fidèles. — La vertu parfaite ne consiste pas seulement à éviter le mal, il faut, de plus, faire le bien. — De la sanctification.

2. Contre la fornication. Combien l'adultère est détestable. — C'est un outrage à Dieu même. — Des différentes espèces d'adultères, surtout en ce qui concerne la conduite des hommes.

3. Il convient de marier les jeunes gens de banne heure. — Contre les habitudes licencieuses que contracte la jeunesse. — Précautions de saint Jean Chrysostome quand il parle sur l'impureté ! — De la pudeur qui s'alarme des mots, et non des choses.

4. Contre les spectacles lascifs, et tout ce qui porte à l'impudicité. — Contre la mollesse, la lâcheté, qui s'oppose à la volonté, à la correction des moeurs.

 

1. Après avoir insisté sur ce qui était urgent, dans le moment, il passe aux affaires éternelles, aux vérités qu'il faut toujours entendre; il annonce la suite de son discours par cette expression, « au reste », ce qui veut dire, et toujours, et continuellement nous vous demandons, et nous vous conjurons en Notre-Seigneur. Eh quoi ! il ne se croit pas assez d'autorité pour conjurer les fidèles, en son propre nom; et cependant qui avait autant d'autorité que lui? Il s'adjoint le Christ. C'est au nom de Dieu que nous vous conjurons, dit-il. Car c'est là le sens de cette expression : « En Notre-Seigneur».C'est ainsi qu'il disait aux Corinthiens: «C'est Dieu même qui vous exhorte par notre bouche» . (II Cor. V, 20.) « Qu'après avoir appris de nous ». Le, « Après avoir appris », ne suppose pas seulement l'instruction par les paroles, mais l'enseignement par les oeuvres. Ces mots: « Comment vous devez marcher», embrassent toute la conduite de la vie. «Pour plaire à Dieu, vous avanciez de plus en plus»; c'est-à-dire, vous montriez une vertu plus haute, vous ne vous renfermiez pas seulement dans la stricte observation des préceptes, mais vous les dépassiez, c'est là ce que veut dire, « vous avanciez de plus en plus ». Dans les passages qui précèdent, il admire la solidité de leur foi; ici l'apôtre veut régler leur vie. En effet, c est une marque de progrès que d'aller jusqu'à dépasser les préceptes et les commandements; car alors ce n'est plus seulement la nécessité doctrinale, c'est le libre mouvement de la volonté qui détermine toutes les actions. La terre ne rend pas seulement ce qu'on y a semé; il en est de même pour l'âme qui ne doit pas se borner à reproduire la semence qu'on y jette, mais la dépasser. Voyez-vous combien l'apôtre a raison de vouloir qu'on dépasse les préceptes?

 

206

 

Il y a, pour la vertu, deux moments: se détourner du mal, et faire le bien. Il ne suffit pas de s'écarter des vices, pour arriver à la vertu; le chemin qui détourne du péché n'est que le commencement de la route qui conduit au bien; il faut, pour parvenir, l'ardeur de la bonne volonté. La conduite, en ce qui concerne les vices à éviter, n'est, leur dit l'apôtre, que l'obéissance aux préceptes, et il a raison, car les mauvaises actions attirent les châtiments, mais on ne mérite pas d'être loué, parce que l'on n'en commet pas. Quant à la pratique de la vertu, comme ne se rien réserver de ses biens, toutes les oeuvres de ce genre ne sont plus seulement, dit-il, des actions déterminées par les préceptes; mais de ces oeuvres l'Ecriture dit : « Qui peut comprendre ceci, le comprenne ». (Matth. XIX, 12.) Il p a donc apparence que l'apôtre, après leur avoir donné, dans le temps, quelques préceptes avec beaucoup de circonspection et de tremblement, se propose, dans cette lettre, de rappeler à leur souvenir ce qui constitue la vraie piété. Voilà pourquoi. il ne fait pas ici une exposition des préceptes; il se contente de les leur rappeler. « Car vous savez » , dit-il, « quels préceptes nous vous avons donnés, de la part de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Car la volonté de Dieu, c'est votre sanctification ». Et, remarquez, il n'est pas de pensée, dans toutes ses lettres, qu'il insinue d'une manière aussi pressante que celle-ci-: ailleurs encore, il écrit : « Recherchez la paix avec tous , et la sanctification sans laquelle nul ne verra le Seigneur ». (Hébr. XII,14.) il n'est pas étonnant que toutes ses lettres à ses disciples expriment cette pensée, puisqu'à Timothée même il écrit : « Conservez-vous pur vous-même». (I Tim. V, 22.) Dans sa seconde épître aux Corinthiens, il disait : «Dans l'excès de la patience, dans les jeûnes, dans la pureté». ( II Cor. V., 5, 6.) Partout on trouvera cette pensée, et dans l'épître aux Romains, et dans toutes les autres.

C'est qu'en effet l'impureté est, pour tous, un mal pernicieux; le porc, couvert de fange, répand l'infection partout sur son chemin, on ne voit plus, on ne sent plus que le fumier; c'est l'image de la fornication ; il est difficile de se laver de cette souillure. Quand il arrive que des hommes, des hommes mariée se livrent à cette honte, quel excès dans le mal ! «Car la volonté de Dieu», dit-il, «c'est votre sanctification; c'est que vous vous absteniez de toute fornication». Il y a bien des espèces de dérèglements, bien des formes, des variétés de plaisirs, que le discours se refuse à exprimer. En disant, « de toute fornication», l'apôtre laisse le soin de comprendre, à ceux qui connaissent ces désordres. «Que chacun de vous sache maintenir son vase dans la sanctification et dans l'honneur, et non point en suivant les mouvements de la concupiscence, comme les païens qui ne connaissent point Dieu (4, 5) ». — « Que chacun de vous sache», dit-il, « maintenir son vase ». C'est qu'en effet c'est une oeuvre qui suppose un grand savoir, que d'éviter le libertinage. Donc, nous maintenons notre vase, quand il reste pur et dans la sanctification; mais quand il est impur, c'est que le péché le tient naturellement. Car ce n'est plus notre volonté que le corps accomplit, mais ce que le péché lui commande. « Non  point en suivant les mouvements de la concupiscence », dit-il. Ici l'apôtre montre le moyen de pratiquer la tempérance, les mouvements de la concupiscence doivent être retranchés. C'est l’amour des plaisirs, la passion des richesses, l'indolence de l'âme, son inertie, ce sont tous les vices de ce genre qui nous portent à la concupiscence et aux dérèglements. « Comme les païens qui ne connaissent point Dieu ». Si telles sont leurs moeurs, c'est qu'ils ne s'attendent pas à voir le jour de l'expiation. « Que nul ne franchisse ses limites, ni n'augmente sa part, en cette affaire, aux dépens de son frère (6) ».

2. L'apôtre a bien raison de dire: « Que nul ne franchisse ses limites ». Dieu affecte, à chaque homme, une femme au plus; il fixe des limites naturelles; ce commerce n'admet qu'une seule femme. Le commerce avec une seconde est en dehors des limites, il y a vol, la part est démesurée. Disons mieux, il y a là un crime plus détestable que toute espèce de brigandage. Car nous éprouvons moins de douleur, quand on nous vole notre argent, ou notre or, que quand on brise le coffre-fort du bien conjugal. Vous appelez un homme votre frère, et vous augmentez votre part à ses dépens, et contre toute justice? Ici, c'est de l'adultère qu'il parle; plus haut, il avait en vue toute espèce de fornication. Aga moment de dire, qu'on ne doit pas franchir ses limites qu'on ne doit pas augmenter sa part aux dépens de son frère, l'apôtre prévient une restriction; n'allez pas croire, dit-il, que je ne (207) pense qu'aux égards que vous devez à vos frères, il vous est également défendu de posséder les femmes des autres, et les femmes qui se trouvent non mariées, défendu d'avoir des femmes en commun. Toute espèce de fornication est interdite; aussi ajoute-t-il : «Parce que le Seigneur est le vengeur de tous ces  péchés». Il leur a d'abord adressé une prière, il les a touchés par le sentiment de l'honneur, en disant : « Comme les païens»; il entreprend ensuite de démontrer tout ce qu'il y a là de dérèglement; c'est ce à quoi tend l'expression: « Ni n'augmente sa part, aux dépens de son frère». Il ne reste plus qu'à dire le plus important, c'est ce que fait l'apôtre de cette manière : « Parce que le Seigneur est le vengeur de tous ces péchés, comme nous vous l'avons déjà déclaré et attesté». En effet, nous ne commettrons pas impunément de pareilles actions, les plaisirs que nous goûterons ne compenseront pas les châtiments qui nous attendent. « Car Dieu ne nous a pas appelés pour être impurs, mais pour être saints (7) ».

Après avoir dit: « Aux dépens de son frère », il ajoute que le Seigneur punit ces outrages; pour montrer que, quoique la personne lésée soit infidèle, Dieu punit l'impudicité, il ajoute, de plus, cette dernière raison qui revient à ceci : Ce n'est pas pour venger l'infidèle, que Dieu vous punira, mais parce que c'est lui-même que vous avez outragé; c'est lui qui vous a appelé, et vous avez outragé ce Dieu qui vous appelle. Voilà pourquoi l'apôtre continue ainsi : « Donc l'outrage n'est pas un outrage à un homme, mais au Dieu qui nous a donné son Saint-Esprit (8) ». Par conséquent, soit que vous corrompiez, dit-il, une reine, soit que vous outragiez votre servante mariée, le crime est égal. Pourquoi? parce qu'il ne venge pas les personnes qui ont été outragées, c'est lui-même qu'il venge; quant à vous, vous vous êtes également souillé, vous avez également outragé Dieu. Car, des deux côtés, il y a adultère, puisque, des deux côtés, il y a mariage. Dans le cas même où vous ne commettriez pas d'adultère, quand vous vous livrez à la débauche, quoique la courtisane n'ait pas de mari, peu importe, Dieu exerce également la vengeance, parce qu'il se venge lui-même. Car vous montrez moins de mépris pour la personne outragée que pour Dieu. Ce qui le prouve, c'est que, dans ces moments-là, vous vous cachez de l'homme que vous offensez, tandis que vous ne pouvez dire que Dieu ne vous voit pas.

Répondez-moi : supposez un homme décoré de la pourpre par l'empereur, comblé d'honneurs par son souverain, un homme à qui sa dignité fait un devoir de mener une vie qui convienne à son rang, et cet homme s'en irait déshonorer une femme; qui aurait-il outragé? Cette femme ou l'empereur qui l'a fait ce qu'il est? Sans doute cette femme aussi est outragée, mais quelle différence entre les outrages ! Aussi, je vous en conjure, gardons-nous de ces dérèglementa. Nous punissons l'épouse qui habite avec nous et se livre à d'autres qu'à nous; de même sommes-nous punis, nous aussi, non par les lois de Rome, mais par celles de Dieu. Car la débauche est un adultère. Il n'y a pas adultère seulement dans le cas d'une femme mariée, mais lorsque l'homme impudique est soumis au lien conjugal. Faites bien attention à mes paroles : je sais bien que mon discours est pénible à entendre pour le grand nombre, mais il est nécessaire pour que vous vous corrigiez. Ce qui constitue l'adultère, ce n'est pas seulement l'outrage que nous faisons à une femme mariée, mais quand nous nous adressons à une femme libre de tout engagement, et que nous sommes nous-mêmes liés à une femme, nous commettons un adultère. Pourquoi, puisque la femme impudique n'est pas enchaînée? Mais vous êtes enchaîné, vous: vous avez transgressé la loi ; vous avez outragé votre propre chair. Car pourquoi, répondez-moi, punissez-vous la femme, dans le cas même où elle se livre à l'impudicité avec un homme libre de tout engagement, non marié ? C'est qu'il y a adultère. Cependant, l'homme impudique n'a pas de femme, mais c'est que la femme est enchaînée à un mari. Eh bien, vous, de votre côté, vous êtes enchaîné à une femme. De sorte que votre fait est également un adultère. «Quiconque aura » , dit le Seigneur, « renvoyé sa femme, si ce n'est en cas d'impureté, la rend adultère; et qui épouse la femme renvoyée, est adultère». (Matth. V, 32.) Si l'homme qui épouse la femme renvoyée est adultère, n'est-il pas vrai que l'homme marié, qui se livre à une courtisane, est bien plus adultère encore? Voilà, certes, une vérité évidente pour tout le monde.

Que ces paroles vous suffisent, ô hommes car c'est pour de pareils dérèglements que le Christ dit : « Leur ver ne mourra point, leur (208) feu ne s'éteindra point ». (Marc, IX, 45.) Mais maintenant il est nécessaire de vous parler, dans l'intérêt des jeunes gens; ou plutôt ce n'est pas tant dans leur intérêt que dans le vôtre; car ce n'est pas à eux, c'est à vous que conviennent de pareils discours; comment cela? Je m'explique : celui qui n'a pas appris à commettre l'adultère ne commet pas l'adultère ; mais celui qui se vautre avec des courtisanes, arrive bientôt à commettre l'adultère, quoiqu'il n'ait pas eu de commerce avec des femmes mariées, quoiqu'il n'ait pris d'infâmes habitudes qu'avec des femmes libres de tout engagement.

3. Quel est donc le conseil que je vous donne? C'est d'extirper les racines du mal; et, dans cette pensée, vous tous dont les fils sont des jeunes gens et qui voulez les lancer dans le monde, hâtez-vous de les soumettre au lien conjugal. La jeunesse est l'âge des passions qui troublent; à l'époque qui précède le mariage , retenez vos fils par vos exhortations, vos menaces, des paroles qui inspirent la crainte, qui rappellent les promesses, par les mille moyens dont vous disposez. A l'époque du mariage, maintenant, pas de délai (voyez, je parle comme les femmes qui font les mariages), mariez vos enfants. Je ne rougis pas de tenir un pareil langage, puisque Paul n'a pas rougi de dire: « Ne vous refusez point l'un à l'autre ce devoir » (I Cor. VII, 5), pensée qui semble, pour la pudeur, bien plus embarrassante que ce que je dis; mais Paul n'a pas rougi. C'est que sa pensée ne s'arrêtait pas aux expressions, mais se portait sur les bonnes oeuvres résultant des expressions employées par lui.

Donc, une fois votre fils devenu grand, avant de le faire entrer dans la milice, dans toute autre profession, occupez-vous de son mariage. S'il s'aperçoit que vous ne perdez pas de temps pour lui trouver une épouse, si vous ne le faites pas attendre, il pourra triompher du feu qui le brûle; mais s'il remarque votre nonchalance, vos lenteurs, les occasions manquées par vous, s'il comprend que vous tenez, avant de le marier, à ce qu'il ait de grands revenus, la longueur de l'attente lui fera perdre courage, et vous le verrez vite glisser dans le libertinage. Hélas, hélas ! la racine de tous les maux, ici encore, c'est l'avarice. Nul ne se soucie de la modestie, de la sagesse de son enfant, tous jettent sur l'or des regards avides, et voilà pourquoi nul ne s'applique à faire ce que je conseille ici. Je vous en prie, avant tout, réglez vos enfants. Le jour où votre fils s'approchera d'une jeune fille chaste, rien qu'à sa vue, il se sentira possédé d'un vif désir, d'une crainte de Dieu plus grande; il y aura un vrai mariage, un mariage honorable, noble, l'union de corps purs que rien n'a souillés; les enfants qui en sortiront seront comblés de toute espèce de bénédictions; l'époux et l'épouse n'auront l'un pour l'autre que déférence ; ignorant des moeurs étrangères, ils ne connaîtront réciproquement qu'eux -mêmes pour se céder tout l'un à l'autre.

Mais quand un jeune homme commence à prendre des leçons d'impudicité auprès des courtisanes, quand les désordres d'une vie honteuse sont devenus pour lui une habitude, le premier soir, le second soir encore il apprécie sa jeune épouse, mais bientôt il retombe dans l'infamie, il lui faut les éclats d'un rire dissolu et sans frein, les paroles que rien n'arrête, les attitudes lascives, toute l'ignominie que notre discours ne veut pas exprimer. La noble épouse ne supporte pas cette honte, elle ne se laisse pas profaner. Car si elle a été fiancée à un homme, c'est pour vivre en société avec lui, c'est pour lui donner des enfants , ce n'est pas pour être le honteux objet qui provoque des rires infâmes ; elle doit être la gardienne de sa maison, elle doit le former lui-même à l'honnêteté, elle n'est pas faite pour lui fournir un aliment de débauche. Quant à vous, je le sais bien, vous trouvez pleins de charmes les gestes des courtisanes ; l'Ecriture aussi nous apprend que « le miel coule des lèvres de la courtisane » (Prov. V, 3) ; et si je fais tant d'efforts, c'est pour que vous ne goûtiez pas à ce miel qui se change bien vite en amertume. C'est encore ce que dit l'Ecriture : « Qui semble dans le moment verser un doux breuvage dans votre gosier, mais bientôt, vous trouvez un goût plus amer que le fiel, qui vous pénètre plus que la pointe d'une épée à deux tranchants ». (Ibid. 4.)

Que dites-vous? Il faut que vous supportiez même l'immodestie pour ainsi dire, de ma parole, qui brave en ce moment la réserve et la pudeur. Ce n'est pas de gaîté de coeur que je tiens ce langage; ceux qui ont, dans leur conduite, dépouillé toute pudeur, me forcent (209) à parler. Nous voyons, dans l'Ecriture, un grand nombre d'exemples qui me soutiennent. Ezéchiel, dans les reproches qu'il adresse à Jérusalem, emploie un grand nombre d'expressions dont il ne rougit pas, et il a raison; il ne parle pas pour son plaisir, mais par intérêt pour ceux qui l'inquiètent. Quand ses expressions paraîtraient honteuses, ce n'est certes pas un but honteux qu'il poursuit, au contraire, la pensée la plus honnête l'inspire, il veut purifier les âmes; il faut faire entendre les expressions mêmes des choses, pour que l'âme qui n'a plus de pudeur puisse retrouver ce qu'elle a perdu. Quand le médecin veut faire sortir du corps l'humeur qui le corrompt, il commence par mettre les doigts sur le siège du mal; la main qui cherche la guérison doit commencer par se souiller, pour que la guérison soit possible. C'est ce que je fais en ce moment: si je ne commence pas par souiller ma bouche qui cherche à guérir votre mal, je ne pourrai pas vous guérir. Je me trompe, ni ma bouche ne se souille, ni les mains du médecin ne sont des mains souillées. Pourquoi? C'est que l'impureté n'est pas dans notre nature, dans notre corps, de même que l'impureté ne sort pas des mains du médecin, mais d'ailleurs. Eh bien, si, pour sauver un corps étranger, le médecin ne refuse pas de plonger ses mains dans la pourriture, quand il s'agit de sauver notre propre corps, répondez-moi , pourrons-nous refuser? Car vous êtes notre propre corps, ô vous à qui je m'adresse, corps malade et souillé, et pourtant notre corps.

4. Eh bien, qu'ai-je voulu vous dire, et à quoi tend toute cette exhortation? Voici ce que je dis : le vêtement que porte votre esclave, vous ne voudriez pas le porter, ce vêtement immonde vous dégoûte, vous aimeriez mieux être nu que de vous en servir; mais voilà un corps souillé, immonde, et ce n'est pas seulement à votre esclave qu'il sert, mais à des milliers d'autres, et vous vous en servirez, et vous ne serez pas dégoûté ? Vous rougissez d'entendre ces paroles ? Ah ! rougissez donc des actions, et non des paroles. Je passe toutes les autres infamies, les moeurs perverties, infâmes, la dégradation d'une existence servile, abominable pour un être libre. Vous approchez de la même femme, vous et votre esclave; et encore, s'il n'y avait avec vous que votre serviteur, mais il y a aussi le bourreau. Vous ne supporteriez pas le contact des mains du bourreau; et cette femme qui n'a fait qu'un corps avec lui, vous la pressez dans vos bras, vous la couvrez de vos baisers, et cela sans frissonner d'horreur ? sans honte ? sans remords? sans crainte?

Je viens de dire à vos pères qu'ils doivent s'occuper promptement de vous marier ; mais vous n'en êtes pas moins, vous, exposés à tous les châtiments. S'il n'y avait pas un grand nombre d'autres jeunes gens plus sages que vous, des jeunes gens qui vivent dans la chasteté , s'il ne s'en était pas montré un grand nombre, et autrefois, et aujourd'hui encore, peut-être auriez-vous quelque excuse mais s'ils existent, quel moyen aurez-vous de prétendre que vous n'avez pas pu éteindre en vous la flamme de la concupiscence? Ceux qui ont eu ce pouvoir vous condamnent, parce qu'ils ne sont pas d'une autre nature que vous. Ecoutez ce que dit Paul : « Recherchez la paix et la sanctification sans laquelle nul ne verra le Seigneur ». (Hébr. XII, 14.) Ces menaces ne suffisent-elles pas pour vous remplir de terreur? Vous voyez d'autres hommes, toujours chastes, toujours dignes de tous les respects, et vous, vous ne pouvez même pas rester pur pendant votre jeunesse ? Vous voyez d'autres hommes qui ont des milliers de fois triomphé du plaisir, et vous ne combattrez pas le plaisir une seule fois? Voulez-vous que je vous donne l'explication de cette conduite ? Ce n'est pas la jeunesse qu'il faut accuser, car, à ce titre, tous les jeunes gens devraient être dissolus ; c'est nous-mêmes qui nous jetons dans le bûcher ardent.

Quand vous allez au théâtre, quand vous y prenez place, pour- assouvir vos regards de la nudité des femmes, vous goûtez un moment de plaisir, et vous revenez dévoré parla fièvre. Quand vous voyez des femmes qui posent pour montrer leurs formes, quand les yeux et les oreilles ne sont frappés que d'infâmes amours, une telle, dit l'un, aimait un tel et ne l'a pas obtenu, elle s'est pendue, ajoutez à cela les affreux commerces où des mères se perdent avec leurs enfants ; quand vous entendez ces choses, que des femmes, que des gestes abominables, et ce n'est pas tout, que des vieillards vous enseignent (des vieillards, des hommes se mettent des masques et jouent des rôles de femmes), je vous le demande, répondez-moi, que devient désormais votre chasteté, avec de pareils entretiens, de pareils (210) spectacles, de pareils bourdonnements autour de votre âme, de pareils songes qui occupent ensuite vos nuits ? L'âme naturellement se représente surtout alors ce qui a charmé pendant le jour ses désirs et ses goûts. Donc, quand vous voyez là des choses honteuses, quand vous entendez des discours plus honteux encore, quand vous recevez tant de blessures, quand vous n'y appliquez pas de remèdes, quel moyen que la corruption ne s'étende pas? Quel moyen que la maladie n'empire pas, et cela bien plus vite que pour les plaies qui affligent nos corps? Si nous voulions, bien plus facile que la guérison du corps serait celle de notre volonté malade. Car, pour le corps, il faut et des remèdes, et des médecins, et du temps; pour l'âme, la volonté suffit, et aussitôt elle est bonne ou mauvaise. Car c'est de la volonté qu'est venue la maladie. Quand nous nous plaisons à accumuler sur nous ce qui nous perd, quand nous ne tenons aucun compte de ce qui nous est salutaire, d'où peut nous venir la santé ? Voilà pourquoi Paul disait : « Comme les païens, qui ne connaissent point Dieu ». Soyons donc saisis et de honte et de crainte à voir que les païens, qui ne connaissent point Dieu, pratiquent souvent la chasteté, la continence; soyons confus d'être pires qu'eux. Il nous est facile de pratiquer la continence, nous n'avons qu'à le vouloir; nous n'avons qu'à nous détourner de ce qui nous perd ; à vrai dire, il n'est pas facile de fuir l'impureté, si nous ne voulons pas la fuir.

Qu'y a-t-il de plus facile que de se rendre à pied sur la place publique? mais grâce à notre insigne mollesse, voilà qui est devenu chose difficile, non pour les femmes seulement, mais, à l'heure où je vous parle, même pour les hommes. Qu'y a-t-il de plus facile que de dormir? Or, voilà ce que nous avons trouvé moyen de rendre encore difficile. Grand nombre de riches se tournent et retournent inutilement toute la nuit, parce qu'ils ne savent pas attendre, pour dormir, qu'ils aient besoin de dormir. Enfin, il n'y a rien de difficile, quand on veut, de même qu'il n'y a rien de facile, quand on ne veut pas; car tout dépend de nous. Voilà pourquoi l'Ecriture dit encore : « Si vous voulez m'écouter », et encore : « Si vous ne voulez pas m'écouter ». (Is, I, 19.) Donc, tout se réduit à vouloir, à ne pas vouloir. Voilà ce qui fait que nous sommes châtiés, que nous sommes loués. Puissions-nous être du nombre de ceux qui sont loués, et obtenir les biens que nous annoncent les promesses, par la grâce et par la bonté etc.

 

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