ANALYSE.
1 et 2. Comment doit s'entendre l'expression vous m'avez
éprouvé, appliquée à Dieu. Qu'est-ce à dire être assis et être levé? De la
prescience de Dieu. Qu'elle ne rend pas l'homme bon ou mauvais.
3. Ténèbres veut dire affliction, nuit, adversité Tout est
souple quand Dieu commande . à son
ordre les éléments produisent des effets contraires à ceux qu'ils produisent
ordinairement.
4 et 5. Nous sommes la propriété de Dieu ,
c'est pourquoi il prend soin de nous. Fuir les hommes de sang, éviter les méchants. La
voie éternelle, c'est la voie de la vertu.
1. Que dises-vous? Dieu a eu besoin de vous éprouver pour vous connaître? Avant de vous éprouver , il ne vous connaissait pas? Loin de nous cette pensée. Comment serait-elle vraie de celui qui connaît toutes choses avant leur naissance ? Ces paroles : « Vous m'avez éprouvé, » signifient, vous avez, de moi, une connaissance parfaite; de même quand l'Apôtre dit : « Celui qui pénètre le fond des coeurs, » il n'exprime pas l'ignorance, mais la science parfaite; et ici, le Psalmiste disant . « Vous m'avez éprouvé, » exprime la connaissance la plus sûre; c'est comme s'il disait: vous avez, de moi, une connaissance parfaite. « Vous m'avez connu, que je fusse assis ou levé (2). » Par ces expressions, « être assis » et « être levé, » il marque la vie tout entière. Ces deux positions embrassent toute la vie, agir, entreprendre, entrer, sortir. Ensuite, comme il a dit en commençant : « Vous m'avez éprouvé, » il ne veut pas qu'on s'imagine étourdiment que Dieu a besoin d'éprouver, d'expérimenter pour connaître, et il ajoute «Vous m'avez connu, que je fusse assis, ou levé. » Voyez encore la correction résultant des paroles qui suivent: « Vous avez découvert de loin mes pensées. » Le Psalmiste montre par là que Dieu ne connaît pas, pour avoir fait une expérience; que Dieu n'a pas besoin d'expérience, mais que sa prescience connaît tout. Celui qui connaît les pensées encore cachées dans notre esprit, n'a pas besoin des actions qui les manifestent; et d'ailleurs il ne connaît pas seulement nos pensées, quand elles sont dans notre esprit, mais il les connaît avant qu'elles y soient; et non-seulement avant qu'elles y soient, mais encore bien longtemps auparavant. Voilà pourquoi le Psalmiste, voulant mettre cette vérité en évidence, ajoute
« Vous avez découvert de loin mes pensées. » Mais, si Dieu
connaît jusqu'aux pensées, pourquoi provoque-t-il la manifestation des pensées par les
oeuvres? Ce n'est pas parce que lui-même a besoin de connaître, mais c'est parce qu'il
veut que les actions glorifient ceux qui les font. Dieu connaissait Job avant de l'avoir
mis à l'épreuve; aussi en rendait-il ce témoignage : « Un homme juste, aimant la
vérité, et qui craint Dieu. » (Job, II, 3.) Mais Dieu l'a rois à l'épreuve, pour le
rendre plus fort, pour confondre la malice du démon, pour provoquer les autres hommes à
riva
Comme il y a beaucoup de gens d'un esprit épais, dépourvus de sentiment, qui répètent beaucoup de discours de ce genre : Dieu a choisi un tel, chéri un tel, détesté un tel, et voilà pourquoi celui-ci est mauvais et méprisable, le Psalmiste parle d'abord des couvres pour redresser ces jugements faux, voilà dans quel dessein il présente d'abord à la pensée la vertu se manifestant par les couvres. Dieu sait qu'un tel sera vertueux, avant que celui-ci ait montré sa vertu par ses actions, voilà ce que déclare le Prophète pour enseigner la prescience divine, mais aussitôt il se hâte de parler de cette vertu s'épanouissant, par les actions, dans la plénitude d'elle-même, afin que l'irréflexion ne s'avise pas de dire que c'est la prédiction qui a fait de tel homme ce qu'il est en réalité. Voyez donc la démonstration que fait Paul de cette vérité . « Avant qu'ils fussent nés, et avant qu'ils eussent fait aucun bien ni aucun mal, afin que le décret de Dieu demeurât ferme selon son élection, non à cause de leurs oeuvres, mais à cause de l'appel et du choix de Dieu, il fut dit à Rébecca : Le plus grand sera assujetti au moins grand. » (Rom. IX, 11, 12, 13.) Et en effet, Dieu n'a pas besoin d'attendre que les actions aient eu leur accomplissement; bien avant les actions, Dieu connaît celui qui sera méchant et celui qui ne le sera pas. « Vous avez remarqué le sentier par lequel je marche, et vous avez prévu toutes mes voies (4). » Plus haut, il emploie les expressions « être assis » et « être levé » pour signifier les actions qui constituent les habitudes de la vie; et en effet, nous disons souvent : Un tel sait parfaitement comment il est assis, comment il est levé, pour marquer sa parfaite connaissance; et ici encore, il appelle « voie » et « sentier » la vie tout entière. Et voilà pourquoi il ajoute : « Vous avez prévu toutes mes voies. » Maintenant cette expression, «vous avez remarqué, » ne montre pas que Dieu cherche, qu'il examine, mais qu'il connaît parfaitement. Ce qui le prouve, c'est ce qui suit : «Vous avez prévu, » c'est-à-dire vous connaissez, avant l'accomplissement, toutes les actions bonnes et mauvaises, « Qu'il n'y a pas de ruse dans ma langue; » un autre : « De contradiction. » Voilà la plus grande marque de la vertu, voilà le couronnement de tous les biens; voilà ce que le Christ demande, avant toutes choses, par ces paroles : « Si vous ne vous convertissez pas, si vous ne devenez pas semblables à ces petits, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux (Matth. XVIII, 3); » la simplicité, l'innocence, l'absence de toute ruse, de toute feinte, voilà ce qu'il veut dire. Aussi s'est-il choisi pour apôtres des hommes sans habileté et sans finesse d'esprit, et il disait . « Je vous rends gloire, mon Père, de ce que vous avez caché ces choses aux sages et aux prudents, et de ce que vous les avez révélées aux petits. » (Matth. XI, 25.) Voyez maintenant le Psalmiste ! il ne dit pas : parce que j'ai accueilli et rejeté la ruse, mais parce que jamais ma langue n'a souffert de ce mal, jamais ce vice n'a trouvé accès auprès de moi. « Vous avez, Seigneur, une égale connaissance de toutes les choses, et futures et anciennes (5). » Non-seulement, dit-il, vous connaissez mes pensées, mes actions, les voies par lesquelles je marche, mais, de plus, toutes les choses passées et futures. « C'est vous qui m'avez formé, et vous avez mis votre main sur moi. » De la prescience il passe au pouvoir de créer, et du pouvoir de créer, il retourne à la prescience; non-seulement Dieu nous a faits quand nous n'étions pas encore, mais, de plus, après nous avoir faits, il nous tient sous son empire.
2. Double témoignage que Paul, à son tour, rend au Christ par ces paroles : « Dieu avant parlé autrefois à nos pères, en divers temps, et en diverses manières, par les prophètes, « nous a enfin parlé, en ces derniers jours, par son Fils, qu'il a fait hériter de toutes choses; » il ajoute ensuite l'ouvrage même de la création : « Et par qui il a même créé les siècles. » (Hébr. I, 1, 2.) Et, après avoir parlé de sa substance, en ces mots: « Et comme il est la splendeur de sa gloire, et le caractère de sa substance. » (Ibid. 3.) Il ajoute encore (239) sa providence en disant : « Et qu'il soutient tout par la puissance de sa parole. » Dans son épître aux Colossiens, il revient sur cette pensée : « Car tout a été créé par lui, dans le ciel et sur la terre , soit les trônes, soit les dominations, soit les principautés, soit les puissances; tout a été créé par lui, et pour lui. « Il est lui-même avant tout. » (Coloss. I, 16, 17.) Voilà pour marquer sa puissance créatrice; ensuite, exprimant sa providence, l'Apôtre ajoute : « Et toutes choses subsistent en lui. » Ce double témoignage, Jean , à son tour, le rend par ces paroles : « Toutes choses ont été faites par lui, et rien de ce qui a été fait, n'a été fait sans lui. » (Jean, I, 3.) Voilà pour la création ; ensuite, pour la providence : « En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes. » (Ibid. 4.) C'est ce que le Prophète nous montre également ici : « C'est vous qui m'avez formé, » voilà le créateur; de plus, il exprime la providence : « Et vous avez mis votre main sur moi. » Qu'est-ce à dire, « vous avez mis? » Vous me régissez, vous me formez, vous me portez. C'est encore ce que dit Paul : « C'est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l'être. » Ce n'est pas seulement notre naissance, mais la persistance de notre être qui suppose nécessairement son pouvoir. (Act. XVII, 28.) « Merveilleuse est votre science au-dessus de moi; elle est pleine de force, et je ne pourrai y atteindre (6). » Une autre version : «Elle me surpasse, » au lieu de, « elle est pleine de force »; une autre dit: «Elle est tout à fait élevée. » Quant à ces expressions, elles reviennent à ceci : je jouis de votre providence , et, quoique je sache bien que vous avez toute prescience, que je n'étais pas et que vous m'avez fait, impossible pourtant à moi d'avoir, de vous, cane connaissance parfaite, manifeste : « Mais merveilleuse est votre science, » c'est-à-dire elle me surpasse, elle s'élève au-dessus de moi, elle est trop forte pour que ma raison la puisse comprendre, tant cette connaissance est merveilleuse, tant elle est grande. Mais quoi ! si, toute merveilleuse et grande qu'elle est, on peut la comprendre? nullement. Voilà pourquoi le Psalmiste ajoute : «Je ne pourrai y atteindre; » c'est pour que vous n'ayez pas cette prétention. Et maintenant, quand il dit : N'avoir pas cette connaissance, il ne dit pas : j'ignore Dieu, mais : Je n'ai pas, de lui, une connaissance parfaite, absolue, et claire; c'est précisément ce que dit Paul : Car nous savons bien assurément qu'il existe, mais quelle est sa substance ? c'est ce que nous ne savons pas. Il faut croire, pour s'approcher de Dieu, premièrement, qu'il y a un Dieu. (Hébr. XI, 6.) Il ne dit pas, qu'il faille connaître sa substance, que nul ne connaît; nous savons qu'il est bon, qu'il est clément, plein d'affection et de douceur; jusqu'où s'étend sa grandeur? nous l'ignorons. Ici le Psalmiste, négligeant tout cela, nous propose un moyen qui semble plus facile, et cependant il avoue, encore ici, son ignorance. Non-seulement, déclare-t-il , je ne dis pas quelle est sa substance, quelle est la grandeur de sa bonté; j'avoue que ces choses sont incompréhensibles; mais,: de plus, comment est-il présent partout? je ne puis le dire. Voilà qui surpasse encore notre intelligence.
Aussi, après avoir dit : « Merveilleuse est votre science au-dessus de moi, » il ajoute « Où irai-je pour me dérober à votre Esprit, et où m'enfuirai-je de devant votre face (7) Si je monte dans le ciel, vous y êtes; si je descends dans l'enfer, vous êtes présent (8); si je prends des ailes, dès le matin et que j'aille habiter aux extrémités de la mer (9); » une autre version : «Me fixer. » Eh bien ! là. (10) Un autre texte : « là encore, c'est votre main qui me conduira; ce qui me soutiendra, c'est votre droite. » « Esprit, face, » ces mots, ici, marquent Dieu lui-même; c'est-à-dire : où irai-je, pour m'éloigner de vous? Vous remplissez tout; vous êtes présent partout; non point partiellement, mais, vous êtes présent partout, tout entier. Et maintenant, le Psalmiste ne dit pas : Partout où j'irai, vous me suivrez, et vous me retiendrez; mais partout où j'irai, vous êtes là; c'est-à-dire, je vous trouve là, me prévenant. De là, ces paroles: «Merveilleuse est votre science au-dessus de moi. » Si vous ne la connaissez pas parfaitement, me direz-vous, comment savez-vous qu'elle est merveilleuse? C'est parce qu'elle surpasse ma raison, c'est parce qu'elle est au-dessus de ma pensée. Il en est comme des rayons du soleil,- nous ne pouvons pas parfaitement les connaître , et c'est précisément pour cette raison qu'ils nous paraissent admirables. De même, pour la connaissance de Dieu; nous ne sommes pas absolument sans le connaître, puisque nous savons qu'il est, et qu'il est bon, clément, affable, miséricordieux; qu'il est partout. Mais maintenant, quelle est (240) sa substance? jusqu'où s'étendent les qualités que nous proclamons? comment est-il partout? nous l'ignorons. C'est pourquoi, après avoir dit comment cette science est merveilleuse; après avoir proclamé la prescience, le pouvoir de créer, de prévoir, la substance incompréhensible, inexplicable, il énonce un autre pouvoir, plein de mystère aussi , dès qu'on cherche à l'expliquer, car ce pouvoir est incompréhensible en lui-même. Qu'est-ce donc? « C'est votre main qui me conduira là, et, ce qui me soutiendra, c'est votre droite; » c'est-à-dire, vous pouvez faire que les hommes tombés dans de grands et terribles malheurs, n'y restent pas comme des prisonniers; vous les délivrez au milieu même des plus grands dangers.
3. Pour expliquer cette pensée , il ajoute « Et j'ai dit: peut-être que les ténèbres me fouleront aux pieds, mais la nuit même s'illumine dans mes plaisirs. Parce que les ténèbres ne seront pas obscures grâce à vous,et que la nuit sera lumineuse comme le jour (l1). Ainsi les ténèbres de l'une , ainsi la lumière de l'autre (12); » après l'énumération que j'ai parcourue, après avoir montré, non-seulement Dieu présent partout, mais Dieu conduisant , protégeant , fortifiant , il ajoute ensuite, il montre non plus la merveille de cette force qui protège , mais la merveille de ce pouvoir supérieur à la nature. En effet, après avoir dit: « Ce qui me soutiendra, c'est votre droite, et elle me conduira , » il ajoute: « Et j'ai dit : peut-être que les ténèbres me fouleront aux pieds. » Un autre texte: « Si je dis: peut-être les ténèbres me couvriront; » un autre: « me cacheront. »
Les ténèbres marquent ici l'affliction; ce que dit le Psalmiste, revient à ceci : j'ai été assiégé par les maux, et j'ai dit en moi-même, les maux triompheront de moi. C'est en effet ce que signifie cette expression : « Les ténèbres me fouleront aux pieds. » Un autre texte : « Les ténèbres me couvriront. Et la nuit s'illuminera dans les plaisirs; » un autre texte: « La nuit deviendra lumineuse autour de moi. » Qu'est-ce que cela veut dire? j'ai parlé ainsi , dit le Psalmiste, parce que j'étais préoccupé de la nature des choses, mais tout à coup les maux se sont convertis en bien ; ou plutôt, les maux n'ont pas été changés en biens, mais , dans la persistance même des maux, j'ai senti les doux effets de la bonté. Il ne dit pas en effet, la nuit a été détruite, mais la nuit était lumineuse; c'est-à-dire la nuit, demeurant la nuit, les maux, les calamités (car c'est là ce qu'exprime le mot nuit), n'ont pas pu me fouler sous leurs pieds. Mais la lumière a brillé dans la nuit, c'est-à-dire, une puissance m'a défendu. En effet, les contraires naissent,apparaissent au sein des contraires, quand il plaît à Dieu. N'avez-vous pas vu la même fournaise et en même temps un feu dévorant et une rosée rafraîchissante? ni la flamme ne s'éteignait, ni la rosée ne se desséchait; grêle et flamme s'accordaient ensemble. D'où vient cela, répondez-moi ? Comment s'est opéré ce prodige? je veux le savoir, ou plutôt, non; je ne veux pas savoir ce comment, car c'est impossible. J'ai foi à ce qui est arrivé, et j'adore Celui qui a opéré l'oeuvre. « Car le plus grand nombre de ces oeuvres sont des secrets. » (Ecclés. XVI, 22.) Ne vous souvenez-vous pas, que les Egyptiens en plein jour marchaient à tâtons, comme dans les ténèbres, que les Israélites voyaient au contraire dans les ténèbres comme en plein jour, et que, dans le principe, tandis que les ténèbres régnaient partout, la lumière éclata tout à coup au milieu d'elles? C'est que partout Celui qui a fait la nature est le maître des choses, non de telle sorte qu'il produise ce qui n'existe pas, mais de telle sorte qu'il modifie la nature des choses existantes. « Parce que les ténèbres ne seront plus obscures par vous. » Un autre texte: « Auprès de vous. Et la nuit sera lumineuse comme le jour. » Un autre texte : « Mais la nuit même paraîtra comme le jour: ainsi les ténèbres de l'une, ainsi la lumière de l'autre. » Un autre texte. « Semblables sont ses ténèbres et sa lumière. » C'est avec raison que le texte dit: « Par vous; » ce qui signifie, grâce à vous. Le Psalmiste exprime cette pensée : si vous le voulez, Seigneur, les ténèbres ne seront plus des ténèbres, mais produiront l'effet de la lumière. Voilà pourquoi il ajoute : « La nuit sera lumineuse comme le jour; » c'est pour éclaircir sa pensée; il veut dire: La nuit fera paraître ce qui est le propre du jour, comme si c'était le propre de la nuit. C'est qu'en effet, lorsqu'il plaît à Dieu , les éléments opèrent. ce qui est contraire à leur nature , aussi facilement que ce qui leur a été attribué en propre, dès l'origine des choses. Oui, si vous le voulez, la nuit sera capable de montrer la lumière, aussi bien qu'elle montre les ténèbres.
Voilà pourquoi il ajoute: « Ainsi les ténèbres de l'une, ainsi la lumière de l'autre. » Ces expressions s'appliquent en toute propriété aux éléments; par métaphore elles s'appliquent aux actions des hommes. Ce qui montre que Dieu ale pouvoir de procurer au sein des afflictions la tranquillité d'un bonheur paisible, parce que Dieu prend souci des affligés. Cela est merveilleux, étrange: c'est cependant ce qui est arrivé à Joseph. Son bonheur, ses honneurs, s'il fût resté dans la maison paternelle, n'auraient pas égalé sa prospérité, sa grandeur, après avoir été vendu , après avoir été élevé dans la maison d'un barbare. Ceux mêmes qui travaillaient à le perdre préparaient son diadème, apprêtaient sa pourpre, et du sein même de l'infamie à laquelle on le vouait, est sorti pour lui l'honneur qui l'a porté au trône. Avez-vous bien compris notre explication ? « La nuit sera lumineuse comme le jour. » Quant à cette expression: «Ainsi les ténèbres de l'une, ainsi la lumière de l'antre , » elle a donné lieu à la même réflexion ; de même que les ténèbres, de même la lumière aura son tour, non-seulement d'une manière apparente; mais Dieu , le Dieu, ton Seigneur, changera la nature des choses. « Car, vous êtes le maître de mes reins, Seigneur; vous m'avez pris dès le ventre de ma mère (13). » Quel rapport , entre ces paroles et celles qui ont été prononcées? La conséquence est rigoureuse, et les idées sont étroitement liées. Après avoir célébré une puissance si grande, il montré que Dieu l'exercé pour l'utilité des hommes et leur élus grand bien.
Il ne faut pas que l'insensé puisse dire : Et que me fait à moi sa grandeur, sa puissance, sa prescience ? Montrez-moi le profit que nous en retirons. Le Psalmiste a ajouté : « Vous êtes le maître de mes reins, » se servant d'une partie de l'homme pour désigner l'homme tout entier. Ce n'est pas chose indifférente , quand on loue la Providence, que de sentir qu'on est propriété de Dieu. Qui possède , prend soin et pourvoit. Aussi le Psalmiste, pour exprimer cette idée, ajoute-t-il: « Vous m'avez formé dès le ventre de ma mère; » c'est-à-dire , à tous les instants, vous avez pris soin de me rendre fort; vous avez pourvu à tout; sans cesse vous vous êtes occupé de moi; vous m'avez mis en sûreté dès ma première enfance, dès le maillot, et ce que j'ai dit, vous me l'avez enseigné par les faits mêmes: « Je vous louerai, parce que vous avez fait éclater votre grandeur d'une manière terrible ; vos oeuvres sont admirables , et mon âme en est vivement frappée (14). » Qu'est-ce à dire? Vous m'avez formé, mais j'ignore comment vous m'avez formé; à vous, la providence , mais je ne puis embrasser toute votre providence dans ma pensée; vous êtes partout, mais cela même je ne le comprends pas ; vous connaissez l'avenir et lé passé et les secrets de l'esprit de l'homme, mais ma raison. est impuissante à s'expliquer cette merveille; vous changez les natures des choses , et vous faites qu'en persistant elles fassent paraître des effets contraires; et, vous produisez les contraires comme s'ils étaient les propriétés mêmes spécialement attribuées à chaque nature.
4. Donc, après avoir rassemblé tous ces titres, le Psalmiste, divinement inspiré, fait entendre une grande voix qui s'écrie: «de vous louerai, parce que vous avez fait éclater votre grandeur d'une manière terrible, » c'est-à-dire, vous avez paru admirable, et vous êtes admirable ; « admirables sont vos oeuvres et mon âme en est vivement frappée. » Et que puis-je raconter de vous, dit le Psalmiste, lorsque ce qui vient de vous, étale une grandeur magnifique? Cessant dès lors de tout passer en revue, il se borne à la connaissance particulière qu'il a de lui-même, et il dit: « Et mon âme en est vivement frappée. » Elle n'en est pas seulement frappée; mais profondément, dit-il, et vivement. Mais maintenant si son âme connaît, comment a-t-il pu dire auparavant : « Merveilleuse est votre science au-dessus de moi, elle est pleine de force, je ne pourrai y atteindre. » Ces paroles s'appliquent à Dieu même, les autres aux ouvrages de Dieu. Que si les dernières paroles s'appliquaient aussi à Dieu même, nous dirions: il sait que Dieu est admirable, grand, élevé. Maintenant quelle est sa substance? Car je veux me répéter; comment subsistent sa majesté, sa magnificence? Comment expliquer ce qui a été dit? C'est ce. à quoi il ne peut répondre. Mais l'impossibilité même de la réponse est une preuve de la connaissance, quoique cela semble être un paradoxe. La mer aussi est d'une grandeur que nous ne connaissons pas; et pourtant, ce qui prouve précisément que nous avons de la mer une idée vraie, c'est que nous en ignorons la grandeur. Dire que l'on peut mesurer la mer, c'est donner la meilleure preuve qu'on ne la (242) connaît pas. Il y a donc une profession de connaître qui prouve que l'on ignore, une manière d'ignorer, qui témoigne que l'on connaît. « Mes os ne vous sont point cachés, à vous qui les avez faits dans un lieu caché; ni toute ma substance que vous avez formée comme au fond de la terre (15). »
Le voici encore, parlant de la connaissance que Dieu possède, et il le montre connaissant toutes ces choses. Donc, il dit, si vous voulez, que Dieu connaît toutes les choses cachées, ou il exprime quelqu'autre pensée, concernant la formation et la création. Alors même où j'étais à l'état de formation, vous me connaissiez; vous saviez toute chose, lorsque la nature produisait insensiblement son oeuvre ; quoiqu'elle travaillât en secret, et comme dans les profondeurs de la terre. Toutes choses sont pour vous mises à nu et à découvert; un autre interprète dit : « Mes os ne vous ont été cachés par aucun voile, ces os qui m'ont formé en secret; » un autre interprète: « Vous n'avez pas ignoré ma force, qui m'a formé en secret; j'ai été construit par des forces diverses, comme dans les profondeurs de la terre; » un autre texte : « Vous n'avez pas ignoré ma puissance, ni mes os, lorsque j'ai été formé en secret; j'ai été façonné dans les profondeurs de la terre. » Donc, tous les interprètes expriment les mêmes pensées. Ainsi, pendant que j'étais formé, vous avez parfaitement connu ma formation, partie par partie; et chacun de mes. membres, et l'accroissement de chacun de ces membres, vous l'avez connu. C'est ce que dit le Christ lui-même: « Tous les cheveux de votre tête sont comptés (Luc, XII, 7) ; » parole qui nous montre à la fois la providence et la science. « Vos yeux m'ont vu lorsque j'étais encore informe. » Répétition de la même idée. Je n'étais pas formé, vous me connaissiez ; un autre texte porte: « Je n'avais, pas encore de forme, vos yeux m'ont vu. » Paroles qu'on,peut aussi appliquer aux actions, et ainsi, ce qui n'était pas encore fait, vos yeux l'ont vu. « Et dans votre livre, tous les hommes seront inscrits; un jour ils seront formés, sans qu'un seul y manque. » Voilà qui est obscur, mais la suite du texte et un autre interprète vont nous mettre à même de saisir le sens. Ce que dit le Psalmiste est une conséquence de ce qui précède; or, qu'a-t-il dit précédemment? « Je n'étais pas formé, vos yeux m'ont vu; » c'est-à-dire, je n'avais encore aucune espèce de figure, j'étais encore une chose qu'on façonne, une chose qu'on tisse, et vos yeux m'ont vu aussi distinctement que l'on voit une forme parfaite, une figure achevée, à qui rien ne manque, qui n'a plus besoin d'attendre un seul jour pour recevoir son perfectionnement, Et, ce qui vous fera comprendre que c'est bien là le sens, écoutez un autre interprète: « Je n'étais pas formé, et vos yeux m'ont vu d'avance, avec tous ceux qui ont été inscrits dans votre livre, qui sont formés au jour où il ne leur manque plus un seul jour. » Vous m'avez vu, dit-il, avec ceux, c'est-à-dire, vous m'avez vu de la même manière que vous avez vu ceux qui sont formés dans leurs jours, jours auxquels ne manquait pas un seul jour. S'il s'exprime de la sorte, ce n'est pas qu'il y ait un livre là-haut; ce n'est pas qu'il y ait personne d'inscrit, mais l'image de ce livre, sert à montrer la science exacte de Dieu; comme lorsque. l'Ecriture dit: « Le Seigneur a entendu, et a écrit dans le livre (Malachie, III, 16) ; » et encore: « Les livres ont été ouverts. » .(Dan. VII, 10.) « Pour moi, ô Dieu, j'ai honoré vos amis d'une façon toute singulière (17); » un, autre texte: « Vos amis m'ont été précieux ce n'est pas le fait d'une vertu médiocre que de combler d'honneur les amis de Dieu; vous, avez pris soin de moi, dit-il; je n'étais pas; vous m'avez fait naître; vous me gouvernez; et moi, en retour, j'honore vos amis. « Et leur empire s'est affermi, » c'est-à-dire, ils sont devenus puissants; un autre texte: « Combien leurs têtes se sont multipliées. » Ce qui, est plus clair, car il ajoute : « Je les compterai et ils surpasseront les grains de sable (18). » Moi , je les honore, mais vous, vous les multipliez; vous les rendrez plus nombreux que les grains de sable; et non-seulement vous les multipliez, mais, de, plus, vous les rendez forts et puissants. Car c'est là ce que veut dire : « Et leur empire s'est affermi. » Double prospérité, la multiplication et l'accroissement des forces. « Je me suis levé et je suis encore avec vous; » un autre texte: « Je sortirai de mon sommeil, et je serai pour toujours auprès de vous..»
Ce n'est pas une faible marque de vertu, que de conserver la vertu dans la prospérité. Un grand nombre d'hommes, dit le Psalmiste, après avoir joui du bonheur, vous ont oublié; mais ce n'est pas moi; même quand je me serai levé, c'est-à-dire quand je serai affranchi de mes maux, je serai toujours avec vous, « Si (243) vous exterminez les pécheurs, ô Dieu (19). » Il ne dit pas, si vous exterminez, je serai avec vous: il fait cette promesse sans condition. Quant à ce qu'il demande, ce n'est pas que Dieu détruise les hommes, mais qu'il les convertisse, qu'il les tire du péché, pour en faire des justes; car il ne dit pas: Si vous exterminez les hommes, mais, « les pécheurs. » Un autre texte, au lieu de, « les pécheurs, » porte, « le transgresseur, » signifiant, par là, les ennemis qui adorent les idoles.
« Hommes de sang, éloignez-vous de moi.
» Ces hommes de sang sont les meurtriers qui se plaisent dans les massacres. C'est avoir
progressé d'une manière notable dans la vertu, que de s'enfuir, que de s'écarter avec
horreur des réunions de tels hommes. Le Psalmiste explique ensuite pourquoi il faut les
fuir. « Parce que vous êtes querelleurs dans vos pensées (20). » Un autre texte : «
Ces hommes dont la pensée s'élève contre vous; » un autre texte : « Parce qu'ils vous
ont aigri, par leurs pensées perverses. » Voyez, il ne se préoccupe pas de lui-même,
mais de l'injure faite à Dieu, et il s'écarte de tels hommes avec horreur, il repousse
tout commerce avec eux. En effet ce qui a perdu les Juifs, c'est qu'ils conversaient avec
les méchants. Aussi reçurent-ils une loi qui les en séparait, qui leur ordonnait
d'éviter les mariages avec eux; et, quand ils sortirent de l'Egypte, ils furent pendant
quarante ans séparés des antres peuples, dans la solitude. Cette loi avait pour nom «
la haie, » parce qu'elle les entourait de toutes parts et supprimait tout commerce avec
les méchants. Les Juifs, en effet, étaient faciles à circonvenir; leurs moeurs étaient
variables et leur caractère mobile. « Ils regarderont comme des vanités les villes
élevées par vous. » Un autre texte : « C'est en vain qu'ils se sont élevés pour riva
C'est ainsi que Dieu lui-même a promis aux Juifs d'être l'ennemi de leurs ennemis; l'adversaire de leurs adversaires ; c'est là la meilleure preuve d'affection. Et le Psalmiste paie le Seigneur de retour, par la même conduite envers les amis, envers les ennemis de Dieu. En effet, il a dit plus haut: « J'ai honoré, d'une façon toute singulière, vos amis, ô mon Dieu ! » Ici maintenant : « J'ai haï ceux qui vous haïssent. » J'ai aimé outre mesure; et ici encore : J'ai haï outre mesure. Car il ne dit pas seulement : J'ai haï , mais encore : « J'ai séché d'ennui. O Dieu, éprouvez-moi et sondez mon coeur, interrogez-moi, et connaissez les sentiers par lesquels je marche(23), et voyez si la voie de l'iniquité se trouve en moi; et conduisez-moi dans la voie qui est éternelle (24). » Or, il a dit en commençant: « Vous m'avez éprouvé et connu parfaitement, vous m'avez connu, que je fusse assis ou levé, vous avez découvert de loin mes pensées, vous avez remarqué le sentier par lequel je marche, et toute la suite de ma vie, et vous avez prévu toutes mes voies. Vous connaissez toutes les choses futures et anciennes. » Comment donc dit-il maintenant, comme s'il n'avait pas encore été éprouvé, « Eprouvez-moi ? » Vous voyez qu'il se sert du langage humain , non pour tenir ainsi nos âmes dans l'abaissement; au contraire, il veut qu'après nous être formé, par toute espèce de réflexions, une pensée digne de Dieu; nous nous élevions jusqu'aux hautes régions de l'intelligence. Il demande à être éprouvé, à être examiné, non pas pour que son coeur soit connu de celui qui, dès le commencement, connaît toutes choses, même avant leur naissance; mais afin que nous acquérions nous-mêmes la connaissance que donne l'expérience des choses. Voilà en effet ce que veut dire cette parole, « Eprouvez-moi. Et voyez si la voie de l'iniquité se trouve en moi , et conduisez-moi dans la voie éternelle. »
Or, maintenant cette voie éternelle, que peut-elle être, sinon la voie spirituelle qui conduit au ciel et qui n'a pas de fin ? En effet, tout le reste est caduc, momentané, renfermé dans la vie présente; aussi, négligeant tout ce périssable, le Psalmiste cherche ce qui est immortel , sans limites , sans fin. Et maintenant, qu'est-ce qui conduit vers cette voie ? Le secours de Dieu, la volonté qui fait ce qui dépend d'elle ; la vertu, la sagesse qui s'élève au-dessus des choses de la vie présente. Les choses de l'autre vie ne sont ni éphémères, ni momentanées; telle est la vertu avec ses (244) fruits toujours fleurissants, jamais flétris, ses biens immortels, impérissables, sans fin. Puissions-nous tous en jouir, par la grâce et par 1a bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient la gloire et l'empire, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.