PSAUME CXXV

EXPLICATION DU PSAUME CXXV.  1« LORSQUE LE SEIGNEUR A FAIT VENIR CEUX DE SION QUI ÉTAIENT CAPTIFS, NOUS AVONS ÉTÉ COMBLÉS DE CONSOLATIONS. » UN AUTRE INTERPRÈTE DIT : « LORSQUE LE SEIGNEUR AURA FAIT REVENIR CEUX QUI ÉTAIENT CAPTIFS, NOUS SERONS CONSOLÉS. »

 

ANALYSE.

 

1. On distingue plusieurs captivités, mais la pire de toutes, c'est celle qui consiste à être sous la domination de Satan. Il n'y a pas tyran plus impitoyable, comme il l'a bien fait voir par l'exemple de Judas. Heureux au contraire ceux qui sont les serviles captifs de Notre-Seigneur : ils ont tout lieu de se glorifier, comme saint Paul.

2. Peur recueillir les joies da ciel, il faut semer ici-bas dans les larmes de l'affliction, car de même que la terre doit être bouleversée et déchirée pour rapporter du fruit, ainsi l'âme a besoin d'être remuée et agitée par les tribulations de toutes sortes, pour produire tes fruits de vertu qui lui mériteront les récompenses éternelles. La pluie arrose et féconde la terre, les larme sont la rosée fécondante de l’âme : Heureux donc ceux qui sèment dans les larmes, ils recueilleront les joies et l'allégresse de l'éternité !

 

1. Le mot « captivité » n'a qu'une signification, il est vrai, mais il s'entend de bien des façons. Il y a, en effet, une bonne captivité, selon ce mot de saint Paul : « Réduisant en  captivité tous les esprits pour les soumettre à Jésus-Christ (II Cor. X, 5), » et il y en a une mauvaise, d'après ces autres paroles : « Traînant après eux, comme captives, des femmes chargées de péché. » (II Tim. III, 6.) Il y a une captivité spirituelle exprimée ainsi par Isaïe : « Prêchez la grâce aux captifs (Is. LXI , 1) ; » et il y a une captivité matérielle, sensible, infligée par l'ennemi. De ces deux dernières, la première est la plus grave, car souvent ceux qui ont fait des prisonniers de guerre, épargnent les vaincus, et quand même ils leur ordonneraient de transporter du bois, de l'eau , ou des vivres pour les chevaux, ils ne peuvent atteindre leur âme. Celui, au contraire, qui est devenu l'esclave du péché a un maître dur et intraitable, qui le force à faire les choses les plus honteuses et les plus déshonorantes, car la tyrannie du vice ne pardonne pas, elle est s'ans pitié. Aussi, voyez comment après avoir rendu captif le misérable et infortuné Judas, elle est cruelle à son égard au point d'en faire un sacrilège et un traître. Et puis, après qu'il a commis son crime, elle le conduit en présence des Juifs pour qu'il avoue sa faute : mais ne voulant pas que cet aveu lui serve, elle le potasse à se pendre au lieu de lui laisser recueillir les fruits de sa pénitence. C'est un tyran redoutable, en effet, que celui qui nous commande le mal et qui déshonore ceux qui lui obéissent. C'est pourquoi, je vous en conjure, fuyons son empire avec le plus grand soin, luttons avec lui, qu'il n'y ait pas de réconciliation possible , et une fois délivrés, demeurons clans notre liberté.

Si ceux qui ont échappé à la captivité des (189) barbares ont été consolés , à plus forte raison, nous qui avons été arrachés au ,joug du péché devons-nous être dans la joie et l'allégresse et conserver à jamais notre bonheur, évitant de le troubler ou de le perdre en retombant aussitôt dans les mêmes fautes.

« Nous avons été comblés de consolation. » Ou selon d'autres interprètes d'accord avec l'hébreu: « Nous avons été comme des gens qui rêvent. » (Dans l'étonnement où nous étions notre délivrance nous a paru comme un songe. ) Que signifie le mot: « Consolés ? » C’est-à-dire , remplis de repos, de joie et de plaisir. — « Alors notre bouche a été remplie de cantiques de joie et notre langue de cris d'allégresse. Alors on dira de nous, parmi les nations : le Seigneur a fait de grandes choses en leur faveur (2). — Oui, le Seigneur a fait pour nous de grandes choses (3). » En d'autres termes: la joie que nous ressentons d'être délivrés de la captivité ne doit pas peu contribuer à nous rendre meilleurs. — Mais le moyen, direz-vous, de ne pas se réjouir d'un tel bien? — Cependant, quand leurs pères eurent été affranchis de la servitude d'Egypte et remis en liberté , par la plus noire ingratitude ils murmuraient malgré les biens dont ils étaient comblés, ils s'indignaient, ils étaient tristes, mécontents. Pour nous, semblent-ils dire, il en sera tout autrement: nous nous réjouissons, nous sommes dans l'allégresse, apprenez d'eux le sujet de leur joie. — Nous nous réjouissons, s'écrient-ils, non-seulement parce que nous avons été délivrés de nos maux, mais encore parce que tous verront par là que Dieu prend soin de nous. «Car alors, on dira de nous parmi les nations : Le Seigneur a fait de grandes choses en leur faveur. Oui, le Seigneur a fait pour nous de grandes choses. » Cette répétition ne sert qu'à faire mieux ressortir le sujet de leur joie. Dans le premier cas, ce sont les nations qui parlent, dans le second membre de phrase ce sont eux-mêmes. Et puis, remarquez qu'ils n'ont pas dit: « Le Seigneur nous a sauvés; » ni, « le Seigneur nous a délivrés; » mais, « il a fait pour nous de grandes choses, » afin de faire éclater davantage la conduite admirable et merveilleuse de Dieu à leur égard. Et c'est ainsi , comme je vous l'ai fait observer bien des fois, que le monde entier était instruit par ce peuple tandis qu'il était conduit en, captivité et rendu à la liberté. Leur retour lui-même était comme une prédication, car on parlait d’eux partout, la miséricorde de Dieu envers eux brillait à tous les regards à cause des miracles frappants dont ils avaient été l'objet et qui dépassaient tout ce qu'on pouvait imaginer. Aussi bien, Cyrus qui les retenait les laissa partir sans qu'on l'en priât, mais parce que Dieu avait fléchi son coeur; et non content de les renvoyer il voulut encore les combler de largesses et de présents. « Et nous en sommes remplis de joie. — Seigneur, faites revenir nos frères captifs, qu'ils se répandent dans cette terre comme un torrent dans le pays du midi (4) » Comment le Prophète a-t-il pu dire ait commencement de ce psaume : « Lorsque le Seigneur a fait revenir ceux de Sion qui étaient captifs? » et ici: « Faites revenir, » comme s'il s'agissait d'une chose future? Du reste, ce dernier sens nous est particulièrement indiqué par la version qui porte, non point: « Lorsque le Seigneur a fait revenir; » mais bien: « Lorsque le Seigneur aura fait revenir; » parce que la chose était alors commencée et qu'elle ne fut pas accomplie tout d'un coup , car il y eut plusieurs captivités: on en compte trois.

2. Voici donc ce qu'on peut dire : Le Prophète demande que la délivrance soit complète et absolue, contrairement au désir de beaucoup de Juifs qui voulaient rester au milieu des barbares , et dans son immense désir de la voir se réaliser, il s'écrie: « Faites revenir le reste de nos frères captifs. « Qu'ils se répandent dans cette terre comme un torrent dans le pays du midi. » En d'autres termes, excitez-nous , pressez-nous avec une grande ardeur et une grande violence. C'est ce que voulaient exprimer d'autres interprètes quand ils disaient: « Qu'ils se répandent comme des canaux; » ou bien: «Comme des bassins qu'on vide; » ou bien encore : « comme des écluses qu'on ouvre. — Ceux qui sèment dans les larmes, moissonneront dans la joie (5). » Ces paroles ont été dites des Juifs, mais elles peuvent trouver leur application dans bien d'autres cas. C'est en effet le propre de la vertu d'être largement récompensé de ses peines. Mais il faut d'abord commencer par travailler et par souffrir avant de chercher le repos. C'est du reste ce qui a lieu pour tout ce qui se rapporte à cette vie. Et voilà pourquoi le Psalmiste y fait allusion dan:t son discours, en nous parlant du semeur et (190) de la moisson. De même que celui qui sème doit travailler, souffrir, endurer le chaud et le froid, ainsi en est-il de celui qui est à la poursuite de la vertu. C'est que rien n'est, moins que l'homme, fait pour le repos; et voilà pourquoi Dieu a rendu étroit et difficile le chemin qui conduit à la vertu. Bien plus , ce n'est pas seulement la vertu qui est pénible, mais c'est tout ce qui a rapport à cette vie, et même à un plus haut degré. Car, celui qui sème comme celui qui bâtit, le voyageur, le charpentier, l'artisan, quiconque en un mot, veut se procurer quelque avantage, doit travailler et souffrir: et de même qu'il faut les pluies aux semeurs, il nous faut les larmes; et comme la terre a besoin d'être labourée et retournée, ainsi l'âme fidèle a besoin des tentations et des afflictions pour l'empêcher de produire des mauvaises herbes, pour la rendre plus souple et tempérer son effervescence et son orgueil. Car la terre, elle aussi, ne produit rien de bon, si on ne la cultive avec soin. Le Prophète veut donc que les Juifs se réjouissent non-seulement de leur retour, mais encore de leur captivité et qu'ils remercient Dieu de ces deux bienfaits. Voilà pour le semeur, passons maintenant à ce qui regarde la moisson.

Semblables, leur dit-il encore, à ceux qui sèment avec peine pour recueillir ensuite des fruits abondants , on vous a vus pendant votre captivité affligés, repoussés, persécutés , supportant l'hiver, la rigueur des saisons, la guerre , les pluies, le froid et la glace et répandant des larmes. — Car les larmes sont à l'affliction ce que les pluies sont aux semences. Mais voici que vous avez reçu la récompense de toutes ces peines. Ainsi donc ces paroles: — « En s'en allant, ils marchaient en pleurant et ils répandaient leur semence (6). Mais en s'en revenant ils marcheront avec des transports de joie, en portant les gerbes de leur moisson, » doivent s'entendre non du blé, mais des événements de la vie, et elles nous apprennent à ne pas nous inquiéter et à ne pas gémir dans les afflictions. De même que celui qui sème ne se laisse pas abattre par les difficultés sans nombre qu'il rencontre , dans la prévision d'une moisson splendide et abondante, ainsi celui qui est éprouvé ne doit pas s'inquiéter ni se tourmenter, quelle que soit la grandeur de ses maux, dans l'attente d'une riche moisson, et en considération des avantages nombreux dont l'affliction est pour lui la source. Que ces mêmes réflexions nous fassent remercier Dieu des épreuves comme du repos et de la paix. Quelle que soit la diversité des événements, tous tendent au même but comme pour la semence et la moisson. Supportons donc les adversités avec un coeur fort et généreux, en rendant grâces à Dieu dont nous célébrerons également la gloire dans le repos et la prospérité, afin de mériter les biens éternels, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui soient la gloire et l'empire, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

 

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