ANALYSE.
1. Ce que c'est que bénir et glorifier Dieu.
2. La nouvelle loi prédite. Que le langage de l'Ancien Testament
est un langage de condescendance.
3. Dieu relève ce qui est humble : allusion à la venue du
Christ. Récapitulation.
1. Il est souvent question de ces louanges
dans les Ecritures : ce n'est pas , en effet, une chose de peu
d'importance, mais un sacrifice, une offrande agréable à Dieu: le sacrifice de louanges
me glorifiera , est-il écrit. (Ps. XLIX, 23.) Et ailleurs: « Je louerai le nom de mon
Dieu avec un chant, je le célébrerai dans une louange : et cela plaira à Dieu plus
qu'un jeune veau à qui la corne pousse au front et au pied. » (Ps. LXVIII, 31, 32.) Les
(135) saints Livres répètent le même précepte eu plusieurs endroits; et ceux qui sont
sauvés croient témoigner avec éclat leur reconnaissance en offrant ce genre de
sacrifice. Et qu'y a-t-il là de difficile? dira-t-on; n'est-il
pas aisé au premier venu d'en faire autant, de louer Dieu? Pour peu que vous prêtiez une
exacte attention vous verrez à la fois et la difficulté attachée à cette offrande et
le profit qu'on en retire. D'abord c'est aux justes que sont demandés les hymnes de ce
genre: avant de les chanter à Dieu, il faut commencer par bien vivre. « Il n'y a pas de
belle louange dans la bouche d'un pécheur. » (Eccli. XV, 9.)
En second lieu , comme il y a deux manières de louer, Soit en
paroles, soit en actions, c'est la dernière que Dieu recherche surtout; telle est la
glorification qu'il préfère. « Que votre lumière brille devant les hommes, afin qu'ils
voient vos belles actions, et qu'ils glorifient votre Père qui est dans les cieux. » (Matth. V, 16.) Telles sont les louanges des Chérubins. Et voilà
pourquoi le Prophète, qui a entendu cette mélodie mystique, accuse sa propre misère, en
disant: malheureux que je suis ! « Homme, ayant des lèvres impures, j'habite au milieu
d'un peuple qui a des lèvres impures. » (Isaïe, VI, 3.) Aussi le Psalmiste, quand il
prescrit d'offrir des louanges, commence-t-il par les puissances d'en-haut,
en disant: « Louez le Seigneur du haut des cieux, louez-le, vous tous qui êtes ses
anges. » (Ps. CXLVIII, 1, 2.) Il faut donc devenir un ange et ensuite chanter la louange.
Ne voyons donc pas en cela un éloge ordinaire: avant notre bouche, il faut que notre vie
résonne; avant notre langue, notre conduite doit faire entendre sa voix. De cette façon , jusque dans le silence nous pouvons louer Dieu: de cette
façon, si notre voix s'élève, elle formera avec notre vie un concert harmonieux. Mais
ce n'est pas la seule chose qui soit à considérer dans ce psaume : remarquez encore que
tous les hommes y sont invités à concerter ensemble à former un choeur universel. Car
ce n'est pas à une ni à deux personnes que s'adresse le Psalmiste, c'est au peuple tout
entier. Le Christ nous invite à la concorde et à la charité ,
en nous prescrivant de faire en commun nos prières , et de nous confondre dans l'Eg
2. Voyez-vous comment il ravale, il
anéantit le judaïsme, étend sur toute la terre le gouvernement de lEg
Vous voyez encore ici son culte pénétrer chez les nations, non pas seulement chez une, deux ou trois, mais chez toutes les nations de la terre. Quoi de plus clair que cette prophétie ? Mais comment Dieu est-il élevé sur toutes les nations ! Est-ce nous qui l'élevons? Ce n'est pas sans doute qu'il nous appartienne d'ajouter quelque chose à sa grandeur? A Dieu ne plaise ! Il s'agit ici des dogmes, du culte, de l'adoration et de tous les autres hommages que nous lui rendons, en concevant de lui non pas une idée basse comme les Juifs, mais une idée beaucoup plus haute et plus relevée. Telle est en effet notre loi : autant le ciel est au-dessus de la terre, autant la nouvelle loi surpasse l'ancienne. De là ces expressions : «Le Seigneur est élevé sur toutes les nations. » En effet, lorsque nous le relevons en un sens par le culte que nous lui rendons, nous n'ignorons pas que ce culte appelle sa condescendance. Il surpasse celui de l'ancienne loi, mais il est encore bien peu digne de Celui à qui il s'adresse. Paul a dit, pour montrer cela et marquer la différence qui sépare la connaissance que nous avons aujourd'hui, de celle qui nous est réservée dans la vie future : « Quand j'étais petit enfant, je raisonnais comme un petit enfant, mais quand je suis devenu homme, je me suis dépouillé de ce qui était de l'enfant. » (I Cor. XIII, 11.) Et encore : « C'est imparfaitement que nous connaissons et imparfaitement que nous prophétisons. » Et enfin : « Nous voyons maintenant à travers un miroir en énigme, mais alors nous verrons face à face. » (Ibid. IX, 12.) Il montre par là que la connaissance actuelle diffère autant de la connaissance future que l'enfant diffère de l'homme parvenu à la pleine maturité. « Sa gloire est au-dessus des cieux. » Après avoir parlé de la louange, de la glorification qui résulte de la conduite humaine , après nous avoir invités à exalter Dieu, à le louer, le glorifier de la sorte; en progressant dans la vertu, il indique l'endroit où cela se fait principalement. Cet endroit est le ciel. Là réside la gloire de Dieu. Ce sont les anges, avant tout, qui le glorifient : ils le glorifient non-seulement par leur propre nature, mais encore par une obéissance de bons serviteurs, en accomplissant avec scrupule ses ordres et ses volontés. Voilà pourquoi il dit ailleurs : « Puissants, accomplissant sa parole. » (Ps. CII, 20.) Voilà pourquoi dans les Evangiles le Christ ordonne de prier et de dire : « Que votre volonté soit faite sur la terre comme aux cieux. » C'est-à-dire qu'il nous soit donné, à nous aussi, de le sanctifier comme le sanctifient les anges, exempts de tout vice et fidèlement attachés à la pratique de la vertu. Le Psalmiste fait entendre la même chose en disant : « Sa gloire est au-dessus des cieux. » Ne vous bornez pas à considérer sur la terre les créatures visibles, ni même l'ordre des corps célestes, élevez-vous, par la pensée des choses sensibles aux choses intelligibles, contemplez la beauté des essences célestes , la magnificence de l'empire qui est là-haut, et vous saurez alors comment sa gloire est dans les cieux.
« Qui est comme le Seigneur notre Dieu qui habite les hauteurs (5) et regarde les choses humbles (6) ? » Ne vous semble-t-il pas que (137) voilà une grande parole? Néanmoins, si vous songez de qui il est question, vous la trouverez bien insuffisante. Il ne tarit pas, je l'ai dit, s'en tenir aux paroles, il tarit porter plus haut sa pensée. Comment peut-il habiter dans les cieux, celui dont la présence remplit le ciel et la terre, celui (lui est partout, celui qui dit : « C'est Dieu, c'est moi qui m'approche, Dieu n'est pas loin. (Jér. XXIII, 23.) Celui qui a mesuré le ciel à l'empan et la terre dans la paume de la main, celui qui embrasse le tour de la terre.» (Isaïe, XL, 12,22.) C'est parce qu'alors il s'adressait aux Juifs qu'il emploie ce langage afin d'initier peu à peu leur esprit, d'élever, de soulever de terre insensiblement leur pensée. Voilà pourquoi le Psalmiste ne se borne pas à dire : « Celui qui habite les hauteurs leurs et qui regarde ce qui est humble; » il commence par dire d'abord : « Qui est comme le Seigneur notre Dieu? » et par là il explique la seconde partie de sa phrase. Il parie ainsi pour condescendre à la faiblesse des Juifs qui avaient la superstition des images et adoraient des dieux enfermés dans des temples et des lieux déterminés. Voilà pourquoi il procède par comparaison, bien que Dieu soit hors de comparaison avec quelque chose que ce soit, comme je l'ai dit plus haut (et je ne me lasserai pas de le répéter) : il approprie ainsi son langage à la faiblesse de ses auditeurs. Il songeait moins alors à parler dignement de la majesté divine, qu'à se faire comprendre des Juifs. C'est pour cela qu'il n'avance que pas à pas, sans néanmoins s'en tenir à la bassesse de leurs idées et tout erg leur découvrant des perspectives plus hautes. En effet, après ces mots : « Lui qui habite les hauteurs et regarde ce qui est humble, » il passe à un ordre de conception plus relevé, en ajoutant : « Dans le ciel et sur la terre. » Par là il indique que Dieu est à la fois là-haut et ici-bas. S'il considère ce qui se passe sur la terre, ce n'est pas de loin ni du tond du ciel, il n'est pas emprisonné dans le ciel, il est partout présent, il est auprès de chaque être.
3. Voyez-vous comment il élève
progressivement l'esprit de ses auditeurs? Après cela, quand il les a soulevés de terre,
qu'il a fixé sur le ciel leurs regards, afin de leur proposer encore un plus grand
spectacle, il passe à une autre preuve de la puissance divine, en disant: « Celui qui
tire de la poussière l'indigent, et relève le pauvre de dessus son fumier (7). » (137)
Car c'est le propre d'une grande, d'une infinie puissance, que d'élever jusqu'aux petites
choses. Ailleurs l'Ecriture nous représente le contraire, à savoir, les grandes choses
abaissées, par exemple en ce passage: « Broyant la force, et déchaînant le malheur
contre les solides remparts. » (Amos, V, 9.) Ici au contraire il est dit que Dieu
sait élever les petits. Tout cela est dit en général. Si l'on veut néanmoins y
chercher un sens figuré, on verra que cela s'applique très-bien
aux nations, que le genre humain a passé par un tel changement
lors de la venue du Christ. En effet, quoi de plus misérable que notre espèce? Cependant
le Christ l'a relevée, l'a fait monter au ciel avec nos prémices, l'a fait asseoir sur
le trône paternel. « Et relève le pauvre de dessus son fumier. Pour le faire asseoir
avec les chefs, avec les chefs de son peuple (8). » Par ce mot fumier il désigne une
basse condition, et le coup subit qui vient la changer, montrant ainsi que tout pour Dieu
est aisé et facile. Il passe ensuite à quelque chose de plus élevé. Qu'est-ce donc?
C'est que Dieu sait non-seulement bouleverser les fortunes et
changer la bassesse en élévation, mais déplacer les bornes de la nature même, et
rendre mère une femme stérile. Il poursuit donc ainsi : « Celui qui donne à celle qui
était stérile la joie de se voir dans sa maison mère de plusieurs enfants (9). » C'est
ce qui advint pour Anne et pour mille autres femmes. Voyez-vous que l'hymne est désormais
complet et terminé? Le Psalmiste a dit le bonheur réservé à la terre, comment le
judaïsme devait finir, comment la lumière d'une nouvelle loi, celle de l'Eg