Traduit par M. C. PORTELETTE.
ANALYSE. La septième et dernière homélie nous apprend que nous pouvons nous élever jusqu'à la vertu de Paul, puisqu'il. était homme comme nous; elle décrit ce zèle et cette assurance qu'il communiquait à ses disciples, et qui croissaient d'autant plus qu'on voulait les enchaîner, en retenant sa personne dans les fers ; elle vante cette sainte hardiesse qui n'empêchait pas qu'il ne fût simple et docile, qu'il ne se- rendit à tous les conseils qu'on voulait lui donner pour le bien des fidèles.
Toutes les fois que ceux qui portent
l'étendard impérial, précédés des trompettes qui les annoncent à grand bruit , et de nombreux soldats, font leur entrée dans les villes,
tout le peuple accourt et pour entendre le fracas retentissant, et pour voir l'étendard
si haut porté, et pour contempler le brave qui en est chargé. Eh bien ! Paul fait
son entrée aujourd'hui, non dans une cité, mais dans l'univers, accourons tous ensemble.
Il porte l'étendard, non de quelque souverain de la terre, mais la croix de Celui qui
règne en haut, la croix du
En effet si les simples citoyens qui n'ont
aucune part aux affaires publiques, ont un ange gardien que le Seigneur et Maître de
l'univers a chargé de leur défense, selon cette parole : L'ange qui m'a délivré
dès ma jeunesse (Gen. XLVIII, 7), à plus forte raison,
ceux qui tiennent entre leurs mains toute la terre et qui portent un si lourd fardeau de
grâces, ont-ils (362) pour les assister, les puissances d'en-haut.
Parmi les gens du monde, ceux qui sont jugés dignes de l'honneur de commander aux autres,
sont richement vêtus, parés d'un collier d'or, ils brillent de toutes parts; l'Apôtre a
ses chaînes, au lieu d'or, pour parure, et ce qu'il porte, c'est la croix; l'Apôtre est
persécuté; l'Apôtre est battu de verges, et souffre la faim. Ne vous affligez pas, mes
frères; car cet ornement-là est plus beau que celui des rois, et plus brillant, et
agréable à Dieu; aussi celui qui le porte ne se fatigue pas. Car voilà ce qui est
admirable, avec ces liens, et ces coups de verges, et ces stigmates il était plus
resplendissant que ceux qui portaient le diadème et la pourpre. Il était plus
resplendissant; il n'y a pas là un étalage de paroles, et ses vêtements l'ont
démontré. Mettez nombre de diadèmes, et entassez les vêtements de pourpre sur un
malade, vous ne pourrez éteindre la moindre partie de la fièvre qui le brûle ; les
tabliers de l'Apôtre artisan touchent à peine les malades, que toute maladie a disparu.
Ce qui se comprend : car si des voleurs, à la vue de l'étendard du prince, n'osent
approcher, reculent et prennent la fuite, à bien plus forte raison, maladies et démons
s'enfuient en voyant l'étendard du
Avez-vous vu de quelle vertu notre nature
peut faire preuve? avez-vous vu qu'il n'y a rien de plus digne
d'honneur que l'homme, tout mortel qu'il est, et demeure? Que pouvez-vous me montrer qui
soit plus grand que Paul, ou qui l'égale ? A quels anges, quels archanges, ne peut-on pas
comparer celui qui a fait entendre ces paroles ? Dans un corps mortel et corruptible, il a
sacrifié pour le
Voilà la marque d'une âme généreuse et
libre, qui ne supporte pas l'injustice en silence, quoique sans mission pour la combattre.
Moïse avait eu raison de s'emparer de cette tâche, Dieu l'a fait voir en lui donnant
plus tard l'autorité; c'est ce qu'il a fait voir également au sujet de Paul. Paul aussi
avait noblement saisi la mission de la parole et de l'enseignement, et Dieu l'a montré,
en se hâtant de l'instituer prédicateur et maître. Si un désir d'honneur et de
préséance les avait poussés à s'occuper des affaires, s'ils n'avaient eu en vue que
leurs intérêts, on aurait raison de les condamner; mais s'il est vrai qu'ils
recherchaient les dangers, qu'ils affrontaient à chaque instant la mort, pour assurer le
salut de tous , qui serait assez malheureux pour faire le
procès à ce généreux zèle ? Que le désir de sauver ceux qui périssaient fût le
seul motif de leurs actions, c'est encore ce qu'a prouvé le décret. de
Dieu, c'est ce qu'a prouvé la perte de ceux qu'égara une coupable ambition. En effet
d'autres ont brigué le pouvoir, le commandement suprême; tous sont morts, les uns
brûlés, les autres engloutis dans la terre entr'ouverte; c'est qu'ils ne se proposaient
pas l'utilité publique, mais le plaisir d'être au premier rang. Ozias
écouta son ambition imprudente ( II Paral.
XXVI), il fut frappé de la lèpre; Simon en fit autant (Act.
VIII), il fut condamné, il faillit encourir les derniers supplices; Paul écouta son
zèle, mais il fut couronné, car son zèle ne se proposait pas le pouvoir, l'honneur du
sacerdoce, mais les charges, les fatigues, les dangers. Et c'est parce qu'un zèle ardent
l'a précipité dans la carrière, c'est pour cette raison que son nom est glorieux, qu'il
brille dès le début de sa prédication. Un magistrat , même
régulièrement établi dans ses fonctions, s'il ne remplit pas ses devoirs, mérite un.
châtiment sévère; de même celui qui , sans avoir été régulièrement établi,
remplit, comme il convient, tous les devoirs, soit du sacerdoce, soit de toute autre
charge publique, a droit à toute espèce de récompense. Aussi ne se livra-t-il pas un
seul jour au repos, ce saint plus ardent que le feu, à peine sorti de la source sacrée
du baptême, enflammé, ne voyant ni les dangers, ni les mépris , ni les insultes, ni
l'incrédulité des Juifs, insensible à toutes les choses humaines, il n'a plus les
mêmes yeux, il ne voit que la charité; il n'a plus le même esprit, c'est un torrent
impétueux qui renverse tout le judaïsme, l'Ecriture triomphe, la démonstration se fait,
Jésus est le
Et maintenant cet homme si hardi, si
emporté par son' zèle, qui respirait le feu, c'était la docilité, la douceur même, à
ce point que dans sa plus grande fougue il ne se heurta jamais contre ceux qui avaient le
droit d'enseigner. On le voyait bouillant, transporté d'ardeur, et, dans ce moment même,
on lui disait d'aller à Tarse et à Césarée ; il y consentait; on lui disait qu'il
fallait descendre le long d'une muraille, il s'y résignait; on lui conseillait de se
couper les cheveux, il ne faisait pas d'objection; on lui disait de ne pas se montrer dans
l'assemblée du peuple, il obéissait; uniquement soucieux de l'utilité des fidèles, ne
respirant que la paix, la concorde, toujours préparé à la prédication. Ainsi quand on
vous dit qu'il envoie son neveu au tribun, pour se soustraire lui-même aux dangers, qu'il
va en appeler à César, qu'il s'empresse de se rendre à Rome, ne voyez pas là des
preuves d'un manque de courage. Comment celui qui gémissait de la nécessité de la vie
présente n'aurait-il pas préféré de se trouver avec Jésus-
1 Ce n'est pas Festus, mais Agrippa qui dit ces paroles à Festus.
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laissa enchaîner, conduire avec mille autres prisonniers, des criminels; il ne rougit pas de partager leurs fers; il eut grand soin de tous ceux qui faisaient la traversée avec lui; il était certes plein de confiance pour lui-même, il savait bien qu'il était en sûreté, et, tout chargé de chaînes, il parcourut un si grand espace de mer, avec autant de joie ques'il fût allé prendre possession d'un empire. En effet ce n'était pas une. récompense vulgaire qui l'attendait, mais la conversion de Rome. Cependant il ne dédaigna pas ceux qui se trouvaient avec lui dans le vaisseau; il les rassura en leur racontant la vision qu'il avait eue, et qui leur apprenait que tous ceux qui naviguaient avec lui seraient sauvés, grâce à lui. Ce qu'il disait, non pour se glorifier, mais pour les rendre dociles à sa parole. Voilà pourquoi Dieu permit que la mer fût agitée, il voulait que par la résistance et aussi par la soumission de ceux qui entendaient Paul , il voulait que , par tous les moyens, la grâce de l'Apôtre fût manifestée. En effet, il avait donné le conseil de ne pas s'embarquer, on ne l'écouta pas, et l'on courut les plus grands dangers; même dans ces circonstances, il ne se livra pas à la colère; au contraire il eut pour l'équipage la prévoyance d'un père pour ses enfants, et il fit tout pour les sauver tous.
Arrivé à Rome, quelle douceur ne
montra-t-il pas dans ses entretiens ! avec quelle fermeté
libre il ferma la bouche aux incrédules ! Et il ne s'arrête pas à Rome, de là -il
court en Espagne. Les dangers augmentaient sa confiance, son audace s'en accroissait, et non-seulement la sienne, mais celle de ses disciples qui s'exaltait
par son exemple. S'ils l'avaient vu hésiter, faiblir, peut-être eux aussi se
seraient-ils intimidés, de même en le voyant toujours animé d'un courage plus viril,
toujours combattu, et toujours plus pressant, ils publiaient la parole en toute liberté.
C'est ce qu'il déclare par ces paroles : Plusieurs de nos frères, se rassurant
par mes liens, ont conçu une hardiesse nouvelle pour annoncer sans crainte la parole de
Dieu. (Philipp. I, 14.) En effet, quand un général a du courage ce n'est pas
seulement lorsqu'il massacre ou qu'il tue, c'est aussi lorsqu'il est blessé lui-même
qu'il inspire une nouvelle audace aux soldats sous- ses ordres, il les anime même plus en
recevant qu'en faisant des blessures. Car ceux qui le voient couvert de sang, plusieurs
fois blessé, et cependant tenant toujours tête aux ennemis, toujours debout, en brave,
l'épée à la main, persistant dans l'attaque en dépit des douleurs qu'il endure,
ceux-là combattent de leur côté avec une valeur qui va grandissant toujours. C'est ce
qui est arrivé à Paul. Quand on le voyait chargé de chaînes, prêcher l'Evangile dans
sa prison, quand on le voyait, battu de verges, entreprendre la conversion de ceux qui le
battaient, la généreuse hardiesse croissait chez ceux qui contemplaient ce spectacle.
Aussi l'Apôtre ne dit-il pas simplement : Se rassurant par mes liens, mais il
ajoute : Ont conçu une hardiesse nouvelle pour annoncer sans crainte la parole de Dieu,
ce qui veut dire : Nos frères ont témoigné plus de hardiesse en ces jours que quand
j'étais libre. Et lui-même alors conçut plus d'ardeur, ses ennemis le trouvèrent
encore plus impétueux, et le redoublement de ses persécutions ne fut que le redoublement
de son intrépidité et l'occasion d'une plus ferme assurance.
On le mit dans les fers, il y brilla d'un éclat si vif qu'il ébranla les fondements de
sa prison, qu'il en ouvrit les portes, qu'il convertit le geôlier, presque le juge
lui-même, au point que ce juge lui dit : Il ne s'en faut guère que vous ne me
persuadiez d'être chrétien. (Act. XXVI, 28.) Autre
preuve: il fut lapidé, et à son entrée dans cette ville qui le lapidait, il la
convertit. Tantôt les Juifs, tantôt les Athéniens le citèrent pour le juger, et les
juges devenaient ses disciples, ses accusateurs se soumettaient à lui. De même que le
feu qui tombe sur des matériaux différents s'accroît trouvant des aliments nouveaux
dans la matière qu'il dévore, de même l'éloquence de Paul s'emparait des âmes et les
transformait; ses adversaires, pris par ses discours, servaient aussitôt d'aliment à ce
feu spirituel, et, par leur moyen, l'Evangile se répandait et en gagnait d'autres. De là
ses paroles : Je suis enchaîné, mais la parole de Dieu n'est pas enchaînée. ( II Timoth. II, 9.) On l'obligeait à
prendre la fuite, c'était une persécution, mais la persécution devenait en réalité un
apostolat, et ce qu'auraient pu faire des amis et des partisans du christianisme
s'opérait par ses ennemis mêmes; en ne permettant pas à l'Apôtre de rester fixé dans
aucun pays, en chassant de toutes parts le médecin des âmes, en le forçant à circuler,
ils faisaient, par leurs mauvais desseins, par leurs persécutions, que tous entendaient
ses discours. On l'enchaîna de nouveau, on ne fit qu'irriter l'ardeur des (365)
disciples; en le bannissant on envoya un maître aux peuples qui n'en avaient pas; en le
citant devant un tribunal plus auguste on ménagea en même temps à une auguste cité un
grand bienfait. Aussi le chagrin des Juifs s'exprimait contre les apôtres en ces mots: Que
ferons-nous d ces hommes-ci? (Act. IV, 16.) Ce qui veut
dire: Quand nous voulons les abattre nous les relevons. Ils le livrèrent au geôlier pour
le garder étroitement, mais le geôlier fut lié plus étroitement encore par Paul. Ils
l'envoyèrent avec des prisonniers enchaînés pour qu'il ne pût
s'enfuir, Paul instruisit les prisonniers; ils l'envoyèrent par mer afin que le voyage
fût nécessairement plus court, et voilà un naufrage qui arrive et qui est une occasion
de catéchiser l'équipage; ils le menacèrent de mille et mille supplices pour éteindre
sa prédication, et sa prédication se répandit davantage. Et ils répétaient ce qu'ils
avaient dit au sujet du Seigneur : Tuons-le, de peur que les Romains ne viennent
et ne ruinent notre ville et notre nation (Jean , XI, 48), et il arriva le contraire
de ce qu'ils avaient voulu, ils le tuèrent, et ce fut pour cette raison que les Romains
ruinèrent et leur nation, et leur ville, et ce qu'ils regardaient comme des obstacles
servit de secours à la prédication; de même pour la prédication de Paul, tous leurs
efforts pour retarder ses progrès n'aboutirent qu'à les seconder, qu'à élever
l'Apôtre à une gloire inexprimable. Bénissons donc, pour tous ces bienfaits, le Dieu
plein de sagesse et d'habileté, célébrons le bonheur de Paul par qui s'opérèrent ces
merveilles, prions pour entrer, nous aussi, en partage des mêmes biens, par la grâce et
par la bonté de Notre. Seigneur Jésus-
Traduit par M. C.
PORTELETTE.