ANALYSE
1. La confession de Nathanaël était beaucoup moins parfaite que celle que fit plus tard saint Pierre.
2. Jésus fait son premier miracle à la demande de sa mère.
3 Jésus-Christ veut que chacun le prie et lui demande ses besoins : preuve tirée de l'exemple des plus excellents médecins. Pourquoi il fait une dure réponse à sa mère. Il ne nous sert de mien d'avoir des parents gens de bien, si nous ne le sommes pas nous-mêmes. Les parents de Notre-Seigneur appelés DESPOSYNES. Que nos pères et nos ancêtres aient été bons chrétiens, c'est de quoi rougir de boute, et mériter une plus grande condamnation.
1. Il faut, mes chers frères, il faut de grands soins, beaucoup d'application et de longues veilles, pour pénétrer dans la profondeur des saintes Ecriturès : les lâches et les paresseux n'en acquerront point l'intelligence. Il faut un exact et soigneux examen et ne point cesser de prier, si nous voulons percer tant soit peu l'obscurité de ces saints mystères. Aujourd'hui même la question qui se présente n'est pas des plus aisées à résoudre : elle demande un attentif et diligent examen. Lorsque Nathanaël dit: « Vous êtes le Fils de Dieu », Jésus-Christ lui répond: « Parce que je vous ai dit que je « vous ai vu sous le figuier , vous croyez? «Vous verrez de bien plus grandes choses ».
Quelle difficulté propose-t-on sur ces paroles? On nous demande pourquoi Pierre , qui avait vu tant de miracles, qui avait reçu de si grandes instructions , ayant fait cette même confession : « Vous êtes le Fils de Dieu » (Matth, XVI, 17), est proclamé bienheureux, parce que c'est Dieu le Père qui le lui a révélé, et Nathanaël qui , avant les miracles, avant toute instruction , prononce une semblable profession de foi, ne s'entend pas louer de même , mais il est renvoyé à de plus grandes choses, comme s'il n'avait rien dit qui répondît à la grandeur de ce qu'il fallait exprimer? Quelle est donc la cause de cette différence? La voici: Pierre et Nathanaël ont bien prononcé les mêmes paroles, mais ils ne les ont pas dites l'un et l'autre dans le même sens. Pierre a confessé Jésus Fils de Dieu ; mais comme vrai Dieu; et Nathanaël comme simple homme. Qu'est-ce qui nous le montre ? Les paroles qui suivent. Après avoir dit: « Vous êtes le Fils de Dieu » , il a ajouté: « Vous êtes le roi d'Israël ». Or le Fils de Dieu nest pas seulement roi d'Israël, mais encore de tout le monde.
Et cela n'est pas seulement visible par ces paroles, mais aussi par les suivantes. [198] Jésus-Christ, parlant à Pierre, n'ajouta rien de plus, mais , comme si sa foi eût été parfaite, il promet de bâtir son Eglise sur sa confession. Ici Jésus-Christ ne dit rien de semblable; il est même à observer qu'il dit le contraire. En effet; comme si cette confession eût été insuffisante dans sa principale partie, il y ajoute ce qui y manquait. Que dit-il? « En vérité, en vérité, je vous le dis: Vous verrez dans peu le ciel ouvert, et les anges de Dieu monter et descendre sur le Fils de l'homme ». Ne voyez-vous pas comment il sélève peu à peu de terre, et l'amène à ne plus le regarder simplement comme homme? Celui que les anges servent, Celui sur qui les anges montent et descendent, pourrait-il être simplement homme? C'est pourquoi il a dit : « Vous verrez de bien plus grandes choses » , et, pour le lui expliquer, il lui a présenté le ministère des anges; c'est comme s'il disait : Nathanaël, il vous paraît surprenant que je vous aie découvert votre pensée et vos sentiments, et pour cela vous m'avez reconnu roi d'Israël : que direz-vous donc, lorsque vous verrez les anges monter et descendre sur moi ? Par là il lui fait entendre qu'il doit aussi le confesser et le reconnaître pour Seigneur des anges. Car les ministres du Roi descendaient et montaient, comme pour venir servir le vrai et légitime Fils de leur Roi.
Les anges descendaient lorsque Jésus fut crucifié, ils montaient à sa résurrection et à son ascension, et même auparavant, comme lorsqu'ils s'approchèrent de lui et qu'ils le servaient (Matth. IV, 11) ; lorsqu'ils annonçaient sa naissance, lorsqu'ils criaient: « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre ! » (Luc, II, 14), lorsqu'ils vinrent auprès de Marie, lorsqu'ils vinrent auprès de Joseph. Ce qu'il avait souvent fait, il le fait maintenant encore: il prédit deux choses, il donne la preuve de l'une, et par là il assure que l'autre aura son accomplissement. Quant à celles qu'il a dites ci-dessus, les unes étaient déjà sûrement arrivées, comme ce qu'il a dit avant la vocation de Philippe: « Je t'ai vu sous le figuier » ; les autres devaient arriver et étaient en partie arrivées, à savoir, l'ascension et la descente des anges: « Elles étaient arrivées dans le temps de, la naissance, elles devaient arriver encore » au crucifiement, à la résurrection et à l'ascension. Ce sont là les prédictions que les précédentes rendent croyables, même avant leur réalisation. Car celui à qui les événements accomplis avaient fait connaître la puissance de Jésus, devait avoir moins de peine à croire ce qu'il annonçait pour l'avenir.
A cela que dit Nathanaël.? Il ne répondit rien. C'est pourquoi Jésus-Christ n'en dit pas davantage ; il le laisse méditer et repasser dans. son esprit ce qu'il a entendu , et ne veut pas répandre toute la graine à la fois ; mais, sachant qu'il a jeté sa semence en bonne terre, il lui donne le temps de porter son fruit. C'est sur quoi il s'explique ailleurs en ces termes: « Le royaume des cieux est semblable à un homme qui avait semé de bon grain ; pendant qu'il dormait son ennemi vint, et sema de l'ivraie au milieu du blé ». (Matth. XIII, 24,25.)
J'ai déjà dit que Jésus était connu, principalement en Galilée. C'est pourquoi il est convié aux noces et il s'y trouve; il ne regarde point à sa dignité, mais il y va- pour nous faire du bien. Et certes, celui qui a bien voulu prendre la forme de serviteur, dédaignera bien moins d'assister aux nettes de ses serviteurs ; celui qui mangeait avec les publicains et avec les pécheurs, ne refusera pas; à plus forte raison, de prendre place aux noces avec les conviés. D'ailleurs, les gens qui l'avaient invité n'avaient pas de lui l'opinion qu'il eût fallu avoir, et ne le considéraient pas même comme un personnage illustre, mais comme le premier venu parmi leurs connaissances. L'évangéliste nous 1e fait même entendre, en disant : « La mère de Jésus y était, et ses frères» ; comme ils avaient convié sa mère et ses frères, ils l'avaient aussi convié lui-même. « Et le vin venant à manquer, la mère de Jésus lui dit: Ils n'ont point de vin (3) ». Sur quoi on a lieu de demander d'où il était venu dans l'esprit de la mère d'attendre quelque chose de grand de son fils; car il n'avait point encore fait de miracles : « Ce fut là », dit l'Ecriture, « le premier des miracles de Jésus, qui fut fait à Cana en Galilée ». (Jean, II, 11.)
2. Mais peut-être on objectera que ce témoignage ne prouve pas que ce fut là le premier miracle, attendu que l'évangéliste ajoute « A Cana en Galilée » : il s'est pu faire, dira-t-on, que ce fut le premier accompli à Cana; sans être le premier de tous ; et il est vraisemblable qu'il en avait fait d'autres ailleurs; nous ferons la réponse que nous avons [199] déjà faite. Que dirons-nous? Ce que dit « Jean-Baptiste: Pour moi, je ne le connaissais pas, mais je suis venu baptiser dans l'eau, afin qu'il soit connu dans Israël ». En effet, si Jésus avait fait des miracles dans son enfance, les Israélites n'auraient eu besoin de personne pour le leur faire connaître. Celui qui, parvenu à l'âge viril, s'est rendu par ses miracles si célèbre, non-seulement dans la Judée, mais encore dans la Syrie et au delà, et cela dans le seul espace de trois ans, ou plutôt qui n'a même pas eu besoin de trois années pour se faire une réputation , puisque , du premier jour, son renom s'était répandu partout; celui, dis-je, qui, par le nombre de ses miracles, a dans si peu de temps illustré son nom jusqu'à le faire connaître de tout le monde, celui-là n'aurait pu, à plus forte raison, demeurer caché et inconnu, s'il eût opéré des miracles dans son enfance : les miracles qu'opère un enfant font bien plus de bruit et causent beaucoup plus d'admiration; et d'ailleurs, il aurait eu deux ou trois fois plus de temps pour s'illustrer.
Mais Jésus dans son enfanté n'a rien . fait de plus que ce que rapporte saint Luc, qu'à l'âge de douze ans il s'était assis dans le temple au milieu des docteurs, les écoutant et les interrogeant (Luc, II, 46, 47) ; et que par les questions qu'il leur avait faites, il s'était rendu digne d'admiration. D'ailleurs , on conçoit aisément qu'il n'ait pas commencé dès son enfance à faire des miracles. Les Juifs les auraient regardés comme de pures illusions. Si, étant déjà homme fait, il ne fut pas à l'abri de pareils soupçons, à plus forte raison l'auraient-ils soupçonné s'il en avait fait dans sa plus grande jeunesse. De plus, l'envie dont les Juifs étaient animés, les aurait poussés à le crucifier plus tôt et avant le temps déterminé, et ainsi l'oeuvre même de la rédemption eût été révoquée en doute.
Sur quoi donc, direz-vous, la Mère conçut-elle une aussi haute opinion de son Fils? C'est que déjà il commençait à être connu, et par le témoignage de Jean-Baptiste, et par ce qu'il avait dit lui-même à. ses disciples. Et avant toutes ces choses, la manière même dont il avait été conçu et ce qui s'était passé à sa naissance, donnait à la mère une haute idée de son Fils. Elle écoutait tout ce qu'on disait de cet enfant, et « elle conservait dans son coeur », dit l'Ecriture, « toutes ces choses». (Luc, II, 59.) Et pour quelles raisons, objecterez-vous encore, n'a-t-elle rien dit auparavant? Parce qu'il commença, comme j'ai dit, seulement alors à paraître en public, et qu'avant ce temps il vivait dans l'obscurité, comme un homme du commun; c'est pourquoi sa mère n'aurait pas osé lui faire alors une pareille demande ; mais lorsqu'elle eut appris que c'était pour lui que Jean-Baptiste était venu et qu'il lui avait rendu un si grand témoignage, qu'enfin son fils avait des disciples, alors elle s'adressa à lui avec confiance, et voyant que le vin manquait, elle dit : « Ils n'ont point de vin ». Par là, elle voulait, d'une part, obliger ses hôtes; de l'autre, être glorifiée grâce à son Fils; peut-être aussi eut-elle quelques sentiments humains, comme ses frères qui lui disaient : « Faites-vous connaître au monde » (Jean, VII, 4), espérant profiter de la gloire qu'il s'acquerrait par ses miracles. Voilà pourquoi Jésus lui fit cette réponse assez vive : « Femme, qu'y a-t-il de commun entre vous et moi ? Mon heure n'est pas encore venue» ; mais toutefois il avait une très-grande considération pour sa mère. Saint Luc remarque qu'il était soumis à ses parents » (Luc, II, 5-1), et l'évangéliste saint Jean nous apprend le grand soin qu'il eut de Marie lorsqu'il était sur la croix. (Jean, XIX, 26.)
En effet, nous devons être soumis à nos parents, lorsqu'ils ne nous empêchent pas de remplir nos devoirs envers Dieu et qu'ils n'y apportent point d'obstacles; il est très-dangereux de ne pas suivre cette règle; ruais quand ils demandent quelque chose d'inopportun, et nous gênent dans les choses spirituelles, il n'est alors ni bon, ni sage de leur obéir. C'est pour cela que Jésus, ici et ailleurs encore, répond : « Qui est ma mère et qui sont mes parents?» (Marc, III, 33.) Car ils n'avaient pas encore de lui les sentiments qu'ils devaient avoir; mais sa mère, pour l'avoir mis au monde, croyait, selon la coutume des autres mères, pouvoir lui ordonner tout ce qu'elle voudrait, elle qui aurait dû l'honorer et l'adorer comme son Seigneur. Voilà pourquoi il lui répondit alors de cette façon.
Considérez, je vous prie, mes frères, ce spectacle : d'une part, Jésus est environné d'un grand peuple, toute cette foule uniquement attentive à l'entendre et à écouler sa doctrine; de l'autre, une femme accourt, perce la foule, vient l'appeler pour le faire sortir de l'assemblée et lui parler en particulier. Elle vient, [200] non pour entrer dans la maison, mais pour, l'en faire sortir et le prendre à part. C'est pourquoi il dit: « Qui est ma mère et qui sont « mes frères? » Non pour faire une injure à sa mère, Dieu nous garde d'une telle pensée , mais pour lui rendre le plus grand service en lui apprenant à concevoir une idée plus juste de sa dignité. S'il. avait soin des autres, et s'il n'omettait rien pour leur inspirer la juste opinion qu'ils devaient avoir de lui, à plus forte raison le faisait-il pour sa mère? Et comme il y a de l'apparence qu'ayant entendu ce qu'avait dit son Fils, elle ne voulut pourtant pas lui obéir, mais avoir le dessus, comme étant sa mère, c'est aussi pour cette raison qu'il lui fit cette réponse. En effet, Jésus ne l'aurait pas tirée de la basse opinion qu'elle avait de lui, ni élevée aux grands et sublimes sentiments qu'elle en devait avoir, si elle s'était toujours attendue à être honorée de son Fils comme sa mère, au lieu de le regarder comme son Seigneur et son Maître. C'est donc pour cette raison qu'il lui répondit alors : « Femme, qu'y a-t-il de commun entre vous et moi? »
Il y en avait d'ailleurs une autre qui l'obligeait à parler de la sorte : c'est qu'on aurait pu tenir pour suspect le miracle qu'il allait faire; car c'était à ceux qui étaient dans l'indigence et dans le besoin à le prier, et non pas à sa mère. Pourquoi? Parce que les plus grands prodiges, s'ils sont faits a la prière de parents, perdent le plus souvent beaucoup de leur mérite au jugement de ceux qui en sont témoins; mais quand les pauvres demandent et supplient eux-mêmes, le miracle cesse d'être suspect, les éloges qu'on en fait sont purs et , sincères, et le fruit en est considérable.
3. En effet, si un excellent médecin, venu pour visiter plusieurs malades dans leurs maisons, au lieu d'apprendre leur état de leur bouche même, ou de celle de leurs proches, est seulement supplié par sa propre mère, dès lors il sera suspect et incommode aux malades; et ni ces infirmes, ni ceux qui sont auprès d'eux n'en espéreront beaucoup : Voilà pourquoi Jésus-Christ reprit alors sa mère, eu lui disant : «Femme, qu'y a-t-il entre vous et moi? » Et ce fut là pour elle un avertissement de ne pas recommencer. Car s'il tenait à honorer sa mère, il avait encore bien plus à coeur son salut, et le bien qu'il devait faire au monde, s'étant pour cette fin revêtu de notre chair : ce n'était point là parler avec hauteur à une mère, mais veiller sagement sur ses paroles, et pourvoira ce que. les miracles s'opérassent avec la dignité convenable. Au reste, qu'il honorât beaucoup sa mère, il n'en faut point d'autre preuve, pour, négliger toutes les autres, que la réprimande qu'il lui adressa; cette sévérité montre même un grand respect comment? la suite,vous le fera voir.
Pensez donc à ces choses : Rappelez-les vous , lorsque vous entendrez une femme dire : « Heureuses sont les entrailles qui vous ont porté, et les mamelles qui vous ont nourri », et Jésus répondre : « Mais plutôt heureux sont ceux qui font la volonté de mon Père » (Luc, XI, 27, 28) ; et soyez persuadés,que c'est dans la même intention et dans le même esprit qu'il répond de la sorte à sa mère. Jésus ne fait pas à sa mère cette réponse pour la rebuter, mais pour lui déclarer qu'il ne lui serait nullement avantageux de l'avoir enfanté, si elle n'était très-vertueuse et très-fidèle. Or, s'il n'eût été d'aucune utilité à Marie d'avoir enfanté Jésus-Christ, à supposer que son âme n'eût pas été intérieurement ornée de vertu, à plus forte raison nous sera-t-il inutile à nous, qui n'avons rien de bon, d'avoir eu un père, un frère, un enfant, bons et vertueux, si nous sommes nous-mêmes éloignés de la vertu ; car David dit : « Le frère ne rachète point son frère, l'homme étranger le rachètera-t-il? » (Ps. XLVIII, 7.) En effet, après la grâce, de Dieu , on ne doit fonder l'espérance du salut sur nulle autre chose que sur les bonnes oeuvres.
Autrement, si l'enfantement du Christ avait suffi pour le salut de la Vierge, la parenté selon la chair qu'avaient les Juifs avec Jésus aurait dû pareillement leur être utile , de même pour la ville où il était né et pour ses frères. Mais ses frères mêmes ne gagnèrent rien à une telle parenté, lorsqu'ils négligeaient le soin de lotir salut, et se firent condamner avec le reste du monde; ils ne furent des objets d'admiration que lorsqu'ils eurent commencé à briller par leur propre vertu. De même, l'avènement du Sauveur n'a pas préservé Jérusalem d'être détruite et brûlée; ni les Juifs, ces parents de Jésus selon la chair, d'être massacrés et de périr misérablement, parce que l'appui de la vertu leur faisait défaut. Mais les apôtres se sont élevés au-dessus de tous les hommes, parce que, par leur soumission et leur obéissance, ils sont [201] véritablement entrés dans la famille de Jésus. Ces exemples et ces vérités nous apprennent, mes frères, que nous avons besoin de la foi et de l'éclat de la vertu ; car c'est là uniquement ce qui nous pourra procurer notre salut.
Certes , pendant longtemps les parents de Jésus-Christ ont fait l'admiration de tous les hommes, et ont été appelés Desposynes (1) ; mais maintenant nous ignorons même leurs noms; et au contraire les noms et la vie des apôtres sont célèbres par tout le monde. Ne nous glorifions donc pas de la noblesse de notre origine; mais quand nous pourrions même nous vanter d'être issus d'un grand nombre d'aïeuls célèbres et illustres, efforçons-nous de surpasser leur vertu, sachant qu'au jugement futur nous ne retirerons aucun avantage du mérite d'autrui, et n'en serons au contraire jugés que plus sévèrement, si, nés de parents gens de bien, et ayant devant nos yeux un exemple domestique, nous n'imitons pas ceux que nous devons regarder comme nos modèles et nos maîtres.
Je dis maintenant ceci, parce que je vois bien des gentils qui, lorsque nous les exhortons à embrasser la foi et le christianisme, se couvrent de leurs parents et de leurs aïeux, et disent : Tous mes parents, mes amis et mes camarades sont de bons chrétiens. Et de quoi cela vous sert-il, misérables et malheureux que vous êtes? Vous ne suivez pas vos camarades dans leur course, vous n'imitez pas leur vertu : c'est justement ce qui vous perdra.
1. Desposynes, c'est-à-dire, ceux uni appartiennent au Maître, au seigneur.
D'autres encore, qui, à la vérité, sont fidèles, mais peu réglés dans leurs moeurs, apportent la même excuse, quand on les excite à la vertu : Mon père, mon aïeul, mon bisaïeul ont été des hommes d'une grande piété et d'une éminente vertu. Mais voilà précisément de quoi vous damner; vous sortez de ces saints personnages et vous dégénérez, et vous faites des actions indignes d'une si belle origine Écoutez ce que le prophète dit aux Juifs « Jacob a été réduit à servir et à garder les « troupeaux pour avoir Rachel ». (Osée, XII,12.) Écoutez ce que dit Jésus-Christ : « Abraham votre père a désiré avec ardeur de voir mon jour : il l'a vu, et il en a été rempli de joie». (Jean, VIII, 56.) Où vous voyez que partout la vertu des ancêtres est produite non-seulement comme un titre de gloire, mais encore comme un nouveau sujet d'accusation.
Puisque nous le savons, mes chers frères, faisons tous nos efforts pour nous sauver par nos propres oeuvres, de peur que, comptant vainement sur celles d'autrui, nous ne connaissions que nous nous sommes trompés que lorsque cette connaissance nous sera inutile. Car, dit l'Écriture, « qui est celui qui vous confessera dans l'enfer? » (Ps. VI, 5.) Faisons donc pénitence en ce monde, afin que nous puissions acquérir les biens éternels. Plaise à Dieu que tous nous les obtenions, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui et avec qui la gloire et l'empire soient au Père et au Saint-Esprit, dans tous les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.