HOMÉLIE XIV

HOMÉLIE XIV.

ET NOUS AVONS TOUS REÇU DE SA PLÉNITUDE , ET GRACE POUR GRACE. (VERSET 16.)

 

ANALYSE.

 

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1. Ce que nous avons reçu de la plénitude de Jésus-Christ:

2. Différence entre l'ancienne et la nouvelle Loi.—  Signification de ces paroles : Grâce pour grâce.— Dieu nous prévient toujours de ses bienfaits.

3 et 4. Les figures de l'Ancien Testament ont en leur accomplissement dans le Nouveau.—  Explication de quelques-unes de ces figurés.— Dans les combats publics on n'excite point à la course ceux qui se sont laissé renverser, mais seulement les braves athlètes.— Au contraire, dans les combats spirituels on exhorte, on anime indifféremment les uns et les autres, parce que ceux qui sont tombés, peuvent se relever, et remporter encore la victoire.— L'amertume des remèdes ne doit décourager ni rebuter personne : leur utilité se montrera dans la suite.—  Les pécheurs et les justes même, tous ont besoin de remèdes, de corrections et de bons avis.

 

l. Nous disions dernièrement, mes frères, que Jean-Baptiste; pour lever les doutes de ceux qui se demanderaient comment Jésus-Christ, venu après lui pour prêcher, pouvait être plus ancien et plus illustre que lui, avait ajouté ces mots : « Parce qu'il est plus ancien a que moi ». C'est là une des raisons; mais il en ajoute une autre que nous avons maintenant à vous expliquer. La voici : « Nous avons tous reçu de sa plénitude, et grâce pour grâce ». Et après celle-là il en ajoute encore une autre : « Car la loi a été donnée par Moïse, mais la grâce et la vérité a été apportée par Jésus-Christ (17) ».

Que signifient ces paroles , direz-vous : « Nous avons tous reçu de sa plénitude?» C'est à quoi je dois d'abord m'attacher. Donner, pour lui, veut-il dire, ce n'est point partager, il est lui-même le principe et la source de tous les biens; il est la vie même, la lumière même, la vérité même ; il ne retient pas en lui-même ses trésors, mais il les répand sur tous les autres; et après qu'il les a répandus, il demeure plein ; après qu'il a donné, aux autres, il n'à rien de moins; mais il prodigue ses biens, toujours il les répand, et en les répandant avec profusion sur les autres, il demeure dans la même perfection, dans la même plénitude. Ce que j'en ai moi-même n'est qu'une petite portion que j'ai reçue d'un autre, et la moindre partie du tout, et comme une goutte d'eau si on la compare à cette ineffable source, à cette mer immense.

Mais cette comparaison même n'explique point assez ce que nous tâchons de vous faire entendre. Car si vous puisez dans la mer une goutte d'eau, dès lors vous l'avez diminuée, quoique cette diminution soit imperceptible aux yeux. Or, on ne peut pas dire la même chose de cette source; quelque quantité d'eau que vous y puisiez, elle demeure néanmoins entière et ne souffre aucune diminution. C'est pourquoi il faut prendre un autre exemple; Irais il est encore faible et ne suffit pas pour représenter ce que nous voudrions décrire; toutefois il nous achemine mieux que l'autre à l'idée dont il s'agit. Supposons un foyer où l'on allume mille, deux mille, trois mille flambeaux, et beaucoup plus encore; ce feu, après avoir communiqué sa lumière et sa vertu à tous ces milliers de flambeaux, ne demeure-t-il pas plein et entier? Personne ne l'ignore. Que si parmi les corps, choses divisibles, que le partage diminue, on en trouve qui peuvent donner. du leur aux autres, sans souffrir de diminution, à combien plus forte raison en sera-t-il de même pour l'Etre incorporel et impérissable? Car s'il n'y a pas nécessairement partage quand la chose communiquée est une substance corporelle, lorsqu'on parle d'une vertu, et d'une vertu provenant d'une substance incorporelle, n'est-il pas plus évident [164]  encore qu'elle ne doit subir aucune division? Voilà pourquoi saint Jean dit : « Nous avons « tous reçu de sa plénitude », et joint son témoignage à celui de Jean-Baptiste. Car ce n'est pas le précurseur, mais l'Apôtre qui dit ces paroles: « Nous avons tous reçu de sa plénitude ». Et voici ce qu'il veut dire par là. Ne croyez pas que nous, qui avons demeuré longtemps avec Jésus-Christ, et mangé à sa table, nous rendions témoignage de lui par faveur et par complaisance. Jean-Baptiste, qui ne l'avait point vu ni rencontré avant de le baptiser, le voyant alors avec les autres, s'est écrié : « Il est plus ancien que moi ». Mais nous, tous les douze, les trois cents personnes, cinq cents, trois mille, cinq mille, plusieurs milliers de Juifs , toute la multitude des fidèles, qui a été. alors, qui est maintenant, et qui sera, nous avons tous reçu de sa plénitude.

Mais qu'avons-nous reçu ? « Grâce pour grâce ». Quelle grâce, pour quelle grâce ? Nous avons reçu la, nouvelle grâce pour l'antienne. Comme il y avait une justice et une justice : «Pour ce qui est », dit saint Paul, « de la justice de la loi, ayant mené une vie irréprochable » (Phil. III, 6), il y a aussi une foi et une foi : « De la foi dans la foi» (Rom. I, 17) , une adoption et une adoption : « A qui appartient l'adoption » (Rom. IX, 4), dit le même apôtre. Il y a aussi, selon lui, deux gloires : « Si le ministère qui devait finir a été glorieux, celui qui durera » toujours « le doit être beaucoup davantage » (II Cor. III, 11) ; et deux lois, car il dit encore : « La loi de l'esprit de vie m'a délivré ». (Rom. VIII, 2) ; et deux cultes : « Dont la servitude » , c'est-à-dire le culte ; et ailleurs : « Servant Dieu en esprit ». Il y a aussi deux testaments : « Je ferai avec vous » , dit le Seigneur, « une nouvelle alliance, non une alliance pareille à celle que je fis avec vos pères ». (Jérém. XXXI, 31, 32.) Il y a aussi une sanctification et une sanctification, un baptême et un baptême, un sacrifice et un sacrifice, un temple et un temple, une circoncision et une circoncision, et de même il y a une grâce et une grâce. Mais les premières de ces choses sont en quelque sorte la figure , celles-ci sont la vérité : ces mots sont homonymes, mais ils ne sont pas synonymes; c'est ainsi que, dans les images, une figure dessinée avec du noir sur du blanc s'appelle homme, tout aussi bien que l'homme peint au naturel avec les couleurs convenables. De même les statues, qu'elles soient d'or ou de terre cuite, on les appelle également statues; mais d'une part il n'y a qu'une figure, de l'autre se trouve la vérité.

2. De la seule conformité des noms, ne concluez donc pas, que les choses soient les mêmes , ni davantage qu'elles soient différentes. Les figures anciennes, en tant que figures, avaient quelque chose de la vérité, mais l'ombre dont elles restaient couvertes les rendaient inférieures à la vérité proprement dite. Quelle différence donc y a-t-il entre ces deux ordres de choses ? Voulez-vous que nous l'examinions dans une ou deux dé celles que j'ai rapportées ci-dessus? par là vous connaîtrez parfaitement toutes les autres. Nous verrons que celles-là contenaient des lois et des préceptes pour des enfants; que celles-ci sont faites pour des hommes mûrs et forts; que celles-là étaient données comme pour former des hommes; que celles-ci sont établies comme pour faire des anges. Par où commencerons-nous donc? Souhaitez-vous que ce soit par l'adoption? Quelle différence y a-t-il entre l'ancienne et la nouvelle? La première n'était qu'une prérogative nominale, la seconde est réelle et véritable. De celle-là il est écrit: «J'ai dit: vous ôtes des Dieux, et vous êtes tous « enfants du Très-Haut ». (Ps. LXXXI, 6.) Mais de celle-ci : « Ils sont nés de Dieu même ». (Jean,  I,13.) Comment, de quelle façon? « C'est par l'eau de la renaissance, et par le renouvellement du Saint-Esprit ». (Tit. III, 5.) Et certes , les Juifs , quoiqu'appelés enfants de Dieu, avaient encore l'esprit de servitude; ils demeuraient esclaves, tout en étant honoris du nom d'enfants : mais nous, devenus libres, nous avons reçu l'honneur d'être faits enfants de Dieu ; non de nom, mais réellement et de fait: et c'est là ce que nous déclare saint Paul, en disant : « Vous, n'avez point reçu l'esprit de servitude pour vous conduire encore par la crainte : mais vous avez reçu l'esprit de l'adoption des enfants , par lequel nous « crions : Mon père, mon père ». (Rom. VIII, 15.) En effet., c'est régénérés par la vertu d'en. haut, et comme entièrement renouvelés, que nous avons été appelés enfants de Dieu.

Mais si l'on apprend quelle était la mesure de leur sainteté, en quoi ils la faisaient consister: si l'on considère ce qu'est le Juif, ce [165] qu'est le chrétien, on y trouvera encore bien de la différence. Les Juifs, quand ils n'adoraient pas les idoles, quand ils ne commettaient ni fornications, ni adultères, étaient appelés saints; mais nous, nous devenons saints, non pour nous être seulement abstenus de ces vices, mais par la possession des plus éminentes vertus. Ce don, nous l'acquérons premièrement par la descente du Saint-Esprit en nous, et ensuite par une vie beaucoup plus excellente que celle du Juif. Mais, afin que vous ne croyiez pas que je vous parle ainsi par ostentation, écoutez ce que leur dit l'Ecriture : « Gardez-vous de laver et de purifier vos enfants, parce que vous êtes un peuple saint (1) ». (Deut. XVIII, 10.) S'abstenir du culte des idoles, c'était donc là en quoi, consistait leur sainteté, mais il n'en est pas ainsi de nous : « Il faut être saint de corps et d'esprit » (I. Cor. VII, 34) : il faut «tâcher d'avoir la paix et de vivre dans la sainteté, sans laquelle nul ne verra  Dieu ». (Héb. XII, 14.) Et : « Achever l'oeuvre de notre sanctification dans la crainte de Dieu ». (II Cor. VII, 1.) Le nom de « saint » n'a pas la même signification appliqué à tous. Bien est appelé saint, mais non comme nous. Faites attention à ce que dit le prophète quand il entendit les séraphins prononcer ce nom

« Malheur à moi, que je suis malheureux, parce qu'étant homme, j'ai des lèvres impures et que j'habite au milieu d'un peuple qui a aussi des lèvres souillées ». (Isaïe, VI, 5, LXX.) Voilà comme Isaïe parle de lui-même, quoiqu'il fût pur et saint : mais pour nous, si nous comparons notre sainteté à cette sainteté qui habite dans les cieux, nous sommes impurs. Les anges sont saints, les archanges, les chérubins et les séraphins sont saints : mais il y a encore une autre sainteté supérieure à celle de ces puissances célestes non moins qu'à la nôtre. Je pourrais parcourir ainsi les différences de toutes les autres saintetés, mais je m'aperçois que mon discours est déjà trop long; c'est pourquoi, sans nous arrêter davantage à cette recherche, nous la laisserons à votre examen. Vous pouvez, quand vous serez dans vos maisons, vous rappelant ce que nous venons de vous faire observer, envisager cette différence et l'étendre à tout le reste : « Donnez une occasion au sage », dit l'Ecriture,

 

1. Saint Chrysostome cite ici de mémoire, ou il ne prend que la substance de ce passage; car il est autrement dans, les Septante et dans la Vulgate, où on peut le voir au lieu cité.

 

et il deviendra encore plus sage ». (Prov. IX, 9.) Nous avons commencé, ce sera maintenant à vous de finir.

Poursuivons notre discours. L'évangéliste ayant dit : « Nous avons tous reçu de sa plénitude », ajoute : « Et grâce pour grâce ». Par où il nous fait connaître que les Juifs ont aussi été sauvés par la grâce. Car, dit le Seigneur, ce n'est pas parce que vous vous êtes multipliés que je vous ai choisis, mais c'est à cause de vos pères. Si ce n'est donc pas pour leurs propres mérites que Dieu les a choisis, il est évident que c'est par la grâce qu'ils ont reçu cet honneur. Et nous aussi nous avons été sauvés par la grâce, mais non de la même manière. Nous ne l'avons pas été par les mêmes voies, mais par des moyens beaucoup plus grands -et plus sublimes. C'est pourquoi la grâce que nous avons reçue n'est pas la même que la leur. Nous n'avons pas seulement reçu la rémission de nos péchés; en quoi il n'y a nulle différence entre eux et nous, également pécheurs : mais Dieu nous donne aussi la justice, la sainteté, l'adoption, la grâce du Saint-Esprit avec plus de magnificence et d'abondance. C'est cette grâce qui nous rend chers et agréables à Dieu, non plus comme de simples serviteurs, mais comme étant ses enfants et ses amis. Voilà pourquoi saint Jean dit : « Grâce pour grâce ».

Les lois et les cérémonies légales étaient aussi des grâces : comme c'en est une encore d'avoir été tiré du néant. Car ce n'est point là une grâce de nos mérites précédents : comment cela se pourrait-il, puisque nous n'étions pas? mais Dieu nous prévient toujours de ses bienfaits. Et non-seulement notre création est une grâce, mais c'en est encore une que Dieu ait donné aux hommes qu'il a créés la connaissance de ce qu'ils doivent faire et ne point faire; et que cette loi, nous la trouvions dans la nature : que dans nous il ait placé l'incorruptible tribunal de la conscience; c'est une très-grande grâce et un effet de son ineffable bonté. C'est encore une grâce d'avoir rétabli par la loi écrite la loi naturelle que nous avions violée; car la conséquence naturelle eût été le supplice et la vengeance de ceux qui avaient défiguré la loi une fois donnée. Cependant Dieu ne l'a point fait; mais il leur a fourni les moyens de se corriger, il leur a accordé le pardon, qu'il ne leur devait point, par un pur effet de sa grâce et de sa miséricorde [166]. Que ce fut là un pur don de sa miséricorde et de sa grâce, David nous l'apprend; écoutez ce qu'il dit : « Le Seigneur fait ressentir les effets de sa miséricorde, et il fait justice à tous ceux qui souffrent l'injustice et la violence ; il a fait connaître ses voies à Moïse et « ses volontés aux enfants d'Israël ». (Ps. CII, 6, 7.) Et derechef : « Le Seigneur est plein de douceur et de droiture, c'est pour cela qu'il donnera à ceux qui pèchent la loi qu'ils doivent suivre dans leur conduite ». (Ps. XXIV, 9.)

3. La loi que le Seigneur nous a donnée est donc l'ouvrage de sa miséricorde, de sa compassion, de sa grâce. C'est pourquoi saint Jean ayant dit : « Grâce pour grâce », insiste avec plus de force sur la grandeur de ses dons, et il ajoute : « La loi a été donnée par Moïse; mais la grâce et la vérité a été apportée par Jésus-Christ ». Considérez avec quelle douceur et quel ménagement Jean-Baptiste et le disciple élèvent peu à peu, et par une seule parole, leurs auditeurs à la plus haute connaissance; après les y avoir préparés par ce qu'il y a de plus simple et de plus bas. Jean-Baptiste commence par comparer avec lui-même celui qui, sans comparaison, surpasse tous les autres; mais ensuite il fait connaître son excellence, en disant : « Celui-ci est avant moi », et ajoutant après : « Il est plus ancien que moi ». Le disciple a fait quelque chose de plus; mais il est pourtant demeuré au-dessous de ce que demandait la dignité de Fils unique. Car il ne le compare pas à Jean-Baptiste, mais à celui que les Juifs admiraient plus Jean-Baptiste, c'est-à-dire à Moïse. « La loi », dit-il, « a été donnée par Moïse : mais la grâce et la vérité a été apportée par Jésus-Christ ». Voyez, mes frères, voyez sa prudence, il ne fait ni comparaison, ni examen des personnes, mais des choses. Comme les choses que Jésus-Christ avait opérées se montraient visiblement beaucoup plus grandes, nécessairement aussi les plus aveugles devaient-ils consentir au témoignage qui lui était rendu : alors, en effet, que les oeuvres mêmes, qu'on ne peut soupçonner ni de flatterie, ni d'envie, ou de haine, parlent et rendent témoignage; quelque prévenus que soient ceux qui les voient, ils ne peuvent les nier, tant ce témoignage est sûr et certain : car elles demeurent à tous les yeux telles qu'elles ont été faites : c'est pourquoi elles sont au-dessus de tout soupçon et de toute réplique.

Mais observez, mes frères, combien l'évangéliste a soin de ménager les esprits de ses auditeurs, de manière à ne pas choquer même les plus faibles. Il n'entasse point les paroles pour faire ressortir la supériorité que l'un a sur l'autre; mais en opposant la grâce et la vérité à la loi, et ce mot : « A été apportée », à celui-ci : « A été donnée », il montre la différence des choses par leur simple dénomination. Cette différence est grande, car ces mots: « A été donnée », marquent un ministre qui donne ce qu'il a reçu à ceux à qui il lui a été ordonné de le transmettre : mais ceux-ci : « La grâce et la vérité a été apportée », désignent un roi qui remet les péchés par sa puissance et par son autorité, et qui dispose lui-même de ses dons. Voilà pourquoi il disait « Vos péchés vous seront remis ». Et encore: «Or, afin que vous sachiez que le Fils de l'homme a le pouvoir sur la terre de remettre les péchés, il dit au paralytique : Levez-vous, je vous le commande, emportez votre lit, et allez-vous-en en votre maison ». (Marc, II, 9, 10, 11.)

Ne voyez-vous pas de quelle manière la grâce est apportée par Jésus-Christ? voyez aussi comment il a apporté la  vérité. Ses paroles, ce qu'il a fait à l'égard du larron, le don du- baptême, la grâce du Saint-Esprit qui nous est donnée par lui, et plusieurs autres choses, montrent visiblement la grâce.

Maintenant, si nous étudions le sens des figures, nous découvrirons plus manifestement la vérité que Jésus-Christ a apportée. Car ce qui devait avoir son accomplissement dans le Nouveau Testament, des figures l'avaient marqué à l'avance autant qu'il appartient à des figures, et Jésus-Christ venant au monde les a accomplies. Examinons donc ces figures dans un petit nombre d'exemples : car le temps ne nous permet pas d'épuiser ce sujet. Le petit nombre de celles que je vais expliquer vous donnera l'intelligence des autres. Voulez-vous que nous commencions par celles qui regardent la Passion de Notre-Seigneur? Que dit la figure ? « Prenez un agneau pour chaque maison, immolez-le et faites comme le Seigneur vous l'a prescrit, et vous le commande ». (Exod. XII, 3.) Jésus-Christ ne parle pas de même, il ne commande pas de faire cela, mais il s'offre et s'immole lui-même à son Père comme une hostie.

 

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4. Voyez, mes frères, comment la figure a été donnée par Moïse, et la vérité a été apportée par Jésus-Christ. Et encore : sur le mont Sina, lorsque les Amalécites vinrent attaquer les Hébreux, les bras de Moïse étaient soutenus des deux côtés par Hor et Aaron (Exod. XVII), mais Jésus-Christ a tenu lui-même ses mains étendues sur la croix. En quoi vous voyez comment la figure a été donnée et la vérité a été apportée. La loi disait : « Maudit qui« conque ne demeure pas ferme dans ce qui « est écrit dans ce livre (1) ». (Deut. XXVII, 26, LXX.) Mais que dit la, grâce? « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et qui êtes chargés, et je vous soulagerai ». (Matth. XI, 23.) Et saint Paul : « Jésus-Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi, s'étant rendu lui-même malédiction pour nous ». (Gal. III, 13.) Puisque nous jouissons donc d'une si grande grâce, et de la vérité, je vous en conjure, mes chers frères, prenons garde que la grandeur de ce don ne nous rende plus lâches et plus paresseux. Plus est grand l'honneur que nous avons reçu, plus aussi doit être grande notre vertu. Celui qui, ayant peu reçu, rapporte peu, n'est pas beaucoup à blâmer mais on jugera digne du plus grand supplice celui qui, élevé au plus haut degré d'honneur, ne fait ensuite rien que de bas et de méprisable.

Mais, à Dieu ne plaise que nous ayons jamais à craindre pour vous rien de semblable : au contraire, nous avons dans le Seigneur cette ferme confiance que vos âmes, comme portées par des ailes, se sont absolument détachées de la terre et élevées jusque dans le ciel, et que, quoique vous demeuriez encore dans ce monde, vous ne vous occupez nullement de ce qui s'y passe. Toutefois, avec cette bonne confiance, nous ne cessons pas de vous réitérer souvent les mêmes avis. Ainsi, dans les combats publics, les spectateurs ne s'attachent qu'à encourager ces braves athlètes qui luttent et courent. vaillamment, et ils ne disent mot à ceux qui se sont laissé renverser et jeter par terre; ils savent que leurs exhortations n'auraient pas le pouvoir de relever ceux qui se

 

1. Autrement : Maudit celui quine demeure pas ferme dans les ordonnances de cette Loi. Vulg.

 

sont une fois exclus de la victoire, et ne perdent point leur peine à les réprimander : ici, dans ces combats spirituels, il y a toujours à espérer, non-seulement de vous qui veillez et vous tenez sur vos gardes, mais encore de ceux qui sont tombés, s'ils veulent se relever et changer de vie. Voilà donc pourquoi nous mettons tout en oeuvre : nous usons de prières, d'exhortations, de reproches, de réprimandes, de louanges, pour opérer votre salut.

Ne trouvez donc pas mauvais qu'on vous exhorte souvent à mener une vie simple et honnête. Nos exhortations ne sont point des imputations de négligence; elles attestent seulement les bonnes espérances que nous avons pour vous. Au reste, ce que nous disons et ce que nous avons encore à dire ne vous regarde pas seuls, mais nous aussi. Nous aussi, nous avons besoin des mêmes leçons : quoiqu'elles soient dans notre bouche, ce n'est pas à dire qu'elles ne nous regardent point. La prédication corrige le pécheur, et elle éloigne de plus en plus du péché l'homme de bien qui en est exempt. Et certes, nous-mêmes, nous ne sommes pas sans péché. La médecine nous est commune, les remèdes nous sont également offerts à tous, mais la guérison dépend de notre volonté. Celui qui use du remède comme il faut, recouvre la santé ; celui qui n'applique point de remède à sa plaie, augmente le mal et marche à sa ruine. Gardons-nous donc de murmurer du traitement : au contraire, il faut nous en réjouir, quand la prédication nous causerait d'amères douleurs . le fruit n'en sera que plus délicieux. N'oublions , n'omettons rien, pour arriver à la vie éternelle, exempts des plaies et des blessures que les dents du péché font à l'âme; afin que nous étant rendus dignes de paraître devant Jésus-Christ, nous ne soyons pas en ce terrible jour livrés aux puissances cruelles et vengeresses, mais à celles qui nous introduiront dans l'héritage des cieux, qui est préparé pour ceux qui aiment Dieu. Je le prie de nous en faire part à nous tous, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ; à qui soit, la gloire et l'empire dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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