ANALYSE.
1. De quelle manière Jésus-Christ reçoit témoignage de saint Jean. La saine doctrine ne sert de rien sans les bonnes oeuvres.
l. L'évangéliste, après avoir dit dans son exorde ce qu'il y a de plus important et de plus nécessaire à connaître du Verbe-Dieu, suivant l'ordre et la suite de son sujet, nous va maintenant parler du précurseur qui devait annoncer le Verbe, et qui s'appelait Jean comme lui. Pour vous, lorsque vous entendez que Jean est un homme qui a été envoyé de Dieu, cessez de croire qu'il y ait eu rien d'humain dans ses paroles; ce n'est point sa doctrine, qu'il nous a enseignée, mais celle de Celui qui l'envoya. Voilà pourquoi il est appelé ange : or, le devoir d'un ange ou d'un ambassadeur est de se Borner à répéter ce qu'on lui a dit. Ce mot : « il a été » ne signifie pas ici le passage du non-être à l'être, ou à l'existence, mais la mission même. Cette parole : « il a été envoyé de Dieu » ne signifie autre chose sinon qu'il était ambassadeur de Dieu.
Comment donc les hérétiques peuvent-ils soutenir que le passage qui dit : « Qui ayant a la forme et la nature de Dieu » (Philip. II, 6), ne prouve pas que le Fils est égal au Père, pour cela seul que le mot Theous, « de Dieu », n'est, pas précédé de l'article tou? Car voici encore un endroit (1) sans article. Diront-ils que ce n'est pas du Père qu'il y est parlé ? mais que répondront-ils encore sur ces paroles du prophète : « J'envoie devant vous mon ange qui vous préparera la voie ? » (Mal. III, 1; Matth. XI, 10.) Ces paroles : « moi » et « vous » signifient deux personnes.
« Il vint pour servir de témoin, pour rendre témoignage à la lumière (7) ». Quoi ! dira peut-être quelqu'un , le serviteur rend témoignage à son Maître? mais lorsque vous verrez le Maître, non-seulement recevoir le témoignage de son serviteur, mais encore venir à lui, et se faire baptiser par lui avec les Juifs, ne serez-vous donc pas dans un plus grand étonnement et dans un plus grand doute? Mais il ne faut pas vous étonner, ou vous troubler; vous devez plutôt admirer l'ineffable bonté de ce Maître. Que si quelqu'un demeure saisi de vertige et de trouble, Jésus-Christ lui dira ce qu'il répondit à Jean : «Laissez-moi faire pour cette
1. On voit bien que le saint Docteur parle du verset qu'il explique : « Un homme a été envoyé de Dieu », où dans le texte le mot Theou n'est point précédé de l'article tou, quoiqu'il soit visible que c'est de Dieu le Père que parle l'évangéliste.
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heure, car c'est ainsi qu'il faut que nous accomplissions toute justice ». (Matth. III, 15.) Et si son étonnement redouble, il lui répétera ce qu'il a dit aux Juifs : « Pour moi, ce n'est pas d'un homme que je reçois le témoignage ». (Jean, V, 34.)
S'il n'a donc pas besoin de ce témoignage, pourquoi Jean est-il envoyé de Dieu? ce n'est pas pour le besoin qu'avait le Verbe de ce témoignage, ce serait une extrême impiété de le dire : mais enfin, pourquoi? Jean nous l'apprend lui-même, lorsqu'il dit: « Afin que tous crussent par lui » ; mais comme Jésus-Christ après avoir dit, parlant de Jean : « Il y en a un autre qui rend témoignage de moi : Et je sais que le témoignage qu'il en rend est véritable », dit maintenant : « Pour moi, ce n'est pas d'un homme que je reçois le témoignage », il pouvait sembler aux fous et aux insensés, qu'il se contredisait lui-même par ces dernières paroles; aussi l'explication arrive-t-elle tout de suite : « Mais », dit-il, « je dis ceci afin que vous soyez sauvés ». (Jean, V, 34.) C'est comme s'il disait : Je suis Dieu, et le vrai Fils de Dieu, émané de cette immortelle et bienheureuse substance : je n'ai besoin du témoignage de personne. Car, quand personne ne voudrait me rendre témoignage, je ne serais pas pour cela diminué dans ma nature. Jaloux du salut du monde, je me suis abaissé et humilié jusqu'à vouloir bien charger un homme de me rendre témoignage. En effet, les Juifs, sur une conduite si proportionnée à leur faiblesse et à leur grossièreté, devaient plus facilement se porter à croire en lui.
Comme le Verbe s'est donc revêtu de notre chair, de peur que; venant à nous dans sa majesté et dans tout léclat de sa divinité, il ne nous perdit tous; il a de même envoyé devant lui un homme pour lui servir de précurseur, afin que les hommes d'alors, entendant une voix de même nature que la leur, s'en approchassent plus facilement. Mais, qu'il n'avait pas besoin de ce témoignage, la preuve en est visible : il n'avait qu'à se montrer dans sa substance toute pure, pour frapper tous les hommes de crainte et de terreur : il ne l'a point fait, comme je viens de dire, parce qu'ils auraient tous péri, nul ne pouvant soutenir la force et la splendeur de cette lumière inaccessible. C'est aussi pour cette raison qu'il s'est revêtu de la chair, et il a donné la charge à un de nos compagnons de rendre témoignage de lui, parce qu'il a tout fait pour le salut des hommes, et qu'il n'a pas seulement eu égard à sa dignité, mais encore à la faiblesse des hommes et à leur intérêt.
Jésus-Christ nous le déclare lui-même par ces paroles : « Je dis ceci afin que vous soyez sauvés ». (Jean, V, 34.) L'évangéliste , qui parie conformément à ce que dit le Seigneur, nous en avertit aussi. Car, après avoir dit : « Il vint pour rendre témoignage à la lumière », il a ajouté : « Afin que tous crussent par lui ». C'est à peu près comme s'il disait: Ne croyez pas que Jean-Baptiste soit venu rendre témoignage pour donner plus de force et d'autorité à la parole du Seigneur, et la rendre plus croyable : ce n'est point pour cela qu'il est venu , mais afin que ses concitoyens crussent par lui.
Ce qui suit démontre évidemment que c'est pour prévenir ce soupçon qu'il a dit ces choses, car il ajoute : « Il n'était pas la lumière » paroles qui deviendraient inutiles , et seraient plutôt une simple répétition qu'une explication de sa doctrine, si l'évangéliste, en les ajoutant, n'eût pas voulu nous prémunir contre ce soupçon. Ayant dit : « Il vint pour rendre témoignage à la lumière », pourquoi dit-il encore : « Il n'était pas la lumière » ? Ce n'est pas en vain ni sans raison, mais c'est parce que souvent parmi nous, celui qui rend témoignage , est plus grand et plus considéré que celui à qui il rend ce témoignage; et que souvent il paraît aussi plus digne de foi. Voilà pourquoi, de peur qu'on eût lieu d'avoir ce sentiment de Jean, l'évangéliste détruit dès le commencement tout ce mauvais soupçon, et après l'avoir complètement extirpé, il fait connaître quel est celui qui rend témoignage, et quel est celui de qui le témoignage est rendu, et l'extrême différence qu'il y a entre l'un et l'autre. Après l'avoir fait, et avoir montré l'incomparable excellence de celui à qui Jean rend témoignage, il poursuit son discours avec sécurité; une fois qu'il a fait exacte justice de toutes les absurdes pensées qui pouvaient venir dans l'esprit des gens sans intelligence, il sème et répand ensuite facilement et sans obstacle la doctrine du salut.
C'est pourquoi, mes chers frères, prions maintenant le Seigneur qui nous a révélé de si grandes choses, et qui nous a donné une si pure doctrine, de nous faire la grâce de [135] mener, en outre, une vie pure et toute sainte. Car la saine doctrine n'apporte aucune utilité sans les bonnes couvres. Quand nous posséderions la foi la plus pure, et une parfaite intelligence des saintes Ecritures, si la sainteté de nos moeurs et de notre vie ne nous soutient et nous protège, rien n'empêchera que nous ne soyions jetés au feu de l'enfer, et éternellement brûlés dans cette flamme qui ne s'éteindra point. De même que ceux qui. auront fait de bonnes oeuvres ressusciteront pour la vie éternelle, ainsi ceux qui n'auront pas craint d'en faire de mauvaises , ressusciteront pour être condamnés à un supplice éternel, et qui ne finira jamais.
Appliquons donc tous nos soins à ne pas perdre par nos mauvaises couvres le profit de la vraie foi, et à nous signaler en outre par nos actions (Tit. II, 12», afin que nous puissions nous présenter à Jésus-Christ avec confiance. Rien ne peut égaler un si grand bonheur. Veuille le Ciel qu'ayant bien profité de cette instruction, nous n'ayons tous en vue que la gloire de Dieu, à qui soit-elle rendue, et au Fils unique, et au Saint-Esprit, dans tous les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.