ANALYSE.
1. Allégresse de Jacob.
2. Dieu l'encourage à partir. Sa joie en revoyant Joseph.
3. Intelligence de Joseph. La famille de Jacob s'établit en
Égypte.
4. Comment il sait faire tourner au profit de son maître la
détresse publique. Ses égards pour les prêtres. Exemple à suivre, surtout pour des
chrétiens.
5. Continuation du même sujet. Exhortation à compter sur la
Providence.
1. Vous avez vu, par notre discours d'hier, la profonde sagesse de Joseph et l'inexprimable patience dont il fit preuve à l'égard de ses frères; comment, non pontent de ne faire aucune allusion à leur conduite envers lui, il était allé, au moment où ils s'apprêtaient à retourner auprès de leur père, jusqu'à leur conseiller, les conjurer de ne pas s'accuser mutuellement au sujet du traitement qu'ils lui avaient fait subir, de bannir d'au milieu d'eux tout ressentiment et de faire leur voyage en bonne intelligence. Il nous faut aujourd'hui reprendre la suite de cette histoire, afin de nous représenter et le retour des voyageurs auprès de leur père, et la venue de Jacob en Egypte : et comment ce vieillard rajeunit, reverdit pour ainsi dire, en apprenant ce qui concernait Joseph. Qui pourrait, en effet, représenter par des paroles, la joie qu'il ressentit alors, en recevant la nouvelle que Joseph était vivant et au comble des honneurs? Vous n'ignorez pas, sans doute, ce que l'imprévu ajoute de charmes au bonheur. Celui qu'il croyait dévoré par les bêtes sauvages, il y avait bien des années, voici qu'il le savait maître de l'Égypte entière ; comment l'excès de l'allégresse n'aurait-il pas jeté son âme dans la stupeur? Car une joie trop vive a souvent les mêmes effets qu'une extrême douleur. Souvent on voit des gens verser des larmes à la suite d'une joie excessive; d'autres rester connue frappés de la foudre en présence d'un événement inespéré, en revoyant subitement en vie ceux qu'ils croyaient morts. Mais mes paroles deviendront plus claires quand nous aurons écouté le texte lui-même. Et ils revinrent d'Égypte, et ils arrivèrent dans le pays de Chanaan, auprès de Jacob leur père, et ils lui firent leur rapport, disant: Ton fils Joseph est en vie, et il commande ci toute la terre d'Égypte. Et Jacob demeura stupéfait, car il ne les croyait pas. Voyez-vous que mes paroles se vérifient? Ce qu'on lui rapporte touchant Joseph lui parait incroyable, au point que sa raison en est tout ébranlée, et qu'il soupçonne ses enfants d'avoir voulu le tromper. En effet, ces mêmes frères qui jadis avaient rapporté une tunique teinte du sang d'un chevreau, et l'avaient montrée à leur père afin de lui faire croire que Joseph était devenu la proie des bêtes féroces, ce, sont eux qui viennent dire aujourd'hui : Joseph est en vie et il commande à toute l'Égypte. Troublé, stupéfait, il se demandait en lui-même comment la raison pouvait admettre cela; car, si le premier rapport avait été vrai, le second n'était pas croyable; (425) et si le dernier était croyable et vrai, l'autre D 'avait donc été qu'un mensonge ; et ce qui le déconcertait le plus, c'était que la première nouvelle lui était venue de ses fils, et qu'il recevait de la même source une autre nouvelle toute contraire. Eux, voyant le trouble où était leur père, et voulant le convaincre pleinement de la vérité de leurs paroles, ils lui répétèrent les propos de Joseph et tout ce qu'il leur avait dit. (Ib. 27.) A ces paroles, ils joignirent les autres commissions dont Joseph les avait chargés, les chars et les présents qu'il envoyait à son père; par là, ils purent enfin convaincre Jacob que leur récit n'était pas mensonger. En voyant les chars dépêchés pour l'emmener en Egypte, son feu se ralluma, dit l'Écriture. Ce vieillard caduc et décrépit, voici qu'il rajeunit dans son allégresse. Son feu se ralluma. Qu'est-ce à dire? Comme on voit la lumière d'une lampe près de s'éteindre faute d'huile pour l'alimenter, tout à coup, pour peu qu'on 'y verse une goutte d'huile, renaître et briller d'un plus vif éclat, de même ce vieillard, à la veille de s'éteindre au souffle du chagrin (Il n'avait pas voulu être consolé, disant : Je descendrai avec mon deuil au tombeau. Gen. XXXVII, 35), ce vieillard donc, à la nouvelle que son fils est en vie et qu'il commande à l'Égypte, à la vue de ces voitures, sent son feu se rallumer, pour parler comme l'Écriture, retrouve sa jeunesse, éclaircit son front assombri par la tristesse, et chassant de son âme la tempête qui l'avait bouleversée , jouit dès lors d'un calme parfait, grâce à la providence de Dieu qui avait conduit toutes ces choses pour faire trouver au juste une consolation après tant d'épreuves et l'associer à la prospérité de son fils ; et d'autre part, pour amener à réalisation le songe que Jacob lui-même avait expliqué en disant: Est-ce que nous en viendrons, ta mère, tes frères et moi, à nous prosterner devant toi jusqu'à terre? (Gen. XXXVII,10.) - Enfin , dès qu'il en croit ses yeux et ses oreilles : Grand est mon bonheur, dit-il, si mon fils Joseph est en vie: j'irai et je le verrai avant de mourir. (Ib.28.) Grand est mon bonheur : il surpasse toute, imagination, il éclipse toute joie humaine. Si mon fils est en vie, j'irai donc et je le verrai. Hâtons-nous donc, afin qu'il me soit donné de le revoir avant de mourir. Aujourd'hui cette nouvelle a ranimé mon coeur, a chassé loin de moi les infirmités de la vieillesse, a rendu la force à mon âme. Nais s'il m'était encore donné de le voir, ma joie serait parfaite, et je pourrais alors quitter la vie. Aussitôt, sans perdre un moment, le juste se met en route, dans sa hâte, dans son empressement de revoir son bien-aimé, et de contempler celui qui était mort depuis tant d'années, que les bêtes avaient dévoré, à ce qu'il croyait, en possession du gouvernement de l'Égypte. Et s'étant rendu au Puits du serment (XLVI, 1), après avoir adressé des actions de grâces au Seigneur, il offrit un sacrifice au Dieu de son père Isaac.
2. Apprenons par cet exemple, quelle que
soit l'affaire qui nous préoccupe, une entreprise, un voyage, à offrir tout d'abord au
Seigneur le sacrifice de prière, à ne pas nous mettre à l'oeuvre avant d'avoir invoqué
son appui, à imiter enfin la piété de ces justes. Il offrit un sacrifice au Dieu de
son père Isaac : c'est pour vous faire entendre qu'il marchait sur les traces de
son père, et qu'il servait Dieu à la manière d'Isaac. Et il n'eut pas plus tôt
témoigné sa reconnaissance par ses actions de grâces, qu'il sentit les effets de la
faveur d'en-haut. Considérant la longueur du voyage et sa vieillesse, il craignait que la
mort ne vînt le surprendre avant la rencontre qui devait le faire jouir de la vue de son
fils. Il conjure donc le Seigneur de prolonger sa vie jusqu'à ce qu'il ait goûté ce
bonheur parfait. Et voyez comment le bon Dieu exauce pleinement ce juste. Dieu dit à
Israël dans une vision de nuit : Jacob, Jacob ! (Ibid. 2.) Je suis le Dieu de
tes pères: Ne crains point de partir pour l'Égypte, car je t'y rendrai le chef d'un
grand peuple. (Ibid. 3.) Je partirai avec toi, et je te ramènerai, et Joseph te
fermera les yeux de ses mains. (Ibid. 4.) Voyez comment le Seigneur promet au juste ce
qu'il désire, ou plutôt bien au-delà. Dans sa générosité il enchérit sur nos
demandes, fidèle à son amour pour les hommes. Ne crains point de partir pour
l'Égypte. Jacob était inquiet à cause de la longueur du voyage; Dieu lui dit : Ne
te laisse point arrêter par l'infirmité de la vieillesse. Je t'y rendrai le chef d'un
grand peuple, et je partirai avec toi pour l'Égypte. Je t'assisterai, j'aplanirai
devant toi tous les obstacles; Remarquez l'affabilité de cette parole : Je partirai
avec toi pour l'Égypte. Quel bonheur plus complet que celui d'avoir Dieu pour
compagnon de voyage? Puis la consolation dont le vieillard avait surtout besoin ; Joseph
te fermera les yeux de ses mains. Ce (426) bien-aimé, lui-même aura soin de toi, il te
fermera les yeux. Sois donc en joie et sans alarmes, et mets-toi en route. Voyez
maintenant avec quelle allégresse le juste accomplit ce voyage, rassuré qu'il est par la
promesse divine. Jacob se leva, et ses fils avec lui. (Ibid. 5.) Et ils prirent
tous leurs biens et vinrent en Egypte. (Ibid. 6.) Soixante-six âmes le suivirent en
Egypte. (Ibid. 7.) Et Joseph avec les fils qui lui étaient nés faisait neuf
personnes; de sorte qu'en tout, il y avait avec Joseph soixante-quinze âmes. Dans
quel but la divine Écriture nous marque-t-elle ce nombre avec exactitude? C'est pour nous
faire savoir comment se réalisa la prédiction divine, ainsi conçue : Je t'y rendrai
le chef d'un grand peuple. (Exod. XII, 37.) Car, la race d'Israël, qui avait
commencé par ces soixante-quinze âmes, s'accrut jusqu'au nombre de six cent mille.
Voyez-vous comment ce n'est point au hasard ni sans motif que l'auteur sacré nous fait
connaître le nombre des personnes qui vinrent s'établir en Egypte; il veut nous faire
mesurer par là le développement que prit cette famille et nous enseigner à ne pas
douter des promesses de Dieu. Songez seulement qu'après la mort de Jacob, le roi des
Egyptiens, malgré tous ses efforts pour limiter la multiplication de cette race et en
arrêter la propagation, ne put y réussir, qu'elle ne fit au contraire que croître et
s'augmenter encore; et puis, restez frappés d'admiration en face de la Providence de Dieu
qui réa
3. Voyez son intelligence dans le conseil qu'il leur donne; ce n'est point à la légère qu'il leur prescrit ainsi la conduite à suivre; c'est tout à la fois pour leur procurer plus de sécurité, et afin qu'ils ne se confondent point avec les Egyptiens. Comme les Égyptiens abhorraient et méprisaient les hommes adonnés à la vie pastorale , en tant qu'adonnés eux-mêmes à l'étude des sciences de leur pays, Joseph conseille à ses frères de faire profession de ce métier, afin d'avoir lui-même un prétexte honnête de leur assigner en propre la plus belle portion de la contrée où ils vivraient sans être inquiétés. Et ayant pris avec lui cinq de ses frères, il les introduisit auprès de Pharaon. (XLVII. 2.) Et Pharaon leur demanda: Quel est votre métier? Ils répondirent: Nota sommes éleveurs de troupeaux. ( Ibid. 3.) Ainsi nous habiterons maintenant dans la terre de Gésem. (Ibid. 4.) Pharaon dit : Qu'ils y habitent. Mais si tu connais quelques-uns d'entre eux qui soient des hommes capables, établis-les intendants de mes troupeaux. (Ibid. 6.) Ainsi les frères de Joseph ayant répondu suivant ses avis à Pharaon, obtinrent la permission d'habiter le pays de Gésem. De plus, Pharaon voulant montrer sa bienveillance pour Joseph, ajoute: Si tu connais parmi eux quelques hommes capables , établis-les intendants de mon bétail. Joseph introduisit (427) aussi son père devant Pharaon. (Ibid. 7.) Et Pharaon dit d Jacob : Combien d'années les jours de ta vie font-ils? (Ibid. 8.) Voyant ce vieillard à cheveux blancs , il s'informe de son âge. Et Jacob répondit : Les jours des années de ma vie depuis que j'habite ici-bas... (Ibid. 9.) Ainsi chacun des justes se considérait dans cette vie comme en pays étranger. David dira de même : Je suis étranger et exilé sur la terre. (Ps. XXXVIII, 13.) Et Jacob dit ici : Les jours des années de ma vie depuis que j'habite ici-bas. Aussi Paul disait-il de ces justes qu'ils faisaient profession d'être étrangers et exilés sur la terre. (Hébr. XI, 31.) Les jours des années de ma vie depuis que j'habite ici-bas, font cent-trente années courtes et misérables, et ils ne sont point arrivés au nombre des jours qu'ont vécu mes pères. Les années que j'ai passées ici-bas ont été courtes et misérables; par là, il fait allusion aux années de l'esclavage qu'il avait enduré chez Laban, par suite de l'exil auquel son frère l'avait forcé; ensuite au long deuil que lui avait causé après son retour la mort de Joseph, et aux autres infortunes qui l'avaient assailli dans l'intervalle. En effet, quelles n'avaient pas dû être ses alarmes, quand, pour venger leur soeur, Siméon et Lévi saccagèrent la ville de Sichem, exterminèrent ses défenseurs et emmenèrent en captivité le reste des habitants. (Gen. XXXIV, 25.) Il disait alors, manifestant les angoisses qui lagitaient : « Vous m'avez rendu odieux, de sorte que je serai un méchant aux yeux des habitants de la terre ; car ma famille est peu nombreuse. Ils se réuniront contre moi pour me massacrer, et je serai exterminé avec ma maison. » (Gen. XXXIV, 30.) Voilà ce qui lui fait dire : Les jours des années de ma vie ont été courts et misérables. Et Joseph installa son père et ses frères, et leur donna un domaine au pays d'Egypte, dans la terre de Ramessé, qui était la plus fertile, selon les ordres de Pharaon (Ibid. 11); et Joseph distribua du blé par tête â son père, à ses frères, et à toute la maison de soit père. (Ibid. 12.) On se rappelle, en effet, ce qu'il avait dit à ses frères: Dieu m'a envoyé ici avant vous, afin que vous puissiez avoir des vivres pour subsister. (Gen. XLV, 7.) et encore : Dieu m'a envoyé ici avant vous, afin que vous viviez. (Gen. XLV, 5.) Il leur distribuait donc du blé par tête.
Qu'est-ce à dire par tête? C'est à dire à chacun ce qui lui était nécessaire. Car l'Ecriture désigne l'homme tout entier tantôt par son corps, tantôt par son âme. Plus haut, elle disait : Jacob vint en Egypte avec soixante-quinze âmes; pour désigner soixante-quinze hommes ou femmes; ici, elle dit par tête pour dire par personne. Et quand toute l'Egypte et tout Chanaan souffraient de la faim, la famille de Jacob avait du blé en quantité, comme si elle était à la source de l'abondance. Le blé manquait par toute la terre; en effet, la disette sévit fortement. La terre d'Egypte et celle de Chanaan furent épuisées par la disette. (Ibid. 13.)
4. Considérez l'ineffable providence de Dieu, et comment il amena le juste en Egypte , avant que la famine eût redoublé, pour qu'il n'eût aucun sentiment de la détresse qui allait affliger la terre de Chaman. Et comme tout le monde accourait en Egypte, Joseph amassa tout l'argent de ceux qui étaient en Egypte et en Chanaan, et ainsi il leur fournissait du blé. (Ib. 14.) Et l'argent vint ensuite à manquer, car il avait tout amassé dans le palais de Pharaon. Et tous les Egyptiens venaient dire Donne-nous du pain : pourquoi mourons-nous en ta présence? L'argent nous fait défaut. (Ib. 15.) Nous n'avons plus de quoi acheter et à cause de cela nous mourons de faim. Ne nous délaisse pas tandis que la mort nous assiège : fournis-nous du pain, afin que nous demeurions en vie. Et Joseph leur dit : Amenez vos troupeaux et je vous donnerai du pain. (Ib. 16.) Si vous manquez d'argent, je reçois aussi le bétail. Si l'argent vous fait défaut , conduisez ici vos troupeaux, et vous aurez du pain. Ils amenèrent donc leurs troupeaux , et reçurent de Joseph du pain en échange de leurs chevaux, de leurs brebis, de leurs boeufs, de leurs ânes, et il les nourrit pour la valeur de leurs bestiaux. (Ib. 17.) Et ils revinrent auprès de lui la seconde année, et lui dirent : Ne nous laisse point périr, faute d'argent et de bestiaux, tout est allé à notre maître. Il ne nous reste plus rien, hormis notre personne et nos terres. (Ib.18.) Ainsi donc, pour que nous ne mourions point, achète-nous avec nos terres contre du pain, et nous serons, nous et nos terres, serfs de Pharaon. Donne-nous du grain pour semer et pour vivre : ainsi nous ne mourrons point, et la terre ne sera pas dépeuplée. (Ib. 19.) Ils se réduisent eux-mêmes en servitude, ils vendent leurs terres, afin de pouvoir subsister : telle était la détresse causée par la famine. Et Joseph acheta (428) les terres des Egyptiens pour Pharaon. Car ils les lui vendirent contraints par la famine. Et les terres appartinrent à Pharaon. (Ibid. 20.) Et il s'asservit le peuple en qualité d'esclaves, depuis une extrême frontière d'Egypte, jusqu'à l'autre (Ibid. 21), les terres des prêtres exceptées. Car aux prêtres Pharaon donna des vivres, et ils mangeaient : aussi ils ne vendirent point leurs terres. (Ibid. 22.) Voyez combien de sagesse et d'intelligence chez Joseph. Il ne permit pas que le peuple ressentît la faim, et en même temps il assura à Pharaon la propriété de toutes les terres avec autant de serviteurs qu'il y avait d'Egyptiens. Et veuillez remarquer la sollicitude extrême qu'il leur témoigne. Il dit aux Egyptiens : Voilà que je vous possède aujourd'hui ainsi que vos terres pour le compte de Pharaon. Prenez maintenant du grain, et ensemencez la terre; et si elle donne des fruits, vous donnerez la cinquième partie de la récolte à Pharaon; les quatre autres parties seront à vous pour ensemencer la terre, et pour vous nourrir ainsi que vos familles. (Ibid. 23, 24.) Noble générosité, grande prévoyance , inexprimable sollicitude. Aussi les Egyptiens, touchés de cette bienfaisance, disent-ils: Tu nous a sauvés, nous avons trouvé grâce devant notre maître, et nous serons serviteurs de Pharaon. (Ibid. 25.) Vous avez observé la libéralité de Joseph : il voit ces hommes épuisés de besoin, et se représentant les peines et les maux que va leur causer le labourage, il dit : Je vous fournirai le grain; vous, donnez tous vos soins. Et s'il vient des fruits, vous en livrerez le cinquième : les quatre autres cinquièmes seront pour vous, comme le salaire (le vos fatigues, et pour fournir à vos besoins. Et tel fut l'ordre que leur donna Joseph, de réserver le cinquième à Pharaon, les terres des prêtres exceptées. (Ibid. 26.)
Ecoutez, hommes d'aujourd'hui, quels privilèges étaient accordés autrefois aux prêtres des idoles : et apprenez à conférer au moins des honneurs égaux, à ceux à qui est confié le culte du Dieu de l'univers. Si des hommes égarés, qui faisaient profession d'adorer les idoles décernaient de pareilles prérogatives à leurs ministres, parce qu'ils y voyaient le meilleur moyen d'honorer les idoles, quelle condamnation ne méritent pas ceux qui retranchent aux prêtres d'aujourd'hui une partie de leurs honneurs? Ne savez-vous pas que ces hommages ne font due passer par leurs mains pour arriver au Maître de l'univers? Ne considére? donc point celui qui reçoit l'hommage. Ce n'est pas pour lui que vous devez remplir vos obligations : c'est pour celui dont il est prêtre, si vous voulez que celui-là même vous dédommage magnifiquement. De là ces paroles : Celui qui a fait quelque chose à un de ceux-ci, l'a fait à moi-même, et encore: Celui qui reçoit un prophète en qualité de prophète, recevra la récompense d'un prophète. (Matth. XXV, 40; X, 41.) Est-ce sur le mérite ou l'indignité de ceux que vous honorez que le Seigneur mesurera votre récompense? C'est d'après votre zèle qu'il vous couronne ou vous condamne. Et de même que les hommages qui passent par ce canal procurent un grand crédit (en effet, Dieu prend pour lui le bien qu'on fait à ses ministres), ainsi le mépris de ces mêmes personnes sera frappé là-haut d'un rigoureux châtiment. En effet, si Dieu prend pour lui les honneurs, il prend aussi le mépris. Convaincus de cette vérité, gardons-nous de manquer à nos devoirs envers les prêtres de Dieu. Et si je parle de la sorte, ce n'est pas tant dans leur intérêt que dans celui de vos charités, et pour que vous ne négligiez aucun moyen d'augmenter votre richesse. En effet, quand égalerez-vous par vos dons ceux que vous recevez du Seigneur? quels devoirs si grands rendez-vous? Néanmoins, si peu de chose que ce soit, si périssables que soient vos offrandes, vous en serez rémunérés par des récompenses immortelles et par des biens ineffables.
5. En conséquence, bâtons-nous de leur prêter ce concours; en songeant moins à la dépense qu'au profit et au revenu qu'elle nous rapporte. Voyons-nous, en effet, un homme étroitement lié avec un personnage haut placé dans le monde, nous avons hâte de lui témoigner la plus grande déférence, pensant que les hommages rendus au client seront transmis par lui à son patron, que le client, en nous signalant au patron, augmentera sa bienveillance à notre égard : à plus forte raison en sera-t-il ainsi pour ce qui regarde le maître de l'univers. A-t-on montré de la bonté et de la compassion pour le premier venu de ces mendiants dont la place publique est jonchée, le Maître prend le bienfait à son comble, et promet l'entrée du royaume des cieux à ceux qui ont fait quelque bien à ces infortunés; Venez ici, leur dira-t-il, les bénis de mon (429) père, parce que j'ai eu faim, et que vous m'avez donné à manger. (Matth. XXV, 34.) Dès lors, comment celui qui aura traité honorablement ceux qui souffrent pour Dieu et qui sont décorés de la prêtrise, comment celui-là n'obtiendrait-il pas une récompense , je ne dis pas égale à ce qu'il aura fait, mais bien supérieure, car le bon Dieu est assez riche pour rester toujours au-dessus de ce que nous pouvons faire? Ainsi donc , prenons garde de nous montrer pires que ces infidèles qui dans leur zèle pour l'erreur témoignent tant de déférence aux ministres des idoles : au contraire, que nos hommages surpassent ceux des idolâtres autant que la vérité est au-dessus de l'erreur, et les prêtres de Dieu au-dessus des prêtres des idoles, si nous voulons que le ciel nous dédommage au centuple. Je continue : Jacob s'établit en Egypte : ils prospérèrent et se multiplièrent beaucoup. (23.) Cest l'exécution de la promesse que Dieu avait faite à Jacob : Je t'y rendrai le chef d'un grand peuple. Et Jacob vécut encore dix-sept ans. Et les jours de Jacob firent un nombre de cent quarante-sept ans. (Ibid. 20.) Si Dieu lui accorda ce surcroît considérable de jours, c'est afin que, avant de mourir, il recueillît une consolation suffisante des infortunes qu'il avait endurées durant toute son existence.
Mais, si vous le voulez, afin de ne pas encombrer votre mémoire, nous réserverons pour demain, ce qu'il nous reste à dire, et nous terminerons ici ce discours, après avoir exhorté vos charités à prêter une exacte attention à nos paroles, à en conserver un souvenir durable, à les repasser continuellement en esprit, à se représenter la patience de ces justes , leur longanimité , la foi qu'ils montraient à l'égard des promesses de Dieu, sans se laisser troubler par les accidents qui pouvaient survenir ensuite, la résignation avec laquelle, confiants dans la puissance de Celui qui leur avait donné sa parole, ils enduraient toutes les épreuves, et en sortaient à leur gloire. Par exemple, ce juste qui avait pleuré durant tant d'années la mort de Joseph, ce même juste le vit souverain maître de l'Egypte: et cet admirable Joseph, après avoir passé par la servitude, la captivité et tant d'autres infortunes, Joseph fut investi d'un pouvoir absolu sur tout le pays. Que si nous voulions passer en revue toutes les histoires qui sont racontées dans l'Ecriture, nous trouverions que tous les hommes vertueux ont marché par la voie des tentations, et que c'est par là qu'ils ont pu attirer sur eux en abondance les grâces d'en-haut. Par conséquent, si nous voulons, nous aussi, mériter la bienveillance divine, ne perdons point courage dans les tentations, endurons sans nous plaindre tous les accidents. Mais plutôt, soutenus par la foi, réjouissons-nous, soyons heureux, dans la persuasion que le meilleur moyen, pour nous, d'obtenir l'appui de la Providence, c'est de nous appliquer à rendre grâces de tout ce qui nous arrive. Puissions-nous tous, après avoir passé dans la vertu ta vie présente, être admis au partage des biens futurs, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui gloire, puissance, honneur au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.