HOMÉLIE LIX

CINQUANTE-NEUVIÈME HOMÉLIE. « Et Jacob vint à Salem ville des Sichimites, et il acheta de Hemor, père de Sichem, une portion de terrain, au prix de cent agneaux ; et il y dressa un autel, et il invoqua le Dieu d`Israël. » (Gen. XXXIII, 18-20)

 

ANALYSE.

 

1. Explication des versets 18-20. —2. Vanité des richesses. Explication des versets 1-12 du XXXIVe chapitre. —3. Explication des versets 13-31. Il faut marier les jeunes gens. —4. Explication des versets 1-8 du chapitre XXXV. —5. Epilogue moral touchant la correction des enfants.

 

1. Vous avez vu hier (1) la suprême bonté du Maître de tout l'univers, la sagesse des disciples et l'injustice des Juifs. Vous avez vu avec quelle patience il a réprimé leur audace impudente, prenant la défense de ses disciples, et montrant qu'eux-mêmes, en voulant se faire les vengeurs de la loi, en méconnaissaient l'esprit et voulaient demeurer assis dans l'ombre, quand la vérité brillait déjà. Vous avez vu comment il s'occupait à abolir, dans l'origine et le principe, les observances de la loi, enseignant que, le Soleil de justice étant levé, la lumière de la lampe ne pouvait plus être employée; car l'éclat du soleil la rend inutile. Vous avez appris comment il est possible d'être toujours en fête et de se dégager de l'observance des temps. C'est pour cela que notre Maître est venu; c'est pour nous délivrer des obligations temporaires et nous rendre capables de voler plus haut, d'avoir notre cité dans le ciel, d'imiter, quoique nous soyons hommes, la vie des anges et de nous rire de toutes les préoccupations humaines. Reprenons donc aujourd'hui, s'il vous plaît, la suite de notre discours d'avant-hier, et, revenant aux paroles du bienheureux Moïse, nous leur emprunterons la nourriture de vos âmes.

Vous savez que Jacob; revenu de Mésopotamie, avait eu une entrevue avec son frère,

 

1. Dans une homélie perdue.

 

puis s'en était séparé, celui-ci étant allé habiter Séir et Jacob ayant dressé ses tentes dans un lieu qu'il nomma pour cela les Tentes: nous avons terminé là notre discours. Nous devons donc reprendre la suite pour vous donner, suivant nos forces, votre enseignement spirituel. Le juste se trouvant sans crainte et délivré maintenant de toute anxiété, alla, dit l'Ecriture, dans une ville des Sichimites , et il acheta de Hémor, père de Sichem, une portion de terrain, au prix de cent agneaux; et il y établit un autel, et il invoqua le Dieu d'Israël. Ne passons point légèrement sur ce qui est contenu dans les divines Ecritures. Car si les hommes qui recueillent dans la terre des parcelles d'or, se soumettent à toutes les fatigues et supportent toute sorte d'incommodités pour arriver à séparer l'orle la terre, combien plus est-il juste que nous scrutions les oracles du Saint-Esprit et que nous en recueillions le fruit avant de nous retirer. Comprenez donc, je vous prie, la philosophie de cet homme admirable : il jouissait de la protection d'en-haut; il voyait sa richesse accrue, j'entends la quantité de son bétail il se voyait entouré d'une troupe nombreuse d'enfants, et il ne s'appliqua point à élever pour lui des constructions magnifiques, il ne s'empressa point d'acheter, des domaines et des maisons de campagne qu'il pût partager (389) entre ses enfants. Car voilà le prétexte qu'on nous oppose aujourd'hui, et souvent celui qui n'a qu'un seul fils travaillé pour amasser un nombre infini de talents d'or , acheter des champs et élever de somptueux édifices. Et plût à Dieu que ce soit par des travaux légitimes et sans injustice qu'il ait amassé toutes ces richesses ! mais ce qui est intolérable, ce qui est surtout terrible , c'est que la rapine et la fraude fait de toute part passer entre ses mains la fortune d'autrui. Et si on lui demande : pourquoi donc cette fureur d'amasser? il objecte aussitôt son fils et dit qu'il fait tout cela par amour pour lui. Mais bien qu'il se couvre de ce prétexte pour consacrer ses injustices, c'est en vain qu'il s'efforce de le faire. Et il en est qui, n'ayant pas même d'enfants, sont possédés de la fureur d'amasser et aimeraient mille fois mieux subir des maux sans remède que de donner une obole à l'un de ceux qui la leur demandent.

Ce juste n'avait point cette préoccupation, il n'y songeait pas, mais, lorsqu'il eut besoin d'acheter un modeste champ , il donna cent agneaux, et acquit ainsi de Hémor, père de Sichem, une portion de terrain.. Et voyez la piété de Jacob et pour quel motif il souhaitait acquérir un champ. Et il y établit un autel, et il invoqua le Dieu d'Israël. Il n'a acheté cette portion de terrain que pour rendre ses actions de grâces au Maître de l'univers. Tous devraient se faire les émules de cet homme vivant selon la grâce avant que l'a loi fût donnée, et non se livrer ainsi à la fureur d'amasser des richesses. Car, dites-moi, pourquoi amasser sur soi des fardeaux d'épines? et ne sentez-vous pas que vous laissez à vos enfants la matière et l'occasion du vice ? Ne savez-vous pas que vous devez veiller sur vous plus que sur votre enfant, et qu'en lui témoignant une prévoyance exagérée, vous vous attachez à lui laisser toute facilité pour perdre son âme dans l'abîme?

Ne savez-vous pas que la jeunesse est par elle-même disposée à succomber et qu'elle incline au mal? Lorsqu'elle se voit en possession d'abondantes richesses, la pente vers le vice est pour elle bien plus glissante. Car, de même que le feu, s'il reçoit des aliments, lance une flamme plus ardente ; de même aussi la jeunesse, recevant cette matière- inflammable des richesses, allume dans l'âme un brasier qui la consumera tout enture. Comment donc un homme ainsi tenté pourra-t-il s'adonner à la tempérance, fuir la débauche et embrasser les travaux de la vertu ou quelque couvre spirituelle?

2. N'entendez-vous pas le Christ nous dire : Les soins de ce siècle et la séduction des richesses étouffent le jugement, et il devient stérile. (Matth. XIII, 22.) Ces soins et ces séductions sont ce qu'il nomme les épines, quand il dit qu'une partie de la semence tomba parmi les épines; et il interpréta ensuite à ses disciples, ce qu'étaient ces épines en leur disant: Les soins de ce siècle et la séduction des richesses étouffent le jugement et il dévient stérile. C'est une belle comparaison que celle des soins de ce siècle aux épines. De même en effet qu'elles ne permettent pas au blé de s'élever, mais étouffent en le pressant celui qu'on a semé; de même les soins de la vie ne laissent porter aucun fruit à la semence spirituelle répandue dans l'âme; elles la consument et l'étouffent à la façon des épines et ne laissent point pousser la semence spirituelle. La séduction des richesses. Oui, elle est bien nommée, car c'est réellement une séduction. Est-il en effet besoin de tant d'or et de richesses ? Oui, dira-t-on, la possession des biens cause une grande joie. Quelle joie ? et pourquoi l'appeler joie? N'est-ce pas plutôt là une cause d'abattement inexcusable et de mille chagrins ? Et je ne parle pas encore du châtiment suspendu sur la tête des coupables, mais seulement des maux de la vie présente, quand je dis que les affaires ne peuvent causer de plaisir, mais plutôt des troubles et des chagrins continuels. Les vagues soulevées de la mer ne sont qu'une image imparfaite de l'âme ainsi pressée par le raisonnement et la passion, et mal disposée envers tous, étrangers et proches. Et si -quelque jour on dérobe à ces hommes quelque,portion de leur richesse (et combien ne voit-on pas d'accidents de toute sorte, de ruses pour ravir les biens, de crimes chez les serviteurs, de violences chez les puissants) , alors vous les verrez persuadés que la vie leur est intolérable. Combien donc n'est-il pas lamentable le sort de ces hommes qui mettent tant d'ardeur à se nuire de toute façon et qui se plaisent à ajouter tant de maux à la perte de leur âme !

Mais laissons-les de côté, s'il vous plaît, et revenons à l'histoire de ce juste ; voyons-en la suite : Jacob éleva un autel dans cette portion de terrain, et il invoqua le Dieu d'Israël, et il (390) résolut d'établir désormais sa résidence chez les Sichémites. Mais voyez comment là encore ce juste montra sa douceur. Dina, elle de Lia, sortit pourvoir les filles des habitants. Et Sichem le fils de Bémor, l'ayant vue, dormit avec elle; il aima cette jeune fille et l'entretint de ce qui plaisait à son esprit. (Gen. XXXIV, 1-3.) Vous avez vu comme la jeunesse est mauvaise, si elle n'a pour frein les pensées de la piété ? Il a vu cette jeune fille; cette vue l'a rempli d'amour, et il a satisfait son désir. Et il l'entretint de ce qui plaisait à son esprit. Qu'est-ce qui plaisait à l'esprit de la jeune fille ? Parce qu'elle était jeune, il l'entretint de ce qui pouvait la séduire et l'entraîner. Et il dit à son père: donnez-moi cette jeune fille pour épouse. Jacob apprit ce qui s'était passé et il prit patience, attendant que les frères de Dina fussent de retour, car ils étaient dans leurs bergeries. Jacob se tut, dit le texte, jusqu'à ce qu'ils fussent arrivés. Et quand Hémor fut venu trouver Jacob, les frères de Dina parurent aussi; et ayant appris ce qui était arrivé à leur saur, ils en furent vivement blessés. (Ibid. 5, 7.) Blessés, oui, ils se désolèrent et ne jugèrent pas le fait tolérable, mais très-douloureux, et ils s'en affligèrent. Il leur était très-pénible, dit l'Ecriture, que Sichem eut fait outrage à la famille d'Israël, en dormant, avec la fille de Jacob. (Ibid. 7.) Voyez-vous la chasteté de ces jeunes gens ?Ils ont compris que c'était là un fort grand outrage. Vous voyez comment ce juste a formé ses enfants à la vertu, et comment le fils de Hémor, ayant cédé à son désir, a été pour son père et sa ville entière une cause de ruine. Mais d'abord écoutons ce que leur dit Hémor, et vous connaîtrez ensuite la cruelle ardeur des frères de Dina à venger le crime commis contre leur soeur. Hémor leur dit Sichem, mon fils, a choisi dans son âme votre fille. (8.) Voyez comment il annonce la calamité qui va l'envelopper. Il a choisi dans son âme; comme s'il disait : il a donné sa vie pour votre fille. Il le disait pour faire entendre le désir que Sichem avait dé l'obtenir; mais bientôt il apprit que ce serait la cause de sa perte et de la perte de toute la population, Puis donc, dit Hémor, qu'il brûle ainsi pour elle, donnez-la lui pour femme et alliez-vous à notre famille. Donnez-nous vos filles et recevez nos filles pour vos fils, et demeurez parmi nous. Voilà que la terre est vaste devant vous; habitez-la et parcourez-la, et acquérez-y des possessions. (Ibid. 8, 10.) Voyez ce père qui, par tendresse pour son fils, se montre bienveillant pour ces étrangers et veut les gagner en leur donnant la faculté de disposer du pays. Le père parlait ainsi ; mais le fils ayant vu l'amour que lui témoignait son père et comment il était disposé ,à tout faire pour réaliser les désirs de son enfant, ajoute quelque chose encore et dit à Jacob, ainsi qu'aux frères de Dina : Que je trouve grâce devant vous, et nous vous donnerons tout ce que vous désignerez. Portez la dot bien haut et je payerai tout ce que vous voudrez, mais donnez-moi celle jeune fille pour femme. (Ibid. 11, 12.) Vous avez entendu les demandes instantes que fait le père par affection pour son fils, et le fils lui-même offrant tout avec empressement pour obtenir la jeune fille.

3. C'est que cette passion désastreuse persuade à celui qu'elle possède dé tout endurer, jusqu'à ce qu'elle l'ait conduit au fond de l'enfer. Or considérez ce qui se passe. Le vieux Jacob écoute ces paroles en silence, et suivant sa douceur accoutumée, il ne prononce pas un mot, mais supporte avec patience l'outrage fait à sa fille : Mais les fils de Jacob parlèrent avec dissimulation à Sichem et ci; Hémor son père, et ils leur dirent qu'ils avaient déshonoré leur soeur. (Ibid. 13.) Examinez, je vous prie, comment, pour l'impudicité d'un seul, tous les habitants d'une ville partagent son malheur. Comme, quand un embrasement a lieu, ceux qui habitent auprès ont part au péril, parce que le feu ravage tout; de même la passion effrénée de ce jeune homme a fait périr non-seulement son père, mais toute la cité. Que font donc les enfants de Jacob? ils leur répondent avec dissimulation. Il est important de les entendre, afin de se rendre compte de la douleur qu'ils ressentaient au sujet de leur soeur. Siméon et Lévi, frères de Dina et fils de Lia, répondirent: notes ne pouvons accueillir votre demande et donner notre saur à un homme qui n'est pas circoncis. Si donc vous vous faites circoncire, nous vous donnerons nos filles, et nous accepterons les vôtres et nous ne formerons plus qu'une seule race. (G. XIII, 16.) Celle déclaration était raisonnable et logique; mais, dit le texte, ils parlaient avec dissimulation. Si vous ne voulez pas le faire, continue le texte, nous reprendrons notre fille et nous notes retirerons. (Ibid. 17.) Voilà ce que proposèrent Siméon et Lévi, qui méditaient le meurtre de tous les habitants. Mais Sichem et sort père, les yeux fixés sur le but qu'ils voulaient (391) atteindre et désireux d'obtenir la jeune fille, accueillirent ces paroles et agréèrent cette proposition. Ce langage leur plut, et le jeune homme ne différa point à s'y conformer, car il était épris de la, fille de Jacob. (Ib. 18, 19.) Il était tout entier livré à sa passion pour cette jeune fille. Et lui et son père, s'étant rendus à la porte, parlèrent à tout le peuple de la ville (Ibid. 20) ; et ils leur conseillèrent d'accepter la circoncision, selon la déclaration qui leur était faite, et à consentir à vivre avec la famille d'Israël. Et-les habitants se conformèrent sans retard aux paroles de Hémor et de Sichem; et tous ensemble reçurent sur leur corps le signe de la circoncision. Siméon et Lévi, l'ayant appris, se, hâtent d'exécuter le dessein qu'ils méditaient. Ayant pris chacun leur épée, ils entrèrent sans danger dans la ville. (Ib. 25.) Comment donc, sans danger? ils n'étaient que deux contre un si grand nombre. Mais leur sûreté était garantie, parce que les habitants gisaient là blessés. C'est ce que nous apprend la sainte Ecriture, quand elle dit : le troisième jour tandis qu'ils étaient dans la souffrance. (Ibid.) Voilà ce. qui faisait la sûreté de Siméon et de Lévi et ce qui rendait deux hommes plus forts qu'une multitude. Et ils tuèrent, dit le texte, tout ce qui était mâle. (Ibid.), c'est-à-dire tous les hommes qui, gisaient dans les douleurs de la circoncision et qui étaient en quelque sorte préparés pour le massacre; et, ayant tué avec les autres: le jeune homme qui avait outragé leur soeur, ils se retirèrent. Lés enfants de Jacob ne se- contentèrent même pas de cette vengeance, mais le texte nous apprend qu'ils enlevèrent les brebis et tout le bétail, et se retirèrent ayant dépeuplé et détruit la ville. Vous avez vu, mon bien-aimé, quels maux a causé l'emportement d'un jeune homme? quel désastre il a attiré sur tous les habitants de, cette ville? A la vue de cet exemple, réprimons donc les passions de nos enfants et mettons plus d'un frein à la jeunesse, celui de la crainte et celui des conseils; veillons sur leur chasteté, n'épargnons ni soins ni démarches pour que le jeune âge puisse échapper aux passions coupables. C'est pour cela que notre Maître commun, voyant la faiblesse de la nature humaine, a institué le mariage, pour nous détourner des relations illicites.

Ne négligeons donc point les jeunes gens, mais voyant comment brûle cette fournaise, efforçons-nous, avant qu'ils aient roulé dans l'abîme du libertinage, de les engager, conformément à ,la loi de Dieu, dans les liens du mariage, afin que leur chasteté soit maintenue, et qu'ils ne soient pas atteints par le mal de l'impudicité, pourvus qu'ils seront d'un remède suffisant, pouvant réprimer les assauts de la chair et demeurer à l'abri du châtiment. Mais voyons quelle impression fit sur le vieux Jacob la conduite de ses enfants. Jacob leur dit, reprend l'Ecriture (Ibid. 30) : Vous m'avez rendu odieux et criminel aux yeux des habitants de ce pays. Pourquoi, leur dit-il, avez-vous tiré une telle,vengeance ? Ce que',vous avez fait va m'attirer une,haine profonde de la part de tous les habitants du pays. Puis, témoignant la crainte qu'il éprouvait, il ajouta : Nous, nous sommes peu nombreux; réunis contre nous, ils nous tailleront en pièces et nous écraseront (Ib.), comme s'il disait : ne savez-vous pas que, peu nombreux comme nous le sommes, nous éprouverons à notre tour ce que vous avez voulu faire à d'autres? Et de même que Sichem a été cause de ce désastre pour son père et pour tous les habitants de sa ville, ainsi serez-vous pour moi. Car, à cause de vous, je vais être un objet de haine, et rien n'empêchera que, par suite de votre témérité, nous ne soyons écrasés. Ils lui répondirent, dit le texte : mais, outragera-t-on ainsi notre soeur? (Ibid. 31.) Vous le voyez: c'est un sentiment de chasteté qui a porté les enfants de Jacob à la vengeance : leur apologie envers leur père consiste à dire: ils nous ont déshonorés par l'outrage fait à notre soeur, et c'est pour cela que nous avons été contraints d'agir ainsi, afin que cette leçon prévienne à l'avenir une telle audace.

4. Mais considérez ensuite, je vous prie, l'ineffable providence de Dieu envers ce juste. Voyant qu'il craignait, à cause de ce qu'avaient fait ses fils, de demeurer dans cette contrée, Dieu lui dit, continue le texte : Lève-toi et monte à Béthel pour y habiter. (Gen. XXXV, 1.) Puisque tu crains les habitants de cette contrée, retire-toi et va habiter Béthel. Elève là un autel au Seigneur, que tu as vu, quand tu fuyais de devant la face d'Esaü, ton frère. Et Jacob dit à sa famille et à tous ceux qui étaient avec lui: faites disparaître les dieux étrangers du milieu de vous, et purifiez-vous et changea vos vêtements; levons-nous, montons à Béthel, élevons-y un autel au Seigneur, qui m'a écouté au jour de la tribulation; il était avec moi et m'a sauvé dans mon voyage. (392) (Ibid. 1-3.) Considérez encore ici l'obéissance et la piété de ce juste. Quand il a entendu cet ordre : monte à Béthel, élève là un autel, il appelle tous ses enfants et leur dit : faites disparaître les dieux. Quels dieux, me dira-t-on ? car on ne voit nulle part qu'il ait eu des dieux : dès les premiers jours de sa vie ce juste fut un pieux serviteur du vrai Dieu. Peut-être il entendait par ces paroles les dieux de Laban que Rachel avait dérobés; aussi dit-il : Puisque nous allons rendre des actions de grâces au vrai Dieu, qui m'a toujours accordé sa protection, faites disparaître les idoles que vous pourriez avoir. Purifiez-vous et changez vos vêtements; allons ainsi à cette ville et trouvons-nous y tous ensemble, purifiés au dehors et au dedans. Ne vous montrez pas seulement purs par l'éclat de vos vêtements, mais purifiez les pensées de votre esprit en faisant disparaître vos idoles, et montons ainsi à Béthel. Et ils donnèrent à Jacob, dit le texte, les dieux étrangers, car ce n'étaient pas leurs dieux, et les pendants d'oreilles qu’ils portaient. (Ibid. 4.) C'étaient peut-être des symboles idolâtriques se rapportant à ces dieux; aussi les apportent-ils à leur père avec les idoles. Et Jacob les cacha sous le térébinthe de Sichem, et il les fit disparaître jusqu'à ce jour. Il les cacha, dit le texte (Ibid.), et il les fit disparaître, en sorte que les esclaves de l'égarement eux-mêmes fussent soustraits à cet égarement et que personne désormais n'en reçût de dommage.

Après que ce juste eût accompli tous ces soins, il partit du pays de Sichem et se mit en route pour Béthel. Mais voyez encore le soin que Dieu prend de lui, et comment l'Ecriture nous en instruit clairement. Ce juste étant parti, la crainte de Dieu se répandit dans les villes d'alentour, et ils ne poursuivirent point les enfants d'Israël. (Ibid. 5.) Vous avez vu combien est grande cette providence et combien manifeste est son secours? La crainte saisit les habitants et ils ne les poursuivirent point. Parce que ce juste l'avait redouté et avait dit : Nous sommes en bien petit nombre et nous serons écrasés, l'Ecriture nous apprend que la crainte qui saisit les habitants empêcha cette poursuite. Dieu en effet, lorsqu'il veut prêter son assistance, rend les faibles plus forts que les puissants, le petit nombre plus puissant que le grand nombre, et rien ne saurait être plus heureux que celui qui a obtenu l'assistance d'en-haut.

Et Jacob, dit l'Ecriture, arriva à Luzon, qui est dans la terre de Chanaan et est nommé Béthel, et toute la tribu avec lui. Il y éleva un autel et appela ce lieu Béthel, car c'est là que Dieu lui était apparu, tandis qu'il fuyait de devant la face d’Esaü, son frère. (Ibid. 6-7.) Arrivé là, il accomplit l'ordre du Seigneur en élevant un autel, et donne à ce lieu le nom de Béthel. Déborra, nourrice de Rébecca, mourut et fut ensevelie au-dessous de Béthel, sous le chêne; et Jacob le nomma le chêne du deuil. (Ibid. 8.) Vous le voyez, il donnait aux lieux des noms tirés des événements afin d'en conserver la mémoire. Et comment, me direz-vous, la nourrice de Rébecca était-elle avec lui, nouvellement arrivé de Mésopotamie, et n'ayant point encore revu son père? Il n'est pas difficile de répondre qu'elle avait voulu accompagner Jacob, lorsqu'il revint de chez Laban , pour revoir Rébecca, après une si longue séparation, et qu'avant de l'avoir rencontrée elle mourut à Béthel.

5. Arrêtons-nous aussi là, s'il vous plait; terminons ce discours en exhortant votre charité au zèle pour la vertu et à prendre soin de la chasteté des jeunes gens. Car c'est de là, pour ainsi dire , que proviennent tous les maux. L'habitude de la dépravation, gagnant avec le temps, produit un tel ravage que nul avis ne peut désormais gagner ceux qui y sont une fois abandonnés; ils sont conduits comme des captifs là où le veut le démon. C'est lui qui désormais est leur maître et qui leur donne ces ordres funestes que les jeunes gens exécutent avec joie, ne considérant que le plaisir du moment et ne réfléchissant pas à la douleur qui suivra. Je vous exhorte donc à tendre la main à nos jeunes gens, de peur que nous n'ayons à rendre compte de leur conduite. Ne savez-vous pas ce qui arriva au vieil Héli, qui n'avait pas convenablement redressé les défauts de ses enfants? En effet, quand un mal a besoin qu'on emploie le fer, si un médecin veut le traiter par un liniment, il le rend bientôt incurable, parce qu'il n'y a pas appliqué le remède qui convenait; de même ce vieillard, qui devait traiter ses enfants avec une sévérité proportionnée à leurs fautes, s'étant montré mou à leur égard, eut part à leur châtiment. Redoutez donc cet exemple, je vous en prie, vous qui avez des enfants, et veillez à leur éducation; que chacun des gens de la maison partage sincèrement vos soins et (393) comprenne que le gain le plus grand, c'est le service dit prochain; en sorte que chacun, instruit à la vertu, puisse échapper à la tentation du vice, et que, choisissant la vertu, il obtienne l'assistance d'en-haut. Que chacun de vous en soit favorisé, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, auquel soient, avec le Père et le Saint-Esprit, gloire, puissance, honneur, maintenant, et toujours, et aux siècles des siècles. Ainsi soit il.

 

 

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