GALATES VI

CHAPITRE VI. MES FRÈRES, SI QUELQU'UN EST TOMBÉ PAR SURPRISE EN QUELQUE PÉCHÉ... (1).

 

625

 

 

Analyse.

 

1. Corriger avec douceur. — S'entre-supporter. — Croire qu'on n'est rien.

2. Devoir de celui qui enseigne.

3. Semer pour recueillir. — Paul dictait ses lettres à un secrétaire.

4. Paul ne se glorifie que de la croix. — Combien est grande la puissance de la croix.

 

1. Comme sous l'apparence du reproche ils satisfaisaient leurs passions, et semblaient agir ainsi pour punir les péchés, tandis qu'en réalité ils voulaient établir leur domination, il . leur dit : « Mes frères, si quelqu'un est tombé par surprise en quelque péché ». Il n'a pas dit : Si quelqu'un a commis quelque péché, mais: « Si quelqu'un est tombé par surprise », c'est-à-dire, s'il a été entraîné. « Vous autres, qui êtes spirituels, ayez soin de le relever ». Il n'a pas dit : Punissez-le, ni : Condamnez-le, mais : Redressez-le. Et même il ne s'en est pas tenu là, mais il leur montre qu'ils doivent témoigner la plus grande bienveillance à ceux qui ont fait un faux pas, et ajoute : « Ayez soin de le relever dans un esprit de douceur ». Il n'a pas dit : Avec douceur, mais : « Dans un esprit de douceur », pour montrer que cela plaît à l'Esprit, et que c'est un don de l'Esprit que de pouvoir redresser avec modération ceux qui ont péché. Ensuite, afin de prévenir tout mouvement d'orgueil chez celui qui redresse les autres, il lui tait partager la même crainte et dit : « Chacun de nous faisant réflexion sur soi-même, et craignant d'être tenté aussi bien que lui ». Ceux qui sont riches apportent de quoi payer l'écot de ceux qui sont dans le besoin, afin d'être traités de la même manière, s'il leur arrivait de tomber dans la même gêne : imitons leur conduite. Aussi leur en fait-il une nécessité : « Chacun de vous faisant réflexion sur soi-même, et craignant d'être tenté aussi bien que lui... ». Il prend la défense du pécheur d'abord, en disant : « Si quelqu'un est tombé par surprise », ce qui est une expression adoucie pour indiquer la grande faiblesse du pécheur; ensuite en ajoutant : « Chacun craignant d'être tenté aussi bien que lui », ce qui attribue la chute du pécheur à la malignité du démon plutôt qu'à la lâcheté de l'âme.

« Portez les fardeaux les uns des autres... « (2) ». Comme il n'est pas possible qu'on soit homme et sans défauts, il les engage à n'y pas regarder de trop près quand il s'agit des péchés des autres, et à supporter les défauts du prochain, pour qu'on supporte aussi les leurs. Il en est du corps de l'Eglise comme d'un corps de constructions : toutes les pierres ne conviennent pas à la même place : l'une sera bien dans les angles, mais non dans les fondations; l'autre sera bien dans les fondations, mais non dans les angles. Nous retrouvons la même organisation dans notre propre corps. Et cependant les différentes parties qui composent le tout, s'adaptent bien entre elles, et nous n'exigeons pas de chacune le même genre de service. C'est cet ensemble de parties et de fonctions différentes qui constitue un corps et un édifice. « Et ainsi vous accomplirez ensemble la loi de Jésus-Christ ». Il n'a pas (626) dit: « Vous accomplirez », mais: « Vous accomplirez ensemble », c'est-à-dire : Vous contribuerez tous à l'accomplir en vous soutenant mutuellement. Ainsi, celui-ci est porté à la colère, et toi tu es lent : supporte donc ses vivacités pour qu'il ne s'impatiente pas de tes lenteurs. De la sorte lui ne péchera pas parce qu'il s'appuiera sur toi , et toi tu ne resteras pas plongé dans ton engourdissement, parce que ton frère sera là pour te soutenir. Ainsi vous vous tendrez réciproquement la main quand vous serez sur le point de tomber, et vous accomplirez la loi en commun, car chacun de vous se tiendra tout prêt à suppléer l'autre. Si vous n'agissez pas ainsi, mais si chacun s'apprête à critiquer les actions du prochain, il n'y aura que désordre parmi vous. De même que le corps, si on exigeait de tous ses membres les mêmes services, ne pourrait plus subsister; de même nous semons la discorde parmi les frères, si nous demandons à tous la même chose.

« Car si quelqu'un s'estime être quelque chose, il se trompe lui-même, parce qu'il n'est rien (3) ». Dans ce passage il a encore l'arrogance. Car celui qui se croit quelque chose, n'est rien, et par cette indulgence envers lui-même il montre du premier coup son peu de valeur réelle. « Or, que chacun examine bien ses propres actions... ». Dans ce passage il nous fait entendre qu'il faut soumettre notre vie à un examen, et non pas à un simple examen, mais à un examen sévère. Par exemple, as-tu fait quelque bonne action? Examine si ce n'est pas la vanité, ou la nécessité, ou la vengeance, ou l'hypocrisie, ou quelque autre motif purement humain qui;t'a fait agir. De même que l'or, qui semble brillant avant d'avoir passé par le creuset, ne brille de tout son éclat qu'après avoir été livré au feu qui en sépare tout alliage impur, de même nos actions ne se laissent bien voir telles qu'elles sont qu'après un sévère examen qui nous y découvre bien des taches. « Et alors il trouvera sa gloire en ce qu'il verra de bon dans lui-même, et non point en se comparant avec les autres (4) ». S'il parle ainsi, ce n'est point pour nous tracer un programme que nous devons suivre, c'est pour condescendre à notre faiblesse. C'est comme s'il disait : Il est absurde de se glorifier, mais si vous y tenez, que ce rie soit pas aux dépens de votre prochain, comme faisait le pharisien. Celui qui aura été élevé à ne pas se glorifier aux dépens des autres, ne tardera pas à ne plus se glorifier du tout. Voilà pourquoi Paul nous a fait cette concession : il a voulu nous faire perdre peu à peu cette habitude tout entière. Car celui qui s'est accoutumé à ne se glorifier que par rapport à lui-même et non par rapport aux autres, se débarrassera bientôt de cette faiblesse. Celui qui ne se croit pas meilleur que les autres (car tel est le sens de ces mots: « En se comparant avec les autres»),  mais ne s'enorgueillit qu'en se comparant avec lui-même , celui-là cessera plus tard même d'agir ainsi. Et pour que vous compreniez que tel est le but qu'il poursuit, voyez comme il éveille les craintes de celui à qui il fait cette concession : après avoir dit d'abord : « Que chacun examine bien ses propres actions », il ajoute : « Car chacun portera son propre  fardeau (5) ». Il semble vouloir nous dissuader de nous glorifier en nous comparant aux autres , mais en réalité il corrige celui qui se glorifie, afin qu'il ne soit pas fier de lui-même, car il le fait réfléchir sur ses propres péchés , et par ces mots : « De fardeau qu'il faut porter » , il pèse sur sa conscience. « Que celui qu'on instruit dans les choses de la foi, assiste de ses biens en toute manière celui qui l'instruit (6) ».

2. Il va désormais parler de ceux qui enseignent, et conseiller à leurs disciples de leur témoigner toutes sortes d'égards. Et pourquoi Jésus a-t-il réglé qu'il en serait ainsi ? Car c'est un précepte du Nouveau Testament, que ceux qui prêchent l'Evangile doivent vivre de l'Evangile. Il en est de même dans l'Ancien Testament : les lévites recevaient de ceux qui étaient au-dessous d'eux des revenus considérables. Pourquoi cela a-t-il été réglé ainsi? Pour nous procurer l'occasion d'être humbles et charitables. Comme la dignité de ceux qui enseignent les prédispose à l'orgueil, Jésus a prévenu ces sentiments, en les réduisant à avoir besoin des secours de leurs disciples : et par compensation il a donné à ceux-ci l'occasion de faire preuve de bienveillance et de bonté, en les exerçant à être charitables pour leurs maîtres et doux pour les autres hommes. Ce qui n'était pas peu fait pour exciter la charité d’une et d'autre part. Si cela ne se passait pas comme je viens de le dire, pourquoi Dieu, (627) qui nourrissait de la manne les Juifs, tout ingrat. qu'ils étaient, a-t-il réduit les apôtres à la position de gens qui demandent leur tain? N'est-il pas évident qu'il a voulu par là donner l'essor à deux grandes vertu : l'humilité et la charité? qu'il a voulu apprendre aux disciples à ne pas rougir de choses qui paraissent peu honorables? Car demander l'aumône semble être une chose dont on doive rougir : mais ils n'avaient plus de pareilles idées quand ils voyaient leurs maîtres s'y résigner sans détour. De la sorte les disciples en retiraient ce grand avantage d'être élevés à mépriser toute vanité. C'est pourquoi Paul dit : « Que celui qu'on instruit dans les choses de la foi, assiste de ses biens en toute manière celui qui l'instruit ». C'est-à-dire, qu'il le fasse vivre dans l'abondance, car tel est le sens de ces paroles : « Qu'il l'assiste de ses biens en toute  manière ». Que le disciple, dit-il, n'ait rien en propre et qu'il mette tous ses biens en commun. Car il reçoit plus qu'il ne donne : en effet, combien les trésors du ciel ne sont-ils pas supérieurs à ceux de la terre? C'est ce que Paul faisait entendre ailleurs quand il disait « Si donc nous avons semé parmi vous des biens spirituels , est-ce une grande chose que nous recueillions un peu de vos biens « temporels? » Voilà pourquoi il appelle cela une communauté, montrant que c'est un véritable échange. Par là notre charité devient plus ardente et plus solide. Si le maître ne demande que le nécessaire, il ne perd rien de sa dignité, même quand il reçoit. Car c'est même une chose honorable que d'être si absorbé par les soins de la prédication, qu'on soit réduit à avoir besoin des autres, à vivre dans une profonde pauvreté, et à mépriser tous les biens terrestres. S'il dépasse la mesure, il perd de sa dignité, non pas parce qu'il reçoit, mais parce qu'il reçoit trop : ensuite, pour que la perversité du maître ne ralentisse pas le zèle du disciple, et pour qu'il ne soit pas indifférent pour la pauvreté en songeant à ses mauvaises mœurs, Paul dit plus loin : « Ne nous lassons pas de faire le bien ». Ici il montre la différence qui existe entre la recherche des biens spirituels et celle des biens temporels, et il s'exprime en ces termes : « Ne vous y trompez pas, on ne se moque point de Dieu. L'homme ne recueillera que ce qu'il aura semé : car celui qui sème dans sa chair recueillera de la chair la corruption et la mort; et celui qui sème dans l'Esprit, recueillera de l'Esprit la vie éternelle (7, 8) ».

De même qu'en fait de semences , on ne peut récolter de blé là où on a semé de l'orge, car il faut que la semence et la récolte soient de même espèce; de même, quand il s'agit de uns oeuvres, celui qui sème dans sa chair la mollesse, l'ivrognerie, les désirs déréglés, en récoltera les fruits. Or ces fruits, quels sont-ils? Les châtiments, lis supplices, la boute, le ridicule, la corruption. Car les riches festins et les plaisirs ne produisent pas d'autre résultat que la corruption : eux mêmes sont corrompus et corrompent le corps. Il n'en est pas de même des choses de l'Esprit, elles produisent même des résultats tout contraires. Voyez plutôt : Vous avez semé l'aumône; les trésors du ciel et une gloire éternelle vous sont réservés : vous avez semé la chasteté, vous récolterez les honneurs, le prix du combat, les éloges des anges et la couronne décernée par le souverain Juge. — « Ne nous lassons donc point de faire le bien, puisque sans fatigue nous en recueillerons le fruit en son temps. C'est pourquoi, pendant que nous en avons le temps, faisons du bien à tous, mais principalement à ceux qu'une même foi a rendus comme nous domestiques du Seigneur (9, 10) ». Pour qu'on né croie pas qu'ils doivent avoir soin de leurs maîtres, à l'exclusion des autres hommes, il élargit le cercle de ses recommandations, et il ouvre à tous les hommes l'accès de leur charité; il va même jusqu'à leur dire d'être compatissants pour les Juifs et pour les gentils, tout en observant la gradation convenable, mais de leur être compatissants néanmoins. En quoi consiste cette gradation?. A montrer de l'affection aux fidèles surtout. Ce qu'il a coutume de faire dans ses autres épîtres, il le fait encore ici, il ne nous recommande pas seulement d'être compatissants, mais de l'être avec ardeur et avec constance. C'est à quoi il fait allusion quand il parle de semence, et qu'il nous exhorte à ne pas nous fatiguer de faire le bien. Ensuite, après avoir exigé beaucoup de nous, il dépose à notre porte le prix de la lutte, cette récolte extraordinaire et d'un nouveau genre qu'il vient de dépeindre.

3. Pour ne parler que du travail de la terre, ce n'est pas seulement celui qui sème, mais ainsi celui qui amasse la récolte, qui prend (628) beaucoup de peine, obligé qu'il est de lutter contre la chaleur, la poussière et toutes sortes de désagréments. Mais il n'y a plus rien de tout cela quand il s'agit dé la récolte spirituelle, dit-il. Et il le fait ressortir avec évidence : « Nous en recueillerons le fruit en son temps et sans éprouver de fatigue ». Par ces paroles il les exhorte et les entraîne : il revient encore à la charge d'un autre côté et les excite en disant : « C'est pourquoi pendant que nous en avons le temps faisons le bien ». Si nous ne sommes pas maîtres de semer toujours, nous ne le sommes pas non plus d'être toujours généreux envers les autres. Quand nous avons laissé échapper l'occasion , nous ne pouvons rien faire de plus, eussions-nous mille fois le désir de revenir sur ce qui s'est passé. Témoins les vierges de l'Evangile (Matth. XXV) qui , malgré toute leur bonne volonté, se virent fermer la porte de l'Epoux , parce qu'elles n'avaient pas emporté une aumône abondante. Témoin le riche qui avait méprisé Lazare, et qui, faute d'avoir mérité son appui, gémissait et suppliait sans parvenir à exciter la compassion d' Abraham et de personne autre, et restait perpétuellement étendu           sur son gril sans obtenir aucun pardon (Luc , XVI). Voilà pourquoi il dit : « Tant que nous en avons le temps faisons le bien » même « envers tous », et par là il préservait ses disciples d'une bassesse particulière aux Juifs. Ces hommes en effet, n'avaient de bonté que pour ceux de leur race : tandis que la doctrine de la grâce convie à la table de la charité et la terre et la mer, quoiqu'elle fasse cependant une distinction en faveur des fidèles.

« Voyez quelle lettre je vous ai écrite de ma propre main. Tous ceux qui mettent leur gloire en des cérémonies charnelles, vous obligent à vous faire circoncire (11, 12) ». Remarquez la douleur de cette âme bienheureuse. De même que ceux qui sont en proie à un vif chagrin, ou qui ont perdu quelqu'un des leurs, ou qui sont frappés d'un coup imprévu, n'ont de repos ni nuit ni jour par suite du chagrin qui obsède leur âme ; de même le bienheureux Paul, après avoir dit quelques mots au sujet de la morale, revient au sujet qu'il a traité d'abord et qui lui tient le plus à coeur : « Voyez quelle lettre je vous ai écrite de ma propre main ».

Par ces paroles il veut seulement leur faire comprendre qu'il a écrit lui-même la lettre entière. Ce qui est la marque d'une sincère affection. Quand il s'adressait à d'autres, il dictait et un autre écrivait : c'est ce qui ressort de son épître aux Romains, car à la fin de l'épître on lit : « Je vous salue, moi Tertius qui ai écrit l'épître ». Cette fois c'est Paul lui-même qui a tout écrit. Il était obligé de le faire, non pas seulement par affection pour les Galates, mais encore pour enlever tout. prétexte aux mauvais soupçons. Comme on l'accusait de ne pas agir de la même manière que les autres apôtres, et qu'on prétendait qu'il prêchait réellement la circoncision tout en feignant de ne pas la prêcher, il se vit contraint d'écrire cette épître de sa propre main, et de la leur envoyer comme un témoignage écrit. Par cette expression « quelle lettre », il me semble qu'il n'a pas voulu indiquer la grandeur, mais la forme disgracieuse des caractères; c'est presque comme s'il disait : J'écris très-mal, et cependant j'ai été forcé d'écrire de ma propre main, pour fermer la bouche aux sycophantes.

« Tous ceux qui mettent leur gloire en des cérémonies charnelles, ne vous obligent à  vous faire circoncire qu'afin de n'être point eux-mêmes persécutés pour la croix de Jésus-Christ. Car ceux mêmes qui se font circoncire ne gardent point la loi, mais ils veulent que vous receviez la circoncision, afin qu'ils se glorifient en votre chair (13) ». Dans ce passage , il montre qu'ils ne supportent pas ce joug volontairement, mais qu'ils y sont contraints, leur donnant ainsi une occasion de se retirer, prenant presque leur défense, et les engageant à s'éloigner au plus vite. Quel est le sens de ces mots: « Qui mettent leur gloire en des cérémonies charnelles? » Ils veulent acquérir de la réputation parmi les hommes, parce que les Juifs leur reprochaient d'avoir renoncé aux coutumes de leurs pères. Pour n'être plus exposés à ces reproches, dit-il, ils veulent vous nuire, pour se glorifier en votre chair auprès des autres Juifs. Il disait cela afin de montrer que ces hommes n'agissaient pas ainsi en vue de Dieu. C'est comme s'il disait : Ce n'est point la piété qui a fait agir ces hommes : tout ce qu'ils ont fait, ils .l'ont fait par des motifs purement humains, pour plaire aux infidèles en mutilant les fidèles, et ils aiment mieux manquer à Dieu que de déplaire aux hommes. (629) Voilà ce que signifient ces mots: « Qui mettent leur gloire en des cérémonies charnelles ». Après avoir déjà montré, par d'autres raisonnements, qu'ils sont indignes de pardon, il les confond de nouveau en leur prouvant que le mobile de leur conduite n'a pas été seulement de plaire aux autres hommes, mais encore de satisfaire leur amour-propre. C'est pourquoi il a ajouté : « Afin qu'ils se glorifient en votre chair », vous ayant pour disciples, et jouant le rôle de maîtres. Et quelle preuve en donne-t-il ? « La loi n'est pas même observée par eux», dit-il. Quand même ils l'observeraient, ils seraient encore tout à fait indignes de pardon : or dès à présent leurs intentions mêmes sont coupables.

« Mais pour moi, à Dieu ne plaise que je me glorifie en autre chose qu'en la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ (14) ». Pour lui, se glorifier est chose blâmable, mais quand il s'agit du monde et d'être glorifié par les infidèles s'il s'agit du ciel et des fidèles, ce n'est plus de la vanité, c'est une véritable gloire, et une grande. La pauvreté est chose honteuse, pour nous c'est chose glorieuse; l'obscurité et l'humilité prêtent à rire à la plupart des hommes, . nous nous en faisons gloire. C'est ainsi que la croix même est pour nous un sujet de glorification. Paul n'a pas dit . Je ne me glorifie pas , ou : Je ne veux pas me glorifier, mais : « A Dieu ne plaise que je me glorifie». Il repousse cette idée comme déraisonnable , et invoque le secours de Dieu pour se préserver de ce péché. Et pourquoi a-t-on le droit de se glorifier de la croix? Parce que Jésus-Christ a pris pour moi la forme d'un esclave, qu'il a souffert pour moi un vil esclave, un ennemi, un ingrat, et qu'il m'a aimé au point de se livrer pour moi. Où trouver rien de pareil? Si des esclaves sont fiers, pour peu qu'ils soient loués par leurs maîtres, qui sont des hommes comme eux, comment ne devrons-nous pas nous glorifier, lorsque le Maître suprême, le vrai Dieu, n'a pas rougi de monter sur la croix pour nous ?

4. Ne soyons pas indignes de son ineffable bonté. Lui-même ne s'est pas indigné d'être mis en croix pour vous, et vous, vous rougiriez de reconnaître sa bonté infinie ? C'est comme si un prisonnier, qui n'aurait jamais rougi de son roi, en avait honte après que celui-ci et parce que celui-ci serait venu en personne dans sa prison pour lui ôter ses chaînes. Ce serait le comble de la démence, car c'est précisément alors qu'il faut être fier. « Par qui le monde est mort et crucifié pour moi, comme je suis mort et crucifié pour le monde ». Par le monde il ne désigne ni le ciel, ni la terre, mais les choses de la vie humaine, les louanges accordées par les hommes, l'éclat de la puissance, la gloire, la richesse , et tout ce que nous regardons comme brillant. Cela est mort pour moi. Voilà le chrétien tel qu'il doit être, voilà le langage qu'il doit foujours tenir. Mais ce premier genre de mort n'a pas suffi à Paul , il en a ajouté un autre en disant : « Et moi je suis mort pour le monde ». Il fait allusion à deux genres de mort, et dit : Et ces choses sont mortes pour moi, et moi je suis mort pour elles; elles ne peuvent pas se saisir et s'emparer de moi, car elles sont bien et dûment mortes, pas plus que je ne puis les désirer, car je suis mort pour elles, moi aussi. Rien de plus heureux que cette mort : c'est sur elle que repose la vie heureuse. « Car la circoncision ne sert de rien, ni l'incirconcision, mais la nouvelle créature. Je souhaite la paix et la miséricorde à tous ceux qui se conduiront selon cette règle, et à l'Israël de Dieu (15, 16)».

Voyez-vous à quelle hauteur il a été élevé par la puissance de la croix? Non-seulement c'est par elle que toutes les choses de ce monde sont mortes pour lui , mais c'est encore elle qui l'a mis bien au-dessus des préceptes de l'ancienne loi. Quoi d'égal à une telle puissance? Cet homme prêt à tuer comme à se laisser tuer pour la circoncision, la croix l'a persuadé , et le voilà qui ne tient pas plus de compte de la circoncision que de l'incirconcision, et qui s'est mis à la recherche de choses nouvelles et étranges, et supérieures au ciel lui-même. Ce qu'il appelle la nouvelle créature, c'est notre doctrine; il l'appelle ainsi et pour ce qu'elle a produit et pour ce qu'elle produira : pour ce qu'elle a produit, parce que notre âme, vieillie dans le péché, a repris tout à coup par l'effet du baptême une nouvelle jeunesse et qu'elle a été en quelque sorte créée à nouveau; ce qui fait qu'on exige de nous une vie nouvelle et conforme à nos célestes destinées : pour ce qu'elle produira , parce que le ciel et la terre et toute la création deviendront incorruptibles ainsi que nos corps. (630) Ne me parlez donc plus, dit-il, de la circoncision qui désormais n'a plus de puissance comment pourra-t-on la remarquer au milieu d'un changement si considérable et universel? Recherchez au contraire ces biens nouveaux que nous apporte la grâce. Ceux qui suivent cette voie jouiront de la paix et s'attireront les bonnes grâces du Seigneur, et auront seuls le droit de prendre le nom d'Israël : tandis que ceux qui ont des opinions contraires, quand même ils descendraient d'Israël et porteraient son nom, se verront privés de tout cela, de cette communauté de nom et d'origine. Ceux qui ont le droit de s'appeler israélites, sont ceux qui se conforment à cette règle, qui se détachent des anciens errements, et suivent la voie de la grâce. « Au reste , que personne ne me cause de nouvelles peines (17) ».

Ici il ne s'exprime pas en homme qui est las et abattu, car, lui qui était prêt à tout frire et à tout souffrir pour ses disciples, comment aurait-il pu se fatiguer et se décourager, lui qui a dit : « Insistez toujours, soit à temps, soit à contre-temps » (II Tim. IV, 2), et qui a dit: « Si Dieu leur donne la connaissance de la vérité, et qu'ils se dégagent des piéges du diable ? » (II  Tim. II, 25, 26.) Pourquoi donc tient-il ce langage aux Galates? Pour raffermir leur esprit chancelant, pour augmenter leur appréhension, pour consolider la loi qu'il leur avait enseignée, et parce qu'il ne voulait pas cesser de les stimuler. « Car je porte imprimées sur mon corps les marques du Seigneur Jésus ». Il n'a pas dit : J'ai; mais : «Je porte les marques », comme un homme fier de porter un trophée ou des insignes de la royauté, quoiqu'il semblât que ce fût un déshonneur. Lui, il ce glorifie de ses cicatrices, et, comme les porte-drapeaux d'une armée , il est fier de ses blessures et se plaît à les montrer. Dans quel but s'exprime-t-il ainsi ? Il n'y a pas de raisonnement, il n'y a pas de parole qui plaide plus éloquemment pour moi que ces marques imprimées sur mon corps, leur dit-il. Plus retentissantes que le bruit de la trompette, elles couvrent la voix de mes adversaires, de ceux qui prétendent que je prêche l'Evangile avec dissimulation, et que dans mon langage je recherche l'approbation des hommes. Si l'un voyait sortir des rangs un soldat couvert de sang et de blessures, on n'oserait pas le soupçonner de lâcheté, ni de trahison, en voyant sur son corps les preuves manifestes de son courage. C'est aussi ce que vous devez penser de moi, dit-il. Voulez-vous entendre ma défense, et connaître le fond de ma pensée, regardez mes blessures, elles vous offriront des arguments plus concluants que mes paroles et que mes lettres. Au commencement de son épître, il s'appuie sur sa brusque conversion, pour prouver que ses opinions étaient sincères, et à la fin il s'appuie sur les dangers qui en sont résultés pour lui, afin qu'on ne dise pas qu'après s'être écarté de la droite voie, il n'a même pas su persévérer dans ses nouveaux sentiments. Ses travaux, ses dangers, ses blessures sont là pour témoigner qu'il y a persévéré. Après avoir présenté son apologie claire et complète, et avoir montré qu'il n'y avait trace dans son langage ni de colère, ni de haine, mais qu'il conservait inébranlable son affection pour eux, il revient au même but qu'il a déjà poursuivi, et clôt son épître en leur souhaitant toutes sortes de biens : « Mes frères », dit-il, « que la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ demeure avec votre esprit. Ainsi soit-il. (48) ».

C'est par cette dernière parole qu'il scelle tout ce qu'il a dit précédemment. Il ne s'est pas contenté de dire: Soit avec vous, comme dans les autres circonstances, mais il a dit : « Que la grâce demeure avec votre esprit », pour les soustraire aux préoccupations de la chair, et leur montrer en toute occasion la bonté de Dieu, et leur rappeler la grâce dont ils ont joui, grâce qui le rendait assez fort pour qu'il les arrachât à tonte erreur judaïque. S'ils avaient r(çu le Saint-Esprit, ils n'en étaient pers redevables à l'indigence de la loi, mais à la justification selon lu fui : et si, après l'avoir reçu, ils l'avaient gardé, c'était encore un effet, non de la circoncision, mais de la grâce. C'est pour cela qu'il termine ses exhortations par un vœu, et que, en même temps qu'il les appelle ses frères, il leur parle de la grâce et du Saint-Esprit, priant Dieu qu'ils puissent en jouir sans cesse, et assurant leur sécurité de deux manières : car les paroles dont il se sert contiennent à la fois un voeu et un enseignement qui, résumant tout ce qu'il a déjà dit, devient pour eux comme un double rempart. En effet, cet enseignement leur rappelait de quels biens ils avaient joui, et les rendait plus fidèles aux dogmes de l'Eglise, tandis que le voeu, en appelant sur eux la grâce et (631) en les engageant à persévérer, empêchait l'Esprit de se retirer d'eux. Tant qu'ils le possédaient, la trompeuse doctrine des faux apôtres s'envolait comme de la poussière. En Jésus-Christ, notre Seigneur, à qui appartiennent la gloire et la puissance, en compagnie du Père et du Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

 

Traduit par M. BOUCHERIE.

 

FIN DU COMMENTAIRE SUR L'ÉPÎTRE AUX GALATES ET DU DIXIÈME VOLUME.

 

 

 

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