ANALYSE
.
1-3. De la lutte contre le
démon. De la prière.
4 et 5. Exemple d'Anne.
De la corruption de l'âme.
1.
« Ceignant vos reins de la vérité ». Qu'est-ce que cela signifie? Cela signifie, nous
l'avons dit dans notre précédent entretien, qu'il faut nous tenir dispos et en état de
courir sans obstacle. « Et revêtant la cuirasse de la justice ». La justice est comme
une cuirasse elle est invulnérable. Par justice, il faut entendre ici la vie vertueuse,
en général. L'homme ainsi muni, nul ne pourra le terrasser: Si on le blesse souvent, le
diable lui-même ne saurait le mettre en pièces. Cela revient à dire : La justice dans
te coeur. C'est de ces hommes que parle le Christ, en disant: « Bienheureux ceux qui sont
affamés et altérés de la justice, parce qu'ils seront rassasiés ». (Matth. V, 6.) L'homme qui a la justice dans le coeur est fort comme
une cuirasse. Il ne se laissera jamais aller à la colère. « Et chaussant vos pieds pour
vous préparer à l'Evangile de paix ». Il y a ici quelque obscurité. Qu'est-ce que cela
signifie? Voilà une glorieuse chaussure, qui nous prépare à l'Evangile. Ou il veut dire
qu'ils doivent être prêts pour l'Evangile, user de leurs pieds pour cela, lui préparer,
lui frayer la voie : ou bien qu'il faut nous préparer à la sortie. Dès lors, la
préparation à (565) l'Evangile, n'est pas autre chose qu'une vie irréprochable. Comme
dit le prophète: « Votre oreille a entendu la préparation de leur coeur ». (Ps.
X, 19.) « A l'Évangile de paix », dit-il. En voici la raison. Il a parlé de guerre et
de combats: il montre maintenant que c'est aux démons qu'il faut faire la guerre: car
l'Évangile est un Evangile de paix. Cette guerre-là met fin à une autre guerre, la
guerre contre Dieu : quand nous combattons le diable, nous sommes en paix avec Dieu.
Ne craignez donc rien, mon cher auditeur; voici l'Évangile: la victoire est assurée. «
Prenant surtout le bouclier de la « foi ». Par foi il entend ici, non la doctrine, car
il ne l'aurait pas mise au second rang, mais la grâce, par laquelle se font les signes.
Et c'est à bon droit qu'il nomme la foi un bouclier : car, si un bouclier forme une sorte
de rempart autour du corps tout entier, la même chose est vraie de la foi; tout lui
cède : « Dans lequel vous puissiez éteindre tous les traits enflammés du malin
». En effet, rien. ne peut briser ce bouclier. Écoutez ce que
le Christ dit à ses disciples : « Si vous aviez de la foi comme un grain de sénevé,
vous diriez à cette montagne : Passe d'ici là, et elle y passerait ». (Matth. XVII, 19.) Mais comment faire pour avoir la foi? Il faut
accomplir ces prescriptions. Par ces mots: Traits du malin, il entend les tentations, les
passions déréglées. C'est à propos qu'il ajoute : « Enflammés». Car telles sont les
passions. Si la foi a pu commander aux démons, à plus forte raison peut-elle se faire
obéir des passions. « Prenez aussi le casque du salut » : entendez : « Pour votre
salut ». Il les revêt d'une armure, comme s'il les menait au combat. « Et le glaive de
l'Esprit qui est la parole de Dieu ». Ceci doit être entendu soit de l'Esprit, soit du
glaive de l'Esprit, glaive au moyen duquel on peut tout fendre, tout couper, et décapiter
le dragon.
«
Priant en esprit en tout temps, par toute sorte de prières et de supplications, et dans
le même esprit, veillant en toute instance et supplication pour tous les saints; et pour
moi, afin que, lorsque j'ouvrirai la bouche, des paroles me soient données pour annoncer
avec assurance le mystère de l'Évangile, dont j'exerce la légation dans les chaînes,
et qu'ainsi j'ose en parler comme je dois (18-20) ». Si là parole de Dieu peut tout, il
en est de même de celui qui a le don de l'Esprit. « Car la parole de Dieu est vivante,
efficace, et plus pénétrante que tout glaive à deux tranchants ». (Hébr. IV, 12.)
Voyez la sagesse de ce saint. Il les a armés avec le plus grand soin ; maintenant il
montre comment ils doivent invoquer le roi , pour qu'il leur
tende la main : « Priant en esprit, en tout temps, par toutes sortes de prières et de
supplications ». On peut, en effet, marmotter des prières, et ne pas prier en esprit. «
Et dans le même esprit veillant ». C'est-à-dire, restant sages : tel doit être l'homme
armé, l'homme debout auprès du roi : vigilant, de sang-froid. « En toute instance et
supplication pour tous les saints, et pour moi, afin que, lorsque j'ouvrirai la bouche,
des paroles me soient données ». Que dis-tu, ô bienheureux Paul? tu
as besoin des disciples? Il a bien soin de dire : « Quand j'ouvrirai la bouche ». Il ne
méditait donc pas ses paroles : Le Christ l'a dit : « Lorsque l'on vous livrera, ne
pensez ni comment ni ce que vous devrez dire; il vous sera donné en effet à l'heure
même ce que vous devrez dire ». (Matth. X, 19.) Ainsi Paul
faisait tout par foi, tout par grâce. « Pour annoncer avec assurance le mystère de
l'Évangile ». En d'autres termes, afin que je plaidé ma cause comme il faut. Tu es dans
les fers, et tu as besoin d'autrui? Oui, répond-il. Car Pierre aussi était chargé de
chaînes; et néanmoins on priait pour lui sans relâche. « Dont j'exerce la légation
dans les chaînes, et qu'ainsi j'ose en parler comme je dois » : c'est-à-dire, afin que
je réponde avec assurance, courage, intelligence. « Et pour que vous sachiez les
circonstances où je me trouve, et ce que je fais, Tychique,
notre frère et fidèle ministre du Seigneur, vous apprendra toutes choses (21) ».
2.
Après avoir fait mention de sa captivité, il s'en remet à Tychique
du soin d'en dire davantage de sa part. Pour ce qui était des dogmes et de l'exhortation , il s'expliquait dans son épître : mais il laissait
au porteur de sa lettre tout ce qui était pur message. Voilà pourquoi il ajoute : «
Pour que vous sachiez ce qui nous concerne ». Par là il fait voir et son affection pour
eux, et leur affection pour lui. « Lequel j'ai envoyé vers vous exprès pour que vous
sachiez ce qui nous concerne, qu'il console
vos coeurs (22) ». Ceci est motivé par ce qui précède : « Vous étant revêtus et
ceints », ce qui indique une prière continuelle et ininterrompue. Écoutez plutôt le
(566) prophète : « Qu'il soit pour lui comme un manteau dont il se revêt, comme une
ceinture dont il est ceint perpétuellement ». (Ps. CVIII, 19.) Et le prophète dit de
Dieu même qu'il porte une cuirasse de justice, nous avertissant par là que c'est
toujours et non pour un moment que nous devons être munis de la sorte : toujours il faut
combattre. Et un autre dit ailleurs : « Le juste est confiant comme un lion ». (Prov.
XXVIII, 1.) En effet, un homme ainsi cuirassé ne saurait avoir peur d'une armée ; il
s'élance au milieu des ennemis. Isaïe dit aussi : « Beaux sont les pieds de ceux qui
annoncent la paix ». (Isaïe, LII, 7.) Qui n'accourrait, qui ne s'empresserait de
contribuer à cette oeuvre, d'annoncer aux hommes la paix, la paix de Dieu, une paix qui
ne coûte aux hommes aucune peine, qui est l'oeuvre de Dieu seul? Ce que c'est maintenant
que la préparation de l'Evangile,.Jean va nous l'apprendre :
« Préparez la voie du Seigneur, « rendez droits ses chemins ». Mais en disant cela, il
a en vue le baptême : or, après le baptême il faut encore une autre préparation c'est
à celle-là que l'apôtre songe en disant « Pour vous préparer à l'Evangile de paix
»; conseil indirect d'éviter tout ce qui nous rendrait indigne de la paix. Les pieds
étant pris souvent comme image de la vie, il répète souvent, pour ce motif, dans ses
exhortations « Songez à bien marcher », c'est-à-dire à vous bien conduire.
Sachons
donc rendre notre vie digne de l'Evangile, et, durant toute notre existence, rester
irréprochables dans notre conduite et nos actions. La paix a été annoncée, frayez la
voie à cette bonne nouvelle ; car si vous redevenez ennemis, plus de préparation à la
paix. Soyez prêts, ne différez pas le moment de la paix... Restez ce que vous êtes
devenus: prêts à la paix et à la foi. La foi est un bouclier, qui arrête au passage
les atteintes de l'ennemi, et préserve nos armes. Si donc la foi reste droite et la vie
également, les armes demeurent intactes. En bien d'autres endroits, il revient sur ce
sujet de la foi, mais principalement dans son épître aux Hébreux; et aussi sur le sujet
de l'espérance. Croyez, dit-il, aux biens futurs, et tout cela sera hors d'atteinte. Si
dans les dangers, dans les épreuves, vous vous faites un rempart de l'espérance et de la
foi, vos armes n'éprouveront aucun choc funeste. « Celui qui s'approche de Dieu doit
croire qu'il est, et qu'il récompensera ceux qui le cherchent ». La foi est un bouclier
qui abrite ceux qui croient avec simplicité; si au contraire, on y mêle des
raisonnements, des discussions, de vaines recherches, ce n'est plus un bouclier, mais un
embarras. La foi doit être telle qu'elle nous couvre, qu'elle nous protège
entièrement... Qu'elle ne soit donc pas courte de manière à laisser sans défense ou
les pieds ou quelque autre partie : le bouclier doit avoir les dimensions du corps. «
Enflammés ». Nombreuses sont les pensées qui consument notre âme ,
nombreux les doutes, nombreuses les hésitations : mais la foi, en réalité, apaise tout
cela. Le diable nous décoche bien des traits propres à enflammer notre âme, et à la
jeter dans le doute, comme lorsque quelques-uns demandent: Y a-t-il une résurrection? y a-t-il un jugement? y a-t-il une
rétribution? Mais si vous avez le bouclier de la foi, vous éteindrez les traits du
diable. Une passion déréglée a pénétré en vous, le feu des mauvaises pensées vous
consume entièrement? Couvrez-vous de la croyance aux biens futurs; et rien ne paraîtra,
tout sera anéanti. «Tous les traits » : non pas une partie seulement. Ecoutez ce que
nous dit Paul : «J'estime que les souffrances du temps présent ne sont pas
proportionnées à la gloire qui doit être révélée en nous ». (Rom. VIII, 18.)
Voyez-vous
combien de traits ont éteints les justes d'autrefois? Ou n'était-ce pas à vos yeux un
trait enflammé que la douleur qui consuma le coeur du patriarche au moment d'offrir son
fils... Et ce n'est pas le seul juste qui ait éteint tous les traits du diable. Si donc
les mauvaises pensées nous font la guerre, couvrons-nous de ce bouclier; armons-nous. en contre les passions déréglées : dans la souffrance et la peine,
servons-nous-en comme d'un appui. C'est un rempart pour notre armure toute entière : sans
cela, elle serait bientôt percée. « En tout prenant le bouclier de la foi ».
Qu'est-ce à dire, « En tout? » c'est-à-dire, en vérité, en justice, en préparation
de l'Evangile. En d'autres termes, toutes ces choses en ont besoin. C'est pourquoi il
ajoute : « Prenez aussi le casque du salut»; en d'autres termes, par là vous pourrez
vivre désormais en sûreté, et échapper à tous les périls. De même que le casque qui
enveloppe exactement la tête de tous côtés, la préserve de tout accident : de même la
foi tient lieu de (567) bouclier, de casque de salut. Si nous éteignons les traits du
diable, bientôt nous recevrons en. nous les pensées
salutaires qui préserveront de toute atteinte notre faculté souveraine. Les pensées
contraires une fois éteintes, bientôt les pensées salutaires, les pensées d'espérance
naîtront en nous, et se fixeront dans notre raison comme un casque sur notre tête.
3.
C'est peu : nous recevrons encore le glaive de l'Esprit, en sorte que non-seulement
nous serons à l'abri des traits lancés contre nous, mais que nous pourrons encore
frapper le diable lui-même. Si l'âme ne désespère point d'elle-même
, si elle ne reçoit pas les traits enflammés, elle résistera énergiquement à
l'ennemi , elle brisera sa cuirasse avec ce même glaive au moyen duquel Paul la brisa et
asservit les pensées de celui qui en était revêtu : On mutilera, on décapitera le
dragon. « Qui est la parole de Dieu ». En disant: Parole de Dieu, il entend ses ordres
ou ses préceptes. Quand les apôtres faisaient des miracles, ils s'autorisaient toujours
du nom de Jésus-Christ. Et nous aussi, en toutes choses, songeons seulement à nous
conformer aux ordres de Dieu si nous le faisons, nous tuerons, nous exterminerons par là
le dragon, le serpent aux replis tortueux. Veuillez considérer ici la sagesse de Paul.
Après avoir dit: « Vous pourrez éteindre les traits enflammés du diable», afin de ne
pas enfler d'orgueil ceux à qui il s'adresse, il leur montre qu'ils ont, pour cela, le
plus grand besoin du secours de Dieu. Que dit-il, en effet? « Par toute sorte de prières
et « de supplications ». C'est comme s'il disait Cela sera, et vous réussirez à tout
en priant ; mais ne priez jamais pour vous seul, et ainsi vous aurez Dieu propice. « Par
toute sorte de prières et de supplications, et dans le même esprit veillant en toute
instance et supplication pour tous les saints ». Ne distinguez point entre les moments de
la journée : écoutez ce qu'il vous prescrit : Priez u En tout « temps », ou sans
cesse. N'avez-vous pas entendu parler de cette veuve qui triompha à force d'assiduité ?
N'avez-vous pas entendu parler de cet ami qui fléchit Dieu par sa persévérance
nocturne? N'avez-vous pas entendu parler de cette Syro-Phénicienne
qui gagna Dieu par la fréquence de ses visites ? Tous réussirent par l'assiduité. «
Priant en esprit en tout temps ». En d'autres termes : Cherchons ce qui est selon Dieu,
rien de mondain, rien qui regarde cette vie. Il ne faut donc pas seulement que la prière
soit assidue, il faut encore qu'elle soit vigilante : « Et dans le même esprit veillant
». Peut-être veut-il parler des veilles , peut-être de
l'état d'une âme vigilante : j'accepte les deux interprétations. Elle veillait, cette Chananéenne, quand, repoussée par le Seigneur qui refusait de lui
répondre et la traitait de chienne, elle lui dit : « Il est vrai, Seigneur; mais
les chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres » (Matth. XV, 20) ; et elle ne s'éloigna pas, avant d'être exaucée.
Vous savez comment criait cette veuve, et comment elle persista, jusqu'à ce qu'elle eût
fléchi un magistrat sans crainte de Dieu ni de l'opinion des hommes. Vous savez comment
persévéra cet ami qui priait jusqu'à une heure avancée de la nuit, jusqu'à ce qu'il
eût fléchi son ami par son assiduité et obtenu le réveil désiré. Voilà ce qui
s'appelle veiller.
Voulez-vous
savoir en quoi consiste la vigilance de l'âme ? Approchez -
vous d'Anne , écoutez ses paroles: « Adonaï, Eloï Sabaoth». (I Rois, I, 11.) Ou plutôt écoutez ce qui précéda ses
paroles. Tous, est-il écrit, se levèrent de table : mais-elle, alors, ne songea point au
sommeil ni au repos. Ainsi, même à table, elle restait légère, elle ne se chargeait
point d'aliments : autrement, elle n'aurait pas versé tant de larmes. Si nous, même à
jet în, nous avons peine à prier aussi bien, ou plutôt, si
nous ne prions jamais de la sorte, à plus forte raison n'aurait-elle pas prié ainsi en
sortant de table, si même à table elle n'avait été comme une personne à jeun. Hommes,
rougissons à la vue de cette femme; rougissons, nous qui ne pouvons, sans bailler, prier
pour obtenir le royaume, en la voyant pleurer tandis qu'elle prie pour avoir un enfant...
« Et elle s'arrêta devant le Seigneur », ajoute l'Ecriture : Et que dit-elle? «
Adonaï Seigneur, Eloï Sabaoth »
; ce qui se traduit par ces mots Seigneur Dieu des armées. Ses larmes, précédaient ses
paroles : c'est là-dessus qu'elle comptait pour fléchir Dieu. Où il y a des larmes, il
y a nécessairement affliction : où il y a affliction, il y a sagesse et ferveur. « Si
vous exaucez en l'entendant, dit-elle, la prière de votre servante, et que vous me
donniez un fils, je le donnerai en offrande au Seigneur pour toujours ». Elle ne dit pas,
une année ou deux , comme nous : elle ne dit pas : Si (568)
vous me donnez un enfant, je vous ferai une offrande d'argent. Elle dit : Ce don que vous
m'aurez fait, je vous le rends tout entier: à vous, ce premier-né; à vous, cet enfant
de ma prière. Vraie fille d'Abraham ! Abraham donna ce qui lui avait été demandé :
Anne prévient la demande, et donne. Et voyez eu ceci encore paraître sa piété. « Sa
voix n'était pas entendue, dit l'Ecriture, et ses lèvres ne remuaient point ». Ainsi
s'approche de Dieu celui qui veut être exaucé : on ne le voit point s'abandonner,
bailler, s'endormir, se gratter, paraître ennuyé. Est-ce que Dieu ne pouvait pas donner
sans cette prière? Est-ce qu'il ne connaissait pas déjà auparavant le désir de cette
femme? Mais s'il avait prévenu la sollicitation d'Anne, le zèle de celte-ci n'aurait pas
éclaté, sa vertu n'aurait point paru dans tout son jour, elle
n'aurait pas été récompensée si magnifiquement. De sorte que ce délai n'est point une
marque d'avarice ni de jalousie, mais de sollicitude.
4.
Quand donc vous trouverez dans l'Ecriture « Qu'il avait fermé son sein ; et que sa
rivale la persécutait »,songez que Dieu voulait par là
montrer la sagesse d'Anne. Voyez plutôt, son mari lui était attaché, il lui disait : «
Ne suis-je pas bon pour toi plus que dix enfants ? Et sa rivale la persécutait » ; elle l'injuriait , l'insultait. Et jamais Anne ne répondit aux mauvais
procédés de cette femme , jamais elle ne proféra
d'imprécation contre elle, jamais elle ne dit : Ma rivale m'outrage, venge-moi. Cette
rivale avait des enfants . mais elle
avait, elle, pour compensation l'amour de son mari. C'est par là qu'il la consolait,
disant: « Ne suis-je pas bon pour toi plus que dix enfants? » Mais considérons encore
la sagesse d'Anne. «Et Héli crut qu'elle était ivre ». Voyez maintenant sa
réponse : « Ne croyez pas que votre servante soit comme une fille de Bélial ; car
il n'y a que l'excès de ma douleur et de mon affliction qui m'ait fait parler jusqu'à
cette heure ».Voilà qui marque véritablement un coeur contrit : ne pas s'irriter ou
s'offenser des injures, se justifier seulement. Rien n'affermit un coeur dans la sagesse,
comme. l'affliction; rien n'est doux comme la douleur selon
Dieu. « Il n'y a que l'excès de ma douleur et de mon affliction qui m'ait fait parler
jusqu'à cette heure ». Imitons-la, tous tant que nous sommes. Ecoutez
, vous toutes qui êtes stériles, vous toutes qui désirez des enfants, écoutez,
hommes et femmes. Car souvent les hommes se joignent à ces supplications. Ecoutez ce que
dit l'Ecriture : « Et Isaac priait au sujet de Rébecca , sa
femme , parce qu'elle était stérile ». (Gen. XXV, 21.)
Grand est le pouvoir de la prière.
«
En toute instance et supplication pour a tous les saints, et pour moi ». Il se nomme en
dernier lieu. Que fais-tu , bienheureux Paul? Tu te places au
dernier rang? Oui, dit-il : « Afin que , lorsque j'ouvrirai la
bouche, des paroles me soient données pour annoncer avec assurance le mystère de
l'Evangile , dont j'exerce la légation dans les chaînes ». Auprès de qui exerces-tu
cette légation ? Auprès des hommes. O bonté de Dieu ! Il a envoyé du ciel des
ambassadeurs en son nom, au nom de la paix : et les hommes les ont pris et enchaînés , sang même observer cette loi du droit des gens ; que
la personne d'un ambassadeur est inviolable: Néanmoins j'exerce ma légation dans les
chaînes. La captivité m'empêche de parler librement : mais votre prière m'ouvrira la
bouche, afin que je puisse dire avec assurance ce que je dois dire : en d'autres tenues,
afin que je dise tout ce que j'ai été chargé de dire. « Et pour que vous sachiez les
circonstances où je me trouve , et ce que je fais, Tychique, notre frère,
et fidèle ministre du Seigneur, vous apprendra toutes choses ». S'il est fidèle , il ne mentira pas , il ne dira que la vérité. «Lequel
j'ai envoyé vers nous exprès pour que vous sachiez ce qui nous concerne, et qu'il
console vos coeurs ». Ah ! quel amour ! Il veut dire : afin
que ceux qui voudraient vous effrayer ne le puissent pas : les Ephésiens devaient
être en effet dans les angoisses : cela résulte de ces mots : « Afin qu'il console vos
coeurs »: Afin qu'il vous empêche de tomber dans le découragement. « Paix à nos
frères et charité avec la foi, par Dieu le Père et par le Seigneur Jésus-Christ». Il
leur souhaite la paix et la charité avec la foi. Sage précaution : car il ne veut pas
que leur charité soit sans discernement, qu'ils se mêlent aux infidèles. Voilà ce
qu'il veut dire ou bien il s'exprime ainsi pour qu'ils aient foi, pour qu'ils aient bonne
espérance au sujet des biens futurs. La paix vis-à-vis de Dieu est en même temps la
charité. En effet, s'il y a paix, il y aura charité; s'il y a charité, il y (569) aura
paix. « Avec la foi ». La charité n'est bonne à rien, sans la foi : ou plutôt, sans
la foi, la charité est impossible. « Et que la grâce a soit avec tous ceux qui aiment
Notre-Seigneur Jésus-Christ dans l'incorruptibilité. Ainsi soit-il ». Ici il distingue
et met à part ces deux choses, la paix et la grâce. « Dans l'incorruptibilité. Ainsi
soit-il ». Qu'est-ce à dire, « Dans l'incorruptibilité? » Cela signifie ou avec
sagesse, ou encore pour les choses incorruptibles : et non pour l'argent et la gloire. «
Dans », c'est; par. « Par incorruptibilité » ,
c'est-à-dire par vertu. Car tout péché est une corruption : et si l'on emploie ce mot
en parlant d'une vierge séduite, on peut aussi l'appliquer à l'âme. C'est pour cela que
Paul a dit : « Que vos pensées ne soient jamais corrompues », et ailleurs : «
L'incorruptibilité dans la doctrine ».
5.
Qu'est-ce, en effet, dites-moi , que la corruption du corps?
N'est-ce pas une dissolution générale qui en atteint jusqu'à la charpente? La même
chose arrive pour l'âme, une fois que le péché s'y est introduit. La beauté de l'âme , c'est la chasteté , la justice ; la santé de l'âme, c'est
le courage , la sagesse. La laideur est le partage du débauché, de l'avare
, de celui qui fait le mal : le pusillanime , le lâche, sont des infirmes, des
malades. On voit donc clairement par là que les péchés engendrent la corruption,
puisqu'ils nous rendent laids, infirmes, et ébranlent notre santé. Si nous employons
justement le même mot en parlant d'une vierge séduite, ce n'est pas seulement en vue de
l'atteinte qu'a reçue sa personne , c'est encore en vue de la
faute commise : car il né s'agit que d'une union charnelle : et si ce fait constituait
une corruption, il faudrait voir une corruption dans le mariage. Ce n'est donc pas le
rapprochement des sexes qui fait la corruption, mais bien le péché : car, en péchant,
la tille s'est déshonorée. Considérons encore les choses par un autre côté : Pour une
maison, la corruption , la perte, qu'est-ce autre chose que la
ruine? En toutes choses la corruption consiste dans le passage à un état pire qui se
substitue à l'état précédent et n'en laisse subsister aucune trace. Ecoutez plutôt ce
que dit l'Ecriture : « Toute chair a corrompu sa voie » (Gen.
VI, 12); et ailleurs: «.Dans une corruption insupportable » ; et encore : « Des hommes
d'un esprit corrompu ».. (II Tim.
III, 8.) Notre corps est périssable, mais notre âme est immortelle de sa nature.
N'allons donc pas la corrompre, elle aussi. La mort du corps est l'effet de l'ancien
péché : mais les péchés commis après le baptême ont le pouvoir de gâter l'âme
elle-même, et de la mettre à la merci du ver immortel, qui né la toucherait point, si
elle n'était tombée en corruption. Le ver ne s'attaque point au diamant : quand bien
même il y toucherait, ce serait en pure perte. Gardez-vous donc de corrompre votre âme :
car la corruption produit l'infection. Ecoutez plutôt le prophète : « Mes plaies ont
été remplies d'infection et de pourriture, à cause de ma folie ». (Ps. XXXVII, 6.) Or
une de ces corruptions revêtira l'incorruptibilité, l'autre, non (car
l'incorruptibilité ne sera que l'incorruptibilité d'une corruption). Il y a donc une
corruption incorruptible , c'est-à-dire sans fin, il y a une
mort immortelle; ce qui serait le cas, si le corps demeurait immortel. Si donc, quand nous
quittons la terre, nous portons en nous la corruption , cette
corruption sera incorruptible et sans fin. En effet, brûler et n'être point consumé , être dévoré éternellement par un ver, c'est une
corruption incorruptible. Une chose analogue arriva pour le bienheureux Job : il était en
corruption et ne périssait pas : quand il se grattait, il sortait de la poussière avec
du pus de son corps, et cela pendant longtemps. C'est un supplice analogue que l'âme
endurera alors , assaillie et rongée par les vers, non pendant deux années, ni trois, ni
dix, ni cent , ni dix mille , mais durant un temps infini. « Leur ver ne périra point,
est-il écrit ». (Marc, IX, 45.)
Craignons,
redoutons ces paroles, je vous en conjure, afin de ne pas les voir se réaliser pour notre
malheur. C'est une corruption que l'avarice, une corruption pire que toute autre, qui
conduit à l'idolâtrie. Fuyons la corruption, visons à l'incorruptibilité. Vous. avez fait tort à un tel? Ce tort est passager, mais l'avarice
demeure; la corruption devient un principe d'incorruptibilité; la jouissance passe, mais
le péché reste incorruptible. C'est un terrible malheur que de ne pas se purifier
complètement dans la vie présente : c'est une grande infortune que de partir pour
l'autre vie tout chargé de péchés. « Dans l'enfer, qui vous confessera? » (Ps. VI,
6.) Au jour du jugement, il n'est plus temps de se repentir. Quels (570) gémissements n'a
point poussés le mauvais riche? mais ce fut en vain. Que ne
disent pas ceux qui n'ont pas nourri Jésus-Christ? Néanmoins ils sont précipités dans
le feu éternel. Que ne disent point alors ceux qui ont commis l'iniquité? «Seigneur,
n'avons-nous point prophétisé en votre nom? n'avons-nous pas
en votre nom chassé les démons? » Néanmoins ils ne sont pas reconnus. Toutes ces
choses sont alors inutiles, si l'on n'a point fait ici-bas ce qu'il fallait faire.
Craignons donc d'avoir à dire alors : « Seigneur, quand vous avons-nous vu affamé, et
ne vous avons-nous pas, nourri,? » Nourrissons-le maintenant,
non pas un joui?, ni deux, ni trois; car il est écrit : « Que
la miséricorde et la vérité ne vous abandonnent point ». L'Ecriture
ne dit pas : Agissez ainsi une fois ou deux . car les vierges aussi: avaient eu de l'huile, mais elles
ne
surent pas la conserver. Ainsi donc nous avons besoin de beaucoup d'huile, et il faut que
nous soyons comme un olivier fertile dans la maison de Dieu. Que chacun de nous songe aux
péchés dont il est chargé, et les compense par des charités, ou plutôt fasse bien
plus que les compenser, afin que non-seulement nos péchés
soient effacés, mais que de plus nos bonnes couvres nous soient imputées à
justification. Car si nos bonnes actions ne sont pas assez nombreuses pour nous
décharger, d'une part, de nos fautes, et de l'autre, offrir un excédant qui nous soit
compté à justification, personne ne nous préservera du supplice: auquel puissions-nous
tous échapper par la grâce et la charité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui
gloire, puissance, honneur, au Père et. au Saint-Esprit,
maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
Traduit par M. X
FIN DE LÉPÎTRE AUX
ÉPHÉSIENS (1).
1 Les difficultés que Savilius et les récents éditeurs d'Oxford ont rencontrées dans la
constitution du texte souvent si difficile et si défiguré de ce commentaire, nous les
avons éprouvées, nous aussi, et à plus forte raison, en le traduisant Nous ne nous
flattons nullement d'avoir éclairci partout ce que l'état actuel du texte rend
incompréhensible en plusieurs endroits, indépendamment de la difficulté de la matière
: et nous sommes forcé, en finissant ce pénible travail, de répéter, pour notre
compte, l'aveu de Savilius, dont les derniers éditeurs disent
dans leur préface (page 3) : Neque tamenposuit,
ut ipse fatetur, in libro tam mendoso, quod voluit,
praestore. (Sancti Joannis Chrysostomi Interpretatio
omnium Epistolarum Paulinarum,
tom. IV; Oxonii, apud J. H. Parker).
La traduction latine d'Hervet à laquelle nous avons souvent recouru, est d'ailleurs très-éloignée de la perfection : mais la perfection, en pareil
cas, c'est l'impossible.