ÉPHÉSIENS XV

HOMÉLIE XV. QUE TOUTE AMERTUME, TOUTE COLÈRE, TOUT EMPORTEMENT, TOUTE CLAMEUR ET TOUTE DIFFAMATION SOIENT BANNIS DU MILIEU DE VOUS AVEC TOUTE MALICE. (IV, 31.)

 

Analyse.

 

1 et 2. Contre l'amertume. — Faiblesse des méchants. — Qu'il faut éviter les clameurs comme attisant la colère et pouvant l'allumer.

3 et 4. Réprimandes sévères aux femmes qui maltraitaient leurs servantes : détails intéressants sur ce sujet. — Exhortation à la douceur.

 

1. Jamais les abeilles ne se résigneraient à entrer dans une ruche malpropre : aussi les éleveurs habiles ont-ils recours à des fumigations, à des odeurs, à des parfums, à, des vins embaumés, pour purifier, pour nettoyer l'abri où doivent venir se fixer les essaims à leur sortie : autrement la mauvaise odeur les en chasserait : il en est de même pour l'Esprit-Saint. Notre âme est un vase, une ruche, susceptible de recevoir les essaims des grâces spirituelles : mais si elle renferme du fiel, de l'amertume, du ressentiment, les essaims (515) s'envolent. Voilà pourquoi notre saint et sage cultivateur a bien soin de nettoyer notre ruche, sans avoir besoin de serpe, ni de tout autre instrument de fer : il nous invite à recevoir l'essaim spirituel, et pour le rassembler en nous, il nous purifie par la prière, le travail, et autres moyens. Voyez comment il nettoie notre coeur : il en a banni le mensonge, il en a banni la colère,. Après cela, il nous indique un moyen de déraciner plus efficacement le mal : c'est d'avoir l'âme sans amertume. Quand notre bile est peu abondante, la rupture même de son réservoir n'occasionne que peu de désordres. Mais devient-elle plus abondante et plus âcre , alors le réceptacle qui la contenait devient insuffisant; comme si un feu rongeur le consumait, il ne peut plus conserver son dépôt, le maintenir dans les bornes prescrites ; cédant enfin à l'insupportable âcreté qui le mine, il s'ouvre et laisse échapper son contenu dans tout le corps qui en est bientôt infecté. De même une bête farouche et cruelle peut parcourir une ville sans danger pour les habitants, quels que puissent être et sa rage et ses cris, tant qu'elle reste emprisonnée dans sa cage : mais si, dans un accès de fureur, elle réussit à briser les barreaux qui la retiennent et à s'échapper, elle remplit toute la cité de tumulte et de confusion, et fait fuir tout le monde. Il en est ainsi du fiel : tant qu'il reste dans les limites qui lui sont assignées, il ne nous fait pas grand mal; mais vient-il à rompre la membrane qui l'enferme, et à se délivrer du seul obstacle qui l'empêchait de se répandre dans tout notre être, alors, quelque faible qu'en soit la quantité, la force propre à ce venin communique à tous nos organes sa malignité, Bientôt, rencontrant le sang, son voisin et presque son semblable, il en aigrit l'ardeur, et transforme ainsi, grâce à l'analogie qui lui permet de s'y confondre, en nouveaux fiels tous les liquides environnants : ensuite, muni de ce renfort, il marche à l'attaque des autres parties du corps; et après avoir ainsi tout corrompu à son image, il ôte au malade la parole et le souffle avec la vie. Mais où veux-je en venir avec cette longue description?

Je veux que cette peinture des effets de l'amertume matérielle nous fasse comprendre ce qu'a de pernicieux l'amertume morale, comment sa première influence consiste à infecter complètement l'âme où elle prend naissance, à la bouleverser de fond en comble ; et que nous apprenions par là à craindre d'en faire l'expérience. Si l'une irrite le corps entier, l'autre enflamme toutes nos pensées, et finit par précipiter dans l'enfer celui qui en est atteint. Si donc nous voulons éviter ce fléau, bien instruits désormais, si nous voulons brider cette bête féroce, ou plutôt l'exterminer, croyons-en Paul qui nous dit : « Toute amertume», non pas : soit nettoyée, mais « soit bannie du milieu de vous ». Qu'ai-je besoin de peines et de précautions? Pourquoi garder cette bête quand je peux la chasser de mon âme, l'exiler, la déporter au-delà de mes frontières ? Croyons-en donc Paul qui nous dit : « Que toute amertume soit bannie d'au milieu de vous ». Mais, hélas ! quelle perversité est la nôtre ! quand nous ne devrions rien négliger pour,cela, il y a des gens assez fous pour triompher de cet état, pour s'y complaire, s'en faire honneur; et les autres lui portent envie... Un tel a du fiel, dit-on ; c'est un scorpion, un serpent, une vipère ; on le juge redoutable... Pourquoi craindre ce fiel, mon ami ? Il peut me nuire, dit-on, me faire du mal; je ne sais point de quoi est capable la méchanceté de cet homme : je crains que trouvant en moi un homme simple, mal prémuni contre ses artifices, il ne me fasse tomber dans ses piéges, et ne me prenne dans les filets qu'il a tendus pour m'envelopper. Il y a de quoi rire. Comment donc? Oui, c'est ainsi que parlent les enfants, prompts à s'alarmer de ce qui n'a rien de terrible. Il n'est rien qui mérite le dédain et la risée comme un homme qui a du fiel, comme un méchant. Car il n'y a rien d'impuissant comme l'amertume : elle ne fait que des sots et des insensés.

2. Ne voyez-vous pas que la méchanceté est chose aveugle? n'avez-vous pas entendu parler de l'homme qui tombe dans la fosse creusée par lui pour le prochain? Mais comment ne pas craindre une âme agitée de telles passions? Si vous entendez que les hommes qui ont du fiel doivent inspirer la même crainte que les fous, les démoniaques, les insensés, qui tous agissent également au hasard, j'en tombe d'accord avec vous : mais si vous voyez en eux d'habiles gens, c'est ce que je ne puis admettre. En effet, rien n'est aussi indispensable pour la conduite des affaires, que l'intelligence : et l'intelligence ne connaît pas d'obstacle aussi (516) grand que la méchanceté, le vice et la fourberie. Considérez le corps des bilieux : voyez comme il est laid, comme toute fraîcheur y est flétrie; comme il est faible, grêle, inhabile à toutes choses. Il en est de même des âmes bilieuses. La jaunisse de l'âme, c'est proprement la méchanceté. Non, non, la méchanceté n'a pas de force. Voulez-vous que je vous rende la chose sensible par de nouveaux exemples, celui d'un fourbe et celui d'un homme simple et sans artifice?

Absalon était un fourbe; il gagnait tout le monde à son parti. Voyez jusqu'où était portée son astuce. Il allait disant : Est-ce que vous avez un juge? afin de se concilier chacun... David , au contraire , était sans artifice. Eh bien ! voyez comment ils finirent tous deux; considérez le prodigieux délire d'Absalon. Uniquement préoccupé de faire du mal à son père, dans tout le reste il était aveugle. Mais il n'en était pas ainsi de David. Car « Celui qui marche avec simplicité marche avec confiance ». (Prov. X, 9.) Entendez : celui qui ne prend point de peine superflue, qui ne machine aucune entreprise criminelle. Croyons-en donc saint Paul, ayons pitié des hommes qui ont du fiel, pleurons sur leur sort, et faisons tous nos efforts pour extirper la méchanceté de leur âme. Quand nous avons de la bile (cette humeur est d'ailleurs utile en soi, et indispensable à la vie de l'homme; j'entends la bile naturelle), quand nous avons, dis-je, un excès de bile, nous faisons tous nos efforts pour l'évacuer, malgré les services que nous rend cette humeur : dès lors n'est-il pas absurde de ne prendre aucune peine pour évacuer la bile qui est dans notre âme, bile qui n'est pas seulement inutile, mais pernicieuse? « Que celui qui veut être sage parmi vous, devienne fou, afin de devenir sage ». (I Cor. III, 18.) Ecoutez maintenant les paroles de saint Luc : « lis prenaient leur nourriture en allégresse et simplicité de coeur, louant « Dieu, et ils trouvaient grâce aux yeux de « tout le peuple ». (Actes II, 43, 47.) Encore aujourd'hui, ne voyons-nous pas les hommes simples et droits universellement honorés? Personne ne leur porte envie , quand ils prospèrent, personne n'insulte à leurs infortunes : tous s'associent à leurs joies, à leurs peines. Au contraire, qu'un méchant vienne à prospérer, on dirait qu'il vient d'arriver un malheur, tout le monde gémit . qu'il éprouve un contre-temps, c'est fête pour tout le monde.

Plaignons donc ces hommes : ils trouvent tous et partout les mêmes ennemis autour d'eux. Jacob était sans malice : néanmoins il triompha de l'astucieux Esaü. « La sagesse  n'entrera pas dans une âme artificieuse ». (Sag. 1, 4.)   « Que toute amertume soit bannie  du milieu de vous» : qu'il n'en subsiste aucun vestige. Car il suffirait de remuer ce reste, cette étincelle, pour mettre en feu toute votre âme. Sachons donc nous représenter ce qu'est au juste l'amertume: figurons-nous un homme hypocrite., astucieux, toujours prêt au mal, soupçonneux. En voilà assez pour causer des colères et des ressentiments sans fin. Car il est impossible qu'une pareille âme demeure en repos : l'amertume est un principe de courroux et de fureur. Un tel homme est emporté, toujours renfermé en lui-même, sombre, et ne connaît pas le repos. Comme je le disais, ces gens sont les premiers à récolter le fruit de leur malignité. « Toute clameur ». Qu'est-ce à dire? Est-ce qu'il nous est défendu même de crier? Oui, la douceur doit se l'interdire. La clameur porte la colère, comme un cheval son écuyer : arrêtez le cheval, et vous avez raison du cavalier ... Je dis cela surtout pour les femmes, toujours prêtes à pousser des cris et des clameurs. Le cri n'est utile que pour proclamer, pour enseigner: partout ailleurs il est déplacé, même dans la prière. Voulez-vous une preuve d'expérience? Ne criez jamais, et jamais vous ne vous emporterez : voilà un moyen pour vous corriger de la colère. S'il est impossible qu'on s'irrite, quand on ne crie pas, il est impossible aussi de ne pas s'irriter, quand on crie. Ne venez donc point me parler de tempéraments indomptables, rancuniers, tout fiel et tout bile : nous vous enseignons maintenant à en finir d'un coup avec cette passion.

3. Il n'est donc pas médiocrement important pour l'éducation de l'âme de s'abstenir de tout cri, de toute clameur. En vous interdisant les cris, vous coupez les ailes à la colère, vous réprimez l'enflure de votre coeur. Car autant il est impossible de lutter sans élever les mains, autant il est impossible d'être pris dans le filet, quand on ne crie pas. Liez les mains d'un athlète, et ordonnez-lui de disputer le prix du ceste : il ne pourra le faire. Il en est de même pour le courroux. Le cri a jusqu'au (517) pouvoir de le faire naître; et c'est par là surtout que les femmes tombent dans ces emportements. Viennent-elles à gronder leurs servantes, toute la maison retentit de leurs clameurs : souvent leur habitation est construite sur la rue, et alors tous les passants entendent et leurs vociférations et les lamentations de da servante. Quoi de plus indécent ?Aussitôt toutes les curieuses s'empressent, et se demandent: que se passe-t-il donc là-bas? On répond : C'est une telle qui frappe sort esclave. N'est-ce pas le comble de l'effronterie? Quoi donc ! est-il défendu de frapper? Je ne dis pas cela il le faut, mais seulement de temps à autre et avec modération : et non pour des griefs personnels, comme je ne cesse de le répéter, ni pour quelque manquement, dans le service, mais seulement quand la servante nuit à sa propre âme : frappez-la pour ce motif, tout le monde vous approuvera, nui n'y trouvera à redire : mais s'il ne s'agit que de vous, alors tout le inonde vous accusera de cruauté, de barbarie. Mais ce qui dépasse toutes les infamies, c'est qu'il y ait des femmes assez dures, assez féroces, pour fouetter avec une telle force que la journée ne suffise pas pour guérir les meurtrissures. Elles déshabillent ces jeunes filles, et souvent, en présence de leurs maris conviés à ce spectacle, les attachent sur un lit. Quoi donc ! la pensée de l'enfer ne te vient pas à l'esprit pendant ce temps-là? Tu mets à nu cette jeune enfant, tu la livres dans cet état aux regards de ton mari, et tu ne crains pas qu'il te condamne? Au contraire, tu te plais à l'exciter en menaçant d'enchaîner la pauvre malheureuse, en l'accablant de mille injures, en l'appelant sorcière, fugitive, prostituée, car la colère ne te permet pas de respecter ta propre bouche et tu ne songes qu'à te venger, même en te déshonorant.

Puis, comme un tyran, tu présides au supplice entourée de tous tes esclaves, et ton stupide mari, debout à tes côtés, remplit les fonctions de licteur. De telles scènes devraient-elles se passer chez des chrétiens? Mais, dis-tu, c'est une mauvaise race, insolente, effrontée, incorrigible. Je le sais : néanmoins on peut la réformer et la corriger par des moyens plus efficaces et moins honteux. En disant de sales mots, toi, femme libre, tu flétris moins ta servante que toi-même. Ensuite, s'il faut aller au bain, les meurtrissures qui sont sur son dos, témoignent à tous les yeux de ta barbarie. Mais, répliques-tu, ces gens-là sont intolérables dès qu'on est indulgent. Je le sais aussi : emploie donc, pour les changer, non la crainte et les coups, mais la douceur et les bienfaits. Cette jeune fille est ta soeur, si elle est chrétienne. Songe que tu es la maîtresse et qu'elle te sert. Si elle est adonnée au vin, écarte d'elle les occasions d'ivresse, appelle ton mari, use d'exhortations. Ne vois-tu pas qu'il est honteux de battre une femme? Les législateurs les plus sévères à l'égard des hommes, ceux qui ont institué la torture et le supplice du feu, sont rarement allés jusqu'au gibet pour ce qui regarde les femmes, et même ils ne souffrent pas qu'on les soufflette dans la colère. On a tant d'égards pour ce sexe, que la nécessité même ne les fait point condamner au gibet, surtout lorsqu'elles sont enceintes. C'est qu'il est honteux à un homme de frapper une femme . à plus forte raison une personne du même sexe ne le pourrait-elle sans honte. Ce sont ces excès qui rendent les femmes odieuses à leurs maris.

Mais elle se conduit mal. Marie-la, ôte-lui les occasions de pécher, corrige l'exubérance de sa nature. Mais elle vole. Garde-la, surveille-la. O exagération ! je serai la gardienne de mon esclave ! O folie ! Pourquoi ne le serais-tu pas? N'a-t-elle pas la même âme que toi? N'a-t-elle pas reçu de Dieu les mêmes grâces? N'est-elle pas admise à la même table? N'a-t-elle pas la même noblesse d'origine? Mais elle est médisante, querelleuse, bavarde, ivrogne. Que de femmes libres le sont aussi ! Dieu ordonne à leurs maris de les supporter avec leurs vices et leurs fautes; pourvu que la femme ne soit pas adultère, a-t-il dit, résigne-toi. Fût-elle ivrogne, médisante, bavarde, jalouse, orgueilleuse, prodigue, c'est la compagne de ta vie. Tu es forcé de la diriger : c'est pour cela que tu es son chef. Corrige-la donc, fais ton devoir. — Quand bien même elle ne voudrait pas s'amender, quand bien même elle volerait, sois fidèle à -ta mission : ne la punis point si sévèrement : si elle est bavarde, ferme-lui la bouche. Voilà la vraie, la parfaite sagesse. Et maintenant, des femmes en viennent à ce degré de cruauté et de folie, qu'elles découvrent la tête de leurs servantes et les traînent par les cheveux.

Pourquoi rougissez-vous toutes ? Ceci ne s'adresse pas à toutes, mais seulement à celles qui se portent à de pareilles horreurs... Que la femme ne soit jamais découverte, dit Paul : (518) et vous dépouillez complètement cette fille de son voile ? Voyez-vous quel outrage vous vous faites à vous-même? Si elle paraissait à vos yeux avec cette tête nue, vous ;vous tiendriez pour offensée. C'est vous maintenant qui la découvrez ainsi, et vous ne voyez là aucun mal? Mais on dira : Et si elle ne se corrige pas? Châtiez-la au moyen de la verge et des coups. Combien n'avez-vous pas vous-même de défauts dont vous ne vous corrigez pas? Ce n'est pas dans l'intérêt des servantes que je parle ainsi, mais dans celui des femmes libres comme vous, afin qu'elles renoncent à ces pratiques indécentes et honteuses, et qu'elles cessent de se nuire à elles-mêmes. Si vous faites votre apprentissage chez vous sur la personne de votre servante, si vous êtes bonne et douce pour elle, à plus forte raison serez-vous telle à l'égard de votre mari. Car si vous vous abstenez de toute violence, quand vous pourriez vous y laisser aller, à plus forte raison vous en abstiendrez-vous, lorsque quelqu'un vous contiendra. Ainsi, rien n'est plus propre à vous concilier l'affection de vos maris qu'une conduite patiente vis-à-vis de vos esclaves. « Avec la mesure qui vous sert pour mesurer, il vous sera mesuré à vous-mêmes ». (Matth. VII, 2.) Mettez un frein à votre langue. Si vous vous êtes exercée à supporter patiemment la mauvaise humeur d'une servante, vous entendrez sans colère jusqu'aux injures de votre égale : or, si vous êtes sans colère, vous avez atteint la cime de la sagesse.

On voit aussi des femmes qui vont jusqu'à jurer : rien de plus honteux qu'un pareil emportement. Mais quoi, dira-t-on, si elle se farde? Empêchez-la de le faire, je vous approuve : mais empêchez-la d'abord en vous abstenant vous-même, et moins par la crainte que par l'exemple : en tout, soyez son modèle. « Que toute diffamation soit bannie du milieu de vous ». Voyez-vous les progrès du mal? L'amertume a engendré le ressentiment; le ressentiment, la colère; la colère, les clameurs; les clameurs, la diffamation, autrement dit, les invectives; maintenant la diffamation engendre les coups ; les coups, les blessures; les blessures, la mort. Mais Paul n'a voulu faire mention d'aucune de ces choses : il s'est borné à dire : « Soit bannie du milieu de vous, avec toute malice ». Qu'est-ce à dire, « Avec toute malice ? » C'est que

toute malice aboutit là. Il y a des gens qui, pareils à des chiens sournois, n'aboient pas, ne témoignent pas de colère contre ceux qui les approchent : ils les flattent au contraire, se montrent caressants, puis, quand ils les voient sans défiance, les mordent: ceux-là sont plus dangereux que ceux qui manifestent ouvertement leur inimitié. C'est parce qu'il est des hommes qui sont chiens en ce point, qui sans crier, sans montrer de colère, de dépit, sans proférer de menaces, trament sourdement la trahison, machinent mille noirs complots, et se vengent, que Paul a fait aussi allusion à eux. « Soit bannie du milieu de vous, avec toute malice ». Ne soyez pas clément en paroles, vindicatif en actions. Si j'ai maltraité la langue, si je lui ai interdit les clameurs, c'est pour qu'elle n'attise pas l'incendie. Que si vous n'avez pas besoin de crier pour agir de la sorte, si vous nourrissez dans votre âme la flamme et le brasier, que gagnerez-vous à vous taire? Ne savez-vous pas que les incendies les plus dangereux sont ceux qui, alimentés à l'intérieur, échappent aux regards des personnes du dehors? Les blessures les plus graves, celles qui se dérobent à la vue; les fièvres les plus malignes, celles qui dévorent les parties intérieures? De même la colère la plus funeste est celle qui ronge l'âme sourdement. Mais Paul nous dit: Qu'elle soit bannie avec toute malice grande ou petite.

Croyons en sa parole, chassons du milieu de nous toute amertume, toute malice, afin de ne pas contrister l'Esprit-Saint. Extirpons l'amertume, déracinons-la : rien de bon, rien de pur ne peut sortir d'une âme où elle règne : ce ne sont ;ne malheur, larmes, gémissements, lamentations. Ne voyez-vous pas comme nous fuyons les bêtes qui poussent des cris, par exemple, le lion, l'ours, mais non pas la brebis : car sa douce voix ne saurait être comparée à un cri. Parmi les instruments de musique, les plus bruyants comme les tambours, les trompettes, sont les moins agréables : tout au contraire, ceux qui rendent un son faible, comme la flûte et la cithare, plaisent à notre oreille. Arrangeons donc notre âme de manière à ne point crier: ainsi nous pourrons triompher de la colère; et la colère ôtée, nous serons les premiers à jouir du calme, et nous voguerons vers le port paisible : auquel puissions-nous tous (519) arriver par Jésus-Christ Notre-Seigneur, avec qui gloire, puissance, honneur au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

Haut du document

 

 

 

 

 

 
Capturé par MemoWeb à partir de http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/chrysostome/ephesiens/ephes015.htm  le 19/09/03