ÉPHÉSIENS V

HOMÉLIE V. C'EST POURQUOI SOUVENEZ-VOUS QU'AUTREFOIS, VOUS GENTILS SELON LA CHAIR, VOUS ÉTIEZ APPELÉS INCIRCONCISION, A CAUSE DE LA CIRCONCISION FAITE DE MAIN L'HOMME DANS LA CHAIR; PARCE QUE VOUS ÉTIEZ EN CE TEMPS-LA SANS CHRIST , SÉPARÉS DE LA SOCIÉTÉ D'ISRAEL , ÉTRANGERS Aux ALLIANCES DE LA PROMESSSE, N'AYANT PAS D'ESPÉRANCE, ET SANS DIEU EN CE MONDE. (II, 11, 12 JUSQU'A 16.)

 

 

Analyse.

 

1 et 2. De la vocation des gentils et de la constitution de l'Eglise.

3 et 4. Des rapports de l'âme et du corps.

 

1. Bien des choses montrent la bonté de Dieu à notre égard : la première, c'est de nous avoir sauvés par lui-même, et cela, de la manière qu'on sait; la seconde c'est l'état où nous nous trouvions quand il nous a sauvés; la troisième, c'est le degré auquel il nous a élevés. Toutes ces choses, par elles-mêmes, sont la meilleure preuve de sa bonté. Et Paul les aborde toutes dans l'épître que nous lisons. Il a dit que nous étions morts par nos fautes, enfants de colère quand Dieu nous sauva : il dit maintenant à quel niveau Dieu nous a (460) portés. « C'est pourquoi, souvenez-vous », dit-il. C'est notre coutume à tous, lorsque nous avons été relevés d'un abaissement profond, ou promus encore plus haut , de perdre jusqu'au souvenir de notre état précédent, à mesure que nous nous habituons à notre gloire présente. De là ces mots : «C'est pourquoi souvenez-vous ». — « C'est pourquoi », entendez puisque nous avons été créés pour les bonnes oeuvres. Il n'en faut pas davantage pour nous persuader de pratiquer la vertu. « Souvenez-vous ». C'est assez de ce souvenir pour nous inspirer de la reconnaissance à l'égard de notre bienfaiteur. « Qu'autrefois vous, gentils ». Voyez comment il rabaisse les avantages des Juifs, et relève les gentils de leur infériorité, laquelle n'était qu'apparente : c'est sur la conduite et les moeurs qu'il s'appuie pour convaincre les uns et les autres.. « Vous étiez appelés incirconcision ». Le privilège était nominal, la supériorité charnelle : incirconcision, circoncision, peu importe. « A cause de la circoncision faite de main d'homme dans la chair; parce que vous étiez dans ce temps-là sans Christ, séparés de la société d'Israël, étrangers aux alliances de la promesse, n'ayant pas d'espérance, et sans Dieu en ce monde».

C'est vous, dit-il, que les Juifs appellent ainsi. Mais pourquoi donc, voulant montrer le bienfait par lequel ils ont été réunis à Israël, au lieu de rabaisser la dignité d'Israël, l'exalte-t-il au contraire en cela? Il l'exalte là où il est nécessaire, mais il la rabaisse dans les choses qui ne devinrent pas communes aux gentils. Car il dit plus loin : « Vous êtes concitoyens des saints, et de la maison de Dieu (19) ». — Considérez comment il ne la rabaisse pas là. Mais ici il dit : Ces choses sont indifférentes. Ne croyez pas qu'il y ait une différence, parce que vous n'avez pas reçu la circoncision. Ce qui était dur, c'était d'être sans Christ, d'être séparés de la société d'Israël (et cette séparation ne provenait point de l'incirconcision) ; c'était d'être étrangers aux alliances de la promesse, de ne pas avoir l'espérance, d'être sans Dieu en ce monde : ces avantages étaient particuliers an peuple juif.

Il a parlé des choses du ciel : il parle aussi de celles de la terre, qui étaient un grand sujet de gloire pour les Juifs. De même le Christ, consolant ses disciples, après leur avoir dit : « Bienheureux ceux qui ont été persécutés à cause de. la justice, parce que le royaume des

cieux leur appartient », ajoute cette considération d'un ordre inférieur : car c'est ainsi « qu'ils ont persécuté les prophètes qui ont existé avant vous ». (Matth. V, 10, 12.) A ne considérer que l'élévation, c'est moins important: mais si l'on regarde à la proximité de l'exemple et à la conviction, cet argument parait fort, persuasif et puissant. Ou sait donc ce qu'il faut entendre ici par « Société ». Paul ne dit pas : En dehors, mais : « Séparés de la société »; il ne dit pas : Indifférents, mais : Non participants, « Etrangers ». Les expressions sont très-fortes: elles indiquent une séparation complète. En effet, il y avait même des Israélites en dehors de la société d'Israël, mais à cause de leur négligence, comme exclus de l'alliance et non comme étrangers. Qu'étaient-ce maintenant que les alliances de la promesse? On se rappelle la promesse divine. — «Je te donnerai cette terre à toi et à ta race », et le reste. « N'ayant pas l'espérance, et sans Dieu ». Ils adoraient bien des dieux, mais c'étaient des dieux sans réalité: une idole n'est rien.

« Mais maintenant que vous êtes dans le Christ Jésus, vous qui étiez autrefois éloignés, vous avez été rapprochés par le sang de ce même Christ. Car c'est lui qui est notre paix, lui qui a des deux choses en a fait une seule détruisant dans sa chair le mur de séparation, leurs inimitiés (13,14) ». Voilà donc cette grande chose, dira-t-on ? C'est notre entrée dans la société des Juifs? Que dis-tu? Tout ce qui est au ciel et sur la terre a été restauré et tu viens maintenant nous parler des Israélites? Oui, dit Paul, car les premières choses ont besoin de la foi pour être admises; celles-ci se voient par les « faits eux-mêmes. Mais maintenant que vous êtes en Jésus-Christ, vous qui étiez autrefois éloignés, vous avez été rapprochés de la société ». — « Eloignés, rapprochés»: c'est le fait du seul libre arbitre. « Car c'est lui qui est notre paix, lui qui des deux choses en a fait une seule ».

2. Qu'est-ce à dire : « Des deux choses une seule?» Il ne veut pas dire qu'il nous ait conféré la même noblesse, mais bien qu'il nous a. promus avec ceux qui en étaient revêtus déjà, à une noblesse plus haute... D'ailleurs, le bienfait a été plus grand en ce qui nous touche. Les Juifs avaient reçu des promesses, ils étaient tout près: nous, rien ne nous avait été promis, et nous étions plus éloignés. C'est pourquoi il (461) dit: «Et les gentils, à glorifier Dieu pour sa miséricorde ».(Rom. XV, 19.) Dieu avait promis aux Israélites, mais ils se montrèrent indignes : à nous, il n'avait rien promis, nous étions même étrangers; nous n'avions rien de commun avec eux, et il nous a réunis, non pas en nous rapprochant des Juifs, mais en formant d'eux et de nous un seul corps. Je recourrai à un exemple : Supposons deux statues, l'une d'argent, l'autre de plomb; on les fond toutes deux; et deux statues d'or sortent du moule. C'est ainsi que Dieu a fait de deux choses une seule. Autre exemple : Soit un esclave et un fils adoptif, l'un et l'autre coupables d'offenses; l'un proclamé enfant par le héraut, l'autre fugitif et ne connaissant pas  même son père. Qu'après cela tous deux deviennent héritiers et enfants légitimes. Les voilà portés à la même dignité : ils sont devenus une même chose, l'un venant de plus loin, l'autre de plus près, et promu seulement à la qualité de légitime qui lui manquait avant l'offense.

« Détruisant le mur de séparation ». Ce que c'est que ce mur de séparation, il l'explique en disant: «Leurs inimitiés dans sa chair ». — « Abolissant par sa doctrine la loi des préceptes  (15) ». Selon quelques-uns, le mur de séparation, c'est la loi : alors Paul aurait appelé la loi ainsi parce qu'elle ne permettait pas aux Juifs d'avoir des rapports avec les païens... Quant à moi, je ne le pense pas : je pense qu'il appelle ainsi la haine qui est comme une cloison mitoyenne qui nous sépare de Dieu, ainsi que le prophète dit : « Est-ce que vos péchés ne s'élèvent pas entre vous et moi? » Et c'est à bon droit ; car c'était bien une sorte de mur, en effet, que la haine qui séparait Dieu des Juifs et des païens. Tant que la loi subsista, cette haine, loin de diminuer, ne faisait que s'accroître. « La loi », est-il écrit, « produit la colère ». (Rom. IV, 15.) Comme dans cet endroit, en disant : La loi produit la colère, il n'entend pas la loi absolument, mais la loi, quand nous la transgressons : de même ici il J'appelle mur de séparation , à cause de la haine produite par les infractions. La loi était une cloison; mais une cloison de sûreté, comme un rempart. Ecoutez encore ces paroles du prophète : « J'ai mis un rempart autour de lui ». (Isaïe, V, 2.) Et ailleurs : « Tu as détruit son rempart, et tous ceux qui passent sur la route la vendangent». (Ps. LXXIX, 13.)

C'est donc bien une cloison de sûreté. Ailleurs « Je renverserai son rempart, et il sera foulé aux pieds ». Et encore : « Il a donné la loi pour protection ». (Isaïe, V, 5, et VIII, 20.) Et enfin : « Faisant miséricorde et justice, le Seigneur a fait connaître ses jugements à Israël ». (Ps. CII, 6, 7.) Mais ce mur de séparation, au lieu de rester une défense; devint un obstacle qui les séparait de Dieu. Tel fut ce mur de séparation qui avait commencé par être un rempart. Comment fut détruit ce mur, Paul l'indique lorsqu'il ajoute : « La haine dans sa chair ». — « Abolissant la loi des préceptes ». Comment? En y mettant son cachet, et en détruisant ainsi la haine. Mais ce n'est pas seulement par là qu'il fit cesser la haine, c'est encore par l'observation de la loi. — Eh quoi ! acquittés de notre précédente infraction , nous voilà donc obligés de nouveau à l'observation ? —  C'eût été remettre les choses dans leur état; mais la loi même, il l'abolit : « Abolissant par sa doctrine la loi des préceptes ». O charité ! il nous a donné une loi, afin que nous l'observions; puis, comme nous ne l'avons pas observée, au lieu de nous punir, il a été jusqu'à abroger la loi : c'est comme si quelqu'un, après avoir confié un enfant à un gouverneur, le voyant refuser d'obéir, le délivrait de son gouverneur et l'emmenait. Quelle bonté dans ce bienfait ! Et que signifie : « Abolissant par sa doctrine? » Il montre ici la grande différence qui sépare le précepte des doctrines. Ou c'est de la foi qu'il parle, en employant ce mot doctrine : car c'est par la foi seule que la doctrine peut nous sauver; ou c'est du précepte évangélique ; par exemple, le Christ a dit : « Je vous le dis, ne vous irritez nullement ». Tout cela redent à dire : Si vous croyez que Dieu l'a ressuscité d'entre les morts, vous serez sauvés. Et encore : « Près de toi est la parole, dans ta bouche et dans ton coeur ». (Rom. X, 8.)

3. Ne dites pas : Qui montera dans le ciel, ou qui descendra dans l'abîme, ou qui l'a tiré du milieu des morts? Pour vie il a introduit la foi. Car afin de ne pas nous sauver au hasard, d'une part, il s'est soumis de lui-même au supplice, et de l'autre, il a exigé la foi par la doctrine. « Pour former des deux en lui-même un seul homme nouveau ». Voyez-vous comment le païen n'est pas devenu Juif, mais comment l'un et l'autre ont passé à un (462) troisième état? Si Jésus a aboli la loi, ce n'a pas été pour rendre le païen Juif, mais pour créer de tous deux le nouvel homme. Et c'est justement que partout il emploie cette expression : « Créer», il ne dit pas transformer, afin de montrer la puissance déployée dans cette opération, et que, si la création est une chose visible, cette autre création n'est pas moindre pour cela, et que nous ne devons pas plus nous y dérober qu'aux sujétions de la nature. « Pour former en lui-même », c'est-à-dire par lui-même. — Il n'a pas confié ce soin à un autre : c'est lui-même qui ayant fondu ensemble, de lui-même, ces deux métaux, a mis au jour un nouveau métal miraculeux, auquel il avait commencé par s'identifier lui-même,. Voilà ce que signifie : « En lui-même » ; c'est que lui-même, tout le premier, avait fourni le type et le modèle. D'un côté ayant pris le Juif, de l'autre le païen, et s'étant placé entre eux, il les a mêlés, en effaçant tout ce qui les distinguait, et les a refondus d'en-haut, au .moyen du feu et de l'eau, non plus de l'eau et de la terre, mais de l'eau et du feu. Il est devenu Juif circoncis, il est devenu anathème, il est devenu païen infidèle, et quelque chose de plus que les païens et les Juifs.

« Dans un seul homme nouveau ». — «En faisant la paix », en les mettant en paix avec Dieu et les uns avec les autres. S'ils étaient restés Juifs et païens, ils ne se seraient pas réconciliés; et si chacun d'eux n'avait pas dépouillé son état propre, comment auraient-ils passé à un état supérieur ? Le Juif ne s'unit au païen que du moment où il devient fidèle. Supposez en bas, deux appartements séparés, et en haut un seul grand et admirable; les habitants des deux premiers ne commenceront à se voir, qu'une fois réunis dans le troisième.  « Faisant la paix », surtout à l'égard de Dieu ; c'est ce qui résulte de la suite. Que dit-il, en effet? « Et pour réconcilier à Dieu par la croix, les deux réunis en un seul corps (16) ».

Il ne dit pas concilier, mais « Réconcilier », pour montrer qu'auparavant la nature humaine se prêtait facilement à la conciliation, comme au temps des saints et avant la loi. « En un seul corps » (le sien) « à Dieu ». Comment? En subissant lui-même sur la croix le châtiment encouru. « Tuant en lui-même l'inimitié ». Rien de plus juste ni de plus solennel que ces expressions. Sa mort, veut dire Paul, a tué, meurtri, exterminé la haine ; cette mort qu'il n'a pas prescrite à un autre, dont il n'a pas été seulement l'auteur, mais encore la victime. Il ne dit pas : « Détruisant », ni « Supprimant », mais, ce qui est plus fort que tout : « Tuant», de sorte qu'elle ne pût se relever. Qu'est-ce donc qui la ressuscite? L'excès de notre perversité. Tant que nous restons dans le corps tin Christ, tant que nous demeurons unis, elle ne ressuscite pas, elle reste morte; ou plutôt, celle-là ne ressuscite jamais. Mais si nous en enfantons une autre, ce n'est plus la faute de celui qui a tué et anéanti la première ; c'est vous qui donnez le jour à une autre haine. Car la pensée de la chair est inimitié contre Dieu. Si nous n'avons point de pensées charnelles, il n'y aura pas de nouvelle haine engendrée, et la paix subsistera.

4. Songez combien il est affreux, quand Dieu a fait tant de choses pour procurer notre réconciliation, et qu'il l'a opérée, de revenir à l'inimitié. Cette inimitié-là, ce n'est plus le baptême, mais l'enfer qui l'attend, ce n'est plus la rémission, mais le jugement. Pensée de la chair, délice, mollesse; pensée de la chair, convoitise et tous les péchés. Pourquoi cette expression : Pensée de la chair? Cependant sans l'âme la chair ne peut rien. Paul ne dit pas cela pour accuser la chair; de même quand il dit : « L'homme animal », il ne parle pas ainsi pour accuser l'âme, il veut faire entendre que l'âme pas plus que le corps ne sont suffisants par eux-mêmes, en l'absence de la grâce d'en-Haut, à rien faire de grand ni de généreux. Voilà pourquoi il appelle animales les choses que l'âme produit par elle-même; et charnels, les actes du corps livré à lui-même; non parce que ces actes sont naturels, mais parce que, faute de l'appui divin, ils se pervertissent. C'est une excellente chose que les yeux; mais, en l'absence de la lumière, ils causent des maux innombrables : il n'en faut. accuser que leur faiblesse, et non la nature. Si ces maux provenaient de la nature, jamais les yeux ne nous seraient bons à rien. Il n'y a pas de maux naturels. Qu'est-ce donc que les pensées charnelles ? Les péchés. Quand la chair prend le dessus sur celui qui la mène, elle engendre des maux innombrables. Car le mérite de la chair, c'est de rester soumise à l'âme ; son vice, c'est de dominer l'âme. Un cheval beau et agile ne peut déployer ses qualités sans un écuyer; de même la chair n'est bonne que lorsque nous savons réprimer ses (463) élans désordonnés. — Mais un écuyer ne saurait pas davantage se signaler si l'art lui fait défaut; dans ce cas il est plus nuisible qu'utile. De toute manière donc, il faut veiller. L'esprit, ce principe vigilant, rend l'écuyer plus vigoureux : il embellit et le corps et l'âme. De même que l'âme embellit le corps qu'elle anime, et ne peut le déserter, lui retirer son action intérieure, sans le rendre repoussant, à la- manière d'un peintre qui confondrait toutes les couleurs; car alors chaque partie tombe promptement en dissolution et en pourriture : de même quand l'esprit a abandonné à eux-mêmes le corps et l'âme, ils font voir une laideur encore plus affreuse.

Ne vous déchaînez donc point contre le corps comme inférieur à l'âme. Et je ne veux pas non plus accuser l'âme en tant qu'impuissante sans le concours de l'esprit. Mais s'il faut le dire, l'âme mérite plus de sévérité. En effet, le corps est incapable sans l'âme, de faire aucun mal ; l'âme au contraire, en fait beaucoup sans le concours du corps; elle en fait encore beaucoup dans un corps paralysé et réduit à l'immobilité, par exemple, par les sortilèges des magiciens, des envieux, des sorciers. D'ailleurs, les débauches du corps ne proviennent point des nécessités auxquelles il est soumis, mais de la négligence de l'âme le corps exige de la nourriture, et non des excès. Au moyen d'un frein solide, je peux arrêter la course d'un cheval ; mais le corps ne saurait réprimer l'âme dans ses écarts. Pourquoi donc parler des pensées de la chair? Parce qu'alors la chair devient responsable. Elle pèche, quand elle prend le dessus, quand elle dépouille l'esprit, et ôte à l'âme le gouvernement. Le mérite du corps consiste donc à céder à pâme ; car par lui-même il n'est ni bon ni mauvais. Que pourrait faire le corps livré à lui-même? C'est donc par son union, par sa soumission que le corps est bon : par lui-même il n'est ni bon ni mauvais; mais il est capable de se porter au bien ou au mal. Le corps a des appétits, mais ce n'est pas de fornication ni d'adultère, c'est de commerce sexuel : le corps a des appétits, non de débauche, mais de nourriture; non d'ivresse, mais de boisson. Comment le corps n'aspire point à l'ivresse, vous allez vous en convaincre : dès que vous dépassez la mesure et ses forces, il cesse de résister. Tout le reste est le fait de l'âme, par exemple, lorsqu'elle se plonge dans les plaisirs charnels, lorsqu'elle s'appesantit. En effet, si le corps est beau, l'âme est plus belle encore... Or, ainsi que l'or est plus précieux que le plomb, et néanmoins exige du plomb pour la soudure; de même l'âme a besoin du corps : ou si l'on veut, comme un enfant de bonne famille a besoin d'un gouverneur. Et ne vous étonnez pas des exemples que je cite. Quand nous parlons de choses puériles, ce n'est pas l'âge que nous blâmons, mais les choses qui en ont le caractère : de même pour le corps. Mais il est possible de quitter la chair, si nous le voulons, comme aussi la terré, pour les cieux et pour l'Esprit. Car être quelque part, cela s'entend moins du lieu que de la disposition d'âme. Souvent nous disons de personnes présentes en un lieu : Vous n'y étiez pas. Que dis-je? Souvent nous disons : Vous n'êtes pas en vous-même, je ne suis pas en moi-même ; et cependant quoi de plus sensible que cette présence en soi-même? Néanmoins nous employons ce terme : soyons donc en nous-mêmes, dans les cieux, dans l'Esprit. Restons dans la paix et dans la grâce de Dieu, afin que, débarrassés de toutes les choses charnelles, nous puissions obtenir les biens promis en Jésus-Christ Notre-Seigneur, avec qui gloire, puissance, honneur, au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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