Analyse.
1 et 2. Le chef et le corps de l'Eglise. Que l'assistance
de l'Esprit-Saint nous est nécessaire pour croire les mystères.
3-5. De la sainte Communion. Contre l'habitude de communier
à jour fixe.
1. Il n'y a jamais rien eu de comparable au coeur des apôtres, rien de pareil à la charité, à la tendresse du bienheureux Paul qui priait pour dés villes et des nations entières. C'est à tous qu'il s'adresse en disant : « Je rends « grâces à Dieu pour vous, faisant mémoire « de vous dans mes prières ». Songez combien de personnes il avait dans l'esprit, desquelles il était difficile même de se souvenir : de combien de personnes il faisait mention dans ses prières, rendant grâces pour toutes à Dieu, comme s'il était lui-même le principal obligé. « C'est pourquoi », dit-il : à savoir, à cause de l'avenir et des biens réservés à ceux qui ont la vraie foi et une bonne conduite. On doit sans doute remercier Dieu de tout ce qu'il a fait pour l'espèce humaine, et auparavant, et après; mais on doit lui rendre grâces aussi pour la foi de ceux qui croient. « Apprenant quelle est votre foi par le Christ, et votre amour pour tous les saints ». Partout il associe et réunit la foi et la charité, couple merveilleux. Ce ne sont pas seulement les fidèles de la contrée qu'il a en vue, mais tous. « Je ne cesse de rendre grâces pour vous, faisant mémoire de vous dans mes prières ». Pourquoi pries-tu, que demandes-tu? « Afin
que le Dieu de Notre-Seigneur Jésus-Christ, le Père de la gloire, vous donne l'esprit de sagesse et,de révélation ». Il prie pour qu'ils apprennent ce qu'ils doivent apprendre, pourquoi ils ont été appelés, et comment ils ont été affranchis de leur premier état. Il compte trois choses auxquelles ils ont été appelés Pourquoi, trois? La considération des choses futures nous le révélera. Les biens que Dieu nous réserve, nous feront connaître son ineffable et suprême richesse : en nous rappelant ce que nous étions et comment nous sommes arrivés à croire, nous nous convaincrons de la puissance du Dieu qui a pu convertir des hommes éloignés de lui depuis si longtemps : « Car ce qui est faiblesse en Dieu est plus fort « que les hommes ». (I Cor. 1, 25.) Enfin par la même puissance avec laquelle il avait suscité le Christ, il nous a attirés à lui; et ce pouvoir n'est point borné à la résurrection : il s'étend beaucoup plus loin. « Et il l'a fait asseoir à sa droite dans les cieux, au-dessus de toute principauté, de toute puissance, de toute vertu, de toute domination, et de tout nom qui est nommé. Et il a mis toutes choses sous ses pieds, et il l'a établi chef sur toute l'Eglise, qui est son corps, et le complément (449) de celui qui se complète entièrement dans tous ses membres (21, 23) ».
Voilà de grands mystères, de redoutables secrets auxquels nous sommes associés. Pour les connaître, il faut participer à l'Esprit-Saint, et jouir de grâces abondantes. Voilà pourquoi Saint Paul dit dans sa prière : « Le Père de la gloire » : c'est-à-dire, celui qui nous a donné de grands biens. Car partout~ il désigne Dieu par un nom approprié à la chose dont il parle, par exemple lorsqu'il dit : « Le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation ». (II Cor. 1, 3.) Le prophète dit de même : « Le Seigneur, ma force et mon appui ». (Psaume, XVII, 2, 3.) « Le Père de la gloire ». Il ne peut représenter toutes ces choses par les noms qui leur conviennent, et partout il se sert du mot « Gloire », qui désigne chez nous toute espèce d'illustration. Voilà, dit-il, le Père de la gloire et le Dieu du Christ. Qu'est-ce à dire? Le Fils est donc au-dessous de la gloire ? Personne, fût-il insensé, n'oserait le prétendre. « Qu'il vous donne », c'est-à-dire, qu'il élève votre pensée et lui donne des ailes. Car il n'y a pas d'autre moyen d'être instruit sur ce sujet. « L'homme animal ne reçoit pas les choses de l'esprit : car elles sont folie pour « lui ». (I Cor. II, 14.)
Il est donc besoin d'une sagesse spirituelle pour comprendre les choses spirituelles, pour voir les choses cachées : c'est l'Esprit qui révèle tout, qui peut divulguer les mystères de Dieu. L'Esprit seul possède la connaissance des mystères de Dieu, lui qui sonde ses` plus profonds secrets; ce n'est pas à un ange, à un archange , à aucune autre puissance créée, qu'il appartient de nous donner, de nous procurer cette grâce. Que si c'est le propre de la révélation, il est superflu de s'ingénier à trouver des raisonnements. Celui qui sait, qui connaît Dieu,, n'aura plus de doute sur rien. Il ne dira pas.:"telle chose est possible, et telle autre impossible; ou- encore : Comment cela s'est-il fait? Si nous connaissons Dieu comme il faut le connaître; si nous avons reçu la connaissance de celui qui peut nous la donner, de,l'Esprit même, nous n'aurons plus de doutes sur aucun point. De là ces paroles : « Pour le connaître, qu'il éclaire les yeux de votre coeur ». Celui qui sait ce que c'est que, Dieu n'aura plus de doute au sujet des promesses, plus d'incrédulité au sujet des choses accomplies. Paul prie que l'Esprit de sagesse et de révélation leur soit donné : d'ailleurs, il se sert autant qu'il est possible de la confirmation fournie par le raisonnement et par les faits accomplis. Ayant à parler et de choses passées et. de choses à venir, il se sert des premières pour rendre croyables les autres. Par exemple : « Pour que vous sachiez», dit-il, « quelle est l'espérance à laquelle il vous a appelés ». C'est encore incertain, veut-il dire, mais non pour les fidèles. « Quelles sont les richesses de gloire de l'héritage destiné aux saints. » Ceci encore est, incertain. Mais qu'est-ce qui est donc certain ? Que nous avons cru qu'il a suscité le Christ par sa puissance : ressusciter un mort est moins étonnant que d'avoir mis cette persuasion dans les âmes. Et comment? J'essaierai de vous le faire voir. Ecoutez ! Le Christ dit au mort : Lazare, viens ici dehors; et aussitôt il obéit. Pierre dit à Tabitha : Lève-toi, et elle ne résista pas. Dieu dira la même chose au jour suprême, et tous se réveilleront si précipitamment que les vivants ne devanceront pas les morts, que dans un instant, dans un clin d'oeil, tout sera fait, tout sera réuni.
2. Mais pour ce qui est d'embrasser la foi, il n'en est pas de même. Que se passe-t-il donc? Ecoutez celte autre parole : « Combien de fois j'ai voulu réunir vos enfants, et vous ne l'avez pas voulu ! » (Luc, XIII, 43.) Voyez-vous que c'est plus difficile? Il part donc de là pour établir le tout. C'est qu'il était bien plus difficile de persuader le libre arbitre par des raisons humaines, que de créer la nature. La raison, c'est qu'il veut lui-même que nous devenions bons ainsi et de notre plein gré. Paul dit justement : Quelle est la grandeur suréminente de sa vertu en nous, qui croyons. Lorsqu'eurent été employés en pure perte les prophètes , les anges et les archanges, toute la création, tant visible qu'invisible, la création visible exposée aux regards des hommes, sans avoir pu les gagner. la création invisible qui est si multiple, alors Dieu décida l'Incarnation, montrant par là que l'intervention divine était nécessaire. « Les richesses de gloire », c'est-à-dire, la gloire ineffable. Quel discours pourrait représenter la gloire à laquelle les saints participeront alors? Personne. La grâce est vraiment nécessaire pour que l'intelligence la connaisse, ou en aperçoive du moins quelque rayon. Précédemment déjà, on en savait quelque chose; mais Dieu voulait que cette (450) connaissance fût plus complète et plus distincte. Voyez-vous tout ce qu'il a fait? Il a ressuscité le Christ; c'est peu. Voyez encore : Il l'a fait asseoir à sa droite. Quel discours peut représenter cela? Celui qui était né de la terre, plus muet que le poisson; qui avait été le jouet des démons, il l'élève aussitôt dans les cieux. En effet, la grandeur de sa puissance est suréminente.
Et considérez où il l'a élevé? Dans les cieux, au-dessus de toute nature créée, par-delà toute puissance et toute principauté. « Encore au-dessus de toute principauté ». Vraiment il est besoin de l'Esprit, il est besoin d'une pensée sage pour le connaître; vraiment il est besoin d'une révélation. Songez quel intervalle il y a entre l'homme et la -nature de Dieu: De cette bassesse il l'a fait monter à ces honneurs; il ne s'est pas borné à lui faire franchir un, deux ou trois degrés. Mais quoi ! il ne dit pas seulement : « Au-dessus », mais : « Encore au-dessus ». Car Dieu est plus haut que les puissances d'en-haut. C'est donc là qu'il a élevé celui qui sortait du milieu de nous. Du dernier degré , il l'a porté à la suprême puissance, après laquelle il n'y a plus de dignité. « De toute principauté », dit-il, non de telle ou telle, mais de toutes. « De toute principauté, de toute puissance, de toute vertu, de toute domination et de tout nom qui est nommé ». Tout ce qui est clans le ciel est au-dessous de lui. Ceci est dit de celui qui fut ressuscité d'entre les morts : ce qui doit exciter la surprise. Du Dieu Verbe, aucunement. Ce que sont les moucherons à l'égard des hommes, toute la création l'est à l'égard de Dieu. Et que dis-je, les moucherons ? Si tous les hommes seront comptés comme de la salive, s'ils ont été comptés comme le plus petit des poids qu'on met dans la balance, ce sont les puissances invisibles qu'il faut assimiler à des moucherons. Paul n'a donc pas parlé ainsi du Dieu Verbe, mais de celui qui est sorti d'entre nous: chose vraiment grande et merveilleuse. Il l'a pris au dernier étage de la terre pour l'élever. Si toutes les nations sont comme une goutte, quelle fraction de goutte sera donc un seul homme? Néanmoins Dieu l'a élevé au-dessus de tous, non-seulement dans ce siècle, mais encore dans le siècle futur. Il y a donc des puissances qui portent des noms obscurs pour nous et inconnus.
« Et il a mis toutes choses sous ses pieds ». Il ne l'a pas seulement mis plus haut, afin qu'il jouît de la prééminence; il n'a pas procédé par comparaison, il a voulu qu'il les dominât comme le maître domine ses serviteurs. Ali ! Quelles choses redoutables ! Toute puissance créée est devenue servante de l'homme, à cause de l'incarnation du D;eu Verbe. On peut se figurer quelqu'un qui ait seulement des inférieurs, mais non des sujets. Ici il n'en est pas de même, tout a été mis soirs ses pieds; c'est-à-dire au plus bas degré au-dessous duquel il n'y a rien. « Sous ses pieds, et il l'a établi chef sur tout dans l'Église ». A quelle hauteur il porte maintenant l'Église ! Comme s'il la tirait au moyen d'une machine, il l'élève à la plus grande hauteur, et la fait asseoir sur ce trône sublime; car où est le chef, là est aussi, le corps, puisque la tête et le corps sont immédiatement unis. « Sur tout ». Ou bien cela signifie que le Christ est au-dessus de toutes choses, visibles ou invisibles; ou bien que par-dessus tous ses bienfaits il a donné son Fils pour chef. Ce n'est pas un ange, ce n'est pas un archange, ni une puissance plus élevée qu'il a envoyée ici-bas. Et ce n'est pas seulement en élevant ce qui sortait d'entre nous qu'il nous a honorés; c'est encore en faisant que toute l'espèce le suivît, s'attachât à lui, l'accompagnât : « Qui est son corps ».
Afin qu'en entendant ce mot chef, vous ne songiez pas seulement à la primauté, mais encore à la solidité et à l'union ; afin que cette expression ne vous représente pas seulement un dominateur, mais encore la tête d'un corps, il parle ensuite du « Complément de celui qui se complète entièrement dans tous ses membres ». Comme si ce qui précède ne suffisait pas pour montrer le rapport et la parenté, que dit-il? Que l'Église est le complément du Christ. En effet, le corps est le complément de la tête, et la tête le complément du corps. Voyez quel ordre exact suit Paul, et comment il n'épargne aucune parole pour exprimer la gloire de Dieu. « Complément » , dit-il, complément pareil à celui que fouge le corps par rapport à la tête. En effet, la réunion des membres forme le corps, et il n'en est pas qui ne lui soit nécessaire. Voyez comment il montre cette nécessité de tous les membres. Si nous n'étions pas nombreux , si l'un n'était pas a main, l'autre le pied, l'autre tel autre organe, le corps ne serait pas complet. Il faut donc que rien ne manque pour que son corps (451) à lui, soit complet. La tête a son complément, le corps est parlait, lorsque nous sommes réunis tt assemblés tous ensemble.
3. Voyez-vous les richesses de gloire de l'héritage? Voyez-vous la grandeur suréminente de la vertu de Dieu envers ceux qui croient? Voyez-vous l'espérance à laquelle vous êtes appelés? Respectons notre chef, songeons de quel chef trous sommes le corps, chef auquel tout est soumis. D'après cela, il faut que nous soyons meilleurs que les anges, et plus grands que les archanges, puisque nous sommes plus élevés qu'eux tous en dignité. « Dieu n'a pas pris les anges, mais il a pris la race d'Abraham ». (Hébr. II, 16.) Il n'a pris ni principauté, ni vertu, ni domination, ni aucune autre puissance : c'est notre nature qu'il a. prise et qu'il a établie là-haut. Et que dis-je, établie? Il, en a fait son vêtement, et il ne s'en est pas tenu là, il a tout mis sous ses pieds. Combien voulez-vous mettre de morts? Combien de vies? mille, des milliers? Vous n'arriverez pas au niveau. Il a fait les deux plus grandes choses qui se pussent faire; il est descendu lui-même au dernier degré d'abaissement, et il' a porté l'homme au comble de l'été ration. Paul a parlé en premier lieu de l'abaissement : il arrive maintenant à ce qui est plus sublime encore, au grand, au principal mystère. Cependant , quand bien même nous n'aurions rien reçu que le premier bienfait, il suffisait; et si nous étions jugés dignes d'un tel honneur, du moins l'immolation n'était pas nécessaire. Quel langage, quelle hyperbole pourrait donc égaler ces deux bienfaits réunis? C'est peu que la résurrection, quand je songe à cela. Ce n'est pas le Dieu Verbe qu'il a en vue lorsqu'il dit : Le Dieu de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Respectons cette étroite parenté, craignons que quelqu'un ne vienne à être retranché de ce corps, que quelqu'un ne soit rejeté , que quelqu'un ne se montre indigne. Si l'on avait ceint notre front d'un diadème, d'une couronne d'or, est-ce que nous ne ferions pas tous nos efforts pour nous montrer dignes de notre vaine parure de pierres précieuses ? Mais ce n'est pas un diadème qui ceint aujourd'hui notre front : c'est Jésus qui est devenu notre tête, notre chef, ce qui est bien autre chose, et nous n'en tenons nul compte. Ce chef, les anges, les archanges et toutes les puissances d'en-haut le vénèrent; mais nous, qui sommes son corps, ni ce motif ni l'autre ne nous le font vénérer? Et quel espoir de salut y aura-t il pour nous?
Songez au trône royal , songez à cet excès d'honneur : il ne tient qu'à nous que cela ne soit pour nous un plus grand sujet d'effroi que l'enfer même. S'il n'y avait pas d'enfer, ne serait-ce pas un affreux supplice, un affreux châtiment, que d'être reconnus indignes par notre méchanceté de la glorieuse prérogative dont nous avons été honorés. Songe auprès de qui siège ton chef; il n'en faut pas davantage : songe à la droite de qui il est assis. Eh quoi ! le chef plane au-dessus de toutes les principautés, les puissances et les vertus ; et le corps est foulé aux pieds par les démons ! A Dieu ne plaise ! Si cela arrivait, ce ne serait plus le corps désormais. Devant ton chef tremblent les serviteurs glorieux, et tu mets le corps sous les pieds de ceux qui ont offensé le maître ! Quel châtiment n'encours-tu point par là? Si quelqu'un mettait des fers et des entraves aux pieds d'un roi, ne s'exposerait-il pas au dernier supplice? Toi, tu jettes le corps tout entier aux bêtes féroces, et tu ne trembles pas ?
Mais puisqu'il est question du corps du Seigneur, parlons aussi de celui qui fut mis en croix, cloué, de la victime du sacrifice. Si tu es corps du Christ, porte la croix, car il l'a portée ; supporte les crachats , supporte les soufflets, supporte les clous ! Tel était ce corps. Ce corps était sans péché. « Il ne fit pas de péché », est-il écrit, « et la ruse. ne fut pas trouvée dans sa bouche ». (Isaïe, LIII, 9.) Ses mains faisaient tout pour obliger ceux qui avaient besoin ; sa bouche ne proféra jamais aucune parole déplacée. On lui dit : « Tu as un démon » (Jean, VII, 28); et il ne répondit rien. Puisque nous parlons du corps , nous qui participons au corps, nous qui goûtons à ce sang, songeons que nous participons, que nous goûtons à celui qui ne diffère en rien de celui-là, à celui qui siège là-haut, qui est adoré par les anges, qui est auprès de l'incorruptible Vertu. Hélas! que de routes nous sont ouvertes pour le salut ! Il a fait de nous son corps, il nous a communiqué son corps, et rien de tout cela ne nous détourne du mal ! O ténèbres et abîme ! ô stupidité ! « Songez », est-il écrit, « aux choses du ciel, où est le Christ assis à la droite de Dieu ». (Col. III, 1, 2.) Et après cela on trouve encore des (452) hommes qui songent à l'argent, d'autres qui se laissent séduire par les passions !
4. Ne voyez-vous pas que dans notre corps aussi, tout ce qui est inutile et hors de service est coupé, retranché ; avoir fait partie du corps, cela ne sert de rien au membre perclus, paralysé, gangrené, dont le mal peut se communiquer aux autres. Ne nous rassurons donc point par cette pensée que nous faisons partie du corps une fois pour toutes. Si un corps formé par la nature n'en est pas moins amputé, quelle terrible opération ne subira pas le corps formé par le libre arbitre, s'il ne reste pas en santé? Le corps, ouvrage de la nature, est paralysé quand il ne participe plus à la nourriture matérielle, quand les pores en sont obstrués; il est perclus, quand les vaisseaux ne font plus leur office. De même quand nous nous bouchons les oreilles, notre âme devient percluse ; quand nous cessons de participer à la nourriture spirituelle, quand certains vices attaquent notre tempérament à la manière d'humeurs corrompues, toutes ces causes engendrent la maladie funeste, une maladie qui produit la gangrène : désormais, le fer, le feu seront nécessaires, car le Christ ne consent pas à entrer dans la chambre nuptiale avec un corps pareil. Il a renvoyé, chassé celui qui était revêtu d'habits sordides, que ne fera-t-il pas a l'homme qui a souillé son corps? Quel traitement ne lui infligera-t-il pas?
Je vois beaucoup de personnes, qui participent étourdiment et sans réflexion au corps du Christ, plutôt par habitude et pour obéir à la loi, que par raison et par réflexion. Voient-elles arriver le temps du saint Carême ou celui de l'Epiphanie , en quelque état qu'elles se trouvent, elles prennent part aux sacrements. Cependant ce n'est pas l'époque de l'année qui fait, en cela, l'opportunité; car ni l'Epiphanie, ni le Carême ne rendent digne d'approcher des sacrements, mais seulement la pureté parfaite de l'âme. Quand vous Pavez, approchez en toujours; jamais, quand elle vous manque. Car il est écrit : « Toutes les fois que vous faites cela, vous annoncez la mort du Seigneur » ( I Cor. XI, 26) ; c'est-à-dire, vous faites une commémoration de votre salut, ale mon bienfait. Songez à la prudence dont usaient ceux qui prenaient part à l'ancien sacrifice. Que ne faisaient-ils pas ? lis ne manquaient jamais de se purifier. Mais vous, pour approcher du sacrifice devant lequel tremblent
les anges mêmes, vous obéissez au cours du temps? Et comment vous présenterez-vous au tribunal du Christ, vous qui avec des mains et des lèvres souillées, osez profaner son corps? Vous n'oseriez pas embrasser un roi, si vous aviez la bouche puante ; et vous osez embrasser le roi du ciel avec une âme puante ! Quel excès d'insolence !
Dites-moi : Voudriez-vous approcher du sacrifice avec des mains sales? Je ne le pense pas : vous aimeriez mieux vous abstenir que d'en approcher en cet état. Eh bien ! vous qui êtes circonspect à ce point dans les petites choses, vous en approchez, vous osez y toucher avec une âme souillée? Cependant la victime ne séjourne qu'un moment entre vos mains, et elle se résout tout entière dans votre âme. Voyez-vous ces vases si bien lavés, si brillants? eh bien ! il faut que nos âmes soient encore plus pures, encore plus immaculées et plus brillantes. Pourquoi ? Parce que c'est en vue de nous qu'on nettoie ainsi ces vases. Ils ne participent pas, eux, à leur contenu, ils ne le sentent pas; nous, c'est autre chose. Or, vous ne voudriez pas vous servir d'un vase malpropre, et vous apportez vous-même une âme malpropre : je vois là une singulière disparate. Aux autres époques, même quand vous êtes purs, vous n'approchez pas des sacrements, et à Pâques, fussiez-vous chargés d'un crime, vous vous en approchez? O habitude ! ô préjugé ! en vain le sacrifice est quotidien, en vain nous nous tenons auprès de l'autel, personne ne prend place au banquet. Si je parle ainsi, ce n'est pas pour que vous communiiez à la légère, mais pour que vous vous mettiez en état. Vous n'êtes pas digne du sacrifice de la communion? Alors vous n'êtes pas digne non plus de la prière. Vous entendez le héraut qui se tient debout et dit : « Vous tous, qui êtes en pénitence, retirez-vous ». Tous ceux qui ne communient pas sont en pénitence. Si vous êtes au nombre de ceux qui sont en pénitence, vous ne devez pas communier : car celui qui ne communie pas est au nombre de ceux qui sont en pénitence. Pourquoi donc dit-il : « Retirez-vous, vous qui ne pouvez pas prier», et vous, restez-vous- effrontément en place? Mais vous n'êtes pas de ce nombre ; vous êtes de ceux qui peuvent communier, et vous ne vous en inquiétez pas? Vous regardez cela comme rien ?
5. Songez-y, je vous en prie; voilà un banquet (453) royal : les anges le desservent, le monarque même y assiste, et vous restez là bouche béante? Vos vêtements sont souillés, et vous ne vous en inquiétez pas? Mais non : ils sont propres? Mettez-vous donc à table, et communiez. Il vient chaque jour visiter les convives, il parle à tous ; il dira donc à votre conscience: Amis, comment êtes-vous ici sans habit de noce? Il ne dit pas : Pourquoi avez-vous pris place à la table? C'est avant l'installation, avant l'entrée qu'il déclare qu'on est indigne. En effet, il ne dit pas : Pourquoi avez-vous pris place? mais bien : Pourquoi êtes-vous entré? Voilà ce qu'il dit maintenant même à nous tous qui nous tenons ici debout, sans pudeur et sans honte. En effet, quiconque ne participe pas aux sacrements, celui-là est un impudent, un effronté. Voilà,pourquoi on commence par exclure ceux qui sont en état de péché. Ainsi que, lorsque le maître prend place à table, il ne faut pas que les serviteurs qui l'ont offensé soient présents, et que l'on a soin de les écarter : de même ici, quand on offre le sacrifice, et que la victime est le Christ, l'Agneau du Seigneur, en entendant ces mots : « Prions tous en commun », en voyant les vestibules s'ouvrir, vous devez croire que le ciel s'ouvre, et que les anges descendent de là-haut. Si donc aucune des personnes étrangères à nos mystères ne doit rester dans l'assistance, il en est de même des initiés qui sont souillés.
Dites-moi : supposez qu'une personne invitée à un festin se lave les mains, s'attable, soit toute prête à goûter aux mets, et que néanmoins elle n'y touche pas, ne sera-ce pas faire injure à celui qui l'a invitée? ne vaudrait-il pas mieux n'être pas venu? De même pour vous . cous êtes présent, vous avez chanté l'hymne : vous vous êtes mis au nombre de ceux qui sont dignes en ne vous retirant pas avec les indignes; comment êtes-vous resté, si vous ne prenez point part au banquet? Je suis indigne, dites-vous... Vous êtes donc indigne aussi de la communion des prières. En effet, ce n'est pas seulement le sacrifice, ce sont encore les cantiques qui font descendre de toutes parts le Saint-Esprit. Ne voyez-vous pas que nos serviteurs lavent la table avec une éponge, et nettoient la maison avant de mettre la table? Cela se fait par les prières, par la voix du diacre. Nous lavons l'église comme avec une éponge, afin qu'elle soit pure pour l'offrande, qu'il n'y 'ait ni tache ni souillure... Les yeux mêmes des indignes, leurs oreilles sont ici de trop. « Si une bête touche la montagne, elle sera lapidée ». (Exode, XIX, 13.) Ainsi les Juifs n'étaient pas même dignes de monter sur la montagne : du reste, ils s'approuvèrent ensuite, et virent la place où avait été Dieu. Eh bien ! quand tout sera fini, vous pourrez vous approcher et regarder : mais tant que Dieu est là, retirez-vous : cela né vous est pas plus permis qu'au catéchumène. Car il n'y a pas égalité entre celui qui n'a jamais touché aux sacrements, et celui qui, après les avoir reçus, les brave par des offenses, et se rend indigne de son privilège. de. pourrais ajouter d'autres considérations encore plus effrayantes : niais de crainte de charger votre mémoire, j'en reste là : ceux qui ne seront point corrigés par ce que j'ai dit, ne le seraient point par de plus longs développements. Si donc nous ne voulons pas rendre notre jugement plus rigoureux, je vous supplie, non de vous présenter, mais de vous rendre dignes du lieu où vous êtes et du sacrement.
Dites-moi : si un roi vous donnait cet ordre . impérieux: Si quelqu'un fait telle chose, qu'il në paraisse pas à ma table ; est-ce que vous ne feriez pas tous vos efforts pour être admis? Eh bien ! nous sommes conviés au ciel, à là table du grand, du sublime monarque,et nous, hésitons, et nous tergiversons, et nous ne nous hâtons point d'accourir? Et quel espoir de salut nous reste-t-il? Nous ne, pouvons alléguer notre faiblesse , nous ne pouvons mettre en cause la nature : la négligence , voilà le seul principe de notre indignité. Nous avons dit ce que nous avions à vous dire. Que celui qui produit la componction dans les coeurs, qui donne l'esprit de componction, produise un pareil effet dans vos âmes et y enfouisse profondément sa semence, afin que vous conceviez de sa crainte, que vous enfantiez un esprit de salut, et que vous approchiez avec confiance. « Tes fils », est-il écrit, « sont comme de jeunes pousses d'olivier autour de ta table ». (Ps. CXXVII, 3.) Ainsi donc, point de vieilles pensées; rien de farouche, d'aigre, de sauvage. Car telles sont les jeunes pousses propres à donner du fruit, ce fruit merveilleux de l'olivier; assez fortes pour que tous soient autour de la table, et ne se réunissent pas ici étourdiment ni à la légère, mais avec crainte et tremblement. Ainsi vous verrez là-haut le (454) Christ lui-même avec confiance, et vous serez jugés dignes du royaume céleste, auquel puissions-nous tous parvenir, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ avec qui gloire, puissance, honneur au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.