HOMÉLIE XXVI

HOMÉLIE XXVI. JE VOUS LOUE, MES FRÈRES, DE CE QUE VOUS VOUS SOUVENEZ DE MOI EN TOUTES CHOSES, ET QUE VOUS GARDEZ LES TRADITIONS ET LES RÈGLES QUE JE VOUS Al DONNÉES. (CHAP. XI, VERSET 2, JUSQU'AU VERSET 17.)

 

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ANALYSE.

 

1 et 2. De l'enseignement oral de Paul, et de ses rapports avec les fidèles.

3. Le Christ est la tête et le chef de l'homme. — Dissertation sur la valeur des expressions humaines appliquées à Dieu.

4 et 5. Pourquoi les hommes doivent prier, la tête découverte ; les femmes doivent toujours avoir la tête enveloppée d'un voile. — Développements divers.

6-8. Ne nous occupons pas des devoirs des autres, quand c'est à nous qu'on reproche l'oubli des devoirs. — De la comptai. — sauce que les époux se doivent mutuellement. — Généreuse colère contre les misérables qui ne craignent pas de battre une femme. — Détail d'une grâce touchante, le soir où un père, séparant sa fille de toute la famille , la confie à son époux.

 

1. Après avoir dit sur les offrandes consacrées aux idoles tout ce qu'il lui convenait d'exposer, n'ayant plus rien à ajouter à l'ensemble complet de ses réflexions, il passe à un autre sujet, qui renferme bien aussi une accusation, mais non aussi grave. Je vous ai déjà dit, et maintenant je vous répète encore, que l'apôtre ne formule pas tout de suite et sans interruption les reproches de la plus grande sévérité. Il les dispose dans un ordre convenable; il intercale au milieu de sa lettre des choses plus agréables, pour adoucir ce qu'aurait d'insupportable pour les auditeurs un discours tout composé de sévères réprimandes. Voilà pourquoi il réserve pour la fin le sujet de la résurrection, sur lequel il doit déployer le plus de véhémence. En attendant il s'arrête à quelque chose de moins grave : « Je vous loue, mes frères, de ce que vous vous souvenez de moi, en toutes choses ». Quand le péché est constant, il attaque vivement, il menace; quand il y a doute, ce n'est qu'après avoir fait la preuve qu'il gronde; ce qui est avoué, il l'étale; ce qui est contesté, il l'établit. Par exemple, au sujet de la fornication, le doute n'était pas possible; il n'y avait donc pas lieu à montrer que c'était un péché; que fait l'apôtre alors? Il étale l'énormité de la faute, et il use d'un développement par comparaison. Quant à l'habitude de juger le prochain, c'était un péché, mais non d'une gravité aussi grande; voilà pourquoi il introduit dans son discours des réflexions et des preuves à ce sujet. Maintenant, pour les offrandes consacrées aux idoles, il y avait doute, mais le péché était grand; voilà pourquoi il montre que c'est un péché, et ce point il le développe. Et en agissant ainsi, non-seulement il détourne les fidèles des péchés qui leur sont reprochés, mais il conduit les âmes à des fins contraires. En effet, il ne se contente pas de dire qu'il ne faut pas commettre de fornication, il ajoute que l'on doit montrer une grande sainteté. De là, ces paroles: « Glorifiez Dieu dans votre corps et dans votre esprit ». ( I Cor. VI, 20.) Et ailleurs, quand il da qu'il ne faut pas être sage de la sagesse extérieure, il ne se, contente pas de cette réflexion, q ajoute qu'il faut devenir fou ; et quand il donne le conseil de ne pas plaider devant les juges païens, le conseil de ne commettre au. tune injustice, il va plus loin; il défend tout procès, et il ne recommande pas seulement de ne jamais commettre l'injustice, mais il conseille de s'y résigner:; et, dans ses réflexions sur les offrandes consacrées aux idoles, il n'ordonne pas seulement de s'abstenir de ce qui est défendu, mais, de plus, de ce qui est (463) permis, ce qui vaut mieux que d'être un sujet de scandale. Nous ne devons pas éviter seulement de scandaliser nos frères, mais de scandaliser les gentils et les Juifs. « Ne donnez pas occasion de scandale, ni aux Juifs, ni aux gentils, ni à l'Église de Dieu ».

Eh bien donc; après avoir achevé toutes ces réflexions, il passe à une accusation d'un autre genre; de quoi s'agissait-il? Des femmes découvertes, la tête nue, priaient et prophétisaient. Il faut que vous sachiez qu'alors les femmes prophétisaient. Les hommes laissaient pousser leur chevelure, comme étant versés dans la philosophie; et ils se couvraient la tête en priant et en prophétisant. Ces deux pratiques étaient d'origine païenne. Il faut croire que l'apôtre avait fait, de vive voix, aux fidèles, sur tous ces points des exhortations, que les uns s'y étaient conformés, que les autres ne l'avaient pas écouté ; voilà pourquoi il les reprend dans sa lettre, et, comme un sage médecin, recommence à les traiter pour les guérir enfin. Qu'il les eût déjà avertis, en séjournant parmi eux; c'est ce qui résulte des premières paroles que nous venons de lire; car pourquoi, n'ayant rien dit nulle part, à ce sujet, dans sa lettre, et ne s'étant occupé que des reproches à formuler, leur dit-il, sans préambule : « Je vous loue, mes frères, de ce que vous vous souvenez de moi, en toutes choses, et que vous gardez les traditions et les règles que je vous ai données ». Comprenez-vous que les uns l'avaient écouté, ce dont il les loue; que les autres ne l'avaient pas écouté, et, à ce propos; il les redresse par les paroles qu'il ajoute dans la suite : « Si quelqu'un aime à contester, ce n'est point là notre coutume ». (I Cor. XI, 16.) Je suppose que, les uns se conduisant bien, les autres ne l'écoutant pas, il les eût tous accusés indistinctement; il n'aurait fait alors qu'enhardir les uns, autoriser la mollesse des autres. Que fait-il au contraire? Les uns, il les loue, il les approuve ; les autres, il les réprimande ; il encourage ainsi ceux qui font bien, et il fait honte à ceux qui se conduisent mal. La réprimande suffit d'elle-même pour frapper; mais, quand elle est accompagnée d'une comparaison avec ceux qui se sont bien conduits, auxquels on adresse des éloges, l'aiguillon de la réprimande est plus pénétrant. Ici, ce n'est pas par la réprimande, mais par les compliments que l'apôtre débute, par de grands compliments, en disant : « Je vous loue de ce que vous vous souvenez de moi, en toutes choses ».

C'est l'ordinaire de Paul de répondre, même à de petites actions bien faites, par de grandes louanges. Ce n'est pas flatterie, loin de nous cette pensée ; pourrait-on dire cela de Paul, qui ne désirait ni argent, ni gloire, ni rien de pareil, qui faisait toutes choses en vue du salut de ses frères? Voilà donc pourquoi il loue avec tant de complaisance, en disant : « Je vous loue de ce que vous vous souvenez de moi, en toutes choses ». Que signifie « En toutes choses? » Il ne parlait que de la chevelure, qu'il ne fallait pas laisser croître, et de la tête,qui ne devait pas être couverte. C'est, comme je vous l'ai dit, qu'il prodigue les éloges, afin d'encourager. Voilà pourquoi il dit: « De ce que vous vous souvenez de moi, en toutes choses, et que vous gardez les traditions et les règles que je vous ai données». D'où il résulte qu'il leur communiquait autrement que par écrit beaucoup de préceptes; c'est ce qu'il indique ailleurs, dans un grand nombre de passages. Mais alors il se contentait de communiquer les préceptes, tandis que, maintenant, il fait plus, il en explique la raison; par là il raffermissait ceux qui l'écoutaient, et il rabattait l'orgueil des contradicteurs. Ensuite, il ne dit pas : Vous avez obéi, d'autres n'ont pas obéi ; mais, sans marquer aucun soupçon, il le fait assez entendre, par son enseignement même, dans ce qu'il ajoute, en ces termes : « Mais je désire que vous sa« chiez que Jésus-Christ est le chef et la tête de tout homme, que l'homme est le chef de la femme, et que Dieu est le chef de Jésus-Christ ». Voilà donc le précepte expliqué dans sa cause. Et cette cause il la donne pour rendre les faibles plus appliqués. Celui qui est fidèle, est fort et il n'a pas besoin de raisonnements, d'explications; pour obéir aux préceptes il lui suffit de les recevoir. Au contraire, celui qui est faible a besoin d'en savoir les raisons, il se rappelle alors avec plus de plaisir ce qu'on lui a dit, il est plus ardent à la pratique.

2. Voilà pourquoi l'apôtre attend, pour donner les raisons du précepte, que le précepte ait été violé. Quelles sont donc ces raisons? « Jésus-Christ est le chef et la tête de tout homme ». Comment donc? même du gentil? Nullement; car c'est parce que nous sommes (464) le corps de Jésus-Christ, une partie de ses membres, que Jésus-Christ est notre tête. Quant à ceux qui ne sont pas dans le corps, qui ne sont pas réputés des membres, il ne peut pas être leur tête. Aussi, lorsque l'apôtre dit : « De tout », il faut sous-entendre, fidèle. Voyez-vous comme, en toutes circonstances, il prend d'en-haut ses inspirations pour faire rentrer en soi-même l'auditeur. Quand il parlait et de la charité, et de l'humilité, et de l'aumône , c'est d'en-haut qu'il tirait ses exemples. « L'homme est le chef de la femme et Dieu est le chef de Jésus-Christ ». C'est ici que les hérétiques nous attaquent, s'imaginant qu'il résulte de ces paroles que le Fils est moindre que le Père; mais ils ne font que s'attaquer eux-mêmes; car si l'homme est le chef de la femme, si le chef et le corps sont de la même substance, si Dieu est le chef de Jésus-Christ, le Fils est de la même substance que le Père. — Mais, nous répondent-ils, nous ne voulons pas montrer par là qu'il soit d'une autre substance, mais qu'il est commandé par son Père. — Que leur répondrons-nous? Ceci principalement : La modestie de l'expression appliquée au Dieu incarné, n'a rien qui rabaisse sa divinité, l'incarnation admettant cette expression. — D'ailleurs, parlez, soutenez votre dire. — Eh bien, nous répond-on, l'homme commande à la femme, c'est de la même manière que le Père commande au Christ. Le Christ commande à l'homme, et c'est de la même manière que le Père commande au Fils : car, dit l'apôtre, « Jésus-Christ est le chef et la tête de tout homme ». Qui jamais admettra ces pensées? En effet, si la supériorité du Christ sur nous est la mesure de la supériorité du Père sur le Fils, comprenez-vous jusqu'à quel infime degré vous le rabaissez ?

Il ne faut donc pas établir une similitude parfaite entre Dieu et nous, quelle que soit la similitude des expressions: il faut reconnaître, à Dieu, une excellence propre, toute l'excellence qui appartient à la nature de Dieu. Sinon, les absurdités se dérouleront en foule. Réfléchissez : Dieu est le chef du Christ, le Christ est le chef de l'homme, l'homme est le chef de la femme. Eh bien, prenons, dans tous les cas, le mot chef, en lui donnant la même valeur; voilà que le Fils sera au-dessous du Père, juste autant que nous sommes au-dessous du Fils. Mais ce n'est pas tout : la femme, à son tour, sera au-dessous de nous, juste autant que nous sommes au-dessous du Verbe divin; et ce qu'est le Fils à l'égard du Père, nous le serons à l'égard du Fils; et la femme le sera à l'égard de l'homme. Qui l'admettra ? Appliqué au Christ relativement à l'homme, le mot chef a une autre valeur qu'appliqué à l'homme par rapport à la femme; donc aussi il a encore une autre valeur appliqué au Père par rapport au Fils. Et comment, me dira-t-on, déterminerons-nous la différence? Par l'objet même que l'apôtre a en vue. En effet, si Paul eût voulu dire autorité et sujétion, comme vous le prétendez, il n'aurait pas parlé de la. femme, il aurait proposé, comme exemple, l'esclave et le maître. Car si la femme nous est soumise, elle reste toujours femme, elle reste libre, elle reste notre égale en honneur. Et le Fils aussi obéit à son Père, mais il reste le Fils de Dieu, il reste Dieu. De même que le Fils a plus d'obéissance pour son Père, que les hommes n'en ont pour ceux qu'ils ont engendrés, de même, en lui, la liberté est plus grande. Et en effet, si les devoirs du Fils envers le Père sont plus impérieux pour lui, plus conformes à sa nature, que chez les hommes, ainsi en est-il des devoirs du Père envers le Fils. Car si nous admirons le Fils obéissant jusqu'à mourir, et jusqu'à mourir sur la croix, si nous disons qu'il y a là un merveilleux mystère, c'est un mystère également merveilleux que le Père ait engendré un tel fils, non pas un esclave de ses ordres, mais un Fils libre, obéissant, partageant ses conseils; car le conseiller n'est pas un esclave. Et maintenant ce mot de conseiller ne veut pas dire que le Père ait besoin d'un conseiller, mais que le Fils est en honneur l'égal de son Père.

Il ne faut donc pas étendre trop loin cette comparaison tirée de l'homme et la femme. Chez nous ce n'est pas sans raison que la femme est soumise à l'homme; car l'égalité d'honneur engendre la lutte; cette sujétion, d'ailleurs , a une autre cause , la séduction de la première femme. La femme ne fut pas, ans. sitôt après sa création, assujettie à l'homme; et, quand Dieu l'amena à son mari, elle n'entendit ni Dieu, ni son mari , lui parler de dépendante ; Adam lui dit seulement qu'elle était « l'os de ses os et la chair de sa chair » (Gen. II, 23) ; de commandement, ou de sujétion, il ne lui dit rien. Mais quand elle eut fait (465) un mauvais usage de son pouvoir, quand celle qui devait aider l'homme, l'eut fait tomber dans un piège, quand tout fut perdu par sa faute, c'est alors qu'elle entendit ce juste arrêt: « Tu dépendras de ton mari ». (Gen. III, 16.) Car comme il était vraisemblable que ce péché allait introduire là guerre au milieu des hommes (c'eût été, pour rétablir la paix, une considération peu importante que ce fait que la femme était sortie de lui ; au contraire, cette circonstance même ne pouvait qu'exaspérer son mari, puisque celle qui était sortie de lui, n'avait pas même épargné celui dont elle était le membre) ; Dieu, comprenant la malice du démon, éleva, par cette seule parole, comme un rempart où elle devait se briser; par cette sentence et aussi par la concupiscence naturelle, il prévint la haine qui n'aurait pas manqué de naître et détruisit, comme un mur de séparation, le ressentiment produit par la première faute. Mais maintenant , dans l'être divin, dans la substance incorruptible, il n'est pas permis de rien soupçonner de pareil ainsi quand on use d'une comparaison, gardez-vous de l'étendre outre mesure, autrement il en résulterait de graves inconvénients. L'apôtre disait, au commencement de sa lettre: « Car tout est à vous, et vous êtes à Jésus-Christ, et Jésus-Christ est à Dieu ». (I Cor. III, 22, 23.)

3. Qu'est-ce que cela veut dire : Tout est à nous, et nous sommes à Jésus-Christ, et JésusChrist est à Dieu ? Y a-t-il en tout cela une similitude parfaite ? Nullement ; les plus insensés mêmes, comprennent la différence ; cependant c'est du même terme que l'on se sert pour parler de Dieu, de Jésus-Christ et de nous. Et,ailleurs, après avoir dit que l'homme est le chef de la femme, il ajoute: « Comme le Christ est le chef et le Sauveur de l'Église, « et son défenseur; ainsi le mari doit l'être pour son épouse ». (Eph. V, 23, 24.) Eh bien donc , trouverons-nous là une similitude parfaite , aussi bien que dans tout ce qu'il écrit encore aux Ephésiens à ce sujet? Loin de nous cette pensée. En effet , cela ne se peut pas; on se sert des mêmes mots en parlant de Dieu et des hommes , mais ils doivent être entendus autrement dans un cas que dans l'autre. Et maintenant, n'allons pas, au rebours, chercher partout la diversité, car alors il faudrait dire que toutes ces comparaisons auraient été admises au hasard , et sans réflexion , puisque nous n'en retirerions aucun fruit. Donc, de même qu'il ne faut pas voir la similitude partout, de même il ne faut pas la rejeter partout. J'éclaircis ma pensée , je prends un exemple pour essayer de la faire comprendre. On dit que Jésus-Christ est la tête de l'Église ; si je n'attache aucune idée humaine à cette parole, à quoi sert-elle ? Et maintenant si , au contraire , j'y attache toutes les idées humaines , voilà une série interminable d'absurdités, car la tête est sujette aux mêmes affections que le corps. Donc que faut-il négliger? que faut-il prendre? Il faut négliger les conséquences que je viens d'énoncer, il faut prendre l'idée d'union parfaite , l'idée de cause et de premier principe ; il faut même entendre ceci d'une manière plus sublime et plus relevée en Dieu qu'en nous, d'une manière qui soit conforme à la nature divine ; car l'union est plus sûre, le principe plus auguste.

Vous avez encore entendu le mot Fils. Eh bien ! ici encore, il ne faut ni tout prendre ni tout rejeter; il faut prendre ce qui convient à Dieu , savoir, que le Fils est consubstantiel au Père et qu'il est de lui; pour ce qui serait déplacé, ce qui n'appartient qu'à l'infirmité humaine , laissez-le à la terre. Autre exemple encore: Dieu a été appelé lumière; eh bien! prendrons-nous toutes les idées qui se rapportent à notre lumière ? Nullement, car notre lumière est circonscrite par les ténèbres et par l'espace; une force étrangère la met en mouvement, et la recouvre d'ombre ; nulle de ces idées n'est permise au sujet de l'essence divine. Mais maintenant ce n'est pas une raison pour tout rejeter; sachons, au contraire, recueillir, de cet exemple , ce qu'il a d'utile ; l'illumination qui nous inonde et qui vient de Dieu ; notre affranchissement des ténèbres. Toutes ces paroles que je viens de dire, sont à l'adresse des hérétiques; mais il faut, dès à présent, traiter à fond le texte qui nous occupe.

Peut-être ici soulèvera-t-on la question de savoir quel mal c'était aux femmes de se découvrir la tête, aux hommes de se la couvrir; écoutez les raisons, et comprenez-les. L'homme et la femme ont reçu un grand nombre de caractères différents : l'un, ceux du commandement; l'autre, ceux de la sujétion. Une de ces marques, c'est que la femme ait la tête couverte, que l'homme ait la tête nue; donc, si tels sont leurs signes, ils pèchent tous les deux contre l'ordre, contre le précepte divin; ils franchissent les limites qui leur ont été (466) fixées; l'un s'abaisse à la faiblesse de la femme; l'autre usurpe la dignité du mari. En effet, il ne leur est pas permis de changer de vêlement; la femme n'a pas le droit de porter la chlamyde; l'homme ne doit pas prendre le bandeau ni le voile. « Une femme ne prendra point un habit d'homme, et un homme ne prendra point un habit de femme ». (Deut. XXII, 5.) A bien plus forte raison, les caractères de la tête doivent-ils être conservés; car les formes différentes sont d'institution humaine, quoique Dieu, plus tard, les ait confirmées. C'est une loi naturelle qui ordonne d'avoir ou de n'avoir pas la tête couverte. Il est bien entendu que quand je parle de nature, je parle de Dieu ; car c'est lui qui a fait la nature. Eh bien, voyez quels grands maux résultent de ce que vous bouleversez la nature; et ne me dites pas que le péché est petit; il est grand en soi, car c'est la désobéissance. Serait-il petit en soi, il deviendrait grand, parce qu'il y a là un symbole de choses importantes. Que ce soit un grand symbole , c'est ce qui résulte du bel ordre qui se manifeste, par là, au milieu des hommes: d'une part, le commandement, de l'autre la sujétion, marqués dans le costume qui convient à chaque état. La transgression, ici, confond tout, répudie les dons de Dieu, foule aux pieds l'honneur qui vient d'en-haut; et ce n'est pas l'homme seulement qui est coupable, mais la femme aussi; car, assurément, son plus grand honneur, c'est de se tenir au rang qui lui est propre; sa honte, c'est de s'en écarter. Aussi, à propos de l'un et de l'autre: « Tout homme qui prie , ou qui prophétise » , dit l'apôtre, « ayant quelque chose sur la tête, déshonore sa tête: mais toute femme qui prie, ou qui prophétise, n'ayant point la tête couverte d'un voile, déshonore sa tête (4) ». Il y avait en effet, comme je l'ai dit, et des hommes et des femmes qui prophétisaient; des femmes ayant reçu le don de prophétie, comme les filles de Philippe , et d'autres encore , soit avant soit après elles , dont parlait le prophète Joel. « Vos fils prophétiseront, et vos filles verront des visions ». (Joel, II, 28.) L'apôtre ne veut pas que l'homme ait toujours la tête découverte, mais seulement quand il prie. « Tout homme », dit-il, a qui prie, ou qui prophétise, ayant quelque chose sur la tête, déshonore sa tête ». Quant à la femme, il veut qu'elle ait toujours la tête couverte. Aussi , après avoir dit: « Toute femme qui prie, ou qui prophétise , n'ayant point la tête couverte , déshonore sa tête » , il ne s'arrête pas là, mais il ajoute : « Car c'est comme si elle était rasée ». S'il est toujours honteux, pour une femme, d'avoir la tête rasée, il est évident que c'est une honte pour elle que d'avoir toujours la tête découverte.

4. Et l'apôtre ne s'est pas contenté de ces paroles, mais il ajoute encore : « La femme doit porter sur sa tête , à cause des anges, la marque de la puissance que l'homme a sur elle (10) ». Il montre ainsi que ce n'est pas seulement dans le temps de la prière, mais toujours, que la femme doit être voilée. En ce qui concerne l'homme, ce n'est pas du voile qu'il s'occupe, mais de la chevelure; il ne veut pas qu'il ait la tête couverte, mais cette défense ne regarde que le temps de la prière. Quant à la longue chevelure, elle lui est toujours défendue. Aussi, après avoir dit de la femme : « Si une femme ne se voile point la tête, elle devrait donc avoir aussi les cheveux coupés » ; il dit, en parlant de l'homme : « S'il porte de longs cheveux, il se déshonore » ; il ne dit pas : S'il se couvre la tête, mais : « S'il porte de longs cheveux ». Voilà pourquoi il dit en commençant : « Tout homme qui prie, ou qui prophétise, ayant quelque chose sur la tête » ; il ne dit pas : Ayant la tête couverte, mais : « Ayant quelque chose sur la tête », montrant que, fût-il la tête nue, dans le moment de la prière, s'il a une chevelure trop longue, c'est comme s'il avait la tête couverte. « Car la chevelure », dit-il, « a été donnée à la femme comme un voile ; si une femme ne se voile point la tête, elle devrait donc avoir aussi les cheveux coupés. Mais s'il est honteux à une « femme d'avoir les cheveux coupés, ou d'être « rasée, qu'elle se voile la tête ». D'abord, il demande seulement qu'elle n'ait pas la tête nue ; il va plus loin ensuite, et lui fait entendre qu'elle ne doit jamais l'avoir nue, par ces paroles : « C'est comme si elle était rasée»; elle doit se tenir toujours couverte et avec le plus grand soin. Il ne veut pas seulement qu'elle soit voilée, mais tout à fait voilée, enveloppée de toutes parts. Après avoir montré tout ce qu'il y a d'indécent dans une tête découverte, il fait honte à la femme, il lui inflige cette réprimande si vive : « Si une femme ne se voile point la tête, elle (467) devrait donc avoir aussi les cheveux coupés» . Si vous rejetez le voile, dit l'apôtre, que Dieu vous a donné, rejetez donc aussi le voile de la nature. On objectera: comment serait-ce une honte pour la femme de s'élever à la gloire de l'homme? Nous répondrons, nous, qu'elle ne s'élève pas, qu'elle, tombe, qu'elle se dégrade de ses propres honneurs ; car outrepasser ses limites, les lois reçues de Dieu, les transgresser, ce n'est pas ajouter à ses prérogatives, c'est les diminuer. De même que celui qui désire le bien d'autrui, et qui emporte ce qui ne lui appartient pas, ne devient pas plus riche, mais s'appauvrit, et perd ce qu'il possédait, ce qui est arrivé à propos dû paradis, de même la femme ne conquiert pas la prérogative de l'homme, elle perd l'honneur de la femme ; et son infamie ne résulte pas, pour elle, seulement de cette conduite, ruais encore de sa convoitise. Aussi, quand l'apôtre a bien rappelé ce que tout le monde regarde comme une honte, quand il a dit : « S'il est honteux à une femme ,d'avoir les cheveux coupés ou d'être rasée », il exprime sa pensée à lui par ces mois : « Qu'elle se voile la tête ». Il ne dit pas : Qu'elle laisse croître sa chevelure, mais : « Qu'elle se voile ». Ces .deux préceptes; il les, fonde sur une seule et même loi; il les confirme l'un par l'autre, et par ce qui est généralement établi, et, par les contraires. Le voile. et la chevelure pour lui , c'est tout un; et, de même, c'est la même chose pour la femme, d'être rasée et d'avoir la tête nue. « Car c'est ,», dit-il, « comme si elle était rasée ». On objectera : comment est-ce la même chose d'avoir, pour se couvrir, ce que la nature donne, et d'être rasée, de ne l'avoir pas? Nous, répondrons : que, par le fait de sa volonté, la femme a abandonné même le voile naturel par cela même qu'elle a la tête nue; si elle à encore des cheveux, elle les doit à la nature et non à sa volonté ; c'est pourquoi la femme rasée a la tête nue; et l'autre, également. Dieu a permis à la nature de couvrir la tête de la femme, afin que la femme instruite par la nature se, couvrît d'un voile.

L'apôtre rend ensuite raison de ses. ordonnances comme s'adressant à des hommes libres. Cette explication, quelle est-elle? « L'homme ne doit point se couvrir la tête, parce qu'il est l'image et la gloire de Dieu. (7) ». Encore une autre raison : ce n'est pas, seulement parce qu'il a pour chef le Christ, qu'il ne doit pas se couvrir la tête; c'est aussi parce qu'il commande à la femme. Un prince qui s'approche d'un souverain, doit avoir le signe de sa principauté; aucun prince n'oserait paraître sans ceinture, sans manteau, devant celui qui porte le diadème. Gardez-vous, à votre tour, de négliger le signe de votre principauté, qui consisté à avoir la tête découverte, lorsque vous priez Dieu; vous vous feriez affront à vous-mêmes, et à celui qui vous a conféré votre honneur. On peut en dire autant de la femme; car c'est, pour elle aussi, une honte, de ne pas avoir les signes de sa sujétion. « Au lieu que la femme est la gloire de l'homme ». L'autorité, de l'homme est fondée en nature. Après ces raisonnements, ces explications, il en propose encore d'autres; il vous fait remonter aux premiers jours de la création; car l'homme n'a point été tiré de la femme, « mais la femme, a été, tirée de l'homme (8) ». Or, si l'extraction est un sujet de gloire pour l'être dont on est tiré, la gloire est encore augmentée si l'être est l'image de celui de qui il est tiré; « car l'homme n'a point été créé pour la femme, mais la femme, pour l'homme, (9) ». Voilà la seconde raison de l'excellence de l'homme sur la femme, disons mieux, la troisième et la quatrième raison. Première raison : le Christ est notre chef, et nous sommes le chef de la femme ; seconde raison : nous sommes, la gloire de Dieu, et la femme est notre gloire; troisième raison : e n'est pas nous qui sommes tirés de la femme, mais c'est elle qui est tirée de nous ; quatrième raison : ce n'est pas nous qui sommes faits pour elle, mais c'est elle qui est faite pour nous. « C'est, pourquoi la femme doit porter sur sa tête, à cause des anges, la marque de la puissance que l'homme a sur elle (10) »,. « C'est pourquoi »: Pour quelle raison, répondez-moi ? Pour toutes les raisons qui ont été dites, ou plutôt, ce n'est pas seulement pour toutes ces raisons, mais « à cause des anges »; si vous né respectez pas votre mari, ô femme, respectez au moins les anges.

5. Ainsi,. ce voile que vous mettez sur votre tête est la marque de la sujétion à une autorité, elle vous force à abaisser vos regards, à conserver la vertu qui vous est propre; la vertu propre, l'honneur d'un sujet, c'est de rester dans l'obéissance. L'homme n'y est pas contraint, car il est, l'image de Dieu même ; la (468) femme y est obligée, et c'est justice; comprenez donc, ô hommes, l'excès de votre faute, lorsque vous, qui êtes honorés d'un si grand pouvoir, vous vous avilissez vous-mêmes, en usurpant le costume de la femme; c'est comme si vous rejetiez de votre tête un diadème , pour prendre, au lieu de ce diadème , un vêtement d'esclave. « Toutefois, ni l'homme n'est point sans la femme, ni la femme sans l'homme, en Notre-Seigneur (11) ». Après avoir donné à l'homme une grande supériorité , après avoir dit que la femme a été tirée de lui , pour lui, qu'elle lui a été soumise, il craint d'élever l'homme outre mesure, de trop abaisser la femme ; voyez comme il corrige ses paroles: « Toutefois , ni l'homme n'est point sans la femme, ni la femme sans l'homme, en Notre-Seigneur ». Gardez-vous de ne voir que le commencement, de ne considérer que la première formation ; si vous examinez ce qui a suivi , chacun des deux est l'auteur de l'autre ; disons mieux , aucun des deux n'est l'auteur de l'autre; Dieu seul est l'auteur de tous les êtres; de là ces paroles : « Ni l'homme n'est point sans la femme, ni la femme sans l'homme, en Notre-Seigneur. « Car, comme la femme a été tirée de l'homme, « ainsi l'homme est par le moyen de la femme (12) ». II ne dit pas: Est de la femme, tandis qu'il n'a pas craint de dire encore une fois « La femme à été tirée de l'homme». Cette prérogative reste entière à l'homme; à vrai dire , ces oeuvres magnifiques ne sont pas de l'homme, mais de Dieu. Aussi l'apôtre ajoute-t-il: « Et tout vient de Dieu ».

Donc, si tout vient de Dieu, si c'est lui qui vous donne ces commandements , obéissez sans contredire. « Jugez vous-mêmes, s'il est bienséant à une femme, de prier Dieu, sans  avoir un voile (13) ». Ici encore, il les fait juges de ses paroles; c'est ce qu'on a vu, à propos des viandes consacrées aux idoles. Il disait alors : « Soyez juges de ce que je dis»; et ici : « Jugez vous-mêmes ». Il insinue ici une pensée faite pour inspirer la terreur c'est que l'insulte remonte jusqu'à Dieu. Toutefois il ne l'exprime pas en ces termes, il ne la dégage pas, il se contente de dire : « S'il est bienséant à une femme de prier Dieu, sans avoir un voile. La seule nature ne vous enseigne-t-elle pas qu'il serait honteux, à un homme, de laisser croître sa chevelure, et qu'il est, au contraire, honorable, à une femme, de la laisser croître, parce qu'elle lui a été donnée comme un voile (14, 15)? » L'apôtre suit ici son habitude; il tire ses raisonnements, à la portée de tous, des usages les plus ordinaires, et sa vive réprimande déconcerte les auditeurs, en leur révélant ce que la vie commune aurait dû leur apprendre; tout ce qu'il leur dit, des barbares mêmes le savent. Remarquez la vivacité de toutes ses expressions : « Tout homme qui prie en s'enveloppant la tête, déshonore sa tête »; et encore : « S'il est honteux, à une femme, d'avoir les cheveux coupés ou d'être rasée, qu'elle se voile la tête tout à fait » ; et encore, dans le même passage : « Si l'homme laisse croître sa chevelure, il se déshonore; si la femme laisse croître sa chevelure, elle s'honore, parce qu'elle lui a été donnée comme un voile ».

Eh bien, dira-t-on, si sa chevelure lui a été donnée comme un voile, à quoi bon y ajouter un autre voile? c'est que la femme ne doit pas confesser sa dépendance uniquement par des signes naturels, elle la doit reconnaître aussi par sa volonté. Tu dois porter un voile que la nature tout d'abord t'a imposé; joins-y donc l'oeuvre de ta volonté, si tu ne veux pas avoir l'air de renvoyer les lois de la nature; ce serait le comble de l'impudence de prendre à partie, non-seulement nous, mais la nature. Aussi Dieu adressait-il ce reproche au peuple Juif : « Tu as égorgé tes fils et tes filles; c'est là le comble de toutes tes abominations ». (Ezéch. XVI, 21.) Et Paul, dans son épître aux Romains, réprimandant les abominables, aggrave ses accusations en disant qu'ils ne se sont pas seulement révoltés contre la loi de Dieu, mais contre la nature: « Ils ont changé l'usage qui est selon la nature, en un autre qui est contre la nature ». (Rom. I, 26.) L'apôtre use ici du même moyen, il montre qu'il ne révèle ici rien d'inconnu, que les païens ne connaissent que trop ces nouveautés qui sont des révoltes contre la nature. C'est le même genre de preuves qu'employait le Christ, en disant: « Faites donc aux hommes tout ce que vous voulez qu'ils vous fassent » (Matth. VII, 12); il montrait par là qu'il n'enseignait rien d'étrange. « Si, après cela, quelqu'un aime à contester, ce n'est pas là notre coutume, ni celle de l'Eglise de Dieu (16) ». C'est aimer les contestations que de résister à ses paroles, ce n'est pas faire preuve de (469) raison: outre la petite réprimande qu'il leur fait ainsi, considérons qu'il les rappelle efficacement à eux-mêmes, et ces paroles ajoutent de la gravité à son discours. Ce n'est pas là, dit-il, notre coutume, nous n'aimons pas à disputer, à quereller, à contredire. Et il ne s'arrête pas là. à ces mots : « Ce n'est pas là notre coutume », il ajoute encore : « Ni celle de l’Eglise de Dieu » , montrant par là que ces contradicteurs sont les adversaires opiniâtres du monde entier; mais quelles qu'aient été les contestations des Corinthiens, aujourd'hui le monde entier a reçu cette loi et l'a conservée : telle est la puissance du Crucifié.

6. Mais j'ai peur que, tout en conservant la modestie extérieure, certaines femmes ne se laissent aller à des actions honteuses, et ne se découvrent d'une autre manière. Aussi, Paul, écrivant à Timothée, ne s'est pas contenté de ces paroles, il ajoute: « Que les femmes prient, étant vêtues comme l'honnêteté le demande, et non avec des cheveux frisés, ni des ornements d'or ». (I Tim. II, 9.) C'est qu'en effet, s'il ne faut pas avoir la tête nue, s'il convient de montrer partout le signe de la sujétion, c'est surtout par les oeuvres qu'il faut faire voir ce signe; c'est ainsi qu'à n'en pas douter les femmes des premiers âges appelaient leurs maris leurs maîtres et leur cédaient l'autorité. C'est qu'aussi, me répondra-t-on, ils aimaient leurs femmes; je le sais bien, je ne l'ignore pas. Mais lorsque nous vous avertissons de vos devoirs, vous n'avez pas besoin de considérer les devoirs des autres. Quand nous exhortons les enfants, et que nous leur disons d'obéir à leurs parents, attendu qu'il est écrit : « Honorez votre père et votre mère », ils nous répondent : dites-nous donc aussi ce qui vient après : « Et vous, pères, n'irritez point vos enfants ». (Eph. VI, 4.) Et quand nous disons aux esclaves , qu'il est écrit qu'ils doivent obéir à leurs maîtres, et ne pas se contenter de les servir en leur présence (Col. III, 32); les esclaves, à leur tour, exigent de nous la suite du texte, en nous disant de faire des recommandations à leurs maîtres; car, nous disent-ils, Paul a prescrit aux maîtres de se relâcher de leurs menaces.

N'agissons pas de cette manière, ne recherchons pas les préceptes donnés aux autres, lorsque c'est nous qui sommes accusés. Vous aurez beau prendre un coaccusé, vous n'en serez pas, pour cela, moins coupables. Ne considérez qu'une chose , comment vous saurez vous purger des accusations dirigées contre vous. Adam rejetait la faute sur la femme, et celle-ci, à son tour, sur le serpent. Mais ce moyen n'a en rien servi à les absoudre. Laissons donc là toutes ces raisons; mais applique-toi, de tout ton coeur, . femme, à rendre à ton mari ce que tu lui dois. Aussi bien, quand je m'adresse à ton mari, quand je lui dis de te chérir, de prendre soin de toi, je ne lui permets pas de me produire la loi qui concerne la femme, mais j'exige de lui la pratique de la loi qui le concerne. Par conséquent ménage toute ton activité pour les devoirs qui te regardent, et sois complaisante pour ton mari. Si c'est en vue de Dieu que tu veux plaire à ton mari, tu ne me rappelleras pas ses devoirs à lui, ce sont les devoirs à toi imposés par le législateur, que tu dois surtout pratiquer avec le plus grand soin. Ce qui prouve en effet le mieux l'obéissance à la loi de Dieu, c'est, quelles que soient les contrariétés qu'on éprouve, de ne jamais la transgresser. Aimer qui vous aime, ce n'est pas là une grande vertu; mais servir celui qui vous hait, voilà ce qui mérite toutes les couronnes. Eh bien, fais ce raisonnement en toi-même, ô femme, si tu supportes un mari incommode, tu recevras une splendide couronne; si au contraire ton mari est doux et bon, quelle récompense Dieu te donnera-t-il ? Et ce que j'en dis, ce n'est pas pour conseiller aux maris de devenir des êtres hargneux, mais je voudrais persuader aux femmes de supporter même les maris hargneux. Et en effet, que chacun s'applique à bien faire ce qui le regarde, le prochain tout de suite en fera autant. Par exemple : une femme est bien disposée à supporter un mari difficile, un mari ne fait pas affront à une femme importune, alors c'est la parfaite sérénité ; c'est un port sans agitation ; c'est ainsi que vivaient les anciens. Chacun faisait son devoir, sans exiger que le prochain fît le sien.

Abraham prit avec soi le fils de son frère; sa femme n'y trouva rien à redire ; il ordonna à sa femme de faire un long voyage; elle n'y contredit en rien, elle le suivit. Ce n'est pas tout : après tant de fatigues, et de labeurs, et de sueurs, quand il fut devenu riche, il fit la plus belle part à Lotit, et Sara, non-seulement ne se fâcha pas , mais ne souffla pas le mot; elle ne dit rien de ce que crient sur tous (470) les tons, tant de femmes d'aujourd'hui, lorsque les moisis bien partagés, dans des affaires de ce genre, ce sont leurs maris à elles, surtout quand elles les voient ainsi traités par des inférieurs, elles leur font des reproches, elles les appellent des niais, des stupides, des sans coeur, des traîtres, des lourdaux. Sara ne dit rien, ne pensa rien de pareil, elle approuva tout ce qu'il avait fait. Et, ce qui est plus généreux encore, après que Loth eût été mis en mesure de choisir dans le partage , et qu'il eût donné à son oncle la plus petite part, et que ce même Loth courût un grand danger, à cette nouvelle , le patriarche arma tous les siens et s'apprêta à marcher contre toute l'armée des Perses, n'ayant avec lui que les gens de sa maison. Eh bien ! alors elle ne le retint pas, elle ne lui dit pas, ce qu'elle aurait pu lui dire : où allez-vous? Vous courez aux précipices; vous allez affronter de si grands dangers pour un homme qui vous a fait outrage, qui vous a ravi tous vos biens? Vous allez verser votre sang ? Si vous ne pensez pas à vous-même, pensez à moi du moins, qui ai abandonné ma maison, ma patrie, mes amis, mes parents; qui vous ai suivi dans un si long voyage. Ayez pitié de moi, ne me jetez pas dans le veuvage, dans tous les malheurs dont le veuvage est accompagné. Elle ne dit rien de pareil ; elle ne pensa rien- de pareil , elle souffrit tout en silence. Et, plus tard, lorsqu'elle demeure stérile, elle ne montre aucun des sentiments que font paraître les femmes en ces circonstances; elle ne pousse pas de lamentations. Il pleure, lui, non pas en présence de son épouse, mais en présence de Dieu, et, voyez, comme l'époux et l'épouse font chacun leur devoir. Abraham ne méprise pas Sara, parce qu'elle est stérile, il ne lui fait, pour cette raison, aucun reproche : celle-ci, de son côté, s'ingénie à consoler Abraham de cette privation, par le moyen de sa servante. Dans ces temps anciens, ces choses-là n'étaient pas défendues, comme elles le sont aujourd'hui. Aujourd'hui, en effet, il n'est pas permis aux femmes de pousser jusque-là la complaisance pour leurs maris, et ceux-ci ne doivent pas au su ou à l'insu de leurs femmes, recourir à de pareils commerces , si grande que soit leur douleur de n'avoir pas d'enfants. Car ils entendraient, à leur tour, ces paroles: « Leur ver ne mourra point, leur feu ne s'éteindra point ». (Marc, IX, 45.) En effet, ces choses-là, aujourd'hui, ne sont plus permises ; mais alors la défense n'existait pas. Et voilà pourquoi son épouse lui donna ce conseil ; et il lui obéit, et il ne fit rien pour le plaisir. Mais voyez donc, me dira-t-on, comment sur l'ordre de Sara il chassa la servante. C'est justement ce que je veux vous montrer : en toutes choses, il lui obéissait, et elle, à lui.

7. D'ailleurs, ne faites pas seulement attention à ce renvoi, ô femmes, mais considérez donc, puisque vous en parlez, quels outrages la servante faisait à sa maîtresse , avec quelle insolence elle s'élevait contre elle, et que peut-il y avoir de plus insupportable, pour une femme libre et honnête? Il ne faut pas que la femme attende la vertu de son mari; pour faire paraître la sienne ; il n'y aurait rien de grand dans cette conduite. Le mari ne doit pas non plus attendre la sagesse de sa femme pour montrer qu'il est sage ; il n'y aurait rien de raisonnable dans cette conduite, mais chacun d'eux, comme je l'ai dit, doit faire ce qui le regarde. Si, en effet, vous devez, aux étrangers qui vous frappent la joue droite, présenter la joue gauche, à bien plus forte raison convient-il qu'une femme supporte la brutalité de son mari. Je ne dis pas, pour cela, que les maris doivent battre leurs femmes, c'est là la dernière ignominie , non pour celle qui est frappée, mais pour celui qui la frappe. Mais si,-par hasard , ô femme , tu as en partage un époux de ce genre, résigne toi, dans la pensée de la récompense qui t'est réservée, et de l'estime qui t'accompagne en cette vie.- Et main. tenant, ô mari, voici ce que je vous dis: Il ne doit jamais y avoir pour vous de faute qui vous force à frapper votre épouse. Et que dis je, votre épouse ? Frapper une servante, lever la main sur elle, cela n'est pas supportable, de la part d'un homme libre. Si c'est une grande honte pour un homme que de frapper une servante, à bien plus forte raison, de lever la main sur une femme libre. C'est ce que l'on peut voir dans les législateurs du monde : la femme qui a souffert un pareil traitement, n'est pas forcée d'habiter avec celui qui la frappe, qui est indigne de partager son sort. Et, en effet, c'est de la dernière iniquité que de faire subir à la compagne de sa vie, qui depuis longtemps vous sert dans les nécessités de l'existence, l'infâme traitement des esclaves.

Aussi je dirai qu'un tel homme, si toutefois le nom d'homme lui convient, s'il ne faut pas (471) l'appeler une bête sauvage, ressemble an meurtrier d'un père ou d'une mère; car si la loi nous dit d'abandonner, pour notre femme, et notre père et notre mère, sans faire injure à nos parents, mais en accomplissant la loi divine, tellement chère à ses parents mêmes, que ceux qu'on abandonne, consentent à être abandonnés, trouvent dans cet abandon l'accomplissement de leur vif désir; qui ne voit que c'est être en démence que de faire affront à la femme , pour qui Dieu nous a ordonné d'abandonner nos parents? En démence, est-ce assez dire? Qui pourrait supporter ce déshonneur et cette ignominie? Quel discours pourrait l'exprimer? Ce sont des hurlements, des gémissements qui retentissent dans les carrefours; et c'est un concours de tout le peuple, dans la maison de l'homme qui se conduit d'une manière si honteuse; et voisins et passants s'y précipitent, comme si une bête féroce abîmait tout, détruisait tout dans l'intérieur. Mieux vaudrait pour ce furieux d'être englouti dans (les entrailles de) la terre, que de se représenter ensuite en public. Mais la femme est acariâtre, dira-t-on; mais réfléchissez donc que c'est une femme, quelque chose de fragile, et que vous êtes un homme. Et si vous avez été établi pour être son chef, si vous êtes, comme sa tête, c'est afin de supporter la faiblesse de celle qui vous doit l'obéissance; faites doncen sorte que votre empire soit glorieux, et, pour qu'il soit glorieux, il ne faut pas que vous déshonoriez celle à qui vous commandez. Et de même que le roi a d'autant plus de gloire qu'il revêt de plus de gloire celui qui commande sous lui ; si, au contraire; il déshonore, s'il flétrit l'homme puissant, il diminue également sa propre gloire de souverain; de même vous, en déshonorant celle qui commande après vous, vous 'portez une atteinte non légère à l'honneur de votre principauté. Donc, pénétrés de toutes ces vérités , conduisez-vous avec tempérance, et joignez à ces pensées le souvenir de ce beau soir où le père vous a fait venir, vous a confié sa fille comme un dépôt , la séparant de tout le reste , et de sa mère, et de lui-même et de toute la famille, pour vous la remettre à vous seul, quand votre main a touché sa main; pensez qu'après Dieu, c'est elle qui vous adonné des enfants, qui vous a rendu père; soyez donc, par ces raisons, plein de douceur pour elle.

8. Une fois que la terre a reçu les semences, ne voyez-vous pas la culture variée dont l'embellissent les gens de la campagne, quelque difficultés que cette terre leur oppose, quelle que soit son aridité, quoiqu'elle produise de mauvaises plantes; quoiqu'elle soit dans une position à être inondée par les pluies'? Faites de même : impossible autrement de récolter les fruits ni d'avoir la tranquillité. Une femme, c'est un port; c'est le remède souverain qui procure la joie. Abritez-le donc , votre port, contre les vents, contre les flots, et vous aurez la paix en revenant du dehors; si, au contraire, vous y versez les troubles et l'agitation, vous ne faites que vous préparer un lugubre naufrage. Il ne faut pas qu'il en soit ainsi ; faites ce que je vous dis : s'il arrive quelque chose de fâcheux, dans la maison, par la faute de votre femme, consolez-la, n'augmentez pas les chagrins. Car eussiez-vous tout perdu, rien de plus triste que de n'avoir pas une femme qui vive. en paix avec vous : et quoi que vous ayez à lui reprocher, rien de plus affligeant que de disputer avec elle. Donc, pour toutes ces raisons, conservez l'amour pour elle comme votre bien le plus précieux. Si nous devons nous supporter mutuellement, à bien plus forte raison, faut-il supporter une épouse ; si elle est pauvre, ne lui reprochez pas sa pauvreté; si elle a peu d'esprit, ne l'insultez pas; faites mieux, gouvernez-la; c'est votre membre, et vous n'êtes tous deux qu'une seule et même chair. Mais c'est une femme bavarde, et adonnée au vin, et qui se met en colère. Eh bien, soyez triste, mais pas d'emportement; il faut prier Dieu, avertir cette femme, la redresser par vos conseils, et tout faire pour extirper ses vices. Mais la battre, mais la meurtrir, ce n'est pas soigner sa maladie ; la brutalité se corrige par la douceur, non par une autre brutalité. Considérez aussi la récompense que Dieu vous réserve. Quand vous pourriez l'exterminer, cette femme, n'en faites rien, craignez Dieu, supportez tant et tant de défauts, redoutez la loi qui défend de chasser une femme; quel que soit le mal qui la travaille, c'est une ineffable récompense que vous recevrez, et, avant ces récompenses, vous y gagnerez les biens les plus enviables ici-bas, vous l'aurez rendue plus soumise, et vous serez devenu plus clément pour elle.

On rapporte d'un philosophe païen qu'il avait une méchante femme, et bavarde, et adonnée au vin ; on lui demandait comment (472) il pouvait y tenir : c'est une école, répondait-il, une palestre de philosophie, que j'ai à la maison. Je n'en serai que plus doux avec les personnes du dehors, disait-il, vu l'exercice quotidien qu'elle me fait faire. Vous poussez de grands cris? Eh bien, moi, je pousse un grand gémissement, à voir que des païens sont plus sages que nous, que nous qui avons l'ordre d'imiter les anges, je me trompe, qui avons l'ordre de rivaliser avec Dieu même pour la douceur et la bonté. Donc ce sage, dit-on, pour cette raison , ne chassa pas cette méchante femme; quelques-uns même prétendent que ce fut pour cette raison qu'il l'épousa. Quant à moi, vu le grand nombre d'hommes peu susceptibles de raison, je vous conseille de tout faire d'abord, de ne rien négliger pour que les femmes que vous prendrez, soient bien assorties et remplies de toute espèce de vertu : mais s'il vous arrivait de vous tromper, d'introduire une méchante femme, une femme insupportable dans votre maison, je dis qu'alors vous devriez au moins imiter ce sage, et sans maltraiter cette femme, tâcher de la corriger de ses imperfections. Le marchand fait un traité avec son associé, prend toutes ses précautions, pour assurer le bon accord, avant de lancer son vaisseau à la, mer, et il ne se préoccupe d'aucune autre affaire. Eh bien, nous aussi, prenons toutes nos précautions. pour que l'associé de notre vie se tienne en paix avec nous pendant toute la durée de la traversée. Voilà comment nous serons sûrs d'avoir, pour tout le reste, la tranquillité; voilà comment nous traverserons en toute sécurité la mer de la vie présente. Ce qu'il faut préférer à tous les biens , maisons, esclaves, trésors, domaines, fonctions politiques. Regardons comme le bien le plus précieux, que celle qui demeure avec nous, dans la même habitation que nous, ne soit pas en désaccord, en dispute avec nous. Si nous possédons ce bien, tous les autres couleront sur nous d'eux-mêmes, et nous jouirons de l'abondance des biens spirituels, douce récompense de notre concorde sous le même joug; nous ferons comme il faut tout ce qu'il convient de faire, et nous obtiendrons les biens qui nous sont réservés : puissions-nous tous entrer dans ce partage, par la grâce et par la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient, comme au Père, comme au Saint-Esprit, la gloire, la puissance, l'honneur, et maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

 

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