ANALYSE.
1. Que saint Paul n'a point usé de l'éloquence humaine dans sa
prédication.
2 et 3. Réponse à cette objection : Mais si la prédication doit
l'emporter sans le secours de la sagesse humaine, pourquoi ne voit-on plus maintenant de
miracles. Au lieu des miracles, il y a maintenant des prophéties qui
s'accomplissent. On remarquera combien cet argument de saint Chrysostome s'est
encore fortifié depuis lui jusqu'à sons, car les. prophéties dont il parle
s'accomplissent encore.
4. Que c'est la corruption des moeurs des chrétiens qui empêche
les infidèles de se convertir.
1. Rien de plus ardent au combat que l'âme de Paul; non pas que l'âme de Paul (car ce n'est pas lui qui a inventé ceci), mais que la grâce sans égale qui opère en lui et triomphe de tout. Ce qu'il a dit plus haut suffirait à abattre l'orgueil de ceux qui se glorifiaient de leur sagesse; une partie même aurait suffi. Mais pour faire ressortir l'éclat de la victoire, il entreprend, de nouvelles luttes, en foulant aux pieds les adversaires qu'il a terrassés. Examinez, en effet : il a rappelé la prophétie qui dit : « Je détruirai la sagesse des sages»; il a montré la sagesse de Dieu qui à abattu, au moyen d'une folie apparente, la philosophie profane; il a fait voir que la folie en Dieu est plus sage que les hommes; il a démontré que Dieu n'a pas seulement enseigné par des ignorants, mais encore appelé des ignorants; maintenant il prouve que le sujet même et le mode de la prédication étaient propres à causer du trouble, et n'en ont cependant point causé. Non-seulement , dit-il , les disciples étaient ignorants; mais, moi qui prêche, je le suis aussi. Delà ces paroles : « Pour moi, mes frères » (il leur donne de nouveau le nom de frères, pour adoucir la rudesse de son langage), «je ne suis point venu avec le langage élevé de l'éloquence pour vous annoncer le témoignage de Dieu». Eh! dis-nous, Paul, que serait-il arrivé si tu avais voulu venir avec le langage élevé de l'éloquence? L'aurais-tu pu ? Non : quand je laurais voulu, je ne l'aurais pas pu; mais le Christ l'aurait pu, s'il l'avait voulu. Et il ne l'a pas voulu, pour rendre la victoire plus éclatante. C'est pour cela qu'indiquant plus haut que le Christ avait agi en cela et avait voulu que la parole fût prêchée par des ignorants, il disait : « Le Christ ne m'a pas envoyé pour baptiser, mais pour évangéliser, non toutefois par la sagesse de la parole ». Or, que ce soit là la volonté du Christ et non celle de Paul , c'est beaucoup plus grand, c'est infiniment -plus grand. Par conséquent, dit-il, ce n'est pas pour faire parade d'éloquence, ni armé de discours profanes, que je viens annoncer le témoignage de Dieu. Il ne dit pas : la prédication; mais: « Le témoignage de Dieu » : ce qui était encore bien propre à inspirer de l'éloignement; car c'était la mort qu'il prêchait partout. Aussi ajoute-t-il : « Je n'ai point fait profession de savoir autre chose parmi vous que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié ». Et il disait cela parce qu'il n'y avait absolument rien en (329) lui de la sagesse du monde, comme il l'exprimait plus haut: « Je ne suis pas venu avec le langage élevé de l'éloquence ».
Il est cependant évident qu'il aurait pu l'avoir: car si ses vêtements ressuscitaient les morts, si l'ombre de son corps chassait les maladies, à bien plus forte raison son âme aurait-elle pu recevoir le don de l'éloquence mais l'un s'obtient par l'étude ; l'autre est au-dessus de toute industrie humaine. Or celui qui savait le plus; pouvait encore mieux savoir le moins. Mais le Christ ne le permit pas, car c'était inutile. Il a donc raison de dire : « Je n'ai pas fait profession de savoir quelque chose » ; car je veux ce que veut le Christ. Il me semble que, pour réprimer leur orgueil, il leur parle avec plus d'humilité qu'aux autres. Ces mots : « Je n'ai pas fait profession de rien savoir », sont dits par opposition à la sagesse profane. Je ne suis pas venu pour enchaîner des raisonnements ou des sophismes; je n'ai qu'une chose à vous dire, à savoir que Jésus-Christ a été crucifié. Ceux-là vous disent mille choses, vous font de nombreux et longs discours, construisent des raisonnements et des syllogismes, combinent des sophismes sans fin; pour moi je suis venu simplement vous dire que le Christ a été crucifié, et je les ai tous dépassés : preuve incontestable de la puissance de Celui que je prêche. «Et tant que j'ai été parmi vous, j'y ai été dans un état infirmité, de crainte et de tremblement ». Autre point. capital. Non-seulement ceux qui croient sont des ignorants, non-seulement celui qui parle est ignorant lui-même, non-seulement le genre de prédication est dépourvu de toute science, non-seulement le sujet de la prédication est propre à jeter le trouble : car c'est la croix et la mort qu'on annonce ; mais a ces obstacles d'autres s'ajoutaient encore les périls, les embûches, la crainte de tous les jours, l'expulsion. Souvent il appelle la persécution infirmité, comme en cet autre endroit « Vous ne m'avez point méprisé à cause de l'infirmité que j'ai éprouvée dans ma chair ». (Gal. IV, 13, l4.) Et encore : « S'il faut se glorifier, je me glorifiera de mon infirmité ». (II Cor. XI, 30.) De quelle infirmité? « Celui qui était gouverneur de la province pour le roi Arétus faisait faire garde dans la ville de Damas pour m'arrêter prisonnier ». (Id.) Et encore : « C'est pourquoi je me complais dans mes infirmités ». Et pour en désigner quelques-unes, il ajoute : « Dans les outrages, dans les nécessités, dans les détresses ». Et c'est là ce qu'il entend ici; car après avoir dit : « J'ai été dans un état d'infirmité », il ne s'arrête pas là ; mais pour faire voir que par infirmité, il entend les périls, il ajoute : « J'ai été parmi vous dans un état de crainte et de grand tremblement ».
Que dites-vous ? Quoi ! Paul craignait les dangers? Oui, il les craignait et il tremblait fort : car tout Paul qu'il était, il était homme. Et ce n'était point sa faute, mais l'infirmité de la nature; bien plus, c'est là l'éloge de sa bonne volonté, d'avoir craint la mort et les coups, et de n'avoir rien fait d indigne à cause de cette crainte : en sorte que prétendre qu'il n'a pas craint les coups, ce n'est point l'honorer, mais lui ravir une grande partie de l'honneur qui lui est dû. Car s'il n'avait pas craint, quelle gloire, quelle philosophie aurait-il eu à supporter les périls ? Quant à moi, c'est en cela que je l'admire : que craignant, et non-seulement craignant, mais tremblant en présence des dangers, il ait néanmoins parcouru sa carrière en recueillant des couronnes ; et que, sans reculer devant aucun danger, il ait purifié le monde et semé la parole sur terre et sur mer. « Et je n'ai point employé, en vous parlant et en vous prêchant, les discours persuasifs de la sagesse humaine » ; c'est-à-dire, je n'avais point la sagesse profane. Si donc la prédication n'avait rien de sophistique, si ceux qui étaient appelés étaient des ignorants, si celui qui prêchait l'était lui-même, si la persécution était là, s'il y avait crainte et tremblement; dites-le moi, comment ont-ils vaincu? Parla puissance de Dieu. Aussi, après avoir dit : « Je n'ai point employé, en vous parlant et en vous prêchant, les discours persuasifs de la sagesse humaine », ajoute-t-il : « Mais les effets sensibles de l'Esprit et de la vertu ».
2. Voyez-vous comment ce qui paraît folie en Dieu est plus sage que les hommes? Comment la faiblesse l'emporte sur la force ? Les ignorants qui. prêchaient ces choses, étaient jetés dans les chaînes et proscrits, et ils triomphaient de ceux qui les repoussaient. Comment cela ? N'était-ce point parce qu'ils inspiraient la foi par l'Esprit? Et ceci même en est une démonstration évidente. Qui donc, je vous prie, en voyant les morts ressuscités et les démons chassés, ne se serait pas rendu? Mais comme (330) il y a des vertus trompeuses, celles des enchanteurs par exemple, l'apôtre veut en détruire jusqu'au soupçon. Il ne dit donc pas simplement « de la vertu », mais d'abord « de l'Esprit », et ensuite « de la vertu » ; indiquant par là que ce qui se passait était l'oeuvre de l'Esprit. Ainsi, pour n'être point faite à l'aide de la sagesse profane, la prédication gagnait beaucoup de prix, au lieu d'en perdre; cela prouve donc qu'elle est divine et qu'elle prend ses racines dans le ciel. C'est pourquoi l'apôtre ajoute : « Afin que votre foi ne soit point appuyée surla sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu ». Voyez-vous clairement comme il démontre par tout moyen que l'ignorance est très-utile et la sagesse très-nuisible? L'une prêchait la croix de Jésus-Christ, l'autre la puissance de Dieu; mais celle-ci faisait qu'on ne trouvait rien de ce qu'il fallait et qu'on se glorifiait en soi-même; celle-là, au contraire, déterminait à accepter la vérité et à se glorifier en Dieu. En second lieu, la sagesse eût persuadé à un grand nombre que la vérité était humaine, tandis que l'autre démontrait clairement qu'elle est divine et descendue du ciel. En effet, lorsque la démonstration se fait par l'art des discours, souvent les pires l'emportent sur les meilleurs , parce qu'ils sont plus habiles dans l'art de parler, et le mensonge l'emporte sur la vérité. Ici il n'en est pas de même : car l'Esprit n'entre pas dans l'âme impure, et quand il entre quelque part, il ne saurait jamais avoir le dessous, quelle que soit l'habileté du langage. Car la démonstration par les couvres et par les signes est beaucoup plus évidente que celle qui se fait par la parole.
Mais, dira peut-être quelqu'un de nos adversaires , si la prédication doit l'emporter sans le secours de l'éloquence, de peur que la croix ne soit rendue inutile, pourquoi les signes ont-ils cessé maintenant? Pourquoi? Parlez-vous ici comme un incrédule qui n'admet point ce qui s'est passé du temps des apôtres, ou cherchez-vous réellement à apprendre la vérité ? Dans le premier cas, je m'en tiendrai à cette seule réponse : S'il n'y a pas eu de signes alors, comment, chassés, persécutés, tremblants, enchaînés, devenus les ennemis communs du' genre humain , exposés aux mauvais traitements de la part de tous, n'ayant d'ailleurs rien d'attrayant par eux-mêmes, ni éloquence, ni éclat, ni richesse, ni ville, ni peuple, ni origine, ni science, ni gloire, ni rien de semblable, mais le contraire de tout cela, l'ignorance, l'obscurité, la pauvreté, la haine, l'inimitié, et tenant tête à des peuples entiers, et annonçant de telles doctrines; comment, dis-je, persuadaient-ils ? Car leurs préceptes étaient très-pénibles, leurs enseignements pleins de périls ; et ceux qui les écoutaient, ceux qu'il fallait convaincre, avaient été élevés dans la mollesse, dans l'ivrognerie, dans toutes sortes de vices. Comment ont-ils convaincu, dites-moi ? Quels titres avaient-ils à la confiance ? Si, comme je vous l'ai déjà dit, ils ont convaincu sans les signes, c'est évidemment un bien plus grand prodige.
Donc, de ce qu'il n'y a plus de signes maintenant, ne concluez pas qu'il n'y en eut point alors. Alors ils étaient utiles, aujourd'hui ils ne le seraient plus. De ce qu'on persuade aujourd'hui seulement par la parole, il ne suit pas nécessairement que la prédication se fasse par la sagesse humaine. Çar ceux qui semèrent la parole dans le commencement étaient des gens simples et sans instruction, mais ils ne disaient rien d'eux-mêmes et communiquaient au monde ce qu'ils avaient reçu de Dieu ; et nous aussi aujourd'hui nous ne donnons rien de nous-mêmes, mais nous prêchons à tous ce que nous avons reçu des apôtres. Et ce n'est point non plus par le raisonnement que nous persuadons; mais, par les divines Ecritures et par les signes d'alors, nous faisons accepter ce que nous disons. Et les apôtres ne convainquaient pas seulement par des signes, mais aussi par la parole; et leur parole était fortifiée par les signes et par les témoignages de l'Ancien Testament, et non par l'habileté du langage. Mais pourquoi, direz-vous, les signes étaient-ils alors utiles et ne le sont-ils plus aujourd'hui? Supposons (jusqu'ici je discute avec le gentil, et voilà pourquoi je parle comme d'une hypothèse de ce qui arrivera certainement : que l'infidèle veuille bien admettre cette hypothèse pour le cours de la discussion) ; supposons, dis-je, que le Christ viendra : quand il sera venu et tous ses anges avec lui, quand Dieu aura prouvé son existence et son empire universel, le gentil lui-même ne croira-t-il pas? Evidemment il croira, et il adorera, et il confessera que Dieu existe, fût-il d'ailleurs le plus obstiné des hommes.
3. En effet, qui donc en voyant les cieux ouverts, le Christ descendant sur les nues (331) environné de toutes les puissances célestes, et les torrents de flamme, et tous les hommes réunis et tremblants; qui, dis-je, n'adorera pas et ne reconnaîtra pas qu'il y a un Dieu ? Mais, dites-moi, cette adoration et cette connaissance seront-elles comptées au gentil comme un acte de foi? Pas le moins du monde. Pourquoi? Parce que ce n'est point là de la foi : c'est l'effet de la nécessité, de l'évidence ; la volonté n'y est pour rien; la grandeur du spectacle a forcé l'assentiment de l'esprit. Donc, plus les faits sont éclatants et s'imposent nécessairement à l'esprit, plus la foi est diminuée. Voilà pourquoi il n'y a plus de signes. Et, pour preuves, écoutez ce que Jésus dit à Thomas : « Heureux ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru ». Donc, plus le signe est évident, plus le prix de la foi diminue; et c'est ce qui arriverait maintenant, s'il y avait encore des signes. Paul nous apprend qu'un jour nous ne connaîtrons plus Dieu par la foi, quand il nous dit : « Car maintenant nous marchons « par la foi, et non encore par une claire vue». (II Cor. V, 7.) Comme donc alors l'évidence éclatante empêchera que votre foi ne vous soit imputée, ainsi en serait-il maintenant s'il y avait des signes comme autrefois. C'est quand nous admettons ce qu'il est absolument impossible de trouver par le raisonnement, que la foi existe. Voilà pourquoi Dieu nous menace de l'enfer, mais l'enfer n'est pas visible ; s'il l'était, il arriverait ce que nous disions tout à l'heure.
Du reste, si vous voulez des signes, vous en verrez, bien que d'un autre genre : de nombreuses prédictions et sur une foule de sujets, la conversion du monde entier, les barbares devenus philosophes , les moeurs sauvages adoucies, la religion propagée. Quelles prédictions , direz-vous? Toutes ont été faites après coup. Mais quand, dites-moi? Où? Par qui? Combien y a-t-il d'années? Cinquante, ou cent? Donc, auparavant, il n'y avait absolument rien d'écrit. Comment donc le monde a-t-il retenu ces dogmes et tant d'autres choses auxquelles la mémoire ne suffit pas? Comment a-t-on su que Pierre a été attaché à la croix ? D'où est venue l'idée de prédire par exemple que l'Évangile serait prêché par toute la terre, que la loi juive cesserait, et ne se rétablirait jamais? Et comment ceux qui livraient leur vie pour la prédication, auraient-ils souffert qu'elle fût dénaturée? Comment, les signes ayant cessé, aurait-on ajouté foi aux écrivains? Comment, si ces écrivains n'eussent pas été dignes de foi, leurs écrits auraient-ils pénétré chez les barbares, dans les Indes, jusqu'aux extrémités de l'Océan? D'autre part, quels étaient ces écrivains? Quand et où écrivaient-ils? Pourquoi écrivaient-ils? Était-ce pour se procurer de la gloire? Mais alors pourquoi publier leurs livres sous d'autres noms? Pour recommander leur enseignement, dira-t-on. Un enseignement vrai, ou un enseignement faux ? Dans le premier cas, il était peu probable qu'on vînt à eux; dans le second, ils n'avaient pas besoin de mentir, comme vous le dites. Du reste, ces prophéties sont telles, que jusqu'à présent il n'a pas été possible de les démentir.
Il y a bien des années que Jérusalem est détruite. Il y a d'autres prophéties qui s'étendent depuis ce temps-là jusqu'à l'avènement du Christ, discutez-les comme il vous plaira; celle-ci , par exemple : « Je suis toujours avec vous jusqu'à la consommation des siècles ». (Matth. XXVII , 20.) Et cette autre: « Sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre elle ». (Matth. XVI , 18.) Et encore: « Cet Evangile sera prêché dans toutes les nations » (Matth. XXIV , 14) ; et: « Partout où cet Evangile sera prêché on dira ce qu'a fait cette femme ». (Matth. XXVI, 13.) Et beaucoup d'autres encore. Comment cette prophétie s'est-elle réalisée, si c'était une invention ? Comment les portes de l'enfer n'ont-elles pas prévalu contre l'Église? Comment le Christ est-il toujours avec nous? Car s'il n'y était pas, l'Église n'aurait pas triomphé. Comment l'Évangile s'est-il propagé par tolite la terre? Nos propres adversaires, Celse, et après lui Porphyre, suffisent à prouver l'ancienneté de nos livres: assurément ils n'ont pas combattu des écrits qui leur fussent postérieurs. D'autre part, le monde entier qui les a reçus unanimement, en porte aussi témoignage. Sans la grâce de l'Esprit-Saint, jamais un tel accord n'aurait eu lieu d'une extrémité du monde à l'autre; les auteurs eussent été vite convaincus d'imposture, et des inventions et des mensonges n'auraient pas obtenu de tels succès. Ne voyez-vous pas accourir la terre entière? l'erreur éteinte? la philosophie des moines surpassant l'éclat du soleil? les choeurs des vierges? la religion répandue chez les barbares ? tous les hommes assujettis au même (332) joug? Et tout cela n'a pas été seulement prédit par nous, mais dès les anciens temps, par les prophètes. Et vous ne détruirez pas davantage ces antiques prophéties ; car les livres qui les contiennent sont aux mains de nos ennemis, aux mains mêmes des Grecs, qui ont eu soin de les faire traduire dans leur langue. Ces prophètes ont beaucoup prédit sur ces matières, en annonçant que c'était un Dieu qui devait venir.
4. Pourquoi donc tous ne croient-ils pas aujourd'hui ? Parce que les choses se sont détériorées , et par notre faute : car c'est de nous qu'il s'agit maintenant. Alors on ne croyait pas seulement à cause des signes; mais l'exemple des fidèles en attirait beaucoup. « Que votre lumière », a dit Jésus-Christ, « brille aux yeux des hommes, afin qu'ils voient vos bonnes oeuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux ». (Matth. V, 16.) Alors « ils n'avaient qu'un coeur et qu'une âme, et nul ne considérait ce qu'il possédait comme lui appartenant en propre ; mais tout était commun entre eux et on distribuait à chacun selon ses besoins » (Act. IV, 32) ; et ils menaient une vie angélique. S'il en était encore ainsi, nous convertirions le monde entier sans signes. En attendant, que ceux qui veulent être sauvés, fassent attention aux Ecritures; ils y trouveront toutes ces belles choses et de bien plus grandes encore. Car les maîtres eux-mêmes surpassaient de beaucoup les disciples , en vivant dans la faim , dans la soif et dans la nudité. Nous voulons vivre au milieu des délices, de l'oisiveté et de la licence; il n'en était pas ainsi d'eux , qui criaient : « Jusqu'à cette heure nous souffrons la faim et la soif, la nudité et les mauvais traitements, et nous n'avons point de demeure fixe ». (I Cor. IV, 11.) L'un courait de Jérusalem en Illyrie ; celui-ci chez les Indiens , celui-là chez les Maures; d'autres dans d'autres parties de l'univers; nous, nous n'osons pas sortir de notre patrie, nous recherchons les délices, les demeures splendides, l'abondance de toutes choses. Qui de nous a enduré la faim pour la parole de Dieu? qui a vécu dans la solitude? qui a entrepris de longs voyages? quel maître, vivant du travail de ses mains, est venu en aide aux autres? qui a souffert une mort de tous les jours? Aussi ceux qui vivent au milieu de nous, en deviennent plus lâches. En effet, si l'on voyait des soldats et des généraux, luttant avec la faim , la soif , la mort et tous les maux ; supportant le froid?, les périls et tout autre inconvénient avec le courage des lions, combattre néanmoins et remporter la victoire; puis ces mêmes soldats, changeant de conduite, devenir plus mous, s'attacher aux richesses; s'adonner au commerce, fréquenter les cabarets et être battus par les ennemis, il serait de la dernière folie d'en demander la raison.
Appliquons ce raisonnement à nous et à nos ancêtres, car nous sommes parvenus à la plus extrême faiblesse, et en quelque sorte cloués à la vie présente. Et s'il se trouve quelqu'un parmi nous qui ait conservé des restes de l'ancienne sagesse , il quitte les villes, les places publiques , la société des hommes, se dispense du soin de régler les autres et s'en va dans les montagnes; et si on lui demande pourquoi il se retire ainsi, il en donne une raison qui n'est pas excusable. C'est, dit-il, pour ne pas périr que je m'en vais , c'est de peur de devenir moins vertueux. Eh ! ne vaudrait-il pas bien mieux être moins vertueux et sauver les autres , que de demeurer sur les hauteurs et de laisser périr ses frères? Si les uns négligent la vertu, et que ceux qui la pratiquent fuient loin du champ de bataille , comment vaincrons-nous les ennemis? A supposer qu'il y eût encore des signes aujourd'hui, qui s'en laisserait convaincre? Quel étranger s'attacherait à nous au milieu de ce débordement de malice? Car, une vie irréprochable est aux yeux de la foule le plus puissant des arguments. Des signes mêmes seraient suspects de la part d'hommes impudents et pervers; mais une vie pure fermera la bouche au démon même. Je parle ici aux supérieurs comme aux inférieurs , et surtout à moi-même , afin que nous présentions le modèle d'une vie admirable, et qu'après nous être mis nous-mêmes en règle, nous méprisions toutes les choses présentes. Méprisons les richesses , mais non l'enfer; négligeons la gloire, mais non le salut; supportons ici-bas la peine et le travail, pour ne pas encourir les supplices de l'autre vie. Combattons ainsi les gentils, réduisons-les ainsi en captivité, mais à une captivité bien préférable à la liberté. Voilà ce que nous vous répétons souvent, continuellement, mais qui ne se pratique guère. Du reste , qu'on le pratique ou non, c'est un devoir de vous le rappeler sans cesse. Car s'il est des hommes qui vous trompent par de belles paroles, il est bien plus juste que ceux (333) qui sont chargés de conduire à la vérité, ne se lassent point de répéter des choses utiles. Si des imposteurs emploient tant de moyens, dépensent de largent, prodiguent les paroles, s'exposent aux dangers , font parade de leur pouvoir; à plus forte raison nous, qui sommes chargés de vous arracher à la séduction , devons-nous supporter les périls, la mort, tout au monde, pour. nous sauver nous-mêmes et sauver les autres, pour nous rendre invulnérables aux traits de l'ennemi et acquérir ainsi les biens promis, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, etc.