Analyse.
1. Il faut déposer le fardeau des mauvais penchants.
2. Jésus-Christ doit être tout pour nous. La charité est
la première des vertus. Sans la charité les autres vertus sont inutiles.
3. La paix de Dieu est la seule qui soit vraiment solide ; il faut
mortifier ses membres, en travaillant pour le ciel.
4. Le mot « membres », dans saint Paul, veut souvent dire «
passions ».
5. Quand il faut rendre grâces à Dieu. Pratiques
superstitieuses.
6. L'écriture sainte nous offre une foule d'exemples qui doivent
nous exhorter à la résignation.
1. Mon dernier discours, je le sais, a heurté bien des susceptibilités. Mais que faire? Vous connaissez les préceptes du Seigneur. Ce n'est pas ma faute. Que faire encore une fois? Ne voyez-vous pas les créanciers jeter dans les fers leurs débiteurs récalcitrants ? Vous venez d'entendre saint Paul s'écrier : « Faites mourir les membres de l'homme terrestre qui est en vous, la fornication, l'impureté, les abominations, les mauvais désirs et l'avarice qui est une idolâtrie ». Qu'y a-t-il de pire que le genre d'avarice qui vous possède ? Mais que dis-je, c'est plus grave encore que de l'avarice; c'est un usage insensé de l'argent. « L'avarice qui est une idolâtrie ». Voyez-vous où mène cette passion ? Ne vous irritez point de mes paroles. Car je ne voudrais pas me faire gratuitement et de gaîté de coeur des ennemis parmi vous. Mais je voudrais vous rendre vertueux; je voudrais que vous vous fissiez, par votre vertu, une bonne réputation. Mon langage n'est pas celui d'un maître impérieux; c'est l'expression de la tristesse et de la douleur. Pardonnez-moi , pardonnez-moi : je ne cherche pas le scandale; mais je suis forcé de m'expliquer avec vous. Je ne vous parle plus du malheur des pauvres; je vous parle de votre salut : Malheur, oui malheur à ceux qui auront refusé des aliments au Christ ! Qu'importe même que vous donniez des aliments à un pauvre, si vous vous plongez si avant dans le luxe et dans les délices ? La question n'est pas de savoir si vous donnez beaucoup, mais si vous donnez en proportion de ce que vous avez. La charité qui n'est pas à la hauteur de vos moyens n'est qu'une charité illusoire.
« Faites donc mourir », dit saint Paul, « les membres de l'homme terrestre qui est en vous ». Mais que signifient ces paroles ? N'avez-vous pas dit, ô apôtre, que nous étions ensevelis, circoncis, que nous nous étions dépouillés du corps des péchés que produit la chair? (Rom. VI, 4; Colos. II, 11 et III, 9.) Que signifient donc maintenant ces paroles : « Faites mourir les membres de l'homme terrestre ? » Parlez donc sérieusement. Avons-nous maintenant des membres terrestres? Non, il n'y a point contradiction entre les deux textes. Qu'après avoir nettoyé ou plutôt refondu une statue, qu'après lui avoir rendu son éclat primitif, un statuaire dise qu'elle a été dérouillée, il est vrai, mais qu'il faut se livrer à un nouveau travail, pour la dérouiller encore, il n'y aura pas contradiction dans son langage. Ce n'est pas la rouille déjà enlevée, c'est la rouille qui est survenue plus tard qu'il conseille d'enlever. Ainsi l'apôtre ne parle pas de la mortification première, ni des anciennes fornications, mais de celles qui surviennent plus tard. Mais, disent les hérétiques, voilà Paul qui calomnie la création ! N'a-t-il pas dit plus haut: « Pensez aux choses du ciel et non à celles de la terre ?» Et maintenant il vient nous dire : « Faites mourir les membres terrestres qui sont en vous ! » Je réponds que ces mots « les membres terrestres » signifient le péché et ne calomnient en rien la création. Oui, il donne aux péchés le nom de choses terrestres, soit parce qu'ils (145) sont le fruit des pensées terrestres et qu'ils se commettent sur la terre , soit parce qu'ils montrent l'homme terrestre dans le pécheur. « La fornication , l'impureté » , dit-il. Il passe sous silence les habitudes qu'il serait honteux de nommer; le mot impureté dit tout. « Les abominations, les mauvais désirs », tout est compris dans ces termes généraux; il y a là toutes les mauvaises passions : la haine, la colère, la sombre envie, et l'avarice qui est une idolâtrie.
« Puisque ce sont ces crimes qui attirent la colère de Dieu sur ses enfants incrédules». Il a recours à bien des raisonnements pour les détourner du péché. Il leur expose les bienfaits qu'ils ont reçus, les maux de la vie future dont nous avons été délivrés, ce que nous étions alors, ce que nous sommes devenus, comment et pourquoi nous avons été délivrés. Tout cela devrait suffire pour ramener les pécheurs. Mais voici la raison la plus forte, raison terrible à entendre, mais qui est loin d'être inutile à dire : « Ce sont ces crimes qui attirent la colère de Dieu sur ses enfants incrédules ». Il n'a pas dit: « Sur vous » ; il a dit : « Sur ses enfants incrédules ». « Et vous avez commis vous-mêmes ces actions criminelles, quand vous viviez dans ces désordres ». Eloge implicite; il veut dire qu'ils n'y vivent plus. Ce langage s'applique au passé. « Maintenant déposez aussi vous-mêmes le fardeau de tous ces péchés ». Il commence, selon son habitude, par un terme général, tous ces péchés ; puis il les détaille : ce sont les mauvaises passions de l'âme. « La colère, l'aigreur, la malice, la médisance; que les paroles déshonnêtes soient bannies de votre bouche. N'usez point de mensonge les uns envers les autres ». Que les paroles déshonnêtes soient bannies de votre bouche , ajoute-t-il énergiquement, car de telles paroles sont des souillures. « Dépouillez le vieil homme et ses couvres. Revêtez-vous du nouveau qui se renouvelle en avançant dans la connaissance « de Dieu, étant formé à la ressemblance de Celui qui l'a créé». Il est bon de rechercher ici pourquoi il désigne sous le nom de membres, d'homme et de corps, la corruption humaine, et pourquoi il désigne encore sous les mêmes noms la vie vertueuse. Si le péché c'est l'homme , pourquoi faire suivre le mot « homme » de ce mot : « Avec ses actes? » Car il a déjà parlé du vieil homme, en montrant qu'il désigne par là non toutes les couvres de l'homme , mais le péché. Le libre arbitre en effet est plus important que la substance, et c'est ce libre arbitre plutôt que la substance qui constitue l'homme. Ce n'est pas la substance de l'homme en effet qui précipite l'homme dans la géhenne ou qui le transporte dans le royaume des cieux, c'est le libre arbitre, et ce que nous aimons dans l'homme ce n'est pas l'homme, c'est telle ou telle qualité. Si donc le corps est la substance, et si la substance est irresponsable pour le bien comme pour le mal, comment le corps serait-il le mal ?
2. Mais qu'entend saint Paul par ces mots « Avec ses actes ? » C'est le libre arbitre avec ses couvres. Il dit a le vieil homme », pour montrer sa laideur, sa difformité, sa faiblesse. Et quand il parle du nouvel homme, il a l'air de nous dire : N'attendez pas qu'il se conduise comme l'autre; il se conduira tout autrement. L'homme marche, non pas à la vieillesse, mais à une jeunesse plus brillante que la première. Car plus il apprend, plus il profite, plus il croît en vigueur et en force, non-seulement à cause de sa jeunesse, mais à cause du modèle sur lequel il se forme. La perfection est une création du Christ. A l'image du Christ, tel est le sens de ces mots : « A l'image de Celui qui l'a créé » ; car le Christ n'est pas mort vieux, et il était d'une beauté indicible.
Dans cette création nouvelle, « il n'y a ni homme, ni femme, ni circoncis, ni incirconcis, ni barbare, ni scythe, ni homme libre ni esclave; mais Jésus-Christ est tout en tous ». C'est un troisième éloge adressé ici par saint Paul à ce nouvel homme. Il n'y a pour lui ni distinction de race, ni grade, ni distinction d'ancêtres. Rien n'est donné chez lui à l'extérieur; il n'a pas besoin d'un relief étranger, et tous ces avantages sont des avantages extérieurs. La qualité de circoncis ou d'incirconcis, d'esclave, d'homme libre, de gentil, de juif, tout cela est une affaire de prosélytisme ou de naissance. Si ce sont là vos seuls avantages, vous ne possédez que ce que d'autres possèdent. « Mais Jésus-Christ », dit-il, « est tout en tous ». C'est-à-dire que Jésus-Christ nous tiendra lieu de tout, de dignité et de naissance, c'est-à-dire qu'il sera en nous tous. Peut-être aussi veut-il dire : Vous formez tous le Christ, puisque vous êtes son corps.
« Revêtez-vous donc, comme des élus de (146) Dieu, saints et bien-aimés ». Il montre que la vertu est facile, pour qu'ils la. conservent toujours et pour qu'elle fasse leur plus bel ornement. Il y a là tout à la fois un conseil et un éloge, et l'éloge donne au conseil beaucoup de force. Ils étaient saints, mais ils n'étaient pas des élus de Dieu; maintenant ils sont saints, élus et chéris de Dieu. « D'entrailles de miséricorde ». Il n'a pas dit: «De miséricorde », mais il s'est exprimé avec plus d'énergie en employant deux mots, au lieu d'un. Il n'a pas dit : Soyez entre vous comme des frères; mais, ayez les uns pour les autres une tendresse paternelle. Ne me parlez plus des torts de votre prochain. Telle est la portée de ce mot « des entrailles de miséricorde ». Ces expressions remplacent le mot « pitié », qui, étant isolé, aurait eu quelque chose d'humiliant. « Revêtez-vous de bonté, d'humilité, de modestie, de patience. Vous supportant les uns les autres, vous remettant les uns aux autres les sujets de plainte que vous pouvez avoir entre vous, et vous pardonnant comme le Christ vous a pardonné ». Ici encore il spécialise : car la bonté est la source de l'humilité, et l'humilité est la source de la patience. « Vous supportant », dit-il, « les uns les autres » ; c'est-à-dire vous soutenant et vous remettant vos fautes les uns aux autres. Et voyez comme il atténue l'offense : « Les sujets de plainte que vous pouvez avoir. Et il ajoute : « Comme le Christ vous a pardonné ». C'est là un grand exemple qu'il leur offre toujours ; il cite le Christ pour les exhorter. L'offense dont il parle est peu de chose; mais l'exemple qu'il cite nous engage à pardonner les offenses les plus graves. Voilà ce que signifient ces mots : « Comme le Christ ». Et cela veut dire non-seulement qu'il faut pardonner , mais qu'il faut pardonner de tout son coeur, mais qu'il faut aimer l'auteur de l'offense. L'exemple du Christ amené ici amène toutes ces conséquences. Quand l'offense serait grande, quand il n'y aurait pas eu provocation de notre part, quand nous serions de grands personnages, quand l'auteur de l'offense serait un homme infime, quand il devrait nous offenser encore, peu importe. Nous devons même être prêts à mourir pour lui. Ces mots « comme le Christ » nous le commandent, nous devons persister dans ces sentiments jusqu'à la mort et même au delà, s'il est possible.
« Mais surtout ayez la charité qui est le lien de la perfection ». Vous voyez ce qu'il dit là. Il pourrait se faire que l'on pardonnât une offense sans pour cela en chérir l'auteur. Eh bien ! dit l'apôtre, il faut l'aimer. Et l'apôtre nous montre même ici comment on arrive à pardonner. C'est en étant bon, doux, humble, patient, aimant. Aussi a-t-il dit en commençant: « Les entrailles de miséricorde»; ce qui comprend la charité et la pitié. « Surtout ayez la charité, qui est le lien de la perfection ». Ces paroles veulent dire: Tout cela ne sert de rien; car tout peut se rompre, sans le lien de la charité. C'est elle qui réunit tout. Les meilleures choses, sans elle, ne sont rien ou ne durent pas. Dans un navire, les meilleurs agrès, s'ils ne sont pas bien assujettis, demeurent inutiles; il faut dans une maison, que toutes les parties de la charpente soient bien unies; dans le corps humain, la charpente osseuse a beau être vigoureuse, sa vigueur, sans les articulations, ne sert de rien. Quelles que soient vas bonnes oeuvres, quelque soit le mérite de vos actions, tout cela, sans la charité, est en pure perte. Il n'a pas dit : La charité est le « faîte » de la vertu; il a dit plus: La charité est un lien, chose plus nécessaire. Le faîte n'est qu'un degré de perfection; le lien est ce qui embrasse et comprend les éléments de la perfection ; elle en est la racine. « Que la paix de Dieu, à laquelle vous avez été appelés dans l'unité d'un même corps, règne dans vos coeurs, et soyez reconnaissants ».
3. La paix de Dieu est une paix ferrite et stable. La paix humaine n'est pas durable; elle ne ressemble pas à la paix de Dieu. Il a parlé de la charité en général; maintenant il particularise. Car il y a une sorte de charité exagérée qui porte aux accusations téméraires, aux querelles, aux antipathies. Non, dit l'apôtre, non : ce n'est pas cette charité que je veux. Faites entre vous la paix, comme Jésus-Christ l'a faite avec vous. Comment vous l'a-t-il offerte cette paix? De lui-même, sans rien recevoir de vous en échange. Mais que veulent dire ces mots : « Que la paix de Dieu règne en vos coeurs ? » Si deux pensées se combattent dans votre coeur, ne donnez pas à la colère la palme et le prix du combat; que la paix remporte le prix. Si par exemple un homme est injustement outragé, l'outrage fait naître en son âme deux pensées, l'idée de la vengeance et celle du pardon qui luttent ensemble. Si la (147) paix de Dieu est là pour décerner le prix de la lutte, elle couronne l'esprit de pardon et humilie l'esprit de vengeance. Comment cela ? En nous persuadant que Dieu est un Dieu de paix et qu'il a fait la paix avec nous. Ce n'est pas sans raison qu'il nous montre cette lutte entre l'esprit de pardon et l'esprit de vengeance, lutte dont notre coeur est le théâtre. Non, ce n'est pas la colère, ce n'est pas la discorde, ce n'est pas la paix humaine qui doit ici décerner le prix. La paix humaine est une paix vindicative et intolérante. Ce n'est point cette paix qu'il nous faut, dit l'apôtre, c'est la paix que le Christ nous a laissée. Il a tracé dans notre âme une arène où deux idées se combattent, et c'est la paix du Christ qui est chargée de décerner la palme. Puis vient cette exhortation: «A laquelle vous avez été appelés ». «A laquelle », c'est-à-dire, « pour laquelle ». Il nous rappelle ainsi tous les biens dont la paix est la source. C'est pour elle qu'il vous a appelés, c'est à cause d'elle qu'il vous a appelés, afin que vous obteniez le prix dû à votre foi. Car pourquoi n'a-t-il fait de nous qu'un seul corps? N'est-ce pas pour faire régner la paix? N'est-ce pas pour nous fournir les moyens de vivre en paix tous ensemble?
Pourquoi ne faisons-nous tous qu'un seul corps? Qu'est-ce qui fait que nous formons un seul corps? C'est la paix et réciproquement, c'est parce que nous ne faisons qu'un seul corps que nous sommes en paix les uns avec les autres. Mais pourquoi, au lieu de dire : Que la paix de Dieu triomphe, a-t-il dit: Que la paix règne ou décerne le prix? C'est pour accréditer la paix, c'est pour ne pas permettre aux mauvaises pensées d'entrer en lutte avec elle, c'est pour qu'elles aient toujours le dessous. En outre, le mot de prix éveille l'auditeur. Car, si le prix est toujours décerné à la bonne pensée, l'effronterie de l'esprit du mal sera désormais inutile. L'esprit du mal sachant que, malgré tousses efforts, malgré son impétuosité et sa violence, il n'obtiendra pas le prix, finira par renoncer à ses vaines attaques. Il a eu raison d'ajouter : « Et soyez reconnaissants » ; car la reconnaissance et l'honneur consistent à être pour nos compagnons d'esclavage ce que Dieu a été pour nous, à céder, à obéir à notre maître, à toujours rendre grâces à Dieu, soit qu'on nous outrage, soit qu'on nous frappe. Celui qui rend grâces à Dieu de ses souffrances, ne se vengera pas de l'homme qui lui aura fait du mal; se venger, en effet, ce n'est pas rendre grâces. Ah ! ne soyons pas comme le créancier impitoyable qui réclamait impérieusement ses cent deniers. Ne nous exposons pas à être traité « d'esclave méchant ». (Matth. XVIII, 32.) L'ingratitude est le plus affreux de tous les vices, et ceux qui se vengent sont des ingrats.
Mais pourquoi parle-t-il d'abord de la fornication? Car aussitôt qu'il a dit : « Mortifiez vos membres qui sont sur la terre », il ajoute : « La fornication » ; et c'est presque toujours l'ordre qu'il suit. C'est que la fornication est de tous les vices le plus tyrannique. Il l'a mis aussi en première ligne, dans son épître aux Thessaloniciens. Quoi d'étonnant, puisqu'il dit aussi à Timothée : « Conservez votre pureté » (I Tim. V, 22) ; et ailleurs : « Etudiez-vous à être en paix avec tout le monde, et vivez dans la sainteté sans laquelle nul ne verra Dieu ». (Hébr. XII, 14.) « Mortifiez vos membres », dit-il. Ce qui est mort, vous le savez, n'est plus qu'un objet d'horreur, d'abomination, de corruption. Si vous tuez les membres du péché, il ne reste bientôt plus rien de ce cadavre qui se corrompt et s'anéantit. Eteignez les ardeurs du péché, et ce n'est bientôt plus qu'un cadavre dont il ne reste rien. Il montre l'homme faisant ce que fait le Christ dans la piscine. Voilà pourquoi il appelle les péchés des membres, et il nous montre dans un style énergique l'homme fort qui les mortifie. Il a eu raison de dire : « Qui sont sur la terre ». Car c'est là qu'ils sont; c'est là qu'ils se corrompent et qu'ils meurent bien plus complètement que les membres corporels. Notre corps n'est pas aussi terrestre que le péché; car le corps humain est parfois revêtu d'un certain éclat; mais le péché, jamais. Tous ces membres qui restent sur la terre, qui sont comme cloués à la terre, sont le siège des mauvais désirs. Que l'oreille, la main, l'oeil ou un membre quelconque reste attaché à la terre, le ciel n'est plus rien pour lui. L'oeil ne voit plus que le corps, la beauté physique, la figure, ce qui appartient à la terre; en un mot , cela seul a du charme pour lui. L'oreille se délecte à de doux concerts, aux accents de la lyre et de la flûte; elle se prête complaisamment à de honteux propos. Plaisirs terrestres que tout cela!
Quand saint Paul a transporté ses auditeurs auprès du trône de Dieu, il leur dit : « (148) Mortifiez vos membres qui sont sur la terre ». On ne peut rester avec de pareils membres, dans la région céleste ; ils n'y ont que faire. Cette boue-là est pire que l'homme physique qui est aussi de la boue. Cette boue, en effet, devient de l'or. « Cette chair corruptible doit revêtir l'incorruptibilité ». (I Cor. XV, 53.) Mais la boue du péché, on ne peut pas la refondre pour forger de l'or. Voilà pourquoi il n'a pas dit: Qui appartiennent à la terre; voilà pourquoi il a dit : « Qui sont sur la terre » ; car il peut arriver que nos membres n'appartiennent pas à la terre. Ceux qui s'attachent à la terre sont nécessairement sur la terre ; les autres, non. L'oreille qui n'entend pas les bruits de la terre et qui n'écoute que les bruits du ciel, 1'il qui perd le monde de vue, pour regarder en haut, ne sont point sur la terre. Elle n'est point sur la terre cette bouche dont les paroles n'ont rien de terrestre. Elle n'est point sur la terre cette main qui ne fait rien de terrestre, qui ne fait point le mal et qui ne travaille que pour le ciel.
4. Le Christ dit : « Si votre oeil droit vous scandalise » par ses regards impudiques, « arrachez-le», c'est-à-dire déracinez toute mauvaise pensée. Tous ces mots, impureté, abominations, mauvais désirs, ont le même sens, le sens de fornication. 11 veut nous détourner de ce vice par toutes les expressions qu'il emploie. C'est qu'un pareil vice est une maladie de l'âme fort sérieuse ; c'est la fièvre, c'est la plaie de l'âme. Il ne dit pas « réprimez » , il dit « mortifiez», anéantissez cette passion; portez-lui des coups dont elle ne puisse pas se relever. Ce qui est mort nous l'enlevons; un durillon est une partie morte, nous l'enlevons. Si nous tranchons dans le vif, nous souffrons; mais si nous retranchons un membre mort, nous ne le sentons même pas. C'est ainsi que nous devons agir dans les affections et les maladies de l'âme qui rendent impure et font souffrir cette âme immortelle. Pourquoi l'apôtre appelle-t-il l'avarice une idolâtrie, nous l'avons dit souvent. Les passions les plus tyranniques sont l'avarice, l'intempérance et l'incontinence. « Elles attirent la colère de Dieu sur ses fils désobéissants ». Il parle ici de désobéissance, en les déclarant par là indignes de pardon, en montrant que c'est leur désobéissance qui les plonge dans l'abîme. « Et vous avez vous-mêmes commis ces actions criminelles, quand vous viviez dans ces désordres et quand vous vous laissiez persuader par les impies». Il montre qu'ils ont encore un pied dans le vice; mais il leur adresse un mot d'éloge, en leur disant: « Mais maintenant quittez aussi vous-mêmes tous ces péchés: la colère, l'aigreur, la malice, la médisance: plus de paroles déshonnêtes ».
Pour ne pas les blesser, ce n'est pas sur eux, c'est sur d'autres qu'il fait porter ses reproches. Les médisances sont les mots blessants, les injures, de même que la malice est encore de la colère. Ailleurs, pour faire rougir ses auditeurs de leurs procédés, il leur dit : « Soyez les membres l'un de l'autre ». (Ephés. IV, 25.) Il les représente comme devant former un seul homme ayant les mêmes sympathies et les mêmes répulsions. Dans le passage ci-dessus il se sert du mot «membres». Dans cet épître il dit : « Tous les péchés », désignant ainsi tous les membres du vieil homme, le coeur par la colère, la bouche par la médisance, les yeux par la fornication, les mains et les pieds par l'avarice et par le mensonge, la pensée elle-même et le vieil esprit. Quant à la forme du nouvel homme, c'est une forme royale, c'est la forme du Christ. Saint Paul semble ici faire allusion surtout aux gentils, pour montrer que tous les membres de la société, les grands, comme les petits, sont les membres d'un même corps qui a une forme royale. La terre n'est que du sable; mais elle perd sa première forme et devient or. La laine, quelle qu'elle soit, prend une nouvelle forme qui déguise la première. Il en est de même du fidèle. «Vous supportant les uns les autres», dit-il. C'est justice : supporte ton prochain et que ton prochain te supporte. C'est ce qu'il dit encore dans son épître aux Galates : Supportez le fardeau les uns des autres. (Gal. VI, 2.) « Et soyez reconnaissants, » ajouta-t-il. (Col. III, 15.) Partout il s'applique à recommander la reconnaissance, qui est la première des vertus.
5. Il faut donc, en toute circonstance et quoi qu'il arrive, rendre grâces à Dieu. Voilà la véritable reconnaissance. Lui rendre grâces dans la prospérité n'a rien de bien méritoire; car c'est chose toute naturelle. Mais lui rendre grâces, quand nous sommes dans la détresse, voilà ce qu'il y a d'admirable. Lui rendre grâces de ce qui pousse les autres au blasphème, de ce qui les jette dans l'impatience, voilà la philosophie ! Agir ainsi c'est réjouir le coeur de Dieu, c'est humilier le démon, c'est déclarer que le malheur n'est rien. C'est à la fois rendre (149) grâces à Dieu, emprunter la main de Dieu pour extirper le mal et terrasser le démon. Si vous vous montrez impatient, le démon, parvenu au comble de ses voeux, est là; Dieu, blessé de vos blasphèmes et de vos outrages vous abandonne, en étendant, en augmentant votre plaie. Mais si vous rendez grâces à Dieu, le démon , voyant qu'il n'a rien à faire là, se retire, et Dieu, que vous honorez, vous honore davantage. L'homme qui rend grâces à Dieu de ses maux ne peut plus les ressentir. L'âme est heureuse de sa vertu; la conscience est heureuse parce qu'elle chante ses propres louanges et sa victoire; or la conscience, étant heureuse, ne peut être affligée. L'homme qui murmure sent peser sur lui le double fardeau de son malheur qui l'accable et de sa conscience qui le flagelle; l'homme qui rend grâces à Dieu est couronné par sa conscience qui proclame son triomphe.
Qu'elle est sainte la bouche du juste qui rend grâces à Dieu, dans le malheur ! Le juste est alors un martyr. Comme un martyr, il est couronné. Car il a, lui aussi, à ses côtés un licteur qui lui ordonne de renier Dieu en blasphémant. Le démon le presse en tourmentant son âme et en jetant sur elle un sombre voile. Si, dans cette situation, le juste supporte la douleur, il reçoit la palme du martyre. Voilà par exemple un petit enfant qui est malade. Si sa mère rend grâces à Dieu, la palme du martyre lui appartient. Quel tourment pourrait égaler son chagrin? Eh bien ! son chagrin ne peut lui arracher une parole amère. L'enfant se meurt; elle rend de nouveau grâces à Dieu. Elle est devenue une vraie fille d'Abraham. Car, si elle n'a pas tué son enfant de sa propre main, elle s'est du moins réjouie de sa mort, ce qui est la même chose; elle ne s'est pas irritée de se voir ravir celui que Dieu lui avait donné; elle n'a pas eu recours à ces nuds mystérieux, dont la superstition enseigne le secret. C'est le martyre qu'elle a souffert; car elle a sacrifié son fils en pensée. Mais quoi? me dira-t-on, quel mérite a-t-elle eu à ne pas employer de pratiques superstitieuses, si ces pratiques sont inutiles, si elles ne sont que tromperie et enfantillage? Mais il y avait des gens qui lui disaient que ces pratiques étaient efficaces, et elle a mieux aimé voir mourir son enfant que de sacrifier à l'idolâtrie. Ainsi cette femme a le mérite du martyre, qu'il s'agisse de ses propres souffrances ou qu'il s'agisse de voir souffrir un fils, un mari, ou un être quelconque qui lui est cher : la femme superstitieuse au contraire adore des idoles. Elle aurait, cela est évident, sacrifié aux faux dieux, si elle avait pu. Que dis-je? Ce sacrifice a eu lieu. Elle a eu recours à des pratiques superstitieuses, à des nuds mystérieux. Vous avez beau raisonner, vous qui employez aussi de semblables pratiques, vous avez beau dire : Nous invoquons Dieu, voilà tout ! et autres choses semblables. Vous avez beau dire que cette femme est une femme respectable, une bonne chrétienne : je vous réponds, moi, que vos pratiques superstitieuses sont de l'idolâtrie. Etes-vous une vraie chrétienne? Faites le signe de la croix et dites : Le signe de la croix, voilà mes seules armes, voilà le remède que j'emploie; je ne connais pas d'autres moyens.
Dites-moi: si vous envoyez chercher un médecin et que ce médecin remplace les ressources de la médecine par des enchantements, lui donnerez-vous le nom de médecin? Nullement; car vous ne voyez pas autour de lui l'attirail de la médecine. Eh bien ! nous autres nous ne voyons pas dans ces pratiques l'attirail du christianisme. Il y a encore des femmes qui forment des nuds figurant certains noms de fleuves, et qui osent se livrer à d'autres pratiques innombrables. Eh bien ! je vous le dis, je vous le déclaré d'avance à vous tous : si je vous y prends encore, si quelqu'un retombe dans la superstition, qu'il s'agisse de noeuds, d'enchantements ou de tout autre sortilège, je ne l'épargnerai pas.
Il faut donc laisser mourir cet enfant, me direz-vous? Si c'est garde semblables moyens que vous lui sauvez la vie, vous le faites mourir; s'il meurt, parce que vous négligez de recourir à la superstition, vous le faites vivre. Quand vous voyez votre fils fréquenter des courtisanes, vous voudriez le voir enterrer et vous dites : de quoi sert qu'il vive? Et quand vous voyez l'âme de votre enfant en péril, vous voulez lui sauver la vie, au prix de son salut ! Ne vous rappelez-vous pas ces paroles du Christ : Celui qui perdra sa vie pour l'amour de moi, la retrouvera, et celui qui voudra sauver sa vie, la perdra? (Matth. XVI, 25.) En croyez-vous le Christ, ou ces paroles ne sont-elles pour vous qu'une fable ? Si l'on vous disait : Conduisez votre enfant dans le temple des idoles et il vivra. supporteriez-vous un (150) pareil langage? Non sans doute, et pourquoi? C'est qu'on voudrait vous forcer à adorer des idoles, tandis qu'ici, dites-vous, il s'agit non pas d'idolâtrie, mais d'enchantements. Eh bien ! c'est là une invention de Satan, un piège du démon pour cacher ses fraudes et pour vous faire avaler le poison avec le miel; sachant qu'il ne pourrait vous persuader sans prendre de détours, il a recours à des amulettes et à des contes de bonne femme. La croix n'est plus en crédit; les caractères cabalistiques sont en grand honneur. On chasse le Christ pour faire entrer quelque vieille sorcière qui a le délire et qui est ivre. On foule aux pieds nos mystères, et le démon triomphe. Pourquoi, dites-vous, Dieu ne blâme-t-il pas formellement de semblables pratiques? Mais que de fois n'a-t-il point blâmé chez vous l'emploi de pareils moyens, sans pouvoir vous persuader? Maintenant il vous laisse à votre erreur. « Dieu », dit l'apôtre, « les a livrés à leur sens dépravé». (Rom. I, 28.) Un païen même, s'il est quelque peu sage, né supporterait pas ce genre de superstition. A Athènes, dit-on, un orateur populaire usa un jour de ces sortiléges ; un philosophe, son maître, l'ayant vu, le réprimanda, se répandit en plaintes, le critiqua amèrement et le tourna en ridicule. Et nous autres, nous sommes assez mal inspirés . pour croire à ces bagatelles ! Pourquoi, me direz-vous, n'y a-t-il plus aujourd'hui personne pour ressusciter les morts et pour opérer des guérisons miraculeuses? Pourquoi, je ne vous le dis pas encore. Mais je vous demanderai à mon tour pourquoi il n'y a plus aujourd'hui personne qui méprise la vie présente, pourquoi nous n'offrons à Dieu que des hommages intéressés ? Quand l'humanité était plus faible, quand il s'agissait de planter sur la terre l'arbre de la foi, il y avait beaucoup d'hommes qui opéraient des miracles. Mais aujourdliui Dieu veut que nous soyons préparés à la mort, sans nous mettre sous la dépendance des signes. Pourquoi donc cet attachement à la vie présente ? Pourquoi ce mépris pour la vie future? Dans l'intérêt de la vie présente, vous avez le courage d'encenser des idoles; dans l'intérêt de la vie future, vous ne pouvez supporter la plus légère contrariété. Pourquoi cette différence ? Si les hommes ne sont plus ce qu'ils étaient autrefois, c'est que nous avons pris l'autre vie en dégoût, puisque nous ne faisons rien pour elle, tandis que, pour conserver la vie présente, nous acceptons toutes les souffrances. Que signifient encore ces momeries, ces opérations magiques par la cendre, par la suie, par le sel, et cette vieille magicienne qui arrive encore? Voilà qui est honteux et ridicule! Votre enfant, diton, a été fasciné.
6. Jusques à quand vous livrerez-vous à ces pratiques, à ces oeuvres de Satan ? Les gentils ne se moqueront-ils pas de nous, quand nous leur vanterons les vertus de la croix? Comment persuader ces hommes qui nous voient recourir à ce qui fait l'objet de leur risée? Est-ce pour cela que Dieu nous a donné ses médecins et ses remèdes? Mais quoi, dites-vous, si ces médecins ne le sauvent pas? Si l'enfant s'en va? Mais où va-t-il donc, je vous le demande, malheureux que vous êtes? Tombe-t-il entre les mains des démons et de notre tyran? Ne retourne-t-il pas au ciel vers son maître ? Pourquoi cette douleur? pourquoi ces pleurs? pourquoi ces larmes? Pourquoi préférer votre enfant au Seigneur? N'est-ce pas le Seigneur qui vous l'a donné? Pourquoi êtes-vous assez ingrat pour préférer le don au donateur? Mais je suis faible, dites-vous, et je n'ai point assez la crainte de Dieu. Car si, lorsqu'il s'agit des maux physiques, le plus grave- empêche de ressentir le plus léger; lorsqu'il s'agit de l'âme à plus forte raison, la crainte chasse la crainte, et la douleur la douleur. Votre enfant était beau, mais quel qu'il fût, il n'était pas plus beau qu'Isaac, et Isaac aussi était fils unique. C'était l'enfant de votre vieillesse. Le père d'Isaac l'avait eu aussi dans ses vieux jours. Mais il était si gracieux, si distingué ! Il ne l'était pas plus que Moïse qui charma les yeux d'une femme barbare, et cela, clans un âge où la grâce et la distinction n'ont pas encore eu le temps de percer. Pourtant cet enfant chéri fut jeté par ses parents dans un fleuve. Vous, du moins, vous l'avez devant vos yeux, vous le livrez à la sépulture et vous pouvez visiter son tombeau ; mais les parents de Moïse ignoraient s'il n'allait pas servir de pâture aux poissons, aux chiens ou à quelque monstre marin, et ils ne savaient pas encore ce que c'est que le royaume des cieux, ce que c'est que la résurrection.
Mais ce n'est pas le seul enfant que vous ayez perdu ; plusieurs de vos enfants l'avaient précédé dans la tombe. Ah ! vos malheurs n'ont pas été si soudains, si répétés, si (151) déplorables que ceux de Job. Vous n'aviez pas appris déjà, étant à table, la ruine de votre maison et une longue suite de désastres. Mais c'était votre enfant chéri. Vous ne l'aimiez pas plus que Jacob n'aimait son fils, lorsqu'il apprit qu'il avait été dévoré par les bêtes féroces. Et pourtant il supporta son malheur, et les nouveaux malheurs qui vinrent encore le frapper. Le père pleura, mais il ne se conduisit pas en impie. Il se lamenta, mais il ne perdit pas sa résignation et se borna à dire: « Joseph n'est plus, Siméon n'est plus, Benjamin n'est plus; tous les malheurs sont venus fondre sur moi ». (Gen. XLII, 36.) Voyez-vous comme la voix impérieuse du besoin le força à exposer ses fils, tandis que la crainte de Dieu n'a pas sur vous autant d'empire que la faim? Pleurez, je vous le permets, pleurez; mais pas de blasphèmes. Votre fils, quel qu'il fût, ne pouvait être comparé à Abel, et pourtant Adam n'a rien dit qui ressemblât à un blasphème. Quoi de plus grave en effet qu'un fratricide ? Mais ce fratricide m'en rappelle d'autres. Ainsi Absalon ne tua-t-il pas Ammon son frère aîné? (II Reg. XIII.) Le roi David aimait son enfant, et le souverain était là étendu sur la cendre. Mais il ne fit venir ni devin ni enchanteur. II y en avait cependant alors, et l'exemple de Saül nous le fait bien voir. Mais David se bornait à supplier Dieu. Imitez-le; imitez ce juste; dites, comme lui, quand votre enfant est mort : Il ne viendra pas à moi, mais j'irai à lui; voilà de la sagesse! Voilà de l'attachement ! Vous avez beau aimer votre enfant, vous ne l'aimez pas autant que David aimait son fils, quoique ce fils fût le fruit de l'adultère. Mais David pensait à la mère de ce fils, et vous le savez, l'affection que l'on a pour les parents, rejaillit sur les enfants. Or David avait tant d'affection pour ce fils, qu'il tenait à lui, bien qu'il fût pour lui un reproche vivant. Eh bien ! tout cela n'empêcha point David de rendre grâces à Dieu.
Quelle ne fut pas, croyez-vous, la douleur de Rébecca, lorsqu'elle vit Jacob menacé par son frère? Pourtant elle ne voulut pas faire de chagrin à son mari, et fit partir son fils. Quand voles avez une affliction, songez à des afflictions plus grandes et vous serez consolé. Dites-vous à vous-même: Et si mon fils était mort sur le champ de bataille? Et s'il avait péri dans un incendie? Songeons à des malheurs plus graves que les nôtres, et nous serons consolés. Quels que soient nos malheurs, jetons nos regards sur ceux qui sont plus malheureux que nous. C'est ainsi que Paul exhorte ses auditeurs, quand il leur dit: « Dans vos luttes contre le péché, vous n'avez pas encore combattu jusqu'au sang ». (Hébr. XII, 4.) Et ailleurs: « Vous n'avez encore eu que des tentations humaines ». Ayons donc les yeux fixés sur les infortunes qui surpassent les nôtres: nous en trouverons toujours, et de cette manière nous serons reconnaissants. Avant tout et en toutes choses, rendons grâces à Dieu ! C'est le moyen de nous calmer, c'est le moyen de vivre pour honorer Dieu et d'obtenir les biens qui nous sont promis. Puissions-nous les acquérir par la grâce et la bonté etc.