ANALYSE. 1. L'orateur explique le discours de l'apôtre saint
Pierre, et en fait voir toutes les beautés d'ensemble et de détail. D'abord ce
n'est plus cet homme timide qui tremblait à la voix d'une servante, mais c'est un apôtre
plein d'une noble hardiesse et d'une mâle éloquence.
2. L'application de la prophétie de Joël à la conversion des
gentils lui fournit ensuite d'heureux développements, et l'annonce qu'elle contient de la
ruine de Jérusalem lui en fait tracer un lugubre et effrayant tableau.
3. Mais si le Seigneur châtie ainsi ses ennemis sur la terre,
quels seront les supplices de l'enfer? Et quoique ce sujet soit peu agréable à ses
auditeurs, il est obligé de le traiter pour satisfaire aux devoirs de sa charge.
4. De là l'orateur est amené à se comparer au magistrat
sévère qui maintient l'ordre dans la cité, et que le peuple maudit quelquefois, tandis
qu'il n'a que des louanges et des applaudissements pour le riche citoyen qui lui prodigue
les fêtes et les jeux. Mais lequel des deux est réellement le plus utile ?
Le doute n'est pas possible ; et de même l'évêque qui explique la loi divine, et qui
montre la terrible sanction dans les menaces de l'enfer, est le vrai père de son peuple.
Celui-ci ne doit donc point murmurer contre lui, mais profiter de ses avis pour
acquérir les biens éternels.
1. Pierre s'adresse ici à cette foule d'étrangers qui étaient. accourus, mais, en leur parlant, il ne néglige pas de réfuter ses calomniateurs. Car la divine Providence n'avait permis leurs amères critiques que pour donner à l'apôtre l'occasion de se défendre et d'annoncer l'Evangile. Et parce qu'ils se glorifiaient beaucoup d'habiter Jérusalem , il leur dit: « Apprenez (590) ceci, et prêtez l'oreille à mes paroles ». Ce langage ne pouvait que les rendre attentifs et les disposer à écouter favorablement sa défense. « Non, ces hommes ne sont point ivres, comme vous le pensez ». Que ce langage est doux et bienveillant ! Pierre avait pour lui la plus grande partie du peuple, et néanmoins il n'adresse à ses critiques que de bienveillantes paroles. Il écarte d'abord tout mauvais soupçon à leur égard, et n'établit sa propre défense qu'en second lieu. Aussi ne dit-il pas, comme vous vous l'imaginez par une supposition insensée, ou une froide plaisanterie, mais « comme vous le pensez ». Il donne ainsi à entendre qu'ils ne parlent point sérieusement, et il semble imputer leur faute bien plus à l'ignorance qu'à la malice.
« Non, ces hommes ne sont pas ivres,
comme vous le pensez, puisqu'il n'est que la troisième heure du jour ». Cette raison
est-elle péremptoire? et les apôtres ne pouvaient-ils, en
effet, s'être enivrés à la troisième heure du jour? Sans doute, ils l'eussent pu;
mais, sans beaucoup insister sur cette circonstance, Pierre se borne à nier le fait
qu'alléguaient ses détracteurs; et cette réserve nous apprend à ne pas beaucoup parler
hors de la nécessité. Au reste, la suite de son discours confirme cette assertion, et
désormais il s'adresse à tous : « Mais c'est ce qui a été prédit par le
prophète Joël , dans les derniers temps, dit le Seigneur ».
(Joël, II, 28.) L'apôtre ne nomme pas encore le
« Je répandrai de mon Esprit sur toute chair ». Il leur donnait ainsi de bonnes espérances, car, s'ils le voulaient, ils pouvaient, eux aussi , recevoir ce divin Esprit. Mais il les avertit en même temps qu'ils n'en jouiront pas exclusivement, afin de ne pas exciter contre eux la jalousie des gentils; et, pour couper dans sa racine toute pensée d'envie, il ajoute : « Et vos fils prophétiseront ». C'est comme s'il leur eût dit : Cette miraculeuse effusion de l'Esprit-Saint n'est ni votre bien, ni votre gloire exclusifs, mais la grâce en passera jusqu'à vos enfants. Par honneur il leur donne le nom de pères, et il appelle leurs fils ceux qui devaient être disciples de l'Evangile. Et vos jeunes gens auront des visions, et a vos vieillards auront des songes. Et, en ces jours-là, je répandrai mon Esprit sur mes serviteurs et sur mes servantes, et ils prophétiseront ». C'était adroitement leur insinuer qu'eux, les apôtres, étaient approuvés de Dieu, puisqu'ils avaient mérité de recevoir l'Esprit-Saint, tandis que les Juifs en étaient rejetés, parce qu'ils avaient crucifié le Seigneur Jésus.
Autrefois Jésus-
Cependant, l'apôtre répand parmi ses
auditeurs un vif sentiment de crainte, en leur rappelant ces épaisses ténèbres et
l'attente du jugement. « Car elles précéderont le grand «jour dit Seigneur ».
C'était leur dire : ne vous abusez pas en croyant que vous pouvez pécher
impunément. Et telle est la conclusion de cette annonce du jour grand et terrible du
Seigneur. Eh bien ! a-t-il remué les consciences, et changé
les rires en remords? Et, en effet, si déjà les pronostics de ce jour éclatent, les
périls des derniers temps sont donc proches. Mais quoi ! va-t-il
prolonger cet effrayant langage? Nullement; il permet à ses auditeurs de respirer, et
continue ainsi : « Et il arrivera que quiconque invoquera le nom du Seigneur, sera sauvé
». Selon saint Paul, cette parole désigne Jésus-
Et maintenant, si nous revenons sur ses premières paroles, nous observerons qu'il s'est élevé avec force contre ses critiques et ses railleurs. « Apprenez ceci », leur a-t-il dit, « et prêtez l'oreille à mes paroles ». En s'adressant à eux, il leur avait dit : « Hommes de la Judée ». C'est-à-dire, selon moi, vous qui habitez dans la Judée. Mais voulez-vous connaître combien Pierre est aujourd'hui changé? rappelons-nous ce passage de l'Evangile. « Une servante s'approcha de lui, disant : Et toi, tu étais avec Jésus de Nazareth. Mais il répondit: Je ne connais point cet homme. Et, interrogé de nouveau, il commença à faire des serments et des imprécations ». (Matth. XXVI, 69, 72.)
2. Admirez aussi l'assurance et la noble franchise de sa parole. Il ne loue point ceux de ses auditeurs qui avaient dit : « Nous les entendons parler en notre langue des grandeurs du Dieu »; et il se borne à exciter davantage leur zèle par la sévérité dont il use envers ses détracteurs. Ainsi son langage ne laisse apercevoir aucune trace de flatterie, et une remarqué qui se justifie toujours, c'est que son discours, quoique rempli d'une extrême bienveillance, présenté le rare mérite d'éviter également l'adulation et. l'injure. Ce n'est pas non plus sans une profonde raison que le prodige de la Pentecôte s'effectua à la troisième heure du jour, car à ce moment le soleil brille, les plaisirs de la table ne nous retiennent plus, et les charmes du jour et de la conversation attirent tous les hommes sur la place publique.
Au reste, le langage de Pierre respire une noble franchise. « Prêtez l'oreille à mes paroles ». Et aussitôt, sans rien dire de lui-même, il ajoute : « Ceci est ce qui a été dit par le prophète Joël, dans les derniers temps ». Il indique ainsi, par cette expression un peu emphatique, que la réalisation des menaces divines est peu éloignée, et, pour ne point paraître la fixer à la seconde génération , il ajoute : « Et vos vieillards auront des songes ». Voyez l'admirable enchaînement de ses paroles. D'abord il a nommé les fils, à l'exemple de David qui a dit : « A la place de vos pères, il vous est né des enfants ». (Ps. XLIV, 17.) Et Malachie dit également : « Il ramènera le coeur des pères à leurs enfants ». (Malach. IV, 6.)
« Je répandrai de mon Esprit sur mes
serviteurs et sur mes servantes ». Ces paroles nous révèlent toute la force de cet
Esprit divin qui, en nous délivrant du péché, nous attache à son service. Eh ! quelle n'est pas l'excellence de ce don qui se communique même au
sexe le plus faible, dans une large proportion, et noir à quelques individus seulement,
comme autrefois à Débora et Holda.
Mais observez que Pierre évite de dire que cet Esprit dont parle le prophète est
l'Esprit-Saint , et qu'il néglige ainsi d'expliquer les termes
de la prophétie. Il se contente de la citer, parce que cette citation suffit à son but.
Il se tait également sur Judas, dont tout le monde connaissait la triste fin, et il pense
avec raison, qu'à l'égard des Juifs, l'autorité du prophète Joël est l'argument le
plus péremptoire. Et, en effet, aux yeux des Juifs, les prophéties l'emportaient sur les
miracles. Aussi les voyons-nous contredire ceux de Jésus-
L'apôtre continue ensuite la métaphore,
et met, comme sous les yeux de ses auditeurs, la désolation de Jérusalem : « Le
soleil », dit-il, « se changera en ténèbres et la lune en sang». Que signifie ce
changement de la lune en sang? Il me paraît indiquer un effroyable carnage; et ce langage
était bien propre à consterner tous les esprits. « Et quiconque invoquera le nom du
Seigneur, sera sauvé ». Quiconque, dit-il; c'est-à-dire, sans qu'il l'explique, le
prêtre, l'esclave et l'homme libre. « Car il n'y a plus en Jésus-
3. Que dites-vous, ô grand apôtre? Vous
placez le salut à côté de la croix ! Attendez un peu, et vous connaîtrez combien
est grande la miséricorde du Sauveur Jésus. Car la vocation des gentils n'est pas une
preuve moins éclatante de sa divinité que sa résurrection et ses miracles.
Souvenez-vous aussi qu'un des attributs de Dieu est d'être infiniment bon; aussi Jésus-
Et maintenant je veux, en parlant de la
ruine de Jérusalem et de l'effroyable vengeance que le Seigneur en tira, vous prémunir
contre les marcionites et plusieurs autres hérétiques. Ils
disent qu'en Jésus-
Dans un autre endroit, Jésus-
Comment donc quelques-uns disent-ils que
Jésus-
Mais examinons qui est plus utile à une cité, ou l'édile qui fournit aux dépenses des jeux, du théâtre et des repas publics, ou le magistrat qui, an lieu de ces pompes superflues, s'entoure de chevalets, de fouets, de bourreaux et de soldats terribles, qui prononce des paroles sévères et des arrêts rigoureux, et qui commande à ses licteurs d'écarter (lu forum une foule tumultueuse. Eh bien ! examinons quels résultats amènent deux conduites si opposées. Le magistrat est un homme odieux et t'édile est un galant homme. Mais que produisent le fêtes qu'il prodigue? De froids plaisirs qui durent jusqu'au soir et s'évanouissent avec l'aurore; des rires indécents et des paroles libres et légères. Eh ! que doit-on au magistrat? La. crainte et la tempérance, la soumission de l'esprit et la retenue des moeurs, l'amour du travail, la répression des mauvaises passions de l'âme, est un rempart contre les désordres extérieurs. Sous l'égide de ces vertus, chacun jouit tranquillement de sa fortune, tandis que le régime contraire la dilapide dans les jeux et les fêtes ; et si des voleurs ne nous l'enlèvent pas, le plaisir et l'ostentation nous la ravissent. Cependant on s'aperçoit bien qu'on est volé, mais on ne laisse pas que d'en rire. Ce sont des voleurs d'un genre tout nouveau : ils dépouillent leur victime et puis lui persuadent qu'elle doit s'en réjouir.
4. Mais dans la religion, rien de semblable, et le Seigneur, qui est le père de tous, nous prescrit le secret de nos bonnes oeuvres, et même de nos bonnes intentions. Car il a dit :
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« Prenez garde de faire l'aumône devant les hommes ». (Matth. VI, 1.) Le chrétien y apprend donc à fuir toute injustice. Car il y a également injustice à dérober le bien d'autrui, et à se plonger dans les excès de la table, ou à s'abandonner à une joie effrénée et dissolue. Il y apprend encore à garder la chasteté, et à éviter l'impureté, puisque ce péché se commet même par un simple regard. Il y apprend enfin à pratiquer la modestie et à repousser le faste et l'orgueil, et il n'oublie point, selon la parole de l'apôtre, que : « si tout lui est permis, tout n'est pas expédient ». (I Cor. VI,12.) En un mot, l'Eglise est l'école des vertus, et le théâtre celle des vices. Mais laissons ce sujet, et je me borne à vous dire que les fêtes du monde sont plus fécondes en chagrins qu'en véritables plaisirs. Il suffit, pour nous en convaincre, de considérer au lendemain d'une fête, celui qui en a fait les frais, et ceux qui y ont pris part. Tous, et surtout le premier, nous les verrons tristes et abattus. Et en effet, le jour précédent, le peuple se livrait à une folle gaîté, et il se réjouissait sous un riche vêtement; mais, comme il ne lui appartenait pas, il s'attriste aujourd'hui, et s'afflige de ne plus le posséder. Quant à celui qui a fait les frais de la fête, il se croyait moins heureux que ses joyeux convives : mais le lendemain, ceux-ci n'ont qu'à rendre les habits qu'on leur avait prêtés, tandis que lui-même tombe dans un profond chagrin. Ah ! si, dans les choses extérieures, la joie enfante la tristesse, et le malheur l'utilité, à plus forte raison en est-il ainsi dans les choses spirituelles !
C'est pourquoi personne ne s'irrite contre
les lois, et même tous les regardent comme protectrices de la sûreté publique; car
elles ne sont point l'ouvrage de législateurs étrangers, ou ennemis, mais l'oeuvre des
citoyens, des édiles et des tuteurs de la cité. Tous, ils ont cru bien mériter de la
patrie en établissant ces lois, et cependant elles renferment des peines et des
châtiments; car, toute loi contient une sanction pénale. Mais, n'est-il pas absurde. de décerner aux législateurs humains les noms de sauveurs, de
bienfaiteurs et de protecteurs, et d'appeler dur et fâcheux l'évêque qui vous explique
les lois divines? Oh! quand je vous parle de l'enfer, que
fais-je, sinon de vous exposer la, sanction de ces lois? Les législations de la terre
édictent des peines sévères contre l'homicide, le vol, l'adultère et autres crimes
semblables; pourquoi donc murmurer si je mets sous vos yeux les supplices dont vous
menace, non un homme, mais Jésus-
Au reste, ne vous troublez point si ces
lois vous paraissent nouvelles ; car Jésus-
Alléguez donc votre ignorance, si
personne ne vous prêche la doctrine évangélique. Mais quand l'évêque est assis dans
sa chaire, et qu'il remplit son devoir , vous n'avez plus
d'excuse. J'ajoute aussi que Jésus-
FIN DU TOME HUITIÈME.