ACTES XLV

HOMÉLIE XLV. ET MAINTENANT, MES FRÈRES, JE VOUS RECOMMANDE A DIEU, ET AU VERRE DE SA GRACE, A CELUI QUI PEUT ACHEVER L'ÉDIFICE, ET VOUS DONNER LE DROIT D'HÉRITAGE PARMI TOUS LES SAINTS. (CHAP. XX, VERS. 32, JUSQU'AU VERS. 18 DU CHAP. XXI.)

 

ANALYSE. 1-3. Suite du discours de saint Paul aux Ephésiens. — Commentaire. — Voyages de saint Paul. — Agabus prophétise les tribulations. qui doivent arriver à Paul. — Il faut secourir les pauvres. — Nécessité de donner l'hospitalité. — Récompense de h charité et de l'hospitalité. — Louanges d'Abraham.

4. Comment on doit donner l'hospitalité. — Chacun doit donner l'hospitalité à l'imitation de l'Eglise. — Il faut former ses serviteurs au bien.

 

1. Ce que Paul fait dans ses épîtres,, il le fait aussi dans ses conseils, il passe de l'exhortation à la prière. Comme il les a grandement effrayés, en leur disant : « Des loups terribles surgiront parmi vous » , pour ne pas les consterner et anéantir leur courage, voyez comment il les console. « Et maintenant », dit-il. Il parle ainsi pour leur montrer que c'est comme -toujours. « Mes frères, je vous recommande à, Dieu et au Verbe de sa grâce », c'est-à-dire, à sa grâce. Il avait raison de parler ainsi, car il savait que c'est la grâce qui sauve. Souvent il leur rappelle la grâce, afin de les rendre plus zélés, puisqu'ils sont débiteurs, et de leur persuader d'avoir confiance à celui qui peut achever l'édifice. Il ne dit pas simplement édifier, mais achever l'édifice, montrant par là qu'ils étaient déjà édifiés. Ensuite il leur parle de l'espérance à venir, en disant : « Et vous donner le droit d'héritage parmi tous les saints ». Vient ensuite une nouvelle exhortation : « Je n'ai désire l'argent, l'or et le vêtement de personne ». Il arrache la racine de tous les maux, l'avarice. Il ne dit pas : je n'ai pas reçu, mais bien : « Je n'ai pas désiré ». Ceci n'est pas grand encore, mais ce qui suit est magnifique. « Vous savez que pour mes besoins et pour ceux qui sont avec moi, ces mains m'ont servi. Je vous ai montré en tout par (227) mon exemple, que c'est ainsi, en travaillant, qu'il faut aider ceux qui sont faibles». Vous voyez qu'il travaille de ses mains et même jusqu'à se fatiguer. «Ces mains m'ont servi pour les besoins de ceux qui sont avec moi et les miens». Il leur dit cela en forme d'enseignement, et voyez avec quelle dignité. Il ne dit pas : c'est ainsi qu'il faut s'enrichir, mais, que dit-il? « C'est ainsi qu'il faut aider les faibles». Il ne dit pas tous, mais : « Les faibles. Et vous souvenir de la parole que le Seigneur a dite : On est plus heureux de donner que de recevoir ». De peur qu'on ne pense qu'il s'adresse à eux et se donne pour exemple, comme il a dit ailleurs : « Vous donnant l'exemple » (Ph. III, 17), il ajoute la sentence du Christ, qui a dit : « On est plus heureux de donner que de recevoir ». Il a prié pour eux en les exhortant; il prie aussi en action : «Ayant dit ces choses il se mit à genoux avec eux. tous et pria » : non d'une façon quelconque, mais avec une grande componction.

La consolation est grande; et lorsqu'il dit «Je vous recommande au Seigneur », il les console:  « Ils commencèrent aussitôt à fondre en larmes, ils se jetaient au cou de Paul et l'embrassaient. Ils étaient surtout attristés par les paroles qu'il leur avait dites, qu'ils ne devaient plus voir son visage. Et ils le conduisaient jusqu'au navire (33-38) ». Il leur dit: « Des loups terribles viendront »; il a dit «Je suis pur du sang de tous ». Ces deux choses sont effrayantes, et propres à attrister; mais ils s'affligeaient bien davantage de l'avoir entendu dire qu'ils ne le verraient plus; et c'était là, le plus rude combat pour eux. «Ils le conduisirent jusqu'au navire » ,dit l'auteur. C'est ainsi qu'ils l'aimaient, ainsi qu'ils lui étaient attachés. « Lorsque nous eûmes repris la mer après les avoir quittés, nous allâmes directement à Cos, le jour suivant à Rhodes et de là à Patare. Et ayant rencontré un navire qui passait en PhÉnicie nous y moulâmes, et prîmes, le large. Arrivés en vue de Chypre, nous la laissâmes sur la gauche, et nous fîmes. voile pour la Syrie, «et abordâmes à Tyr ». (Chap. XXI, 1, 2.) Voyez: il va en Lycie, passe en Phéuicie, laisse Chypre de côté et débarque à Tyr, parce que là le navire doit être déchargé. C'est la la cause pour laquelle il va à Tyr. « Y ayant trouvé des disciples, nous demeurâmes sept jours auprès d'eux : Ils disaient à Paul de ne pas monter à Jérusalem ». Voyez: ceux-ci lui annoncent aussi des afflictions. Ce fut providentiellement que ces choses lui furent dites Par d'autres, pour qu'on ne s'imaginât pas que Paul avait parlé au.hasard et par jactance. Là on se quitta de nouveau, après avoir prié en commun. « Et ces jours étant écoulés, nous nous mîmes en route accompagnés par eux tous, avec leurs femmes et leurs enfants, jusqu'en dehors de la ville, et nous étant mis à genoux sur le rivage, nous fîmes des prières. « On s'embrassa mutuellement , puis nous montâmes sur le navire ; eux retournèrent vers leur demeure. Pour nous, de Tyr nous vînmes à Ptolémaïs, où nous terminâmes notre navigation, et ayant salué les frères, « nous restâmes un jour avec eux. Le lendemain, nous nous mimes en route et allâmes à Césarée. Et étant entrés dans la demeure «de Philippe, l'évangéliste, l'un des sept, nous restâmes chez lui ». Nous vînmes à Césarée, dit-il, et nous demeurâmes chez Philippe, l'un des sept. « Il avait quatre filles qui prophétisaient ». Mais elles ne prédirent rien à Paul, quoiqu'elles fussent prophétesses ; ce fut Agabus qui prophétisa; écoutez comment: « Et comme nous demeurions pendant quelques jours il vint de la Judée un prophète nommé Agabus : Il vint à nous, prit la ceinture de Paul ; et s'en liant lui-même les pieds et les mains, il dit : Voici ce que dit l'Esprit-Saint: Ainsi dans Jérusalem les Juifs attacheront l'homme à qui appartient cette ceinture, et le livreront aux gentils ». Cet Agabus est celui qui avait prédit la famine. « Ils lieront ainsi l'homme à qui appartient cette ceinture », dit-il. Cet homme a fait ce que faisaient les prophètes, en peignant aux yeux les choses à venir lorsqu'ils parlaient de la captivité comme Ezéehiel. Ce qu'il y a surtout de grave, c'est qu'ils le livreront entre les mains des gentils. Lorsque nous eûmes entendu ces paroles, nous le priions, nous et ceux du lieu, de ne point monter à Jérusalem ». Beaucoup le priaient de ne point s'en aller; mais lui ne l'entendit pas ainsi : « Paul répondit : Pourquoi pleurez-vous et affligez-vous mon coeur? Car je suis prêt, pour le nom du Seigneur Jésus, non-seulement à être lié, mais même à mourir à Jérusalem. Et comme nous ne pouvions le persuader, nous cessâmes d'insister, en (228) disant : « Que la volonté du Seigneur s'accomplisse (3-14»).

2. Voyez-vous : toutes ces choses sont prédites par avance, pour que vous ne pensiez pas, par suite de cette parole : « Lié par l'Esprit-Saint », que Paul agisse par nécessité; et aussi peur qu'on ne croie pas que Paul soit tombé dans des embûches qu'il ignorait. Les disciples pleuraient; lui l'es encourageait, chagrin qu'il était de les voir dans les larmes. « Que faites-vous? » dit-il. « Pourquoi pleurez-vous et affligez-vous mon coeur ? » Personne n'est plus aimant que Paul : parce qu'il les voyait pleurer, il s'affligeait, lui qui ne souffrait nullement de ses propres tribulations. Vous me faites injure en agissant ainsi, dit-il; est-ce que je m'attriste, moi? Alors ils cessèrent lorsqu'il leur dit : « Pourquoi agisses-vous ainsi, et affligez-vous mon coeur? » Je pleure sur vous, dit-il, et non sur mes souffrances; car je veux mourir pour eux.

« Je n'ai désiré », dit Paul, « ni l'argent, ni l'or, ni les vêtements de personne; vous-mêmes savez que ces mains ont servi à mes besoins et aux besoins de ceux qui sont avec moi ». Ceux qui, à Corinthe et en Asie, pervertissaient les disciples, n'en faisaient pas autant. Il est vrai que nulle part il ne leur fait ce reproche dans son épître aux Ephésiens; mais pourquoi ? parce qu'il ne fut point obligé de le faire ; mais il dit aux Corinthiens : « On ne ne ravira point cette gloire dans toute l'Achaïe ». (II Cor. XI, 10.) Il ne dit pas : Vous ne m'avez pas donné, mais bien : « Je n'ai désiré ni argent, ni or, ni vêtement », pour ne pas sembler dire qu'ils n'ont pas donné. Il ne dit pas de n'ai désiré rien des choses nécessaires à la vie, pour ne pas paraître les accuser; s'il dit cela, c'est pour leur insinuer qu'il n'a rien reçu, alors qu'il nourrissait les autres. Voyez comme il travaillait avec zèle, cet homme qui, nuit et jour, les instruisait avec larmes et les avertissait. « Je vous ai montré toutes choses par mon exemple, parce qu'il faut par un pénible travail aider ceux qui sont faibles». Cette parole est dite pour inspirer la terreur. Ce qu'il dit signifie : Vous ne pouvez arguer de votre ignorance; je vous ai montré par mes oeuvres qu'il faut travailler avec ardeur. Il ne dit pas que c'est mal de recevoir, mais qu'il est meilleur de ne pas recevoir : «Souvenez-vous de la parole du Seigneur qui a dit : On est plus heureux de donner que de recevoir ». Où le Christ a-t-il dit cela? Peut-être les apôtres ont transmis cette parole sans qu'elle ait été écrite; ou bien on peut la tirer par conclusion des autres paroles du Christ. En effet, il leur a montré, par son exemple, la force dans les dangers, la commisération envers les inférieurs , la hardiesse de langage dans l'enseignement, l'humilité, la pauvreté, et ceci, qui est plus grand que la pauvreté; car s'il a dit : « Vendez ce que vous avez, si vous voulez être parfait », puisqu'il ne reçoit rien, et nourrit les autres, qu'y a-t-il de comparable à cela? Le premier degré consiste à rejeter ce qui est à soi ; le second, se suffire à soi-même; le troisième, aider les autres; le quatrième, ne rien recevoir lorsque l'on prêche et qu'on pourrait recevoir. Paul était donc meilleur que ceux qui n'avaient rien. Il dit donc avec raison : « Ainsi il faut aider les pauvres ». C'est le fait de la commisération envers les pauvres, de leur donner le fruit de son propre travail; leur donner le bien des autres, non-seulement n'est pas bien, mais est même dangereux. « Et sautant au cou de Paul, ils pleuraient » : cela montre leur affection pour lui. Ils se suspendaient à son cou, comme pour lui donner leurs derniers embrassements, et parce qu'ils avaient retiré de son enseignement une grande charité et une grande tendresse. En effet si nous-mêmes, pour une séparation ordinaire, nous gémissons, quoique nous sachions que nous nous réunirons, comment les disciples eussent-ils pu alors sans douleur voir Paul s'arracher à eux? Je pense que Paul dut pleurer aussi. « Arrachés ». Cela indique la violence « lorsque nous nous fûmes arrachés  d' eux » . Le mot est juste. En effet ils ne pouvaient se jeter à lamer. Que veut dire: «Nous allâmes directement à Cos ? » C'est comme si l'auteur disait : Nous ne fîmes pas de détours, et ne nous arrêtâmes nulle part. « Le jour suivant nous étions à Rhodes ». Voyez comme Paul se hâte. « Et ayant rencontré un navire qui passait en Phénicie ». Peut-être ce navire était-il là, et ils y montèrent parce qu'ils n'en trouvèrent pas qui allât à Césarée. « Nous passâmes en vue de Chypre, en la laissant à gauche » ; il ne dit pas cela sans motif, mais pour montrer que Paul, quoique près de Chypre, ne jugea pas à propos de s'y arrêter, puisqu'ils allaient en droite lignes vers la Syrie. « Ensuite nous vînmes à Tyr », dit-il, «et y ayant rencontré les disciples, nous restâmes (229) avec eux ». Comme ils sont proches de Jérusalem, ils ne se hâtent plus, mais ils demeurent avec les frères pendant sept jours. Voyez : il compte même les jours. Après les Azymes ils allèrent à Troade en cinq jours; ensuite ils y restent sept jours, ce qui fait douze jours; ensuite à Asson, à Mitylène, en face de Chio, à Trogile: à Samos, à Milet : en tout dix-huit jours; après cela ils vont à Cos, à Rhodes, à Patare, voilà vingt et un jours ; ensuite de là à Tyr cinq jours, ce qui donne vingt-six jours; il passe à Tyr sept jours, en tout trente-trois jours; puis, il reste à Ptolémaïs un jour, trente-quatre; puis. H reste un plus grand nombre de jours à Césarée; et alors en fn le prophète les emmène. Ainsi le jour de la Pentecôte est arrivé, et il la passe à Jérusalem. Voyez comme Paul se laissait persuader lorsque le Saint-Esprit ne l'en empêchait pas. Les disciples lui disaient : « Ne vous montrez pas en public », et il n'y alla pas; souvent ils l'emmenaient, et il obéissait; il s'enfuit deux fois par une fenêtre; et maintenant que mille personnes, pour ainsi dire, le supplient, à Tyr et à Césarée, pleurent, lui annoncent toutes sortes de maux, il ne cède pas. Et on ne lui prédisait pas ces malheurs au hasard, mais par l'inspiration de l'Esprit-Saint. Si le Saint-Esprit ordonnait, pourquoi allaient-ils à l'encontre? Parce qu'ils ne savaient pas le but que se proposait l'Esprit. D'ailleurs, ils ne l'exhortaient pas ainsi par l'inspiration de l’Esprit-Saint. Non-seulement ils lui prédisaient des malheurs, mais ils lui disaient qu'il ne fallait pas qu'il allât à Jérusalem , par ménagement pour lui. « Et lorsque ces jours furent accomplis », c'est-à-dire , lorsque furent passés les jours qu'il a énumérés «Tous nous faisant la conduite avec leurs femmes et leurs enfants.».

3. Considérez combien grande était, la consolation; après avoir prié de nouveau, ils se séparent. Paul et les siens demeurent un jour à Ptolémaïs, et plusieurs jour à Césarée. Et lorsque Paul a appris qu'il a de grands maux à souffrir, il se hâte, il ne s'arrache pas au danger, persuadé qu'il est du commandement de l'Esprit-Saint. « Après ces quelques jours nous nous préparâmes, et montâmes à Jérusalem». C'est-à-dire, après avoir pris ce qui était nécessaire pour la route. « Plusieurs des disciples de.Césarée vinrent avec nous, emmenant avec eux notre hôte, un nommé Mnason,.de Chypre, ancien disciple; lorsque nous fûmes arrivés à Jérusalem, les frères nous reçurent avec joie ». Remarquez qu'Agabus n'a pas dit : Ils lieront Paul, pour ne pas sembler parler suivant une convention faite entre eux, mais bien : « L'homme à qui appartient cette ceinture ». Paul avait donc une ceinture. S'ils pleuraient, c'était parce qu'ils ne pouvaient le persuader de rester, puis ils restèrent en repos. Remarquez-vous leur esprit chrétien, et la tendresse de leur amour? Nous cessâmes de le prier en disant

Que la volonté du Seigneur s'accomplisse. « Emmenant avec nous notre hôte », dit l'auteur. Ils ne demeuraient donc pas dans l'Eglise. Alors qu'ils venaient pour enseigner, ils habitaient dans l'Eglise; mais ici ils sont reçus par un ancien disciple. Paul expose que le temps de sa prédication a été long; dès lors il me semble que, dans les. Actes; l'auteur a retranché beaucoup d'années et qu'il n'a rapporté que ce qu'il était nécessaire de dire. Que signifient ces mots : « Que la volonté du Seigneur s'accomplisse ». Le Seigneur, veut dire, fera ce qui  semblera le meilleur à ses yeux. Les disciples se calaient donc et ne le pressent plus. Ils savaient sans doute que telle était ia volonté de Dieu, et ils le conjecturaient de l'ardeur de Paul. En effet, Paul n'eût pas été si ardent, et le Seigneur n'eût pas permis qu'il fût en danger, puisqu'il l'avait toujours retiré du danger. Paul et ses compagnons ne voulaient pas êtres charge à l'église, puisque quelqu'un leur donnait l'hospitalité; et ils n'exigeaient point qu'on leur fît honneur. « Les frères nous reçurent avec joie », dit l'auteur. On était alors en paix chez les Juifs, et il n'y avait pas de guerre comme auparavant contre les disciples. « Ils nous conduisirent chez celui qui devait nous donner l'hospitalité » , dit-il. Celui-là. reçut donc Paul comme son hôte.

Peut-être quelqu'un nous dira-t-il: Si l'on m'offrait de donner l'hospitalité à Paul, je la lui donnerais aussitôt et avec un grand plaisir. Voici que vous pouvez donner l'hospitalité au Maître de Paul et vous ne le voulez pas. « Celui, dit en effet le Christ, celui qui reçoit l'un de ces petits me reçoit ». (Matth. XVIII, 5 ; Luc IX, 48.) Plus votre frère est petit, plus le Christ vient vers vous avec lui. Celui qui reçoit quelqu'un de grand, souvent te fait par vanité ; celui qui reçoit un petit, le fait (230) seulement pour le Christ. Vous pouvez recevoir aussi le Père du Christ, et vous ne le voulez pas. J'étais étranger et vous m'avez recueilli, dit le Christ, et ailleurs il dit encore: « Autant vous aurez fait pour l'un de ces petits, autant vous aurez fait pour moi ». (Matth. XXV, 35, 40.) Quoique ce ne soit pas Paul, si c'est un fidèle et un frère, quelque petit qu'il soit, le Christ vient avec lui. Ouvrez votre demeure, et recevez-le. « Celui qui- reçoit un prophète, recevra la récompense du prophète » (Id. X, 41), dit l'Écriture : Celui donc qui reçoit le Christ, recevra la récompense de l'hospitalité donnée au Christ. Ne refusez pas foi à ses paroles, mais Soyez fidèle. Le Christ a dit lui-même : Je viens avec eux. Et pour que vous ne soyez pas incrédule, il décerne le supplice à ceux qui ne le reçoivent pas, et des honneurs à ceux qui le reçoivent ; ce qu'il n'eût pas fait, si ce n'était lui-même qui dût recevoir l'honneur ou l'injure. Vous m'avez reçu dans votre demeure, dit-il, je vous recevrai dans le royaume de mon Père ; vous avez apaisé ma faim, je vous purifierai de vos péchés ; vous m'avez vu dans les chaînes, je vous ferai voir dans la liberté ; vous m'avez vu étranger, je vous fais citoyen des cieux; vous m'avez .donné du pain , je vous donne mon royaume tout entier pour que vous le receviez et le possédiez comme votre héritage. « Venez, possédez l'héritage du royaume qui vous a été préparé ». Il ne dit pas : Recevez; mais « Possédez en héritage »; ce qui se dit de ceux qui possèdent en maîtres, comme lorsque nous disons : Je possède cela par héritage. Vous avez agi envers moi en secret, je le dirai en public : ce que vous avez fait, c'était par bienveillance; ce que je ferai, moi, ce sera pour payer ma dette. Parce que vous avez commencé, dit-il, je vous suis je fais comme vous, je ne rougis pas de publier le bien qui m'a été fait, non plus que de dire ce dont vous m'avez délivré : la faim, là nudité, le vagabondage. Vous m'avez vu dans les chaînes, vous ne verrez pas le feu de l'enfer; vous m'avez vu infirme, vous ne verrez pas les tourments et les supplices. O mains véritablement bénies celles qui servent à de tels ministères, et sont jugées dignes de servir le Christ ! Les pieds qui entrent dans les prisons à cause du Christ, méprisent facilement le feu ; elles ne sont pas chargées de chaînes, les mains qui ont servi le Christ dans les chaînes; vous lui avez donné un vêtement, vous serez revêtu du vêtement du salut; vous avez été en prison avec lui, vous serez avec lui dans son royaume; il publie ces choses sans rougir, il sait que vous l'avez visité. Le patriarche ne savait pas qu'il donnait l'hospitalité aux anges, et il les recevait. Rougissons, je vous en conjure; il était assis en plein midi sur la terre étrangère ; il n'avait pas où poser son pied, puisqu'il était étranger; étranger, il donnait l'hospitalité aux étrangers; n'était-il pas en effet citoyen des cieux? C'est pour cela que, même étant sur la terre, il n'était pas étranger. Nous sommes plus étrangers- sur la terre que cet étranger, nous qui ne donnons pas l'hospitalité ;. il n'avait pas de demeure; une tente lui servait d'asile. Voyez aussi comme il est magnifique: il tue un veau, et pétrit de la farine. Voyez aussi son zèle: il fait cela par lui-même et avec sa femme. Considérez son humilité: il s'incline devant ses hôtes et les invite.

4. Celui qui donne l'hospitalité doit avoir toutes ces choses : empressement, gaieté, libéralité. L'étranger est craintif, il rougit, et si on ne lui montre pas une joie plus qu'ordinaire, il se retire comme si on le méprisait; et recevoir ainsi est pire que ne pas recevoir. C'est pour cela que le patriarche s'incline devant ses hôtes et qu'il les reçoit en leur parlant, qu'il leur offre un siège. Quel étranger serait dans l'embarras étant ainsi accueilli? Quoique notas ne soyons pas sur la terre étrangère, si nous le voulons, nous pourrons imiter le patriarche. Combien de nos frères sont étrangers ? L'Église , que nous appelons une hôtellerie est une demeure commune; cherchez, vous aussi, asseyez-vous devant votre porte, recevez les étrangers. Si vous ne voulez pas les recevoir dans votre maison, fournissez-leur autrement le nécessaire. Mais quoi direz-vous, est-ce que l'Église ne l'a pas, ce nécessaire? Elle l'a sans doute, mais qu'est-ce que cela vous fait? De ce que, les étrangers seront nourris des biens communs dé l'Église, cela pourra-t-il vous servir? Est-ce que si un autre prie, vous ne devez pas prier? Pourquoi ne dites-vous pas? Est-ce que les prêtres ne priant pas? Pourquoi prierais-je? Mais moi, direz-vous, je donne à celui qui ne peut pas être reçu là. Donnez cependant à celui-ci. Ce que nous désirons surtout, c'est qu'on donne à tous. Écoutez ce que dit Paul : « Qu'il suffise aux besoins de celles qui sont vraiment (231)  veuves, et que l'Église ne soit pas surchargée ». (I Tim. V, 16.) Faites comme vous voulez, seulement faites quelque chose. Moi je ne dis pas : polar que l'Église ne soit pas surchargée; mais: pour que vous ne soyez pas surchargé. Par ce raisonnement vous ne ferez jamais rien, vous renverrez tout à l'Église. L'Église a assigné une demeure commune pour vous ôter ce prétexte.

Mais l'Église, direz-vous, l'Église a des revenus, des biens, des sommes à dépenser. Dites-moi, n'a-t-elle pas aussi des dépenses à faire ? n'a-t-elle pas des frais journaliers? Certainement. Pourquoi donc n'aidez-vous pas sa pauvreté? J'ai honte de dire ces choses, cependant je ne force personne. Si l'on pense que c'est un vil intérêt qui nous fait parler, faites vous-même une hôtellerie de votre maison; établissez-y un lit, établissez-y une table, mettez-y de la lumière. N'est-il pas absurde que, si des soldats arrivent, vous ayez pour eux,des de-' meures toutes prêtes, que vous y mettiez un grand soin; que vous leur fournissiez tout ce qu'il leur faut, parce qu'ils vous protégent durant la guerre qui vous fait sentir ce besoin; et que d'un autre côté vous n'ayez pas d'endroit où puissent demeurer les étrangers ? Faites mieux que l'Église : voulez-vous nous faire rougir? Agissez ainsi; surpassez-nous en libéralité ; ayez une demeure où le Christ vienne habiter; Dites : C'est ici la cellule du Christ; cette maison lui est destinée. Quoique ce soit une vile demeure, elle ne sera pas dédaignée. Le Christ, nu et étranger, voyage, il a besoin d'un toit. Fournissez-lui au moins cela; ne soyez point inhumain et cruel; si ardent pour les choses de la vie; et si froid pour les choses spirituelles. Que le plus fidèle de vos serviteurs soif chargé de cela; qu'il introduise les estropiés, les mendiants, ceux qui sont sans asile. Je dis cela pour vous faire honte. Il faudrait les recevoir dans le haut de votre demeure; si vous ne le voulez pas, recevez-les en bas; quoique fa soient les mulets et les serviteurs, recevez-y le Christ. Peut-être frémissez-vous en m'entendant. — Que dire cependant, si vous ne faites.même pas cela? Voici que je vous y exhorte; et que je vous dis : Que ceci soit l'objet de vos soins. Mais, direz-vous, ce moyen d'exercer l'hospitalité ne nous convient pas. —Alors, adoptez-en un autre. Il y a beaucoup de pauvres et de pauvresses; désignez quelqu'un uniquement pour les attendre; que le pauvre soit le gardien de votre maison; qu'il soit pour vous une enceinte et une muraille, un bouclier et une lance. Là où est l'aumône, le. diable n'ose pas approcher, non plus qu'un mal quelconque. Ne méprisez pas un si grand avantage. Il y a partout une place assignée au char et aux voitures; pour le Christ errant il n'y a aucune place. Abraham recevait les hôtes où il demeurait lui-même ; son épouse était là à la place de la servante, et eux à la place des maîtres. Il ignorait qu'il recevait le Christ; il ne savait pas qu'il recevait les anges; s'il l'eût su, il eût tout sacrifié. Mais nous, quoique nous sachions que nous recevons le Christ, nous ne montrons pas le zèle que déployait cet homme qui croyait recevoir des hommes.

Mais il y a, dira-t-on, beaucoup de trompeurs et d'ingrats. — Votre récompense en sera plus grande, parce que vous les recevez au nom du Christ. Si vous savez que ce sont des imposteurs, ne les recevez pas dans votre maison; si vous ne le savez pas, pourquoi les accusez-vous témérairement? C'est pour cela que je dis qu'ils aillent dans une hôtellerie. Quel moyen de défense avons-nous, puisque ceux-là,même que nous connaissons, nous ne les recevons pas et leur fermons la porte? Que notre maison soit l'hôtellerie du Christ. Réclamons d'eux notre récompense, non de l'argent, mais qu'ils fassent de notre demeure l'hôtellerie du Christ : allons de tous côtés, attirons-les, faisons-leur la chasse, nous recevrons plus de bien que nous n'en ferons nous-mêmes. Je ne commande pas de tuer le veau; donnez du pain au pauvre, un vêtement à l'homme nu, un toit à l'étranger. Ne prétextez pas qu'il y a la demeure commune de l'Église. Payez.en cet endroit, et. vous, donnez l'hospitalité, parce que chacun a la récompense de ce qui est fait par ses serviteurs. Les serviteurs du patriarche n'étaient pas formés comme les nôtres; ils couraient et ne murmuraient pas comme les nôtres, car il les avait rendus pieux. Il les mena à la guerre et ils ne murmuraient pas, tant ils étaient sages. Il prenait de tous autant de soin que de soi-même; car il disait sans doute comme Job : « Nous avons été formés du même sein ». (Job, XXXIII, 6.)

Prenons donc, nous aussi, soin de notre salut, et ayons une grande sollicitude pour nos serviteurs, afin de les. rendre honnêtes et vigilants, Que notre serviteur soit instruit des (232) choses de Dieu. La vertu ne nous sera pas difficile si nous les formons comme il convient. De même que, dans la bataille, si les soldats sont bien rangés, le général combat avec avantage, et que le contraire arrive s'ils sont mal disposés; de même que, lorsque les marins sont bien d'accord, le pilote dirige sans embarras; de même aussi, lorsque vos serviteurs seront instruits, vous ne vous irriterez pas facilement, vous ne gronderez pas, vous ne vous emporterez pas de colère, vous ne les injurierez pas. Il se peut faire que vous respectiez vos serviteurs, s'ils sont honnêtes; ils vous réjouiront et vous encourageront au bien. Par là toutes choses seront agréables, à Dieu; ainsi la maison entière sera remplie de bénédiction ; ainsi en faisant ce qui plait à Dieu nous jouirons abondamment du secours d'en-haut. Puissions-nous tous l'obtenir par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui appartiennent, au Père et à l'Esprit-Saint, gloire, puissance, honneur, maintenant et toujours, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

 

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