ACTES IV

HOMÉLIE IV. QUAND LES JOURS DE LA PENTECÔTE FURENT ACCOMPLIS, LES DISCIPLES ÉTAIENT TOUS ENSEMBLE EN UN MÊME LIEU, ET SOUDAIN UN BRUIT S'ENTENDIT VENANT DU CIEL. (ACT. II, 1, 2.)

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ANALYSE. 1. L'orateur explique d'abord les rapports qui existent entre la Pentecôte des Juifs et celle des chrétiens, et puis les raisons symboliques des langues de feu, sous lesquelles se montra l'Esprit-Saint.

2. Il dépeint ensuite l'étonnement où le don des langues jeta tous ceux qui en furent témoins, et puis il oppose l'excellence et-la supériorité du feu, comme emblème de l'action de l'Esprit-Saint, aux divers signes de l'inspiration qu'avaient reçus les prophètes de l'Ancien Testament, et il y trouve une preuve de la sainteté des apôtres. — Ceux-ci parlent toutes les langues, parce qu'ils doivent convertir tous les peuples, et tandis que les uns sont dans l'admiration d'un tel prodige, les autres l'attribuent à l'ivresse, ainsi que les ennemis de Jésus-Christ attribuaient ses miracles au prince des démons.

3. Mais Pierre élève la voix au nom des onze qui l'entourent : Quel homme ! et quel langage ! à un tel changement on reconnaît l'action divine de l'Esprit-Saint. — Ici l'orateur trace un éloquent parallèle entre les plus diserts philosophes, et ce pécheur du lac de Génézareth, qui, tout rempli d'une science céleste, confond les plus beaux génies, et réfute les plus subtils sophistes.

4. Il compare ensuite la doctrine et la morale de ce Platon, qu'on a surnommé divin, à la doctrine et à la morale de l'apôtre, et laisse à ses auditeurs de décider lequel des deux fait plus d'honneur à l'humanité. — Enfin il termine en exaltant de nouveau la vertu humble et.réelle des apôtres en opposition avec l'orgueil et la vanité des philosophes païens.

 

1. A quelle époque de l'année se célébrait la fête de la Pentecôte ? Au moment de mettre la faux dans la moisson., et de recueillir le froment; telle est la figure, et voici la vérité. Lorsque la faux de la parole évangélique doit être mise dans la moisson des âmes, le Saint-Esprit paraît, semblable à une faux aiguë. Aussi le Sauveur avait-il dit : « Levez vos yeux et regardez les campagnes, car elles blanchissent déjà pour la moisson »; et encore : « La moisson est grande et les ouvriers peu nombreux ». (Jean, IV, 355 Luc, X, 2.) Il s'empresse d'envoyer la faux, parce que le moment de la moisson était arrivé. Et, en effet, il en avait déjà comme recueilli les prémices en introduisant notre nature dans les cieux. « Quand les jours de la Pentecôte furent accomplis », c'est-à-dire, non avant la solennité, mais le jour même de la fête, et il y avait opportunité que la descente de l'Esprit-Saint s'opérât un jour de fête, afin que les témoins de la mort de Jésus-Christ vissent également ce prodige. « Et soudain un bruit s'en« tendit, venant du ciel ». Pourquoi la venue de l'Esprit-Saint,dst-elle annoncée par ces signes sensibles? Parce que, malgré ce concours de circonstances, si les Juifs dirent « ils sont, pris de vin », que n'eussent-ils pas dit dans toute autre hypothèse? Mais ce ne fut pas un bruit ordinaire, « il vint du ciel »; et comme il se fit entendre soudain , il excita l'attention des disciples. « Et il remplit toute la maison ». C'est un symbole de la puissance de l'Esprit-Saint. Soyez attentifs : saint Luc nous dit que tous lés disciples étaient réunis; en sorte que tous crurent sur le témoignage de leurs sens, et que tous devinrent ainsi des témoins dignes de foi.

Mais voici un nouveau prodige plus étonnant encore. « Et ils virent comme des langues de feu qui se partagèrent ». Ce n'est pas sans raison que l'écrivain sacré dit : « Comme des langues ». Il vent prévenir l'erreur de ceux qui croient que l'Esprit-Saint est un élément sensible; aussi dit-il : « comme un feu », et : « comme un vent ». Ce n'était donc pas un simple courant d'air. Lorsque ce même Esprit dut se manifester à Jean-Baptiste, il apparut (584) au-dessus de Jésus-Christ, sous la forme d'une colombe; et aujourd'hui qu'il s'agit d'évangéliser l'univers, il vient comme un feu ardent. « Et il s'arrêta sur.chacun d'eux »; c'est-à-dire, se fixa et se reposa sur chacun d'eux, car telle est la signification du verbe s'arrêter. Mais l'Esprit-Saint ne se reposa-t-il que sur les douze apôtres, à l'exclusion de tous les autres? Nullement, il se répandit également sur les disciples qui étaient au nombre de cent vingt. Aussi est-ce avec juste raison que saint Pierre cite ce passage d'un prophète : « Dans ces derniers temps, dit le Seigneur Dieu, je répandrai mon Esprit sur toute chair; et vos fils et vos filles prophétiseront; vos jeunes gens auront des visions, et vos vieillards auront des songes ». (Joël, 11, 28.)

Observez aussi que ce ne fut pas seulement pour frapper d'étonnement les disciples, mais encore pour les remplir de grâce que l'Esprit-Saint s'annonça sous le double symbole du vent et du feu. C'est pourquoi saint Luc ajoute « Qu'ils furent tous remplis de l'Esprit-Saint, et qu'ils commencèrent à parler diverses langues, selon que l'Esprit-Saint leur donnait « de les parler ». Ce don des langues, inouï jusqu'alors, fut le seul signe des opérations du divin Esprit, et il était un témoignage bien suffisant. Mais ce divin Esprit « s'arrêta sur chacun d'eux »; par conséquent sur Joseph qui n'avait pas été élu, et qui n'eut plus à envier la préférence donnée à Matthias. « Et tous furent remplis » ; c'est-à-dire que la grâce de l'Esprit-Saint ne leur fut point départie comme avec mesure, mais dans toute sa plénitude. « Et ils commencèrent à parler  diverses langues, selon que l'Esprit-Saint leur donnait de les parler ». Saint Luc n'eût point dit « tous », s'il n'eût voulu désigner que les apôtres, et si ce don n'eût été communiqué également à tous les autres disciples. Et, en effet, puisqu'il avait précédemment désigné les apôtres chacun par son nom, il lui eût suffi de constater ici leur présence.

Observez encore que l'Esprit-Saint descendit sur les disciples dans le temps qu'ils persévéraient dans la prière et l'union des coeurs. Ces mots : « Comme des langues de feu », nous rappellent un autre prodige de ce genre, celui du buisson ardent. « Selon que l'Esprit-Saint leur donnait de parler », car toutes leurs paroles étaient autant de sentences. « Or, il y avait à Jérusalem », poursuit saint Luc,  « des Juifs religieux qui y habitaient ». C'était par un motif de religion que ces Juifs s'y étaient fixés. Et, comment? Parce que pour le faire ils avaient dû, étant de diverses contrées, quitter leur patrie, leurs biens et leur famille. Aussi saint Luc dit-il « qu'il y avait à Jérusalem des habitants, Juifs religieux, de toutes les nations qui sont sous le ciel ; et ce bruit s'étant répandu, il s'en assembla un grand nombre, et ils furent fort étonnés ». Le prodige s'était accompli dans l'intérieur de la maison, et une légitime curiosité y faisait accourir tous ceux qui en entendaient parler. « Et ils étaient fort étonnés ». Que signifie cette expression? Elle marque en eux un mélange de trouble et d'admiration.

Mais saint Luc nous révèle la cause de cette disposition, quand il ajoute que « chacun les entendait parler en sa langue. Or, cette multitude s'entredisait : Ces gens-là qui parlent, ne sont-ils pas tous Galiléens ? » Voyez-vous comme tous les esprits et les regards se tournent vers les apôtres. « Comment donc les entendons-nous parler chacun la langue du pays où nous sommes nés? Parthes, Mèdes, Elamites, ceux qui habitent la Mésopotamie, la Judée, la Cappadoce, le Pont et l'Asie, la  Phrygie et la Pamphylie, l'Égypte et cette partie de la Lybie qui est proche de Cyrène, et ceux qui sont venus de Rome, Juifs aussi et prosélytes, Crétois et Arabes, nous les entendons parler, chacun en notre langue, des merveilles de Dieu. Ils étaient donc dans la stupeur et l'admiration, se disant l’un à l'autre : Que veut dire ceci? » (Act. II, V, 12.) Les voyez-vous accourir de l'Orient et de l'Occident? « Mais quelques-uns se moquaient, disant : C'est qu'ils sont pleins de vin nouveau ».

2. Quelle impudence et quelle malignité ! car la Pentecôte ne tombait pas au temps de la vendange. Mais, ô comble de la malice ! tandis que tous les autres, Romains, prosélytes, et peut-être même les bourreaux qui avaient crucifié le Christ , reconnaissent la vérité du prodige; ces Juifs ne savent répondre aux nombreux miracles qu'opèrent les apôtres que par cette raillerie : « Ces gens sont pleins de vin nouveau ». Mais reprenons l'explication des premiers versets. « L'Esprit-Saint », dit saint Luc, « remplit toute la maison ». Ce divin Esprit fut pour les apôtres comme une piscine d'eau, et le feu (585) marquait, la plénitude de la grâce et la véhémence du zèle. Ce n'est pas ainsi que ce même Esprit se communiquait aux prophètes, et il le faisait d'une manière moins solennelle. Le Seigneur présenta un livre à Ezéchiel; et il lui dit: Dévore ce livre qui contient ce que tu devras dire. « Et je dévorai le livre », dit le prophète, « et il fut dans ma bouche comme le miel le plus doux ». (Ezéch. III, 3.) A l'égard de Jérémie, c'est la main du Seigneur qui toucha ses lèvres. (Jérém. I, 9.) Mais ici l'Esprit-Saint paraît en personne, et se montre ainsi égal en gloire au Père et au Fils.

Ezéchiel dit encore : « Je vis un livre qui contenait des plaintes lugubres, des malédictions et des calamités ». (Ezéch. II, 9.) La tradition de ce livre lui fut une preuve suffisante de l'inspiration divine : et, en effet, il avait besoin d'en être averti par quelque signe; mais, du reste, il n'était envoyé qu'à une seule nation, et à ses concitoyens. Les apôtres, au contraire, devaient se répandre dans le monde entier, et parmi des peuples inconnus. Le manteau d'Elie fut pour Elisée le gage des dons de prophétie et de miracles, David reçut avec l'onction sainte celui de l'inspiration divine, et du milieu du buisson ardent le Seigneur confia à Moïse la mission de délivrer .Israël. Mais ici se révèle un ordre de choses tout nouveau, le feu lui-même s'arrête sur chacun des disciples. Eh ! pourquoi ce feu ne parut-il pas embraser toute la maison? Parce que tous en eussent été effrayés. Au reste, c'est ce qui eut effectivement lieu, car il faut faire plus attention à ce globe de feu qui parut alors, qu' « à ces langues qui se partagèrent». Eh ! combien devait être immense le foyer d'un aussi vaste incendie ! Saint Luc dit aussi avec raison que les langues « se partagèrent », parce qu'elles partaient toutes d'un même tronc, et qu'elles recevaient leur force et leur énergie du divin Paraclet.

Observez encore qu'alors pour la première fois fut manifestée la sainteté des apôtres; aussi, reçurent-ils l'Esprit-Saint. Nous voyons également que David ne se montra pas moins fidèle au Seigneur après qu'il eut triomphé de ses ennemis, qu'il ne l'avait été lorsqu'il gardait les troupeaux; que Moïse, qui avait méprisé les palais des rois, prit en mains, après quarante ans, la conduite du peuple hébreu; que Samuel, élevé dans le temple, devint juge en Israël, et qu'Elisée et Ezéchiel, qui avaient tout quitté, reçurent le don de prophétie. La suite des faits prouve qu'il en avait été ainsi des apôtres, et qu'ils avaient eux-mêmes tout abandonné. C'est pourquoi l'Esprit-Saint vint en eux, parce qu'ils avaient fait preuve de vertu et de générosité. Ils avaient appris par leur propre expérience à connaître la faiblesse de l'homme, mais ils apprirent alors quel est le mérite de la pauvreté volontaire.

Saül reçut l'Esprit-Saint lorsque Samuel lui rendit témoignage qu'il était homme de bien. Mais personne ne l'a jamais reçu de la même manière que les disciples, pas même Moïse, le plus grand de tous les prophètes. Et en effet, il perdit quelque chose de sa plénitude, lorsque son esprit se reposa. sur Josué. Ici rien de semblable. Vous allumez à un brasier autant de lampes que, vous voulez, sans diminuer son volume ; et c'est ce qui arriva aux apôtres. Au reste, ce feu montrait moins l'abondance de la grâce qu'il ne signifiait la source même de l'Esprit-Saint où ils puisaient, et on peut y trouver un rapport réel avec cette parole du Sauveur : « Je donnerai à celui qui croira en moi, je lui donnerai une fontaine d'eau jaillissante jusqu'à la vie éternelle ». (Jean, IV, 14.) Or, il était bien à propos que la plénitude de l'Esprit-Saint se répandît sur les apôtres, car ils ne devaient point disputer avec un Pharaon, mais combattre contre le démon. Leur empressement à accepter cette lutte n'est pas moins admirable; ils ne s'autorisent point de l'exemple de Moïse pour dire que leur parole était lente et leur langue embarrassée, et ils n'allèguent point avec Jérémie leur inexpérience. Mais, quoiqu'ils aient entendu des prédictions plus effrayantes et plus élevées, ils n'osent se refuser à l'ordre du Seigneur. Nous pouvons donc en conclure qu'ils furent réellement des anges de lumière et les dispensateurs des vérités éternelles.

Jusqu'à ce jour les apôtres n'avaient été favorisés d'aucune vision céleste. Mais dès que l'homme-Dieu fut monté au plus haut des cieux, l'Esprit-Saint en descendit « pareil à un vent violent qui s'approche ». C'était déclarer aux apôtres que rien ne leur résisterait, et qu'ils disperseraient leurs ennemis comme une poussière légère. « Et il remplit toute la maison ». Cette maison figurait l'univers entier. « Et il s'arrêta sur chacun d'eux, et une grande multitude s'assembla et fut tout (586) étonnée ». Voyez la piété des apôtres: ils ne se hâtent pas,de parler et hésitent à rompre le silence. Les méchants, au contraire, s'écrient soudain : « Ces gens sont pleins de vin nouveau ». La loi ordonnait aux Juifs de se présenter au temple"troïs fois chaque année, et c'est pourquoi des hommes religieux de toutes les nations demeuraient à Jérusalem. Cette circonstance prouve combien l'auteur du livre des Actes cherche peu à flatter les Juifs. Et, en effet, il ne dit point qu'ils se soient exprimés en belles paroles, et il se contente d'écrire : « Ce bruit s'étant répandu, une grande multitude s'assembla et fut tout étonnée ».

Au reste, cet étonnement était tout naturel, car les Juifs croyaient que par la mort de Jésus-Christ tout était fini. Cependant leur conscience se troublait à la vue de ce sang dont leurs mains étaient encore toutes dégouttantes, aussi s'effrayaient-ils de tout : « Est-ce », disent-ils, « que tous ceux qui parlent ne sont pas Galiléens? » Eh oui ! les apôtres étaient véritablement de la Galilée, et ils ne s'en cachaient pas. D'ailleurs le bruit de ce vent impétueux avait tellement saisi les esprits, qu'une grande multitude dé toutes les nations du monde s'était rassemblée. Quant aux apôtres, ils puisaient une nouvelle assurance dans ce fait, qu'ignorant l'idiome persan, ils apprenaient des Perses eux-mêmes qu'ils le parlaient. Saint Luc cite ici en particulier des peuples ennemis des Juifs pour annoncer que les apôtres devaient les soumettre au joug de l'Evangile.

3. Mais comme les Juifs étaient, à cette époque, dispersés au milieu des nations, il est vraisemblable que plusieurs gentils se trouvaient alors à Jérusalem, car la connaissance de la loi avait été répandue parmi eux. Ils étaient donc présents en grand nombre, et pouvaient rendre témoignage de ce qu'ils avaient entendu. Ainsi tous s'accordaient pour attester unanimement le prodige, les indigènes, les étrangers et les prosélytes. « Nous les entendons », disent-ils, « parler en notre langue des grandeurs de Dieu ». C'est que la parole des apôtres n'était point une parole vulgaire, mais un langage sublime. C'est pourquoi ils hésitaient d'abord , car jamais semblable prodige ne s'était vu. Observez aussi parmi cette foule la probité des uns; ils s'étonnent, et expriment leur étonnement par cette exclamation : « Que veut dire ceci? Mais d'autres disaient en se moquant : Ils sont pleins de  vin nouveau ». O impudence! Et toute s n'en soyons pas surpris, puisqu'ils ont bien dit que le Sauveur qui chassait les démons, était lui-même possédé du démon. (Jean, VIII, 48.) Ici comme toujours, l'intempérance de la langue ne cherche qu'à se répandre, et peu lui,importe qu'elle déraisonne; pourvu qu'elle parle.

« Ils sont pleins de vin nouveau » ; oui, c'est par l'effet d'une ivresse toute céleste que des hommes exposés à mille dangers, craignant la mort et plongés dans une profonde tristesse, osent tenir un tel langage. Au reste, il n'est pas inutile d'observer que ce reproche était si peu vraisemblable, que son énonciation seule prouvait «eux-mêmes étaient troublés par les fumées du vin. Ils expliquaient donc la conduite et le langage des apôtres, en disant: « Ils sont pleins de vin nouveau. Mais Pierre, se tenant debout avec les onze, éleva la voix et dit » : Vous avez admiré son esprit de sagesse dans l'élection de Matthias, admirez ici son courage. Et en effet, au milieu de cette stupeur et de cet étonnement général, ce n'était pas un prodige `moins surprenant qu'un homme simple et ignorant osât parler devant une aussi grande multitude. Car si quelquefois on se trouble dans un cercle d'amis, Pierre ne devait-il pas être tout interdit en s'adressant à des ennemis qui ne respiraient que le sang et le meurtre? D'ailleurs, le son seul de sa voix prouva que ni loi, ni ses collègues n'étaient ivres, et fit connaître qu'ils n'étaient point, comme les prêtres des idoles, agités de transports furieux, ou dominés par quelque violence extérieure. Que signifie cette parole : « avec les onze ? » Elle marque que tous avaient également reçu le don des langues, et que tous parlaient par là bouche de Pierre. C'est pourquoi les onze l'entourent, confirmant sa parole par leur témoignage. « Il éleva donc la voix et dit » : c'est-à-dire, qu'il s'exprima avec une rare intrépidité.

Or, Pierre n'agissait ainsi que pour faire comprendre aux Juifs quels miracles venait de produire la grâce de l'Esprit-Saint. Et en effet, ce même homme, qui avait tremblé à la voix d'une servante, parle hardiment au milieu d'un peuple nombreux qui ne respiré que le sang et le meurtre. Mais il fallait qu'il fût bien assuré de la résurrection de Jésus-Christ, pour qu'il en parlât avec une pleine assurance à des gens qui ne savaient que rire et se moquer.

 

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Eh ! n'était-ce donc point tout ensemble légèreté, impiété et impudence que d'attribuer à l'ivresse ce don merveilleux des langues? Mais cette froide raillerie ne troubla point les apôtres et ne les intimida point. Car la présence de l'Esprit-Saint les avait comme transformés et rendus supérieurs à tout sentiment bas et terrestre. Oui, quand l'Esprit-Saint remplit une âme, d'un vase de terre il en fait un vase d'or. Eh ! voyez Pierre ! Est-ce encore cet apôtre timide et insensé, auquel Jésus-Christ disait : « Et vous aussi êtes-vous sans intelligence ? et qu'il appelait Satan, même après son admirable profession de foi? (Matth. XV, 46 ; XVI, 23.)

Admirez également l'union qui règne entre tous les apôtres. Ils cèdent la parole à Pierre, parce qu'il né fallait pas que tous parlassent à la fois. « Pierre éleva donc la Voix » ; et il parla aux Juifs avec une grande hardiesse Voilà donc ce que c'est que d'être un homme spirituel, et pour que tout nous soit facile, il suffit que nous nous rendions dignes de recevoir les dons de l'Esprit-Saint. L'incendié qui rencontre des matières inflammables se nourrit et se développe avec une nouvelle rapidité, et dévore souvent ceux qui tentent d'arrêter ses progrès. C'est ce que l'on vit au jour de la Pentecôte; ou plutôt supposez un combat entre un homme qui porte un réchaud ardent, et un autre qui est tout chargé de paille et de foin, et vous comprendrez avec quelle supériorité les apôtres engagèrent la lutté. Le nombre de leurs adversaires les fit-il jamais reculer? N'avaient-ils pas à combattre l'indigence et la faim, la honte et l'infamie, l'insulte et là raillerie, car on les considérait comme de vils imposteurs? Tous ces maux fondaient sur eux, et ils étaient également en butte aux sarcasmes des uns et aux moqueries des autres. Nous les voyons encore exposés aux fureurs d'un peuple insensé, aux séditions et aux embûches; aux bûchers, aux glaives et aux bêtes féroces. De toutes parts on leur déclarait une guerre cruelle, et ils semblaient aussi insensibles à toutes ces persécutions que si elles n'eussent été qu'un rêve ou une ombre vaine. Que dis-je? Après avoir épuisé sur eux-mêmes toute la fureur de leurs ennemis, ils leur firent éprouver les mêmes anxiétés; car l'écrivain sacré nous les représente en proie à la colère et à la crainte, à l'incertitude et à la frayeur. C'est pourquoi ils s'écrient : « Voulez-vous donc faire tomber sur nous le sang de cet homme? » (Act. V, 28.)

Mais il n'est pas moins admirable de voir les apôtres nus et sans armes engager le combat contre des ennemis armés de toutes pièces, et lutter, faibles et infirmes, contre des princes qui avaient pour eux la puissance et l'autorité. Ignorants et peu orateurs, ils entraient en dispute avec des jongleurs et des magiciens, des sophistes, des rhéteurs et des philosophes qui avaient vieilli dans les chicanes de l'académie et du portique. Et cependant Pierre, qui n'avait fréquenté que les bords du lac de Génésareth, en triompha comme s'ils n'eussent été que des poissons muets. En vérité, il les vainquit avec autant de facilité qu'un pêcheur prend des poissons muets. Le fameux Platon, qui a débité tant de belles choses, se tait lui-même, tandis que Pierre parle aux Juifs, aux Parthes, aux Mèdes, aux Elamites, aux Indiens, et enfin à tous les peuples et aux nations les plus éloignées. Que devient aujourd'hui l'orgueil de la Grèce, le nom d'Athènes, et les rêve ries de ses philosophes? Pierre de Galilée, Pierre de Bethsaïde, Pierre t'ignorant les a tous surpassés. Mais, je vous en conjure, ne rougissez point de la patrie ni du nom de votre vainqueur; car, si vous voulez savoir son nom, il s'appelle Pierre, et ce vous sera une nouvelle confusion. Ce qui vous a perdu, c'est que vous avez méprisé la simplicité, et trop exalté l'éloquence. Vous vous êtes trompés de route, et ana lieu dé suivre la voie royale , facile et unie, vous avez pris un sentier rude, escarpé et difficile. Aussi n'avez-vous pu arriver au royaume des cieux.

4. Pourquoi donc, me direz-vous, Jésus-Christ ne s'est-il pas, de préférence, révélé à Platon, ou à Pythagore ? Parce que Pierre montrait plus de dispositions pour cette divine philosophie. Car les premiers n'étaient que des enfants, et ne recherchaient que la vanité de la gloire humaine ; le second, au contraire, était un homme mûr, et vraiment ami de la sagesse. Aussi était-il capable de recevoir les dons de la grâce. Vous riez peut-être de mes paroles, et je ne m'en étonne point, car les Juifs aussi se moquaient des apôtres, et disaient qu'ils étaient pleins de vin nouveau. Mais lorsque; quelques années après, ils furent en proie aux maux les plus extrêmes, et qu'ils virent la prise de Jérusalem et la démolition de ses murailles, l'incendie du temple et ces calamités (588) qu'on ne peut décrire, ils n'eurent plus envie de rire. Eh bien ! vous aussi, vous ne rirez plus au jour du jugement, et en face des feux de l'enfer.

Mais pourquoi parler de l'avenir? Désirez-vous connaître quel a été Pierre et quel a été Platon? Etudions leur conduite, leurs moeurs et leur doctrine. Platon a consacré son existence à formuler des aphorismes vains et inutiles. Car de quelle utilité m'est-il de savoir que l'âme d'un philosophe se transforme en mouche? En vérité, si l'âme de Platon n'a pas été transformée en mouche, du moins elle n'a pas bourdonné moins pertinemment qu'une mouche. Quelles niaiseries ! Et un esprit sage peut-il débiter de semblables rêveries ! Au reste, Platon était naturellement ironique et jaloux de tous. C'est pourquoi il s'est comme attaché à ne produire rien d'utile, ni par lui-même, ni par les autres. Ainsi il a emprunté à Pythagore le dogme de la métempsycose et a promulgué lui-même la théorie d'une république dont plusieurs lois sont infâmes. Que les femmes, dit-il, soient communes; que les jeunes filles paraissent nues devant les jeunes gens, et que les parents et les enfants ne se connaissent point. Est-il rien de plus insensé?

Mais en voilà assez pour Platon. Dans le christianisme, au contraire, ce n'est plus la nature, mais la philosophie de Pierre qui, au nom de la charité , déclare que tous les hommes sont frères, et corrige ainsi la doctrine scandaleuse de Platon. Car celui-ci ne cherchait qu'à introduire dans la famille un adultère et à faire rejeter le véritable père. N'était-ce pas plonger l'âme dans l'ivresse et la fange des passions? Aussi disait-il avec une cynique hardiesse : Que les femmes soient communes. Si je rapportais les théogonies des poètes, on m'accuserait de débiter des fables, mais ces philosophiques rêveries ne sont-elles pas plus ridicules encore ? Et jamais les poètes ont-ils propagé d'aussi monstrueuses doctrines? Ce prince des philosophes transforme encore la femme en amazone et l'arme d'un casque et d'une cuirasse. Enfin, il ose dire que l'homme et le chien sont une seule et même espèce, parce que dans l'un comme dans l'autre, il y a union des deux sexes. Peut-on déraisonner plus cyniquement !

Mais ici, je ne puis que reconnaître l'action du démon qui s'efforce de prouver que l'homme est l'égal de la bruite; et c'est par son inspiration que des philosophes ont accrédité cette absurde et dangereuse doctrine, et qu'ils ont dit que la brute était, comme l'homme, douée de raison. Eh ! voyez quel désordre règne parmi eut sur la question de l'âme. Les plus savants ont dit que notre âme se transformait en mouche, en chien et en bête; et leurs successeurs, rougissant d'une telle doctrine, sont tombés dans une autre non moins honteuse. Car ils veulent que l'animal entre en partage de la raison humaine, et ils nous montrent comme plus excellentes que l'homme les créatures qui ont été faites pour son service. Que dis-je? Ils leur accordent même le don de prescience et le sentiment religieux. Le corbeau et la corneille, disent-ils, connaissent Dieu, et comme les prophètes, ils prédisent l'avenir. Les chiens, au témoignage de Platon, forment une véritable république qui a ses lois, qui observe la justice, et qui même connaît la jalousie. Peut-être ne m'en croyez-vous pas? Je n'en suis pas surpris, car vous êtes nourris des saines doctrines du christianisme; et, accoutumés à ces viandes délicieuses, vous ne pouvez regarder comme un homme celui qui se repaît de telles ordures.

Mais lorsque nous reprochons aux païens ces fables insipides,- ils nous répondent que nous ne les comprenons pas. Ah ! plaise au ciel que jamais nous ne comprenions de pareilles inepties ! Au reste, il ne faut pas être bien savant pour découvrir l'abîme où nous conduisent cette impiété et cette confusion de toutes choses. Comme le corbeau, vous répétez, ô insensés, ce que vous n'entendez pas vous-mêmes, et vous agissez en enfants, car vous êtes de véritables enfants. Mais Pierre tient un tout autre langage, et sa parole est comme une vive lumière qui chasse les ténèbres et dissipe la nuit ,profonde qui enveloppait l'univers. Et muant à son mérite personnel, que dirai-je de sa douceur et de sa charité? Combien il était éloigné de tout sentiment de vanité; et quoiqu'il ressuscitât les morts, il regardait le ciel avec une humble simplicité. Si jamais un de ces prétendus philosophes eût pu, par des opérations magiques, produire quelque chose qui ressemblât à un tel miracle, n'eût-il pas immédiatement exigé qu'on l'honorât comme un Dieu et qu'on lui dressât des autels et des temples? Mais les apôtres opèrent chaque jour ces miracles, et ils n'imaginent rien de semblable.

 

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Que sont, en réalité, les divinités du paganisme: Minerve, Apollon et Junon? Des démons qui se font adorer sous ces divers noms. Et est-il un roi idolâtre qui ne désire mourir pour obtenir les honneurs de l'apothéose? Combien la conduite des apôtres est opposée ! Car, écoutez ce que disent Pierre et Jean après la guérison du boiteux: « Hommes d'Israël, pourquoi nous regardez-vous , comme si par notre vertu ou notre puissance nous avions fait  marcher cet homme ? » Et dans une autre circonstance, ils s'écrient : « Nous sommes mortels et hommes comme vous ». (Act. III, 12; XIV, 14.) Dans les philosophes, au contraire, tout est orgueil, arrogance et recherche de la gloire ; le vrai amour de la philosophie ne dirigea jamais leur conduite. Or, dès qu'on n'agit que par désir de la gloire, tout se ressent de cet esprit vil et grossier; et quelles que soient d'ailleurs ses qualités extérieures, le philosophe qui ne possède pas celle-ci, n'est point véritablement ami de la sagesse; il n'est que l'esclave d'une violente et honteuse passion. Mais le mépris de la gloire humaine est bien propre à nous enseigner la vertu et à chasser de notre âme toute affection vicieuse. Je vous exhorte donc à faire tous vos efforts pour guérir en vous cette maladie, car c'est le seul moyen de nous rendre agréables à Dieu et d'attirer sur nous le bienveillant regard de cet oeil qui ne se ferme jamais. Ainsi, employons tous nos soins à acquérir les dons célestes, à fuir les maux présents et à mériter les biens éternels, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui soient, avec le Père et l'Esprit-Saint, la gloire, l'honneur et l'empire, maintenant, toujours et dans tous les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.

 

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