ACTES XII

HOMÉLIE XII. MAIS JOSEPH, QUI FUT SURNOMMÉ PAR LES APÔTRES BABNABAS (CE QUI EST INTERPRÉTÉ FILS DE CONSOLATION), LÉVITE, ORIGINAIRE,DE CHYPRE, AYANT UN CHAMP, LE VENDIT, EN APPORTA LE PRIX ET LE DÉPOSA AUX PIEDS DES APÔTRES. VERS. 36, 37, JUSQU'AU VERS. 16 DU CHAP. V.)

 

ANALYSE. 1. Histoire d'Avanie et de Sapphire punis pour avoir menti au Saint-Esprit, et dérobé une partie de ce qu'ils avaient déjà consacré au Seigneur.

2. Justice, nécessité et utilité du châtiment d'Avanie et de Sapphire.

3. Sagesse et puissance de saint Pierre.

4. Contre les serments et les parjures.

 

1. Sur le point de raconter l'histoire d'Avanie et de Sapphire, et avant de montrer un homme tombé dans un très-grand péché , saint Luc en rappelle un autre qui s'était bien conduit ; pour faire voir qu'an sein d'une multitude ainsi réglée, malgré une si grande grâce, au milieu de tant de signes miraculeux, Ananie, sans se corriger par l'exemple des autres, mais une fois aveuglé par l'avarice, a attiré le châtiment sur sa tête. « Ayant un champ », ce qui indique qu'il n'en avait qu'un, « le vendit, en apporta le prix et le déposa aux pieds des apôtres. Or, un homme nommé Ananie avec Sapphire, son épouse, vendit ce qu'il possédait, et frauda sur le prix du champ, sa femme le sachant, et en apportant une certaine partie, la déposa aux pieds des apôtres ». Ce qu'il y avait de grave, c'est que la faute leur était commune et qu'il n'y avait pas d'autre témoin. Comment cette pensée était-elle venue à ce malheureux? « Mais Pierre lui dit: Avanie, pourquoi Satan a-t-il rempli ton coeur, au point de te faire mentir au Saint-Esprit et détourner une partie du prix de ton champ ? » Voyez encore ici un signe éclatant, beaucoup plus grand même que le premier. « Restant entre tes mains, ton champ n'était-il pas à toi? et vendu, le prix n'était-il pas encore en ta puissance? » C'est-à-dire : A-t-on usé de force? est-ce qu'on t'a fait violence ? vous attire-t-on malgré vous ? « Pourquoi as-tu formé ce dessein dans ton coeur? Ce n'est pas aux hommes, mais à Dieu que tu as menti. En entendant ces paroles, Ananie tomba et expira » : Et pourquoi ce signe est-il plus grand que l'autre ? Parce que la parole de Pierre donne la mort, parce qu'il lit dans la conscience et connaît des choses faites en secret. « Et tous ceux qui entendirent cela furent saisis d'une grande crainte. Des jeunes gens se levant, emportèrent le mort et allèrent l'ensevelir. Or, il s'écoula un espace d'environ trois heures, et sa femme, ignorant ce qui s'était passé, entra. Pierre lui dit : Répondez-moi : est-il vrai que vous avez vendu votre champ un tel prix? » Il voulait la sauver, car le mari était l'auteur de la faute. C'est pourquoi il s'empresse de lui offrir l'occasion de se justifier et la faculté de se repentir. C'est ce qui lui fait dire : « Répondez-moi : est-il vrai que vous avez vendu votre champ un tel prix? Oui, (42) répondit-elle. Mais Pierre reprit: Pourquoi vous êtes-vous concertés pour tenter le. Saint-Esprit? Voilà à la porte les pieds de ceux qui ont enseveli votre époux et ils vont vous emporter. Aussitôt elle tomba à ses pieds et expira. Les jeunes gens en entrant là trouvèrent morte, l'emportèrent et l'ensevelirent près de son époux. Et une grande frayeur se répandit dans toute l'Eglise et chez tous ceux qui apprirent ces choses ». Mais à la suite de cette frayeur, les signes se multiplièrent ; écoutez-en la preuve : « Il s'opérait beaucoup de signes et de prodiges dans le peuple par les mains des apôtres. Ils étaient tous réunis dans le portique de Salomon; et aucun des autres n'osait se joindre à eux; mais le peuple les exaltait ». Et c'était juste. Pierre était réellement terrible, lui qui reprochait et punissait les pensées les plus secrètes. On s'attachait particulièrement à lui, et à cause du miracle et à cause de son premier, de son second et de son troisième discours. C'était lui qui avait fait le premier et le second miracle, et encore celui-ci qui ne me semble pas simple, mais double, puisque d'abord il a pénétré le secret des consciences, et qu'ensuite la mort a obéi à ses ordres. « Mais le nombre de ceux qui croyaient au Seigneur, hommes et femmes, augmentait; de sorte qu'ils portaient les malades dans les places publiques et les déposaient sur des lits et des grabats, afin que quand Pierre viendrait, son ombre au moins couvrit quelqu'un d'eux». Cela n'a pas eu lieu pour le Christ; ainsi s'est réalisé ce qu'il avait dit : « Celui qui croit en moi fera les oeuvres que je fais et en fera de plus grandes encore ». (Jean, XIV, 12.) « Or, la foule accourait des villes voisines de Jérusalem, apportant des malades et ceux qui étaient tourmentés par les esprits impurs, et tous étaient guéris ».

Mais considérez avec moi comme toute leur vie est remplie de contrastes. D'abord, découragement à cause de l'ascension du Christ, puis courage à cause de la descente de l'Esprit; nouveau découragement, à raison des railleries, puis joie à cause des fidèles et du miracle; tristesse encore, parce qu'ils ont été saisis, puis contentement parce qu'ils ont pu se justifier. Et ici encore nous trouvons joie et tristesse: joie parce qu'ils brillent aux yeux des hommes, et qu'ils jouissent des révélations divines; tristesse parce qu'ils donnent la mort même à leurs frères; joie à cause de leur éclat, tristesse de la part du prince des prêtres. Du reste, c'est ce que nous pouvons voir partout, même chez les anciens, si nous voulons regarder attentivement. Mais reprenons ce qui a été dit plus haut : « Ils vendaient et apportaient les prix et les mettaient aux pieds des apôtres». Vous voyez, mon cher, qu'ils ne donnaient point aux apôtres la peine de vendre, mais qu'ils vendaient eux-mêmes et leur remettaient les prix. Ananie n'agit point ainsi: il soustrait une partie du prix du champ qu'il a vendu, et il est puni pour s'être mal conduit et avoir été surpris à dérober ce qui lui appartenait. Ceci est un reproche, et un reproche très-vif, à l'adresse des prêtres d'aujourd'hui. Et comme sa femme était complice, l'apôtre l'interroge à son tour.

2. Mais, dira-t-on peut-être, elle a été traitée bien durement. Que dites-vous? Quelle dureté y a-t-il là, de grâce? Si un homme qui a ramassé du bois est lapidé, à combien plus forte raison doit l'être un voleur sacrilège. Or, cet argent était déjà sacré. Par conséquent, celui qui avait voulu vendre son bien et en donner le prix, devenait certainement sacrilège en en soustrayant une partie. Or, si celui qui soustrait de son propre bien, est sacrilège, à plus forte raison celui qui dérobe du bien d'autrui. Et si les choses ne se passent plus ainsi, si le châtiment n'est plus, immédiat, n'allez pas croire à l'impunité. Voyez-vous qu'on lui fait un crime d'avoir dérobé une partie de l'argent qu'il avait rendu sacré? Ne pouviez-vous pas, lui dit l'apôtre, user de votre bien, même après l'avoir vendu? Vous en a-t-on empêché? Pourquoi le retirez-vous, après l'avoir promis? Voyez comme dès l'abord le diable se met à l'oeuvre, au milieu de si grands signes et de si grands prodiges, et surtout comment il a aveuglé ce malheureux. Un fait de ce genre s'est passé dans l'ancienne loi, quand Charmé (1) fut convaincu d'avoir soustrait des objets voués à l'anathème; et vous savez cependant quelle punition on en tira. Car, mon cher auditeur, le vol des choses sacrées est un péché extrêmement grave, un acte de souverain mépris. Nous ne vous avons point forcé de vendre, ni de nous donner votre argent après avoir vendu; vous avez agi par votre propre volonté : pourquoi donc dérobez-vous quelque

 

1 La Vulgate porte Achan, fils de Charmé (Jos. VII, 1.)

 

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chose d'objets consacrés? « Pourquoi Satan « a-t-il rempli ton coeur? » Mais si Satan est le coupable , pourquoi accuser Ananie? Parce qu'il a cédé à la puissance de Satan et en a été rempli. Il fallait le corriger, dira-t-on. Mais il ne se serait pas corrigé : celui qui avait eu sous les yeux de tels spectacles et n'en avait tiré aucun profit, se fût encore bien moins amendé par d'autres moyens. Et pourtant on ne pouvait passer légèrement là-dessus ; il fallait retrancher cette gangrène de peur que le corps entier n'en fût infecté. Ici, c'est l'avantage du coupable lui-même, qu'on l’empêche d'aller plus loin dans le mal, et ensuite tous les autres en sont rendus plus vigilants; dans l'autre supposition, t'eût été le contraire. C'est pourquoi Pierre réprimande d'abord et fait voir que la faute ne lui a point échappé, ensuite il prononce l'arrêt. « Pourquoi », lui dit-il, « as-tu fait cela ? » Tu voulais posséder? Il fallait conserver dès le commencement et ne pas promettre ; mais maintenant que tu reprends après avoir consacré, c'est commettre un plus grand sacrilège. Celui qui prend le bien d'autrui peut y être poussé par le désir de posséder ce qui ne lui appartient pas; mais toi, tu pouvais garder le tien. Pourquoi donc consacrer ces choses, et les reprendre? Tu as agi là avec un souverain mépris. Point de pardon pour ton crime; il est inexcusable.

Que personne ne se scandalise s'il y a encore aujourd'hui des voleurs sacrilèges. Car, s'il y en avait alors, à plus forte raison y en a-t-il aujourd'hui, que les vices abondent. Accusons-les donc publiquement, afin, que les autres tremblent. Judas était sacrilège ; mais les disciples n'en furent, pas scandalisés. Voyez-vous les maux qu'engendre la passion des richesses? « Et tous ceux qui entendirent cela furent saisis d'une grande crainte ». Ananie fut puni, les autres en profitèrent; on avait donc eu raison d'agir ainsi; quoique d'autres signes eussent précédé celui-ci, jamais la frayeur n'avait été aussi grande. Ainsi se vérifie ce qui est écrit : « Le Seigneur se fera connaître en rendant des jugements ». La même chose était arrivée à l'occasion de l'arche : Oza fut puni, les autres eurent peur. Mais alors le roi, saisi de crainte, éloigna l'arche, tandis qu'ici les autres redoublèrent de vigilance. Vous voyez que Pierre n'appela point Sapphire , mais attendit qu'elle entrât; et aucun des autres n'avait osé annoncer ce qui était arrivé.

C'était l'effet de la crainte du maître, du respect et de l'obéissance des disciples. « Un  espace de trois heures ». Sapphire ne savait rien, aucun de ceux qui étaient là ne l'avait avertie, bien que la nouvelle eût eu le temps de se répandre; mais ils avaient peur. Aussi l'historien nous dit-il, tout surpris : « Ne sachant pas ce qui s'était passé, elle entra ». Cependant voici qui pouvait faire voir que Pierre connaissait les choses cachées : pourquoi celui qui n'a interrogé personne , vous interroge-t-il ? N'est-ce pas évidemment parce qu'il sait ce qui s'est passé? Mais un grand aveuglement ne permit pas à Sapphire de dépouiller son intention criminelle; elle répond avec une grande audace : car elle croyait parler à un homme. C'était une aggravation de leur péché qu'ils l'eussent commis d'un commun consentement et comme en vertu d'un pacte. « Pourquoi vous êtes-vous concertés pour tenter le Saint-Esprit? Voilà à la porte les pieds de ceux qui ont enseveli votre époux, et qui vont vous emporter ». D'abord, il lui fait sentir sa faute , ensuite il annonce qu'elle subira le même châtiment que son mari, et avec justice, puisqu'elle a commis le même péché. Et comment, direz-vous, « soudain tomba-t-elle à ses pieds et rendit-elle l'âme?» Parce qu'elle était tout près. Ce fut ainsi qu'ils s'attirèrent leur propre punition. Et comment n'en aurait-on pas été frappé? Qui n'aurait pas craint l'apôtre ? Qui n'aurait pas été saisi d'admiration ? « Et ils étaient tous réunis dans le portique de Salomon ». D'où il suit qu'ils habitaient dans le temple, et non dans une maison quelconque. Ils ne craignaient plus, du reste , le contact des objets immondes; mais ils touchaient les morts sans scrupule. Et voyez comme ils sont sévères envers les leurs, tandis qu'ils n'usent point de leur pouvoir à l'égard des étrangers. « Mais le nombre de ceux qui croyaient au Seigneur, hommes et femmes, augmentait tous les jours, en sorte qu'on déposait dans les places publiques les malades sur des lits et des grabats, afin que, quand Pierre viendrait, son ombre au moins couvrît quelqu'un d'entre eux ».

3. La foi de ceux qui approchaient ainsi était grande, plus grande même que du temps du Christ. Pourquoi cela ? A cause de la prédiction que le Christ avait faite . « Celui qui croit en moi fera les oeuvres que je fais, il en fera de plus grandes encore », comme (44) ils demeuraient au même lieu sans en sortir, tous leur apportaient leurs malades sur des lits et des grabats. : c'était prodige de tout côté, et de la part des croyants, et de la part de ceux qui étaient guéris, et de la part de celui qui avait été puni, et par la liberté de leur langage, et par la vertu de ceux dont la foi était affermie: car tout ne reposait pas.seulement sur les miracles. En effet, quoique dans leur modestie ils attribuassent tout au Christ, au nom duquel ils- déclaraient agir, cependant c'était aussi l'effet de leur vie et de leur vertu. Et remarquez qu'on ne fixe pas ici le nombre des croyants , mais qu'on l'abandonne aux conjectures du lecteur, tant les progrès de la foi étaient considérables ! Aussi prêchait-on la résurrection avec plus de force : « Personne n'osait se joindre à eux , mais le peuple les exaltait » . L'écrivain parle ainsi pour prouver qu'ils ne paraissaient déjà plus méprisables comme auparavant, et qu'un pêcheur, un simple particulier avait produit cet effet en peu de temps, en un moment.

Ce genre de vie, cette liberté de parole, ces miracles et tout le reste avaient fait de la terre un paradis. On les admirait comme des anges, rien ne les émouvait, ni les railleries, ni les menaces, ni les dangers, et de plus ils étaient extrêmement humains et pleins de sollicitude : ils aidaient les uns de leurs richesses et guérissaient les autres de leurs maladies. « Pourquoi Satan a-t-il rempli ton coeur? » Pierre, sur le point de punir, s'en justifie et instruit les autres. Car, comme le fait devait paraître très-dur, il exerce envers Ananie et sa femme un jugement terrible. S'il ne les eût pas frappés tous les deux d'un tel châtiment pour une faute impardonnable , quel mépris de Dieu n'en serait pas résulté! Ce qui prouve que c'était là la raison, c'est qu'il ne les punit pas avant d'avoir démontré la faute. Aussi personne ne gémit, personne ne poussa un cri ; mais tous furent saisis de frayeur. Et non sans raison : car leur foi augmentait , les signes se multipliaient , une grande crainte se répandit parmi les leurs , parce que.les choses du dehors nous troublent moins que celles du dedans. Si donc nous sommes unis les uns aux autres, personne ne nous fera la guerre; mais si, au contraire, nous sommes divisés, tous nos ennemis tomberont sur nous. Voilà pourquoi ils étaient pleins de confiance, se jetaient librement sur la place publique au milieu des ennemis et triomphaient; ainsi s'accomplissait cette parole : « Régnez au milieu de vos ennemis ». (Ps. CIX, 2.) Et la preuve d'une plus grande vertu, c'est qu'ils opéraient de tels prodiges même en prison, même dans les fers. — Mais si un simple mensonge attirait un si grand châtiment, que sera-ce du parjure? Bien plus, si une femme, pour avoir simplement dit « oui, tel prix », n'a pu échapper à une si terrible punition, quel supplice sera le vôtre, ô vous qui jurez et vous parjurez ?_ Il est à propos aujourd'hui de démontrer par l'Ancien Testament la gravité du parjure. « La faux volait, large de dix coudées ». (Zac. V, 2.) Le vol désigne la rapidité avec laquelle la peine suit le parjure ; la largeur et la longueur de dix coudées indiquent la violence et l'étendue du châtiment; le vol partant du ciel fait voir que la sentence sort du tribunal céleste; la forme de faux montre que le supplice est inévitable. Car comme la faux qui tombe sur le cou ne se retire pas d'elle-même, mais reste même quand la tête est abattue ainsi la vengeance qui atteint ceux qui jurent est terrible et ne s'arrête que quand sa tâche est accomplie. Et ne nous rassurons pas si nous échappons au châtiment, bien que nous ayons juré; car ce délai tourne à notre détriment. A quoi pensez-vous ? Que depuis Ananie et Sapphire , beaucoup ont commis la même faute et n'ont point subi la même peine ? Et vous demandez pourquoi? Ce n'est pas qu'on leur ait fait grâce, mais ils sont réservés à un plus grand supplice.

4. Ainsi ceux qui pèchent souvent doivent plus craindre quand ils ne sont pas punis que quand ils le sont; car le délai de la punition et la longanimité de Dieu ne font qu'aggraver leur supplice. Ce n'est donc pas à éviter la punition, mais le péché, que nous devons tendre; et si la punition ne suit pas le péché, nous n'en devons que trembler davantage. Dites-moi : si vous menaciez votre esclave sans le frapper, quand.serait-il plus effrayé, plus disposé à vous abandonner et à fuir? ne serait-ce pas sous le coup de vos menaces? Aussi nous exhortons-nous mutuellement à ne pas toujours menacer un serviteur, de peur d'imprimer en son âme une crainte plus vive, d'y jeter un trouble plus grand que si nous le frappions; du reste ici le mal (45) n'est que passager, tandis que là il est éternel. Ne vous occupez donc pas de savoir si quelqu'un reçoit le coup de faux, mais s'il commet telle ou telle faute. Il se fait maintenant bien des choses qui se faisaient au temps du déluge, et le déluge n'arrive plus; mais on est menacé de l'enfer et de ses supplices. Beaucoup commettent les crimes qu'on commettait à Sodome, et la pluie de feu ne tombe pas, parce que le fleuve de feu est prêt. Beaucoup ont osé ce qu'osa Pharaon, et ils n'ont point subi le sort de Pharaon, ils n'ont point été submergés dans la mer Rouge : mais l'abîme les attend là où la souffrance n'éteint pas le sentiment, là où il n'est pas donné de mourir, mais où l'on est consumé par d'éternelles tortures, par des chaudières brûlantes et les angoisses de la suffocation. Beaucoup osent encore ce qu'ont osé les Israélites, et les serpents ne les ont pas dévorés; mais le ver qui ne meurt pas les attend. Beaucoup ont osé ce qu'a osé Giézi, et ne sont pas devenus lépreux; mais, au lieu de la lèpre, ils seront un jour déchirés et rangés parmi les hypocrites. Beaucoup ont juré et se sont parjurés; s'ils ont jusqu'ici échappé au châtiment, ne nous rassurons pas pour cela : le grincement de dents les attend. Et peut-être seront-ils punis et n'échapperont-ils pas même ici-bas, quoique plus tard, en commettant d'autres péchés qui aggraveront leur supplice ; car souvent des fautes moindres nous conduisent à de plus grandes pour lesquelles il faut tout acquitter. Ainsi quand quelque malheur vous arrive, souvenez-vous que vous avez commis ce péché. C'est ce qui arriva aux fils de. Jacob. Rappelez-vous les frères de Joseph ; ils avaient vendu leur frère, ils avaient essayé de le tuer, ils l'avaient même tué autant qu'il était en eux ; ils avaient trompé, affligé leur vieux père, et rien de fâcheux ne leur était arrivé. Mais après bien des années, ils coururent les plus grands périls, et ils se souvinrent alors de leur péché. Et pour preuve que ce n'est point ici une simple conjecture, écoutons ce qu'ils disent : « Oui, « nous sommes coupables envers notre frère n . (Gen. XLII, 21.) De même quand il vous arrivera quelque chose, dites : Oui, nous sommes coupables , parce que nous n'avons pas écouté le Christ,parce que nous avons juré; mes serments et mes parjures sont retombés sur ma tête.Faites donc votre confession; ils firent la leur et ils furent sauvés. Eh ! quoi ? parce que le châtiment ne suit pas immédiatement la faute, vous pècheriez plus hardiment? Mais Achab ne subit pas son sort aussitôt après le meurtre de Naboth. Et pourquoi cela? Dieu vous donne un certain temps pour vous laver dans les eaux de la pénitence; si vous persévérez, il amène enfin le châtiment. Vous voyez comme les menteurs ont été punis; songez a ce que souffriront les parjures, songez-y et abstenez-vous. Bon gré mal gré, il faut que celui qui jure se parjure, et celui qui se parjure ne peut être sauvé. Un seul parjure peut tout perdre et attirer le châtiment tout entier. Ainsi donc, je vous en conjure, veillons sur nous, afin qu'évitant la punition attachée à cette faute, nous soyons jugés dignes de la miséricorde de Dieu, par la grâce et la compassion du Fils unique en qui appartiennent, au Père, et en même temps au Saint-Esprit, la gloire , la force, l'honneur, maintenant, et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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