La notion de la justice dans Ethique à Nicomaque d'Aristote

 

Par Armel Muanda, juin 2013

 

Travail de fin d’étude en philosophie, séminaire diocésain

 

 

 

DEDICACE_ 2

EPIGRAPHE_ 2

SIGLES ET ABREVIATIONS 2

AVANT-PROPOS 3

INTRODUCTION GENERALE_ 4

0.1.         Problématique_ 4

0.2.         Choix et intérêt du sujet 6

0.3.         Méthode et division du travail 7

CHAPITRE PREMIER : LES VERTUS CARDINALES 7

1.0.         Introduction_ 8

1.1.         La Prudence_ 8

1.2.         Le Courage_ 9

1.2.1. Le courage : une vertu acquise_ 10

1.2.2. Le courage : un juste milieu. 10

1.2.3. Les types de courage_ 11

1.3. La tempérance_ 12

1.4. La justice_ 13

1.4.1. Action juste_ 14

1.4.2. La justice comme pratique du droit 15

1.4.3. La justice, fondement de la paix_ 15

1.5. Conclusion_ 16

CHAPITRE DEUXIEME : LA JUSTICE, FONDEMENT D’UNE SOCIETE STABLE_ 16

2.0. Introduction_ 16

2.1. La justice générale ou légale_ 16

2.2. La justice particulière_ 18

2.2.1. La justice distributive_ 18

2.2.1.1. La justice commutative_ 20

2.2.2. La justice corrective_ 21

2.3. De l’injustice dans la société_ 22

2.4. La notion d’équité_ 24

2.5. Conclusion_ 24

CONCLUSION GENERALE_ 24

BIBLIOGRAPHIE_ 26

1.       OUVRAGES DE L’AUTEUR_ 26

2.       DICTIONNAIRES_ 27

3.       REVUES ET ARTICLES_ 27

4.       MEMOIRE_ 27

5.       NETOGRAPHIE_ 27

 

 

 

DEDICACE

A mes chers parents

Benjamin NGOMA NSUAMI

Véronique TSIMBA THALANI

Pour tant d’amour et de sacrifices,

 

A la Révérende Sœur Elisabeth MATSUELA PHANZU, SSM/B

 Pour le soutien tant matériel que moral,

 

A Arnaud DUMOUCH,

                                                                                  Je dédie ce travail

 

 

 

EPIGRAPHE

 

 

 

« …On considère la justice comme la plus parfaite des vertus, et ni l’étoile du soir, ni l’étoile du matin ne sont ainsi admirables ».

 

(ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, Paris, J. Vrin, 1979, p.219).

 

 

 

 

SIGLES ET ABREVIATIONS

 

 

Ed. : Editions

o.c. : opus citatum

cit. : Oeuvre citée

p. (pp) : page (s)

P.U.F. : Presses Universitaires de France

SSM/B : Sœurs Servantes de Marie de Boma

Q. : question

Art. : Article

T. : tome

Vol : volume

F.C.K. : Facultés Catholiques de Kinshasa

Cf. : conferatur

 

AVANT-PROPOS

 

 

 

Au terme de notre premier cycle de philosophie, il s’avère indispensable de dire merci d’abord au Maître de l’histoire, pour le don de la vie, la protection et ensuite à tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, ne cessent de soutenir notre formation et notre personne.

Nos sentiments de gratitude vont tout droit à Son Excellence Monseigneur Cyprien MBUKA qui a accepté de nous compter parmi ses séminaristes et à Monseigneur le Vicaire Général Jean – Basile MAVUNGU. Tous deux ont toujours témoigné d’une sollicitude paternelle pour notre Grand Séminaire Provincial « Abbé NGIDI ». Avec eux, l’Abbé Jean – Claude DIAKI, Secrétaire Chancelier et Chargé de la Formation Initiale.

Nous sommes redevable à nos enseignants de l’école primaire Kaï – Mbaku, de l’Institut Kaï – Mbaku, de l’Institut de Kangu (ESEKA), de la Propédeutique et du Grand Séminaire Provincial « Abbé Ngidi ». Nous portons notre attention plus particulièrement aux Abbés formateurs : Bonaventure NGUVULU, Guillaume KHONDE, José – Claude MBIMBI, Jean – Patrick MABIALA, Dieudonné LUZOLO, Roger PHOBA, Floribert DIMBI, et Joachim MOMBO.

Qu’il nous soit permis de manifester notre profonde gratitude au Professeur Dr Abbé MAKAYA – ma – NGIMBI Maurice qui, en dépit de ses multiples occupations, a accepté volontiers de diriger ce travail. Nous lui disons aussi merci pour sa rigueur scientifique.

Nous sommes aussi reconnaissant envers les Abbés Antoine BIPHASI, Apollinaire PHONGI, Joachim MVEMBA, Fulbert NTEDIKA, Louis – Junior MABUMBI, Lambert NDANGI pour leur attention. Merci également aux Révérendes Sœurs Viviane MBENZA, Thérèse LEMBE, Elisabeth TSAKALA, Sidonie NZITA, toute de la congrégation des sœurs servantes de Marie de Boma, pour leur assistance.

Que notre main droite nous oublie si nous ne témoignons de notre profonde gratitude de façon très particulière à l’Abbé Didier – Alain MBUNGU, à la Sœur Véronique LAU et à la famille Jean – Pierre NGIMBI. Votre soutien a rendu possible la réalisation de cet ouvrage.

Nous voudrions aussi remercier la famille Martin PHANZU pour les bienfaits et toute l’affection dont nous ne cessons d’être bénéficiaires. Que la famille Maurice MALONDA trouve ici l’expression de notre reconnaissance.

Nous disons également merci de façon particulière à notre grand père Simon NGOMA, à nos oncles Jean – Pierre MAVUNGU, Justin, Alexis MAVINGA, Pacho, ainsi qu’à nos tantes Véronique TSIMBA, Félicité, Chantal, Annie, Mathy, pour leurs sages conseils et pour tant de sacrifices.

Que nos frères et sœurs, cousins et cousines trouvent également ici l’expression de notre reconnaissance pour tout ce qu’ils continuent à être pour nous. Nous pensons à Hyrochard, Emery, Zacharie, Kennedy, Bienvenue, Meje, Eugénie MBUMBA, Dr Simon, Espoir, josé PHUABU, Priscille, Rachel, Israël, Mersin – René.

Que les professeurs et les élèves de l’Institut Saint François Xavier (Confiance II/Mbangu) soient assurés de notre reconnaissance. Nous pensons particulièrement à la Sr Astrid PHEMBA, Hilaire PHUATI, Jean – Claude KAMBU, Barthélemy UMBA, Jospin MALONDA.

A tous nos compagnons de lutte, nous adressons un mot de sympathie. Merci à Aloïs LUMINGU, Faustin MALANDA, Malachie NDEMBE, Hermann MBUINGA, Joachim NSASI, Jean – Paul NZINGA, Patrice TOMBO et Joseph TSUEKILA.

Nous ne pouvons clore notre mot sans remercier nos amis (es) Patrick MBODO, Nestor NSUELA, Adrien KHONDE, Aimérance MBUNGU, Willy LAPHA, Solange NGOMA, Viviane VUIDI, Madeleine MATONDO, Gustave MAVUNGU, Christelle DIMBIMBI, Charles MASIALA, Marc – Antoine MANTULUKILA, Raymond BINDA, Justin LELO, Apollinaire LUBONGO, Gloria et Armande.                                              

 

 

 

INTRODUCTION GENERALE

 

 

0.1.          Problématique

 

Aujourd’hui plus que jamais, l’homme cherche non seulement l’application de la justice, mais aussi se veut juste lui – même. Il aspire à s’affranchir de faux discours sur la justice, de discussions idéologiques souvent stériles dans lesquelles les classes politiques manifestent un acharnement qui déroute toute rationalité.

Par ailleurs, nous constatons que les injustices et les inégalités sociales sont d’actualité. De ce fait, les valeurs sont devenues des antivaleurs et vice versa. Et, ces injustices et ces inégalités sont vécues à tous les niveaux. Que de violences, de tracasseries, de tourments au sein de la société. Ce qui importe, c’est l’intérêt privé et non celui communautaire. Les crimes se commettent jour et nuit. Les faibles sont torturés, marginalisés tandis que les hommes forts se réjouissent d’une manière ou d’une autre du malheur de ceux – là.

Au demeurant, l’injustice à l’échelle nationale et internationale interpelle l’homme de notre siècle et met en cause les prodiges de ses découvertes. Car, l’on ne peut affirmer à la fois une chose et son contraire. Personne ne peut défendre les droits de l’homme en érigeant en même temps les régimes qui les violent. Nous remarquons à propos qu’à cause du refus universel d’administrer la justice, l’on assiste à des événements d’une rare barbarie dont les personnes les plus innocentes paient le prix.

En réalité, « les troubles et rebellions sont l’expression d’un mécontentement face à une situation frustrante vécue. (…) Il y a interruption de la balance sociale lorsque les libertés et les droits des citoyens ne sont pas respectés »[1]. Tous ces désastres proviennent des injustices de tout genre observées dans la société. Cela est fort remarquable dans les mouvements de grève, de marche, de protestation et de revendication. Il y a à cet effet une quête de la justice qui est à la base de ces protestations et revendications. Cette justice est, selon Aristote, la vertu complète.

Si tout homme est doué de conscience, de rationalité et de sensibilité, il y a alors lieu de reconnaître que les hommes jouissent tous d’une égalité de nature. Platon, dans Gorgias, affirme : « La justice qui consiste dans l’égalité est celle de la grande majorité et est conforme non seulement à la loi mais aussi à la nature »[2]. La justice se joue tout entière dans un double respect de la légalité dans la cité et l’égalité entre individus.

Néanmoins, le refus de la justice et de sa restriction à une catégorie des personnes constituent la source indéniable de toutes les injustices dont souffre l’humanité depuis son origine. Ces injustices sont contre nature par le simple fait qu’elles incitent à des luttes sanglantes. Car, les problèmes de justice sont aussi anciens que ceux de l’homme, et ils sont toujours d’actualité comme ceux de l’humanité.

Par ailleurs, la question de la justice se pose en termes de préoccupations d’une justice sociale, instauratrice d’une égalité entre les hommes. Les êtres humains vivant en société ont des intérêts divergents concurrents et bien souvent conflictuels. D’où le problème de l’établissement de la justice suite aux écarts de niveau de vie entre classes sociales, de la perte accélérée de sens et de la hiérarchie des valeurs, de la confiscation de la direction du cours du débat et des affaires publiques par une minorité.

Il n’ya pas en effet de paix véritable au milieu des injustices de tous les ordres qu’engendrent nos égoïsmes et nos convoitises, nos orgueils et nos intolérances, nos brimades et nos violations, nos abus de droit et nos excès de pouvoir, nos mensonges et nos tromperies. Nous remarquons donc que les injustices et la paix se repoussent comme deux charges opposées.

Parler de justice, c’est aussi poser le problème du juste milieu qu’il faut atteindre dans la répartition des peines et des joies de ce monde ; dans une société où les uns sont dans la disette et les autres dans l’abondance. Aussi, il n’est pas moins vrai que le problème principal de la justice, qui est dès l’Antiquité celui d’une répartition équitable des biens et services entre des individus différents, se pose encore aujourd’hui. Sur ce, comment faire une répartition juste dans une société où l’intérêt privé est primordial ? Dans cette société, l’échange entre personnes est – il possible ?

Nous le savons fort bien que les injustices, le non-respect des droits fondamentaux des citoyens, le grand écart des niveaux de vie entre le peuple et les détenteurs du pouvoir, le niveau social de vie trop bas des citoyens du fait de manque de bon système de rémunération sont là quelques éléments qui constituent le déséquilibre fondamental de nos sociétés et qui sont également causes de différentes protestations.

Prenant conscience du sujet, les évêques du monde entier réunis à Rome, en octobre 1971, avaient examiné la question sur « la justice dans le monde ». Et, dans la version française des conclusions de ce synode il est écrit : « Nous percevons dans le monde un ensemble d’injustices qui constituent l’essentiel des problèmes de notre temps (…) » plus loin : « Face à la situation du monde actuel, marquée par le grand péché de l’injustice, nous ressentons, d’une part, notre responsabilité et, d’autre part, notre impuissance à l’éliminer »[3].

Voilà pourquoi à notre tour, nous allons parler de cette justice qui est une notion très capitale pour l’épanouissement des peuples et le chemin vers la paix. C’est ce que le Pape Paul VI affirme en ces termes : « Si vous voulez la paix, œuvrez pour la justice »[4].

 

0.2.          Choix et intérêt du sujet

 

La justice apparaît comme particulièrement importante dans le contexte actuel où la valeur de la personne, de sa dignité et de ce droit, au-delà des proclamations d’intentions, est sérieusement menacée par la tendance diffuse de recourir exclusivement aux critères de l’utilité et de l’avoir. La justice aussi, sur base de ces critères, est considérée de façon réductrice, alors qu’elle acquiert une signification plus ample dans la vie humaine.

L’essence de la justice se trouve dans les vertus, les valeurs, les bienfaits qu’elle renferme et qui sont idéalement conformes aux exigences de l’équité et de la raison. C’est pourquoi, elle est une valeur fondamentale sans laquelle la société est vouée soit à végéter, soit à mourir. Ainsi, rien de solide ne peut se construire sans la justice car elle est une vertu primordiale des institutions sociales et politiques. Certes, de quatre vertus cardinales, la justice est la seule sans doute qui soit bonne absolument. C’est dans ce sens que Diderot, dans son entretien avec Catherine écrit : « La justice est la seule vertu qui existe »[5].

Subsidiairement, elle dépasse en excellence les autres vertus morales pour deux raisons : la première, prise du côté du sujet, c’est parce que la justice a son siège dans la partie la plus noble de l’âme, c’est – à – dire l’appétit rationnel ou la volonté, alors que les autres vertus morales ont pour appétit sensible et pour matière les passions qui s’y rapportent, lesquelles sont la matière des autres vertus. La seconde se prend du côté de l’objet. Car les vertus morales outre la justice sont seulement louées à cause du bien qu’elles réalisent dans l’homme vertueux, tandis que la justice est aussi louée pour le bien que l’homme vertueux réalise dans ses rapports avec autrui, de telle sorte qu’elle est d’une certaine manière le bien d’autrui[6].

En outre, l’idée de justice s’ancre dans le plus profond de nos aspirations et se manifeste de diverses façons dans les institutions et dans les actes quotidiens des personnes et des communautés, dans tout ce par quoi l’homme en se projetant et en se réalisant cherche à rendre hommage à sa dignité fondamentale ainsi qu’à celle de son semblable.

L’intérêt d’une étude axée sur la justice est évident dans une société fortement rongée et minée en profondeur par des injustices sociales. Ces dernières sont pour le cas de notre pays observées dans le domaine du travail avec des salaires insuffisants qui ne répondent pas aux besoins élémentaires des citoyens ; des salaires inégalement distribués dans la mesure où certains citoyens d’une classe reçoivent excessivement trop par rapport aux autres. Il faut que chacun puisse avoir la part qui lui revient. Sans cela, les injustices et les inégalités ne cesseront pas. L’ouvrier mérite son salaire dit – on, mais quel salaire encore ?

Eu égard à ce qui précède, nous pensons qu’une réflexion sur la justice peut apporter des solutions à l’un ou l’autre cas d’injustice observé dans notre société.

Certes, porter notre attention sur la justice serait apporter un plus dans ce monde et surtout en ce 21ème siècle, où l’injustice semble devenir une vertu. Nous souhaitons en fait reconstruire nos sociétés africaines actuelles en combattant les injustices sociales dont les peuples sont victimes. Mais étant donné que l’injustice ne procure que des avantages privés ou individuels, nous proposons aux africains en général et aux congolais en particulier de pratiquer la justice qui est avant tout soucieuse de répondre aux aspirations de tous.

Afin de mieux traduire notre volonté et prenant conscience du vaste chapitre de la justice, nous avons porté notre choix sur le philosophe grec : Aristote. Et cela compte tenu de tout son apport à la philosophie du droit qui consiste à dégager la justice de son approche exclusivement morale. Ainsi, l’intitulé de notre dissertation philosophique est : LA NOTION DE LA JUSTICE DANS l’Ethique à Nicomaque d’ARISTOTE.

 

En outre, conscient du danger imminent qui guette notre époque, nous trouvons que faire une étude sur la justice chez Aristote, c’est en d’autres termes apporter un plus dans la vie de nos contemporains et aussi de nos descendants. Nous devons donc unir nos forces et nous engager passionnément sur le chemin où nous avons à prendre sincèrement parti pour une nouvelle civilisation de la justice. Il sied de signaler à propos que la justice dont nous allons parler est la justice en tant que vertu morale et non pas l’organisation judiciaire de la justice ou la justice en tant que vertu première des institutions. Le fondateur du Lycée met plus l’accent sur la première et non sur la seconde.

Bien qu’il soit plus facile de commettre l’injustice que de pratiquer la justice, retenons que celle – ci est ressentie comme la vertu capitale capable de conduire le monde à la paix et à l’harmonie véritable. Elle est en outre ce sans quoi les valeurs cesseraient d’être ou ne vaudraient rien. Car, aux yeux du Stagirite, elle est la plus parfaite des vertus et la plus complète.

 

0.3.          Méthode et division du travail

 

 

Pour mener à bien cette réflexion philosophique, nous allons utiliser la méthode descriptive. En d’autres termes, nous allons décrire la pensée d’Aristote en ce qui concerne la justice pour une bonne compréhension et pour exhumer toutes les richesses qu’elle renferme.

C’est pourquoi notre travail sera subdivisé en deux chapitres. Le premier sera consacré à l’analyse des vertus cardinales. Dans ce chapitre, nous allons d’abord traiter les trois autres vertus cardinales que sont : la prudence, le courage et la tempérance. Ensuite, nous parlerons de la quatrième vertu cardinale qu’est la justice qui, en fait, constitue l’objet de notre étude.

Le deuxième chapitre quant à lui s’intitule : la justice, fondement d’une société stable. Après une brève introduction, nous parlerons en premier lieu de la justice générale ou légale qui concerne le devoir du citoyen face à la société, autrement dit, ce que chaque membre doit rendre à la société ; vient ensuite la justice particulière qui à son tour portera d’abord sur la justice distributive qui concerne la distribution des biens de la société à ses membres, ensuite de la justice commutative qui traite de nos relations interpersonnelles ; enfin, de la justice corrective qui règle toutes les transactions entre les personnes considérées comme égales. En dernier lieu nous parlerons de l’injustice dans la société qui, consiste à prendre plus que son dû et à ne pas respecter l’égalité. Une conclusion mettra fin à ce second chapitre. A la fin, une conclusion générale viendra clore le travail.

 

 

 

CHAPITRE PREMIER : LES VERTUS CARDINALES

 

 

1.0.  Introduction

 

 D’emblée, lorsque nous parlons des vertus cardinales, nous devons toujours avoir devant les yeux l’homme réel, l’homme concret. La vertu n’est pas quelque chose d’abstrait, détaché de la vie. Elle y est au contraire profondément enracinée. Elle jaillit de la vie et elle la forme. La vertu a des incidences sur la vie de l’homme, sur ses actions et sur son comportement. C’est pourquoi, dans ce chapitre, nous parlerons d’abord de la prudence, du courage, ensuite de la tempérance et enfin de la justice. Il sied donc de signaler que les vertus cardinales sont liées les unes aux autres.

Pour Aristote la prudence, phronesis, est à la fois théorique et pratique. C'est une connaissance en vue de la pratique, elle vise l'action singulière. Cela étant, la prudence est une vertu de la raison pratique. Quant au courage, il est la force qui nous aide à accomplir des actions ou à supporter des épreuves malgré notre paresse et notre peur.

La tempérance ou modération est commune à tous. Elle crée l’équilibre, le milieu entre le bien et le mal, le plus et le moins, l’excès et l’insuffisance. Elle est la maîtrise de soi. La justice de sa part maintient l’équilibre dans la communauté. De plus, elle est aux yeux de notre auteur, la vertu la plus complète de toutes. C’est pourquoi Aristote a choisi de consacrer tout un livre à la vertu de justice. Mais encore tout l’intérêt de ce traité sur la justice et tout l’apport d’Aristote à la philosophie du droit consiste – il à dégager la justice de son approche exclusivement morale.

 

 

1.1.  La Prudence

 

 

Aristote définit la prudence comme « une disposition, accompagnée de règle vraie, capable d’agir dans la sphère de ce qui est bon ou mauvais pour un humain »[7]. Par conséquent, elle est « nécessairement une disposition accompagnée d’une règle exacte, capable d’agir, dans la sphère des biens humains »[8]. Par l’exercice de cette vertu, l’homme découvre les moyens adaptés aux fins qu’il poursuit. Autrement dit, cette vertu permet de viser un objectif avec efficacité. Il en résulte donc que l’homme prudent s’efforce de savoir ce qu’il faut faire ; il ne voit pas seulement le but, il considère aussi le chemin qui mène au but.

 Il s’ensuit donc que l’homme prudent doit être capable d’introspection, de réflexion. Il doit se poser la question de savoir s’il est capable de mener une action. Par exemple, ne va – t – il pas se laisser entraîner par une passion inavouée alors qu’il croit bien agir ? Avant d’agir, nous devons donc prendre conscience des motifs et des mobiles qui nous habitent ; ce n’est qu’ainsi que l’homme prudent peut échapper aux pièges de la surdétermination. Cela étant, avec la vertu de la prudence, l’intelligence cherche dans la délibération le moyen pour arriver au bien et trouve ce moyen dans le jugement vrai de ce qu’elle voit, et elle emploie ce moyen en suivant la voie capable de la mener au but. Elle vise le milieu entre les deux extrêmes et la volonté qu’elle guide doit être droite, c’est – à – dire en vue du bien. La prudence ne consiste pas à dire : fais cela ! Mais elle dit : voilà ce qu’il faudrait faire ! C’est la plus intellectuelle des vertus morales. Son domaine est la raison pratique.

En substance, la prudence ne fournit pas de finalité aux vertus morales, mais se borne à disposer des choses en vue du bien recherché par les vertus morales. Elle procède en trois étapes : la délibération, le jugement et le commandement qui est l’acte principal de la raison pratique. En ce sens, la prudence constitue l’instrument par excellence nous permettant de juger du bien et du mal. A en croire le Stagirite, de « l’avis général, le propre d’un homme prudent c’est d’être capable de délibérer correctement sur ce qui est bon et avantageux pour lui – même, non pas sur un point partiel, mais d’une façon générale, quelles sortes de choses par exemple conduisent à la vie heureuse »[9]. Pour ce faire, lorsque nous agissons, nous cherchons en général ce qui est conforme à notre nature. Il est donc indispensable de connaître la loi. La faculté qui nous la montre, c’est la sagesse ; et la faculté qui l’applique, c’est la prudence.

De ce fait, la prudence est donc la vertu la plus nécessaire à l’homme. Bien vivre consiste en effet à bien agir. Or pour bien agir, il faut non seulement faire quelque chose, mais encore le faire comme il faut, autrement dit qu’il faille agir d’après un choix bien réglé et non agir seulement par impulsion ou passion. A ce moment-là, la prudence serait la vertu qui dispose la raison pratique à discerner en toute circonstance notre véritable bien et à choisir les justes moyens de l’accomplir.

C’est pourquoi « la prudence conditionne toutes les autres vertus : aucune, sans elle, ne saurait ce qu’il faut faire, ni comment atteindre la fin (le bien) qu’elle vise »[10]. Saint Thomas d’Aquin renchérit en disant que, de quatre vertus cardinales, la prudence est celle qui doit diriger les trois autres : la tempérance, le courage et la justice ne sauraient, sans elle, ce qu’il faut faire, ni comment ; ce seraient vertus aveugles ou indéterminées ; mais aussi, la prudence, sans elles, serait vide ou ne serait qu’habileté[11].

Dans un monde où la technique a pris une importance démesurée non seulement pour résoudre les problèmes de société mais aussi pour orienter le comportement de l’homme, la vertu de prudence ou sagesse pratique revêt une importance toute spéciale pour l’homme pour le citoyen ordinaire. La prudence est la vertu la plus nécessaire à la vie humaine. Voyons à présent en quoi le courage est une vertu.

 

1.2.  Le Courage

 

Aristote affirme que l’homme courageux est « celui qui demeure sans crainte en présence d’une noble mort, ou de quelque péril imminent pouvant entraîner la mort »[12]. Or, « la plus noble forme de mort est celle qu’on rencontre à la guerre, au sein du plus grand et du plus beau des dangers »[13]. Le lâche, quant à lui, fuit et le téméraire est un poltron qui fuit après avoir imité l’homme courageux au moment où ce dernier tient bon.

En sus, du point de vue psychologique ou sociologique, le courage n’est vraiment moralement estimable que lorsqu’il se met au moins partiellement au service d’autrui, que lorsqu’il échappe à l’intérêt égoïste immédiat. C’est pourquoi, et spécialement pour un athée, le courage face à la mort est considéré comme le courage des courages : parce que le moi n’y peut trouver aucune gratification concrète ou positive[14].

 

1.2.1. Le courage : une vertu acquise

 

Le courage est une disposition acquise volontairement par rapport à nous, dans la mesure définie par la raison conformément à la conduite d’un homme réfléchi. « La vertu tient la juste moyenne entre deux extrémités fâcheuses, l’une par excès, l’autre par défaut »[15]. Dans la pensée aristotélicienne, la fonction propre de l’homme est l’acte conforme à la raison, avec l’ambition de rendre ses désirs non rationnels conformes à sa compréhension rationnelle du bien. La vertu consiste donc dans cette activité conforme à la raison et dans l’aptitude à préférer le bien.

Dès lors, l’auteur de La Politique distingue deux aspects dans la vertu : l’un intellectuel, l’autre moral. Le premier relève de l’instruction alors que le second est fille de bonnes habitudes. Ainsi, pour le Stagirite les vertus morales ne sont pas innées[16] ; mais nous sommes prédisposés à les acquérir, à condition de les perfectionner par l’habitude. C’est la répétition des actions moralement bonnes qui permet l’acquisition des vertus éthiques. Bien acquises, elles portent à leur achèvement ce que la nature ne possédait qu’imparfaitement.

De plus, la vertu acquise est pleinement vertu quand elle s’exerce comme si elle était une disposition innée et avec le plaisir qui lui est propre. Marie – Dominique PHILIPPE corrobore la pensée d’Aristote quand il dit que « le vertueux accomplit avec joie et plaisir des actions moralement bonnes ; ces mêmes actions ont chez les non – vertueux un aspect de difficulté qui empêche tout plaisir »[17].

La vertu se révèle donc chez le Stagirite comme un véritable travail d’acquisition par habitude ; elle est un habitus acquis, ce qui suppose chez l’homme moral un choix volontaire. La vertu comporte donc un savoir et un vouloir.

A juste titre, pour acquérir le courage, l’homme doit s’habituer à poser des actes courageux, de manière à supprimer les craintes et les peurs. Ainsi, pour Aristote, « c’est en accomplissant de même telles ou telles actions dans les dangers, et en prenant des habitudes de crainte ou de hardiesse que nous devenons les uns courageux, les autres poltrons »[18]. Le courage, invitant ainsi à l’action, nous fait pénétrer dans l’espace public. Et c’est bien le propre d’un homme que d’inscrire son action dans cet espace public, de libérer ses convictions de la prison de sa pensée pour les laisser s’exposer à tous et s’incarner en actes.

 En sus, l’homme fait preuve de courage en sortant des coulisses pour passer au-devant de la scène politique. Frédéric Gros a vu juste lorsqu’il écrit : « Le courage est surtout de s’exposer au sens où il n’y a de vrai courage qu’extériorisé »[19]. Le courage est donc une vertu extérieure, mais l’extériorité ne doit pas ici être entendue péjorativement comme superficialité ou apparence trompeuse. Il est extérieur dans la mesure où comme intention il ne vaut rien, puisqu’il est précisément actualisation et réalisation de l’intention.

 

1.2.2. Le courage : un juste milieu.     

 

Aristote déclare : « Etant donné que le courage est la disposition la meilleure par rapport à la crainte et à la témérité et qu’il faut n’être pas comme les téméraires (car ils sont d’un côté insuffisants, de l’autre excessifs) ni comme les lâches (car eux font de même, sauf que ce n’est pas vis – à – vis des mêmes choses mais de leurs contraintes, puisqu’ils manquent de confiance et ont trop de crainte), il en résulte évidemment que la disposition intermédiaire entre la témérité et la lâcheté est le courage, car c’est la meilleure »[20].

Toutefois, le manque de peur n’équivaut pas nécessairement à un excès de confiance en soi. Par ailleurs, Aristote parle peu de la confiance et beaucoup plus de la peur qui est de fait le contraire du courage. Il affirme à propos que « la crainte ne se produit que face à ces peines qui nous semblent de leur nature capables de détruire notre vie »[21]. La peur et la confiance sont deux éléments déterminants du courage. La témérité comporte un excès de confiance et un manque de peur ; la lâcheté à son tour comporte un excès de peur et un manque de confiance. Comme toute vertu, le courage est un acte qui porte en lui – même sa propre fin. Il est voulu pour lui – même en tant qu’acte noble et beau.

De ce qui précède, l’homme courageux devra donc avoir une juste vision de la réalité pour craindre ce qui doit l’être et ne pas craindre ce qui ne doit pas l’être. Il devra également faire preuve d’une délibération éclairée dans le choix des moyens à mettre en œuvre. Le téméraire et le lâche se trompent dans leur évaluation de ce qui est à craindre ou de ce qui ne l’est pas. L’homme courageux voit à cet effet les choses, les événements, les situations tels qu’ils sont en vérité. A cet effet, peut – on parler de plusieurs sortes de courage ? Nous allons, avec notre auteur, donner les différents types de courage qui existent tels que repris dans l’Ethique à Nicomaque, notre livre de base.

 

1.2.3. Les types de courage

 

            Aristote distingue cinq types[22] de courage. Le premier est appelé « courage civique ». C’est le cas de l’homme qui agit pour les honneurs ou par peur de la honte. Or, on ne doit pas être courageux parce qu’on est forcé de l’être, mais plutôt parce que c’est une chose noble. La vertu de courage est une valeur intrinsèquement noble. L’honneur ne rend pas l’acte courageux mais il loue l’action courageuse et la reconnaît publiquement. Le deuxième type est le « courage militaire ». Ce sont les mercenaires qui vont à la guerre non pas pour la noblesse du combat et la raison droite, mais parce qu’ils sont persuadés d’être les plus forts. Mais en affrontant le danger, une fois convaincus de ne pas avoir cette force, ils finissent par prendre fuite, craignant plus la mort que la honte, tandis que les autres acceptent facilement la mort qu’ils jugent préférable à un salut dans la fuite car il est honteux pour eux de fuir. Ainsi que le disent les Latins : « in fuga non est salus ».   

Le troisième est l’impulsivité. Elle est caractérisée par l’emportement, la colère aveugle, les passions. C’est pourquoi les gens qui agissent par impulsivité se comportent à la façon des bêtes sauvages. Celui qui agit dans la passion se lance impétueusement contre le danger. Or, les hommes courageux agissent pour l’amour du bien. Pour Aristote « ceux qui combattent pour ces raisons là, tout en combattant vaillamment ne sont pas courageux au sens propre, car ils n’agissent ni poussés par le bien ni comme la raison le veut, mais sous l’effort de la passion… »[23].

 Le quatrième type concerne les gens confiants en eux – mêmes parce que de nombreuses victoires les ont grisés. Ces gens pensent être les plus forts et n’avoir rien à subir en retour. C’est aussi le comportement des gens qui sont en état d’ivresse et deviennent pleins d’assurance. Mais lorsque les choses tournent au vinaigre, ils prennent facilement la fuite. Or, l’homme courageux doit être capable de supporter ce qui est réellement redoutable à l’homme. C’est pourquoi il doit demeurer sans crainte et sans trouble dans les dangers qui s’abattent brusquement que dans les dangers qu’on peut prévoir à l’avance ; car « le courage provient alors davantage d’une disposition du caractère, et demande moins de préparation. (…) Les dangers prévisibles peuvent faire l’objet d’un choix calculé et raisonnable, tandis que les périls soudains exigent une disposition stable du caractère. »[24].

Enfin, le cinquième type concerne le gens ignorants le danger et ces gens ne sont pas du tout éloignés des hommes confiants en eux – mêmes. Les gens ignorants sont inférieurs à ces derniers par leur manque total d’assurance tandis que les autres en possèdent. Les gens ignorant fuient au moment où ils s’aperçoivent voire soupçonnent que la réalité est tout différente.

 

1.3. La tempérance

 

Avec la vertu de tempérance, notre corps et nos sens trouvent la juste place qui leur revient dans notre être humain. C’est ce qui fait que l’homme tempérant est maître de soi ; celui chez qui les passions ne l’emportent ni sur la raison, ni sur la volonté et même ni sur le « cœur ». Donc, c’est l’homme qui sait se maîtriser. Pour André COMPTE – SPONVILLE, « la tempérance est cette modération par quoi nous restons maîtres de nos plaisirs, au lieu d’en être esclaves »[25]. Par ailleurs, nous disons aussi qu’est tempérant celui qui n’abuse pas de la nourriture, de la boisson, des plaisirs, qui ne s’adonne pas immodérément à l’alcool, qui ne permet pas que les stupéfiants lui fassent perdre conscience.

On donne aussi à cette vertu le vocable de « sobriété, modération ». En effet, pour pouvoir dominer nos passions, la concupiscence de la chair, les explosions de la sensualité (par exemple dans les relations avec l’autre sexe), etc., nous ne devons pas permettre à nous – mêmes et à notre « moi inférieur » de dépasser la juste mesure. Si nous n’observons pas cette juste mesure, nous ne serons pas capables de nous dominer. Aristote pense que la tempérance étant une vertu, elle est cette ligne de crête entre les deux abîmes opposés de l’intempérance et de l’insensibilité[26]. Cela ne veut pas dire que l’homme vertueux, sobre, ne peut ni être spontané, ni se réjouir, ni pleurer, ni exprimer ses sentiments. Cela ne veut pas dire qu’il doit devenir insensible, indifférent, comme s’il était de la glace ou de la pierre. La personne tempérante distingue ce qui est raisonnable et ce qui ne l’est pas ; elle utilise avec modération ses cinq sens, son temps, son argent, ses efforts, en accord avec des critères droits et vrais.

De ce fait, la vertu de tempérance règle l’inclination au plaisir en la rendant docile à la raison. Dès que la modération est mise à part, c’est alors qu’intervient l’excès et c’est ce qui conduit à l’insensibilité, qui est un vice. Cela étant, « la tempérance est en quelque sorte un ordre, une maîtrise qui s’exerce sur certains plaisirs et certaines passions, comme l’indique (…) l’expression commune « maîtrise de soi – même » »[27].

S’il en est ainsi, la modération comme juste milieu ne s’applique qu’aux plaisirs corporels. Et vis – à – vis de ces plaisirs, certaines personnes pèchent par excès lorsqu’ils s’adonnent aux objets des concupiscences, à savoir : les biens matériels et les plaisirs sexuels. Ces personnes « ne recherchent que la jouissance qui leur vient tout entière par le toucher, ainsi que dans ce qu’on nomme les plaisirs d’amour »[28]. Toutefois signalons qu’Aristote ne mésestime pas ces plaisirs ou mieux ces appétits concupiscibles (boire, manger et le plaisir sexuel) car, ce sont des besoins naturels à tout homme. Leur satisfaction fortifie l’homme ; ils le dégradent lorsqu’il y a exagération[29]. C’est pourquoi « l’intempérance est peste de la volupté et la tempérance n’est pas son fléau : c’est son assaisonnement qui permet de savourer le plaisir en sa plus gracieuse douceur »[30], disait Montaigne.

Les vicieux par défaut sont ceux qui détestent tout plaisir. Sur ce, notre auteur reconnaît qu’on les trouve rarement dans la vie courante. Pour lui « s’il existe un être à ne trouver rien d’agréable, (…) cet être – là sera très loin de l’humaine nature »[31]. Ces gens sont généralement appelés des insensibles. Par contre, l’homme modéré est celui qui jouit rationnellement dans la médiété. Il ne prend pas plaisir aux choses qui séduisent le plus l’homme déréglé ; il jouit de la vie comme la droite règle le demande.

 Ayant abordé des trois autres vertus cardinales, nous allons à présent nous occuper de la quatrième qu’est la justice, point focal sujet de cette dissertation philosophique.

 

 

1.4. La justice

 

En substance, la vertu de justice a pour finalité de régler les rapports entre les personnes dans le cadre du bien commun sans lequel leurs exigences risquent de devenir divergentes et aboutir à des conflits.

Ainsi, pour l’auteur de La Politique, « la justice est cette sorte de disposition qui rend les hommes aptes à accomplir les actions justes, et qui les fait agir justement et vouloir les choses justes »[32]. Pour le Péripatéticien, la justice n’est pas une science mais une disposition. Par le fait que la disposition ne peut s’actualiser que dans un sens déterminé, et ne peut engendrer qu’un seul type d’action. Autrement dit, on ne peut pas être à la fois juste et injuste.

La justice règle les rapports sociaux dans le sens de la promotion d’un univers de personnes. C’est dire que la justice entend régler les rapports humains pour le respect et la promotion de la dignité humaine. C’est ce que veut exprimer Didier Julia quand il écrit : « La valeur de la justice est d’instituer entre les hommes l’égalité véritable et anonyme, qui ne tient compte ni de la situation sociale ni de la personnalité des individus »[33].

Ainsi, la justice en tant que justice légale (justice légale est celle relative à la loi) est vertu complète par excellence parce que cette activité est exercée non pour soi mais pour autrui. C’est pourquoi « la justice est considérée comme étant un bien étranger »[34]. Par cette conception de la justice, le Stagirite n’entend pas déclarer qu’elle ne profite qu’à celui sur laquelle elle s’exerce pour être au détriment de celui qui l’exerce, mais qu’elle est la vertu par excellence, et est considérée précisément dans son rapport à l’autrui.

 

1.4.1. Action juste

 

Pour entrer de plain – pied dans la matière, notre Auteur dit que « celui qui observe la loi est un homme juste, et, il est évident que toutes les actions prescrites par la loi, sont en un sens, justes »[35]. Autrement dit, une action conforme à la loi est juste, ou plus exactement cette action est juste si la loi possède par elle – même le pouvoir de faire être la justice. Donc la loi est en lien avec la justice, mais ne se confond pas à elle, et c’est précisément cet écart qu’exprime l’adverbe pôs[36]. Notre auteur veut dire que les actions ne sont justes que dans un certain sens : quand elles sont soumises à la loi. En d’autres mots, les lois ne sont justes que lorsqu’elles procurent le bien commun. Car les lois injustes ont une tendance égoïste et ne profitent qu’à un groupe restreint.

Les lois justes veulent et font vouloir ce qui est beau, juste et utile. Elles établissent un ordre général et égal à tous par lequel la cité devient communauté politique où les hommes peuvent seulement manifester leur nature propre d’agents pratiques. C’est pourquoi le Stagirite définit la vertu de justice comme justice légale et celle – ci est la vertu complète ou parfaite (teleia) (c’est – à – dire ce à quoi rien ne manque, ce qui est entier, et ne peut donc être surpassé) ; non pas absolument (a plôs) mais dans nos rapports avec autrui (pros eteron).

Mais également, selon l’auteur de l’Ethique à Eudème, « une action juste est par définition une action volontaire. Et la justice (ou injustice) d’une action est donc déterminée par son caractère volontaire ou involontaire »[37]. Par volontaire, il entend « tout ce qui, parmi les choses qui sont au pouvoir de l’agent est accompli en connaissance de cause, en d’autres mots sans ignorer ni la personne subissant l’action, ni l’instrument employé, ni le but à atteindre »[38].

Ainsi, un acte juste n’est jamais le fruit du hasard, de l’ignorance ou de la contrainte. La personne qui agit justement connaît les enjeux de son acte, en mesure la portée et agit en toute indépendance. Cette conception philosophique relève deux éléments. D’une part, la volonté est déterminante pour acquérir les aptitudes nécessaires à une action juste. Ces aptitudes ne sont pas innées ou données, mais s’obtiennent à travers un effort volontaire d’acquisition des connaissances requises. D’autre part, l’acte juste est toujours un acte volontaire et non un événement fortuit. En effet pour qu’un acte soit juste, il faut que la personne agisse en pleine connaissance de cause et avec l’intention d’agir justement. De ce fait, agir justement suppose ainsi à la fois avoir la sagesse nécessaire pour connaître le bien et la volonté de le mettre en pratique.

En plus, la justice consiste aussi à respecter absolument le droit d’autrui. Et, pour Jacques Derrida, « la justice est irréductible au droit, il y a un excès de justice par rapport au droit, mais néanmoins la justice exige pour être concrète et effective de s’incarner dans un droit, une législation, (…) l’appel de la justice est infini »[39]. Ceci nous pousse à parler de la justice comme pratique du droit.

 

1.4.2. La justice comme pratique du droit

 

Le rapport qui existe entre la justice et le droit est un point fondamental. Car nul ne peut prétendre promouvoir la justice s’il ne pratique pas ou ne reconnaît pas le droit et les droits. Premièrement, le droit renvoie à un système normatif (qui peut être du droit naturel ou du droit positif) tandis que les droits sont des prérogatives reconnues aux individus ou aux collectivités par ledit système.

Cela étant, dans notre monde où le concept de justice est souvent employé dans son sens analogique et non strict, il est bien indiqué de situer cette vertu par rapport au droit qui est un fait objectif. La justice n’existe pas sans droit ; elle vient après lui. Hervada dit : « La justice est un acte second ; elle ne crée pas le droit mais le respecte, l’accomplit. C’est une vertu d’accomplissement du droit »[40].

 Quant au rôle du droit, Runc affirme qu’ « il n’est pas seulement d’assurer l’ordre et paix mais de promouvoir plus la justice dans la société constamment corrompue par l’égoïsme individuel et collectif des hommes, et ainsi, en définitive, de contribuer à promouvoir l’homme lui – même »[41]. Le droit vise essentiellement l’établissement de la justice sur laquelle il s’appuie pour se réaliser efficacement. Nous savons fort bien qu’il n’y a de paix véritable que là où il y a de justice. Cette dernière est donc la condition sine qua non pour une paix véritable et durable.

 

1.4.3. La justice, fondement de la paix

 

Aujourd’hui plus que hier, la question de paix se pose dans quasi toutes les sociétés du monde. Le monde est en quête de paix, mieux, d’une véritable paix. Celle – ci est un besoin urgent de notre ère, un enjeu capable de toute existence qui se veut humaine. Cette paix ne peut trouver son fondement que dans la justice.

La justice est ce qu’il y a de plus primitif dans l’âme humaine, de plus fondamental dans la société et c’est ce que la multitude réclame avec le plus d’ardeur. Il en résulte que la centralité de la justice fait qu’on ne puisse concevoir de paix qui ne soit en même temps fruit et exigence de la justice. Comment la justice peut – elle construire la paix dans les trois dimensions de l’homme : l’homme en lui – même, l’homme dans ses rapports avec son semblable et sa communauté politique ?

La justice comme vertu, consiste à donner à chacun ce qui est sien, son droit (ius). Cet énoncé fondamental nous permet de comprendre le lien qui existe entre la justice et la paix. La justice fonde donc la paix au moment où à chacun est donné son droit que la société peut prétendre vivre en paix. Avec la justice, chacun trouve sa part. La justice tout comme la paix concerne les rapports des hommes en société. En effet, c’est en société qu’un faisceau des relations mal défini risque de compromettre l’équilibre social et de porter de graves atteintes à la paix.

De là, la société qui se veut humaine progresse lorsqu’il y a la paix dans son sein. Et la paix, en tant que condition de l’affirmation de cette société, découlera de la volonté de chaque membre de la société. Spinoza estime qu’ « il n’est pas possible de décider de la paix sinon avec le concours et la volonté de l’autre (…) »[42]. Il est clair qu’aujourd’hui, aucun développement du genre humain ne peut se proclamer sans la paix.

 

 

1.5. Conclusion

 

Dans ce premier chapitre de notre dissertation, il a été question de la redécouverte de la valeur éthique des vertus cardinales, tout en montrant que la justice en est la plus éclatante des vertus. Pour ce faire, nous avons aussi montré que son essence est double. D’abord, elle est complète parce que l’homme qui en possède est capable d’en user non seulement pour lui – même, mais aussi pour les autres. Quant aux autres vertus, elles n’ont pas besoin d’autrui, du moins immédiatement, pour son exercice.

La justice, elle, est au – delà de l’éthique, une vertu proprement politique. Ainsi, ce chapitre nous sert de tremplin au second qui, lui, va nous montrer que la justice est fondement d’une société stable.

 

 

 

 

CHAPITRE DEUXIEME : LA JUSTICE, FONDEMENT D’UNE SOCIETE STABLE

 

 

2.0. Introduction

 

Dans le présent chapitre, nous allons nous préoccuper à montrer que la justice est le fondement de toute société qui se veut stable. Cette vertu de justice crée l’harmonie et la paix sociales. Car, sans elle, la vie sociale devient jungle. Le sous – développement avec tous les méfaits qui lui sont collatéraux a sa source dans le manque de justice.

Eu égard à ce qui précède, notre attention sera focalisée sur les formes de justice dont parle notre auteur. Nous partirons d’abord de la justice générale ou légale, ensuite de la justice particulière qui, elle, est subdivisée en justice distributive et en justice corrective. Nous verrons par la suite comment l’injustice crée le déséquilibre. Enfin, nous aborderons la notion d’équité.

 

2.1. La justice générale ou légale

 

La justice générale, comme cette épithète l’indique, exerce son influence sur la vie entière promouvant le bien commun. Elle ordonne au bien commun les actes issus des autres vertus. S’agissant du bien commun, il est constitué par l’ensemble des services qu’une société offre à ses membres pour qu’ils y trouvent les ressources nécessaires à la forme d’épanouissement qu’ils ont choisi de se donner. Il faut donc des lois pour garantir ce bien commun. A en croire Aristote, « les lois se prononcent sur toutes sortes de choses, et elles ont en vue l’utilité commune »[43].

La justice générale est synonyme de la justice légale, en ce sens que les lois que les législateurs élaborent et promulguent au nom du peuple et pour le peuple sont censées favoriser le bon fonctionnement de la société[44]. A cet effet, que l’on qualifie de générale ou de légale une certaine justice, on évoque donc le bien commun. Car, nul n’est sans savoir qu’une société fonctionne bien quand elle promeut le bien commun où chaque citoyen tirera son plein épanouissement. Quoique la justice légale renvoie aux lois, il ne s’agit sûrement que des lois justes et non injustes puisque les lois injustes compromettent le bien commun. Cicéron ne fut pas le moindre à dire « qu’il n’y a rien de plus insensé que de croire que tout ce qui est réglé par les institutions et les lois des peuples est juste »[45].

Parlant de la justice générale, nous faisons d’abord allusion au droit pris au sens de chose due par le citoyen à la société dont il est membre. En d’autres termes, la société revendique comme un droit le service que chaque citoyen a choisi à rendre. Il en résulte que chacun dans ce qui le concerne doit rendre compte à la société en vue de la promotion du bien commun qui est sa finalité. Nous devons chercher d’abord à donner le dû à la société afin qu’elle puisse nous le rendre. C’est dans cette optique que Martin Blais déclare que « la justice générale incite chaque citoyen à rendre à la société son dû sous la forme d’une contribution au bien commun »[46].

De plus, avant de partager le bien commun, il faut au préalable le produire. Cette justice dont la plupart ne tiennent pas compte veille à la réalisation du bien commun. Elle nous incite donc à rendre notre dû à la société elle – même en accomplissant notre devoir civique. Puisque meilleure est la qualité du service et plus grande son utilité, autant aussi sont satisfaits les exigences de cette forme de justice. Ainsi, un citoyen qui n’assume pas correctement sa tâche, qui le bâcle ou qui l’assume sur base de pots de vin, pêche contre la justice générale.

Nous avons des gens qui veulent consommer de plus en plus mais sans pourtant produire. Ils pensent qu’on peut partager le pain avant de le cuire. Ils sont conscients de leur droit à une part du bien commun, mais ils ignorent leur devoir envers ce même bien commun. Pour les inciter à faire leur devoir et à produire davantage, beaucoup de moyens sont utilisés mais le principal c’est de leur faire comprendre qu’en offrant un service d’excellente qualité, ils travaillent en fait pour leur propre intérêt.

De là, les lois sont par elles – mêmes principe de justice. En tant qu’elles déterminent et commandent toutes les choses dans la cité en les rapportant à l’utilité commune, elles concourent donc à la justice. Ce faisant, elles sont justes parce qu’elles veulent et font vouloir ce qui est beau, juste et utile. Elles établissent un ordre général et égal pour tous, ordre par lequel la cité devient cette communauté politique où les hommes peuvent seulement vivre selon leur nature propre d’agents pratiques.

Toutefois, la déviation (parekbasis) de l’intérêt commun vers l’intérêt particulier, toujours possible, corrompt la loi. Il n’y a donc pas de cité sans justice sa principale vertu, et il n’y a pas de justice politique sans loi.

Aussi, lorsque les lois créent et assurent les conditions du bien – vivre, autrement dit quand elles sont conformes à ce qu’elles doivent être, elles ne font rien d’autre que prescrire ce que prescrivent les vertus morales. La rectitude des lois ou la fonction des lois dans une bonne constitution sollicite de la part des citoyens un comportement calqué sur l’homme vertueux.

A présent, parlons de la justice particulière qui traite de l’individu en particulier dans son rapport avec l’autre et avec l’Etat.

 

2.2. La justice particulière

 

Disons d’emblée qu’être juste ne consiste pas seulement à respecter la loi, mais également à respecter l’égalité. La justice particulière relève du droit et a pour domaine le rapport avec autrui.

Elle a pour domaine d’application l’ensemble des biens utiles et même nécessaires au bonheur individuel, biens susceptibles d’être accordés, diminués, augmentés, ôtés ou mêmes détruits par autrui ou par l’Etat. Tous ces biens constituent les conditions indispensables pour une existence effectivement heureuse et suscitent pour cette raison même l’activité et la convoitise de l’homme (prendre plus que sa part et prendre plaisir au gain). La justice particulière n’est pas ici la relation morale entre les personnes elles – mêmes mais plutôt entre les personnes et les biens.

A cet effet, il y a deux types de justice particulière. Ainsi, la justice particulière se dit soit comme justice distributive (dianemétikè), soit comme justice corrective (diarthôtikè). Cela étant, nous allons aborder en premier lieu la justice distributive.

 

2.2.1. La justice distributive

 

Du latin distributiva justicia, elle signifie : la justice dans la distribution. Ainsi, elle règle la répartition des biens entre les membres de la société pour le bien commun. Ces biens peuvent être les honneurs, les richesses ou tous les autres avantages. En effet, dans la société, le bien commun réalisé par tous doit être partagé entre tous.

Il sied de signaler que l’épithète commun se comprend de deux façons[47], soit il signifie d’abord « réalisé par tous ». En ce sens on parle d’une œuvre commune : tout le monde a mis la main à la pâte. Commun peut signifier ensuite ce « qui appartient à tous ». Nous pouvons citer l’exemple d’un puits commun : tout le village s’y désaltère. Le commun non partagé ne serait commun qu’au premier sens du mot. De même, une espèce de justice s’est vu confier la tâche de le rendre commun au deuxième sens. Cette forme de justice qui préside au partage du bien comme a reçu le nom de la justice distributive.

Certes, la définition générique de cette justice est « rendre à chacun ce qui lui est dû ». Elle lui concède le droit de revendiquer une part du bien commun qui lui revient. Elle s’occupe à cet effet de la manière dont l’Etat doit distribuer les richesses, les honneurs et les fonctions sociales aux membres de la société. Mais l’Etat doit par exemple donner des salaires justes, protéger la vie et la santé des citoyens dans la société. De ce fait, dans la distribution des biens, il n’y a pas de népotisme, de tribalisme qui ne fera que favoriser une certaine catégorie. Ce qui serait une injustice.

C’est pourquoi, dans la justice distributive, on est tenu au respect de l’égalité. Cette égalité doit tenir compte des conditions des personnes comme membres du corps social, leurs responsabilités, leurs charges, leur fonction comme aussi leurs besoins. Il s’agit donc d’une égalité proportionnelle et d’une proportion géométrique.

Partant, beaucoup de questions méritent d’être posées. Pourquoi les uns ont – ils trop et les autres trop peu ou rien ? Pourquoi les uns sont – ils riches et les autres pauvres ? En dernière analyse, la question fondamentale revient à savoir s’il y a au monde des personnes humaines qui, parce qu’elles se croient plus humaines, s’octroient plus de privilèges, d’honneur et de dignité que d’autres ? On le voit, le jour où l’on aura répondu adéquatement à ces interrogations, l’on aura résolu, si pas totalement, de moins en grande partie, les graves problèmes sociaux qui minent notre société.

Aristote pense que la justice est une proportion et elle suppose quatre termes et une égalité de leur rapport deux à deux. Cette proportion pour la justice distributive doit être géométrique. Cette justice en effet suit une digression technique sur le nombre et la proportion mathématique. Aristote note d’abord que la proportion est une propriété de toute espèce de nombre arithmétique (nombre formé d’unités abstraites) ou concret (le nombre en général) et qu’il est pleinement justifié à soutenir que le juste explique un rapport proportionnel mêmes si ses termes sont concrets (deux personnes et deux parts)[48].

Sur ce point, notre Auteur rappelle qu’en mathématique, on distingue la proportion discontinue ou discrète qui comporte quatre termes et il en est de même aussi pour la proportion continue…[49] C’est – à – dire (X)

 ([50]), ce qui donne , et la proportion continue qui n’en comporte que trois (3) termes : (Y), on pose également A=8, B=4, et C=2 on aura : . Pourtant si l’on considère que le moyen terme est répété deux fois, on obtient bien aussi quatre termes. Ce qui donne dans (X)  , ce qui fait : 6X2=3X4 (en faisant le produit des moyens et le produit des extrêmes) cela fait 12=12 et dans (Y) donne 8X2=4X4, ce qui fait 16=16. Lorsque qu’il y a égalité, nous disons qu’il y a eu une juste distribution.

Mais en espèce, la proportion à établir pour la justice est discontinue, pour tout dire une proportion comportant quatre termes. En effet, le moyen terme diffère d’un membre à un autre de l’égalité : d’un côté, c’est un rapport entre des personnes et de l’autre, entre les choses à partager. De ce qui précède, nous aurons par exemple telle personne A est à cette autre B comme le bien C est à l’égard du bien D. Aristote envisage tour à tour la permutation ou l’inversion et la composition ou la sommation.

Si donc , on peut également obtenir cette nouvelle égalité , en permutant les termes supérieurs et les termes inférieurs. Le rapport de la personne A au bien C reçu est égal au rapport de la personne B à l’égard du bien D reçu. Or la distribution consiste exactement dans cette proportion : additionner membre à membre les termes de la proportion permutée aux termes simples. Si les quantités nouvelles sont dans un rapport égal au rapport initial entre les personnes attributaires : (z) , si donc les personnes demeurent dans le même rapport entre elles après le partage des biens, ce qui suppose qu’il ait été effectué conformément ou proportionnellement au mérite des personnes, alors la justice est atteinte. (z) donnera pour ce faire  et si nous posons A=6, B=3, C=4, D= 2 nous aurons en remplaçant  ce qui en additionnant  et cela implique qu’après le produit des moyens et des extrêmes, nous aurons  30=30.

Pour Aristote, « si les termes sont joints de cette façon, l’assemblage est effectué conformément à la justice »[51]. L’assemblage ou le couplage dont il est question est celui des partageants et des parts ayant pour sujet à la fois les personnes et les choses qui, réalisé comme il vient d’être dit, opère une juste distribution. La justice ici requise ne porte pas sur l’intention des actes, n’implique pas que l’homme soit moralement juste mais que chacun obtienne ce qui lui est dû conformément à son mérite et qu’ainsi règne le juste distributif.

Que dire alors du rapport ou de la relation des individus entre eux ? Voilà pourquoi nous allons parler de la justice commutative.

 

2.2.1.1. La justice commutative

 

D’emblée, lorsqu’on a compris que la société naît du besoin d’échanger des services, qu’elle se maintient par la possibilité d’en échanger, qu’elle se désagrège quand il n’y a plus de services à échanger, qu’elle est menacée quand les échanges ne sont pas justes, on admet la nécessité d’une vertu qui veille à cela.

Comme échanger se dit commutare en latin, on a inventé l’expression « justice commutative » pour désigner la qualité morale qui va présider aux échanges dont le lien social est tressé. La justice commutative s’oppose à la justice distributive, comme la gauche s’oppose à la droite, le nord du sud.

Pour ce faire, ayant compris l’importance de la justice commutative centrée sur l’échange entre individus, nous voyons que la société est essentiellement échange de services où « l’un défriche et bâtit, l’autre laboure et sème ; l’un soigne et console, l’autre évangélise et instruit »[52]. C’est donc le besoin d’échanger qui a amené les humains à vivre en société et c’est aussi la possibilité d’échanger qui les attache à la société. Par conséquent, tout vice dans les échanges ronge le lien social.

Toutefois, il sied de signaler que la justice distributive est supérieure à la justice commutative. Elle l’influence, la conditionne. Elle lui est antérieure. Les échanges se font au gré des accords conclus entre partenaires libres : des accords où l’on s’entend librement sur les modalités qui font que chaque personne concernée puisse avoir son dû. Mais il n’est pas rare de constater les inégalités au sein de la société.

Pour bien illustrer cette notion de la justice particulière, nous allons l’expliciter moyennant un triangle qui est en réalité un cercle (Cf. schéma ci – après)[53]. Les côtés du triangle forment en fait un tout que représente le cercle. Cela signifie qu’en dépit de la distinction que l’on peut établir au niveau de l’application de justice, celle – ci est une et indivisible. C’est cela qu’essaie de représenter le cercle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ETAT 

 
 

 

 

 

 


Individus Individus

 
 

 

[54]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Il faut pour cela une justice qui aura comme tâche la correction des ces inégalités et des alliances mal conclues.

2.2.2. La justice corrective

 

Certes, celui qui commet une injustice s’accapare plus qu’il ne mérite ; celui qui la subit en retire moins que sa part[55]. Mais l’injustice consiste aussi à prendre ou à se voir attribuer moins de mal que l’on subit. Si donc A a moins de souffrance que B, il reçoit plus que lui. C’est ici qu’intervient la justice corrective car il s’agit de corriger une injustice.

C’est pourquoi l’auteur de l’Ethique à Nicomaque procède dans la justice corrective en deux temps. D’abord, il distingue les formes où s’exercent la justice corrective. Ensuite, il indique quelle égalité doit s’y rencontrer pour que la justice existe dans ce domaine de transactions privées. Il s’attache à dégager le principe spécifique du juste correctif.

Cela étant, la justice corrective doit consentir à respecter une égalité de type arithmétique. Car en matière de transaction, le juste est un rapport d’égalité simple, « une proportion arithmétique »[56]. La progression arithmétique a pour propriété que la somme des moyens d’une série soit égale à la somme des extrêmes. Ainsi dans la série (2, 4, 6, 8), en appliquant ce principe on a 4+6=2+8. Ce dire que le juste correctif s’exprime effectivement selon une telle proportion.

De là, soient deux individus, A et B. le premier commet un vol sur le bien de X au préjudice de B. on a donc A qui est devenu A+X (X étant le bien volé) et B qui est devenu B-X (X étant le bien que B a perdu). Et si l’on pose A = B, on peut alors mettre en série sous la forme d’une progression arithmétique les quatre termes en présence : (A-X, A, B, B+X). La somme des moyens A+B est bien égale à la somme des extrêmes (A-X) + (B+X). Ainsi la justice règle toutes les transactions entre les personnes considérées comme égales moyennant la justice réglée par l’égalité arithmétique. Ce qui fait l’originalité d’Aristote est qu’il a pu introduire dans les rapports d’échanges entre particuliers la justice réglée par l’égalité arithmétique.

A cet effet, la justice corrective ne se préoccupe pas de la valeur respective des personnes mais elle vise un échange équilibré où la part de chaque partie constitue un moyen terme entre la perte et le gain. Pour bien illustrer sa théorie, Aristote prend l’exemple des préjudices et donc d’inégalité dans la relation ; il cite le cas d’adultère. Or sous peine de commettre une injustice, la loi ne doit pas tenir compte de la qualité respective du coupable et de la victime, de sa malhonnêteté ou de son honnêteté, mais uniquement du tort causé. En d’autres termes, que l’adultère ait été commis par un homme honnête ou non, par un homme réputé ou non, le préjudice subi par le conjoint est et demeure le même, et donc la réparation ou la correction à exiger est et demeure la même.

C’est pourquoi, le juste correctif n’est juste qu’à condition de respecter la stricte égalité arithmétique entre les personnes ; autrement dit, traiter les parties à égalité et donc ne pas faire acception des personnes.

Pour ce faire, lorsqu’il y a existence de l’inégalité dans le partage et entre les personnes, on fait appel au juge. De là, l’action du juge consiste à égaliser l’injustice, à rétablir la justice ou l’égalité en enlevant le gain obtenu au délinquant pour le reporter à la part de la victime. Car en réduisant l’avantage obtenu d’un côté, il comble la perte de l’autre. Ainsi donc, le juge opère par la proportion arithmétique, la seule à garantir le principe de l’égalité des personnes. Le juste à cet effet sera donc défini comme l’égal entre le plus et le moins, comme la moyenne arithmétique entre le gain et la perte. Aristote dit : « Le juste rectificatif sera le moyen entre une perte et un gain (…). L’égal est le moyen entre ce qui est plus grand et ce qui est plus petit, selon la proportion arithmétique. Et c’est pour cette raison aussi que le moyen reçoit le nom de juste (dikaion), parce qu’il est une division en deux parts égales (dicha)[57].

En effet, le juge est celui qui divise en parts égales et le juste est ce moyen qui est le résultat de ce partage en deux. Le juge est considéré comme la justice incarnée parce qu’il représente cette instance impartiale qui permet l’arbitrage du différend. Il ne saurait en effet y avoir de justice que par la médiation du juge qui représente cette instance d’impartialité à laquelle les partis font appel « en cas de contestation »[58]. C’est pourquoi « aller devant le juge c’est aller devant la justice, car le juge tend à être comme une justice incarnée »[59].

Pour ce faire, contrairement à ce que pensent les Sophistes, Aristote pense qu’il y a présence de l’injustice lorsqu’il y a inégalité dans le partage.

 

2.3. De l’injustice dans la société

 

Du latin injustitia, signifiant caractère d’une personne, d’une chose injuste[60]. Si on définit l’injuste comme Pleonektès c'est – à – dire celui qui prend plus que sa part, alors l’injustice n’a de sens que comme inégalité vis – à – vis des biens, du moins des biens extérieurs, ceux qui intéressent prospérité ou adversité (richesses ou honneurs…) et qui pour cette raison, risquent toujours d’être recherchés avec excès, ou plutôt qui, tout en étant des biens en eux-mêmes, puisqu’ils sont la condition matérielle d’une vie heureuse, peuvent ne pas l’être toujours en toutes circonstances et pour chacun.

Pourtant, il y a une manière d’être injuste que la notion de pléonexie rend difficilement compte. Elle consiste non pas à vouloir trop de biens et à en mesurer, mais à choisir moins que sa part de maux, à vouloir moins de choses mauvaises. Sans doute peut – on dire que le moindre mal est encore un bien et donc que prendre moins que sa part de maux revient toujours à prendre plus de biens que son dû. C’est bien l’idée d’inégalité qui est commune à ces deux formes d’injustice.

Apparaît comme « injuste celui qui contrevient à la loi et qui cherche à avoir plus et ne respecte pas l’égalité »[61] nous dit Aristote. Cela revient à dire que le fait de prendre plus ou moins par rapport à ce qui doit vous revenir, apparait comme injuste aux yeux de notre Auteur. Car l’injustice n’est qu’un vice et la justice une vertu complète.

Pour les Sophistes par contre, l’injustice était considérée comme une vertu. Selon le dire de Thrasymaque, la justice ne consiste pas à rendre à chacun son dû, mais à prendre tout ce que l’on veut ou l’on a besoin quels que soient les moyens utilisés, il suffit simplement d’atteindre le but. Donc, tout moyen est bon comme on le dit. La vraie vertu selon lui, c’est l’injustice du fort, qui prend tout le pouvoir et tous les biens dont il peut s’emparer, jusqu’à dépouiller totalement l’Etat et la société.

Dans ce cas, la justice ne sera donc que le respect des lois imposées aux plus faibles par le dirigeant de la cité. A en croire Thrasymaque, « l’injustice est donc plus avantageuse que la justice »[62]. Dans sa conception donc, l’injustice est plus rentable que la justice. Par le fait qu’au fort tout est dû : pouvoirs, honneurs, richesses, et que chacun cherche à avoir plus qu’autrui, et le plus possible. Il ya donc la raison du plus fort qui domine.

Dans la République par contre, Socrate laisse même plutôt entendre que les dirigeants ne peuvent désirer ni honneur, ni richesse et que c’est seulement pour éviter d’être dirigés par des pires qu’eux qu’ils accepteront le fardeau du pouvoir. C’est ce que Platon nous dit en ces termes : « La punition la plus sévère est d’être commandé par quelqu’un de plus médiocre que soit si on ne conçoit pas à gouverner soi – même »[63]. Aussi, au lieu d’accéder à une quantité infinie de richesses, les dirigeants sont soumis à la communauté des biens et à un salaire limité, c'est – à – dire au dépouillement de toute richesse personnelle. La justice n’est pas appréciée du point de vue social ; de l’intérêt de la cité, mais plus de l’individu.

C’est pourquoi, est bon, ce qui peut procurer plus d’intérêt surtout personnel, et c’est ce qui est juste. Ils n’ont donc pas soucis du bien commun. Il y a une sorte d’égoïsme accentué qui est développé au sein des Sophistes. Ils prônent donc le chacun pour soi.

Signalons aussi que l’injustice fait naître entre les hommes des dissensions, des haines et des luttes, tandis que la justice entretient la concorde et l’amitié, nous dit l’auteur de la République. Si chacun se mettait à chercher son propre avantage, l’Etat tout entier tomberait en ruine. Il est donc important que l’intérêt général soit privilégié. De là, un gouvernement est bon lorsqu’il est en accord avec les stricts principes de la justice, c'est-à-dire lorsqu’il met l’intérêt général en avant plan, et il est mauvais lorsqu’il n’envisage que l’intérêt personnel des dirigeants.

Par contre, Thrasymaque trouve que la justice ne consiste donc pas à rendre à chacun son dû ; la vraie vertu, c’est l’injustice du fort, qui prend tout le pouvoir et tous les biens dont il peut s’emparer, jusqu’à dépouiller totalement l’Etat et la société, et la justice n’est que le respect des lois imposées aux plus faibles par les dirigeants d’une cité.

 

2.4. La notion d’équité

 

Pour Laurence Hansen – Love, « l’équité est une justice qui a égard à l’esprit plutôt qu’à la lettre de la loi et qui peut même tempérer ou réviser celle – ci dans la mesure où elle se montre insuffisante en raison de son caractère générale »[64]. L’auteur de La politique montre que la nécessité d’équité se déduit de la nature même de la loi, c’est – à – dire, en l’occurrence, de sa généralité ou de son caractère absolu face à l’infinie diversité et à la particularité irréductible des cas d’espèce. Car pour lui, « la loi n’en est pas moins sans reproche, car la faute n’est pas à la loi, ni au législateur, mais tient à la nature des choses, puisque par leur essence même la matière des choses de l’ordre pratique revêt ce caractère d’irrégularité »[65].

Notons que pour le Péripatéticien, la science partage avec la loi de privilège mais aussi l’inconvénient de porter sur le général[66]. Platon, quant à lui, affirme qu’ « autant la loi est un substitut imparfait de la science comme l’est l’ordonnance à l’égard du médecin qui, par elle – même n’a pas besoin de loi, autant le roi manifeste la puissance et la supériorité transcendante de la science politique qu’il possède par sa disponibilité infinie à l’égard des cas particuliers »[67]. Pour notre auteur, l’équité est un correctif de la faillibilité de la loi.

Ainsi, l’imperfection de la loi tient à sa généralité mais cette dernière appartient à son essence. Autrement dit, une loi qui ne serait plus générale cesserait d’être une loi. En outre la loi doit informer la matière pratique qui, par principe, est sujette au changement et à l’irrégularité. C’est pourquoi, le juge qui doit dire la justice est condamné à se prononcer sur des cas imprévisibles au législateur et qui tombent en dehors de la règle établie.

De là, la loi ne peut pas prévoir tous les cas d’espèce. Il appartient au juge d’adapter la loi aux faits par une règle appliquée (décret). L’équité, cette « vertu politique requise pour la promulgation des décrets et pour les décisions judiciaires »[68] n’est pas tournée contre la loi, mais intervient à côté d’elle pour combler son silence ou son absence.

De ce fait, le juge équitable ne se contente pas de sanctionner les actions au moyen de la loi. Il n’interprète pas seulement la loi à cause de sa généralité mais sait apprécier la personne lésée, l’intention qui a présidé aux cas qu’il doit juger. L’équité consiste toujours à ne pas s’en tenir au droit strict.

 

2.5. Conclusion

 

Il a été question, dans ce second chapitre, du décryptage des formes de justice chez Aristote qui sont les conditions sine qua non d’une société stable.

Ainsi avons-nous noté que si une société veut être stable, il faut au préalable que l’Etat et ses membres puissent promouvoir le bien commun qui est la finalité de la société. Par-là, chacun doit s’impliquer dans la réalisation et la promotion de ce bien commun.

 

CONCLUSION GENERALE

 

A la fin de notre travail nous avons décrit la notion de la justice dans l’antiquité, plus particulièrement chez Aristote. Deux chapitres ont ponctué notre dissertation.

Le premier chapitre a mis au clair les vertus cardinales. Nous avons tour à tour parlé d’abord de la prudence qui est une disposition, accompagnée de règles vraies, capable d’agir dans la sphère de ce qui est bon ou mauvais pour un humain. Elle est ainsi cette vertu par laquelle l’homme découvre les moyens adaptés aux fins qu’il poursuit. Nous avons aussi abordé la tempérance qui, de son côté, consiste à une mesure. C’est par cette vertu que l’homme apprend à maîtriser ses passions. Ensuite, nous avons parlé du courage qui est une disposition acquise volontairement par rapport à nous, dans la mesure définie par la raison conformément à la conduite d’un homme réfléchi.

Enfin, nous avons abordé la vertu de justice qui, pour notre auteur, est la vertu par excellence. Dans Gorgias, Socrate soutient que la peur de n’avoir pas été juste est plus redoutable encore que la mort. Ainsi, le fondateur du Lycée, semblablement, dit de la justice qu’elle est la plus importante des vertus: d’une part, elle comprend toutes les autres vertus, d’autre part, elle fait le bonheur de la communauté politique.

Dès lors, nous avons affirmé que la justice a doublement rapport à la totalité ; elle est une vertu complète parce que l’homme en possession de cette vertu est capable d’en user aussi à l’égard des autres. Toutefois, la pratique des autres vertus ne nécessite pas immédiatement la présence de l’autre. La justice est donc une vertu communautaire à la suite de laquelle viennent nécessairement toutes les autres vertus.

Partant, nous avons soutenu que les vertus sont bonnes mais, la justice, quant à elle, est la meilleure par le fait que l’homme qui en possède fait du bien, non seulement à lui seul, comme cela est le cas des autres vertus, mais aussi aux autres. C’est dans ce sens qu’Aristote dit qu’elle est un bien étranger.

Cette vertu crée donc l’harmonie dans la société et favorise la paix. Si tout le monde la possède, il ferait bon vivre dans la société, il n’y aurait pas d’injustice et de révolte.

Dans le second chapitre, nous nous sommes proposé de parler de la justice comme fondement d’une société stable. Nous le savons fort bien : une société sans justice, n’est qu’une société qui vit dans la jungle. Cela se manifeste par des conflits entre le peuple et ses gouvernants. Il y a primauté de l’intérêt privé au mépris de l’intérêt général.

De ce fait, par la justice générale le citoyen rend son dû à la société ou à l’Etat. Il faut donc au préalable produire pour qu’il y ait une bonne distribution. Par cette justice, tout le monde est invité à bien faire son travail pour promouvoir le bien commun.

Ce n’est qu’après avoir produit que nous pouvons nous réjouir de recevoir notre dû. C’est ici qu’intervient la justice distributive. Il faut pour ce faire une égalité proportionnelle. Et l’argument qui le justifie dans le cas de la justice distributive est que l’on n’a pas seulement à faire à un simple échange de biens, mais aussi à une distribution qui implique à la fois les biens et ceux à qui les biens sont distribués. Nous avons vu que la question de la juste répartition des biens retrouve toute son importance. L’égalité est donc le trait distributif de la justice. Toute atteinte à l’égalité est injuste.

Parlant de la justice corrective, nous avons dit qu’elle concerne l’échange ou plus exactement la mutation, soit volontaire soit involontaire. Contrairement à la justice distributive, la justice corrective consiste dans une stricte égalité arithmétique, où l’on ne tient pas compte des personnes, mais seulement du préjudice subi. Il faut donc la présence d’un juge au cas où le contrat n’est pas respecté. Le juge doit être donc l’incarnation de la justice.

Néanmoins, les sophistes et plus particulièrement Thrasymaque ne voit la justice que comme une soumission des plus faibles à la loi dans l’intérêt des forts qui, ont avantage à être injustes. En d’autres termes, ce qui est juste, c’est que celui qui vaut plus ait le dessus sur celui qui vaut moins et que celui qui a une capacité supérieure, ait le dessus sur celui qui est davantage dépourvu de cette capacité.

Qu’à cela ne tienne, nous comprenons que la justice constitue l’essence de toutes les vertus qui n’en sont que des expressions particulières. Sa pratique est aussi de grande importance si nous voulons réformer nos sociétés africaines qui, elles aussi, sont en quête d’une justice, cette vertu qui pour notre Auteur, est complète.

En plus, la justice crée l’harmonie et l’équilibre des institutions de base de la société. Elle favorise ainsi le bien commun qui est la finalité de la cité. Nous proposons donc à nos gouvernants de mettre en pratique cette notion de justice telle que conçue par Aristote pour faire de notre continent en général et de notre pays en particulier un lieu où règne l’équilibre, la paix et, que l’intérêt général soit mis à l’avant plan. C’est de cette manière que nous pouvons barrer la route à toute injustice que les autres à la suite des sophistes considèrent comme une vertu.

Du reste, il est important pour « le pouvoir public de promouvoir réellement la protection des droits inaliénables de la personne humaine et de s’acquitter de sa mission de promotion du bien commun sans favoritisme, à l’égard de tel particulier ou de telle classe de la société. Car, on ne saurait en aucune façon permettre que l’autorité civile tourne au profit d’un seul ou d’un petit nombre, car elle a été instituée pour le bien commun de tous »[69]. Bref, la justice est le gage de la stabilité sociale, elle est le sel de la société, la source de la paix et de la sécurité, de la convivialité, de l’harmonie et de la cohésion sociale.

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

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AUTRES OUVRAGES

 

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2.      DICTIONNAIRES

 

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3.      REVUES ET ARTICLES

 

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MANWELO, Paulin, L’éloge de justice in Zaïre – Afrique, XXXVèmeannée, N°291, Kinshasa, Janvier, 1995, pp. 5 - 18.

 

4.      MEMOIRE

 

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5.      NETOGRAPHIE

 

http://fr. Wikipedia.org/Wiki/ Justice. Consulté le 07 Septembre 2012 à 15h43’

 



[1] C. – A., KHOSO MUAKA, La justice distributive comme fondement de l’équilibre social, Mémoire de licence en philosophie, Kinshasa, 2006, p.1.

[2] PLATON, Œuvres complètes, I, Paris, Gallimard, 1950, p. 406.

[3] La justice dans le monde, pp.10 et 13, cité par BLAIS, Martin in L’œil de caïen. Essai sur la justice, Montréal, Fides, 1994, p.4.

[4] PAUL VI, cité par P., AKELE ADAU, Justice internationale : notion, problématique, fondement et fonctionnement dans justice internationale et promotion des Nations. Actes des neuvièmes journées philosophiques du philosophat Saint – Augustin. Du 19 au 21 décembre 2005, Kinshasa XI, 2005, p.33

[5] http://fr. Wikipedia.org/Wiki/ Justice. Consulté le 07 Septembre 2012 à 15h43’.

[6] THOMAS D’AQUIN, Somme théologique, t.3, vol. II, 2ème partie, Paris, Cerf, 1985, p.393.

[7] ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, Paris, Vrin, p. 285.         

[8] Ibidem, p. 286.

[9] Ibidem, p. 284.

[10] A., COMPTE – SPONVILLE, Petit traité des grandes vertus, Paris, P.U.F., 1995, p. 50.

[11] Cf. THOMAS D’AQUIN, Saint, Somme théologique, Ia IIae q. 57, art. 5, et q. 61, art. 2, p. 355.

[12] ARISTOTE, o.c., p. 149.

[13] Ibidem. P.149.

[14] Cf. Ibidem, Ethique à Eudème, Paris, Vrin, 2007, p.152.

[15] Ibidem, p. 106.

[16] Cf. Ibidem, p.87.

[17] M. – P., PHILIPPE, Introduction à la philosophie d’Aristote, Paris, éd. Universitaires, 1991, p. 43.

[18] ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, cit., p.89.

[19] Frédéric, GROS, Etats de violence. Essai sur la fin de la guerre, Paris, Gallimard, 2006, p. 22.

[20] ARISTOTE, Ethique à Eudème, p.148.

[21] Ibid. p. 154.

[22] Ibid. Ethique à Nicomaque, p.153.

[23] Cfr. Ibidem, p.156.

[24] Ibidem, p.157.

[25]A., COMTE – SPONVILLE, Petit traité des grandes vertus, Paris, P.U.F., 1995, p. 60.

[26] Cf. ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, p.166.

[27] PLATON, La République, Paris, Garnier – Flammarion, 1966, p.182.

[28] Cf. ARISTOTE, o.c., p. 163.

[29] Cf. Ibidem, p. 164.

[30] MONTAIGNE, cité par COMPTE – SPONVILLE, André, o.c., p. 63.

[31] Cf. ARISTOTE, o.c., p. 166.

[32] Ibidem, p. 213.

[33] D., JULIA, Dictionnaire de la philosophie, Paris, Cedex, 2006, p. 142.

[34] Cf. ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, p. 219.

[35] Ibidem, p. 217.

[36] J. Tricot comprend l’adverbe comme voulant dire « légalement parlant ». C’est – à – dire pour lui les actions de l’homme sont justes relativement à la loi du seul point de vue légal.

[37] Cf. ARISTOTE, o.c., p. 253.

[38] Ibidem. p.253.

[39] J. DERRIDA, Sur parole, cité par THEO. Encyclopédie catholique pour tous, Paris, Mame, 2009, p. 898.

[40] J. HERVADA, cité par NDJONDJO Ndjula K’Asha in Le droit au service de la paix. Contribution à la construction d’un monde juste, Kinshasa, F.C.K., 2007, p. 37.

[41] RUNC, cité par P. AKELE ADAU, Justice internationale : notion, problématique, fondement et fonctionnement, in Justice internationale et promotion des nations. Actes des neuvièmes journées philosophiques du philosophat Saint – Augustin. Du 19 au 21 décembre 2005, Kinshasa XI, 2005 p. 35.

[42] SPINOZA, B., Traité politique dans Œuvres complètes IV, Paris, Garnier Flammarion, 1966, p. 31.

[43] ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, p. 218.

[44] Cf. BLAIS, Martin, L’œil de Caïn. Essai sur la justice, Québec, Fides, 1994, p. 76.

[45] CICERON, cité par Martin BLAIS, in L’œil de Caïn. Essai sur la justice, p.76.

[46] Cf. BLAIS, Martin, Ibidem. p. 76.

[47] LE PETIT ROBERT, Dictionnaire alphabétique et analytique de la langue française, Paris, nouvelle éd. Millésime, 2012, p. 480.

[48] Cf. ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, cit., pp 228 – 229.

[49] Cf. Ibidem.

[50] Si nous posons A=6; B=3; C=4; D =2, nous devons avoir la même chose après avoir effectué le calcul.

[51] Cf. ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, cit., p. 230.

[52] BLAIS, Martin, o.c., p. 89.

[53] Paulin, MANWELO, Eloge de la justice in Revue ZAÏRE – AFRIQUE, XXXVème année, N°291, Kinshasa, Janvier, 1995, p. 16.

[54] La justice générale est une justice de type vertical et concerne les devoirs et les obligations que les membres de la société ont envers l’Etat et ses institutions. La justice distributive a trait, en sens inverse, aux devoirs et obligations de l’Etat et de ses institutions envers les membres de la société. Nous avons ici une justice de type vertical également, mais dont les flèches vont dans le sens de l’Etat aux individus. La justice distributive s’occupe de la manière dont l’Etat doit distribuer la richesse, les honneurs et les fonctions sociales aux membres de la société. La justice commutative est de type horizontal et concerne les relations que les individus tissent entre eux, indépendamment des structures étatiques existantes.

[55] Cf. ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, cit., p. 231.

[56] Ibidem, p. 232.

[57] Ibidem, pp. 235 – 236.  

[58] Ibidem, p. 235.

[59] Ibidem.

[60] LE PETIT ROBERT, o.c., p. 1334.

[61] Cf. ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, p. 216.

[62] PLATON, La République, Paris, Garnier Flammarion, 1996, p.92.

[63] Cf. Ibidem.

[64] L. HANSEN – LOVE, La philosophie de A à Z, Paris, Hatier, 2011, p. 151.

[65] Cf. ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, p.267.

[66] Ibidem, La politique, p. 411.

[67] PLATON, Œuvres complètes, t.2, France, Gallimard, 1950, p.399.

[68] Cf. ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, p. 367.

[69] Pape Jean XXIII, Pacem in terris, cite par Augustin – César KHOSO, La justice distributive comme fondement de l’équilibre social, Mémoire de licence en philosophie, Kinshasa, 2006, p.72.