Docteur de l'Eglise
Commentaire du Traité du ciel et du monde d’Aristote
©
Livres 1, 2 et 3, Copyright et traduction par Barbara Ferré, 2008, 2009
Prologue traduit
par Guy Delaporte, 2004
Edition numérique https://www.i-docteurangelique.fr/DocteurAngelique
2008
Les œuvres complètes de
saint Thomas d'Aquin
Prologue – [Situation de ce livre dans les sciences]
Leçon 1 – [La science de la nature porte
surtout sur les corps et les grandeurs]
Leçon 2 – [L’étude de l’univers matériel]
traduction par Barbara Ferré, 2008
Leçon 3 – [Les cinq éléments qui composent le
monde]
Leçon 4 – [Les éléments du monde : étude
par le mouvement des corps]
Leçon
5 – [La nature de la quintessence]
Leçon 6 – [La quintessence n’est pas soumise à
la génération et à la corruption]
Leçon 7 – [La quintessence n’est pas sujet à
l’augmentation et à la diminution]
Leçon 8 – [L’univers infralunaire est composé
de quatre éléments seulement]
Leçon 9 – [L’univers est-il infini en
taille ?]
Leçon 10 – [L’univers n’est pas infini en
taille, preuve par le temps]
Leçon 11 – [L’univers n’est pas infini en
taille, preuve par la surface]
Leçon 12 – [L’univers n’est pas infini en
taille, preuve par les corps se mouvant en ligne droite]
Leçon 13 – [L’univers n’est pas infini en
taille, autre preuve]
Leçon 14 – [L’univers n’est pas infini en
taille, preuves par l’action et la passion]
Leçon 15 – [L’univers n’est pas infini en
taille, preuves logiques]
Leçon 16 – [Y a-t-il un nombre infini
d’univers ?]
Leçon 17 – [L’unicité du monde, preuve par le
mouvement vers un lieu]
Leçon 18 – [Le mouvement vise toujours un lieu
déterminé]
Leçon 19 – [Autre preuve : il ne peut y
avoir d’autre monde]
Leçon 20 – [Le monde est composé de toute sa
matière]
Leçon 21 – [Il n’y a rien en dehors du ciel,
ni lieu, ni vide, ni temps]
Leçon 22 – [L’univers est-il éternel ?
opinion de Platon]
Leçon 23 – [Xénocrate et l’hypothèse d’un
monde créé quoique incorruptible]
Leçon 24 – [Préalable à l’opinion
d’Aristote : Définition de l’engendré et du corruptible]
Leçon 25 – [Préalable à l’opinion
d’Aristote : Définition du possible et de l’impossible]
Leçon 26 – [L’opinion d’Aristote : toute
chose éternelle est non engendrée et incorruptible]
Leçon 27 – [Comparaison de l’éternel et du
corruptible]
Leçon 28 – [ce qui peut être engendré et ce
qui peut être corrompu s’impliquent mutuellement]
Leçon 29 – [Rejet de l’opinion contraire à la
précédante]
Leçon 1 – [L’éternité du ciel]
Leçon 2 – [Opinions des philosophes sur les
parties du ciel]
Leçon 3 – [Opinion d’Aristote sur les parties
du ciel]
Leçon 4 – [Les multiples sphères célestes]
Leçon 6 – [le ciel est sphérique –arguments-]
Leçon 7 – [Le mouvement du ciel]
Leçon 8 – [L’uniformité du mouvement du ciel]
Leçon 10 – [La nature des étoiles]
Leçon 11 – [le mouvement des étoiles]
Leçon 12 – [Le mouvement des étoiles est un
cercle –arguments-]
Leçon 14 – [Le son des étoiles]
Leçon 15 – [L’ordre et la place des étoiles]
Leçon 16 – [La forme des étoiles]
Leçon 17 – [Difficultés sur les étoiles]
Leçon 19 – [Solutions aux difficultés sur les
étoiles –suite-]
Leçon 20 – [L’emplacement de la terre]
Leçon 21 – [Le mouvement de la terre]
Leçon 22 – [L’immobilité de la terre]
Leçon 23 – [La cause de l’immobilité de la terre]
Leçon 24 – [Autres raisons sur l’immobilité de
la terre]
Leçon 26 – [L’opinion d’Aristote sur la terre]
Leçon 27 – [L’opinion d’Aristote sur la forme
de la terre]
Leçon 28 – [Autre preuve de la rontondité de
la terre]
Livre 3
– [Les autres corps simples, c’est-à-dire le lourd et le léger]
Leçon 1 – [les corps ayant un mouvement droit]
Leçon 2 – [Opinions des anciens philosophes]
Leçon 3 – [L’opinion de Platon est-elle
vraie ?]
Leçon 4 – [Réfutation de Platon par Aristote]
Leçon 5 – [Le mouvement naturel des corps
naturels]
Leçon 6 – [Réfutation de l’opinion de Platon
sur les mouvements naturels]
Leçon 7 – [Les corps qui se déplacent
naturellement en ligne droite ont pesanteur et légèreté]
Leçon 8 – [Comment se produisent génération et
mouvement ?]
Pierre
d’Auvergne : suite du commentaire du livre du Ciel et du monde
Livre 4
(commenté par Pierre d’Auvergne)
Prooemium |
Prologue
– [Situation de ce livre dans les sciences]
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[70814] In De caelo, pr. 1 Sicut philosophus dicit in I Physic., tunc opinamur
cognoscere unumquodque, cum causas cognoscimus primas, et principia prima, et
usque ad elementa. Ex quo manifeste philosophus ostendit in scientiis
esse processum ordinatum, prout proceditur a primis causis et principiis
usque ad proximas causas, quae sunt elementa constituentia essentiam rei. Et
hoc est rationabile: nam processus scientiarum est opus rationis, cuius
proprium est ordinare; unde in omni opere rationis ordo aliquis invenitur,
secundum quem proceditur ab uno in aliud. Et hoc patet tam in ratione
practica, cuius consideratio est circa ea quae nos facimus, quam in ratione
speculativa, cuius consideratio est circa ea quae sunt aliunde facta. |
Selon le philosophe au début de sa Physique, « nous pensons connaître quelque chose lorsque nous connaissons ses causes et ses principes premiers, et jusqu'à ses éléments. » Il veut nous montrer par là qu'il y a un ordre de procéder dans les sciences consistant à partir des premières causes et des premiers principes pour aller jusqu'aux causes les plus immédiates : les éléments constituant l'essence de la réalité en question. Et cela est rationnel : l’avancement des sciences est effectivement une œuvre de la raison où l'on trouve, comme dans chacune de ses réalisations, une progression ordonnée d'un point à un autre. On le constate aussi bien pour la raison pratique, dont la considération porte sur ce que nous faisons, que pour la raison spéculative, qui étudie ce qui a été fait ailleurs. |
[70815] In De caelo, pr. 2 Invenitur autem processus de priori ad posterius in
consideratione practicae rationis secundum quadruplicem ordinem: primo quidem
secundum ordinem apprehensionis, prout artifex primo apprehendit
formam domus absolute, et postea inducit eam in materiam; secundo secundum
ordinem intentionis, secundum quod artifex intendit totam domum
perficere, et propter hoc facit quidquid operatur circa partes domus; tertio
secundum ordinem compositionis, prout scilicet prius dolat lapides, et
postea compingit eos in unum parietem; quarto secundum ordinem sustentationis
artificii, prout artifex primo iacit fundamentum, super quod ceterae
partes domus sustentantur. Similiter etiam invenitur quadruplex ordo in
consideratione rationis speculativae. Primus quidem secundum quod proceditur
a communibus ad minus communia. Et hic ordo respondet proportionaliter primo
ordini, quem diximus apprehensionis: universalia enim considerantur
secundum formam absolutam, particularia vero secundum applicationem formae ad
materiam; sicut philosophus in I de caelo dicit quod qui dicit caelum,
dicit formam, qui autem dicit hoc caelum, dicit formam in materia. Secundus ordo est secundum quod proceditur a toto ad
partes. Et hic ordo proportionaliter
respondet ordini quem diximus intentionis, prout scilicet totum est
prius in consideratione quam partes, non qualescumque, sed partes quae sunt
secundum materiam et quae sunt individui; sicut semicirculus, in cuius
definitione ponitur circulus (est enim semicirculus media pars circuli), et
acutus angulus, in cuius definitione ponitur rectus (est enim acutus angulus
minor recto). Accidit autem circulo et recto angulo sic dividi: unde
huiusmodi non sunt partes speciei. Huiusmodi enim partes sunt priores in
consideratione quam totum, et ponuntur in definitione totius, sicut carnes et
ossa in definitione hominis, ut dicitur in VII Metaphys. Tertius autem ordo
est secundum quod proceditur a simplicibus ad composita, inquantum composita
cognoscuntur per simplicia, sicut per sua principia. Et hic ordo comparatur
tertio ordini, quem diximus compositionis. Quartus autem ordo est
secundum quod principales partes necesse est prius considerare, sicut cor et
hepar quam arterias et sanguinem. Et hic proportionatur practico ordini,
secundum quod fundamentum prius iacitur. |
Le développement du raisonnement pratique suit un quadruple ordre. Un de saisie tout d'abord : ainsi, l’artisan conçoit la forme de la maison pour elle-même avant de la matérialiser. Un d'intention ensuite, car ce même artisan qui veut porter la maison à son achèvement, s'occupe de chaque étape qui concourt à sa réalisation. Un de composition en outre, car il commence par tailler les pierres puis les assemble en un mur. Un de soutènement enfin, car il creuse d'abord les fondations sur lesquelles tout le reste reposera. Analogiquement, on retrouve ces quatre mêmes démarches avec la raison spéculative. Elle passe d'abord du commun au moins commun, ce qui correspond, toutes proportions gardées, à notre premier ordre dit de saisie. Le concept universel renvoie à la forme comme telle tandis que le concept particulier renvoie à la forme matérialisée. Aristote écrit par exemple au premier livre du Traité du Ciel : qui dit « galaxie » dit la forme seule, mais qui dit « cette galaxie » dit une forme matérialisée. Deuxièmement, elle passe du tout aux parties, ce qui correspondrait à l'ordre d'intention : on considère en effet le tout avant ses parties matérielles, c'est à dire celles qui l'individualisent ; dans la définition du demi-cercle par exemple, est déjà posée celle du cercle ( le demi-cercle est « la moitié d'un cercle » ), et la définition de l'angle aigu suppose celle de l'angle droit (l'angle aigu est un angle inférieur à 90°) ‑ lorsque le cercle ou l'angle droit sont divisés, il ne s'agit pas de parties spécifiques, car la considération de ces dernières précède celle du tout et intervient dans sa définition -. Troisièmement elle passe du simple au complexe puisque ce dernier est connu par les éléments simples qui en sont les principes. On peut comparer cela à l'ordre dit de composition. Quatrièmement, elle doit considérer en premier les parties principales, comme par exemple le cœur ou le foie, avant les artères ou le sang, analogiquement à l'ordre pratique qui commence par poser les fondements. |
[70816] In De caelo, pr. 3 Et hic quadruplex ordo consideratur etiam in processu
scientiae naturalis. Nam primo determinantur communia naturae in libro
physicorum, in quo agitur de mobili inquantum est mobile. Unde restat in
aliis libris scientiae naturalis huiusmodi communia applicare ad propria
subiecta. Subiectum autem motus est magnitudo et corpus: quia nihil movetur
nisi quantum. In corporibus autem est attendere tres alios ordines: uno
quidem modo secundum quod totum universum corporeum est prius in
consideratione quam partes eius; alio modo secundum quod simplicia corpora
prius considerantur quam mixta; tertio secundum quod inter simplicia corpora
prius necesse est de priori considerare, scilicet de caelesti corpore, per
quod omnia alia firmantur. Et haec tria in hoc libro aguntur, qui apud
Graecos intitulatur de caelo. Traduntur enim in
hoc libro quaedam pertinentia ad totum universum, sicut patet in primo libro;
quaedam pertinentia ad corpus caeleste, sicut patet in secundo; quaedam
pertinentia ad alia simplicia corpora, sicut patet in tertio et quarto. Et ideo rationabiliter hic liber ordinatur primus post
librum physicorum. Et propter hoc statim in principio huius libri agitur de
corpore, cui necesse est applicari omnia quae tradita sunt de motu in libro
physicorum. |
Aussi retrouve-t-on ces quatre ordres dans le
développement des sciences de la nature. Les concepts communs de la nature
sont mis au point dès |
[70817] In De caelo, pr. 4 Quia igitur diversa in hoc libro traduntur, dubium fuit
apud antiquos expositores Aristotelis de subiecto huius libri. Alexander enim
opinatus est quod subiectum de quo principaliter in hoc libro agitur, sit
ipsum universum. Unde, cum caelum tripliciter dicatur, quandoque ipsa ultima
sphaera, quandoque totum corpus quod circulariter movetur, quandoque autem ipsum
universum, asserit hunc librum intitulari de caelo, quasi de universo vel de
mundo: in cuius assertionem assumit quod philosophus in hoc libro determinat
quaedam ad totum universum pertinentia, puta quod sit finitum, quod sit unum
tantum, et alia huiusmodi. E contrario autem aliis videtur quod subiectum de
quo principaliter in hoc libro intenditur, est corpus caeleste quod
circulariter movetur; et propter hoc intitulatur de caelo. De aliis autem
corporibus determinatur in hoc libro vel ex consequenti, inquantum
continentur a caelo et eius influentiam recipiunt, sicut Iamblichus dixit;
vel per accidens, inquantum aliorum corporum notitia assumitur ad
manifestandum ea quae dicuntur de caelo, ut dixit Syrianus. Sed hoc non
videtur probabile: quia postquam philosophus in secundo libro determinavit de
caelo, in tertio et quarto subiungit considerationem de aliis simplicibus
corporibus, quasi principaliter de eis intendens. Non enim consuevit
philosophus principalem partem alicuius scientiae assignare his quae per
accidens assumuntur. Et ideo aliis visum est, sicut Simplicius dixit, quod
intentio philosophi in hoc libro est determinare de simplicibus corporibus,
inquantum conveniunt in communi intentione simplicis corporis: et quia inter
simplicia corpora principalius est caelum, a quo alia dependent, ideo
denominatur totus liber a caelo. Et, sicut dicit, non obstat quod in hoc
libro determinantur quaedam quae pertinent ad totum universum: quia huiusmodi
conditiones conveniunt universo inquantum conveniunt caelesti corpori,
scilicet esse finitum et sempiternum, et alia huiusmodi. Si autem intentio
principalis philosophi esset determinare de universo, sive de mundo,
oporteret quod Aristoteles considerationem suam extenderet ad omnes partes
mundi, etiam usque ad plantas et animalia, sicut Plato in Timaeo. Sed eadem ratione possumus arguere contra
Simplicium: quia si in hoc libro principaliter intenderet de corporibus
simplicibus, oporteret quod omnia quae pertinent ad corpora simplicia in hoc
libro traderentur; nunc autem in hoc libro traduntur solum ea quae pertinent
ad levitatem et gravitatem ipsorum, alia vero traduntur in libro de
generatione. |
Ce livre aborde beaucoup de problèmes, et les anciens commentateurs d'Aristote se sont interrogés sur son sujet. De l'avis d'Alexandre, c'est principalement l'univers lui-même. Le mot « ciel » désigne en effet tantôt la sphère ultime, tantôt tout corps animé de mouvement circulaire, tantôt l'univers entier ; aussi ce commentateur affirme-t-il que le titre « Du Ciel » équivaut à « De l'Univers » ou bien à « Du Monde », montrant par-là qu'Aristote arrive à des conclusions qui concernent l'univers dans son ensemble, comme sa finitude, son unicité, etc. D'autres, au contraire, ont vu comme sujet principal le corps céleste animé de mouvement circulaire. D’où son titre « Du Ciel ». Les autres corps physiques y sont abordés soit parce qu’ils sont contenus dans le ciel et reçoivent son influence, comme le pense Jamblique, soit parce qu’on a accidentellement besoin de connaître d'autres corps pour éclairer son propos sur le ciel, selon les dires de Syrianus. Mais il parait peu probable qu'après que le philosophe a traité du ciel au second livre, il ait joint aux deux suivants des considérations sur les corps simples, exactement comme s'il en faisait son sujet premier. Il n'est pas en effet dans les habitudes d'Aristote de regarder comme partie principale d'une science des données accidentelles. Il a semblé à d'autres, et à Simplicius, que l'intention de ce livre était de traiter des corps de structure simple dans ce qu'ils ont de commun. Cet ouvrage prendrait son titre du ciel parce que celui-ci est le plus important d'entre eux et leur fondement. En disant cela, on justifie que le texte aborde la question de l'univers : certaines propriétés sont en effet communes aux corps célestes et à l'univers (la finitude, l’éternité, ...), mais si l'intention essentielle d'Aristote avait été de parler de l'univers ou du monde, il aurait étendu sa considération à tous les aspects de celui-ci, y compris aux plantes et aux animaux comme Platon dans son « Timée ». Pourtant le même argument se retourne contre Simplicius : s'il s'agissait premièrement de l'étude des corps de structure simple, il aurait fallu parler de tout ce qui leur appartient, et non pas seulement, comme c'est le cas, de leur gravitation, en abandonnant le reste au traité de la « Génération ». |
[70818] In De caelo, pr. 5 Et ideo rationabilior videtur sententia
Alexandri, quod subiectum huius libri sit ipsum universum, quod dicitur caelum
vel mundus; et quod de simplicibus corporibus determinatur in hoc
libro, secundum quod sunt partes universi. Constituitur autem universum
corporeum ex suis partibus secundum ordinem situs: et ideo de illis solum
partibus universi determinatur in hoc libro, quae primo et per se habent
situm in universo, scilicet de corporibus simplicibus. Unde et de quatuor
elementis non determinatur in hoc libro secundum quod sunt calida vel
frigida, vel aliquid huiusmodi; sed solum secundum gravitatem et levitatem,
ex quibus determinatur eis situs in universo. Aliis autem partibus universi,
puta lapidibus, plantis et animalibus, non determinatur situs secundum se,
sed secundum simplicia corpora: et ideo de his non erat in hoc libro agendum.
Et hoc consonat ei quod consuevit apud Latinos dici, quod in hoc libro agitur
de corpore mobili ad situm, sive secundum locum: qui quidem motus communis
est omnibus partibus universi. |
C'est pourquoi semble plus rationnelle la pensée d'Alexandre, pour qui le sujet de l'ouvrage est l'univers, sous les noms de ciel ou de monde. Les corps simples y sont considérés comme des composants du cosmos. L'univers matériel est constitué par un ordre spatial entre eux. Aussi le texte n'aborde-t-il que les composants dont la caractéristique essentielle est d'avoir « place » dans l'univers : les corps de structure simple. Pour cette raison également, il n'étudie pas la température des quatre éléments ou toute propriété autre que la gravitation qui détermine cette place. On n'assigne un endroit dans l'univers aux autres composants comme les roches, les plantes ou les animaux, que par rapport à un corps de structure simple. Aussi ce livre n'en parle-t-il pas. La même pensée fait dire aux commentateurs latins que l'ouvrage traite des corps en mouvement local car ce mouvement est commun à tous les composants de l'univers. |
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Liber 1 |
Livre
1 – [Le monde matériel]
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Lectio 1 |
Leçon 1 – [La science de la nature porte surtout sur les corps et les grandeurs] |
[70819] In De caelo, lib. |
Dans ce premier livre, Aristote entreprend
d’appliquer aux corps ce qu’il a globalement dit du mouvement dans |
[70820] In De caelo, lib. |
Il commence par la conclusion : la science de la nature porte surtout sur les corps et les grandeurs comme la ligne et la surface [268a1]. Mais le naturaliste, à la différence du géomètre, considère les corps en tant que mobiles et les surfaces et les lignes en tant que frontières des corps mobiles. Alors que la géométrie voit en elles des quantités mesurables. Et comme il revient à la science de considérer les sujets, mais aussi les passions (I poster), il ajoute que la science naturelle traite surtout des passions et des mouvements [268a1]. Par passion, on peut entendre altération, ainsi que les mouvements qui en découlent et altèrent quelque chose dans la substance. Il ajoute alors « ... et les mouvements » afin de procéder du spécifique au commun. Ou bien, par mouvement, il désigne spécialement le mouvement local, qui est le plus parfait dans le genre du mouvement. Ou encore, par passion, il signifie propriétés et par mouvement les opérations des êtres naturels, qui ne peuvent s’exécuter sans mouvement. |
Vel per passiones intelligit proprietates,
per motus autem operationes rerum naturalium, quae non sunt sine motu.
Et quia in qualibet scientia oportet considerare principia, subiungit quod
naturalis scientia est circa quaecumque principia praedictae substantiae;
scilicet corporeae mobilis. Per quod datur intelligi quod ad naturalem
pertinet praecipue considerare de corpore inquantum est in genere
substantiae, sic enim est subiectum motus: ad geometram autem inquantum est
in genere quantitatis, sic enim mensuratur. Et quia minor est manifesta,
scilicet quod scientia naturalis sit de rebus naturalibus, subiungit maiorem,
dicens quod ideo scientia naturalis existit circa praedicta, quia eorum quae
sunt secundum naturam, quaedam sunt corpora et magnitudines, sicut lapides et
alia inanimata; quaedam habent corpus et magnitudinem, sicut plantae et
animalia, quorum principalior pars est anima (unde magis sunt id quod sunt
secundum animam quam secundum corpus); quaedam vero sunt principia habentium
corpus et magnitudinem, sicut anima, et universaliter forma, et materia. Et
ex hoc apparet quare dixit quod scientia de natura fere plurima
existit circa corpora et magnitudines: quaedam enim pars eius est circa
habentia corpus et magnitudines; est etiam circa principia horum; est etiam
circa quaedam quae non sunt in natura, quae aliqui attribuerunt corporibus et
magnitudinibus, scilicet circa vacuum et infinitum. |
Une science, quelle qu’elle soit, doit considérer les principes. Aussi ajoute-t-il que la science de la nature porte sur l’ensemble des principes des substances naturelles que sont les corps mobiles. Ceci explique qu’il appartienne à la science de la nature de considérer principalement les corps comme relevant du genre substance et sujet du mouvement, et à la géométrie comme relevant du genre quantité et sujet de mesures. La mineure – la science de la nature porte sur les réalités naturelles – est manifeste, car relèvent de la nature, d’une part les corps et les grandeurs, comme la pierre et les autres êtres inanimés, d’autre part les êtres ayant corps et grandeur, comme les plantes et les animaux, mais dont la partie principale est l’âme (ils doivent plus ce qu’ils sont à leur âme qu’à leur corps), d’autre part encore les principes de ce qui a corps et grandeur, comme l’âme ou toute forme en général, et la matière. Aristote dit que la science de la nature porte surtout sur les corps et les grandeurs, car pour une partie elle traite des corps et des grandeurs, pour une autre de leurs principes et pour une troisième seulement de réalités qui n’existent pas dans la nature, mais à qui certains ont attribué corps et grandeur, comme le vide et l’infini. |
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Lectio 2 |
Leçon 2 – [L’étude de l’univers matériel] traduction par Barbara Ferré, 2008 |
[70821] In De
caelo, lib. |
[70821] Sur le De caelo, I, 2, 1. Après que le Philosophe a montré en introduction ce qu’il faut déterminer à propos des corps et des grandeurs dans la science naturelle, il commence à exposer ici sa principale proposition. Et puisque, comme on l’a dit ci-dessus, dans ce livre Aristote vise à traiter principalement de l’univers matériel et de ses principales parties, qui sont les corps simples, parmi lesquels le corps céleste est le plus important, ce livre se divise donc en trois parties : dans la première il traite de l’univers matériel ; dans la seconde il traite du corps céleste, et cela dans le second livre, ici : « ce qui donc n’a ni été fait », etc. ; dans la troisième partie, il traite des autres corps simples, c’est-à-dire du lourd et du léger, dans le troisième livre, ici : « du premier ciel donc », etc. En ce qui concerne le premier point, il fait deux choses : premièrement il montre la perfection de l’univers ; deuxièmement il détermine certaines de ses dispositions ou de ses propriétés, ici : « mais puisqu’il est manifeste à leur sujet », etc. En ce qui concerne le premier point, il fait deux choses : premièrement il montre la perfection de l’univers ; deuxièmement il montre de quelles parties cette perfection est composée, ici : « de la nature de la totalité », etc. En ce qui concerne le premier point, il fait deux choses : premièrement il montre la perfection de l’univers qu’il a selon la conception commune de son genre, en tant que corps ; deuxièmement il prouve la perfection qui lui est propre, ici : « du reste parmi les corps incomplets », etc. En ce qui concerne le premier point, il fait trois choses : premièrement il expose la définition du corps, dont il se sert pour démontrer la proposition ; deuxièmement il prouve la proposition, ici : « c’est pourquoi puisque tout et la totalité », etc. ; troisièmement il montre ce qui peut être évident d’après les prémisses, ici : « donc tout ce qui », etc. En ce qui concerne le premier point, il accomplit deux choses : premièrement il définit le continu, qui est le genre du corps ; deuxièmement il expose la définition du corps, ici : « or le corps », etc. |
[70822] In De
caelo, lib. |
[70822] Sur le De caelo, I,
2, 2. [268a5] En ce qui concerne le premier
point, il faut considérer que le continu
se trouve défini de deux manières par le philosophe. D’une part selon une
définition formelle, dans la mesure où il est dit dans les Catégories que le continu est ce dont les parties sont reliées à une
limite commune : en effet, l’unité du continu est pour ainsi dire sa
forme. D’autre part selon une définition matérielle, qui est tirée des
parties qui possèdent l’organisation de la matière, comme il est dit dans le
livre II de |
[70823] In De
caelo, lib. |
[70823] Sur le De caelo, I, 2, 3. [268a5] Ensuite lorsqu’il dit : « or le corps », etc., il définit le corps. Et premièrement il propose une définition en disant que le corps est le continu qui est divisible de toutes les façons, c’est-à-dire en toute partie, ou selon toute dimension. Et deuxièmement ici : « de la grandeur », etc., il prouve la définition proposée par le raisonnement suivant. [268a10] Le corps se divise selon trois dimensions : or ce qui se divise selon trois dimensions se divise selon toutes ; donc le corps est divisible selon toutes les dimensions. Premièrement donc il expose la mineure, comme par division. En effet, l’une des grandeurs est celle qui se divise en une seule partie, et on l’appelle ligne ; une autre est celle qui se divise en deux parties et qu’on appelle plan, c’est-à-dire surface ; et l’autre est celle qui se divise selon trois dimensions ; et comme cette grandeur n’est pas la ligne ni la surface, il s’ensuit que c’est le corps. Il place ici la majeure : « et outre celles-là », etc. Et il l’établit : il dit qu’outre ces grandeurs ou dimensions il n’est pas d’autre grandeur ou dimension, étant donné que trois choses équivalent à toutes, puisqu’elles équivalent à un certain total ; et ce qui est trois fois semble être de toutes les façons, ou bien en tout, c’est-à-dire de toute sorte. |
[70824] In De
caelo, lib. |
[70824] Sur le De caelo, I, 2, 4. Deuxièmement ici : « de même que, en effet », etc., il prouve ce qu’il avait dit de trois manières. Premièrement selon le raisonnement des Pythagoriciens, qui ont dit que ce qui est dit total et tout est déterminé par le nombre trois. En effet le début, le milieu et l’achèvement, c’est à-dire la fin, ont le nombre qui convient au total et au tout : car dans les choses divisibles la première partie ne suffit pas à l’ensemble du tout, qui est constitué par l’extrémité, à laquelle on parvient en partant du début et en passant par le milieu. Or ces choses, à savoir le début, le milieu et la fin, ont comme nombre trois : et ainsi il est évident que le nombre trois convient au tout et au total. |
[70825] In De
caelo, lib. |
[70825] Sur le De caelo, I, 2, 5. [268a15] Deuxièmement ici : « étant donné que par la nature », etc., il prouve la même chose par ce qui est observé dans le culte divin. En effet nous nous servons de ce nombre, c’est-à-dire trois, dans les sanctifications des dieux (à savoir ceux que les Gentils honoraient), c’est-à-dire dans les sacrifices et les louanges en leur honneur, et si nous avons reçu de la nature ses lois et ses règles : c’est-à-dire que, de même que la nature accomplit tout selon le nombre trois, de même ceux qui ont institué le culte divin, voulant attribuer à leur dieu tout ce qui est parfait, lui ont attribué aussi le nombre trois. |
[70826] In De
caelo, lib. |
[70826] Sur le De caelo, I, 2, 6. Troisièmement ici : « or nous attribuons », etc., il prouve la même chose par l’usage commun de la parole. Et il dit que nous attribuons aussi les mots aux choses selon la manière déjà dite, c’est-à-dire où la perfection correspond au nombre trois. Si en effet des choses sont au nombre de deux, nous disons qu’elles sont toutes deux et nous disons que deux hommes sont tous les deux ; or nous ne disons pas d’eux tous, mais nous utilisons ce mot en premier lieu à partir de trois. Et nous suivons tous communément cette manière de parler, étant donné que la nature nous fait penser vers cela. Car ce qui est propre à chacun dans la manière de parler semble provenir de conceptions propres à chacun, mais ce qui s’observe communément chez tous semble provenir d’un penchant naturel. |
[70827] In De
caelo, lib. |
[70827] Sur le De caelo, I, 2, 7. Or il faut remarquer qu’on ne voit nulle part ailleurs Aristote se servir de raisonnements pythagoriciens pour démontrer une proposition et qu’on ne le voit pas ailleurs tirer une conclusion sur les choses au moyen des propriétés des nombres ; et peut-être fait-il cela ici en raison d’une affinité des nombres avec les grandeurs dont il est question ici. Cependant il semble que cette démonstration ne soit pas efficace : car il ne semble pas s’ensuivre que les dimensions sont trois du fait que trois est le nombre du total et du tout : autrement il s’ensuivrait par cette raison qu’il n’y aurait que trois éléments ou trois doigts d’une main. Mais il faut savoir que, comme le dit Simplicius dans son commentaire, Aristote ne procède pas ici par une démonstration, mais selon la probabilité : et cette méthode est suffisante après les démonstrations déjà produites ou présupposées à partir de l’autre science. Or il est évident que déterminer les dimensions des corps en tant que de cette manière relève en soi de la mathématique : le naturaliste emprunte à la mathématique ce qu’il considère au sujet des dimensions. Et c’est pourquoi prouver par une démonstration qu’il existe seulement trois dimensions relève de la mathématique : de même que Ptolémée prouve par cela qu’il est impossible de relier en même temps plus de trois lignes perpendiculaires sur le même point ; or toute dimension se mesure selon une ligne perpendiculaire. Donc Aristote, rattachant la démonstration de celui-là à la mathématique, utilise son témoignage et ses indications, comme il a l’habitude de le faire après les démonstrations produites par lui. |
[70828] In De
caelo, lib. |
[70828] Sur le De caelo, I, 2, 8. [268a20] Ensuite, lorsqu’il dit : « c’est pourquoi puisque tout, etc. », à partir de ce qui a été montré il procède à la démonstration de la principale proposition. Et il dit que ces trois mots, tout, entier et parfait, ne diffèrent pas les uns des autres selon l’espèce, c’est-à-dire selon la raison formelle, puisque toutes comportent une certaine totalité : mais s’ils diffèrent en quelque chose, ils diffèrent en matière et en sujet, dans la mesure où on les dit à propos de choses diverses. En effet nous utilisons ce qui est appelé tout pour des choses divisées, comme nous disons tout homme : nous l’utilisons aussi pour les choses continues qui sont proches de la division, comme nous disons toute eau et tout air. Or nous disons entier à la fois pour ces choses et pour les choses continues : nous disons en effet le peuple entier et la ligne entière. Or nous appelons parfait à la fois ces choses et les formes : nous disons en effet une blancheur parfaite et une vertu parfaite. Donc puisque tout et parfait sont la même chose, la conséquence est que le corps est parfait entre les grandeurs : puisque seul le corps est déterminé par trois dimensions, il a aussi totalement la relation avec le tout, comme on l’a montré ci-dessus. En effet, comme il est divisible de trois manières, il s’ensuit qu’il est divisible de toute manière, c’est-à-dire selon toute dimension. [265a25] Mais parmi les autres grandeurs l’une est divisible selon deux dimensions, à savoir la surface ; l’autre l’est selon une seule, à savoir la ligne. En effet, comme elles ont obtenu un nombre, c’est-à-dire de même que les grandeurs ont un nombre de dimensions, de même elles ont la division et la continuité ; tout comme une grandeur est continue selon une seule manière, à savoir la ligne ; une autre est continue selon deux manières, à savoir la surface ; or un corps est continu selon toute manière. De là il est clair que le corps est une grandeur parfaite, ayant pour ainsi dire tout mode de continuité. |
[70829] In De
caelo, lib. |
[70829] Sur le De caelo, I,
2, 9. [268ab1] Ensuite, lorsqu’il dit :
« tout ce qui donc », il montre ce qui est évident ou non d’après les
prémisses : et il expose trois idées. La première d’entre elles est
évidente par elle-même, à savoir que toute grandeur divisible est
continue : en effet si elle n’était pas continue, elle n’aurait pas la
configuration d’une grandeur, mais plutôt d’un nombre. La seconde idée est la
réciproque de cette dernière, à savoir que tout être continu est divisible,
comme il a été présenté dans la définition. Et cela est assurément évident
d’après ce qui a été prouvé dans le livre VI de |
[70830] In De
caelo, lib. |
[70830] Sur le De caelo, I, 2, 10. [268b5] Ensuite, quand il dit : « partiels », etc., il montre la perfection propre à l’univers, à la différence des corps particuliers. Et il établit premièrement de quelle manière les corps particuliers sont parfaits. Et il dit que chacun des corps particuliers, selon l’organisation commune du corps, est tel, c’est-à-dire parfait, en tant qu’il a toutes les dimensions. Mais cependant il est limité par un corps très proche, dans la mesure où il le touche. Et ainsi chacun de ces corps est multiple, c’est-à-dire parfait, en tant qu’il a toutes les dimensions, et imparfait, dans la mesure où il a un autre corps en dehors de lui où il se termine. Ou bien il est multiple selon son contact avec différents corps ; ou bien il est multiple, puisqu’ils sont plusieurs d’une seule espèce en raison de leur imperfection, ce qui n’arrive pas à l’univers. |
[70831] In De
caelo, lib. |
[70831] Sur le De caelo, livre I, 2, 11. [268b5] Deuxièmement ici : « le tout », etc., il montre de quelle manière l’univers est parfait. Et il dit qu’il est nécessaire que le tout, c’est-à-dire l’univers, dont les parties sont les corps particuliers, soit parfait de toutes les manières ; et de même le nom même de l’univers signifie « parfait » en tout point, c’est-à-dire de toutes les manières, et non selon une manière ou une autre, puisqu’il a toutes les dimensions et qu’il comprend en lui tous les corps. |
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Lectio
3 |
Leçon 3 – [Les cinq éléments qui composent le monde] |
[70832] In De
caelo, lib. |
[70832] Sur le De caelo,
livre I, 3, 1. Après que le philosophe a montré que l’univers est parfait à
la fois sous le rapport de sa corporéité et sous celui de son universalité,
il montre ici de quelles parties sa perfection est composée. Il dit
premièrement sur quoi porte son intention ; il montre deuxièmement la
proposition, ici : « tous les corps physiques en effet », etc.
En ce qui concerne le premier point, il faut considérer que, comme il est dit
au livre III de |
[70833] In De
caelo, lib. |
[70833] Sur le De caelo, livre I, 3, 2. Ensuite, quand il dit : « toutes les choses physiques », etc., il montre la proposition, c’est-à-dire de quelles parties principales l’espèce parfaite de l’univers est composée. Et il montre premièrement que, outre les quatre éléments, il est nécessaire qu’il y ait un autre corps simple ; il montre deuxièmement qu’au-delà des cinq corps simples, il n’y a pas d’autre corps, ici : « il est évident d’après ce qui a été dit », etc. En ce qui concerne le premier point, il fait deux choses : il montre premièrement qu’il y a un cinquième corps en dehors des quatre éléments ; deuxièmement il montre la différence de ce corps avec les quatre éléments, ici : « puisque ceux-ci sont supposés », etc. En ce qui concerne le premier point, il fait deux choses : premièrement, il avance certains points qui sont nécessaires pour montrer la proposition ; deuxièmement, il argumente pour cette proposition, ici : « donc si le mouvement est simple », etc. En ce qui concerne le premier point, il avance au préalable certains points qui ont trait au mouvement ; deuxièmement il établit certains points qui ont trait aux corps mobiles, ici : « puisque parmi les corps ceux-ci », etc. En ce qui concerne le premier point, il fait deux choses : premièrement il avance la continuité du mouvement local vers les corps naturels ; deuxièmement il établit la distinction des mouvements locaux, ici : « or tout », etc. |
[70834] In De
caelo, lib. |
[70834] Sur le De caelo, I,
3 ; 3. [268b15] Il dit donc premièrement
que nous disons que tous les corps physiques,
c’est-à-dire naturels, sont mobiles selon le lieu selon eux-mêmes, c’est-à-dire selon leur nature, et également les
autres grandeurs naturelles, par exemple les surfaces et les lignes, dans la
mesure où elles sont les limites des corps naturels, tout comme les corps se
meuvent par eux-mêmes, mais que les autres grandeurs le font par accident,
par le déplacement des corps. Et pour prouver cela, il introduit la
définition de la nature, qui est le principe du mouvement pour les êtres
dans lesquelles elle est, comme il est dit dans le livre II de la Physique.
À partir de là, il argumente ainsi. Les corps naturels sont ceux qui ont une
nature ; mais la nature est le
principe du mouvement pour les êtres dans lesquels elle est ;
donc les corps naturels ont un principe du mouvement en eux-mêmes. Mais tout
ce qui est déplacé par tout mouvement l’est dans un lieu, et non le
contraire, comme cela apparaît dans le livre VIII de |
[70835] In De
caelo, lib. |
[70835] Sur le De caelo, I, 3, 4. Mais ceci semble être
faux : le ciel en effet est un corps naturel, et cependant son mouvement
ne semble pas être du fait de la nature, mais plutôt de quelque intelligence,
comme cela apparaît d’après ce qui est déterminé dans le livre VIII de |
[70836] In De
caelo, lib. |
[70836] Sur le De Caelo, I, 3, 5. Ensuite lorsqu’il dit : « or tout mouvement », etc., il établit une distinction entre les mouvements locaux. Et premièrement il fait communément une distinction entre les mouvements locaux aussi bien composés que simples ; deuxièmement il fait une distinction entre les mouvements simples, ici : « donc le mouvement circulaire », etc. En ce qui concerne le premier point, il fait deux choses. Premièrement il expose ce qu’il cherche à démontrer, c’est-à-dire que tout mouvement local (qui est appelé translation) est soit circulaire, soit droit, soit un mélange des deux, comme le mouvement oblique des choses qui sont déplacées par ici et par là. Deuxièmement ici : « en effet les simples », etc., il prouve ce qu’il avait dit par le fait que les mouvements simples sont seulement deux, c’est-à-dire droits et circulaires. Et il en tire la raison du fait qu’il y a seulement deux grandeurs simples, c’est-à-dire droite et circulaire : or le mouvement local est différencié selon les lieux, comme l’autre mouvement, quel qu’il soit, aussi selon ses limites. |
[70837] In De caelo, lib. |
[70837] Sur le De Caelo, I, 3, 6. Mais il semble que le raisonnement d’Aristote ne soit pas convenable, puisque, comme il est dit dans le livre I des Posteriora, il n’est pas donné de faire une démonstration en passant à un autre genre. Ce n’est donc pas de façon convenable qu’il tire quelque conclusion de la division des grandeurs, qui concerne la mathématique à propos des mouvements, qui concerne la physique. Mais il faut dire que la science qui provient de l’addition à une autre utilise les principes de cette dernière pour démontrer, comme la géométrie utilise les principes de l’arithmétique : la grandeur en effet ajoute la position au nombre, de là le point est dit être une unité ayant une position. De même le corps naturel ajoute la matière sensible à la grandeur mathématique. Et pour cette raison il n’est pas inconvenant pour la physique d’utiliser des principes mathématiques dans ses démonstrations : en effet ce n’est absolument pas un autre genre, mais elle est contenue par la mathématique en quelque sorte. Il semble également faux de dire que seules deux grandeurs sont simples, c’est-à-dire la droite et la circulaire. La spirale en effet semble être une ligne simple, parce que chacune de ses parties est uniforme ; et cependant la spirale n’est ni droite, ni circulaire. Mais il faut dire que la spirale, si on considérait son origine, n’est pas une ligne simple, mais un mélange de lignes droite et circulaire. Car la spirale est causée par deux mouvements imaginaires, dont l’un est celui d’une ligne tournant autour d’une colonne et l’autre est celui d’un point déplacé sur une ligne. Si en effet les deux mouvements s’achèvent en même temps et régulièrement, une ligne spirale est formée par le mouvement d’un point sur une ligne déplacée. De même il semble que le mouvement circulaire ne soit pas simple. En effet, les parties d’une sphère déplacée circulairement ne se déplace pas uniformément, mais la partie qui est autour des pôles ou autour du centre se déplace plus lentement, parce qu’elle parcourt un plus petit cercle dans le même temps ; et ainsi le mouvement d’une sphère semble composé de mouvements lents et rapides. Mais il faut dire que le continu n’a pas de parties en acte, mais seulement en puissance ; or ce qui n’est pas en acte n’est pas déplacé en acte ; de là les parties d’une sphère, comme elles sont un corps continu, ne sont pas déplacées en acte. Il ne s’ensuite pas que dans le mouvement sphérique ou circulaire il y a une diversité en acte, mais seulement en puissance ; cette dernière ne s’oppose pas à la simplicité dont nous parlons maintenant ; en effet toute grandeur a une pluralité de puissances. |
[70838] In De caelo, lib. |
[70838] Sur le De caelo, I, 3, 7. [268b20] Ensuite, lorsqu’il dit : « donc le mouvement circulaire » etc., il distingue les mouvements simples. Et premièrement il en établit un, c’est-à-dire le circulaire ; deuxièmement il établit deux mouvements rectilignes, ici : « or le droit », etc. ; troisièmement il conclut avec le nombre ternaire des mouvements simples, ici : « c’est pourquoi il est nécessaire », etc. Il dit donc premièrement que la circulation, c’est-à-dire le mouvement circulaire, se dit de ce qui est autour du milieu. Et il faut comprendre autour du centre du monde : en effet la roue, qui est déplacée autour de son centre, ne l’est pas circulairement à proprement parler ; mais son mouvement est composé d’élévation et d’abaissement. Mais il semble suivant ce principe que tous les corps célestes ne se déplacent pas circulairement : car, selon Ptolémée, le mouvement des planètes est formé de déplacements excentriques et d’épicycles ; or ces mouvements ne sont pas autour du milieu du monde, qui est le centre de la terre, mais autour de certains autres centres. Or il faut dire qu’Aristote n’était pas de cette opinion, mais qu’il considérait que tous les mouvements des corps célestes sont autour du centre de la terre, comme le pensaient les astronomes de son temps. Par la suite, Hipparque et Ptolémée découvrirent les mouvements des excentriques et des épicycles, pour sauver ce qui apparaît aux sens dans les corps célestes. De là cela n’a pas été démontré, mais c’est une hypothèse. Pourtant si cela est vrai, tous les corps célestes se déplacent néanmoins autour du centre du monde selon le mouvement diurne, qui est le mouvement de la sphère suprême qui fait rouler tout le ciel. |
[70839] In De caelo, lib. |
[70839] Sur le De caelo, I, 3, 8. Ensuite, lorsqu’il dit : « le droit » etc., il sépare le mouvement droit en deux, c’est-à-dire en celui qui est vers le haut et en celui qui est vers le bas : et il décrit l’un et l’autre grâce à leur position par rapport au milieu du monde, comme il avait décrit le mouvement circulaire, afin que la description soit uniforme. Et il dit que le mouvement vers le haut est celui qui part du milieu du monde ; et le mouvement vers le bas est celui qui va vers le milieu du monde. Le premier d’entre eux est le mouvement des corps légers, le second est celui des corps lourds. |
[70840] In De caelo, lib. |
[70840] Sur le De caelo, I, 3, 9. Ensuite, lorsqu’il dit : « c’est pourquoi il est nécessaire », etc., il conclut par le nombre des mouvements simples. Et premièrement il introduit la conclusion recherchée : et il dit qu’il est nécessaire qu’un déplacement simple, c’est-à-dire un mouvement local, parte du milieu, et c’est le mouvement vers le haut des corps légers ; qu’un autre se dirige vers le milieu, et c’est le mouvement vers le bas des corps lourds ; qu’un autre se fasse autour du milieu, et le mouvement de ce genre est le mouvement circulaire des corps célestes. |
[70841] In De caelo, lib. |
[70841] Sur le De caelo, I, 3, 10. [268b25] Deuxièmement ici : « et il semble s’ensuivre », etc., il montre que cette conclusion s’accorde avec les propos tenus ci-dessus. Et il dit que ce qui a été dit sur le nombre des mouvements simples semble en conséquence être en accord avec ce qui a été dit ci-dessus sur la perfection des corps : en effet, de même que la perfection du corps consiste en trois dimensions, de même les mouvements simples du corps se divisent aussi en trois. Or il dit que c’est selon la logique, c’est-à-dire selon une certaine probabilité : en effet, les trois mouvements ne s’ajustent pas à proprement parler aux trois dimensions. |
[70842] In De caelo, lib. |
[70842] Sur le De caelo, I, 3, 11. Ensuite, lorsqu’il dit : « puisque parmi les corps », etc., il établit certains
points à partir des corps mobiles. À propos de cela, il faut savoir que,
selon les considérations du livre III de |
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Lectio
4 |
Leçon 4 – [Les éléments du monde : étude par le mouvement des
corps]
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[70843]
In De caelo, lib. |
[70843] Sur le De caelo, I, 4, 1. Après
que le Philosophe a avancé certains points nécessaires pour démontrer sa
proposition, il commence ici à argumenter en vue de cette proposition ;
et cela avec cinq raisonnements. Le premier d’entre eux est le suivant. Le
mouvement circulaire est un mouvement simple : or le mouvement simple
est en premier lieu et en lui-même celui d’un corps simple (parce que, même
s’il arrivait qu’un mouvement simple soit celui d’un corps composé, il serait
selon le corps simple qui prédomine en lui, comme dans la pierre prédomine la
terre, selon la nature de laquelle elle est déplacée vers le bas) : [269a5] il est donc nécessaire que ce soit un corps
simple qui soit mu naturellement selon un mouvement circulaire. Quelqu’un
pourrait faire une objection à ce raisonnement en disant que, bien qu’un
mouvement simple soit celui d’un corps simple, il n’est cependant pas
obligatoire que ce corps simple qui est mu circulairement soit autre qu’un
corps simple qui est mu par un mouvement simple droit. Et pour cette raison
il rejette cela, supposant que rien n’empêche que différents corps soient mus
par un mouvement d’une façon qui n’est pas naturelle, et qu’ainsi assurément
un corps soit mu avec violence par le mouvement d’un autre ; mais il est
impossible qu’un corps soit mu selon la nature par le mouvement naturel d’un
autre corps. En effet il est nécessaire qu’il y ait un seul mouvement simple
naturel pour un seul corps simple et des mouvements différents pour des corps
différents. De là , si le mouvement circulaire est simple, et autre que les
mouvements rectilignes, il est nécessaire qu’il soit naturel à un corps
simple, qu’il soit autre que les corps simples qui sont mus par un mouvement
droit. |
[70844] In De
caelo, lib. |
[70844] Sur le De caelo, I, 4, 2. Mais il semble être
faux de dire qu’un mouvement simple soit seulement celui d’un corps
simple : en effet le mouvement vers le bas est naturel à l’eau et à la
terre, et le mouvement vers le haut est naturel au feu et à l’air. Mais il
faut dire que le mouvement local est attribué aux éléments, non selon le
chaud et le froid, l’humide et le sec, selon lesquels sont distingués les
quatre éléments, comme il apparaît dans le livre II du De |
[70845] In De
caelo, lib. |
[70845] Sur de De caelo, I, 4, 3. Également, il
semble qu’il ne soit pas nécessaire que, si un mouvement simple est celui
d’un corps simple, à cause de cela chaque mouvement simple soit celui de
chaque corps simple, de même qu’il n’est pas non plus nécessaire qu’il y ait
autant de corps composés que de mouvements composés, qui se diversifient à
l’infini. Mais il faut dire que, de même que le mouvement simple local ne
correspond pas à un corps simple quant au chaud et au froid, à l’humide et au
sec, de même le mouvement composé ne correspond pas non plus au corps mixte
selon le degré de mélange des qualités susdites, mais selon leur composition
de lourdeur et de légèreté ; selon leur diversité l’obliquité du corps
mixte se distingue du mouvement simple d’un corps lourd ou léger. Les deux
distinctions ne tendent pas à l’infini selon l’espèce, mais seulement selon
le nombre. |
[70846] In De
caelo, lib. |
[70846] Sur le De caelo, I, 4, 4. De même il semble que selon ce principe il y ait de nombreux corps simples, puisque, de même que les mouvements vers le haut et vers le bas semblent être des mouvements simples, de même pour le mouvement qui est vers la droite ou vers la gauche et pour celui qui est vers l’avant et vers l’arrière. Et on doit dire que, comme les corps simples et les premières parties de l’univers sont essentiels, il faut que les mouvements simples, qui sont naturels aux corps simples, considérés selon la condition de l’univers. Et comme il est sphérique, comme cela sera prouvé plus bas, il faut que son mouvement soit considéré en comparaison avec le milieu, qui est immobile, étant donné que tout mouvement est fondé sur quelque chose d’immobile, comme cela est dit dans le livre sur la cause du mouvement des êtres animés. Et c’est pourquoi il faut qu’il y ait seulement trois mouvements simples, selon les différentes manières dont ils se font par rapport au milieu, à savoir celui qui part du milieu, celui qui va au milieu et celui qui tourne autour du milieu. Le mouvement vers la droite et vers la gauche, le mouvement vers l’avant et vers l’arrière concernent les êtres vivants et non l’univers tout entier, si ce n’est qu’ils sont établis sur le ciel, comme on dira dans le second livre : et selon cela le mouvement circulaire du ciel se fait vers la droite, la gauche, l’avant et l’arrière. |
[70847] In De
caelo, lib. |
[70847] Sur le De caelo, I, 4, 5. Il semble également que le mouvement droit et le mouvement circulaire ne procèdent pas de la même manière. En effet le mouvement droit est celui d’un corps qui n’a pas encore le complément de son espèce, comme on le dira dans le quatrième livre, et qui existe en dehors de son lieu propre. Or le mouvement circulaire est celui d’un corps qui a le complément de son espèce et qui existe en son lieu propre. De là il ne semble pas que selon le même raisonnement les mouvements simples corporels soient ceux de corps simples, mais que les autres mouvements soient ceux de corps dans la mesure où ils sont en devenir et que le mouvement circulaire est celui de corps dans la mesure où ils sont dans ce qui est devenu. Mais il faut dire que, puisque ce mouvement est en rapport avec le mouvement mobile en tant qu’acte de celui-ci, il convient qu’à un corps qui est préservé de la génération et de la corruption et qui ne peut pas être chassé de son propre lieu par la violence soit dû un mouvement circulaire, qui est celui d’un corps qui existe en son lieu : aux autres corps qui peuvent être engendrés et corrompus est dû un mouvement en dehors de son propre lieu, qui est dépourvu de ce qui complète son espèce. Ce n’est cependant pas au point que le corps qui est déplacé naturellement par un mouvement droit n’ait pas le premier complément de son espèce, qui est la forme ; en effet un tel mouvement la suit, mais puisqu’il n’a pas le dernier complément, qui se trouve dans la conséquence de la fin qui est le lieu convenable et conservateur. |
[70848] In De
caelo, lib. |
[70848] Sur le De caelo, I, 4, 6. [269a15] Il pose ici une seconde raison : « encore si quelqu’un au-delà de la nature », etc., où il
présuppose deux principes. L’un d’entre eux est le fait que le mouvement qui
est en dehors de la nature,
c’est-à-dire violent, est contraire au mouvement naturel ; de même que
la terre est déplacée vers le bas selon la nature, elle est déplacée vers le
haut contre la nature. Le second principe est qu’une chose est contraire à
une seule autre, comme cela est prouvé dans le livre X de |
[70849] In De
caelo, lib. |
[70849] Sur le De caelo, I, 4, 7. Mais ensuite, ce qu’il dit ici, à savoir que le feu est déplacé circulairement selon la nature semble contraire à ce qui est dit dans le livre I des Météorologiques, où Aristote lui-même établit que l’hypeccauma, c’est-à-dire le feu, et la partie supérieure de l’air, sont portés circulairement par le mouvement du firmament, comme cela apparaît dans le mouvement des comètes. Mais il faut dire que cette circulation du feu ou de l’air ne leur est pas naturelle, parce qu’elle n’est pas causée par un principe intrinsèque, et qu’elle ne l’est pas encore par la violence ou bien contre la nature ; mais elle est d’une certaine manière au-dessus de la nature, parce qu’un tel mouvement se trouve en eux sous l’influence d’un corps supérieur, dont le feu et l’air suivent le mouvement selon la circulation complète, puisque ces corps sont plus proches du ciel ; l’eau, selon une circulation incomplète, à savoir selon le flux et le reflux de la mer ; la terre, en tant que la plus éloignée du ciel, ne participe en rien d’une telle modification, si ce n’est selon l’altération seule des parties du ciel. Ce qui ne se trouve pas dans les corps inférieurs sous l’influence des supérieurs ne leur est pas violent, ni contre la nature, puisqu’ils sont naturellement capables d’être déplacés par un corps supérieur. |
[70850] In De caelo, lib. |
[70850] Sur le De
caelo, I, 4, 8. De même ce qui est dit ici semble être faux, à savoir qu’une
chose est contraire à une seule autre (269a10) :
en effet à un vice sont contraires à la fois la vertu et le vice opposé,
comme la générosité et la prodigalité le sont à l’avarice. Il faut dire
qu’une chose est seulement contraire à la même chose selon la même
chose ; cependant rien n’empêche que plusieurs choses soient contraires
à une autre selon différentes choses, de même que si le doux et le blanc sont
proches de la même chose, le noir et l’amer lui seront contraires. Ainsi donc
la vertu de la générosité est opposée à l’avarice, comme ce qui est ordonné
l’est à ce qui est désordonné ; la prodigalité, tout comme la
surabondance, l’est au manque. On ne peut pas dire que les deux mouvements,
c’est-à-dire celui qui va vers le haut et celui qui va vers le bas, sont
opposés au mouvement circulaire selon le raisonnement commun du droit. Car le
droit et le circulaire ne sont pas opposés : ils concernent en effet la
figure, à qui rien n'est opposé. |
[70851] In De caelo, lib. |
[70851] Sur le De caelo, I, 4, 9. [269a20-25] Il établit le troisième raisonnement
ici : « mais à la fois la première »,
etc. À son propos, il montre premièrement que le mouvement circulaire est le
premier des mouvements locaux. En effet il y a une comparaison du mouvement
circulaire au mouvement droit, qui est vers le haut ou vers le bas, comme une
comparaison du cercle à la ligne droite. Il est prouvé que le cercle, c’est-à-dire la ligne
circulaire, est la première ligne droite, parce que le parfait est
naturellement premier par rapport au non parfait ; le cercle, ou bien
ligne circulaire, est parfait, parce que tout ce qui est placé sur lui est le
commencement, la fin et le milieu ; de là il ne reçoit pas d’addition de
quelque élément extérieur. Mais aucune ligne droite n’est parfaite. Et cela
est aussi évident quant à la ligne infinie, qui est imparfaite parce qu’elle
n’a pas de fin, d’où le nom donné à quelque chose de parfait en grec ;
et cela est aussi évident pour la ligne finie, parce qu’il arrive qu’une
ligne finie s’accroisse,
c’est-à-dire reçoive une plus grande quantité, et ainsi il existe quelque
chose en dehors d’elle. Et ainsi la ligne circulaire est naturellement
première par rapport à la ligne droite. Donc le mouvement circulaire est
aussi naturellement premier par rapport du mouvement droit. Mais le premier
mouvement est naturellement celui d’un premier corps. Le mouvement droit est
naturellement celui de corps simples, comme le feu qui se meut vers le haut
et la terre qui se meut vers le bas et au milieu ; et s’il arrive que le
mouvement droit soit celui de corps mixtes, cela sera selon la nature du
corps simple qui domine dans ce mélange. Donc comme le corps simple est
naturellement premier par rapport au corps mélangé, il s’ensuit que le
mouvement circulaire est plus propre et naturel à un corps simple, qui est
premier par rapport aux corps élémentaires qui sont chez nous. Et il est
ainsi évident à partir de là qu’outre les substances corporelles qui sont ici
chez nous, est née pour exister une substance corporelle qui est plus digne
et première par rapport à tous les corps qui sont chez nous. |
[70852] In De caelo, lib. |
[70852] Sur le De caelo, I, 4, 10. Il semble être
faux de dire qu’aucune ligne droite n’est parfaite. En effet si ce qui a
commencement, milieu et fin est parfait, comme on l’a dit ci-dessus, il
semble qu’une ligne droite finie, qui a début, milieu et fin, soit parfaite.
Mais il faut dire que ce qui est quelque chose de partiellement parfait doit
avoir un début, un milieu et une fin en soi-même ; mais pour la raison de
ce qui est simplement parfait, on a besoin du fait qu’il n’y ait pas quelque
chose en dehors de cela même. Et ce mode de perfection s’accorde avec le
corps premier et le corps dernier, qui contient tous les corps ; et
selon ce mode la ligne droite est dite imparfaite, la ligne circulaire
parfaite. De même il semble qu’une ligne droite soit aussi parfaite selon ce
mode, puisque le diamètre du ciel ne peut pas recevoir d’addition. Mais il
faut dire que cela lui arrive dans la mesure où il est dans une telle matière
et qu’il n’a pas cela du fait qu’il est une ligne droite : car selon
cela rien n’empêcherait qu’une addition lui doit faite. Mais le cercle, grâce
à la propriété même du cercle, n’est pas susceptible de recevoir une
addition. |
[70853] In De caelo, lib. |
[70853] Sur le De caelo, I, 4, 11. Il semble que selon ce principe on ne puisse pas conclure que le mouvement circulaire est parfait : car il reçoit une addition, comme il est continu et éternel, d’après Aristote. À cela il faut dire qu’un mouvement circulaire a le complément de son espèce, comme il est revenu au point d’où il est parti. De là ne se fait pas une addition au même mouvement circulaire, mais ce qui suit, elle concerne un autre mouvement circulaire. De même, si est dit parfait seulement ce à quoi on ne peut rien ajouter, il s’ensuit que ni un homme, ni une autre chose qui soit finie parmi les corps n’est parfait, étant donné qu’on ne peut rien leur ajouter. Et il faut dire que les corps de ce genre sont appelés parfaits selon l’espèce dans la mesure où on ne peut pas leur ajouter quelque chose qui concerne le domaine de leurs espèces : à une ligne droite on ajoute ce qui concerne son espèce et pour autant on la dit imparfaite en tant que ligne. En outre il semble que le cercle ne soit pas parfait. En effet est parfait dans les grandeurs ce qui a trois dimensions : or cela ne s’accorde pas avec la ligne circulaire. Et il faut dire que la ligne circulaire n’est pas simplement une grandeur parfaite, puisqu’elle n’a pas quelque chose qui concerne le domaine de la grandeur ; cependant il existe quelque perfection dans la ligne, parce qu’on ne peut pas lui ajouter quelque chose de façon en matière de ligne. |
[70854] In De caelo,
lib. |
[70854] Sur le De caelo, I, 4, 12. Il semble aussi
être faux de dire que le parfait se trouve avant l’imparfait. En effet le
simple se trouve avant le composé, bien que le composé se trouve par rapport
aux choses simples comme le parfait par rapport aux choses imparfaites. À
cela il faut dire que le parfait se trouve par rapport à l’imparfait comme
l’acte par rapport à la puissance : la puissance se trouve certes
simplement avant pour différentes choses ; dans l’un et le même, qui se
meut de la puissance à l’acte, la puissance se trouve avant l’acte dans le
temps, mais l’acte se trouve avant selon la nature, puisque assurément c’est
ce que recherche la nature en premier lieu et principalement. Or le
philosophe n’entend pas ici que le parfait se trouve avant l’imparfait dans
l’un et le même, mais dans la diversité, ni même qu’il se trouve avant dans
le temps, mais avant dans la nature, comme il l’a dit expressément. |
[70855] In De caelo, lib. |
[70855] Sur le De caelo, I,
4, 13. De même, il semble que le philosophe n’argumente pas de façon
convenable. Il se sert en effet de la perfection de la ligne circulaire pour
prouver la perfection du mouvement circulaire ; de cette perfection il
se sert pour prouver la perfection du corps circulaire ; et sa
démonstration semble ainsi circulaire, parce que la ligne circulaire ne
semble pas différente de celle du corps lui-même qui se meut circulairement.
Et il faut dire qu’il est prouvé que le mouvement circulaire est parfait à
partir de la perfection de la ligne absolument circulaire ; à partir de
la perfection du mouvement circulaire au sens commun on prouve que ce corps
qui se meut circulairement est parfait ; et ainsi on ne tire pas la même
chose de la même chose, mais on tire le propre du commun. |
[70856] In De caelo, lib. |
[70856] Sur le De caelo, I,
4, 14. [269a30-35] Il établit ici une
quatrième raison : « et de toute part si quelqu’un »,
etc. : cette raison procède de deux propositions supposées. La première
d’entre elles est que tout mouvement simple est soit selon la nature, soit en
dehors de la nature. La seconde est que le mouvement qui est en dehors de la
nature pour un corps est selon la nature pour un autre corps, comme c’est
évident pour le mouvement vers le haut, qui est selon la nature du feu et en
dehors de la nature de la terre et pour le mouvement qui est vers le bas, qui
est naturel à la terre et en dehors de la nature pour le feu. Il est clair
que le mouvement circulaire se trouve dans un corps qui est déplacé
circulairement à notre vue. Et si un tel mouvement lui est naturel, nous
tiendrons la proposition, c’est-à-dire qu’en dehors des quatre éléments il
existe un autre corps qui se meut circulairement. Si un mouvement circulaire
est en dehors de la nature pour un corps qui est porté circulairement, il
s’ensuit à partir de la supposition déjà avancée que c’est celui d’un autre
corps selon la nature : par conséquent il sera différent des quatre
éléments dans la nature. |
[70857] In De caelo, lib. |
[70857] Sur le De caelo, I,
4, 15. Aristote semble ici être en contradiction avec lui-même : car il
a prouvé ci-dessus que le mouvement circulaire n’est pas en dehors de la
nature pour un corps qui est porté circulairement, or ici il suppose le
contraire. Certains disent donc que le philosophe entendait ci-dessus par en dehors de la nature ce qui est
contre la nature : en effet, il faut ainsi que le mouvement contre la
nature d’un corps soit aussi contraire à son mouvement naturel, comme il
procédait ci-dessus. Il entend ici par en
dehors de la nature plus communément ce qui n’est pas selon la nature.
Ainsi cette expression comprend en elle aussi bien ce qui est contre la
nature que ce qui est au-delà de la nature : et de cette manière il
suppose ici qu’un corps peut être déplacé circulairement en dehors de la
nature, comme on a dit ci-dessus que le feu est déplacé circulairement dans
sa sphère en dehors de la nature, emporté par le mouvement du ciel. Mais cela
semble être contraire aux intentions d’Aristote. En effet, de la même manière
il semble entendre en dehors de la
nature par l’un et l’autre sens, puisqu’il utilise des exemples aussi
bien ici que ci-dessus à propos du mouvement qui est vers le haut et vers le
bas, qui est contre la nature pour un corps et selon la nature pour l’autre.
Et c’est pourquoi il faut dire, et c’est mieux, qu’Aristote a prouvé dans la
première raison qu’un corps est déplacé circulairement selon la nature. Et
puisque quelqu’un pourrait dire qu’un corps qui semble être déplacé
circulairement l’est par ce mouvement contre la nature, on argumente
doublement contre cette idée : d’une manière en montrant que ce
mouvement n’est pas contre la nature, comme cela est évident dans la deuxième
raison et aussi dans la troisième ; d’une autre manière en montrant que
même s’il était déplacé contre la nature, il s’ensuivrait encore qu’il y a un
autre corps qui est déplacé circulairement selon la nature. Ainsi donc ce
qu’il a nié ci-dessus en parlant selon la vérité de son opinion personnelle,
il le nie ici en utilisant pour ainsi dire la supposition de ses adversaires.
|
[70858] In De caelo, lib. |
[70858] Sur le De caelo, I, 4, 16. De même, il ne
semble pas s’ensuivre que, si un mouvement est selon la nature pour un corps,
il soit naturel pour un autre corps. En effet le feu, ou n’importe quel autre
corps, peut se mouvoir de multiples manières ; et cependant ce n’est
pour cette raison que tous les mouvements de ce genre doivent être naturels à
quelques corps. Il faut prendre garde à ce que le philosophe parle ici du
mouvement simple, auquel la nature du corps simple incline comme à quelque
chose d’unique : les mouvements variés de diverses façons semblent
davantage disposés selon un art qui peut être le principe de différentes
choses. Il faut même considérer que, bien que le mouvement qui est en dehors
de la nature pour un corps soit selon la nature pour un autre corps, tout
corps, pour qui un mouvement est selon la nature, ne doit pourtant avoir un
mouvement en dehors de la nature, puisque tout corps qui est susceptible
d’une autre impression a quelque chose qui lui est propre et naturel ;
tout corps ne peut pas recevoir d’impression extérieure, de telle sorte qu’il
puisse ainsi avoir un mouvement naturel. |
[70859] In De caelo, lib. |
[70859] Sur le De caelo, I, 4,17. [269b1-15] Il
établit ici la cinquième raison : « mais
encore », etc., qui est la suivante. Il a été conclu de la raison déjà
avancée que si un corps qui est déplacé circulairement à notre vue l’est en
dehors de la nature, il faut qu’un tel mouvement soit selon la nature pour un
autre corps. Si quelqu’un concède cela, c’est-à-dire qu’un mouvement
circulaire est selon la nature pour un corps, il est évident qu’il y aura un
corps simple et premier qui est déplacé circulairement, en raison de la
simplicité et de la priorité du mouvement circulaire, comme cela est clair
d’après les raisons déjà avancées, comme le feu est déplacé vers le haut et
la terre vers le bas. Si on ne concède pas le résultat du raisonnement
précédent, mais si on dit que tout ce qui est déplacé circulairement selon la périphérie, c’est-à-dire
selon la circonférence, l’est en dehors de la nature, et que ce mouvement
n’est selon la nature pour aucun corps, cela semble étonnant, mais absolument
pas irrationnel. En effet il a été montré dans le livre VIII de |
[70860] In De caelo, lib. |
[70860] Sur
le De caelo, I, 4, 18. Il conclut
enfin en épiloguant que si quelqu’un fait un syllogisme à partir de toutes
les prémisses d’après la méthode déjà mentionnée, il croira, c’est-à-dire il approuvera avec fermeté, qu’un corps, en
dehors des corps qui sont ici autour de nous (c’est-à-dire les quatre
éléments et leurs composés), est séparé d’eux et a dans la nature une nature
d’autant plus connue qu’il est plus éloigné selon la distance du lieu de ce
qui est ici : en effet les corps contenant dans l’univers se comportent
vis-à-vis des corps contenus comme la forme vis-à-vis de la matière et l’acte
vis-à-vis de la puissance, comme il est dit dans le livre IV de la Physique. |
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Lectio
5 |
Leçon 5 – [La nature de la quintessence] |
[70861]
In De caelo, lib. |
[70861] Sur
le De caelo, I, 5, 1. Après que le
philosophe a montré qu’il existe un corps différent de ceux qui sont ici,
c’est-à-dire des quatre éléments et de leurs composés, il montre ici la
différence de ce corps avec les corps qui sont ici. Et premièrement en
comparaison avec le mouvement local, en second lieu selon les autres
mouvements, ici : « également rationnel », etc. Sur le premier
point il fait trois choses : premièrement il expose ce qu’il se
proposait ; deuxièmement il démontre sa proposition, ici :
« il faut supposer », etc. ; troisièmement il exclut un certain
obstacle, ici : « puisqu’ils sont portés au même endroit ». Il
dit donc premièrement que, puisque certains des propos qui ont été tenus sont
supposés (c’est-à-dire qu’une chose est contraire une seule autre et qu’il y
a seulement deux grandeurs simples, à savoir la droite et la circulaire, et
d’autres choses de ce genre), certains points ont été démontrés à partir de
certaines prémisses (par exemple qu’il y a trois mouvements simples et que le
mouvement circulaire est naturel à un corps qui est dans la nature différent
des corps qui sont ici), il peut être évident à partir de ce qui a été déjà
dit que tout ce corps qui est déplacé circulairement n’a pas de pesanteur ni
de légèreté, qui sont les principes de certains mouvements locaux. |
[70862] In De
caelo, lib. |
[70862] Sur
le De caelo, I, 5, 2. Ensuite
lorsqu’il dit : « il faut supposer », etc., il démontre la
proposition. Et puisque le principe de la démonstration est ce qui est quelque chose, comme il est
dit dans le livre des Analytiques
postérieurs, il suppose premièrement les définitions du lourd et du
léger ; deuxièmement il en tire des arguments pour la proposition,
ici : « il est nécessaire », etc. À propos du premier point,
il fait deux choses : il décrit en premier lieu ce qui est lourd et ce
qui est léger ; il décrit en second lieu ce qui est le plus lourd et ce
qui est le plus léger, ici : « le plus lourd », etc. [269b20] Il dit donc premièrement que pour démontrer
la proposition il faut supposer ce que nous disons lourd et ce que nous disons léger.
C’est pourquoi il dit supposer,
puisqu’il ne recherche pas parfaitement ici leurs définitions ; mais il
s’en sert comme de suppositions, autant qu’il suffit pour la nécessité de la
présente démonstration. Ils seront examinés avec plus d’attention dans le
quatrième livre, où sera exposée leur substance,
c’est-à-dire leur nature. Il définit donc le lourd comme ce qui se meut naturellement vers le milieu et le léger comme ce qui se meut naturellement à partir du
milieu. |
[70863] In De
caelo, lib. |
[70863] Sur le De caelo, I, 5, 3. Il utilise une
telle manière de définir afin de se garder de l’opposition de Platon, qui
disait que dans le monde selon lui il n’est ni mouvement vers le haut ni
mouvement vers le bas, en raison de la sphéricité du monde : car un
corps rond est uniforme de toutes parts. Il disait que le mouvement vers le
haut et le mouvement vers le bas dans le monde le sont seulement pour nous,
qui appelons vers le haut ce qui est au-dessus de notre tête et vers le bas
ce qui est sous nos pieds : or si nous étions situés dans un lieu opposé
nous appellerions le mouvement vers le haut et le mouvement vers le bas à
l’inverse. Ainsi donc Platon n’entend pas ce qui est vers le haut et vers le
bas selon la nature de la chose, mais par rapport à nous. Aristote se sert de
ces noms selon la façon commune de parler, dans la mesure où il dit dans le
livre II des Topiques qu’il faut
utiliser ces noms comme plusieurs : de là il appelle vers le haut et
vers le bas dans le monde ce que les hommes appellent communément vers le
haut et vers le bas. Cependant la distinction n’a pas été faite seulement par
rapport à nous, mais aussi selon la nature. En effet, de même que chez nous
on distingue la droite et la gauche selon l’état différent du mouvement animé
qui est selon le lieu, de même le mouvement vers le haut et le mouvement vers
le bas sont déterminés dans le monde selon l’état du mouvement des corps
simples, qui sont les principales parties du monde. Et c’est pourquoi il dit
lui-même que le haut est le lieu où sont portés les corps légers et le bas
est le lieu où sont portés les corps lourds. Et cela raisonnablement :
car de même que chez nous la partie la plus noble est celle qui va vers le
haut, de même dans le monde les corps légers sont les plus nobles, les plus
formels pour ainsi dire. Ici pourtant, afin de procéder sans tromperie pour
démontrer sa proposition, il définit le lourd et le léger selon leur état par
rapport au centre. |
[70864] In De
caelo, lib. |
[70864] Sur le De caelo, I, 5, 4. Ensuite, lorsqu’il
dit : « le plus lourd », etc., il définit le plus lourd et le plus
léger. Et il dit que le plus lourd est celui qui est dessous tous ceux qui sont portés vers le bas ;
[269b25] le plus léger est celui qui se trouve au-dessus de tous ceux
qui sont portés vers le haut. Et il faut comprendre la différence entre
ceux qui sont portés vers le haut et ceux qui sont portés vers le bas :
car le ciel n’est pas le plus léger, bien qu’il se trouve au-dessus de tout,
parce qu’il n’est pas porté vers le haut. Et il faut remarquer qu’il utilise
déjà ici ce qui est vers le haut et vers le bas, comme s’il acceptait que le
haut et le bas soient l’endroit où se termine le mouvement qui part du milieu
ou qui va au milieu. |
[70865] In De
caelo, lib. |
[70865] Sur le De caelo, I, 5, 5. Ensuite, lorsqu’il
dit : « il est nécessaire, etc., il démontre la proposition d’après
les prémisses, en disant qu’il est nécessaire que tout corps porté vers le
bas ou vers le haut ait absolument de la pesanteur, en tant que corps le plus
lourd, comme la terre, qui se trouve au-dessous de tout, ou qu’il ait
absolument de la légèreté, comme le feu, qui se trouve au-dessus de tout, ou
bien qu’il ait les deux, non certes en considération de la même chose, mais
en considération de différentes choses. En effet, les éléments du milieu,
c’est-à-dire l’air et l’eau sont alternativement lourds et légers, de même
que l’air est léger en comparaison de l’eau, puisqu’il est porté au-dessus
d’elle, et pour la même raison l’eau, en comparaison de la terre ; or
l’air est lourd en comparaison du feu, puisqu’il se trouve au-dessous de lui,
et également l’eau en comparaison de l’air. [269b30]
Le corps qui est déplacé circulairement ne peut pas avoir de pesanteur ou de
légèreté. Car il ne peut être déplacé vers le milieu ou à parti du milieu
selon la nature ni contre la nature. Et parce qu’il ne peut pas être déplacé
selon la nature de cette manière, il est manifeste que le mouvement droit,
qui va vers le milieu ou qui part du milieu est naturel aux quatre
éléments : on a dit ci-dessus qu’un mouvement naturel appartient à un
seul des corps simples : il s’ensuivrait donc qu’un corps porté
circulairement est de la même nature qu’un des corps qui est déplacé selon un
mouvement droit ; le contraire a été démontré ci-dessus. On ne peut
également dire qu’un mouvement droit en dehors de la nature convienne à un
corps qui est porté circulairement. Puisque si l’un des mouvements contraires
se trouve dans un corps en dehors de la nature, un autre mouvement sera pour
lui selon la nature, comme c’est évident d’après ce qui a été dit ci-dessus.
Donc si un mouvement vers le bas est le fait d’un cinquième corps en dehors
de la nature, le mouvement vers le haut sera pour lui selon la nature, et
inversement. Les deux idées sont fausses, comme c’est évident d’après le
raisonnement précédent. Il s’ensuit donc que le cinquième corps, qui est
porté circulairement, n’est pas déplacé à partir du milieu ou vers le milieu,
ni selon la nature, ni en dehors de la nature. Tout corps ayant pesanteur ou
légèreté est déplacé suivant l’un de ces mouvements selon la nature, et
suivant l’autre en dehors de la nature. Donc le cinquième corps n’a ni
pesanteur, ni légèreté. |
[70866] In De
caelo, lib. |
[70866] Sur le De caelo, I, 5, 6. Ensuite, quand il
dit : « puisque sur la même chose », il rejette un certain obstacle.
En effet certains disaient que les parties des éléments sont corruptibles, et
ainsi que, s’élevant en dehors de leur lieu propre, elles sont naturellement
déplacées selon un mouvement droit : les éléments eux-mêmes sont
incorruptibles dans leur totalité et ne peuvent jamais être en dehors de leur
lieu propre. De là ils sont déplacés circulairement dans leurs lieux. Et
ainsi un corps qui est déplacé circulairement dans son lieu dans sa totalité
ne doit pas manquer de pesanteur et de légèreté. [270a1-5]
Donc, pour rejeter cela, le philosophe propose que la partie et le tout
soient naturellement portés au même endroit, comme la terre tout entière et
une de ses mottes. Et c’est évident au repos : puisque n’importe quelle
chose est naturellement déplacée vers l’endroit où elle est naturellement au
repos, toute la terre et une de ses parties sont naturellement au repos au
même endroit. De là il est clair que toute la terre aurait une inclinaison
naturelle à se mouvoir vers le milieu, si elle était en dehors de son lieu. |
[70867] In De
caelo, lib. |
[70867] Sur le De caelo, I, 5, 7. Ainsi donc deux
choses sont la conséquence de ces prémisses. La première d’entre elles est
que le cinquième corps tout entier n’a aucune légèreté, ni pesanteur,
puisque, comme c’est évident d’après le raisonnement précédent, il serait
naturellement déplacé vers le milieu ou à partir du milieu. Deuxièmement il
s’ensuit à partir de la supposition présentée maintenant que, si une partie
était enlevée à un corps céleste, elle ne se déplacerait ni vers le haut, ni
vers le bas, puisque, comme le même raisonnement s’applique au tout et aux
parties, il ne convient ni à la totalité du cinquième corps, ni à l’une de
ses parties d’être déplacé soit selon la nature, soit en dehors de la nature
suivant un mouvement autre que circulaire. |
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|
Lectio
6 |
Leçon 6 – [La quintessence n’est pas soumise à la génération et à la
corruption]
|
[70868]
In De caelo, lib. |
[70868] Sur le De caelo, I, 6, 1. Après que le philosophe a montré la différence entre le cinquième corps et les autres corps qui sont ici, sous le rapport de la légèreté et de la pesanteur, selon quoi les corps ont une inclination vers le mouvement local, il montre ici la différence entre le cinquième corps et les corps qui sont ici selon les autres mouvements, montrant assurément que ce corps n’est pas soumis aux autres mouvements auxquels ces corps sont soumis. Et premièrement il montre cela par un raisonnement, deuxièmement par des signes, ici : « la raison semble aussi », etc. En ce qui concerne le premier point, il fait deux choses. Il propose en premier lieu ce qu’il avait l’intention de faire, et il dit que, comme on a dit à propos du cinquième corps qu’il est dépourvu de pesanteur et de légèreté, il est également raisonnable de penser à son sujet qu’il n’est pas soumis à la génération et à la corruption, ni à l’augmentation et à l’altération. En second lieu ici : « devenir à côté », etc., il prouve cette proposition, et il montre premièrement que le corps céleste ne peut être engendré, ni corrompu, deuxièmement qu’il ne peut être augmenté, ici : « mais en vérité peut être aussi augmenté », etc., troisièmement qu’il ne peut être altéré, ici : « s’il ne peut être accru », etc. |
[70869] In De
caelo, lib. |
[70869] Sur le De caelo, I, 6, 2. [270a10-15] En ce qui concerne le premier point, il
établit le raisonnement suivant. Tout ce qui peut être engendré le devient à
partir d’un contraire et d’un sujet, soit la matière : en effet d’un
contraire naît une chose comme du non permanent, et d’un sujet, comme du
permanent, comme c’est clair dans le livre I de |
[70870] In De
caelo, lib. |
[70870] Sur le De caelo, I, 6, 3. Mais concernant ce qu’Aristote dit ici, une
double considération se présente : l’une au sujet de sa position, où il
établit que le corps du ciel ne peut être engendré ni corrompu : l’autre
au sujet de son raisonnement. Il faut savoir au sujet du premier point que
certains ont établi que le corps du ciel pouvait être engendré et corrompu
selon sa nature, comme le grammairien Jean qui est appelé Philopon. Et pour
prouver sa thèse, il s’appuie en premier lieu sur l’autorité de Platon, qui a
établi que le ciel est engendré, tout comme le monde entier. Deuxièmement il
présente le raisonnement suivant. Toute la puissance d’un corps fini est
finie, comme il est prouvé dans le livre VIII de |
[70871] In De caelo,
lib. |
[70871] Sur le De caelo, I, 6, 4. Mais elles n’ont pas de nécessité. En effet parce que Platon a établi le ciel comme engendré, il n’en tirait pas l’idée qu’il est soumis à la génération, ce qu’Aristote cherche à nier ici, mais qu’il est nécessaire qu’il ait une existence par quelque cause supérieure, étant donné qu’il a multitude et extension dans ses parties ; par cela il est montré que son existence est causée par une chose première, qui doit causer toute multitude. |
[70872] In De caelo, lib. |
[70872] Sur le De caelo, I, 6, 5. Averroès a résolu
le problème posé par le fait qu’Aristote a nié que la capacité du corps
céleste soit finie, en disant que dans un corps céleste la capacité ou
puissance de se mouvoir selon un lieu n’est pas la capacité ou puissance
d’être, ni finie, ni infinie. Mais en cela il parle manifestement contre
Aristote, qui établit ci-dessous dans le même livre pour les corps éternels
la capacité à ce qu’ils existent toujours. Il a été trompé par le fait qu’il
a estimé que la capacité d’être concernait seulement la puissance passive,
qui est la puissance de la matière, alors qu’elle concerne plutôt la
puissance de la forme, puisque toute chose est par sa forme. De là chaque chose
a autant et aussi longtemps d’être que la puissance de sa forme est. Et ainsi
la puissance d’être toujours s’applique non seulement aux corps célestes,
mais aussi aux substances séparées. Il faut donc dire que ce qui réclame une
capacité infinie doit être infini. Or l’infini, selon le philosophe dans le
livre I de |
[70873] In De caelo, lib. |
[70873] Sur le De caelo, I, 6, 6. Averroès a
également résolu la troisième objection d’Aristote par réfutation. En effet
il nie qu’un corps céleste ait de la matière ; mais il dit qu’un corps
céleste est un étant sujet par l’acte, auquel il compare son âme, comme la
forme à la matière. Et s’il entend qu’un corps céleste n’a pas de matière
selon que la matière est dite dans l’ordre pour le mouvement ou le
changement, il dit vrai : ainsi en effet Aristote dans les livres VIII
et XII de |
[70874] In De
caelo, lib. |
[70874] Sur le De caelo, I, 6, 7. Il est donc
manifeste à partir de cela que le corps du ciel n’est pas sujet à la
génération et à la corruption selon sa nature, en tant que premier dans le
genre des choses mobiles, et en tant que le plus proche des choses immobiles.
Et de là vient le fait qu’il a le plus petit des mouvements. En effet il est
seulement déplacé suivant un mouvement local, qui ne varie en rien à
l’intérieur de la chose. Et parmi les mouvements locaux il a un mouvement
circulaire, qui a aussi la plus petite variation, puisque dans son mouvement
sphérique il ne change pas son lieu en sujet, mais seulement en raison, comme
il est prouvé dans le livre VI de |
[70875] In De
caelo, lib. |
[70875] Sur le De caelo, I, 6, 8. À cela Simplicius, le commentateur d’Aristote, a fait une triple objection à propos de ce passage. Premièrement puisque Dieu a créé le ciel selon son être, et non en ajoutant quelque autre chose, de là, comme son être est éternel et invariable, le ciel a toujours procédé de lui. De même, si la bonté de Dieu était la cause des choses, la bonté de Dieu serait oisive et inoccupée avant que le monde ne soit, s’il commençait à partir d’un premier moment déterminé. Également, à tout ce qui a commencé d’être à un instant déterminé alors qu’il n’était pas auparavant cela arrive d’après l’ordre d’un mouvement supérieur, à partir duquel il arrive que cela commence à cet instant et non avant, comme un homme commence à être maintenant et non avant, selon l’ordre de la révolution d’un corps céleste. Or il n’est pas possible de donner une révolution supérieure ou un mouvement au-delà du corps céleste. On ne peut donc pas dire que le corps du ciel a commencé maintenant ainsi qu’il n’était pas auparavant. |
[70876] In De caelo, lib. |
[70876] Sur le De caelo, I, 6, 9. Mais ces propos
n’ont pas de nécessité. En effet ce qui est dit en premier, à savoir que Dieu
agit par son être et non par quelque chose d’ajouté, est vrai, mais son être
n’est pas distinct de son intelligence, comme chez nous, ni aussi de son
vouloir : de là il crée selon son intelligence et son vouloir. Dans ce
qui est créé par quelque agent en tant qu’il est intelligent et volontaire,
il faut que ce qui est créé soit comme il a été compris par celui qui le
crée, et non comme ce dernier est lui-même créateur selon son être. De là,
comme il ne faut pas que ce qui est créé par Dieu créateur selon son être
soit dans d’autres conditions tel qu’il peut être divin, mais tel qu’il est
déterminé par son intelligence ; de même il n’est pas nécessaire que ce
qui est créé par Dieu soit aussi durable que Dieu, mais aussi durable qu’il a
été déterminé par son intelligence. Et cela peut aussi être dit à propos de la
dimension du ciel. En effet le fait que le ciel ait une dimension aussi
grande et non plus grande provient de la détermination de l’intelligence
divine qui détermine pour elle une telle dimension et qui lui attache une
nature proportionnée à cette dimension, de même qu’elle le dégage aussi des
contraires, afin qu’il soit non engendré et incorruptible, comme il est dit à
la lettre. Car le fait qu’il dise que
la nature a bien fait implique une action de l’intelligence agissant pour
quelque fin : en effet ce n’est pas une autre nature supérieure qui le
dégage des contraires, si ce n’est une nature divine. Également, le fait
qu’il dise que la bonté divine fut inoccupée et oisive avant la création du
monde n’a pas de sens. Car on appelle oisif ce qui n’atteint pas le but pour
lequel il existe ; or la bonté de Dieu n’est pas en pour les créatures.
À partir de là, les créatures seraient oisives si elles n’atteignaient pas la
bonté divine ; et la bonté divine ne serait pas oisive, même si elle
n’avait jamais créé aucune créature. Également ce qu’il objecte en troisième
lieu, c’est le lieu d’un agent particulier, parce qu’il présuppose le temps
et qu’il fait quelque chose dans un intervalle de temps : et ainsi il
faut que ce qui est fait soit proportionné par un agent, à la fois pour un
autre intervalle de temps et pour tout le temps, ou même pour la cause de
tout le temps. Mais nous traitons maintenant d’un agent universel, qui crée
le temps même tout entier en même temps que ce qui est dans le temps. Et pour
cette raison ce n’est pas ici le lieu de demander pourquoi à ce moment-ci et
non avant, comme si une autre partie de temps précédente était présupposée,
ou une autre cause plus universelle causant le temps tout entier. Mais c’est
le lieu ici de demander pour quelle raison un agent universel, c’est-à-dire
Dieu, a voulu que le temps ne soit pas toujours, tout comme ce qui est dans
le temps. Et cela dépend de la limite de son intelligence, de même qu’un
artisan reçoit aussi dans une maison la quantité d’une partie de la maison en
proportion de l’autre partie ou de toute la maison, mais qu’il limite la
quantité de toute sa maison selon son intelligence et sa volonté. |
[70877] In De
caelo, lib. |
[70877] Sur le De caelo, I, 6, 10. Il reste une autre
considération sur la démonstration d’Aristote, contre laquelle Jean le
grammairien a fait une objection : puisque si rien n’est engendré ni
n’est corrompu si ce n’est parce qu’il a un contraire, alors qu’il n’y a rien
de contraire à la substance, ce qui est évident chez les animaux et les
plantes (également il n’y a rien de contraire aux figures et aux relations),
rien de ceux-là ne sera engendré ou corrompu. Simplicius répond à cela qu’il
faut le comprendre au sujet du contraire communément dit, dans la mesure où
il inclut aussi l’opposition de la privation et de l’espèce : en effet,
Aristote parle ainsi du contraire dans le livre I de |
[70878] In De
caelo, lib. |
[70878] Sur le De caelo, I, 6, 11. De même il semble,
d’après le fait qu’il dise que l’opposition des mouvements correspond à
l’opposition des corps, que le feu soit plus contraire à la terre qu’à l’eau,
avec laquelle il s’accorde en une seule qualité, à savoir la sécheresse. Et
il faut dire que le philosophe dans ce livre traite des corps simples selon
leur position : ainsi en effet ils constituent l’univers en tant que
parties. Et d’après ce principe, le feu est plus contraire à la terre qu’à
l’eau, bien que le feu soit plus contraire à l’eau selon ses qualités actives
et passives, ce qui concerne les considérations du livre de la génération. |
[70879] In De
caelo, lib. |
[70879] Sur le De caelo, I, 6, 12. Il semble aussi que le fait que rien ne soit contraire au corps céleste ne soit pas nécessairement la conséquence de ce que rien n’est contraire au mouvement circulaire, selon lequel il est déplacé, puisque le feu aussi dans sa propre sphère, et la partie supérieure de l’air sont déplacés circulairement, comme il est dit dans le livre I des Météorologiques ; pourtant il existe un contraire à l’air et au feu. Mais il faut dire que le feu et l’air ne sont pas déplacés circulairement comme de leur propre mouvement, mais qu’ils sont entraînés par un mouvement du ciel ; or les corps célestes sont déplacés circulairement de leur propre mouvement, si bien qu’ils n’ont pas la même organisation. |
[70880] In De
caelo, lib. |
[70880] Sur le De caelo, I, 6, 13. De même, il semble que l’opposition des mouvements ne soit pas attestée par l’opposition des corps mobiles. En effet, la même substance en grand nombre, qui n’est pas contraire à elle-même, est capable d’avoir des contraires, comme il est dit dans les Catégories ; et ainsi elle est déplacée dans des mouvements contraires, qui vont vers les contraires, à savoir dans le blanchissement et le noircissement et dans de semblables mouvements. En outre l’air est déplacé vers le haut, à la place de l’eau, et vers le bas, à la place du feu : donc une même chose est déplacée suivant des mouvements contraires, et ainsi l’opposition des mouvements n’est pas la conséquence l’opposition des corps mobiles. Nous voyons maintenant aussi que la même âme est déplacée par le mouvement de la vertu et du vice, qui sont des mouvements contraires. Sur ce point il faut considérer que le philosophe se sert de cette proposition : si les mouvements ne sont pas contraires, les corps mobiles ne le sont pas non plus. Il n’établit pas inversement que si les mobiles ne sont pas contraires, les mouvements ne sont pas contraires (puisque quelqu’un pourrait dire que les mouvements de tous les corps qui ont une opposition sont contraires, mais que tous les mouvements des corps contraires ne sont pas contraires) : c’est contre cela que procèdent les objections déjà mentionnées. Cependant, selon la vérité des faits, l’opposition des mouvements naturels suit la propriété des principes actifs ou formels, que suit le mouvement, et non l’opposition des principes passifs ou matériels, puisque la même matière est susceptible d’avoir des contraires. Et c’est pourquoi rien n’empêche que les altérations qui sont produites d’après les principes externes ne concernent le même sujet, bien qu’elles soient contraires. S’il y a une altération provenant d’un principe externe, comme la guérison quand elle a lieu naturellement, il faut que l’opposition de telles altérations suive l’opposition des corps mobiles. Et le même raisonnement concerne les mouvements locaux, au sujet desquels il tourne maintenant son attention : en effet, les mouvements de ce genre suivent des principes formels internes. À propos de l’objection faite sur l’air, il faut dire que la contradiction qui est incluse dans toutes les choses opposées a dans son organisation ce qui est selon la même chose et par rapport à la même chose. Le mouvement naturel de l’air n’est pas vers le haut et vers le bas par rapport à la même chose, mais vers le haut par rapport à l’eau et à la terre et vers le bas par rapport au feu. De là les mouvements de ce genre ne sont pas contraires : en effet ils ne vont pas vers des lieux contraires, mais vers le même lieu, qui en vérité s’élève au-dessus de l’eau et qui se place sous le feu. Ce qui est dit du mouvement de l’âme selon la vertu et le vice ne concerne pas la proposition, puisque les mouvements de ce genre ne sont pas naturels, mais volontaires. |
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|
Lectio
7 |
Leçon 7 – [La quintessence n’est pas sujet à l’augmentation et à la
diminution]
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[70881] In De
caelo, lib. |
[70881] Sur le De caelo, I, 7, 1. [270a20] Après que le philosophe a montré que le
cinquième corps n’est pas soumis à la génération et à la corruption, il
montre ici qu’il n’est pas sujet à l’augmentation et à la diminution. Et il
se sert d’un tel raisonnement. Tout corps qui peut s’accroître est relatif à
une chose qui est sujette à la génération et à la corruption. Pour révéler
cela il expose que tout corps qui peut s’accroître est augmenté par l’ajout
d’une chose de même nature qui advient ; et cette chose est devenue
semblable, alors qu’elle était auparavant différente, grâce à sa
décomposition en la matière de l’autre corps, matière qui, après avoir quitté
sa forme antérieure, prend la forme du corps augmenté, comme le pain,
décomposé en matière, reçoit la forme de la chair et ainsi accomplit une
augmentation par addition à une chair préexistante. De là partout où il y a
eu augmentation, il faut qu’il y ait génération et corruption en quelque
chose. Or il n’est pas possible de donner à un corps céleste une chose à
partir de laquelle il a été engendré, comme on l’a démontré. Donc il ne peut
être augmenté, ni diminué. |
[70882] In De
caelo, lib. |
[70882] Sur le De caelo, I, 7, 2. Ensuite, lorsqu’il
dit : « mais s’il y a », etc., il montre qu’il n’est pas sujet
à l’altération. Quelqu’un pourrait penser que la voie pour écarter
l’altération d’un corps céleste serait brève si l’on repoussait le
contraire : de même que la génération est tirée des contraires, de même
l’altération. Mais il faut remarquer qu’Aristote a écarté l’opposition du
cinquième corps en écartant de lui l’opposition de mouvement :
l’altération semble être produite non seulement selon l’opposition à laquelle
correspondent les mouvements locaux contraires, c’est-à-dire l’opposition du
lourd et du léger et de ce qui les rejoint, mais aussi selon les autres
oppositions qui ne concernent pas cela, par exemple selon le blanc et le
noir : et c’est pourquoi il utilise une autre voie, qui est tirée d’une
partie de l’augmentation. Et il dit qu’il appartient au même raisonnement
d’estimer qu’un corps céleste ne peut être altéré et qu’il ne peut être
augmenté ou corrompu, puisque l’altération est un mouvement selon la qualité,
comme il est dit dans le livre V de la Physique.
[270a25] Or l’altération, comme il est
démontré dans le livre VII de |
[70883] In De
caelo, lib. |
[70883] Sur le De caelo, I, 7, 3. On peut faire une
double objection à ce raisonnement d’Aristote. Premièrement à la conclusion.
Car il semble être faux de dire qu’un corps céleste n’est pas altéré :
il apparaît manifestement que la lune est illuminée par le soleil et
obscurcie par l’ombre de la terre. Il faut dire que cette altération est
double. L’une est passive : selon elle une chose est ajoutée, de même
qu’une autre chose est aussi amoindrie, tout comme, alors qu’une chose est
altérée en passant du chaud au froid, elle perd de la chaleur et reçoit du
froid : et le philosophe cherche ici à écarter du corps céleste une
telle altération, qui se produit selon des affections. Or il y a une autre
altération complète, qui est produite dans le cas où une chose est achevée
par une autre chose sans abandonner une autre chose, laquelle altération est
établie par le philosophe dans le livre II De l’âme également dans la puissance sensitive : et rien
n’empêche qu’une telle altération se trouve dans les corps célestes, dont certains
reçoivent leurs puissances d’autres corps selon des conjonctions et des
aspects divers, sans que l’un d’entre eux ne perde sa propre puissance. |
[70884] In De
caelo, lib. |
[70884] Sur le De caelo, I, 7, 4. La deuxième
objection porte sur l’avancée du raisonnement mené ici : il ne semble en
effet ne pas être vrai de dire que tout ce qui est altéré subit une
augmentation et une diminution. Car l’augmentation et la diminution se
produisent par addition de quelque chose qui est converti en la substance de
ce qui est augmenté, comme il est dit dans le livre De la génération dans le livre II De l’âme ; et cela a été aussi dit ci-dessus. Ce mouvement
d’augmentation ne se trouve que chez les êtres vivants et les plantes ;
car ce qui se raréfie et se condense n’est pas augmenté par quelque ajout,
comme il est prouvé dans le livre IV de |
[70885] In De
caelo, lib. |
[70885] Sur le De caelo, I, 7, 5. Ensuite, quand il
dit : « il semble », il montre la proposition par des signes.
Et il dit que le raisonnement et ce qui apparaît semblent probablement se
témoigner mutuellement dans la matière ces choses. Et il établit trois
signes. [270b5] Le premier d’entre eux est
tiré de l’opinion commune des hommes, qui établissent de nombreux dieux ou un
seul Dieu, à qui d’autres substances séparées sont consacrées, selon
eux ; et tous ceux qui pensent ainsi attribuent un lieu supérieur,
c’est-à-dire céleste, au Dieu, qu’ils soient barbares ou grecs, tous ceux qui
pensent qu’il y a des choses divines. Ils attribuent ainsi un ciel aux substances
divines, adaptant pour ainsi dire un lieu immortel aux choses immortelles et
divines, de même que l’habitation de Dieu se trouve être dans le ciel selon
une correspondance établie par la similitude, puisque assurément ce corps
parmi tous les autres corps accède davantage à la similitude des substances
spirituelles et divines. Il est en effet impossible que l’habitation du ciel
soit attribuée autrement à Dieu, comme s’il avait besoin d’un lieu corporel,
qui permette de l’appréhender. Donc, si les choses divines doivent être
établies, surtout parce qu’elles doivent être établies avec certitude, il en
résulte que ce qui a été dit sur la première substance corporelle,
c’est-à-dire sur le corps céleste, qui assurément est non engendré et non
susceptible d’être affecté, a été bien dit. Bien que les hommes pensent que
les temples sont le lieu de Dieu, ils ne le pensent pourtant pas à partir de
Dieu lui-même, mais à partir de ceux qui vénèrent Dieu, qui doivent vénérer
Dieu dans un lieu. De là les temples corruptibles sont proportionnés aux
hommes corruptibles, or le ciel est proportionné à l’absence de corruption
divine. |
[70886] In De
caelo, lib. |
[70886] Sur le De caelo, I, 7, 6. [270b10] Il établit ici le second signe :
« ceci arrive et par les sens », qui est certainement reçu par l’expérience
d’une longue époque. Et il dit que ce qui est prouvé par le raisonnement et
par l’opinion commune, arrive,
c’est-à-dire suit comme conséquence, suffisamment, et non simplement, mais
comme on peut dire en comparaison avec la foi
humaine, c’est-à-dire autant que les hommes peuvent témoigner de ce
qu’ils ont vu dans un laps de temps bref, et non loin d’eux. En effet selon
les souvenirs que les astrologues se sont transmis, en observant les
dispositions et les mouvements des corps célestes, rien ne semble avoir
changé dans tout le temps passé, ni dans tout le ciel, ni dans une de ses
propres parties. Cela ne pourrait être si le ciel pouvait être engendré et
corrompu : tout ce qui, en effet, est engendré et corrompu parvient peu
à peu et successivement à un état parfait, et d’où il s’écarte peu à
peu : cela ne pourrait se cacher dans le ciel pendant une si longue
époque, si c’était naturellement soumis à la génération et à la corruption.
Cela n’est cependant pas nécessaire, mais probable. En effet plus une chose
est durable, plus long est le temps requis pour que sa transformation soit
découverte, de même que la transformation d’un homme n’est pas découverte en
deux ou trois ans, pendant lesquels est découverte la transformation d’un
chien ou de quelque autre animal ayant une vie plus brève. On pourrait donc
dire que, bien que le ciel puisse naturellement être corrompu, il est
cependant si durable que tout le temps dont on puisse avoir la mémoire ne
suffit pas à découverte sa transformation. |
[70887] In De
caelo, lib. |
[70887] Sur le De caelo, I, 7, 7. [270b20] Il établit ici le troisième signe :
« or il semble », etc. Celui-là est tiré d’un nom utilisé par les
anciens, qui dure jusqu’au temps présent, par lequel il nous est donné à
comprendre qu’ils pensaient eux-mêmes de cette manière que le ciel ne peut
être corrompu, comme nous le pensons. Et afin que quelqu’un n’objecte pas à
cela que quelques uns avant son temps ont établi que le ciel peut être engendré
et corrompu, il ajoute que les opinions vraies ont été renouvelées suivant
les différentes époques non pas une fois ou deux fois, mais un nombre infini
de foi, si l’on suppose que le temps est infini. En effet les études de la
vérité sont détruites par différentes mutations qui se produisent dans les
temps postérieurs ; mais puisque les esprits des hommes inclinent
naturellement vers la vérité, les obstacles cessant, les études sont
renouvelées et les hommes parviennent enfin aux opinions vraies qui avaient
existé auparavant : il n’est pas nécessaire de renouveler les opinions
fausses. [270b20] Et c’est pourquoi les
anciens, pensant que le corps premier, c’est-à-dire celui du ciel, serait
d’une autre nature que celle des quatre éléments, ont nommé éther le lieu le
plus élevé du monde, établissant assurément son nom à partir du fait qu’il
court toujours pendant un temps éternel : thein, en effet, est synonyme de courir en grec. Mais Anaxagore a
mal interprété ce nom, l’attribuant au feu, comme si le corps céleste était
igné : aethein en effet
signifie brûler, qui est le propre du feu. Mais il est évident d’après ce qui
a été dit ci-dessus que le corps céleste n’est pas igné. |
|
|
Lectio
8 |
Leçon 8 – [L’univers infralunaire est composé de quatre éléments seulement]
|
[70888]
In De caelo, lib. |
[70888] Sur le De caelo, I, 8, 1. Après que le
philosophe a montré qu’il est nécessaire qu’il y ait un corps en dehors des
quatre éléments, il montre ici qu’en dehors de ces corps l’intégralité de
l’univers ne réclame pas un autre corps. Et il montre en premier lieu cette
proposition ; en second lieu il prouve une certaine chose qu’il avait
supposée, ici : « ce qui n’est pas le propre du mouvement
circulaire », etc. Il dit donc premièrement que, d’après les propos
tenus, qui ont permis de prouver qu’il y a un cinquième corps en dehors des
corps lourds et légers, on peut aussi montrer qu’il est impossible qu’il y
ait un plus grand nombre de corps simples, puisque, comme on l’a dit
ci-dessus, il est nécessaire qu’à n’importe quel corps simple appartienne un
mouvement simple. [270b25] Mais il n’y a pas
d’autre mouvement simple en dehors de ceux qui ont été déjà mentionnés, dont
l’un est circulaire et l’autre est droit, lui qui se divise en deux
parties : car l’un des mouvements droits part du milieu, mouvement qui
est dit vers le haut, l’autre va vers le milieu, mouvement qui est dit vers
le bas. Parmi ces mouvements, celui qui va vers le milieu est celui d’un
corps lourd, c’est-à-dire celui de la terre et de l’eau ; celui qui part
du milieu est celui d’un corps léger, c’est-à-dire celui du feu et de
l’air ; celui qui est circulaire est celui d’un corps premier et
supérieur. Il en résulte qu’en dehors des corps simples précités il n’y a pas
d’autre corps simple : et ainsi la totalité de l’univers est constituée
de ces cinq corps. |
[70889] In De
caelo, lib. |
[70889] Sur le De caelo, I, 8, 2. Ensuite quand il
dit : « ce qui n’est pas le propre d’un mouvement
circulaire », il prouve une certaine chose qu’il avait supposée, à
savoir que le mouvement circulaire n’a pas de mouvement contraire. Et il
avait supposé cela dans la démonstration où il prouvait que le corps du ciel
n’était pas soumis à la génération et à la corruption ; mais il ne l’a
pas aussitôt prouvé à cet endroit, mais il en a différé l’argumentation
jusqu’à maintenant, puisque cela lui permet de montrer aussi qu’il n’y a pas
un plus grand nombre de corps simples. Si en effet un mouvement circulaire
avait un mouvement contraire, on pourrait dire que, de même qu’est double le
corps qui est déplacé par un mouvement droit, en raison du caractère opposé
de ce mouvement, de même est double le corps qui est déplacé par un mouvement
circulaire. Cela ne pourrait pas arriver, s’il était reconnu qu’un corps
circulaire n’a pas de mouvement contraire. Sur ce point il expose donc
premièrement ce qu’il s’était proposé de faire. Et il dit que pour de
multiples raisons on peut croire que le mouvement circulaire n’a pas de
mouvement local contraire. |
[70890] In De
caelo, lib. |
[70890] Sur le De caelo, I, 8, 3. Deuxièmement
ici : « le premier », etc., il montre la proposition. Sur ce
point, on doit considérer que, si l’opposition se trouve dans le mouvement
circulaire, il faut que ce soit selon un autre des trois modes : l’un
d’entre eux est tel que le mouvement droit est opposé au mouvement
circulaire, un autre est tel qu’une opposition réside dans les parties mêmes
du mouvement circulaire, un troisième est tel qu’un autre mouvement circulaire
est opposé à un mouvement circulaire. Donc il montre en premier lieu que le
mouvement droit n’est pas opposé au mouvement circulaire ; deuxièmement
il montre qu’il n’y a pas d’opposition dans les parties du mouvement
circulaire, ici : « ensuite si quelqu’un pense », etc. ;
troisièmement il montre qu’il n’y a pas d’opposition dans le mouvement
circulaire tout entier, c’est-à-dire d’un mouvement circulaire à un autre,
ici : « mais ni ce qui par là », etc. |
[70891] In De
caelo, lib. |
[70891] Sur le De caelo, I, 8, 4. Il dit donc
premièrement que le mouvement droit semble principalement être opposé au
mouvement circulaire. En effet une ligne droite n’a aucune fraction ;
une figure dotée d’angles a une fraction, non dans sa totalité, mais dans ses
angles ; mais une figure circulaire semble avoir une fraction dans sa
totalité, même si la totalité est un angle. Et selon cela le droit et le
circulaire semble être contraires, pour ainsi dire très éloignés. Et puisque
l’on pourrait dire que le droit n’est pas opposé au circulaire, mais que le
convexe ou gibbeux est opposé au
concave, pour rejeter cette objection, [270b35]
il ajoute que le concave et le gibbeux,
c’est-à-dire le convexe, semblent avoir une opposition non seulement l’un
envers l’autre, [271a1] mais aussi envers le
droit. Ils semblent avoir une opposition l’un envers l’autre en tant que choses combinées et placées
l’une à côté de l’autre, c’est-à-dire selon leur relation : car le
concave est appelé ainsi en considération de ce qui se trouve à l’intérieur,
et le gibbeux en considération de ce qui se trouve à l’extérieur. Et ainsi de
toutes les manières le droit s’opposerait au circulaire, qu’il l’obtienne
sous le rapport du concave ou sous le rapport du convexe. Et puisque
l’opposition des mouvements semble être selon l’opposition des choses où se
trouve le mouvement, il semble être logique que, si un mouvement est
contraire au mouvement circulaire, le mouvement droit lui est surtout
contraire, mouvement qui suit une ligne droite. [271a5]
Mais les mouvements droits sont opposés les uns aux autres, en raison
des lieux opposés (car le mouvement qui est vers le haut est opposé à celui
qui est vers le bas, puisque le mouvement vers le haut et le mouvement vers
le bas introduisent de la différence et de l’opposition au sein du
lieu) : et ainsi à un mouvement droit s’opposera un autre mouvement
droit, ainsi qu’un mouvement circulaire. Or c’est impossible, puisque une
chose est contraire à une seule autre. Donc il est impossible qu’un mouvement
soit contraire au mouvement circulaire. |
[70892] In De
caelo, lib. |
[70892] Sur le De caelo, I, 8, 5. On peut objecter à
ce qui est dit le fait que le droit est surtout opposé au circulaire. Il est
dit dans les Catégories que rien
n’est opposé à une figure : le droit et le circulaire sont les
différences des figures. On peut dire que le philosophe parle ici d’une
hypothèse, et cela sans simplicité. Si en effet une chose était contraire au
circulaire, le droit s’opposerait surtout à lui-même, suivant la raison dite
ci-dessus. On peut aussi dire que dans n’importe quel genre on trouve
l’opposition des différences, comme il apparaît dans le livre X de |
[70893] In De
caelo, lib. |
[70893] Sur le De caelo, I, 8, 6. Ensuite, quand il dit : « si quelqu’un pense », etc., il montre qu’il n’y a pas d’opposition dans les parties du mouvement circulaire. Et premièrement il rejette l’opposition des parties de ce mouvement ; deuxièmement il montre que l’opposition des parties ne suffirait pas à l’opposition de la totalité, ici : « si ces contraires aussi », etc. Sur le premier point il fait trois choses : premièrement il montre qu’il n’est pas d’opposition dans les parties du mouvement circulaire qui sont reçues selon différents portions du cercle, qui sont tracées entre deux points ; deuxièmement il montre qu’il n’est pas d’opposition dans les parties du mouvement circulaire qui sont reçues selon le même demi-cercle, ici : « également et ce qui dans un demi-cercle », etc. ; troisièmement il montre qu’il n’est pas d’opposition dans les parties du mouvement circulaire qui sont reçues selon deux demi-cercles, ici : « également et de toute façon », etc. [271a10] Il dit donc premièrement que l’on pourrait penser que le mode d’opposition dans le mouvement qui suit une ligne circulaire et dans le mouvement qui suit une ligne droite est le même. En effet si une ligne droite est tracée entre deux points qui sont A et B, il est évident que le mouvement local qui se ferait sur la ligne droite AB de A vers B sera opposé au mouvement local qui se fera inversement de B vers A. Mais le mode n’est pas semblable si une ligne circulaire est dessinée entre deux points qui sont A et B, puisque entre deux points il ne peut y avoir qu’une ligne droite, [271a15] mais qu’entre deux points peut être dessiné un nombre infini de lignes courbes, qui sont différentes portions de cercles. Il s’ensuivrait donc que, si un mouvement qui est de B vers A selon une ligne circulaire était contraire à un mouvement qui est de A vers B par une ligne circulaire, une infinité de mouvements serait contraire à un seul. Il faut remarquer que, au lieu de ce qu’il aurait dû dire, à savoir qu’une ligne droite est unique entre deux points, il dit que les lignes droites sont limitées, puisque, si nous acceptons deux points en différents endroits, il y aura un nombre limité de lignes droites entre eux ; mais entre deux points, quels qu’ils soient, pourront être tracés un nombre infini de lignes courbes. |
[70894] In De
caelo, lib. |
[70894] Sur
le De caelo, I, 8, 7. Jean le
grammairien a fait une objection à ce raisonnement, puisqu’il ne semble pas
s’ensuivre qu’un nombre infini de mouvements soient contraires à un seul
mouvement, mais un nombre infini à un nombre infini, puisque suivant chaque
portion de cercle qui est tracé entre deux points il y aura deux mouvements
contraires l’un à l’autre. De même il semble que ce qui est tiré de
l’opposition des mouvements droits ne soit également pas convenable. Car il
est manifeste que, de même qu’entre deux points peuvent être tracées une
infinité de lignes courbes, de même du centre du monde à sa circonférence
peuvent être tracées une infinité de lignes droites. Mais il faut dire sur le
premier point que, s’il y a une opposition des mouvements qui se font par des
lignes courbes selon l’opposition de leurs extrémités, comme il arrive aux
mouvements droits, il s’ensuit de cette supposition que n’importe quel
mouvement qui se fait de B vers A par n’importe quelle ligne courbe est
contraire au mouvement qui est de A vers B ; et ainsi il s’ensuivra que
non seulement une infinité de mouvements sont contraires à un seul, mais qu’à
n’importe lequel des mouvements infinis qui commencent à une partie
s’opposent une infinité de mouvements qui commencent à la partie opposée. Sur
le deuxième point il faut dire que l’infinité des lignes droites qui partent
du centre vers la circonférence sont toutes égales et c’est pourquoi elles
marquent la même distance entre des extrémités opposées ; et c’est
pourquoi dans toutes se trouve le même rapport d’opposition, qui introduit la
plus grande distance. Mais l’infinité de lignes courbes qui sont tracées sur
les mêmes points sont toutes inégales : de là il n’y a pas en elles le
même rapport d’opposition, puisque la distance reçue selon la quantité de la
ligne courbe n’est pas unique et identique. |
[70895] In De
caelo, lib. |
[70895] Sur le De caelo, I, 8, 8. [271a10] Ensuite, quand il dit :
« également aussi ce qui dans un demi-cercle », etc., il montre
qu’il n’y a pas d’opposition dans un mouvement circulaire selon un seul et
même demi-cercle. En effet quelqu’un pourrait dire qu’à un mouvement qui est
sur une ligne courbe de A vers B ne s’opposerait pas n’importe quel mouvement
qui va de B vers A par n’importe quelle ligne courbe, mais par une seule et
même, c’est-à-dire par un seul demi-cercle. Soit un demi-cercle GD et qu’il
soit tel que le mouvement qui suit le demi-cercle de G à D soit opposé au
mouvement qui suit le même cercle de D à G. Mais contre cela Aristote fait
avancer son raisonnement en disant que la distance qui est entre G et D sur
le demi-cercle est considérée comme la même que la distance qui est reçue sur
le diamètre, non parce que le demi-cercle est égal au diamètre, mais puisque
nous mesurons toute distance par une ligne droite. La raison en est que toute
mesure doit être certaine, déterminée et la plus petite : entre deux
points la mesure d’une ligne droite est certaine et déterminée, puisqu’il ne
peut y en avoir qu’une ; et c’est la plus petite de toutes les lignes
qui sont entre deux points. Une infinité de lignes courbes peuvent être
tracées entre deux points, lignes qui sont toutes plus grandes qu’une ligne
droite dessinée entre les mêmes points. De là la distance qui est entre deux
points est mesurée par une ligne droite et non par la ligne courbe d’un
demi-cercle ou de n’importe quelle autre portion de cercle, d’un cercle plus
grand ou plus petit. Donc comme, concernant le rapport de l’opposition, il y
a le fait qu’il a la plus grande distance, comme il est dit dans le livre X
de |
[70896] In De
caelo, lib. |
[70896] Sur le De caelo, I, 8, 9. Jean le grammairien
a objecté à cela que les géomètres et les astrologues acceptent non seulement
la quantité d’une ligne courbe par une ligne droite, mais aussi
l’inverse : car ils prouvent la quantité de la corde par l’arc et la
quantité de l’arc par la corde. Mais en cela il ne comprend pas Aristote. En
effet Aristote ne prétend pas qu’une ligne courbe est mesurée par une droite,
mais que la distance qui est entre deux points quels qu’ils soient est
mesurée par une ligne droite, suivant le raisonnement déjà tenu. Jean le
grammairien objecte aussi que la plus grande distance est dans le ciel,
distance qui est entre deux points opposés, par exemple entre le début du
Bélier et le début de |
[70897] In De
caelo, lib. |
[70897] Sur le De caelo, I, 8, 10. [271a15]
Ensuite, quand il dit : « également et de
toute façon », il montre qu’il n’y a pas d’opposition dans le mouvement
circulaire suivant deux demi-cercles. Et il dit que le raisonnement est
semblable, si en dessinant un cercle tout entier on établit un mouvement qui
est dans un demi-cercle contraire à celui qui est dans un autre demi-cercle.
Soit en effet un cercle dont le diamètre est EZ, divisé en deux
demi-cercles : sur l’un d’entre eux est tracé le demi-cercle I, dans
l’autre le demi-cercle T. Quelqu’un pourrait donc dire que le mouvement qui
va de E vers Z par le demi-cercle I est opposé au mouvement qui va de Z à E
par le demi-cercle T. Mais cela est réfuté par la même raison que
précédemment : puisque assurément la distance qui est entre E et Z n’est
pas mesurée par un demi-cercle, mais par un diamètre. Et il y a encore une
autre raison : puisqu’il y a un seul mouvement continu qui, commençant à
E, vient à Z par le demi-cercle I, et qui revient de nouveau de Z à E par le
demi-cercle T ; deux mouvements contraires ne peuvent pas se continuer
l’un l’autre, comme il apparaît dans le livre VIII de la Physique. |
[70898] In De
caelo, lib. |
[70898] Sur le De caelo, I, 8, 11. Ensuite quand il dit : « or si ces », etc., il montre que même si ces parties
des mouvements circulaires étaient contraires, il ne s’ensuivrait pourtant
pas que cette opposition se trouverait dans les mouvements circulaires dans
leur totalité : car l’opposition du tout n’est pas la conséquence de
l’opposition des parties. Et ainsi il est évident que ce que le philosophe
montre maintenant sur l’opposition des parties du mouvement circulaire, il
l’a abondamment exposé afin d’exclure totalement l’opposition du mouvement
circulaire. |
[70899] In De
caelo, lib. |
[70899] Sur le De caelo, I, 8, 12. Ensuite quand il dit : « mais en vérité », etc., il montre qu’à un mouvement circulaire tout entier n’est pas contraire un autre mouvement circulaire entier, et cela pour deux raisons. La première d’entre elles est tirée de la considération du mouvement circulaire lui-même en commun. Soit donc un cercle, sur lequel sont placés A, B et G en trois points. Sur ce cercle sont compris deux mouvements circulaires, dont l’un commence à A, va vers G par B et revient ainsi à A et dont l’autre mouvement, à l’inverse, commençant à A, va d’abord vers G et, passant ainsi par B, revient vers A. Il dit donc que ces deux mouvements ne sont pas contraires. En effet l’un et l’autre de ces mouvements commencent au même point, c’est-à-dire à A, et se terminent au même point, c’est-à-dire à A lui-même ; et ainsi il est évident que ces deux mouvements ne commencent pas à un point contraire et ne se terminent pas à un point contraire ; est contraire le mouvement local qui va d’un contraire à un contraire. Il est donc patent que les mouvements circulaires déjà mentionnés ne sont pas contraires. |
[70900] In De
caelo, lib. |
[70900] Sur
le De caelo, I, 8, 13. Jean le
grammairien a objecté à cela premièrement que le rapport de l’opposition
semble être différent pour différentes choses. En effet il détermine que
l’opposition dans les mouvements droits est déplacée du contraire vers le
contraire : de là il ne faut pas que, si une telle opposition ne se
trouve pas dans les mouvements circulaires, pour cette raison aucune
opposition ne puisse être en eux. Également, de même que le fonctionnement du
mouvement contraire concernant les mouvements droits est d’aller du contraire
vers le contraire, de même le fonctionnement du mouvement est d’aller d’un
point à un autre. Par le fait que le mouvement circulaire va du même au même,
il est non seulement exclu qu’il n’aille pas du contraire vers le contraire,
mais aussi qu’il n’aille pas de d’un point à l’autre. Donc il est non
seulement exclu des mouvements circulaires qu’ils ne soient pas contraires,
mais aussi qu’ils ne soient pas au fond des mouvements. Il faut dire sur le
premier point qu’aller du contraire vers le contraire n’est pas le
fonctionnement propre de l’opposition dans les mouvements locaux qui suivent
une ligne droite ; mais le fonctionnement de l’opposition est commun à
tous les mouvements, comme il apparaît dans le livre V de |
[70901] In De
caelo, lib. |
[70901] Sur
le De caelo, I, 8, 14. [271a20] Il établit ici la seconde raison :
« or s’il y avait », etc. Et cette raison est tirée de
l’application du mouvement circulaire aux corps naturels. Et cette raison est
la suivante. Si un mouvement circulaire était contraire à un autre, il
faudrait que l’un d’entre eux soit en vain ; mais rien n’est en vain
dans la nature ; donc il n’y a pas deux mouvements circulaires opposés.
Il prouve cette condition ainsi. S’il y avait deux mouvements circulaires
contraires, il faudrait que les corps qui sont déplacés par ces deux
mouvements passent par les mêmes points indiqués sur le cercle : et
cela, puisque l’opposition du mouvement local exige l’opposition des lieux,
qui atteint l’un et l’autre des mobiles. Donc s’il y avait des mouvements
circulaires contraires, il faudrait que des lieux soient désignés comme
contraires sur le cercle. Sur une ligne droite sont tracés seulement deux
lieux contraires, qui sont assurément les plus distants : d’autres lieux
marqués sur la ligne droite, qui sont inférieurs aux deux lieux extrêmes,
comme ils ne sont pas les plus distants, ne sont pas opposés les uns aux
autres. Mais sur le cercle c’est le propre de n’importe quel point de
recevoir la plus grande distance vers un autre point du cercle, puisqu’il
arrive à n’importe quel point marqué sur le cercle de conduire un diamètre,
qui est la plus grande des lignes droites qui se produisent dans un
cercle ; or on a dit que toute distance est mesurée selon une ligne
droite. Donc puisque ce qui est déplacé par des mouvements contraires atteint
nécessairement des lieux contraires, il est nécessaire que, si des mouvements
circulaires sont contraires, l’un et l’autre corps mus circulairement
commencent à se mouvoir à n’importe quel point du cercle, parviennent en tous
les lieux du cercle, qui sont tous contraires. Et il n’est pas inconvenant si
sur un cercle des lieux contraires soient tracés selon toute partie, puisque
les oppositions du lieu sont reçues non seulement selon le mouvement vers le
bas et selon le mouvement vers le bas, mais aussi vers l’avant et vers l’arrière,
vers la droite et vers la gauche ; on a dit que les oppositions du
mouvement local sont reçues selon les oppositions des lieux ; et ainsi,
si les mouvements circulaires sont contraires, il est nécessaire que les
oppositions soient reçues sur le cercle selon ce qui a été déjà mentionné. Il
s’ensuit que l’un des mouvements ou des corps serait vain, puisque, si les
grandeurs déplacées étaient égales, c’est-à-dire d’une égale puissance, ni
l’une ni l’autre d’entre elles ne seraient déplacées, puisque l’une empêcherait
totalement l’autre, comme il faudrait que l’une et l’autre passent par les
mêmes lieux. Si un mouvement dominait en raison de la prééminence de sa
puissance sur l’autre des corps mobiles ou se mouvant, il s’ensuivrait que
l’autre mouvement ne pourrait être, puisqu’il serait totalement empêché par
un mouvement plus fort. C’est pourquoi, s’il y avait deux corps qui étaient
naturellement déplacés par des mouvements circulaires contraires, l’autre de
ces mêmes corps, qui ne pourrait être déplacé par un mouvement qui serait
empêché par un mouvement plus fort, serait vain : car nous disons qu’est
vain tout ce qui ne peut avoir son usage, comme nous disons qu’est vaine une
chaussure que personne ne peut mettre. Et sera également vain un corps, qui
ne pourra pas être déplacé par un mouvement propre : et sera aussi vain
le mouvement par lequel rien ne peut être déplacé. [271a30]
Ainsi donc il est évident que, si deux mouvements circulaires sont
contraires, il est nécessaire que quelque chose soit vain dans la nature.
Mais il prouve ainsi que c’est impossible. Tout ce qui est dans la nature
vient soit de Dieu, comme les premières choses naturelles, soit de la nature,
comme d’une cause seconde, par exemple les effets inférieurs. Mais Dieu ne
fait rien en vain, puisque, comme c’est un agent par l’intellect, il agit
pour une fin. Également aussi la nature ne fait rien en vain, puisqu’elle
agit comme déplacée par Dieu en tant que premier moteur, de même que la
flèche n’est pas déplacée en vain, dans la mesure où elle est envoyée par
quelqu’un qui la lance dans un but précis. Il reste donc que rien n’est en
vain dans la nature. Il faut considérer qu’Aristote établit ici que Dieu est
le créateur des corps célestes et non seulement une cause en vue d’une fin,
comme certains l’ont dit. |
[70902] In De
caelo, lib. |
[70902] Sur
le De caelo, I, 8, 15. Jean le
grammairien objecte à ce raisonnement que quelqu’un pourrait conclure par un
raisonnement semblable que dans les mouvements droits il n’y a pas
d’opposition, puisque les corps mobiles s’entravent les uns les autres. Mais
il faut dire qu’un raisonnement différent s’applique aux mouvements droits et
circulaires, pour deux raisons. Premièrement puisque deux corps sont déplacés
par des mouvements droits contraires sans qu’ils s’entravent l’un l’autre,
parce que l’opposition n’est pas constatée dans les mouvements droits si ce
n’est selon les extrémités des lignes droites, par exemple selon le centre du
monde et sa circonférence : du centre à la circonférence peuvent être
tracées une infinité de lignes, et ce qui est déplacé par une seule d’entre
elles vers le haut n’empêche pas ce qui est déplacé par une autre ligne vers
le bas. Mais dans un mouvement circulaire le même fonctionnement de l’opposition
se trouve dans toutes les parties du cercle : et c’est pourquoi il
faudra que les deux mouvements passent par les mêmes lieux du cercle ;
et ainsi il faut nécessairement que les mouvements circulaires contraires
s’entravent les uns les autres. Deuxièmement le raisonnement est différent
pour les uns et les autres, puisque le corps qui est naturellement déplacé
par un mouvement droit, comme il est naturellement apte à être corrompu, est
de même naturellement apte à être entravé : de là s’il est entravé, ce
n’est pas en vain, tout comme ce n’est pas en vain qu’il soit corrompu. Mais
un corps déplacé circulairement est naturellement incorruptible ; de là
il n’est pas né pour être entravé : de là, si quelque chose dans la
nature lui était une entrave, ce serait en vain. |
[70903] In De
caelo, lib. |
[70903] Sur le De caelo, I, 8, 16. De même on peut
faire une objection sur le mouvement des planètes, qui sont déplacées par
leurs propres mouvements de l’occident vers l’orient ; il semble être à
l’opposé du mouvement du firmament, qui est déplacé par le mouvement du jour
de l’orient vers l’occident. Mais il faut dire que de tels mouvements ont
certes quelque diversité les uns par rapport aux autres, diversité qui
représente de quelque manière les différentes natures des corps
mobiles ; il n’y a cependant pas d’opposition, pour trois raisons.
Premièrement puisqu’une diversité de ce genre n’est pas selon des extrémités
opposées, mais selon des voies contraires pour parvenir au même terme :
par exemple puisque le firmament est déplacé d’un point de l’orient vers un
point de l’occident par l’hémisphère supérieur et qu’il revient vers un point
de l’orient par l’hémisphère inférieur, une planète est déplacée d’un point
de l’occident vers l’orient par un autre hémisphère. Le fait d’être déplacé
par des voies différentes vers le même but ne fait pas l’opposition des
actions ou des mouvements, mais concerne les différents ordres des mouvements
et des corps mobiles, puisque ce qui touche au terme par une voie plus noble
est plus noble, comme le meilleur médecin est celui qui amène à la guérison
par une voie plus efficace. Et il s’ensuit que le premier mouvement du
firmament est plus noble que le second mouvement, qui est celui des planètes,
tout comme l’orbite supérieure est la plus noble. De là les orbites des
planètes sont aussi déplacées par le mouvement de la première orbite sans
qu’elles ne soient entravées par leurs propres mouvements. La seconde raison
est que, bien que l’un et l’autre mouvement soient sur le même centre, les
deux mouvements sont cependant sur différents pôles : ils ne sont donc
pas contraires. La troisième raison est qu’ils ne sont pas sur le même
cercle, mais que les mouvements des planètes sont sur des cercles inférieurs.
Il faut que l’opposition soit considérée à propos de la même distance, comme
c’est évident dans les mouvements droits, dont l’opposition se produit sur la
distance du centre et de la circonférence. |
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Lectio
9 |
Leçon 9 – [L’univers est-il infini en taille ?]
|
[70904] In De caelo, lib. |
[70904] Sur le De caelo, I, 9, 1. [271b1] Après que le philosophe a montré la
perfection de l’univers et dans quelles parties sa perfection est intégrée,
il commence ici à faire des recherches sur son étendue infinie, puisque,
comme il est dit dans le livre III de |
[70905] In De caelo, lib. |
[70905] Sur le De caelo, I, 9, 2. Il dit donc
premièrement que, puisqu’il est manifeste au sujet de ce qui a déjà été dit
qu’il n’est pas de mouvement contraire au mouvement circulaire, et au sujet
des autres propos tenus, il faut maintenant s’appliquer à ce qui reste. Et
premièrement il faut rechercher s’il y a un corps infini en acte selon la
grandeur, comme un très grand nombre de philosophes antiques l’ont pensé
(assurément tous ceux qui ont établi un seul principe matériel, par exemple
le feu, l’air, l’eau ou un de leurs intermédiaires) ; ou plutôt il est
impossible qu’il y ait un corps infini en acte, comme il a été prouvé dans le
livre III de |
[70906] In De caelo, lib. |
[70906] Sur le De caelo, I, 9, 3. Ensuite quand il
dit : « ainsi en effet ou de cette façon », il expose le
raisonnement de son intention, à partir de la divergence qui arrive en raison
de la position déjà dite. Et premièrement il propose cette divergence qui en
est la conséquence. [271b5] Et il dit qu’il
est très différent en comparaison de la contemplation de la vérité dans la philosophie
naturelle de savoir si les choses sont de cette manière-ci ou de cette
manière-là, c’est-à-dire s’il y a un corps infini selon la grandeur ou
non : mais il introduit plutôt une différence sur le tout, à savoir sur tout l’univers, et
sur toute considération naturelle. En effet ce qui a été dit a à peu près été
dans le passé et sera dans le futur le principe de toutes les contradictions
entre ceux qui ont énoncé quelque chose sur la nature toute entière des
choses. Car ceux qui ont posé un seul principe infini ont établi que d’autres
choses arrivaient pour ainsi en se séparant de ce principe ; et ainsi,
en raison du caractère infini de ce principe ils ont dit que la génération
des choses ne cessait pas, comme si quelqu’un disait que des pains peuvent
être faits à l’infini à partir d’une masse infinie. Ceux qui ont posé des
principes finis ont dit que les choses se produisaient à l’infini par réunion
et séparation réciproques des éléments. |
[70907] In De caelo, lib. |
[70907] Sur le De caelo, I, 9, 4. [271b10] Ensuite quand il dit : « si
vraiment celui qui un peu », etc., il expose une cause pour laquelle une
si grande diversité s’ensuit : puisque assurément celui qui s’écarte un
peu de la vérité sur le principe, s’avançant par la suite, devient dix mille
fois plus éloigné de la vérité. Et cela parce que tout ce qui suit
immédiatement dépend de son principe. Et cela apparaît surtout quand on se
trompe de route, puisque celui qui s’éloigne un peu du droit chemin, avançant
bientôt après, se trouve très loin. Et il établit comme exemple de ce qui a
été dit ceux qui ont posé la plus petite grandeur, comme Démocrite a posé des
corps indivisibles : introduisant ainsi la plus petit chose dans la
quantité, il a détruit les plus grandes propositions des mathématiques, par
exemple qu’il arrive qu’une ligne donnée soit coupée en deux moitiés. Et la
cause en est que le principe, bien qu’il soit de la plus petite grandeur, est
cependant d’une grande puissance, comme d’une petite semence est produit un
grand arbre ; et de là vient que ce qui est petit dans son principe se
multiplie à la fin, puisqu’il atteint tout ce à quoi la puissance de son
principe s’est étendue, que ce soit vrai ou faux. Or l’infini tient lieu de
principe (car tous ceux qui ont parlé de l’infini ont établi que l’infini
était le principe, comme il est dit dans le livre III de |
[70908] In De caelo, lib. |
[70908] Sur le De caelo, I, 9, 5. Ensuite, quand il dit : « c’est pourquoi il est nécessaire », etc., il montre dans quel ordre il faut agir. Et il dit qu’il est nécessaire que tout corps soit ou bien au nombre des corps simples ou bien au nombre des corps composés ; de là il faut qu’un corps infini soit aussi ou bien simple ou bien composé. De nouveau il est manifeste que, si les corps simples sont finis en multitude et en grandeur, il est nécessaire qu’un corps composé soit fini à la fois en multitude et en grandeur : en effet un corps composé a une quantité aussi grande que la quantité de corps simples dont il est composé. Il a été montré ci-dessus que les corps simples sont finis en multitude, puisqu’il n’y a pas de corps en dehors de ceux qui ont été déjà mentionnés. Il reste donc à voir si un corps simple est infini en grandeur, ou si cela est impossible. Et nous le montrerons en argumentant en premier lieu sur le premier des corps, qui est déplacé circulairement ; et ainsi nous tournerons notre attention vers les autres corps, qui sont déplacés par un mouvement droit. |
[70909] In De caelo, lib. |
[70909] Sur le De caelo, I, 9, 6. Ensuite quand il dit : « le fait donc que », etc., il montre qu’il n’y a pas de
corps infini : et premièrement par des raisons propres à chaque
corps ; deuxièmement par trois raisons communes à tous, ici :
« le fait donc qu’il n’y ait pas de corps infini », etc. Sur le
premier point il fait deux choses : premièrement il montre la
proposition sur le corps qui est déplacé circulairement ; deuxièmement
sur les corps qui sont déplacés par un mouvement droit, ici :
« mais encore ni ce qui vers le milieu », etc. Sur le premier point
il fait deux choses. Premièrement il expose ce qu’il a l’intention de
faire : et il dit qu’il est manifeste d’après ce qui sera dit qu’il est
nécessaire que tout corps qui est porté circulairement soit fini (car c’est
le premier des corps). |
[70910] In De caelo, lib. |
[70910] Sur le De caelo, I, 9, 7. [271b25]
Ensuite quand il dit : « si en effet
infini », etc., il prouve la proposition par six raisons : en voici
la première. Si un corps est infini, il ne peut pas être déplacé circulairement ;
mais un corps premier est déplacé circulairement ; donc il n’est pas
infini. Premièrement donc il prouve la condition ici : puisque, si un
corps qui est déplacé circulairement est infini, il est nécessaire que des
lignes droites qui partent de son centre soient infinies : car elles
sont étendues aussi longtemps que dure la quantité du corps. La distance qui
est entre des lignes infinies est infinie. Quelqu’un pourrait dire que, même
s’il y a des lignes infinies qui partent du centre, la distance entre elles
est cependant finie : puisque toute distance est mesurée par une ligne
droite, une ligne finie peut être tirée sous les deux lignes déjà dites, par
exemple au voisinage du centre. Mais il est manifeste qu’en dehors de cette
ligne une autre ligne droite plus grande pourra être tracée entre les deux
lignes dont nous parlions en premier lieu. Et c’est pourquoi il dit qu’il ne
parle pas de la distance que mesurent de telles lignes ; mais il dit
qu’est infinie la distance qui est mesurée par une ligne en dehors de
laquelle il n’est pas possible de prendre une autre ligne plus grande, qui
touche l’une et l’autre des premières lignes. Et il prouve qu’une telle
distance est infinie pour deux raisons. Premièrement puisqu’une telle
distance tout entière est finie entre des lignes finies qui partent du
centre : car il faut que les extrémités des lignes qui partent du centre
et de la ligne finie qui mesure la distance extrême entre elles soient les
mêmes. [272a1] Deuxièmement il prouve la même
chose par le fait que, n’importe quelle distance ayant été donnée entre deux
lignes mesurées partant du centre, il est possible d’en recevoir une autre
plus grande, de même que, n’importe quel nombre ayant été donné, de même il
est possible d’en obtenir un plus grand : de là comme il y a un infini
pour les nombres, il y a aussi un infini pour une telle distance. À partir de
là il argumente ainsi. Il n’est pas possible de dépasser l’infini, comme
c’est prouvé dans le livre VI de |
[70911] In De caelo, lib. |
[70911] Sur le De caelo, I, 9, 8. Deuxièmement
ici : « nous voyons le ciel », etc., il prouve la réfutation
de la conséquence par deux raisons : premièrement puisque nous voyons
par notre sens que le ciel se déplace circulairement ; deuxièmement
puisqu’il a été prouvé ci-dessus par un raisonnement que le mouvement
circulaire est celui d’un corps. Il s’ensuit qu’il est impossible que soit
infini un corps qui se déplace circulairement. |
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Lectio 10 |
Leçon 10 – [L’univers n’est pas infini en taille, preuve par le
temps]
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[70912]
In De caelo, lib. |
[70912] Sur le De caelo, I, 10, 1. Cette première
raison ayant été avancée, raison qui cherchait à montrer qu’un corps qui est porté
circulairement n’est pas infini à partir du fait que la distance qui est
entre deux lignes partant du centre sera infinie et infranchissable, il
établit ici une seconde raison à partir du fait que les lignes tracées et
représentées sur un corps infini, ou même à sa place, ne peuvent pas se
couper les unes les autres. Et il avance dans ce raisonnement un principe, à
savoir que, si un temps fini est soustrait à un temps fini, il est nécessaire
que ce qui reste soit fini, puisqu’une partie du fini ne peut être infinie,
sinon tout serait inférieur à sa partie. Et si ce reste de temps est fini, il
s’ensuit qu’il a ce principe : car nous disons qu’est fini le temps qui
a un début et une fin. Or il a été démontré dans le livre VI de |
[70913] In De
caelo, lib. |
[70913] Sur le De caelo, I, 10, 2. Par conséquent,
ces principes pour ainsi dire ayant été avancés, il procède à la
démonstration de la proposition. Donc que l’on suppose que du centre d’un
corps infini qui est A soit tracée une ligne, à savoir AGE, qui soit infinie,
d’un côté, c’est-à-dire en partant du côté E ; et que l’on comprenne que
cette ligne se déplace circulairement selon le mouvement du corps tout entier
et que selon le point G elle décrit un cercle par son mouvement. Représentons-nous
aussi dans un espace imaginaire où un corps infini se déplace circulairement
une ligne qui se tienne immobile, qui ne passe pas par le centre, mais qui
soit infinie de part et d’autre et que ce soit la ligne BB. Donc si, comme on
l’a dit, une ligne qui est AGE décrit dans sa marche un cercle AG, c’est-à-dire dont le rayon soit AG, il arrivera que la
ligne AGE, en tournant suivant le cercle déjà dit, coupe toute la ligne BB
dans un temps fini. Car il est manifeste que le rayon du cercle ne peut se
dérouler sur le circuit à moins qu’il ne coupe ou divise successivement toute
ligne immobile représentée sur le cercle en dehors du centre. Et il montre
qu’est fini le temps pendant lequel une ligne qui est tirée du centre coupe
une ligne infinie qui est tracée en dehors du centre, par le fait que le
temps tout entier pendant lequel le ciel se déplace est fini, comme cela
apparaît au sens ; [272a15] il s’ensuit
que la partie de ce temps qui est enlevé au temps tout entier est fini, temps
pendant lequel une ligne AGE divise une ligne BB. Ou plutôt il s’ensuit
qu’est fini le temps pendant lequel cette ligne qui divise est portée jusqu’à
la ligne qui est divisée : et il faut que cela soit enlevé du temps fini
tout entier, afin qu’un début de temps restant soit accepté, selon le
principe établi ci-dessus. Il s’ensuit donc qu’il y a un début de temps, où
une ligne AGE commence à diviser une ligne BB. Or c’est impossible, puisque,
comme elle divise une partie avant une autre, s’il était possible de donner
un début de temps où elle commence à diviser, il serait possible de donner un
début sur une ligne infinie, ce qui est contraire au principe de l’infini.
Ainsi donc il est évident qu’il ne peut arriver qu’un corps infini se déplace
circulairement. De là si le monde était infini, il s’ensuivrait qu’il ne se
meut pas circulairement. Or nous voyons le firmament se mouvoir
circulairement : il n’est donc pas infini. |
[70914] In De
caelo, lib. |
[70914] Sur le De caelo, I, 10, 3. Il établit la troisième raison ici : « encore et parmi ceux-ci », etc. : et cette raison
est tirée du caractère infini de tout corps que l’on présente comme se
déplaçant circulairement. Il dit donc que d’après ce qui suit aussi il est
manifeste qu’il est impossible qu’un corps infini se meuve circulairement. [272a25] Il annonce d’avance que s’il y a deux
lignes finies, dont l’une est A et l’autre B, telles que A soit portée à côté
de B immobile, il s’ensuit nécessairement que la ligne déplacée qui est A est
en même temps séparée de la ligne statique qui est B et qu’au contraire la
ligne statique qui est B est en même temps séparée de la ligne déplacée qui
est A. La raison en est que l’une d’entre elles reçoit de l’autre une partie
aussi grande que l’autre reçoit inversement d’elle-même. Mais cependant si
toutes les deux se déplacent l’une contre l’autre, les lignes seront séparées
plus rapidement l’une de l’autre ; or si l’une se déplaçait à côté de
l’autre immobile, les lignes seront séparées plus lentement l’une de l’autre,
pourvu que la rapidité des deux lignes déplacées l’une contre l’autre et de
l’une déplacée à côté de l’autre soit égale. Et il a avancé cela parce que le
temps pendant lequel une ligne en a parcouru une autre et le temps pendant
lequel l’autre ligne l’a parcourue sont les mêmes. [272a30]
Et après qu’il a montré cela par des lignes finies, il l’applique aux
lignes infinies, dont il traite. Et il dit qu’il est manifeste qu’il est
impossible qu’une ligne infinie soit parcourue en un temps fini par une ligne
finie ; d’où il résulte qu’une ligne finie parcourt une ligne infinie en
un temps infini ; ce qui certes a été montré auparavant dans ce qui concerne le mouvement,
c’est-à-dire dans le livre VI de |
[70915] In De
caelo, lib. |
[70915] Sur
le De caelo, I, 10, 4. [272b10] Ainsi donc après avoir montré qu’il n’y a
pas de différence entre une ligne infinie se déplaçant à côté d’une ligne
immobile et une ligne finie se déplaçant au-dessus d’une ligne infinie, il
s’en sert comme argument pour prouver que, si le temps pendant lequel une
ligne finie a parcouru une ligne infinie est infini, la conséquence en est
que le temps pendant lequel une ligne infinie se déplace par une ligne finie
est infini. Ainsi donc il apparaît qu’il est impossible qu’un corps infini
tout entier se déplace par un espace tout entier infini, où nous nous
représentons son mouvement, pendant un temps assurément fini, puisque, si
l’infini se déplaçait aussi par un très petit espace fini, il s’ensuivrait
que le temps serait infini : car il a été prouvé que l’infini est
déplacé par le fini dans un temps infini, tout comme le fini par l’infini. Or
nous voyons que le ciel tourne autour de tout son espace pendant un temps
limité. De là il est manifeste qu’il parcourt une ligne finie pendant un
temps fini, par exemple qui contient tout le cercle intérieur tracé autour de
son centre, c’est-à-dire la ligne AB, ce qui ne pourrait pas arriver s’il
était infini. Il est donc impossible qu’un corps qui est porté circulairement
soit infini. |
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Lectio
11 |
Leçon 11 – [L’univers n’est pas infini en taille, preuve par la
surface]
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[70916] In De
caelo, lib. |
[70916] Sur le De caelo, I, 11, 1. Après avoir avancé
trois raisons pour prouver qu’un corps qui se déplace circulairement ne
pourrait pas être infini, il en établit ici une quatrième, qui est la
suivante. Il est impossible qu’une ligne qui a une limite soit infinie, à
moins que par hasard elle n’ait une limite d’un côté et qu’elle ne soit
infinie de l’autre côté. Et il en est aussi de même pour la surface : si
elle avait une limite d’un côté, il n’arriverait pas qu’elle soit infinie de
ce côté. Mais quand elle est limitée de tout côté, elle ne peut en aucune
manière être infinie, [272b20] comme il
apparaît qu’il ne peut arriver qu’un tétragone,
c’est-à-dire un carré, soit infini, ni un cercle, qui est une figure plane,
ni une sphère, qui est une figure solide ; ce sont en effet des noms de
figures, or une figure est ce qui est enfermé par une extrémité ou des
extrémités. Et ainsi il apparaît qu’aucune surface sous forme de figure n’est
infinie. Donc si ne sont infinis ni la sphère, ni le carré, ni le cercle, il
est manifeste que le mouvement circulaire ne peut être infini. En effet, de
même que, s’il n’y a pas de cercle, il ne peut y avoir de mouvement
circulaire, de même, s’il n’y a pas de cercle infini, il ne peut y avoir de
mouvement circulaire infini. Mais si un corps infini se déplaçait
circulairement, il serait nécessaire que le mouvement circulaire soit
infini : donc il n’est pas possible qu’un corps infini se meuve
circulairement. [272b25] |
[70917] In De
caelo, lib. |
[70917] Sur le De caelo, I, 11, 2. Il établit une
cinquième raison ici : « encore si G », etc., qui est la
suivante. Supposons qu’un corps infini mu circulairement ait un centre
G ; que soit conduite par ce centre une ligne infinie des deux côtés,
qui soit la ligne AB ; que soit conduite une autre ligne en dehors du
centre, perpendiculaire à la ligne BA, en un point E, et que cette ligne soit
aussi infinie des deux côtés ; et que ces deux lignes soient immobiles,
pour ainsi dire représentées dans l’espace où le corps infini se meut
circulairement. Soit aussi une troisième ligne partant du centre, qui soit la
ligne DG, infinie du côté D (car du côté G il faut qu’elle soit finie) :
que cette ligne se déplace selon le mouvement du corps, parce que tracée sur lui.
Donc puisque la ligne E est infinie, elle
ne sera jamais dégagée, c’est dire séparée, de celle-là :
puisqu’elle ne peut pas la parcourir, comme elle est infinie, mais qu’elle
sera toujours comme GE, autrement dit elle atteindra ou
coupera toujours la ligne E, comme elle la coupait au début à partir duquel
elle avait commencé à se mouvoir, par exemple quand la ligne GD était posée
sur la ligne BA et coupait la ligne E perpendiculairement au point E. En
effet s’éloignant de ce lieu, elle coupera la ligne E en un point Z et ainsi
la coupera toujours en tel et tel point : elle ne pourra pourtant jamais
se séparer totalement d’elle. Or il est impossible qu’un mouvement circulaire
soit complet, à moins que la ligne GD ne renvoie la ligne E, puisqu’il faudra
que, avant que le mouvement circulaire ne soit complet, la ligne GD parcoure
la partie du cercle qui est opposée à la ligne E. Ainsi donc il apparaît
qu’une ligne infinie ne peut en aucune manière parcourir un cercle, de telle
sorte qu’un mouvement circulaire tout entier soit complet. Et ainsi il
s’ensuit qu’un corps infini ne pourrait pas se mouvoir circulairement. |
[70918] In De
caelo, lib. |
[70918] Sur le De caelo, I, 11, 3. Il établit une sixième raison ici : « en outre si », etc. Et il organise cette raison de deux
façons : premièrement en effectuant une réduction à l’impossible de
cette manière. Que le ciel soit infini, comme tu l’établis. Il est évident
pour notre sens qu’il se meut tout autour dans un temps fini : nous
voyons en effet que sa révolution s’achève en vingt-quatre heures. Il
s’ensuivra donc que l’infini s’est écoulé en un temps fini : et cela
parce qu’il est nécessaire de se représenter un espace égal au ciel, où le
ciel se meut. Or nous imaginons cet espace comme au repos : ainsi donc
il faudra qu’il y ait un ciel qui demeure infini, c’est-à-dire l’espace dans
lequel le ciel se meut, et qu’il y ait un corps de ciel qui se déplace dans
cet espace, égal à l’espace mentionné, puisqu’il faut que le corps soit égal
à l’espace dans lequel il se trouve. Donc si un ciel infini s’est déplacé
circulairement dans un temps fini, la conséquence en est que l’infini s’est
écoulé dans un temps fini. [273a1] Or il est
impossible que l’infini s’écoule dans un temps fini, comme il est prouvé dans
le livre VI de |
[70919] In De
caelo, lib. |
[70919] Sur le De caelo, I, 11, 4. Deuxièmement
ici : « il y aussi et inversement », il organise son
raisonnement à l’inverse, de telle sorte que la preuve est démontrée. Et il
dit que nous pouvons inversement dire que, à partir du fait que le temps
pendant lequel le ciel s’est tourné, comme cela apparaît au sens, la
conséquence en est que la grandeur qui est parcourue est finie. Il est
manifeste que l’espace parcouru est égal au corps même qui le parcourt. Il s’ensuit
donc que le corps qui se meut circulairement est fini. [273a5] Ainsi donc en épiloguant il conclut qu’il
est manifeste qu’un corps qui se meut circulairement n’est pas illimité, c’est-à-dire dépourvu de
limite, pour ainsi dire informe ; et par conséquent il n’est pas infini,
mais il a une fin. |
|
|
Lectio
12 |
Leçon 12 – [L’univers n’est pas infini en taille, preuve par les
corps se mouvant en ligne droite]
|
[70920]
In De caelo, lib. |
[70920] Sur le De caelo, I, 12, 1. Après que le
philosophe a montré qu’un corps déplacé circulairement n’est pas infini, il
montre ici la même chose à propos d’un corps qui se meut par un mouvement
droit, soit en partant du milieu, soit en se dirigeant vers le milieu. Et
premièrement il propose ce qu’il s’était proposé, en disant que, de même
qu’un corps qui est porté circulairement ne peut être infini, de même un
corps qui est porté par un mouvement droit, soit en partant du milieu, soit
en allant vers le milieu, ne peut être infini. Deuxièmement ici :
« les déplacements contraires », etc., il démontre la proposition,
et premièrement à partir des lieux qui sont propres aux corps de ce genre,
deuxièmement à partir de la pesanteur et de la légèreté, par lesquelles les
corps de ce genre se meuvent dans leurs lieux propres, ici : « en
outre si la pesanteur », etc. En ce qui concerne le premier point, il
fait deux choses : il montre premièrement la proposition quant aux corps
extrêmes, dont l’un est simplement lourd, à savoir |
[70921] In De
caelo, lib. |
[70921] Sur le De caelo, I, 12, 2. Il expose donc
premièrement que les mouvements de ce genre qui sont vers le haut et vers le
bas, ou bien à partir du milieu et vers le milieu, sont des mouvements
contraires : or sont contraires des mouvements locaux qui vont vers des
lieux contraires, comme il a été dit ci-dessus et qu’il est montré dans le
livre V de |
[70922] In De
caelo, lib. |
[70922] Sur le De caelo, I, 12, 3. Ensuite quand il
dit : « en outre si vers le haut », etc., il montre la même
chose quant aux corps du milieu. Et premièrement il propose une certaine
condition, à savoir que, si les mouvements ascendants et descendants sont
limités, il est nécessaire qu’un lieu intermédiaire soit limité. Et il prouve
cela par une double raison. La première d’entre est : si, les premières
choses qui existent étant limitées, le milieu n’était pas limité, il
s’ensuivrait que le mouvement qui va d’une extrémités à une autre est infini,
parce que le milieu se montre infini. Or, il a été montré auparavant que cela
serait impossible, dans ce qui a été dit sur le mouvement circulaire, où il a
été montré que le mouvement qui passe par l’infini ne peut être complet.
Ainsi donc il apparaît que le lieu du milieu est limité. Et ainsi, comme ce
qui a un lieu est de commune mesure avec ce lieu, il est logique qu’un corps
qui existe en acte dans ce lieu ou qui puisse exister ici soit fini. |
[70923] In De
caelo, lib. |
[70923] Sur le De caelo, I, 12, 4. Il établit ici la
seconde raison : « mais encore », etc. : la voici. Un
corps qui est entraîné vers le haut ou vers le bas [273a20]
peut parvenir à ce qu’il existe dans un tel lieu. Ce qui apparaît par le fait
qu’un tel corps est né pour se mouvoir
à partir du milieu ou vers le milieu, c’est-à-dire qu’il a une inclinaison
naturelle vers ce lieu-ci ou vers ce lieu-là ; or, une inclinaison
naturelle ne peut être en vain, parce que Dieu et la nature ne font rien en
vain, comme on l’a considéré ci-dessus. Ainsi donc tout ce qui se meut
naturellement vers le haut ou vers le bas peut limiter ses mouvements vers ce
qui est vers le haut ou vers le bas. Mais cela ne pourrait être si le lieu
central était infini. Le lieu du milieu est donc fini, tout comme le corps
étant fini en lui. À partir des prémisses il conclut donc en épiloguant qu’il
est manifeste qu’il n’arrive pas qu’un corps soit infini. |
[70924] In De
caelo, lib. |
[70924] Sur le De caelo, I, 12, 5. Ensuite quand il
dit : « encore si la pesanteur », etc., il montre qu’il ne
peut y avoir un corps lourd ou léger infini, après en avoir tiré la raison de
la pesanteur ou de la légèreté : la voici. S’il y a un corps lourd ou
léger infini, il est nécessaire que la pesanteur ou la légèreté soient
infinies : mais cela est impossible : donc le premier point aussi.
Sur cela il fait donc deux choses : premièrement il prouve la
condition ; deuxièmement il prouve la réfutation de la conséquence,
ici : « mais en outre puisque l’infinie », etc. Sur le premier
point il fait deux choses. Premièrement il propose ce qu’il avait l’intention
de faire, en disant : si la
pesanteur n’est pas infinie, aucun de ces corps, c’est-à-dire des corps
lourds, ne sera infini : et
cela parce qu’il est nécessaire que la
pesanteur d’un corps infini soit infinie. [273a25]
Et la même raison concerne le corps léger : puisque, si la pesanteur
d’un corps lourd est infini, il est nécessaire que la légèreté aussi soit
infinie, si on suppose qu’un corps léger qui est entraîné vers le haut est
infini. |
[70925] In De
caelo, lib. |
[70925] Sur le De caelo, I, 12, 6. Deuxièmement
ici : « manifestement », etc., il prouve ce qu’il avait
supposé : et il établit premièrement la démonstration ; il exclut
deuxièmement certaines obstacles, ici : « or il ne diffère en rien
que des pesanteurs », etc. Il établit donc premièrement un raisonnement
qui conduit à l’impossible, le voici. Si ce qui a été dit ci-dessus n’est pas
vrai, supposons que la pesanteur d’un corps infini soit finie : et soit
un corps infini AB, soit G sa pesanteur finie. Qu’au corps infini déjà
mentionné soit enlevée [273a30] une partie
finie qui est la grandeur BD, qui est nécessairement beaucoup plus petite que
le corps infini tout entier. Or, la pesanteur d’un corps plus petit est plus
petite : ainsi donc la pesanteur du corps BD est plus petite que la
pesanteur G, qui est la pesanteur du corps infini tout entier ; et soit
E cette pesanteur plus petite. Que cette pesanteur plus petite, à savoir E,
mesure la pesanteur finie plus grande qui est G, toutes les fois, c’est-à-dire selon n’importe quel point, par
exemple selon trois, de telle sorte que l’on dise que E est le tiers de tout
G. [273b1] Que soit reçue par le corps infini
une partie qui est ajoutée au corps fini BD, selon la proportion dont G
dépasse E, et que ce corps dépassant soit BZ, ainsi que, de même que la
pesanteur plus petite qui est E se trouve par rapport à la plus grande qui
est G, de même le corps BD se trouve par rapport à BZ. Et il prouve que cela
pourrait se faire par le fait qu’à un corps infini peut être retranché tout
ce qu’il faudrait ; parce que, comme il est dit dans le livre III de |
[70926] In De
caelo, lib. |
[70926] Sur le De caelo, I, 12, 7. Ensuite, quand il
dit : « il ne diffère en rien », etc., il exclut deux
obstacles contre la raison déjà mentionnée : premièrement le premier,
deuxièmement le deuxième, ici : « et en tout cas la
grandeur », etc. Le premier obstacle est qu’il avait supposé dans le
raisonnement précédent que la pesanteur plus petite qui est E mesure selon un
nombre la pesanteur plus grande qui est G, ce que l’on pourrait nier :
car tout ce qui est plus grand n’est pas mesuré par ce qui est plus petit,
puisqu’une ligne de trois palmes ne mesure pas une ligne de huit palmes. Or,
le philosophe rejette cet obstacle doublement. [273b10]
Premièrement parce que c’est la même chose pour la proposition si les deux
pesanteurs déjà mentionnées, à avoir la plus grande et la plus petite, sont
commensurables, c’est-à-dire que la plus petite mesure la plus grande, ou
sont incommensurables, à savoir que la plus petite ne mesure pas la plus
grande : car la même raison suit des deux côtés. Car il est nécessaire
que la plus petite chose prise plusieurs fois soit mesure la plus grande
chose soit la dépasse, comme un binaire pris trois fois fait un sénaire (car
trois fois deux font six), or il ne mesure pas un quinaire, mais le dépasse.
Ainsi donc si la pesanteur E ne mesurait pas la pesanteur G, la situation
serait telle que cette pesanteur prise trois fois mesurerait une certaine pesanteur
plus grande, qui dépasserait la pesanteur G. Et il s’ensuivrait un
inconvénient, comme auparavant. Puisque si nous tirons du corps infini trois
grandeurs selon la quantité BD, la pesanteur de la grandeur composée de ces
trois grandeurs sera le triple de la pesanteur E, qui, on l’a établi, est la
pesanteur du corps BD. Or la pesanteur qui est le triple de E est plus
grande, selon ce qui a déjà été dit, que la pesanteur G, qui est la pesanteur
du corps infini. C’est pourquoi s’ensuit la même impossibilité qu’auparavant
est impossible, à savoir que la pesanteur du corps fini est plus grande que
la pesanteur du corps infini. [273b15] |
[70927] In De caelo, lib. |
[70927] Sur le De caelo, I, 12, 8. Deuxièmement
ici : « de plus il arrive aussi », etc., il exclut le même
obstacle d’une autre manière. Et il dit que nous pouvons poser comme
préalable dans la démonstration déjà mentionnée que deux pesanteurs sont
commensurables, c’est-à-dire que E est commensurable avec G. En effet
ci-dessus on a pris en premier lieu la partie de la grandeur, c’est-à-dire
BD, dont nous avons dit que la pesanteur était E : et c’est pourquoi on
avait pu dire que E ne mesurait pas G. Or il n’y a pas de différence pour
cette proposition si nous commençons par la pesanteur, en en obtenant une
partie, comme nous la voulons, ou bien par la grandeur ainsi prise ; par
exemple si, en commençant par la pesanteur, on en prend une certaine partie,
c’est-à-dire E, qui mesure le tout, à savoir G ; et si par conséquent
nous acceptons une partie du corps infini, c’est-à-dire BD, dont la pesanteur
est E ; et si ensuite nous procédons comme ci-dessus, c’est-à-dire que,
comme la pesanteur E est par rapport à la pesanteur G, de même la grandeur BD
est par rapport à une autre grandeur plus importante qui est BZ. Et cela
parce qu’à partir du fait que la grandeur du corps tout entier est infinie il
arrive qu’on retranche tout ce qu’on a voulu. [273b20]
Donc, après avoir pris les parties de la pesanteur et de la grandeur, il
s’ensuivra que et les grandeurs et les pesanteurs seront commensurables entre
elles, c’est-à-dire que la pesanteur la plus petite mesurera la plus grande
et également que la grandeur la plus petite mesurera la grandeur la plus
grande. |
[70928] In De
caelo, lib. |
[70928] Sur le De caelo, I, 12, 9. Ensuite, quand il
dit : « et en tout cas la grandeur » etc., il rejette le
deuxième obstacle. Car il avait supposé que les grandeurs étaient
proportionnelles aux pesanteurs. Cela est nécessaire dans un corps formé de
parties semblables, car, comme il est en tout point dans sa totalité d’une
pesanteur semblable, il est nécessaire que sa pesanteur la plus grande soit
dans sa partie la plus grande : mais dans un corps formé de parties
dissemblables ce n’est pas nécessaire, puisqu’il est possible que la
pesanteur de la plus petite partie dépasse la pesanteur de la partie la plus
grande, comme la plus petite partie de la terre est plus lourde que la plus
grande partie de l’eau. Il rejette donc cet obstacle, en disant qu’il n’y
aucune différence pour la démonstration avancée si une grandeur infinie, dont
nous parlons, soit homéomère,
c’est-à-dire de parties semblables quant à la gravité, ou non homéomère, c’est-à-dire de parties
dissemblables, puisque nous pouvons prendre d’un corps infini tout ce que
nous avons voulu, soit en appliquant, soit en soustrayant ; tout comme
nous acceptons que des parties aient une pesanteur égale à la partie prise en
premier, c’est-à-dire BD, que ces parties prises ensuite soient plus grandes
en grandeur ou plus petites. Si en effet nous avons accepté en premier lieu
que BD soit de trois coudées, en ayant la pesanteur E, et si nous acceptons
de nombreuses autres parties, par exemple de dix coudées, qui aient une
pesanteur égale, ce sera la même chose que si on prenait une autre partie
égale qui ait une pesanteur égale. Ainsi donc le même inconvénient s’ensuit.
Donc après avoir avancé cette démonstration et avoir rejeté les obstacles, il
conclut d’après ce qui a été dit que la pesanteur d’un corps infini ne peut
être finie. Il reste donc à voir si elle est infinie. Donc s’il est
impossible que la pesanteur soit infinie, comme il le prouvera aussitôt, il
s’ensuit logiquement qu’il est impossible qu’un corps soit infini. |
[70929] In De
caelo, lib. |
[70929] Sur le De caelo, I, 12, 10. Ensuite quand il
dit : « mais en outre puisque infinie », etc., il montre ce
qu’il avait supposé, c’est-à-dire qu’une pesanteur ne peut être
infinie : et en cela il réfute la conséquence de la condition avancée.
Sur ce point il fait deux choses. Il propose premièrement ce qu’il avait
l’intention de faire : et il dit qu’il faut encore montrer d’après ce
qui suit immédiatement qu’il est impossible que la pesanteur soit infinie. |
[70930] In De
caelo, lib. |
[70930] Sur le De caelo, I, 12, 11. Deuxièmement
ici : « si en effet une si grande », etc., il prouve sa
proposition. Et premièrement il avance certaines suppositions ;
deuxièmement il argumente d’après elles pour sa proposition, ici :
« il est donc nécessaire d’après cela », etc. ; troisièmement
il exclut une certain objection, ici : « et s’il n’était
pas », etc. Il établit premièrement trois suppositions. [273b30] La première d’entre elles est que, si une pesanteur
si grande, c’est-à-dire d’une
mesure déterminée, parcourt une distance si
grande, c’est-à-dire une grandeur d’espace déterminée, pendant ce temps, à savoir pendant un
temps déterminé, il est nécessaire que la pesanteur aussi grande et encore plus, c’est-à-dire une pesanteur plus
grande qui a une pesanteur aussi grande que la plus petite et encore
davantage parcourt une aussi grande distance dans un temps moindre, puisque
plus la puissance motrice est forte, plus son mouvement est rapide, et ainsi parcourt
un espace égal dans un moindre temps, comme il a été prouvé dans le livre VI
de |
[70931] In De
caelo, lib. |
[70931] Sur le De caelo, I, 12, 12. Ensuite, quand il
dit : « il est donc nécessaire à partir de cela », etc., il
argumente à partir des prémisses. [274a5] En
effet si la pesanteur était infinie, il s’ensuivrait deux contradictions, à
savoir qu’une chose se déplacerait selon elle et qu’elle ne se déplacerait
pas. Le fait qu’elle se déplacerait est la conséquence logique de la première
supposition, puisque, si une aussi grande pesanteur se déplace dans un si
long temps, une pesanteur plus grande se déplacera plus rapidement,
c’est-à-dire dans un moindre temps. Donc puisqu’une pesanteur infinie est
plus grande qu’une pesanteur finie, si une pesanteur finie se déplace selon
un temps déterminé par un espace déterminé, comme la troisième supposition le
disait, il s’ensuit logiquement qu’une pesanteur infinie se déplace autant et encore plus, c’est-à-dire
par un espace plus grand dans un temps égal ou par un espace égal dans un
temps moindre, ce qui consiste à se déplacer plus rapidement. Mais le fait
que quelque chose ne se déplace pas selon une pesanteur infinie s’ensuit
logiquement à partir de la seconde supposition. Car il faut que quelque chose
se déplace proportionnellement selon
les supériorités de la pesanteur au contraire, c’est-à-dire qu’une
pesanteur plus grande se déplace dans un temps moindre. Aucune proportion ne
peut être celle de la pesanteur infinie par rapport à la pesanteur
finie : or il y a quelque proportion du temps moindre par rapport au
temps plus long, pourvu qu’il soit fini. Ainsi donc il ne sera pas possible
de donner un temps où la pesanteur infinie se déplace ; mais il sera
toujours possible d’accepter que quelque chose se déplace dans un temps
moindre que serait le temps où la pesanteur infinie se déplace ; or il
n’est pas possible de donner le plus petit temps où la pesanteur infinie se
déplace, tout comme on pourrait dire que quelque chose ne peut pas se
déplacer dans un temps moindre. Pour cette raison il n’est pas possible
d’accepter le plus petit temps, puisque, comme tout temps est divisible, de
même que n’importe quelle chose continue, il est possible d’accepter pendant
n’importe quel temps un temps plus bref, c’est-à-dire une partie du temps
divisé. Ainsi donc la pesanteur ne peut être infinie. [274a10] |
[70932] In De
caelo, lib. |
[70932] Sur le De caelo, I, 12, 13. Ensuite, quand il
dit : « et s’il y avait », etc., il rejette un certain
obstacle. On pourrait en effet dire que le plus petit temps, c’est-à-dire
indivisible, est celui où une pesanteur infinie se déplace, de même que
certains ont aussi établi que certaines grandeurs étaient petites et
indivisibles. Mais il rejette cet obstacle : et il montre premièrement
qu’un inconvénient suivrait si on établissait le temps le plus petit et si
pendant celui-là une pesanteur infinie se déplaçait ; deuxièmement il
montre que le même inconvénient suivrait si pendant n’importe quel temps,
même celui qui n’est pas le plus petit, une pesanteur infinie se déplaçait,
ici : « mais encore il est nécessaire », etc. Il dit donc
premièrement que, même s’il y avait le temps le plus petit, cela ne serait
d’aucune utilité à qui établirait une pesanteur infinie, afin d’éviter
l’inconvénient. En effet, bien que nous posions le plus petit temps, nous
n’excluons cependant pas qu’il y ait quelque proportion entre ce très bref
temps et un temps plus grand, parce que ce temps très bref sera une partie du
temps plus grand, de même que l’unité est une partie du nombre, et c’est
pourquoi il y a une proportion entre elle et tout nombre. Or cet indivisible
n’a pas de proportion avec le divisible, qui n’en est pas une partie, de même
qu’un point n’est pas une partie de ligne, et pour cette raison il n’y a pas
de proportion entre le point et la ligne. Que l’on accepte donc une autre
pesanteur, finie au contraire, beaucoup plus grande que la gravité finie qui
se déplaçait dans un temps plus long que la gravité infinie, dans une
proportion où le temps le plus petit de la pesanteur infinie se trouve en
rapport avec le temps plus long d’une autre pesanteur finie. Par exemple,
soit une pesanteur infinie E, le temps le plus petit où B se meut, une
pesanteur infinie G, qui se meut dans un temps plus long que B, c’est-à-dire
dans un temps D : que l’on accepte donc une autre pesanteur beaucoup
plus grande que G, dans une proportion où D dépasse B et que cette pesanteur
soit F. Ainsi donc, comme la diminution du temps est selon l’addition de la
pesanteur, il s’ensuivra que la pesanteur F, qui est finie, se déplace dans
le même temps que la pesanteur infinie, ce qui est impossible. Il faut donc
considérer que, de même qu’il n’y a pas de proportion entre le point et la
ligne, de même aussi il n’y a pas de proportion entre l’instant et le temps,
puisque l’instant n’est pas une partie du temps. Ainsi donc on supprimerait
cette raison seulement, si quelqu’un établissait que la pesanteur infinie se
déplace en un instant : mais il est impossible, comme il a été prouvé
dans le livre VI de |
[70933] In De
caelo, lib. |
[70933] Sur le De caelo, I, 12, 14. Ensuite quand il
dit : « mais encore il est nécessaire », etc., il montre que
le même inconvénient suit logiquement quel que soit le temps où nous
établissons qu’une pesanteur infinie se déplace, même dans un temps qui n’est
pas le plus petit. Et c’est ce qu’il dit : si dans un temps fini
quelconque, même dans un temps qui n’est pas très bref, une pesanteur infinie
se déplace, [274a15] il est encore nécessaire
que pendant ce temps même une pesanteur finie se déplace dans un espace fini,
puisqu’il sera possible d’accepter un excès de pesanteur selon une diminution
de temps, comme on l’a déjà dit. Ainsi donc il apparaît qu’il est impossible
que la pesanteur soit infinie : et c’est le même raisonnement pour la
légèreté. |
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Lectio
13 |
Leçon 13 – [L’univers n’est pas infini en taille, autre preuve]
|
[70934]
In De caelo, lib. |
[70934] Sur le De caelo, I, 13, 1. [274a20] Après que le philosophe a montré pour
chacun corps naturel qu’aucun d’entre eux n’est infini, il montre ici par une
raison commune qu’aucun corps naturel n’est fini : car la preuve qui se
fait par un moyen commun cause un savoir plus parfait. Donc sur ce point il
fait deux choses : il dit premièrement sur quoi se porte son
intention ; deuxièmement il montre la proposition, ici :
« c’est pourquoi il est nécessaire que tout corps », etc. |
[70935] In De
caelo, lib. |
[70935] Sur le De caelo, I, 13, 2. Sur le premier
point il fait trois choses. Premièrement il montre dans sa péroraison pour
ainsi dire ce qui a été dit auparavant, disant que pour ceux qui examinent
selon la manière déjà dite il est manifeste qu’il n’y a pas de corps infini, par ce qui est selon la partie,
c’est-à-dire selon les raisons propres de chaque partie de l’univers,
c’est-à-dire du corps qui se meut circulairement, et qui se meut vers le haut
ou vers le bas. |
[70936] In De
caelo, lib. |
[70936] Sur le De caelo, I, 13, 3. Deuxièmement
ici : « et pour qui tourne son attention universellement »,
etc., il montre ce qu’il reste à dire immédiatement. Et il dit que la même
chose peut être manifeste si on tourne son attention universellement, c’est-à-dire par un moyen commun. Et cela non
seulement selon les raisons communes qui sont établies dans le livre de |
[70937] In De
caelo, lib. |
[70937] Sur le De caelo, I, 13, 4. Troisièmement ici : « après ceci il faut tourner son attention », etc., il montre ce qu’il faut déterminer immédiatement après cela. Et il dit que, après avoir montré ce qui a été dit, notre intention sera de rechercher, une fois supposé que le corps tout entier de l’univers n’est pas infini, [274a25] si cependant son corps tout entier est d’une si grande étendue qu’il puisse y avoir plusieurs ciels, c’est-à-dire plusieurs mondes. Car on peut peut-être douter de ceci, à savoir s’il est possible que, comme ce monde a été constitué autour de nous, de même il y ait d’autres mondes plus nombreux qu’un seul, sans qu’ils soient infinis. Mais avant de traiter de cela, nous parlerons universellement de l’infini, en montrant assurément par des raisons communes qu’il n’y a pas de corps infini. |
[70938] In De
caelo, lib. |
[70938] Sur le De caelo, I, 13, 5. Ensuite, quand il
dit : « c’est pourquoi il est nécessaire », etc., il démontre
la proposition : et premièrement par des raisons naturelles
démonstratives ; deuxièmement par des raisons logiques, ici :
« par de raisonnables », etc. Je dis les raisons démonstratives et
naturelles, qui sont tirées des principes propres de la science naturelle,
sur le mouvement de laquelle l’attention se porte, ainsi que sur l’action et
la passivité, qui consistent dans le mouvement, comme il est dit dans le
livre III de |
[70939] In De
caelo, lib. |
[70939] Sur le De caelo, I, 13, 6. Il avance donc
trois divisions en premier lieu. La première d’entre elles est qu’il est
nécessaire que tout corps soit fini ou infini. Et s’il est fini, nous avons
la proposition ; mais s’il est infini, il reste une deuxième division, à
savoir qu’il est soit tout entier non
homéomère, c’est-à-dire formé de parties dissemblables, comme le corps
d’un être vivant, qui est composé de chair, d’os et de nerfs, soit tout
entier homéomère, c’est-à-dire
formé de parties semblables, comme l’eau, dont chaque partie est faite d’eau.
Or s’il est tout entier formé de parties dissemblables, il reste une
troisième division, à savoir si les espèces des parties d’un tel corps sont
finies en nombre ou infinies. Donc s’il est prouvé qu’elles ne sont pas
infinies, ni qu’elles ne sont pas finies de nouveau, et qu’aucun corps formé
de parties semblables n’est de nouveau infini, il sera prouvé qu’aucun corps
n’est universellement infini. |
[70940] In De
caelo, lib. |
[70940] Sur le De caelo, I, 13, 7. Ensuite quand il
dit : « ce qui donc », etc., il s’attache à chacun des propos
tenus. Et sur ce point il fait trois choses : il montre premièrement
qu’il n’est pas possible pour un corps formé de parties dissemblables que les
espèces soient infinies ; il montre deuxièmement qu’il n’est pas
possible qu’un corps formé de parties dissemblables soit infini, et que les
espèces des parties soient finies, ici : « mais cependant si du
moins », etc. ; il montre troisièmement qu’il n’est pas possible qu’il
y ait un corps infini formé de parties semblables, ici : « mais
encore ni la totalité », etc. Il dit donc premièrement qu’il est
manifeste qu’il n’est pas possible qu’un corps infini soit constitué d’une
infinité d’espèces de parties, si on permet que restent dans leur vérité les premières hypothèses, c’est-à-dire
les suppositions faites auparavant, à savoir qu’il y a seulement trois
espèces de mouvements simples. [274b1] Si en
effet les premiers mouvements, c’est-à-dire les mouvements simples, sont
finis, il est nécessaire que les espèces des corps simples soient
finies ; et cela parce que le mouvement d’un même corps simple est
simple, comme on l’a considéré ci-dessus. Il a été dit ci-dessus que les
mouvements simples sont finis : car ils sont trois, à savoir le
mouvement qui va vers le milieu, le mouvement qui part du milieu et le
mouvement qui tourne autour du milieu. Pour cette raison il faut que, si les
mouvements simples sont finis, les corps simples soient finis, puisqu’il est
nécessaire que tout corps naturel ait son propre mouvement : or si les
espèces des corps étaient infinies, alors que les mouvements sont finis, il
faudrait qu’il y ait des espèces de corps qui n’aient pas de mouvements, ce
qui est impossible. Ainsi donc à partir du fait que les mouvements simples
sont finis, il est suffisamment prouvé que les espèces des corps simples sont
finies. Or tous les corps mélangés sont composés de corps simples. De là s’il
y avait un corps tout entier formé de parties dissemblables, qui serait
composé d’une infinité d’espèces de corps mélangés, il faudrait cependant que
les espèces des premiers composants soient finies, bien que cela aussi ne
semble pas possible, à savoir que les mélanges des éléments finis se
diversifient à l’infini. Et cependant un corps mélangé ne peut être dit formé
de parties toutes semblables, puisque, même si ses parties quantitatives sont
d’une espèce semblable, comme n’importe quelle partie d’une pierre est une
pierre, ses parties essentielles sont cependant différentes selon
l’espèce : car la substance d’un corps mélangé est composée de corps
simples. [274b5] |
[70941] In De
caelo, lib. |
[70941] Sur le De caelo, I, 13, 8. Ensuite quand il
dit : « mais cependant si », etc., il montre qu’il n’est pas
possible qu’il y ait un corps infini formé de parties dissemblables, ni que
les espèces des parties soient finies. Et il introduit quatre raisons pour
cela. La première d’entre elles est que, si un corps formé de parties
dissemblables, étant infini, était composé de parties d’une espèce finie, il
faudrait que n’importe laquelle de ses parties soit infinie selon la
grandeur ; par exemple, si un corps mélangé était infini, ses éléments
étant finis, il faudrait que l’air soit infini, ainsi que l’eau et le feu.
Mais c’est impossible, puisque, comme n’importe lequel d’entre eux est lourd
ou léger, il s’ensuivrait selon les prémisses que sa pesanteur ou sa légèreté
est infinies ; or il a été montré qu’aucune pesanteur ou légèreté ne
peut être infinie. Donc il n’est pas possible qu’un corps infini formé de
parties dissemblables soit composé d’espèces finies de parties. Quelqu’un
peut objecter qu’il ne s’ensuit pas, cette raison étant posée, que chacune
des parties est infinie : car il serait possible que le tout soit
infini, une partie étant infinie selon la grandeur, et les autres étant
finies. Mais cela a été désapprouvé dans le livre III de |
[70942] In De
caelo, lib. |
[70942] Sur le De caelo, I, 13, 9. Il établit la
seconde raison ici : « il est en outre nécessaire », etc. Car
si les parties du tout infini sont infinies selon la grandeur, il faut aussi
que leurs lieux soient infinis selon la grandeur, puisqu’il faut que les
lieux soient égaux à ce qui est placé. Mais un mouvement se mesure selon la
grandeur du lieu qu’il parcourt, comme il est prouvé dans le livre VI de la Physique. [274b10]
Il s’ensuit donc que les mouvements de toutes ces parties sont infinis. Mais
c’est impossible, si ce que nous avons supposé ci-dessus est vrai, à savoir
qu’il n’arrive pas que quelque chose se déplace vers le bas à l’infini, ni
même vers le haut, puisque le mouvement vers le bas est déterminé, comme il y
a un milieu et que, pour la même raison, le mouvement vers le haut est limité
(si en effet l’un des contraires est limité, l’autre l’est aussi). Et il
montre ici cela aussi par le fait que c’est commun à tous les mouvements. Car
nous voyons dans la transformation qui est selon la substance qu’il est
impossible que devienne ce qui ne
peut pas être devenu, de même qu’un
âne ne peut devenir doué de raison, puisqu’il est impossible qu’il soit
ainsi. Et c’est la même chose pour un mouvement tel, c’est-à-dire pour un mouvement qui est selon la qualité,
pour un mouvement aussi grand,
c’est-à-dire un mouvement qui est selon la quantité, pour un mouvement ici, c’est-à-dire un mouvement qui est
selon le lieu. [274b15] En effet s’il est
impossible que quelque chose de noir soit devenu blanc, comme un corbeau, il
est impossible qu’il devienne blanc ; et s’il est impossible que quelque
chose mesure une coudée, comme une fourmi, il est impossible qu’il évolue
vers cela ; et s’il est impossible que quelque chose soit en Égypte, par
exemple le Danube, il est impossible qu’il se déplace là-bas. Et la raison en
est que la nature ne fait rien en vain : ce sera en vain s’il se déplaçait
là où il lui est impossible de parvenir. Ainsi donc il est impossible que
quelque chose se déplace localement là où il ne lui est pas possible de
parvenir. Or il n’est pas possible de parcourir un lieu infini. Donc si les
lieux étaient infinis, il n’y aurait aucun mouvement. Comme c’est impossible,
il ne peut être que les parties d’un corps infini formé de parties
dissemblables soient infinies en grandeur. |
[70943] In De
caelo, lib. |
[70943] Sur le De caelo, I, 13, 10. Il établit ici la
troisième raison : « de plus si divisées aussi », etc. Car on
pourrait dire qu’il n’y a pas un infini continu, mais qu’il y a certaines
parties divisées, c’est-à-dire
disjointes et non continues, infinies, de même que Démocrite a établi une
infinité de corps indivisibles et de même qu’Anaxagore a établi une infinité
de parties entièrement semblables. Mais il dit lui-même que rien de moins
inconvenant ne suit cette position, puisque, s’il y avait une infinité de
parties de feu non continues, rien n’empêcherait que toutes ces parties
s’unissent et qu’ainsi un seul feu infini se forme de toutes. [274b20] |
[70944] In De
caelo, lib. |
[70944] Sur le De caelo, I, 13, 11. Il établit la
quatrième raison ici : « mais le corps est », etc. En effet
comme on dit quelque chose infini, il faut que l’infini soit accepté selon sa
propre raison : par exemple, si nous disons qu’une ligne est infinie,
nous comprenons qu’elle est infinie selon sa longueur ; mais si nous
disons qu’une surface est infinie, nous comprenons qu’elle est infinie selon
la longueur et la largeur. Or un corps s’étend en toute partie, puisqu’il a
toutes les dimensions, comme il a été dit ci-dessus : et ainsi, si un
corps était dit infini, il faudrait qu’il soit infini en toute partie ;
et ainsi il n’y aurait rien en dehors de lui en aucune partie. Il n’est donc
pas possible qu’il y ait dans un corps infini plusieurs choses différentes
dont chacune serait infinie, puisqu’il n’est pas possible qu’il y ait
plusieurs choses infinies, selon ce que l’on a déjà dit. |
[70945] In De
caelo, lib. |
[70945] Sur le De caelo, I, 13, 12. Ensuite quand il
dit : « mais de plus ni la totalité », etc. il montre qu’un
corps infini ne peut être formé de parties semblables, et cela pour deux
raisons. La première d’entre elles est que n’importe quel corps naturel doit
avoir un mouvement local ; or il n’y a pas d’autre mouvement en dehors
de ceux qui ont été mentionnés ci-dessus, dont l’un tourne autour du milieu,
l’autre part du milieu et le troisième va vers le milieu ; il s’ensuit
donc qu’il a l’un de ces mouvements. Mais c’est impossible, puisque, s’il se
déplaçait vers le haut ou vers le bas, il serait lourd ou léger [274b25] ; et ainsi il arriverait que la
pesanteur et la légèreté seraient infinies, ce qui est impossible selon les
prémisses. Il n’est également pas possible qu’il se déplace circulairement,
puisqu’il est impossible que l’infini soit porté circulairement : car il
n’y a pas de différence entre dire cela et dire que le ciel est infini, ce
qui est impossible, comme on l’a montré ci-dessus. Il n’arrive donc pas qu’un
corps infini tout entier soit homéomère. |
[70946] In De
caelo, lib. |
[70946] Sur le De caelo, I, 13, 13. Il établit ici la
troisième raison : « mais de plus absolument pas », etc., qui
est impliquée par la raison commune du mouvement local. Car s’il y avait un
corps infini formé de parties semblables, il s’ensuivrait qu’il ne pourrait
se mouvoir en aucune manière. Puisque, s’il se déplace, ce sera soit selon la
nature, soit selon la violence. Or s’il a un mouvement violent, il s’ensuit
qu’il a aussi un mouvement naturel, puisque le mouvement violent est
contraire au mouvement naturel, comme on l’a considéré ci-dessus. Or s’il a
un mouvement naturel, il s’ensuit qu’il a aussi un lieu qui lui est
équivalent, où il est naturellement porté, puisqu’un mouvement naturel est
propre à ce qui est porté dans son propre lieu. Or c’est impossible,
puisqu’il s’ensuivrait qu’il y a deux lieux corporels infinis, ce qui est
également impossible, comme le fait qu’il y ait deux corps infinis, puisque,
comme un corps infini est de tous côtés infini, il en est de même pour un
lieu infini. Il n’est donc pas possible qu’un corps infini se déplace. Donc
si tout corps naturel est déplacé, il s’ensuit qu’aucun corps naturel n’est
infini. Il faut cependant considérer que cette raison fonctionne seulement
avec le mouvement droit : en effet ce qui se meut circulairement ne
change pas tout son lieu en sujet, mais seulement en raison, comme il est
prouvé dans le livre VI de |
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Lectio
14 |
Leçon 14 – [L’univers n’est pas infini en taille, preuves par
l’action et la passion]
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[70947] In De
caelo, lib. |
[70947] Sur le De caelo, I, 14, 1. Après que le
philosophe a montré qu’un corps sensible n’est pas infini, la raison étant
tirée du mouvement local, il montre ici la même chose par une raison tirée de
l’action et de la passivité, qui suivent tout mouvement. Et sur ce point il
fait deux choses : il montre premièrement la proposition ; il
rejette deuxièmement un certain obstacle, ici : « mais cependant et
tout ce qui », etc. |
[70948] In De
caelo, lib. |
[70948] Sur le De caelo, I, 14, 2. Sur le premier
point il établit la raison suivante. Aucun corps infini n’a de puissance
active, passive ou les deux à la fois ; mais tout corps sensible a une
puissance active, passive ou les deux à la fois ; donc aucun corps
sensible n’est infini. Sur ce point il fait donc deux choses : il prouve
premièrement la majeure ; il établit deuxièmement la mineure et la
conclusion, ici : « donc si tout corps », etc. Sur le premier
point il fait deux choses : il propose premièrement ce qu’il a
l’intention de faire, et il dit qu’il est manifeste d’après ce qui est dit
qu’il est non seulement impossible que l’infini se déplace localement, mais
qu’il est universellement impossible que l’infini pâtisse quelque chose, ou
même fasse quelque chose à un corps infini. Deuxièmement ici :
« car soit infini », etc., il prouve la proposition. Et il montre
premièrement que l’infini ne pâtit pas du fini ; deuxièmement il montre
que le fini ne pâtit pas de l’infini, ici : « mais encore ni
l’infini », etc. ; troisièmement il montre que l’infini ne pâtit
pas de l’infini, ici : « ni l’infini en tous cas », etc. |
[70949] In De
caelo, lib. |
[70949] Sur le De caelo, I, 14, 3. Il dit donc premièrement ceci : si un corps infini pâtit d’un corps fini, soient [275a1] un corps infini où il y a A, et un corps fini où il y a B : et puisque tout mouvement se fait dans le temps, soit un temps G où B s’est déplacé ou bien où A a été déplacé. Donc si nous établissions que A qui est un corps infini a été altéré par B qui est un corps fini, par exemple chauffé ou porté, c’est-à-dire déplacé selon le lieu, ou qu’il a subi quelque chose, par exemple, qu’il a été refroidi, humidifié ou déplacé de n’importe quelle manière, dans le temps G, nous accepterions une partie de B qui se meut, c’est-à-dire D (et il n’y aurait pas de différence pour la proposition si D était un autre corps plus petit que B). Il est manifeste qu’un corps plus petit déplace un corps moins mobile dans un temps égal (cela ayant été cependant supposé, à savoir que dans un plus petit corps il y a une plus petite puissance ; il faut le dire s’il y a un corps formé de parties semblables ; or une puissance plus petite dans un temps égal déplace un corps moins mobile). [275a5] Soit donc un corps E, qui est altéré ou déplacé de n’importe quelle manière par D dans un temps G, tout comme nous comprenons que le corps E est une partie de tout l’infini qui est A. Mais puisque D aussi bien que B sont finis, il y a aussi une proportion de n’importe lequel des deux corps finis l’un avec l’autre ; selon la proportion que D a avec B, qu’il y ait une proportion du corps E avec n’importe quel corps fini plus grand, par exemple avec F. Donc cette position faite, il établit certaines suppositions. La première d’entre elles est que le corps qui altère égal en grandeur et en puissance altérera un corps égal dans un temps égal. La seconde est qu’un corps plus petit qui altère altérera un corps plus petit dans un temps égal ; tout comme un corps déplacé plus petit qu’un autre corps déplacé sera aussi grand que n’importe quel corps plus grand analogue à un plus petit, c’est-à-dire aussi grand que la proportion de l’excès d’un corps plus grand se déplaçant avec un plus petit. [275a10] Donc il conclut à partir des prémisses qu’un corps infini ne peut être déplacé par aucun corps fini dans n’importe quel temps, puisqu’un corps plus petit qu’un corps infini sera déplacé dans un temps égal par ce corps plus petit que le corps infini qui le déplace ; assurément E, qui est plus petit que A, sera déplacé par D, qui est plus petit que B, selon les prémisses. Ce qui est analogue à E, c’est-à-dire qui est dans la même proportion avec E que B avec D, est quelque chose de fini : on ne peut en effet dire que l’infini même qui est A est avec E comme B est avec D, puisque l’infini n’a aucune proportion avec le fini. Après avoir supposé que quelque chose de fini est avec E comme B avec D, il sera possible de dire d’une autre manière que, de même que D est avec E, de même B est avec ce corps fini. Mais D déplace E dans un temps G : donc B déplace un corps fini dans un temps G. Mais dans ce temps il a été établi qu’il déplace l’infini tout entier qui est A : donc dans le même temps le fini déplacera le fini et l’infini. |
[70950] In De
caelo, lib. |
[70950] Sur le De caelo, I, 14, 4. Ensuite, quand il
dit : « mais ni l’infini », etc., il prouve qu’un corps infini
ne déplace pas un corps fini dans un temps quelconque : et premièrement
il montre qu’il ne le déplace pas dans un temps fini ; deuxièmement
qu’il ne le déplace pas dans un temps infini, ici : « mais encore
dans un infini », etc. Il dit donc premièrement qu’un corps infini ne
déplacera pas non plus un corps fini dans aucun temps, c’est-à-dire limité. [275a15] En effet si on supposait le contraire, soit
un corps infini où il y a A, soit un corps fini B ou BZ qui est déplacé par
lui, soit un temps G où il est déplacé. Soit D une partie finie du corps infini
qui est A : et puisqu’un plus petit corps déplace un plus petit corps
dans un temps égal, il s’ensuit logiquement que le corps fini qui est D
déplace dans un temps G un corps plus petit que celui qui est B ; et
soit Z ce corps plus petit, qui en est une partie. Donc puisque BZ tout
entier a une proportion avec Z, que l’on accepte que, de même que BZ tout
entier se trouve par rapport à Z, de même E se trouve par rapport à D, qui
sont tous deux une partie de l’infini. Donc, d’une autre manière, la proportion
qui est entre D et Z est la même que la proportion qui est entre E et BZ.
Mais D déplace Z dans un temps G : donc E déplacera BZ dans un temps G.
Mais dans ce temps, BZ était déplacé par un corps infini qui est A : il
s’ensuit donc que l’infini et le fini changent ou déplacent de n’importe
quelle manière dans le même temps un seul et même corps mobile. [275a20] Mais c’est impossible : car on
supposait ci-dessus qu’un corps plus grand déplaçant déplace un corps mobile
égal dans un temps moindre, puisqu’il se déplace plus rapidement. Ainsi donc
il est impossible qu’un corps fini soit déplacé par un corps infini dans un
temps G ; et il s’ensuit également que n’importe quel autre temps fini
est pris. Donc il n’est pas possible de donner aucun temps fini pendant
lequel l’infini déplace le fini. |
[70951] In De
caelo, lib. |
[70951] Sur le De caelo, I, 14, 5. Ensuite quand il
dit : « mais dans l’infini », etc., il montre que cela ne peut
être non plus dans un temps infini. En effet il n’arrive pas que dans un
temps fini quelque chose déplace ou soit déplacée : puisque un temps
infini n’a pas de fin, toute action ou toute passion a une fin : car
rien n’agit ni ne pâtit si ce n’est pour parvenir à une fin. Il reste donc
que l’infini ne déplace pas le fini pendant un temps infini. |
[70952] In De
caelo, lib. |
[70952] Sur le De caelo, I, 14, 6. Ensuite quand il
dit : « et l’infini de toute façon », etc., il prouve que
l’infini ne déplace pas l’infini. Et il dit qu’il n’arrive pas que l’infini
subisse [275a25] quelque chose à cause de
l’infini selon n’importe quelle espèce de mouvement. Sinon, soient un corps
infini agissant où se trouve A, et un corps infini subissant où se trouve B,
un temps DG pendant lequel B a été victime de A ; soit E une partie de
l’infini mobile qui est B. Donc puisque B tout entier a été victime de A
pendant tout le temps qui est DG, il est manifeste que E, qui en est une
partie, n’est pas déplacé pendant tout ce temps : car il faut supposer
qu’un corps mobile plus petit est déplacé dans un moindre temps par le même
corps déplaçant ; car plus un corps mobile est vaincu par un corps
déplaçant, plus vite il est déplacé par lui. Donc que E, qui est plus petit
que B, soit déplacé par A dans un temps D, qui est une partie de tout le
temps GD. [275a30] D est en proportion avec
GD, comme l’un et l’autre sont finis : acceptons que E ait la même
proportion avec une partie plus grande du corps mobile infini même que D a
avec GD. Ainsi donc ce corps fini plus grand que E est nécessairement déplacé
par A dans un temps GD : [275b1] il faut
en effet supposer qu’un corps mobile plus grand et un corps mobile plus petit
sont déplacés par le même corps déplaçant dans un temps plus grand et plus
petit, tout comme la division des mobiles se fait selon la proportion des
temps. Donc puisque la proportion de ce corps fini avec E est comme la
proportion de tout le temps GD avec D, il faut d’une autre manière dire que
la proportion de tout le temps GD avec ce corps mobile fini plus grand est
comme la proportion du temps D avec le mobile E. Mais E est déplacé par A
dans un temps D : donc ce corps fini plus grand sera déplacé par A dans
un temps GD : et ainsi dans le même temps seront déplacés un corps fini
et un corps infini, ce qui est impossible. Et le même inconvénient s’ensuit,
quel que soit le temps fini accepté. Ainsi donc il est impossible que
l’infini soit déplacé par l’infini dans un temps fini. Il reste donc que,
s’il est déplacé, il l’est dans un temps infini. Mais c’est impossible, comme
on l’a montré ci-dessus, puisqu’un temps infini n’a pas de fin, et que tout
ce qui est déplacé à la fin de son mouvement, puisque, même si le mouvement
du ciel tout entier n’a pas de fin, un mouvement circulaire a une fin. Ainsi
donc il est manifeste que l’infini n’a de puissance ni active ni passive. [275b5] |
[70953] In De
caelo, lib. |
[70953] Sur le De caelo, I, 14, 7. Ensuite quand il
dit : « si donc », etc., après avoir posé la mineure, il met
en avant la conclusion, disant que tout corps sensible a une puissance
active, passive ou les deux. Ici il est question d’un corps sensible à la différence du corps mathématique, ainsi que tout corps
naturel est appelé corps sensible, qui, en tant que corps de ce genre, est né
pour déplacer et être déplacé. Ainsi donc il conclut qu’il est impossible
qu’un corps sensible soit infini. |
[70954] In De
caelo, lib. |
[70954] Sur le De caelo, I, 14, 8. Ensuite quand il
dit : « mais cependant tout ce qui aussi », etc., il écarte un
certain obstacle : puisque quelqu’un pourrait dire qu’il y a un corps en
dehors du ciel intelligible qui est
infini. Et il dit que tous les corps qui sont dans un lieu sont sensibles.
Car ce ne sont pas des corps mathématiques, puisqu’à de tels corps n’est pas
dû un lieu, si ce n’est par métaphore, comme il est dit dans le livre I de |
|
|
Lectio
15 |
Leçon 15 – [L’univers n’est pas infini en taille, preuves logiques]
|
[70955] In De
caelo, lib. |
[70955] Sur le De caelo, I, 15, 1. Après que le
philosophe a montré universellement qu’il n’y a pas de corps infini par des
raisonnements physiques, c’est-à-dire qui sont tirés des propriétés de la
science naturelle, il montre ici la même chose par des raisonnements
logiques, c’est-à-dire qui sont tirés de quelques principes plus communs, ou
de principes plus probables et non nécessaires. Et c’est ce qu’il dit :
il est possible, c’est-à-dire il arrive, de se préparer à démontrer la proposition par des moyens fondés sur le raisonnement,
c’est-à-dire par la voie logique, ainsi, c’est-à-dire selon les raisons
suivantes. À partir de là il y a un autre texte plus clair, qui est le
suivant : il est possible
d’argumenter plus logiquement aussi de la façon suivante. Il montre
premièrement la proposition sur le corps infini continu ; deuxièmement
sur le corps infini non continu, ici : « or si le non
continu », etc. |
[70956] In De
caelo, lib. |
[70956] Sur le De caelo, I, 15, 2. Sur le premier
point, il fait deux choses. Il montre premièrement qu’un corps infini, étant
de parties semblables, ne peut être déplacé circulairement. Il le prouve par
le fait que l’infini n’a pas de milieu, ni extrémités : or le mouvement
circulaire tourne autour du milieu, comme on l’a considéré ci-dessus :
donc, etc. [275b15] |
[70957] In De
caelo, lib. |
[70957] Sur le De caelo, I, 15, 3. Il montre
deuxièmement par trois raisons qu’il n’est pas possible qu’un tel corps
infini soit déplacé par un mouvement droit. La première d’entre elles est la
suivante. Tout corps qui est déplacé par un mouvement droit peut être déplacé
naturellement et par violence. Celui est déplacé par violence a un lieu où se
déplacer violemment ; et tous ceux qui sont déplacés naturellement ont
un lieu où se déplacer naturellement. Or tout lieu est égal à ce qui est placé
en lui. Ainsi donc il s’ensuivra qu’il y a deux lieux aussi grands que le
corps infini : dans l’un, il se déplace violemment et dans l’autre, il
se déplace naturellement. Or il est impossible qu’il y ait deux lieux
infinis, de même aussi qu’il y ait deux corps infinis, comme on l’a considéré
ci-dessus. Il reste donc qu’aucun corps naturel n’est infini. Les deux
raisons sont dites logiques,
puisqu’elles procèdent de ce qui arrive à un corps infini en tant qu’il est
infini, qu’il soit mathématique ou naturel, c’est-à-dire qu’il n’ait pas de
milieu et qu’il n’ait pas une chose égale en dehors de lui. Il a établi
ci-dessus quelques points semblables, mais non en tant que points principaux,
mais en tant que points posés pour faire apparaître les autres. |
[70958] In De
caelo, lib. |
[70958] Sur le De caelo, I, 15, 4. Il établit ici la
seconde raison : « en outre soit que la nature ait », etc.,
qui est la suivante. Que l’on dise qu’un corps infini est déplacé par un
mouvement droit naturellement, ou par violence, il faut dire par les deux
moyens qu’il y a une puissance qui déplace ce corps infini : en effet il
a été montré dans les livres VII et VIII de |
[70959] In De
caelo, lib. |
[70959] Sur le De caelo, I, 15, 5. Il établit ici une
troisième raison : « de plus déplaçant », etc. Et cette raison
est certes introduite pour exclure l’objection lancée à la raison déjà
présentée. En effet, quelqu’un pourrait dire qu’un corps infini n’est pas
déplacé naturellement par un autre corps, mais par lui-même, comme on dit que
les êtres vivants se déplacent eux-mêmes : et ainsi il ne s’ensuivra pas
qu’il y ait deux corps infinis, ce que concluait la raison déjà mentionnée.
Et pour cette raison il avance qu’il est nécessaire de dire que, s’il y a un
corps infini, le corps qui le déplace est quelque chose d’autre, puisque,
s’il se déplaçait lui-même, il serait animé (car c’est le propre des êtres
animés de se déplacer eux-mêmes). Donc s’il y avait un corps infini qui se
déplaçait lui-même, il s’ensuivrait qu’il serait un être animé infini. Mais
cela ne semble pas être possible, puisque tout être animé a une forme
déterminée et une proportion déterminée des parties au tout, ce qui ne
s’accorde pas avec l’infini. Ainsi donc on ne peut dire que l’infini se meut
lui-même. Or si on disait que quelque chose d’autre le déplace, il
s’ensuivrait qu’il y aurait deux infinis, c’est-à-dire celui qui déplace et
celui qui est déplacé. Et il s’ensuit qu’ils sont différents selon l’espèce
et la puissance, puisque celui qui déplace est comparé au corps mobile comme
l’acte à la puissance. Or c’est impossible, de même qu’on l’a dit auparavant.
|
[70960] In De
caelo, lib. |
[70960] Sur le De caelo, I, 15, 6. Ensuite quand il
dit : « si le non continu », etc., il montre qu’il n’y a pas
d’infini non continu, mais séparé par interposition du vide, comme l’ont
établi Démocrite et Leucippe. Et il le montre par trois raisons. Sur la
première d’entre elles, il dit que, si l’infini n’était pas un seul tout
continu, [275b30] mais, comme le disent
Démocrite et Leucippe, s’il était séparé par un vide intermédiaire (car ils
établissaient que les corps indivisibles ne peuvent être unis les uns aux
autres sans qu’un vide s’interpose) ; selon leur opinion il s’ensuit
qu’il est nécessaire qu’ils aient tous un seul mouvement. En effet, ils
disaient que ces corps invisibles infinis sont limités, c’est-à-dire distincts les uns des autres, seulement par
leur configuration, dans la mesure où l’une est pyramidale, une autre
sphérique, une autre cubique, et ainsi de suite ; et ils disent pourtant
que la nature de tous ceux-ci est unique, comme si l’on disait que chacun
d’entre eux, [276a1] séparé par lui-même, est
de la nature de l’or. Or s’ils sont d’une seule nature, il est nécessaire que
leur mouvement soit unique et identique, bien qu’ils soient les plus petites
parties des corps, puisque le mouvement du tout et de la partie est le même,
tout comme celui de toute la terre et d’une seule motte (c’est-à-dire petite partie) et celui de tout le feu et
d’une étincelle. Donc si tous sont de même nature et ont le même mouvement,
soit tous sont déplacés vers le bas comme s’ils avaient une pesanteur, et
ainsi [276a5] aucun corps ne sera simplement
léger, comme tous les corps sont dits être composés par eux ; soit tous
se déplacent vers le haut, comme s’ils avaient de la légèreté, et ainsi il
n’y aura aucun corps lourd, ce qui est impossible. |
[70961] In De
caelo, lib. |
[70961] Sur le De caelo, I, 15, 7. Il établit ici la
seconde raison : « en outre si la pesanteur », etc. : la
voici. Tout corps lourd est déplacé vers le milieu, tout corps léger est
déplacé vers l’extrémité. Donc si un des corps indivisibles déjà mentionnés
ou n’importe lequel d’entre eux avait de la pesanteur ou de la légèreté, il
s’ensuivrait que tout l’espace contenu par les corps indivisibles et par les
vides intermédiaires aurait une extrémité ou un milieu. Mais c’est
impossible, étant donné que cet espace est infini. Il reste donc que cette
position est impossible. |
[70962] In De
caelo, lib. |
[70962] Sur le De caelo, I, 15, 8. Et puisque cette
raison vise à détruire l’infini, de quelque manière que l’infini soit établi,
qu’il soit continu ou non continu, pour cette raison il établit cette même
raison de façon plus universelle, quand il soumet : « et
totalement », etc. Et il dit que nous pouvons dire universellement que
là où il n’y a pas de milieu ni d’extrémité il n’y a pas de mouvement vers le
haut, c’est-à-dire vers l’extrémité, ni de mouvement vers le bas,
c’est-à-dire vers le milieu. Une fois qu’on les a soustraits, il n’y aura pas
de lieu où les corps [276a10] soient portés
par un mouvement droit : car ils sont portés vers le haut ou vers le
bas. Une fois le lieu supprimé, il n’y aura aucun mouvement, puisque tout ce
qui est déplacé l’est nécessairement soit selon la nature, soit contre la
nature, ce qui est déterminé par des lieux propres ou étrangers (car sont
appelés mouvements naturels ceux par lesquels les corps sont déplacés vers
les lieux qui leur sont propres, sont appelés mouvements violents ceux par
lesquels ils sont déplacés vers des lieux qui leur sont étrangers). Or il est
impossible que le mouvement soit enlevé des corps : il est donc
impossible d’établir l’infini. |
[70963] In De
caelo, lib. |
[70963] Sur le De caelo, I, 15, 9. Il établit la
troisième raison ici : « de plus si là où », etc. Et il dit
que le lieu vers lequel quelque chose est déplacé contre la nature, ou dans
lequel il est au repos contre la nature a nécessairement quelque chose
d’autre selon la nature, vers lequel il est naturellement déplacé et où il
est naturellement au repos. Et cela devient crédible par induction : car
la terre est déplacée vers le haut contre la nature, mais le feu l’est selon
la nature ; et inversement le feu est déplacé vers le bas contre la
nature, mais la terre l’est selon la nature. Nous voyons que certains corps
sont déplacés vers le bas et certains autres vers le haut. Or si ceux qui sont
déplacés vers le haut le sont contre la nature, il faudra dire qu’il y en a
quelques autres qui sont déplacés vers le bas selon la nature, et également
si on établissait que ce qui est déplacé vers le bas l’est contre la nature,
il serait nécessaire d’établir d’autres choses qui sont déplacées vers le bas
selon la nature. [276a15] De là tous n’ont pas
de la pesanteur et tous n’ont pas de la légèreté, selon la position déjà
mentionnée : mais ceux qui sont naturellement déplacés vers le bas ont
de la pesanteur ; ceux qui sont naturellement déplacés vers le haut n’en
ont pas. Enfin il conclut en épiloguant qu’il est manifeste d’après ce qui a
déjà été dit qu’il n’y a absolument pas de corps infini, c’est-à-dire infini
continu ou infini séparé par interposition de vide. Ces dernières raisons
sont dites logiques puisqu’elles procèdent de certaines choses probables pas
encore complètement prouvées. |
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Lectio
16 |
Leçon 16 – [Y a-t-il un nombre infini d’univers ?]
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[70964] In De
caelo, lib. |
[70964] Sur le De caelo, I, 16, 1. Après que le
philosophe a montré que l’univers n’est pas infini en grandeur, il montre ici
qu’il n’y a pas plusieurs mondes en nombre, à plus forte raison qu’ils ne
sont pas infinis. Et premièrement il dit sur quoi porte son intention ;
deuxièmement il expose la proposition, ici : « car tout demeure en
effet », etc. Il dit donc premièrement que, puisqu’il a été montré que
le corps de tout l’univers n’est pas infini, il reste à dire qu’il n’est pas
possible qu’il y ait plusieurs ciels,
c’est-à-dire plusieurs mondes : car nous avons déjà dit ci-dessus ce
qu’il fallait entendre sur ce point. Or il faut considérer que le philosophe
a fait mention ci-dessus du fait qu’en dehors du ciel il n’y a pas de corps
ni fini ni infini ; il s’ensuit qu’il n’y a pas d’autre monde en dehors
de celui-là : car il y aurait un corps en dehors du ciel. Et c’est pourquoi,
s’il était suffisamment prouvé ci-dessus qu’en dehors du ciel il n’y a pas de
corps ni fini ni infini, il ne resterait rien à prouver. Mais si on pense [276a20] que dans les passages précédents on n’a
montré pas universellement à propos des corps qu’il est impossible que
n’importe lequel d’entre eux soit en dehors du monde, mais seulement que le
raisonnement ci-dessus soit introduit à propos des corps qui sont établis
être infinis, selon cela il reste encore à voir s’il est possible qu’il y ait
plusieurs ciels, ou plusieurs mondes. |
[70965] In De
caelo, lib. |
[70965] Sur le De caelo, I, 16, 2. Ensuite quand il
dit : « car tout demeure en effet », etc., il prouve la
proposition : et il montre premièrement qu’il y a seulement un
monde ; deuxièmement il cherche à découvrir s’il est possible qu’il y
ait plusieurs mondes, ici : « ce que non seulement un seul »,
etc. Sur le premier point il fait deux choses : premièrement il montre
qu’il y a seulement un monde, ayant tiré la raison des corps inférieurs, dont
le monde est constitué, comme tous l’établissaient ; deuxièmement il
montre la même chose communément à partir des deux types de corps, aussi bien
inférieurs que célestes, ici : « de plus par elles », etc. Sur
le premier point il fait deux choses : premièrement il introduit des
raisons pour montrer la proposition ; deuxièmement il prouve un certain
point qu’il avait supposé, ici : « ce qui est quelque chose »,
etc. Sur le premier point il établit trois raisons : la seconde commence
ici : « il est de plus nécessaire », etc. ; la troisième
ici : « mais encore », etc. |
[70966] In De
caelo, lib. |
[70966] Sur le De caelo, I, 16, 3. Sur le premier
point il fait deux choses. Premièrement il avance trois suppositions. La
première d’entre elles est que tous les corps sont au repos et sont déplacés
aussi bien selon la nature que selon la violence aussi. Cela est vrai pour
les corps inférieurs, qui, comme ils peuvent être engendrés et corrompus, de
même que leur espèce peut être transformée par la puissance d’un agent plus
fort, peuvent ainsi être aussi écartés de leur lieu par un mouvement violent
ou calme : mais pour les corps célestes rien ne peut être violent et en
dehors de la nature, comme ils sont incorruptibles. La seconde supposition
est que, quel que soit le lieu où certains corps demeurent selon la nature et
non par la violence, ils sont portés dans ce lieu par la nature, et que, quel
que soit le lieu où inversement certains corps sont portés par la nature, ils
sont naturellement au repos dans ce lieu. [276a25]
Et il faut dire la même chose sur la violence, puisque dans le lieu où des
corps sont au repos par violence, ils sont portés dans ce lieu par violence,
et qu’inversement, s’ils sont portés par la violence dans un lieu, ils sont
au repos par la violence dans ce lieu. Et la raison de cette supposition est
que, comme le repos dans un lieu est la fin du mouvement local, il faut que
le mouvement soit proportionnel au repos, comme la fin est proportionnée à ce
qui va vers la fin. La troisième supposition est que si un corps a un
changement de lieu par la violence, ce changement lui est contraire selon la
nature, comme cela apparaît d’après qui a été dit ci-dessus. |
[70967] In De
caelo, lib. |
[70967] Sur le De caelo, I, 16, 4. Deuxièmement
ici : « c’est pourquoi vers le milieu », etc., il argumente à
partir des suppositions déjà mentionnées pour prouver la proposition.
Premièrement à partir du mouvement. En effet s’il y a deux mondes, il faut
qu’il y ait une terre dans l’un et l’autre. Donc la terre qui est dans
l’autre monde sera portée vers le milieu de ce monde soit par la nature, soit
par la violence. Si c’est par la violence, il faudra dire, selon la troisième
proposition, que le changement contraire de lieu, qui part de ce monde-ci
pour le milieu de ce monde-là, sera selon la nature pour elle. Et cela paraît
être faux, puisque la terre ne se déplace jamais selon la nature à partir du
milieu de ce monde-ci : donc le premier point est également faux, à
savoir qu’il y a plusieurs mondes. |
[70968] In De
caelo, lib. |
[70968] Sur le De caelo, I, 16, 5. Deuxièmement
ici : « et si demeure », etc., il argumente dans le même but à
partir du repos. Car de même qu’il est manifeste que la nature de la terre ne
souffre pas d’être déplacée selon la nature à partir du milieu de ce monde,
de même la nature de la terre a de quoi être naturellement au repos au milieu
de ce monde. Donc si la terre, entraînée de là jusqu’ici demeure à cet
endroit non par violence, mais par nature, il s’ensuit d’après la seconde
supposition qu’elle sera portée à partir de ce milieu jusqu’ici selon la
nature. [276a30] Et cela parce que le
mouvement est unique ou que le changement de lieu de la terre est unique
selon la nature : à partir de là il n’est pas possible que les deux
mouvements soient naturels à la terre, c’est-à-dire de ce milieu-là à
celui-ci, et de ce milieu-ci à celui-là. |
[70969] In De
caelo, lib. |
[70969] Sur le De caelo, I, 16, 6. Ensuite quand il
dit : « de plus il est encore nécessaire », etc., il établit
une seconde raison, qui exclut un certain défaut que l’on pourrait trouver à
la première raison : car on pourrait répondre à la première raison que
la terre qui est dans ce monde-là est d’une autre nature que la terre qui est
dans ce monde-ci. Premièrement donc Aristote exclut cela ; deuxièmement
il s’en sert comme argument pour prouver la proposition, ici :
« elles sont donc nées pour être portées », etc. ;
troisièmement il rejette une certaine objection, ici : « rendre
digne », etc. Il montre que la terre qui est dans l’autre monde est de
la même nature que la terre qui est dans ce monde-ci, en tirant premièrement
la raison du monde, en tirant deuxièmement la raison du mouvement, ici :
« ce qui est nécessaire », etc. |
[70970] In De
caelo, lib. |
[70970] Sur le De caelo, I, 16, 7. Il dit donc
premièrement que, si plusieurs mondes établis sont d’une nature semblable,
ils sont nécessairement formés des mêmes corps : et en allant encore
plus loin il est nécessaire que chacun des ces corps ait la même puissance
que le corps qui est dans ce monde : et il faut ainsi que le feu et la
terre soient de la même [276b1] puissance dans
n’importe lequel de ces mondes et le même raisonnement s’applique aux corps
intermédiaires, qui sont l’air et l’eau. Puisque si les corps qui sont ici
dans un autre monde sont appelés de façon équivoque comme les corps qui sont
chez nous dans ce monde-ci et non selon la même idée, c’est-à-dire selon la même espèce, il s’ensuivra que le
monde sera appelé de façon équivoque, même en demeurant tout entier lui-même
formé des parties de ce genre : car il est nécessaire qu’étant formé de
parties différentes en espèce il soit aussi constitué tout entier
différemment en espèce. Or ceux qui établissent plusieurs mondes ne semblent
pas avoir voulu cela ; mais ils utilisent de façon univoque le nom du
monde. Il s’ensuit selon leur intention que les corps qui sont dans
différents mondes ont la même puissance. Et il est ainsi manifeste que même
dans d’autres mondes, comme dans celui-ci aussi, un des corps mêmes dont le
monde est constitué, est né pour être tiré [276b5]
du milieu, quand il correspond au feu, mais un autre est né pour être porté
au milieu, quand il correspond à la terre ; s’il est vrai que tout feu
est de la même espèce que tout feu, quel que soit le monde où se trouve le
feu, de même aussi les différentes parties du feu existant dans ce monde-ci
sont d’une seule espèce. Et c’est le même raisonnement pour les autres corps.
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[70971] In De
caelo, lib. |
[70971] Sur le De caelo, I, 16, 8. Ensuite quand il
dit : « ce qui est nécessaire », etc., il montre la même chose
en tirant sa raison du mouvement. Et il dit qu’il est manifeste qu’il est
nécessaire que les choses en soient ainsi qu’on l’a dit en ce qui concerne
l’uniformité des corps qui sont dans les différents mondes ; et cela à
partir des suppositions qui sont faites sur les mouvements. Il appelle suppositions les idées dont il se sert
pour démontrer une proposition, pour la raison qu’elles sont ici supposées
comme des principes, bien que certaines d’entre elles aient été prouvées
ci-dessus. Il y a une supposition selon laquelle les mouvements sont finis, c’est-à-dire déterminés selon
leurs espèces : car les espèces des mouvements simples ne sont pas
infinies, mais seulement trois, comme on l’a prouvé ci-dessus. La seconde
supposition dit que n’importe lequel des éléments tire son nom [276b10] de la nature de son mouvement ; de
même que la terre est dite lourde en raison de son habitude du mouvement vers
le bas, le feu est dit léger en raison de son aptitude au mouvement vers le
haut. Donc puisque les espèces des mouvements sont déterminées, il est
nécessaire que les mêmes mouvements soient selon leur espèce dans n’importe
quel monde. Et puisque chacun des éléments est appelé d’après un mouvement,
il est nécessaire en allant plus loin que les éléments soient les mêmes selon
l’espèce partout, c’est-à-dire dans
n’importe quel monde. |
[70972] In De
caelo, lib. |
[70972] Sur le De caelo, I, 16, 9. Ensuite quand il
dit : « elles sont donc nées », etc., il argumente à partir
des prémisses pour sa proposition. En effet si les corps qui sont dans
n’importe quel monde sont de la même espèce nous voyons que toutes les
parties de la terre qui sont dans ce monde sont portées vers le milieu de ce
monde-ci et que toutes les parties du feu sont portées vers son extrémité, il
s’ensuivra que toutes les parties de la terre qui sont dans n’importe quel
autre monde sont aussi portées vers le milieu de ce monde-ci et que toutes
les parties du feu qui sont dans n’importe quel autre monde sont portées à
l’extrémité de ce monde-ci. Mais c’est impossible. Car si cela arrivait, [276b15] il serait nécessaire que la terre qui est
dans l’autre monde soit portée vers le haut dans son propre monde et que le
feu dans ce monde-là soit porté vers le milieu. Et pour une raison semblable
la terre qui est dans ce monde-ci serait portée selon la nature du milieu de
ce monde-ci au milieu de ce monde-là. Et il est nécessaire de la suivre à
cause de la disposition des mondes, qui ont une situation telle que le milieu
d’un monde est distant du milieu de l’autre monde ; et ainsi la terre ne
peut être déplacée vers le milieu de l’autre monde, à moins de s’éloigner du
milieu de son monde, déplacée vers l’extrémité, ce qui revient à se déplacer
vers le haut. Également, puisque les extrémités des différents mondes ont un
emplacement différent, il est nécessaire que, si le feu devait être porté
vers les extrémités de l’autre monde, il s’écarte de l’extrémité de son
propre monde, ce qui revient à se déplacer vers le bas dans son propre monde.
Or ces choses ne sont pas compatibles : puisque soit il faut établir que
la nature des corps simples n’est pas la même dans plusieurs mondes, [276b20] ce qui a été rejeté ci-dessus, soit si nous
disons qu’ils ont la même nature et que nous voulons éviter les incompatibilités
déjà mentionnées qui sont la conséquence de la différence des milieux et des
extrémités, il est nécessaire d’établir un seul milieu, vers lequel tous les
corps lourds sont entraînés, où qu’ils soient, et une seule extrémité, vers
laquelle sont entraînés tous les corps légers, où qu’ils soient. Cela établi,
il est impossible qu’il y ait plusieurs mondes, puisque l’unité du cercle ou
de la sphère est la conséquence de l’unité du milieu et de l’extrémité. |
[70973] In De
caelo, lib. |
[70973] Sur le De caelo, I, 16, 10. Ensuite quand il
dit : « or justifier », etc., il rejette une certaine
objection, selon laquelle on pourrait dire que les corps qui sont dans
l’autre monde ne se déplacent pas vers le milieu et l’extrémité de ce
monde-ci, en raison de la distance. Mais en excluant cela lui-même, il dit
qu’il est digne de trouver déraisonnable qu’il y ait une autre nature de
corps simples, pour la raison qu’ils sont plus ou moins distants de leurs
propres lieux, et aussi qu’ils se déplacent vers leurs lieux propres de près
et non de loin. Car le fait qu’un corps soit distant de telle ou telle
longueur de son lieu ne semble pas entraîner de différence pour sa nature,
puisque la différence des mathématiques ne rend pas la nature différente. En
effet le fait que plus un corps s’approche de son lieu, plus il se déplace
rapidement est selon la nature, tout comme l’espèce, le mouvement et le corps
mobile sont les mêmes. Car la différence de rapidité concerne la quantité,
non l’espèce, de même que la différence de longueur. [276b25]
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Lectio
17 |
Leçon 17 – [L’unicité du monde, preuve par le mouvement vers un lieu]
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[70974] In De caelo, lib. |
[70974] Sur le De caelo, I, 17, 1. Après avoir avancé deux raisons pour montrer l’unicité du monde, Aristote établit ici une troisième raison dans le même but ; celle-ci ajoute quelque chose d’autre, qui semblait manquer à la première. Car on pourrait dire qu’il n’appartient pas aux corps de se déplacer naturellement vers des lieux déterminés : ou bien, s’ils se déplacent vers des lieux déterminés, ceux qui sont d’une seule espèce et différents selon le nombre se déplacent vers différents lieux selon le nombre, lieux qui s’accordent à l’espèce, et non vers le même lieu selon le nombre, comme la première raison le supposait. Donc pour soutenir cela, le philosophe induit cette troisième raison. En ce qui la concerne, il fait trois choses : premièrement il établit la raison ; deuxièmement il rejette une objection ici : « mais si à l’espèce la même chose », etc. ; troisièmement il met en avant sa principale conclusion, ici : « c’est pourquoi il est nécessaire », etc. |
[70975] In De caelo, lib. |
[70975] Sur le De caelo, I, 17, 2. Il dit donc
premièrement qu’il est nécessaire qu’il y ait un mouvement des corps déjà
mentionnés. Il est manifeste qu’ils se déplacent : cela apparaît en tout
cas à la fois par les sens et par la raison, puisque sont naturels les corps
de ce genre, à qui il est possible de se déplacer. Le doute peut donc
demeurer, pour savoir s’il faut dire que les corps naturels sont déplacés
avec violence selon tous les mouvements par lesquels ils se déplacent, même
s’ils sont contraires ; par exemple lorsque le feu est entraîné à la
fois vers le haut et vers le bas par la violence. Mais c’est impossible,
puisque ce qui n’est absolument pas né
pour être déplacé, c’est-à-dire ce qui n’a aucun mouvement selon sa
nature, ne peut pas être déplacé par la violence. En effet nous disons que
subit de la violence ce qui est écarté de sa propre inclinaison par la force
d’un agent plus puissant : donc si une inclinaison naturelle ne se
trouvait pas dans les corps, la violence n’aurait pas lieu en elles, de même
que si un animal n’était pas né pour voir, on ne lui attribuerait pas la
cécité. Il faut donc dire que ces corps qui sont des parties du monde ont un
mouvement selon la nature. Par conséquent ceux qui ont une seule nature ont
un seul mouvement. On appelle mouvement ce qui va vers une limite, comme cela
apparaît dans le livre V de |
[70976] In De
caelo, lib. |
[70976] Sur le De caelo, I, 17, 3. Ensuite, quand il dit : « mais si vers la même espèce », il rejette une objection. Car on pourrait dire que tous les corps qui ont le même mouvement naturel sont déplacés vers les lieux qui sont de la même espèce [277a1], mais qu’ils sont plus nombreux, puisque chacun pris en particulier aussi, c’est-à-dire chaque partie d’un corps naturel, par exemple de la terre ou de l’eau, est en plus nombre, mais ne diffère pas en espèce. L’unité de natures des mobiles qui sont d’une seule espèce ne semble pas avoir besoin de parties plus nombreuses du fait que le mouvement est unique selon l’espèce ; il semble suffire à cela que les lieux vers lesquels elle est déterminée soient semblables en espèce. |
[70977] In De
caelo, lib. |
[70977] Sur le De caelo, I, 17, 4. Mais il dit lui-même pour rejeter cela qu’un tel accident, c’est-à-dire un mouvement vers les mêmes lieux selon l’espèce ne semble pas s’accorder à telle partie oui et à telle partie non (de telle sorte que certaines parties semblables en espèce sont déplacées vers le même lieu en nombre, mais que certaines le sont vers le même lieu selon l’espèce) ; mais il faut également qu’il s’accorde à toutes (de telle sorte que toutes les parties semblables en espèce sont déplacées vers un lieu unique en nombre, ou bien que toutes les parties de ce genre sont déplacées vers un seul lieu semblable en espèce, mais différentes en nombre), puisque toutes les parties de ce genre sont semblables quant au fait qu’elles ne diffèrent point en espèce les unes des autres, mais que chacune diffère d’une autre selon le nombre. [277a5] Or il dit cela parce que les parties d’un corps, par exemple de la terre, qui sont dans ce monde-ci sont semblables les unes aux autres et aux parties de la terre qui sont dans l’autre monde, d’où il résulte que la terre est de la même espèce ici et là. Donc si à partir d’ici, c’est-à-dire de ce monde-ci, on prenait une partie, par exemple de la terre, il n’y aurait pas de différence si on la comparait à l’une des parties qui sont dans un autre monde, ou si on la comparait à celles qui sont dans ce monde-ci, mais la comparaison serait semblable avec les unes ou les autres, puisque ne diffèrent pas en espèce les unes des autres les parties de terre qui sont dans ce monde-ci, et celles qui sont dans l’autre monde. Et le même raisonnement s’applique aux autres corps. Or nous voyons que toutes les parties de la terre qui sont dans ce monde-ci sont déplacées vers un lieu unique en nombre ; et il en est de même pour les autres corps. Donc toutes les parties de la terre, quel que soit le monde où elles se trouvent, sont naturellement déplacées vers le milieu de ce monde-ci. |
[70978] In De caelo, lib. |
[70978] Sur le De caelo, I, 17, 5. Par conséquent l’inclinaison naturelle même de tous les corps lourds vers un milieu unique en nombre et de tous les corps légers vers une extrémité unique en nombre manifeste l’unicité du monde. Car on ne peut dire que les corps sont disposés dans plusieurs mondes selon des milieux et des extrémités différents, de même qu’il y a chez plusieurs hommes des milieux et extrémités qui diffèrent en nombre, mais qui sont de la même espèce. Puisque la nature des membres d’un homme ou de n’importe quel être vivant n’est pas déterminée selon l’ordre vers un lieu, mais plutôt selon l’ordre vers un acte ; or une telle situation des parties d’un être vivant est en accord avec ce qui convient à l’activité des membres. Mais la nature des corps lourds et légers est déterminée pour des lieux certains, tout comme tout ce qui a la même nature a une inclinaison naturelle unique en nombre vers un lieu unique en nombre. |
[70979] In De
caelo, lib. |
[70979] Sur le De caelo, I, 17, 6. Ensuite quand il
dit : « c’est pourquoi il est nécessaire », etc., il tire la
principale conclusion. En effet lorsque la conclusion selon la forme due est
tirée des prémisses, il est nécessaire soit de concéder la conclusion, [277a10] soit de nier les prémisses. Il conclut donc
qu’il est nécessaire d’écarter,
c’est-à-dire de nier, ces suppositions,
c’est-à-dire les principes grâce auxquels il conclut la proposition, ou bien
qu’il est nécessaire de concéder la conclusion, à savoir qu’il y a un seul
milieu vers lequel sont entraînés tous les corps lourds, et une seule
extrémité, vers laquelle sont entraînés tous les corps légers. Si cela est,
il est nécessaire par conséquent qu’il y ait un seul ciel, c’est-à-dire un seul monde, et non plusieurs ; et cela
par les arguments, c’est-à-dire les
preuves, et par les nécessités,
c’est-à-dire les raisons nécessaires, susdites. |
[70980] In De
caelo, lib. |
[70980] Sur le De caelo, I, 17, 7. Ensuite quand il
dit : « le fait qu’il y a quelque chose », etc., il montre ce
qu’il avait supposé, à savoir que les corps naturels ont des lieux
déterminés, vers lesquels ils sont naturellement entraînés. Et il montre
premièrement la proposition ; deuxièmement il détruit l’opinion
contraire, ici : « mais ni par un autre », etc. Sur le premier
point il fait deux choses : il montre premièrement la proposition par
une raison naturelle ; deuxièmement par une preuve ici :
« mais l’argument », etc. Sur le premier point il fait trois
choses. Premièrement il propose ce qu’il avait l’intention de faire : et
il dit qu’il est manifeste autant d’après d’autres raisons que d’après les
prémisses (ou bien d’après les autres mouvements) qu’il y a un autre lieu
déterminé où la terre est naturellement entraînée. Et il faut le dire
également de l’eau et de n’importe quel autre corps. |
[70981] In De
caelo, lib. |
[70981] Sur le De caelo, I,
17, 8. Deuxièmement ici : « car totalement ce qui est
déplacé », etc., il établit un raisonnement, en disant qu’il est totalement, c’est-à-dire
universellement, vrai que tout ce qui se déplace est transformé d’une chose
déterminée en une autre chose déterminée : [277a15]
car il est dit dans le livre I de |
[70982] In De
caelo, lib. |
[70982] Sur le De caelo, I,
17, 9. Troisièmement ici : « puisque et celui qui dans le mouvement
circulaire », il rejette une objection, selon laquelle on pourrait tirer
une réfutation sur le mouvement circulaire, qui ne semble pas aller de
l’opposé vers l’opposé, mais plutôt du même vers le même. Mais il dit
lui-même que même le mouvement circulaire a d’une certaine manière un
contraire dans sa limite. Or il dit d’une
certaine manière, pour deux raisons. Premièrement parce qu’on ne trouve
pas d’opposition dans un mouvement circulaire selon des points tracés dans un
cercle, dans la mesure où ce sont des points du cercle, mais seulement dans
la mesure où ce sont les extrémités du diamètre, selon lequel on mesure la
plus grande distance dans un cercle, comme on l’a dit ci-dessus : de là
il suppose : ceux qui sont
opposés selon le diamètre,
c’est-à-dire les extrémités. Deuxièmement puisque, de même qu’un corps
sphérique tout entier change de lieu non pas en sujet, mais seulement en
raison, ses parties changent de lieu aussi en sujet ; ainsi, si on
acceptait un mouvement circulaire tout entier, on ne trouverait pas
d’opposition dans les limites si ce n’est selon la raison, dans la mesure où
le même, à partir duquel et vers lequel il y a un mouvement circulaire, est
tenu pour le début et pour la fin ; mais en acceptant les parties du
mouvement circulaire, on accepte ici une opposition selon une ligne droite,
comme on l’a dit ci-dessus ; et c’est pourquoi il suppose qu’il n’y a
pas quelque chose d’opposé à un mouvement circulaire tout entier. [277a25] Ainsi donc il apparaît que même pour ce qui
est entraîné circulairement le changement se fait de quelque façon vers des
lieux opposés et finis. Et il conclut ainsi universellement ce qu’il avait
l’intention de faire, à savoir qu’il est nécessaire qu’il y ait une fin au
mouvement circulaire ; un corps naturel n’est pas entraîné vers l’infini, c’est-à-dire vers
quelque chose d’indéterminé, comme Démocrite a établi le mouvement des
atomes. |
[70983] In De
caelo, lib. |
[70983] Sur le De caelo, I, 17, 10. Ensuite quand il dit : « or l’argument », etc., il prouve la même chose par une preuve : il appelle cette démonstration argument, parce qu’une telle démonstration est pour ainsi dire conjecturale. Et il dit que l’argument qui prouve qu’un corps naturel n’est pas entraîné vers l’infini, mais vers quelque chose de certain est que plus la terre s’approche du milieu, plus elle est entraînée rapidement (ce qui a pu être découvert à partir de la plus grande impulsion, dans la mesure où quelque chose est poussé plus fortement près de la limite de son mouvement par un corps lourd tombant) : et la même raison concerne le feu, selon laquelle son mouvement est d’autant plus rapide qu’il s’approche davantage du lieu [277a30] vers le haut. Donc si la terre et le feu sont entraînés vers l’infini, leur rapidité pourrait être accrue à l’infini. Et il en conclut que le poids ou la légèreté d’un corps naturel pourraient être augmentés à l’infini. En effet de même que la rapidité d’un corps lourd est d’autant plus importante qu’un corps lourd descend davantage, parce qu’un corps lourd est rapide à cause de sa pesanteur, ainsi l’accroissement de la rapidité pourra aussi être infinie, si l’accroissement de la pesanteur ou de la légèreté est infini. Or, il a été montré ci-dessus que la pesanteur ou la légèreté ne peuvent être infinies et que rien ne peut être déplacé vers ce qu’il ne peut pas atteindre. Ainsi donc l’accroissement de la pesanteur ne peut être à l’infini ; et par conséquent l’accroissement de la rapidité non plus. De là le mouvement des corps naturels ne peut être non plus à l’infini [277b1]. |
[70984] In De
caelo, lib. |
[70984] Sur le De caelo, I, 17, 11. Il faut savoir qu’Hipparque a attribué la cause de cet accident, à savoir que la terre est déplacée d’autant plus rapidement qu’elle descend davantage, au fait qu’on la déplace avec violence ; à partir de là plus le mouvement est prolongé, moins il reste de puissance à ce qui déplace, et ainsi le mouvement devient plus lent ; de là le mouvement violent est augmenté au début, mais il est relâché à la fin, à tel point que finalement un corps lourd ne peut être entraîné davantage vers le haut, mais qu’il commence à être déplacé vers le bas, en raison de la petitesse de ce qui restait de puissance au moteur violent ; cette puissance diminue d’autant plus que le mouvement opposé devient rapide. Mais cette raison est seulement particulière aux corps qui sont naturellement déplacés après un mouvement violent ; elle n’a pas lieu chez ceux qui sont déplacés naturellement là où ils sont engendrés en dehors de leur propre lieu. D’autres en ont attribué la cause à la quantité du milieu par lequel se fait le mouvement, par exemple, d’air, qui reste d’autant plus petit qu’il s’avance dans un mouvement naturel ; et c’est pourquoi il peut moins empêcher un mouvement naturel. [277b5] Mais cette raison aussi ne s’accorderait pas moins aux mouvements violents qu’aux naturels ; cependant il leur arrive quelque chose d’opposé, comme on le dira ci-dessous. Et c’est pourquoi il faut dire avec Aristote que la cause de cet accident est que plus un corps lourd descend, plus sa pesanteur est renforcée, en raison de la proximité de son lieu propre. Et pour cette raison il produit comme preuve que si la rapidité s’accroissait à l’infini, sa pesanteur s’accroîtrait aussi à l’infini. Et la raison est la même pour la légèreté. |
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