EXPLICATION DES DEUX PREMIÈRES DÉCRÉTALES DU QUATRIÈME CONCILE DU LATRAN

(12° oecuménique) : 11-30 novembre 1215

À L’ARCHIDIACRE DE TODI

SAINT THOMAS D'AQUIN

DOCTEUR DE L'ÉGLISE

 

Sancti Thomae de Aquino

Expositio super primam et secundam Decretalem

ad archidiaconum Tudertinum

 

 

(Oeuvre authentique)

 

 

Editions Louis Vivès, 1857

Revue et corrigée par Charles Duyck, 2005

Édition numérique, https://www.i-docteurangelique.fr/DocteurAngelique, 2008

Les œuvres complètes de saint Thomas d'Aquin

 

 

Introduction de saint Thomas — La mission des ministres du Christ 2

TEXTE DE LA PREMIÈME DÉCRÉTALE — Définition sur Dieu et la Trinité contre les albigeois et les Cathares  4

Commentaire par saint Thomas de la première décrétale sur la condamnation des erreurs des hérétiques et des philosophes, à l'archidiacre de Todi 6

Les sept articles relatifs à l’incarnation sont ainsi divisés —__ 7

Le premier article établit l’unité de l’essence_ 8

On passe ensuite à l’article de la sainte Trinité_ 10

On passe ensuite à l’article de la création de l’univers 13

La décrétale traite ensuite l’article de l’incarnation_ 15

Après ces prémisses, la décrétale passe à l’explication du mystère de l’incarnation_ 16

On passe ensuite à l’article de la passion du Sauveur 18

On passe ensuite à la résurrection générale_ 20

On traite ensuite l’article de l’effet de la grâce_ 20

On parle ensuite du sacrement du baptême_ 22

TEXTE DE LA DEUXIÈME DÉCRÉTALE — La fausse doctrine de Joachim de Flore sur la Trinité_ 23

Commentaire par saint Thomas de la seconde décrétale — le dogme de la Trinité, à l'archidiacre de Todi 26

L'hérésie de Joachim de Flore_ 26

Les six rappels des Décrétales sur la Trinité_ 29

1° L'essence divine est transcendante_ 30

2° Trois personnes divines et non quatre_ 30

3° Distinction essence et personnes 31

4° La différence des Personnes d'après la foi 31

5° Une seule essence pour trois personnes 32

6° L'unité substantielle des Personnes divines 33

 

 

 

 

 

Textum Leoninum Romae 1968 editum
ac automato translatum a Roberto Busa SJ in taenias magneticas
denuo recognovit Enrique Alarcón atque instruxit

Editions Louis Vivès, 1857

Revue et corrigée par Charles Duyck, 2005

 

 

[69292] Super Decretales, n. 1 tit. De summa Trinitate et fide Catholica

Introduction de saint Thomas — La mission des ministres du Christ

[69293] Super Decretales, n. 1 Salvator noster discipulos ad praedicandum mittens, tria eis iniunxit. Primo quidem ut docerent fidem; secundo ut credentes imbuerent sacramentis; tertio ut credentes sacramentis imbutos ad observandum divina mandata inducerent. Dicitur enim Matth. ult. 19 : euntes, docete omnes gentes, quantum ad primum; baptizantes eos in nomine patris et filii et spiritus sancti, quantum ad secundum; docentes eos servare omnia quaecumque mandavi vobis, quantum ad tertium. Inter quae tria decenter fidei doctrina praemittitur. Est enim fides omnium bonorum spiritualium fundamentum, secundum illud apostoli Hebr. XI, 1 : est autem fides substantia (idest fundamentum) sperandarum rerum. Est etiam fides per quam anima vivificatur per gratiam, secundum illud apostoli Galat. II, 20 : quod autem nunc vivo in carne, in fide vivo filii Dei; et Habac. II, 4 : iustus autem ex fide sua vivit. Ipsa est per quam anima a peccatis purgatur, Act. XV, 9 : fide purificans corda eorum. Ipsa est per quam anima iustitia ornatur, Rom. III, 22 : iustitia autem Dei est per fidem Iesu Christi. Ipsa est per quam anima Deo desponsatur, Oseae II, 20 : sponsabo te mihi in fide. Ipsa est per quam homines in Dei filios adoptantur, Ioan. I, 12 : dedit eis potestatem filios Dei fieri, his qui credunt in nomine eius. Ipsa est per quam ad Deum acceditur, Hebr. XI, 6 : accedentem ad Deum oportet credere. Ipsa denique est per quam homines aeternae vitae bravium consequuntur, secundum illud Ioan. VI, 40 : haec est voluntas patris mei qui misit me, ut omnis qui videt filium et credit in eum, habeat vitam aeternam. Convenienter igitur Christi vicarius propositurus mandata quibus Ecclesia per apostolorum praedicationem fundata pacifice gubernatur, titulum de fide praemittit.

 

 

 

Quand notre divin Sauveur envoya ses disciples prêcher son Evangile, il leur recommanda trois choses.

1° La première, d’enseigner la foi;

2° la seconde, de conférer les sacrements à ceux qui croiraient;

3° la troisième, de faire observer les divins commandements aux croyants qui auraient reçu la grâce des sacrements.

On lit, en effet, dans le dernier chapitre de l’Evangile de saint Matthieu (Mt 28.29), par rapport à la première recommandation du Sauveur : "Allez, enseignez toutes les nations;" par rapport à la seconde : "Baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit;" et pour la troisième : "Apprenez-leur à observer tous les préceptes que je vous ai donnés."

Toute la doctrine de la foi est renfermée d’une manière adéquate dans ces trois points.

Car la foi est la base de tous les biens spirituels, d’après les paroles de l’Epître de saint Paul aux Hébreux, ch. XI, 1 : "La foi est la substance," c’est-à-dire "le fondement des choses qu’on espère." En effet, c’est la foi qui donne la vie à l’âme par la grâce, selon ce passage de l’Epître de saint Paul aux Galates, ch. II, 20 : "Si je vis maintenant dans ce corps mortel, c’est que je vis dans la foi du Fils de Dieu." Et dans Habacuc, chap. II, 4 : "Le juste vit de sa foi." C’est elle qui purifie l’âme de ses péchés. Actes des Apôtres, ch. XV, 9 : "Sanctifiant leurs coeurs par la foi." C’est elle qui orne l’âme de l’éclat de la justice. Saint Paul aux Romains, ch. III, 22 : "La justice de Dieu s’acquiert par la foi en Jésus-Christ." C’est par elle que l’âme est fiancée à Dieu. Prophète Osée, ch. II, 22 : "Je vous rendrai mon épouse par la foi." Les hommes lui doivent d’être adoptés pour enfants de Dieu. Saint Jean, ch. I, 12 : "Il a donné à ceux qui croient à son nom le pouvoir de devenir enfants de Dieu." Elle nous rapproche de Dieu. Saint Paul aux Hébreux, ch. XI, 6 : "Pour s’approcher de Dieu, il faut croire." Enfin, c’est par elle que les hommes obtiennent la couronne de la ‘vie éternelle, d’après les paroles de l’Evangile de saint Jean, ch. VI, 40 : "Telle est la volonté de mon Père qui m’a envoyé, que quiconque voit le Fils et croit en lui, ait la vie éternelle." C’est donc à juste raison que quand le vicaire de Jésus-Christ fait paraître des lettres apostoliques, pour gouverner dans la paix l’Église fondée sur la prédication des apôtres, il met toujours la foi en avant.

Sed considerandum est, quod cum multi sint articuli fidei, quorum quidam videntur ad ipsam divinitatem pertinere, quidam vero ad humanam naturam, quam filius Dei in unitatem personae assumpsit, alii vero ad divinitatis effectus, fundamentum tamen totius fidei est ipsa prima veritas divinitatis, cum omnia alia ea ratione contineantur sub fide, inquantum ad Deum aliqualiter referuntur. Unde et dominus discipulis dicit Ioan. XIV, 1 : creditis in Deum et in me credite; per quod datur intelligi quod in Christum creditur inquantum est Deus, quasi fide principaliter de Deo existente. Inter ea vero quae de Deo fide tenemus, hoc est singulare fidei Christianae ut Trinitatem personarum in unitate divinae essentiae fateamur. Sub hac enim professione Christo per Baptismum sumus consignati, ut patet per id quod supra inductum est : baptizantes eos in nomine patris et filii et spiritus sancti. Alia vero quae de Deo asserimus, nobis et aliis communia esse inveniuntur; puta, quod Deus sit unus, omnipotens, et si qua alia de Deo fide tenentur; quae etiam Iudaei et Saraceni non diffitentur. Unde ad insinuandum proprium et singulare dogma fidei Christianae, non praetitulavit fidei tractatum de Deo, sed de Trinitate. Addit autem, summa, quia divina Trinitas arcem quandam tenet inter plurimas Trinitates ab ea derivatas. Derivatur enim ab illa Trinitate divina quaedam Trinitas in anima nostra, secundum quam ad imaginem Dei sumus secundum memoriam, intelligentiam et voluntatem. Derivantur etiam ab ipsa aliae Trinitates in singulis creaturis, prout modum quendam et speciem et ordinem habent secundum quae in eis divinae Trinitatis quasi quoddam vestigium invenitur, ut Augustinus docet in libro de Trinitate. Ad discretionem igitur omnium harum Trinitatum quae a divina descendunt, dicitur de summa Trinitate. Sed de hac Trinitate divina diversi haeretici diversa errantes senserunt : quorum Sabellius abstulit personarum distinctionem dicens patris et filii et spiritus sancti esse unam essentiam et unam personam, sed solum differre nominibus; Arius vero posuit trium personarum esse diversas substantias, et dignitate et duratione differentes : quae omnia et consimilia fides condemnat Catholica. Quia igitur de summa Trinitate et aliis ad fidem pertinentibus hic tradere intendit quod fides Catholica tenet, ideo additur, et fide Catholica. Dicitur autem fides Ecclesiae Catholica, idest universalis, ut Boetius dicit in libro de Trinitate, tum propter universalium praecepta regularum, tum propterea quia eius cultus per omnes pene mundi terminos emanavit; haereticorum vero errores sub certis terrarum angulis includuntur.

Mais il faut bien faire attention que dans toute cette foule d’articles de foi, il y en a qui se rapportent à la divinité, d’autres à la nature humaine, que le Fils de Dieu a revêtues dans une seule et même personne; enfin, d’autres à l’action de la divinité. Cependant le fondement de toute la foi repose sur la première vérité de l’existence de Dieu, puisque tout est ramené sous le domaine de la foi, en tant que relevant de Dieu de quelque manière. C’est pourquoi le Seigneur dit à ses disciples, saint Jean, ch. XIV, 1 : "Voyez croyez en Dieu, croyez en moi." C’est-à-dire, qu’on croit à Jésus-Christ, en tant qu’il est Dieu, la foi en Dieu précédant toute autre croyance. Mais parmi tout ce que la foi nous enseigne de Dieu, il existe un mystère particulier à la foi chrétienne, c’est que nous croyons à la Trinité des personnes dans une seule et même essence divine. Car c’est en vertu de cette foi que nous sommes marqués du sceau de Jésus-Christ, dans le baptême, comme le montrent les paroles que nous avons citées plus haut : "Baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit." Il y a d’autres vérités touchant la divinité, que vous trouverez communes à  beaucoup d’autres et à nous, par exemple, qu’il n’y a qu’un seul Dieu, qu’il est tout-puissant et même des vérités de la foi, que ne nient pas les juifs et les Musulmans.

En sorte que pour signifier le dogme particulier et fondamental de la foi chrétienne, on ne l’appelle pas le Traité de Dieu, mais de la Trinité. Elle est encore appelée souveraine Trinité, parce que la divine Trinité occupe une sorte de point culminant entre plusieurs autres trinités, qui sont ses dérivées. C’est d’elle, en effet, que découle cette espèce de trinité de notre âme, qui fait qu nous sommes faits à l’image de Dieu, c’est-à-dire la mémoire, l’intelligence et la volonté. C’est d’elle encore que viennent d’autres trinités, dans toutes les créatures, c’est-à-dire leur mode, leur espèce et leur rang, d’après quoi on y peut distinguer comme des traces de la sainte Trinité, ainsi que le fait observer saint Augustin, dans son traité de la sainte Trinité. Et pour la distinguer de toutes les autres, qui dérivent de la Trinité divine, ou l’appelle la suprême Trinité. Plusieurs hérétiques ont commis des erreurs en tous genres sur le dogme de la sainte Trinité; parmi ceux-ci Sabellius a supprimé la distinction des personnes, en disant que le Père, le Fils et le Saint Esprit n’ont qu’une même essence et une même personne et qu’ils ne diffèrent que de nom. Arius, au contraire, a soutenu que l’essence des trois personnes divines différait en dignité et en durée. Toutes choses, ainsi que tout ce qui leur ressemble, qui sont condamnées par la foi catholique. Ainsi donc, comme on veut traiter ici de la souveraine Trinité et des autres domaines de la foi qui concernent la foi catholique, on ajoute : "et la de foi catholique." On appelle la foi de l’Eglise catholique, c’est-à-dire universelle, comme le dit Boèce dans son traité de la Trinité, soit à cause de l’universalité de ses principes, soit parce qu’elle est répandue dans presque tout l’univers, tandis que les erreurs de l’hérésie se limitent à quelques coins délimités de la terre.

TEXTE DE LA PREMIÈME DÉCRÉTALE — Définition sur Dieu et la Trinité contre les albigeois et les Cathares

 

Le concile adopta en trois sessions solennelles (11, 20, 30 novembre) des décisions concernant la libération de la Terre sainte et la réforme de l’Église, ainsi que des définitions contre les hérésies mentionnées dans ce qui suit[1].

Nous croyons fermement et confessons avec simplicité qu’il y a un seul et unique vrai Dieu, éternel et immense, tout- puissant, immuable, qui ne peut être ni saisi ni dit, Père et Fils et Saint-Esprit, trois personnes, mais une seule essence, substance ou nature absolument simple. Le Père ne vient de personne, le Fils vient du seul Père et le Saint-Esprit également de l’un et de l’autre, toujours, sans commencement et sans fin. Le Père engendrant, le Fils naissant et le Saint- Esprit procédant, consubstantiels et semblablement égaux, également tout-puissants, également éternels. Unique principe de toutes choses, créateur de toutes les choses visibles et invisibles, spirituelles et corporelles, qui, par sa force toute-puissante, a tout ensemble créé de rien dès le commencement du temps l’une et l’autre créature, la spirituelle et la corporelle, c’est-à-dire les anges et le monde, puis la créature humaine faite à la fois d’esprit et de corps. En effet le diable et les autres démons ont été créés par Dieu bons par nature; mais ce sont eux qui se sont rendus eux- mêmes mauvais. Quant à l’homme, c’est à l’instigation du démon qu’il a péché.

Cette sainte Trinité, indivise selon son essence commune et distincte selon les propriétés des personnes, a donné au genre humain la doctrine du salut par Moïse, par les saints prophètes et par ses autres serviteurs, selon une disposition des temps parfaitement ordonnée.

Enfin, le Fils unique de Dieu, Jésus Christ, incarné par une oeuvre commune de toute la Trinité, conçu de Marie toujours Vierge par la coopération du Saint-Esprit, fait homme véritable composé d’une âme raisonnable et d’une chair humaine, une seule personne en deux natures, a montré plus manifestement la voie de la vie. Alors que, selon la divinité, il est immortel et incapable de souffrir, il s’est fait lui-même, selon l’humanité, capable de souffrir et mortel; bien plus pour le salut du genre humain, il a souffert et est monté au ciel; mais il est descendu en son âme et ressuscité en son corps et est monté en l’une et l’autre également il viendra à la fin des temps juger les vivants et les morts et rendre à chacun selon ses oeuvres, aussi bien aux réprouvés qu’aux élus. Tous ressusciteront avec leur propre corps qu’ils ont maintenant, pour recevoir, selon ce qu’ils auront mérité en faisant le bien ou en faisant le mal, les uns un châtiment sans fin avec le diable, les autres une gloire éternelle avec le Christ.

Il y a une seule Église universelle des fidèles, en dehors de laquelle absolument personne n’est sauvé[2][1] et dans laquelle le Christ est lui-même à la fois le prêtre et le sacrifice, lui dont le corps et le sang, dans le sacrement de l’autel, sont vraiment contenus sous les espèces du pain et du vin, le pain étant transsubstantié au corps et le vin au sang par la puissance divine, afin que, pour accomplir le mystère de l’unité, nous recevions nous-mêmes de lui ce qu’il a reçu de nous. Et assurément ce sacrement, personne ne peut le réaliser, sinon le prêtre qui a été légitimement ordonné selon le pouvoir des clés de l’Église que Jésus Christ lui-même a accordé aux apôtres et à leurs successeurs.

Le sacrement du baptême qui s’effectue dans l’eau en invoquant la Trinité indivise, c’est-à-dire le Père, le Fils et le Saint-Esprit, légitimement conféré par qui que ce soit selon la forme de l’Eglise aussi bien aux enfants qu’aux adultes, sert au salut.

Et si, après avoir reçu le baptême, quelqu’un est tombé dans le péché, il peut toujours être rétabli dans son état par une vraie pénitence. Ce ne sont pas seulement les vierges et les continents, mais aussi les gens mariés qui, plaisant à Dieu par une foi droite et de bonnes oeuvres, méritent de parvenir à la vie éternelle.

 

 

 

Expositio super primam Decretalem ad archidiaconum Tudertinum

Commentaire de la première décrétale sur la condamnation des erreurs des hérétiques et des philosophes

Quia de fide sanctae Trinitatis considerandum est, primo oportet scire, quod duplex est actus fidei, scilicet corde credere et ore confiteri, secundum illud Rom. X, 10 : corde creditur ad iustitiam, ore autem confessio fit ad salutem. Uterque autem actus aliquid requirit ad sui perfectionem. Nam interior actus fidei exigit firmitatem absque omni dubitatione, quae firmitas provenit ex infallibilitate divinae veritatis, cui fides innititur; unde dicitur Iac. I, 6 : postulet autem in fide nihil haesitans. Sed confessio fidei debet esse simplex, idest absque simulatione, secundum illud I ad Timoth. I, 5 : finis praecepti est caritas de corde puro et conscientia bona et fide non ficta. Debet etiam esse simplex, idest absque erroris permixtione, secundum illud I ad Thessal. II, 3 : exhortatio nostra non fuit de errore. Debet etiam esse absque variatione, II ad Cor. I, 18 : sermo noster qui fuit apud vos, non fuit in illo est et non. Quantum ergo ad primum dicit, firmiter credimus; quantum ad secundum et simpliciter confitemur. Ulterius autem considerandum est quod fidei Christianae articuli a quibusdam duodecim, a quibusdam quatuordecim computantur. Secundum enim illos qui computant quatuordecim, septem articuli pertinent ad divinitatem, septem vero ad humanitatem.

Illi autem qui ad divinitatem pertinent, sic distinguuntur, ut unus sit articulus de divinae essentiae unitate, qui tangitur in symbolo cum dicitur : credo in unum Deum. Secundus est de persona patris, qui tangitur cum dicitur : patrem omnipotentem. Tertius est de persona filii qui tangitur cum dicitur : et in Iesum Christum filium eius. Quartus est de persona spiritus sancti, qui tangitur cum dicitur : et in spiritum sanctum. Quintus est de effectu, quo a Deo creamur in esse naturae, qui tangitur cum dicitur : creatorem caeli et terrae. Sextus de effectu Dei secundum quod recreamur in esse gratiae, qui tangitur cum dicitur : sanctam Ecclesiam Catholicam, sanctorum communionem, remissionem peccatorum. Quia per gratiam Dei in unitatem Ecclesiae congregamur, sacramenta communicamus et peccatorum remissionem consequimur. Septimus articulus est de effectu Dei quo perficimur in esse gloriae et quantum ad corpus et quantum ad animam; et hic tangitur cum dicitur : carnis resurrectionem, vitam aeternam.

Articuli vero septem ad incarnationem pertinentes sic distinguuntur, ut primus sit de Christi conceptione, qui tangitur cum dicitur : qui conceptus est de spiritu sancto. Secundus autem est de eius nativitate, qui tangitur cum dicitur : natus ex Maria virgine. Tertius est de eius passione, qui tangitur cum dicitur : passus, mortuus et sepultus. Quartus est de descensu ad Inferos : quintus de resurrectione : sextus de ascensione : ascendit ad caelos. Septimus de adventu ad iudicium : inde venturus est iudicare vivos et mortuos.

Alii vero ponentes duodecim articulos, ponunt unum articulum de tribus personis; et articulum de effectu gloriae dividunt in duos, ut scilicet alius sit articulus de resurrectione carnis, et alius de vita aeterna : et sic articuli ad divinitatem pertinentes sunt sex. Item conceptionem et nativitatem Christi sub uno articulo comprehendunt; et sic etiam articuli de humanitate sunt sex : unde omnes sunt duodecim.

Primo igitur prosequitur articulum primum de essentiae unitate; unde primo ponit unitatem divinae essentiae : unus est solus verus Deus, secundum illud Ioan. XVII, 3 : ut cognoscant te solum verum Deum. Deut. VI, 4 : audi Israel, dominus Deus tuus Deus unus est : per quod excluditur error gentilium ponentium multos deos. Dicitur autem verus Deus, quia est essentialiter et naturaliter Deus; dicuntur enim aliqui dii non veri, per adoptionem, vel per participationem divinitatis; sive nuncupative, secundum illud Psalm. LXXXI, 6 : ego dixi : dii estis. Dicuntur etiam aliqui dii secundum opinionem errantium, secundum illud Psalm. XCV, 5 : omnes dii gentium Daemonia. Deinde ostendit excellentiam divinae naturae sive essentiae. Et primo quantum ad hoc quod non comprehenditur tempore : quod significatur cum dicitur, aeternus. Dicitur enim aeternus, quia caret principio et fine, et quia eius esse non variatur per praeteritum et futurum. Nihil enim ei subtrahitur, nec aliquid ei de novo advenire potest. Unde dicit ad Moysem Exod. III, 14 : ego sum qui sum, quia scilicet eius esse non novit praeteritum nec futurum, sed semper praesentialiter esse habet. Et apostolus dicit ad Rom. ult. 26 : nunc patefactum est per Scripturas prophetarum secundum praeceptum aeterni Dei. Secundo ostenditur quod Dei magnitudo excedit incomparabiliter omnem magnitudinem creaturae, cum dicitur, immensus. Illud enim mensurari potest per aliquid aliud, quod si excedat in magnitudine, tamen excessus est secundum aliquam proportionem. Sicut binarius mensurat senarium, inquantum ter duo faciunt sex. Senarius autem excedit binarium secundum aliquam proportionem, secundum quam binarius mensurat senarium, quia est triplum eius. Deus autem excedit magnitudine suae dignitatis omnem creaturam in infinitum; et ideo dicitur immensus, quia nulla est commensuratio vel proportio alicuius creaturae ad ipsum; unde dicitur in Psalm. CXLIV, 3 : magnus dominus et laudabilis nimis, et magnitudinis eius non est finis; et Baruch III, 25, dicitur : magnus est et non habens finem, excelsus et immensus. Tertio ostenditur quod excedit omnem mutabilitatem, cum dicitur, incommutabilis, quia scilicet nulla est apud ipsum variatio, secundum illud Iacob. I, 17 : apud quem non est transmutatio, nec vicissitudinis obumbratio. Quarto ostenditur quod sua potestas transcendit omnia, cum dicitur, omnipotens, quia simpliciter omnia potest; unde ipse dicit Gen. XVII, 1 : ego Deus omnipotens. Et si quis obiiciat id quod apostolus dicit II ad Tim. II, 13 : ille fidelis permanet, negare seipsum non potest, et ita non est omnipotens : dicendum, quod negare seipsum, est deficere a se ipso, non posse autem deficere non est ex defectu potentiae, sed ex potentiae perfectione, sicut etiam apud homines ex magna fortitudine est quod aliquis vinci non possit. In hoc ergo vere Deus omnipotens ostenditur quod omnia potest facere, et in nullo potest deficere. Quinto ostenditur quod excedit omnium rationem et intellectum, cum dicitur, incomprehensibilis. Illa enim comprehendere dicimur quae perfecte cognoscimus, quantum cognoscibilia sunt. Nulla autem creatura tantum potest Deum cognoscere quantum cognoscibilis est, et propter hoc nulla creatura potest eum comprehendere; unde dicitur Iob XI, 7 : forsitan vestigia Dei comprehendes, et omnipotentem usque ad perfectum reperies? Quasi dicat, non. Et Ierem. XXXII, 18, dicitur : dominus exercituum nomen tibi, magnus consilio, et incomprehensibilis cogitatu. Sexto ostenditur quod excedit omnem locutionem, cum dicitur, ineffabilis, quia scilicet nullus potest sufficienter effari laudem ipsius : unde dicitur Eccli. XLIII, 33 : exaltate illum quantum potestis; maior est enim omni laude.

 

 

Deinde accedit ad articulum Trinitatis, ponens quidem primo nomina trium personarum, cum dicit : pater et filius et spiritus sanctus, quae quidem exprimuntur Matth. ult., 19 : docete omnes gentes, baptizantes eos in nomine patris et filii et spiritus sancti. Sed circa haec tria nomina diversimode aliqui erraverunt. Sabellius enim dixit, quod pater et filius et spiritus sanctus solis nominibus distinguuntur, dicens, eundem in persona esse, qui quandoque dicitur pater, quandoque filius, quandoque spiritus sanctus, propter rationes diversas; et ad hoc excludendum subditur : tres quidem personae : alia est enim persona patris, alia filii, alia spiritus sancti. Arius vero posuit, quod pater et filius et spiritus sanctus sicut sunt diversa nomina, ita sunt diversae substantiae; et ad hoc excludendum subdit : sed una substantia. Verum quia substantia secundum usum vocabuli aliter sumitur apud nos et aliter apud Graecos, ne circa hoc possit esse aliqua deceptio, subdit, seu natura. Apud Graecos enim hypostasis, idest substantia, accipitur, sicut apud nos persona, pro re aliqua subsistente, quam dicimus suppositum vel rem naturae, sicut hic homo est suppositum, vel res humanae naturae. Apud nos vero secundum communem usum loquendi, substantia dicitur essentia vel natura rei, secundum quod humanitas dicitur natura hominis. Sic igitur datur intelligi, quod in divinitate tres sunt subsistentes, scilicet pater et filius et spiritus sanctus, sed una numero simpliciter natura est in qua subsistunt : quod in rebus humanis contingere non potest. Petrus enim et Paulus et Ioannes sunt quidem tres subsistentes in natura humana : sed natura humana, etsi sit una specie in istis tribus, non tamen est una et eadem numero; et ideo sunt tres homines, non unus homo. Quia vero in patre et filio et spiritu sancto est una numero natura divina, dicimus quod pater et filius et spiritus sanctus sunt unus Deus, et non tres dii. Posset autem aliquis prave intelligere unam essentiam trium personarum, ita scilicet quod una pars illius naturae esset in patre, alia in filio, alia in spiritu sancto; sicut si diceremus unam aquam esse in tribus rivis defluentibus ab uno fonte, ita scilicet quod una pars aquae est in uno rivo, alia in alio, tertia in tertio. Si autem sic esset una natura trium personarum, sequeretur quod divina natura esset composita ex pluribus partibus : et ideo ad hoc excludendum subdit, simplex omnino, idest nullam compositionem habens. Omne enim compositum posterius est his ex quibus componitur; sic ergo aliquid esset prius Deo, quod est impossibile. Sed posset aliquis quaerere : si trium personarum est una simplex natura, unde ergo tres personae distinguuntur? Et ideo ad hoc respondens subdit : pater a nullo, filius a patre solo, ac spiritus sanctus pariter ab utroque. Ubi considerandum est, quod quidquid in divinis absolute dicitur, commune est et unum in tribus personis : sicut quod dicitur Deus bonus, sapiens et omnia huiusmodi. Ibi vero solum invenitur distinctum, ubi aliquid invenitur pertinens ad relationem originis, quia scilicet pater a nullo est, et secundum hoc innascibilis dicitur. Filius vero a patre est per generationem, secundum illud Psal. II, 7 : ego hodie genui te, et secundum hoc patri attribuitur paternitas, et filio filiatio. Spiritus autem sanctus ab utroque procedit; et secundum hoc spiritui sancto attribuitur processio, patri vero et filio communis spiratio, quia scilicet communiter spirant spiritum sanctum. Sic igitur quinque sunt notiones secundum quas distinctiones personarum designantur in divinis : scilicet paternitas, per quam ostenditur quod a patre est filius, filiatio per quam ostenditur quod filius est a patre; processio per quam ostenditur quod spiritus sanctus est a patre et filio; innascibilitas, per quam dignoscitur quod pater a nullo est; communis spiratio, per quam ostenditur quod pater et filius communiter spirant spiritum sanctum. Sed rursus posset alicui occurrere falsa cogitatio, ut quia in rebus humanis filius a quodam principio temporis incepit a patre generari, et generatio eius non semper durat, sed certo termino temporis finitur, sic etiam sit circa originem divinarum personarum : ut scilicet filius ab aliquo tempore inceperit a patre generari, et aliquo tempore eius generatio fuerit finita, et similiter de spiritu sancto. Et ideo ad hoc excludendum subdit : absque initio semper ac sine fine pater generans, filius nascens, spiritus sanctus ab utroque procedens. Cuius exemplum aliqualiter in creaturis inveniri potest licet imperfectum. Videmus enim quod radius a sole procedit, et statim quod fuit sol, radius processit ab eo, nec unquam desinet ab eo radius procedere quandiu sol erit. Sic autem filius procedit a patre, ut radius a sole, unde dicit apostolus ad Hebr. I, 3 : qui cum sit splendor gloriae; spiritus autem sanctus ab utroque procedit, sicut calor a sole et radio, unde dicitur in Psal. XVIII, 7 : nec est qui se abscondat a calore eius. Sed hoc exemplum deficit quantum ad hoc quod sol non semper fuit, et ideo nec radius eius semper ab eo processit : quia vero Deus pater semper fuit, semper ab eo processit filius, et ab utroque spiritus sanctus. Potest et aliud exemplum poni in anima humana, in qua verbum interius conceptum, a memoria procedit, et ab utroque procedit amor. Et ita etiam a patre procedit filius sicut verbum eius, et spiritus sanctus sicut amor communis utriusque. Sed hoc exemplum deficit in duobus. Primo quidem quia intellectus humanus non semper fuit; secundo, quia non semper verbum in corde suo actualiter concipit. Sed intellectus divinus semper fuit, et semper absque intermissione intelligit, unde semper in eo oritur verbum, quod est filius, et procedit amor, qui est spiritus sanctus. Quia vero haeretici Ariani filium patri postponebant, et spiritum sanctum utrique, ideo hoc consequenter excludit. Est autem considerandum, quod Ariani postponebant filium patri, primo quidem quantum ad essentiam, dicentes, quod essentia patris est dignior quam essentia filii : et ad hoc excludendum subdit, consubstantiales, quia scilicet una est essentia patris et filii in nullo differens. Secundo vero quantum ad magnitudinem, non quod in Deo sit magnitudo molis, sed magnitudo virtutis, quae est perfectio bonitatis suae. Dicebant enim patrem esse filio maiorem etiam secundum divinitatem : et ad hoc excludendum subdit, et coaequales. Secundum humanitatem vero dominus dicit Ioan. XIV, 28 : pater maior me est. Tertio quantum ad potestatem, dicentes filium non esse omnipotentem : et ad hoc excludendum subditur, et coomnipotentes. Quarto quantum ad durationem, quia dicebant filium non semper fuisse : et ad hoc excludendum subdit, coaeterni. Quinto quantum ad operationem. Dicebant enim quod pater operatur per filium sicut per instrumentum suum, vel sicut per ministrum : et ad hoc excludendum subdit, unum universorum principium. Non enim filius est aliud principium rerum, quasi inferius quam pater, sed ambo sunt unum principium. Et quod dictum est de filio, intelligendum est de spiritu sancto.

Deinde accedit ad alium articulum, qui est de creatione rerum, ubi varias opiniones excludit. Fuerunt enim aliqui haeretici, sicut Manichaei, qui posuerunt duos creatores : unum bonum, qui creavit creaturas invisibiles et spirituales, alium malum, quem dicunt creasse omnia haec visibilia et corporalia. Fides autem Catholica confitetur omnia, praeter Deum, tam visibilia quam invisibilia, a Deo esse creata; unde Paulus dicit Act. XVII, 24 : Deus qui fecit mundum et omnia quae in eo sunt, hic caeli et terrae cum sit dominus, etc., et Hebr. XI, 3 : fide credimus aptata esse saecula verbo Dei, ut ex invisibilibus visibilia fierent. Unde ad hunc errorem excludendum dicit : creator omnium visibilium et invisibilium, spiritualium et corporalium. Aliorum error fuit ponentium Deum quidem esse primum principium productionis rerum, sed tamen non immediate omnia creasse, sed mediantibus Angelis mundum hunc esse creatum : et hic fuit error Menandrianorum. Et ad hunc errorem excludendum subdit : qui sua omnipotenti virtute; quia scilicet sola Dei virtute omnes creaturae sunt productae, secundum illud Psal. VIII, 4 : videbo caelos tuos opera digitorum tuorum. Alius fuit error Origenis ponentis quod Deus a principio creavit solas spirituales creaturas, et postea quibusdam earum peccantibus, creavit corpora, quibus quasi quibusdam vinculis spirituales substantiae alligarentur, ac si corporales creaturae non fuerint ex principali Dei intentione productae, quia bonum erat eas esse, sed solum ad punienda peccata spiritualium creaturarum, cum tamen dicatur Gen. I, 31 : vidit Deus cuncta quae fecerat, et erant valde bona. Unde ad hoc excludendum dicit quod simul condidit utramque creaturam, scilicet spiritualem et corporalem, angelicam videlicet et mundanam. Alius error fuit Aristotelis ponentis quidem omnia a Deo esse producta, sed ab aeterno, et nullum fuisse principium temporis, cum tamen scriptum sit Gen. I, 1 : in principio creavit Deus caelum et terram. Et ad hoc excludendum addit, ab initio temporis. Alius error fuit Anaxagorae, qui posuit quidem mundum a Deo factum ex aliquo principio temporis, sed tamen materiam mundi ab aeterno praeextitisse, et non esse eam factam a Deo, cum tamen apostolus dicat Rom. IV, 17 : qui vocat ea quae non sunt tanquam ea quae sunt. Et ad hoc excludendum addit, de nihilo. Fuit autem alius error Tertulliani ponentis animam hominis corpoream esse, cum tamen apostolus dicat I ad Thess. V, 23 : integer spiritus vester et anima et corpus sine querela in adventu domini nostri Iesu Christi servetur; ubi manifeste a corpore animam et spiritum distinguit. Et ad hoc excludendum subdit : deinde, scilicet condidit Deus, humanam, scilicet naturam, quasi communem, ex spiritu et corpore constitutam; componitur enim homo ex spirituali natura et corporali. Secundum autem praedictum Manichaeorum errorem ponentium duo principia, unum bonum et unum malum, non solum attendebatur distinctio quantum ad creationem visibilium et invisibilium creaturarum, ut scilicet invisibilia sint a bono Deo, visibilia vero a malo, sed etiam quantum ad ipsa invisibilia. Ponebant enim primum principium esse invisibile, et ab eo quasdam invisibiles creaturas esse productas, quas dicebant esse naturaliter malas : et sic in ipsis Angelis erant quidam naturaliter boni ad bonam creationem boni Dei pertinentes, qui peccare non poterant; et quidam naturaliter mali, quos Daemones vocamus, qui non poterant non peccare, contra id quod dicitur Iob IV, 18 : ecce qui serviunt ei, non sunt stabiles, et in Angelis suis reperit pravitatem. Similiter etiam circa animas hominum errabant, dicentes, quasdam esse bonae creationis, quae naturaliter bonum faciunt, quasdam autem malae creationis, quae naturaliter faciunt malum, contra id quod dicitur Eccle. VII, 30 : Deus fecit hominem rectum, et ipse immiscuit se infinitis quaestionibus. Et ideo ad haec excludenda, dicit : Diabolus autem, scilicet principalis, et alii Daemones quidem a Deo natura creati sunt boni, sed ipsi per se facti sunt mali, scilicet per liberum voluntatis arbitrium : homo vero Diaboli suggestione peccavit, idest, non naturaliter, sed propria voluntate.

Deinde accedit ad articulum incarnationis;

et quia Evangelium Christi, sicut dicit apostolus Rom. I, 2 : Deus ante promiserat per prophetas suos in Scripturis sanctis, ideo praemittit de praenuntiatione prophetarum, circa quam etiam quidam erraverunt. Nam Manichaei et alii quidam haeretici vetus testamentum dixerunt non a bono Deo, qui est pater Christi, sed a malo Deo esse traditum, et per consequens doctrinam veteris testamenti semper fuisse mortiferam; quod manifeste falsum ostenditur per hoc quod dominus dicit Ioan. II, 16, de templo Iudaeorum loquens : nolite facere domum patris mei domum negotiationis, ubi manifeste patrem suum dicit Deum veteris testamenti, qui in templo Iudaeorum colebatur. Ariani vero dixerunt, in veteri testamento diversis visionibus filium apparuisse, non autem patrem : quod manifeste falsum ostenditur per hoc quod Abrahae in figuram Trinitatis tres viri apparuerunt, ut legitur Gen. XVIII. Cathaphryges etiam posuerunt, prophetas veteris testamenti quasi arreptitios esse locutos, non intelligentes quae loquebantur, contra id quod dicitur Dan. X, 1 : intelligentia opus est in visione. Ad hos igitur errores excludendos dicit, quod haec sancta Trinitas, de qua scilicet dictum est, quae scilicet est secundum communem essentiam individua, et secundum personales proprietates discreta per Moysem et sanctos prophetas aliosque famulos suos. Ubi videtur distinguere vetus testamentum, scilicet in legem quae per Moysem data est et in prophetas, sicut fuit Isaias, Ieremias, etc. et in eos qui Agiographa conscripserunt, sicut fuit Salomon, Iob, et alii huiusmodi, quos famulos Dei hic nominat; secundum quam distinctionem dominus dicit Lucae ult. 44 : oportet impleri omnia quae scripta sunt in lege et prophetis et Psalmis de me. Iuxta ordinatissimam dispositionem temporum : quod ponitur ad excludendum obiectionem gentilium, qui fidem Christianam irridebant ex hoc quod post multa tempora, quasi subito Deo in mentem venerit legem Evangelii hominibus dari. Non autem fuit subitum, sed convenienti ordinatione dispositum, ut prius humano generi per legem et prophetas fieret praenuntiatio de Christo, tanquam hominibus tunc parvulis et minus eruditis, secundum illud Gal. III, 24 : lex paedagogus noster fuit in Christo, et hoc est quod dicit, quod iuxta ordinatissimam dispositionem temporum doctrinam humano generi tribuit salutarem, non mortiferam, ut Manichaei dicebant.

His igitur praemissis, accedit ad ipsum incarnationis mysterium explicandum, in quo etiam diversos errores excludit. Ubi primo sciendum est, quod Sabelliani confundentes divinas personas concedebant patrem esse incarnatum, quia dicebant eundem in persona esse patrem et filium. E contrario autem Ariani dividentes substantiam divinitatis, ex hoc quod filius est incarnatus, et non pater, volebant concludere aliam esse essentiam patris et filii, et aliam operationem utriusque. Fides autem Catholica media via inter utrumque incedens, propter distinctionem personarum dicit filium solum esse incarnatum (est enim facta incarnatio per unionem in persona, non in natura, ut infra determinant); propter unitatem autem naturae et operationis in tribus personis, dicit totam Trinitatem operatam fuisse incarnationem; et hoc est quod dicit : et tandem unigenitus Dei filius Iesus Christus a tota Trinitate communiter incarnatus. Fuit etiam error Helvidii, qui posuit Mariam quidem virginem concepisse et peperisse, sed post partum non semper virginem permansisse, sed ex Ioseph postmodum alios filios genuisse; et ad hoc excludendum dicit : ex Maria semper virgine. Alii vero, scilicet Ebionitae, gravius erraverunt, dicentes etiam Christum ex Ioseph semine esse conceptum; ad quod excludendum subditur : spiritu sancto cooperante est conceptus. Fuerunt autem alii, scilicet Manichaei, qui dixerunt Christum non veram carnem accepisse, sed phantasticam, contra id quod dominus discipulis aestimantibus post resurrectionem eum phantasma esse, dixit, Luc. ult. 39 : spiritus carnem et ossa non habet, sicut me videtis habere; ad quod excludendum dicit, verus homo factus. Ariani vero dixerunt quod filius Dei assumpsit solam carnem sine anima, et quod verbum fuit carni loco animae. Sed postea Apollinaristae dixerunt eum habere animam sensitivam tantum, contra id quod dicitur Matth. XXVI, 38 : tristis est anima mea usque ad mortem; et Ioan. X, 18 : potestatem habeo ponendi animam meam; et ideo ad hoc excludendum dicit, ex anima rationali. Alii vero, scilicet sequaces Valentini, posuerunt corpus Christi non esse assumptum de virgine, sed de caelo allatum, contra id quod dicitur ad Gal. IV, 4 : factum ex muliere; et Rom. I, 3 : qui factus est ei ex semine David secundum carnem. Et ad hoc excludendum dicit, et humana carne compositus. Circa ipsam autem unionem contrarie erraverunt Nestorius et Eutyches; quorum Nestorius posuit unionem esse factam solum secundum inhabitationem gratiae, sicut etiam in aliis sanctis Deus dicitur esse per inhabitantem gratiam, ut sic Dei et hominis sit alia et alia persona, contra id quod dicitur Ioan. I, 14 : verbum caro factum est, idest filius Dei factus est homo; quod non potest dici de aliis quos per gratiam inhabitat. Eutyches vero posuit, quod facta est unio Dei et hominis in unam naturam, ita scilicet quod Christum asserebat esse quidem ex duabus naturis, non autem in duabus quia scilicet intendebat quod ante incarnationem erant duae naturae, Dei et hominis; sed post incarnationem facta est una natura. Unde ad utrumque excludendum dicit : una in duabus naturis persona viam vitae manifestius demonstravit. Fuerunt enim quidam Eutychis sectatores, scilicet Theodosius et Gaianus, qui ponentes unam naturam in Christo, quasi ex divinitate et humanitate confectam, diversimode erraverunt : nam Theodosius posuit illam naturam esse corruptibilem et passibilem; Gaianus autem incorruptibilem et impassibilem. Et ad hos errores excludendos, subdit : qui cum secundum divinitatem sit immortalis et impassibilis, secundum humanitatem factus est passibilis et mortalis.

 

Deinde accedit ad articulum passionis, dicens : qui etiam pro salute humani generis in ligno crucis passus et mortuus. Post quem ponit articulum de descensu ad Inferos, dicens : descendit ad Inferos. Postea vero ponit articulum de resurrectione Christi : et resurrexit a mortuis. Ac deinde ponit articulum de ascensione, dicens, ascendit in caelum. Sed notandum est quod horum articulorum veritatem praedictus Arii et Apollinaris error salvare non potest. Si enim Christus animam non habuit, sed verbum fuit carni loco animae, et in morte separatum fuit a carne, consequens est quod illud quod carni convenit, de filio Dei dici non possit : unde non potest dici quod filius Dei iacuit in sepulcro, vel quod a mortuis resurrexit. Similiter etiam dici non poterit quod ad Inferos descendit, quia divinitati secundum seipsam, cum sit omnino immobilis, ascendere et descendere convenire non potest. Et ideo ad excludendum praedictum errorem, praedictorum articulorum veritatem explicat subdens : sed descendit in anima, et resurrexit in carne, ascenditque pariter in utroque. In morte enim Christi anima est separata a carne, sed divinitas indivisibiliter utrique, scilicet animae et carni, mansit unita. Unde cum anima Christi descendit ad Inferos, dicitur filius Dei descendisse secundum animam sibi unitam. Similiter etiam cum caro Christi, quae in morte quodammodo ceciderat, resurrexit ad vitam, dicitur filius Dei, qui secundum divinam naturam mori non poterat, secundum carnem resurrexisse, per hoc quod caro iterato animam resumpsit; et sic secundum utrumque, idest secundum animam et corpus, ascendit in caelum.

Deinde ponit articulum de adventu ad iudicium, dicens : venturus in fine iudicare vivos et mortuos. Dicit autem vivos eos qui reperientur vivi in adventu iudicis, mortuos autem eos qui ante fuerunt praemortui : quod non est sic intelligendum, quasi aliqui sint futuri qui non moriantur, sed quia in ipso adventu iudicis morientur et statim resurgent. Vel vivos et mortuos intellige spiritualiter, idest iustos et peccatores. Et quia aliqui fuerunt ponentes quod in finali iudicio aliqui salvabuntur non propriis meritis, sed precibus aliquorum sanctorum donati; ideo ad hoc excludendum subdit : et redditurus singulis secundum merita sua, tam reprobis quam electis.

 

Deinde ponit articulum resurrectionis generalis, quae pertinet ad effectum gloriae, dicens : qui omnes tam reprobi quam electi cum suis propriis resurgent corporibus, quae nunc gestant : quod ponitur ad excludendum quorundam haereticorum errorem, qui dicunt, quod resurgentes non habebunt eadem corpora quae nunc per mortem deponunt, sed quaedam corpora de caelis allata; quod est contra illud apostoli I ad Cor. XV, 53 : oportet corruptibile hoc induere incorruptionem. Consequenter assignat rationem resumptionis corporum, cum dicit : ut recipiant secundum opera sua, sive bona fecerint, sive mala. Quia enim homo aut bene aut male operatus est in anima simul et corpore, iustum est ut in utroque simul damnetur aut praemietur. Et quia Origenes posuit quod poena damnatorum non erit perpetua, similiter nec gloria beatorum; ideo ad hoc excludendum dicit : et illi cum Diabolo poenam aeternam, et isti cum Christo gloriam sempiternam. Sicut enim invidia Diaboli mors intravit in orbem terrarum, ut dicitur Sap. I, 24, ita per gratiam Christi reparamur ad vitam, secundum illud Ioan. X, 10 : ego veni ut vitam habeant, et abundantius habeant.

 

Deinde accedit ad articulum qui est de effectu gratiae : et primo tangit effectum gratiae quantum ad Ecclesiae unitatem, cum dicit : una est fidelium universalis Ecclesia, extra quam nullus salvatur omnino. Unitas autem Ecclesiae est praecipue propter fidei unitatem : nam Ecclesia nihil est aliud quam congregatio fidelium. Et quia sine fide impossibile est placere Deo, ideo extra Ecclesiam nulli patet locus salutis. Salus autem fidelium consummatur per Ecclesiae sacramenta, in quibus virtus passionis Christi operatur, et ideo consequenter exponit quid fides Catholica sentiat circa Ecclesiae sacramenta. Et primo circa Eucharistiam, cum dicit : in qua scilicet Ecclesia ipse idem Christus est sacerdos et sacrificium, quia scilicet ipse obtulit semet ipsum in ara crucis oblationem et hostiam Deo in odorem suavitatis, ut dicitur ad Ephes. V, 2, in cuius sacrificii commemorationem cotidie in Ecclesia offertur sacrificium sub sacramento panis et vini. Circa quod sacramentum tria determinat. Primo quidem veritatem rei sub sacramento contentae, cum dicit : cuius corpus et sanguis in sacramento altaris sub speciebus panis et vini veraciter continentur. Dicit autem veraciter, ad excludendum errorem quorundam qui dixerunt quod in hoc sacramento non est corpus Christi secundum rei veritatem, sed solum secundum figuram, sive sicut in signo. Dicit autem : sub speciebus panis et vini, ad excludendum errorem quorundam qui dixerunt quod in sacramento altaris simul continetur substantia panis, et substantia corporis Christi; quod est contra verbum domini dicentis, hoc est corpus meum. Esset enim secundum hoc magis dicendum : hic est corpus meum. Ut ergo ostendat quod in hoc sacramento non remanet substantia panis et vini, sed solum species, idest accidentia sine subiecto, dicit : sub speciebus panis et vini. Secundo ostendit quomodo corpus Christi incipiat esse sub sacramento, scilicet per hoc quod substantia panis convertitur miraculose in substantiam corporis Christi, et substantia vini in substantiam sanguinis; et hoc est quod dicit : transubstantiatis pane in corpus Christi et vino in sanguinem potestate divina, ut ad mysterium perficiendum unitatis, idest ad celebrandum hoc sacramentum, quod est ecclesiasticae unitatis signum, accipiamus ipsi de suo quod accepit ipse de nostro. In hoc enim sacramento accipimus de corpore et sanguine Christi, quae filius Dei accepit de nostra natura. Tertio determinat ministrum huius sacramenti, in quo etiam tangit ordinis sacramentum, et hoc est quod dicit, et hoc utique sacramentum nemo potest conficere, nisi rite fuerit sacerdos ordinatus : quod est contra haeresim pauperum Lugdunensium, qui dicunt quemlibet hominem istud sacramentum posse conficere. Addit autem : secundum claves Ecclesiae, quas ipse concessit apostolis et eorum successoribus Iesus Christus. Quod dupliciter potest intelligi : vel quia sacerdos rite ordinatus claves Ecclesiae suscipit, vel quia secundum potestatem clavium sacerdotalis ordo confertur. Sunt autem claves Ecclesiae auctoritas discernendi et potestas iudicandi.

 

Deinde accedit ad sacramentum Baptismi; circa quod primo tangit formam, cum dicit : sacramentum vero Baptismi quod ad invocationem individuae Trinitatis, videlicet patris et filii et spiritus sancti; haec est enim forma Baptismi : ego te baptizo in nomine patris et filii et spiritus sancti, ut traditur Matth. ult. 19. Secundo ponitur materia, cum dicitur, consecratur in aqua. Non enim in alio liquore potest hoc sacramentum perfici, nisi in vera aqua. Tertio ostendit quibus sit conferendum hoc sacramentum, cum dicit : tam parvulis quam adultis : quod ponitur ad excludendum errorem Pelagianorum, qui dicebant parvulos non habere peccatum originale, propter quod oporteat eos ablui per Baptismum. Quarto tangit ministrum huius sacramenti, cum dicit : in forma Ecclesiae a quocumque rite collatum proficit ad salutem; quod est contra errorem Donatistarum, qui baptizatos ab haereticis dicebant non suscipere verum Baptisma, sed esse rebaptizandos. Fides autem Catholica recognoscit verum Baptisma a quocunque fuerit collatum in forma Ecclesiae supradicta.

Deinde accedit ad sacramentum poenitentiae, dicens : et si post susceptionem Baptismi quisquam prolapsus fuerit in peccatum, per veram poenitentiam semper potest reparari; quod ponitur ad excludendum errorem Novatianorum, qui dicebant quod peccantes post Baptismum non possunt reparari per poenitentiam.

Deinde accedit ad sacramentum matrimonii, dicens : non solum autem virgines et continentes, verum etiam et coniugati, per fidem rectam et operationem bonam placentes Deo, ad aeternam merentur pervenire beatitudinem; quod ponitur ad excludendum errorem Tatianorum et Manichaeorum, qui nuptias damnabant. De aliis autem sacramentis mentionem non facit, quia circa ea non fuit specialiter erratum.

Il faut considérer deux choses quant à la foi en la sainte Trinité. Il faut savoir d’abord qu’il y a deux espèces d’actes de foi, c’est-à-dire, croire de coeur et confesser de bouche, selon ce texte de saint Paul, dans son Epître aux Romains, chap. X, 10 : "Il faut croire de coeur pour être justifié, et confesser sa foi par ses paroles pour obtenir le salut." Mais ces deux actes ont leurs conditions pour être complets. Car l’acte de foi intérieur exige une adhésion pleine et entière, qui exclut tout doute, adhésion qui a sa source dans l’infaillibilité de la vérité divine sur laquelle repose la foi. C’est pour cela que saint Jacques dit dans son Epître catholique, ch. I, 6 : "Il faut demander avec foi, sans hésiter." Il faut aussi confesser sa foi avec sincérité, c’est-à-dire sans aucune dissimulation, selon les paroles de saint Paul à Timothée, I° Epître, ch. I, 5 : "La fin des commandements c’est la charité qui naît d’un coeur pur, d’une bonne conscience et d’une foi sincère." Elle doit être simple c’est-à-dire sans mélange d’erreur, d’après saint Paul, I° Epître aux Thessaloniciens, ch. II, 3 : "Nous ne vous avons pas prêché une doctrine d’erreur." Elle ne doit pas être  sujette aux variations de l’esprit, II° Epître aux Corinthiens, ch. I, 18 : "Il n’y a pas eu de oui et de non, dans la parole que je vous ai annoncée." Il dit, par rapport au premier acte de foi, "Nous croyons fermement;" et quant au second "Nous confessons avec simplicité." Enfin, il faut remarquer que quelques-uns admettent douze articles de la foi chrétienne, d’autres quatorze. Selon ceux qui en comptent quatorze, il y en a sept sur la divinité et sept sur l’humanité [du Sauveur].

Ceux qui concernent la divinité, se divisent ainsi :

Le premier, qui est le seul sur l’unité de l’essence divine, est exprimé de cette façon dans le Symbole : "Je crois eu un seul Dieu." Le second concerne la personne du Père, ainsi exprimée : "Je crois au Père tout puissant." Le troisième, la personne du Fils, s’exprimant ainsi : "Et en Jésus-Christ son Fils." Le quatrième, la personne du Saint Esprit : "Et au Saint Esprit." Le cinquième, l’action de Dieu par la quelle nous avons l’Etre naturel, est ainsi rendu "Créateur du ciel et de la terre." Le sixième, l’article de Dieu qui nous remet dans l’état de grâce, formulé de cette manière : "La sainte Eglise catholique, la communion des saints et la rémission des péchés." En effet, par la grâce de Dieu, nous sommes réunis dans l’unité de l’Eglise, nous participons aux sacrements et nous recevons la rémission de nos péchés. Le septième exprime l’acte de Dieu qui établit en nous l’état de gloire de l’âme et du corps; et c’est ce qui est dit par ces paroles : "La résurrection de la chair et la vie éternelle."

 

 

Les sept articles relatifs à l’incarnation sont ainsi divisés :

Le premier a trait à la conception de Jésus-Christ, exprimé par ces paroles : "Qui a été conçu du Saint Esprit;" Le second de sa naissance : "Né de la Vierge Marie;" Le troisième à sa passion, qui est ainsi racontée : "Qui a souffert, est mort et a été enseveli;" Le quatrième dit qu’il est descendu aux enfers; Le cinquième exprime sa résurrection; Le sixième raconte son ascension : "II est monté au ciel; " Le septième prédit son avènement en vue du jugement dernier : "D’où il viendra juger les vivants et les morts."

 

Ceux qui n’admettent que douze articles, n'en font qu’un touchant les trois personnes et partagent en deux celui de l’action de Dieu [qui établit en nous] la gloire; l’un concernant la résurrection de la chair et l’autre la vie éternelle. Ce qui fait qu’il y a six articles sur la divinité. Ils comprennent également dans le même article, la conception et la nativité de Jésus-Christ, ce qui fait aussi six articles sur l’humanité de Jésus-Christ; et ainsi, douze en tout.

 

Le premier article établit l’unité de l’essence

En sorte qu’ils commencent par poser l’unité de l’essence divine. Il n’y a qu’un seul et vrai Dieu, selon ces paroles de l’Evangile de saint Jean, chap. XVII, 3 : Afin qu’ils connaissent que vous êtes seul vrai Dieu," et au Deutéronome, chap. VI, 4 : "Ecoute, Israël, le Seigneur ton Dieu est un seul Dieu;" ces paroles condamnent l’erreur de gentils qui admettaient plusieurs dieux. En effet, on dit qu’il est le vrai Dieu, parce qu’il est naturellement et essentiellement Dieu. Quelquefois certains ont appelé dieux des êtres qui n’étaient pas de vrais dieux, mais seulement par adoption, ou par participation la Divinité, ou qui étaient soi-disant des dieux, d’après ces paroles du Psaume LXXXI, 6 : "Je l’ai dit, vous êtes des dieux." Il y a  encore d’autres qu’on appelle dieux, selon l’opinion erronée, d’après ce qu’on lit au Psaume XCV, 5 : "Tous les dieux des nations sont des démons." On démontre ensuite l’excellence de la nature ou de l’essence divine. D’abord, en ce qu’elle n’est pas soumise au temps, ce qu’exprime la qualification "d’éternel," qu’on donne à Dieu. Il est tel, parce qu’il n’a ni commencement ni fin, et que son être ne connaît aucun changement en fonction du passé et de l’avenir. En effet, on ne peut rien lui retrancher, et rien de nouveau ne peut lui advenir. C’est pourquoi il dit à Moïse, au chap. III, 4 de l’Exode : "Je suis celui qui suis," parce que son être n’admet ni passé, ni futur, mais qu’il est toujours essentiellement le même. Saint Paul dit dans le dernier chapitre de son Epître aux Romains (Rm 16.26) : "[Le mystère de l’Evangile] a été maintenant découvert par le moyen des oracles des prophètes, selon l’ordre du Dieu éternel. » On dit Dieu « 'immense », ce qui prouve, en second lieu, que sa grandeur surpasse incomparablement en étendue celle de toutes les créatures. Une chose, en effet, peut être mesurée par rapport à une autre et même qi elle la dépasse en grandeur, c’est selon un certain rapport.

Par exemple, le nombre deux peut être appliqué comme terme de comparaison au nombre six, en ce que trois fois deux font six. Or six dépasse deux d’une certaine quantité, qui peut servir de terme de comparaison au nombre six dans lequel il est contenu trois fois. Mais Dieu surpasse infiniment toutes les créatures par la grandeur de sa majesté; voilà pourquoi on dit qu’il est « immense », parce qu’il n’y a aucune mesure de comparaison possible, ni aucune proportion entre lui et les créatures. Aussi est-il appelé dans le XLVIII° Psaume de David (Ps 144.3) : "Dieu est grand, infiniment louable, et il n’y a pas de limite à sa grandeur." Et dans le prophète Baruch, chap. III, 25 : "Il est grand, sans fin, très haut et immense." On prouve, troisièmement, qu’il n’est sujet à aucun changement en le nommant "incommutable," parce qu’il n’y a pas de variation en lui, comme le dit saint Jacques, ch. I, 17 : "Chez lequel il n’y a aucun changement, ni ombre de vicissitude." Quatrièmement,  on montre que sa puissance est au-dessus de tout par l’expression : "Tout-puissant," parce qu’il peut tout par sa nature. Aussi lui dans le dix-septième chapitre de la Genèse (Gn 17.1) : "Moi Dieu tout-puissant." Que si on oppose à cela les paroles de saint Paul dans sa seconde Epître à Timothée, chap. II, 13 : "Il est fidèle, et ne peut se nier lui-même.", donc il n’est pas tout-puissant. Nous dirons que se nier c’est faillir à soi-même; mais ne le pas pouvoir, n’est pas, en Dieu, faillir à soi-même par manque de puissance, mais c’est au contraire une perfection de puissance, comme, dans un homme, ne pouvoir être vaincu est le fait d’une grande force. Ce qui prouve donc que Dieu est véritablement tout-puissant c’est qu’il peut tout et que rien n’est au-dessus de son pouvoir.

Le titre "d’incompréhensible" prouve, cinquièmement, qu’il dépasse la raison et l’intelligence de toutes les créatures. Car nous disons que nous comprenons une chose, quand nous la connaissons à fond autant qu’elle peut être connue. Or, nulle créature ne peut connaître Dieu autant qu’il peut être connu, ni par conséquent le comprendre. C’est ce qui fait dire à Job, chap. XI, 17 : "Peut-être prétendez-vous sonder ce qui est caché en Dieu et connaître parfaitement le Tout Puissant ?" [Il prend le mode interrogatif] pour dire, « vous ne le pourrez jamais ». Et dans Jérémie, ch. XXXIII, 18 : "Votre nom est le Seigneur des armées : grand dans ses desseins et incompréhensible à la pensée." On fait voir en sixième lieu qu’il n’y a pas d’expression qui puisse dire ce qu’il est, puisqu’on l’appelle "l’ineffable," parce personne ne peut exprimer adéquatement sa louange. Aussi est-il écrit dans l’Ecclésiastique, ch. XLIII, 33 : "Louez-le autant que vous le pourrez, sa grandeur dépasse toute expression."

 

On passe ensuite à l’article de la sainte Trinité

 

En nommant d’abord les trois personnes divines, Père, Fils et Saint Esprit, qui sont désignées ainsi dans le dernier chapitre de l’Evangile de saint Matthieu (Mt 28.19) : "Instruisez toutes les nations, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit." Diverses erreurs ont été commises à l’égard de ces trois noms. Sabellius dit, en effet, qu’il n’existe entre elles d’autre distinction, que les termes, et que bien qu’elles soient appelés, tantôt Père, tantôt Fils et tantôt Saint Esprit, pour différents motifs,ils ne font tous trois qu’une même personne. Pour toute réfutation, nous ne ferons que citer ces paroles : il y a trois personnes divines, celle du Père, celle du Fils et celle du Saint Esprit. Arius, au contraire, soutient que les substances sont différentes aussi bien que les noms. Pour combattre cette erreur, on ajoute : "Dans une même substance." Et comme le terme de substance a une autre signification en grec qu’en latin, afin d’exclure toute espèce d’erreur, on ajoute : "ou même nature." Car le mot hypostase, en grec, est employé pour « substance », comme chez nous le terme de personne signifie un être quelconque, que nous nommons suppôt, ou un objet quelconque de la nature, par exemple, un homme est un suppôt ou un objet de la nature humaine. Mais dans notre manière de parler ordinaire, nous entendons par substance, l’essence ou la nature d’une chose : c’est ainsi que nous entendons par humanité, la nature de l’homme. On comprend par là, qu’on a voulu dire qu’il y a dans la Trinité, trois êtres subsistants, savoir : le Père, le Fils et le Saint Esprit, mais qu’il n’y a qu’une seule substance pour les trois personnes, ce qui ne peut avoir lieu pour les choses humaines. Car Pierre, Paul et Jean sont trois êtres subsistants de la nature humaine. Or, quoique la nature humaine soit de la même espèce dans ces trois personnes, elle diffère en nombre, ce qui fait que Pierre, Paul et Jean sont trois hommes et non un seul et même homme. Mais comme il n’y a qu’une nature divine, nous disons que le Père, le Fils et le Saint Esprit sont un seul Dieu et non trois dieux. On pourrait peut-être imaginer faussement cette même essence des trois personnes divines, réparties entre elles, de telle sorte qu’une partie de cette nature appartint au Père, l’autre au Fils et la troisième au Saint Esprit; de même qu’on dirait qu’une source qui se partagerait en trois branches, de telle manière qu’une partie formerait un courant, l’autre un second et le dernier un troisième, ne serait qu’une même eau. Mais s’il en était ainsi de la nature des trois personnes [de la sainte Trinité], il s’ensuivrait que la nature divine serait composée de plusieurs parties, et c’est pour prévenir cette erreur, qu’il est dit "tout à fait simple," c’est-à-dire sans juxtaposition de parties. Or, tout composé est postérieur aux parties qui forment son tout; il faudrait donc, d’après cette hypothèse, quelque chose d’antérieur à Dieu, ce qui est impossible. On pourrait encore poser la question : s’il n’y a qu’une nature simple pour les trois personnes, comment les trois personnes peuvent-elles être distinctes ? L’auteur répond à ceci, en disant : « le Père ne procède d’aucun des deux autres, le Fils procède du Père et le Saint Esprit de l’un et de l’autre. » Il faut remarquer ici que tout ce que l’on affirme de Dieu en général est commun aux trois personnes divines; comme quand on dit : "Dieu est bon, sage," etc., car on ne peut faire d’autre différence entre elles que dans ce qui pourrait avoir trait à la relation d’origine, par exemple, que le Père ne vient d’aucune des trois personnes, ce qui fait qu’il est innascible. Le Fils est appelé ainsi parce qu’il vient du Père par voie de génération, selon ces paroles du Psaume II, 7 : "Je t’ai engendré aujourd’hui." C’est d’après cela que l’on attribue la paternité au Père et la filiation au Fils. Le Saint Esprit procède de l’un et de l’autre; c’est à cause dé cela qu’on lui attribue la procession, et au Père et au Fils une inspiration commune [aux deux personnes], parce qu’ils inspirent ensemble le Saint Esprit. La distinction des personnes divines repose donc sur cinq titres, savoir : la paternité, qui nous montre qu’il a engendré le Fils; la filiation, qui nous fait voir que le Fils a été engendré par le Père, et la procession, qui nous dit que le Saint- Esprit procède du Père et du Fils; l’innascibilité, qui démontre que la personne du Père ne vient d’aucune autre; l’inspiration commune, que le Père et le Fils inspirent ensemble le Saint Esprit. Mais on peut encore avoir cette fausse idée, que, puisque sur le plan humain, le Fils commence à être engendré par son Père à tel moment du temps et que sa génération ne dure pas toujours mais se trouve à un certain moment du temps, il en est également de même de la génération des personnes divines, si bien que le Fils a commencé à être engendré par le Père à un certain moment et a fini d’être engendré à tel autre, et ainsi du Saint Esprit. En réponse à cela, on dit : Le Père a engendré dès le commencement et continue sans cesse d’engendrer, le Fils naît et le Saint Esprit procède de l’un et de l’autre, sans cesse et sans fin. Nous voyons un exemple semblable dans les créatures, quoique bien imparfait. Ainsi le rayon procède du soleil, et dès que le soleil paraît le rayon procède de lui et il ne cessera pas; la procession ne cessera pas, tant que le soleil sera [sur l’horizon]. De même, le Fils procède du Père, comme le rayon du soleil. C’est pourquoi saint Paul dit dans son Epître aux Hébreu ch. I, 3 : "Et comme il est le rayonnement de sa gloire". Or, le Saint Esprit procède de l’un et de l’autre, comme la chaleur procède du soleil et du rayon. C’est pourquoi est-il dit au Psaume XVIII, 7 : "Personne ne peut se dérober à sa chaleur." Mais cet exemple est défectueux, en ce sens que le soleil n’a pas toujours existé et que le rayon n’a pas toujours procédé de lui; tandis que le Père a été toujours, le Fils a toujours procédé de lui et le Saint de l’un et de l’autre. On peut encore prendre un autre exemple dans l’âme de l’homme, de laquelle le Verbe conçu intérieurement procède de la mémoire, et l’amour procède de l’un et de l’autre. De même, le Fils procède du Père comme son Verbe, et le Saint Esprit comme L’amour qui les unit l’un et l’autre. Mais cet exemple pèche sur deux points. D’abord, parce que l’intelligence de l’homme n’a pas été toujours; Secondement, parce qu’il ne conçoit pas sans cesse et actuellement le verbe dans son cœur. Tandis que l’intellect divin a toujours existé et exerce son intelligence toujours sans fin; d’où naît sans cesse en lui le Verbe qui est le Fils, et procède l’amour qui est le Saint Esprit. Ceci réfute donc l’hérésie des Ariens qui faisaient le Fils inférieur au Père et le Saint Esprit inférieur aux deux autres personnes. Mais il faut faire attention que les Ariens faisaient le Fils inférieur au Père quant à l’essence, en soutenant que l’essence du Père est plus noble que celle du Fils. On combat cette erreur, en les appelant "Consubstantiels;" c’est-à-dire que l’essence du Père et du Fils est absolument la même et ne diffère en rien. Secondement, ces hérétiques attestaient que le Fils est inférieur au Père en grandeur, non pas qu’il y ait en Dieu une grandeur matérielle, mais une grandeur de puissance, qui est la perfection de sa bonté. Ils soutenaient, en effet, que le Père est plus grand que le Fils en divinité. Les mots "égaux en tout" réfutent cette prétention. Il est vrai que, selon l’humanité, le Seigneur dit dans 1’Evangile de saint Jean, ch. XIV, 28 : "Le Père est plus grand que moi." Les hérétiques attaquant, en troisième lieu, la puissance divine du Fils, disaient que le Fils n’était pas tout-puissant. C’est pour réfuter cette erreur, que [la Décrétale] ajoute des trois personnes divines : "Ayant toutes la toute-puissance." Quatrièmement, son éternité, en affirmant qu’il n’avait pas toujours été, ce qui est       réfuté par cette parole "coéternel." Cinquièmement, son opération divine. Ils soutenaient que le Père opérait par le Fils, comme à l’aide d’un instrument ou d’un ministre, ce qu’on réfute en disant : "il n’y           a qu’un seul principe de toutes choses." Car le Fils n’est pas un autre principe, et comme inférieur au Père, mais ils ne sont qu’un même principe, et il faut appliquer au Saint Esprit tout ce que nous avons dit du Fils.

 

On passe ensuite à l’article de la création de l’univers

où l’on réfute tous les différents systèmes [des hérétiques]. Il y en a, par exemple les Manichéens, qui admettaient deux créateurs, l’un bon, qui a fait les créatures invisibles et spirituelles; l’autre mauvais, auquel ils attribuent la création des choses visibles et corporelles. Or, la foi catholique enseigne, qu’excepté Dieu, toutes les créatures visibles et invisibles ont été créées de Dieu. C’est ce qui fait dire à saint Paul aux Actes des Apôtres, ch. XVII, 24 : "Dieu qui a fait le monde et tout ce qu’il y a dans le monde, étant le maître du ciel et de la terre, etc." Et dans l’Epître aux Hébreux, ch. XI, 3 : "C’est par la foi que nous savons que le monde a été fait par la parole de Dieu, en sorte que les choses invisibles sont devenues visibles ». C’est contre cette erreur qu’il est dit : "Créateur de toutes les choses visibles et invisibles, spirituelles et corporelles."

L’autre erreur est celle de ceux qui prétendent que Dieu a bien été le premier principe de toutes les créatures, mais qu’il ne les a pas toutes produites immédiatement, et que ce monde a été créé par l’intermédiaire des anges. C’est ce que disaient les disciples de Ménandre. La Décrétale y oppose cette définition : "Qui, par sa vertu toute puissante;" parce que toutes les créatures existent par la seule toute puissance de Dieu, selon ces paroles du Psaume VIII, 4 : "Je verrai tes cieux, ouvrage de tes doigts." Une autre opinion erronée est celle que soutient Origène, qui prétend que Dieu n’avait créé au commencement que des substances spirituelles, et que dans la suite quelques-unes d’elles s’étant rendues coupables de péché, il créa des corps pour y enfermer les substances spirituelles comme dans  des liens, comme si les êtres corporels n’avaient pas été créés par une pensée principale de Dieu, parce qu’il était bon qu’elles existassent, mais bien accidentellement et pour servir de châtiment au péché des créatures spirituelles, quoique la Genèse nous dise, au ch. I, 31 : "Dieu vit tout ce qu’il avait créé et tout était parfaitement bon." C’est pour cela que la Décrétale dit : "Il créa, en même temps, dès le principe, les créatures spirituelles et corporelles, les substances angéliques et les substances terrestres." Aristote tomba dans une autre erreur, en disant que Dieu avait tout créé, mais de toute éternité, et qu’il n’y avait pas eu de commencement du temps, alors qu’il est écrit (Gn 1.1) : "Au commencement du temps." Contre cette opinion, la Décrétale ajoute « Au commencement du temps ». Anaxagore disait, au contraire, que la création .faite par Dieu avait eu son commencement, mais que sa matière première préexistait de toute éternité et qu’elle n’avait pas été créée par Dieu, malgré que l’Apôtre dise dans son Epître aux Romains, ch. IV, 17 : "C’est lui qui appelle ce qui n’est pas, comme ce qui est." Ce qui est réfuté par ces mots, "de rien." Autre erreur : Tertullien prétendait que l’âme de l’homme est corporelle, contrairement aux paroles de l’Apôtre, dans sa première Epître aux Thessaloniciens, ch. V, 23 : " afin que [tout ce qui est en vous], l’esprit, l’âme et le corps, se conservent sans tache pour l’avènement de Notre Seigneur Jésus-Christ," où saint Paul distingue clairement l’âme du corps. Contre l’opinion de Tertullien, on ajoute ensuite : "Puis Dieu fit la nature humaine, comme mixte, c’est-à-dire composée d’une âme et d’un corps," car l’homme est un être formé d’une nature corporelle et d’une nature spirituelle. Mais, d’après l’hérésie des Manichéens citée plus haut, qui admettaient deux principes, l’un bon et l’autre mauvais, la distinction s’appliquait non seulement à la création des choses visibles et invisibles, selon laquelle les unes seraient créées par un dieu bon, les autres par un dieu mauvais, mais aussi aux choses invisibles elles-mêmes. Ils soutenaient, en effet, que le premier principe est invisible et qu’il a créé certaines substances invisibles, qu’on dit naturellement mauvaises, de même que parmi les anges, il y en avait de naturellement bons, relatifs à la bonne création du dieu bon, qui étaient impeccables; et d’autres naturellement mauvais, que nous appelons démons, et qui ne pouvaient pas s’empêcher de pécher, contrairement à ce que Job a écrit, ch. IV : "Ceux mêmes qui servent Dieu n’ont pas été stables et il a trouvé du dérèglement jusque dans ses anges." Ils commettaient la même erreur à l’égard des âmes des hommes, dont les unes auraient été créées par le Dieu bon et qui pratiquent la vertu naturellement; d’autres issues du mauvais principe et qui font le mal naturellement. Système réfuté par les paroles de l’Ecclésiaste, ch. VII, 30 : "Dieu a fait l’homme droit, mais lui-même, l’homme, il s’embarrasse dans une infinité de questions." En réponse à cette opinion erronée, on dit : "Le chef des démons et quelques autres furent créés de Dieu, bons par nature, mais ils se firent mauvais eux-mêmes, c’est-à-dire par leur libre arbitre," tandis que l’homme n’a péché qu’à la suggestion du démon, c’est-à-dire non par nature, mais par sa propre volonté.

 

La décrétale traite ensuite l’article de l’incarnation

 

"Et comme Dieu," dit saint Paul aux Romains, ch. I, 2, "avait promis l’Evangile de Jésus-Christ par ses prophètes dans les saintes Ecritures," elle commence par la prédiction des prophéties, qui avaient été pour certains un sujet de graves erreurs. Car les Manichéens et d’autres hérétiques prétendaient que l’ancien Testament n’avait pas été donné par le Dieu bon, qui est le Père du Christ, mais par le mauvais Dieu, et que par conséquent la doctrine de l’ancien Testament avait toujours été mortelle; ce qui est manifestement erroné, d’après les paroles du Seigneur, parlant du temple des Juifs, en saint Jean, ch. II, 16 : "Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de négoce," où il appelle clairement « son Père » le Dieu de l’ancien Testament, que les Juifs adoraient dans le temple. Les Ariens disaient que dans l’ancien Testament, le Fils s’était montré plusieurs fois dans diverses visions, et qu’on n’avait jamais vu le Père. Ce qui est faux, parce qu’on sait que trois hommes, qui figuraient la sainte Trinité, apparurent à Abraham, comme on le voit dans le Genèse, ch. XVIII. Les Cataphrygiens disaient aussi que les prophètes de l’ancien Testament étaient des visionnaires qui disaient des choses qu’ils ne comprenaient pas, contrairement à ce que dit Daniel, ch. X, 1 : "On a besoin de comprendre une vision." On dit donc pour combattre ces erreurs, que c’est là véritablement la sainte Trinité, de laquelle Moïse, les saints prophètes et les autres amis de Dieu, ont dit qu’elle était indivisible quant à la nature et distincte quant aux propriétés personnelles. Il semble ici qu’on met une différence dans l’ancien Testament, entre la loi donnée par Moïse et les prophètes, tels qu’Isaïe et Jérémie, etc… et les hagiographes, comme Salomon, Job et d’autres semblables, qu’on appelle ici les amis de Dieu. Selon cette même distinction, le Seigneur dit, dans le dernier chapitre de saint Luc (Lc 24.44) : "Il faut que tout ce qui est écrit de moi dans la loi, les prophètes et dans les Psaumes, soit accompli," selon l’ordre parfait des époques fixées par Dieu, que l’on oppose à l’erreur des païens, qui se moquaient de la foi chrétienne, parce qu’ils disaient qu’après bien du temps, Dieu avait eu tour à coup l’idée de donner aux hommes la loi évangélique. Mais Dieu, loin de s’y décider brusquement, ménagea les temps et les circonstances, de telle manière qu’il fit annoncer son Christ au genre humain par la loi et les prophètes, comme à des hommes encore enfants et qui n’étaient pas suffisamment instruits, selon ces paroles de saint Paul aux Galates, chap. III, 24 : "La loi a été notre maître pour nous mener à Jésus-Christ." Et c’est ce qui fait dire, dans la Décrétale, que Dieu a donné aux hommes une doctrine salutaire dans le temps qu’il avait résolu, et non mortelle, ainsi que le prétendaient les Manichéens.

 

 

Après ces prémisses, la décrétale passe à l’explication du mystère de l’incarnation

 

en combattant diverses erreurs [contraires à ce dogme]. [Pour bien le comprendre], il faut savoir d’abord que les Sabelliens, confondant les personnes divines, disaient que Dieu le Père s’était incarné, parce qu’ils en faisaient une seule et même personne que le Fils. Les Ariens, au contraire, séparant la substance divine, parce que le Fils s’est incarné, et non le Père, se croyaient en droit de conclure que le Père et le Fils n’avaient pas la même nature, et que leur action à l’un et à l’autre était différente. Mais la foi catholique, prenant un milieu entre ces deux erreurs, soutient que le Fils seul s’est incarné, en vertu de la distinction des personnes. En effet, l’incarnation a eu lieu par l’union au niveau des personnes, et non au niveau de la nature divine, comme on l’explique plus loin. On dit que l’incarnation est l’oeuvre de la sainte Trinité tout entière, à cause de l’unité de nature et d’opération des trois personnes. C’est ce qu’exprime la décrétale par ces mots « Et enfin Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, s’est fait chair, par l’opération de la sainte Trinité tout entière. »

Il y a encore l’erreur d’Helvidius qui affirmait que Marie avait conçu et enfanté dans l’état de virginité, mais qu’elle n’était pas toujours restée vierge après son enfantement, et qu’elle avait eu d’autres enfants de saint Joseph par la suite; à quoi on répond par cette décision : « De Marie toujours vierge ». D’autres, comme les Ebionites tombèrent dans une erreur encore plus grossière, puisqu’ils prétendaient que le Christ avait été conçu du sang de saint Joseph; ce qui est combattu par cette définition : « Il a été conçu par l’opération du Saint Esprit. » Il y en eut d’autres, tels que les Manichéens, qui prétendaient que le Christ n’avait pas pris une véritable chair, mais seulement l’apparence de la chair. Ce qui est démenti par ces paroles de Notre Seigneur, après sa résurrection, à ses disciples, qui pensaient qu’il était un fantôme. Saint Luc, dernier chapitre (Lc 24.39) : "Un esprit n’a ni chair ni os, comme vous voyez que j’en ai." On repousse cette erreur par ces paroles : "Il s’est fait vraiment homme." Les Ariens disaient que le Fils de Dieu avait pris le corps de l’homme seulement sans l’âme, et que le Verbe tenait la place de l’âme dans son corps. Plus tard, les Apollinaristes soutinrent qu’il n’avait qu’une âme sensitive, ce qui est réfuté par ces paroles que rapporte saint Matthieu dans le vingt-sixième chapitre de son Evangile (Mt 26.38) : "Mon âme est triste jusqu’à la mort." Et dans saint Jean, chap. X, 18 : "J’ai le pouvoir de donner mon âme." Cette erreur est combattue par ces paroles de la décrétale : « D’une âme raisonnable ». D’autres, au contraire, c’est-à-dire les disciples de Valentinus, avancèrent que le corps de Jésus-Christ n’était pas né de la sainte Vierge, mais qu’il était descendu du ciel; ce que réfutent ces paroles de saint Paul aux Galates, chap. IV, 4 : "Né d’une femme;" et du premier chapitre de l’Epître aux Romains (Rm 1.3) : "Qui est né de la race de David selon la chair." Et ce que réfute aussi la décrétale, en disant : Fait de la chair de l’homme.

Nestorius et Eutychès s’égarèrent en sens opposé, touchant l’union [de la nature divine avec la nature humaine]. Le premier prétendait que Jésus-Christ s’était uni à la nature humaine, seulement de la façon que la grâce habite en nous, comme on dit, par exemple, que Dieu habite dans ses saints par la grâce. En sorte que Dieu et l’homme faisaient dans le Christ deux personnes distinctes; ce que réfutent ces paroles de l’Evangile de saint Jean, ch. I, 14 : "Le Verbe s’est fait chair," c’est-à-dire le Fils de Dieu s’est fait homme, ce qui ne peut pas se dire des autres créatures, en qui il habite par sa grâce. Le second, Eutychès, au contraire, disait que l’union de Dieu avec l’homme ne faisait plus qu’une même nature; de telle façon cependant que le Christ était formé de deux natures, mais qu n’avait pas pour cela deux natures; parce qu’avant l’incarnation les deux natures divine et humaine étaient distinctes, mais qu’elles se trouvèrent confondues en une seule après l’incarnation. Aussi, pour réfuter cette double erreur, la décrétale porte : « Une seule et même personne, composée de deux natures, manifesta clairement le chemin de la vie ». Quelques disciples d’Eutychès, Théodose et Gaianus, qui n’admettaient dans le Christ qu’une seule nature, composée en quelque sorte de la divinité et de l’humanité, s’égarèrent de différentes manières. En effet, Théodose soutenait que cette nature était corruptible et pouvait connaître la souffrance, et Gaianus qu’elle était incorruptible et impassible. Ce qui est combattu par la décrétale, en disant : « Etant immortel et impassible selon la Divinité, il s’est fait passible et mortel par l’humanité dont il s’est revêtu. »

 

On passe ensuite à l’article de la passion du Sauveur

 

En disant : "Qui a souffert, et est mort pour le salut du genre humain sur l’arbre de la croix." Vient ensuite sa descente aux enfers : "Il est descendu aux enfers;" puis sa résurrection : "Et il est ressuscité des morts."  ensuite celui de son ascension : "Il est monté au ciel." Notons que l’erreur d’Arius – dont nous venons de parler - et d’Apollinaire ne peut conserver la teneur de ces articles. Car si le Christ n’a pas eu d’âme, mais que le Verbe lui en ait tenu lieu et que la mort l’ait désuni d’avec le corps, il s’ensuit que l’on ne peut pas appliquer au Fils de Dieu ce qui appartient au corps, par exemple, que le Fils de Dieu a été mis dans le sépulcre, ou qu’il est ressuscité des morts. De la même façon, on ne peut pas dire qu’il est descendu aux enfers, car la Divinité étant immuable en elle-même, ne peut ni descendre ni monter. C'est en réfutation de cette erreur que la décrétale ajoute, aussi bien que pour expliquer la vérité de ces articles de foi : "Son âme descendue, son corps est ressuscité, l’un et l’autre est monté au ciel." Car dans la mort du Christ, l’âme a été séparée du corps, tandis que la Divinité est demeurée indivisiblement unie à l’un et à l’autre, c’est-à-dire à l’âme et au corps. Aussi quand on dit que l’âme de Jésus-Christ est descendue aux enfers, on entend que le Fils de Dieu y est descendu dans son âme unie à sa divinité. Et ainsi, quand on dit que le corps de Jésus-Christ, que la mort avait détruit en un certain sens, est ressuscité, on veut dire que le Fils de Dieu, qui ne pouvait mourir en tant que nature divine, est ressuscité selon la chair, en ce sens que le corps a repris son âme et qu’il est monté au ciel avec l’un et l’autre, c'est-à-dire avec son corps et son âme.

 

Suit l’article de son dernier avènement, pour juger [les vivants et les morts]. "Il doit venir à la fin du monde pour juger les vivants et les morts." On entend par les vivants, ceux qui seront en vie au jour du jugement dernier, et les morts, ceux qui auront cessé de vivre avant ce temps. Il ne faut pas s’imaginer qu’on veut signifier par ces paroles, qu’il doit y avoir des hommes qui ne mourront pas, parce que ceux qui vivront à cette époque, mourront à l’heure même et ressusciteront ensuite. On peut encore prendre ceci en un sens spirituel et entendre par les vivants, les justes, et par les morts, les pécheurs. Et comme il y a eu des docteurs qui ont soutenu qu’il y aura des hommes qui seront sauvés au jour du jugement, non pas en vertu de leur mérite, mais par le secours des prières de quelques saints, on réplique à cela en disant : "Il donnera à chacun selon ses oeuvres, aussi bien aux réprouvés qu’aux élus."

 

On passe ensuite à la résurrection générale

 

Qui est l’effet de la gloire, en disant : "Les méchants aussi bien que les bons ressusciteront avec les mêmes corps qu’ils ont maintenant," ce qui est dit en réponse à l’erreur de quelques hérétiques qui prétendent qu’ils n’auront pas les mêmes corps qu’ils avaient au moment de la mort, mais d’autres corps descendus du ciel; ce qui est contraire aux paroles de l’Apôtre dans sa première Epître aux Corinthiens, chap. XV, 53 : "Il faut que ce corps corruptible soit revêtu de l’incorruptibilité." On donne donc, par conséquent, la raison de la résurrection avec les mêmes corps, par ces paroles : "Afin qu’ils soient traités selon leurs oeuvres, soit bonnes, soit mauvaises." En effet, comme l’homme s’est bien ou mal conduit avec son corps et son âme, il est juste qu’il soit récompensé ou puni, dans l’un et dans l’autre. En réfutation de l’erreur d’Origène qui prétendait que la peine des damnés n’était pas éternelle, ainsi que la gloire des bienheureux, on dit : "Ceux-ci iront au châtiment éternel avec le démon, et ceux-là à la gloire éternelle avec Jésus-Christ." Car, "de même que la mort est entrée dans le monde par la jalousie du Diable," comme il est écrit au livre de la Sagesse, chap. II, 24; de même nous sommes rendus à la vie, par la grâce de Jésus-Christ, selon ces paroles de l’Evangile de saint Jean, ch. X, 10 : "Je suis venu dans le monde, afin qu’ils aient la vie et qu’ils l’aient plus abondamment."

 

On traite ensuite l’article de l’effet de la grâce

 

Et d’abord, dans ses effets quant à l’unité de l’Eglise. « Il n’y a qu'une seule Eglise universelle des fidèles, hors de laquelle personne ne peut être sauvé. L’unité de 1’Eglise consiste principalement dans l’unité de la foi. Car l’Eglise n’est autre chose que l’assemblée des fidèles, et comme il est impossible de plaire à Dieu sans la foi, il n’y a pas de salut hors de l’Église. Le salut des fidèles est produit par les sacrements de l’Eglise, dans lesquels se réalise le fruit de la passion de Jésus-Christ; c’est donc avec raison que la décrétale expose la foi catholique touchant les sacrements de l’Eglise, et en premier lieu, touchant l’Eucharistie, par ce paroles : "Dans laquelle", c’est-à-dire dans l’Eglise, Jésus-Christ lui-même est prêtre et victime," parce qu’il s’est offert lui-même sur l’autel de la croix, en s’offrant "à Dieu comme une oblation et une victime d’agréable odeur," comme dit saint Paul dans son Epître aux Ephésiens, chap. V, 2; on offre, tous les jours, dans l’Eglise, en commémoration de son sacrifice, un sacrifice sous le sacrement du pain et du vin. Elle établit trois propositions relatives à ce sacrement. Premièrement la vérité de la chose contenue sous les voiles du sacrement, par ces paroles : "Dont le corps et le sang sont véritablement présents dans le sacrement de l’autel, sous espèces du pain et du vin." On dit véritablement, pour combattre l’erreur de ceux qui disent que le corps et le sang Jésus-Christ ne sont pas réellement et en vérité dans ce sacrement, mais seulement en figure, et que les espèces n’en sont que comme le signe. On ajoute encore, sous les apparences du pain et du vin, pour répondre à l’erreur de ceux qui disent que le sacrement de l’autel renferme à la fois la substance du pain et la substance du corps de Jésus-Christ; ce qui va contre la parole du Sauveur qui dit : "Ceci est mon corps." Car il eût fallu dire, s’il en eût été ainsi, « là est mon corps ». Or, pour prouver qu’il n’y a plus de substance ni du pain, ni du vin dans ce sacrement, maie seulement les espèces, c’est-à-dire des accidents sans sujet, on dit : "Sous les apparences du pain et du vin." Secondement, on démontre de quelle manière le- corps de Jésus-Christ commence à être sous les voiles de ce sacrement, c’est-à-dire le fait que la substance du pain est changée miracu1eusement au corps de Jésus-Christ, et la substance du vin en la substance de son sang, en disant : "Le pain étant transsubstantialité au corps et le vin au sang de Jésus-Christ par la puissance de Dieu, pour faire ce mystère d’unité," c’est-à-dire pour réaliser ce sacrement qui est le signe de l’unité de l’Eglise Recevons donc de lui, ce qu'il a reçu de nous. En effet, nous recevons dans ce sacrement son corps et son sang, que le Fils de Dieu reçu de notre nature. Troisièmement, on détermine le ministre de ce sacrement et on fait allusion au sacrement de l’ordre, quand on dit : "Personne ne peut réaliser ce sacrement, s’il n’est pas ordonné prêtre selon le rite, ce qui est contre l’hérésie des pauvres de Lyon, qui prétendent que le premier venu peut faire ce sacrement. On ajoute encore "Selon les clefs de l’Eglise et que Jésus-Christ lui-même a confiées à ses apôtres et à leurs successeurs," ce que l’on peut entendre de deux manières; soit, parce qu’un prêtre, qui a été régulièrement ordonné, a reçu les clefs de l’Eglise, soit parce que le sacrement de l’ordre est conféré d’après le- pouvoir des clefs de l’Eglise. Or, les clefs de l’Eglise ne sont rien moins que l’autorité de discernement et l’autorité judiciaire.

 

On parle ensuite du sacrement du baptême

 

Et d’abord de la forme du baptême, en disant : Le sacrement du baptême consiste dans l’invocation de l’indivisible Trinité, c’est-à-dire du Père, du Fils et du Saint Esprit. Car telle est la forme du baptême : "Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit," comme on le voit au dernier chapitre de l’Evangile de saint Matthieu (Mt 28.19). Puis on dit quelle en est la matière : "Consacré dans l’eau." Ce sacrement ne peut en effet s’administrer avec aucun liquide que de l’eau pure. Troisièmement, à qui il doit être administré : "Aussi bien aux enfants qu’aux adultes," en opposition à l’erreur 1es Pélagiens, qui soutenaient que les enfants ne portaient pas le péché originel, qui nécessite le sacrement du baptême. Quatrièmement, on dit quel est le ministre de ce sacrement : "Ce sacrement sert au salut, quelle que soit la personne qui le donne, en observant la forme usitée dans l’Eglise ». Ce qui combat l’erreur des Donatistes, qui prétendaient que ceux qui avaient été baptisés par des hérétiques n’avaient pas reçu le vrai baptême, et qu’il fallait les re-baptiser. Or la foi catholique le reconnaît comme valide, quelle que soit la personne qui le donne, pourvu qu’on se conforme aux prescriptions de l’Eglise, citées plus haut.

 

Vient ensuite le sacrement de pénitence,

dont il est dit : "Si on se rend coupable de quelque péché après le baptême, on peut toujours recouvrer l’innocence par une pénitence sincère." Ce qui est dit en opposition à l’erreur des Novatiens, qui soutenaient que ceux qui sont tombés dans le péché après le baptême, ne peuvent être réhabilités par la pénitence.

 

Enfin le sacrement du mariage.

"Non seulement, est-il dit, les vierges et ceux qui gardent la continence, mais encore ceux qui sont mariés, et qui se rendent agréables à Dieu par une foi sincère et par leurs bonnes oeuvres, méritent d’obtenir la vie éternelle," afin de répondre à l’hérésie des Taciens et des Manichéens, qui condamnaient le mariage. La décrétale ne parle pas des autres sacrements, parce qu’ils n’ont donné lieu à aucune erreur.

 

 

TEXTE DE LA DEUXIÈME DÉCRÉTALE — La fausse doctrine de Joachim de Flore sur la Trinité

 

Dans son ouvrage perdu De unitate Trinitatis, l’abbé cistercien Joachim de Flore (+ 1202) avait combattu les propos de Pierre Lombard cités ci-dessous, tirés des Sententiae, 1.1, dist. 5. Trois autres ouvrages de Joachim, Concordia Novi et Veteris testamenti, Expositio in Apocalypsim et Psalterium decem chordarum, qui furent publiés par ses élèves sous le titre commun Evangelium aeternum et qui contiennent la doctrine des trois âges du Père, du Fils et du Saint-Esprit furent décriés plus tard, après que le franciscain Gérard de Borgo San Donnino eut écrit son Liber introductorius in Evangelium aeternum (1254) et l’eut joint en guise de commentaire à la publication des écrits de Joachim. Des théologiens de Paris tirèrent en 1254 de ces oeuvres trente et une erreurs (Den Ch 1, 272-275). Alexandre IV se contenta de condamner la Concordia de Joachim en même temps que le Liber introductorius (23 octobre 1255).

En outre le concile condamna les fausses doctrines du théologien parisien Almarich ou Amalrich de Bène (près de Chartres); une liste de ses erreurs dans DenCh 1,71 s (n° 12); DuPIA 1/1 (1724), 126b-131b. Amalrich soutenait entre autres les thèses suivantes

1. Que Dieu est tout. — 2. Que tout chrétien est tenu de croire qu’il est membre du Christ, et que personne ne peut être sauvé qui ne croit pas cela, pas plus que s’il ne croyait pas que le Christ est né et qu’il a souffert, ou d’autres articles de la foi. — 3. Qu’à ceux qui sont établis dans la charité aucun péché n’est imputé.

[1. Quod Deus est omnia — 2. Quod quilibet Christianus teneatur credere se esse membrum Christi, nec aliquem posse salvari qui hoc non crederet, non minus quam si non crederet Christum esse natum et passum vel alios fidei articulos. — 3. Quod in cantate constitutis nullum peccatum imputetur.[3]]

 

 

Nous condamnons donc et nous réprouvons l’opuscule ou 803 traité que l’abbé Joachim a publié contre maître Pierre Lombard au sujet de l’unité ou de l’essence de la Trinité, l’appelant hérétique et insensé à cause de ce qu’il a dit dans ses Sentences : "Il y a une réalité suprême qui est Père et Fils et Saint-Esprit, et celle-ci n’engendre pas, n’est pas engendrée et ne procède pas."

D’où il affirme que celui-ci a érigé en Dieu non pas tant une Trinité qu’une quaternité, c’est-à-dire trois personnes et en quelque sorte une quatrième qui serait cette essence commune, alors qu’il professe manifestement qu’il n’y a aucune réalité, ni essence, ni substance, ni nature qui soit Père et Fils et Saint-Esprit, bien qu’il concède que Père et Fils et Saint-Esprit sont une seule essence, une seule substance et une seule nature. Mais il reconnaît qu’une telle unité n’est ni vraie ni propre, mais en quelque sorte collective et analogique, de la même manière qu’on dit que beaucoup d’hommes sont un seul peuple et beaucoup de fidèles une seule Eglise, conformément à ce qui est dit : "La multitude des croyants était un seul coeur et une seule âme" [Ac 4,32], et : "Celui qui s’attache à Dieu est un seul esprit" [1 Co 6,17] avec lui; et encore : "Celui qui arrose et celui qui plante ne font qu’un" [1 Co 3,8]; et, tous "nous sommes un seul corps dans le Christ" [Rm 12,5]; et encore, dans le livre des Rois : "Ton peuple et mon peuple sont une même chose" [1 R 22,5 : Vulgate; voir Rt 1,16].

Mais pour fonder cette affirmation il a surtout recours à ce que le Christ dit des fidèles dans l’Evangile : "Je veux, Père, qu’en nous ils soient un comme nous aussi nous sore- mes un, afin qu’ils soient parfaitement un" [Jn 17,22 s]. En effet, dit-il, les fidèles du Christ ne sont pas un, c’est-à-dire une seule réalité qui serait commune à tous; ils sont seulement un, c’est-à-dire une seule Eglise, à cause de l’unité de la foi catholique et un seul Royaume à cause de l’union dans une charité indissoluble. De la même manière, on lit dans l’épître canonique de Jean : "Car ils sont trois qui rendent témoignage dans le ciel, le Père et le Verbe et le Saint-Esprit, et ces trois sont un" [1 Jn 5,7]; et Jean ajoute aussitôt : "Et ils sont trois qui rendent témoignage sur la terre, l’esprit, l’eau et le sang, et ces trois sont un" [1 Jn 5,8], selon ce qu’on trouve dans certains manuscrits.

Quant à nous, avec l’approbation du saint concile universel, nous croyons et confessons avec maître Pierre qu’il y a une seule réalité suprême, qui ne peut être saisie ni dite, qui est véritablement Père et Fils et Saint-Esprit, les trois personnes ensemble et chacune d’elles en particulier. C’est pourquoi il y a en Dieu seulement Trinité et non pas quaternité, parce que chacune des trois personnes est cette réalité, c’est-à-dire la substance, l’essence et la nature divine. Elle seule est le principe de toutes choses, en dehors duquel aucun autre principe ne peut être trouvé. Et cette réalité n’engendre pas, n’est pas engendrée et ne procède pas, mais c’est le Père qui engendre, le Fils qui est engendré et le Saint- Esprit qui procède, en sorte qu’il y a distinction dans les personnes et unité dans la nature.

Donc "bien que le Père soit autre, autre le Fils, autre le Saint-Esprit, il n’a cependant pas une autre réalité[4]", mais ce qu’est le Père, le Fils l’est et le Saint-Esprit, absolument la même chose, en sorte que, conformément à la foi orthodoxe et catholique, nous croyons qu’ils sont consubstantiels. En effet, le Père, en engendrant le Fils de toute éternité, lui a donné sa substance, ce même Fils en témoigne : "Ce que m’a donné le Père est plus grand que tout" [Jn 10,29].

Et on ne peut pas dire qu’il lui a donné une partie de sa substance et en a retenu une partie pour lui-même, puisque la substance du Père est indivisible, étant absolument simple. Mais on ne peut pas dire que le Père a transféré sa substance dans le Fils en l’engendrant, comme s’il l’avait donnée à un fils sans la retenir pour lui-même; autrement il aurait cessé d’être substance. Il est donc clair que le Fils, en naissant, a reçu la substance du Père sans aucune diminution de celle-ci et que, ainsi, le Père et le Fils ont la même substance et, ainsi encore, sont une même réalité le Père et le Fils et aussi le Saint-Esprit qui procède de l’un et de l’autre.

Donc, lorsque la Vérité prie le Père pour ses fidèles en disant : "Je veux qu’eux-mêmes soient un en nous comme nous sommes un" [Jn 17,22], ce mot "un" est pris pour les fidèles en ce sens qu’il signifie l’union de la charité dans la grâce, et pour les personnes divines en ce sens qu’est sou lignée l’unité de l’identité dans la nature, comme le dit ail leurs la Vérité : "Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait" [Mt 5,48], comme s’il était dit plus clairement "Soyez parfaits" de la perfection de la grâce "comme votre Père céleste est parfait" de la perfection de la nature, chacun à sa manière. Car si grande que soit la ressemblance entre le Créateur et la créature, on doit encore noter une plus grande dissemblance entre eux.

Si quelqu’un ose donc défendre ou approuver sur ce point l’affirmation ou la doctrine du susdit Joachim, qu’il soit réfuté par tous comme hérétique.

Cependant nous ne voulons en rien par cela faire tort au monastère de Flore, qui a été institué par Joachim lui-même, parce que l’institution en est régulière et l’observance salutaire. Et cela d’autant plus que ce même Joachim nous a fait remettre tous ses écrits afin qu’ils soient approuvés ou corrigés par le jugement du Siège apostolique, dictant une lettre[5][3] signée de sa main, dans laquelle il confesse fermement tenir la foi que tient l’Église romaine, mère et maîtresse de tous les fidèles par la disposition du Seigneur.

Nous réprouvons aussi et condamnons l’opinion extravagante de l’impie Amalric, dont le père du mensonge a tellement aveuglé l’esprit que sa doctrine ne doit pas tant être regardée comme hérétique que comme insensée.

 

 

 

Expositio super secundam Decretalem ad archidiaconum Tudertinum

Commentaire de la seconde décrétale — le dogme de la Trinité

 

Editions Louis Vivès, 1857, revue par Charles Duyck, 2005

[69294] Super Decretales, n. 2 Damnamus ergo et reprobamus et cetera. Exposita forma Catholicae fidei in praecedentibus, in hac decretali damnatur error Ioachim, reprobare volentis doctrinam Magistri Petri Lombardi circa unitatem divinae essentiae et Trinitatem personarum.

 

Et ut utriusque intentio plenius videatur, accipiendum est id quod in praecedenti est dictum, scilicet quod sancta Trinitas secundum communem essentiam est individua, et secundum proprietates personales discreta : quia ut supra expositum est, persona patris non distinguitur a persona filii nisi paternitate, et filiatione, inquantum scilicet pater genuit filium et filius genitus est a patre; et similiter spiritus sanctus distinguitur a patre et filio, inquantum procedit ab utroque. Persona igitur in divinis distinguitur, inquantum persona generat, vel generatur, vel procedit. Si ergo essentia divina generat vel generatur vel procedit, consequens est quod distinguatur in tribus personis et quod, sicut est alia persona patris, alia filii, alia spiritus sancti, ita etiam sit earum alia et alia substantia vel essentia : quod in Ario damnavit Nicaena synodus, asserens filium homousion patri, idest coessentialem et consubstantialem. Quod Magister Petrus sequens docuit quod est una essentia vel substantia communis patris et filii et spiritus sancti, quae nec generat, nec generatur nec procedit, ut sit penitus indistincta, ut patet in V distinctione I sententiarum eius. Ioachim autem abbas Florensis monasterii non bene capiens verba Magistri praedicti, utpote in subtilibus fidei dogmatibus rudis, praedictam Magistri Petri doctrinam haereticam reputavit, imponens ei quod quaternitatem induceret in divinis, ponens tres personas et communem essentiam, quam credebat sic poni a Magistro Petro quasi aliquid distinctum a tribus personis, ut sic possit dici quasi quartum. Credebat enim, quod ex hoc ipso quod dicitur : essentia divina nec generans nec genita, nec procedens, distinguatur a patre qui generat et a filio qui generatur et a spiritu sancto qui procedit. Et ideo ipse Ioachim protestabatur quod in divinis non est aliqua res una quae sit pater et filius et spiritus sanctus, sive illa res una dicatur substantia, sive essentia, sive natura : his enim tribus nominibus idem intelligimus. Sed ne videretur totaliter a fide Nicaenae synodi recedere, concedebat quod pater et filius et spiritus sanctus sunt una essentia, una substantia, una natura, quasi una essentia possit praedicari de tribus personis, ut dicamus : tres personae sunt una essentia, non autem e converso, ut dicatur : una essentia est tres personae. Sed et in hoc ipso quod concedebat tres personas esse unam essentiam vel substantiam vel naturam, non habebat sanum intellectum. Non enim ponebat unitatem essentiae trium personarum esse veram, realem et simplicem, sed quasi similitudinariam et collectivam, idest quasi ex pluribus congregatam, sicut multi homines dicuntur unus populus, et multi fideles dicuntur una Ecclesia, secundum illud Act. IV, 32 : multitudinis credentium erat cor unum et anima una; et secundum illud apostoli, I ad Cor. VI, 17 : qui adhaeret Deo unus spiritus est, scilicet cum ipso; et I ad Cor. III, 8 : qui plantat et qui rigat, unum sunt. I ad Cor. XII, et ad Rom. XII, 5 : omnes unum corpus sumus in Christo; et III Reg. XXII, 5, dixit Iosaphat rex Iuda ad regem Israel : populus meus et populus tuus unus sunt. In quibus omnibus significatur unitas collectiva, et non vera et simplex. Quod autem secundum hunc modum diceretur esse una substantia vel essentia vel natura trium personarum, probare nitebatur quibusdam auctoritatibus. Dicitur enim Ioan. XVII, quod dominus pro fidelibus suis patrem exorans, inter cetera dixit, vers. 22 : volo pater, ut sint, scilicet fideles mei, unum in nobis, idest in me et in te, per fidem et caritatem, sicut et nos unum sumus ut tandem in patria sint consummati in unum. Ex quo sic arguebat. Fideles Christi non sic sunt unum ut sit aliqua una res quae communis sit omnibus, sed sunt quodammodo unum id est collective, idest una Ecclesia propter unitatem Catholicae fidei, et tandem erunt in patria unum regnum propter unionem indissolubilis caritatis : quia caritas viae dissolvi potest per peccatum, caritas patriae indissolubilis est. Inducebat etiam ad suae opinionis assertionem, quod dicitur I Ioan. ult., 7 : tres sunt qui testimonium dant in caelo, pater, verbum, et spiritus sanctus. Pater quidem, cum dixit : hic est filius meus dilectus; et hoc in Baptismo, ut habetur Matth. III, 17, et in transfiguratione, ut habetur Matth. XVII. Filius dedit testimonium fidei Christianae per doctrinam et miracula; unde dixit Ioan. VIII, 18 : ego testimonium perhibeo de meipso; et testimonium perhibet de me qui misit me pater. Spiritus sanctus testimonium perhibuit in specie columbae super Christum apparens in Baptismo, et per adventum suum in discipulos Christi. Et ad insinuandam unitatem trium personarum, subditur : et hi tres unum sunt; quod quidem dicitur propter essentiae unitatem. Sed hoc Ioachim perverse trahere volens ad unitatem caritatis et consensus, inducebat consequentem auctoritatem; nam subditur ibidem : et tres sunt qui testimonium dant in terra, scilicet spiritus, et aqua et sanguis. In quibusdam libris additur : et hi tres unum sunt. Sed hoc in veris exemplaribus non habetur, sed in quibusdam libris dicitur esse appositum ab haereticis Arianis ad pervertendum intellectum sanum auctoritatis praemissae de unitate essentiali trium personarum. Similiter etiam Ariani utebantur illa auctoritate, ut sint unum in nobis, sicut et nos unum sumus, ad ostendendum quod pater et filius non sunt unum nisi secundum consensum amoris, sicut et nos, ut patet per Augustinum et Hilarium, qui dicunt hunc fuisse perversum sensum Arianorum. Unde manifestum est quod Ioachim in errorem Arianorum incidit, licet non pertinaciter, quia ipse scripta sua apostolicae sedis iudicio subiecit, ut infra dicitur.

Et ideo consequenter ponitur determinatio Concilii pro veritate. In qua quidem determinatione sex facit.

 

 

Primo enim asserit veritatem quam Petrus docebat, scilicet quod divina essentia est quaedam summa res incomprehensibilis cogitatu et ineffabilis verbo, de qua vere praedicantur tres personae et simul et singillatim. Potest enim vere dici quod essentia divina est pater et filius et spiritus sanctus. Et iterum vere dicitur : essentia divina est pater, essentia divina est filius, essentia divina est spiritus sanctus. Quod quidem in nobis non accidit : non enim essentia Petri est Petrus; sed essentia Dei patris est ipse pater : quia Petrus est ex multis compositus, non autem persona patris, neque persona filii, neque persona spiritus sancti.

 

Secundo ubi dicit : et ideo in Deo etc., solvit rationem quam pro se inducebat Ioachim. Est enim considerandum, quod nihil connumeratur aliis nisi quod ab eis distinguitur. Unde quia animal non distinguitur ab homine, equo et bove, quorum quodlibet est animal, ideo non possumus dicere quod homo, equus et bos et animal sint quatuor, sed sunt tria tantum, quia quodlibet illorum est animal. Ita, quia quaelibet trium personarum est illa res, scilicet divina substantia, essentia vel natura, non potest dici, quod tres personae et illa res sint quatuor, quia illa res non est aliquid aliud a tribus personis. Quod quidem probat per hoc quod sola divina essentia est principium creans universa; ita quod nihil potest inveniri praeter divinam essentiam, quod scilicet vel non sit idem cum divina essentia, vel non sit creatum ab ea. Tres autem personae non sunt creatae a divina essentia, quia increatus pater, increatus filius, increatus spiritus sanctus; quinimmo possumus dicere quod pater est principium universorum, et similiter filius et similiter spiritus sanctus. Unde manifestum est quod divina essentia non est aliquid aliud a tribus personis : unde non est quaternitas in divinis, sed Trinitas.

 

Sed quia Ioachim credebat, quod ex dictis Magistri Petri sequeretur quod essentia esset aliud a tribus personis, ideo tertio cum dicit : et illa res non est generans etc., ostendit quod hoc non sequitur. Verum est enim quod non possumus dicere : essentia divina est generans vel genita vel procedens, sicut non possumus dicere quod divina essentia est distincta in tribus personis; ex hoc enim aliquid est distinctum in divinis quod est generans, genitum vel procedens, ut dictum est; possumus tamen dicere quod essentia divina est ille qui distinguitur, idest pater qui distinguitur a filio : et similiter possumus dicere quod essentia divina est pater qui generat, et est filius qui gignitur, et est spiritus sanctus qui procedit; ita scilicet quod distinctiones importatae per haec tria adiectiva, generans, genitum et procedens, determinant ipsas personas, de quibus praedicantur praedicta adiectiva, non autem essentiam vel naturam quae non distinguitur. Non ergo sequitur sicut Ioachim putabat : essentia non est generans; pater est generans; ergo essentia non est pater : quia etsi essentia non generat, est tamen ille qui generat, idest pater. Et similiter essentia non nascitur, sed est ille qui nascitur, idest filius; neque procedit, sed est ille qui procedit, idest spiritus sanctus.

 

Quarto cum dicit : licet igitur alius etc., concludit qualiter secundum fidem Catholicam sit significanda distinctio personarum. Circa quod considerandum est quod in divinis masculinum genus refertur ad personam, neutrum autem genus refertur ad essentiam vel naturam; sicut etiam in rebus humanis per masculinum genus quaerimus de persona, sicut : quis currit? Petrus; per neutrum genus quaerimus de natura, sicut : quid est homo? Animal rationale mortale. Quia igitur in divinis essentia est indistincta, personae vero distinctae, ideo nominibus distinctivis utimur in divinis in masculino genere, non autem in neutro. Dicimus enim quod licet sit alius pater, alius filius alius spiritus sanctus, non tamen sunt aliud et aliud, quia non est alietas in essentia, etsi sit alietas in personis; sed id ipsum quod est pater, est filius, et spiritus sanctus, quia est eadem essentia trium. Et propter hoc sunt omnino idem, si idem sit neutri generis, quia hoc pertinet ad identitatem essentiae; non sunt idem masculine, quia hoc tolleret distinctionem personarum. Ideo autem oportet quod sint idem neutraliter, ut credantur esse consubstantiales, secundum fidem orthodoxam, id est recte gloriantem, ab orthos quod est rectum, et doxa quod est gloria, et Catholicam, id est universalem, sicut supra expositum est. Hoc enim determinatum est in Nicaena synodo, quod filius sit homousion, id est consubstantialis patri.

 

Quinto cum dicit : pater enim ab aeterno etc., probat quod una et eadem sit essentia trium personarum. Pater enim generando filium, dedit ei substantiam suam, cum generare nihil aliud sit quam ex substantia sua alium producere. Et sicut ab aeterno pater genuit filium, non quidem prius non existentem, ita etiam pater ab aeterno dedit substantiam filio, non quidem quasi prius non habenti, sed quia ab aeterno ab alio eam habuit, idest a patre. Et de ista datione ipse filius Dei testatur, Ioan. X, 29 : pater quod dedit mihi, maius est omnibus; id enim quod est maximum, est divina essentia. Sciendum tamen, quod aliter se habet in generatione humana, et aliter in divina. Quia enim natura humana divisibilis est, potest homo generans partem substantiae suae transfundere in filium. Divina autem natura est simplex et indivisibilis, et ideo subiungit quod non potest dici quod pater partem substantiae suae filio dederit. Similiter etiam non potest dici quod pater dans substantiam suam filio, eam sibi non retinuerit, quia sic ipse pater desiisset esse divina substantia. In corporalibus enim quod datur, non retinetur : sicut qui dat equum, non retinet ipsum. Sed in spiritualibus simul datur aliquid et retinetur : sicut qui communicat alii scientiam, retinet ipsam. Patet igitur quod filius sine ulla diminutione accepit nascendo substantiam patris, et pater eam retinet, unde sequitur quod pater et filius habeant eandem substantiam : et eadem ratio est de spiritu sancto, qui ab utroque procedit. Pater autem est sua substantia, quia non est in eo aliqua compositio, et similiter filius et spiritus sanctus. Cum ergo sit una essentia trium, sequitur quod una res, quae est divina essentia, est pater et filius et spiritus sanctus : et ideo irrefragabiliter est probata secundum fidem Catholicam sententia Magistri Petri Lombardi, et per consequens dictum Ioachim infirmatum.

 

Sexto cum dicit : cum ergo veritas pro fidelibus etc., exponit auctoritates quas male intellectas pro se Ioachim inducebat. Quod enim dominus orans pro fidelibus dicit, volo ut ipsi unum sint in nobis, sicut et nos unum sumus; sic inducebat Ioachim ac si eodem modo accipiendum esset hoc quod dicitur unum, in nobis et in divinis personis. Hoc autem est falsum, quia in fidelibus sic accipitur ut intelligatur unio caritatis per gratiam; in divinis autem personis sic accipitur ut intelligatur unitas eiusdem naturae. Et hoc probat per simile, quia dominus dicit, Matth. V, 48 : estote perfecti, sicut et pater vester caelestis perfectus est. Non tamen est idem perfectionis modus humanae et divinae, quia non potest tanta esse similitudo inter creatorem et creaturam, quin maior inveniatur ibi dissimilitudo, propter hoc quod creatura in infinitum distat a Deo.

 

 

"Nous condamnons et réprouvons, etc." Les décrétales précédentes ayant donné la règle catholique, celle-ci condamne l’erreur d’un certain Joachim qui voulait réfuter la doctrine de Pierre Lombard, concernant l’unité de l’essence divine et la Trinité des personnes.

 

L'hérésie de Joachim de Flore

 

Afin de mieux saisir leur dessein à l’un et à l’autre de  ces deux hommes, il faut admettre ce que nous avons dit dans le traité précédent, c’est-à-dire que la sainte Trinité est indivisible dans son essence et distincte dans ses propriétés personnelles. Car, ainsi que nous l’avons exposé plus haut, la personne du Père n’est distincte du Fils que par la paternité, et celle du Fils par la filiation, c’est-à-dire en tant que le Père a engendré le Fils, et que le Fils a été engendré par le Père. Et de même le Saint- Esprit est distinct du Père et du Fils, en tant que procédant de l’on et de l’autre. Les personnes divines sont donc distinctes entre elles, en tant que l’une engendre et que l’autre est engendrée ou procède. Si donc l’essence divine engendre ou procède, il s’ensuit qu’elle est en trois personnes distinctes; et, de même que la personne du Père est autre que la personne du Fils, et autre celle du Saint Esprit, de même leur substance et leur essence sont autres. Cette doctrine, en la personne d’Arius, a été condamnée par le concile de Nicée, qui a décidé que le Fils est de même substance que le Père c’est-à-dire co-essentiel et consubstantiel au Père. Conformément à cet article de foi, Pierre Lombard a dit que le Père, le Fils et le Saint Esprit ont la même essence ou la même substance, qui n’engendre pas, n’est pas engendrée et qui ne procède pas, et qui est tout à fait commune aux trois personnes, comme on le voit dans la cinquième distinction du premier livre de ses Sentences. Or Joachim, abbé du monastère de Flore, trop peu versé dans les subtilités dogmatiques de la foi pour comprendre la doctrine du maître des Sentences, la taxa d’hérésie, en lui faisant dire qu’il supposait une quaternité en Dieu, admettant trois personnes et une essence commune, qu’il présumait être avancée par Pierre Lombard comme quelque chose tellement distinct des trois personnes divines, qu’on pouvait quasiment l’appeler une quaternité. Il pensait en effet que, du moment qu’on dit « essence divine, ne pouvant admettre ni générateur, ni génération, ni procession », il y a un autre terme distinct du Père qui engendre, du Fils qui est engendré et du Saint Esprit qui procède. Aussi Joachim dit qu’il n’y a pas en Dieu une réalité unique qui soit le Père, le Fils et le Saint Esprit, soit qu’on l’appelle essence, substance ou nature, car ces trois termes ont la même signification. Mais pour ne pas sembler s’éloigner tout à fait de la foi du concile de Nicée, il admettait que les trois personnes de la sainte Trinité, le Père, le Fils et le Saint Esprit, ne sont qu’une même essence, une même substance, une même nature, tellement qu’on puisse dire, comme nous le disons, que « les trois personnes ne font qu’une même essence », mais qu’on ne peut pas dire, en sens inverse « une même essence fait les trois personnes ». Mais dès lors qu’il accordait que les trois personnes n’ont qu’une même essence, une même substance, une même nature, il prouvait qu’il n’entendait pas bien la question. Car il ne prétendait pas que l’unité d’essence commune aux trois personnes fût claire, réelle et véritable, mais bien simulitudinaire et collective, c’est-à-dire comme formée de plusieurs, comme on dit que plusieurs hommes font un peuple, une réunion de fidèles, une Eglise, selon ces paroles du quatrième chapitre des Actes des Apôtres (Ac 4.32) : "L’assemblée des fidèles ne faisait qu’un coeur et qu’une âme." Et celles de l’Apôtre, au sixième chapitre de sa première Epître aux Corinthiens (1 Co 6.17) : "Celui qui s’attache à Dieu ne fait plus qu’un même esprit," c’est-à-dire avec lui. Et encore dans la première aux Corinthiens, chap. III, 8 : "Celui qui plante et qui arrose ne font qu’un." Dans la même Epître, chap. XII, et celle aux Romains, chapitre XII, 5 : "Nous ne faisons tous qu’un même corps avec Jésus-Christ." Et au premier livre des Rois, chap. XXII, 5 : "Josaphat, roi de Juda, a dit au roi d’Israël : Mon peuple et le vôtre ne font qu’un seul peuple." On voit que dans tous ces exemples, on ne veut parler que d’une unité collective, mais non d’une unité véritable et rigoureuse. Il tâchait de prouver, par différents textes, qu’on entendait dans son sens à lui l’unité de substance, d’essence ou de nature des trois personnes divines. Car il est dit au seizième chapitre de saint Jean (Jn 17.22), que le Seigneur, priant son Père pour les fidèles, dit entre autres choses : "Père, je veux qu’ils – c’est-à-dire mes disciples - soient un en nous, c’est-à-dire en vous et en moi dans la foi et la charité, comme nous sommes un, et qu’enfin ils soient consommés en un dans le ciel», enfin dans leur patrie. De là il tirait cet argument : Les fidèles de Jésus-Christ ne sont pas tellement un qu’il y ait entre eux quelque chose qui soit commun à tous, mais ils sont un, d’une manière quelconque, par la réunion de tous, c’est-à-dire une même Eglise, à cause de l’unité de la foi catholique, et enfin, ils ne composeront qu’un royaume dans la patrie céleste, par l’union d’une indissoluble charité. La charité de la vie[6] présente peut être dissoute par le péché, mais la charité de la patrie céleste est indissoluble. Ils apportaient encore, à l’appui de leur opinion, ce texte du dernier chapitre de l’Epître de saint Jean (1 Jn 5.7) : "Il y en a trois qui rendent témoignage dans le ciel, le Père, le Fils et le Saint Esprit." D’abord le Père, quand il dit "Voilà mon Fils bien-aimé;" et cela au baptême, comme le dit saint Matthieu au troisième chapitre de son Evangile (Mt 3.17). Comme aussi dans la transfiguration, ainsi qu’il est dit au dix-septième chapitre de Matthieu. Le Fils, de son côté, a rendu témoignage à la foi chrétienne, par sa doctrine et ses miracles. C’est ce qu’il dit dans saint Jean, chapitre VIII, 18 : "C’est moi qui rends témoignage à moi-même, ainsi que mon Père, qui m’a envoyé, rend témoignage de moi." Le Saint Esprit a rendu témoignage en paraissant sur le Christ en forme de colombe, au moment de son baptême, et par sa descente sur les disciples de Jésus-Christ. Puis, afin de manifester l’unité des trois personnes divines, l’Evangile ajoute : "Et ces trois ne font qu’un.", ce qui s’entend de l’unité d’essence. Mais Joachim, voulant appliquer, par une intention perfide, ces paroles évangéliques à l’unité de charité et de concorde, leur oppose celles qui les suivent : "Il y a trois choses qui rendent témoignage sur la terre, l’esprit, l’eau et le sang." On remarque, dans certains Evangiles, cette addition, « ces trois ne font qu’un »; mais elle ne se trouve pas dans les copies fidèles; et l’on dit par ailleurs que ce sont les Ariens qui sont coupables de cette interpolation, afin d’affaiblir la bonne compréhension du texte précédent sur l’unité de l’essence des trois personnes divine. Ces hérétiques citaient encore ces paroles; "Afin qu’ils soient un en nous, comme nous sommes un," pour dire que le Père et le Fils ne sont pas un, sinon par l’amour mutuel qu’ils ont l’un pour l’autre, ainsi que nous, comme l’ont démontré saint Augustin et saint Hilaire, qui disent que c’était là la fausse interprétation des Ariens. D’où il résulte que Joachim était tombé dans l’arianisme, bien que ce ne soit pas avec obstination, puisqu’il soumit ses écrits au jugement du Siége apostolique, comme on le dira plus bas.

 

Les six rappels des Décrétales sur la Trinité

 

La définition du concile est donc juste et véritable. Elle fixe six propositions d’une manière bien déterminée.

 

1° L'essence divine est transcendante

 

D’abord la vérité de ce qu’enseignait Pierre Lombard, c’est-à-dire que l’essence divine est quelque chose de transcendant qui dépasse la pensée et que la parole ne peut pas rendre, puisqu’elle renferme trois personnes, en même temps unes et distinctes. Car on peut dire avec vérité que l’essence divine est Père, Fils et Saint Esprit. De même qu’on peut dire avec autant de raison : L’essence divine est Père, l’essence divine est Fils, l’essence divine est Saint Esprit. Ce qui n’a pas lieu dans notre cas; car l’essence de Pierre n’est pas Pierre, tandis que l’essence de Dieu le Père est le Père lui-même, parce que Pierre est composé de plusieurs éléments, et qu’il n’en est pas ainsi de la personne du Père, ni de celle du Fils, pas plus que de celle du Saint Esprit.

 

2° Trois personnes divines et non quatre

 

Secondement, quand le concile ajoute : "C’est pourquoi en Dieu, etc.," il détruit la preuve que Joachim apportait en sa faveur. Car il faut faire attention qu’on confond dans un même genre tous les êtres qui n’ont pas de différence entre eux. Or, comme l’animal n’est pas distinct de l’homme, du cheval et du boeuf, qui sont tous des animaux, on ne peut pas dire que l’homme, le cheval, le boeuf et l’animal font quatre animaux, mais seulement trois, parce que chacun d’eux est animal. De même, comme chacune des trois personnes divines est cela, c’est-à-dire la substance, l’essence ou la nature divine, on ne peut pas affirmer que ces trois personnes font quatre, parce que l’essence divine n’est pas une chose distincte des trois personnes. Ce que l’on prouve par cette raison, que seule l’essence divine est le principe créateur de toutes choses; ainsi ne se peut-il rien trouver, hors de l’essence divine, qui ne se confonde avec elle, ou qui ne soit créé par elle. Or, les trois personnes ne sont pas créées par l’essence divine, parce que le Père est incréé, le Fils est incréé, ainsi que le Saint Esprit; bien plus, nous pouvons dire que le Père est le principe de toutes choses, aussi bien que le Fils et le Saint Esprit; ce qui prouve clairement que l’essence divine n’est pas un être distinct des trois personnes divines; par conséquent, il n’y a pas de quaternité, mais seulement une trinité.

 

3° Distinction essence et personnes

 

Mais parce que Joachim croyait qu’il s’ensuivait des paroles de Pierre Lombard, que l’essence divine était distincte des trois personnes, quand on dit en troisième lieu : Et cela n’engendre pas, on prouve que telle n’est pas la conséquence des paroles [du maître des Sentences]. Car il est vrai que nous ne pouvons pas dire que l’essence divine génère, est générée ou procède, de même que nous ne pouvons pas dire que l’essence divine est distincte dans les trois personnes. Toute la différence consiste en effet en ce que l’une engendre, que la seconde est engendrée et que la troisième procède ainsi que nous l’avons dit. Cependant, nous pourrions dire que l’essence divine est ce qui est distinct, c’est-à-dire le Père qui est distinct du Fils : et de même aussi que l’essence divine est le Père qui engendre, est le Fils qui est engendré et est le Saint Esprit qui procède; de façon que ces différences signifiées par ces trois adjectifs, générateur, engendré procédant, distinguent les personnes auxquelles on en fait l’application, mais non l’essence ou la nature, qui n’est pas distincte. Il ne s’ensuit donc pas la conséquence qu’en tirait Joachim : l’essence n’engendre pas, le Père engendre; donc l’essence n’est pas le Père, parce que bien que l’essence n’engendre pas, il y a cependant quelqu’un qui engendre, c’est-à-dire le Père. Et de même, l’essence ne naît pas, mais il y en a un qui naît, c’est-à-dire le Fils : l’essence ne procède pas, mais quelqu’un procède, c’est-à-dire le Saint Esprit.

 

4° La différence des Personnes d'après la foi

 

Quatrièmement, lorsqu’on dit : Malgré qu’un autre, etc. on décide de quelle manière on doit exprimer la différence des personnes d’après la foi catholique. Relativement à cela, il faut faire attention que, dans les personnes divines, le masculin se rapporte à la personne et le neutre à l’essence ou à la nature. Dans les choses humaines, nous appliquons le masculin aux personnes, et par exemple « qui court ? » « Pierre ». Et le neutre à la nature, comme : « qu’est-ce que l’homme ? » « un animal raisonnable et mortel ». Or, comme, dans les personnes divines, l’essence est la même et les personnes distinctes, nous employons donc les noms masculins pour exprimer ces différences et non pas des noms neutres. Car quoique nous disions « le Père est autre que le Fils, le Fils est autre que le Père, et le Saint Esprit est autre que le Fils et le Père », ils ne diffèrent pas cependant entre eux, parce qu’il n’y a. pas de différence dans l’essence, bien qu’il en ait une dans les personnes : mais « ce qu’est le Père, le Fils l’est aussi, de même que le Saint Esprit », parce qu’ils n’ont tous trois qu’une même essence. C’est pourquoi ils sont tout à fait idem, si idem est du genre neutre, parce que cela appartient à l’identité d’essence; mais ils ne sont pas idem, au masculin, parce que cela effacerait la distinction des personnes. Il faut donc qu’ils soient idem, au neutre, pour qu’on les croie consubstantiels, selon la foi « orthodoxe », c’est-à-dire qui s’en glorifie à juste titre, ce mot étant formé de orthos, c’est-à-dire rectum, droit, et doxa, qui veut dire gloire, et « catholique », c’est-à-dire universelle, comme nous l’avons déjà expliqué. Car il a été décidé dans le concile de Nicée, que le Fils est de même substance (homousios), c’est-à-dire consubstantiel au Père.

 

5° Une seule essence pour trois personnes

 

Cinquièmement, quand on dit : car il est Père de toute éternité, on prouve qu’il n’y a qu’une seule et même essence pour les trois personnes. Car le Père, en engendrant le Fils, lui a donné sa substance, puisque engendrer n’est autre chose que de tirer un autre soi-même de sa substance. Et de même que le Père a engendré le Fils de toute éternité, mais non pas en ce sens qu’il n’existait pas auparavant; de même le Père a donné sa substance à son Fils de toute éternité, non pas en ce sens qu’il ne l’avait pas auparavant, mais en ce sens qu’il l’a toujours eue d’un autre, c’est-à-dire du Père. Le Fils lui-même rend témoignage de ce don, par ces paroles, dans l’Evangile de Saint Jean, ch. X, 29 : "C’est mon Père, qui est au-dessus de tout, qui me (les) a données" ; or ce qui est plus grand que tout, c’est l’essence divine. Il faut cependant savoir que les choses se passent différemment dans la génération humaine et dans la génération divine. La nature humaine étant susceptible de division, l’homme, en engendrant, peut faire passer dans son fils une partie de sa substance. Tandis que la nature divine est simple et indivisible; aussi ajoute-t-on qu’on ne peut pas dire que le Père a donné une partie de sa substance à son Fils. On ne petit pas dire de la même manière, que le Père, en donnant sa substance à son Fils, ne l’a plus lui même, parce qu’alors le Père cesserait d'être la substance divine. Dans les choses matérielles, on n’a plus ce qu’on a donné par exemple, si vous donnez un cheval, vous ne l’aurez plus ; mais dans les choses spirituelles, on donne et on retient à la fois ce qu’on donne; comme par exemple, celui qui communique la science à un autre, la garde en même temps pour lui. Il est donc évident que le Fils reçoit, en naissant, la substance du Père, sans lui causer aucune diminution, et que le Père la retient tout entière d’où il suit que le Père et le Fils ont la même substance; on peut donner la même raison pour la procession du Saint Esprit du Père et du Fils. Le Père est sa propre substance, parce qu’il n’y a en lui rien de composé; il en est ainsi du Fils et du Saint Esprit. Comme les trois personnes n’ont qu’une même essence, il s’ensuit que cette même chose qui est l’essence divine est le Père, le Fils et le Saint Esprit. Reste donc prouvée irréfragablement, selon la foi catholique, la thèse de Pierre Lombard, et par conséquent celle de Joachin réfutée et convaincue de fausseté.

 

6° L'unité substantielle des Personnes divines

 

Sixièmement, en disant : Puisque donc la vérité aux fidèles, etc. ensuite on cite les autorités que Joachim revendiquait en sa faveur, en les interprétant faussement; car la prière que le Seigneur faisait pour les fidèles, en ces termes : "Je veux qu’ils soient un en nous comme nous sommes un », était alléguée par Joachim, comme si on pouvait dire de nous que nous sommes un, de la même manière que nous le disons des trois personnes divines. Ce qui est faux, car l’unité dans les chrétiens veut dire pour tout le monde la grâce de la charité; tandis que dans les personnes de la sainte Trinité, on entend l’unité de même nature. Ce que l’on prouve par un autre passage de 1’Evangile, pris dans le même sens. Le Seigneur dit, dans l’Evangile de saint Matthieu, ch. V, 48 : "Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait." Il n’y a pourtant pas le même mode de perfection entre la perfection humaine et la perfection divine, car il ne peut y avoir une si parfaite ressemblance entre le Créateur et la créature, qu’elle ne soit encore dépassée par une plus grande dissemblance, parce que la créature sera toujours à une distance infinie de Dieu.

 



[1] Voir p. 800-802. Chap. 1. "La foi catholique." Éd. Mansi 22,981 s; HaC 7,15-17; BarAE, pour l’année 1215 n° 8-10; Grégoire IX, Décrétales, I. I, tit. 1, c. I (Frdb 2,5 s) COeD³ 230 s.

[2][1] CYPRIEN DE CARTHAGE, Lettre (73) à Jubaianus, chap. 21 (CSEL 3/11, 795³; PL 3,1169A) Salus extra Ecclesiani non est "Il n’y a pas de salut hors de l’Eglise"; voir *3866-3873)

 

[3] Éd. DenCh 1,81 n° 22 1*8081 Mansi 22,982A-986D; HaC 7,17-19 Grégoire IX, Decretales, 1. I, tit. 1, e. 2 (Frdb 2,6 s); COeD³ 231-233.

[4][2] Voir GRÉGOIRE DE NAZIANZE. Lettre (101) à Cledonius 1 20-21 (P. GALLEY, SC 208 11974], 44-46; PG 37, 180AB).

 

[5][3] La protestatio de JOACHIM DE FLORE, écrite en 1200 (DUPIA 1/I, 121ab)

[6] Le texte latin porte viae, ce qui rend le contexte incompréhensible ; je suppose donc vitae comme l’a fait le traducteur de l’édition Vivès