I TIMOTHÉE XVII

HOMÉLIE XVII. ENSEIGNEZ CELA, EXHORTEZ A L'ACCOMPLIR. SI QUELQU'UN DONNE UN ENSEIGNEMENT DIFFÉRENT ET N'ACQUIESCE POINT AUX PURES DOCTRINES DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIT, ET A LA SCIENCE QUI EST CONFORME A LA PIÉTÉ, C'EST UN ORGUEILLEUX QUI NE SAIT RIEN, MAIS QUI A LA MALADIE DES RECHERCHES ET DES DISPUTES DE MOTS, D'OU NAISSENT L'ENVIE, LES QUERELLES, LES BLASPHÈMES, LES SOUPÇONS MAUVAIS, LES FROISSEMENTS EXCITÉS PAR DES HOMMES D'UN ESPRIT GATÉ, ÉLOIGNÉS DE LA VÉRITÉ, CONFONDANT LE GAIN ET LA PIÉTÉ [ÉLOIGNEZ-VOUS DE CES HOMMES]. OUI, C'EST UN GRAND GAIN QUE LA PIÉTÉ AVEC LA MODÉRATION DANS LES DÉSIRS. CAR NOUS N'AVONS RIEN APPORTÉ EN CE MONDE, ET IL N'EST PAS DOUTEUX QUE NOUS N'EN POURRONS RIEN EMPORTER. (VI, 2-7 JUSQU'A 12.)

 

Analyse.

 

1. Il faut, à celui qui est chargé d'enseigner, de l'autorité et de la douceur. — L'orgueil naît de l'ignorance.

2. La cupidité est ennemie de la foi et du salut.

3. Elle est la racine de tous les maux.

 

1. Celui qui enseigne n'a pas seulement besoin d'autorité, mais d'une grande douceur; comme il n'a pas besoin de douceur seulement, mais aussi d'autorité. Tout cela, le bienheureux Paul l'enseigne en disant, tantôt : « Prescrivez et enseignez ceci », tantôt : « Enseignez cela, exhortez à l'accomplir ». Car, si les médecins exhortent leurs malades, non pour revenir eux-mêmes à la santé, mais pour les guérir de leurs maladies et les remettre sur pied, nous devons bien davantage user aussi d'exhortations envers ceux que nous enseignons. Le bienheureux Paul, en effet, ne refuse point de servir, quand il dit: « Nous ne nous prêchons point nous-mêmes, mais nous prêchons le Christ Jésus; et quant à nous , nous mous regardons comme vos serviteurs, à cause de Jésus » (II Cor. IV, 5); et ailleurs: « Tout est à vous, que ce soit Paul ou Apollon». (I Cor. III, 22.) Il sert ainsi de (344) grand coeur, car ce n'est point une servitude, mais un état meilleur que la liberté. « Celui-là est esclave », dit l'Ecriture, « qui commet le péché ». (Jean, VIII, 34.)

« Si quelqu'un donne un enseignement « différent, et n'acquiesce point aux pures doctrines de Notre-Seigneur Jésus-Christ et à la science qui est conforme à la piété, c'est un orgueilleux qui ne sait rien ». Ce n'est donc pas la science qui conduit au vertige de l'orgueil, c'est l'ignorance. Car celui qui connaît la doctrine conforme à la piété, sait parfaitement se modérer; celui qui connaît les saines doctrines n'a pas l'esprit malade. Ce qu'est l'inflammation pour les corps, l'orgueil l'est pour les âmes; nous ne pouvons pas plus dire d'un orgueilleux que d'un homme souffrant d'une inflammation, qu'il se porte bien. Mais est-il donc possible de ne rien savoir en sachant quelque chose? Oui, car celui qui ne sait pas ce qu'il doit savoir, ne sait rien; et l'on voit ici manifestement que l'arrogance naît de l'ignorance. Le Christ s'est anéanti; celui qui sait cela ne s'enflera jamais; car l'homme n'a rien qu'il ne tienne de Dieu; il ne s'enfler donc pas. « Qu'avez-vous que vous n'ayez reçu ? » (I Cor. IV, 7.) Le Christ lui-même a lavé les pieds de ses disciples; qui donc, sachant cela , pourra se gonfler d'orgueil? C'est pourquoi il a dit : « Quand vous aurez tout accompli, dites : Nous sommes des serviteurs inutiles ». (Luc, XVII, 10.) Le publicain a été loué, seulement pour son humilité, et le pharisien s'est perdu par son arrogance. Celui donc qui s'enorgueillit ne sait rien de tout cela. Le Christ a dit aussi : « Si j'ai mal parlé, rendez-en témoignage; si j'ai bien parlé, pourquoi me frappez-vous? » (Jean, XVIII, 23.) L'apôtre dit: « Mais qui a la maladie des recherches ». Rechercher ces choses, c'est donc être malade; « et des disputes de mots » ; oui, sans doute; car lorsque les raisonnements ont donné la fièvre à une âme, lorsqu'elle est agitée, elle cherche; lorsqu'elle est en santé, elle ne cherche point, elle accepte la foi. La recherche et les disputes de mots ne conduisent à rien. Car ce que la foi seule annonce, quand la recherche veut se charger de le découvrir, elle ne nous le fait pas voir et ne nous le laisse pas comprendre. Si quelqu'un veut trouver, en fermant les yeux, un objet qu'il cherche, ou si, les tenant ouverts, il s'ensevelit dans une fosse et détourne son regard du lieu de ses recherches, il ne pourra rien trouver. C'est ainsi qu'en dehors de la foi, rien ne se découvre, mais il naît inévitablement des troubles. — « D'où naissent les blasphèmes, les soupçons mauvais » ; c’est-à-dire les opinions et les doctrines perverses qui proviennent de ces recherches; alors, en effet, nous soupçonnons au sujet de Dieu ce qu'il ne faut pas. « Les froissements », c'est-à-dire les exercices inutiles de la parole. Ou peut-être encore veut-il dire que, comme les brebis galeuses communiquent leur mal à celles qui sont saines, il en est de même des hommes pervers.

« Eloignés de la vérité, confondant le gain et la piété ». Vous voyez combien de malheurs l'apôtre nous dit produits par les disputes de mots : l'avidité honteuse pour le gain, l'ignorance, l'orgueil, qui est enfanté par l'ignorance elle-même. — Eloignez-vous de ces hommes, ne vous rencontrez point avec eux. « Evitez l'hérétique, après une première et une seconde réprimande ». (Tit. III, 10.) II nous montre que leur ignorance-même vient surtout de leur négligence. Pourrez-vous persuader des hommes qui luttent pour des richesses? Non, vous ne le pourrez qu'en leur donnant encore, et même ainsi vous ne contenterez point leurs désirs. « L'oeil de l'homme cupide est insatiable; il ne se contente point d'un résultat partiel ». (Ecclés, XIV, 9.) Il faut donc se détourner de ceux qui sont incorrigibles. Mais s'il avertit celui qui se trouvait dans la nécessité de lutter, de ne pas se rencontrer avec ces. hommes et de ne pas se lier avec eux, combien plus nous, qui sommes au rang des simples disciples.

Et comme il a dit que ces hommes confondent le gain et la piété, il ajoute : « Oui, c'est « un grand gain que la piété, avec la modération dans les désirs » ; non lorsqu'on possède des richesses, mais lorsqu'on n'en possède pas. Car, afin que son disciple ne tombe pas dans l'abattement à cause de sa pauvreté, il le relève et le soutient. « Ils la confondent avec le gain ». Oui, c'en est un, mais d'une autre et meilleure nature. Ayant abaissé l'un de ce avantages, il exalte l'autre. Le gain d'ici-bas n'est rien : il demeure sur la terre, il ne nous suit pas, il n'émigre point avec nous. Qu'est-ce qui le prouve? C'est que nous sommes venu, dans la vie sans rien avoir; nous devon; donc en partir sans rien emporter; nu est (345) venu notre corps, nu il s'en ira. Nous n'avons donc pas besoin de superflu; si nous n'avons rien apporté, nous partirons sans rien avoir, comme le dit l'apôtre. « Si nous avons ici la nourriture et le vêtement, nous nous contenterons de cela (8) ». II faut manger seulement ce qui suffit à nous nourrir, se vêtir seulement de ce qui suffit à nous couvrir, à envelopper notre nudité; rien de superflu : le premier vêtement venu peut y: suffire.

2. L'apôtre ensuite nous excite à nous détacher des biens terrestres. « Ceux qui veulent s'enrichir ». Il ne dit pas simplement Ceux qui sont riches, mais : Ceux qui veulent l'être. Car il est possible qu'un homme possède des richesses et en fasse un emploi honorable, en les méprisant et les distribuant aux pauvres. Ce ne sont pas ceux-là qu'il accuse, mais ceux qui désirent les richesses. « Ceux qui veulent s'enrichir », dit-il, « tombent dans la tentation et dans le piège du démon, set dans beaucoup de désirs vains et nuisibles qui engloutissent les hommes (9) ». Oui, engloutissent, en sorte qu'ils ne peuvent plusse relever, «dans leur raine et leur perte», et en ce inonde et en l'autre. « En effet, la racine de tous les maux est l'amour de l'argent, dont le désir en a conduit plusieurs à s'égarer hors de la foi, et à se tourmenter de nombreuses douleurs (10) ». Ici l'apôtre signale deux malheurs, mais il place le dernier celui qui leur parait le plus grand, les nombreuses douleurs. On ne peut savoir, sans demeurer près des riches, combien ils font entendre de gémissements et de lamentations. allais vous, homme de Dieu ». C'est là une grande dignité ; car tous les hommes appartiennent à Dieu, mais spécialement les justes, qui ne lui appartiennent pas seulement par leur création, mais par les liens de l'amour. Si vous êtes un homme de Dieu, lui fait-il entendre, ne cherchez pas ce qui est superflu et ne conduit point à Dieu ; mais « fuyez ces choses », ajoute-t-il, « et recherchez la justice ». L'un et l'autre avec ardeur; car il n'a pas dit : Ecartez-vous, approchez-vous; mais : Fuyez, poursuivez; « la justice », afin de ne pas commettre de fraudes ; « la piété », dans la croyance; « la foi » , qui est opposée à la recherche; « la charité, la patience, la douceur (11). Combattez le bon combat de la foi, atteignez la vie éternelle, (voici le prix), a à laquelle vous avez été appelé, et que vous avez noblement confessée », dans l'espérance de la vie éternelle, « en présence de nombreux « témoins (12) » ; c'est-à-dire, ne faites pas honte à votre généreuse confession ; pourquoi auriez-vous subi des travaux inutiles?

Et à quelle tentation, à quel piège l'apôtre dit-il que sont exposés ceux qui veulent s'enrichir? Cette passion les égare hors de la foi, les environne de périls, et les rend timides. Il parle de désirs vains; comment leurs désirs ne le seraient-ils pas, quand on leur voit des fous, des nains, non par humanité, mais comme des amusements; quand ils renferment des poissons dans les cours de leurs palais, quand ils nourrissent des bêtes sauvages , quand ils donnent leur temps à des chiens, quand ils parent des chevaux et ne s'en éprennent pas moins que de leurs enfants? Tout cela est vain et superflu ; il n'y a là rien de nécessaire ni d'utile. « Des désirs vains et nuisibles ». Quels sont ces désirs nuisibles? Les passions déraisonnables, le désir du bien d'autrui, la recherche ardente de la mollesse, l'attrait pour l'ivrognerie, pour le meurtre et la perte d'autrui. Beaucoup, poussés par ces passions, ont aspiré au pouvoir et y ont trouvé leur perte; vraiment, celui qui se conduit ainsi se fatigue pour des objets inutiles, ou plutôt nuisibles. L'apôtre s'est parfaitement exprimé : « Ils se sont égarés hors de la foi » ; car la cupidité, attirant leurs yeux, ne leur permet plus de voir le chemin, et peu à peu les soustrait à la vérité. Car, de même qu'un homme, suivant un chemin bien tracé, et préoccupé de quelque chose, continue de marcher, mais dépasse souvent, sans le savoir, la ville où il se rendait, parce que ses pieds l'ont conduit machinalement et sans but, la cupidité a des effets semblables. « Ils se sont embarrassés dans de nombreuses douleurs ». Vous voyez ce qu'il fait entendre par : « Se sont embarrassés ». Ce sont comme des épines : ceux qui y touchent ensanglantent leurs mains et se blessent. C'est ce qu'éprouve celui qui s'engage dans la cupidité : son âme y trouve des chagrins qui l'enveloppent comme un filet douloureux. Combien ces hommes n'ont-ils pas de soucis et de douleurs? Aussi l'apôtre ajoute-t-il : « Fuyez ces choses et poursuivez la justice, la piété, la foi, la charité, la patience, la douceur». De la charité naît la douceur. L'apôtre loue aussi la hardie sincérité et le courage de son (346) disciple, sa noble confession en présence de nombreux témoins. Il lui rappelle son enseignement : « Atteignez », lui dit-il, « la vie éternelle».

Il ne faut donc pas seulement confesser la foi, mais pratiquer la patience, en persistant dans cette confession; endurer, comme il est juste, un rude combat et des sueurs abondantes, en sorte que l'on n'en dévie point, car les scandales et les obstacles sont nombreux. C'est pour cela que le chemin est étroit et difficile. Il faut donc être léger de bagage et agile; de tous côtés mille plaisirs se présentent, qui séduisent les yeux de l'âme : plaisirs des sens, des richesses, de la mollesse, de la nonchalance, de la réputation, de la colère, du pouvoir, de l'ambition ; ils se montrent avec un visage éclatant et attrayant, capable de fasciner et d'entraîner ceux qui ne sont pas énergiquement amoureux de, la vérité. Car elle est sèche et n'a rien qui séduise. Pourquoi ? Parce qu'elle ne promet de plaisir que pour un temps futur, tandis que ses rivales nous offrent des honneurs, des voluptés, un repos, non pas véritables, mais revêtus de fausses couleurs. Celui donc qui a une âme vulgaire, qui est mou et lâche, s'attache à elles et renonce aux travaux. C'est ainsi que, dans les combats du paganisme, celui qui ne souhaite pas ardemment d'obtenir des couronnes, peut, après la première, s'adonner aux banquets et au vin; c'est ce que font les pugilistes sans résolution ni courage. Mais ceux qui ont les yeux fixés sur la couronne, préfèrent mille coups, car l'espoir des, prix à venir tes soutient et les relève.

3. Ecartons-nous donc de la racine des maux, et nous les éviterons tous. « La racine de tous les maux », dit l'apôtre, « est l'amour « de l'argent ». C'est Paul qui l'a dit, ou plutôt c'est Jésus-Christ. Et voyons comment le témoigne l'expérience même de la vie. Quel est, en effet, le mal qui n'est pas produit par les richesses, ou plutôt, non par les richesses elles-mêmes, mais par la volonté mauvaise de ceux qui n'en savent pas faire usage? On pouvait s'en servir pour l'accomplissement de ses devoirs et acquérir par leur moyen l'héritage du royaume céleste; mais aujourd'hui, ce qui nous a été donné pour le soulagement des pauvres, pour alléger le poids de nos péchés, pour honorer Dieu et lui plaire, nous nous en servons contre les malheureux indigents, ou plutôt contre nos propres âmes et pour offenser Dieu. Un homme dépouille son prochain de ce qui est à lui; il l'a précipité dans la misère, mais il s'est précipité dans la mort; le spolié sèche de misère, mais le spoliateur se livre à un châtiment sans fin. N'est-il pas aussi malheureux? Et quel est le mal qui n'en résulte pas ? Les suites n'en sont-elles pas les fraudes, les rapines, les pleurs, les haines, les luttes, les querelles? On porte la main jusque sur les morts, jusque sur son père et son frère; on ne respecte ni lois de la nature, ni commandements de Dieu; tout est bouleversé, en un mot, n'est-ce pas la cupidité qui tyrannise ainsi les hommes? N'est-ce pas là ce qui a fait établir les tribunaux? Faites disparaître l'amour des richesses, et la guerre a pris tin, les luttes, les haines, les altercations, les querelles n'existent plus. De tels hommes devraient être chassés de la terre, comme des fléaux publics et des loups. De même que des vents violents et contraires, tombant sur une mer calme, la soulèvent jusqu'aux abîmes et mêlent aux vagues le sable qui se trouve au fond, de même les hommes, amoureux de la richesse, bouleversent le monde. Un tel homme ne connaît point d'ami, que dis-je, d'ami ? Il ne sait pas même qu'il y a un Dieu; sous l'empire de sa passion, il est devenu insensé.

Ne voyez-vous pas les Titans qui se précipitent, prêts à frapper? C'est l'image de cette fureur, c'en est l'image fidèle; ils sont comme les Titans furieux et hors d'eux-mêmes. Si vous mettez leur âme à nu, vous la trouverez dans de semblables dispositions; ce n'est pas un glaive ou deux qu'elle a saisis, mais des milliers; elle ne reconnaît plus personne, mais elle est transportée de rage contre tous, elle s'élance et aboie contre tous; ce ne sont pas des chiens mais des âmes humaines qui sont ses victimes, et contre le ciel même elle pousse d'affreux blasphèmes. De tels hommes ont tout bouleversé, tout perdu, entraînés qu'ils sont par la fureur des richesses. Je ne sais, non je ne sais qui mettre en cause, tant cette peste est universelle; les uns en sont atteints davantage, d'autres moins, mais tous le sont. Comme un bûcher allumé au milieu d'un bois le détruit et en fait un désert, de même cette passion a dévasté toute la terre : rois, magistrats, citoyens, pauvres, femmes, hommes, enfants, tous enfin sont en son pouvoir. C'est (317) comme une nuit qui s'est étendue sur le monde; nul ne sort de cet enivrement; mille accusations publiques et privées ;s'élèvent contre la cupidité, mais personne ne s'en corrige.

Que pourrait-on faire ? Comment éteindre cette flamme? Eh bien ! quand elle se serait élevée jusqu'au ciel, pour s'en rendre maître il suffit de le vouloir. Comme c'est la volonté qui l'a développée, c'est la volonté qui l'anéantira. N'est-ce pas notre libre arbitre qui en est l'auteur? Il pourra aussi l'éteindre; veuillons-le seulement. Et cette volonté, comment naîtra-t-elle en nous? Si nous considérons combien cette possession est frivole et vaine; que les richesses ne sauraient nous suivre dans l'autre vie, que même en cette vie elles nous abandonnent souvent ; que cette passion demeure ici, mais que les blessures qu'elle nous a faites, nous les emportons dans l'autre monde; si nous considérons encore quelle est la richesse des cieux pour la comparer avec celle de la terre, celle-ci nous paraîtra plus vile que de la boue; si nous voyons qu'elle comporte mille dangers, que le plaisir en est passager et mêlé de dégoûts; si nous méditons sur la richesse de la vie éternelle, alors nous pourrons mépriser celle du monde; si nous voyons que celle-ci nous est inutile pour notre renommée , notre santé , tout enfin , mais qu'elle nous abîme au contraire dans notre perte et notre ruine. Ici vous êtes riches et avec de nombreux subordonnés; là-bas vous arriverez seul et nu. Si nous nous le répétons sans cesse et que nous l'entendions répéter, peut-être guérirons-nous, peut-être échapperons-nous à ce terrible châtiment. Une perle est belle ? Pensez que c'est de l'eau de mer, qu'elle y était d'abord perdue. L'or et l'argent sont beaux? Pensez donc que c'est de la terre et de la cendre. Les vêtements de soie sont beaux ? mais ils sont tissés par des vers. Cette beauté réside dans l'opinion, dans le préjugé des hommes et non dans la nature; car ce qui est naturellement beau n'a pas besoin qu'on enseigne à le remarquer. Si vous voyez une pièce de cuivre simplement recouverte d'or, vous l'admirez en l'appelant de l'or, mais, quand les gens du métier vous auront fait connaître la fraude, l'admiration aura disparu avec l'erreur. Voyez-vous que cette beauté ne réside pas dans la nature? Et l'argent? En voyant de l'étain vous l'admirez pour de l'argent, comme du cuivre pour de l'or; il faut se faire instruire pour savoir si l'on doit admirer. Ainsi, les yeux ne suffisent pas pour le reconnaître. Les fleurs valent mieux; il n'en est pas ainsi d'elles. Si vous voyez une rose, vous n'avez pas besoin qu'on vous apprenne ce qu'elle est; vous saurez bien la distinguer de l'anémone; et de même la violette, le lys, chaque fleur enfin. C'est donc un préjugé que l'admiration dont je parlais. Et, pour vous faire comprendre qu'un préjugé en est la source, dites-moi, s'il plaisait à l'empereur de décréter que l'argent vaut plus que l'or, cet enthousiasme séducteur ne changerait-il pas d'objet? Ainsi nous sommes partout les jouets de la cupidité et de l'opinion. Qu'il en soit ainsi, que la rareté soit la cause des prix qu'on met aux objets, en voici une preuve. Il est des fruits vendus ici à vil prix et qui sont chers en Cappadoce, plus chers que ceux qui sont précieux chez nous; il en est de même pour les pays des Sères d'où nous viennent ces étoffes de luxe ; dans l'Arabie et l'Inde, pays des aromates et des pierres précieuses, on signalerait bien des faits semblables. C'est donc un préjugé que cette opinion; nous n'agissons jamais avec jugement, mais par caprice et à l'aventure. Sortons donc de cette ivresse, considérons ce qui est véritablement beau, ce qui est beau par sa nature, la piété, la justice, afin d'obtenir les biens promis, que je vous souhaite à tous, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui soient au Père et au Saint-Esprit, gloire, puissance, honneur, maintenant et toujours, et aux siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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