HÉBREUX IX

HOMÉLIE IX. QUITTANT DONC LES INSTRUCTIONS QUE L'ON DONNE A CEUX QUI NE FONT QUE COMMENCER A CROIRE EN JÉSUS-CHRIST, PASSONS A CE QU'IL Y A DE PLUS PARFAIT, SANS NOUS ARRÊTER A ÉTABLIR DE NOUVEAU CE QUI N'EST QUE LE FONDEMENT DE LA RELIGION, LA PÉNITENCE DES OEUVRES MORTES, LA FOI EN DIEU, ET CE QU'ON ENSEIGNE TOUCHANT LES BAPTÊMES, L'IMPOSITION DES MAINS, LA RÉSURRECTION DES MORTS ET LE JUGEMENT ÉTERNEL. ET C'EST CE QUE NOUS FERONS, SI DIEU LE PERMET. (VI, 1, 2, 3, JUSQU'A 6.)

 

Analyse.

 

1. Avant d'aller plus loin, il faut être bien convaincu des vérités fondamentales de la religion. 2. La foi ferme et sincère conduit à la vie parfaite.

3. Le baptême ne peut être conféré deux fois.

4. A défaut d'un second baptême qui ne peut être conféré, la pénitence est pour nous un moyen de salut. Mais la pénitence, afin, de porter ses fruits, doit être accompagnée de la contrition parfaite, du pardon et de l’oubli des injures, et surtout de la charité et de l'aumône.

5. Effets de la pénitence. — La gloire de saint Paul comparée aux vanités de ce monde.

 

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1. Vous avez vu comme il reproche aux Hébreux de vouloir qu'on leur dise toujours la même chose. Et il a raison. Depuis le temps qu'on vous instruit, dit-il, vous devriez être passés maîtres. et vous avez encore besoin d'apprendre les principes de la religion. Et vous aussi, j'ai bien peur que vous ne méritiez ce reproche; j'ai :bien peur, moi aussi, d'être obligé de vous dire que, lorsque vous devriez être des maîtres vous n'êtes même pas encore des disciples. Il faut toujours vous répéter la même chose, et vous avez toujours l'air de ne pas entendre. Vous interroge-t-on, un petit nombre d'entre vous seulement, quelques auditeurs faciles à compter sont en état de répondre, et ce n'est pas là un léger inconvénient; car le maître voudrait aller plus loin; il voudrait aborder quelque grand mystère, et la paresse, la négligence de son auditoire ne le lui permettent pas. Voyez les maîtres d'école. Si la leçon roule toujours sur les mêmes éléments, et si l'enfant ne la retient pas, il faudra toujours revenir sur la même chose et la répéter sans cesse, jusqu'à ce que l'enfant sache bien sa leçon. Car ce serait folie d'aller en avant, quand l'écolier n'est pas encore bien pénétré des principes fondamentaux. Il en est de même dans cette assemblée. Si nos redites perpétuelles ne vous servent à rien, nous serons obligé de revenir sans cesse sur les mêmes matières. Si l'enseignement était pour nous une affaire d'ostentation et de vanité, nous nous verrions forcé de passer, de sauter d'un sujet à un autre, sans faire attention à vous, dans l'unique but de nous attirer vos applaudissements. Mais ce n'est pas là notre ambition et nous ne cherchons que l'intérêt de vos âmes. Nous ne cesserons donc de vous répéter les mômes préceptes jusqu'à ce que vous ayez bien appris à les pratiquer. Nous aurions pu vous entretenir longtemps de la superstition des gentils, des manichéens, des marcionites; nous aurions pu, avec la grâce de Dieu,, porter des coups terribles à nos adversaires, mats ce n'est pas là ce qui doit nous occuper, pour le moment. Quand on a affaire à des auditeurs qui ne savent pas encore que l'avarice est un' mal, peut-on passer à autre chose et aborder de grands sujets?, Que nous venions à bout de' vous persuader ou non, nous vous dirons donc toujours la -môme chose. Nous craignons seulement qu'en écoutant, sans en profiter , des leçons qui seront toujours les mêmes, vous n'en deveniez que plus coupables. Ce que je dis là ne s’adresse pas à tout le monde. Parmi vous, il en est beaucoup, je le sais, qui m'ont toujours écouté avec fruit et qui pourraient accuser à bon droit ceux dont la lenteur et la négligence est un piège tendu à leurs progrès; mais ce piège, ils n'y tomberont pas. Ces mômes leçons répétées à ceux qui les savent leur seront utiles, car ce que nous savons déjà, à force d'être entendu, nous touche davantage. Nous savons, par exemple, que la charité est une bonne chose, et que le Christ en- a souvent parlé; mais ces vérités et les méditations dont elles sont l'objet, nous frappent toujours davantage, quand nous les aurions entendu répéter mille fois. A plus forte raison nous pouvons aujourd'hui vous dire sans manquer d'à-propos : « Quittant les instructions que l'on donne à ceux qui ne font que commencer à croire en Jésus« Christ, passons à ce qu'il y a de plus parfait. » Quelles sont ces instructions premières, l'apôtre nous le dit en ces termes : « Ne nous arrêtons pas à établir de nouveau ce qui n'est que le fondement de la religion, c'est-à-dire, la pénitence, des oeuvres mortes, la foi en Dieu, et ce qu'on enseigne touchant les baptêmes , l'imposition des mains, la résurrection des morts et le jugement éternel ».

Si ce sont là des vérités premières, il s'ensuit que le fond de tous nos dogmes, c'est la croyance, à la nécessité de la, pénitence, c'est la foi venant du Saint-Esprit à la résurrection des morts et au jugement éternel. Voilà le commencement, voilà les premières vérités que l'on apprend, alors qua la vie n'est pas encore parfaite: Pour apprendre à lire, il faut d'abord apprendre les éléments; pour apprendre à être chrétien, les vérités exposées ci-dessus sont celles qu'il faut connaître avant tout et dont il faut être bien convaincu. Si l'on a besoin encore d'être éclairé là-dessus, c'est que la religion du Christ n'est pas bien établie dans notre coeur; car avant tout, ces vérités fondamentales doivent y être fermement assises. Si après avoir,' été instruit sur le catéchisme, si, après avoir reçu le baptême, on a encore besoin d'affermir sa foi, et d'apprendre à croire à la résurrection, c'est, qu'on ne possède pas encore le fond du christianisme, c'est qu'on a besoin d'y être initié. Pour être persuadé que ces articles de foi sont la base du christianisme et que le reste est l'édifice, écoutez ces paroles du maître : « J'ai jeté le fondement, un autre bâtit dessus. Si l'on élève sur ce fondement un édifice d'or, d'argent, de pierres précieuses, de bois, de foin, de paille, l'ouvrage de chacun paraîtra enfin ». (I Cor. III, 10, 12, 13.). Voilà pourquoi l'apôtre disait : « Ne nous arrêtons pas à établir de nouveau ce qui est le fondement de la religion, la pénitence des oeuvres mortes ».

2. Mais que signifient ces mots : « Passons à ce qu'il y a de plus parfait? » Il veut dire : Elevons-nous jusqu'au faite; atteignons à la perfection, dans notre vie. L'A est la première lettre de l'alphabet; l'édifice repose en entier sur ses fondements : ainsi la pureté de la vie repose sur une foi sincère. Sans la foi, on ne peut être chrétien; sans les fondements, on ne peut bâtir sans la connaissance de l'alphabet, on ne peut être grammairien. Mais si l'on s'arrête aux éléments, si l'on s'arrête à la base, sans arriver à l'édifice, où sera le progrès? Eh bien! il en sera de même pour nous autres chrétiens: si nous nous arrêtons aux principes de la foi, nous n'arriverons jamais à la perfection. Et n'allez pas croire que l'on rabaisse (493) la foi, en lui donnant le nom d'élément; c'est là . précisément qu'est sa toute-puissance.. Lorsque l'apôtre dit : « Quand on. est à la mamelle, on ne connaît pas encore le langage de la justice, car on n'est qu'un enfant », il n'appelle pas la foi le lait de la justice; mais, selon lui, douter des premières vérités de la religion, est le propre d'un esprit faible qui a encore besoin de leçons. Ces vérités sont la droite raison elle-même, et nous appelons parfait l’homme, qui a la foi et dont la vie est droite. Si maintenant on a une certaine foi qui ne vous empêche pas de commettre des crimes, de douter et d'outrager la doctrine du Christ, on méritera le nom d`enfant; car ce sera, rétrograder jusqu'aux éléments. Quand donc nous persisterions dans la foi pendant mille ans, si notre foi n'est pas ferme et stable, nous serons toujours des enfants; car notre vie ne sera pas conforme à notre foi; car nous serons toujours arrêtés aux bases de l'édifice.

Or ce que l'apôtre reprend chez les Hébreux, c'est leur genre de vie, c'est leur foi vacillante, c'est le besoin qu'ils ont d'établir un fondement de pénitence par des oeuvres mortes; car l'homme qui passe d'une chose à une autre, qui laisse ceci de côté pour s'attacher à cela, doit nécessairement condamner ce qu'il rejette; il doit s'en détacher pour passer à un autre objet. Si, après cela, il revient toujours au premier principe, objet de ses rebuts, quand donc arrivera-t-i1 au second?  Et la loi? La loi, nous l'avons condamnée et nous y sommes revenus. Ce n'est pas là changer : car avec la foi, nous avons encore la loi. « Détruisons-nous donc la loi par la foi ? » dit l'apôtre. « A Dieu ne plaise! nous l'établissons au contraire». (Rom. III, 31.) Le changement dont il était question était le changement du mal en bien. Pour passer dans le camp de la vertu en effet, il faut commencer par. condamner le vice. La pénitence n'avait pas le pouvoir de purifier les convertis, voilà pourquoi ils se faisaient baptiser aussitôt après, afin d'obtenir par la grâce du Christ de qu'ils ne pouvaient obtenir par eux-mêmes. La pénitence ne suffit donc point à la purification; il faut y joindre le baptême. C'est pourquoi on mène encore au baptême le nouveau converti qui a déjà accusé ses péchés. Mais que signifient ces mots : « Ce qu'on enseigne touchant les baptêmes? » Saint Paul ne veut pas dire par là qu'il y a plusieurs baptêmes; il n'y en a qu'un seul. Pourquoi donc parle-t-il au pluriel? C'est qu'il avait dit ; « Ne nous arrêtons pas à établir de nouveau ce qui n'est que le fondement de la religion, c'est-à-dire la pénitence » Et s'il avait passé son temps à leur donner un nouveau baptême; à les instruire encore sur le catéchisme, à leur tracer encore leur ligne de conduite, il n'y avait pas de raison pour qu'ils ne restassent toujours imparfaits. « L'imposition des mains ». C'est ainsi en effet qu'ils recevaient le Saint-Esprit. « Paul leur imposa les mains, et l'Esprit-Saint descendit sur eux ». — (Act. XIX, 6.) « Et la résurrection des morts ». C'est là un dogme dont il est fait mention dans le baptême et dans le Symbole « Et le jugement éternel ». Pourquoi ces paroles ? C'est que probablement leur foi était vacillante, c'est qu'ils menaient une vie coupable et dissolue. C'est pourquoi il leur dit : Veillez sur vous. Il dissipe leur indolence; il éveille leur attention. ils n'ont pas le droit de dire: Si nous menons une vie dissolue et négligente, nous en serons quittes pour. recevoir un nouveau baptême, pour apprendre encore le catéchisme; pour recevoir encore le Saint-Esprit. Ils ne peuvent pas dire : Si nous abandonnons la foi, nous en serons quittes pour laver nos péchés dans le baptême, et nous serons aussi avancés qu'auparavant. Erreur, dit l'apôtre! « Il est impossible que ceux qui ont été une fois éclairés, qui ont goûté le don du ciel, qui ont été rendus participants du Saint-Esprit, qui ont goûté la parole de Dieu et l'espérance des grandeurs du siècle à venir et qui, après cela, sont tombés, se renouvellent par la pénitence , parce qu'autant qu'il est en eux, ils crucifient de nouveau le Fils de Dieu et l'exposent à l'ignominie (4-6) ». Remarquez ce début qui est bien fait pour les couvrir de honte et pour les retenir. « Il est impossible », dit-il, c'est-à-dire : Ne vous attendez pas à ce qui ne peut pas arriver. Il n'a pas dit : Il ne convient pas, il n'est pas avantageux, il n'est pas permis. Il a dit : « Il. est impossible ». Il a voulu leur faire comprendre qu'après avoir été éclairés, c'est-à-dire baptisés une fois pour toutes ils devaient désespérer de l'être une seconde fois.

3. « Qui ont goûté le don du ciel », ajoute-t-il , c'est-à-dire la rémission dès péchés, « qui ont été rendus participants de l'Esprit-Saint et qui ont été nourris de la parole de Dieu ». Il est ici question de la doctrine. — « Et de l'espérance des grandeurs du siècle à venir ». Quelles sont ces grandeurs? Le don des miracles, les gages donnés par le Saint-Esprit.. — « Et qui après cela sont tombés, se renouvellent par la pénitence, parce qu'autant qu'il est en eux, ils crucifient le Fils de Dieu et l'exposent à l’ignominie ». — « Se renouvellent par la pénitence ». Eh quoi! Faut-il qu'ils renoncent à la pénitence? non pas à toute pénitence, à Dieu ne plaise ! mais au renouvellement qui a lieu par le baptême; car l'apôtre ne s'est pas borné à dire : « Il est impossible qu'ils se renouvellent par la pénitence », mais il a ajouté : « Parce qu'ils crucifient encore une fois le Fils de Dieu ». — « Se renouveler », signifie devenir un nouvel homme, et il n'y a que le baptême qui puisse opérer ce miracle. « Ta jeunesse », dit le psalmiste, « se renouvellera comme celle de l'aigle ».

La pénitence a pour effet de nous faire dépouiller le vieil homme et de faire des hommes nouveaux de ceux qui étaient retombés dans leurs anciens péchés; mais elle ne peut rendre à l'homme ce premier éclat qui est uniquement l'ouvrage de la grâce. « Parce qu'ils crucifient de nouveau le Fils de Dieu », dit-il, et «  parce qu'ils l'exposent à l'ignominie ». C'est que le baptême est une croix, dit-il : Grâce à lui, « le vieil homme se trouve crucifié. Nous mourons, comme le Christ est mort. Par le baptême, nous avons été ensevelis avec le Christ ». Si donc il est impossible que le Christ soit crucifié de nouveau, il est impossible que nous recevions un nouveau baptême. (494) Car s'il est dit que la mort ne prévaudra plus contre lui, s'il est ressuscité, si cette résurrection l'a rendu plus puissant que la mort, s'il a triomphé et terrasse la mort par la mort même, et si, après tout cela, il est crucifié de nouveau, tout ce qu'on vient de dire n'est qu'un tissu de fables ridicules. Celui qui reçoit un nouveau baptême crucifie de nouveau le Christ. Le Christ est mort sur - la croix: et nous mourons dans le baptême, non à la chair, mais au péché. Il y a là deux genres de mort différents; le Christ meurt à la, chair et nous au péché. Par le baptême, le vieil homme qui. était en nous est enseveli, et c'est un nouvel homme, qui ressuscite comme Jésus-Christ est ressuscité après sa mort. Si donc un second baptême est nécessaire, une seconde mort est nécessaire aussi ; car le baptême n'est rien autre chose que la mort du vieil homme et la création d'un. homme nouveau dans celui qui est baptisé. L'expression « parce que nous crucifions de nouveau » est belle. Car ces hommes déchus dont il parle, oublieux de la grâce qu'ils ont reçue autrefois, mènent une vie lâche et dissolue, et se conduisent en tout point,. comme s'il y avait un nouveau baptême: Il faut donc ici faire bien attention. «Ce don du ciel qu'ils « ont goûté », c'est la rémission des péchés. .Il n'appartient qu'à Dieu d'accorder ce don. C'est une grâce qu'il nous fait une fois dans le baptême. «Mais quoi? Demeurerons-nous dans le péché, pour donner lieu à une surabondance de grâce? à Dieu ne plaise ! » (Rom. VI, 1, 2.)Si, pour être sauvés, il nous faut toujours la grâce, nous ne serons jamais vertueux. Puisque nous sommes si lâchés et si négligents, quand la grâce du baptême n'est conférée qu'une fois, comment pourrions-nous renoncer à nos péchés, si nous savions que nous pouvons encore laver cette tache? Nous n'y renoncerions pas, j'en suis bien sûr.

Saint Paul énumère ici une foule de dons qui viennent de Dieu. Si vous voulez comprendre, écoutez bien : Pécheur, dit-il, Dieu a daigné vous accorder la rémission la plus éclatante. Celui qui était plongé dans les ténèbres, celui qui était D'ennemi déclaré de Dieu, celui dont Dieu s'était détourné avec horreur, celui qui était perdu, celui-là a été tout à coup éclairé, jugé digne de la grâce du Saint-Esprit, des dons célestes, de l'adoption divine, du royaume des cieux, d'autres faveurs encore, de l'initiation à de saints mystères, et tout cela ne l'a pas rendu meilleur. Après avoir obtenu le don du salut et s'être vu honoré, comme s'il s'était distingué par sa vertu, lé voilà en état de perdition. Comment donc pourrait-il recevoir encore le baptême? C'est impossible, et l'apôtre établit cette impossibilité sur deux raisons dont la dernière est la plus forte. Ces raisons quelles sont-elles? C'est d'abord l'indignité de l'homme qui a abusé de tous les dons que Dieu a daigné lui faire. lin pareil homme né mérite pas de se renouveler par la pénitence. C'est ensuite que le Christ ne peut être crucifié une seconde fois : car ce serait l'exposer à l'ignominie. Il n'y a donc pas, non il n'y a pas de second baptême. Autrement, il y en aurait aussi un second, un troisième, un quatrième; car le premier se trouve dissous par le second, le second par le troisième et ainsi de suite à l'infini. « Qui se sont nourris de la sainte parole de Dieu et de l'espoir des grandeurs du siècle à venir ». Il n'explique pas ces paroles; mais c'est comme s'il disait : Vivre comme les anges, se passer des biens de ce monde, savoir que Dieu, eu nous adoptant, nous accorde les biens du siècle à venir, avoir en perspective ces sanctuaires où nous serons admis ; un jour, voilà les fruits du Saint-Esprit et de ses leçons ! Mais quelles sont ces grandeurs du siècle à venir? C'est la vie éternelle, la vie angélique. Le Saint-Esprit, en nous donnant la foi, nous a déjà, donné un avant-goût de tous ces biens. Maintenant, je vous le demande: si l'on vous introduisait dans Te palais d'un souverain, si l'on vous confiait toutes les richesses qu'il renferme, et si vous les:

perdiez, vous les confierait-on de nouveau?     

4. Eh quoi! dira-t-on, est-ce qu'il n'y a plus de pénitence possible? Il y en a une, mais ce n'est plus celle du baptême. Cette sorte de pénitence est cependant très-efficace; elle peut délivrer du fardeau de ses péchés l'homme qui est plongé dans le péché ; elle peut ramener au port celui-là même qui est, au fond de l'abîme. Cette vérité est prouvée en maint passage. « Est-ce que celui qui tombe ne peut pas se relever? Est-ce que l'homme qui tourne le dos à Dieu ne peut pas se retourner vers lui? » (Jérém. VIII, 4.) Le Christ, si nous . voulons, peut encore se former en nous : Entendez-vous Paul qui vous dit : « Mes petits enfants, pour qui je sens de nouveau les douleurs de l'enfantement, jusqu'à ce que le Christ soit formé , en vous? » (Gal. IV, 19.) Or pour cela, il n'y a qu'une condition à remplir: c'est que la pénitence entre dans nos âmes. Voyez en effet comme Dieu, est bon et clément. Nous méritions, dans le principe, toutes sortes de châtiments, pour avoir, malgré les lumières de la loi naturelle et mille faveurs divines, ignoré Dieu et mené une vie impure et; . immonde. Et Dieu, loin de nous punir, nous a comblés, de biens, comme si nous avions fait les actions les plus grandes et les plus belles.

Nous avons encore failli et, loin de nous punir, il nous a apporté un remède à nos maux, la pénitence qui suffit pour détruire et effacer tous nos  péchés, pourvu que nous connaissions bien la nature de ce remède et la manière dont il faut l'appliquer. Il faut d'abord nous condamner nous-mêmes et confesser tous nos péchés. « Je vous ai fait connaître mes fautes et je n'ai pas caché mes péchés. Je déclarerai hautement, et en m'accusant moi-même, mon impiété au Seigneur, et vous m'avez pardonné mon impiété ». (Ps. XXXI, 56.) « Commencez par avouer vos péchés, pour qu'on vous les pardonne, ». (Isaïe, XLIII, 26) « Le juste commence par s'accuser lui-même». (Prov. XVIII, 17.) Il faut, en second lieu, nous humilier profondément; car il y a là comme une chaîne d'or dont le premier anneau amène tous les autres. Une bonne. confession amène l'humilité ; car, lorsqu'on réfléchit sérieusement à ses, fautes, on ne peut s’empêcher d'être humilié. Mais l'humilité ne suffit pas ; il faut ressentir ce qu'éprouvait le saint roi David, quand il disait: « Purifiez mon coeur, ô mon Dieu »; et lorsqu'il (495) disait encore : « Dieu ne dédaignera pas la prière d‘un coeur contrit et humilié » (Ps. L, 12, 19), car le pécheur contrit ne s'élève pas lui-même. Loin d'être agressif; il est prêt à tout supporter. Oui : tel est l'effet de la contrition : l'âme ne se révolte ni contre l'outrage, ni contre les mauvais traitements; l'âme ne s'éveille plus pour la vengeance. Après s'être humilié, il faut prier avec ardeur, il faut verser, nuit et jour, des larmes abondantes : « Toutes les nuits», dit le Psalmiste, j'arroserai mon lit de mes larmes ». (Ps. VI, 7.) « Je dévorais la cendre comme le pain., et mes larmes se mêlaient à mon breuvage ». (Ps. CI, 10.) A la prière, il faut joindre l'aumône. C'est l'aumône qui fait produire au remède de la pénitence son plein et entier effet. Les remèdes ordonnés par les médecins se composent souvent de certaines plantes, parmi lesquelles il y en a une qui est plus salutaire que toutes les autres. Il en est ainsi du remède de la pénitence. Parmi les ingrédients qui le composent, il se trouve une plante plus efficace que toutes les autres et qui est tout. Cette plante s'appelle l'aumône. Voici les paroles de l'Ecriture sainte : « Faites l'aumône et vous serez purifiés». (Luc, XI, 41.) « L'aumône et la foi sont, les deux grands moyens de purification ». (Tob. IV, 11.) L'eau éteint le feu et la flamme; l'aumône étouffe le péché. (Ecclés. XXVIII, 33.) Nous devons, outre cela, bannir de notre coeur la colère et les sentiments, de vengeance; nous  devons pardonner à tout le monde. « Eh quoi ! » dit l'Ecclésiaste, « l'homme veut que le Seigneur le guérisse et-il garde sa colère contre son semblable ! » (Ecclés. XXVIII, 3.) « Pardonnez», dit saint Matthieu, « pour que l’on vous pardonne ». (Matth. VI, 14.) Il faut travailler en outre à la conversion de ses frères : « Allez », est-il dit, « et convertissez vos frères » (Luc, XXII, 52), afin que vos péchés vous soient remis. Il faut se conduire convenablement envers les prêtres. « L'un d'entre eux pèche-t-il, il faut lui pardonner ». (Jac. V, 15.) Il faut défendre et protéger les opprimés, se garder de la colère, se montrer en tout calme et modéré.

5. Eh bien ! avant de connaître quel est- le pouvoir de la pénitence pour effacer nos péchés, n'étiez-vous pas inquiets, à l'idée qu'il ne pouvait y avoir deux baptêmes et que vous n'aviez plus rien à espérer? Mais aujourd'hui que vous connaissez les moyens de faire une bonne pénitence et d'obtenir la rémission de vos péchés, aujourd'hui que vous voyez dans la pénitence, si elle est ce qu'elle doit être une planche de salut, comment obtenir votre pardon, si vous ne vous souvenez même pas de vos fautes? Si vous y songez, en effet, votre , tâche est accomplie. Quand on a dépassé le seuil, on est dans la maison, de même quand on repasse ses fautes en soi-même, quand, on fait, chaque jour, son examen de conscience, on parvient à s'en corriger. Mais si l'on se borne à dire : J'ai péché, sans penser aux diverses espèces de péchés que l'on a commis ; si l'on ne se dit pas : j'ai péché de telle et telle manière, on ne se corrigera jamais. On se confessera toujours et l'on ne songera jamais à s'amender. Commençons, entrons dans la voie de la pénitence. et tout ira de soi-même. Ce qu'il y a de difficile, c'est de commencer. Jetons les bases de l'édifice ; le reste ira tout seul.

Commençons donc, je vous en prie : prions avec instance, pleurons sans cesse ou gémissons. Le moindre signe de repentir porte ses fruits. « J'ai vu », dit l'Ecriture, « j'ai vu l'affliction du pécheur; il marchait tristement et je lui ai aplani la voie ». (Isaïe, LVII, 17.) Ayons tous recours à l'aumône, au pardon, à l'oubli des injures, et renonçons à 1a. vengeance, afin d'humilier nôs âmes. Si nous ne perdons pas de vue nos péchés, les biens extérieurs ne pourront jamais enfler nos âmes. Les richesses, la puissance, le rang suprême, les dignités, les honneurs n'auront sur nous aucune influence; quand nous serions assis sur un char royal, nous gémirons toujours avec amertume. Le bienheureux David aussi était roi et il disait : « J'arroserai, chaque nuit, mon lit de mes larmes ». (Ps. VI, 6.) La pourpre et le diadème ne gâtèrent point son coeur et ne lui donnèrent pas d'orgueil. Il n'oubliait pas qu'il était homme et, comme il avait la contrition, il se lamentait. Les choses humaines, en effet, ne sont que cendre et poussière, c'est une poussière que le vent dissipe; c'est une ombre, une fumée; c'est la feuille qui est le jouet d'un souffle, c'est une fleur, un songe, un bruit qui passe; un air léger qui s'évanouit au hasard ; c'est la plume sans consistance qui s'envole ; c'est l'eau qui s'écoule; c'est moins que tout cela... Qu'est-ce qu'il y a de grand ici-bas, je vous le demande? Quelle est la dignité qui vous éblouit? Est-ce la dignité consulaire, cette dignité qui, dans l'opinion du vulgaire, est le degré suprême de la grandeur? Mais l'homme qui s'est trouvé revêtu d'une dignité aussi éclatante, l'homme qui s'est attiré tant d'admirateurs, n'est pas plus avancé que celui qui n'est pas consul. Ils sont égaux devant la mort; encore un peu de temps, et tous les deux ne seront plus. Répondez combien de temps a duré cette splendeur? Deux jours, l'espace  d'un songe. Mais, me direz-vous, un songe n'est qu'un songe. Eh bien ! ce qui se passe ici-bas, en plein jour, n'est-ce pas un songe aussi ? Pourquoi donner un autre nom à ces événements ? Quand le jour paraît, le songe rentre dans le néant ; une fois la nuit venue, ces grands événements du jour ne sont plus rien. Eh bien ! le jour et la nuit ne se partagent-ils point la durée par égales portions? Si donc ces agréables rêves d'une nuit ne laissent pas de trace pendant le jour, comment les événements de la journée laisseraient-ils pendant la nuit une impression de plaisir? Vous avez été consul,.et moi aussi. La différence entre nous, c'est que vous avez été consul, pendant le jour, et moi pendant la nuit. Qu'en résulte-t-il ?C'est que vous n'êtes pas plus avancé que moi.

Mais, direz-vous peut-être, ce nom de consul que fon vous donne en réalité ne résonne-t-il pas à vos oreilles avec plus de douceur, et n'a-t-il pas tous les charmes de la renommée? Eh quoi! car je veux faire une supposition et m'expliquer plus clairement, une fois que j'aurai dit: Un tel est consul, une fois que je lui aurai donné ce nom, (496) n'est-ce pas là un mot qui s'envole aussitôt qu'on le prononce? Et certes, la chose a le même sort que le mot. Le consul ne fait que paraître, et il n'est déjà plus. Donnons à ce dignitaire un ou deux ans, trois ou quatre ans, pour rester consul... c'est bien assez. Car où trouver des hommes qui aient été consuls pendant dix ans? Mais il n'en est pas ainsi de Paul. Tant qu'il a vécu, sa splendeur n'a pas été cette splendeur éphémère qui brille un ou deux jours, qui s'éclipse au bout de dix, de vingt ou de trente jours, qui s'efface au bout de dix ans, de vingt ans ou de trente ans. Quatre cents ans ont déjà passé sur sa cendre, et aujourd'hui il est plus illustre encore et bien plus illustre que de son vivant. Et je ne parle ici que de sa gloire terrestre ; car la gloire dont il est revêtu dans les cieux, quelle  bouche pourrait l'exprimer? Aspirons donc, je vous en prie, à cette gloire céleste; tâchons de l'obtenir; car c'est la seule gloire véritable. Laissons de côté les biens de cette vie, pour trouver grâce et miséricorde devant Jésus-Christ Notre-Seigneur, auquel, conjointement avec le Père et le Saint-Esprit, gloire, honneur, puissance et adoration, maintenant et toujours, et dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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