HOMÉLIE LXIII

SOIXANTE-TROISIÈME HOMÉLIE. « Et le gouverneur de la prison ne savait rien de ce qui se passait, grâce à Joseph. » (Gen. XXXIX, 23.)

 

ANALYSE.

 

1. Joseph encore en faveur; sa bonté. Interprétation du grand-échanson.

2. Modération de Joseph. Songe du grand panetier. Le grand-échanson oublie Joseph.

3. Songe de Pharaon. Il mande Joseph : comment éclate la sagesse de celui-ci.

4. Elévation de Joseph, son mérite au-dessus de son âge.

5. Exhortation à la patience.

 

 

1. Nous voulons nous acquitter aujourd'hui envers votre charité de ce que nous laisse à dire notre conférence d'hier, et revenir encore sur l'histoire de Joseph. Vous savez qu'hier nous avons été arrêté en chemin par la fatigue d'un long discours, et que nous en sommes resté au moment où le chef de la maison du roi, abusé parla calomnie de l'Egyptienne, met Joseph en prison. Il nous faut donc aujourd'hui faire connaître à votre charité ce qui arriva au juste dans sa prison. Jeté au fond d'un cachot, remis aux mains d'un geôlier, la faveur divine ne l'abandonna point dans son infortune, et alla jusqu'à persuader à ce geôlier de lui donner une autorité absolue sur la prison. Et le gouverneur de la prison ne savait rien de ce qui se passait, grâce à Joseph. Voyez-vous, comment au fort des tribulations, il ne sentait point ses peines, comment la sagesse toute-puissante de Dieu transformait tout ce qui aurait pu l'affliger. De même que la perle, plongée au fond d'un fumier, conserve toute sa beauté, de même la vertu, en quelque endroit qu'on la relègue, brille d'un éclat qui lui est propre, fût-ce dans l'esclavage, fût-ce en prison, dans les afflictions comme au sein du repos. Après que Joseph mis en prison se fut concilié la bienveillance du gouverneur, et qu'il eut reçu de lui une autorité absolue sur la prison tout entière, voyons comment il manifesta la grâce qui l'assistait. Il advint après cela. (chap. XL.) Après quoi ? Après les événements qui avaient suivi la dénonciation, après la condamnation qui avait fait emprisonner Joseph; ce n'est pas tout: après que le Seigneur eut montré qu'il était avec lui, après que le (410) gouverneur lui eut remis entre les mains la direction suprême de la prison. Il arriva donc après cela (après qu'il eut été jeté en prison), que le grand échanson et le grand panetier, ayant commis une faute, furent condamnés par le roi à la prison : et le gouverneur de la prison les ayant reçus, les mit en rapport avec Joseph. (1-4.) En effet, Joseph n'était plus pour lui un prisonnier, mais un confident, bien plus, un homme capable d'alléger les souffrances des malheureux captifs. Et Joseph les assista. Qu'est-ce à dire, les assista ? Cela veut dire qu'il les consolait, qu'il fortifiait leur âme, leur rendait le courage, ne les laissait pas se consumer dans le chagrin. Ils furent beaucoup de jours en prison, et ils eurent tous deux un songe dans la même nuit, le grand échanson comme le grand panetier. Mais cet admirable Joseph, dans sa sollicitude à les consoler, les voyant inquiets et troublés à cause des songes qui leur étaient apparus, leur dit : Pourquoi vos visages sont-ils sombres aujourd'hui ?

En effet leur physionomie trahissait leur agitation intérieure: d'où cette parole d'un sage : Quand le coeur est en joie, le visage est en fleur; quand le coeur est en peine, le visage est sombre. (Prov. XV, 13). Donc, les voyant fort tristes à la suite de ces visions, il les interrogeait, afin de savoir la cause de leur affliction. Remarquez comment, même en prison, il déployait ses vertus, et s'efforçait d'alléger les peines d'autrui. Mais eux, que répondent-ils? Nous avons eu un songe, et nous n'avons personne pour nous l'expliquer. (Ib. 8.) Ils ignoraient la sagesse de celui qui leur parlait: ils le considéraient comme un homme ordinaire : voilà pourquoi, au lieu de raconter ce qu'ils ont vu, ils se bornent à dire qu'ils ont eu un songe, en ajoutant: Nous n'avons personne pour nous l'expliquer. Mais cet homme admirable leur dit : N'est-ce pas à Dieu qu'il appartient de donner l'interprétation des songes? Racontez-moi donc ce que vous avez vu. Est-ce que j'offre de vous l'expliquer par mes propres lumières? C'est Dieu qui est l'interprète. — Racontez-moi ce que vous avez vu. Considérez cette prudence, cette humilité profonde. Il ne dit pas: Je vais vous l'expliquer, je vais vous dire ce que ces songes vous annoncent. Il dit : Racontez-les moi. Dieu est le seul interprète en pareille matière. Et le grand-échanson lui rapporta ce qu'il avait vu. Et Joseph lui dit: Voilà l'interprétation de ton songe. Les trois provins de la vigne marquent trois jours, après lesquels Pharaon se souviendra du service que tu lui rendais. Il te rétablira dans ta première charge, et tu lui présenteras à boire, selon que tu avais accoutumé de le faire auparavant dans le rang que tu tenais. Mais souviens-toi de moi, quand ce bonheur te sera arrivé, prends-moi en pitié, parle dé moi à Pharaon, et tiré-moi de ce cachot. Parce que j'ai été enlevé par fraude du pays des Hébreux., et que je n'ai rien fail pour être précipité dans ce souterrain. (Ibid. 9,12, 13, 14, 15.) Après lui avoir prédit les heureux événements qui devaient lui arriver, et sa rentrée en grâce auprès du roi, il ajoute: Souviens-toi de moi, lorsque tu auras recouvré ta prospérité; plaide la cause de celui qui t'a fait cette prédiction, et tu me prouveras ainsi ta compassion.

2. Ne vas pas sur ces paroles, mon cher auditeur, accuser ce juste de pusillanimité: bien au contraire, il faut t'étonner du courage, de la résignation avec laquelle il supportait une captivité si pénible. En effet, quelque autorité que lui eût conférée le gouverneur, il ne souffrait pas moins d'être enfermé, et de vivre parmi des hommes sales et déguenillés. Cela même est une nouvelle marque de sa philosophie, qu'il ait tout enduré avec courage, ne cessant de montrer une profonde humilité. — Prends-moi en pitié, parle de moi à Pharaon, et tire-moi de ce cachot. Veuillez observer comment il ne dit pas un mot de cette abominable femme, comment il s'abstient d'accuser son maître, de dénoncer la cruauté de ses frères à son égard , il jette un voile sur tout cela et se borne à dire : Souviens-toi de moi, et fais-moi tirer de ce cachot: Parce que j'ai été enlevé par fraude du pays des Hébreux et que je n'ai rien fait pour être précipité dans ce souterrain. Gardons-nous de passer légèrement là-dessus: considérons la sagesse de cette âme; admirons comment Joseph, trouvant une pareille occasion, et sachant que le grand-échanson, une fois revenu aux jours de sa prospérité pourrait révéler au roi toute son histoire, éviter d'accuser l'Egyptienne, je le répète, de faire intervenir dans son récit ni son maître, ni ses frères: il ne dit pas pour quel motif il a été condamné à la prison, il ne s'attache pas à montrer l'injustice qui lui a été faite: il s'applique à une seule chose, non point à faire leur procès à ces personnes, mais à plaider sa propre cause. (411) D'abord en ce qui concerne ses frères, il emploie cette expression vague: J'ai été enlevé de la terre des Hébreux. Il ne mentionne pas davantage la conduite de l'impudique Egyptienne, non plus que l'injuste colère de son maître contre lui; il se borne à dire: Je n'ai rien fait pour être précipité dans ce souterrain. Que cela nous apprenne, au cas où il nous arriverait d'être persécutés par de pareils scélérats , à ne pas les poursuivre de nos injures, à ne pas nous répandre contre eux en amères accusations, à nous contenter enfin d'établir doucement et tranquillement notre innocence, à l'exemple de ce grand homme, qui , même dans l'infortune, ne voulut pas divulguer dans une simple conversation l'impudicité de l'Égyptienne. Combien ne voit-on pas de gens, qui même en butte à de justes griefs, entreprennent, dans leur extrême effronterie , de prêter aux autres leurs propres méfaits ! et Joseph, qui était plus pur que la lumière du soleil, Joseph, dont toutes les accusations auraient été des vérités, Joseph, qui en dénonçant la fureur de l'impudique, n'aurait fait qu'ajouter à sa propre gloire, Joseph, sur tous ces points, garde le silence. En effet, ce n'est pas la gloire humaine qu'il recherchait: il se contentait de la faveur d'en-haut: il voulait seulement que l'oeil toujours ouvert ne trouvât rien de blâmable dans sa conduite. Voilà pourquoi, en dépit de son silence, de ses efforts pour tenir tout caché, le bon Dieu le couvrit d'une si grande gloire après qu'il eut vu sa vaillance dans le combat. Maintenant observons dans ce qui suivit la résignation de ce juste; comment les retards ne purent l'aigrir ni le décourager; comment, dans sa patience à tout supporter , il ne cessait pas de bénir le Seigneur qui permettait toutes ces choses. — Lorsque le grand panetier eut entendu l'explication donnée par Joseph, pensant que sa vision, à lui, annonçait pareillement quelque chose d'heureux, il en tait à son tour le récit. Mais Joseph, après l'avoir écouté, instruit également parla révélation d'en-haut du sens de cette nouvelle vision, lui prédit la mort qui l'attend, en ces termes: Encore trois jours, et Pharaon te coupera la tête, et t'attachera à une croix; et les oiseaux du ciel dévoreront ta chair. (Ib.23.) Voilà pourquoi je vous ai prévenus tout d'abord que les prédictions ne venaient pas de moi, mais d'une révélation divine: c'était afin que vous n'eussiez pas l'idée de m'attribuer soit le bien soit le mal que pourraient annoncer vos songes. Ce n'est point ma pensée que j'exprime : je ne fais que vous manifester ce que m'a fait connaître la grâce d'en-haut. Mais au jour fixé, les paroles de Joseph furent réalisées, et tous deux eurent le sort qu'il leur avait annoncé : l'un retrouva sa félicité première, l'autre fut livré au supplice. Mais le grand-échanson (celui qui avait été si bien consolé par notre juste) ne se souvint pas de Joseph, et l'oublia. (Ib. 23.) — Voyez ce juste rejeté, pour ainsi dire, dans l'arène; voyez-le déployer encore son courage accoutumé, sans éprouver aucune défaillance, aucun trouble, aucune impatience. Un autre, un homme ordinaire, se serait dit sans doute : Eh quoi ! Le grand-échanson , conformément à l'interprétation que j'ai donnée de son rêve, recouvre si promptement sa félicité première, et il ne garde pas souvenir de moi, de ma prédiction ! Et tandis qu'il est délivré de tous ses maux, moi qui suis innocent, je reste enfermé ici avec des assassins, des voleurs sacrilèges, des brigands, des hommes chargés de crimes. Il ne dit, ne pensa rien de pareil: il savait que, si la carrière des épreuves s'allongeait devant lui, c'était pour que, après l'avoir fournie complètement, il ceignît son front d'une éclatante couronne.

3. Voyez en effet : après la réintégration du grand échanson deux années s'écoulent. Il fallait attendre le moment favorable, pour que la délivrance de Joseph fût glorieuse. Si le grand échanson se fût souvenu de Joseph, avant les songes de Pharaon, s'il lui avait alors procuré son assistance pour le faire sortir de prison, la vertu du captif n'aurait pas éclaté aux yeux de la multitude. Mais le Dieu sage et tout-puissant, qui sait, comme un artiste habile, combien de temps il faut laisser l'or au feu et à quel moment il convient de le retirer Dieu, dis-je, permit que le grand échanson ne recouvrât pas la mémoire avant les songes de Pharaon, en sorte que notre juste ne dut qu'à la nécessité la gloire dont il jouit bientôt dans tout le royaume d'Égypte. Après deux ans, Pharaon eut un songe. (XLI,1.) Le matin arriva, son âme fut troublée; et il envoya chercher tous les interprètes, tous les savants de l'Égypte, il leur raconta le songe qu'il avait eu : mais aucun ne put le lui expliquer. (8.) Remarquez l'attentive providence de Dieu. Il permet que le roi éprouve d'abord l'habileté de tous les hommes réputés sages dans le pays, afin que, (412) une fois leur ignorance reconnue, le captif, le prisonnier, l'esclave, l'hébreu, introduit à son tour, expliquât ce qui était un mystère pour tout le monde, et par là, rendît manifeste à tous les yeux la grâce d'en-haut qui le couronnait. — Lorsque tous les savants appelés furent demeurés muets, incapables d'ouvrir la bouche, alors le grand échanson, recouvrant la mémoire, informe Pharaon de ce qui lui est arrivé à lui-même, et dit : je me souviens aujourd'hui de ma faute. (9.) Puis il raconta aussitôt, comment le grand panetier et lui-même, jetés en prison, avaient eu des songes dont Joseph leur avait donné une interprétation que l'événement confirma de tout point. Le roi, à ces mots, envoya chercher Joseph, le fit sortir de prison; on le rasa, on lui donna une autre robe, et il fut introduit devant Pharaon. (14.) Observez quel honneur tout d'abord, dès le début. — Quand la résignation l'a parfaitement purifié, semblable à un or raffiné, il sort du cachot, il est amené en présence de Pharaon. Voyez-vous ce que c'est que d'avoir pour soi la faveur céleste? Remarquez maintenant quelle sollicitude déployée pour que la destinée de Joseph s'accomplît. Quand il fut sorti vainqueur de sa lutte avec cette abominable Egyptienne, et qu'il se fut échappé de ses filets pour tomber au fond d'un cachot, Dieu permit que le grand échanson et le grand panetier de Pharaon fussent jetés en même temps dans la même prison, et que l'interprétation de leurs songes leur révélât la sagesse de Joseph, afin que l'un d'eux, s'en souvenant à propos, le fît amener devant le roi. Or, Pharaon dit à Joseph: J'ai eu des songes, et je ne trouve personne pour me les expliquer: mais j'ai entendu dire qu'il suffit de te raconter un songe pour que tu l'interprètes. (15) Pharaon rougirait de dire ouvertement : Aucun des savants que j'ai auprès de moi n'a été capable d’interpréter mon songe, il dit seulement: j'ai eu des songes, et je ne trouve personne pour les expliquer: mais j'ai entendu dire qu'il suffit de te raconter un songe pour que tu l'interprètes. Considérez ici encore la prudence et la parfaite réserve qui se montrent dans la réponse de Joseph. N'allez pas croire, dit-il, que je dise rien en mon propre nom, ou que j'interprète rien par science humaine. Car, faute d'une révélation d'en-haut, il n'y a pas moyen de rien comprendre à ces secrets. Sachez donc, que sans le secours de Dieu, je ne saurais vous répondre. Ce sera Dieu, dit-il, et non pas moi, qui rendra au Pharaon une réponse favorable. (16.) Par conséquent, bien persuadé que l'interprète n'est autre que le Maître de l'Univers, ne vous adressez point aux hommes en pareil cas: c'est Dieu seul qui peut vous manifester la vérité.

Observez comment, par sa réponse, il révèle au Pharaon, à la fois l'impuissance de ces docteurs et la puissance du Maître: maintenant que vous savez que ce n'est point la science humaine qui dicte nos paroles, ni ma propre, pensée qui les inspire, dites-moi les signes que Dieu vous a envoyés. Alors Pharaon raconte ses songes, le premier, puis le second, et il ajoute : J'ai consulté les interprètes, et aucun n'a pu m'éclairer. (24.) Mais quoi ! ne vous ai-je pas dit qu'il n'appartient pas à la sagesse humaine d'expliquer ces choses? Ne vous en prenez donc point à ces hommes: comment auraient-ils pu comprendre ce qui nécessite une révélation d'en -haut? Joseph répondit: Les deux songes du roi se réduisent à un. Pour que vous fussiez convaincu que le signe envoyé par Dieu se réalisera, il vous a été donné de voir une seconde fois la même chose : preuve que Dieu pressera l'accomplissement. (Ibid. 25.) La répétition, veut-il dire, est une confirmation, une preuve plus forte que la chose ne saurait manquer d'arriver. Puis, après avoir expliqué ce nombre de sept boeufs et de sept épis, et avoir prédit une grande abondance suivie d'une grande disette, il ajoute un conseil excellent: Etablir en Egypte un intendant des vivres, qui, en recueillant les fruits des sept années d'abondance, pourra se mettre en état d'alléger la disette des sept années suivantes, et de prévenir une famine complète. Ce conseil plut à Pharaon et à tous ses ministres. (37.)Et dès lors Pharaon aida à l'accomplissement des songes qu'avait eus Joseph, à l'époque où il vivait chez son père. Ainsi : Joseph expliquait les songes de Pharaon; et Pharaon, sans le savoir, précipitait l'accomplissement d'autres songes. Après avoir entendu Joseph, est-il écrit, Pharaon dit à ses ministres : Où pourrions-nous trouver un homme comme celui-ci, rempli de l'Esprit de Dieu?

4. Voyez-vous comment Pharaon reconnut lui-même que l'explication provenait d'une révélation d'en-haut? Qui pourrions-nous trouver, dit-il en effet, en possession d'une telle grâce , qu'il ait en lui l'Esprit de Dieu ! Puis il dit à Joseph : Puisque Dieu t'a (413) découvert toutes ces choses, il n'y a pas d'homme plus sage que toi. (Ibid. 39.)

Remarquez ici comment, dès que Dieu qui I     peut tout vent mettre à exécution ses desseins; rien de ce qui arrive à la traverse ne peut être un empêchement. — Voyez plutôt : Joseph est assassiné, ou peu s'en faut, par ses frères, il est vendu, en butté à une accusation qui le jette dans un péril extrême, il reste longtemps en prison : et l'issue de tout cela, c'est qu'il monte, à peu de chose près, sur le trône royal : Puisque Dieu t'a découvert toutes ces choses. il n'y a pas d'homme plus sage que toi, ni plus intelligent. (40.) En conséquence, tu gouverneras ma maison, et le peuple obéira à ta parole, mon trône seul m'élevera au-dessus de toi. Ainsi, voilà qu'un prisonnier devient subitement roi de toute l'Egypte, voilà que celui qui avait été jeté en prison par le chef de la maison royale est élevé par le roi lui-même à la plus haute dignité : et celui qui avait été son maître put voir tout à coup l'homme qu'il avait jeté dans un cachot, comme séducteur de sa femme, investi du gouvernement de l'Egypte entière. Voyez-vous combien il est important de supporter les tentations avec courage. Aussi Paul disait-il : L'affliction engendre la résignation, la résignation l'épreuve, l’épreuve l'espérance, et l'espérance ne confond point. (Rom. v, 3, 5.) Or Joseph avait supporté les afflictions avec patience; la patience l'avait éprouvé; une fois éprouvé, il avait vécu dans l'espérance: son espérance ne le confondit point. Et Pharaon lui dit : Voici que je l'établis aujourd'hui sur toute la terre d'Egypte. (Ibid. 41.) Puis ôtant l'anneau qu'il avait à la main, il le mit à la main de Joseph, le revêtit d'une robe de lin, lui entoura le cou d'un collier d'or (Ibid. 42), le fit monter sur un char qui marchait de suite après le sien, et un héraut le précédait proclamant son élévation : et il l'établit sur toute l'Egypte. (Ibid. 43.) Car Dieu qui était avec Joseph avait aplani tous les obstacles devant lui, afin de l'élever à ce degré de gloire. Et Pharaon lui dit: Que sans ta permission nul ne lève la main dans toute la terre d'Egypte. (Ibid. 44.) Et Pharaon donna à Joseph le nom de Psomthomphanech. (Ibid. 45.) II voulait perpétuer par ce nom le souvenir de la sagesse qui était en Joseph. Car ce mot signifie qui connaît les choses cachées. Joseph ayant révélé ce qui était ignoré de tout le monde, Pharaon lui donna ce nom par allusion à sa perspicacité. Et enchérissant encore sur tant d'honneur, il lui donna en mariage la fille de Putiphar. Le texte ajoute prêtre d'Hiéropolis, parce que ce personnage portait le même nom que l'ancien maître de Joseph, puis pour nous faire savoir à quel âge cet homme admirable fut récompensé de la sorte, et se signala par tant d'actions célèbres, il ajoute encore: Joseph avait trente ans (Ib. 46), lorsqu'il parut devant Pharaon. N'allons pais croire que ce chiffre soit mis là sans intention : il est destiné à nous faire comprendre que personne n'est excusable de négliger la vertu, et que nul n'a droit d'alléguer sa jeunesse, dès qu'il s'agit de faire le bien. Joseph, en effet, n'était pas seulement jeune, il était beau, charmant de visage : ces avantages ne sont pas nécessairement réunis. Mais Joseph était beau et charmant, outre qu'il était jeune : et c'est, pour ainsi dire, à la fleur de l'àge, qu'il tomba dans la servitude et dans la captivité. Car il est écrit qu'il avait dix-sept ans lorsqu'il fut emmené en Egypte. Il était donc dans toute la brûlante ardeur de la jeunesse, lorsqu'il fut en butte aux- attaques de cette impudique égyptienne dont il était te serviteur, et néanmoins le courage du juste y résista puis vint la captivité et les longues souffrances qui l'accompagnèrent : Joseph resta pareil au bronze : que dis-je? loin de faiblir il se fortifia : car la grâce d'en-haut soutenait son courage. Et quand il eut préalablement déployé toutes les vertus qui étaient en lui, c'est alors qu'il fut tiré de sa prison et appelé au gouvernement de l'Egypte entière.

5. Instruits par cet exemple, ne nous laissons jamais décourager dans les afflictions, ne nous abandonnons point à nos propres pensées, quand elles nous conseillent l'impatience : montrons une résignation parfaite, et nourrissons-nous d'espérance, connaissant la toute-puissance de notre Maître, et bien persuadés que s'il nous laisse éprouver par l'infortune, ce n'est point par indifférence à notre égard, mais parce qu'il veut que nous méritions par notre courage une éclatante couronne. C'est par là que tous les saints sont parvenus à la gloire. Aussi les apôtres disaient-ils : C'est par beaucoup de tribulations qu'il nous faut entrer dans le royaume de Dieu. (Act. XIV, 21.) Et le Christ lui-même disait à ses disciples : Dans le monde, vous aurez des tribulations. (Jean, XVI, 33.) Gardons-nous (414) donc de nous révolter contre les tribulations, mais écoutons ce que dit Paul : Ceux qui veulent vivre pieusement en Jésus-Christ souffriront persécution. (II Tim. III,12.) Point d'étonnement, point d'amertume : supportons avec une vaillance, une résignation parfaites ce qui nous arrive : et détournons nos yeux des afflictions pour considérer l'avantage que nous en recueillons: car c'est là un négoce spirituel. Et comme ceux qui veulent amasser de l'argent, qui s'adonnent aux trafics du inonde ne peuvent augmenter leur fortune qu'en bravant mille dangers sur terre et sur mer, les attaques des brigands, les courses des pirates, et néanmoins sont disposés à tout affronter avec empressement, dans l'attente du bénéfice, attente qui leur ôte tout sentiment de leurs peines : de même, nous aussi, en considérant la richesse que nous assurent les tribulations, dans ce trafic spirituel, nous devons y trouver de la joie, de l'allégresse, et au lieu de nous arrêter à ce qui frappe les yeux, diriger nos regards vers les choses invisibles, selon le conseil de Paul : Ne considérons pas les choses visibles. (II Cor. IV, 18.) En effet, ce qui caractérise la foi, c'est de ne pas considérer seulement les objets matériels, mais de se représenter encore par les yeux de l'esprit les choses incorporelles. Car nous devons juger ces dernières choses plus assurées que celles dont les yeux du corps nous révèlent l'existence. Ainsi fut glorifié le patriarche, parce qu'il avait cru à la promesse de Dieu, parce qu'il s'était élevé au-dessus de la nature et des pensées humaines : Aussi cela lui fut-il imputé à justice. (Rom. IV, 3.) Songez à cela : c'est justice que de croire aux paroles de Dieu. Quand Dieu a fait une promesse, ne demandez point aux choses de suivre le cours des événements humains: élevez-vous au-dessus de ces misérables pensées, et fiez-vous à la puissance de Celui qui vous a fait promesse. C'est par là que chacun des justes s'est signalé, par là que cet incomparable Joseph, en dépit des grands obstacles qui lui furent suscités après les songes, loin de se troubler, de se déconcerter, endura tout avec persévérance et courage, bien persuadé que les arrêts divins ne sauraient être annulés. Voilà pourquoi, après la servitude, après la prison, après cette dénonciation perfide, il fut investi du gouvernement de l'Egypte entière. En conséquence, résistons avec constance à tout accident, rendons grâce de tout ce qui nous arrive au Dieu de bonté, et comptons sur le dédommagement qu'il nous réserve. Puissions-nous tous obtenir cette récompense par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui gloire, puissance, honneur, au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.

 

 

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