ASSOMPTION

Précédente Accueil Remonter Suivante

Accueil
Remonter
PENTECOTE IV
ELISABETH
VII FRÈRES
PIE Ier
JEAN GUALBERT
ANACLET
BONAVENTURE
HENRI
N-D du CARMEL
ALEXIS
CAMILLE DE LELLIS
SYMPHOROSE
VINCENT
JÉRÔME EMILIEN
MARGUERITE
PRAXÈDE
MARIE-MADELEINE
APOLLINAIRE
CHRISTINE
JACQUES
ANNE
PANTALÉON
NAZAIRE
MARTHE
ABDON
IGNACE
PIERRE ès Liens
ALPHONSE DE LIGUORI
ETIENNE
DOMINIQUE
N-D DES NEIGES
TRANSFIGURATION
SIXTE II
GAÉTAN
CYRIAQUE
ROMAIN
LAURENT
TIBURCE
CLAIRE
RADEGONDE
Vig. ASSOMPTION
ASSOMPTION
JOACHIM
HYACINTHE
ROCH
Oct. LAURENT
Oct. ASSOMPTION IV
Oct. ASSOMPTION V.
BERNARD
JEANNE de CHANTAL
Oct. ASSOMPTION

LE  XV  AOUT. L'ASSOMPTION DE LA TRÈS SAINTE VIERGE.

 

« Aujourd'hui la vierge Marie est montée aux cieux ; réjouissez-vous, car elle règne  avec le  Christ  à  jamais (1). »

Ainsi l'Eglise conclura les chants de cette journée glorieuse; suave antienne, où se résument l'objet de la fête et l'esprit dans lequel elle doit être célébrée.

Il n'est point de solennité qui respire à la fois comme celle-ci le triomphe et la paix, qui réponde mieux à l'enthousiasme des peuples et à la sérénité des âmes consommées dans l'amour. Certes le triomphe ne fut pas moindre au jour où le Seigneur, sortant du tombeau par sa propre vertu, terrassait l'enfer ; mais dans nos âmes, si subitement tirées de l'abîme des douleurs au surlendemain du Golgotha, la soudaineté de la victoire mêlait comme une sorte de stupeur (2) à l'allégresse de ce plus grand des jours. En présence des Anges prosternés, des disciples hésitants, des saintes femmes saisies de tremblement et de crainte (3), on eût dit que l'isolement divin du vainqueur de la mort s'imposait à ses plus intimes et les tenait comme Madeleine à distance (4).

 

1. Antienne de Magnificat  aux secondes Vêpres. — 3. Marc, XVI, 5. — 3. Ibid. 8. — 4. Johan. XX, 17.

 

446

 

Dans la mort de Marie, nulle impression qui ne soit toute de paix ; nulle cause de cette mort que l'amour. Simple créature, elle ne s'arrache point par elle-même aux liens de l'antique ennemie ; mais, de cette tombe où il ne reste que des fleurs, voyons-la s'élever inondée de délices, appuyée sur son bien-aimé (1). Aux acclamations des filles de Sion qui ne cesseront plus de la dire bienheureuse (2), elle monte entourée des esprits célestes formant des chœurs, louant à l'envi le Fils de Dieu (3). Plus rien qui, comme au pays des ombres, vienne tempérer l'ineffable éclat de la plus belle des filles d'Eve ; et c'est sans conteste que par delà les inflexibles Trônes, les Chérubins éblouissants, les Séraphins tout de flammes, elle passe enivrant de parfums la cité bienheureuse. Elle ne s'arrête qu'aux contins même de la Divinité, près du siège d'honneur où le Roi des siècles, son Fils, règne dans la justice et la toute-puissance : c'est là qu'elle aussi est proclamée Reine ; c'est de là qu'elle exercera jusqu'aux siècles sans fin l'universel empire de la clémence et de la bonté.

Cependant, ici-bas, le Liban, Amana, Sanir et Hermon, toutes les montagnes du Cantique sacré (4), semblent se disputer l'honneur de l'avoir vue s'élever de leurs sommets vers les cieux ; et véritablement la terre entière n'est plus que le piédestal de sa gloire, comme la lune est son marchepied, le soleil son vêtement, comme les astres des cieux forment sa couronne brillante (5). « Fille de Sion, vous êtes toute belle et suave (6) »,

 

1. Cant. VIII, 5. — 2. Deuxième Répons des Matines, ex Cant. VI, 8. — 3. Introït et Offertoire de la Messe, première Antienne de l'Office, Versets et Répons. — 4. Cant. IV, 8. — 5. Apoc. XII, 1. — 6. Antienne de Magnificat aux premières Vêpres.

 

447

 

s'écrie l'Eglise, et son ravissement mêle aux chants du triomphe des accents d'une exquise fraîcheur : « Je l'ai vue belle comme la colombe qui s'élève au-dessus des ruisseaux ; ses vêtements exhalaient d'inestimables senteurs, et comme le printemps l'entouraient les roses en fleurs et les lis des vallées (1). »

Même douce limpidité dans les faits de l'histoire biblique où les interprètes des saints Livres ont vu la figure du triomphe de Marie. Tant que dure ce monde, une loi imposante garde l'entrée du palais éternel : nul n'est admis à contempler, sans déposer son manteau de chair, le Roi des cieux (2). Il est pourtant quelqu'un de notre race humiliée, que n'atteint pas le décret terrible (3) : la vraie Esther s'avance par delà toutes barrières (4) en sa beauté dépassant toute croyance (5). Pleine de grâces,elle justifie l'amour dont l'a aimée le véritable Assuérus (6) ; mais dans le trajet qui la conduit au redoutable trône du Roi des rois, elle n'entend point rester solitaire : soutenant ses pas, soulevant les plis de son royal vêtement, deux suivantes l'accompagnent (7) , qui sont l'angélique et l'humaine natures, également fières de la saluer pour maîtresse et pour dame, toutes deux aussi participantes de sa gloire.

Si de l'époque de la captivité, où Esther sauva son peuple, nous remontons au temps des grandeurs d'Israël, l'entrée de Notre-Dame en la cité de la paix sans fin nous est représentée par celle de la reine de Saba dans la terrestre Jérusalem. Tandis qu'elle contemple ravie la magnificence du

 

1. Premier Répons des Matines, ex Cant. V, 12, et Eccli. L, 8. — 2. Esther. IV,  11. — 3. Ibid XV, 13. — 4 Ibid. 9. — 5. Ibid. II, 15. — 6. Ibid. 17. — 7. Ibid. XV, 5-7.

 

448

 

très haut prince qui gouverne en Sion : la pompe de son propre cortège, les incalculables richesses du trésor qui la suit, ses pierres précieuses, ses aromates, plongent dans l'admiration la Ville sainte. Jamais, dit l'Ecriture, on ne vit tant et de si excellents, parfums que ceux que la reine de Saba offrit au roi Salomon (1).

La réception faite par le fils de David à Bethsabée sa mère, au troisième livre des Rois, vient achever non moins heureusement d'exprimer le mystère où la piété filiale du vrai Salomon a si grande part en ce jour. Bethsabée venant vers le roi, celui-ci se leva pour aller à sa rencontre, et il lui rendit honneur, et il s'assit sur son trône ; et un trône fut disposé pour la mère du roi, laquelle s'assit à sa droite (2). O Notre-Dame, combien en effet vous dépassez tous les serviteurs, ministres ou amis de Dieu ! « Le jour où Gabriel vint à ma bassesse, vous fait dire saint Ephrem, de servante je fus reine ; et moi, l'esclave de ta divinité, soudain je devins mère de ton humanité, mon Seigneur et mon fils ! O fils du Roi, qui m'as faite moi aussi sa fille, ô tout céleste qui introduis aux cieux cette fille de la terre, de quel nom te nommer (3) ? »

Lui-même le Seigneur Christ a répondu ; le Dieu fait homme nous révèle le seul nom qui, en effet, l'exprime pleinement dans sa double nature : il s'appelle le Fils. Fils de l'homme comme il est Fils de Dieu, il n'a qu'une mère ici-bas, comme il n'a qu'un Père au ciel. Dans l'auguste Trinité il procède du Père en lui restant consubstantiel, ne se distinguant de lui  que parce  qu'il est Fils,

 

1. III Reg. X,  1-13 ; II Parahpom. IX, 1-12. — 2. III. Reg. 1,  19. — 3. Ephrem. in Natal. Dom. Sermo IV.

 

449

 

produisant avec lui l'Esprit-Saint comme un seul principe; dans la mission extérieure qu'il remplit à la gloire de la Trinité sainte, communiquant pour ainsi dire à son humanité les moeurs de sa divinité autant que le comporte la diversité des natures, il ne se sépare en rien de sa mère, et veut l'avoir participante jusque dans l'effusionde l'Esprit-Saint sur toute âme. Ineffable union, fondement des grandeurs dont le triomphe de ce jour est le couronnement pour Marie. Les jours del'Octavenous permettront de revenir sur quelques-unes des conséquences d'un tel principe; qu'il nous suffise aujourd'hui de l'avoir posé.

« Comme donc le Christ est Seigneur, dit l'ami de saint Bernard, Arnauld de Bonneval, Marie aussi est Dame et souveraine. Quiconque fléchit le genou devant le fils, se prosterne devant la mère. A son seul nom les démons tremblent, les hommes tressaillent, les anges glorifient Dieu. Une est la chair de Marie et du Christ, un leur esprit, un leur amour. Du jour où il lui fut dit, Le Seigneur est avec vous, irrévocable en fut la grâce, inséparable l'unité ; et pour parler de la gloire du fils et de la mère, ce n'est pas tant une gloire commune que la même gloire qu'il faut dire (1). » — « O toi la beauté et l'honneur de ta mère, reprend le grand diacre d'Edesse, ainsi l'as-tu parée en toutes manières, celle qui avec d'autres est ta sœur et ton épouse, mais qui seule t'a conçu (2). »

« Venez donc, ô toute belle, dit Rupert à son tour, vous serez couronnée (3), au ciel reine  des

 

1. Arnold. Carnotensis, De laudibus Maria;.— 2. Ephrem. in Natal. Dom. Sermo VIII. — 3. Cant. IV, 7-8.

 

450

 

Saints, ici-bas reine de tout royaume. Partout où l'on dira du bien-aimé qu’il a été couronné de gloire et d'honneur, établi prince sur toutes les œuvres du Père (1), partout aussi on publiera de vous, ô bien-aimée, que vous êtes sa mère, et partant reine de tout domaine où s'étend sa puissance ; et, à cause de cela, les empereurs et les rois vous couronneront de leurs couronnes et vous consacreront leurs palais (2). »

 

LES PREMIÈRES VÊPRES.

 

Entre les fêtes des Saints, c'est ici la solennité des solennités. « Que le génie de l'homme s'emploie à relever sa magnificence ; que le discours reflète sa majesté. Daigne la souveraine du monde agréer le bon vouloir de nos lèvres (3), aider notre insuffisance, illuminer de ses propres feux la sublimité de ce jour (4). »

Ce n'est point d'aujourd'hui seulement que le triomphe de Marie ramène l'enthousiasme au cœur du chrétien. Aux temps qui précédèrent le nôtre, l'Eglise montrait, par des prescriptions conservées au Corps du Droit, la prééminence qu'occupait dans sa pensée le glorieux anniversaire. C'est ainsi que, sous Boniface VIII, elle lui réservait, comme aux seules fêtes de Noël, de Pâques et de Pentecôte, le privilège d'être célébré, dans les pays mêmes soumis à l'interdit, au son des cloches et avec la splendeur accoutumée (5).

 

1. Psalm VIII, 6 8 —2. Rupert. in Cant Lib. III, c. IV. — 3 Psalm CXVIII, 108 — 4. Petr Dam vel melius Nicol. Claravall. Sermo in Assumpt B. M. V. — 5. Cap. Alma mater, De sent, excommunicat. in VIe.

 

451

 

Dans ses instructions aux Bulgares nouvellement convertis, saint Nicolas Ier, qui occupa le Siège apostolique de 858 à 867, rapprochait de même déjà les quatre solennités sous une seule recommandation, quant aux jeûnes de Carême, de Quatre-Temps ou de Vigiles qui s'y rattachent : jeûnes, disait-il, que dès longtemps la sainte Eglise Romaine a reçus et observe (1).

Il convient de rapporter au siècle précédent la composition du célèbre discours qui fournit jusqu'à saint Pie V les Leçons des Matines de la fête, et dont l'inspiration, le texte lui-même, se retrouve encore en plus d'un endroit de l'Office actuel (2). L'auteur, digne des grands âges par le style et la science, mais se couvrant d'un faux personnage, débutait ainsi : « Vous voulez, ô Paula et Eustochium, que laissant de côté la forme de traités qui m'est habituelle, je m'essaie, genre nouveau pour moi, à célébrer selon le mode oratoire l'Assomption de la bienheureuse Marie toujours vierge (3). » Et le saint Jérôme supposé disait éloquemment la grandeur de cette fête « incomparable comme celle qui s'y éleva glorieuse et fortunée au sanctuaire du ciel : solennité, admiration des armées angéliques (4), bonheur des citoyens de la vraie patrie, qui ne se contentent pas de lui donner comme nous un jour, mais la célèbrent sans fin dans l'éternelle continuité de leur vénération, de leur amour et de leur triomphante allégresse (5). » Pourquoi  faut-il qu'une répulsion légitime pour

 

1. Mansi, XV, 403. — 2. Spécialement dans l'Ant. de Magnificat aux IIes Vêpres, que nous avons citée plus haut. — 3. Pseudo-HIERONYMUS, De Assumpt. B. M. V. I. —4. Ibid. VIII. — 5. Ibid. XIV.

 

452

 

les excès de quelques apocryphes ait amené (1) l'auteur de ce bel exposé des grandeurs de Marie à hésiter sur la croyance au privilège glorieux de son Assomption corporelle (2) ? Prudence trop discrète, qu'allaient exagérer bientôt les martyrologes d'Usuard et d'Adon de Vienne.

Ce n'était pas pourtant sur les rives de la Seine ou celles du Rhône qu'il eût convenu de méconnaître une tradition s'affirmant toujours plus chaque jour, et dont, avant toutes autres, nos Eglises des Gaules avaient eu la gloire dé consacrer en Occident la formule explicite. Qui, mieux que ne le faisait l'antique Liturgie gallicane, a su depuis chanter cette Assomption plénière, conséquence de la divine et virginale maternité, et comme elle apportant joie au monde (2)? « Ni douleur dans l'enfantement, ni labeur en la mort, ni dissolution au tombeau, nulle tombe ne pouvant retenir celle que la terre n'a point souillée (3) :» ainsi nos pères exprimaient le mystère, et ils s'excitaient à gagner la patrie où nous précède corporellement la Vierge bienheureuse (4).

Au grand chagrin de plus d'une âme sainte (5), l'autorité du faux saint Jérôme, survenant à l'heure où se consommait l'abandon de la Liturgie gallicane par les premiers Carlovingiens (6), déconcerta quelque peu la piété de nos contrées. Mais on n'arrête pas le mouvement qu'il plaît au Saint-

 

1. Pseudo-HIERONYMUs, De Assumpt B. M. V. II. — 2. Missale gothicum, Missa in Adsumpt. S. Mariae Matris D. N. —  3. Ibid. Contestatio. — 4. Ibid. Collectio post nomina. — 5. Caesarii Heisterbac. De S. Maria, cap. XXXVII. — 6. Hae sunt festivitates m anno quae per omnia servari debent... De assumptione sanctae Mariae interrogandum reliquimus. Capitulare Caroli Magni, I, 158 ; cui pro festo admittendo responsum a Ludovico Pio, Capit. II, 33, ex can. XXXVII concilii Mogunt. anni 813.

 

453

 

Esprit d'imprimer à la foi des peuples. Au XIII° siècle, les deux princes de la théologie, saint Thomas et saint Bonaventure, s'accordaient  pour Souscrire au sentiment redevenu général de leur temps,  touchant la croyance  à la résurrection anticipée de Notre-Dame. Bientôt cette croyance s'imposait, par le fait de son universalité, comme la doctrine même de l'Eglise ; dès l'année 1497, la Sorbonne déniait la liberté de se produire aux propositions qui  s'élevaient à l'encontre, et les frappait de ses plus dures censures (1). En 1870, le concile  du Vatican, trop tôt suspendu,  ne put donner suite au vœu instamment exprimé alors d'une définition qui eût achevé la glorieuse couronne de lumière, oeuvre des siècles, hommage de l'Eglise militante à la Reine des cieux. Mais la proclamation de  la Conception immaculée, qui reste acquise à notre temps, encourage nos espérances pour l'avenir. L'Assomption corporelle de la divine Mère se présente désormais comme le corollaire dogmatique, immédiat, d'un dogme révélé  : Marie,  n'ayant rien  connu  du  péché d'origine, n'a contracté nulle dette avec la mort son châtiment ; c'est librement que, pour se conformer à son  Fils,  elle a voulu mourir ; et, de même que le saint de Dieu, la sainte de son Christ n'a pu connaître la corruption du tombeau (2).

Si d'anciens calendriers donnent à la fête de ce jour le titre de Sommeil ou Repos, dormitio, pausatio, de la Bienheureuse Vierge, on ne saurait

 

1. Propositio J. Morcelli : Non tenemur credere sub pœna peccati mortalis quod Virgofuit assumpta in corpore et anima, quia non est articulas fidei ; qualificatur: Ut jacet, temeraria, scandalosi, impia, devetionis populi ad Virginem diminutiva, falsa et haeretica; ideo revocanta publice. — 2. Psalm. XV, 10.

 

454

 

en conclure qu'au temps où ils furent rédigés, cette fête n'avait pas d'autre objet que la très sainte mort de Marie ; les Grecs, de qui cette expression nous est parvenue, ont toujours compris dans la solennité le glorieux triomphe qui suivit cette mort. Il en est de même des Syriens, des Chaldéens, des Coptes, des Arméniens.

Chez ces derniers, conformément à l'usage qu'ils ont de rattacher leurs fêtes à un jour précis de la semaine, et non au quantième du mois, l'Assomption est fixée au Dimanche qui se rencontre entre le 12 et le 18 août. Précédée d'une semaine de jeûnes, elle donne son nom à la série des autres Dimanches qui la suivent, jusqu'à l'Exaltation de la sainte Croix en septembre.

A Rome, l'Assomption ou Dormitio de la sainte Mère de Dieu apparaît au vu0 siècle, comme célébrée depuis un temps qu'on ne saurait définir (1) ; on ne voit pas qu'elle y ait eu jamais d'autre jour propre que le quinzième du mois d'août. Au rapport de Nicéphore Calliste (2), c'est la même date que lui assignait pour Constantinople, à la fin du vie siècle, l'empereur Maurice; or, comme entre plusieurs autres solennités dont l'historien rappelle au même lieu l'origine, celle de la Dormitio est la seule dont il dise qu'elle ait été, non pas établie, mais fixée par Maurice à tel jour, de savants auteurs en ont tiré la conclusion de la préexistence de la fête elle-même à l'édit impérial : celui-ci n'aurait eu pour but que de mettre un terme à certaine diversité d'usage quant au jour où elle était célébrée (3).

 

1. Liber pontific., in Sergio I. — 2. Niceph. Call. Hist. eccl. Lib. XVII, cap. 28. —3. Benedict. XIV, De festis B. M. V. c. VIII.

 

455

 

C'était le temps où, bien loin de Byzance, nos pères, les Francs Mérovingiens, célébraient au 18 janvier la glorification de Notre-Dame avec cette plénitude de doctrine que nous avons rapportée. Quelle que puisse être l'explication du choix de ce jour, il est à noter qu'aujourd'hui encore les Coptes des bords du Nil annoncent dans leur synaxaire, au 21 du mois de Tobi, qui répond à notre 28 janvier, le Repos de la Vierge Marie, Mère de Dieu, et l’Assomption de son corps au ciel; ils reprennent du reste cette annonce au 16 de Mesori, 21 août, et c'est également au premier de ce mois de Mesori qu'ils commencent leur carême de la Mère de Dieu, comprenant quinze jours comme celui des Grecs (1).

Il est des auteurs qui ont fait remonter la fête de  l'Assomption  de  Notre-Dame  aux Apôtres eux-mêmes. Le silence des monuments primitifs de la Liturgie favorise peu leur sentiment. L'hésitation sur la date qu'il convenait d'attribuer à cette fête, la liberté laissée longtemps à son sujet (2), paraissent manifester plutôt dans sa première institution l'initiative spontanée des Eglises diverses, à l'occasion de quelque fait attirant  l'attention sur le mystère ou l'ayant mis en plus grand jour. De cette sorte a pu être, vers l'an 451, la relation partout répandue dans  laquelle Juvénal de Jérusalem exposait à l'impératrice sainte  Pulchérie et  à son  époux Marcien l'histoire du tombeau, vide de son précieux dépôt, que les Apôtres préparèrent pour  Notre-Dame au pied du mont des Oliviers. Les paroles suivantes de saint  André

de Crète, au VII° siècle, font bien voir la marche

 

1. Nilles, Kalendarium  utriusque  Eccl. orientalis et occidentalis. — 2. Vide not. 6, p. 452.

 

456

 

un peu indécise à l'origine qui résulta de telles circonstances pour la nouvelle solennité ; né à Damas, moine à Jérusalem, puis diacre de Constantinople, avant de ceindre enfin la couronne des pontifes dans l'île célèbre d'où lui resta son nom, il n'est personne qui soit mieux en mesure que notre Saint de parler en connaissance de cause pour l'Orient :

« La solennité présente, dit-il, est pleine de mystère, ayant pour objet de célébrer le jour où s'endormit la Mère de Dieu ; elle s'élève plus haut, cette solennité, que le discours ne peut atteindre; il n'a pas été tout d'abord, ce mystère, célébré par plusieurs, mais tous maintenant l'aiment et l'honorent. A son sujet, le silence précéda longtemps le discours, l'amour maintenant divulgue l'arcane. On doit manifester le don de Dieu, non l'enfouir ; on doit le présenter, non comme récemment découvert, mais comme ayant recouvré sa splendeur. Quelques-uns de ceux qui furent avant nous ne le connurent qu'imparfaitement : ce n'est pas une raison de se taire toujours; il ne s'est pas totalement obscurci : proclamons-le, et faisons fête. Qu'aujourd'hui s'unissent les habitants des cieux et ceux de la terre, qu'une soit la joie de l'ange et de l'homme, que toute langue tressaille et chante Je vous salue à la Mère de Dieu (1). »

Nous aussi, faisons honneur au don de Dieu ; soyons reconnaissants à l'Eglise de ce que la glorieuse Assomption n'a pas subi chez nous le sort de tant d'autres fêtes, au commencement de ce siècle, et nous trouve toujours  unis à  nos

 

1. Andr. Cret. Oratio XIII, in Dormitionem Deiparae, II.

 

457

 

frères de la terre comme à ceux du ciel pour chanter Marie.

Les Psaumes et l'Hymne des Vêpres sont les mêmes que ceux des autres fêtes de Notre-Dame. Les Antiennes, le Capitule et le Verset rendent avec une grâce infinie le mystère du jour.

 

1. Ant. Marie a été élevée au ciel: les Anges se réjouissent, ils louent et bénissent le Seigneur.

 

Psaume CIX. Dixit Dominus, page 43.

 

2. Ant. La Vierge Marie a été élevée au céleste séjour, où le Roi des rois est assis sur un trône étoile.

 

Psaume CXII. Laudate pueri, page 46.

 

3. Ant. N0us courons à l’odeur de vos parfums ; les jeunes filles vous aiment de  tout  leur amour

 

PSAUME CXXI.

 

Je me suis réjoui quand on m'a dit : Nous irons vers Marie, la maison du Seigneur.

 

Nos pieds se sont fixés dans tes parvis, ô Jérusalem! nos cœurs dans votre amour, ô Marie !

 

Marie, semblable à Jérusalem, est bâtie comme une Cité : tous ceux qui habitent dans son amour sont unis et liés ensemble.

 

C'est en elle que se sont donné rendez-vous les tribus du Seigneur , selon l'ordre qu'il en a donné à Israël, pour y louer le Nom du Seigneur.

 

Là sont dressés les sièges de la justice, les trônes de la maison de David ; et Marie est la fille des Rois.

 

Demandez à Dieu, par Marie, la paix pour Jérusalem : que tous les biens soient pour ceux qui t'aiment, Ô Eglise !

 

Voix de Marie : Que la paix règne sur tes remparts, ô nouvelle Sion ! et l'abondance dans tes foreresses.

 

Moi, la fille d'Israël, je prononce sur toi des paroles de paix, à cause de mes frères et de mes amis qui sont au milieu  de toi.

 

Parce que tu es la maison du Seigneur notre Dieu, j'ai appelé sur toi tous les biens.

 

4. Ant.  FILLE  de Sion, vous êtes bénie du Seigneur, parce que nous avons goûté par vous le fruit de vie.

 

PSAUME CXXVI.

 

Si le Seigneur ne bâtit la maison, en vain travaillent ceux qui la bâtissent.

 

Si le Seigneur ne garde la cité, inutilement veilleront ses gardiens.

 

En vain vous vous lèverez avant le jour : levez-vous après le repos, vous qui mingez le pain de la douleur.

 

Le Seigneur aura donné un sommeil tranquille à ceux qu'il aime : des fils, voilà l'héritage que le Seigneur leur destine ; le fruit des entrailles, voilà leur récompense.

 

Comme des flèches dans une main puissante, ainsi seront les fils de ceux que l'on opprime.

 

Heureux l'homme qui en a rempli son désir ! il ne sera pas confondu, quand il parlera à ses ennemis aux portes de la ville.

 

5. Ant. Vous êtes belle et pleine de grâces, fille de Jérusalem, terrible comme une armée rangée en bataille.

 

PSAUME CXLVII

 

Marie, vraie Jérusalem, chantez le Seigneur ; Marie, sainte Sion, chantez votre Dieu.

 

C'est lui qui fortifie contre le péché les serrures de vos portes ; il bénit les fils nés en votre sein

 

Il a placé la paix sur vos frontières ; il vous nourrit de la fleur du froment , Jésus, le Pain de vie.

 

Il envoie par vous son Verbe à la terre ; sa parole parcourt le monde avec rapidité.

 

Il donne la neige comme des flocons de laine ; il répand les frimas comme la poussière.

 

Il envoie le cristal de la glace semblable à un pain, léger : qui pourrait résister devant le froid que son souffle répand?

 

Mais bientôt il envoie son Verbe en Marie, et cette glace si dure se fond à sa chaleur : l'Esprit de Dieu souffle, et les eaux reprennent leur cours.

 

Il a donné son Verbe à Jacob, sa loi et ses jugements à Israël.

 

Jusqu'aux jours où nous sommes, il n'avait point traité de la sorte toutes les nations, et ne leur avait pas  manifesté ses décrets.

 

CAPITULE.  (Eccli. XXIV.)

 

J'ai cherché partout le repos, et j'ai voulu demeurer dans l'héritage du Seigneur. Alors le Créateur de toutes choses m'a parlé et fait connaître sa volonté ; et lui, qui m'a créée, s'est reposé dans mon tabernacle.

 

HYMNE.

 

 

 

Ave, maris Stella,
Dei Mater alma,
Atque semper Virgo,
Felix cœli porta.

 

Sumens illud
Ave Gabrielis ore,
Funda nos inpace,
Mutans Evae nomen.

 

Solve vincla reis,
Profer lumen coecis,
Mala nostra pelle,
Bona cuncta posce.

 

Monstra te esse Matrem,
Sumat per te preces
Qui, pro  nobis natus,
Tulit esse tuus.

 

Virgo singularis,
Inter omnes mitis,
Nos culpis solutos
Mites fac et castos.

 

Vitam praesta puram,
Iter para tutum,
Ut videntes Jesum,
Semper collaetemur.

 

Sit laus  Deo  Patri,
Summo  Christo   decus,
Spiritui Sancto,
Tribus honor unus.

Amen.

 

V/. Exaltata est sancta Dei Genitrix.

R/.  Super choros Angelorum ad coelestia regna.

 

 

Salut, astre des mers,
Mère de Dieu féconde !
Salut, ô toujours Vierge,
Porte heureuse du ciel !

 

Vous qui de Gabriel

Avez reçu l'Ave,
Fondez-nous dans la paix,
Changeant le nom d'Eva.

 

Délivrez les captifs,
Eclairez les aveugles,
Chassez  loin  tous nos maux,
Demandez tous les biens.

 

Montrez en vous la Mère ;
Vous-même  offrez  nos vœux au Dieu Qui, né pour nous,
Voulut naître de vous.

 

O Vierge incomparable,
Vierge  douce entre toutes !
Affranchis du péché,
Rendez-nous doux et chastes.

 

Donnez vie innocente
Et sûr pèlerinage,
Pour qu'un jour soit Jésus
Notre liesse à tous.

 

Louange à Dieu le Père,
Gloire au Christ souverain;
Louange au Saint-Esprit ;
Aux trois un seul hommage.

Amen.

 

V/. La sainte Mère de Dieu a été élevée

R/. Plus haut que les chœurs des  Anges , au céleste royaume.

 

 

 

ANTIENNE  de Magnificat

 

Vierge  très prudente, où allez-vous comme l'aurore empourprée ? Fille de Sion, vous êtes toute belle et suave, belle comme la lune, brillante comme le soleil.

 

Le Cantique Magnificat, page 51.

 

ORAISON.

 

Daignez, Seigneur, pardonner les péchés de vos serviteurs ; afin que , dans l'impuissance de vous plaire par nos actes, nous soyons sauvés par l'intercession de la Mère de votre Fils notre Seigneur. Qui vit et règne avec vous.

 

Lorsque le temps vint pour la Bienheureuse Marie de quitter la terre, les Apôtres furent rassemblés de tous les pays ; et ayant connu que l'heure était proche, ils veillaient avec elle. Or le Seigneur Jésus arriva avec ses Anges, et il reçut son àme. Au matin, les Apôtres levèrent son corps et le placèrent dans le tombeau. Et de nouveau vint le Seigneur, et le saint corps fut élevé dans une nuée (1). »

A ce témoignage de notre Grégoire de Tours répondent l'Occident et l'Orient, exaltant « la solennité de la nuit bienheureuse qui vit la Vierge vénérée faire au ciel son entrée triomphante (2). » — « Quelle lumière éclatante perce ses ombres ! » dit saint Jean Damascène (3) ; et il nous montre l'assemblée fidèle  se  pressant  avide, durant la

 

1. Greg. Turon. De gloria Martyr IV. — 2. Inter opera Hildefonsi Tolet. De Assumptione B. M. Sermo IV. — 3. Joan. Damasc. in Dormitionem B.  M. Homilia I.

 

463

 

nuit sacrée, pour entendre les louanges de la Mère de Dieu (1).

Comment Rome, si dévote à Marie, se fût-elle ici laissée vaincre ? Au témoignage de saint Pierre Damien, son peuple entier passait la nuit glorieuse dans la prière, les chants, les visites aux diverses églises ; au dire des privilégiés qu'éclairait la lumière céleste, plus grande encore était, à cette heure bénie, la multitude des âmes délivrées du lieu des tourments par la Reine du monde et visitant elles aussi les sanctuaires consacrés à son nom (2). Mais la plus imposante des démonstrations de la Ville et du monde était la litanie ou procession mémorable dont l'origine première remonte au pontificat de saint Sergius (687-701) (3); jusque dans la seconde moitié du XVI° siècle, elle ne cessa point d'exprimer, comme Rome seule sait faire, l'auguste visite que reçut de son Fils Notre-Dame au solennel instant de son départ de ce monde.

On sait que deux sanctuaires majeurs représentent dans la Ville éternelle la résidence et comme les palais de la Mère et du Fils : la basilique du Sauveur au Latran, celle de Marie sur l'Esquilin ; comme cette dernière s'honore de posséder le portrait de la Vierge bénie peint par saint Luc, le Latran garde dans un oratoire spécial, saint entre tous, l'image non faite de main d'homme où sont tracés sur bois de cèdre les traits du Sauveur (4). Or, au matin de la Vigile de sainte Marie (5),  le Pontife suprême  accompagné

 

1. Joan. Damasc. in Dormitionem B. M. Homilia III. — 2. Petr. Dam. Opusc XXXIV, Disputat, de variis apparit. et miraculis, cap. 3. — 3. Liber pontifie, in Sergio I. — 4. Imago SS. Salvatoris acheropita, quae servatur in oratorio dicto Sancta Sanctorum. — 5. Museum italic. II, Ordo roman, XI.

 

464

 

des cardinaux venait nu-pieds découvrir, après sept génuflexions, l'image du Fils de la Vierge. Dans la soirée, tandis que la cloche de l'Ara cœli donnait du Capitole le signal des préparatifs prescrits par les magistrats de la cité, le Seigneur Pape se rendait à Sainte-Marie-Majeure, où il célébrait les premières Vêpres entouré de sa cour. Aux premières heures de nuit, étaient de même chantées au même lieu les Matines à neuf Leçons.

Cependant, une foule plus nombreuse d'instant en instant se presse sur la place du Latran, attendant le retour du Pontife. De toutes parts débouchent les divers corps des arts et métiers, venant sous la conduite de leurs chefs occuper le poste assigné pour chacun. Autour de l'image du Sauveur, en son sanctuaire, se tiennent les douze portiers chargés de sa garde perpétuelle, et tous membres des plus illustres familles ; près d'eux prennent place les représentants du sénat et du peuple romain.

Mais le cortège papal est signalé redescendant l'Esquilin. Partout, quand il paraît, brillent les torches tenues à la main ou portées sur les brancards des corporations. Aidés des diacres, les cardinaux soulèvent sur leurs épaules l'image sainte qui s'avance sous le dais, escortée dans un ordre parfait par l'immense multitude. A travers les rues illuminées et décorées (1), elle gagne, au chant des psaumes, au son des instruments, l'ancienne voie Triomphale, contourne le Colisée, et, passant sous les arcs de Constantin et de Titus, s'arrête pour une première station sur la voie Sacrée ,  devant l'église appelée  Sainte-Marie

 

1. Hittorp. Ordo Rom.

 

465

 

Mineure ou la Neuve (1). Pendant qu'on chante dans cette église, en l'honneur de la Mère, de nouvelles Matines à trois Leçons, des prêtres lavent avec de l'eau parfumée dans un bassin d'argent les pieds du Seigneur son Fils, et répandent sur le peuple cette eau devenue sainte. Puis l'image vénérée se remet en marche et parcourt le Forum au milieu des acclamations, jusqu'à l'église de Saint-Adrien; d'où revenant gravir les rampes de l'Esquilin par les rues des églises de cette région, Saint-Pierre-aux-Liens, Sainte-Lucie, Saint-Martin-aux-Monts, Sainte-Praxède, elle fait enfin son entrée sur la place de Sainte-Marie-Majeure. Alors redoublent les applaudissements, l'allégresse de cette foule, où tous, hommes, femmes, grands et petits, lisons-nous dans un document de 1462 (2), oubliant la fatigue d'une nuit entière passée sans sommeil, ne se lassent pas jusqu'au matin de visiter, de vénérer le Seigneur et Marie. Dans la glorieuse basilique parée comme une fiancée, le solennel Office des Laudes célèbre la rencontre du Fils et de la Mère, et leur union pour l'éternité.

Le ciel montra souvent par d'insignes miracles la complaisance qu'il prenait à cette manifestation de la foi et de l'amour du peuple romain. Pierre le Vénérable (3) et d'autres irrécusables témoins (4) mentionnent le prodige renouvelé chaque année des torches qui, brûlant toute la nuit, se retrouvaient au lendemain du même poids que la veille. L'an 847, au moment où, présidée par saint Léon IV, la procession passait

 

1. Aujourd'hui Sainte Françoise-Romaine. — 2. Archivio della Compagnia di Sancta Sanctorum. — 3. Petr. Venerab. De miraculis II, XXX. — 4. Marangoni, Istoria dell'oratorio di Sancta Sanctorum, p.  127.

 

466

 

près de l'église de Sainte-Lucie, un serpent monstrueux, qui d'une caverne voisine terrorisait les habitants, fut mis en fuite sans que depuis lors on le revît jamais ; c'est en souvenir de cette délivrance, que la fête reçut le complément de l'Octave dont jusque-là elle était dépourvue (1). Quatre siècles plus tard, sous l'héroïque pontificat de Grégoire IX° du nom, le cortège sacré venait de s'arrêter selon l'usage au vestibule de Sainte-Marie-la-Neuve, lorsque des partisans de l'excommunié Frédéric II, occupant non loin la tour des Frangipani, se mirent à crier : « Voici le Sauveur, vienne l'empereur ! » mais soudain la tour s'écroula, les broyant sous ses ruines (2).

Revenons à l'auguste basilique, où nous rappellent d'autres souvenirs. Une autre nuit nous vit dans son enceinte célébrer joyeux l'enfantement divin. Ineffables harmonies ! C'est donc à l'heure où pour la première fois Marie pressa sur son sein l'Enfant-Dieu dans l'étable , qu'elle s'éveille elle-même dans les bras du Bien-Aimé au plus haut des deux. L'Eglise, qui lit en ce mois les Livres de la Sagesse éternelle, est bien inspirée de réserver à cette nuit le Cantique sacré.

L'évêque de Meaux décrit ainsi cette mort: « La divine Vierge rendit son âme sans peine et sans violence entre les mains de son Fils. Il ne fut pas nécessaire que son amour s'efforçât par des mouvements extraordinaires. Comme la plus légère secousse détache de l'arbre un fruit déjà mûr, ainsi fut cueillie celte âme bénie, pour être tout d'un coup  transportée au ciel ;  ainsi

 

1. Liber pontific. in Leone IV. — 2. Raynald. ad an. 1239.

 

467

 

mourut la divine Vierge par un élan de l'amour divin : son âme fut portée au ciel sur une nuée de désirs sacrés. Et c'est ce qui fait dire aux saints Anges : Qui est celle-ci, qui s'élève comme la fumée odoriférante d'une composition de myrrhe et d'encens (1) ? Belle et excellente comparaison, qui nous explique admirablement la manière de cette mort heureuse et tranquille. Cette fumée odoriférante que nous voyons s'élever d'une composition de parfums, n'en est pas arrachée par force, ni poussée dehors avec violence : une chaleur douce et tempérée la détache délicatement, et la tourne en une vapeur subtile qui s'élève comme d'elle-même. C'est ainsi que l'âme de la sainte Vierge a été séparée du corps : on n'en a pas ébranlé tous les fondements par une secousse violente ; une divine chaleur l'a détachée doucement du corps, et l'a élevée à son bien-aimé (2).  »

Il restait pour quelques heures à notre monde, ce corps sacré «trésor de la terre, en attendant qu'il devînt la merveille des cieux (3). » Qui nous dira les sentiments des augustes personnages réunis par le Fils de Marie pour rendre à sa Mère en son nom les devoirs suprêmes ? Un illustre témoin , Denys d'Athènes , rappelait à Timothée, présent comme lui alors, les discours qui, de ces cœurs remplis de l'Esprit-Saint, montèrent comme autant d'hymnes à la bonté toute-puissante par laquelle notre faiblesse fut divinisée. Là étaient Jacques, frère  du Seigneur, et Pierre

 

1. Cant. III, 6. — 2. Bossuet, Premier Sermon sur l'Assomption.— 3. D. Guéranger, Essai historique sur l'abbaye de Solesmes, suivi de la description de l'église abbatiale, avec l'explication des monuments qu'elle renferme, p. 113.

 

468

 

le coryphée, et les pontifes du collège sacré, et tous les frères venus pour contempler le corps qui avait donné la Vie et porté Dieu ; entre tous, après les Apôtres, se distinguait le bienheureux Hiérothée, ravi loin de la terre et de lui-même, en sublime communion avec l'objet de sa louange, semblant à tous un chantre divin (1).

Mais l'assemblée de ces hommes en qui régnait la divine lumière, avait compris qu'elle devait suivre jusqu'au bout les intentions de celle qui dans la mort était restée la plus humble des créatures. Porté par les Apôtres, escorté par les Anges du ciel et les saints de la terre, le corps virginal fut conduit de Sion vers la vallée de Gethsémani, où si souvent, depuis l'agonie sanglante, Notre-Dame avait ramené ses pas et son cœur. Une dernière fois, « Pierre, joignant ses mains vénérables, étudie les traits divins de la Mère du Sauveur; son regard, plein de foi, cherche à découvrir, à travers les ombres de la mort, quelques rayons de la gloire dont resplendit déjà la reine des cieux (2). » Jean, le fils adoptif, jette un long, un dernier et douloureux regard sur le visage si calme et si doux de la Vierge. La tombe se referme ; c'en est fait pour la terre de ce spectacle dont elle n'était plus digne.

Plus heureux, les Anges, dont le marbre du monument ne saurait arrêter le regard, veillent près de cette tombe. Ils continuent leurs chants jusqu'à l'heure où, après trois jours, la très sainte âme de la divine Mère étant descendue pour reprendre son corps sacré, ils s'éloignent eux-mêmes en  l'accompagnant vers les  cieux. Nous aussi

 

1. Dionys. Areopagit. De divinis Nomin. cap. III, § II. — 2. D. Guéranger, ubi supra.

 

469

 

donc,en haut les cœurs! Oublions aujourd'hui notre exil, pour applaudir au triomphe de Marie ; et sachons la rejoindre un jour à l'odeur de ses parfums.

Faisons nôtre cette antique formule qui se disait à Rome sur le peuple assemblé, au moment du départ de la litanie solennelle que nous avons rappelée.

 

COLLECTE.

 

Nous devons honorer la solennité de ce jour, ô Seigneur ; la sainte Mère de Dieu, en effet, y subit la mort du temps, sans que les liens de cette mort aient pu retenir celle qui de sa chair avait fourni un corps à votre Fils, notre Seigneur. Qui vit et règne.

 

A TIERCE.

 

L'Hymne et les trois Psaumes dont se compose l'Office de Tierce, se trouvent ci-dessus, p. 26.

 

Ant. La vierge Marie a été élevée au céleste séjour,  où le Roi des rois  est assis sur un trône étoile.

 

Le Capitule comme aux premières Vêpres, page 460.

 

R/. br. Elevée a été la sainte Mère de Dieu. Elevée.

V/. Plus haut que  les chœurs des Anges,  au céleste royaume. * La sainte. Gloire au Père. Elevée.

 

V/. Marie a été élevée au ciel : les Anges se réjouissent.

R/. Ils louent et bénissent le Seigneur.

 

L'Oraison est la Collecte de la Messe, page 472.

 

A LA  MESSE.

 

Quel est ce Roi de gloire ? demandaient, au jour de la triomphante Ascension, les gardien? des portes éternelles; et leur question, répétée dans le Psaume par deux fois (1), l'était une troisième en Isaïe s'écriant au nom des habitants des cieux : Quel est celui qui vient d'Edom dans la beauté de sa robe empourprée, dans l'élan de sa force victorieuse (2) ? Or, au Cantique sacré, trois fois comme pour le Fils se manifeste au sujet de la Mère le ravissement des célestes Principautés.

Quelle est celle-ci, qui s'avance comme l'aurore à son lever (3) ? Et cette première demande admirative est suscitée par la naissance de Marie en laquelle prend fin la nuit du péché.

Quelle est celle-ci, qui monte par le désert comme une vapeur embaumée de toutes sortes de parfums  (4) ? Et cette deuxième expression de

 

1. Psalm. XXIII, 8, 10. — 2.Isai. LXIII, 1. — 3. Cant. VI, 9.— 4. Ibid. III, 6.

 

470

 

l'étonnement angélique a pour objet l'incomparable vie de la Vierge, où se rencontrent tous les progrès, d'où se dégagent tous les arômes des vertus.

Quelle est celle-ci, qui s'élève du désert inondée de délices, appuyée sur son bien-aimé (1) ? Et c'est là, vue des cieux, la sortie du tombeau de la Vierge bienheureuse.

Elle a rempli sa mission, accompli l'oracle, brisé la tête du serpent maudit (3). De son coriège montent à nouveau vers les gardiens des remparts du ciel les paroles du psaume de triomphe : Ouvrez vos portes (3). Ainsi disait prophétiquement, en figure d'elle, Judith victorieuse : Ouvrez vos portes, car Dieu est avec nous, car il a signalé sa puissance (4).

Et voici que se lèvent derechef, en effet, les portes éternelles. Du moindre au plus grand, tous les bienheureux habitants des hauteurs s'avancent à la rencontre de celle qui monte de notre humble vallée (5). Plus démonstrative est la joie parmi les neuf chœurs, qu'elle ne le fut en Israël au jour où David introduisit l'arche figurative dans la cité sainte (6).

Faisons écho à l'allégresse des cieux. Que le solennel Introït de la fête soit pour nous la marche triomphale accompagnant l'entrée de Marie dans la vraie Sion. Le psaume d'épithalame, qui joint ses Versets à l'Antienne mélodieuse, est le trait d'union des chants du Sacrifice avec la lecture faite cette nuit du Cantique sacré.

 

1. Cant. VIII, 5. — 2. Gen. III, 15. — 3. Psalm. XXIII, 7. — 4. Judith. XIII, 13; Luc. I, 51.— 5. Judith, XIII, 15.— 6. II Reg. VI, 12-19.

 

472

 

INTROÏT.

 

RÉJOUISSONS-NOUS TOUS dans le Seigneur , et faisons fête en l'honneur de la bienheureuse Vierge Marie ; de son Assomption se réjouissent les Anges, et ils louent à l'envi le Fils de Dieu.

 

Ps. Mon cœur a proféré une parole excellente ; c'est au Roi que je dédie mes chants. Gloire au Père. Réjouissons-nous.

 

L'Oraison suivante demande le pardon et le salut par l'intercession de la Mère de Dieu. Son peu de rapport apparent au mystère de la solennité pourrait surprendre, si l'on oubliait qu'elle n'est que la deuxième Collecte de ce jour au Sacramentaire ; la première, que nous avons donnée plus haut, se disait au moment de la première réunion des fidèles, et elle proclame expressément l'impuissance de la mort à retenir Marie dans ses liens.

 

COLLECTE.

 

Daignez, Seigneur , pardonner les péchés de vos serviteurs ; afin que, dans l'impuissance de vous plaire par nos actes, nous soyons sauvés par l'intercession de la Mère de votre Fils notre Seigneur. Qui vit et règne avec vous.

 

473

 

ÉPÎTRE

Lecture du livre de la Sagesse. Eccli. XXIV.

 

J'ai cherché partout le repos, et j'ai voulu demeurer dans l'héritage du Seigneur. Alors le Créateur de toutes choses m'a parlé et fait connaître sa volonté ; et lui, qui m'a créée, s'est reposé dans mon tabernacle. Et il m'a dit : « Habitez en Jacob , et qu'Israël soit votre héritage, et prenez racine dans mes élus. » Et c'est ainsi que je me suis affermie dans Sion. J'ai donc trouvé mon repos dans la cité sainte, et ma puissance est établie dans Jérusalem. J'ai pris racine dans le peuple honoré du Seigneur, dans le peuple héritage de mon Dieu, et ma demeure est dans la plénitude des Saints. Je me suis élevée comme le cèdre au Liban, comme le cyprès de la montagne de Sion. Je me suis élevée comme le palmier en Cadès, et comme en Jéricho les plants des rosiers. Je me suis élevée comme un bel olivier dans la plaine, comme le platane sur les places au bord des eaux. J'ai donné mon parfum comme le cinnamome et le baume odorant; comme une myrrhe de choix j'ai donné ma senteur.

 

474

 

L'Epître qu'on vient de lire est en relation étroite avec l'Evangile qui va suivre. Le repos recherché de Marie est celui de la meilleure part, le repos de l'âme en la présence du Pacifique, qui trouve lui-même dans cette âme pacifiée la part préférée de son héritage (1). Nulle créature ne s'est approchée au point où l'a fait Notre-Dame de la paix où vit dans son éternité immuable la tranquille Trinité ; aussi nulle autre n'a mérité de devenir autant qu'elle le lieu du repos divin. Or, nulle activité ne saurait atteindre à l'excellence, à l'abondance des fruits d'une âme en laquelle le Seigneur se repose, parce qu'elle-même se repose en lui ; car ce repos est celui de l'Epoux. Lorsque le Seigneur aura donné le sommeil à ses bien-aimés, alors apparaîtra leur fécondité, dit le Psaume (2).

Nous tous, devenus les fils de Marie au jour où le Seigneur se reposa dans son tabernacle, comprenons ce que la magnificence des expressions de l'éternelle Sagesse nous révèle de sa gloire en ce jour de triomphe. La branche sortie de la tige de Jessé ne porte point seulement la fleur divine sur laquelle s'est reposée la plénitude de l'Esprit-Saint (3) ; elle a racine dans les élus, appelant du ciel en leurs rameaux la sève qui transforme leur nature et divinise leurs fruits. Ces fruits de Jacob et d'Israël, ces œuvres delà vie chrétienne ordinaire ou de la vie des parfaits, sont donc aussi le bien et la richesse de la divine Mère. Aujourd'hui l'éternelle Sion, la cité sanctifiée, le peuple glorifié, héritage du  Seigneur, la

 

1. Cant. VIII, 10-12. — 2. Psalm.  CXXVI. — 3. Isai.  XI, 1-3.

 

475

 

voient entrer à juste droit dans le repos sans fin où sa puissance s'affirmera d'autant plus en Jérusalem, que les Saints lui feront à jamais hommage de leur plénitude.

Mais combien cette plénitude des Saints rassemblés est elle-même dépassée par la plénitude des mérites personnels de Marie ! Autant le cèdre du Liban domine les fleurs de la plaine, autant et plus, après son Fils divin, Notre-Dame s'élève par delà toute sainteté créée. « Les arbres auxquels est comparée dans cette Epître la Bienheureuse Vierge en son exaltation, dit le Docteur angélique, peuvent être considérés comme représentant les divers ordres des bienheureux. Le sens de ce passage est donc que Marie, ayant eu les mérites de tous, a été exaltée par delà les Anges, les Patriarches et les Prophètes, les Apôtres, les Martyrs, les Confesseurs, les Vierges, par delà tous les Saints (1). »

 

Le Psaume XLIV°, dont les accents d'épithalame ont retenti déjà au Verset d'Introït, se poursuit au Graduel. La terre y chante les perfections qui ont mérité à l'Epouse l'appel du Roi des cieux. Dans le Verset, l'armée des Anges nous est montrée saluant l'entrée de sa Reine.

 

1. Thom. Aqu. Sermo in Assumpt. B. M. V.

 

GRADUEL.

 

Par la vérité, par la douceur et la justice, régnez ; vos œuvres nous révèlent une conduite merveilleuse.

 

V/. Ecoutez, ô ma fille ! voyez et prêtez l'oreille ; car le Roi est épris de votre beauté.

Alléluia, alléluia.

 

V/. Marie a été élevée au ciel, l'armée des Anges est dans la joie. Alleluia.

 

EVANGILE.

 

La suite du saint Evangile selon saint Luc. Chap. X.

 

En ce temps-là, Jésus entra dans un certain village, et une femme nommée Marthe le reçut dans sa maison. Or, elle avait une sœur nommée Marie ; et celle-ci,se tenant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. Mais Marthe se dépensait pour le détail du service, et, s'arrêtant, elle dit : Seigneur, n'avez-vous pas souci de ce que ma sœur me laisse servir seule ? Dites-lui donc qu'elle m'aide. Et répondant, le Seigneur lui dit : Marthe, Marthe,vous vous inquiétez et embarrassez de beaucoup de choses. Pourtant une seule chose est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, qui ne lui sera point enlevée.

 

Autrefois dans la Liturgie romaine (1) comme aujourd'hui encore chez les Grecs et les Mozarabes, l'Evangile du jour se continuait sans transition par ces versets d'un autre chapitre de

 

1. Thomasii Capitulare Evangeliorum.

 

477

 

saint Luc : Comme il disait ces choses, une femme élevant la voix du milieu de la foule, lui dit: Heureux le sein qui vous a porté, et les mamelles qui vous ont nourri ! Et Jésus dit : Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la pratiquent (1) !

Cette addition ramenait la pensée vers Notre-Dame ; mais l'épisode de Marthe et de sa sœur dans l'Evangile du jour n'en restait pas moins mystérieux. Ecoutons saint Bruno d'Asti résumer l'explication instructive qui nous est donnée de ce choix par la tradition. « Ces deux femmes sont, dit-il, les chefs de l'armée sainte ; c'est elles que suit le peuple entier des élus. Les uns vont après Marthe, les autres après Marie ; mais nul n'arrive à la patrie, qu'il ne suive ou celle-ci ou celle-là. Aussi les saints Pères ont-ils à bon droit statué que cet Evangile serait lu dans la fête principale de la Bienheureuse Vierge, parce que c'est elle que signifient les deux sœurs ; elle s'élève entre toutes les créatures, comme ayant plus qu'aucune réuni les privilèges des deux vies, à savoir l'active et la contemplative. Comme Marthe, et bien mieux, elle a reçu le Christ : elle l'a reçu, non pas dans sa maison seulement, mais dans son sein ; elle l'a servi davantage, l'ayant conçu, mis au monde, porté dans ses bras. Comme Marie, d'autre part, elle écoutait sa parole, et de plus la conservait pour nous tous en son cœur (2) ; elle contemplait son humanité, elle pénétrait aussi et plus que personne sa divinité. Elle a donc bien choisi la meilleure part, qui ne lui sera point enlevée (3) . »

 

1. Luc. XI,  27, 28.   2. Ibid.  11, 19. — 3. Bruno Ast. Homil. CXVII, In Assumpt. S. M V.

 

478

 

Or donc, poursuit saint Bernard, « Celui qu'elle reçut à son entrée dans cet humble monde, la reçoit en ce jour au seuil de la cité sainte. Point de lieu ne se trouva sur terre plus digne du Fils de Dieu que le sein de la Vierge ; point de trône plus sublime au ciel que celui où le Fils de Marie la fait asseoir à son tour. De part et d'autre bienheureuses réceptions, ineffables toutes deux, parce que toutes deux elles dépassent la pensée ! Qui racontera la génération du Fils (1), l'assomption de la Mère (2) ? »

A l'honneur de la Mère et du Fils, conformons nos mœurs aux enseignements évangéliques. Lorsqu'en nous Marthe se trouble, quand elle s'égare dans ses multiples sollicitudes, sachons la rappeler à l'unité de Marie. Soit en lui-même, soit dans ses membres, le Seigneur mérite seul d'arrêter notre pensée ; la valeur de toute chose, l'importance que nous devons dès lors lui attribuer dans notre conduite, se mesure à son rapport plus ou moins immédiat avec Dieu ou sa gloire. Que telle soit en tout la règle de nos appréciations : et la paix qui surpasse tout sentiment gardera nos intelligences et nos cœurs (3).

Aujourd'hui Marthe, l'Eglise de la terre, laissée seule aux combats, aux labeurs, se plaint de son abandon. Mais le Seigneur prend parti pour Marie, et lui confirme la meilleure part. Il est, à n'en pas douter, grande fête au ciel parmi les esprits angéliques : l'Offertoire revient à nouveau sur les démonstrations de leur allégresse auprès du Seigneur.

 

1. Isai. LIII, 8. — 2. Bern in Assumpt. B. M. V. Sermo I. — 3. Philip, IV, 7.

 

479

 

OFFERTOIRE.

 

Marie a été élevée au ciel: les Anges se réjouissent ; ils louent à l'envi et bénissent le Seigneur. Alleluia.

 

Ne laissons pas pourtant un sentiment de regret jaloux assombrir notre âme. Marie, comme tout passager de ce monde, a dû quitter la terre ; mais, dans la gloire, elle prie pour nous. C'est ce qu'exprime la Secrète.

 

SECRETE.

 

Que votre peuple trouve ,son secours, Seigneur, dans la prière de la Mère de Dieu ; suivant la condition de toute chair, elle a voulu quitter ce monde : mais puissions-nous ressentir les effets de son intercession pour nous dans la gloire des cieux. Par le même Jésus-Christ, notre Seigneur.

 

PREFACE.

 

C’est une chose digne et juste, équitable et salutaire, Seigneur saint, Père tout-puissant, Dieu éternel, de vous rendre grâces en tout temps et en tous lieux ; spécialement de vous louer, de vous bénir, de vous célébrer en l’Assomption de la bienheureuse Marie toujours Vierge. C'est elle qui a conçu votre Fils unique par l'opération du Saint-Esprit, et qui, sans rien perdre de la gloire de sa virginité, a donné au monde la Lumière éternelle, Jésus-Christ notre Seigneur : par qui les Anges louent votre majesté, les Dominations l'adorent, les Puissances la révèrent en tremblant, les Cieux , et les Vertus des cieux, et les heureux Séraphins la célèbrent avec transport. Daignez permettre à nos voix de s'unir à leurs voix, afin que nous puissions dire dans une humble confession : Saint ! Saint ! Saint !

 

Si vous m’aimiez, disait le Seigneur à ses disciples au moment de les quitter, vous vous réjouiriez de ce que je vais à mon Père (1). Nous qui aimons Notre-Dame, réjouissons-nous de ce qu'elle va vers son Fils. Gomme le chante l'Antienne de Communion, la meilleure part, qu'elle a choisie, lui est assurée pour jamais.

 

COMMUNION.

 

Marie a choisi pour elle la meilleure part, qui ui sera jamais enlevée.

 

Le pain sacré, que nous devons à Marie, nous reste toujours. Puisse-t-il, avec son intercession, nous garantir contre tous maux !

 

1.  JOHAN.  XIV, 28.

 

481

 

POSTCOMMUNION.

 

Rendus participants de la table céleste , nous implorons, Seigneur notre Dieu . votre clémence ; puissions-nous, célébrant l'Assomption de la Mère de Dieu, être délivrés par son intercession de tous les maux qui nous menacent. Par le même Jésus-Christ notre Seigneur.

 

A  SEXTE.

 

L'Hymne et les trois Psaumes dont se compose de l'Office deSexte, se trouvent ci-dessus, page 32.

 

Ant. Nous courons à l'odeur de vos parfums ;  les  jeunes filles vous aiment de tout leur amour.

 

CAPITULE.  (Eccli. XXIV.)

 

Et c’est ainsi que je me suis affermie dans Sion. J'ai donc trouvé mon repos dans la cité sainte, et ma puissance est établie dans Jérusalem. J'ai pris racine dans le peuple honoré du Seigneur, dans le peuple héritage de mon Dieu, et ma demeure est dans la plénitude des Saints.

 

R/. br. Marie a été élevée au ciel : * Les Anges se réjouissent. Marie.

V/. Ils louent et  bénissent le Seigneur. * Les Anges.

Gloire au Père. Marie.

R/. br. La Vierge Marie a été élevée au céleste séjour,

V/. Où le Roi des  rois est assis sur un trône étoilé.

 

 

L’Oraison est la Collecte de la Messe, page 472.

 

A NONE.

 

L 'Hymne et les Psaumes, ci-dessus, page 37.

 

CAPITULE.  (Eccli. XXIV.)

 

Sur les places, j'ai donné mon parfum comme le cinnamome et le baume odorant ; comme une myrrhe de choix j'ai donné ma senteur.

 

R/. br. La Vierge Marie a été élevée au céleste séjour,

V/. Où le Roi des  rois est assis sur un trône étoilé. * Au céleste séjour.

Gloire au Père. La vierge.

V/. Souffrez, ô Vierge sainte, que je célèbre vos louanges.

R/. Donnez-moi le courage contre vos ennemis.

 

L'Oraison, page 472.

 

 

AUX SECONDES VÊPRES.

 

Les Antiennes, les Psaumes, le Capitule, l'Hymne et le Verset, sont les mêmes qu'aux premières Vêpres, pages 457-461, à l'exception de l'Antienne de Magnificat.

 

ANTIENNE de Magnificat.

 

Aujourd'hui  la   Vierge Marie  est montée aux  cieux ;  réjouissez-vous, car  elle règne avec le Christ  à jamais.

 

Après l'Oraison de la fête, on fait mémoire d'un saint Confesseur qui fut assez heureux que d'être appelé au ciel au jour même du triomphe de Notre-Dame. L'Eglise, pour le mieux célébrer, a remis sa propre fête au lendemain de celle de Marie.

 

MÉMOIRE DE S. HYACINTHE, CONFESSEUR.

 

Ant. Je le comparerai à l'homme sage qui a bâti sa maison sur la pierre.

V/. Le Seigneur l'a aimé, et il l'a honoré.

R/. Il l'a revêtu d'un vêtement de gloire.

 

ORAISON.

 

Dieu qui nous réjouissez par la solennité annuelle du bienheureux Hyacinthe, votre Confesseur : soyez-nous propice; faites que nous imitions les actes de celui dont nous honorons la naissance au ciel. Par Jésus-Christ.

 

Aujourd'hui, dans toutes les églises de France, a lieu la procession solennelle instituée en souvenir et confirmation du vœu par lequel Louis XIII dédia le royaume très chrétien à la Bienheureuse Vierge.

Par lettres données à Saint-Germain-en-Laye, le 10 février 1638, le pieux roi déclarait consacrer à Marie sa personne, son état, sa couronne, ses sujets. « Nous enjoignons à l'archevêque de Paris, disait-il ensuite, que tous les ans, le jour et fête de l'Assomption, il fasse faire commémoration de notre présente déclaration à la grande Messe qui se dira en son église cathédrale, et qu'après les Vêpres dudit jour il soit fait une procession en ladite église, à laquelle assisteront toutes les compagnies souveraines et le corps de ville avec pareille cérémonie que celle qui s'observe aux processions plus solennelles. Ce que nous voulons aussi être fait en toutes les églises tant paroissiales que celles des monastères de ladite ville et faubourgs, et en toutes les villes, bourgs et villages dudit diocèse de Paris. Exhortons pareillement tous les archevêques et évêques de notre royaume, et néanmoins leur enjoignons de faire célébrer la Messe solennelle en leurs églises épiscopales, et autres églises de leurs

 

485

 

diocèses ; entendant qu'à ladite cérémonie les cours de parlement et autres compagnies souveraines, les principaux officiers des villes y soient présents. Nous exhortons lesdits archevêques et évêques... d'admonester tous nos peuples d'avoir une dévotion particulière à la Vierge, d'implorer en ce jour sa protection, afin que sous une si puissante patronne notre royaume soit à couvert de toutes les entreprises de ses ennemis ; qu'il jouisse longuement d'une bonne paix ; que Dieu y soit servi et révéré si saintement, que nous et nos sujets puissions arriver heureusement à la dernière fin pour laquelle nous avons tous été créés ; car tel est notre plaisir. »

A nouveau donc, le royaume de France s'affirmait le royaume de Marie. Moins d'un mois après la première fête célébrée conformément aux royales prescriptions, le 5 septembre 1638, naissait d'une union stérile vingt ans celui qui fut Louis XIV. Lui-même devait renouveler la consécration à Marie de la couronne et du sceptre de France (1). L'Assomption demeura, elle est toujours, pour ceux que ne séduisent pas des dates de révolte et d'assassinat, la fête nationale du pays.

 

1. 25 Mars 1650.

 

Voici les prières spéciales qui se dirent tous les ans jusqu'à la chute de la monarchie, en exécution du vœu de Louis XIII. Nous donnons l'Oraison dans son texte primitif.

 

ANTIENNE.

 

Nous  avons  recours  à  votre protection sainte  Mère de Dieu : dans  nos besoins ne méprisez pas nos prières ; mais délivrez-nous toujours de tous maux, Vierge glorieuse et bénie.

 

V/. O Dieu, donnez au roi votre science du jugement et au fils du roi celle de votre justice.

R/. Pour juger votre peuple dans l'équité et vos pauvres dans la droiture.

 

ORAISON.

 

Dieu, roi des rois et des royaumes, leur guide et leur gardien, vous qui avez donné comme fils à la bienheureuse Vierge Marie votre propre Fils unique et le lui avez soumis : accueillez favorablement les vœux de votre serviteur le très chrétien roi des Francs, de son peuple fidèle et de tout le royaume; ils se soumettent eux-mêmes à l'empire de cette bienheureuse Vierge, ils se dévouent, s'engagent et se consacrent à son service : puissent-ils en retour obtenir,durant cette vie la tranquillité et la paix, au ciel l'éternelle liberté. Par le même Jésus-Christ, notre Seigneur.

 

Nous ne devons pas omettre de rappeler que la Hongrie fut de même consacrée à la Mère de Dieu par son premier roi, saint Etienne. Le présent jour y prit dès lors l'appellation du jour de la grande souveraine, dies Magnœ Dominae. Marie reconnut la piété de l'apostolique prince : ce fut

 

487

 

le 15 août 1038, qu'il échangea pour la couronne des cieux son trône de la terre : nous le retrouverons sur le Cycle au deuxième jour de septembre. Au XVI° siècle, on vit en plusieurs lieux les Luthériens continuer après leur apostasie d'observer l'Assomption de la bienheureuse Vierge, que les populations n'eussent pas laissé supprimer. La coutume d'un grand nombre d'églises d'Allemagne était, comme en font foi leurs Bréviaires et Missels, de célébrer durant trente jours consécutifs par des réunions et des chants le triomphe de Marie.

 

Tressons notre couronne liturgique à Marie glorifiée. Par où mieux commencer que par ces fleurs de si parfait, de si plein arôme, que le sol gaulois fit surgir aux premiers jours ? On verra que dans la Messe du 18 janvier, d'où elles sont prises, nos pères célébraient à la fois la maternité de Notre-Dame et son triomphe.

 

MISSA IN  ADSUMPTIONE S. M. M. D  N.

 

Célébrons l'ineffable mystère du jour glorieux consacré à la Mère du Seigneur ; il mérite d'autant plus la louange, ce mystère, que l'Assomption de la Vierge le rend unique parmi les hommes. Il nous montre une vie où la virginité met au monde un fils, une mort qui n'a pas sa semblable. L'étonnement que suscite une telle mort, n'est pas moindre que l'allégresse causée par ce bienheureux enfantement. Admirons cette conception par la foi; exaltons le passage dans lequel consiste cette mort. Que spéciales soient les manifestations de la joie, que se multiplient les effusions de l'amour, que la dévotion réponde à l'objet de la fête. Frères bien-aimés , que notre cœur soit tout entier à la prière : obtenons l'aide et le suffrage de la Vierge féconde, de l'heureuse mère, au mérite éclatant, au départ fortuné ; supplions notre miséricordieux Rédempteur, qu'il daigne conduire le peuple ici présent où il a glorieusement élevé la Bienheureuse Marie, sa Mère, à laquelle ses Apôtres ont rendu les devoirs suprêmes. Qu'il daigne nous accorder cette grâce, celui qui avec le Père et le Saint-Esprit vit et règne, étant Dieu, dans les siècles.

 

COLLECTIO POST NOMINA .

 

Nos vœux s'adressent à l'hôte du sein virginal, à l'Epoux du sanctuaire bienheureux, au Seigneur du tabernacle, au Roi du temple ; l'innocence conférée par lui à sa Mère fut telle, que sadivine personne daignât y prendre chair et en être engendrée. N'ayant rien de commun avec le siècle, l'âme uniquement tournée vers la prière, cette mère observa dans ses mœurs la pureté qu'au salut de l'Ange elle avait reçue dans ses entrailles ; aussi, par son Assomption, ne connut-elle point la mort pour en être souillée, celle qui porta l'Auteur de la vie. Frères très chers, implorons par des prières ferventes le Seigneur : que sa miséricorde délivre les défunts de l'abîme, et les admette là où le corps de la Bienheureuse Vierge a été transféré du sépulcre. Qu'il daigne faire ainsi, Celui qui vit dans une  Trinité parfaite.

 

CONTESTATIO.

 

Il est digne et juste, Dieu tout-puissant, il est équitable que nous vous rendions de grandes actions de grâces en ce temps consacré, en ce jour vénérable entre tous. Comme le fidèle Israël sortit de l'Egypte, ainsi la Vierge Mère de Dieu passa du monde au Christ. Pas plus que la corruption de la vie, elle ne connut la dissolution du tombeau. Exempte de souillure, glorieuse en sa fécondité , délivrée par son assomption, elle règne au Paradis comme Epouse. Vierge toujours pure, elle porte un fruit d'allégresse ; la douleur est absente de son enfantement, la peine de sa mort ; sa vie fut au-dessus de la nature, son trépas ne fut pas une dette exigée par celle-ci. Chambre nuptiale brillante, d'où  sort l'incomparable Epoux, la lumière des nations, l'espérance des fidèles, le spoliateur des démons, la confusion des Juifs ! Vase de vie, tabernacle de gloire, temple céleste ! Mais de cette vierge nouvelle les mérites éclatent mieux, si les gestes de l'ancienne Eve en sont rapprochés.

 

Celle-là produit la vie pour le monde ; celle-ci donne naissance à l'empire de la mort. Celle-ci prévarique et nous perd ; celle-là engendre et nous sauve. Celle-ci par le fruit de l'arbre nous frappe à la racine; de cette branche sort la fleur dont le parfum nous réconforteront le fruit nous guérit. L'une sous la malédiction engendre dans la douleur ; l'autre retrouve la bénédiction, assure le salut. La perfidie de l'une conspire avec le serpent, trompe son époux, perd sa race ; l'obéissance de l'autre apaise le Père, mérite le Fils, délivre sa descendance. L'une nous présente dans le suc d'un fruit l'amertume; l'autre fait couler de la source de son Fils la douceur sans fin. Telle est l'aigreur de la pomme d'Eve, que les dents des enfants en demeurent agacées ; la suavité du pain de la Vierge les raffermit et les nourrit : nul avec elle ne meurt, que celui qui en présence de ce pain rassasiant reste dégoûté. Mais il est temps de laisser les vieux gémissements pour les nouvelles joies.

 

Nous revenons  donc à vous, Vierge féconde, Mère toujours pure qui ne connûtes point d'homme, qui enfantez, mais dont le Fils vous apporte l'honneur et non la  souillure. Heureuse, vous par qui sont arrivées jusqu'à nous les joies que vous avez conçues ! Nous nous sommes félicités de votre naissance, nous avons tressailli à votre enfantement, nous nous glorifions de votre passage au ciel. Il n'eût pas suffi sans doute que le Christ sanctifiât votre entrée ;  d'une telle Mère, il devait illustrer aussi la sortie. Il était juste que, l'ayant reçu dans votre amour  quand vous le conçûtes par la seule  foi, lui-même à son tour vous reçût dans sa félicité par cette Assomption ; celle en qui la terre n'avait point eu de prise ne pouvait être retenue sous la  roche du tombeau.

 

Véritablement donc, que de merveilles inaccoutumées ! Les Apôtres lui rendent le devoir suprême ; les Anges la célèbrent en leurs chants; le Christ la reçoit dans ses bras ; une nuée est son char ; son Assomption l'élève au Paradis ; parmi les chœurs des Vierges elle exerce une principauté glorieuse. Par le Christ notre Seigneur, à qui les Anges et les Archanges.

 

492

 

La Liturgie ambrosienne compose sa Préface de la Messe de Vigile avec les termes mêmes de la Collecte romaine qui se disait au moment de la solennelle Litanie précédemment décrite. Nous lui emprunterons les deux Antiennes suivantes de la Messe du jour.

 

CONFRACTORIUM.

 

Soyez dans la joie, Vierge, Mère du Christ, vous tenant à sa droite en votre vêtement d'or, environnée de charmes.

 

TRANSITORIUM.

 

Nous vous exaltons, Mère de Dieu, parce que de vous est né le Christ, sauvant tous ceux qui vous glorifient. Sainte souveraine, Mère de Dieu, faites-nous part des grâces qui vous ont sanctifiée.

 

Les Mozarabes seront représentés par ces pièces de leurs Vêpres de la fête.

 

LAUDA.

 

Vierge d'Israël, prenez le tympanon,

R/. Et sortez au milieu des chœurs.

V/. Vous êtes bienheureuse, Reine qui vous élevez comme la lumière.

R/. Et sortez. Que le Seigneur soit toujours avec vous.

R/. Et avec votre esprit.

 

SONO

 

Que le Seigneur Dieu  du ciel  vous   bénisse : l'honneur  du royaume de David est en vous.

R/. Et l'on verra se prosterner devant vous les fils de nations nombreuses. Alleluia.

V/. Ecoutez, fille de Sion, en ce jour de votre gloire où  votre  visage  resplendit dans le temple de Dieu ; le Soleil de justice se lève à     votre entrée.  

R/. Et l'on verra. Que le Seigneur

V/. Et avec.

 

ANTIPHONA.   

 

Vous êtes bénie par le Dieu très haut plus que toutes les femmes.

R/. C'est pourquoi la bouche des hommes ne cessera point jusqu'à l'éternité de proclamer vos louanges.

V/. Votre pied ne sera jamais ébranlé; il ne s'endormira pas celui qui vous garde.

R/. C'est pourquoi.

V/. Gloire et honneur au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit dans les siècles des siècles. Amen.

R/. C'est pourquoi.

Que le Seigneur.

R/. Et avec.

 

LAUDA.

 

Mes rameaux sont des rameaux d'honneur et de grâce. Alléluia.

 

R/. J’ai comme la vigne fructifié dans une suavité parfumée. Alleluia, alleluia, alleluia,  alleluia.

V/. Je suis comme un olivier chargé de fruits dans la maison du Seigneur ; j'espérerai dans la miséricorde de mon Dieu pour l'éternité, pour les siècles des siècles.

R/. J'ai comme.

V/. Gloire et honneur au Père,

R/. J'ai comme.

 

ORATIO.

 

Nous contemplons, Seigneur Dieu, la glorieuse Vierge Marie, qui s'élève aujourd'hui de la vallée des larmes et du désert du monde à d'inénarrables hauteurs, appuyée sur son bien-aimé, votre Fils unique et son Fils. Quelle gloire spéciale, quel joyau précieux est cette unité de nature entre l'immaculée Mère et le corps pris d'elle par la personne divine du Seigneur ! C'est pourquoi, nous vous en supplions, Dieu souverain, ineffable : puissent nos énergies se diriger au but ou nous précède aujourd'hui dans son fort amour, et comme notre digne avocate, cette bienheureuse Vierge !

 

R/. Amen.

Par votre miséricorde,  ô notre Dieu, qui êtes béni, et vivez, et gouvernez tout dans les siècles des siècles.

 

Les Grecs nous donnent cette gracieuse composition, dont les huit premières strophes s'adaptent aux huit tons musicaux, pour revenir dans la neuvième au premier, ayant ainsi chanté sur tous les modes le triomphe de Marie (1).

 

1. J.-B. Pitra, Analecta  Spicilegio Solesmensi parata, I, LXX, ex Anthologio

 

IN OFFICIO VESPERTINO.

 

A un signal de la toute-puissance, les Apôtres qui portent Dieu furent enlevés sur les nuées par les airs.

A leur arrivée, ils saluèrent dans un langage sublime votre corps très pur, principe de la vie.

Cependant les plus élevées des puissances des cieux, venant avec leur Seigneur, forment cortège au corps sans tache qui a renfermé Dieu ; saisies de crainte, elles remontent vers les célestes demeures,

Et elles crient comme font les esprits aux chefs des angéliques phalanges : « Voici qu'arrive la reine de tous, la Mère de Dieu !

« Ouvrez les portes, et recevez dans les hauteurs la mère de la lumière éternelle.

« Par elle s'est accompli l'universel salut des mortels. Nos yeux sont impuissants à fixer sa beauté.

« Elle ne saurait être assez honorée ; car son mérite surpasse toute pensée. »

C'est pourquoi, immaculée, ô Mère de Dieu, vivant à jamais dans la société du prince de la vie né de vous, intercédez pour nous sans cesse ; soyez notre garde ; sauvez de tout choc de l'ennemi cette jeunesse qui est vôtre Car nous avons droit à votre secours « A vous, dans  les splendeurs de l'éternité, nos acclamations !

 

Cueillions de même quelques traits  dans les chans Chaldéens.

 

IN ASSUMPTIONE V. MARIAE.

 

L'homme ne saurait louer comme il faut la Mère du Seigneur des anges et des hommes ; ni les hommes ne peuvent la comprendre, ni les anges la pénétrer pleinement :

Objet qu'elle est d'admiration dans sa vie mortelle, de stupeur dans sa mort vivifiante.

Durant sa vie, elle était morte au monde ; à sa mort, elle ressuscite les morts.

Vers  elle  les Apôtres s'empressent des régions lointaines, les anges descendent des hauteurs du ciel pour l'honorer comme il convient.

Les Vertus s'animent mutuellement, les Principautés se répandent comme des nuages enflammés, les Dominations sont dans la joie, les Puissances tressaillent.

Les Trônes multiplient la louange, tandis que les Séraphins exaltent la gloire de son bienheureux corps, et que les Chérubins célèbrent dans leurs chants celle qui s'avance au milieu d'eux.

L'air et les nuées s'inclinent à son passage ; les tonnerres applaudissent en louant son Fils dans leur concert ; la pluie et la rosée portent envie à son sein virginal :

Car elles nourrissent les plantes, mais lui a nourri le Seigneur des plantes.

 

Raoul de Tongres, qui écrivit au XIVe siècle son livre De l'observance des canons dans les Offices de L’Eglise, signale l'Hymne suivante comme usitée de son temps pour la fête de ce jour (1).

 

1. Radulph. De canon observ. Prop. XIII.

 

HYMNE.

 

O que glorieuse est la lumière dont vous brillez,  royale fille de la race de David ! Du trône où vous êtes élevée, Vierge Marie, vous dominez tous les habitants des cieux.

 

Mère en gardant l'honneur de la virginité, vous offrîtes comme palais votre cœur au Seigneur des Anges ; la pureté prépara votre sein sacré : Dieu fut chair,  et le Christ naquit.

 

C'est lui qu'adore en tremblant l'univers, lui devant qui tout genou à cette heure fléchit dévotement, lui de qui nous implorons, par votre secours, la fin de nos ténèbres et les joies de la lumière.

 

Accordez-nous cette grâce, Père de toute lumière, par votre Fils, dans l'Esprit-Saint : avec vous il vit et règne ce Fils, dans les cieux resplendissants, gouvernant tous les siècles.

Amen.

 

Terminons par cette suave Séquence.

 

SÉQUENCE.

 

Inondée de délices, la fille du roi David est portée dans les bras de l'Epoux aux célestes trônes ; la bien-aimée ,  cherchant l'Epoux parmi les lis, s'empresse de le rejoindre où il était allé.

 

Aujourd'hui s'ouvre pour Esther la chambre du Roi : elle y vient conjurer le danger provenu des perfidies d'Aman notre ennemi, qui enserre le monde dans les liens du péché pour lui donner la mort.

 

Traversant les palais des cieux, elle franchit les diverses barrières, pour pénétrer jusqu'aux appartements royaux ; là, aujourd'hui, sa bouche virginale baise le sceptre d'or, qui est le Christ : ainsi est accordée paix à l'Eglise.

 

En Rama, ici-bas, la voix de Rachel se fait entendre ; mais un chant suave à votre honneur remplit le lieu des embrassements, des douces paroles de l'Epoux, dont vous jouissez, ô fortunée, plus qu'aucun habitant des cieux.

 

La terre vous envoie aujourd'hui à la céleste cour, comme la femme prudente de Thécua au roi David, comme la Sunamite au véritable Elisée : faites-nous rappeler de notre exil, faites-nous ressusciter de la mort, pour goûter les joies éternelles où vous êtes dans la gloire.

Amen.

 

Vous avez goûté la mort, ô Marie ! Mais son V sommeil, comme le sommeil d'Adam aux premières heures du monde, n'a été qu'une extase mettant en présence l'Epoux et l'Epouse. Comme le sommeil de l'Adam nouveau au grand jour du salut, il appelait aussi le réveil de la résurrection. Déjà, par le Christ Jésus, notre nature, dans la totalité de son être, âme et corps, régnait aux cieux (1) ; mais, comme au paradis du premier jour, il n'était point bon que l'homme fût seul sous le regard de la Trinité sainte (2). A la droite de Jésus paraît aujourd'hui la nouvelle Eve (3), en tout semblable au chef divin dans le vêtement de sa chair glorifiée ; rien ne manque plus au paradis de l'éternité.

 

O Marie, qui, selon l'expression de votre dévot serviteur, Jean Damascène, avez rendu la mort bienheureuse et joyeuse (4), détachez-nous de cette terre où rien ne saurait plus nous retenir. Nous vous avons accompagnée de nos vœux (5); nous vous avons suivie, du regard de l'âme, aussi loin que l'ont permis les bornes de notre mortalité : et maintenant, nos yeux pourront-ils jamais se reporter sur ce monde de ténèbres ? Vierge bénie, pour sanctifier l'exil, pour nous aider à vous rejoindre, assurez-nous le secours des vertus dont le vol sublime vous a portée à ces hauteurs. En nous aussi, il faut qu'elles régnent ; en nous aussi, il faut qu'elles brisent la tête du serpent maudit : pour qu'un jour, en nous aussi, elles triomphent O jour des jours, où l'espérance de Job sera pour nous dépassée (6), où nous verrons

 

1. Eph. II, 6 — 2. Gen. II, 18. — 3. Psalm. XLIV, 10. — 4. Joan. Damasc in Dormit. B. M. Homil. I. — 5. Bernard. Sermo IV in Assumpt. — 6. Job. XIX, 23-21.

 

501

 

non point seulement le Rédempteur, mais la Reine qui se tient si près du Soleil de justice qu'elle en est revêtue (1), éclipsant de son éclat les splendeurs des Saints!

L'Eglise, il est vrai, nous reste, ô Marie, l'Eglise elle aussi notre Mère, et qui poursuit votre lutte contre le dragon aux sept têtes odieuses. Mais elle aussi soupire après l'heure où lui seront données les ailes d'aigle (2) qui lui permettront de s'élever comme vous par le désert, et d'atteindre l'Epoux. Voyez-la parcourant comme la lune à vos pieds ses phases laborieuses; entendez les supplications qu'elle vous adresse comme à sa médiatrice auprès du Soleil divin : que par vous elle reçoive la lumière ; que par vous elle mérite faveur auprès de Celui qui vous a aimée, revêtue de gloire, couronnée de beauté (3).

 

1. Apoc. XII, 1. — 2. Ibid. 14. — 3. Bernard. Sermo V in Assumpt.

 

 

 

 

 

Précédente Accueil Remonter Suivante